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N° 1873

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 octobre 1999.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN (1) SUR LE PROJET DE LOI de financement de la sécurité sociale pour 2000,

PAR M. Jérôme CAHUZAC,

Député.

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros : 1835 et 1876.

Sécurité sociale.

La commission des finances, de l'économie générale et du plan est composée de  M. Augustin Bonrepaux, président ; M. Didier Migaud, rapporteur général ; MM. Michel Bouvard, Jean-Pierre Brard, Yves Tavernier, vice-présidents, MM. Pierre Bourguignon, Jean-Jacques Jégou, Michel Suchod, secrétaires ; MM.  Maurice Adevah-Poeuf, Philippe Auberger, François d'Aubert, Dominique Baert, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, François Baroin, Alain Barrau, Jacques Barrot, Christian Bergelin, Eric Besson, Alain Bocquet, Jean-Michel Boucheron, Mme Nicole Bricq, MM. Christian Cabal, Jérôme Cahuzac, Thierry Carcenac, Gilles Carrez, Henry Chabert, Didier Chouat, Alain Claeys, Charles de Courson, Christian Cuvilliez, Arthur Dehaine, Jean-Pierre Delalande, Francis Delattre, Yves Deniaud, Michel Destot, Patrick Devedjian, Laurent Dominati, Raymond Douyère, Tony Dreyfus, Jean-Louis Dumont, Daniel Feurtet, Pierre Forgues, Gérard Fuchs, Gilbert Gantier, Jean de Gaulle, Hervé Gaymard, Jacques Guyard, Pierre Hériaud, Edmond Hervé, Jacques Heuclin, Jean-Louis Idiart, Mme Anne-Marie Idrac, MM. Michel Inchauspé, Jean-Pierre Kucheida, Marc Laffineur, Jean-Marie Le Guen, Guy Lengagne, Maurice Ligot, François Loos, Alain Madelin, Mme Béatrice Marre, MM. Pierre Méhaignerie, Louis Mexandeau, Gilbert Mitterrand, Jean Rigal, Alain Rodet, Nicolas Sarkozy, Gérard Saumade, Philippe Séguin, Georges Tron, Philippe Vasseur, Jean Vila.

INTRODUCTION 7

CHAPITRE PREMIER : LE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE 13

I.- LE RETOUR À L'ÉQUILIBRE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE 13

A.- L'ÉQUILIBRE DU PROJET DE LOI DE FINANCEMENT 13

1.- Les « soldes » de la sécurité sociale 14

2.- L'incidence des mesures proposées 16

a) La réforme des cotisations patronales et la stabilité des prélèvements sociaux 17

b) Les améliorations de prestations 18

c) La consolidation des retraites par répartition 19

B.- L'AMÉLIORATION DES COMPTES SOCIAUX DANS UNE PERSPECTIVE PLURIANNUELLE 19

1.- Les recettes (article 6) 19

a) L'élargissement de l'assiette des recettes sociales 20

b) La faible incidence de la loi sur la couverture maladie universelle sur les recettes sociales 22

c) La quantification de l'incidence de la réduction du temps de travail 23

d) Les fruits de la croissance 24

2.- Les dépenses (article 27) 25

3.- L'équilibre 27

II.- LES MESURES DE RECETTES 28

A.- LA CONTRIBUTION SOCIALE SUR LES BÉNÉFICES DES SOCIÉTÉS (ARTICLE 3) 28

B.- LA TAXE GÉNÉRALE SUR LES ACTIVITÉS POLLUANTES (ARTICLE 4) 30

1.- La nouvelle affectation de la TGAP 30

a) Le problème juridique 31

b) Le débat de fond sur l'affectation 32

2.- L'élargissement de la TGAP 34

a) Les lessives 35

b) Les granulats 35

c) Les produits phytosanitaires 36

C.- DES PRÉLÈVEMENTS SOCIAUX AGRICOLES PLUS SIMPLES ET FAVORABLES À L'INSTALLATION 38

1.- Améliorer l'exonération « jeunes agriculteurs » 38

2.- Déplafonner les cotisations maladie 39

3.- Simplifier et harmoniser les assiettes des cotisations et de la CSG 39

4.- Réformer le mécanisme de sanction de la non déclaration des revenus 41

III.- LA CLARIFICATION DES CIRCUITS DE FINANCEMENT 42

A.- LES MÉCANISMES ACTUELS DE RÉPARTITIONS FINANCIÈRES :  COMPLEXITÉ ET INCERTITUDES 42

1.- La pratique des répartitions financières : une  amélioration en cours 42

2.- L'État, toujours mauvais payeur 43

3.- La complexité inhérente à certains mécanismes de répartition 44

a) Les répartitions sur la base d'éléments connus a posteriori 44

b) L'interaction des mécanismes 45

c) L'incidence des modifications législatives fréquentes 45

B.- LA SIMPLIFICATION DE LA RÉPARTITION DE LA CSG MALADIE
(ARTICLE 5)
47

C.- LA CRÉATION DU FONDS DE FINANCEMENT DE LA RÉFORME DES COTISATIONS PATRONALES DE SÉCURITÉ SOCIALE (ARTICLE 2) 49

1.- Une mesure de transparence 49

2.- Des garanties doivent être données sur le financement 50

a) TGAP et contribution sur les bénéfices : des ressources évolutives 51

b) Les contributions des régimes sociaux : des ressources aussi évolutives 52

c) L'État doit donner une double garantie sur le montant de sa contribution 54

3.- Le fonds de financement et la loi de financement de la sécurité sociale 55

D.- LES MESURES RELATIVES À LA TRÉSORERIE 58

1.- Vers un principe de neutralité des flux financiers sur la trésorerie 59

2.- La réforme du transfert des fonds entre les URSSAF et l'ACOSS 59

a) Le régime en vigueur 59

b) La réforme proposée (article 29) 60

3.- La fixation des plafonds de trésorerie des régimes autorisés à recourir à l'emprunt (articles 30 et 31) 61

CHAPITRE SECOND : LA CONSOLIDATION DE LA PROTECTION SOCIALE 63

I.- ASSURANCE MALADIE : L'EFFORT DE RÉGULATION DES DÉPENSES EST POURSUIVI 63

A.- L'ÉVOLUTION DES DÉPENSES ET LE PLAN STRATÉGIQUE DE LA CNAMTS 64

1.- Des résultats en amélioration, mais une maîtrise inégale suivant les secteurs 64

a) Les données générales 64

b) L'évolution des différents secteurs 65

2.- Le « plan stratégique » de la CNAMTS ne pouvait constituer une panacée 68

B.- LA NOUVELLE RÉGULATION DES SOINS DE VILLE 71

1.- Une clarification des responsabilités (article 17) 72

a) L'assurance maladie bénéficie d'une délégation 72

b) La tutelle n'intervient qu'en dernier recours 74

c) Le cadre contractuel est rénové 75

2.- Un renforcement des contrôles 76

a) Le transport des malades et les indemnités journalières (article 18) 76

b) Les assurés présentant un niveau de dépenses élevé (article 19) 77

3.- Le fonds d'aide à la qualité des soins de ville (article 20) 77

4.- Les centres de santé (article 16) 79

5.- Les transferts à l'assurance maladie 80

a) Le dépistage et le traitement du sida et des maladies transmissibles (article 14) 80

b) Les frais de sevrage (article 15) 81

C.- LES ÉTABLISSEMENTS SANITAIRES 81

1.- Les réformes en cours 81

a) Le lancement de la procédure d'accréditation 81

b) L'élaboration des schémas régionaux d'organisation sanitaire 82

c) Le lent démarrage des fonds mis en place en 1997 83

2.- Une nouvelle régulation des cliniques privées 85

a) Le régime en vigueur 85

b) Le dispositif proposé (article 24) 86

D.- LES PRODUITS 88

1.- L'évolution du cadre réglementaire et conventionnel du médicament 89

a) Le cadre réglementaire 89

b) L'accord sectoriel avec l'industrie pharmaceutique 91

2.- Les contributions de l'industrie pharmaceutique 92

a) Les conséquences de la malfaçon de la troisième « contribution exceptionnelle » de 1996 (article 22) 93

b) À quoi sert la contribution sur les ventes directes ? 96

c) L'ajustement du taux de déclenchement de la clause permanente de sauvegarde au titre de 2000 (article 21) 97

3.- La réforme du tarif interministériel des prestations sanitaires (article 23) 99

E.- LE SECTEUR MÉDICO-SOCIAL (ARTICLE 25) 100

F.- L'ÉQUILIBRE POUR 2000 101

1.- Les comptes du régime général 102

2.- Quel ONDAM pour 2000 ? (article 28) 104

II.- LES RETRAITES : LE RENFORCEMENT DU PACTE INTERGÉNÉRATIONNEL 109

A.- L'ÉVOLUTION POSITIVE DES COMPTES DE LA BRANCHE VIEILLESSE 109

1.- Les comptes de la branche vieillesse du régime général dégagent un excédent en 1999 110

a) Les recettes connaissent une forte hausse 110

b) L'augmentation des dépenses est maîtrisée 111

2.- Le coût élevé des cessations anticipées d'activité 111

B.- LE RAPPORT DU COMMISSARIAT GÉNÉRAL DU PLAN, UNE REFERENCE POUR PRÉPARER L'AVENIR 112

1.- L'équilibre financier du système de retraite français au risque de la démographie 113

a) Des évolutions démographiques défavorables... 113

b) ... font croître les charges financières des régimes de retraite 114

2.- Les voies du financement des retraites, arbitrage fondamental d'une société 115

a) L'allongement à partir de 2019 de la durée d'assurance nécessaire pour obtenir le taux plein 116

b) La constitution de provisions 116

c) Une assiette du financement moins pénalisante pour la croissance et l'emploi 117

d) L'aménagement de certains dispositifs pour renforcer la cohésion sociale 117

e) Une méthode de réforme 117

C.- LE FONDS DE RÉSERVE : ALLER AU-DELÀ DU SYMBOLE 118

1.- Le financement du fonds 118

a) La contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés 119

b) Les excédents du FSV 120

c) Les autres ressources : l'affectation des excédents de la CNAVTS (article 10) 120

2.- Les questions posées par un système de « répartition provisionnée » 121

a) Quel périmètre d'action pour le fonds de réserve ? 121

b) Quel format pour quelles missions ? 121

c) Quel dispositif institutionnel et comptable ? 122

3.- Une meilleure affectation des recettes de privatisation pour pérenniser la retraite par répartition 123

a) Les recettes de privatisation de 1993 à 1998 et leur utilisation 124

b) Les produits des privatisations ou des respirations pourraient gager le versement des retraites 126

D.- LES AUTRES MESURES DU PROJET DE LOI 127

1.- La revalorisation des pensions (article 11) 127

a) L'état du droit jusqu'au 1er janvier 1999 127

b) La revalorisation proposée par le projet de LOI 128

2.- La reconduction du dispositif de limitation du cumul emploi retraite 129

E.- DEUX PISTES DE RÉFORME À EXPLORER 130

1.- Revoir le régime d'abattement pour trimestres manquants 130

a) L'état du droit est particulièrement rigoureux 130

b) Les solutions 132

2.- Privilégier le critère transversal de la pénibilité du travail 133

III.- LA POLITIQUE FAMILIALE : LA RÉNOVATION CONFORTÉE 135

A.- LES PRINCIPALES MESURES RELATIVES À LA FAMILLE 135

1.- La consolidation de la base mensuelle (article 7) 135

2.- L'extension des droits pour les plus de vingt ans (article 8) 137

3.- Vers la transformation de l'allocation de rentrée scolaire en prestation familiale 139

4.- La poursuite de l'effort en matière d'action sociale 141

B.- LES COMPTES DE LA BRANCHE FAMILLE : LA GARANTIE DE RESSOURCES 144

1.- Les comptes de la branche famille 144

2.- La garantie de ressources (article 9) 145

IV.- ACCIDENTS DU TRAVAIL ET MALADIES PROFESSIONNELLES : UNE PRÉOCCUPATION CONSTANTE 148

A.- LE RENFORCEMENT DES DROITS DES VICTIMES DE MALADIES PROFESSIONNELLES (ARTICLE 26) 148

B.- LE RENFORCEMENT DE LA PRÉVENTION 150

C.- VERS LA CRÉATION D'UNE BRANCHE ACCIDENTS DU TRAVAIL POUR LES EXPLOITANTS AGRICOLES ? 153

EXAMEN EN COMMISSION 157

A.- AUDITION DES MINISTRES 157

B.- EXAMEN DES ARTICLES 175

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION 185

ANNEXE 191

INTRODUCTION

L'équilibre des comptes de la sécurité sociale, pour s'en tenir au seul régime général, sera atteint en 2000. L'excédent, compte tenu des mesures proposées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, devrait même atteindre 2 milliards de francs.

Ce retour à l'équilibre est la conséquence d'une croissance soutenue, mais il traduit également les effets positifs des réformes de fond entamées depuis 1997. Ces réformes de fond doivent donc être poursuivies, ce à quoi le présent projet de loi s'attache.

En effet, il marque d'abord une importante évolution du financement de la sécurité sociale, la réforme des cotisations patronales. Cette évolution s'accompagne d'une clarification, puisque l'ensemble du coût de cette réforme sera identifié dans un fonds distinct.

Il introduit également des réformes importantes dans le domaine de l'assurance maladie, tout particulièrement une nouvelle régulation des soins de ville et des cliniques privées.

Les mécanismes mis en place afin d'alimenter le fonds de réserve des retraites institué par la précédente loi de financement illustrent une autre avancée significative du présent projet de loi.

Enfin, le Gouvernement respecte ses engagements à l'égard des familles et accroît l'effort consenti en faveur des victimes de l'amiante.

Transparence, responsabilité, solidarité, tels sont donc les orientations qui président à ce texte.

*

* *

Quatrième du genre, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 offre l'occasion d'un premier bilan rétrospectif de cette nouvelle catégorie de loi.

Principal apport institutionnel de la réforme de la sécurité sociale de 1996, les lois de financement ont montré leur utilité : une plus grande transparence dans le débat public et dans la prise de décisions, une responsabilisation plus satisfaisante des acteurs, un renforcement significatif des droits du Parlement, tels sont les principaux acquis de cette innovation constitutionnelle.

L'opposition d'alors n'était en rien défavorable à ces aspects, car son rejet du « plan Juppé » était motivé par la contestation de nombre de mesures qui ont démontré, par la suite, leur caractère inopportun ou inopérant, à commencer par la maîtrise exclusivement comptable des dépenses d'assurance maladie.

Ceci étant, des craintes se sont révélées comme fondées et des menaces sont apparues. Votre Rapporteur se contentera ici d'un bref inventaire, en invitant le lecteur à se reporter aux développements plus détaillés qu'il consacrera à ces différentes questions dans le corps même du présent avis.

Les incertitudes quant au périmètre de la loi de financement demeurent importantes.

Personne ne niera qu'il soit difficile de donner une définition objective et incontestable de ce qu'est la « sécurité sociale ». Fallait-il y inclure l'assurance chômage ? les minima sociaux versés par les caisses d'allocations familiales ? l'ensemble des régimes, quel que fût le nombre de leurs ressortissants ? la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) ?

Cette année, le « fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale » soulève un tout autre problème. Comme on le verra en effet (cf. page 55), il n'est pas exclu que la manière dont est traité le fonds dans le présent projet de loi de financement pose un réel problème au regard de la rédaction de la loi organique.

Le Conseil constitutionnel freine toute amélioration de l'information du Parlement.

Saisi de la loi de financement pour 1999, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 98-404 DC du 18 décembre 1998, a estimé qu'une disposition consistant, « avant la première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale par l'Assemblée nationale », à ce que le Parlement soit « informé de la répartition prévisionnelle de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie » devait être déclarée non conforme au premier alinéa de l'article 47-1 de la Constitution. De façon laconique, pour ne pas dire sommaire, le Conseil constitutionnel, ayant soulevé d'office cette inconstitutionnalité, estime en effet qu'une telle disposition « empiète sur le domaine réservé par la Constitution à la loi organique ».

Dès lors, si c'est la seule loi organique qui a la faculté d'étendre le champ de l'information fournie au Parlement dans le cadre des lois de financement, il est à craindre que toute perspective de progrès dans ce domaine ne se transforme durablement en illusion perdue. Pourtant, le législateur organique avait expressément prévu que les lois de financement puissent comporter des dispositions « améliorant le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale » (III de l'article LO. 111-3 du code de la sécurité sociale).

Votre Rapporteur reviendra ultérieurement sur la répartition prévisionnelle de l'ONDAM (cf. page 108). À ce stade, toutefois, il remarque que la distinction opérée, parmi les annexes au projet de loi de finances, entre « bleus », prévus par l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, et « jaunes », dont le Gouvernement doit assurer le dépôt en vertu de dispositions postérieures de lois de finances, ne semble pas devoir être transposable à la loi de financement. Pourtant, le législateur organique avait souhaité transposer aux lois de financement les dispositions de l'article premier de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, qui réserve aux lois de finances « les dispositions législatives destinées à organiser l'information et le contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques ». À moins de considérer que le seul équivalent des « bleus » budgétaires est le rapport annexé à la loi de financement, ce qui poserait un autre problème.

La portée normative du rapport annexé est remise en cause.

Le législateur organique a souhaité transposer aux lois de financement la technique du rapport annexé et amendable déjà en usage pour d'autres catégories de lois.

Toutefois, dans un arrêt « Rouquette » en date du 5 mars 1999, le Conseil d'État a apporté un éclairage inattendu sur la portée normative de ce rapport annexé, jugeant que « les orientations et les objectifs présentés dans le rapport accompagnant la loi de financement de la sécurité sociale ne sont pas revêtus de la portée normative qui s'attache aux dispositions de celle-ci ». Il en vient ainsi à nier la nature législative du rapport annexé, jugement qui semble relever davantage du Conseil constitutionnel que de la juridiction administrative.

Pourtant, c'est la loi organique qui prévoit le rapport annexé. L'article LO. 111-3 du code de la sécurité sociale dispose en effet que « chaque année, la loi de financement de la sécurité sociale approuve les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale et les objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre financier de la sécurité sociale ».

Dès lors, le législateur semble pour le moins en droit de se sentir perplexe : quel sens l'exercice consistant à débattre du rapport annexé conserve-t-il ? Ou faut-il s'attendre, au contraire, à ce que l'absence d'enjeu réel se traduise par une inflation d'amendements parlementaires ?

Les incertitudes demeurent sur la définition et la nature de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie.

Élément central de loi de financement, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) ne présente pas un caractère de fiabilité absolu : le décalage avec les données, par régime, de la Commission des comptes et les variations de champ, significatives d'une année sur l'autre, entre les quatre sous-objectifs avaient déjà été mis en lumière l'année dernière. Cette année, de nouvelles modalités de calcul du taux d'évolution de cet objectif sont mises en _uvre (cf. page 104), et si elles traduisent une approche plus réaliste de cette évolution, elles n'en introduisent pas moins un élément de confusion supplémentaire dans son interprétation.

Les textes d'application sont publiés avec retard.

Thème récurrent du contrôle de l'application des lois, la lenteur, voire l'absence, des textes d'application de dispositions ou de lois adoptées par le Parlement trouve une illustration particulièrement frappante avec les lois de financement. Pour s'en tenir à la loi de financement pour 1999, promulguée il y a maintenant plus de dix mois, les décrets relatifs :

- au fonds de réserve des retraites (article 2) ;

- au contrôle des prestataires d'aide à domicile par les organismes de sécurité sociale pour le compte desquels ils agissent (article 5) ;

- à l'affiliation au régime général des collaborateurs occasionnels du service public (article 15) ;

- au dépistage des maladies aux conséquences mortelles
évitables (article 20) ;

- aux missions d'évaluation des unions de médecins (article 23) ;

- au fonds d'aide à la qualité des soins de ville (article 25) ;

- à l'exercice des professionnels de santé dans les établissements d'hébergement des personnes âgées dépendantes (article 34) ;

- aux règles de placement des excédents de trésorerie des différentes branches du régime général (article 46)

n'ont pas encore été publiés à ce jour.

Le décret relatif au Conseil pour la transparence des statistiques de l'assurance maladie (article 21) vient de paraître au Journal officiel daté du 9 octobre. Quant aux arrêtés prévus à l'article 16 et relatifs au financement du fonds de l'allocation temporaire d'invalidité des collectivités locales (FATIACL), l'annexe b au présent projet de loi de financement laisse rêveur : ils « interviendront en temps utile », donc, à n'en point douter, quand le moment sera venu. Votre Rapporteur espère que l'arrêté interministériel relatif au devis et à la facture exigés du chirurgien-dentiste ou du médecin faisant appel à un fournisseur ou à un prestataire de
services (article 28) tardera moins.

LAISSER CETTE PAGE BLANCHE SANS NUMEROTATION

CHAPITRE PREMIER :
LE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Le retour à l'équilibre de la sécurité sociale, dû principalement au dynamisme des recettes (I), permet au Gouvernement de présenter un projet de loi de financement qui n'augmente pas les prélèvements obligatoires, car les nouvelles ressources fiscales qui y sont inscrites servent à financer les nouveaux allégements de charges patronales (II). Ce projet _uvre par ailleurs dans le sens d'une clarification des circuits de financement de la sécurité sociale (III) : il y est notamment proposé d'identifier les flux financiers liés aux allégements de charges sociales grâce à la création d'un fonds ad hoc et de simplifier le mécanisme de répartition de la fraction de la CSG qui est affectée aux régimes d'assurance maladie.

I.- LE RETOUR À L'ÉQUILIBRE DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Le présent projet de loi consacre le retour à l'équilibre, et même à l'excédent, de la sécurité sociale l'an prochain. Cette perspective permet tout à la fois de financer la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale et de proposer des améliorations de prestations et une nouvelle régulation de la branche maladie.

L'amélioration des comptes sociaux s'inscrit dans une perspective pluriannuelle. Le dynamisme des recettes, qui explique l'amélioration des soldes et tient principalement à la croissance économique, ne doit pas occulter les problèmes - différents - que recouvre la progression des dépenses de maladie mais aussi de vieillesse.

A.- L'ÉQUILIBRE DU PROJET DE LOI DE FINANCEMENT

Par rapport aux prévisions révisées pour 1999, le projet de loi de financement pour 2000 envisage une croissance des « recettes » consolidées de la sécurité sociale supérieure à celle de ses « objectifs de dépenses » - 3,4 % contre 2,8 % -, ce qui conduirait à des excédents du régime général comme de l'ensemble de la sécurité sociale au sens de la loi de financement. Ces prévisions sont calées sur celles du projet de loi de finances. De la sorte, les réformes et les améliorations proposées pourront se faire sans accroissement des prélèvements sociaux.

1.- Les « soldes » de la sécurité sociale

De manière générale, le problème de l'équilibre de la sécurité sociale est souvent réduit à celui du régime général, d'une part parce qu'il représente près de 70 % de la masse des recettes et dépenses des régimes de base de sécurité sociale, d'autre part parce que beaucoup de régimes spéciaux sont par construction équilibrés (existence de subventions d'équilibre ou de ressources d'équilibre comme la contribution sociale de solidarité des sociétés - C3S - pour les régimes de non salariés ; régimes d'employeur équilibrés comptablement par des « cotisations fictives »).

Le présent projet est fondé sur une prévision d'excédent de 2 milliards de francs pour le régime général en 2000, seule la branche maladie restant déficitaire de 2,65 milliards de francs.

Il peut cependant être intéressant de reconstituer l'équilibre de l'ensemble consolidé « sécurité sociale » pris en compte par les recettes et dépenses soumises à l'approbation du législateur aux articles 6 et 27 du présent projet.

Une première approche consiste à mesurer l'écart entre les « prévisions de recettes » et « objectifs de dépenses » présentés dans ces articles, soit 16,9 milliards de francs. Il faut alors défalquer de ce montant celui, estimé à 2,6 milliards de francs, des dépenses des régimes ayant moins de 20.000 cotisants actifs ou retraités, puisque ceux-ci sont pris en compte dans les prévisions de recettes, mais pas dans les objectifs de dépenses (du fait même du texte organique de 1996). On doit aussi tenir compte du solde des opérations en capital du régime général, les agrégats de la loi de financement ne couvrant que les opérations courantes ; ce solde est évalué pour 2000 à - 5,2 milliards de francs ; ceux des autres régimes ne sont pas connus et donc réputés nuls... On parviendrait ainsi à un excédent consolidé de 9,1 milliards de francs environ (16,9 - 2,6 - 5,2).

Une autre méthode de calcul du solde consolidé implicite de la sécurité sociale consiste à sommer les différents soldes des organismes du périmètre de la loi de financement, à partir des données des annexes du projet. On obtient, comme le montre le tableau ci-après, un résultat sensiblement équivalent (8,8 milliards de francs).

SOLDES DES ORGANISMES DU PÉRIMÈTRE
DE LA LOI DE FINANCEMENT POUR 2000

(en milliards de francs)

Opérations courantes des régimes de base

2,6

dont : - régime général

7,2

- CNRACL

- 3,7

- CANCAVA

- 1,8

- SNCF

0,6

Opérations en capital du régime général

- 5,2

Fonds de solidarité vieillesse (1ère section)

8,5

Fonds de réserve des retraites

2,9

Total

8,8

Ce tableau appelle plusieurs commentaires.

· Le solde du régime général

On retrouve, pour le régime général, un solde de 2 milliards de francs en défalquant les 5,2 milliards de francs de pertes sur opérations en capital des 7,2 milliards de francs d'excédent prévu sur les opérations courantes.

· Les soldes des régimes spéciaux

Le tableau ne retrace que les régimes spéciaux ayant un solde significatif (supérieur à 500 millions de francs). Le déficit attendu pour la CANCAVA (caisse de retraite des artisans) relève d'un ajustement technique : le régime devant connaître un excédent d'1,4 milliard de francs en 1999, il bénéficierait d'attributions diminuées de C3S en 2000, ce qui « neutraliserait » cet excédent par un déficit du même ordre (1,8 milliard de francs), la C3S étant une ressource d'équilibre.

Le déficit de la CNRACL (Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales), inscrit à hauteur de 3,7 milliards de francs en 2000, contre 1,6 milliard de francs en 1999 et 1,2 milliard de francs en 1998, traduit en revanche la dégradation de l'équilibre du régime, liée tout à la fois au dynamisme des charges de pensions (+ 5 à 6 % par an) et aux ponctions opérées au titre de la compensation démographique et de la « surcompensation » entre régimes spéciaux de salariés. En l'absence de mesure de redressement dans le dispositif du projet de loi de financement, il est normal que celui-ci soit construit sur une telle prévision de déficit pour la CNRACL. Toutefois, le Gouvernement vient d'annoncer des mesures très importantes : une hausse d'un point, en deux ans, du taux de cotisation employeur à la Caisse, d'une part, une réduction de 38 % à 30 %, dans le même délai, du taux d'appel de la surcompensation, d'autre part, amélioreraient en deux ans le solde de la Caisse de 4 milliards de francs, dont 2 milliards de francs dès 2000 ; l'effort est partagé à parité entre les employeurs et la surcompensation (c'est-à-dire, en dernier ressort, l'État, qui devra accroître ses subventions d'équilibre aux régimes structurellement déficitaires qui recevront moins au titre de la surcompensation).

· Les soldes du fonds de solidarité vieillesse et du fonds de réserve des retraites

Le fonds de solidarité vieillesse (FSV) est consolidé dans les agrégats de la loi de financement, qu'il s'agisse de sa première section, qui prend en charge des prestations ou des validations de cotisations « non contributives » en assurance vieillesse, ou de sa seconde section, le fonds de réserve des retraites créé en 1999. Le solde de cette première section, comme la dotation de la seconde (égale au solde en l'absence de dépenses) doivent donc être pris en compte.

Les comptes du présent projet n'intègrent, comme dotation du fonds de réserve, que les 2,9 milliards de francs que la CNAVTS (Caisse nationale d'assurance vieillesse) pourrait lui verser comme acompte sur le résultat de son exercice 2000, l'article 10 du présent projet proposant d'affecter désormais les excédents de la CNAVTS au fonds de réserve. Toutefois, le fonds de réserve devrait bénéficier également l'an prochain de ressources provenant de la mutualisation des Caisses d'épargne (4 milliards de francs en principe), non retracées ici ; il pourrait aussi recevoir une fraction du solde excédentaire de la C3S, qui atteindrait 4,2 milliards de francs, et qui est affecté intégralement, dans les comptes, à la première section du FSV (d'où l'excédent massif de celle-ci).

On voit que les données chiffrées du projet de loi de financement ne retracent ni la totalité des ressources du fonds de réserve des retraites, même quand elles apparaissent acquises (Caisses d'épargne), ni l'incidence des mesures annoncées pour la CNRACL ; le solde implicite consolidé de la sécurité sociale pourrait donc être majoré logiquement d'au moins 6 milliards de francs par rapport aux 9 milliards de francs résultant du calcul préalablement décrit.

2.- L'incidence des mesures proposées

L'annexe c fournit l'évaluation suivante de l'incidence des mesures du présent projet. Elle ne concerne toutefois que le régime général et ne rend pas compte des dispositions arrêtées dans d'autres cadres législatifs, en particulier le projet de loi relatif à la réduction négociée du temps de
travail (n° 1786).

PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE 2000

RÉGIME GÉNÉRAL

(en millions de francs)

 
 

Maladie

Accidents du travail

Vieillesse

Famille

Total

Soldes du compte tendanciel

- 3.700

650

6.500

2.550

6.000

Mesures

1.050

- 60

- 3.850

- 1.140

- 4.000

-  « Coup de pouce » de 0,3 % sur la BMAF

     

- 340

- 340

-  Versement des aides au logement jusqu'à 21 ans

     

- 220

- 220

-  Versement du complément familial jusqu'à 21 ans

     

- 330

- 330

-  Fonds d'action sociale CNAF

     

- 250

- 250

-  « Coup de pouce » de 0,3 % aux pensions

- 50

- 60

- 950

 

- 1.060

-  Contribution exceptionnelle des laboratoires

1.200

     

1.200

-  Fonds de modernisation des cliniques privées

- 100

     

- 100

-  Versement au fonds de réserve des retraites

   

- 2.900

 

- 2.900

Soldes après mesures

- 2.650

590

2.650

1.410

2.000

a) La réforme des cotisations patronales et la stabilité des prélèvements sociaux

Après la réforme de la part des prélèvements sociaux pesant sur les ménages, menée en 1998 avec le basculement des cotisations salariales maladie sur la CSG, la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale est un élément central du présent projet. Le dispositif de cette réforme est toutefois partagé entre le présent projet de loi et celui relatif à la réduction négociée du temps de travail, adopté en première lecture par votre Assemblée ; ce dernier comprend notamment le nouveau barème de l'allégement des charges sociales sur les salaires, dont le montant est accru par rapport à la « ristourne dégressive » actuelle et le plafond d'accès porté de 1,3 à 1,8 SMIC, afin de rendre ce mécanisme plus efficace et d'éviter la « trappe à bas salaires », c'est-à-dire le freinage des évolutions salariales dû aux dispositions en vigueur. Le présent projet comporte quant à lui les mesures fiscales de financement de l'élargissement de l'allégement et la création du fonds de financement de la réforme.

L'ensemble de cette réforme n'aura que peu d'incidences sur les prélèvements pesant sur les ménages : l'élargissement de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) entraînera une augmentation du prix de certains biens de consommation comme les lessives, l'incidence sur le revenu des ménages restant marginale ; par ailleurs, la taxation des heures « entre 35 et 39 » des entreprises non passées aux « 35 heures » constitue un dispositif essentiellement transitoire visant à inciter les salariés à la négociation sur la réduction du temps de travail.

Quant aux prélèvements sur les entreprises, ils ressortiront en diminution : l'augmentation de la TGAP en 2000, à hauteur d'1,2 milliard de francs, et la création de la contribution sociale sur les bénéfices (CSB), à hauteur de 4,3 milliards de francs, représenteront moins que le montant d'allégements supplémentaires sur les bas et moyens salaires, estimé à 7,5 milliards de francs (en 2000) ; quant aux « aides 35 heures », de l'ordre de 17,5 milliards de francs en 2000, elles ne trouveront pas de contrepartie dans un prélèvement supplémentaire sur les entreprises (dès lors que la taxation des heures supplémentaires n'est pas considérée comme telle).

Pour le reste, le présent projet institue une contribution exceptionnelle d'un produit d'1,2 milliard de francs sur les laboratoires pharmaceutiques afin de compenser une dépense du même montant liée au contentieux sur l'une des contributions établies en 1996 sur la même catégorie d'assujettis.

b) Les améliorations de prestations

Le présent projet propose des améliorations de prestations représentant près de 3 milliards de francs de dépenses supplémentaires :

- un « coup de pouce » est proposé sur les pensions de retraite (et les prestations dont l'évolution est liée comme les rentes d'accidents du travail), qui seraient relevées de 0,5 % contre les 0,2 % résultant de l'application de la législation ; le coût est évalué à 1,1 milliard de francs pour le régime général et 1,7 milliard de francs pour l'ensemble des régimes (transposition aux régimes des salariés agricoles et des non salariés) ;

- les mesures envisagées pour la branche famille comprennent un coup de pouce de 0,3 % également sur la base mensuelle des allocations familiales (BMAF) et la poursuite du relèvement de l'âge donnant droit à certaines prestations familiales (complément familial et aides au logement), porté à 21 ans, et du renforcement de l'action sociale de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) ; leur coût dépasse 1,1 milliard de francs.

Par ailleurs, dans le contexte présent d'amélioration des recettes sociales, les obstacles politiques et juridiques rencontrés par les dispositifs de régulation que l'on a tenté de mettre en _uvre depuis 1996 conduisent le Gouvernement à projeter une sérieuse inflexion de la politique de l'assurance maladie : calcul de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) par rapport aux prévisions révisées pour 1999 et non aux prévisions initiales, puisqu'il est de toute façon impossible de « rattraper » les dépassements acquis ; transfert à la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAMTS) de la responsabilité de la régulation de la médecine de ville...

c) La consolidation des retraites par répartition

L'exercice 2000 devrait voir le début de la montée en puissance du fonds de réserve des retraites. Le présent projet lui attribue à l'avenir les excédents de la CNAVTS et, à titre de provision, 2,9 milliards de francs en 2000, auxquels devraient s'ajouter une part du solde excédentaire de la C3S (4,2 milliards de francs fin 1999) et les ressources en provenance des Caisses d'épargne. D'autres sources de financement pourront utilement être sollicitées, afin de porter la dotation du fonds à 15 milliards de francs au moins, montant annoncé par le Gouvernement.

B.- L'AMÉLIORATION DES COMPTES SOCIAUX DANS UNE PERSPECTIVE PLURIANNUELLE

L'équilibre attendu pour 2000 doit être replacé dans une perspective pluriannuelle. Afin de mesurer le redressement opéré sous la majorité actuelle, il est intéressant de comparer les prévisions pour 2000 aux réalisations 1997 (résultats de l'application de la loi de financement élaborée par le gouvernement précédent) et de vérifier ainsi que les extrapolations présentées dans l'annexe c au présent projet pour 2001 et 2002 apparaissent cohérentes.

1.- Les recettes

Le tableau ci-après présente l'évolution des recettes de la sécurité sociale dans la nomenclature de la loi de financement.

ÉVOLUTION DES RECETTES DES LOIS DE FINANCEMENT

(en milliards de francs)

 
 


1997

(exécuté) (1)


1998

(exécuté) (1)


1999

(révisé) (2)


2000

(PLFSS)


2000/1997

Écart

2000/1997

Évolution annuelle moyenne (en %)

Cotisations effectives

1.154,9

1.042,8

1.066,8

1.106,6

- 48,3

- 1,4

Impôts et taxes affectés

221

401,2

439,7

461,8

240,8

27,8

Sous-total :
cotisations et impôts

1.375,9

1.444

1.506,5

1.568,4

192,5

4,5

Cotisations fictives

181,2

187,1

195

201,5

20,3

3,6

Contributions publiques

68,6

66,6

69,4

62,8

- 5,8

- 2,9

Transferts reçus

4,8

4,8

4,9

4,7

- 0,1

- 0,7

Revenus des capitaux

1,4

1,4

1,6

1,7

0,3

6,7

Autres ressources

32,6

32,5

33,4

34,1

1,5

1,5

Total

1.664,5

1.736,4

1.810,9

1.873,2

208,7

4

(1) Cour des comptes.

(2) Prévisions de la loi de financement pour 2000.

Les catégories de recettes les plus significatives sont naturellement les cotisations effectives et les impôts affectés. Le recul du produit des premières et le doublement de celui des seconds s'explique par le basculement sur la CSG d'une part des cotisations maladie en 1998. Aussi est-ce la somme des deux lignes qui est intéressante à suivre ; on observe ainsi que, de 1997 à 2000, cotisations effectives et impôts sont responsables de l'essentiel de l'augmentation prévue des recettes de la sécurité sociale : 192 milliards de francs sur 209 milliards.

Avant de revenir sur l'analyse des prélèvements sociaux, on observera que l'évolution de la catégorie « cotisations fictives », qui rend compte de la subvention implicite assurant l'équilibre des régimes dits d'employeur, est par construction corrélée à l'évolution des dépenses de ces régimes ; comme le régime des pensions des fonctionnaires représente 85  % de la masse des cotisations fictives, on ne s'étonnera pas de retrouver une croissance moyenne annuelle de cet agrégat équivalente à celle de l'ensemble des dépenses de vieillesse (3,6  %). Quant aux « contributions publiques », la non incorporation (habituelle), en loi de financement, de l'ensemble du coût de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire explique le recul du montant inscrit dans le projet pour 2000 par rapport aux montants réalisés ou révisés (et prenant en compte la majoration de cette allocation financée par l'État) des exercices précédents.

L'évolution du montant des prélèvements sociaux, cotisations et impôts affectés résulte de plusieurs facteurs : les mesures prises lors des différentes lois de financement, éventuellement celles d'autres réformes (réduction du temps de travail, couverture maladie universelle) et l'évolution spontanée.

a) L'élargissement de l'assiette des recettes sociales

Dans un contexte de retour progressif à l'équilibre, la loi de financement pour 1999 ne comporterait pas de mesures de recettes ayant une incidence financière très significative. Quant au présent projet, on a vu que les deux principales ressources qu'il crée ou augmente, CSB et TGAP, ne font que gager des allégements de cotisations équivalents. Plus généralement, comme on y reviendra infra, l'ensemble du dispositif « 35 heures » a peu d'incidences sur les comptes sociaux vus sous l'optique « loi de financement ».

À la différence de celles qui lui succèdent, la loi de financement pour 1998 s'est caractérisée, en revanche, par d'importantes mesures de recettes, en particulier :

- l'augmentation de 4,1 points du taux de la CSG apportée à la branche maladie, en contrepartie de baisses de cotisations salariales (de 4,75 points dans le régime général) ;

- l'alignement de l'assiette des deux prélèvements de 1 % sur les revenus du patrimoine et de l'épargne affectés aux Caisses nationales d'assurance vieillesse (CNAVTS) et d'allocations familiales (CNAF) sur celle de la CSG.

L'ensemble des dispositions de la loi de financement pour 1998, qui répercutait également une affectation accrue de droits sur les tabacs à la sécurité sociale, était supposé, dans les estimations initiales, apporter environ 12 milliards de francs de recettes annuelles pérennes supplémentaires. Cependant, on peut penser qu'en 2000, ce gain annuel actualisé pourrait être plutôt de l'ordre de 18 milliards de francs.

En effet, l'assiette « revenus du capital » de la CSG, et donc aussi, du prélèvement élargi et unifié CNAF-CNAVTS, s'est révélée nettement plus dynamique que prévu : le « point de CSG » (rendement d'1 % de CSG) sur ces revenus, initialement estimé à 4,6 milliards de francs pour 1998, ressortirait pour cet exercice à 5,4 milliards de francs (rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, septembre 1999, page 34) ; en 2000, selon les estimations, cette valeur de point atteindrait 5,7 milliards de francs.

En conséquence, le solde positif de l'opération de basculement des cotisations maladie sur la CSG (complétée par une fraction des droits sur les alcools) s'élèverait à 9,4 milliards de francs en 2000, selon la commission des comptes de la sécurité sociale, et on peut évaluer à environ 6 milliards de francs le gain actualisé lié à l'élargissement de l'assiette du prélèvement CNAF-CNAVTS. Si l'on ajoute à ces montants l'effet des autres dispositions financières que comprenait la loi de financement pour 1998, en particulier l'affectation d'une part accrue des droits sur les tabacs à la sécurité sociale, on parvient à environ 18 milliards de francs de gains actualisés liés à cette loi.

Il apparaît donc clairement que l'opération de rééquilibrage des prélèvements sociaux en 1998 a non seulement permis une redistribution de pouvoir d'achat aux salariés et une répartition plus juste de l'effort contributif des différentes catégories de revenus, mais répond également pleinement à l'objectif de donner à la sécurité sociale une assiette de ressources la plus dynamique possible.

b) La faible incidence de la loi sur la couverture maladie universelle sur les recettes sociales

La loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle (CMU) répond à un objectif fondamental affirmé depuis longtemps : assurer l'universalité de l'assurance maladie. Cela dit, sur le terrain, on sait que la couverture de base, en assurance maladie, était d'ores et déjà presqu'universelle, 150.000 personnes environ en étant dépourvues. L'enjeu de cette loi a donc plutôt été la couverture complémentaire des plus démunis.

Or, selon le texte organique même, la loi de financement ne retrace que les recettes et les dépenses des régimes de base ; elle ne prendra donc pas en compte les flux financiers liés à la généralisation de la couverture complémentaire au titre de la CMU. Les incidences de la loi CMU sur les agrégats du présent projet sont donc limitées.

En matière de recettes, l'incidence principale tient à la suppression de l'assurance personnelle et donc des cotisations versées à ce titre à la CNAMTS par les assurés et surtout par divers organismes, dans le cadre de l'aide médicale (CNAF, fonds de solidarité vieillesse, État, départements).

Cette suppression est globalement neutre, car compensée pour la CNAMTS par divers recyclages de recettes, ainsi présentés par la commission des comptes :

- le transfert à la CNAMTS de 28  % du prélèvement sur les revenus du patrimoine et produits de placements, au détriment de la CNAF ;

- le transfert de 5  % des droits de consommation sur les alcools du FSV à la CNAMTS ;

- l'affectation, à hauteur de 3,5 milliards de francs, d'une fraction du rendement des droits de consommation sur le tabac, pour la compensation de la perte des cotisations à la charge des conseils généraux et de l'État (celui-ci diminuerait à due concurrence la dotation globale de décentralisation) ; cette affectation est prévue à l'article 29 du projet de loi de finances.

La suppression de la répartition du déficit de l'assurance personnelle entre régimes est neutralisée en mettant fin à la répartition entre régimes d'assurance maladie du produit de la cotisation sur l'assurance des véhicules terrestres à moteur, produit qui sera affecté en totalité à la CNAMTS à compter de 2001.

La CNAMTS devra, en revanche, supporter la perte de recettes due au remplacement des cotisations d'assurance personnelle que paient effectivement les assurés par une cotisation de résidence, et la prise en charge des personnes jusqu'à présent non couvertes par un régime de base. Le coût serait modéré : moins d'un milliard de francs.

c) La quantification de l'incidence de la réduction du temps de travail

Malgré l'importance de cette réforme, la réduction du temps de travail aura assez peu d'incidences (en 1999 et 2000) sur les recettes de la sécurité sociale au sens de la loi de financement.

Le financement des allégements de charges sur les bas et moyens salaires et des aides liées aux 35 heures doit reposer sur un fonds de financement spécifique. Or, le Gouvernement a choisi de ne pas incorporer ce fonds à l'agrégat des « recettes de la sécurité sociale » qui est présenté à l'article 6 du présent projet. Votre Rapporteur reviendra plus loin sur les conséquences de cette option dont la conformité à la loi organique du 22 juillet 1996 peut être contestée. Elle a notamment pour conséquence de ne pas faire apparaître dans les catégories de recettes présentées l'effet de la fiscalisation accrue du financement de la sécurité sociale qui résulte de la création du fonds (transfert de droits sur les tabacs, TGAP, CSB) ; seules seront identifiées les sommes versées par le fonds aux organismes de sécurité sociale, intégrées dans une sous-rubrique de la catégorie « cotisations effectives », à savoir la ligne « cotisations prises en charge par l'État », laquelle deviendrait la ligne « cotisations prises en charge par l'État et le fonds (...) ».

Les nouveaux allégements de charges prévus devant être intégralement financés par le fonds, leur développement ne modifiera pas le montant global des recettes de la sécurité sociale agrégées, ni même le montant de la catégorie des « cotisations effectives », mais se bornera à entraîner des transferts entre les lignes précitées de cette rubrique, « cotisations patronales » et « cotisations prises en charge ».

Ce transfert montre toutefois l'incidence des mesures prévues sur le financement « externe » (par opposition aux cotisations « normales ») de la sécurité sociale. Pour 1999, ce financement externe a été évalué à 3,5 milliards de francs en ce qui concerne la réduction du temps de travail (crédits budgétaires prévus à cet effet en loi de finances initiale). Pour 2000, il dépasserait 19 milliards de francs (et augmenterait donc d'environ 16 milliards de francs) pour la réduction du temps de travail et le nouvel allégement de charges sur les bas et moyens salaires : selon l'hypothèse conventionnelle, ce dernier représenterait 7,5 milliards de francs et les « aides 35 heures » 17,5 milliards de francs, dont cependant 5,5  à 5,6 milliards de francs financés par les régimes de sécurité sociale eux-mêmes (on a donc 7,5 + 17,5 - 5,5 = 19,5).

Une dernière observation porte sur le traitement, dans les agrégats de la loi de financement, des sommes représentatives du « recyclage » des gains de recettes liés aux 35 heures pour les régimes, c'est-à-dire les 5,6 milliards de francs que ces régimes devraient verser au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales, qui les leur reversera en compensation des allégements de charges. Tant que ledit fonds reste hors du périmètre de la loi, ces montants, en dépenses et en recettes, n'ont pas à être consolidés ; si le fonds était incorporé à ce périmètre, la contraction devrait être opérée. Comme ces sommes représentent en principe le surcroît de recettes permises par les créations d'emplois consécutives à la réduction du temps de travail, on peut dire que la non consolidation du fonds dans les agrégats permet aux prévisions de recettes présentées à l'article 6 de rendre compte pleinement des effets des « 35 heures » sur les ressources de la sécurité sociale, tandis qu'une consolidation conduirait à présenter des ressources « comme si » il n'y avait pas les « 35 heures »...

d) Les fruits de la croissance

Sur plus de 190 milliards de francs de ressources de cotisations et d'impôts supplémentaires pour la sécurité sociale prévus en 2000 par rapport à 1997, la part que l'on peut identifier pour l'imputer à des réformes, sans être négligeable, apparaît assez faible : 18 milliards de francs pour les mesures de 1998, quelques milliards de francs pour la réduction du temps de travail. La croissance économique, le dynamisme de l'emploi expliquent donc l'essentiel de l'évolution de ces recettes.

De 1999 à 2000, la croissance annuelle moyenne du produit des prélèvements obligatoires affectés à la sécurité sociale devrait voisiner 4,5 %. Compte tenu de ce qui a été dit, l'évolution spontanée est responsable de l'essentiel de ce taux.

Dans ces conditions, les hypothèses présentées dans l'annexe c du présent projet pour 2001 et 2002, fondées sur une croissance de la masse cotisable de 4 % pour le régime général, apparaissent crédibles.

2.- Les dépenses

Le tableau ci-après présente l'évolution des dépenses dans la nomenclature de la loi de financement.

ÉVOLUTION DES DÉPENSES DES LOIS DE FINANCEMENT

(en milliards de francs)

 

1997

(exécuté) (1)

1998

(exécuté) (1)

1999

(révisé) (2)

2000

(PLFSS)

2000/1997

Écart

2000/1997

Évolution annuelle moyenne (en %)

 

Maladie, maternité, invalidité, décès

663,1

687

709,8

733,3

70,2

3,4

Accidents du travail

55

51,1

53,5

54,7

- 0,3

- 0,2

Vieillesse, veuvage

721,8

753,5

779,1

803,3

81,5

3,6

Famille

255,8

253,3

264,3

265

9,2

1,2

Total

1.695,7

1.744,8

1.806,6

1.856,3

160,6

3,1

(1) Cour des comptes.

(2) Prévisions de la loi de financement pour 2000.

Avant de commenter le tableau ci-avant, il convient de signaler que des opérations non reconductibles ou des changements de périmètre des branches en perturbent la lecture.

Par exemple, le niveau élevé des dépenses de la branche accidents du travail en 1997, 55 milliards de francs, descendues à 51 milliards de francs l'année suivante, s'explique par le versement opéré à hauteur de 4,5 milliards de francs par le FATIACL (fonds gérant l'allocation temporaire d'invalidité des agents des collectivités locales, intégré à la branche « accident du travail » de la loi de financement) à la CNRACL (Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales) : ce versement non reconductible visait exclusivement à « mobiliser » la trésorerie du FATIACL pour régler momentanément le problème de financement de la CNRACL. En défalquant ces 4,5 milliards de francs des dépenses 1997 en accidents du travail, on retrouverait une évolution régulière et croissante des charges de la branche.

