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le 1er février 2000

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N° 2111

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 26 janvier 2000

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de la convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs,

PAR M. GEORGES SARRE,

Député

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 135, 170 et T.A. 86 (1998-1999)

Assemblée nationale : 1432

Traités et conventions

La Commission des Affaires étrangères est composée de : M. Jack Lang, président ; MM. Georges Hage, Jean-Bernard Raimond, Roger-Gérard Schwartzenberg, vice-présidents ; M. Roland Blum, Mme Monique Collange, François Loncle, secrétaires ; Mmes Michèle Alliot-Marie, Nicole Ameline, M. René André, Mmes Marie-Hélène Aubert, Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Raymond Barre, Dominique Baudis, Henri Bertholet, Jean-Louis Bianco, André Billardon, André Borel, Bernard Bosson, Pierre Brana, Jean-Christophe Cambadélis, Hervé de Charette, Yves Dauge, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Xavier Deniau, Paul Dhaille, Mme Laurence Dumont, MM. Jean-Paul Dupré, Charles Ehrmann, Laurent Fabius, Jean-Michel Ferrand, Georges Frêche, Jean-Yves Gateaud, Jean Gaubert, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Godfrain, Pierre Goldberg, François Guillaume, Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, MM. Didier Julia, Alain Juppé, André Labarrère, Gilbert Le Bris, Jean-Claude Lefort, Guy Lengagne, François Léotard, Pierre Lequiller, Bernard Madrelle, René Mangin, Jean-Paul Mariot, Gilbert Maurer, Charles Millon, Mme Louise Moreau, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, MM. Etienne Pinte, Marc Reymann, Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, MM. René Rouquet, Georges Sarre, Henri Sicre, Mme Christiane Taubira-Delannon, M. Michel Terrot, Mme Odette Trupin, MM. Joseph Tyrode, Michel Vauzelle, Philippe de Villiers

SOMMAIRE

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INTRODUCTION 5

I- POURQUOI UNE NOUVELLE CONVENTION ? 7

A- LA GESTION DU COMBUSTIBLE USÉ ET DES DÉCHETS NUCLÉAIRES GÉNÉRÉS ACTUELLEMENT RESTE UN SUJET TRÈS SENSIBLE PUISQU'IL INTÉRESSE LA SÛRETÉ DE TOUS 7

B- IL EXISTAIT JUSQU'À PRÉSENT DES NORMES TECHNIQUES MAIS PAS DE PRINCIPES JURIDIQUES 8

C- LE RÔLE PRIMORDIAL TENU PAR L'AGENCE INTERNATIONALE DE
L'ÉNERGIE ATOMIQUE (AIEA) DANS LA SÛRETÉ DES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES
9

II- UNE CONVENTION DONT LES INNOVATIONS PORTENT SUR TROIS POINTS SENSIBLES 11

A- LES MATIÈRES CONCERNÉES PAR LA PRÉSENTE CONVENTION :
DÉCHETS RADIOACTIFS ET COMBUSTIBLE USÉ
11

B- LES DÉCHETS RADIOACTIFS ET LE COMBUSTIBLE USÉ FAISANT PARTIE,
OU PROVENANT, DE PROGRAMMES MILITAIRES OU DE DÉFENSE
12

C- LES MOUVEMENTS TRANSFRONTIÈRES DE COMBUSTIBLE USÉ ET
DE DÉCHETS RADIOACTIFS
13

III- UNE CONVENTION INCITATIVE 15

A- UN LONG PRÉAMBULE RÉAFFIRME CERTAINS PRINCIPES 15

B- UNE CONVENTION PUREMENT INCITATIVE QUI RÉAFFIRME LE PRINCIPE
DE LA RESPONSABILITÉ EXCLUSIVE DES ETATS EN MATIÈRE DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE
15

1) Les moyens incombent en dernier ressort à l'Etat 16

2) Le cadre législatif et réglementaire en matière de sûreté de la gestion
du combustible usé et des déchets radioactifs mis en _uvre par la France 16

C- DES MÉCANISMES DE CONTRÔLE DE LA MISE EN _UVRE PAR LES ÉTATS DES MESURES SPÉCIFIÉES PAR LA CONVENTION EXISTENT CEPENDANT 19

CONCLUSION 22

EXAMEN EN COMMISSION 24

ANNEXE I 26

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi dont nous sommes saisis autorise l'approbation de la Convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs, adoptée à Vienne le 5 septembre 1997.

