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le 13 octobre 1999

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N° 1833

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 6 octobre 1999.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Colombie,

PAR M. ROLAND BLUM,

Député

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 277, 367 et T.A. 141 (1998-1999)

Assemblée nationale : 1657

Traités et conventions

La Commission des Affaires étrangères est composée de : M. Jack Lang, président ; MM. Georges Hage, Jean-Bernard Raimond, Roger-Gérard Schwartzenberg, vice-présidents ; M. Roland Blum, Mme Monique Collange, François Loncle, secrétaires ; Mmes Michèle Alliot-Marie, Nicole Ameline, M. René André, Mmes Marie-Hélène Aubert, Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Raymond Barre, Dominique Baudis, François Bayrou, Henri Bertholet, Jean-Louis Bianco, André Billardon, André Borel, Bernard Bosson, Pierre Brana, Jean-Christophe Cambadélis, Hervé de Charette, Yves Dauge, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Xavier Deniau, Paul Dhaille, Mme Laurence Dumont, MM. Jean-Paul Dupré, Charles Ehrmann, Laurent Fabius, Jean-Michel Ferrand, Georges Frêche, Jean-Yves Gateaud, Jean Gaubert, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Godfrain, Pierre Goldberg, François Guillaume, Jean-Jacques Guillet, Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, MM. Didier Julia, Alain Juppé, André Labarrère, Gilbert Le Bris, Jean-Claude Lefort, François Léotard, Pierre Lequiller, Bernard Madrelle, René Mangin, Jean-Paul Mariot, Gilbert Maurer, Charles Millon, Mme Louise Moreau, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, MM. Etienne Pinte, Marc Reymann, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, MM. René Rouquet, Georges Sarre, Henri Sicre, Mme Christiane Taubira-Delannon, M. Michel Terrot, Mme Odette Trupin, MM. Joseph Tyrode, Michel Vauzelle, Philippe de Villiers

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi qui nous est soumis a pour objet d'autoriser l'approbation de la Convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre la France et la Colombie, signée à Paris le 21 mars 1997. Le projet de loi a été adopté par le Sénat le 1er juin 1999.

L'exécution, en Colombie, des commissions rogatoires délivrées par des juges français ayant rencontré des difficultés, la France a accueilli favorablement, en 1994, la proposition colombienne d'ouvrir des négociations en vue de la conclusion d'une convention d'entraide judiciaire en matière pénale.

Le volume des demandes d'entraide en matière pénale entre ces deux Etats a été de neuf demandes en 1997 et de douze demandes en 1998. Ces demandes s'équilibrent dans les deux sens et concernent, en majorité, des infractions liées à la législation sur les stupéfiants.

La convention de 1997 permettra d'établir un cadre de coopération efficace pour la répression des infractions pénales. Ses stipulations s'inspirent très largement de celles de la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959.

Avant d'examiner ce projet de loi, votre Rapporteur évoquera brièvement l'évolution récente de la Colombie ainsi que l'état des relations franco-colombiennes.

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* *

I - LA COLOMBIE EST UN PAYS EN TRANSITION AVEC LEQUEL LA FRANCE ENTRETIENT DE BONNES RELATIONS

A - La Colombie doit relever les défis qui pèsent sur son développement

L'actuel président de la République, M. Andres Pastrana, élu en juin 1998, a hérité d'une situation politique et sociale dégradée. La Colombie peine, en effet, à sortir d'une longue tradition de violence politique. Les affrontements entre la guérilla, les forces armées et les groupes paramilitaires ont fait plus de 120 000 morts depuis 1948. Les assassinats de militants pour la paix se sont multipliés ces derniers mois, le dernier en date étant celui de Jesus Antonio Bejarano, ancien conseiller du gouvernement pour la concorde nationale.

Le Chef de l'Etat a lancé plusieurs initiatives afin d'instaurer la paix civile dans le pays. Il a ainsi ouvert le dialogue avec la guérilla. Une zone démilitarisée de 42 000 km2 a été mise à la disposition des forces armées révolutionnaires colombiennes (FARC) et le Président Pastrana a rencontré à deux reprises leur chef historique, Manuel Marulanda, dit Tirofijo. Les deux parties éprouvent cependant des difficultés à définir un ordre du jour commun.

Le second fléau pesant sur la société colombienne est la drogue. Le pays est en effet le premier producteur mondial de cocaïne avec 75 % du total. La drogue alimente la violence politique car les différentes factions armées veulent en contrôler la production afin de financer leur effort de guerre. La question de la drogue est devenue, par ailleurs, l'enjeu central des relations entre la Colombie et les Etats-Unis. Ces derniers, qui sont le premier consommateur mondial de cocaïne, exigent de la part des Colombiens une détermination sans faille dans la lutte contre le narcotrafic.

M. Pastrana a présenté à Washington le 21 septembre 1999 un ambitieux "plan pour la paix, la prospérité et le renforcement de l'Etat". Ce plan a un double objectif : d'une part, l'achèvement du processus de paix et, d'autre part, l'éradication des centres de production de la drogue. Il n'a pas convaincu Washington qui l'a jugé irréaliste. Les Etats-Unis ont donc refusé de financer une partie du coût de ce plan. De plus, les FARC ont publié un communiqué très critique à l'égard de cette initiative, estimant qu'elle prépare une intervention américaine sous couvert de lutte contre la drogue.

B - La France entretient de bonnes relations avec la Colombie

Le dialogue politique s'est renforcé depuis quelques années entre les deux pays. Ainsi, le prédécesseur de M. Pastrana, M. Samper s'est rendu à Paris à deux reprises au cours de son mandat. M. Pastrana a rencontré le Chef de l'Etat en juillet 1998. A cette occasion, la France a donné son accord de principe pour une participation, le moment venu, à un groupe des amis de la Colombie.