La branche famille présente également une évolution erratique des charges qui est liée au même genre de phénomène : ainsi la mise sous condition de ressources des allocations familiales pour la seule année 1998 explique-t-elle la baisse constatée cette année-là suivie d'une forte augmentation en 1999. Quant à l'apparente stagnation prévue en 2000 (265 milliards de francs) par rapport à 1999 (264,3 milliards de francs), elle rend compte de la non intégration de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire restant à la charge de l'État (4,5 milliards de francs) et de la disparition, du fait de la loi « CMU » précitée, des cotisations versées par la CNAF à la CNAMTS dans le cadre de l'aide médicale (2,5 milliards de francs).

Ces précautions de méthode mises à part, l'évolution des grands agrégats de dépenses est tout à fait significative. La plus grande masse des dépenses supplémentaires se concentre sur les branches vieillesse et maladie, ce qui ne surprendra pas. On observe également que la croissance tendancielle des charges des deux branches est sensiblement la même sur la période 1997-2000, aux alentours de 3,5 %, ce qui confirme une évidence : la préoccupation qu'inspire la dérive des dépenses de maladie ne doit pas occulter le problème des retraites, qui ressort déjà dans la croissance structurellement élevée des dépenses afférentes.

L'analyse montre par ailleurs que l'essentiel de l'évolution constatée est « spontanée », en ce sens qu'elle est peu liée aux modifications législatives ou réglementaires des régimes de prestations. C'est assez évident pour la branche maladie, où l'on doit constater les limites du dispositif de régulation mis en _uvre depuis 1996, et où la principale amélioration des prestations intervenue, c'est à dire la mise en place de la couverture universelle (CMU), aura peu d'incidences sur les comptes « loi de financement ». Mais il en est de même pour la branche vieillesse : l'incidence du « coup de pouce » aux pensions donné en 1999 et poursuivi en 2000 est inférieure à 2 milliards de francs, ce qui est peu sur plus de 80 milliards de francs de dépenses supplémentaires de 1997 à 2000. Même pour la branche famille, l'enjeu global des modifications des régimes de prestations apparaît globalement limité : d'après le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale (septembre 1999, page 160), le solde des mesures prises dans les lois de financement 1998 et 1999 s'établirait pour la branche à 130 millions de francs de charges supplémentaires en année pleine (hors transfert à l'État du financement de l'allocation de parent isolé, qui ne touche que le financement et pas la nature de la prestation) ; si l'on y ajoute les 1.140 millions de francs de mesures inscrites dans le présent projet, on atteint une aggravation de charges de l'ordre de 1,3 milliard de francs pour la branche famille.

On observera enfin que les hypothèses de croissance des dépenses qui fondent les prévisions de l'annexe c pour 2001 et 2002 sont en ligne avec l'évolution 1997-2000, puisque, pour le régime général, la croissance annuelle des dépenses serait de 3,1 %.

3.- L'équilibre

Le dynamisme des recettes de la sécurité sociale, qui glissent de 4  % par an dans l'agrégat « loi de financement » de 1997 à 2000, par rapport aux dépenses, en progression annuelle de 3,1 %, explique l'amélioration du solde implicite de la sécurité sociale au sens des lois de financement. Celui-ci étant égal à l'écart des prévisions de recettes et des objectifs de dépenses, dégradé d'environ 2,5 milliards de francs au titre des dépenses des régimes de moins de 20.000 cotisants ou retraités et de 3 à 5 milliards de francs au titre des pertes sur opérations en capital du régime général, non retracées dans ces objectifs, ce solde passerait ainsi de
- 37 milliards de francs en 1997 à + 9 milliards de francs en 2000, voire + 15 milliards de francs en tenant compte de la ressource provenant de la mutualisation des Caisses d'épargne pour le fonds de réserve et des mesures annoncées pour la CNRACL ; ce montant, logiquement, mais on y reviendra, devrait constituer la marge (minimale) d'alimentation du fonds de réserve des retraites.

Les prévisions de l'annexe c pour le régime général montrent une évolution du même ordre : on passerait d'un déficit de 16,5 milliards de francs en 1998 à un excédent de 2 milliards de francs en 2000 et de 16 milliards en 2002.

II.- LES MESURES DE RECETTES

Le présent projet de loi n'augmente pas globalement les prélèvements sociaux, sa principale mesure de financement, la création du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales, étant par principe équilibrée. L'accentuation des allégements de charges prévue est traitée dans le cadre du projet relatif à la réduction négociée du temps de travail ; le présent projet en comporte donc les mesures fiscales de financement :

- le transfert et l'élargissement de la taxe générale sur les activités polluantes ;

- l'instauration d'une contribution sociale sur les bénéfices.

Deux dispositions concernent en outre les contributions demandées aux laboratoires pharmaceutiques ; s'inscrivant dans le cadre de la politique du médicament, elles sont présentées dans le développement consacré à celle-ci (cf. page 92).

A.- LA CONTRIBUTION SOCIALE SUR LES BÉNÉFICES DES SOCIÉTÉS

L'article 3 du présent projet définit les modalités de la contribution sociale sur les bénéfices des sociétés (CSB), qui constituera l'un des éléments du financement des allégements de charges.

Afin de ne pas pénaliser les petites entreprises, cette contribution ne concernerait pas les sociétés dont le chiffre d'affaires est inférieur à 50 millions de francs et qui ne constituent pas les éléments d'un groupe, d'où le critère d'une détention à 75 % au moins du capital, directement ou indirectement, par des personnes physiques. Cette exonération est exactement celle qui avait été prévue dans le cadre de la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés établie par la loi (n° 97-1026) du 10 novembre 1997 portant mesures urgentes à caractère fiscal et financier et a été élaborée à partir des critères communautaires de définition des « petites entreprises ». De manière générale, la CSB est d'ailleurs calquée sur ladite contribution. A cet égard, l'une comme l'autre se distinguent de la contribution additionnelle à l'impôt sur les sociétés qu'avait établie le gouvernement précédent dans le cadre de la première loi de finances rectificative pour 1995 (n° 95-885, 4 août 1995) : celle-ci frappait l'ensemble des assujettis à cet impôt.

Toutefois, la CSB s'écarte de la contribution de 1997 par l'ajout d'un dispositif destiné à exonérer de la nouvelle contribution, outre les petites entreprises, les sociétés faiblement bénéficiaires, et à donner à cette contribution une forme de progressivité en fonction du bénéfice : pour le calcul, il sera effectué sur l'impôt sur les sociétés des assujettis, qui constitue la base de la contribution, un abattement de 5 millions de francs maximum ; en d'autres termes, les sociétés dont l'impôt sur les sociétés est inférieur à 5 millions de francs (donc le bénéfice imposable à 15 millions de francs) seront exonérées de CSB et les autres n'y seront soumises que sur la part de leur impôt dépassant ces 5 millions de francs.

Ce dispositif particulier devrait réduire très substantiellement le nombre de redevables de la CSB. En effet, d'après les estimations statistiques de la direction de la législation fiscale, sur près de 30.000 entreprises au chiffre d'affaires supérieur à 50 millions de francs et redevables de l'impôt sur les sociétés (bénéficiaires), 4.200 environ seulement seraient assujetties à la CSB. 62 % du rendement total de celle-ci proviendrait même des quelques 286 entreprises (base 1997 actualisée) payant plus de 100 millions de francs d'impôt sur les sociétés annuel ; le résultat fiscal annuel moyen (plus values à long terme incluses) de ces 286 sociétés dépassant le milliard de francs, la CSB apparaît bien comme une contribution sur les « très gros bénéfices ».

Le taux de la CSB est fixé à 3,3 % de l'impôt sur les sociétés, alors que le taux de la contribution additionnelle établie en 1997 s'élevait à 15 % pour cet exercice et pour 1998 et à 10 % pour 1999, cette contribution disparaissant en 2000. Chaque société connaîtra donc un allégement d'impôt en 2000, même si elle est assujettie à la nouvelle contribution, égal à 6,7 % (10 - 3,3) de son impôt sur les sociétés plus 165.000 francs (3,3 % des 5 millions de francs d'abattement à la base). Globalement, d'après le fascicule « voies et moyens », la disparition de la contribution additionnelle de 1997 aurait une incidence de 12,4 milliards de francs en 2000, à comparer aux 4,3 milliards de francs de la CSB.

Ultérieurement - ce n'est pas inscrit dans le dispositif du projet -, le taux de la CSB devra être relevé pour porter son rendement aux alentours de 12,5 milliards de francs, qui est l'objectif à terme.

Deux observations doivent toutefois être faites sur la question du rendement de la CSB :

- il paraît très difficile, une fois que le régime de croisière aura été atteint, que l'on module en permanence le taux de la contribution, sous prétexte d'en stabiliser le rendement ; la politique fiscale doit être stable et lisible ;

- or, on sait que le rendement de l'impôt sur les sociétés, assiette de la CSB, est très instable et assez imprévisible, compte tenu de la variabilité des bénéfices imposables (très sensibles à la conjoncture et en outre susceptibles d'être manipulés par les sociétés, grâce à des dispositifs comme ceux des provisions).

Le tableau ci-après montre bien :

- l'instabilité du rendement de l'impôt sur les sociétés, qui a ainsi pu diminuer d'un tiers de 1990 à 1992 du fait de baisses de taux d'imposition et d'un contexte économique très défavorable ;

- l'imprévisibilité de ce rendement, la prévision initiale de la loi de finances pour 1999, soit 196 milliards de francs, étant maintenant révisée à la hausse de près de 10 %, à 214 milliards de francs (sans modification législative).

ÉVOLUTION DU PRODUIT NET DE L'IMPOT SUR LES SOCIÉTÉS

(en millions de francs)

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999
(LFI)

1999
(révisé)

2000
(PLF)

146.752

127.420

101.096

101.749

113.257

125.826

144.162

172.185

184.710

196.300

214.400

223.700

Source : documents budgétaires.

B.- LA TAXE GÉNÉRALE SUR LES ACTIVITÉS POLLUANTES

Le présent projet de loi propose, en ses articles 2 et 4, le transfert de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales et l'élargissement de cette taxe.

1.- La nouvelle affectation de la TGAP

La TGAP a été instituée par la loi de finances pour 1999 comme impôt affecté au budget général de l'État. L'affectation, proposée par le présent projet de loi, de cette taxe au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales pose un vrai problème juridique, même si elle peut être argumentée en opportunité, les deux questions étant naturellement différentes.

a) Le problème juridique

L'article 18 de l'ordonnance portant loi organique relative aux lois de finances du 2 janvier 1959 dispose qu'en dehors des procédures qu'elle prévoit (budgets annexes, comptes spéciaux du Trésor, fonds de concours), « l'affectation est exceptionnelle et ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances, d'initiative gouvernementale (...) » ; ce principe vaut pour l'ensemble des recettes de l'État, puisque la règle, avant dérogations, est que « toutes les recettes et toutes les dépenses sont affectées à un compte unique (...) ». Ainsi, la règle de l'universalité budgétaire signifie-t-elle bien que toute recette de l'État doit figurer dans la loi de finances, et par conséquent être « désaffectée ». Cette règle « a pour conséquence d'interdire la multiplicité des budgets et d'éviter que certaines recettes de l'État ne soient faites hors budget ». (1)

Le double monopole (de la loi de finances et de l'initiative gouvernementale) ainsi institué s'applique non seulement aux mesures qui tendraient à affecter telle ou telle recette de l'État à une dépense particulière de celui-ci, mais aussi à celles qui consistent à affecter tout ou partie d'une recette préexistante de l'État à un organisme extérieur à celui-ci ; ainsi la décision n° 93-328 DC rendue le 16 décembre 1993 par le Conseil constitutionnel rappelle-t-elle « qu'est interdite l'affectation de tout ou partie d'une recette déterminée de l'État à la couverture d'une dépense déterminée, sous réserve des exceptions prévues (...) » (budgets annexes, comptes spéciaux, etc) ; or, l'espèce était intéressante, puisqu'il s'agissait d'affecter une majoration des droits sur les tabacs à la couverture d'une charge de la sécurité sociale, et ce dans le cadre d'une loi ordinaire et suite à un amendement parlementaire.

Contrairement à une interprétation qui a parfois été avancée, cette décision, dans laquelle le Conseil constitutionnel a soulevé d'office cette violation de la règle de l'universalité, n'a pas censuré une affectation implicite au sein du budget, celle-ci ne résultant nullement du dispositif du texte censuré, mais bien le transfert proprement dit d'une fraction d'une recette de l'État à une dépense (en l'espèce, de la sécurité sociale). Au demeurant, dans cette décision, comme dans la décision n° 90-283 DC du 8 janvier 1991, la règle de l'universalité a été décrétée par le Conseil comme interdisant l'affectation d'une recette de l'État à « une dépense », et non spécifiquement à une dépense de l'État ; cette règle s'applique également, d'ailleurs, aux budgets annexes (décision n° 84-184 DC du 29 décembre 1984), en prohibant l'affectation de recettes d'un budget annexe à des dépenses externes à celui-ci. L'universalité - que l'article 18 de l'ordonnance précise - vise donc non seulement les affectations au sein du budget, mais également la « sortie » de tout ou partie d'une recette de l'État de la loi de finances, rejoignant ainsi le principe d'unité.

Depuis 1993, ces prescriptions ont toujours été respectées pour les transferts totaux ou partiels de recettes de l'État à des organismes sociaux : aussi bien le transfert intégral de différents droits sur les boissons et alcools au FSV en 1994, que les transferts partiels successifs des droits sur les tabacs à la CNAMTS opérés depuis 1996, ont reposé sur des dispositions de lois de finances (relayées le plus souvent par des « dispositions reflets » dans d'autres textes, en particulier les lois de financement successives).

Cette règle trouve d'ailleurs un autre fondement dans l'article premier de l'ordonnance de 1959 précitée : « les lois de finances déterminent la nature, le montant et l'affectation des ressources et des charges de l'État (...) ». S'il appartient aux seules lois de finances de déterminer la nature, le montant et l'affectation des ressources de l'État, c'est bien à elles seules de décider du transfert éventuel de tout ou partie de l'une de ces ressources à un autre organisme. L'article 2 de ce texte confirme le principe de l'autorisation exclusive et explicite des lois de finances, s'agissant des recettes de l'État.

Or, si le projet de loi de finances pour 2000 (n° 1805) prévoit bien, en son article 29, les conditions de la nouvelle affectation des droits sur les tabacs entre divers organismes sociaux, il ne comporte aucune disposition, même formelle, tendant à autoriser le transfert de la TGAP, actuellement ressource de l'État, au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales. L'affectation étant nécessairement, comme on l'a vu, « d'initiative gouvernementale », il appartenait au Gouvernement de prendre ses responsabilités. Il l'a fait, en déposant un amendement (n° I-346) au projet de loi de finances pour spécifier que la TGAP ne constituera plus une ressource de l'État, mais du fonds de financement, à compter du 1er janvier 2000.

b) Le débat de fond sur l'affectation

La question de l'affectation est tout à fait centrale dans les débats sur la fiscalité environnementale. Toutefois, l'hypothèse d'une affectation à la sécurité sociale n'est envisagée que depuis peu. Traditionnellement, la controverse porte sur l'opportunité ou non d'affecter des prélèvements environnementaux à des dépenses d'environnement. Dans leurs récents rapports d'information, nos collègues Mme Nicole Bricq (« Pour un développement durable : une fiscalité au service de l'environnement », n° 1000) et M. Yves Tavernier (« La fiscalité au secours de l'eau », n° 1807) ont analysé le pour et le contre de ce type d'affectation. Il en ressort que les taxes affectées sont mieux acceptées et ont le mérite de dégager des moyens pour les politiques d'environnement ; elles ont cependant des défauts : il n'y a pas forcément équivalence entre le prélèvement opéré et la dépense à effectuer pour une pollution donnée ; si elles conduisent à distribuer aux assujettis des subventions de dépollution plus ou moins équivalentes à la taxe acquittée, elles entrent en contradiction avec l'objectif d'internalisation des coûts, qui est de reporter effectivement sur les pollueurs les coûts environnementaux dont ils sont responsables ; enfin, dans une optique économique d'évolution maîtrisée de la dépense publique, il faut bien voir que créer une recette affectée, c'est souvent créer ipso facto de nouvelles dépenses publiques.

Des considérations de cet ordre ont conduit le Gouvernement à proposer, l'an dernier, d'instaurer la TGAP, un impôt à portée générale et « non affecté » (donc affecté au budget général de l'État), en regroupant plusieurs taxes préexistantes affectées à l'Agence pour l'environnement et la maîtrise de l'énergie (ADEME). Cette mesure est inscrite dans la loi de finances pour 1999. Cette réforme participe d'une réflexion générale sur l'opportunité de développer les instruments fiscaux au service de l'environnement, puisqu'ils ont peu été sollicités jusqu'à présent dans notre pays, malgré les avantages que Mme Nicole Bricq a relevés : la fiscalité est juste, car elle impose les mêmes coûts aux agents économiques, conforme au principe pollueur-payeur, car elle reporte les coûts sur les pollueurs, et souple, puisqu'à la différence de la réglementation, elle laisse le choix aux agents économiques entre le paiement de la taxe et la réduction de leurs pollutions. C'est pourquoi il a été indiqué dès ses débuts que la TGAP avait vocation à être élargie (soit en absorbant d'autres taxes affectées, soit en assujettissant des pollutions jusque là non taxées en tant que telles).

En revanche, l'affectation de la TGAP au financement des allégements de charges constitue cette année une innovation. Elle est justifiée par la théorie du « double dividende » : il s'agit de recueillir à la fois un « dividende environnemental » grâce à la TGAP et un « dividende emploi » grâce aux allégements de charges. Plus simplement, elle apparaît comme un élément du rééquilibrage, voulu par la majorité, des prélèvements obligatoires pesant sur le travail et les autres facteurs de production. M. Yves Tavernier observe qu'elle a également le mérite de s'inscrire dans une démarche de maîtrise des dépenses publiques (puisqu'il s'agit de compenser un allégement) et de ne pas être contraire au principe pollueur-payeur (on ne va pas distribuer de subventions aux assujettis).

Cette démarche de financement se heurte toutefois à une limite : la TGAP est logiquement une ressource dont le rendement devrait diminuer à terme et cependant ne peut être ajusté systématiquement aux besoins de financement. En effet, les taux, et donc le rendement, d'une taxe environnementale doivent être déterminés par des considérations autres que purement financières : l'objectif est de fixer ces taux à un niveau suffisamment élevé pour dissuader les comportements pollueurs et reporter sur leurs auteurs l'intégralité des coûts environnementaux, tout en restant dans les limites du supportable (économiquement) pour les branches concernées... et si la taxe est « efficace », c'est à dire bien faite, elle dissuadera alors les pollutions et son produit se réduira.

2.- L'élargissement de la TGAP

A terme, la TGAP pourrait rapporter plus de 12 milliards de francs, grâce à l'élargissement de son assiette aux consommations d'énergie, prévu pour 2001. Pour 2000, ce rendement passerait de 2 à 3,2 milliards de francs, du fait du relèvement de certains tarifs existants et de l'élargissement à plusieurs nouvelles assiettes. Le tableau ci-après présente cette évolution.

ÉVOLUTION DE LA TGAP EN 2000

Assiettes

Évolution en 2000

- Déchets

Pas de changement

- Décollages d'aéronefs

- Polluants atmosphériques

Relèvement des tarifs

- Huiles industrielles

- Autorisation et exploitation d'installations classées

Absorption d'une taxe préexistante et augmentation

- Lessives et adoucissants

 

- « Granulats »

Assiettes nouvelles

- Produits phytosanitaires

 

Les trois nouvelles assiettes proposées ont un point commun : il s'agit d'accises, c'est-à-dire que la taxe est assise sur la mise sur le marché national d'un produit ; les importations sont donc également taxées et les exportations exonérées ; il n'y a donc pas de distorsion de concurrence internationale résultant de l'établissement d'une accise (du moins en principe : il peut y avoir des importations frauduleuses si l'accise devient très lourde...). C'est pourquoi ce type de taxe peut être mis en _uvre dans un cadre national, alors que la future taxe sur les consommations d'énergie, frappant la production nationale et non la consommation, devra l'être dans un cadre européen, afin d'éviter au moins les distorsions avec nos principaux partenaires commerciaux.

a) Les lessives

Le rôle des phosphates dans l'eutrophisation des eaux est un fait admis, même si la responsabilité en est partagée ; ce phénomène, rappelons-le, est une des causes des proliférations d'algues dans les eaux douces et les eaux littorales (on pense, par exemple, à la caulerpa taxifolia en Méditerranée) et constitue non seulement en lui-même une dégradation du milieu, mais accroît le besoin d'épuration et peut éventuellement avoir des conséquences sur la santé humaine (proliférations toxiques).

Certains pays ont interdit l'incorporation des phosphates aux produits de lavage. Le Gouvernement préfère proposer un mécanisme de taxation, qui aurait l'avantage de laisser aux consommateurs prêts à payer le prix la liberté de choisir des lessives aux phosphates ; il existe en effet un débat sur la possibilité de trouver des formules de substitution réellement aussi efficaces que celles comportant des phosphates.

La taxe projetée ne porterait pas uniquement sur les produits aux phosphates, mais sur l'ensemble des lessives et produits annexes (adoucissants, assouplissants), avec cependant une progressivité du tarif selon le taux de phosphates incorporés. Cette option répond sans doute à une préoccupation financière : une taxe sur les seuls phosphates aurait un rendement limité, car les achats de phosphates des fabricants de lessives ne représentent qu'environ 200 millions de francs par an ; en outre, elle entraînerait rapidement l'abandon quasi total de l'utilisation des phosphates et son produit se tarirait. Cependant, l'option d'un assujettissement général des lessives peut également être justifiée au regard des doutes qui existent sur la nocivité comparée des phosphates et des formules de substitution.

Le poids économique d'une accise est, on le sait, partagé entre le « vendeur » et l'« acheteur ». Les tarifs proposés tiennent compte de cette réalité : le poids de la taxation nouvelle des lessives devant être partagé entre une poignée de groupes chimiques transnationaux et la masse des consommateurs nationaux, le tarif envisagé est assez élevé et le produit fiscal atteindrait 500 millions de francs dès 2000.

b) Les granulats

Les « granulats » sont les graviers et galets extraits dans les carrières. L'activité de celles-ci a en effet des incidences négatives sur l'environnement : dommages paysagers, poussière, nuisances liées au transport de pondéreux, etc. Lorsque ces carrières sont situées dans les rivières ou leur lit majeur, s'y ajoutent des dommages spécifiques, la multiplication des extractions pouvant par exemple conduire à la déstabilisation d'ouvrages publics.

Deux options d'assiette étaient donc ouvertes : assujettir exclusivement les granulats dits « alluvionnaires » ou l'ensemble de la production. C'est la seconde solution qui est retenue par le projet de loi ; justifiée par la volonté de ne pas créer de distorsions de concurrence entre les différentes catégories de carrières, elle a toutefois le défaut symétrique de limiter l'efficacité pour l'environnement, puisque seule une distorsion entre sites d'extraction pourrait à terme entraîner la non ouverture ou la fermeture de ceux que leur localisation amène à considérer comme les plus néfastes à l'environnement.

Le choix d'une assiette large a du moins le mérite de permettre d'atteindre un rendement d'environ 200 millions de francs pour cette accise, qui pèsera sur de nombreuses petites entreprises, ce qui justifie une certaine prudence : environ 2.000 entreprises pour 15.000 emplois.

c) Les produits phytosanitaires

Les produits phytosanitaires, plus communément appelés pesticides, sont par définition des produits ayant une très forte incidence sur l'environnement, puisqu'ils ont pour objet de tuer des êtres vivants. Il n'est pas non plus étonnant que de tels produits puissent représenter un risque pour la santé humaine.

Or, les pesticides utilisés par les agriculteurs sont trop souvent retrouvés ensuite dans les milieux aquatiques, voire les eaux destinées à la consommation humaine. Le tableau ci-après, extrait du dernier rapport du ministère de l'Emploi et de la Solidarité sur la potabilité de l'eau, le montre : il mesure la population dépendant des « unités de distribution » d'eau (réseaux de distribution) dans lesquelles, à un moment ou à un autre de l'année considérée, les concentrations maximales admissibles (définies par des normes européennes) des deux pesticides les plus problématiques aujourd'hui, l'atrazine et la simazine, ont été dépassées.

POPULATION CONCERNÉE PAR DES DÉPASSEMENTS DE NORME

Population concernée par un dépassement

1993

1994

1995

Atrazine

7.517.964

6.141.879

5.030.962

Simazine

1.075.724

754.344

351.256

Source : « Qualité des eaux d'alimentation, 1993-1994-1995 », ministère de l'Emploi et de la Solidarité.

Maîtriser l'utilisation des pesticides est donc une nécessité et la fiscalité peut constituer un instrument intéressant. Encore faut-il élaborer un dispositif dissuasif. Cependant, le Gouvernement est également soucieux de l'incidence qu'aurait une augmentation des prix des pesticides, du fait de leur taxation, sur les filières agricoles utilisatrices (l'ensemble des productions végétales), parfois très fragiles. C'est pourquoi il propose un prélèvement globalement assez léger : 300 millions de francs, soit en valeur, à peine plus de 2 % du marché annuel des pesticides, supérieur en France à 13 milliards de francs. Or, d'après une étude mentionnée dans le rapport précité de M. Yves Tavernier, qui analyse les dispositifs mis en place en Europe du Nord, une taxation de l'ordre de 15 à 20 % serait nécessaire pour modifier les comportements d'achat (D. Drouet et D. Sellier, « Les écotaxes dans le domaine de l'eau et des intrants agricoles. Étude comparative de quatre pays nord-européens », RDI)...

C'est pourquoi l'effet sur le comportement d'achat des utilisateurs doit être recherché d'une autre manière, grâce à l'établissement d'un barème différencié taxant très lourdement les produits les plus nocifs et plus faiblement les autres, afin de susciter des reports d'achats vers les produits moins dangereux. Au demeurant, d'après l'étude précitée, si les trois pays scandinaves ont établi des taxes sur les pesticides, la Norvège est la seule à avoir établi un barème selon la nocivité des produits et c'est aussi, semble-t-il, le pays qui a obtenu les résultats les plus significatifs : les ventes de substances actives y auraient baissé de 54 % de 1985 à 1996.

Le présent projet propose également un barème de taxation différencié selon la dangerosité des produits, mesurée sur une double échelle de risque pour les milieux naturels et pour la santé humaine : la combinaison des deux échelles permet de classer les produits en sept catégories, la première étant exonérée et les suivantes taxées de plus en plus lourdement.

Ce barème apparaît cependant modérément progressif, puisque l'écart de taxation entre les produits de la catégorie 2 (« nocifs » pour le milieu ou pour la santé) et de la catégorie 7 (à la fois « toxiques » pour le milieu et « très toxiques » pour la santé humaine ou « toxiques » avec divers risques d'effets particulièrement graves : cancers, altérations génétiques, etc.) n'y est que de 1 à 4,4 (2.500 à 11.000 francs/tonne). Le barème norvégien va de 1 à... 300. On pourrait donc envisager de rendre plus progressif le barème proposé.

Par ailleurs, on observera que le présent projet ne comporte pas de disposition relative au problème des nitrates, autre grave cause de pollution d'origine agricole. Ce problème est pourtant considéré comme prioritaire, si l'on se fonde, par exemple, sur la conclusion du rapport précité sur « la qualité des eaux d'alimentation » par le ministère de l'Emploi et de la Solidarité. Cependant, cette question devrait être apparemment traitée dans un autre cadre : une future loi sur l'eau qui réformerait les redevances affectées aux agences de bassin et, à cette occasion, y inclurait une redevance « nitrates ». La réponse au problème ne paraît en effet pas résider dans une accise simple sur les ventes d'engrais azotés et d'aliments pour le bétail (contenant également de l'azote), mais dans une taxation complexe de l'excédent d'azote par exploitation agricole, puisque ce ne sont pas l'usage d'engrais et l'épandage de lisier qui sont en eux-mêmes critiquables, mais les excès de fertilisation, car l'azote n'est pas alors entièrement absorbé par la végétation et contamine les eaux.

C.- DES PRÉLÈVEMENTS SOCIAUX AGRICOLES PLUS SIMPLES ET FAVORABLES À L'INSTALLATION

Chargé par le Gouvernement, avec Mme Béatrice Marre, d'une mission temporaire sur la fiscalité et les cotisations sociales agricoles, votre Rapporteur plaide pour une amélioration du dispositif de l'exonération partielle de cotisations sociales destinée aux jeunes agriculteurs. D'autres mesures, allant dans le sens de l'équité et de la simplification, mériteraient par ailleurs d'être étudiées.

1.- Améliorer l'exonération « jeunes agriculteurs »

Les jeunes agriculteurs bénéficient actuellement d'une exonération partielle de charges sociales : 50 % la première année après l'installation, 40 % la deuxième et 20 % la troisième. Ce dispositif concerne environ 30.000 personnes, pour un coût annuel de l'ordre de 180 millions de francs ; il est toutefois devenu moins avantageux, de fait, à cause du basculement partiel des cotisations maladie vers la CSG, car ce mécanisme ne s'applique pas, naturellement, pour la détermination de la CSG.

Afin de favoriser l'installation en agriculture, on pourrait donc relever respectivement à 65 %, 55 % et 35 % les taux de réduction des cotisations des jeunes agriculteurs, ce qui coûterait environ 70 millions de francs. A cette occasion, l'âge minimal des bénéficiaires serait abaissé de 21 à 18 ans et leur âge maximal porté de 35 à 40 ans (à l'affiliation), afin de s'aligner sur la réglementation communautaire ; on pourrait également s'interroger sur une suppression de la condition de taille minimale de l'exploitation (elle doit actuellement atteindre 75% de la SMI, surface minimale d'installation, sauf pour les bénéficiaires de la DJA, dotation aux jeunes agriculteurs), le critère d'affiliation à l'AMEXA (assurance maladie des agriculteurs), soit la détention de 50% de la SMI, étant suffisant. Les règles de taille maximale et de plafonnement de l'exonération seraient, en revanche, maintenues.

On peut enfin observer que ce dispositif n'a, pour le moment, qu'une base purement réglementaire, ce qui est discutable dans le cas d'une exonération de cette portée.

2.- Déplafonner les cotisations maladie

Le plafonnement (à six fois le plafond de la sécurité sociale) du revenu pris en compte pour les cotisations maladie des agriculteurs n'a pas lieu d'être, car l'existence de tels plafonds n'est justifiée qu'en assurance vieillesse.

Sa suppression concernerait moins d'un exploitant agricole sur mille, car seuls seraient touchés ceux dont les revenus professionnels annuels dépassent un million de francs, mais apporterait environ 20 millions de francs de recettes supplémentaires.

3.- Simplifier et harmoniser les assiettes des cotisations et de la CSG

Quand la CSG a été créée, elle a été assise, pour ce qui est des revenus agricoles, sur une base très voisine de celle des cotisations personnelles des exploitants, sous réserve de la réintégration du montant de ces cotisations à l'assiette CSG ; les deux assiettes, notamment, reposaient sur la moyenne triennale des revenus des années n - 4, n - 3, n - 2.

Cependant, depuis lors, l'assiette des cotisations des agriculteurs a connu plusieurs réformes qui n'ont pas été étendues à l'assiette CSG : le remplacement, pour les exploitants imposés au réel, de l'assiette fondée sur la moyenne triennale n - 4, n - 3, n - 2, par l'assiette triennale n - 3, n - 2, n - 1 ; la possibilité d'opter pour une assiette annuelle ; la prise en compte des déficits fiscaux dans la moyenne triennale (au lieu de les compter pour zéro lors du calcul de celle-ci). Depuis 1994, s'agissant des annuités prises en compte pour la détermination de l'assiette des cotisations sociales des exploitants agricoles, il existe donc quatre possibilités : les exploitants imposés au forfait peuvent choisir entre une assiette constituée par la moyenne des exercices n - 4, n - 3, n - 2, et l'assiette annuelle n - 1 ; les exploitants imposés au réel choisissent entre la moyenne n - 3, n - 2, n - 1, et l'assiette annuelle n. La gestion de l'assiette n est extrêmement complexe, puisqu'il s'agit pour les assujettis de calculer provisionnellement leur revenu fiscal, et donc leurs cotisations, de l'année, ce qui implique qu'ils en déduisent préalablement les cotisations qui sont pourtant le résultat dudit calcul...

Dans une optique de simplification, on pourrait ne laisser subsister que deux possibilités d'assiette pour l'ensemble des exploitants : la moyenne n - 3, n - 2, n - 1 ou l'assiette annuelle n - 1.

Par ailleurs, dans la même optique d'harmonisation, il pourrait être envisagé de transposer à l'assiette CSG ces dispositions, ainsi que celle relative à la prise en compte des déficits.

La prise en compte des déficits dans l'assiette CSG entraînerait une perte de recettes de 50 à 100 millions de francs selon les années (les déficits varient en fonction des crises sectorielles de l'agriculture) ; quant au changement des annuités prises en compte, il serait en principe plutôt « gagnant » pour ce qui est de l'assiette des cotisations, puisqu'on limiterait le nombre des options, et neutre pour ce qui est de la CSG, car il ne s'agirait pas d'une nouvelle option pour les exploitants (l'option choisie pour les cotisations s'imposerait ipso facto pour la CSG).

Le tableau ci-après montre les effets sur l'assiette des cotisations d'allocations familiales des agriculteurs qu'ont eus, depuis 1994, la prise en compte des déficits fiscaux dans la moyenne triennale et la modification des annuités intégrées à l'assiette, assortie de l'ouverture de droits d'option pour une assiette annuelle. On observe que l'incidence sur l'assiette sociale agricole de la modification des exercices pris en compte dans l'assiette triennale des exploitants imposés au réel a été positive, en moyenne, au cours des années passées : ce n'est pas étonnant, car le revenu agricole global, au-delà des fortes fluctuations de certaines années, a augmenté ; or, le glissement, pour les exploitants imposés au réel, de l'assiette n - 4, n - 3, n - 2, à l'assiette n - 3, n - 2, n - 1, substitue en fait, dans l'assiette, une année « récente » n - 1 à une année « ancienne » n - 4, où le revenu global était donc moindre. Les options pour les assiettes annuelles n - 1 et n ont, pour leur part, entraîné de fortes fluctuations.

INCIDENCE DES AMÉNAGEMENTS DE L'ASSIETTE SOCIALE AGRICOLE

(en millions de francs)

 
 

Pertes et gains sur l'assiette
des cotisations d'allocations familiales (PFA)

 

1994

1995

1996

1997

1998

1999

Moyenne

Prise en compte des déficits dans la moyenne triennale

- 1.340

- 1.202

- 1.036

- 985

- 960

- 597

- 1.020

Glissement des annuités prises en compte dans la moyenne triennale (exploitants au réel)

- 1.960

537

2.049

2.753

1.817

- 46

858

Option pour l'assiette annuelle n ou n - 1

- 2.270

- 643

348

368

- 425

- 319

- 490

Source : ministère de l'Agriculture.

4.- Réformer le mécanisme de sanction de la non déclaration des revenus

Actuellement, les exploitants agricoles imposés au réel qui ne transmettent pas leur déclaration de revenus professionnels à la MSA dans les délais se voient infliger une « cotisation sanction » calculée sur 250 % des revenus pris en compte l'année précédente. Le cas échéant, ultérieurement, cette cotisation peut être annulée s'ils finissent par renvoyer leur déclaration.

Le caractère excessif de cette sanction tend à décourager le retour dans le droit chemin des non déclarants ; à force de multiplier par 2,5, tous les ans, la cotisation théorique de ceux qui ne renvoient jamais leur déclaration, les caisses de Mutualité sociale agricole en arrivent à émettre des montants de cotisation totalement irréalistes et de toute évidence irrécupérables. En outre, l'émission de colossales cotisations sanctions, puis leur annulation éventuelle ensuite, perturbent la comptabilité des caisses de MSA.

Ne serait-il pas plus simple de s'inspirer du droit commun fiscal : instaurer une majoration non récupérable de 10 % en cas de retard de déclaration ?

III.- LA CLARIFICATION DES CIRCUITS DE FINANCEMENT

L'exercice des lois de financement a au moins le mérite de faire apparaître la complexité des circuits de répartition et de transferts entre organismes de sécurité sociale. Ces mécanismes se montrent souvent peu satisfaisants, soit dans leur fonctionnement, soit même dans leur conception. Le présent projet de loi propose plusieurs réformes allant dans le sens de la clarification et de la simplification ; il en est ainsi de :

- l'identification des flux liés au financement des allégements de charges sociales grâce à la création d'un fonds ad hoc, afin d'assurer la transparence de ces flux ;

- l'affirmation, s'agissant de ce fonds, d'un principe de neutralité en trésorerie des flux financiers le concernant ;

- la simplification du dispositif de répartition du produit de la CSG maladie entre les régimes concernés.

A.- LES MÉCANISMES ACTUELS DE RÉPARTITIONS FINANCIÈRES :
 COMPLEXITÉ ET INCERTITUDES

Les flux financiers de la sécurité sociale, qu'ils soient internes ou en provenance de l'État, sont marqués par beaucoup de retards, d'incertitudes, voire d'erreurs, qui donnent ou non lieu à des régularisations. Cette situation trouble l'appréciation que l'on peut porter sur les comptes de la sécurité sociale et de la loi de financement, et éclaire les écarts que l'on constate entre présentations en « encaissements/décaissements » et en « droits constatés ». Les problèmes peuvent tenir à la mauvaise qualité des systèmes de gestion, cependant en cours d'amélioration, mais aussi à la complexité inhérente à certains dispositifs financiers.

1.- La pratique des répartitions financières :
une  amélioration en cours

L'amélioration en cours des systèmes de gestion financière de la sécurité sociale, en même temps que l'ampleur des incertitudes qui peuvent s'attacher à ces systèmes, est illustrée par la mise en place en 1998 du nouveau système de répartition entre branches des cotisations encaissées par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), dit Racine : il s'est agi de substituer une répartition immédiate des versements des cotisants entre les branches du régime général au mécanisme « statistico-comptable » préexistant, qui reposait sur une répartition a posteriori des masses en cause en fonction de la structure des déclarations des assujettis.

D'après les analyses de la commission des comptes, dans son rapport de mai 1999, le nouveau système comptable conduit à des résultats sensiblement différents de l'ancien, à caractère forfaitaire : la comparaison entre la nouvelle répartition comptable et une extrapolation d'attributions forfaitaires (présentée par la commission des comptes comme représentative de ce qu'aurait pu donner l'application de l'ancien système) montre pour 1998 des écarts (positifs ou négatifs) de plus de 5 milliards de francs dans les produits de cotisations et de CSG de deux caisses, la CNAMTS et la CNAVTS. Ce genre de constatation ne peut qu'amener à relativiser les réflexions sur les soldes, positifs ou négatifs, de telle ou telle branche du régime général, puisque ces soldes ne sont en général que de quelques milliards de francs.

(en milliards de francs)

Caisses

Soldes 1998

Surplus de ressources qu'aurait apporté une répartition forfaitaire

CNAMTS (maladie)

- 15,9

5,8

CNAMTS (accidents du travail)

1,6

0,1

CNAVTS

- 0,2

- 5,2

CNAF

- 1,9

2,5

Source : commission des comptes de la sécurité sociale, rapports de mai et septembre 1999.

L'incertitude qui entache les résultats réels des différentes branches du régime général rend quelque peu irréelles les réflexions sur l'autonomie financière des caisses et la légitimité, pour celles dont la trésorerie est excédentaire, de conserver cet excédent à leur profit. Il faut espérer que le nouveau système de répartition, qui est sain dans son principe, fonctionnera correctement, afin, en particulier, que le mécanisme de provisionnement des excédents de la branche vieillesse que prévoit le présent projet (par affectation des excédents de la CNAVTS au fonds de réserve des retraites) puisse être mis en _uvre dans des conditions incontestables.

2.- L'État, toujours mauvais payeur

La Cour des comptes se livre annuellement à une analyse des relations financières entre l'État et la sécurité sociale. Dans son rapport de septembre 1999 sur la sécurité sociale, elle constate que les restes à recouvrer fin 1998 des caisses du régime général sur l'État, au titre des exonérations et réductions de cotisations prises en charge, s'élevaient à 6,7 milliards de francs, soit 10 % de la dépense annuelle (67 milliards de francs) ; celui de la CNAF au titre de la gestion du RMI atteignait près de 4 milliards de francs, soit 15 % de la dépense annuelle (27 milliards de francs), auxquels il fallait ajouter 6 milliards de francs dus au titre de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, remboursée par l'État seulement en janvier 1999.

La Cour, par ailleurs, observe le non respect, en 1998, de la procédure établie par la convention du 2 mai 1994, entre l'ACOSS et l'État, visant à neutraliser les effets des délais de versement sur la trésorerie de la sécurité sociale : l'avenant annuel prévu n'a pas été signé, l'État ayant cependant appliqué l'échéancier de paiement habituel.

3.- La complexité inhérente à certains mécanismes de répartition

Le mécanisme même de certains systèmes de répartition et de transferts financiers entre organismes sociaux entraîne des phénomènes qui perturbent la lisibilité des comptes sociaux.

a) Les répartitions sur la base d'éléments connus a posteriori

Les circuits de répartition et de transferts internes à la sécurité sociale reposent souvent sur la mise en _uvre de critères matériels objectifs : ainsi, les différentes « compensations » prennent-elles en compte les effectifs de cotisants et de bénéficiaires des différents régimes et le montant moyen des prestations qu'ils versent ; la fraction « maladie » de la CSG, complétée par une part (40 %) des droits sur les alcools, est d'abord répartie en fonction des pertes de recettes induites pour chaque régime par les diminutions de cotisations qui ont accompagné le relèvement du taux de la CSG en 1997 et 1998 ; la répartition du solde, après application de cette première clef, est ensuite assurée en fonction des déficits comptables des régimes maladie, comme l'est également la répartition du produit de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S)...

Le problème est que les différents paramètres invoqués - effectifs, soldes comptables... - ne sont connus définitivement qu'a posteriori. Tous ces mécanismes donnent donc lieu à des attributions provisionnelles suivies ultérieurement de régularisations massives, qui perturbent naturellement la lecture des comptes.

b) L'interaction des mécanismes

En outre, les mécanismes précités interagissent entre eux. Si l'on reprend l'exemple des attributions de CSG maladie et de C3S, on observe que (dans le droit applicable pour l'exercice 1999), le solde de CSG maladie-droits sur les alcools, après compensation des pertes de cotisations pour les différents régimes, est attribué prioritairement à la CNAMTS, dans la limite de son déficit comptable, puis à la CANAM (assurance maladie des non salariés non agricoles) ; le déficit résiduel de celle-ci après cette attribution est enfin comblé par la C3S. Or, nous rappelle le rapport de la commission des comptes de septembre 1999, « la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 prévoyait un quasi équilibre de la CNAMTS et, par conséquent, le solde de l'opération [répartition de la CSG] était surtout destiné à la CANAM, alors que le déficit prévisionnel de la CNAMTS pour 1999 atteint aujourd'hui 11 milliards de francs. Par conséquent, la CNAMTS devrait enregistrer en 2000 une régularisation positive de plus de 3 milliards de francs au détriment principalement de la CANAM
(- 2,9 milliards de francs).
 »

La CANAM ne sera toutefois pas mise en faillite par ce prélèvement : elle bénéficiera ipso facto, selon la même source, d'une attribution supplémentaire sur le produit de la C3S, sur lequel elle prélèverait 8,4 milliards de francs en 2000, contre 2,1 milliards de francs en 1999. Cette attribution supplémentaire, à son tour, viendra réduire le solde de C3S disponible fin 2000 pour abonder en 2001 le fonds de solidarité vieillesse et le fonds de réserve des retraites...

c) L'incidence des modifications législatives fréquentes

Les modifications très fréquentes des paramètres des mécanismes de répartition et la multiplication des dispositions transitoires constituent un dernier facteur de complication, qu'illustre l'évolution de la répartition de la C3S, modifiée par toutes les lois de financement de la sécurité sociale depuis 1996 (l'absence d'article relatif à cette répartition dans le présent projet est en soi une nouveauté).

Le dispositif résultant de la loi de financement pour 1999 prévoit que le solde de la contribution, après comblement des déficits des caisses maladie et vieillesse des artisans et des commerçants (CANAM, ORGANIC et CANCAVA), est attribué au fonds de solidarité vieillesse (FSV) et réparti par arrêté entre sa première section (FSV à proprement parler) et sa seconde section (fonds de réserve des retraites). Mais le texte précise également que cette disposition ne s'applique pas au solde de C3S constaté fin 1998, mais seulement à partir de l'exercice 1999 : aucun produit de C3S n'a donc, en principe, à être attribué en 1999 au FSV et au fonds de réserve ; des acomptes provisionnels sont toutefois possibles.

Quant aux comptes intégrés et annexés à la loi de financement pour 1999, ils prévoyaient l'attribution, en 1999, de 5,6 milliards de francs de solde de C3S au FSV : 3,6 milliards de francs à sa première section (en contrepartie de dépenses supplémentaires de 3,8 milliards de francs liées à une prise en charge accrue des cotisations vieillesse pour les périodes de chômage non indemnisées et à la prise en charge des périodes de chômage dans les DOM en 1994-1996) et 2 milliards de francs au fonds de réserve.

Le versement au fonds de réserve, qui en constituera la première dotation, est un engagement politique fort. Il n'est toutefois pas réalisé à présent, faute de textes d'application relatifs à ce fonds. Le Gouvernement indique cependant que ce versement sera effectué avant la fin de cette année. Les comptes annexés au projet de loi de financement pour 2000 continuent à l'imputer à l'exercice 1999.

En revanche, ces comptes ne mentionnent plus, pour 1999, le versement de 3,6 milliards de francs à la première section du FSV. Conformément à la loi, celle-ci ne bénéficiera de l'attribution du solde excédentaire de la C3S qu'en 2000, à une hauteur estimée désormais à 4,2 milliards de francs (cette somme étant ensuite répartie par le Gouvernement entre la première section du FSV et le fonds de réserve). Mais un tel montant de solde de C3S à constater fin 1999 et donc à attribuer en 2000 n'est possible que grâce au non versement des 3,6 milliards de francs initialement indiqués pour 1999. La même somme de 3,6 milliards de francs, déjà retracée dans les agrégats initiaux de recettes de la loi de financement pour 1999, l'est à nouveau dans ceux du projet de loi pour 2000.

L'exemple de la C3S, comme celui du déficit 1999 de la CNAMTS, qui dans une logique de type « droits constatés » devrait être minoré de la régularisation dont la Caisse bénéficiera en 2000 sur le produit de la CSG du fait de ce déficit, montrent combien la lecture des comptes sociaux et de la loi de financement est perturbée du fait du fonctionnement des mécanismes de répartition et de transferts. Une simplification de ceux-ci est donc nécessaire. Le présent projet propose effectivement une mesure de simplification de la répartition de la CSG ; dans le sens de la clarification, surtout, il institue un fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale pour identifier les flux financiers liés à celles-ci.

B.- LA SIMPLIFICATION DE LA RÉPARTITION DE LA CSG MALADIE

Comme on l'a vu, le mécanisme de répartition en vigueur pour la CSG maladie et la fraction des droits sur les alcools affectée à la branche maladie se caractérise par les régularisations massives et les effets boomerang qu'il entraîne sur d'autres répartitions (C3S).

L'article 5 du présent projet propose une réforme de ce mécanisme afin d'éviter ces effets pervers : pour ce qui est de la première répartition de l'ensemble CSG maladie-droits sur les alcools, fondée sur les pertes de recettes de cotisations des différents régimes maladie, on cesserait de mesurer ces pertes chaque année (ce qui devient de plus en plus délicat au fur et à mesure que l'on s'éloigne des années du basculement des cotisations sur la CSG, 1997 et 1998) et les attributions seraient désormais forfaitaires (sur la base de l'attribution 1998 indexée) ; de la sorte, les régularisations a posteriori disparaîtraient. Quant au solde après cette répartition, il irait intégralement à la CNAMTS. Cette option paraît porter préjudice aux autres régimes maladie attributaires potentiels de la seconde répartition dans le droit en vigueur, c'est-à-dire principalement la CANAM et le régime des exploitants agricoles. Cependant, on observera que :

_ la CANAM dispose d'une ressource d'équilibre plus que suffisante à court et moyen terme (existence de forts excédents), la C3S ; en l'écartant de la seconde répartition de la CSG, on mettra fin aux interactions entre cette répartition et celle de la C3S ;

- le régime agricole, au demeurant écarté de la seconde répartition de la CSG en 1999, n'en a pas besoin en principe, car il est retracé par un budget annexe de l'État (le BAPSA), dont l'équilibre est assuré par une subvention du budget général ;

- ces deux régimes de non salariés bénéficieront désormais d'une ressource de CSG à l'évolution régulière et positive, puisque l'indexation choisie est l'évolution de l'assiette de la CSG sur les revenus d'activité et de remplacement, alors que leur assiette de cotisations - base de calcul actuelle des pertes de cotisations à compenser - est fluctuante, car fondée sur le revenu fiscal des assujettis, et structurellement peu dynamique, s'agissant au moins du régime agricole ( du fait du déclin des effectifs d'exploitants) ;

- il est prévu, de toute façon, d'évaluer le nouveau dispositif au terme de cinq ans.