Il s'agit d'une Convention qui vient compléter celle de 1994 sur la sûreté nucléaire, dont le champ d'application était limité à la sûreté des centrales nucléaires, ainsi que les Conventions de 1986 sur les accidents nucléaires. L'achèvement de ce processus instaure ainsi des principes juridiques en la matière qui justifient pleinement l'élaboration d'une nouvelle Convention.

Celle-ci présente d'ailleurs des innovations sur trois points sensibles. C'est une Convention commune, c'est-à-dire qu'elle traite à la fois des déchets radioactifs et du combustible usé. Son champ d'application ne couvre pas les déchets radioactifs et le combustible usé faisant partie, ou provenant, de programmes militaires ou de défense. Elle réglemente les mouvements transfrontières de combustible usé et de déchets radioactifs.

Enfin, la présente Convention commune est essentiellement incitative dans le sens où elle est un instrument visant à promouvoir une véritable culture de sûreté nucléaire et à développer des pratiques sures pour la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs générés par l'exploitation civile de l'énergie nucléaire.

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I- POURQUOI UNE NOUVELLE CONVENTION ?

A- La gestion du combustible usé et des déchets nucléaires générés actuellement reste un sujet très sensible puisqu'il intéresse la sûreté de tous

De la publication le 11 janvier 1999 du quatrième rapport de la Commission européenne sur « la situation actuelle et les perspectives de la gestion des déchets radioactifs dans l'Union européenne » il ressort que :

- pour les déchets dits faiblement et moyennement radioactifs (DFA et DMA), résultant de l'utilisation du rayonnement et de matières radioactives en médecine, en agriculture, en industrie et dans la recherche, ou du traitement de matériaux contenant des radionucléides naturels, les techniques ont atteint « un stade de développement qui permet de les appliquer à l'échelle industrielle » ;

- pour les déchets de haute activité thermogène (DHA), c'est-à-dire les plus dangereux puisqu'ils resteront fortement radioactifs durant plusieurs milliers d'années, « comprenant les résidus vitrifiés provenant du retraitement et le combustible irradié » leur « évacuation reste à concrétiser ». Les déchets provenant directement des centrales nucléaires, qu'ils aient ou non été retraités (et donc réutilisés comme combustible) nécessitent un stockage spécifique.

A l'heure actuelle, les quinze Etats membres de l'Union européenne produisent un peu moins de 50 000 m3 de déchets radioactifs par an, qui proviennent à 90 % en volume de l'énergie électronucléaire, mais également du fonctionnement des réacteurs de recherche et de l'utilisation de matières radioactives en médecine, dans l'agriculture et l'industrie. Chaque année, les 140 réacteurs nucléaires en activité en Europe déchargent 2 200 tonnes de combustibles irradiés.

Au total, à la fin 1994, l'Europe avait éliminé 1 640 000 m3 de déchets radioactifs, notamment dans des dépôts installés en surface ou à proximité de la surface, ou encore par enfouissement dans des formations géologiques profondes. Depuis 1982, l'immersion en mer n'existe plus puisqu'un moratoire de vingt-cinq ans a été décrété. Plusieurs Etats achèvent ou ont mis en service des centres de stockage des déchets vitrifiés : à Dessel en Belgique, à La Hague et à Marcoule en France, à Borssele aux Pays-Bas, à Sellafield au Royaume-Uni, etc.