Avec une aide annuelle de plus de 48 millions de francs, la France se situe parmi les premiers pays fournisseurs d'aide à la Colombie. La coopération culturelle, scientifique et technique est importante et variée. Elle est en grande partie consacrée au financement des trois établissements français relevant du réseau de l'Agence pour l'enseignement du français à l'étranger ainsi qu'à l'appui des 11 Alliances françaises implantées dans le pays.

La France contribue activement à la mise en place d'une économie de substitution à la drogue par l'encouragement des cultures alternatives. Dans ce cadre, le système français Spot-Image a été retenu pour la télédétection satellitaire des centres de traitement de la drogue.

Les relations économiques bilatérales restent, en revanche, insuffisantes. Des entreprises françaises ont remporté d'importants contrats dans des domaines tels que la défense et le pétrole mais notre part de marché n'est que de 2,5 %. La France est le septième fournisseur de la Colombie et son deuxième fournisseur européen derrière l'Allemagne. La Colombie constitue notre cinquième marché en Amérique Latine après le Brésil, l'Argentine,le Mexique et le Chili.

II - LA CONVENTION D'ENTRAIDE JUDICIAIRE EN MATIERE PENALE

La convention signée le 21 mars 1997 est un instrument de facture classique, qui reprend pour l'essentiel les stipulations des accords de même nature déjà signés par la France et s'inspire de la Convention européenne d'entraide judiciaire du 20 avril 1959.

Les principales stipulations sont les suivantes :

A - L'étendue de l'entraide

Aux termes de l'article premier, les deux Etats "s'engagent à s'accorder mutuellement l'aide judiciaire la plus large possible dans toute procédure visant des infractions pénales dont la répression est, au moment où l'entraide est demandée, de la compétence des autorités judiciaires de la partie requérante".

Le principe d'entraide est assorti de trois exceptions et de trois possibilités de refus.

Les exceptions au principe de l'entraide judiciaire concernent l'exécution des décisions d'arrestation et de condamnation et les infractions militaires qui ne constituent pas des infractions de droit commun. L'entraide est également refusée si la demande a pour objet une mesure de confiscation et que les faits à l'origine de la demande ne constituent pas une infraction au regard de la législation de la partie requise.

Les possibilités de refus sont de deux types.

Les possibilités de refus classiques s'inspirent de la convention européenne. Elles se rapportent aux infractions politiques et aux demandes d'entraide de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels de l'Etat requis.

La troisième possibilité de refus est spécifique à la Convention. L'Etat requis peut ne pas accéder à une demande d'entraide si elle a pour objet une perquisition ou une mesure conservatoire et que les faits à l'origine de la requête ne constituent pas une infraction pour la loi de l'Etat requis.

B - La nature de l'entraide

L'Etat requis fait exécuter, dans les formes prévues par sa législation, les demandes d'entraide qui ont pour objet d'accomplir des actes d'instruction ou de communiquer des pièces à conviction, des dossiers ou des documents.

L'Etat requérant peut demander de rechercher, de saisir ou de confisquer les produits d'une infraction à sa législation susceptibles de se retrouver sur le territoire de la partie requise.

Par ailleurs, une partie peut demander à l'autre de diligenter sur son territoire des poursuites pénales pour des faits susceptibles de constituer des infractions pénales relevant de la compétence de cette dernière.

La Convention prévoit les formalités relatives à la remise des actes judiciaires et les conditions de comparution des témoins, experts et personnes poursuivies, assorties des restrictions et garanties habituelles. Les citations à comparaître doivent être adressées à l'Etat requis au plus tard quarante jours avant la date fixée pour la comparution.

La Convention organise également la communication des extraits de casier judiciaire.

C - La procédure d'entraide

Les demandes d'entraide sont adressées de ministère de la Justice à ministère de la Justice.

La Convention précise les mentions devant figurer dans la demande, essentiellement son objet et son motif, un exposé des faits et leur qualification et, le cas échéant, les questions susceptibles d'être posées dans le cas d'une audition ou d'un interrogatoire ainsi qu'une description des biens à rechercher, saisir ou confisquer.

Les demandes et les pièces les accompagnant sont rédigées dans la langue de l'Etat requérant et accompagnées d'une traduction dans la langue de l'Etat requis.

L'exécution des demandes d'entraide ne donne lieu au remboursement d'aucun frais, à l'exception de ceux résultant d'expertises et de transfèrement de personnes détenues.

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Telles sont les principales stipulations de la Convention qui nous est soumise.

On rappellera que la France est liée par des conventions de ce type avec plusieurs pays du continent américain. Sont actuellement en vigueur les conventions d'entraide judiciaire en matière pénale avec le Canada et le Mexique et la France a signé des conventions avec le Brésil, l'Uruguay, le Paraguay, Cuba, l'Argentine et la République dominicaine.

Au bénéfice de ces observations, votre Rapporteur vous recommande l'adoption du projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 6 octobre 1999.

Après l'exposé du Rapporteur, M. Pierre Brana a fait observer que la guérilla colombienne se réfugiait dans les forêts du Panama causant de grandes inquiétudes aux autorités panaméennes au moment où les Etats-Unis doivent leur remettre le canal dont la circulation risque d'être entravée par cette même guérilla.

M. Roland Blum a déclaré souscrire à ces propos.

Le Président Jack Lang a répondu que l'on ne pouvait que souhaiter que ceci n'arrivât pas.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (n° 1657)

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La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 1657).

N°1833. - RAPPORT de M. Roland BLUM (au nom de la commission des affaires étrangères) sur le projet de loi, adopté par le Sénat (n° 1657), autorisant l'approbation de la convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Colombie


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