En 2000, d'après les estimations communiquées à votre Rapporteur, la majorité des régimes spéciaux de maladie devraient être plutôt bénéficiaires de l'application du nouveau mécanisme : leurs attributions de CSG seraient globalement majorées de 180 millions de francs, soit 0,5%, par rapport à ce qu'aurait donné l'ancien système ; quant aux deux principaux régimes qui seraient « perdants », ceux des militaires et des salariés agricoles, ils sont de toute façon intégrés financièrement au régime général, qui assure leur équilibre.

ATTRIBUTIONS DE CSG MALADIE
AUX RÉGIMES SPÉCIAUX EN 2000

(
estimations)

(en millions de francs)

Régimes maladie

Droit en vigueur

Nouveau mécanisme

Écart

Ensemble

33.337

33.517

179

Salariés agricoles

5.708

5.668

- 40

CNMSS

3.993

3.942

- 51

Mines

818

893

74

SNCF

2.619

2.672

52

RATP

470

477

6

ENIM

361

371

10

CRPCEN

476

471

- 5

Banque de France

195

203

7

Exploitants agricoles

4.730

4.793

62

CANAM

13.781

13.827

45

CAMAC

139

155

16

CCIP

38

37

- 1

Port de Bordeaux

4

4

-

Source : direction de la sécurité sociale.

La rédaction retenue pour le dispositif proposé souffre toutefois d'ambiguïtés qui pourraient être corrigées.

D'une part, il est prévu dans le texte que la base de référence pour l'attribution à chaque régime est le montant perçu en 1998 (sur la CSG maladie et les droits sur les alcools) corrigé de l'impact sur douze mois de la revalorisation de la CSG en 1998. On se rappelle en effet que l'augmentation du taux de CSG maladie et la diminution concomitante des taux de cotisations en 1998 n'ont, pour les régimes de salariés, eu d'effet financier (en « encaissements/décaissements ») que sur onze mois de l'année compte tenu du décalage entre le paiement des salaires et celui des cotisations (les salaires versés fin décembre 1997 ont donné lieu en janvier 1998 à des versements de cotisations et de CSG aux anciens taux). Dans ces conditions, pour l'année 1998 et pour ces régimes, la CSG supplémentaire et la perte de cotisations n'ont représenté, grosso modo, que les 11/12e du « régime de croisière » et un ajustement de la base de référence pour les attributions à venir est légitime. En revanche, ce type de phénomène n'a pas (ou que peu) joué pour les régimes des non salariés, où les cotisations sont dues sur une assiette annuelle avec un nombre d'appels limités. Il n'y a donc pas, en toute légitimité, à corriger significativement la base 1998 pour les attributions futures de CSG maladie à ces régimes. C'est bien, d'ailleurs, l'intention du Gouvernement : la correction éventuelle devrait être faite régime par régime. Cependant, la rédaction du projet, faisant référence à une correction en fonction de l'impact sur douze mois de la hausse de la CSG, et non des pertes de cotisations de chaque régime, ne le précise pas.

D'autre part, cette rédaction, prévoyant une indexation des attributions sur l'évolution de l'assiette de la CSG (sur les revenus d'activité et de remplacement), conduit à penser que les attributions calculées pour 2000 seront égales aux attributions 1998 corrigées de l'évolution de l'assiette entre les deux derniers exercices connus (1997 et 1998 ou 1998 et 1999), soit environ 3,5 %. Or, globalement, en 2000, l'assiette de la CSG aura augmenté par rapport à 1998 de l'ordre de 7 %, car il y a deux années. Le mécanisme paraît donc priver les régimes attributaires du bénéfice de l'évolution de la CSG entre 1999 et 2000. Ici aussi, cet effet pervers ne paraît pas conforme aux intentions du Gouvernement.

C.- LA CRÉATION DU FONDS DE FINANCEMENT DE LA RÉFORME DES COTISATIONS PATRONALES DE SÉCURITÉ SOCIALE

La création d'un fonds de financement de la réforme des cotisations patronales est l'une des mesures les plus importantes du présent projet. Elle répond à un objectif de transparence, puisqu'elle permettra d'identifier les flux financiers liés à cette réforme. Il existe cependant des incertitudes sur les recettes et les conditions de l'équilibre de ce fonds, qui devra être assuré, ainsi que sur son statut juridique par rapport à la « sécurité sociale » (au sens des lois de financement).

1.- Une mesure de transparence

Les critiques se sont polarisées sur la participation au financement des allégements de charges demandée aux régimes de sécurité sociale et, dans un premier temps, à l'UNEDIC. Avant d'évoquer la légitimité de cette participation (infra), votre Rapporteur observe simplement que ce débat est rendu possible par la volonté de transparence du Gouvernement, qui conduit à afficher cette participation. S'agissant de la sécurité sociale, en effet, faut-il rappeler que les ressources provenant du contribuable, les impositions affectées et contributions publiques, représenteront en 2000 plus de 520 milliards de francs ? Un ajustement à hauteur de 1 % de cette somme (5,5 milliards de francs) au détriment des régimes et au profit de l'État, puisque c'est bien effectivement ce qui est reproché, aurait pu être réalisé discrètement par quelque détournement de « tuyauterie », sans la volonté de transparence...

Mais sans doute est-ce l'affichage même qui gêne, puisque, s'agissant de l'UNEDIC, on évoque maintenant une solution financièrement équivalente à la participation demandée, mais qui l'éviterait formellement en reposant sur un transfert progressif du financement des cotisations de retraite des chômeurs du FSV à l'assurance chômage...

Le fonds tel que proposé constitue un ensemble cohérent, puisqu'il couvrirait en dépenses le financement de l'ensemble de la réforme des cotisations patronales, c'est-à-dire l'ensemble des dispositifs d'allégement structurel et général des charges patronales : la « ristourne dégressive » existante ; le dispositif élargi qui va s'y substituer en portant de 1,3 à 1,8 SMIC le plafond de salaire concerné ; les aides prévues par la première loi sur la réduction du temps de travail pour les entreprises qui s'y engagent ; la « composante forfaitaire » de 4.000 francs par an et par salarié qui en prendra la suite.

2.- Des garanties doivent être données sur le financement

Les ressources envisagées pour le fonds apparaissent plus incertaines ; elles comprendraient :

- une fraction (très importante : 85,5 %) des droits résiduels sur les tabacs, transférée depuis le budget de l'État pour financer la ristourne dégressive existante, jusque-là prise en charge par l'État ;

- la TGAP et la CSB, destinées à financer l'élargissement de l'allégement de charges sur les bas et moyens salaires, pour un montant, à terme, de 25 milliards de francs ;

- des contributions des organismes de sécurité sociale et de l'assurance chômage ;

- une contribution de l'État ;

- une contribution de 10 % due par les entreprises non passées aux 35 heures sur les quatre premières heures supplémentaires (35 à 39).

Le statut de cette dernière ressource est toutefois ambigu, puisqu'elle ne serait pas affectée directement au financement des charges du fonds, mais à sa réserve de trésorerie, dans la limite de 10 % de ses
dépenses (annuelles ?) ; s'il est sans doute compréhensible d'affecter à la trésorerie une ressource par définition transitoire (toutes les entreprises sont supposées passer aux 35 heures) et incertaine, ce choix n'en complique pas moins la reconstitution de l'équilibre du fonds à laquelle on peut se livrer.

ÉQUILIBRE DU FONDS EN 2000

(hypothèse conventionnelle centrale)

(en milliards de francs)

Recettes

Dépenses

Droits sur les tabacs transférés

39,5

Ristourne dégressive

39,5

TGAP transférée et étendue

3,2

Allégement supplémentaire sur les bas et moyens salaires

7,5

Contribution sociale sur les bénéfices

4,3

Aides à la réduction du temps de travail (aides loi de 1998 et composante forfaitaire pérenne)

17,5

Contribution de l'État (1)

4,3

   

Contribution du régime général de sécurité sociale (2)

5,5

   

Total des ressources « acquises »

56,8

Total

64,5

Autres organismes

?

   

Ressource de trésorerie : taxation des heures supplémentaires

5,4

   

(1) Sur 7 milliards de francs inscrits sur le budget de l'État pour les aides à la réduction du temps de travail, 2,7 milliards de francs ne transiteront pas par le fonds : il s'agit du financement des « accords de Robien ».

(2) Estimation « à titre de provision » par la commission des comptes de la sécurité sociale.

L'équilibre du fonds, à terme, pourrait s'établir aux alentours de 105 à 110 milliards de francs.

ÉQUILIBRE DU FONDS EN RÉGIME DE CROISIÈRE

(en milliards de francs)

Recettes

Dépenses

Droits sur les tabacs transférés

40

Allégement sur les bas et moyens salaires

65

TGAP

12,5

Aides à la réduction du temps de travail

40

Contribution sociale sur les bénéfices

12,5

   

Contributions de l'État et des régimes sociaux

40

   

Total

105

Total

105

La contribution sur les heures supplémentaires n'est pas la seule ressource du fonds à être entachée d'incertitude.

a) TGAP et contribution sur les bénéfices : des ressources évolutives

On ne reviendra pas sur les développements effectués supra :

- la TGAP, pour ce qui concerne les montants attendus de la taxation des lessives aux phosphates et des produits phytosanitaires (c'est à dire à peine plus de 6% du rendement global prévu de la TGAP quand elle aura été étendue aux consommations d'énergie), devrait voir, à taux constants, son rendement diminuer ; ces taux, par ailleurs, ne sauraient être modulés en fonction de considérations de financement de la sécurité sociale, puisqu'ils répondent en principe à des considérations d'efficacité intrinsèque de la taxe (dissuasion des comportements pollueurs, internalisation des coûts environnementaux) ;

- une contribution assise sur les bénéfices a un rendement très irrégulier et, là aussi, il paraît très difficile d'en modifier sans arrêt les taux, les entrepreneurs et investisseurs exigeant un minimum de lisibilité de la politique fiscale.

b) Les contributions des régimes sociaux : des ressources aussi évolutives

La mise à contribution des régimes sociaux pour le financement du fonds est devenue le principal motif de contestation du nouveau dispositif. Votre rapporteur estime toutefois que la défense à outrance du « principe » de la compensation intégrale par l'État des nouveaux allégements de charge n'est pas justifiée.

En effet, il n'est pas contestable que des « retours » importants résulteront, pour les régimes sociaux (principalement le régime général et l'assurance chômage), des créations d'emplois permises par les mesures d'allégement. Des évaluations, citées par le rapport d'information (n° 1731) de notre collègue M. Gaëtan Gorce sur les 35 heures, montrent que, pour 4.000 francs d'aide (composante forfaitaire pérenne de l'aide à la réduction du temps de travail), 1.400 « retourneraient » à la sécurité sociale et 1.960 à l'UNEDIC en cotisations supplémentaires et moindres dépenses ; à terme, le retour, pour ces organismes, des 40 milliards de francs de dépenses annuelles pour cette aide dépasserait donc 30 milliards de francs. Il faudrait également tenir compte des incidences de l'allégement de charges sur les bas et moyens salaires : les différentes estimations (Conseil supérieur de l'emploi, des revenus et des coûts, rapport de M. Edmond Malinvaud au Premier ministre) sur le seul mécanisme de la ristourne dégressive existante chiffrent, à dix ans, entre 250.000 et 400.000 le gain d'emplois, soit une masse salariale supplémentaire, à supposer que ce soit des emplois au SMIC, d'au moins 20 à 30 milliards de francs, et des retours sociaux de l'ordre de 15 à 20 milliards de francs.

Les retours financiers liés aux différents dispositifs financés par le fonds pourraient donc représenter à terme, pour les organismes sociaux, plusieurs dizaines de milliards de francs. Leur demander une contribution modérée ne paraît donc pas infondé à cet égard.

L'argumentation des opposants à toute contribution des régimes sociaux au fonds de financement se fonde aussi sur les engagements pris par l'État en 1994 de compenser intégralement les nouveaux allégements de cotisations. On sait dans quel contexte économique désastreux et donc dans quelle situation des comptes sociaux cet engagement se plaçait. Le Gouvernement d'alors a sans doute eu le tort de ne pas y associer une « clause de retour à meilleure fortune », qui jouerait certainement, aujourd'hui, vu l'amélioration des comptes sociaux. L'État, dans le passé, a toujours fait preuve de solidarité vis-à-vis des régimes sociaux confrontés à des difficultés, y compris l'UNEDIC - doit-on rappeler la convention d'octobre 1993, par laquelle l'État s'engageait à couvrir le tiers du déficit ? - ; il n'est pas anormal que ces régimes sociaux fassent également démonstration de solidarité.

La voie conventionnelle est privilégiée pour la détermination des contributions des régimes sociaux. Cette solution plus respectueuse des partenaires sociaux ne peut qu'être approuvée. Elle entraîne cependant une incertitude accrue sur le montant de ces contributions, qui sera déterminé, à défaut de convention, à partir du surcroît de recettes et des économies résultant de la réduction du temps de travail pour chaque régime.

Il existe des interrogations sur la conformité constitutionnelle de l'habilitation donnée par le texte, dans sa rédaction actuelle, au pouvoir réglementaire de fixer d'autorité les contributions des organismes sociaux en l'absence d'accord sur leur montant. Le texte proposé reste en effet très général, tant sur le mode de détermination de ces contributions, qui seraient, comme on l'a dit, « fonction du surcroît de recettes et des économies » induites par la réduction du temps de travail pour chaque organisme, que sur la procédure : « les règles servant à calculer le montant et l'évolution de ces contributions » seraient renvoyées à un décret en Conseil d'État.

Quelle que soit la portée de la garantie représentée par l'intervention du Conseil d'État, on pourrait craindre, en effet, que le législateur ne soit taxé d' « incompétence négative » pour ne pas avoir défini avec assez de précision les modalités de calcul et de recouvrement de ce prélèvement obligatoire nouveau, concernant des organismes chargés d'un service public, mais parfois de statut privé (c'est le cas de l'UNEDIC) ; il est vrai qu'à défaut d'entrer dans une catégorie déterminée de prélèvements, celui-ci pourrait être tenu pour une « imposition de toutes natures » ; or, le Conseil constitutionnel a jugé qu'il appartenait au seul législateur de déterminer l'essentiel des modalités des impositions, conformément d'ailleurs au texte même de l'article 34 de la Constitution (cf., par exemple, la décision n° 87-239 DC du 30 décembre 1987)...

Sans préjuger de ce que pourrait décider sur ce point le juge constitutionnel, votre Rapporteur constate toutefois que, dans un cas récent et comparable, ce dernier, sans trancher sur le moyen tiré de l'incompétence négative, a préféré trancher sur le fondement du principe d'égalité devant les charges publiques : saisi l'an dernier de la constitutionnalité du système de « contribution conventionnelle », à la charge des médecins, que prévoyait la loi de financement pour 1999 en cas de dépassement de l'objectif des dépenses médicales, il a censuré (dans sa décision n° 98-404 DC du 18 décembre 1998) ce dispositif (pourtant accepté auparavant par le Conseil d'État) en considérant qu'il n'était pas établi sur « des critères objectifs et rationnels en rapport avec l'objectif » de la loi : l'assujettissement identique de tous les médecins à la contribution, quel qu'ait été leur comportement de prescription, était contraire au principe d'égalité devant les charges publiques.

Plutôt que de porter un jugement sur l'éventuelle méconnaissance de sa compétence par le Parlement, le Conseil a donc invoqué un argument fondamental d'équité de la contribution des médecins. Peut-être lui est-il apparu qu'il était peu aisé au législateur de définir de manière très fine un prélèvement d'un type assez nouveau et s'inscrivant dans un champ, la « sécurité sociale », où la ligne de démarcation entre domaines législatif et réglementaire est peu favorable au premier.

S'agissant des contributions demandées aux organismes sociaux dans le présent dispositif, votre Rapporteur considère que leur détermination est fondée sur des critères objectifs, rationnels, équitables - comme il pense l'avoir démontré - et en rapport avec l'objectif de la loi : quoi de plus juste que de faire contribuer ces organismes en fonction de l'effet d'aubaine financier résultant pour eux de la réduction du temps de travail ? Quoi de plus rationnel, pour une opération de financement, que de se référer à des données financières telles qu'un surcroît de recettes ?

c) L'État doit donner une double garantie sur le montant de sa contribution

Des ressources fiscales évolutives, des contributions des régimes sociaux incertaines et contestées... la stabilité du financement du fonds ne paraît pas suffisamment garantie au regard de l'objectif : alléger le coût du travail.

Le présent projet ne donne aucune précision sur la fixation de la contribution de l'État, qui est simplement mentionnée sans plus de développement dans le dispositif. Cette rédaction est d'ailleurs en décalage avec celle du projet relatif à la réduction négociée du temps de travail actuellement discuté, dont l'article 11, paragraphe XVI, dispose notamment que la contribution de l'État, comme celle des organismes sociaux, sera déterminée à partir du surcroît de recettes et des économies induites par la réduction du temps de travail.

Votre Rapporteur considère que l'État devrait donner une double garantie relative au montant de sa contribution au fonds de financement (qui passe aussi par le transfert accru des droits sur les tabacs) : elle doit assurer l'équilibre du fonds ; elle doit aussi lui garantir une évolution globale de ses ressources au moins égale à celle de la richesse nationale.

3.- Le fonds de financement et la loi de financement de la sécurité sociale

La création du fonds de financement pose un dernier problème, d'ordre plus juridique : doit-il faire partie du périmètre de la loi de financement de la sécurité sociale ? Puisque le fonds est créé dans ce cadre, on pourrait penser que cela va de soi ; toutefois, comme on l'a vu, le Gouvernement a estimé que les ressources du fonds n'avaient pas à être incorporées aux prévisions de recettes de la « sécurité sociale » de l'article 6 du présent projet ; ce sont donc, de fait, les dépenses du fonds qui s'incorporeront aux recettes de la sécurité sociale au sens de la loi de financement (puisque ces dépenses consistent en des versements aux régimes de sécurité sociale).

L'intégration du fonds au périmètre « sécurité sociale » n'aurait pas énormément modifié la totalisation des recettes présentées, puisque recettes et dépenses du fonds devraient être, par construction, très voisines. En revanche, elle aurait substantiellement modifié la répartition de ces recettes par catégorie : les « impôts et taxes affectés » auraient ainsi été majorés de 47 milliards de francs (transfert accru des droits sur les tabacs, TGAP et CSB), les « contributions publiques » et « transferts reçus » majorés des montants reçus de l'État et de l'UNEDIC, et les « cotisations effectives » minorées de plus de 60 milliards de francs. Ce dernier point peut surprendre, mais il tient au fait que les cotisations prises en charge par l'État, actuellement, au titre des politiques de l'emploi, sont retracées dans la rubrique « cotisations effectives » ; en cas de consolidation du fonds dans les recettes de la sécurité sociale au sens de la loi de financement, les montants d'allégements pris en charge par ce dernier auraient dû être retirés de cette rubrique pour éviter une double comptabilisation avec les recettes (impôts et contributions externes) du fonds.

La continuité de la nomenclature des recettes présentées dans les lois de financement est un motif que l'on peut invoquer pour justifier le choix opéré. Ce choix trouve également son fondement dans les rubriques des comptes nationaux, pour lesquels les allégements de charges sociales financés par l'État ne constituent pas des concours de celui-ci à la sécurité sociale, mais des aides aux entreprises grâce auxquelles elles « payent » leurs cotisations : le montant des allégements, dans cette logique, s'intègre bien aux cotisations « effectives »...

L'option de non intégration du fonds de financement aux agrégats de recettes de la loi de financement pose cependant un réel problème au regard de la rédaction de la loi organique du 22 juillet 1996 : l'article LO. 111-3 du code de la sécurité sociale, qui en résulte, dispose dans son paragraphe I-2° que la loi de financement « prévoit, par catégorie, les recettes de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur financement ».

La référence aux « organismes créés pour concourir au financement » des régimes de sécurité sociale visait, en 1996, le FSV, qui a effectivement été intégré au périmètre de la loi de financement.

Mais peut-on considérer que le nouveau « fonds de financement » n'entre pas dans la même catégorie des « organismes créés pour concourir au financement » ? Son appellation même le laisse penser, même s'il s'agit, certes, non de financer la sécurité sociale, mais la réforme des cotisations patronales...

Plus sérieusement, la ressemblance entre le FSV et le nouveau fonds conduit à privilégier une identité de traitement vis-à-vis du périmètre de la loi de financement : l'un comme l'autre sont des établissements publics administratifs, assis sur des ressources fiscales (exclusivement pour le FSV, majoritairement pour le fonds de financement) et visant notamment à prendre en charge des cotisations sociales (exclusivement pour le fonds de financement, partiellement pour le FSV, dont les dépenses se partagent entre le financement de prestations non contributives comme le minimum vieillesse et la validation - qui revient à une prise en charge de cotisations - de périodes de chômage ou de service national pour l'assurance vieillesse).

En outre, on peut s'interroger, en l'absence d'incorporation du fonds de financement aux recettes de la sécurité sociale au sens de la loi de financement, sur la pertinence d'inscrire dans le présent projet des dispositions relatives aux ressources de ce fonds (dispositions relatives à la TGAP et à la contribution sociale sur les bénéfices). En effet, si le fonds est hors périmètre de la sécurité sociale, ses dépenses constituent bien des recettes pour les régimes placés dans ce périmètre, mais ses recettes n'ont qu'un impact indirect sur ce périmètre. Or, selon la loi organique de 1996 précitée, ne peuvent en principe figurer dans une loi de financement, en dehors des mesures qui s'y trouvent nécessairement (prévisions de recettes, objectifs de dépenses, rapport annexé, etc.), que des dispositions « affectant directement l'équilibre financier des régimes obligatoires de base » (article LO. 111-3, paragraphe III, du code de la sécurité sociale).

Ce débat renvoie plus généralement à la question du périmètre des lois de financement. Dans son rapport précité de septembre 1999, la Cour des comptes rappelle (page 120 et suivantes) les critiques habituelles vis-à-vis du périmètre de la loi de financement, évoquant notamment :

- le fait que certaines prestations de logement et minima sociaux soient intégrés à ce périmètre (par exemple, l'allocation aux adultes handicapés, l'allocation de logement familiale) et d'autres non (par exemple, le RMI, l'allocation de logement sociale et l'aide personnalisée au logement), malgré des natures et des modes de gestion et de financement très proches ;

- la non intégration des régimes de moins de 20.000 cotisants ou retraités dans les objectifs de dépenses (alors que leurs recettes sont prises en compte) ;

- le fait que les lois de financement puissent autoriser les régimes à s'endetter (fixation des plafonds de trésorerie) sans cependant retracer les recettes liées à l'amortissement de la dette passée (CRDS) ;

- la non exhaustivité du champ des prestations retracées, dans le cas de certains régimes d'employeur (fonctionnaires, grandes entreprises nationales),  faute d'une identification de ces prestations : il en est ainsi du coût du maintien de leur traitement aux fonctionnaires en arrêt maladie, qui devrait être assimilé à des indemnités journalières, etc.

Ces critiques sont bien connues, car il s'agit de tares congénitales des lois de financement, qui remontent aux choix opérés en 1996, explicitement (l'exclusion de la CADES du périmètre) ou plus souvent implicitement, en se calquant sur les habitudes des comptes de la sécurité sociale.

Cependant, l'évolution de la protection sociale conduit à de nouvelles questions. Il y a le problème posé par le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales, mais pas seulement. On pourrait ainsi s'interroger sur la légitimité d'intégrer ou non au périmètre des lois de financement des organismes de provisionnement tels que le fonds de réserve des retraites (actuellement intégré à ce périmètre), à partir du moment où les lois de financement ne retracent actuellement que les opérations courantes des régimes et pas l'amortissement de la dette existante (CADES). On pourrait aussi se demander si un organisme comme le « fonds de financement de la protection complémentaire » de la couverture maladie universelle (CMU), créé par la loi du même nom, ne devrait pas être intégré à ce périmètre : il ne l'est pas pour le moment, ce qui est conforme au texte organique (qui ne vise que les régimes de base, pas les régimes complémentaires), mais, à partir du moment où ce fonds ne repose pas sur des cotisations, mais sur des ressources de solidarité (contribution des assureurs et subvention budgétaire), le débat est ouvert, dès lors que l'intervention annuelle du Parlement dans le champ de la sécurité sociale tire largement sa légitimité de l'importance des ressources de solidarité (impôts et subventions) transférées à celle-ci...

L'évaluation des procédures est aujourd'hui admise comme une nécessité et les lois de financement constituent une procédure suffisamment jeune pour que le législateur, d'ici quelques années, puisse l'ajuster sans que l'on ait le sentiment de s'attaquer à un « monstre sacré ». Dans cette perspective, votre Rapporteur partage les jugements émis par la Cour des comptes sur l'opportunité d'un processus d'expertise du périmètre des lois de financement ainsi que des autres documents retraçant les recettes et dépenses sociales : l'« effort social de la Nation » annexé aux projets de lois de finances et les comptes de la protection sociale. Les réflexions sur le périmètre des lois de financement, comme celles sur le périmètre des autres documents relatifs à la protection sociale, ne sont pas seulement formelles : la question sous-jacente qu'elles mettent à jour est tout simplement « Qu'est-ce que la sécurité sociale ? ».

D.- LES MESURES RELATIVES À LA TRÉSORERIE

Le présent projet comporte deux dispositions spécifiques en matière de gestion de trésorerie : d'une part, il pose le principe de la neutralité en trésorerie des flux financiers entre le nouveau fonds de financement de la réforme des cotisations patronales et ses partenaires, l'État et les organismes de sécurité sociale ; d'autre part, il propose une modification du mode des transferts entre les URSSAF et l'ACOSS. On retrouve en outre, naturellement, la fixation des plafonds de trésorerie des régimes autorisés à recourir à l'emprunt, prévue par la loi organique, et la ratification du décret de relèvement du découvert autorisé du régime général, devenue habituelle en loi de financement.

1.- Vers un principe de neutralité des flux financiers sur la trésorerie

Comme on l'a rappelé, l'État a parfois tendance à décaler les versements qu'il doit aux organismes de sécurité sociale, par exemple au titre du remboursement de prestations gérées par les caisses d'allocations familiales, comme le RMI ou l'allocation de rentrée scolaire majorée. Ces retards peuvent générer des coûts de portage de plusieurs dizaines de millions de francs.

C'est pourquoi l'insertion, dans le dispositif relatif au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales, d'un principe de neutralité en trésorerie des relations financières entre le fonds et les organismes de sécurité sociale, d'une part, le fonds et l'État, d'autre part, constitue une disposition intéressante. Cette neutralité serait l'objectif de conventions destinées à la garantir.

Ce dispositif juridique a donc une portée indirecte, puisque son efficacité dépendra de la passation de ces conventions. Cependant, compte tenu de l'importance des enjeux de trésorerie dus aux retards de versements, il pourrait être opportun de lui donner un champ plus général en l'étendant à l'ensemble des relations financières entre l'État, les organismes de financement comme le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales, mais aussi le FSV ou le fonds de réserve, et les régimes de sécurité sociale.

2.- La réforme du transfert des fonds entre les URSSAF et l'ACOSS

L'article 29 du présent projet propose une modification du mode de transfert des fonds entre les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) et l'ACOSS.

a) Le régime en vigueur

Actuellement, les organismes chargés du recouvrement des cotisations - URSSAF et caisses générales de sécurité sociale (CGSS) des DOM - déposent les chèques reçus des cotisants sur des comptes spéciaux d'encaissement ouverts auprès d'établissements financiers. Les banques remettent alors aux URSSAF un chèque de couverture représentant le montant global des chèques du jour (sur place et hors place) et des virements. Les URSSAF déposent enfin ce chèque auprès des préposés de la Caisse des dépôts et consignations, qui en demandent la contrepartie à la Banque de France. Que les chèques de couverture des banques soient tirés sur place ou hors place, ils sont crédités par la Banque de France, le lendemain de l'encaissement par les URSSAF, sur le compte courant du Trésor public, lequel crédite à son tour la subdivision territoriale du compte ACOSS à cette même date.

Or, 93 % des chèques de couverture remis par les banques des URSSAF sont tirés hors place et les chèques de banque hors place sont crédités 2 ou 3 jours après l'encaissement par les URSSAF. La Banque de France fait donc l'avance des fonds pour des chèques hors place dont elle ne recevra la couverture que deux ou trois jours plus tard.

La Banque centrale européenne a fait observer que, depuis la loi du 4 août 1993 modifiant le statut de la Banque de France, cette dernière ne devait plus apporter de concours financier au secteur public. Cette avance de trésorerie peut justement être considérée comme un concours financier à un service public. Une réforme est donc inévitable.

b) La réforme proposée

Le présent projet prévoit d'instituer une obligation, pour les URSSAF, de transférer les fonds encaissés par virement à l'ACOSS. Cela permettrait d'éviter de recourir à une avance de fait, désormais prohibée, de la Banque de France. En outre, le compte de l'ACOSS pourrait ainsi être crédité sans délai (le jour même).

Cette mesure compléterait logiquement celle prise l'année dernière et obligeant les gros redevables de cotisations à verser celles-ci par virement. En effet, les encaissements de cotisations par virement, qui représentent 50 % des encaissements en provenance du secteur privé, sont virés au compte de l'URSSAF le jour même ; il est donc normal de continuer l'optimisation du circuit en permettant l'encaissement sur le compte ACOSS également le jour même, au lieu du lendemain. L'essentiel des encaissements des URSSAF étant effectué par virement et chèques sur place, la perte en trésorerie envisageable pour celles-ci, sur les seuls chèques hors place des cotisants, serait minime en comparaison du gain global d'une journée d'encaissement.

Ce dispositif entrera en vigueur au 1er septembre 2000, afin de laisser aux organismes un délai d'adaptation et de coïncider avec la mise en place d'un nouveau système de gestion des flux de trésorerie, baptisé « Géode 2 ».

3.- La fixation des plafonds de trésorerie des régimes autorisés à recourir à l'emprunt

Les articles 30 et 31 du présent projet ont pour objet la ratification du relèvement du découvert de trésorerie du régime général opéré par le décret du 7 octobre 1999 (n° 99-860) et la fixation des plafonds de trésorerie applicables aux cinq régimes concernés en 2000.

ÉVOLUTION DES PLAFONDS DE TRÉSORERIE

(en milliards de francs)

 

1998

1999

2000

 

Loi de financement

Révision par décret

Loi de financement

Révision par décret

Projet de
loi de
financement

Régime général

20

31

24

29

29

Régime des exploitants agricoles

8,5

n.m.

10,5

n.m.

12,5

CNRACL

2,5

n.m.

2,5

n.m.

2,5

CANSSM (1)

2,3

n.m.

2,3

n.m.

2,3

FSPOEIE (2)

0,5

n.m.

0,5

n.m.

0,5

(1) Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines.

(2) Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'État.

n.m. : non modifié.

Les plafonds d'encours de trésorerie que propose le projet de loi de finances pour 2000 ne sont pas surprenants :

- le régime général bénéficierait d'une autorisation de découvert de 29 milliards de francs, égale à celle dont il bénéficie cette année après la révision opérée par le décret du 7 octobre et légèrement inférieure aux 31 milliards de francs de 1998, ce qui traduit l'amélioration de son équilibre ; les relèvements de plafond opérés au cours des exercices 1998 et 1999 sont la conséquence inéluctable de la croissance rapide des dépenses de maladie et du remboursement tardif de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire par l'État ;

- le relèvement régulier du découvert autorisé au régime agricole, pourtant équilibré par construction dans le cadre du BAPSA (toujours présenté en équilibre et exécuté proche de l'équilibre), tient à l'évolution de la structure de financement du régime : celui-ci, dépendant largement de ressources au versement tardif ou irrégulier dans l'exercice (cotisations, compensation démographique), voit traditionnellement sa trésorerie assurée grâce au versement précoce de la subvention budgétaire de l'État ; or, celle-ci recule d'année en année (du fait principalement du déclin démographique du régime, qui réduit tendanciellement son besoin de financement externe) et devrait donc passer de 7 milliards de francs en 1998 à 4,9 milliards de francs en 1999 et 3,5 milliards de francs en 2000 ;

- les plafonds de trésorerie proposés pour les trois autres régimes concernés, la CNRACL et les régimes des mineurs et des ouvriers d'État, sont les mêmes en 2000 qu'en 1998 et 1999. Les mesures de redressement enfin annoncées devraient effectivement permettre à la CNRACL de revenir quasiment à l'équilibre dès l'exercice prochain.

La rédaction de l'article 30 du présent projet, relatif au relèvement du plafond de trésorerie applicable au régime général, est en revanche plus étonnante que ne l'est le relèvement de ce plafond lui-même : il est demandé au Parlement d'« approuver le relèvement » dudit plafond, alors que le texte organique de 1996, en bon droit, précise que l'intervention du législateur, comme il se doit, consiste dans « la ratification de ces décrets » (relevant le plafond) : à chacun son rôle...

CHAPITRE SECOND :
LA CONSOLIDATION DE LA PROTECTION SOCIALE

L'équilibre des comptes n'autorise pas pour autant un relâchement de l'effort de consolidation de notre système de protection sociale. Au-delà d'une bonne gestion, à court terme, des comptes, le Gouvernement est animé par une vision à plus long terme dont témoigne le présent projet de loi de financement. Les réformes engagées depuis 1997 seront donc poursuivies en 2000.

L'assurance maladie, dont les comptes seront proches de l'équilibre, connaîtra deux évolutions importantes : la responsabilisation des partenaires sociaux, qui se voient confier le suivi de la médecine de ville, et un nouveau mécanisme de régulation des dépenses des cliniques privées (I).

L'assurance vieillesse enregistrera des excédents qui contribueront à l'essor du fonds de réserve des retraites, conformément aux engagements du Gouvernement, en attendant l'aboutissement de la concertation et de la réflexion engagées sur la réforme des retraites (II).

L'excédent également attendu dans les comptes de la branche famille, dont la garantie de ressources sera renouvelée, permettra de poursuivre l'amélioration des prestations, dans le respect des orientations définies par la Conférence de la famille (III).

Enfin, la solidarité s'exercera pleinement dans le domaine des accidents du travail, tout particulièrement à l'égard des victimes de l'amiante (IV).

I.- ASSURANCE MALADIE :
L'EFFORT DE RÉGULATION DES DÉPENSES EST POURSUIVI

L'évolution par trop rapide de certaines dépenses ne pouvait qu'ouvrir un débat sur la régulation future de l'assurance maladie. De façon éminemment légitime, la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) est intervenue dans ce débat, et sa contribution mérite d'être considérée attentivement.

Le Gouvernement n'était pas tenu, bien entendu, de donner une suite favorable à l'ensemble des recommandations formulées par la CNAMTS. Il a choisi, au travers du présent projet, mais également du projet de loi sur la modernisation du système de santé qui sera déposé ultérieurement, une approche différenciée suivant les secteurs.

A.- L'ÉVOLUTION DES DÉPENSES ET LE PLAN STRATÉGIQUE DE LA CNAMTS

La progression des dépenses est extrêmement contrastée, si l'on considère par exemple les hôpitaux publics, dont la modération se confirme, ou les soins de ville, qui continuent d'évoluer à un rythme soutenu. Chacun de ces secteurs appelle lui-même un examen plus attentif, ainsi que le montre celui des soins de ville, pour lequel la tendance est très différente selon que l'on observe les généralistes ou les spécialistes.

Confrontée à ces données, la CNAMTS a pris ses responsabilités, ce dont votre Rapporteur ne peut que se féliciter, tout en estimant que les propositions de son « plan stratégique » lui paraissent inégalement pertinentes.

1.- Des résultats en amélioration, mais une maîtrise inégale suivant les secteurs

a) Les données générales

Le déficit de la branche maladie du régime général a évolué comme suit depuis 1993 :

DÉFICIT DU RÉGIME GÉNÉRAL

(en milliards de francs)

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999*

2000*

- 27,3

- 31,5

- 39,7

- 35,6

- 14,4

- 15,9

- 12,1

- 3,7

(*) prévisions.

Source : commission des comptes de la sécurité sociale.

L'amélioration est donc spectaculaire, mais l'évolution de l'ONDAM montre que, comme pour les autres branches, la bonne tenue des comptes en 1999 et en 2000 s'explique davantage par la hausse des recettes que par la modération des dépenses.

OBJECTIF NATIONAL DE DÉPENSES D'ASSURANCE MALADIE

(en milliards de francs courants)

 

1997

1998

1999

2000

Objectif voté

600,2

613,8

629,9

658,3*

Objectif réalisé

599,5

623,6

643*

-

(*) prévisions.

Sources : commission des comptes de la sécurité sociale et projet de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

Sur une base 100 pour l'année 1996, les dépenses comprises dans le champ de l'objectif national passeront donc à 111,6 en 2000 (en prenant pour hypothèse le respect de l'objectif pour 2000). Si les objectifs votés en loi de financement depuis 1996 avaient été respectés chaque année, l'indice se serait élevé à 109,4. En d'autres termes, l'ONDAM pour 2000 aurait été fixé à 646 milliards de francs (contre 658,3 milliards), soit un écart de plus de 12 milliards de francs.

b) L'évolution des différents secteurs

· L'exercice 1998

On a vu que l'objectif national a été dépassé de 9,8 milliards de francs, dont 8,3 milliards pour le seul régime général, mais ce dépassement n'est pas également réparti sur l'ensemble des postes de l'ONDAM. Comme l'observe la commission des comptes, « seuls les hôpitaux publics ont réalisé une économie par rapport à l'objectif ». Le tableau ci-dessous en témoigne éloquemment :

OBJECTIF NATIONAL DE DÉPENSES D'ASSURANCE MALADIE
(1998 - Métropole)

(en %)

 
   

Objectif voté

Objectif réalisé

Soins de ville

+ 2,1

+ 5,7

Etablissements sanitaires

+ 2,2

+ 1,6

Secteur médico-social

+ 3,15

+ 6,4

Cliniques privées

+ 2

+ 3,4

Source : commission des comptes de la sécurité sociale.

 

Chaque poste mérite un examen plus attentif.

- Les soins de ville

Cet objectif de dépenses se décompose en deux sous-objectifs que sont les dépenses médicales, d'une part, et les autres soins de ville, d'autre part.

Les dépenses médicales, c'est-à-dire les dépenses engendrées par l'activité des médecins libéraux, soit plus des trois quarts des dépenses de soins de ville, ont dépassé l'objectif de 6,2 milliards de francs. Ce dépassement s'explique, pour 83 %, par les prescriptions. Les spécialistes, qui n'assurent que 20 % des prescriptions, ont contribué à plus de 40 % du dépassement.

Les données communiquées à votre Rapporteur par le ministère de l'Emploi et de la Solidarité permettent d'affiner cette tendance : en neurologie, néphrologie, endocrinologie, neurochirurgie et pneumologie, la croissance a été supérieure à 10 %, soit le double du taux d'évolution moyen.

Comme le relève froidement la commission des comptes, « les conventions médicales de 1997 ayant été annulées par le Conseil d'État le 3 juillet 1998, ces dépassements n'ont donné lieu à aucun reversement ».

Les autres soins de ville (chirurgiens-dentistes, sages-femmes, honoraires des médecins salariés des centres de santé, prescripteurs non libéraux) continuent d'évoluer à un rythme très rapide (+ 11,4 %), notamment du fait de la progression spectaculaire des prescriptions de médicaments par les prescripteurs non libéraux.

Pour la seule CNAMTS, les dépenses de médicaments ont augmenté de 8,1 %, contre 5,5 % en 1997. Cette évolution concerne l'ensemble des produits, mais la croissance plus soutenue des médicaments les plus remboursés se poursuit (par exemple + 11,1 % pour les médicaments remboursés à 100 %), de telle sorte que le taux moyen de remboursement atteint désormais 72,4 %.

- Les établissements sanitaires sous dotation globale

À champ constant, 700 millions de francs ont été économisés par rapport à l'objectif fixé. Selon la commission des comptes, « ce moindre versement trouve son origine d'une part dans une déformation de la structure des recettes inférieure en 1998 à celle observée sur les années antérieures, d'autre part dans la non utilisation d'une partie des crédits autorisés ».

Par « déformation de la structure des recettes », la commission des comptes vise la tendance, constatée au cours de ces dernières années, à la diminution des recettes propres, c'est-à-dire autres que la dotation globale. Les objectifs de dépenses ont été adaptés en conséquence, au moyen d'une provision pour déformation de la structure des recettes. Toutefois, en 1998, la part des recettes propres des hôpitaux a décru moins vite que la tendance habituelle, de telle sorte que cette provision s'est révélée trop importante.

- Le secteur médico-social

L'objectif est dépassé de 1,5 milliard de francs, du seul fait des établissements pour enfants inadaptés ou adultes handicapés. Toutefois, selon la commission des comptes, 834 millions de francs s'expliquent, en réalité, par des transferts du secteur sanitaire et des soins de ville vers le secteur médico-social.

En revanche, les dépenses des établissements pour personnes âgées, dont l'enveloppe bénéficiait pourtant d'une faculté de progression double de celle réservée aux établissements pour handicapés, sont restées stables.

Ces évolutions erratiques illustrent à nouveau les difficultés dans l'évaluation et, partant, dans la régulation des dépenses médico-sociales.

- Les cliniques privées

Le dépassement atteint 580 millions de francs selon la nomenclature propre à l'ONDAM, mais 766 millions de francs selon la définition de l'objectif quantifié national (OQN), qui comprend les consommations intermédiaires (classées dans les soins de ville de l'ONDAM) ainsi que les prestations des DOM.

· L'exercice 1999

En 1999, l'ONDAM serait dépassé de 13 milliards de francs, pour atteindre 643 milliards de francs. Ceci étant, le dépassement propre à 1999 est très limité, soit 2,3 milliards de francs pour le seul régime général, auquel on peut soustraire la contribution de l'industrie pharmaceutique, soit 1 milliard de francs. Comme en 1998, « ce dépassement est essentiellement imputable à celui des soins de ville. Des autres grands postes, seuls les hôpitaux publics enregistreraient une économie de leurs dépenses ». C'est ce qu'illustre le tableau ci-après :

OBJECTIF NATIONAL DE DÉPENSES D'ASSURANCE MALADIE
(1999 - Métropole)

(en %)

 
   

Objectif voté

Objectif réalisé

Soins de ville

+ 2,7

+ 7,6

Etablissements sanitaires

+ 2,3

+ 2

Secteur médico-social

+ 5,8

+ 7,7

Cliniques privées

- 0,2

+ 0,6

Source : commission des comptes de la sécurité sociale.

 

Pour l'année en cours, la plupart des tendances constatées en 1998 sont confirmées, qu'il s'agisse des observations déjà effectuées pour le premier semestre ou des prévisions pour l'ensemble de l'exercice.

Ainsi la croissance des soins de ville continue-t-elle à être plus élevée que celle des autres dépenses. A l'intérieur de ce poste, ce sont les prescriptions qui, à nouveau, ont connu une forte progression (+ 4,1 % au premier semestre pour les trois principaux régimes d'assurance maladie), et, plus précisément, les médicaments, les indemnités journalières et les biens médicaux. S'agissant de ces derniers, la commission des comptes met en lumière la dynamique « particulièrement vive » du remboursement des accessoires et pansements ainsi que du petit appareillage orthopédique. Si cette évolution tend à s'accélérer en 1999, il faut toutefois observer qu'elle est moins marquée à structures constantes, compte tenu du transfert de certaines dépenses des cliniques privées.

Une fois de plus, les hôpitaux publics demeurent sous l'objectif qui leur était assigné. Il est vrai que la part des recettes propres dans l'ensemble de leurs ressources a, semble-t-il, augmenté, de telle sorte que la « provision pour déformation de la structure des recettes », prévue à cette fin dans l'objectif, se révélera sans doute inutile.

*

* *

La tendance est donc incontestable : au ralentissement qui suit la mise en place de tout plan d'économies a succédé, comme de coutume, une période d'accélération des dépenses.

Pour tenter d'y remédier, l'intervention, dans le débat, de la CNAMTS - dont l'une des missions, aux termes de l'article L.221-1 du code de la sécurité sociale, est de « maintenir l'équilibre de chacune des deux gestions » qui lui sont confiées (maladie et accidents du travail) - était, selon votre Rapporteur, non seulement légitime, mais souhaitable.

2.- Le « plan stratégique » de la CNAMTS ne pouvait constituer une panacée

Adopté, dans sa version définitive, par le conseil d'administration de la CNAMTS le 12 juillet dernier, le « plan stratégique » n'est donc en rien un « plan Johanet », mais celui de l'institution qu'il dirige, sous le contrôle des partenaires sociaux, qui l'ont approuvé à une large majorité.

Il n'appartient pas à votre Rapporteur, dans le cadre du présent avis, de se livrer à une présentation exhaustive et détaillée de propositions qui ont auront au moins eu le mérite d'alimenter le débat sur la maîtrise des dépenses d'assurance maladie et sur le rôle des différentes institutions concernées.

En revanche, quelques observations s'imposent, considérant la vision d'ensemble qui y est présentée ainsi que l'ampleur des économies évaluées, 62 milliards de francs pour l'ensemble du système de santé, dont 32 milliards pour les seuls hôpitaux.

Certes, l'hôpital est le poste de dépenses le plus important de l'assurance maladie. Mais ce n'est pas pour cette seule raison qu'il faut lui en demander beaucoup. En effet, comme on l'a déjà vu, c'est lui qui a le mieux maîtrisé l'évolution de ses dépenses depuis quelques années. Pour autant, cela ne dispense pas d'agir et c'est précisément ce que font les agences régionales de l'hospitalisation. À partir du moment où la notion de service public hospitalier impose qu'il soit répondu à tous les besoins médicaux constatés au sein d'un territoire donné, y compris les soins considérés comme non rentables par les cliniques privées, la complémentarité s'impose.

Dès lors, il n'est pas difficile de prévoir plus de 30 milliards de francs d'économies sur l'hôpital en imposant à ce service public les mêmes ratios de rentabilité que les cliniques privées. Alphonse Allais, qui voulait construire les villes à la campagne, doit-il inspirer la gestion de l'assurance maladie, qui veut transformer les hôpitaux en cliniques ? Votre Rapporteur ne peut penser qu'il s'agit de donner en pâture le service public hospitalier.

S'agissant du médicament, le « plan stratégique » suggère le remboursement sur la base du prix le moins élevé de la classe thérapeutique. Ceci ne soulève pas de difficultés pour les médicaments ayant la même composition, comme le montre la politique actuelle en matière de génériques. En revanche, pour les médicaments ayant la même finalité thérapeutique mais ne mettant pas en jeu les mêmes processus biologiques, aucun patient ne sera à même d'apprécier si le choix fait pour lui par son médecin justifie ou non qu'il acquitte le supplément qui résulterait d'un choix plus coûteux que celui du médicament de référence. De ce fait, les 9,5 milliards de francs d'économies espérés risquent d'être difficiles à atteindre.

Votre Rapporteur s'interroge : s'agit-il de reporter une partie de la charge sur les assurés ? ou sur les mutuelles ? Telle qu'elle est présentée, cette proposition comporte un danger réel de transfert de charges sur les assurés, au nom d'une responsabilisation de ces derniers. C'est cette logique qui a déjà conduit à mettre en place le ticket modérateur, avec le succès que l'on sait, notamment pour les coûts supportés par les familles.

Enfin, la CNAMTS entend réaliser 4 milliards de francs d'économies par une baisse du revenu des professionnels de santé. La mise en place d'une politique des revenus n'est pas, loin s'en faut, illégitime, car ces revenus sont en grande partie assurés grâce à de l'argent public.

La difficulté tient ici à ce que l'organisation de la médecine de ville ne peut se faire sans la participation des professionnels, qu'il revient à l'assurance maladie de convaincre puis d'associer à sa démarche. Or, les mesures proposées ne semblent pas de nature à emporter la conviction des intéressés.

Il s'agit d'abord de limiter la prise en charge des cotisations des professionnels de santé aux seuls honoraires remboursés, pour une économie de 2 milliards de francs, soit environ 25.000 francs par an, en moyenne, par praticien. Cette mesure est, certes, envisageable, puisqu'elle est moins visible, dans un premier temps, qu'une baisse de tarif ou une action sur les volumes ; de plus, l'assurance maladie n'a pas à subventionner les professionnels pour leurs activités qui ne sont pas remboursées. Il faut cependant tenir pour probable qu'une telle mesure entraînerait une demande de hausse des tarifs, compromettant tout ou partie des économies annoncées, et admettre que l'amertume et le découragement des médecins auraient toutes raisons de s'exprimer face à ce changement des règles du jeu en cours de partie.

La CNAMTS souhaite ensuite exiger une habilitation pour effectuer certains actes. Mais ceci s'apparente davantage à une mesure de santé publique qu'à une mesure d'économie. Votre Rapporteur ne peut que s'en féliciter si, de surcroît, elle permet d'escompter un gain de 500 millions de francs.