En amont de ce stockage, le retraitement du combustible irradié des réacteurs, suivi d'une vitrification des produits de fission, ne s'effectue à l'échelle commerciale que dans deux pays, en France et au Royaume-Uni, où sont notamment traités les déchets allemands. La Finlande, la Suède et l'Espagne conditionnent leur propre combustible irradié pour une évacuation directe. Le retraitement permet de récupérer ce qui est valorisable (96 % d'uranium faiblement enrichi et 1 % de plutonium, un des éléments les plus toxiques du combustible irradié) et de conditionner par vitrification les 3 % de résidus ultimes (produits de fission et actinides mineurs) pour un stockage de longue durée permettant d'isoler les substances radioactives de la biosphère aussi longtemps qu'elles présentent un danger potentiel. La plupart des pays européens recourent à ce retraitement, au moins pour une partie de leur combustible. La COGEMA (Compagnie générale des matières nucléaires) en France dispose à La Hague d'une capacité de retraitement de 1 600 tonnes par an, et BNFL (British Nuclear Fuels Limited) au Royaume-Uni d'une capacité annuelle de 800 tonnes.

B- Il existait jusqu'à présent des normes techniques mais pas de principes juridiques

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, différentes tentatives se sont succédé au niveau international pour surveiller le développement de l'énergie atomique mais il s'agissait essentiellement d'instaurer des normes techniques de sûreté nucléaire.

Au début des années quatre-vingts, l'élaboration des Conventions sur la notification rapide d'un accident nucléaire et sur l'assistance en cas d'accident nucléaire ou de situation d'urgence radiologique, adoptées à Vienne le 26 septembre 1986, permet d'associer des principes de nature juridique à ces normes techniques dont la faiblesse intrinsèque a véritablement été révélée par l'accident de Tchnernobyl en 1986.

Plus tard, une nouvelle étape importante est franchie avec la Convention sur la sûreté nucléaire, signée à Vienne le 20 septembre 1994, dont l'objectif est d'atteindre et de maintenir un haut niveau de sûreté des centrales nucléaires en exploitation.

Aujourd'hui, la Convention commune sur la sûreté de la gestion du combustible usé et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs, dont nous sommes saisis, vient compléter ce processus.

En effet, le Préambule de la Convention de 1994 sur la sûreté nucléaire mentionnait la nécessité d'entreprendre l'élaboration d'une convention internationale sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs dès l'adoption, réalisée en mars 1995, du document technique de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) intitulé « Fondements de la sûreté de la gestion des déchets ». Ce document constitue d'ailleurs l'une des références citées dans le Préambule (points xiii, xiv, xv et xvi) de la présente Convention commune.

C- Le rôle primordial tenu par l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) dans la sûreté des installations nucléaires

La présente Convention a été adoptée à Vienne le 5 septembre 1997 par les représentants de 84 Etats au cours d'une conférence diplomatique organisée sous l'égide de l'AIEA.

Créée à Vienne en Autriche le 29 juillet 1957, l'AIEA est une autorité internationale chargée de surveiller et de développer l'utilisation de l'énergie atomique. C'est une organisation intergouvernementale qui, bien qu'autonome, fait partie du système des Nations Unies.

L'AIEA favorise et encourage, oriente et conseille l'utilisation à des fins pacifiques de l'énergie atomique dans le monde entier. Elle organise des réunions, publie des ouvrages, établit des normes de sûreté pour toutes les activités nucléaires, prépare des études de faisabilité et de marché, dirige des laboratoires et applique des garanties aux matériaux nucléaires dans plus de soixante pays afin de s'assurer qu'ils ne sont utilisés qu'à des fins pacifiques auxquelles ils ont été destinés.

L'Agence conseille également les gouvernements pour l'exécution des programmes d'énergie atomique, accorde des bourses dans le cadre des études supérieures, organise le prêt de matériel, finance des travaux de recherche et agit en qualité d'intermédiaire pour la fourniture de matières nucléaires. Elle collabore étroitement avec d'autres organisations nationales et internationales.

L'Agence dispose de trois organes principaux :

- La Conférence générale : les 127 Etats membres de l'AIEA se réunissent une fois par an pour examiner les travaux de l'Agence, orienter les futurs programmes, approuver les demandes d'adhésion et les rapports soumis aux organes des Nations Unies ainsi que le budget de l'Agence et élire les membres du Conseil des gouverneurs.