Le « plan stratégique » propose également de vérifier le niveau de compétence des médecins, au moyen d'un examen qui ne pourra être perçu que comme « scolaire », quels que soient les efforts consentis. En tout état de cause, il faut se demander, au préalable, qui serait capable d'assumer un taux d'échec supérieur à 10 %, à commencer par la CNAMTS elle-même. Et savoir qui accepterait de jouer le rôle de l'examinateur et, au-delà, serait susceptible d'être accepté dans ce rôle. Il y a donc lieu d'être tout particulièrement sceptique - ou réaliste, comme l'on voudra - sur la pertinence d'une certification ainsi conçue.

Sur la formation médicale continue et l'évaluation, votre Rapporteur ne peut qu'approuver le souci de la CNAMTS de rectifier par ce moyen des pratiques contestables sur le plan des connaissances médicales et scientifiques. Il faut cependant aller plus loin et rendre obligatoires les procédures d'évaluation, non à l'instar de ce qui est proposé pour la certification, mais en y associant le conseil de l'ordre. L'une des conséquences pourrait en être l'interdiction d'exercer, pour des motifs de santé publique.

Enfin, la déclinaison des mesures d'incitation à la cessation d'activité par région et par spécialité va dans le bon sens. En effet, s'il existe bel et bien des régions dans lesquelles l'offre de soins est excédentaire, on ne peut pas affirmer pour autant que tous les besoins médicaux ne soient pas satisfaits dans les régions de relative sous-densité. Par conséquent, la démarche proposée est la bonne, au contraire des mesures de conventionnement individuel (et non plus universel), qui se heurteront bien davantage à la difficulté de normer les comportements. Au nom de quoi contraindre un jeune médecin de s'installer dans une région « déficitaire », à moins de vouloir aligner le niveau général de la dépense sur celui des régions « excédentaires » ?

*

* *

Trois acteurs exercent une responsabilité conjointe sur l'assurance maladie : le Gouvernement, les partenaires sociaux gestionnaires des caisses d'assurance maladie et, désormais, le Parlement. C'est à partir de propositions réalistes, chacun dans son domaine, que ces trois acteurs, qui disposent de toute la légitimité pour réformer le système de soins, parviendront à répondre aux inquiétudes et aux espoirs de nos concitoyens.

B.- UNE NOUVELLE RÉGULATION DES SOINS DE VILLE

Il est grand temps que la médecine de ville, première responsable de l'accélération du rythme des dépenses en 1998 et en 1999, soit dotée d'un mécanisme de régulation qui allie justice et efficacité. De ce double point de vue, l'annulation par le Conseil constitutionnel du dispositif adopté dans la loi de financement pour 1999, succédant aux difficultés rencontrées par les gouvernements précédents, militait pour la recherche d'une autre solution.

En ce sens, l'article 17 du présent projet de loi propose une évolution radicale dans la régulation des soins de ville, complétée par des mesures tendant à renforcer les contrôles et à renforcer le fonds d'aide à la qualité des soins de ville.

1.- Une clarification des responsabilités

La complexité et la longueur du dispositif proposé ne doivent pas faire perdre de vue les lignes directrices : il ne s'agit pas seulement, conformément à l'un des souhaits exprimés par la CNAMTS elle-même, de confier des responsabilités nouvelles à l'assurance maladie, mais aussi de conférer un rôle de dernier recours à la tutelle et de rénover le cadre contractuel des relations avec les professionnels de santé.

a) L'assurance maladie bénéficie d'une délégation

Le mécanisme comprend la définition d'un objectif de dépenses déléguées mais aussi un suivi régulier de l'évolution de ces dépenses.

· L'objectif de dépenses déléguées

Le X de l'article 17 crée, à l'intérieur de l'objectif prévisionnel des dépenses de soins de ville, un nouvel « objectif de dépenses déléguées ». Cet objectif comprend la rémunération des soins dispensés en ville par les professions médicales, les auxiliaires médicaux et les directeurs de laboratoires, ainsi que les soins tarifés à l'acte et dispensés dans les cliniques privées, les honoraires des praticiens exerçant en secteur privé à l'hôpital public et les frais de transport. En sont donc exclues les dépenses résultant de l'exécution des prescriptions des professions médicales délivrées en ville ainsi que les prestations en espèces.

Le c_ur du nouveau dispositif est inscrit au XII du même article. Chaque année, dans le respect de l'objectif de dépenses déléguées précédemment défini, une annexe aux conventions fixera, pour chacune des professions concernées - généralistes, spécialistes, dentistes, infirmiers, kinésithérapeutes, laboratoires - les trois éléments suivants :

- l'objectif des dépenses de la profession, incluant les dépenses d'honoraires, rémunérations et frais accessoires remboursables par les régimes d'assurance maladie, maternité, invalidité et accidents du travail ;

- les tarifs des honoraires, rémunérations et frais accessoires ;

- les mesures de toute nature propres à garantir le respect de l'objectif fixé.

C'est ce dernier élément dont l'importance mérite d'être particulièrement soulignée : en effet, aux côtés des actions d'information, de promotion des références professionnelles opposables et des recommandations de bonne pratique ou d'évaluation des pratiques, l'annexe pourra définir les modifications, dans la limite de 20 %, de la cotation des actes inscrits à la nomenclature.

Un dispositif comparable a déjà été appliqué avec succès à certains spécialistes depuis l'année dernière. En effet, diverses mesures ont été prises afin d'infléchir l'évolution constatée sur les dépenses médicales. Elles reposent, à l'exception de celles concernant les ophtalmologistes, sur des accords conclus avec les professionnels concernés :

- après la baisse de 13,5 % de la valeur de la lettre-clé Z1 en août 1998, l'accord du 9 février 1999 avec les radiologues a permis de relever cette valeur de 11,9 % ;

- l'accord du 14 juin 1999 avec les cardiologues prévoit la baisse de la cotation de l'échocardiographie bidimensionnelle et la promotion de recommandations de bonne pratique et de références médicales opposables ;

- un accord est intervenu avec les biologistes afin de lisser l'évolution des dépenses sur les années 1998 à 2000, par une baisse de la lettre-clé B et une modification de la cotation de certains actes ;

- la cotation de certains actes d'ophtalmologie a été réduite par un arrêté en date du 14 juin.

Grâce à ces mesures, l'évolution des honoraires en 1999 serait modérée pour les radiologues et les biologistes, voire infléchie pour les cardiologues et les ophtalmologistes.

· Le suivi des dépenses

Les parties à chacune des conventions assureront le suivi des dépenses au moins deux fois dans l'année, au vu des résultats des quatre premiers mois et des huit premiers mois. La finalité de ce suivi est de permettre aux parties, si elles constatent que l'évolution des dépenses n'est pas compatible avec le respect de l'objectif, de déterminer, par une annexe modificative, les mesures permettant de garantir son respect, qu'il s'agisse de la modification des cotations ou de l'ajustement des tarifs.

La CNAMTS, en liaison avec les deux autres caisses nationales, établira chaque année deux rapports d'équilibre à l'attention des ministres de tutelle.

Le premier, dans un délai de cinquante jours à compter de la publication de la loi de financement, comprendra les annexes aux conventions et, le cas échéant, les mesures destinées à assurer le respect de l'objectif de dépenses. Il permettra d'apprécier si ces annexes ou les mesures déterminées par les caisses sont compatibles avec l'objectif de dépenses déléguées. Il indiquera également les moyens mis en _uvre pour maîtriser l'évolution des dépenses de prescription : actions du service médical, information, promotion des RMO et des recommandations de bonne pratique ou d'évaluation des pratiques, accords de bon usage des soins.

Le second, transmis entre le 15 juillet et le 15 novembre, sera accompagné, le cas échéant, des annexes modificatives et des mesures destinées à assurer le respect de l'objectif de dépenses.

Compte tenu du rôle que joue désormais le Parlement dans le processus de décision en matière d'assurance maladie, il serait logique qu'il soit destinataire de ces rapports, plus particulièrement les présidents des deux commissions qui, dans chaque assemblée, sont saisies, au fond ou pour avis, du projet de loi de financement.

En l'absence d'annexe, ou même, de convention, et d'insuffisance des parties à la convention :

- la CNAMTS et au moins une autre caisse nationale détermineront le contenu de l'annexe et les mesures permettant de garantir le respect de l'objectif en cours d'année ;

- la CNAMTS assurera le suivi bisannuel précédemment décrit.

Votre Rapporteur se félicite de cette clarification des responsabilités : en toute logique, la CNAMTS, qui dispose des éléments pour apprécier d'éventuels dérapages, se voit confier les moyens d'y faire face.

b) La tutelle n'intervient qu'en dernier recours

La tutelle conservera un rôle de dernier recours à toutes les étapes de la procédure :

- si l'avenant annuel à la convention d'objectifs et de gestion, qui détermine l'objectif prévisionnel des dépenses de soins de ville et l'objectif de dépenses déléguées, n'est pas signé dans les quinze jours suivant la publication de la loi de financement ;

- pour approbation, dans un délai de quinze jours, des annexes et, le cas échéant, des mesures déterminées par les caisses pour assurer le respect de l'objectif de dépenses ; en cas d'opposition, motivée par la non conformité aux lois et règlements en vigueur, l'incompatibilité avec le respect des objectifs de dépenses et les risques pour la santé publique ou l'égal accès aux soins, la CNAMTS dispose d'un délai de dix jours pour présenter de nouvelles annexes ;

- en cas de carence ou d'insuffisance des mesures proposées par les caisses pour assurer le respect de l'objectif, un arrêté interministériel fixe les éléments des annexes annuelles, soixante-quinze jours au plus après la publication de la loi de financement, et les tarifs ajustés dans le cadre du suivi bisannuel, au plus tard les 31 juillet et 30 novembre ; entre temps, les tarifs en vigueur sont prorogés.

Par ailleurs, les conditions d'approbation ministérielle des textes conventionnels sont quelque peu assouplies. Le V de l'article 17 prévoit en effet que les conventions, annexes et avenants seront réputés approuvés par les ministres si ceux-ci n'ont pas fait connaître à la CNAMTS, dans un délai de quarante-cinq jours à compter de la réception du texte, qu'ils s'opposent à leur approbation pour les motifs suivants : non conformité aux lois et règlements, incompatibilité avec le respect des objectifs de dépenses, risques pour la santé publique ou l'égal accès aux soins. Une faculté de disjonction leur sera toutefois ouverte, si les dispositions considérées comme non conformes aux lois ou aux règlements sont divisibles.

c) Le cadre contractuel est rénové

Les paragraphes I à IV de l'article 17 complètent le contenu des conventions des dentistes, des infirmiers, des kinésithérapeutes et des laboratoires, afin d'y faire figurer, comme dans celle des médecins, la coordination des soins, le développement des réseaux de soins et les modes de rémunération, autres que le paiement à l'acte, ainsi que les modes de rémunération des activités autres que curatives.

En outre, le XIII de l'article 17 définit deux nouveaux instruments contractuels.

Il s'agit d'abord des accords de « bon usage des soins », conclus, à l'échelon national ou à l'échelon régional, par les représentants des caisses et des médecins. Ils prévoieront des objectifs médicalisés d'évolution des pratiques ainsi que les actions permettant de les atteindre. Ils pourront fixer des objectifs quantifiés d'évolution de certaines dépenses. En contrepartie, les médecins conventionnés pourront percevoir une partie du montant des dépenses évitées par la mise en _uvre de l'accord. Ces accords seront approuvés dans les mêmes conditions que les textes conventionnels.

Par ailleurs, les conventions médicales pourront définir un contrat de bonne pratique, auquel les professionnels conventionnés adhéreront à titre individuel et qui ouvrira droit à une prise en charge de cotisations sociales par les caisses d'assurance maladie, prévue au XIV du même article.

Ce contrat comportera obligatoirement des engagements relatifs à l'évaluation des pratiques, aux actions de formation continue, aux modalités de suivi de l'activité, à la prescription de médicaments génériques et à l'application des RMO et recommandations de bonne pratique. Il pourra également contenir d'autres engagements destinés à favoriser les réseaux de soins, la coordination des soins ou les regroupements professionnels, à mesurer le niveau d'activité et à assurer la participation des professionnels aux programmes d'information des caisses.

2.- Un renforcement des contrôles

Les articles 18 et 19 du projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoient un renforcement des contrôles, au vu de certaines dérives constatées dans l'évolution des dépenses. Il s'agit, d'une part, des dépenses de transport ainsi que des indemnités journalières et, d'autre part, de certains assurés présentant un important niveau de dépenses.

a) Le transport des malades et les indemnités journalières

Les dépenses au titre des transports et des indemnités journalières connaissent actuellement une évolution rapide. Ainsi, pour le seul régime général, au premier semestre de 1999, les prescriptions de transport de malades progressaient de 8,1 %. En même temps, la charge des indemnités journalières a crû de 6,6 % en 1998 et, selon les prévisions de la commission des comptes, de 5,7 % en 1999.

Même si l'on peut considérer qu'une partie de la croissance des indemnités journalières constitue une conséquence négative du phénomène positif qu'est le recul du chômage, une action plus déterminée n'en paraît pas moins indispensable.

L'article 18 du présent projet de loi dispose donc que les médecins seront tenus de mentionner sur les prescriptions destinées au contrôle médical :

- pour les arrêts de travail, les éléments d'ordre médical justifiant l'interruption de travail ;

- pour le transport, les éléments d'ordre médical précisant le motif du déplacement et justifiant le mode de transport prescrit.

Ils devront, par ailleurs, porter sur la prescription les indications permettant leur identification par la caisse et l'authentification de leur prescription.

L'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale, qui donne la liste des prestations prises en charge par l'assurance maladie, est modifié en conséquence.

b) Les assurés présentant un niveau de dépenses élevé

L'article 19 du présent projet de loi habilite le contrôle médical qui aurait constaté un montant anormalement élevé de dépenses présentées au remboursement à convoquer le patient, dans le cadre d'une évaluation de l'intérêt thérapeutique des soins.

Bien évidemment, il ne s'agit nullement ici de restreindre aveuglément la prescription de soins utiles, mais d'identifier les éventuels excès de consommation médicale, notamment en vue d'éviter tout effet iatrogène, et, le cas échéant, d'établir, conjointement avec un médecin choisi par le patient, un plan de soins et de traitements appropriés. Les affections de longue durée seront naturellement exclues de ce dispositif et, en tout état de cause, compte tenu de la vocation incitative du mécanisme proposé, rien n'est dit sur ce qu'il adviendra si le patient n'obtempère pas à la convocation.

3.- Le fonds d'aide à la qualité des soins de ville

L'article 25 de la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 a instauré un fonds d'aide à la qualité des soins de ville, doté de 500 millions de francs. Ce fonds a pour mission de soutenir les mutations de l'exercice de la médecine ambulatoire. Créé pour cinq ans, géré en partenariat avec l'ensemble des professionnels de santé et rattaché, hors ONDAM, à la CNAMTS, ce fonds est chargé de financer des aides visant à l'amélioration de la qualité et de la coordination des soins de ville, notamment en soutenant le développement des nouveaux modes d'exercice de ces soins, au premier rang desquels les réseaux.

Ces aides sont attribuées aux professionnels de santé, individuellement ou collectivement, au sein d'un réseau de soins ou de tout autre groupement. Elles peuvent prendre la forme de soutiens à la réalisation ou à la diffusion des bonnes pratiques (protocoles, conférences de consensus), à l'évaluation des professionnels, au développement d'applications informatiques dans le cadre du réseau santé social (RSS) et à la mise en place des réseaux. Une gestion décentralisée du fonds serait mise en place, à partir des unions régionales des caisses d'assurance
maladie (URCAM).

Le fonds d'aide à la qualité des soins de ville devait ainsi constituer le pendant des deux fonds pour les établissements hospitaliers créés en 1998.

Malheureusement, l'annexe b au projet de loi de financement tend à montrer que la réalité est moins satisfaisante : plus de dix mois après la promulgation de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, ce fonds n'a pas encore été mis en place. Le décret d'application fixant ses modalités de fonctionnement et de gestion a été soumis à l'avis du Conseil d'État fin août 1999. 230 millions ont été inscrits dans les comptes de 1999, pour le seul régime général, soit au total un peu plus de la moitié de la dotation accordée.

Votre Rapporteur déplore que le pouvoir réglementaire n'ait pas encore été en mesure de mettre en _uvre une disposition adoptée dans le cadre d'une loi à laquelle s'appliquent pourtant des délais d'adoption contraignants. D'un côté, le législateur n'a pas réellement d'autre choix que d'adopter des dispositions présentées comme urgentes et indispensables, tout en disposant de fort peu de temps pour ce faire ; de l'autre, le Gouvernement semble découvrir que l'urgence n'était peut-être pas aussi caractérisée, puisqu'il tarde, c'est le moins qu'on puisse dire, à publier les textes d'application.

Un tel décalage est bien loin de ce que chacun est en droit d'espérer d'un véritable débat sur des sujets de cette importance. En attendant, l'article 20 du présent projet de loi n'en prévoit pas moins d'abonder à nouveau ce fonds de 500 millions de francs.

4.- Les centres de santé

L'article 16 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 reconnaît, dans le code de la santé publique, les missions spécifiques des centres de santé, qui assurent des activités de soins sans hébergement et participent à des actions de santé publique ainsi qu'à des actions de prévention et d'éducation pour la santé. Il sera désormais précisé que ces centres sont gérés soit par des organismes à but lucratif, à l'exception des établissements de santé, soit par des collectivités territoriales.

Les conditions d'agrément, le financement et la tarification de ces centres étaient déjà régis par l'article L. 162-32 du code de la sécurité sociale, mais le Gouvernement propose un aménagement d'ampleur du dispositif.

L'agrément demeure du ressort de l'autorité administrative, après une visite de conformité et au vu d'un dossier technique. Le régime actuel de participation des caisses sous la forme d'une subvention, représentant une partie des cotisations dues par les centres au titre des praticiens ou auxiliaires médicaux qu'ils emploient, est également maintenu.

L'innovation consiste en la conclusion d'un accord national entre l'assurance maladie et les organisations représentatives des centres de soins infirmiers, médicaux, dentaires et polyvalents. Cet accord permettra d'adapter aux centres de santé les dispositions des conventions passées avec les professionnels de la médecine de ville. Il se substitue au conventionnement à l'échelon de l'établissement, aujourd'hui en vigueur.

L'accord national sera approuvé dans les conditions qui seront désormais celles applicables à l'ensemble des conventions avec les professions de santé (cf. supra page 75), mais c'est ensuite un mécanisme d'adhésion individuelle des centres qui est prévu. À défaut d'accord national ou pour les centres de santé n'ayant pas adhéré à l'accord, les tarifs fixés par les différentes conventions médicales s'appliqueront. Enfin, les caisses primaires se voient confier un pouvoir de déconventionnement en cas de violation des engagements prévus par l'accord national.

Votre Rapporteur se félicite de cette reconnaissance du rôle des centres de santé et de la clarification du régime juridique proposées dans le présent projet de loi.

5.- Les transferts à l'assurance maladie

Le dépistage des maladies aux conséquences mortelles évitables, en particulier certains cancers, a été réorganisé par l'article 20 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Il s'agissait notamment d'intégrer dans le champ d'intervention de l'assurance maladie la couverture des frais liés aux actes d'investigation nécessaires et de poser le principe d'une prise en charge à 100 % de ces actes. Votre Rapporteur relève que les textes d'application requis par cet article ne seront publiés, de l'aveu même de l'annexe b au présent projet de loi, qu'au dernier trimestre de 1999.

Quoi qu'il en soit, cette rationalisation se poursuit cette année avec certaines des dépenses de consultations de dépistage anonyme et gratuit (CDAG) et des centres de planification ou d'éducation familiale (CPEF), d'une part, ainsi que les cures de désintoxication, d'autre part.

a) Le dépistage et le traitement du sida et des maladies transmissibles

L'article 14 du présent projet de loi organise le transfert à l'assurance maladie de la part à la charge de l'État ainsi que le remboursement à 100 % :

- des dépenses de dépistage du sida dans le cadre des consultations anonymes mises en place, dans chaque département, en application de l'article L. 355-23 du code de la santé publique ; lorsqu'elles sont réalisées dans les établissements soumis au régime de la dotation globale, les dépenses à ce titre sont incluses dans cette dotation ; pour les consultations dans les autres structures, la prise en charge par l'assurance maladie se fait par l'intermédiaire d'une dotation forfaitaire annuelle ;

- des dépenses de dépistage et de traitement de maladies transmises par la voie sexuelle, dans le cadre des activités de prescription contraceptive des CPEF, pour les mineurs qui en font la demande ainsi que pour les personnes qui ne relèvent pas d'un régime d'assurance maladie ou qui n'ont pas de droits ouverts dans un tel régime.

Ces deux mesures se traduisent par un transfert du budget de la santé (chapitre 47-18) à l'assurance maladie, à hauteur de 26,6 millions de francs pour les CDAG (article 30) et de 2,72 millions de francs pour les CPEF (article 20) en 1999.

b) Les frais de sevrage

L'article 15 du présent projet de loi transfère de l'État à l'assurance maladie la prise en charge des dépenses afférentes aux cures de désintoxication lorsque celles-ci sont réalisées avec hébergement dans un établissement de santé. Cette prise en charge s'effectue conformément au principe selon lequel les personnes admises en cure sont dispensées de toute participation aux dépenses de soins.

Le dispositif de financement est identique à celui proposé pour le dépistage dans les CDAG à l'article 14 : les dépenses à ce titre sont incluses dans la dotation globale des établissements.

Le transfert s'opère du chapitre 47-15, article 10, du budget de la santé vers l'assurance maladie, pour un montant de 72,62 millions de francs en 1999.

C.- LES ÉTABLISSEMENTS SANITAIRES

Le contraste est on ne peut plus saisissant : face à un secteur public résolument engagé dans les restructurations tout en respectant les objectifs de dépenses, les cliniques privées ne semblent pas obéir à la même rigueur, même si le dépassement devrait être moins important en 1999 qu'en 1998.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prend acte de ces différences : il assigne aux hôpitaux publics un objectif de dépenses en progression de 2,4 % par rapport aux dépenses révisées de 1999, tandis que les cliniques privées sont soumises à un nouveau dispositif de régulation assorti d'un objectif de dépenses en croissance de 2 %.

1.- Les réformes en cours

Le projet de loi de financement fournit l'occasion de faire le point sur les réformes engagées : l'accréditation des établissements entre dans une phase active et les schémas régionaux d'organisation des soins ont été préparés, tandis que les fonds mis en place en 1997 sont désormais opérationnels.

a) Le lancement de la procédure d'accréditation

La procédure d'accréditation des établissements de santé est sur le point d'entrer dans sa phase active. L'année 1998 a été consacrée à l'expérimentation du manuel et de la procédure d'accréditation. L'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES) a diffusé le manuel dans sa phase expérimentale à tous les établissements en septembre 1998 et a testé la procédure auprès de quarante établissements volontaires, présentant des types d'activité et des statuts différents. Toutefois, aucun de ces établissements ne peut être considéré comme accrédité, dans la mesure où la version finale du manuel est postérieure à cette expérimentation et où le collège d'accréditation n'était pas encore constitué.

Tous les établissements devront être engagés dans la démarche d'accréditation dans les cinq ans qui suivent la promulgation de l'ordonnance du 24 avril 1996. L'ensemble du dispositif réglementaire est désormais opérationnel et l'ANAES devrait recevoir 200 demandes d'accréditation cette année.

b) L'élaboration des schémas régionaux d'organisation sanitaire

La procédure d'élaboration des schémas régionaux d'organisation sanitaire (SROS) dits de « deuxième génération » sous la responsabilité des agences régionales de l'hospitalisation a été marquée par une concertation plus aboutie qu'en 1996. Il convient de s'en féliciter, car ces documents constituent, pour les cinq années à venir, la référence pour la recomposition du système hospitalier et son adaptation aux besoins de la population. C'est ainsi qu'il convient de procéder, et non en se fondant sur des comparaisons hâtives avec l'hospitalisation privée.

Au cours de son audition par votre commission des Finances la ministre de l'Emploi et de la Solidarité a dégagé les premières lignes de force de ces travaux régionaux :

- une attention soutenue aux thèmes prioritaires de santé publique tels que la lutte contre la douleur ou l'organisation des soins palliatifs ;

- un développement des capacités d'accueil dans certaines disciplines, telles la cardiologie ou la cancérologie, afin de s'adapter aux besoins ;

- une rationalisation de certaines activités, notamment les urgences ;

- la définition de réseaux entre établissements, ainsi en périnatalité ou en cancérologie, afin de garantir à chaque patient, quel que soit son lieu de résidence, la meilleure prise en charge en fonction de sa pathologie ;

- une reconversion d'unités de court séjour afin de faire face aux besoins en moyen et long séjour.

c) Le lent démarrage des fonds mis en place en 1997

La loi de finances et la loi de financement pour 1997 ont mis en place deux fonds destinés à soutenir l'investissement et l'accompagnement social dans les hôpitaux.

· Le fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux

Financé par le chapitre 66-12 du budget de la Santé, créé par la loi de finances pour 1998, le fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux (FIMHO) permet d'attribuer des subventions d'investissement aux établissements sous dotation globale qui présentent les projets contribuant à l'adaptation de l'offre de soins hospitaliers à l'échelon régional.

Le tableau ci-après retrace la programmation des crédits jusqu'en 2003 :

FONDS D'INVESTISSEMENT POUR LA MODERNISATION DES HÔPITAUX

(en millions de francs)

 

Autorisations de

Crédits de paiement

Années

Programme (AP)

Sur AP 1998

Sur AP 1999

Sur AP 2000

Total

1998

503

153

-

-

153

1999

250

100

50

-

150

2000

200

150

75

40

265

2001

-

100

75

60

235

2002

-

-

50

60

110

2003

-

-

-

40

40

Source : projet de loi de finances pour 2000.

Dans son dernier rapport sur la sécurité sociale, la Cour des comptes observe que « la procédure suivie n'a pas été satisfaisante car [...] ce n'est que le 9 octobre 1998 que les lettres d'acceptation [des dossiers] ont été envoyées. Des ouvertures de chantiers ont été retardées et des établissements, lassés d'attendre, ont engagé les travaux, perdant ainsi le bénéfice des subventions ».

Au 31 juillet 1999, sur 166 dossiers reçus, 78 ont été retenus, pour un montant subventionnable de 3,25 milliards de francs, le taux moyen de participation de l'État s'élevant à 23 %. Aucune délégation de crédits de paiement n'est intervenue en 1998, mais 100 millions de francs devraient l'être en 1999, puis 465 millions en 2000.

La Cour remarque en outre que « les projets soumis aux ARH au ministère étaient, pour près de 40 % d'entre eux, non éligibles et concernaient rarement des opérations importantes ». Cette tendance semble se confirmer en 1999 : « malgré un rappel des critères d'éligibilité effectué par le ministère, sur 76 dossiers présentés, de nombreux projets ne sont pas recevables ».

· Le fonds d'accompagnement social pour la modernisation des établissements de santé

L'article 25 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 a institué un fonds d'accompagnement social pour la modernisation des établissements de santé (FASMO). Financé par les régimes d'assurance maladie et géré par la Caisse des dépôts et consignations, il est destiné aux personnels des hôpitaux publics et privés participant au service public hospitalier faisant l'objet de mesures de restructuration, ainsi qu'aux salariés de cliniques privées, à condition que l'opération implique un établissement public.

Il permet ainsi de soutenir des dispositifs favorisant la qualification, la reconversion et la mobilité géographique et professionnelle des personnels : financement des indemnités exceptionnelles de mobilité, prime à l'embauche pour les établissements accueillant les personnels quittant leur établissement dans le cadre de sa réorganisation, actions de conversion, indemnités de départ volontaire.

De même que pour le fonds d'aide à la qualité des soins de ville, la mise en place du FASMO a été particulièrement lente. Ainsi que le note la Cour des comptes, il « n'est entré en application qu'au 1er janvier 1999, les décrets fixant les conditions d'abondement et de gestion du fonds ainsi que les modalités d'octroi aux personnels hospitaliers statutaires de l'indemnité de départ volontaire étant intervenus seulement le 29 décembre 1998. La dotation de 300 millions de francs versée, au titre de 1998, [ ] n'a donc pas été consommée ».

En réalité, les premières demandes d'aides n'ont été déposées que dans le courant du deuxième trimestre de 1999. Au 31 juillet dernier, le montant des dépenses prévisibles pour ces dix dossiers en cours d'examen est donc peu élevé (27 millions de francs sur l'exercice 1999 et 25,7 millions en 2000).

Le décalage entre la dotation accordée par le décret n° 98-1223 du 29 décembre 1998, pour la seule année 1998, et les contributions effectives des régimes d'assurance maladie et les dépenses prévues appelle donc une régularisation des crédits dus au fonds au titre de 1998 et de 1999, comme le montre le tableau ci-dessous.

FONDS D'ACCOMPAGNEMENT SOCIAL POUR LA MODERNISATION

DES ÉTABLISSEMENTS DE SANTÉ

(en millions de francs)

 

1998

1999

2000 (**)

Dotation initiale

300

n.d.

n.d.

Montants versés (*)

244

106

306

Dépenses du fonds

-

27 (**)

25,7

(*) Pour le seul régime général.

(**) Prévisions.

Sources : ministère de l'Emploi et de la Solidarité et commission des comptes de la sécurité sociale.

2.- Une nouvelle régulation des cliniques privées

La réforme proposée à l'article 24 du projet de loi de financement de la sécurité sociale vise à tirer les enseignements de la régulation mise en place depuis le début des années 1990.

a) Le régime en vigueur

C'est la loi hospitalière de 1991 qui a établi le cadre de la régulation des dépenses des établissements de santé privés ayant passé convention avec l'assurance maladie. Ensuite, la convention du 11 mai 1992 a mis en place une enveloppe globale, dénommée objectif quantifié national (OQN), dont le respect est assuré ex post grâce à des tarifs flottants, tandis qu'avec l'ordonnance du 24 avril 1996, le secteur est passé du conventionnement avec l'assurance maladie à un régime de contractualisation avec les agences régionales de l'hospitalisation (ARH). Le contrat national tripartite du 15 avril 1997, conclu entre l'État, l'assurance maladie et les établissements, a établi un contrat-type auquel les contrats avec les ARH doivent se conformer.

La régulation couvre aujourd'hui les établissements ne participant pas au service public hospitalier, à but lucratif ou non lucratif, ayant passé une convention avec l'assurance maladie. Très présents en chirurgie et en obstétrique, ces établissements représentent 20 % de l'ensemble des lits d'hospitalisation complète et 75 % des places de chirurgie ambulatoire, pour un montant total (OQN 1999) de 41,2 milliards de francs.

Comme le rappelle la Cour des comptes dans son rapport de septembre 1998 sur la sécurité sociale, « la tarification conventionnelle des cliniques privées n'est pas fondée sur les coûts, mais repose sur la négociation de prix. Ceux-ci peuvent s'écarter considérablement des coûts réellement engagés par les cliniques, soit parce que ces derniers sont mal connus ou mal pris en compte par la nomenclature [...], soit parce que l'assurance maladie souhaite orienter la pratique des cliniques par des incitations tarifaires [...] ».

En outre, le montant des forfaits pris en charge par l'assurance maladie varie en fonction de la lettre-clé K, déterminée dans le cadre de la nomenclature générale des actes professionnels. Autrement dit, une modification de cette cotation, à laquelle les cliniques privées ne sont pas associées, n'en exerce pas moins une incidence directe sur ces établissements. Enfin, les prix des consommations intermédiaires échappent également en grande partie aux cliniques privées.

Le bilan de la régulation instaurée en 1991-1992 demeure satisfaisant, notamment parce qu'elle a permis une restructuration du secteur en fonction de la concurrence et de l'évolution de la demande de soins.

L'ordonnance du 24 avril 1996 a confirmé la volonté de régionalisation de l'OQN, particulièrement indispensable, compte tenu du rôle désormais tenu par les agences régionales de l'hospitalisation. La loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, au contraire de l'ordonnance de 1996, a prévu une répartition régionale, puis une déclinaison par discipline médico-tarifaire. Toutefois, comme le note la Cour des comptes, « les difficultés techniques et les réticences de principe de certains partenaires n'ont pas permis de mettre en place une régionalisation effective de l'OQN ». Quant au rôle des ARH, elle estime, dans ses recommandations, qu'il convient encore de « préciser [leur] rôle en matière de tarification et de promotion de la qualité ».

Tant en 1991 qu'en 1996, les textes prévoyaient également une réforme de la tarification prenant en compte les coûts par pathologie, qui n'est pas encore intervenue à ce jour.

b) Le dispositif proposé

L'article 24 du présent projet de loi s'inscrit dans la continuité de l'action menée depuis 1991 et vise à renforcer le rôle dévolu aux agences régionales. Le niveau moyen d'évolution des tarifs sera fixé à l'échelon national dans le cadre d'un accord entre l'État et les cliniques privées, mais la politique tarifaire sera adaptée à l'échelon régional, dans un cadre contractuel.

Dans un premier temps, le contenu du contrat tripartite national sera transféré au pouvoir réglementaire. C'est donc un décret qui définira les catégories de prestations d'hospitalisation, en fonction de leur prise en charge par l'assurance maladie, et les méthodes permettant de calculer le montant des prestations prises en charge. Les modalités de détermination de l'objectif quantifié national sont également renvoyées à un décret. Un arrêté continuera de fixer, chaque année, l'OQN en fonction de l'ONDAM.

Deuxième étage du nouveau système, l'accord national, conclu chaque année, au plus tard le 25 février, entre l'État et les établissements déterminera les évolutions moyennes nationale et régionales des tarifs, différenciées, au besoin, suivant les activités médicales. Il fixera également les limites dans lesquelles les agences régionales de l'hospitalisation pourront moduler les taux d'évolution des tarifs. A défaut d'accord, c'est l'État qui serait amené à définir ces éléments.

Un suivi des dépenses est instauré dans le cadre de cet accord, au vu, respectivement, des résultats des quatre premiers mois et des huit premiers mois de l'année, à l'image du dispositif prévu pour les soins de ville. S'il apparaît que l'évolution des dépenses n'est pas compatible avec l'OQN, les parties à l'accord détermineront les mesures de toute nature propres à garantir son respect.

Le troisième étage du système consiste en des accords régionaux, conclus chaque année, au plus tard le 31 mars, entre les ARH et les cliniques, qui définiront les règles générales de modulation des tarifs des prestations ainsi que les critères pouvant être pris en compte pour accorder à certains établissements des évolutions de tarifs différentes, notamment en vue de l'amélioration de la qualité des soins. À défaut d'accord, c'est aux directeurs des ARH qu'il reviendrait de fixer ces règles et critères.

Dernier étage du système, la fixation des tarifs, pour chaque établissement, avec prise d'effet au 1er mai, s'effectue sous la forme d'un avenant au contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens conclu avec l'ARH en application de l'article L. 710-6 du code de la santé publique.

Ainsi, conformément aux demandes exprimées par le secteur, le système proposé, en prenant mieux en compte l'activité médicale des régions et des établissements, permet d'envisager la transition vers une tarification à la pathologie, objectif fixé depuis 1991 et réaffirmé en 1996. Les progrès du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI), la mise en place des ARH et la possibilité ouverte par l'article 55 de la loi portant création d'une couverture maladie universelle de procéder à des expérimentations de tarification à la pathologie permettent toutefois d'espérer qu'une nouvelle étape sera franchie.

Par ailleurs, un nouveau régime de sanctions est défini en cas de fausse cotation de prestations, d'absence de réalisation de prestations facturées ou de dépassement des capacités autorisées. En outre, les frais d'acquisition et de renouvellement des dispositifs médicaux seront remboursés aux cliniques à concurrence du tarif de responsabilité et sur présentation des factures. Si le montant de la facture est inférieur à ce tarif, le remboursement s'effectuera sur la base d'une partie de la somme de ces deux éléments, ce qui permettra d'intéresser les cliniques à une réduction des dépenses actuellement prises en charge à ce titre. Enfin, le système de caisse pivot est étendu aux cliniques afin de suivre les dépenses par établissement et par région.

Comme on ne conçoit pas de nouveau dispositif de régulation des dépenses qui ne serait pas accompagné de la création d'un fonds, le VIII de l'article 24 du présent projet met en place un « fonds pour la modernisation des cliniques privées ». Créé pour une durée de cinq ans à compter du 1er janvier 2000 et géré par la Caisse des dépôts et consignations, il sera destiné à financer des opérations concourant à l'adaptation de l'offre régionale de soins hospitaliers réalisées par des cliniques privées. Les ARH seront chargées d'attribuer les subventions d'investissement, dont les modalités d'utilisation devront faire l'objet d'autant d'avenants au contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens.

Compte tenu de ses précédentes constatations sur les différents fonds comparables qui sont apparus dans les secteurs de la médecine de ville et de l'hôpital, votre Rapporteur ne cache pas un certain scepticisme, d'autant qu'à ce stade, seule la participation des régimes d'assurance maladie à ce fonds est connue - 100 millions de francs en 2000, hors ONDAM - et que les opérations éligibles à ce fonds seront déterminées par décret. Il rappellera enfin que les cliniques, bien que relevant au premier chef du FNE, peuvent être éligibles au FASMO, lorsque ce dernier fonds sera lui même opérationnel.

D.- LES PRODUITS

Les prescriptions ont été à l'origine d'une grande part des dépassements de l'ONDAM en 1998 et en 1999. Si la croissance des dépenses a tendance à se ralentir, la nécessité d'une régulation plus efficace se fait sentir. C'est vrai pour le médicament, où un nouveau cadre réglementaire se met en place et où un accord sectoriel a été conclu avec la profession, même si le projet de loi de financement doit, une nouvelle fois, moduler les « contributions » exigées des laboratoires. Mais c'est également vrai pour ce qui concerne les prestations sanitaires, avec le lancement d'une réforme d'ampleur du tarif interministériel.

1.- L'évolution du cadre réglementaire et conventionnel du médicament

Le rapport annexé à la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 disposait - à supposer qu'après l'arrêt « Rouquette » précédemment évoqué (cf. supra page 9), ce terme demeure approprié - que le Gouvernement entendait lutter contre la surconsommation médicamenteuse, développer les génériques et médicaliser le remboursement.

Des avancées ont été accomplies en ce sens, tant en matière réglementaire que dans la négociation avec l'industrie pharmaceutique.

a) Le cadre réglementaire

Un décret n° 99-486 du 11 juin dernier est intervenu afin de préciser les règles applicables aux spécialités génériques ainsi qu'au droit de substitution et la réforme du système de marge des pharmaciens est entrée en vigueur de façon effective le 1er septembre.

La réévaluation des médicaments et la réforme du remboursement, visant à mettre un terme aux anomalies existant dans la prise en charge et dans les prix, sont en cours. Ils se fondent sur une approche cohérente par classes de médicaments et sur le concept de service médical rendu.

Les premiers travaux de l'observatoire national des médicaments par classes de produits (antibiotiques, antidépresseurs, veinotoniques) ont connu quelque publicité, car ils ont révélé - s'il en était besoin - des surconsommations et des mauvais usages. Pour l'évaluation du service médical rendu, c'est l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) qui a déjà examiné 1.100 spécialités représentant un chiffre d'affaires de 28,5 milliards de francs, aussi bien les médicaments du système cardio-vasculaire que ceux du métabolisme et de la nutrition ou certains dans le domaine de la rhumatologie et des maladies nerveuses.

Ses conclusions ont permis à la commission de la transparence de notifier aux industriels des niveaux de service médical par médicament, ceux-ci ayant eu la faculté de présenter, le cas échéant, leurs observations. Une seconde vague de réévaluation est en cours : elle porte sur un ensemble de médicaments représentant environ 22 milliards de francs (système respiratoire, appareil digestif, antibiotiques). L'objectif est de mener la procédure à son terme d'ici la fin de l'année 2000.

C'est au comité économique du médicament qu'il reviendra de mettre en application les conséquences que le Gouvernement tirera de cette réévaluation. Afin de mener à bien l'ensemble de ses missions, le comité est doté de moyens nouveaux, tant en personnel qu'en matériel, correspondant à des crédits supplémentaires de 10 millions de francs. Ils permettent d'assurer la présence d'un président à temps complet, le doublement de l'effectif permanent du secrétariat et du nombre des rapporteurs chargés de l'instruction des demandes de convention ainsi que le démarrage de la mise en réseau des membres du comité et le développement d'une base de données sur le médicament.

Enfin, les critères d'admission au remboursement vont être prochainement redéfinis par décret, autour du concept de service médical rendu. Les taux de remboursement ne tiendront donc plus seulement compte de la gravité de la maladie ; ainsi, les médicaments dont le niveau de service médical rendu n'est pas considéré comme important, mais qui justifient toutefois une prise en charge, seront remboursés à 35 %. La procédure d'inscription des génériques sera simplifiée, la durée de l'inscription sera limitée à cinq ans et l'harmonisation des conditions de prise en charge au sein des classes sera facilitée.

Il reste une difficulté d'ordre réglementaire que votre Rapporteur souhaiterait voir levée. En effet, l'article 4 de la directive n° 65/65/CEE révisée) prévoit que sans préjudice du droit relatif à la protection de la propriété industrielle et commerciale, les résultats des essais pharmacologiques et toxicologiques ou ceux des essais cliniques ne sont pas requis à l'appui d'une demande d'autorisation de mise sur le marche (AMM) portant sur une spécialité pharmaceutique essentiellement similaire à une spécialité autorisée depuis au moins six ans dans l'Union européenne, ce délai étant fixé à dix ans pour un médicament de haute technologie.

Toutefois, l'article R. 5133 du code de la santé publique, qui transpose ces dispositions de la directive en droit français, prévoit un délai de dix ans pour l'ensemble des médicaments.

Si ce délai était ramené à six ans, sauf pour les médicaments de haute technologie, conformément au texte de la directive communautaire, un temps précieux pourrait être gagné dans la procédure de mise sur le marché des médicaments génériques. Votre Rapporteur souhaite donc que le code de la santé publique soit adapté en ce sens.

b) L'accord sectoriel avec l'industrie pharmaceutique

Selon le rapport annexé à la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, « le Gouvernement entend s'appuyer sur une politique conventionnelle active ». C'est chose faite avec la conclusion, le 19 juillet dernier, d'un accord sectoriel entre le comité économique du médicament et le syndicat national de l'industrie pharmaceutique, qui prend la suite de l'accord-cadre du 25 janvier 1994.

Cet accord fixe le cadre global des relations entre les pouvoirs publics et les laboratoires pour la période 1999-2002. Faisant référence, dans ses considérants, à la « coopération accrue entre les pouvoirs publics et l'industrie pharmaceutique, offrant aux entreprises un cadre stable et respectueux de la libre concurrence et à l'État des garanties sur les comptes sociaux », l'accord reconnaît la nécessité, pour les dépenses de médicaments, d'être compatibles avec l'ONDAM. À cette fin, le comité économique du médicament peut rendre publics, pour des catégories de médicaments représentant tout ou partie du marché des médicaments remboursables, des objectifs annuels d'évolution en chiffre d'affaires exprimés en différentiel de taux par rapport au taux d'évolution de l'objectif de dépenses de médecine de ville.

Les dispositions de cet accord comprennent l'intensification des échanges d'informations, le suivi des dépenses remboursées, la réévaluation des médicaments, le développement des génériques, les conditions de l'automédication, le bon usage des médicaments et l'accélération des procédures de mise sur le marché.

Le c_ur de l'accord consiste cependant en la mise en place d'un nouveau mécanisme conventionnel. Il est proposé à toute entreprise pharmaceutique de conclure avec le comité économique du médicament, avant le 31 décembre prochain, pour la période 1999-2002, une convention obéissant aux dispositions introduites par la loi de financement pour 1999 (article L. 162-17-4 du code de la sécurité sociale).

Cette convention a pour rôle d'assurer, entreprise par entreprise, la compatibilité avec l'objectif de dépenses et une limitation des dépenses promotionnelles. Elle comporte un engagement sur l'évolution du chiffre d'affaires industriel remboursable en officine, mais cet engagement sera mesuré « dès que possible » en termes de médicaments présentés au remboursement puis de sommes effectivement remboursées. Elle fixe également un taux annuel d'évolution du chiffre d'affaires, inférieur au taux d'engagement et au-delà duquel le chiffre d'affaires réalisé sur les médicaments remboursables fait l'objet de remises quantitatives en fin d'année, réduites lorsque le chiffre d'affaires aura été réalisé avec un produit innovant ou un médicament générique.

Par conséquent, la fixation d'objectifs de dépenses par grandes catégories de médicaments remboursés ne signifie en rien des plafonds de prescription, de vente ou de consommation des médicaments concernés. Il s'agit simplement de déterminer un seuil d'évolution au-delà duquel la collectivité estime devoir payer proportionnellement moins cher ces produits, par le biais de ces remises.

La somme des engagements conventionnels pourra d'ailleurs excéder l'objectif des dépenses, dont le respect sera assuré, le cas échéant, par la mise en _uvre des remises susmentionnées. Par ailleurs, les remises peuvent également être établies en fonction de l'évolution des ventes, toutes entreprises confondues, dans les diverses catégories de médicaments au regard des objectifs d'évolution.

Pour l'entreprise pharmaceutique, l'intérêt de ce dispositif est que l'adhésion à ce mécanisme de remises vaut exonération de la contribution (« clause de sauvegarde ») instaurée par la loi de financement pour 1999 et qui prévoit une contribution des entreprises en cas de progression du chiffre d'affaires supérieure à l'ONDAM (cf. infra page 97).

2.- Les contributions de l'industrie pharmaceutique

La régulation du secteur du médicament figure en bonne place parmi les « figures imposées », quoique non écrites dans les textes organiques, de la loi de financement.

Ainsi, le feuilleton de la troisième contribution exceptionnelle de 1996 connaît-il un nouvel épisode dans le présent projet de loi. La contribution sur les ventes directes ne donne toujours pas satisfaction. Quant à la contribution à vocation pérenne mise en place par l'article 31 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, elle requiert, cette année, un ajustement de son taux de déclenchement.

a) Les conséquences de la malfaçon de la troisième « contribution exceptionnelle » de 1996

Parmi les trois contributions cumulatives que l'article 12 de l'ordonnance n° 96-51 du 24 janvier 1996 relative aux mesures urgentes tendant au rétablissement de l'équilibre financier de la sécurité sociale mettait à la charge de l'industrie pharmaceutique, la dernière consistait en une contribution assise sur le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en 1995.

On se souvient que ces contributions firent l'objet de longues tractations qui se traduisirent d'abord par une diminution du montant initialement envisagé (1,18 milliard de francs pour celle qui nous occupe ici) et, surtout, par l'établissement d'une distinction entre laboratoires assujettis, selon qu'ils étaient ou non éligibles au crédit d'impôt recherche.

L'enfer étant, comme chacun sait, pavé de bonnes intentions, l'idée consistant à privilégier les dépenses de recherche effectuées en France par rapport à ceux qui n'y exercent qu'une activité de distribution plus ou moins bien camouflée par des pseudo-centres de recherche entraînait une rupture manifeste d'égalité au regard des normes communautaires.

Des laboratoires étrangers dont les filiales, implantées en France, n'y réalisent aucun investissement de recherche, ont attaqué cette disposition de l'ordonnance devant le Conseil d'État. Par une décision du 28 mars 1997 (« Société Baxter »), celui-ci a saisi le Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) d'une question préjudicielle.

Sans surprise, la Cour de justice, dans un arrêt du 8 juillet dernier, estime que les dispositions du traité « s'opposent à une réglementation d'un État membre qui [...] ne permet pas à ces entreprises de déduire de l'assiette de cette contribution les dépenses [autres que celles] afférentes aux seules opérations de recherche réalisées dans l'État d'imposition, lorsqu'elle s'applique à des entreprises communautaires opérant dans ces États par le biais d'un établissement secondaire ».

Dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, le Gouvernement, estimant à juste titre que l'annulation requise était très probable, avait tenté l'impossible afin de rattraper cette malfaçon du « plan Juppé » et de maintenir au profit des caisses le bénéfice de la contribution levée en 1996 : modifier, au profit de certains et au détriment d'autres, une taxe déjà entièrement levée, liquidée et payée.

Il s'agissait de « reconstituer » la recette escomptée, en ramenant de 1,7 % à 1,47 % le taux de prélèvement et en réintégrant dans l'assiette les sommes antérieurement déduites au titre des dépenses de recherche. La charge des entreprises françaises ou filiales françaises de sociétés étrangères ayant bénéficié du crédit d'impôt recherche s'en trouvait, de ce fait, alourdie. Ceci étant, l'incertitude régnait sur les moyens de recouvrer cette contribution sous de nouvelles formes lorsque l'entreprise qui l'avait payée en 1996 avait juridiquement disparu depuis, notamment par fusion ou absorption.

Lors de l'examen de cette disposition du projet de loi de financement pour 1999, la représentation nationale avait exprimé ses réserves.

M. Alfred Recours, rapporteur pour les recettes et l'équilibre général au nom de la commissions des affaires culturelles, familiales et sociales, avait ainsi estimé que « même si elle respecte l'autorité de la chose en l'état jugée, cette sorte de « validation prévention » aboutit à modifier une contribution déjà perçue et déjà incorporée dans les lois de financement précédentes et dans les comptabilités des entreprises pharmaceutiques concernées ».

Votre Rapporteur avait observé, pour sa part : « Force est de reconnaître que la solution retenue par le Gouvernement peut surprendre : reconstituer a posteriori, non sans quelque artifice, une base d'imposition qui soit, en théorie, juridiquement convenable pour une contribution intégralement levée, liquidée et payée n'est pas un précédent bien attrayant ».

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 98-404 DC du 18 décembre 1998 sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, a jugé que « si le législateur a la faculté d'adopter des dispositions fiscales rétroactives, il ne peut le faire qu'en considération d'un motif d'intérêt général suffisant et sous réserve de ne pas priver de garanties légales des exigences constitutionnelles » et qu'en l'espèce, « le souci de prévenir les conséquences financières d'une décision de justice censurant le mode de calcul de l'assiette de la contribution en cause ne constituait pas un motif d'intérêt général suffisant pour modifier rétroactivement l'assiette, le taux et les modalités de versement d'une imposition, alors que celle-ci avait un caractère exceptionnel, qu'elle a été recouvrée depuis deux ans et qu'il est loisible au législateur de prendre des mesures non rétroactives de nature à remédier aux dites conséquences ».

Dans un arrêt « Société Baxter et autres » rendu le 15 octobre dernier, le Conseil d'État suit cette argumentation : « considérant qu'il découle de l'interprétation donnée par le Cour de justice [...] qu'une telle contribution instaure une inégalité de traitement susceptible de défavoriser les entreprises ayant leur siège principal dans d'autres États membres et opérant en France par le biais d'établissements secondaires, dès lors qu'il apparaît que ce sont plus particulièrement celles-ci qui développent leur activité de recherche hors de France », il a annulé les dispositions du III de l'article 12 de l'ordonnance du 24 janvier 1996.

En tout état de cause, le Gouvernement était tellement peu convaincu de la solidité du dispositif sur lequel il a tenté, jusqu'au bout, de s'appuyer, qu'il avait envisagé dans le projet de loi de financement pour 2000, avant même l'arrêt du Conseil d'État, la seule solution viable, compte tenu des exigences formulées par les différentes juridictions qui ont eu à statuer sur cette affaire : prendre son parti de l'annulation probable de la contribution de 1996 et proposer la création, à l'article 22 du présent projet de loi de financement, d'une contribution exceptionnelle à la charge des laboratoires pharmaceutiques, permettant de compenser la perte de 1,2 milliard de francs qui en résultera pour le régime général.

Cette contribution présente des caractéristiques communes avec celle qui avait été instaurée en 1996, puis « reconstituée » en 1999 : elle bénéficiera à la CNAMTS et elle sera assise sur le chiffre d'affaires réalisé, en 1999, par les laboratoires pharmaceutiques au titre des spécialités remboursables et agréées à l'usage des collectivités. De même, les entreprises dont le chiffre d'affaires ainsi défini est inférieur à 100 millions de francs ne seront pas redevables de cette contribution, sauf lorsqu'elles sont filiales à 50 % au moins d'une entreprise ou d'un groupe dont le chiffre d'affaires consolidé réalisé en France au titre des mêmes spécialités dépasse cette limite.

En attendant, c'est seulement le 1er septembre 2000 que l'industrie pharmaceutique s'acquittera sans doute enfin d'une contribution qui devait porter, à l'origine, sur le chiffre d'affaires de 1995 et être versée au plus tard... le 31 août 1996. Votre Rapporteur relèvera simplement qu'aucune des autres mesures de recettes du « plan Juppé », qu'il s'agisse notamment de l'augmentation du taux de la CSG ou de l'institution de la CRDS, n'a connu de telles péripéties, qui en disent plus que tout long discours sur le poids institutionnel respectif des acteurs du système de santé français.

b) À quoi sert la contribution sur les ventes directes ?

Créée par l'article 12 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, la contribution sur les ventes directes aux pharmacies d'officine effectuées par les laboratoires pharmaceutiques (articles L. 245-6-1 et suivants du code de la sécurité sociale) est assise sur le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France auprès des pharmacies d'officine, des pharmacies mutualistes et des pharmacies de sociétés de secours minières, au titre des ventes en gros, à l'exception des spécialités génériques.

La justification de ce prélèvement était de rétablir l'égalité des conditions de concurrence entre les ventes directes et les ventes par les grossistes. En effet, il était allégué que dans le cadre des ventes directes, les laboratoires et les officines, bien que n'étant pas soumis aux mêmes obligations de service public que les grossistes, ne s'en partageaient pas moins une rémunération identique à celle des grossistes.

Au cours des débats sur cet article, le rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales de notre Assemblée, M. Claude Évin, avait mis en lumière l'existence d'un « problème dont la solution ne peut être uniquement cette taxation », invitant le Gouvernement à engager une réflexion sur la question de la distribution du médicament.

Le taux de cette contribution, qui est recouvrée par l'ACOSS, est fixé à 2,5 % et son produit est affecté à la CNAMTS. Evalué à 300 millions de francs dans l'exposé des motifs du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, le produit de cette taxe n'a atteint, en réalité, que 163 millions de francs en 1998. Le fascicule « Voies et moyens » annexé au projet de loi de finances pour 2000 prévoit, au titre de 1999, un montant de 170 millions de francs. Quant au produit pour 2000, il atteindrait 171 millions de francs.

Non seulement l'apport financier de cette contribution se révèle décevant, mais son principe même est regrettable, car elle pénalise les laboratoires qui s'efforcent de simplifier un circuit de distribution coûteux et inadapté. La Cour des comptes, dans son dernier rapport sur la sécurité sociale, estime, à cet égard, que « la question se pose de savoir si des évolutions, conduisant à une organisation plus diversifiée de la distribution du médicament, ne seraient pas justifiées et ne pourraient pas favoriser une rationalisation du secteur et une mise à disposition des médicaments à un coût moindre pour la collectivité, dans des conditions de service aussi satisfaisantes ».

Votre Rapporteur souhaite qu'une politique relative à la distribution du médicament soit définie, comme le Gouvernement s'y était engagé il y a deux ans, afin de préciser le rôle et l'utilité de chacun des acteurs. Il est probable que l'inutilité de la contribution sur les ventes directes sera alors admise par tous.

c) L'ajustement du taux de déclenchement de la clause permanente de sauvegarde au titre de 2000

On rappellera que l'article 31 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, codifié aux articles L. 138-10 et suivants du code de la sécurité sociale, a mis en place une clause permanente de sauvegarde applicable aux entreprises n'ayant pas passé convention avec le comité économique du médicament. Elles sont redevables d'une contribution lorsque leur chiffre d'affaires hors taxe réalisé en France au titre des spécialités remboursables et agréées à l'usage des collectivités s'est accru, par rapport au chiffre d'affaires réalisé l'année précédente, d'un pourcentage excédant le taux de progression de l'ONDAM tel qu'il résulte du rapprochement des lois de financement de l'année en cours et de l'année précédente.

Le taux de la contribution varie en fonction du dépassement du taux de progression de l'ONDAM. Le montant global ainsi calculé est ensuite réparti entre les entreprises redevables selon trois fractions :

- l'une (30 %) calculée en fonction du chiffre d'affaires en valeur absolue ;

- l'autre (40 %) est fonction de la progression du chiffre d'affaires, lorsque celle-ci est supérieure au taux de progression de l'ONDAM ;

- la dernière (30 %) en fonction des charges de prospection et d'information, autrement dit de promotion publicitaire.

Pour les dépenses de 1998, auxquelles ce dispositif n'était pas encore applicable, le Gouvernement a négocié des remises, à hauteur de 1,2 milliards de francs, qui sont considérées comme des diminutions de dépenses dans les comptes pour 1999.

Au titre de 1999, le versement qui sera encaissé en 2000 atteindrait 500 millions à 1 milliard de francs. En effet, selon l'ampleur exacte du dépassement qui sera constaté, le taux applicable à ce dépassement, en fonction du barème adopté l'année dernière, pourrait être de 0,65 % (si le dépassement de l'ONDAM se situe entre 1 et 2 points) ou de 1,3 % (si ce dépassement se situe entre 2 et 4 points).

Votre Rapporteur s'était interrogé, l'an passé, sur « la portée normative ainsi donnée à la variation d'année en année d'un objectif de dépenses exprimé, faut-il le rappeler, non pas en proportion ou en progression, mais en valeur absolue ». En effet, non seulement l'ONDAM est un simple montant, mais sa réalisation en fin d'année a de fortes chances de différer, en plus ou en moins, de l'objectif initial, de telle sorte que le taux d'évolution pertinent doit être défini non comme le rapport entre les objectifs initialement fixés, mais en prenant en compte l'exécution de l'ONDAM de l'année précédente.

L'article 33 du présent projet de loi et les prévisions d'exécution de l'objectif de 1999 conduisent à un taux de progression de l'ONDAM pour 2000 de 2,5 %. Compte tenu du fait que ce taux est désormais calculé par rapport à l'exécution de l'ONDAM de l'exercice précédent, un ajustement du seuil de déclenchement est nécessaire par rapport au système en vigueur.

Au titre de 2000, pour la contribution versée en 2001, l'article 21 du présent projet de loi fixe donc un seuil de déclenchement à 2 %. Il s'agit d'un taux ad hoc, déconnecté de tout lien avec l'ONDAM.

*

* *

Cette année, les deux mesures proposées par le Gouvernement figurent parmi les dispositions relatives aux dépenses et à la trésorerie (titre III) du projet de loi de financement. Votre Rapporteur s'étonne de ce choix, car les deux contributions concernées présentent clairement le caractère de recettes.

La contribution prévue dans le cadre de la clause de sauvegarde, dont le seuil de déclenchement est modifié par l'article 21 du projet de loi, est recouvrée par l'ACOSS et son produit est réparti entre les régimes d'assurance maladie. Bien plus, le Conseil constitutionnel, dans sa décision 98-404 DC précitée, estime que cette contribution « ne revêt pas le caractère d'une sanction mais celui d'une imposition au sens de l'article 34 de la Constitution ».

Certes, ce mécanisme reflète la même inspiration et la même finalité que celui qui a conduit, dès cette année, à faire respecter l'objectif de dépenses des spécialistes par une baisse des lettres-clés, mais, considérant la décision du Conseil constitutionnel, cet argument n'a pas une valeur juridique suffisante. Par conséquent, les conditions du reversement au titre de 2000 prévues par le présent projet de loi auraient dû être inscrites dans le titre II (dispositions relatives aux ressources) du projet de loi, et non dans son titre III.

Si les comptes présentés à l'appui du projet de loi tirent les conséquences de ce choix, on peut toutefois s'interroger sur la cohérence de l'ensemble. En effet, si l'on raisonne en « droits constatés », la logique aurait voulu que cette contribution, due au titre de 1999, fût inscrite dans les comptes de 1999, bien qu'effectivement perçue en 2000. Quand bien même on raisonnerait en « encaissements/décaissements », cette contribution pourrait certes, dès lors, être retracée dans les comptes de 2000, mais au titre des encaissements, et non comme un moindre décaissement.

Quant à la contribution instituée à l'article 22 afin de prévenir les conséquences de l'annulation de la troisième « contribution Juppé », peut-elle avoir une nature autre que celle d'une recette, puisqu'elle vise précisément à faire en sorte que l'assurance maladie ne souffre pas de la perte d'une recette qui aurait été illégalement perçue ? On observera d'ailleurs qu'elle est effectivement inscrite en recettes dans les comptes de l'annexe c au projet de loi de financement.

3.- La réforme du tarif interministériel des prestations sanitaires

La prise en charge en ville des dispositifs médicaux à usage individuel se fait actuellement par l'intermédiaire du tarif interministériel des prestations sanitaires (TIPS), prévu à l'article L. 162-17 du code de la sécurité sociale. Comme on l'a vu, les dépenses au titre de ces produits connaissent une forte croissance depuis quelques années, ce qui n'est sans doute pas étranger au fait que la procédure en vigueur n'offre pas toujours une bonne allocation des ressources ou une détermination satisfaisante des prix.

L'article 23 du présent projet de loi établit les bases législatives d'une réforme d'ensemble de ce tarif. Pour l'ensemble des dispositifs médicaux à usage individuel, des tissus et cellules du corps humain, des produits de santé autres que les médicaments et des prestations de service et d'adaptation associées, le remboursement par l'assurance maladie sera subordonné à leur inscription sur une liste.

L'agence française de sécurité sanitaire des produits de santé sera chargée de la phase d'évaluation des produits. Ensuite, c'est le comité économique du médicament, devenu « comité économique des produits de santé », qui interviendra dans la phase de détermination des tarifs et, le cas échéant, des prix. Son rôle dans cette procédure sera de proposer aux ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale les tarifs de responsabilité et les prix des produits. Certains des mécanismes existant dans le secteur du médicament trouvent également à s'appliquer pour les autres produits de santé : le comité peut conclure des conventions avec les professionnels, portant notamment sur les volumes de ventes et les remises ; il assure un suivi périodique des dépenses au vu de l'ONDAM.

Votre Rapporteur ne peut qu'approuver les orientations de cette réforme qui permettra de reconstruire le TIPS sur des bases assainies.

E.- LE SECTEUR MÉDICO-SOCIAL

Pour autant qu'elle soit correctement mesurée, compte tenu des lacunes existant dans les outils statistiques, on a vu que la progression des dépenses du secteur médico-social continue de se maintenir à un rythme soutenu. Ceci dit, votre Rapporteur souligne qu'à la différence de certains autres postes de dépenses, cette forte croissance répond avant tout aux besoins de grande ampleur qui existent dans ce secteur.

En effet, le Gouvernement poursuit le plan pluriannuel de créations de places entamé depuis 1998 : 1.100 places cette année en maisons d'accueil spécialisées (MAS) et en foyers à double tarification (FDT), comprenant une enveloppe particulière pour les personnes autistes, qui ont déjà bénéficié de 450 places nouvelles en 1999, et les traumatisés crâniens. La mise en place, dans chaque département, d'un centre d'action médico-sociale précoce (CAMSP), l'extension des capacités des services de soins spécialisés à domicile (SESSAD) et des services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) s'inscrivent également dans un effort continu que la loi de financement pour 2000 vient confirmer.

Cet important développement des moyens ne rend que plus légitime un dispositif d'encadrement. C'est pourquoi le présent projet de loi vise à consolider les mécanismes d'opposabilité des enveloppes budgétaires mis en place depuis 1998.

En effet, l'autorisation donnée par le préfet ou le président du conseil général afin de créer, transformer ou étendre les établissements et services relevant de la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales vaut, suivant les cas, habilitation à recevoir des bénéficiaires de l'aide sociale ou autorisation de dispenser des soins remboursables aux assurés sociaux.

Depuis la loi du 6 janvier 1986, il est prévu que ces habilitations ou autorisations peuvent être refusées pour tout ou partie de la capacité prévue, lorsque les coûts de fonctionnement sont manifestement hors de proportion avec le service rendu ou avec ceux des établissements fournissant des services analogues, ou lorsqu'ils sont susceptibles d'entraîner des charges injustifiées ou excessives pour les budgets des collectivités publiques ou des organismes de sécurité sociale, compte tenu de différents critères (conditions de satisfaction des besoins de la population, compatibilité des dépenses avec la politique sanitaire et sociale et les perspectives économiques et budgétaires de la collectivité concernée).

Cette condition peu contraignante a été renforcée et précisée dans trois textes récents. L'habilitation ou l'autorisation peut être refusée si les coûts de fonctionnement sont susceptibles d'entraîner des charges injustifiées ou excessives :

- pour les budgets des organismes de sécurité sociale, compte tenu des dotations et objectifs fixés par ailleurs (article 33 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999) ;

- pour le budget de l'État, compte tenu des enveloppes de crédits déterminées par ailleurs (article 135 de la loi de finances pour 1999) ;

- pour les budgets des collectivités locales, compte tenu de l'objectif annuel ou pluriannuel délibéré par la collectivité concernée en fonction de ses obligations légales, de ses priorités en matière d'action sociale et des orientations des schémas départementaux (article 58 de la loi du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle).

L'article 25 du présent projet de loi vise à rétablir les dispositions relatives à l'assurance maladie, qui ont été supprimées à la suite d'une rédaction inappropriée de l'article 58 portant création de la CMU.

F.- L'ÉQUILIBRE POUR 2000

Compte tenu des mesures présentées ci-dessus, le retour à l'équilibre de la branche maladie devrait se poursuivre en 2000. S'agissant de l'ONDAM, quelques précisions de méthode doivent cependant être apportées.

1.- Les comptes du régime général

La commission des comptes de la sécurité sociale établit, chaque année, un « compte tendanciel » du régime général, fondé sur diverses hypothèses concernant l'exercice à venir. Ensuite, les mesures du projet de loi de financement viennent éventuellement corriger certains éléments de ce compte.

Qu'en est-il cette année ? Force est de constater que la commission des comptes présente un compte tendanciel pour 2000 faisant preuve d'une extrême perspicacité quant aux intentions que le Gouvernement exprime dans son projet de loi de financement. Outre les projections et les hypothèses générales quant à l'évolution des recettes, sur lesquelles votre Rapporteur ne reviendra pas, trois hypothèses concernent plus particulièrement la branche maladie :

- « intégration des effets financiers escomptés en 2000 de la mise en _uvre de la loi sur la couverture maladie universelle »

- « hypothèse de reversement par la branche maladie à l'industrie pharmaceutique à la suite du contentieux "Baxter", d'une partie, provisoirement estimée à 1,2 milliard de francs, de la contribution exceptionnelle de 2,5 milliards de francs acquittée en 1996 ». Ce reversement est effectivement inscrit dans le poste « Dépenses diverses » du compte tendanciel de l'assurance maladie, tandis qu'aucune recette n'est prévue au titre de la nouvelle contribution proposée à l'article 22 du projet de loi.

- « évolution de l'ONDAM, nette de la contribution conventionnelle des laboratoires pharmaceutiques, à + 2,5 % par rapport à l'objectif 1999 rebasé, soit + 2,8 % pour le régime général en métropole »

L'analyse de cette hypothèse étonnamment perspicace appelle un développement spécifique (ci-dessous, page 104).

En réalité, la commission des comptes retient deux autres hypothèses, qui, si elle ne sont pas explicitées dans le corps de son rapport, sont bel et bien retracées dans le compte tendanciel de la branche :

- l'abondement, à hauteur de 500 millions de francs (soit 430 millions pour le seul régime général), du fonds d'aide à la qualité des soins de ville, prémonition de l'article 20 du projet de loi ;

- les transferts du budget de l'État, à l'assurance maladie opérés par les articles 14 et 15 du projet de loi (cf. supra pages 80 et 81), soit 101,3 millions de francs (respectivement 28,7 et 72,6 millions).

À partir de ce compte tendanciel, trois mesures viennent modifier l'équilibre de la branche maladie du régime général pour 2000 :

- le montant attendu de la contribution créée à l'article 22 du présent projet (cf. supra page 95), soit 1,2 milliard de francs ;

- le financement du fonds pour la modernisation des cliniques privées (cf. supra page 88), soit 100 millions de francs ;

- les incidences, pour cette branche, de la revalorisation des pensions (cf. infra page 110), au titre de l'invalidité, soit 50 millions de francs.

Dans ces conditions, le déficit de la branche maladie du régime général serait ramené à 2,65 milliards de francs, contre 3,7 milliards dans le compte tendanciel.

Par conséquent, sur les onze articles du projet de loi relatifs à l'assurance maladie - si l'on excepte l'article 20, dont on a vu qu'il était déjà intégré au compte tendanciel -, seuls deux voient leur incidence évaluée et retracée dans le tableau figurant à l'annexe c. Faut-il en déduire que tous les autres articles seraient, faute d'incidence financière précisément mesurée, des « cavaliers » qui ne devraient pas trouver leur place dans une loi de financement ?

Votre Rapporteur estime qu'un tel raisonnement serait par trop hâtif. En effet, certaines de ces dispositions ont une incidence sur l'équilibre de la sécurité sociale, comme l'article 21, qui modifie le seuil de déclenchement de la « clause de sauvegarde » de l'industrie pharmaceutique. On a d'ailleurs vu que cette disposition devait trouver une place plus appropriée dans la partie du projet de loi relative aux ressources.

Quant aux autres dispositions, il est à la fois indéniable qu'elles sont de nature à affecter l'équilibre de la sécurité sociale mais qu'elles ne peuvent faire l'objet d'une évaluation sérieuse. Relèvent de cette catégorie la régulation des soins de ville (article 17), le renforcement des contrôles (articles 18 et 19), la réforme du TIPS (article 23), la régulation des cliniques privées (article 24) et l'opposabilité des dépenses médico-sociales (article 25).

S'agissant enfin du statut des centres de santé (article 16), votre Rapporteur craint cependant, malgré tout le bien qu'il pense de cette réforme, que ses incidences financières ne soient extrêmement indirectes.

2.- Quel ONDAM pour 2000 ?

Pour 2000, la commission des comptes se fonde sur l'hypothèse d'un « montant de dépenses nettes de la contribution conventionnelle de l'industrie pharmaceutique sur le champ de l'ONDAM de 658,3 milliards de francs. Ceci correspond à une augmentation de 2,5 % par rapport à un objectif 1999 rebasé en fonction des prévisions annuelles de dépenses ».

Quant au Gouvernement, si l'on s'en tient à l'exposé des motifs du projet de loi, il considère que « l'ONDAM est fixé à 658,3 milliards de francs pour l'année 2000, en progression de 2,5 % par rapport aux dépenses attendues pour 1999 ».

Tout cela n'est bien évidemment pas inexact, mais il faut savoir exactement de quoi l'on parle.

D'abord, il convient d'insister sur les conséquences du choix opéré par le législateur organique de 1996 entre un objectif sous forme de montant et un objectif sous forme de taux. Les travaux préparatoires démontrent amplement qu'en retenant implicitement la première solution, le législateur organique était parfaitement conscient de ce que le rapprochement du montant de l'année n + 1 de celui de l'année n conduirait inévitablement au calcul d'un taux. C'est d'ailleurs principalement sous la forme de taux que le Gouvernement a pris l'habitude d'expliciter, devant la représentation nationale, la déclinaison prévisionnelle de l'ONDAM entre les quatre principaux postes de dépenses (soins de ville, établissements sanitaires, secteur médico-social, cliniques privées).

On relèvera par ailleurs que la loi organique, pas plus que la loi ordinaire ou le décret, ne définissent avec précision le contenu de l'ONDAM - lequel, de ce fait, est une simple convention comptable -, pas plus que les conditions de son opposabilité. Tout au plus retrouve-t-on, au fil des différents dispositifs de régulation des dépenses, les quatre principaux postes selon lesquels il est « décliné », mais jamais le champ exact des dépenses qu'il recouvre, n'est explicitement décrit dans les textes.

Au demeurant, la convention retenue depuis 1997 n'est pas exempte d'incohérences, comme le rappelle la Cour des comptes dans son dernier rapport sur la sécurité sociale.

Ainsi, certains fonds gérés par le régime général, tels le fonds national de prévention, d'éducation et d'information pour la santé (FNPEIS) ou le fonds national d'action sanitaire et sociale (FNASS), ne sont pas inclus dans l'ONDAM. De ce fait, le remboursement des vaccinations contre la grippe, la rougeole, les oreillons, la rubéole et l'hépatite B à la charge du FNPEIS demeure hors ONDAM, alors que d'autres vaccinations, comme celle contre la coqueluche, y sont intégrées. De même, on peut se demander pourquoi le fonds de réorientation et de modernisation de la médecine libérale (FORMMEL), le fonds d'accompagnement social pour la modernisation des établissements de santé (FASMO) ou le futur fonds d'aide à la qualité des soins de ville, dont certaines dépenses sont susceptibles d'avoir des incidences sur des composantes de l'ONDAM, n'y sont pas intégrés.

En outre, une part significative des dépenses de soins de ville incluses dans l'objectif national n'est pas soumise à encadrement. Il s'agit principalement, par ordre d'importance, des médicaments non inclus dans les dépenses médicales (obtenus auprès des pharmacies hospitalières par des patients non hospitalisés) ainsi que des indemnités journalières et des transports prescrites par des professionnels de santé autres que les médecins libéraux. La Cour l'évalue à 31,1 milliards de francs en 1998, soit 5 % du montant total de l'ONDAM. Par ailleurs, d'une année sur l'autre, la définition et le champ des différents sous-objectifs a évolué de façon significative, de telle sorte qu'il n'est pas toujours possible de tirer les enseignements d'une comparaison dans le temps, au-delà de l'année.

Au-delà de ces problèmes de contour et de la coexistence entre montants et taux, la pratique soulève des problèmes d'interprétation délicats, dans la mesure où, au fil du temps, diverses références ont pu se révéler opportunes : en effet, au moment où le Parlement se prononce sur l'objectif de l'année n + 1, il vient tout juste de prendre connaissance des comptes définitifs de l'année n - 1 et ne dispose que de données prévisionnelles sur l'objectif de l'année n.

Le tableau ci-dessous montre en effet que trois ONDAM peuvent être distingués : l'objectif voté par le Parlement, l'objectif « rebasé » - le taux d'évolution fixé pour l'année n étant appliqué, en cours d'exercice n, au montant effectivement constaté pour l'année n - 1 et le montant final des dépenses d'assurance maladie.

OBJECTIF NATIONAL DE DÉPENSES D'ASSURANCE MALADIE

(en milliards de francs)

 

1997

1998

1999

2000

Objectif voté

600,2

613,8

629,9

658,3*

Objectif « rebasé »

-

613,3

639,8

-

Objectif réalisé

599,5

623,6

643*

-

Evolution votée (en %)

+ 1,7

+ 2,3

+ 2,6

+ 4,5*

Evolution « rebasée » (en %)

-

+ 2,4

+ 1

+ 2,5

Evolution réalisée (en %)

+ 1,5

+ 4

+ 3,1

-

(*) prévisions.

Sources : commission des comptes de la sécurité sociale et projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

À partir de là, toutes les interprétations sont légitimes. Cette année, le Gouvernement propose un taux d'évolution déduit du montant des dépenses pour 1999, tel qu'il est évalué par la dernière commission des comptes. Dans ces conditions, le taux - plus parlant que le montant de l'objectif proprement dit - s'élève à 2,5 %. Bien entendu, retenir les modalités de calcul du taux appliquées jusqu'à présent, c'est-à-dire sur l'objectif de l'année précédente non « rebasé », conduit à une augmentation de 4,5 %.

Chacune de ces deux méthodes se justifie. Dans un cas, on établit une étanchéité entre les exercices, de telle sorte que l'exercice suivant ne soit pas affecté par les dérapages de l'exercice en cours. Dans l'autre, on a sans doute une vision plus réelle de l'évolution des dépenses sur plusieurs exercices, au risque de perdre de vue l'essence même de l'ONDAM, qui est de fixer une norme.

En réalité, tout est donc affaire de présentation. Votre Rapporteur aurait donc tendance à penser qu'il faut privilégier une approche fondée sur l'objectif révisé : s'il est exact de dire qu'à la fin de 2000, les dépenses auront progressé de 4,5 % par rapport à l'objectif voté pour 1999, c'est bel et bien un taux de progression de 2,5 % qui s'imposera aux dépenses d'assurance maladie en 2000.

L'honnêteté devrait donc conduire ceux qui, l'année passée, au vu de l'exécution 1998, avaient exprimé leurs craintes lorsque le Gouvernement avait présenté un taux de progression de 2,3 % pour 1999, fondé sur l'objectif 1998 non révisé, à se féliciter de ce qu'il privilégie, cette année, une approche plus conforme à leurs attentes. Dans ce cas, le taux pour 1999 aurait été de 1 % (contre 2,6 %), l'essentiel étant de comparer des données calculées selon les mêmes méthodes.

Ce qui est plus gênant, c'est que l'ONDAM pour 2000 est construit sur une hypothèse que votre Rapporteur a déjà eu l'occasion de discuter (cf. supra page 98). En effet, au lieu d'être considérée comme un supplément de recettes pour 1999 ou même pour 2000, la contribution versée en application de la clause de sauvegarde pour 1999 est traitée comme une diminution des dépenses pour 2000, ce qui tend à minorer, de 500 millions à 1 milliard de francs, l'ONDAM pour 2000. Par conséquent, selon les règles appliquées jusqu'à l'année dernière, la progression de l'ONDAM serait de 4,6 à 4,7 %.

Il faut toutefois préciser que le même raisonnement doit être tenu pour les comptes de 1999 : en effet, l'ONDAM révisé pour 1999 intègre une diminution de 1,2 milliard de francs correspondant aux remises négociées pour 1999 au titre des dépenses pour 1998. Dans ces conditions, pour mesurer l'évolution réelle de l'ONDAM pour 2000 par rapport aux montants révisés de 1999, il convient de déduire, pour chacun de ces exercices, la contribution (ou les remises) escomptées au titre de la clause de sauvegarde de l'exercice précédent. C'est l'objet du tableau ci-dessous :

ONDAM ET « CLAUSE DE SAUVEGARDE »

 

1999 (*)

2000

Évolution
(en %)

Objectif fixé

639,8

658,3

+ 2,5

Clause de sauvegarde

1,2

0,5 à 1

-

Objectif net

641

658,8 à 659,3

+ 2,8 à 2,9

(*) données « rebasées ».

Sources : commission des comptes de la sécurité sociale et projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

Pour la première fois également, les données communiquées par le Gouvernement sur la répartition de l'ONDAM pour 2000 en quatre sous-objectifs ne sont pas homogènes. Deux taux d'évolution, dans les secteurs qui ont donné lieu aux dépassements les plus importants cette année, sont calculés par rapport à une base 1999 révisée : + 2 % pour les soins de ville et + 4,9 % pour le médico-social. Les deux autres taux ont été établis, comme les années précédentes, d'objectif à objectif : + 2,4 % pour les hôpitaux et + 2,2 % pour les cliniques.

On se souvient que l'article 43 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, dont l'objet était de fixer l'ONDAM, avait été complété par un alinéa ainsi rédigé : « avant la première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale par l'Assemblée nationale, le Parlement est informé de la répartition prévisionnelle de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie ». Le Parlement avait ainsi manifesté son souci d'être informé au plus tôt des incidences de cet objectif sur les différents secteurs.

Toutefois, dans sa décision n° 98-404 précitée, le Conseil constitutionnel a cependant considéré qu'il n'appartenait pas à une loi de financement de compléter ainsi l'information du Parlement, qui doit donc se contenter de l'usage par lequel le Gouvernement lui communique des informations, sous forme de taux, au cours des travaux préalables des commissions.

Votre Rapporteur observe que l'objectif de dépenses de la branche évolue de façon significativement plus rapide (+ 5,1 %) que l'ONDAM (+ 4,6 %), dont le champ est plus restreint. Pour la partie de l'objectif de dépenses non comprise dans l'ONDAM, ceci représente une progression de plus de 10 %, soit environ 7 milliards de francs. Cette évolution plus rapide s'explique, pour l'essentiel, par le remboursement de la troisième « contribution exceptionnelle » de 1996 à la charge de l'industrie pharmaceutique (+ 1,2 milliard de francs) et par une augmentation des compensations et transferts (+ 2,4 milliards de francs).

Quelle que soit la querelle sur les chiffres, sans doute un peu vaine si l'on conserve à l'esprit les incertitudes qui s'attachent à la détermination et au suivi de l'ONDAM et de l'objectif de dépenses de la branche, l'essentiel demeure : le Gouvernement a la volonté de mettre en _uvre une politique de santé fondée sur le service médical rendu, respectant l'accès aux soins et privilégiant une utilisation rationnelle des ressources. Non seulement il en a la volonté, mais, grâce à ce projet de loi de financement, il s'en donne les moyens.

II.- LES RETRAITES : LE RENFORCEMENT DU PACTE INTERGÉNÉRATIONNEL

Ainsi que le note M. Jean-Michel Charpin, Commissaire général du Plan, « les retraites ne sont pas un sujet comme les autres ». En effet, les systèmes de retraite constituent l'un des socles sur lesquels reposent les consensus des sociétés industrialisés occidentales ; la France ne fait pas exception avec son régime de retraites par répartition, à la fois universel et solidaire. En la matière, les projets de réforme sont délicats à mener, d'abord parce qu'ils engagent l'avenir sur des décennies, et parce qu'ils sont susceptibles de remettre en cause les équilibres formalisés par le contrat entre les générations que constitue l'assurance vieillesse.

Même si les comptes 1999 font apparaître une amélioration de la situation de la branche vieillesse du régime général, le choc démographique que va traverser le système de retraite français à partir de 2005 exige de profondes mesures d'adaptation. Afin de les préparer, l'établissement d'un bilan détaillé était d'abord nécessaire. Le diagnostic, mené dans la concertation, a été rendu en mars 1999 par le Commissariat général du Plan. On peut considérer que le Gouvernement dispose maintenant de tous les outils d'évaluation et d'aide à la décision nécessaires.

Afin de contribuer à la réflexion sur la nature des réformes à engager, votre Rapporteur a souhaité mettre l'accent sur la nature des ressources affectées au fonds de réserve et sur les modalités de calcul de la pension, qui pourraient évoluer dans un sens plus favorable à certaines catégories de retraités.

A.- L'ÉVOLUTION POSITIVE DES COMPTES DE LA BRANCHE VIEILLESSE

Le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale sur les résultats 1998 et les prévisions pour 1999 et 2000 permet de souligner l'amélioration des comptes de la branche vieillesse du régime général, marquée par la maîtrise des dépenses et la forte progression des recettes.

1.- Les comptes de la branche vieillesse du régime général dégagent un excédent en 1999

Selon le rapport de la commission des comptes, les mesures prises depuis 1993 devraient permettre une croissance maîtrisée des dépenses de prestations jusqu'aux environs de 2005.

Le retour de la croissance économique et les nouvelles modalités de répartition des recettes entre les branches du régime général, plus favorables à la branche vieillesse, ont conduit depuis 1998 à un redressement des comptes de la branche. En 1998, le déficit de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS) est de 224 millions de francs, très proche de l'équilibre, compte tenu des masses financières en jeu.

On voit apparaître en 1999 un solde positif de 4.396 millions de francs et, en 2000, de 6.513 millions de francs.

En ce qui concerne ce dernier solde, l'application de deux mesures proposées par ce projet de loi le ferait diminuer à 2.650 millions de francs :

- le « coup de pouce » de 0,3 % accordé pour les pensions, d'un coût évalué à 950 millions de francs par l'annexe au projet de loi de financement de la sécurité sociale ;

- le versement au fonds de réserve à titre de provision pour acompte sur le versement de l'excédent de branche, d'un montant estimé de 2.900 millions de francs.

Le tableau suivant rend compte des variations du solde de la branche vieillesse du régime général depuis 1993.

SOLDE DE LA BRANCHE VIEILLESSE DU RÉGIME GÉNÉRAL

(en millions de francs)

Année

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

Solde

- 39.456

- 12.774

10.142*

- 7.868

- 5.166

- 224

3.259

(*) Compte tenu d'une recette exceptionnelle de 25,2 milliards de francs.

Source : commission des comptes de la sécurité sociale.

a) Les recettes connaissent une forte hausse

L'augmentation des recettes correspond au retour d'une croissance économique soutenue augmentant le volume de la masse salariale (+ 4% en 1998, + 3,7 % en 1999 et + 4 % en 2000), et, mécaniquement, le montant total des cotisations versées. En 1999, la contribution du fonds de solidarité vieillesse (FSV) a atteint 64,2 milliards de francs.

Le montant en 1998 des recettes de la CNAVTS atteint 385.386 millions de francs, soit une augmentation de 5,2 %, et 404.700 millions de francs pour 1999, en augmentation de 5 %. En 2000, les recettes devraient continuer à progresser de 2,8 %.

b) L'augmentation des dépenses est maîtrisée

Les dépenses de la CNAVTS augmentent également, mais à un rythme moins soutenu : 385.610 millions de francs en 1998, 400.304 millions de francs en 1999 (+ 3,8 %) et 409.505 millions de francs en 2000 (+ 2,3 %).

En ce qui concerne la totalité des régimes d'assurance vieillesse, la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 prévoyait une dépense de 781,1 milliards de francs ; les prévisions d'exécution donnent un chiffre voisin de 779,1 milliards de francs.

Le coût des dépenses de retraite doit aussi indiquer les dépenses de l'État finançant les mesures d'âge.

2.- Le coût élevé des cessations anticipées d'activité

Le rapport de M. Gérard Bapt, rapporteur spécial des crédits du travail et de l'emploi au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale, sur le projet de loi de finances pour 1999, retrace le coût des dispositifs de préretraite dans le tableau suivant. Le total des sommes dépensées depuis 1995 atteint environ 64 milliards de francs.

 

COÛT DES PRÉRETRAITES 1995-1999

(en millions de francs)

 

1995

1996

1997

1998

1999

 

Conventions de la sidérurgie

2.643,18

1.835,18

1.542,62

1.157,05

861,00

Allocations spéciales du FNE

9.995,00

11.149,92

9.863,80

8.302,69

4.844,00

Préretraites progressives

1.488,31

2.430,17

3.624,00

3.076,30

1.998,00

Mesures spéciales

60,00

23,30

10,30

6,10

4,44

Total

14.186,49

15.438,57

15.040,72

12.542,14

7.707,86

Évolution (en %)

- 3,10

8,83

- 2,58

- 16,61

- 38,54

Selon le dernier rapport de la Cour des comptes, les statistiques les plus récentes montrent que parmi les nouveaux retraités du régime général, moins de la moitié ont encore un emploi au moment de la liquidation de la pension. Le système actuel de préretraites joue un certainement un rôle majeur dans cette évolution.

Un rapport du conseil d'analyse économique, remis au Premier ministre au début du mois d'octobre 1999 et rédigé par M. Dominique Taddéi, préconise la mise en place d'une retraite « choisie et progressive », différenciée pour les plus ou les moins de 60 ans. Les plus de 60 ans pourraient cumuler jusqu'à 70 ans la rémunération d'un travail à temps partiel et la perception d'une partie de la pension de retraite. Le financement pourrait être assuré par le transfert des sommes consacrées actuellement au financement des préretraites. Selon le rapport, cette formule permettrait de faire face à la pénurie de main d'_uvre, prévue dès les années 2008.

Le contraste entre les sommes dépensées chaque année par l'État pour anticiper l'âge des départs à la retraite et le résultat des projections démographiques décrites plus loin, qui pourraient conduire à suggérer l'allongement de la durée de cotisations, est frappant. Votre Rapporteur considère que le coût des dispositifs de pré-retraites, largement financés par l'État, est une donnée dont les prochaines discussions sur la réforme des régimes de retraite devront nécessairement tenir compte.

B.- LE RAPPORT DU COMMISSARIAT GÉNÉRAL DU PLAN, UNE REFERENCE POUR PRÉPARER L'AVENIR

Le 29 mai 1998, le Premier ministre a chargé M. Jean-Michel Charpin, Commissaire général du Plan, de dresser un « diagnostic » complet du régime général, des régimes spéciaux, des régimes des professions non salariées, des régimes complémentaires et des transferts de compensation entre régimes, le tout en concertation avec les partenaires sociaux et les gestionnaires de ces régimes.

Le rapport intitulé « L'avenir de nos retraites » (La Documentation française, 1999) a été remis par M. Jean-Michel Charpin en mars 1999. Se projetant jusqu'en 2040 et en abordant l'équilibre de seize régimes de base, il effectue d'abord un bilan de la capacité du système de retraites français à s'adapter au nouveau régime démographique, pour recenser ensuite quelques « marges d'action ».

1.- L'équilibre financier du système de retraites français au risque de la démographie

Des données démographiques, de nature largement inévitable, viendront, à un horizon inférieur à une dizaine d'années, alourdir considérablement les dépenses des systèmes de retraite.

a) Des évolutions démographiques défavorables...

En premier lieu, sous l'effet de la baisse continue de la mortalité aux âges élevés, la durée passée en retraite continue à augmenter. Ainsi, pour les hommes de la génération 1910, dans le cas d'un départ à 65 ans, la durée passée à la retraite était de 10,6 ans. Elle atteindrait 18,5 ans pour les hommes de la génération 1970.

En deuxième lieu, sur ce phénomène se greffe l'augmentation considérable du nombre de retraités à partir de 2006 et jusqu'en 2035 environ, due à l'effet à retardement du baby boom. 1 français sur 3 aura plus de 60 ans en 2040, contre 1 sur 5 aujourd'hui. Le nombre de retraités augmente actuellement de 110.000 par an ; il augmentera de 250.000 annuellement à partir de 2006, avec un pic à 350.000 en 2009. Selon les projections tendancielles de l'INSEE, il y aura, en 2040, 7 personnes de plus de 60 ans pour 10 personnes d'âge actif, contre 4 pour 10 aujourd'hui.

La dégradation générale de la situation démographique des régimes de retraite cache cependant des phénomènes hétérogènes : la situation démographique des régimes actuellement les plus déséquilibrés (marins, mines, non-salariés agricoles et SNCF) reste relativement stable, voire s'améliore ; la situation des autres régimes se dégrade d'autant plus vite qu'elle est bonne en 1998. Une certaine convergence apparaît entre les différents régimes, liée au vieillissement général de la population et à la fin de la montée en charge des régimes les plus jeunes.

En troisième lieu, à partir de 2006, la population active commencera à baisser en valeur absolue. Dès cette date, les générations partant à la retraite seront plus nombreuses que les générations entrant sur le marché du travail. Le nombre d'actifs devrait augmenter de plus d'un million d'ici à 2006, avant de commencer à décroître.

b) ... font croître les charges financières des régimes de retraite

Le rapport rédigé par M. Jean-Michel Charpin fait des hypothèses de besoins de financement à partir des variables démographiques définies plus haut, à législation constante.

Le besoin de financement de l'ensemble des régimes croît entre 2000 et 2040. Cette progression est surtout marquée entre 2005 et 2020. La situation reste cependant contrastée :

- les régimes disposant de fortes ressources de compensation démographique actuellement, avec un important déséquilibre initial (CANCAVA, ORGANIC, régimes agricoles, régime des marins, régime des mines, régime des ouvriers de l'État et SNCF), n'ont un besoin de financement qui n'évolue que faiblement. Ces régimes devraient perdre cependant des ressources de compensation qui assurent en partie leur équilibre financier global ;

- les régimes, tels que les régimes complémentaires des non-cadres et des cadres, la caisse d'assurance vieillesse des professions libérales et son régime complémentaire, ont une situation démographique qui se dégrade rapidement. Grâce à la stabilité de leur pension moyenne liée aux hypothèses d'indexation, ils parviennent à limiter la dégradation de leur solde ;

- les autres régimes (en particulier le régime général, le régime des fonctionnaires de l'État, la CNRACL et la retraite complémentaire des agents non titulaires de l'État et des collectivités publiques) et dont la situation démographique initiale est favorable, subissent une forte dégradation démographique et leur besoin de financement s'accroît fortement.

Les évolutions démographiques, que le rapport qualifie d'« inéluctables », influent directement sur le ratio cotisants/retraités des différents régimes : de 1,6, il passera d'ici 2040 à une valeur inférieure à 1. Le tableau suivant indique les besoins en points de cotisation des différents régimes dans l'hypothèse d'un taux de chômage à 6 %.

SOLDE FINANCIER DES RÉGIMES DE RETRAITE EN POINTS DE COTISATION HORS TRANSFERTS DE COMPENSATION, PRODUITS ET CHARGES DIVERS

 

1998

2020

2040

CNAVTS

- 0,1

- 4,3

- 9,8

AGIRC

- 1,7

- 3,5

- 2,4

ARRCO

0,3

0,0

- 0,6

CNRACL

9,2

- 16,7

- 28,9

Fonctionnaires de l'État

0,0

- 24,7

- 33,5

IEG

0,0

- 39,4

- 18,4

SNCF

- 73,6

- 56,1

- 49,0

CANCAVA

- 17,5

- 16,5

- 16,0

ORGANIC

- 19,3

- 16,1

- 16,5

Source : Commissariat général du Plan, L'avenir de nos retraites

Selon le rapport, « les évolutions démographiques et économiques entraînent d'importants déficits pour la plupart des régimes. La baisse du chômage réduirait significativement les déficits à moyen terme mais de manière insuffisante à long terme. Le besoin de financement annuel global du système français atteindrait environ 290 milliards de francs 1998 en 2020 dans un scénario à 6 % de chômage, contre 380 milliards dans un scénario à 9 % de chômage et 220 milliards dans la variante à 3 % de chômage. Il serait respectivement de 700 milliards de francs 1998, 800 milliards et 600 milliards en 2040. »

D'un point de vue macro-économique, les charges de retraites triplent à l'horizon 2040, alors que le PIB et la masse salariale ne font que doubler.

2.- Les voies du financement des retraites, arbitrage fondamental d'une société

A législation constante, ces besoins de financement prévus doivent être comblés. Le rapport de M. Jean-Michel Charpin rappelle que la satisfaction des besoins de financement des régimes de retraites peut résulter d'actions sur trois paramètres :

- le taux de prélèvement sur les actifs ;

- l'âge de la retraite ;

- le niveau de vie relatif des retraités, par rapport au niveau de vie des actifs notamment.

Si l'on cherche à maintenir la parité de niveau de vie entre actifs et retraités, en laissant inchangés les âges de la retraite, on doit augmenter fortement les prélèvements : il faudrait multiplier les prélèvements sur les actifs par 1,55 pour qu'en 2040, les pensions de retraite aient une évolution parallèle à celle des salaires. En outre, la hausse éventuelle des cotisations vieillesse nécessaire au financement des retraites pourrait augmenter le taux de chômage par l'augmentation induite du coût du travail.

A l'opposé, si les retraités sont censés supporter l'intégralité de l'ajustement, leur niveau de vie relatif, comparativement à celui des actifs, serait divisé par 1,9 en 40 ans.

Le rapport aborde quatre pistes de réforme avant de proposer une méthode.

a) L'allongement à partir de 2019 de la durée d'assurance nécessaire pour obtenir le taux plein

Cette solution présente notamment l'avantage de traiter plus équitablement les personnes ayant commencé à travailler plus tôt. Elle est conditionnée par le réexamen des politiques de gestion de fin de carrière (limitation du recours aux préretraites) et par l'aménagement des possibilités de choix laissées aux individus. Elle exige aussi une certaine progressivité d'application et une mise en place globale (ensemble des régimes) ; enfin, elle doit s'accompagner d'une amélioration des conditions de validation de certaines périodes d'inactivité.

Votre Rapporteur ajoute que cette solution est en partie justifiée par les progrès enregistrés par l'espérance de vie des Français et, plus particulièrement, par l'espérance de vie sans incapacité : cette dernière valeur a augmenté de 3 ans pour les hommes et de 2,6 ans pour les femmes entre 1981 et 1991.

b) La constitution de provisions

Le montant des provisions dépend de l'objectif recherché : s'agit-il d'un fonds de « lissage » ou d'un fonds « permanent » ? Chercher un amortissement permanent des chocs pouvant affecter le système de retraite nécessite des réserves d'au moins 10 % du PIB. Un fonds de lissage exige des sommes équivalent à 3 % du PIB.

c) Une assiette du financement moins pénalisante pour la croissance et l'emploi

La définition des contours de l'assiette patronale des cotisations sociales est une question qui dépasse l'enjeu de l'équilibre financier des systèmes de retraite.

Il est possible d'intégrer dans l'assiette des cotisations (part salariale) des éléments de rémunération professionnelle non soumis, ou partiellement soumis aux cotisations d'assurance vieillesse (intéressement, participation, indemnités de licenciements... soit une somme évaluée à environ 31 milliards de francs), mais inclus dans l'assiette de la CSG sur les revenus d'activité. A cette réforme pourrait correspondre l'intégration dans l'assiette des cotisations des primes perçues par les salariés des régimes spéciaux.

Le basculement du financement de prestations non contributives sur la CSG constitue une autre piste possible. Les questions posées par ce type d'opération ont déjà été posées lors de la substitution de la CSG à la cotisation maladie. La somme des avantages familiaux (évaluée à 73,7 milliards de francs en 1997) pourrait être prise en charge par la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF).

d) L'aménagement de certains dispositifs pour renforcer la cohésion sociale

Alors que les taux de remplacement qu'attribuent aujourd'hui les régimes à leurs salariés sont relativement proches, des écarts notables pourraient vite se creuser. Il pourrait donc être opportun de modifier les règles actuelles d'indexation dans les régimes du secteur privé (régime général, ARRCO et AGIRC) afin de maintenir le taux de remplacement actuel.

La cohésion sociale pourrait aussi être améliorée grâce à une meilleure validation de certaines périodes d'inactivité (chômage, formation ...). Il serait également possible de mieux prendre en compte la pénibilité du travail dans le secteur privé.

e) Une méthode de réforme

Selon le rapport, la réforme doit être engagée avant le choc démographique, afin d'une part de procéder à des réformes à caractère progressif (pour respecter des considérations d'équité intergénérationnelle) et, d'autre part, commencer à accumuler des réserves conséquentes. Ensuite, la réforme doit être définie dans la concertation, comme le montrent les réformes engagées à l'étranger. Enfin, la réforme doit définir un dispositif de pilotage fiable comprenant un volet technique et un volet socio-politique.