- Le Conseil des gouverneurs : c'est l'organe exécutif de l'Agence et il est constitué par les représentants de 35 Etats membres. Il considère toutes les demandes d'adhésion et le programme de travail de l'Agence. Comme la Conférence générale, il approuve le budget et le rapport annuel. Il approuve également de sa propre autorité tous les accords de garantie, les projets importants et les normes de sûreté.

- Le Secrétariat : il est dirigé par le Directeur général qui est responsable de l'administration et de l'exécution du programme de l'Agence. Celui-ci est assisté de six directeurs généraux adjoints qui dirigent chacun un département de l'Agence (Administration, Recherche et Isotopes, Coopération technique, Garanties, Energie nucléaire, Sécurité nucléaire). Le Directeur général est conseillé par différents comités consultatifs scientifiques. Chaque année se réunissent environ quinze conférences, symposiums et séminaires, 170 groupes consultatifs, comités techniques et réunions de spécialistes et 100 réunions pour la coordination de la recherche sur des problèmes particuliers.

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II- UNE CONVENTION DONT LES INNOVATIONS
PORTENT SUR TROIS POINTS SENSIBLES

A- Les matières concernées par la présente Convention : déchets radioactifs et combustible usé

La présente Convention devait-elle et pouvait-elle inclure ou exclure les problèmes de sûreté liés à cette autre matière radioactive que constitue le combustible usé ?

Plusieurs pays parmi lesquels ceux qui pratiquent l'option retraitement ont été opposés à l'inclusion du combustible usé dans une convention portant sur les déchets radioactifs. Le principal argument est que le combustible usé est une matière susceptible d'être retraitée et est donc considéré comme une ressource dans le cycle de production de l'énergie nucléaire et ne peut entrer dans aucune définition de « déchets radioactifs » ni se voir appliquer l'expression générale « pour le(s)quel(s) aucune utilisation ultérieure n'est prévue ».

Une initiative française a permis de trouver une solution équilibrée : la présente Convention est une « Convention commune » qui contient deux séries parallèles de prescriptions, l'une sur la sûreté de la gestion du combustible usé (Chapitre 2 : Sûreté de la gestion du combustible usé) et l'autre sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs (Chapitre 3 : Sûreté de la gestion des déchets radioactifs), dans l'ordre correspondant à la succession logique des étapes du cycle du combustible nucléaire. En outre, le Préambule (point vii) reconnaît que « c'est à l'Etat qu'il incombe de définir une politique en matière de cycle du combustible, certains Etats considérant que le combustible usé est une ressource de valeur, qui peut être retraité, d'autres choisissant de le stocker définitivement ». La France a, pour sa part, déclaré que, sur une base volontaire, elle ferait rapport sur le retraitement en tant qu'activité de gestion du combustible usé au sens de la présente Convention.

L'article 2 (Définitions) du Chapitre Ier (Objectifs, définitions et champ d'application) propose donc deux définitions :

- La gestion des déchets radioactifs : ce sont toutes les activités, y compris les activités de déclassement (toutes les étapes qui conduisent à la levée du contrôle réglementaire sur une installation nucléaire autre qu'une installation de stockage définitif), qui ont trait à la manutention, au prétraitement, au traitement, au conditionnement, à l'entreposage ou au stockage définitif, à l'exclusion du transport à l'extérieur d'un site.

- La gestion du combustible usé : ce sont toutes les activités qui ont trait à la manutention ou à l'entreposage, à l'exclusion du transport à l'extérieur d'un site.

L'article 3 (Champ d'application) apporte des précisions :

- Seules les installations nucléaires civiles sont concernées.

- Le combustible usé détenu dans les installations de retraitement qui fait l'objet d'une activité de retraitement n'entre pas dans le champ d'application sauf déclaration contraire de la Partie contractante selon laquelle le retraitement fait partie de la gestion du combustible usé.