C.- LE FONDS DE RÉSERVE : ALLER AU-DELÀ DU SYMBOLE

L'article 2 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, créant l'article L. 135-6 nouveau du code de la sécurité sociale, a institué au sein du fonds de solidarité vieillesse un fonds de réserve, établissement public à caractère administratif. Ce fonds est destiné à faire face, à partir de 2005, au choc démographique lié au départ à la retraite des enfants du baby boom.

Dans le cadre du présent projet de loi, l'article 10 tend à modifier le code de la sécurité sociale de manière à affecter les excédents de la CNAVTS au fonds de réserve.

1.- Le financement du fonds

L'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale prévoit que les recettes du fonds de réserve sont constituées par :

- une fraction, fixée par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du Budget, du solde du produit de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés (C3S) visé au deuxième alinéa de l'article L. 651-2-1 du code de la sécurité sociale ;

- tout ou partie du résultat excédentaire de la première section du FSV, dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé du budget ;

- toute ressource affectée au fonds de réserve en vertu de dispositions législatives.

Le décret d'application de l'article 2 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 n'étant pas encore paru, le fonds n'est même pas vide, il demeure sans existence juridique.

Une fois le décret publié, le fonds de réserve devrait être doté de 2 milliards de francs issus de la C3S. Lors de son audition le 30 septembre 1999 par votre commission des Finances, Mme Martine Aubry a précisé que « le fonds de réserve pour les retraites créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 bénéficiera du versement de 2 milliards de francs, dès la parution du décret fixant les modalités de placement des sommes mises à sa disposition, et devrait, au 1er janvier 2001, disposer de 15 milliards de francs ».

Selon les hypothèses du rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, les produits financiers pourraient rapporter 20 millions de francs dès 1999. Les recettes tirées du produit de la mutualisation des caisses d'épargne devraient être destinées au fonds de réserve ; elles pourraient lui apporter un montant de 4 milliards de francs chaque année pendant quatre ans. Selon les informations fournies par les services du ministère de l'Emploi et de la Solidarité, un premier versement de 4 milliards de francs doit intervenir dans le courant de l'année 2000.

En l'absence du décret d'application, il convient cependant de souligner que, près de dix mois après la promulgation de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, le fonds de réserve n'a pas encore d'existence juridique.

a) La contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés

La C3S a été instituée par la loi du 3 janvier 1970 et a fait l'objet en 1995 d'une réforme destinée à augmenter son rendement. Son taux a été porté à 0,13 % du chiffre d'affaires des sociétés, et son champ d'application élargi. Le produit prévu en 1999 est estimé à 17,2 milliards de francs, soit une augmentation de 5,2 % par rapport à 1998.

Le fonds de solidarité vieillesse est alimenté par le reliquat du produit de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés, après affectation, conformément à l'article L.651-2 du code de la sécurité sociale, du produit de cette contribution au régime d'assurance maladie des travailleurs non salariés des professions non agricoles et au régime d'assurance vieillesse des professions indépendantes, au prorata et dans la limite de leurs déficits comptables.

Le solde du compte de la C3S devrait être largement excédentaire au 31 décembre 1999 (4,2 milliards de francs selon la prévision actuelle de la commission des comptes). En application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, cette somme devrait être affecté au fonds de solidarité vieillesse dans le courant de l'année 2000.

Un arrêté conjoint des ministres chargés des affaires sociales et du budget opérera la répartition de l'excédent de la C3S entre la section « solidarité » du FSV et la section « FSV ».

b) Les excédents du FSV

Le fonds de réserve bénéficie des excédents de la première section du FSV. Ce transfert intervient en fait longtemps après le transfert initial des excédents de la C3S au FSV.

Votre Rapporteur s'interroge sur l'utilité et la complexité du dispositif de « vases communicants » entre la première répartition du produit de la C3S entre les deux sections du FSV, et l'affectation finale éventuelle du solde de la première section au fonds de réserve.

Cette complexité est source de lenteur. Il serait sans doute préférable de procéder à un transfert direct et intégral de l'excédent de la première section du FSV et de l'excédent de la C3S au fonds de réserve, à l'image de ce qui est prévu pour les excédents de la CNAVTS.

c) Les autres ressources : l'affectation des excédents de la CNAVTS

L'article 10 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 propose d'affecter au fonds de réserve les excédents de la CNAVTS en deux étapes annuelles, formule destinée à encourager une plus grande fluidité des fonds :

- les excédents de l'exercice clos à partir de l'exercice comptable 1999 ;

- « le cas échéant », en cours d'exercice, un montant représentatif d'une fraction de l'excédent prévisionnel de l'exercice.

Le dispositif exclut le régime de retraite des agents de chemins de fer secondaires du champ du fonds de réserve.

Rappelons que les excédents (fonds de roulement) de la CNAVTS, tels que prévus par la commission des comptes de la sécurité sociale, se monteront à 4.396 millions de francs en 1999 et à 6.513 millions en 2000 (2.650 millions de francs, compte tenu du coût des mesures proposées par ce projet de loi, y compris le versement de 2.900 millions de francs au fonds).

2.- Les questions posées par un système de « répartition provisionnée »

a) Quel périmètre d'action pour le fonds de réserve ?

Le champ d'intervention du fonds est limité aux régimes d'assurance vieillesse concernés par la réforme de 1993 : régime général, ORGANIC et CANCAVA. Cependant, une réforme éventuelle du système de retraite qui harmoniserait les conditions de liquidation des pensions, poserait certainement la question de l'élargissement du bénéfice du fonds aux régimes spéciaux salariés, au régime des agriculteurs et aux régimes complémentaires obligatoires.

Cette extension serait d'ailleurs cohérente avec les caractéristiques des ressources du FSV et devrait exiger une augmentation du niveau des réserves. A cette occasion, se posera le problème de l'articulation des mécanismes de « répartition provisionnée » avec ceux de la compensation.

b) Quel format pour quelles missions ?

Dans un système de retraites par répartition, la création d'un fonds de réserve correspond à deux objectifs, qu'il est d'ailleurs possible de combiner.

· Le lissage des taux de cotisations : le fonds de réserve provisoire

En raison des évolutions démographiques prévisibles précédemment exposées, à législation constante, les systèmes de retraite affronteront des besoins de financement importants à partir de 2006. Dans cette optique, des réserves collectives sont accumulées pendant les années « favorables », puis utilisées lors des périodes plus difficiles. Cela évite de faire porter le poids de l'ajustement sur une génération, en considérant l'équilibre financier des régimes de retraite dans une perspective intergénérationnelle. Cet objectif peut conduire à suggérer l'établissement d'une surcotisation temporaire et à privilégier les placements obligataires à court et moyen terme.

Selon les estimations du Commissariat général du Plan, un tel fonds exigerait des réserves de 3 à 4 points de PIB. Sous certaines conditions macro-économiques, et grâce à une surcotisation dont le taux varierait de 0,5 % à 1,66 %, le Commissariat général du Plan estime à 10 milliards de francs l'abondement annuel nécessaire entre 2000 et 2014 pour lisser le taux de cotisation jusqu'en 2040. Le fonds atteindrait en 2019 un montant maximum de 550 milliards de francs.

· La recherche d'un rendement plus élevé : le fonds de réserve permanent

La décision de la constitution de réserves peut aussi se fonder sur l'observation des rendements élevés observés sur longue période sur les marchés boursiers. En effet, ces rendements peuvent se révéler supérieurs à l'imposition de l'assiette des cotisations (masse salariale et/ou revenus). Selon certaines estimations, l'écart entre les deux rendements atteint 4 à 5 %. Il faudra trouver un accord sur le taux actuariel retenu pour évaluer la dette implicite : un franc dû dans 20 ans représente une dette actuelle de 67 centimes avec un taux d'actualisation de 2 %, mais 26 centimes actuels avec un taux de 7 %.

Un tel fonds est susceptible d'investir sur les marchés en actions et de contribuer au développement du marché boursier français et de l'économie productive, tout en contrecarrant le poids croissant des investisseurs étrangers dans le capital des firmes françaises. Mais le fonds pourra-t-il effectuer des investissements dans des pays hors zone euro, où la rémunération du capital est souvent plus élevée, mais aussi plus risquée, comme l'a prouvé la crise financière asiatique de l'année 1998 ?

Dans les deux cas, la mise en place d'un fonds de réserve exige que les pouvoirs publics et/ou les partenaires sociaux programment sur longue période l'évolution des cotisations, des prestations et des réserves. Cet effort de prospective ne semble pas avoir été encore réalisé en France.

c) Quel dispositif institutionnel et comptable ?

Le décret et l'arrêté fixant le cadre juridique du fonds vont être prochainement publiés. Certaines de leurs dispositions revêtent un caractère provisoire, dans l'attente d'une négociation approfondie avec les partenaires sociaux.

Le FSV a désormais deux missions : la prise en charge des avantages relevant de la solidarité nationale et la gestion du fonds de réserve. Pour bien distinguer les opérations actuelles du FSV afférentes à la solidarité de celles relatives à la gestion financière du fonds de réserve, il a été créé deux sections. De plus, la loi de financement pour 1999 a étendu la compétence du comité de surveillance chargé d'assister le conseil d'administration du FSV aux nouvelles missions de l'organisme, tout en élargissant sa composition aux partenaires sociaux.

Le cantonnement des réserves au sein du FSV exigera une comptabilité distincte. La formule retenue semble être la création d'un budget annexe au sein du FSV et l'ouverture d'un deuxième compte de disponibilités à l'Agence comptable centrale du trésor (ACCT). Il y aura un compte de résultat distinct pour les opérations du FSV.

Il est essentiel que le dispositif du « pilotage » du fonds de réserve soit fiable et indépendant du Gouvernement et des partis prenants, de manière, d'une part, à crédibiliser l'institution, et, d'autre part, à éviter son éventuelle utilisation opportuniste à des fins non compatibles avec la consolidation du système de retraite par répartition. Cette crédibilité suppose des « règles » claires et pérennes.

La gestion à long terme de placements de fonds, surtout dans l'hypothèse de placements boursiers, exige des compétences particulières et un grand professionnalisme. A la lumière des défaillances constatées les années précédentes dans le contrôle de certaines entreprises publiques par l'État-actionnaire, on peut légitimement se demander dans quelle mesure l'administration française dispose de ce type de compétences.

Dès lors, il conviendrait de privilégier une gestion déléguée sur la base de cahiers des charges très précis, où des appels d'offre permettraient de conclure des conventions de gestion avec des sociétés privées spécialisées. Ces dernières devraient être strictement indépendantes du gouvernement et des régimes d'assurance vieillesse. Un contrôle annuel de l'exécution du cahier des charges permettrait un suivi régulier de l'activité de ces sociétés.

3.- Une meilleure affectation des recettes de privatisation pour pérenniser la retraite par répartition

Comme l'indiquent les rapports du Commissariat général du Plan et de la Cour des comptes, il est essentiel de constituer rapidement des réserves. Les expériences étrangères, notamment aux États-Unis et au Canada, montrent que la France a pris un peu de retard vis-à-vis de cette nécessité.

Vu l'ampleur des sommes à provisionner pour constituer un véritable fonds de réserve, il est légitime de se demander si les recettes issues des opérations de privatisation et de respiration du secteur public effectuées depuis 1993 auraient pu financer ce fonds. On peut réfléchir à l'affectation future d'éventuelles opérations de cessions de titres.

a) Les recettes de privatisation de 1993 à 1998 et leur utilisation

· Plus de 200 milliards de francs de recettes

Dans son rapport sur les comptes spéciaux du Trésor pour 1999, notre collègue Dominique Baert, rapporteur spécial, fait une rétrospective du produit des recettes de privatisation de 1993 à 1998. Le total général net des recettes atteint 197,94 milliards de francs.

M. François Lagrange, président de la commission des participations et des transferts, dans une entrevue accordée au quotidien « Les Echos » du 13 octobre dernier, estime que les opérations de privatisation ont rapporté, entre 1993 et 1997, 130 milliards de francs (140 milliards de francs actuels), et celles opérées depuis 1997, 150 milliards de francs.

· L'utilisation des recettes

Si le Gouvernement reste juge de l'opportunité politique ou financière d'engager la cession de ces titres, l'affectation de certaines recettes peut lui échapper : le produit de la privatisation du Crédit Lyonnais a été ainsi affecté au désendettement de l'Établissement public de financement et de restructuration (EPFR), conformément aux demandes de la Commission européenne. Le rapport de M. Dominique Baert indique que les dépenses du compte d'affectation spécial 902-24, qui centralise les recettes de privatisation, se sont caractérisées, ces derniers exercices, par un montant important de dotations en capital à des organismes publics : EPFR, GAN, EPRD, SOFARIS, Thomson Multimedia, GIAT... Ainsi, le montant total des dotations versées en 1996 et 1997 s'élève respectivement à 15,6 milliards de francs et 59,1 milliards de francs.

· Le cas particulier du GAN

L'histoire du Groupe des assurances nationales (GAN), dont l'Etat a vendu sa participation - de 87,1 % - à GROUPAMA, en 1998, pour un montant de 17,25 milliards de francs, pose deux problèmes distincts.

Les conditions de la privatisation du GAN

Dans son rapport sur L'exécution des lois de finances pour l'année 1998, la Cour des comptes consacre un développement aux conditions de la vente du Groupe des assurances nationales (GAN), de la Compagnie financière du CIC et l'Union européenne (UE-CIC) et de l'UIC-UIS.

La privatisation s'est effectuée suivant les procédures fixées par les lois de privatisations de 1986 et 1993 et leurs textes d'application. L'ensemble des opérations a produit des recettes d'un montant total de 34,45 milliards de francs, qui ont été encaissés par GAN SC (Société centrale du GAN), la holding qui détenait ces participations. L'État a ensuite décidé d'acheter les actions de GAN SC. Puis, le 6 octobre 1998, GAN SC a été transformée en Société de gestion de garanties et de participations (SGGP), qui gère les appels en garantie accordés lors des différentes cessions.

La Cour des comptes constate « qu'un montant très important de recettes n'avait pas été inscrit dans le compte n°902-24 » et que le blocage des recettes au sein de la structure intermédiaire de la SGGP ne se justifie pas. Elle déplore de plus une contraction des recettes et des dépenses, d'un montant évalué à 408 millions de francs, destinée à financer les frais de privatisations.

L'ampleur des pertes du groupe

Comme le souligne le rapport (n° 907) rédigé par M. Dominique Baert sur la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les causes et les responsabilités dans les pertes enregistrées par la GAN SC et ses filiales entre 1992 et 1996, « il est vrai qu'il subsiste quelques zones d'ombre et que, une fois encore, les sanctions tardent à venir au point de conforter cet exaspérant sentiment d'impunité affiché par de trop nombreux dirigeants bancaires et financiers ».

Le groupe a en effet accumulé des pertes importantes dans l'immobilier et l'assurance à la fin des années 1980 et au début des années 1990 : le montant total des pertes avoisinerait les 40 milliards de francs. Une structure de cantonnement a même été mise en place. Votre Rapporteur souligne que cette structure était localisée et reposait sur la volonté illusoire de redresser le GAN par ses propres moyens. Le GAN a finalement bénéficié de recapitalisations, estimées à 20 milliards de francs.

Le rapport de M. Dominique Baert s'interroge sur la possibilité d'engager la responsabilité pécuniaire des anciens dirigeants pour mauvaise gestion en vertu de l'article L. 313-7-1 du code des juridictions financières. Cette disposition législative, issue d'une initiative parlementaire, prévoit en effet la possibilité d'infliger une amende à l'encontre des dirigeants d'entreprise publique qui auraient manifestement causé un préjudice grave aux organismes dont ils avaient la charge. La procédure prévue est la saisine de la Cour de discipline budgétaire et financière. Une procédure de ce type est d'ailleurs engagée contre trois anciens dirigeants du Crédit Lyonnais

Compte tenu des sommes en jeu, et du manque à gagner subi par l'Etat, il importe que les responsables des pertes considérables subies par le GAN soient déférés devant la Cour de discipline budgétaire et financière.

b) Les produits des privatisations ou des respirations pourraient gager le versement des retraites

L'État demeure détenteur de nombreuses participations directes et indirectes, d'un montant variable, dans des entreprises aussi différentes que Bull (à 30,5%), France Telecom (à 63,6 %) ou Renault SA (à 44,2 %). Selon certaines estimations, la poursuite de la vente de titres France Telecom, en laissant à l'État la moitié des actions plus une, permettrait sous certaines conditions de dégager un produit de 60 milliards de francs. Le document « Les tableaux de l'économie française 1999-2000 », établi par l'INSEE, rappelait que l'État contrôlait 2.463 entreprises à la fin de l'année 1997.

Il est difficile d'évaluer ex ante la somme éventuellement retirée par la vente partielle (respirations) ou totale (privatisations) de ces participations, puisque son montant dépend d'une multitude de facteurs assez largement indépendants les uns des autres : contexte économique général, anticipations des marchés, santé des entreprises en cause, capacité des marchés à absorber ces ventes...

Seul l'historique du cours des sociétés déjà cotées peut donner une estimation relativement fiable de la valeur du produit de cession de titres. M. François Lagrange évalue ainsi à 400 milliards de francs la valeur potentielle des participations de l'Etat dans les entreprises France Telecom, Renault, Matra, Thomson-CSF, CNP Assurances, Bull, Air France et SNECMA.

Votre Rapporteur estime :

· que dès 1993, il aurait été légitime d'être plus attentif à l'utilisation des recettes de privatisations et de les affecter à un fonds de réserve pour les retraites ;

· que le produit des prochaines privatisations ou respirations pourrait être utilement affecté au fonds de réserve. Il serait en effet justifié que ces titres, propriété de l'État, restent d'une autre façon la propriété indirecte des Français, en gageant le versement des pensions aux retraités.

D.- LES AUTRES MESURES DU PROJET DE LOI

1.- La revalorisation des pensions

Les règles de revalorisation des pensions sont une variable centrale des systèmes de retraite, puisqu'elles déterminent, en fonction de l'indexation choisie (prix, salaires nets, productivité...) et du contexte macro-économique (niveau du taux d'inflation, des taux d'intérêt...), l'évolution du niveau de vie relatif des retraités par rapport à celui des actifs.

La réforme issue de la loi n° 93-936 du 22 juillet 1993 relative aux pensions de retraite et à la sauvegarde de la protection sociale a établi une indexation sur l'évolution des prix à la consommation. Ces règles, valables jusqu'au 1er janvier 1999, sont modifiées par le présent projet de loi.

a) L'état du droit jusqu'au 1er janvier 1999

Conformément aux articles L. 351-11 et R 351-29-2 du code de la sécurité sociale, la revalorisation des pensions intervient chaque année au 1er janvier afin que l'évolution des pensions en moyenne annuelle corresponde à l'évolution des prix à la consommation hors tabac prévue dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances. Un ajustement, négatif ou positif, peut en outre être effectué si l'évolution moyenne des pensions du 1er décembre de l'année n - 2 au 30 novembre de l'année n - 2 est différente de celle des prix constatée sur la même période.

Au 1er janvier 1998, les pensions ont ainsi été revalorisées de 1,1 %, soit l'évolution des prix 1998 estimée fin 1997 (1,3 %) minorée d'un rattrapage négatif de 0,2 % au titre de 1997, les prix de 1997 ayant évolué de 1,1 % au lieu des 1,3 % prévus.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 a institué un dispositif temporaire de revalorisation des pensions de vieillesse. L'indexation des pensions sur l'indice des prix hors tabac, prévue par le projet de loi de finances relatif à l'année considérée, a été maintenue. En revanche, l'ajustement en fonction de la hausse des prix effectivement constatée au cours de l'année précédente a été supprimé.

Au 1er janvier 1999, la revalorisation a donc atteint 1,2 %, soit l'évolution moyenne des prix prévue pour 1999, sans qu'il soit fait application du rattrapage négatif de 0,5 % résultant de l'écart entre l'évolution prévisionnelle des prix pour 1998 (1,3 %) et leur évolution anticipée (0,8 %).

La hausse des prix 1999 a finalement atteint 0,5 % au lieu de 1,2 %, soit une marge de 0,7 %. En 1999, les retraités ont donc bénéficié d'un gain de pouvoir d'achat significatif.

Le tableau suivant retrace les revalorisations des pensions intervenues depuis 1993.

REVALORISATIONS DES PENSIONS DU RÉGIME GÉNÉRAL 1993-1999

(en %)

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

Revalorisations

             

Au 1er janvier

1,30

2,00

1,20

2,00

1,20

1,10

1,20

Au 1er juillet

0,00

0,00

0,50

0,00

0,00

0,00

0,00

Évolution annuelle sans décalage*

2,20

2,00

1,45

2,25

1,20

1,10

1,20

(*) sans tenir compte de la durée d'un mois qui sépare l'ouverture du droit et le versement effectif de la pension.

Source : commission des comptes de la sécurité sociale.

b) La revalorisation proposée par le projet de loi

L'article 11 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 propose de préciser les modalités de revalorisation au 1er janvier 2000 des avantages de vieillesse servis par le régime général et par les régimes qui suivent les mêmes règles de revalorisation, ainsi que celles des salaires reportés au compte individuel vieillesse de chaque salarié.

Le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2000 prévoit une évolution en moyenne annuelle des prix de 0,9 %.

Le maintien strict du pouvoir d'achat des retraités en 2000, conformément aux anciennes règles, conduirait à une revalorisation des pensions limitées à 0,2 % (0,9 % de 2000 dont il convient de déduire le gain supplémentaire de 0,7 % de pouvoir d'achat en 1999). Le gouvernement a souhaité que les retraités participent pleinement à la croissance prévue en 2000 ; c'est la raison pour laquelle il propose de modifier l'article L. 351-11 du code de la sécurité sociale afin de majorer de 0,3 % la revalorisation telle qu'elle découlerait des règles antérieures. Le taux de revalorisation des pensions proposé pour 2000 atteint donc finalement 0,5 %.

Sur une base 100 en 1990, l'évolution des pensions de vieillesse du régime général atteint 117,95 en 1999, les prix hors tabac atteignent 115,2 et le salaire moyen brut 126,05.

Selon l'annexe c au projet de loi, le coût de la mesure proposée atteint 950 millions de francs de francs, pour le seul régime général, et peut être évalué à 1,4 milliards de francs pour l'ensemble des régimes.

Ces ajustements ponctuels et annuels, s'ils sont le gage d'une certaine souplesse, ne témoignent pas d'une grande maturité dans la réflexion sur la réforme du système de retraite. Il faut élaborer une règle pérenne de revalorisation pour les prochaines années. Cette règle doit être discutée dans la concertation et doit être intégrée dans les négociations globales sur les réformes à venir, en ayant pour but de préserver à terme les équilibres entre les actifs/cotisants et les retraités.

2.- La reconduction du dispositif de limitation du cumul emploi retraite

La limitation du cumul entre l'activité et la perception d'une pension de retraite procède de la volonté d'« aérer » le marché du travail et de ne pas peser sur les comptes de l'UNEDIC, qui finance l'assurance chômage. Le dispositif fixé par l'ordonnance n° 98-290 du 30 mars 1982 relative à la limitation des possibilités de cumuls entre pensions de retraite et revenus d'activité a été régulièrement reconduit depuis cette date. Il arrive à expiration le 31 décembre 1999. L'article 12 du présent projet de loi propose de le reconduire pour une année supplémentaire.

La limitation des possibilités de cumul entre un revenu d'activité et une pension de retraite est intervenue lors de l'abaissement de 65 à 60 ans de l'âge requis pour bénéficier d'une retraite à taux plein. Les dispositions de l'ordonnance du 30 mars 1982 sont applicables aux régimes visés à l'article L 161-22 du code de la sécurité sociale (régime général, salariés agricoles et ressortissants des régimes spéciaux énumérés à l'article R 711-1 dudit code) et aux régimes visés à l'article L 634-6 du même code (régimes d'assurance vieillesse des travailleurs non salariés des professions non agricoles, à l'exclusion des professions libérales).

Pour cumuler le bénéfice d'une pension de retraite avec une activité rémunérée, il faut abandonner l'emploi occupé lors de la demande de liquidation de la pension, le cumul n'étant possible qu'avec une activité exercée chez un nouvel employeur (ou, pour les non salariés, avec une activité nouvelle). Il existe néanmoins quelques dérogations à cette règle, en faveur notamment des activités accessoires littéraires ou artistiques ou des activités juridictionnelles. En outre, la loi du 5 janvier 1988 instituant la retraite progressive a permis le cumul partiel en cas de poursuite d'une activité à temps réduit, et la loi du 4 février 1995 portant diverses dispositions d'ordre social autorise les pluriactifs à poursuivre leurs activités non salariées au-delà de l'âge de liquidation de la pension afférente à leurs activités salariées.

Le rapport du Commissariat général du Plan souligne la complexité du dispositif, qui souffre de multiples dérogations. En outre, l'impact sur l'emploi serait « assez limité ». Une autorisation de cumul sans restriction paraît inenvisageable :

- elle serait incompatible avec le maintien des dispositifs type ARPE, qui organisent la retraite anticipée de salariés en échange d'embauche ;

- elle serait contradictoire avec la réforme de 1993, dans la mesure où elle encouragerait la liquidation à 60 ans, au risque d'aggraver la situation financière des régimes de retraite.

Une mission de réflexion sur la réforme éventuelle de la réglementation a été confiée par le Gouvernement à M. Dominique Balmary, conseiller d'État, le 30 juillet 1999.

Le présent article propose donc une nouvelle prorogation du dispositif, à l'identique, pour une durée d'un an, dans l'attente des résultats de cette étude. Votre Rapporteur estime indispensable le maintien des grandes lignes de cette réglementation du cumul emploi retraite.

E.- DEUX PISTES DE RÉFORME À EXPLORER

1.- Revoir le régime d'abattement pour trimestres manquants

Les retraites constituent le revenu quasi exclusif de la moitié des ménages. Les modalités de la liquidation de la pension prennent donc une importance particulière.

a) L'état du droit est particulièrement rigoureux

Il serait injustifié de présenter tous les projets de réforme du système de retraite comme nécessairement « régressifs » ou néfastes aux intérêts des futurs pensionnés. Au contraire, la réforme du système de retraite peut être l'occasion de « mettre à plat » les diverses dispositions en vigueur, pour les supprimer ou les amender, si elles ne sont pas conformes à l'objectif d'équité.

C'est particulièrement le cas des modalités de calcul de la pension en cas de trimestres manquants, dont la rigueur fait l'objet d'un des points de consensus dégagés dans le rapport du Commissariat général du Plan :

« Il est souhaitable d'introduire plus de souplesse dans les choix individuels de départs à la retraite et d'atténuer la rigidité des frontières entre les âges de la vie. Pour ce faire, les coefficients d'abattement traduisant des droits incomplets pourraient être revus dans le sens de la neutralité actuarielle ».

L'article R. 351-27 du code de la sécurité sociale prévoit d'appliquer un taux réduit pour les assurés de moins de 65 ans demandant l'attribution de la retraite sans totaliser la durée d'assurance requise. Le taux plein de 50 % est affecté d'un coefficient de minoration qui peut être calculé de deux manières, le calcul le plus avantageux pour le salarié étant retenu, comme le montre l'exemple suivant.

EXEMPLE

Assuré né en 1937, donc âgé de 62 ans en 1999 et totalisant 148 trimestres d'assurance.

1er mode de calcul : nombre de trimestres manquants : 6.

· Abattement sur le taux : 2,5 x 6 = 15 % ;

· Taux applicable : 50 % - 50 x 15/100 = 42,5 %.

2ème mode de calcul : il manque 3 ans, soit 12 trimestres pour arriver à 65 ans.

· Abattement sur le taux : 2,5 x 12 = 30 % ;

· Taux applicable : 50 % - 50 x 30/100 = 35 %.

Dans cet exemple, le mode de calcul n° 1 sera appliqué parce que plus favorable.

Ces modes de calcul de la pension conduisent à pénaliser très fortement certaines catégories de pensionnés. On peut supposer qu'ils touchent plus particulièrement les femmes, puisque seules 39 % d'entre elles ont effectué une carrière complète (alors même que subsistait, en 1996, en ce qui concerne les salariés du secteur privé, un écart moyen de rémunération de 20 % en leur défaveur). Les données relatives à l'année 1997 montrent que la part des retraités ayant accompli une carrière complète, parmi les salariés du secteur privé, n'atteignait que 50,8 %.

b) Les solutions

Il faut envisager les possibilités de mettre fin à ce problème, par exemple en élargissant les conditions de validation des périodes non travaillées. Ainsi, la Cour des comptes, dans son dernier rapport sur la sécurité sociale, passe en revue les périodes dites « assimilées à des périodes d'assurance » du régime général et définies à l'article L. 351-3 du code de la sécurité sociale (maladie, maternité, service militaire...).

La Cour préconise notamment une uniformisation des conditions de validation des périodes de préretraites (ARPE/FNE) et s'interroge sur la différence entre les périodes de perception du RMI, non validée, alors que les bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) valident cette période. En ce qui concerne les jeunes, elle recommande l'extension des validations aux périodes de chômage non indemnisé et au RMI. Elle écarte néanmoins l'hypothèse d'un élargissement extensif des validations, coûteux, qui ferait perdre au système son caractère contributif et ôterait tout son sens à la liquidation au taux plein pour les salariés à carrière complète. La Cour s'intéresse aussi aux périodes de service national, dont la CNAVTS recommande la prise en charge systématique.

En ce qui concerne le mode de validation, la Cour propose de choisir entre la formule d'une validation forfaitaire des périodes assimilées et celle d'une validation de la période dans des conditions similaires à celles validant la dernière période d'activité.

La Cour critique enfin l'insuffisante évaluation du coût de ces validations. Elle souligne que le financement de la validation des périodes assimilées passe par trois voies : l'augmentation des cotisations de l'ensemble des assurés, la contribution des organismes payeurs ou celle d'un organisme tiers (type FSV).

Dans sa réponse, la CNAVTS affirme partager le point de vue de la Cour des comptes sur la nécessité de systématiser la prise en charge des périodes assimilées, et d'en uniformiser le mode de remboursement, au besoin en utilisant le FSV.

Votre Rapporteur suggère que les prochaines négociations globales sur la réforme des systèmes de retraite prennent en compte les inégalités et les incohérences relevées notamment par la Cour des comptes et tentent d'y remédier.

2.- Privilégier le critère transversal de la pénibilité du travail

Une voie de réforme globale du système de retraite français consisterait à prendre en compte le critère de pénibilité du travail. Ce critère serait applicable à tous les régimes et conduirait à distinguer, à l'intérieur de chacun d'eux, les professions dont les conditions de travail justifient une durée de cotisation écourtée. Un maçon, une infirmière ou un salarié « posté » exercent des travaux pénibles, ou, en tous les cas, relativement plus pénible qu'un cadre travaillant dans l'informatique ou un fonctionnaire des impôts. Il faut échapper à la dichotomie stérile secteur public/salariés du privé.

Le rapport de M. Jean-Michel Charpin souligne les écarts en terme d'espérance de vie, à 60 ans. À cet âge, les cadres peuvent actuellement espérer vivre encore 24,4 ans. À l'autre extrême, l'espérance de vie à 60 ans des ouvriers spécialisés et des employés du privé atteint respectivement 18 ans et 17,4 ans. En outre, les employés et les ouvriers qualifiés du secteur public ont en général une espérance de vie relativement plus élevée que ceux du privé.

Le rapport du Commissariat général du Plan souligne que si certains régimes spéciaux de salariés tiennent compte de la dangerosité et de la pénibilité du travail, cette solution n'existe pas pour les salariés du secteur privé. Il préconise la mise en place d'un système similaire au mode de fixation des taux de cotisation accident du travail : le droit fixerait de manière précise et actualisée la liste des postes « à risque », et la pénibilité des conditions de travail influerait sur le taux de cotisation.

L'équité commande que, dans un système de retraite par répartition où les cotisants paient les pensions de tous les retraités, l'espérance moyenne du nombre d'années passées à la retraite distribuée par catégorie socioprofessionnelle, par profession ou poste de travail, devienne un critère à prendre en compte dans les modalités de liquidation de la pension.

L'intégration du critère de pénibilité permet de répondre à cette exigence. Il est indispensable que ce critère soit un critère opposable et transversal, qui dépasse les actuelles divisions entre régimes ou entre secteurs public et privé. En effet, un des points de consensus dégagés par le rapport du Commissariat général du Plan, est la nécessité que les adaptations à mettre en place concernent non seulement les régimes du secteur privé, mais aussi les régimes du secteur public, « condition du maintien de la cohésion du système français de retraite et de l'acceptation par tous de ses fonctions de solidarité ».

III.- LA POLITIQUE FAMILIALE : LA RÉNOVATION CONFORTÉE

L'examen des mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 s'effectue dans un tout autre climat que celui qu'avait connu l'Assemblée lors des débats relatifs aux deux projets de loi de financement antérieurs. Les réformes réorientant la politique familiale en faveur des plus modestes, menées dans la concertation, ont été finalement bien comprises. C'est pourquoi l'Assemblée aborde la discussion du projet de loi de financement pour 2000, dont les dispositions relatives à la famille confortent les mesures déjà prises, dans un environnement apaisé. La Conférence de la famille de juillet dernier le laissait à vrai dire présager.

Les dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 relatives à la famille concernent le mode de calcul des prestations familiales, le report de l'âge limite d'ouverture du droit au complément familial et aux aides au logement et enfin la garantie de ressources de la branche famille au regard de la richesse nationale. Elles devraient susciter un large consensus.

Elles accompagnent d'autres politiques qui n'ont pas de traduction législative mais qui relèvent d'une même ambition en faveur de la famille. Il s'agit notamment des mesures relatives au temps scolaire et à l'action sociale. Il convient de les commenter également, non sans avoir rappelé, incidemment, que les baisses ciblées de taux de la taxe sur la valeur ajoutée prévues dans le projet de loi de finances pour 2000 notamment sur les travaux effectués dans le logement et la réduction du temps de travail ne sont certespas dépourvues de tout lien avec la politique familiale.

La Conférence de la famille réunie le 7 juillet 1999 a constaté que tous les engagements pris lors de la précédente conférence avaient été tenus. Il faut convenir que ceux exprimés cet été sont d'ores et déjà tenus avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000.

A.- LES PRINCIPALES MESURES RELATIVES À LA FAMILLE

1.- La consolidation de la base mensuelle

L'article 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 modifie l'article L. 551-1 du code de la sécurité sociale, c'est-à-dire les modalités de détermination des bases servant au calcul des prestations familiales.

L'article 36 de la loi n° 94-629 du 25 juillet 1994 relative à la famille avait modifié la portée de l'article L. 551-1 du code précité, sans le modifier explicitement. Du point de vue formel, l'article 7 du projet de loi de financement pour 2000 clarifie donc les choses. Sur le fond, l'article 36 de la loi du 25 juillet 1994 précitée prévoyait, à titre provisoire - du 1er janvier 1995 au 31 décembre 1999 -, une revalorisation des bases mensuelles de calcul des prestations familiales « une à plusieurs fois par an conformément à l'évolution des prix à la consommation hors tabac prévue dans le rapport économique et financier annexé à la loi de finances pour l'année civile à venir » alors que l'article L. 551-1 du code précité prévoyait des « bases fixées par décret, deux ou plusieurs fois par an, de façon à compenser totalement ou partiellement la charge que le ou les enfants représentent pour la famille », et « revalorisées en fonction de l'augmentation des prix et de la participation des familles aux progrès de l'économie », voire « en fonction de la progression générale des salaires moyens ou du salaire minimum de croissance ».

L'article 7 du projet de loi de financement pour 2000 reprend la rédaction de l'article 36 de la loi du 25 juillet 1994 précitée, rend le mode de revalorisation des bases de calcul des prestations familiales pérenne, à partir du 1er janvier 2000, et l'insère dans le code de la sécurité sociale à la place de l'article L. 551-1 mis entre parenthèses pendant l'application de la loi et dont la rédaction, floue, ne pouvait à l'évidence être reprise.

La base mensuelle (2.146,81 francs au 1er janvier 1999), également appelé « salaire de base » dans le code de la sécurité sociale, sert au calcul de plus de 75 % des prestations, celui des allocations familiales, de l'allocation parentale d'éducation, de l'allocation d'adoption, de l'allocation de soutien familial, de l'allocation d'éducation spéciale, de l'allocation pour jeune enfant, du complément familial, de l'allocation de parent isolé et de l'allocation de rentrée scolaire. Des taux lui sont appliqués pour déterminer les montants de ces prestations. La base mensuelle ne sert pas au calcul des aides au logement, de l'allocation de garde d'enfant à domicile et de l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée.

La base est indexée sur l'évolution prévisionnelle des prix à la consommation, hors tabac. Il s'agit là d'une garantie de revalorisation des prestations familiales. Mais il existe un mécanisme d'ajustement si l'évolution des prix constatée est différente de celle qui avait été initialement prévue. L'article 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 ne modifie pas, sur ce point, les dispositions, provisoires, prévues en 1994. En 1998, la base mensuelle avait été ainsi revalorisée de 1,1 %, taux résultant de l'évolution prévisionnelle des prix en moyenne annuelle en 1998 (1,3 %) et de la régularisation, négative (- 0,2 %), correspondant à la différence entre l'évolution réelle des prix en 1997 (1,1 %) et celle ayant servi de base à la revalorisation de la base mensuelle au 1er janvier 1997 (1,3 %).

En 1999, compte tenu d'une évolution prévisionnelle des prix hors tabac de 1,2 % et de la révision à la baisse de la prévision pour 1998 (0,8 % au lieu de 1,3 %), la revalorisation s'est élevée à 0,71 %, soit une évolution en moyenne annuelle avec décalage de 0,74 % (rattrapage négatif de 0,5 point).

Pour 2000, le mécanisme de revalorisation devait jouer une nouvelle fois de façon négative pour tenir compte de l'évolution des prix en 1999. En effet, l'évolution prévisionnelle des prix pour 1999 était de 1,2 % à la fin de 1998 et l'évolution est aujourd'hui estimée à 0,5 %, soit une surévaluation de 0,7 point. Son application devait donc conduire à une moindre revalorisation de la base que celle qui serait normalement intervenue au 1er janvier 2000. L'évolution prévisionnelle des prix pour 2000 étant de 0,9 %, les règles de l'article L. 551-1 modifié du code de la sécurité sociale devaient conduire à une revalorisation limitée à 0,2 %. Le Gouvernement souhaite pourtant aller au-delà. Le paragraphe II de l'article 7 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 prévoit en effet une majoration exceptionnelle de 0,3 % pour 2000. Celle-ci s'ajoute à l'indexation, c'est-à-dire à l'augmentation de 0,2 %.

Du point de vue financier, il convient de souligner l'importance de la base mensuelle. Un point de revalorisation conduit en effet à faire varier le solde du régime général d'1,4 milliard de francs.

La revalorisation de la base mensuelle de 0,5 % envisagée doit augmenter les charges de la branche famille de 560 millions de francs.

2.- L'extension des droits pour les plus de vingt ans

L'article 8 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, pour l'essentiel, modifie l'article L. 512-3 du code de la sécurité sociale, et tend à permettre de fixer, par voie réglementaire, l'âge limite d'ouverture du droit au complément familial et aux aides au logement, celui-ci étant distingué de l'âge limite fixé pour les autres prestations familiales. Grâce à cette habilitation, le Gouvernement, comme il s'y est engagé lors de la Conférence de la famille du 7 juillet 1999, pourra porter l'âge limite d'ouverture du droit au complément familial et aux allocations de logement, dont celle qui est versée dans les départements d'outre-mer, à vingt et un ans, sans modifier l'âge limite de vingt ans retenu pour le droit aux autres prestations. Il s'agit là de la poursuite de la mise en _uvre de la loi du 25 juillet 1994 relative à la famille. En effet, le deuxième volet de celle-ci concernait essentiellement l'extension des limites d'âge pour le versement des prestations. Une première mesure a pris effet au 1er janvier 1998. Elle a concerné l'âge limite de versement des prestations familiales pour les enfants à charge concernés (inactifs ou dont la rémunération n'excède pas 55 % du SMIC), qui est passé de dix-huit à dix-neuf ans. Cette limite a ensuite été portée à vingt ans à compter du 1er janvier 1999, dans les mêmes conditions que la mesure précédente. Le coût de cette dernière extension a été évalué à 1,06 milliard de francs en année pleine.

Les dispositions de l'article 8 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 concernent le complément familial et les allocations de logement.

Le premier est versé aux ménages ou aux personnes qui assument la charge d'au moins trois enfants, tous âgés de trois ans ou plus, lorsque leurs ressources n'excèdent pas un plafond fixé par décret. Le montant brut actuel est de 894 francs. Le report de l'âge limite concernant quelque 60.000 familles, le coût de la mesure a été estimé à 700 millions de francs.

La mesure concernant les allocations logement concerne 175.000 familles. Son coût a été estimé à 800 millions de francs.

Chacun doit reconnaître d'une part que l'effort est considérable et d'autre part que, malgré certaines demandes, il n'était pas possible d'aller plus loin. Une extension des droits à toutes les prestations familiales aux enfants jusqu'à vingt-deux ans coûterait entre 7 et 8 milliards de francs.

L'effort était en tout cas nécessaire. La politique menée prend ainsi en compte les problèmes croissants rencontrés par les familles ayant en charge de jeunes adultes.

Quelques données montrent que la politique familiale ne peut se focaliser sur les familles nombreuses et les premiers stades de l'enfance. En effet, 73 % des jeunes de vingt ans habitent encore avec leurs parents, du fait de la prolongation des études, de l'âge de plus en plus retardé du mariage et du premier enfant et, bien entendu, de la difficulté à trouver un premier emploi ou un travail non précaire. Un jeune sur deux parmi les vingt et un/vingt-quatre ans, un sur cinq dans la classe d'âge des vingt-cinq/vingt-neuf ans, vit toujours chez ses parents. L'entrée dans la vie active se fait aujourd'hui à plus de vingt et un ans. Le taux de chômage des jeunes hommes entre quinze et vingt-quatre ans était de 24,2 % en janvier 1999 et celui des jeunes femmes du même âge de 29,7 %. La forte diminution des effectifs appelés sous les drapeaux a entraîné une hausse du chômage des jeunes hommes, entre 1998 et 1999, de 2,3 points. La vie professionnelle commence maintenant en moyenne sept ans plus tard qu'en 1970. Ceci conduit à une sorte de prolongement de l'adolescence qui pose de nombreuses difficultés aux familles. Elles sont d'ordre psychologique et financière. Les difficultés matérielles sont évidemment accrues pour les familles les plus modestes.

3.- Vers la transformation de l'allocation de rentrée
scolaire en prestation familiale

L'allocation de rentrée scolaire est une prestation financée par le fonds national des prestations familiales. Elle est attribuée au ménage ou à la personne dont les ressources ne dépassent pas 102.049 francs (plafond fixé au 1er juillet 1999 pour les revenus de 1998) pour un enfant, plus 26.280 francs par enfant supplémentaire. L'enfant pris en compte doit avoir atteint son sixième anniversaire avant le 1er janvier de l'année suivant celle de la rentrée scolaire. Au-delà de seize ans, l'allocation reste due pour chaque enfant poursuivant des études ou placé en apprentissage, n'ayant pas atteint l'âge de dix-huit ans révolus au 15 septembre de l'année considérée. Par enfant, pour la rentrée scolaire 1999, son montant était égal à 20 % de la base mensuelle évoquée plus haut, soit 429 francs.

Cependant, depuis 1993, des majorations exceptionnelles (1.173,14 francs en 1999), instituées par décret, ont accru dans des proportions importantes le montant de l'allocation. Celui-ci a atteint au total cette année 1.600 francs.

L'article 19 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 a prévu une extension du versement de l'allocation de rentrée scolaire, qui concerne plus de 5,7 millions d'enfants de six à dix-huit ans, à toutes les familles. Le versement n'est donc plus conditionné par le bénéfice d'une prestation familiale, du revenu minimum d'insertion, de l'allocation aux adultes handicapés ou de l'aide personnalisée au logement. L'allocation a donc été attribuée, dès la rentrée scolaire 1999, aux familles d'un enfant non allocataires d'une de ces prestations. La mesure a été mise en _uvre par le décret n° 99-535 du 28 juin 1999. Le nombre de familles nouvellement concernées a été évalué à 350.000 et le nombre total de bénéficiaires en 1999 à 3,5 millions de familles. L'augmentation des bénéficiaires devrait entraîner un surcoût global d'environ 560 millions de francs : 150 millions de francs pour le fonds national des prestations familiales et 410 millions de francs pour l'État en 1999.

La ligne de dépense, consacrée à l'allocation poursuit ainsi sa croissance :

ALLOCATION DE RENTRÉE SCOLAIRE

(en millions de francs)

1993

7.958

1994

8.191

1995

8.248

1996

5.412

1997

8.627

1998

8.755

1999

9.364

2000

5.018*

* hors majoration.

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale

Les dépenses au titre de l'allocation de rentrée scolaire, en 1999, ont augmenté de 7 % par rapport à l'année précédente. C'est dire l'effort mené en faveur des familles pour lesquelles la rentrée scolaire constitue souvent un passage difficile.

Le coût total de l'allocation est partagé : 2,5 milliards de francs à la charge de la branche famille et 7,2 milliards de francs à la charge de l'État, celui-ci versant une subvention à la branche famille au titre de la majoration de l'allocation. La subvention 1999 devrait être inscrite dans la loi de finances rectificative pour 1999, comme l'année passée.

Mais, lors de la dernière Conférence de la famille, tenue en juillet 1999, le Premier ministre, après avoir annoncé la pérennisation de la majoration de l'allocation, à vrai dire toujours reconduite depuis 1993, a prévu sa prise en charge progressive par la Caisse nationale des allocations familiales. Le transfert devrait s'effectuer en trois ans. Une première étape devrait intervenir l'année prochaine, avec la prise en charge par ladite caisse de 2,5 milliards de francs supplémentaires. Cette somme s'ajouterait au coût de l'allocation de base (2,5 milliards de francs). En contrepartie, l'État devrait prendre en charge le Fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles. A cette fin, la Caisse nationale d'allocations familiales devrait être remboursée, en gestion 2000, des dépenses engagées au titre de ce fonds. L'allocation, au terme du processus, deviendrait ainsi une prestation familiale pleine et entière. La majoration diminuerait et l'allocation de base serait progressivement portée à 1.600 francs.

4.- La poursuite de l'effort en matière d'action sociale

L'action sociale et familiale de la Caisse nationale des allocations familiales vise à compléter les prestations versées et se concentre sur les familles les moins favorisées. Elle est financée par trois fonds distincts : le fonds national d'action sociale pour les familles en métropole (86,7 % des 15,5 milliards de francs de dépenses totales d'action sociale de la caisse nationale), le fonds de d'action sociale des travailleurs immigrés et de leurs familles et le fonds de gestion de la prestation spécifique de restauration scolaire pour les familles des départements d'outre-mer.

Le fonds national d'action sociale est alimenté par un prélèvement sur les cotisations d'allocations familiales (12,7 milliards de francs) et par le produit de l'écrêtement des fonds de roulement (50 millions de francs). S'ajoutent à son montant (12,8 milliards de francs en 1999), dans la présentation comptable, la contribution de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés et de l'Établissement national des invalides de la marine pour les interventions des travailleuses familiales et des aides ménagères (380 millions de francs) et les contributions de l'État, de la Poste et de France Télécom au titre des prestations de service (294,7 millions de francs).

La Cour des comptes a observé que l'ensemble des dépenses d'action sociale de la Caisse nationale des allocations familiales avait connu ces dernières années une évolution impressionnante et inversement proportionnelle à l'évolution démographique. Alors même que la population des moins de dix-huit ans a diminué de 6 % de 1980 à 1995, passant de 14,7 millions à 13,8 millions de personnes, les crédits d'action sociale de la Caisse nationale d'allocations familiales sont en constante augmentation (+ 82 % en dix ans, en francs courants). Le budget initial du fonds national d'action sociale, qui était de 6,5 milliards de francs, est passé à 11,9 milliards de francs en 1998, soit 2.550 francs par allocataire. Le ratio entre le fonds et les prestations familiales est passé de 7,3 % en 1980 à 7,5 % en 1998. Entre le fonds et le produit intérieur brut, ce ratio s'est accru de 15 % entre 1990 et 1998.

La Commission des comptes de la sécurité sociale, pour sa part, a évalué les dépenses du fonds national d'action sociale en 1999 à 13,44 milliards de francs, soit une augmentation de 8,3 % par rapport à l'année précédente (plus d'1 milliard de francs).

Ces données sont la traduction de la ferme volonté de compléter les prestations familiales par des prestations de service dans des domaines stratégiques de la politique familiale tels que l'accueil des jeunes enfants, prestations qui peuvent se révéler plus opportunes et efficaces que les prestations familiales.

Rappelons que les dépenses du fonds sont affectées concrètement par deux canaux d'inégale importance, d'environ 6 milliards de francs chacun.