- Les déchets radioactifs ne contenant que des matières radioactives naturelles et ne provenant pas du cycle du combustible nucléaire n'entrent pas dans le champ d'application. Il s'agit des déchets miniers (mines d'uranium et mines d'or en particulier), des déchets liés à l'exploitation des terres rares (utilisées par l'industrie électronique notamment), des déchets radioactifs (phosphogypses) résultant de la fabrication d'engrais phosphorés.

- Les déchets radioactifs médicaux en revanche sont constitués de matières radioactives artificielles.

B- Les déchets radioactifs et le combustible usé faisant partie, ou provenant, de programmes militaires ou de défense

Le champ d'application de la présente Convention devait-il, et si oui de quelle manière, comprendre les déchets radioactifs et le combustible usé faisant partie, ou provenant, de programmes militaires ou de défense ?

La solution suivante fut retenue : les déchets radioactifs et le combustible usé faisant partie, ou provenant, de programmes militaires ou de défense ne sont pas visés par la présente convention, sauf déclaration contraire par la Partie contractante, mais devraient être gérés conformément aux objectifs énoncés par la Convention. Ils sont considérés en bloc et mentionnés à trois endroits différents dans la présente Convention :

- à l'article 3 (Champ d'application),

- au paragraphe viii du Préambule,

- à l'article 36 (Confidentialité) alinéa 3.

C- Les mouvements transfrontières de combustible usé et de déchets radioactifs

Fallait-il définir des normes internationales concernant les mouvements transfrontières de combustible usé et de déchets radioactifs ?

La présente Convention traite ce sujet à l'article 27 (Mouvements transfrontières) et aux paragraphes xi et xii du Préambule qui sont d'ailleurs largement basés sur le Code AIEA de bonne pratique sur le mouvement transfrontière international de déchets radioactifs, adopté par la Conférence générale de l'AIEA en 1990.

Les règles suivantes s'appliquent :

- Stockage du combustible usé et des déchets radioactifs dans l'Etat où ils ont été produits.

- Dans certaines circonstances, des accords entre Parties contractantes pourraient prévoir l'utilisation commune d'installations situées dans l'une d'entre elles au profit des autres Parties. Mais le paragraphe xi du Préambule stipule également que les "déchets radioactifs devraient être stockés définitivement dans l'Etat où ils ont été produits". En vertu de ce principe, si les transports de déchets radioactifs "Castor" (abréviation européenne de cask for storage and transport of radioactive material ou fûts de stockage et de transport de matériaux radioactifs) en provenance d'Allemagne vers le centre de retraitement de La Hague sont suspendus pour réexamen, du côté allemand, des normes techniquement applicables à ces transports, les opérations de retour doivent reprendre. Et La Hague, dont les déchets radioactifs allemands représentent près de 20 % de l'activité annuelle de retraitement, demande d'ailleurs leur rapatriement sur le sol allemand. L'Allemagne doit donc respecter les engagements qu'elle a pris en ratifiant la présente Convention.

- Le paragraphe xii du Préambule reconnaît le droit souverain de chaque Etat d'interdire l'importation de combustible usé et de déchets radioactifs d'origine étrangère sur son territoire.

En vertu de l'article 27, les mouvements transfrontières de déchets radioactifs s'effectuent conformément aux normes internationales de sûreté acceptées et aux lois et règlements nationaux.

Les Parties contractantes s'engagent à ne pas délivrer d'autorisation d'expédition de combustible usé ou de déchets radioactifs, en vue de leur entreposage ou de leur stockage définitif, vers une destination située au sud de 60 degrés de latitude sud.

Il a été décidé que la Convention commune ne pouvait pas créer un nouveau droit international dans le domaine du transit, mais devait faire référence au droit existant, y compris, entre autres, à l'ensemble de règles codifiées par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer. S'agissant des Etats non parties à ce corps de règles, toute référence spécifique à cette Convention est exclue.

Deux manières permettent de faire référence au droit international existant :

- L'article 27 (1) (ii) prévoit que « le mouvement tranfrontière à travers les Etats de transit est soumis aux obligations internationales pertinentes pour les modes particuliers de transport utilisés ».