Le premier canal est une contribution financière de la Caisse nationale des allocations familiales à de nombreux équipements et services gérés par les associations et surtout les communes : crèches, centres de loisirs sans hébergement, haltes-garderies... L'essentiel des dépenses d'action sociale de la caisse nationale est consacré à l'accueil des jeunes enfants (35,7 % des dépenses en 1998), au temps libre des enfants et des familles (16,9 %) et à l'accompagnement social des famille (18,9 %). Les dépenses d'accueil de la petite enfance se répartissent entre les crèches (2,9 milliards de francs en 1998), les haltes-garderies (366 millions de francs), les jardins d'enfants et établissements polyvalents (214,1 millions de francs), et les « relais assistantes maternelles » (49,8 millions de francs). 21,6 millions de francs ont été consacrés aux lieux d'accueil innovants, et 1,3 milliard de francs aux financements bonifiés des contrats enfance et à la mise en place des conseillers techniques petite enfance. La caisse nationale prend en charge le plus souvent 30 % des dépenses dans la limite d'un plafond. La dépense réelle suit donc les choix des communes qui sont les vrais ordonnateurs de la dépense. Ceci explique la croissance des dépenses et les inégalités géographiques des conditions d'accueil et de garde des jeunes enfants et des équipements de loisirs, de vie culturelle, sociale et sportive des adolescents, les communes étant, compte tenu des principes de la décentralisation, libres de leur politique en matière de prestation de services, et d'ailleurs sourcilleuses de l'exercice de leurs compétences sur ce point. Trois grands contrats (contrat crèches en 1982, contrat enfance en 1988, contrat temps libre en 1998) ont permis, en échange d'engagements de développement du parc des équipements et services par les communes, une croissance des interventions de la Caisse nationale des allocations familiales et corrélativement une baisse relative de la part des collectivités locales - la part du financement des collectivités locales des différents modes d'accueil représentait 51 % des charges en 1981 et 44 % en 1993 - ainsi qu'une amélioration de la gestion desdits équipements et services.

Le second canal de l'action sociale consiste en une dotation limitative donnée aux caisses des allocations familiales et dont elles ont le libre emploi. Contrairement aux prestations de service évoquées plus haut, cette dotation a été strictement contenue.

La Cour des comptes, dans son dernier rapport sur la sécurité sociale, a relevé notamment que des orientations budgétaires à moyen terme seraient nécessaires, que les régimes qui gèrent des prestations familiales à côté du régime général (État, EDF-GDF, RATP, Mutualité sociale agricole ...) devraient participer aux dispositifs actuels, et que l'adoption d'une règle d'indexation des plafonds fondée sur des analyses périodiques de formation des coûts (comme l'augmentation du taux de certaines prestations de service) donnerait aux communes une plus grande sécurité financière, les amenant peut-être à développer davantage leurs équipements. Elle a par ailleurs souhaité une mise en _uvre plus intense de la convention d'objectifs et de gestion de la Caisse nationale des allocations familiales du 17 mai 1997, c'est-à-dire l'achèvement des redéploiements et désengagements au sein de la dotation des caisses, afin que celles-ci puissent conduire leur politique d'action sociale.

Le Gouvernement, pour sa part, est conscient des inégalités géographiques des prestations de services engendrées par le système et observées par la Cour. Il a récemment demandé à la Caisse nationale des allocations familiales de moduler son financement, actuellement forfaitaire, en fonction des caractéristiques sociales et économiques des communes, en l'améliorant pour celles qui ont une faible capacité de financement au regard de leurs besoins. Il paraît en effet normal de contribuer davantage au financement de crèches qui accueillent des familles modestes qu'au développement de crèches dans des zones où la densité de familles aisées comme d'équipements d'accueil des enfants est plus importante. Les discussions avec la Caisse nationale des allocations familiales se poursuivent. Ces discussions devraient également porter sur la programmation budgétaire à moyen terme, déjà envisagée dans la précédente convention, mais qui n'a pas été mise en _uvre.

S'agissant du financement, il est clair que l'État devra rechercher un accord politique fort avec le conseil d'administration de la Caisse nationale des allocations familiales dans le cadre des discussions de la future convention d'objectifs et de gestion qui doivent s'ouvrir l'année prochaine.

En 2000, le fonds national d'action sociale qui s'élèvera à 13,9 milliards de francs (+ 3,4 %), devrait enregistrer des dépenses nouvelles au titre principalement de l'accueil des jeunes enfants (avec la poursuite du plan famille), du lancement du nouveau dispositif des contrats temps libres six/seize ans, et de la poursuite du développement des centres sociaux et de loisirs. Les caisses sont, de plus, invitées à développer leurs actions dans le domaine du logement, notamment à travers le fonds de solidarité logement, et de la médiation familiale.

B.- LES COMPTES DE LA BRANCHE FAMILLE : LA GARANTIE DE RESSOURCES

1.- Les comptes de la branche famille

Après un déficit de 1,9 milliard de francs en 1998, la branche famille du régime général devrait dégager un excédent de 3,3 milliards de francs en 1999. Une politique volontariste en faveur de la famille peut donc être menée parallèlement au redressement des comptes, démontré par le tableau suivant :

COMPTES RÉSUMÉS
DE LA CAISSE NATIONALE DES ALLOCATIONS FAMILIALES

(en millions de francs)

 

1997

1998

1999

2000*

Recettes

242.513

252.543

269.385

268.194

Dépenses

257.053

254.446

266.126

265.651

Solde

-14.540

- 1.903

3.259

2.543

* compte non tenu des dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale

Source : direction de la sécurité sociale

Par rapport aux prévisions de dépenses de la branche famille figurant à l'article 42 de la loi de financement pour la sécurité sociale pour 1999, l'écart est estimé à + 7,3 milliards de francs. Les comptes de la branche famille ont en effet été affectés par la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (6,3 milliards de francs).

Le compte de l'année 2000 intègre la revalorisation au 1er janvier 2000 de la base mensuelle de 0,2 % ainsi que la part de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire à la charge de la Caisse nationale des allocations familiales, mais pas le « coup de pouce » de la base mensuelle, de 0,3 %, (340 millions de francs), l'extension des droits pour les enfants jusqu'à vingt et un ans (550 millions de francs) et l'effort supplémentaire de la caisse nationale en matière d'action sociale (250 millions de francs).

Le solde 2000, compte tenu des différentes mesures affectant la branche famille envisagées, devrait être de + 1,41 milliard de francs.

Compte tenu de l'évolution du solde (déficits de 10,4 milliards de francs en 1994, 16,6 milliards de francs en 1995, 9,7 milliards de francs en 1996, 14 milliards de francs en 1997, 2 milliards de francs en 1998 et excédents depuis), les gestionnaires de la branche ont souhaité une garantie de ressources pour les années à venir, question récurrente depuis la loi du 25 juillet 1994 relative à la famille. L'article 9 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 l'institue.

2.- La garantie de ressources

L'article 9 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 institue une garantie de ressources pour la période courant du 1er janvier 1998 au 31 décembre 2002. Il dispose que les ressources de la Caisse nationale des allocations familiales perçues au titre de l'année 2002 ne seront pas inférieures aux ressources de cette caisse pour l'année 1997 revalorisées en fonction de l'évolution du produit intérieur brut, déduction faite de la subvention versée par l'État au titre de la majoration d'allocation de rentrée scolaire et d'un montant équivalent aux ressources transférées en 2000 à la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés en vertu de l'article 10 de la loi du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle.

La Commission des comptes de la sécurité sociale est chargée du calcul de la garantie, en comparant les recettes de la branche famille perçues en 2002 à celles perçues en 1997.

L'article 34 de la loi du 25 juillet 1994 précitée avait déjà garanti les ressources de la caisse nationale du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1998, au montant qu'elles auraient atteint à la fin de chaque année en cas de maintien des dispositions législatives et réglementaires applicables, au 1er janvier 1993, au taux, à l'assiette et au champ d'application des cotisations et contributions énumérées à l'article L. 241-6 du code de la sécurité sociale.

En pratique, l'article 34 n'a pas joué. En septembre 1999, la mission juridique du Conseil d'État a validé la position de la direction du budget consistant à retenir une appréciation globale des ressources, toutes sources confondues, au lieu de prendre en compte les seules réductions de ressources année par année. Toute perte de revenus compensée n'ouvrait pas droit ainsi à la « garantie de ressources ». Plusieurs mesures prises depuis 1997 ont eu pour effet d'augmenter les ressources de la caisse nationale, notamment l'extension d'assiette de la contribution sociale généralisée intervenue au 1er janvier 1997 et celle du prélèvement social sur les revenus du capital au 1er janvier 1998, ainsi que le relèvement du taux des cotisations d'allocations familiales de l'État employeur en 1997. Les mesures ont compensé les réductions de revenus de la caisse nationale enregistrées par ailleurs. L'État n'a donc rien versé.

L'article 9 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 propose un mécanisme distinct. Il y est sans doute aussi prévu une garantie de ressources. L'enveloppe financière de la branche famille peut donc, le cas échéant, progresser au-delà. Mais on peut déceler certaines différences.

Dans la loi de 1994 était visé l'ensemble des ressources, dans une rédaction faisant référence aux cotisations, qui suscita des divergences entre la caisse nationale et la direction du budget. Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, il est prévu de prendre en compte l'ensemble des ressources, à l'exception de la subvention de l'État au titre de la majoration d'allocation de rentrée scolaire et des transferts versés en vertu de l'article 10 de la loi n° 99-461 du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle, soit deux modifications du périmètre des recettes. Ce périmètre a également été affecté par le remboursement de l'allocation de parent isolé à partir de 1999 mais il a été considéré que celui-ci (4,35 milliards de francs inscrits au chapitre 46-23 du budget du ministère de l'emploi et de la solidarité _II.- Santé et solidarité_ dans le projet de loi de finances pour 2000) était la compensation du rétablissement de l'universalité des allocations familiales.

Dans la loi de 1994, la garantie devait s'appliquer année par année. Elle était calculée en fonction de l'évolution spontanée des cotisations et contributions, à législation et réglementation inchangées. Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 est écarté le système de garantie annuelle, jugé complexe. La garantie vaut pour la dernière année, 2002. C'est à l'issue de la période, en cas de différence entre les ressources de 2002 et celles de 1997 calculées comme indiqué plus haut, qu'un versement à la caisse nationale aura lieu. L'année 1997 est la dernière de la précédente législature.

La loi de 1994 prévoyait un versement compensatoire de l'État selon des modalités prévues par la loi de finances. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 propose un versement dans les conditions prévues par la loi de financement de la sécurité sociale. Celle-ci ne pourra être que la loi initiale pour 2004, examinée en 2003. Mais observons que si ce versement provient de l'État, une loi de finances devra le prévoir également.

Le système prévu ne préjuge pas du solde futur de la branche famille. Il est vrai que celle-ci est désormais habituée aux modifications affectant sa structure de dépenses...

Il convient de noter que la garantie se superpose à celle qui a été instituée, à une époque où les comptes étaient assez dégradés, par la loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale (article L. 131-7 du code de la sécurité sociale). L'article 5 de celle-ci a en effet prévu que toute mesure d'exonération, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale, instituée à partir de la date d'entrée en vigueur de la loi, devait donner lieu à compensation intégrale aux régimes concernés, par le budget de l'État, pendant toute la durée de son application. L'article a servi, contrairement à l'article 34 de la loi du 25 juillet 1994 relative à la famille. Il a servi à compenser la réduction des cotisations patronales sur les bas salaires, dite « ristourne Juppé », les contrats initiative-emploi, les contrats de qualification...

IV.- ACCIDENTS DU TRAVAIL ET MALADIES PROFESSIONNELLES : UNE PRÉOCCUPATION CONSTANTE

La branche accidents du travail fait l'objet, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, d'un article étendant le champ du dispositif de cessation anticipée d'activité à de nouvelles catégories de bénéficiaires, l'article 26, et d'engagements du Gouvernement relatifs à la prévention des accidents du travail et aux droits des victimes de maladie professionnelle qui figurent dans le rapport annexé.

A.- LE RENFORCEMENT DES DROITS DES VICTIMES DE MALADIES PROFESSIONNELLES

La presse se fait l'écho régulièrement d'actions en justice, de plus en plus nombreuses, par lesquelles des salariés demandent réparation de risques sanitaires subis dans l'exercice de leur métier. Parfois même le juge pénal est saisi. Sans préjudice des suites des actions judiciaires, l'État a souhaité améliorer la prise en charge des victimes de maladies professionnelles, notamment de l'amiante. En effet, les affections par poussières d'amiante font partie des maladies professionnelles les plus fréquentes. En 1997, elles représentaient 9,7 % des 14.737 maladies constatées et reconnues, et 9,4 % du nombre de cas de maladies professionnelles ayant entraîné un arrêt de travail. Rappelons que l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (2) a estimé à 2.000 le nombre de morts par an dus à une exposition à l'amiante.

Tout d'abord, l'article 40 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 a comporté une mesure générale. Il a modifié les règles de prescription des demandes de reconnaissance de maladies professionnelles en faisant partir la prescription biennale non plus de la date de la première constatation médicale de la maladie, mais de la date à laquelle la victime est informée d'un lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle. Le décret n° 99-323 du 27 avril 1999 a complété la mesure en aménageant la procédure de reconnaissance du caractère professionnel des accidents du travail et des maladies professionnelles. La procédure de contestation préalable, qui rallongeait les délais d'instruction des dossiers, a été remplacée par un mécanisme encadrant dans un délai fixe de trois mois, éventuellement renouvelable, la réponse de la caisse à une demande de reconnaissance de maladie professionnelle. En l'absence de réponse, le caractère professionnel de la maladie est désormais considéré comme établi.

Par ailleurs, l'article a permis que les droits aux prestations et indemnités soient rouverts pour les victimes d'affections professionnelles consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante ou provoquées par elles dès lors qu'ils ont fait l'objet d'une première constatation médicale après le 1er janvier 1947 et pour peu que les victimes demandent le bénéfice de ces dispositions entre le 28 décembre 1998 et le 27 décembre 2000 inclus.

Ces mesures se justifiaient par le fait qu'un grand nombre de victimes a été débouté par l'application des règles de prescription classique compte tenu du délai de latence ? souvent très long de certaines maladies professionnelles. Par méconnaissance du lien entre leur maladie et leurs activités professionnelles, elles avaient déposé tardivement leur déclaration par rapport à la date du diagnostic de leur affection.

Les dépenses consécutives ont été mises à la charge de la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général. Les dépenses liées à la levée de la prescription ont été estimées à 150 millions de francs en année pleine.

L'article 41 de la loi de financement pour 1999 a complété le dispositif en instituant une allocation de cessation anticipée d'activité versée aux salariés, et anciens salariés, d'au moins cinquante ans, des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, non cumulable avec les allocations de remplacement de revenus ou un avantage vieillesse. Un fonds a été créé pour assurer son financement.

Les revenus du fonds devaient être constitués d'une contribution de l'État et d'un versement de la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général de la sécurité sociale. En fait, en 1999, l'État a pris en charge la totalité des dépenses du fonds pour une mise en place rapide de celui-ci. Les crédits - 100 millions de francs - ont été prélevés, en gestion, à l'article 10 « Fonds spécial de retraite de la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines » du chapitre 47-23 « Subventions à divers régimes de protection sociale » du ministère de l'emploi et de la solidarité (II- Santé et solidarité). Ils devraient être complétés par des crédits inscrits dans la loi de finances rectificative pour 1999.

L'article 29 du projet de loi de finances pour 2000 prévoit une autre ressource (sans modifier l'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999) : une fraction égale à 0,43 %, dans la limite de 200 millions de francs, du produit du droit de consommation sur les tabacs manufacturés prévu à l'article 575 du code général des impôts. Elle devrait, dans l'esprit du Gouvernement, se substituer à la contribution de l'État.

L'article 26 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 étend la liste des bénéficiaires aux salariés ou anciens salariés, spécialisés dans le flocage et le calorifugeage à base d'amiante ou ayant travaillé dans des établissements de construction et de réparation navales dans lesquels était traitée l'amiante ainsi qu'aux ouvriers dockers professionnels ayant travaillé dans un port dans lequel étaient manipulés des sacs d'amiante.

Au 1er octobre 1999, 2.500 demandes environ avaient été déposées sur la base de l'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, complété par le décret n° 99-247 du 29 mars 1999 applicable depuis le 2 avril 1999. Elles avaient été examinées après cette dernière date. Plus de 300 ont fait l'objet de paiements. L'instruction des dossiers se poursuit et il devrait y avoir 2.000 allocataires à la fin de l'année.

L'extension du dispositif devrait concerner près de 10.000 personnes en année pleine, la plupart étant des salariés de la construction et de la réparation navales.

Le coût du dispositif de 1999 a été estimé à 130 millions de francs environ cette année. En 2000, il pourrait dépasser les 400 millions de francs. L'extension du dispositif pourrait aboutir à un surcoût de l'ordre de 600 millions de francs. Le coût de l'ensemble ne serait donc, à terme, pas très éloigné du milliard de francs. Compte tenu de la ressource « tabac », fixée à 200 millions de francs, la branche accidents du travail devrait financer le reste, soit près de 800 millions de francs.

B.- LE RENFORCEMENT DE LA PRÉVENTION

Le rapport annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 constate une nouvelle augmentation des accidents du travail. L'annexe a du même projet de loi évoque quant à elle des accidents du travail en diminution. Qu'en est-il en réalité ?

En 1996, pour la cinquième année consécutive, le nombre total d'accidents du travail a effectivement diminué, ce qui, pour autant, ne signifie pas que la situation soit satisfaisante. 658.083 accidents du travail avec arrêt ont été recensés cette année là, soit une baisse de 2 % par rapport à 1995. On dénombrait 54.717 accidents avec incapacité permanente en 1996 contre 61.455 en 1994 et 73.662 en 1990. La baisse sur le long terme est donc indéniable. Elle est due, au moins en partie, aux évolutions structurelles de la population salariée, de moins en moins nombreuse dans les industries lourdes et l'agriculture, plus nombreuse dans les commerces et les services.

Mais des données plus récentes montrent des évolutions plus préoccupantes. Le nombre total des accidents du travail en 1997 a été plus élevé qu'en 1996 puisque 67.200 accidents ayant entraîné un arrêt de travail ont été enregistrés, soit une hausse de 2,4 % par rapport à l'année précédente. Les cas d'accidents mortels ont progressé de 10 % en 1996 (773 cas). En 1997, il y a eu cinquante morts de plus qu'en 1996. En 1998, 696.230 accidents ont entraîné un arrêt de travail, soit une hausse de 3,9 % par rapport à 1997.

Les prestations de la branche accidents du travail du régime général (qui représente 80 % des dépenses d'accidents du travail) ont donc augmenté. Les prestations légales en métropole ont atteint en 1998 33,65 milliards de francs, en progression de 2,1 % en valeur par rapport à 1997, année durant laquelle elles avaient baissé. La prévision pour 1999 de la Commission des comptes de la sécurité sociale retient un montant de prestations métropole de 35,3 milliards de francs, en croissance de 4,9 %. Les indemnités journalières augmenteraient de 8,2 % en 1999. Les rentes d'incapacité permanente estimées à hauteur de 21,6 milliards de francs devraient augmenter fortement, mais il convient de tenir compte de l'effet des mesures inscrites dans la loi de financement pour 1999, relatives à la cessation anticipée d'activité des salariés victimes de l'amiante.

Sans doute une part de la hausse du nombre d'accidents du travail est-elle due à la croissance économique. Il n'en reste pas moins que l'évolution est inquiétante et que la politique de prévention doit être renforcée afin de faire reculer des accidents du travail toujours inacceptables.

Le Gouvernement souhaite développer cette politique de prévention. Dans une circulaire n° 99-1 du 10 février 1999, la ministre de l'Emploi et de la Solidarité a déterminé un programme d'actions coordonnées pour l'inspection du travail. Les actions généralisées au niveau national devaient comprendre des campagnes de contrôle ciblées (chantiers de retrait de l'amiante, travail mécanique du bois) et concentrées dans le temps (du 1er avril au 31 août pour les chantiers et du 1er septembre au 30 novembre pour le bois), des actions de prévention des risques professionnels dans les installations nucléaires de base dans seize régions et enfin des actions de prévention du risque amiante en secteur diffus. Les actions relevant du niveau régional devaient correspondre à des options prises pour chaque région en 1999.

En 1998, 1.300 chantiers de désamiantage avaient été contrôlés et 107 arrêtés, car ils comportaient des risques pour les salariés. 7.000 salariés avaient été soustraits à une situation dangereuse sur les chantiers. La circulaire a encouragé l'inspection du travail à poursuivre ses contrôles.

Par ailleurs, le Gouvernement a engagé une réflexion sur une meilleure prévention des risques professionnels. Depuis avril 1999, une concertation entre organisations de salariés et employeurs a été engagée. Le Gouvernement souhaite que ces réflexions contribuent à la définition d'une réforme de la médecine du travail.

Le système français de prévention des accidents du travail a été jugé, par les partenaires sociaux eux-mêmes, vieilli. La directive cadre 89/391/CEE du 12 juin 1989 concernant la mise en _uvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail, dont la transposition doit se poursuivre, fournit quelques pistes de réforme.

La médecine du travail actuelle fait l'objet de critiques. Les médecins du travail, peu nombreux, et dont la pyramide des âges est peu encourageante, sont des salariés rétribués par les employeurs. Le Gouvernement souhaite, d'une part, voir garantie leur indépendance, et, d'autre part, le développement de l'interdisciplinarité des services en charge de la prévention des accidents du travail. Les discussions, interprofessionnelles, devraient aboutir à la fin de cette année ou au début de l'année prochaine, notamment en vue de la réunion du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels de 2000.

Enfin, le Gouvernement a prévu un renforcement notable des crédits budgétaires. Les crédits de l'article 90 « Actions en matière de santé et sécurité du travail et directives européennes » du chapitre 44-73 « Relations du travail et amélioration des conditions de travail » du budget de l'emploi, consacrés aux études, à l'évaluation a priori des risques professionnels et à l'action menée au niveau régional, notamment en direction des petites et moyennes entreprises s'élèvent dans le projet de loi de finances pour 2000 à 22,3 millions de francs contre 17,3 millions de francs dans la loi de finances pour 1999, soit une hausse de 28,9 %. Les crédits de l'article 60 « Amélioration des conditions de travail » du même chapitre budgétaire passent pour leur part de 5,2 millions de francs à 18 millions de francs, soit une hausse de 246 %. Ils sont consacrés au financement du fonds d'amélioration des conditions de travail dont les subventions sont dirigées vers les entreprises qui, dans la concertation, mènent des actions exemplaires en matière d'amélioration des conditions de travail.

Ces crédits budgétaires s'ajoutent aux dotations du fonds national de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles aux caisses régionales d'assurance maladie, destinées notamment au recrutement d'ingénieurs de sécurité. Mais il est difficile de déterminer ce qu'il convient d'isoler sur les dépenses totales du fonds national de prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles doté d'un budget de 2,1 milliards de francs dont 1,3 milliard de francs destinés aux caisses régionales, sans compter les autorisations de programme liées aux contrats de prévention, estimées à 254 millions de francs pour déterminer le rôle de la branche en faveur de la prévention, dans la mesure où une part importante des dépenses sont des dépenses de personnel.

C.- VERS LA CRÉATION D'UNE BRANCHE ACCIDENTS DU TRAVAIL POUR LES EXPLOITANTS AGRICOLES ?

Il est une dernière piste de réforme que souhaite évoquer votre Rapporteur : l'instauration éventuelle d'une branche « accidents du travail » dans le régime des non salariés agricoles.

Depuis la loi n° 66-950 du 22 décembre 1966, les non-salariés agricoles sont obligés de s'assurer contre les accidents du travail (et de la vie privée, la distinction entre les deux catégories ayant alors paru difficile dans leur cas). Ils contractent cette assurance auprès de l'organisme de leur choix. En conséquence, il n'y a pas de « branche accidents du travail » dans le régime de protection sociale agricole ; les primes versées aux assureurs et les prestations reçues, au demeurant imparfaitement connues, ne sont pas retracées dans les comptes de la sécurité sociale, et donc les agrégats de la loi de financement, non plus que dans le budget annexe des Prestations sociales agricoles.

Ce régime est aujourd'hui l'objet de critiques qui ont conduit le Gouvernement à demander aux Inspections générales de l'Agriculture et des Affaires sociales de mener une enquête, confiée à Mme Monique Mousseau et M. Pierre-Gérard Cailly. Il apparaît effectivement que le dispositif de 1966 comporte de nombreuses faiblesses.

· Le non respect de l'obligation d'assurance

Même s'il n'existe pas de statistiques fiables sur ce point, il semblerait qu'un nombre significatif d'agriculteurs ne s'assurent pas contre les accidents du travail, que ce soit volontairement ou par ignorance de la réglementation. Les dépenses médicales liées aux accidents qui leur arrivent sont alors inévitablement reportées vers l'assurance maladie. Il n'y a pas de dispositif juridique permettant un contrôle efficace du respect de l'obligation d'assurance et, apparemment, les services de l'État « naturellement » compétents en l'espèce, c'est-à-dire l'inspection du travail agricole (ITEPSA), s'en préoccupent peu.

· La faiblesse des prestations

Les garanties offertes par le régime, définies par les textes, sont limitées au remboursement des frais médicaux et au versement de rentes forfaitaires, réservées aux seuls invalides graves (taux d'incapacité au moins égal à deux tiers) et d'un montant minime : moins de 2.000 francs par mois pour une inaptitude totale. Il n'y a pas d'indemnités journalières, ni de rentes pour les incapacités faibles ou moyennes, non plus que de prestations décès.

· Des rapports prestations/primes plus ou moins favorables

En contrepartie de prestations minimales, les primes demandées aux agriculteurs sont modestes. Il apparaît cependant que leur niveau moyen varie selon la nature de l'organisme assureur choisi ; si l'on se fonde sur les données du rapport des inspections générales pour 1997, la prime moyenne par affilié (ayants droit compris) serait de l'ordre de 800 francs pour les assureurs privés (affiliés à la Fédération française des sociétés d'assurance), 700 francs pour le mutualiste GROUPAMA, principal acteur du marché, et 500 francs pour la Mutualité sociale agricole (MSA), laquelle, par ailleurs gestionnaire du régime de sécurité sociale des agriculteurs, a développé une activité concurrentielle d'assurance accidents du travail et de la vie privée dans quelques départements.

La même année, le rapport prestations versées/primes encaissées, dans les comptes, serait de 73 % pour la MSA, 68 % pour GROUPAMA et moins de 15 % (!) pour les assureurs privés (la mission s'interroge sur la fiabilité de cet incroyable dernier chiffre).

Il n'est pas étonnant que les caisses de MSA soient à même de proposer des garanties au meilleur tarif et avec le rapport prestations/primes le plus favorable aux assurés : cela peut tenir à la vocation sociale qui est la leur, mais aussi au fait que le coût marginal de gestion d'un régime d'accidents de travail est limité pour un organisme qui gère déjà l'assurance maladie des mêmes personnes.

· La faiblesse de la prévention

La prévention, en matière d'accidents du travail en agriculture, repose principalement sur les actions menées par la MSA au profit des salariés agricoles (qui ont, eux, une branche accidents du travail) : elles profitent de fait aux employeurs...

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* *

Plusieurs options de réforme sont ouvertes, afin d'améliorer le niveau des prestations offertes, d'élargir leur champ et de développer une action cohérente de prévention. Une réforme limitée s'attacherait à rendre plus effective l'obligation d'assurance et à créer un fonds de prévention alimenté par les différents acteurs. Une réforme plus ambitieuse, qui aurait la préférence de votre Rapporteur, conduirait à la mise en place d'un régime de sécurité sociale, logiquement géré par la MSA, ce qui n'exclut pas nécessairement l'intervention d'autres organismes assureurs, qui seraient associés à la gestion du régime.

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EXAMEN EN COMMISSION

A.- AUDITION DES MINISTRES

Au cours de sa séance du 30 septembre 1999, la commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a procédé à l'audition de Mme Martine Aubry, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, et de Mme Dominique Gillot, secrétaire d'État à la Santé et à l'Action sociale, sur le financement de la sécurité sociale.

Le Président Augustin Bonrepaux a exprimé ses souhaits de bienvenue à une délégation de parlementaires tchadiens, avant d'indiquer que la présentation en commission du projet de loi de financement de la sécurité sociale se déroulait avant son adoption par le Conseil des ministres prévue pour le 6 octobre prochain. Dans cette perspective, il convient notamment d'interroger Mesdames les Ministres sur le lien entre la loi de finances et la loi de financement, sur les affectations de recettes fiscales ou sur le Fonds de compensation des allégements de charges liées à la réduction du temps de travail.

Mme Martine Aubry, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, a indiqué que le déficit du régime général de sécurité sociale s'établira à 4 milliards de francs pour 1999 - à comparer avec les 5 milliards prévus en mai dernier -, soit 0,3 % des dépenses de ce régime. Il aura ainsi été ramené de 57 milliards de francs à 4 milliards de francs en trois ans, sans diminution des remboursements ni augmentation des cotisations. Le compte des administrations sociales (régimes de sécurité sociale et d'indemnisation du chômage confondus) sera en excédent de 10 milliards de francs. L'objectif est de confirmer cet excédent, afin d'alimenter le fonds de réserve des retraites et d'améliorer les remboursements des assujettis dans des domaines comme l'optique ou l'odontologie. La prévision d'excédent pour l'an 2000 est évaluée à 2 milliards de francs.

Le redressement des comptes est lié à la bonne tenue des recettes, qui tire elle-même son origine :

- du retour de la croissance économique, grâce aux mesures prises par le Gouvernement en faveur de la consommation ;

- de la diminution du chômage en raison du succès des emplois jeunes et des politiques d'insertion ;

- enfin, du transfert de la cotisation maladie sur la cotisation sociale généralisée (CSG) ainsi que de l'élargissement des prélèvements sociaux sur le patrimoine, dont le rendement dépasse les prévisions de 2 milliards de francs.

Les dépenses de maladie ont connu une inflexion notable. Ce résultat a été atteint par des accords avec l'ensemble des professions, comme les cardiologues ou les ophtamologistes, ou par accord bilatéral avec les hôpitaux ou les cliniques, et par des politiques structurelles. Le déficit de la branche maladie du régime général a été ramené à 12 milliards de francs, alors que certaines prévisions pessimistes avançaient un chiffre de 20 milliards de francs. Le montant des dépassements de l'objectif d'assurance maladie sera de 10,6 milliards de francs en 1999, dont 8,3 milliards de francs dus aux reports de 1998. Le dépassement propre à 1999 n'est donc que de 2,3 milliards de francs. Il faut par ailleurs noter que le régime général touchera, en 2000, 1 milliard de francs provenant de l'industrie pharmaceutique au titre des dépassements, selon le dispositif mis en place en 1999.

L'inflexion des dépenses se confirme également dans le domaine des médicaments, où la croissance sera seulement de 5 % en 1999, à comparer à 8 % en 1998. La France connaît pour la première fois une augmentation de ses dépenses inférieure à celle des autres pays développés. Cette inflexion résulte d'une politique concertée avec les médecins. En conséquence, le déficit de la branche maladie devrait être contenu à 3 milliards de francs en l'an 2000, l'ensemble du régime général de la sécurité sociale pouvant, pour sa part, connaître un excédent de 2 milliards de francs.

Le Gouvernement propose au Parlement d'augmenter l'ONDAM de 2,5 %, à raison de 2 % pour les soins de ville, 2,4 % pour les hôpitaux publics , 2,2 % pour les cliniques et 4,9  % pour le secteur médico-social. Pour celui-ci, l'effort de maîtrise doit viser les domaines où la croissance des dépenses est excessive. En premier lieu, il faut établir un meilleur contrôle des budgets alloués aux établissements d'accueil des personnes âgées ou des handicapés. Le Gouvernement souhaite que les caisses d'assurance maladie, l'État ou les départements puissent s'opposer, le cas échéant, aux crédits inscrits par les établissements dans leur budget, afin qu'ils soient conformes à l'ONDAM voté par le Parlement. Cette rigueur doit permettre de développer des structures d'accueil, particulièrement pour les traumatisés crâniens et les autistes, et de développer une politique de soins à domicile et, au-delà même de la prestation spécifique dépendance (PSD), une meilleure prise en charge de la dépendance.

Le deuxième domaine sur lequel doivent porter des efforts concerne la politique du médicament. La promotion des médicaments génériques et le droit de substitution devraient permettre une économie oscillant entre 600 millions et 1 milliard de francs. Le Gouvernement a également demandé au comité économique du médicament d'harmoniser les prix des produits constitués des mêmes molécules et appartenant à la même classe. Par ailleurs, il souhaite que les prix soient adaptés en fonction du service médical rendu et, à cette fin, que soient réévaluées toutes les spécialités pharmaceutiques. La commission de la transparence a déjà examiné 1.100 spécialités pharmaceutiques. La décision finale sera prise en octobre et pourrait entraîner une économie substantielle. Cette modernisation du secteur du médicament devrait permettre de ne plus rembourser des produits à effet médical faible et d'aider les laboratoires les plus innovants.

Le troisième domaine d'action porte sur les matériels médicaux, où les dépenses augmentent en moyenne de 15 % par an. Il est actuellement difficile d'apprécier la pertinence technique des nouveaux matériels. Aussi le comité économique du médicament deviendra le comité économique des produits de santé et conduira une politique conventionnelle avec les industriels concernés.

Le Gouvernement souhaite enfin maîtriser la pertinence des dépenses d'indemnités journalières, qui croissent à un rythme d'environ 7 % par an. L'augmentation de la masse salariale a un effet mécanique sur ce type de dépenses, qui est fortement lié au contrat de travail. Ce domaine concerne au premier chef les partenaires sociaux, mais le Gouvernement, dans une première étape, proposera au Parlement de voter une disposition demandant au médecin d'apporter au service médical des caisses une justification des motifs de l'arrêt de travail.

L'hospitalisation publique a effectué de nombreux efforts de rigueur et tient désormais ses budgets grâce à un effort qu'il convient de saluer. Il importe que ce secteur s'adapte et améliore la qualité de ses prestations. Le Gouvernement entend anticiper la mise en place des schémas régionaux d'organisation de santé (SROS) de deuxième génération, qui devront permettre de recomposer le système hospitalier et de l'adapter aux besoins des populations, conformément aux priorités nationales : existence de plates-formes techniques d'excellence dans chaque région, priorité à la lutte contre la douleur ou certaines pathologies (cancérologie, cardiologie, périnatalité,...). Les SROS devront aboutir à réorganiser le système hospitalier, conformément aux réalités locales. De ce fait, les économies éventuelles résulteront d'une démarche plus rationnelle que la comparaison hâtive avec l'hospitalisation privée. Le Gouvernement souhaite à cet égard réfléchir à l'établissement d'une tarification liée à la pathologie, ce qui permettra des comparaisons plus pertinentes entre les systèmes public et privé.

L'hospitalisation privée respecte les prévisions et les objectifs de la loi de financement. En raison du caractère obsolète de cette tarification, le Gouvernement entend soumettre les cliniques privées au même type de fonctionnement que l'hôpital public : c'est pourquoi le projet de loi prévoit la mise en _uvre d'une définition nationale de l'évolution des tarifs en concertation avec les fédérations de cliniques. En contrepartie, les cliniques auront accès au fonds d'aide à la modernisation, à hauteur de 100 millions de francs.

La progression des honoraires de la médecine de ville respecte également les prévisions initiales, même s'il a fallu prendre un certain nombre de mesures correctives en ce qui concerne les spécialistes, notamment les cardiologues.

Mme Martine Aubry, a en outre indiqué que le projet de loi de financement de la sécurité sociale comportait un certain nombre de réformes structurelles. Comme le demandaient de nombreux professionnels et parlementaires et comme cela figurait dans le programme stratégique de la CNAMTS, les caisses d'assurance maladie et les professionnels de santé vont acquérir une pleine responsabilité sur la régulation de la médecine de ville. Un certain nombre d'instruments seront mis à leur disposition pour assurer le respect de l'enveloppe globale fixée par la loi de financement. Le partenariat entre les caisses et les professionnels de santé pour réguler l'évolution des honoraires sera renforcé (mécanisme incitatif en matière de prescription, possibilité de modifier la nomenclature des actes médicaux, etc). Tous les quatre mois, les caisses devront faire le point sur le respect de l'enveloppe globale, l'État n'intervenant qu'en cas de carence.

Par ailleurs, le Gouvernement prépare un projet de loi de modernisation du système de santé, qui pourrait être présenté au Parlement au printemps prochain. Les objectifs poursuivis portent sur la réduction des inégalités en matière de santé, la révision de la politique de prévention, la lutte contre les grandes causes de mortalité, la réforme de la formation initiale et continue des médecins et le renforcement des droits des malades.

Concernant la branche accidents du travail, beaucoup a été fait sur la reconnaissance des maladies professionnelles, notamment en ce qui concerne l'amiante. La cessation anticipée d'activité qui a d'abord été reconnue aux travailleurs des entreprises fabriquant l'amiante sera étendue à un certain nombre de secteurs utilisateurs de celle-ci, tels que, par exemple, les entreprises de flocage, de construction et de réparation navales. Il conviendra également de lancer une réflexion globale sur l'indemnisation des victimes de l'amiante.

En ce qui concerne l'assurance vieillesse, le Gouvernement s'en tient au calendrier et à la méthode déjà prévus. Les pistes suivies visent à conforter la retraite par répartition et à mettre en place une épargne salariale ouverte à tous. Le projet de loi de financement prévoit d'alimenter le fonds de réserve pour les retraites, déjà doté de 2 milliards de francs, en y affectant les excédents de la caisse nationale d'assurance vieillesse et, à hauteur de 4 milliards de francs, les produits de la réforme des caisses d'épargne : au début de 2001, ce fonds devrait donc, au total, atteindre au moins 15 milliards de francs. Les pensions augmenteront de 0,5  %, ce qui représente un « coup de pouce » de 0,3 point par rapport à l'évolution qui aurait été atteinte par la seule indexation sur les prix.

La branche famille, qui était déficitaire de 14 milliards de francs en 1997, sera en léger excédent en 1999 et 2000. Le projet de loi de financement lui assure une garantie de ressources pour l'avenir et prévoit de prolonger, jusqu'à 21 ans, le service de l'allocation logement et le complément familial. En outre, le Gouvernement entend mettre l'accent sur l'accueil des jeunes enfants. Par ailleurs, l'allocation de rentrée scolaire sera pérennisée à son niveau actuel, son transfert sur la branche famille devant être progressif. En réformant les cotisations employeurs, le Gouvernement réduira les charges sociales, donc le coût du travail, jusqu'à 1,8 fois le SMIC. Par rapport au mécanisme de la ristourne dégressive, la réforme engagée présente plusieurs avantages : éviter l'apparition d'une « trappe » à bas salaires et asseoir son financement sur les entreprises et non sur les ménages. Le Gouvernement souhaitant une contrepartie en terme d'emplois, la réforme des cotisations sera liée à l'existence d'un accord sur la réduction du temps de travail.

Mme Dominique Gillot, Secrétaire d'État à la Santé et à l'Action sociale, a présenté les grandes lignes de la politique que le Gouvernement entend mettre en _uvre en matière de santé, afin de progresser dans la voie de l'intégration sociale.

La réduction des inégalités de santé et la garantie d'un accès de tous aux soins constitue à cet égard la première priorité, tant certaines disparités entre régions ou entre catégories socio-professionnelles sont encore trop importantes. La réduction des inégalités passe d'abord par l'amélioration des connaissances, grâce notamment à la création de l'Institut de veille sanitaire et d'une direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques au sein du ministère. Elle passe également par une meilleure répartition des moyens. Malgré la complexité de la démarche, des progrès sont d'ores et déjà réalisés en ce domaine. Ainsi les dotations hospitalières régionales sont différenciées à partir d'indicateurs sanitaires. En ce qui concerne l'accès à des soins de qualité, la mise en _uvre de la loi relative à la couverture maladie universelle (CMU) constituera un progrès majeur.

S'agissant des actions de prévention et de promotion de la santé, d'importants programmes ont été lancés en 1999 en ce qui concerne :

- la prévention des dépendances dangereuses pour la santé ou la sécurité publique ; un plan triennal tenant compte des nouvelles modalités de consommation a été adopté en juin dernier, afin de réorganiser le dispositif de prévention et de soins ;

- l'amélioration de la prise en charge des personnes souffrant de maladies chroniques, le diabète et l'asthme faisant l'objet, dès l'année prochaine, d'expérimentations locales et régionales ;

- la diminution du nombre de grossesses non désirées et le renforcement de la politique de contraception ; il s'agit de mieux informer pour mieux maîtriser la contraception par une campagne nationale de communication, et de prévenir les interruptions volontaires de grossesse, tout en permettant qu'elles soient pratiquées sur l'ensemble du territoire ;

- la diminution des morts dues au suicide, l'objectif restant de passer en dessous de la barre symbolique des 10.000 morts par an.

En outre, il est nécessaire que les problèmes de nutrition, insuffisamment pris en compte dans notre pays, fassent l'objet d'une réflexion au niveau communautaire.

Le Gouvernement entend renforcer la lutte contre les grandes causes de mortalité. En ce qui concerne le cancer, les examens de dépistage bénéficient désormais d'une prise en charge à 100  % et les programmes de dépistage du cancer du sein et du col de l'utérus se mettent en place progressivement. La qualité de l'organisation des soins en cancérologie sera renforcée sur la base de la pluridisciplinarité, de la coordination et de la continuité des soins. En ce qui concerne les maladies transmissibles, les actions de lutte contre le Sida seront renforcées, en particulier par la mise à disposition précoce de nouveaux médicaments et de nouveaux tests pour les personnes malades en échec thérapeutique. Des programmes de prévention seront développés en particulier en direction des plus vulnérables. A partir de l'année prochaine le dépistage des maladies sexuellement transmissibles et des hépatites B et C sera entièrement pris en charge par l'assurance maladie.

Un ambitieux programme national de lutte contre l'hépatite C a été mis en place cette année. On peut estimer à environ 600.000 le nombre de personnes qui sont touchées, la moitié de celles-ci ignorant d'ailleurs qu'elles sont infectées. Ce programme, d'une durée de quatre ans, vise à obtenir que, d'ici 2002, plus de 75  % des personnes touchées par la maladie connaissent leur état sérologique ce qui permettra de réduire les risques actuels de nouvelles contaminations et d'améliorer les connaissances sur le virus et la maladie. En 2000, 15 millions de francs supplémentaires seront consacrés à ce programme national.

En matière de sécurité sanitaire, le dispositif instauré par la loi du 1er juillet 1998 est désormais opérationnel et des moyens importants, à hauteur de 495 millions de francs en 2000, soit 156 millions de francs supplémentaires, lui sont consacrés. La réorganisation de la transfusion sanguine est en cours, le nouvel Établissement français du sang succédera à l'agence française du sang le 1er janvier prochain. Par ailleurs, une agence santé environnement sera créée afin de mieux expertiser et évaluer l'impact potentiel, sur la santé, des perturbations de l'environnement.

Enfin, le Gouvernement entend répondre aux besoins importants et évolutifs des personnes âgées dépendantes, des personnes handicapées et des familles : c'est pourquoi l'objectif de croissance des dépenses médico-sociales a été fixé à 4,9  % dans le cadre de l'ONDAM.

En ce qui concerne la dépendance, le Gouvernement entend améliorer le fonctionnement du secteur de l'aide à domicile. Le rapport de Mme Paulette Guinchard-Kunsler à ce sujet doit prochainement être remis au Premier ministre. L'entrée en vigueur de la tarification des établissements pour personnes âgées doit également être réalisée.

La politique conduite en faveur des 3 millions de personnes handicapées vise au développement des services ambulatoires et à l'amélioration de la prise en charge des plus gravement handicapées d'entre elles, notamment par la poursuite du plan pluriannuel de créations de places d'accueil et par le renforcement des prises en charge spécifiques pour les autistes, les traumatisés crâniens et les handicaps dits « rares ».

La réforme des dispositions relatives aux modes d'accueil collectif de la petite enfance interviendra prochainement. Parallèlement, le délégué interministériel à la famille a été chargé de proposer des mesures de simplification et d'harmonisation des différentes aides relatives à l'accueil du jeune enfant.

M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis, a observé que la densité des lois de financement de la sécurité sociale successives ne diminuait pas, ce qui démontrait la volonté de réforme du Gouvernement. Il s'est félicité que, compte tenu des éléments connus du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, ce projet n'accroisse pas les prélèvements obligatoires nets, puisque la création de la contribution sociale sur les bénéfices des entreprises et l'extension de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) compensent les nouveaux allégements de charges sociales. Les mesures de simplification telles que les conventions destinées à garantir la neutralité en trésorerie des flux État-sécurité sociale et la simplification du mécanisme de la répartition de la contribution sociale généralisée (CSG) maladie entre les caisses concernées, sont également positives. Certains points méritent toutefois d'être clarifiés. Le premier est d'ordre juridique et concerne les modalités d'affectation de la TGAP à la sécurité sociale dans la loi de financement, qui contrarient les dispositions de l'article 18 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959. Si le déficit du régime général de la sécurité sociale dû à l'assurance maladie ne conduit pas à une reprise de la dette, y aura-t-il une majoration du plafond des avances consenties ou une modification des règles d'attribution de la CSG ? Une clarification de la contribution de l'industrie pharmaceutique paraît nécessaire après la suppression de la participation prévue par le « plan Juppé » à la suite de sa condamnation par la Cour de justice des Communautés européennes pour non-respect des règles de concurrence et de sa censure par le Conseil constitutionnel à l'occasion de l'examen par ce dernier de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Sur la médecine de ville, le financement du mécanisme d'incitation à la cessation d'activité des médecins (MICA), dont le coût s'élève à environ 800 millions de francs, paraît assuré jusqu'en 2004, mais il conviendrait que la commission des Finances soit informée sur l'évolution future de la contribution des médecins. Enfin, si la CSG a été jugée par le Conseil constitutionnel comme relevant de la catégorie des « impositions de toutes natures », la Cour de justice des Communautés européennes pourrait opter pour une qualification de « contribution sociale ». Il serait souhaitable que le Gouvernement fasse connaître ses intentions, en cas de condamnation de la France, notamment en ce qui concerne la perception de la contribution auprès des travailleurs frontaliers.

En réponse, Mme Martine Aubry a apporté les précisions suivantes :

- le fonds de financement des allégements de charges a pour objet de compenser les exonérations de cotisations sociales et la réforme des charges vise essentiellement à réduire le coût du travail pour les salaires inférieurs à 1,8 fois le SMIC. Son montant probable sera, à terme, de 105 à 110 milliards de francs, chiffre qui inclut la ristourne dégressive précédemment instituée qui représente 40 milliards de francs. La réforme n'a pas seulement pour objet d'accompagner la réduction du temps de travail, puisqu'elle prévoit une contrepartie en termes d'emplois.

- le financement par l'État de l'élargissement des allégements de charges, soit 7,5 milliards de francs, devrait être assuré par la contribution sociale sur les bénéfices à hauteur de 4,3 milliards de francs et la TGAP à hauteur de 3,2 milliards de francs.

- la part de l'UNEDIC est provisionnée à hauteur de 5 à 6 milliards de francs. C'est la seule incertitude actuelle du financement des 35 heures. En effet, des négociations sont en cours avec l'UNEDIC. L'État continue à respecter ses engagements vis-à-vis de celle-ci, qui représentent 35 milliards de francs, mais trois dossiers doivent être discutés : les emplois-jeunes, les cotisations de retraite des chômeurs et le doublement de la « taxe Delalande ».

S'agissant de la TGAP, le Conseil d'État et le Secrétariat général du Gouvernement ont estimé que l'article 18 de l'ordonnance de 1958 n'interdisait pas une affectation par la seule loi de financement de la sécurité sociale, ce dispositif ne prohibant que les affectations à l'intérieur du budget. Toutefois, rien n'interdit qu'un dispositif d'affectation figure dans la loi de finances. La taxe, qui finance actuellement le budget de l'État et qui rapporte 2 milliards de francs, devrait produire, après l'extension de son assiette applicable aux extractions de graviers, aux lessives, aux produits phytosanitaires et aux installations classées, 3,2 milliards de francs en 2000.

La contribution sociale sur les bénéfices sera instituée pour les sociétés dont le chiffre d'affaires est supérieur à 50 millions de francs et qui payent plus de 5 millions de francs au titre de l'impôt sur les sociétés. Elle devrait rapporter, pour sa part, 4,3 milliards de francs en 2000 et, à terme, 12,5 milliards de francs.

L'affectation d'une part de la CSG à l'assurance maladie, dont le régime devrait être modifié par l'article 5 du projet de loi de financement de la sécurité sociale ne devrait pas affecter les recettes de la Caisse nationale d'assurance maladie pour 2000.

La contribution de l'industrie pharmaceutique a été jugée non compatible avec le droit communautaire par la Cour de justice des communautés le 8 juillet 1999, l'affaire étant en délibéré devant le Conseil d'État. S'il faut la supprimer, ce qui est probable, cela entraînera une perte de 1,2 milliard de francs de recettes et il serait paradoxal que les laboratoires pharmaceutiques n'aient ainsi pas participé à l'effort de stabilisation des comptes. Afin de remédier à cette situation, une contribution exceptionnelle à leur charge, destinée au financement de la Caisse nationale d'assurance maladie, devrait être perçue le 1er septembre 2000 pour les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 100 millions de francs. Les entreprises nouvellement créées en seront exonérées. La clause de sauvegarde applicable à l'industrie pharmaceutique, votée l'année dernière dans la loi de financement, devrait rapporter 600 millions de francs.