- L'article 27 (3) (i) stipule : « Aucune disposition de la présente Convention ne porte préjudice ou atteinte à l'exercice par les navires et les aéronefs de tous les Etats, des droits et des libertés de navigation maritime, fluviale et aérienne, tels qu'ils sont prévus par le droit international ».

La présente Convention commune ne remet donc pas en cause le droit de passage inoffensif à travers les différentes zones maritimes, tel qu'établi par la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer.

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III- UNE CONVENTION INCITATIVE

A- Un long préambule réaffirme certains principes

Il s'agit :

- d'informer le public sur les questions se rapportant à la sûreté de la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs,

- de promouvoir une véritable culture de sûreté nucléaire dans le monde.

Pour ce faire, trois objectifs sont fixés à l'article 1er (Objectifs) :

- atteindre un haut niveau de sûreté dans le monde entier en matière de gestion du combustible usé et des déchets radioactifs et ce grâce au renforcement des mesures nationales et de la coopération internationale ;

- faire en sorte qu'il existe à tous les stades de la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs des défenses efficaces contre les risques potentiels afin de protéger aujourd'hui et à l'avenir les individus, la société et l'environnement ;

- prévenir les accidents ayant des conséquences radiologiques et les atténuer.

Cette Convention commune concerne également les pays en développement : il faut faciliter le fonctionnement des mécanismes existants afin de contribuer à l'exercice de leurs droits et au respect de leurs obligations. Il ne doit plus exister de pays "poubelles nucléaires" comme c'est actuellement le cas dans certains pays émergents du sud : à chaque pays ses déchets.

B- Une Convention purement incitative qui réaffirme le principe de la responsabilité exclusive des Etats en matière de sûreté nucléaire

- La communauté internationale doit faire en sorte que des pratiques rationnelles soient prévues et mises en _uvre aux fins de la sûreté de la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs.

- La coopération internationale dans le renforcement de la sûreté de la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs est importante et passe par des mécanismes bilatéraux et multilatéraux et par la présente Convention qui est incitative.

1) Les moyens incombent en dernier ressort à l'Etat

Il revient à chaque Etat Partie contractante :

- d'assurer la sûreté de la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs ;

- de définir une politique en matière de cycle du combustible (soit l'Etat le considère comme une ressource de valeur et il peut être retraité, soit l'Etat décide de le stocker définitivement).

Ainsi le Chapitre IV (Dispositions générales de sûreté) dispose à l'article 18 (Mesures d'application) que les obligations prévues par la Convention font l'objet de la part de chaque Partie contractante de mesures législatives, réglementaires et administratives prises en droit interne.

Un cadre législatif et réglementaire (article 19) (Prescriptions et règlements nationaux, délivrance d'autorisations pour les activités de gestion, contrôle institutionnel, inspection réglementaire, documentation, rapports, répartition claire des responsabilités des organismes concernés, etc.) doit être établi et maintenu en vigueur par chaque Partie afin de régir la sûreté de la gestion de ces deux matières.

La mise en _uvre du cadre législatif et réglementaire prévu à l'article 19 passe par la création ou la désignation par chaque Partie contractante d'un organisme de réglementation (article 20) doté des pouvoirs, de la compétence et des ressources financières et humaines adéquats.

2) Le cadre législatif et réglementaire en matière de sûreté de la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs mis en _uvre par la France

Tout d'abord, l'organisme chargé en France de mettre en _uvre le cadre législatif et réglementaire sur la sûreté de la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs imposé par la Convention existe déjà. Il s'agit de la Direction de la sûreté des installations nucléaires (DSIN). La DSIN fait partie de l'administration centrale du ministère chargé de l'industrie mais exerce sa mission sous l'autorité conjointe du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, et du ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement (décrets d'attributions des ministres en date du 11 juin 1997). Elle est donc bien un organisme de réglementation séparé de tout organisme chargé de la promotion ou de l'utilisation de l'énergie nucléaire et l'on ne peut que se féliciter de cette séparation. Plus précisément, à l'intérieur du ministère de l'industrie, elle est séparée de la Direction générale de l'énergie et des matières premières (DGEMP) qui exerce la tutelle des exploitants nucléaires que sont la COGEMA, l'ANDRA (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs), EDF et le CEA (Commissariat à l'énergie atomique).

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S'agissant du combustible usé, du fait de sa forte radioactivité, il se trouve dans des installations nucléaires régies par la réglementation spécifique aux installations nucléaires de base (INB). En l'absence de site d'entreposage particulier, le combustible usé est entreposé soit dans les centrales dépendant d'EDF, soit à l'usine de retraitement de la COGEMA, située à La Hague. La législation et la réglementation françaises interdisent l'exploitation d'une installation nucléaire sans autorisation. Dans ce cadre, les INB sont réglementées :

- par le décret n° 63-1228 du 11 décembre 1963 modifié, pris pour l'application de la loi n° 61-842 du 2 août 1961 modifiée relative à la lutte contre les pollutions atmosphériques et les odeurs. Ce décret prévoit notamment une procédure d'autorisation de création suivie d'une série d'autorisations délivrées lors des principales étapes marquant la vie de ces installations ;

- par le décret n° 95-540 du 4 mai 1995 pris pour l'application, d'une part de la loi du 2 août 1961 ci-dessus citée, d'autre part de la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 modifiée sur l'eau. Ce décret fixe le régime d'autorisation des rejets liquides et gazeux et des prélèvements d'eau de ces installations.

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La gestion des déchets radioactifs est également réglementée et s'exerce dans le cadre législatif et réglementaire général applicable aux déchets. Il s'agit de :

- la loi n° 75-633 du 15 juillet 1975 relative à l'élimination des déchets et à la récupération des matériaux, modifiée par la loi n° 92-646 du 13 juillet 1992 ;

- la loi n° 95-101 du 2 février 1995 relative au renforcement de la protection de l'environnement.

Cette gestion se fait en fonction de la radioactivité des déchets soit dans des installations figurant dans la catégorie administrative des installations classées pour l'environnement (ICPE), créées par la loi n° 76-663 du 19 juillet 1976, soit dans celle des INB.

Deux types de centres de stockage pour les déchets radioactifs existent dans les INB :

- pour les déchets à faible et moyenne activité et à vie courte, ce sont les centres de l'Aube et de la Manche gérés par l'ANDRA créée par la loi n° 91-1381 du 30 décembre 1991 ;

- pour les déchets à haute activité ce sont les deux sites nucléaires de la COGEMA à La Hague (Cotentin) et Marcoule (Gard).

Certains déchets de très faible activité ne provenant pas d'ICPE ou d'INB pourraient échapper à ce cadre réglementaire et seraient donc soumis à la réglementation générale des déchets telle que définie par les lois de 1975 et 1992 ci-dessus citées.

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S'agissant des mouvements transfrontières, la réglementation française résulte :

- du décret 94-853 du 22 septembre 1994 qui transpose la directive du Conseil européen du 3 décembre 1992 relative à la surveillance et au contrôle des transferts de déchets radioactifs entre Etats membres ainsi qu'à l'entrée et à la sortie de la communauté ;

- de la loi 91-1381 du 30 décembre 1991 qui réglemente la circulation du combustible usé en vue de son retraitement et qui contient des dispositions relatives au retour dans leur pays d'origine de déchets provenant de pays étrangers.

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Enfin dans un souci d'amélioration constante du cadre législatif et réglementaire en matière de sûreté de la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs, le gouvernement a demandé, le 9 décembre 1998, la préparation d'un projet de loi sur la transparence et le contrôle dans le domaine nucléaire prévoyant notamment la création d'une autorité administrative indépendante chargée du contrôle des installations nucléaires et dotée, à cet effet, d'une compétence réglementaire et d'un pouvoir de sanction administrative. L'organisation des pouvoirs publics doit être modifiée afin de séparer plus nettement l'exploitation des installations nucléaires, le contrôle des exploitants et l'expertise technique. A la suite de l'avis négatif émis par le Conseil d'Etat, un nouveau projet est en cours de préparation. Si la séparation entre la gestion des déchets et le contrôle de cette gestion est indispensable, la création d'une autorité administrative indépendante, qui n'est du reste pas demandée pas la présente Convention, est à écarter dans la mesure où elle est un moyen commode pour l'Etat de se décharger des responsabilités qui lui incombent.