Les négociations pour la modification du MICA n'ont malheureusement pas abouti. On peut envisager un mécanisme variable en fonction des régions et des spécialités.

On ne peut qu'être sensible à la question de la nature juridique de la CSG et de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS). Le risque existe de voir, en effet, la qualification d'imposition remise en cause. Le Gouvernement en tirerait alors toutes les conséquences. Toutefois, le versement de la CSG n'est plus requis des frontaliers depuis 1994 et, s'agissant de la CRDS, le Gouvernement a donné des instructions de sorte que des personnes en difficultés obtiennent des mesures aménagées.

M. Philippe Auberger a regretté le découpage de réformes connexes en trois textes législatifs distincts : loi sur les 35 heures, loi de financement de la sécurité sociale et loi de finances. Cette situation doit être prise en compte s'agissant de la réflexion sur l'ordonnance du 2 janvier 1959. Il a estimé que la création d'un établissement public administratif, structure lourde, destinée au financement de l'allégement de charges était tout aussi contestable que l'affectation de recettes fiscales, en l'occurrence l'impôt sur les tabacs qui est un impôt sur les ménages, à des dépenses qui n'ont aucun rapport avec elles. Il a ensuite posé des questions sur :

- les modalités de calcul des 7 milliards de francs prévus dans le budget général pour le financement des allégements de charges liés au passage aux 35 heures et le nombre d'emplois créés grâce à l'aide spécifique ;

- la taxation des heures supplémentaires ;

- l'évolution de la TGAP créée l'année dernière et déjà modifiée cette année et le détail permettant d'aboutir à une recette supplémentaire d'1,2 milliard de francs ;

- les comptes de l'UNEDIC, le Gouvernement annonçant un excédent de 2 milliards de francs alors que l'UNEDIC annonce un déficit de 2 milliards de francs en 1999 ;

- le coût de l'allégement des charges pour les salariés dont le salaire est inférieur à 1,8 fois le SMIC, un coût de 85 milliards de francs ayant été avancé ;

- la création du fonds pour le financement de la CMU, qui a été annoncée mais ne paraît toujours pas créé, et le niveau et la nature des recettes destinées à financer la CMU ;

- l'évolution récente des dépenses de RMI, le décret d'avance ayant prévu un crédit de 3,5 milliards de francs.

Mme Martine Aubry a indiqué que cette dernière prestation ne relevait pas de la loi de financement de la sécurité sociale et qu'elle était naturellement à la disposition de la commission pour présenter le budget de son ministère.

M. Didier Migaud, Rapporteur général, a, tout d'abord, souhaité connaître l'état des réflexions du Gouvernement sur les possibilités de dispenser certaines catégories sociales du paiement de la CSG, notamment celles qui y ont été assujetties sans bénéficier en contrepartie de la réduction des cotisations d'assurance maladie. Il a ensuite posé des questions sur :

- l'état des négociations avec les partenaires sociaux sur l'abondement du Fonds de réserve pour les retraites ;

- l'avancement du contentieux relatif à certains refus de validation en vue du calcul de la retraite complémentaire opposés à certains salariés en préretraite ;

- la renégociation du mécanisme de l'allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE).

Rappelant qu'en sa qualité de rapporteur de la commission sur le projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale il avait, avec ses collègues de l'actuelle opposition, engagé le processus d'individualisation du financement de chaque branche, et qu'il avait toujours voulu différencier loi de finances et loi de financement de la sécurité sociale, M. Jean-Pierre Delalande a souligné que la matière devenait de plus en plus compliquée et de moins en moins lisible, notamment s'agissant de la répartition des compétences entre ces textes. L'ACOSS reconnaît elle-même qu'elle ne peut, compte tenu du caractère de plus en plus complexe des feuilles de paye, fournir des chiffres bien arrêtés et qu'en conséquence, les erreurs ont tendance à se multiplier et la discussion ne peut avoir lieu que sur la base de chiffres approximatifs. Cette situation pourrait perdurer jusqu'en 2003. Il est donc nécessaire d'engager une action tendant à une véritable simplification des feuilles de paye. Le second problème touchant l'ACOSS concerne les conditions de financement de l'allocation de rentrée scolaire, qui est aujourd'hui avancé par cet organisme au prix d'un découvert auprès de la Caisse des dépôts et consignations qui s'est, ces dernières années, accru de 11 milliards à 29 milliards de francs ; il faut que cette situation, qui n'est pas neutre en termes de trésorerie, soit clarifiée.

Une deuxième série de problèmes concerne l'articulation entre le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. D'une part, alors que le Conseil d'État a récemment affirmé que le rapport annexé à la loi de financement n'a pas valeur législative, il faudrait donc que l'on s'oriente vers des appréciations fondées, non sur les objectifs contenus dans l'annexe, mais sur les dépenses constatées. Ces chiffres seront-ils intégrés dans les annexes ? La discussion sur des chiffres non arrêtés et susceptibles d'importantes modifications dans le courant de l'année devient virtuelle. D'autre part, il faut regretter que l'ensemble du mécanisme de financement de la réduction du temps de travail ne soit pas clairement expliqué, dès lors qu'il est réparti entre de multiples sources : le budget de l'État, la loi de financement de la sécurité sociale à hauteur de 1,5 milliard de francs - alors même que les conseils d'administration des cinq branches s'y sont opposés - et, potentiellement, les fonds de l'UNEDIC. Ce manque de lisibilité semble témoigner d'un certain essoufflement de la logique de la réduction du temps de travail, qui ne paraît pas avoir les effets escomptés, bien que son coût pour l'Etat, la sécurité sociale et l'économie s'avère colossal.

Enfin, il est annoncé que 15 milliards de francs viendront alimenter le Fonds de réserve pour les retraites, alors même que les 2 premiers milliards de francs prévus n'y sont pas encore, dans les faits, affectés. De fait, les décisions sont donc repoussées, alors que contrairement aux affirmations du Premier ministre, le problème est immédiat, compte tenu de l'inertie à long terme qui s'attache au financement des retraites.

Il faut saluer les efforts qui sont faits pour organiser les relations entre les hôpitaux et les services sociaux. Mais comment améliorer la prise en charge des personnes âgées hospitalisées à la sortie de leur séjour en établissement de soin ? En effet, un grand nombre d'entre elles retournent chez elles aujourd'hui sans conditions d'accueil satisfaisantes.

Mme Nicole Bricq, soulignant également les difficultés d'articulation entre les deux textes, a voulu attirer l'attention sur les problèmes de fonctionnement des caisses d'allocations familiales (CAF), se traduisant par des listes d'attente très importantes, qui ne seront résorbées qu'à la fin de l'année. Si les difficultés peuvent être imputées à la mise en place d'un nouveau système informatique, il existe également un véritable problème structurel, lié au fait que les CAF sont devenues des acteurs de référence dans le domaine de la précarité et qu'elles ont du mal à s'adapter. Le fait d'ouvrir les négociations sur les 35 heures dans les organismes qui gèrent des fonds très importants ne permettrait-il pas de trouver les adaptations nécessaires au fonctionnement d'un service qui est devenu plus complexe, dans des régions où la mobilité est particulièrement importante, comme en Île-de-France ?

M. Pierre Méhaignerie s'est rallié à l'expression du malaise lié à l'opacité des liens entre financement de la sécurité sociale et budget de l'État. Si le parti est pris d'examiner l'évolution du budget à structure constante, il faut constater que les recettes augmentent de 4 %, soit une progression plus rapide que la richesse nationale, tandis que les dépenses progressent de 75 milliards de francs et non de 15 milliards de francs, comme il a été annoncé. Le Gouvernement a reporté certaines dépenses d'un budget à l'autre, pour afficher un accroissement des dépenses budgétaires de 0,9 % qui ne correspond donc pas à la réalité.

Dans l'application obligatoire de la réduction du temps de travail, alors que des mécanismes optionnels auraient été préférables dans les régions où le taux de chômage s'établit à 5-6 %, si aucune mesure de mutualisation à 130 heures par mois n'intervient, seront créés de véritables goulots d'étranglement et les entreprises auront de grandes difficultés à trouver la main-d'_uvre nécessaire. Enfin, ne peut-on pas envisager, qu'après deux refus de prendre un travail, le bénéficiaire de prestations sociales perde le bénéfice de ces prestations ?

M. Gilles Carrez a souhaité soulever de nouveau les principes d'articulation entre le budget de l'État et le financement de la sécurité sociale. L'essentiel du financement de la réduction du temps de travail à 35 heures est traité par des prélèvements sur recettes, ce qui permet optiquement au Gouvernement de présenter une dépense maîtrisée à moins de 1 % et de faire croire que les prélèvements obligatoires sont stabilisés, alors qu'ils ne le sont pas, dès lors qu'on prend en compte un certain nombre de taxes affectées au financement de la sécurité sociale, telles que la TGAP ou bien la contribution sociale sur les bénéfices des entreprises. C'est pourquoi, il serait utile que le Rapporteur général fasse, dans son rapport écrit, un tableau de correspondance qui mette en évidence les dépenses et les recettes du budget de l'État qui vont être affectées aux financement de la sécurité sociale, afin de mieux mettre en lumière l'impasse du financement des 35 heures et de l'allégement du coût du travail. En effet, le solde, évalué entre 13 et 14 milliards francs attendus de l'UNEDIC, est loin d'être acquis. Il faudrait donc que soient opérées une remise en cohérence globale et une présentation consolidée des comptes.

Se réjouissant de l'hommage rendu par la ministre aux hôpitaux publics, notamment sur la rigueur de leur gestion, M. Yves Tavernier a souligné que, si le taux de croissance globale de 2,4 % des dépenses hospitalières pour 2000 était satisfaisant, il convenait de s'assurer que la péréquation régionale d'une part, et la péréquation à l'intérieur même d'une région d'autre part, ne se fassent pas au détriment de certains établissements, à l'exemple des hôpitaux de la « Grande Couronne » qui ont subi l'an passé une ponction de 1,5 million de francs, entraînant un développement du secteur privé, qui tend à avoir un monopole de fait dans les domaines jugés rentables, tels que la cardiologie. De la même manière, il convient d'être attentif à l'attribution de moyens financiers suffisants pour la mise en _uvre des SROS de deuxième génération.

S'agissant de la TGAP, l'objectif de cette taxe est dissuasif et à terme, si ses dispositions ont un effet, la taxe doit disparaître. En conséquence, elle ne peut devenir la variable d'équilibre de la sécurité sociale. Dès lors que la taxation sur les nitrates est renvoyée à la future loi sur l'eau, comment parviendra-t-on à obtenir un montant prévu de recettes en 2000 de 3,2 milliards de francs ?

M. Louis Mexandeau s'est inquiété de certains dysfonctionnements constatés dans les caisses d'assurance maladie, se traduisant notamment par l'arrêt injustifié de prestations et l'impossibilité de trouver un interlocuteur, même et surtout au téléphone. Si la responsabilité de ces problèmes est difficiles à déterminer, ils n'en sont pas moins intolérables.

M. Gérard Bapt a demandé où en était l'élaboration de la réforme du décret de 1956 liant l'effectif des personnels soignants non plus au nombre de malades, mais au nombre de lits.

Le Président Augustin Bonrepaux a interrogé la Ministre sur ses intentions concernant le plafond d'avances de trésorerie dont peut bénéficier la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL) : la reconduction de ce plafond à 2,5 milliards de francs lui semble paradoxale, compte tenu de la situation démographique et des perspectives de ce régime.

Il a ensuite souligné les problèmes d'interprétation posés par la notion d'absence d'abus dans la prise en charge des cures thermales. Tout en se félicitant du maintien du principe du remboursement, on peut s'interroger sur les conséquences de la procédure d'entente préalable. Les caisses primaires ne risquent-elles pas de donner une définition restrictive, alors que le Gouvernement n'a pas arrêté sa position sur la suppression définitive de la demande d'entente préalable ?

Enfin, complétant la question posée par le Rapporteur général, il a suggéré la mise en place d'un abattement à la base de la CSG pour les catégories les moins favorisées.

En réponse, Mme Martine Aubry a apporté les précisions suivantes :

- la réforme des cotisations patronales est délicate, même si le point central en est clairement déterminé et concerne l'assiette, essentiellement salariale, de ces cotisations. Les reproches de M. Philippe Auberger relatifs à l'utilisation, estimée excessive, des chiffres prévisionnels sont parfaitement immérités, tant il est vrai que les prévisions sont toujours incertaines mais que, dans la mesure où on ne peut s'en passer, il faut en accepter les éventuelles erreurs, sans qu'il soit possible pour autant de parler d'incapacité ou d'opacité de la part du Gouvernement.

- la baisse des charges doit comprendre la compensation d'une partie du coût de la réduction du temps de travail et traduira une volonté de réforme plus profonde. Il faut donc rechercher des modes de financement permettant une diminution des charges sur les bas salaires et la réduction de la part financée sur les salaires, la CSG ayant réalisé un premier pas dans cette direction. Dans cette perspective, le Gouvernement a décidé que le financement reposerait sur deux nouvelles impositions portant, l'une sur les entreprises polluantes, l'autre sur celles réalisant de gros profits.

- à l'issue du processus de réduction du temps de travail, la baisse des charges devrait coûter environ 105 milliards de francs : 40 milliards de francs proviennent déjà de la ristourne dégressive, 40 milliards auront pour origine le « recyclage » des fonds perçus en plus, ou dépensés en moins, par les divers organismes sociaux du fait de la reprise de la croissance, les 25 milliards restant seront couverts par les prélèvements sur les entreprises, notamment les nouvelles taxes sur les activités polluantes et sur les profits, taxes qui ne constituent nullement un prélèvement complémentaire touchant l'ensemble des entreprises mais qui vont au contraire permettre une redistribution entre les entreprises. Il n'y a donc pas globalement de prélèvement complémentaire ;

- pour 2000, le coût de la réduction des charges est évalué à 65 milliards de francs, 40 milliards étant d'ores et déjà couverts par la ristourne dégressive. Le financement de 25 milliards complémentaires sera assuré à hauteur de 7,5 milliards de francs environ par le produit des nouvelles impositions dont la montée en puissance devrait se réaliser par tiers, et pour 17,5 milliards de francs par le « recyclage » d'autres recettes : 4,3 milliards de francs proviendront des rentrées fiscales supplémentaires par rapport aux prévisions, 5,6 milliards de francs seront financés grâce aux recettes supérieures enregistrées par la sécurité sociale, et figurent donc en loi de financement de la sécurité sociale ; quant aux 5 à 6 milliards de francs restants, ils devraient être versés par l'UNEDIC. La négociation est actuellement en cours sur ce dernier point. C'est parce que l'accord n'a pas encore été trouvé que le détail de ce financement ne figure pas dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais une solution sera trouvée d'ici l'examen du projet en première lecture devant l'Assemblée nationale ;

- la création d'un établissement public administratif destiné à percevoir les nouvelles recettes fiscales ne répond qu'au souci de respecter les règles des finances publiques ;

- le coût de la réduction du temps de travail est inscrit dans le budget du ministère de l'Emploi, à hauteur de 7 milliards de francs, conformément à des prévisions confirmées par les faits en 1999. Fin 2000, 4 millions de personnes devraient bénéficier de la réduction du temps de travail, alors qu'elles ne seront que 700.000 à la fin de 1999 ;

- l'affectation au financement de la sécurité sociale des droits prélevés sur le tabac n'est pas une nouveauté, mais elle était auparavant limitée à 9 % environ de leur produit. Si l'affectation de la quasi totalité de ces droits ne répond à aucune logique stricte, on peut en dire autant de leur affectation au budget général. Ce dispositif répond à une volonté de clarification ;

- le financement de la CMU ne pose aucune difficulté puisqu'il est assuré par un fonds créé par la loi, alimenté en partie par le budget de l'État, à hauteur de 7 milliards de francs figurant dans le budget du ministère de l'Emploi et de la Solidarité, et en partie par une taxation portant sur les organismes complémentaires ;

- l'idée de la mise en place d'un abattement à la base sur la CSG n'est pas exclue : elle fait partie des possibilités offertes au Gouvernement par l'apparition de nouvelles marges de man_uvre budgétaires. Une baisse des prélèvements directs peut être envisagée, et pourrait concerner la CSG. Cette dernière présente néanmoins l'avantage de l'universalité, qu'il convient de ne pas écorner en multipliant les exceptions. De plus, rien ne saurait être entrepris dans cette matière sans des travaux techniques préalables, l'application d'un tel abattement étant délicate lorsque le ménage assujetti possède plusieurs sources de revenus ;

- le Fonds de réserve pour les retraites créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 bénéficiera du versement de 2 milliards de francs, dès la parution du décret fixant les modalités de placement des sommes mises à sa disposition, et devrait, au 1er janvier 2001, disposer de 15 milliards de francs ;

- les conseils d'administration de l'ARRCO et de l'AGIRC se sont opposés à la signature de l'accord récemment négocié afin de fixer la participation de l'État au financement de la part des retraites correspondant aux périodes de pré-retraite ou de chômage en régime de solidarité. Ces régimes ont en effet présenté une demande complémentaire qui devrait faire l'objet d'une décision rapide ;

- la présentation des comptes de la sécurité sociale qui, au demeurant, a toujours établi des soldes par branche, doit être améliorée dans le sens d'une simplification, d'une meilleure consolidation entre les branches et d'une accélération de la production des comptes de l'ACOSS ;

- l'allocation de rentrée scolaire a été réformée avec l'accord des associations familiales et selon une décision arrêtée en conférence de la famille. Son financement sera progressivement transféré vers la branche famille. Une ligne de partage claire sera cependant maintenue entre le budget de la sécurité sociale et celui de l'État, ce dernier prenant à sa charge certaines dépenses comme le Fonds d'aide sociale aux travailleurs immigrés et à leurs familles (FASTIF), dont on voit mal pourquoi il était supporté par la branche famille ;

- les difficultés actuellement rencontrées par les caisses d'allocations familiales et les caisses primaires d'assurance maladie sont liées à l'implantation des nouveaux systèmes informatiques et à la complexité des prestations familiales. Les perturbations induites dans la gestion des dossiers devraient être résolues dans un délai d'un mois ;

- les chiffres présentés par M. Pierre Méhaignerie ne sont sans doute pas, en eux-mêmes, inexacts mais aboutissent à une présentation erronée, dans la mesure où ils comptabilisent les exonérations de charges sociales dans les dépenses. Contrairement à une idée répandue, la mise en place des 35 heures n'entraîne pas de grandes difficultés pour les petites entreprises qui ont compris que le gain de la réforme sera supérieur à son coût. Prenant l'exemple de l'accord récemment signé avec l'Union professionnelle artisanale, la Ministre a estimé que le passage aux 35 heures constitue une opportunité de renforcer l'attractivité de certaines entreprises grâce à une modification de leurs conditions de travail. Les horaires actuellement pratiqués par certaines professions se révèlent en effet particulièrement dissuasifs notamment pour les jeunes. A l'exception, d'une partie du secteur du bâtiment, les autres branches accueillent bien ces perspectives ;

- à structure constante, c'est-à-dire y compris la ristourne dégressive, le budget du ministère passera de 162 milliards de francs en 1999 à 161,5 milliards de francs en 2000. En revanche, hors ristourne dégressive, il augmente de 2,3 % passant de 119,3 à 122,4 milliards de francs, les priorités du Gouvernement en matière d'emploi étant financées par redéploiements ;

- s'agissant des inégalités hospitalières entre régions, les critères ont été modifiés en 1999 et un nouvel indicateur de mortalité a été institué afin de rétablir une meilleure répartition sur l'ensemble du territoire. En outre, un effort est prévu pour réduire les inégalités constatées au sein d'une même région, voire d'un même département, notamment en Île-de-France.

- la réforme de la TGAP pose des problèmes de fiscalité qui sont de la compétence du secrétaire d'État au Budget et non de la compétence du ministère de l'Emploi et de la Solidarité.

Monsieur Philippe Auberger s'est alors étonné de la différence faite entre la TGAP et les droits sur les tabacs au regard des principes d'affectation.

La Ministre a poursuivi ses réponses :

- le déficit de la CNRACL devrait passer de 1,6 milliard de francs en 1999 à 3,7 milliards de francs en 2000. Le rétablissement de ses comptes s'effectuera sous la responsabilité du ministre de l'Intérieur, par réduction de la surcompensation ;

- l'excédent des administrations de sécurité sociale devrait atteindre, en 1999, 1 milliard de francs. Pour sa part, bien qu'elle présente des comptes déficitaires, l'UNEDIC dispose de réserves et de provisions très importantes ;

- s'agissant du thermalisme, la suspension de la procédure d'entente préalable sera prolongée d'un an afin d'attendre les conclusions de l'étude demandée sur les effets de cette mesure. Si des effets pervers étaient constatés, le Gouvernement envisagerait naturellement les adaptations nécessaires.

Mme Dominique Gillot, secrétaire d'État à la Santé et à l'Action sociale, a ensuite précisé que la réforme du décret de 1956 est suspendue à l'aboutissement des négociations en cours. Par ailleurs, le Gouvernement souhaite améliorer les conditions de vie des personnes âgées, non seulement pour faciliter la phase suivant la sortie des hôpitaux mais aussi pour éviter les hospitalisations pour raisons sociales. Cet effort doit être généralisé à toutes les formes de dépendance, et notamment aux personnes handicapées.

B.- EXAMEN DES ARTICLES

Au cours de sa séance du 18 octobre 1999, la commission des Finances, de l'Économie générale et du Plan a examiné le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (n° 1835).

Elle a procédé à l'examen des articles du projet de loi.

Articles additionnels avant l'article 2 

La Commission a d'abord examiné un amendement du Rapporteur tendant à abroger la loi du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne retraite, dite loi « Thomas ».

Rappelant qu'une des dispositions de cette loi fragilisait l'assiette des cotisations sociales, M. Jérôme Cahuzac a souhaité que l'engagement pris l'année précédente puisse être transcrit dans les faits.

Observant que depuis juin 1997, la « loi Thomas » n'avait pas encore été abrogée, M. Jean-Jacques Jegou a estimé que ce texte, faute de décrets d'application, ne pouvait présenter aucun risque pour les régimes de sécurité sociale et qu'il n'était donc pas nécessaire qu'un amendement parlementaire en demandât l'abrogation.

Soulignant que le Gouvernement ne publierait pas les décrets d'application, le Rapporteur a estimé qu'un souci de clarification imposait donc d'adopter cet amendement plutôt que de laisser la loi inappliquée.

La Commission a adopté cet amendement, puis elle a examiné deux amendements présentés par le Président Augustin Bonrepaux, tendant, pour le premier, à instaurer un montant minimum pour la réduction de 5 % opérée, au titre des frais professionnels, sur l'assiette de la CSG et, pour le second, à porter de 160 à 400 francs le seuil de mise en recouvrement de la CSG, de la CRDS et du prélèvement social de 2 % sur les revenus du patrimoine.

Remarquant que le produit de la CSG était désormais supérieur à celui de l'impôt sur le revenu, le Rapporteur a jugé qu'il convenait donc d'introduire des éléments de progressivité pour cette contribution, tout en alignant son seuil de recouvrement sur celui de l'impôt sur le revenu. Répondant à M. Pierre Hériaud qui l'interrogeait sur l'impact financier de ces amendements, il a indiqué que le coût de ces mesures était évalué à moins d'un milliard de francs.

La Commission a adopté ces deux amendements.

Article 2 : Fonds de financement de la réforme des cotisations sociales patronales

La Commission a examiné un amendement de suppression de cet article présenté par M. Pierre Méhaignerie.

Considérant qu'il fallait assurer une cohérence avec le projet de loi de finances, M. Jean-Jacques Jegou a insisté sur le fait que, conformément au principe énoncé en 1994, il ne revenait pas aux organismes sociaux de prendre en charge les exonérations de cotisations.

Observant que la lisibilité devait présider au financement de l'allégement de charges, dont la nécessité est d'ailleurs admise par tous, M. Jérôme Cahuzac a précisé que les pertes de recettes subies par les organismes sociaux seront compensées par le fonctionnement même du fonds de financement.

La Commission a rejeté cet amendement, puis a examiné un amendement du Rapporteur prévoyant que les dépenses et les recettes du fonds devront être équilibrées dans des conditions prévues par les lois de financement de la sécurité sociale.

Craignant que certaines des recettes du fonds ne soient soumises à des aléas conjoncturels, le Rapporteur a souhaité que sa stabilité soit garantie, dans l'intérêt même du succès de cet allégement de charges.

M. Jean-Jacques Jegou a estimé que cet amendement démontrait l'incertitude des recettes du fonds et constituait ainsi un aveu de l'incohérence du dispositif proposé par le Gouvernement. L'exposé des motifs de l'amendement, qui vise la diminution du rendement de la TGAP, en témoigne.

Concédant qu'il pouvait paraître surprenant d'asseoir le financement du fonds sur une recette, qui serait, par principe, plutôt appelée à disparaître, Mme Nicole Bricq a cependant rappelé que la TGAP serait renforcée au cours des exercices suivants.

Jugeant que ce raisonnement n'aurait été probant que si le montant de la TGAP était resté stable, M. Jean-Jacques Jegou s'est élevé contre l'abandon, à terme, de la finalité environnementale de cette taxe et son extension à toutes les entreprises, indépendamment des nuisances qu'elles causent à l'environnement. En effet, comme il faudra, au moyen de cette taxe, au besoin rebaptisée « éco-taxe », obtenir par tous les moyens un produit donné, elle risque de se transformer en un alourdissement des charges pesant sur l'emploi.

M. Gérard Bapt s'est félicité d'un amendement qui permet d'envisager une plus grande stabilité du prélèvement social sur les entreprises, favorable à l'emploi.

Constatant que cette observation révélait l'intention réelle du dispositif consistant à faire supporter les charges sociales par les entreprises, M. Jean-Jacques Jegou a mis en garde contre le passage du principe « pollueur-payeur » à celui du « double dividende », à la seule fin d'obtenir un produit fixé par avance.

Le Président Augustin Bonrepaux a souligné que la réforme proposée n'alourdirait pas la charge globale des entreprises et qu'elle n'entraînerait que des transferts de charges du fait de l'allégement des cotisations sociales.

Regrettant le « cynisme » qui conduit à prétendre lutter contre le chômage en traitant les entreprises comme des « vaches à lait », M. Jean-Jacques Jegou a affirmé que ce débat montrait que les entreprises seraient amenées à assurer le financement du fonds sous le couvert de la fiscalité de l'environnement, alors même que la réduction du temps de travail a illustré les difficultés que rencontrent de nombreuses entreprises pour faire face aux exigences fixées par cette réforme.

Contestant ce raisonnement, M. Gérard Fuchs a précisé que les cotisations salariales avaient été partiellement transférées sur les revenus financiers, de même que les cotisations patronales l'ont été sur la pollution et les profits. De ce fait, les prélèvements pèsent moins sur l'emploi.

La Commission a adopté cet amendement, puis a examiné un amendement du Rapporteur instaurant un mécanisme de sauvegarde des ressources apportées au fonds par la contribution sociale sur les bénéfices (CSB), ainsi qu'un sous-amendement présenté par le Président Augustin Bonrepaux et tendant à préciser que les éventuelles mesures complémentaires de financement du fonds s'effectueraient notamment par le relèvement de la CSB.

M. Jean-Jacques Jegou ayant fait valoir que ces amendements venaient aggraver un dispositif freinant la création d'entreprises, le Président Augustin Bonrepaux a répondu que ces dispositions n'opéraient qu'un transfert de charges parmi les entreprises.

Déplorant que les entreprises soient à nouveau mises à contribution, M. Jean-Jacques Jegou a craint que ces mesures entraînent un développement de l'évasion fiscale.

Le Rapporteur a noté que le dispositif prévoyait déjà un abattement à la base de 5 millions de francs, que le nombre d'entreprises concernées ne se montait qu'à 4.000, que moins de trois cents d'entre elles payeraient près des deux tiers du produit de cette contribution et que la surtaxe instituée en 1995 avait touché toutes les entreprises, quel que soit leur chiffre d'affaires.

Passant en revue les agrégats comptables constitutifs du PIB, M. Pierre Hériaud a souligné la nécessité de prendre une base de comparaison la plus pertinente possible.

La Commission a adopté le sous-amendement, l'amendement ainsi modifié, puis a émis un avis favorable à l'adoption de l'article, ainsi modifié.

Article 3 : Contribution sociale sur les bénéfices

La Commission a examiné un amendement de suppression de cet article présenté par M. Pierre Méhaignerie.

M. Pierre Hériaud a expliqué que cet article créait une nouvelle taxe alourdissant de manière excessive la fiscalité sur les entreprises.

Après que le Rapporteur eut émis un avis défavorable, la Commission a rejeté cet amendement.

Puis la Commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article.

Article 4 : Extension du champ d'application de la TGAP et relèvement des tarifs applicables à la pollution atmosphérique et aux huiles usagées

La Commission a examiné un amendement de suppression présenté par M. Jean-Jacques Jegou.

M. Jean-Jacques Jegou a regretté que la TGAP serve désormais à financer la réduction du temps de travail et non plus la protection de l'environnement.

Après que le Rapporteur eut émis un avis défavorable, la Commission a rejeté cet amendement.

La Commission a ensuite examiné trois amendements déposés par M. Jean-Jacques Jegou et visant à abaisser le taux de la taxe sur les préparations de lessives dont la teneur en phosphates est inférieure à 5 % du poids.

M. Jean-Jacques Jegou a déploré le caractère peu incitatif du dispositif actuel de la TGAP, en proposant de moduler la taxe en fonction des efforts fournis par les industriels.

Le Rapporteur a expliqué que l'adoption de ces amendements entraînerait une incertitude trop grande sur le niveau des recettes.

Mme Nicole Bricq a proposé qu'un amendement visant à augmenter la progressivité du barème soit examiné par la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales.

Approuvant cette orientation, M. Jean-Jacques Jegou a néanmoins constaté que le débat s'était déplacé de la lutte pour l'environnement à de simples préoccupations de rendement d'une taxe.

La Commission a alors rejeté ces trois amendements.

La Commission a examiné un amendement présenté par le Rapporteur et visant, à rendement constant, à renforcer la progressivité du barème de la TGAP sur les pesticides.

Après que le Rapporteur eut précisé qu'il s'agissait de favoriser une diminution de l'utilisation des produits les plus nocifs, la Commission a adopté cet amendement.

Mme Nicole Bricq a présenté un amendement prévoyant un report de six mois pour l'application du dispositif, afin de permettre aux industriels de disposer de ce délai pour négocier les répercussions de la taxation sur les prix à la consommation, notamment ceux des lessives.

M. Jean-Jacques Jegou a présenté un amendement de M.Pierre Méhaignerie, identique, en faisant également part des craintes des associations de consommateurs relatives à l'augmentation du prix des lessives.

Le Rapporteur a fait observer que le report de l'application du dispositif envisagé par le projet de loi de financement conduisait en vérité à diminuer son rendement de moitié. Il a suggéré, par conséquent, aux auteurs des amendements de proposer plutôt de nouveaux barèmes afin de préserver le produit de la taxe. Les industriels ayant déjà prévu de relever le prix des lessives, l'établissement d'un barème leur permettrait de moduler les augmentations.

Après le retrait de l'amendement de Mme Nicole Bricq, la Commission a rejeté l'amendement de M. Pierre Méhaignerie.

Puis la Commission a émis un avis favorable à l'adoption de cet article ainsi modifié.

Articles additionnels après l'article 4

Le Rapporteur a présenté un amendement tendant à relever les taux de réduction des cotisations des jeunes agriculteurs à 65 % la première année, 55 % la deuxième et 35 % la troisième, pour un coût d'environ 70 millions de francs. Par ailleurs, l'amendement reporte de 35 à 40 ans l'âge limite pour bénéficier de cette exonération, conformément à la nouvelle réglementation communautaire.

Le Président Augustin Bonrepaux s'est interrogé sur les conséquences et le coût de cet amendement.

Le Rapporteur a indiqué que ces mesures auraient un coût final estimé entre 20 et 30 millions de francs.

Mme Nicole Bricq s'est interrogée sur la portée exacte de cet amendement.

Mme Béatrice Marre a craint que le report de l'âge limite n'ait des conséquences sur l'ensemble des mesures fiscales destinées aux jeunes agriculteurs. En l'absence d'analyses sur leur impact et sur leur cohérence avec les dispositifs existants, elle s'est déclarée réservée sur l'amendement.

Le Rapporteur a souligné qu'il était nécessaire de tirer les conséquences de la réglementation communautaire.

M. Gérard Saumade a craint que cet amendement, inspiré par des préoccupations communautaires, ne perturbe la cohérence du dispositif.

M. Alain Barrau, soutenu par le Rapporteur, a en revanche estimé qu'il s'agissait de mesures d'élargissement de l'aide à l'installation des jeunes agriculteurs et qu'il ne pouvait être que favorable à des mesures prises dans le cadre des négociations sur « l'agenda 2000 ».

La Commission a alors adopté cet amendement.

Le Rapporteur a ensuite présenté deux amendements, l'un relatif à la contribution due par l'industrie pharmaceutique en cas de dépassement de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, et l'autre instituant une contribution sur le chiffre d'affaires pour 1999 de l'industrie pharmaceutique, reprenant respectivement les dispositions des articles 21 et 22 du projet qui ont mieux leur place parmi les dispositions relatives aux ressources.

La Commission a adopté ces deux amendements.

Article additionnel après l'article 5

M. Pierre Hériaud a présenté un amendement de M. Charles de Courson abrogeant les VI et VII de l'article 1003-7-1 du code rural et supprimant notamment les cotisations de solidarité à la charge des petits exploitants agricoles, estimant que ceux-ci vont devoir payer 17 % de cotisation de solidarité et 10 % au titre de la CSG, de la CRDS et des prélèvements sociaux, soit 27 % alors qu'ils ne payaient que 19 % au titre de 1998 et, qu'à revenu égal, le prélèvement va augmenter en un an de 42 %.

Le Rapporteur a fait observer que le premier paragraphe visé était, en particulier, relatif à la pluriactivité mais que le second tendait à limiter les effets de l'évasion d'assiette dans le cadre de sociétés agricoles.

M. Pierre Hériaud a insisté sur le problème qui se posera nécessairement à brève échéance pour les agriculteurs âgés exploitant de petites surfaces et a vivement souhaité qu'une réflexion soit engagée sur cette question.

La Commission a rejeté l'amendement.

Article additionnel après l'article 10

Le Rapporteur a présenté un amendement affectant intégralement et systématiquement les soldes de la contribution sociale de solidarité des sociétés et de la première section du fonds de solidarité vieillesse au fonds de réserve des retraites.

La Commission a adopté cet amendement.

Article 17 : Régulation des soins de ville

La Commission a examiné un amendement du Rapporteur prévoyant la transmission aux présidents des commissions des Affaires sociales et des Finances des deux Assemblées des rapports d'équilibre établis par la Caisse nationale d'assurance maladie, l'un dans les cinquante jours suivant la publication de la loi de financement, les autres, au plus tard les 15 juillet et 15 novembre.

Le Rapporteur ayant indiqué que le dispositif répondait à un objectif de contrôle du Parlement sur l'exécutif, la Commission a adopté cet amendement et émis un avis favorable à l'adoption de l'article ainsi modifié.

Article 21 : Modification du seuil de déclenchement de la contribution de sauvegarde des laboratoires pharmaceutiques

La Commission a adopté un amendement de suppression du Rapporteur, compte tenu de l'amendement symétrique visant à placer cette disposition, relative aux recettes, dans le titre II du projet de loi, intitulé « Dispositions relatives aux ressources ». En conséquence, elle a supprimé cet article.

Article 22 : Contribution exceptionnelle à la charge des laboratoires pharmaceutiques

La Commission a adopté un amendement de suppression du Rapporteur, compte tenu de l'amendement symétrique visant à placer cette disposition relative aux recettes dans le titre II du projet de loi, intitulé « Dispositions relatives aux ressources ». En conséquence, elle a supprimé cet article.

Article additionnel après l'article 22 :

Le Rapporteur a présenté un amendement visant à permettre explicitement la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché (AMM), pour les futurs médicaments génériques, avant que le brevet ne soit tombé, afin que leur commercialisation puisse débuter dès l'instant de l'expiration de ce brevet ; il a en effet expliqué que la pratique actuelle, consistant à ne délivrer d'AMM qu'après expiration des brevets, faisait souvent perdre près d'un an entre cette expiration et la commercialisation des génériques.

La Commission a adopté cet amendement.

Article additionnel après l'article 29 :

Le Rapporteur a présenté un amendement tendant à poser un principe général de neutralité en trésorerie des flux financiers entre l'État, les organismes de financement de la sécurité sociale et ses divers régimes ; cette neutralité serait le but de conventions.

M. Jean-Jacques Jegou, après avoir rappelé qu'il était membre de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, a approuvé l'objectif de cet amendement, tout en s'interrogeant sur son efficacité. Soulignant l'ampleur des frais financiers qui résulte pour le régime général des retards de paiement dus à l'État, il a indiqué que la Caisse des dépôts pouvait fournir des éléments détaillés à ce propos.

La Commission a adopté cet amendement.

Article 30 : Approbation du relèvement du plafond des avances de trésorerie au régime général

La Commission a adopté un amendement du Rapporteur spécifiant, conformément au texte de la loi organique du 22 juillet 1996, que le décret de relèvement du plafond de trésorerie du régime général est « ratifié » par le Parlement et non « approuvé ».

Puis la Commission a émis un avis favorable à l'adoption de l'article ainsi modifié.

La commission des Finances a enfin émis un avis favorable à l'adoption de l'ensemble du projet de loi, ainsi modifié.

*

* *

AMENDEMENTS ADOPTÉS PAR LA COMMISSION

Articles additionnels avant l'article 2 :

Amendement n° 1 présenté par M. Cahuzac,
rapporteur pour avis

Avant l'article 2, insérer l'article suivant :

La loi n° 97-277 du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne retraite est abrogée.

Amendement n° 2 présenté par M. Cahuzac,
rapporteur pour avis, et MM. Bonrepaux, Migaud et Idiart

Avant l'article 2, insérer l'article suivant :

I.- Le deuxième alinéa de l'article L. 136-2 du code de la sécurité sociale est complété par la phrase suivante :

« Le montant de cette réduction ne peut être inférieure à 500 francs par mois pour les personnes travaillant à temps complet. Cette somme est ajustée au prorata de la durée du travail pour les personnes ne travaillant pas à temps complet auprès d'un seul employeur. »

II.- La perte de recettes est compensée, à due concurrence, pour les organismes de sécurité sociale concernés par la création d'une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

Amendement n° 3 présenté par M. Cahuzac,
rapporteur pour avis, et MM. Bonrepaux, Migaud et Idiart

Avant l'article 2, insérer l'article suivant :

I.- Dans le troisième alinéa du III de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale, la somme de « 160 F » est remplacée par la somme de « 400 F ».

II.- La perte de recettes est compensée, à due concurrence, pour les organismes de sécurité sociale concernés par la création d'une taxe additionnelle aux droits mentionnés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

*

* *

Article 2

Amendement n° 4 présenté par M. Cahuzac,
rapporteur pour avis

(Article L. 131-8-2 du code de la sécurité sociale)

Compléter cet article par l'alinéa suivant :

« Les recettes et les dépenses du fonds doivent être équilibrées, dans des conditions prévues par les lois de financement de la sécurité sociale. »

Amendement n° 5 présenté par M. Cahuzac,
rapporteur pour avis

(Article L. 131-8-2 du code de la sécurité sociale)

Compléter cet article par l'alinéa suivant :

« La Commission des comptes de la sécurité sociale compare au moins une fois par an l'assiette de la contribution mentionnée au 2° au produit intérieur brut de la Nation. Cette comparaison porte sur le dernier exercice clos, sur l'exercice en cours, au regard de la révision des prévisions de recettes de l'État annexée au projet de loi de finances pour l'exercice suivant, et sur les prévisions de ce projet pour l'exercice suivant. S'il apparaît que ladite assiette est inférieure à 1,42 % du produit intérieur brut pour l'un ou l'autre des exercices considérés, le Gouvernement propose les mesures complémentaires destinées à assurer le financement du fonds, notamment par le relèvement de la contribution mentionnée au 2°. »

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Article 4

Amendement n° 6 présenté par M. Cahuzac,
rapporteur pour avis

(Article 226 nonies du code des douanes)

Rédiger ainsi les 7 lignes de la rubrique « Substances classées dangereuses qui entrent dans la composition des produits antiparasitaires à usage agricole et des produits assimilés » du tableau du 1° du D du I de cet article :

« Catégorie 1 Tonne 0
Catégorie 2 Tonne 1.000
Catégorie 3 Tonne 2.000
Catégorie 4 Tonne 4.000
Catégorie 5 Tonne 8.000
Catégorie 6 Tonne 15.000
Catégorie 7 Tonne 22.000 ».

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Articles additionnels après l'article 4

Amendement n° 7 présenté par M. Cahuzac,
rapporteur pour avis

Après l'article 4, insérer l'article suivant :

I.- Les jeunes agriculteurs bénéficient d'une exonération partielle des cotisations techniques et complémentaires d'assurance maladie, invalidité et maternité, de prestations familiales et d'assurance vieillesse agricole dont ils sont redevables pour eux-mêmes et au titre de leur exploitation. Cette exonération est applicable pendant les trois années civiles qui suivent celle au cours de laquelle ils bénéficient des prestations d'assurance maladie du régime des personnes non salariées agricoles et remplissent, en qualité de chef d'exploitation, des conditions, définies par décret, relatives à la taille économique maximale de leur exploitation. Pour bénéficier de l'exonération, ils doivent être âgés de dix-huit ans au moins et de quarante ans au plus à la date de leur affiliation au régime de protection sociale des personnes non salariées agricoles ; un décret détermine les dérogations qui peuvent être apportées à ces limites d'âge.

Les cotisations visées à l'alinéa précédent sont réduites de 65 % au titre de la première année civile au cours de laquelle est accordée l'exonération, de 55 % au titre de la seconde et de 35 % au titre de la troisième. Le plafond de ces exonérations et le montant minimal de cotisations dont les jeunes agriculteurs sont redevables sont déterminés par décret.

II.- Le taux visé à l'article 1609 unvicies du code général des impôts est majoré à due concurrence de la perte de recettes résultant du I.

Amendement n° 8 présenté par M. Cahuzac,
rapporteur pour avis

Après l'article 4, insérer l'article suivant :

Pour la contribution due au titre de l'année 2000, est substitué le taux de 2 % au taux K mentionné dans le tableau figurant au troisième alinéa de l'article L. 138-10 du code de la sécurité sociale.

Amendement n° 9 présenté par M. Cahuzac,
rapporteur pour avis

Après l'article 4, insérer l'article suivant :

I.- Les entreprises assurant l'exploitation d'une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques au sens de l'article L. 596 du code de la santé publique sont redevables d'une contribution exceptionnelle au profit de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés.

Ne sont pas redevables les entreprises dont le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France du 1er janvier au 31 décembre 1999 au titre des spécialités inscrites sur les listes mentionnées aux articles L. 162-17 du code de la sécurité sociale et L. 618 du code de la santé publique est inférieur à 100 millions de francs, sauf lorsqu'elles sont filiales à 50 % au moins d'une entreprise ou d'un groupe dont le chiffre d'affaires consolidé réalisé en France au titre des mêmes spécialités dépasse cette limite.

II.- La contribution est assise sur le chiffre d'affaires hors taxes réalisé en France du 1er janvier au 31 décembre 1999 au titre des spécialités inscrites sur les listes mentionnées aux articles L. 162-17 du code de la sécurité sociale et L. 618 du code de la santé publique.

III.- Le taux de la contribution est fixé par décret à un niveau compris entre 1,2 % et 1,3 %.

IV.- Les entreprises mentionnées au I sont tenues de déclarer à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale les éléments nécessaires au calcul de la contribution avant le 15 mai 2000.

La contribution est versée au plus tard le 1er septembre 2000.

V.- La contribution est recouvrée et contrôlée par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale sous les garanties et sanctions applicables pour le recouvrement de la contribution prévue à l'article L. 245-1 du code de la sécurité sociale.

*

* *

Article additionnel après l'article 10

Amendement n° 10 présenté par M. Cahuzac,
rapporteur pour avis

Après l'article 10, insérer l'article suivant :

I.- L'avant-dernier alinéa (4°) de l'article L. 135-3 du code de la sécurité sociale est abrogé.

II.- Les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 135-6 du code de la sécurité sociale sont ainsi rédigés :

« 1° Le solde du produit de la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés visé au deuxième alinéa de l'article L. 651-2-1 ;

2° Le résultat excédentaire de la première section du fonds ; »

III.- Dans le premier alinéa de l'article L.651-1 et dans le deuxième alinéa de l'article L. 651-2-1 du code de la sécurité sociale, les mots « Fonds de solidarité vieillesse mentionné à l'article L. 135-1 » sont remplacés par les mots « Fonds de réserve visé à l'article L. 135-6 ».

IV.- Les pertes de recettes éventuelles pour la première section du fonds de solidarité vieillesse sont compensées par la création à due concurrence d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 575 A du code général des impôts.

*

* *

Article 17

Amendement n° 11 présenté par M. Cahuzac,
rapporteur pour avis

Au XII, après le II de l'article L. 162-15-3 du code de la sécurité sociale, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Les rapports visés au I et au II sont transmis aux présidents des commissions des affaires sociales et des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat.

*

* *

Article 21

Amendement n° 12 présenté par M. Cahuzac,
rapporteur pour avis

Supprimer cet article.

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* *

Article 22

Amendement n° 13 présenté par M. Cahuzac,
rapporteur pour avis

Supprimer cet article.

*

* *

Article additionnel après l'article 22

Amendement n° 14 présenté par M. Cahuzac,
rapporteur pour avis

Après l'article 22, insérer l'article suivant :

Compléter l'article L. 601 du code de la santé publique par l'alinéa suivant :

« Pour une spécialité générique visée au premier alinéa de l'article L. 601-6, l'autorisation de mise sur le marché peut être délivrée avant l'expiration des droits de propriété intellectuelle qui s'attachent à la spécialité de référence concernée. Toutefois, la commercialisation de cette spécialité générique ne peut intervenir qu'après l'expiration de ces droits. »

*

* *

Article additionnel après l'article 29

Amendement n° 15 présenté par M. Cahuzac,
rapporteur pour avis

Après l'article 29, insérer l'article suivant :

Il est inséré, au titre III du livre Ier du code de la sécurité sociale, un chapitre IX bis ainsi rédigé :

« Chapitre IX bis. Neutralisation des effets de trésorerie des relations financières entre l'État, les organismes concourant au financement des régimes de protection sociale et ces régimes

Art. L. 139-2.- Les relations financières entre l'État et les organismes concourant au financement des régimes de protection sociale, d'une part, l'État et ces régimes, d'autre part, les organismes concourant à leur financement et les régimes de protection sociale, enfin, sont régies par des conventions qui garantissent en particulier la neutralité des flux financiers pour la trésorerie des régimes de protection sociale. »

*

* *

Article 30

Amendement n° 16 présenté par M. Cahuzac,
rapporteur pour avis

Rédiger ainsi cet article :

Est ratifié le décret n° 99-860 du 7 octobre 1999 portant relèvement du plafond des avances de trésorerie au régime général de sécurité sociale.

ANNEXE

_________

Sigles utilisés pour la taxation des produits phytosanitaires

(Ministère de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement)

Pour l'écotoxicité :

R50 : très toxique pour les organismes aquatiques

R51 : toxique pour les organismes aquatiques

R52 : nocif pour les organismes aquatiques

R53 : peut entraîner des effets néfastes à long terme pour l'environnement aquatique

R54 : toxique pour la flore

R55 : toxique pour la faune

R56 : toxique pour les organismes du sol

R57 : toxique pour les abeilles

R58 : peut entraîner des effets néfastes à long terme pour l'environnement

R59 : dangereux pour la couche d'ozone

Actuellement, il n'existe pas encore de critères pour l'attribution des phrases en italique (R54à R58) : un groupe de travail européen s'y attache actuellement ; ces phrases ne pourront donc pas être utilisées dans un premier temps.

Pour la toxicité :

Symboles de danger :

T+ : très toxique

T : toxique

Xn : nocif

Xi : irritant

C : corrosif

Phrases de risque à long terme :

R33 : danger d'effet cumulatif

R39 : danger d'effets irréversibles très graves

R40 : possibilité d'effets irréversibles

R45 : peut causer le cancer

R46 : peut causer des altérations génétiques héréditaires

R48 : risques d'effets graves pour la santé en cas d'exposition prolongée

R60 : peut altérer la fertilité

R61 : risque pendant la grossesse d'effets néfastes pour l'enfant

R62 : risque possible d'altération de la fertilité

R63 : risque possible pendant la grossesse d'effets néfastes pour l'enfant

R64 : risque possible pour les bébés nourris au lait maternel

N°1873. - AVIS de M. Jérôme CAHUZAC(au nom de la commission des finances) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000

() M. Bouvier, M.-C. Esclassan et J.-P. Lassale, Finances publiques, LGDJ, p. 200.

() Effets sur la santé des principaux types d'exposition à l'amiante, Inserm, 1997.


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