On l'a vu, la France a joué un rôle considérable dans l'élaboration de la présente Convention et sa législation exemplaire est en quelque sorte reconnue au plan international par le biais de cette Convention.

C- Des mécanismes de contrôle de la mise en _uvre par les Etats des mesures spécifiées par la Convention existent cependant

Elles font l'objet du Chapitre 6 (Réunions des Parties contractantes).

Les Parties contractantes tiennent des réunions d'examen (article 30) pour examiner les rapports nationaux de chaque Partie (article 32).

Ces rapports portent sur :

- les mesures prises pour remplir les obligations de la Convention,

- la politique et les pratiques appliquées par chaque Partie en matière de gestion du combustible usé et des déchets radioactifs,

- les critères qu'elle applique pour définir et classer les déchets radioactifs.

Dans ces rapports figurent également :

- une liste des installations de gestion du combustible usé et de déchets radioactifs auxquelles s'applique la Convention,

- un inventaire du combustible usé et des déchets radioactifs auxquels s'applique la Convention et qui sont entreposés ou stockés définitivement,

- une liste des installations nucléaires en cours de déclassement.

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Un délégué de chaque Partie contractante participe aux réunions. Des suppléants, des experts et des conseillers peuvent également être délégués par chaque Partie contractante (article 33). Le délégué français sera désigné par le ministre des affaires étrangères. La présence de spécialistes français de la sûreté nucléaire et de la radioprotection est également envisagée pour traiter les questions techniques qui ne manqueront pas d'être abordées au cours des réunions des Parties contractantes. La délégation française comprendra alors des représentants à haut niveau des administrations chargées du contrôle des installations nucléaires, des organismes d'expertise technique et des exploitants des installations.

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Toute organisation intergouvernementale compétente dans les matières régies par la Convention peut être invitée, par consensus, par les Parties contractantes, à participer en tant qu'observateur à une réunion (article 33). A ce jour, la seule organisation intergouvernementale concernée est l'Agence de l'OCDE pour l'énergie nucléaire (AEN).

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Des rapports de synthèse sont adoptés par consensus à l'issue des réunions. Ils sont mis à la disposition du public (article 34).

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Les langues des réunions des Parties contractantes sont le français, l'anglais, l'arabe, le chinois, l'espagnol et le russe (article 35).

La confidentialité des informations est respectée (article 36).

Le secrétariat des réunions des Parties contractantes (article 37) est assuré par l'Agence internationale de l'énergie atomique : convocations aux réunions, transmission des informations. Les dépenses qui en découlent sont couvertes par l'Agence au titre de son budget ordinaire.

L'entrée en vigueur de la présente Convention est subordonnée à sa ratification par 25 Etats, dont 15 possédant chacun une centrale électronucléaire en service. L'annexe 1 présente l'état des signatures et des ratifications au 13 octobre 1999.

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CONCLUSION

Selon un sondage régulièrement réalisé à la demande d'EDF, les déchets nucléaires inquiètent beaucoup plus les Français que tous les autres risques environnementaux. Ils font peur sans que l'on connaisse véritablement les raisons exactes de cette peur. En effet, en France où 80 % de l'électricité est d'origine nucléaire, les installations nucléaires autres que celles traitant les déchets, en particulier les centrales, sont généralement bien tolérées par nos compatriotes. Par rapport aux autres énergies, le nucléaire a en particulier le mérite de ne pas aggraver l'effet de serre.

Tous les efforts en vue de réglementer la gestion des déchets sont donc les bienvenus et la ratification de la présente Convention prend alors tout son sens en sécurisant nos compatriotes d'autant qu'elle présente des avancées que nous avons exposées précédemment et qui n'entraînent pour la France aucune obligation nouvelle.

Au vu de ces observations, votre Rapporteur vous recommande l'adoption du présent projet de loi.

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EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 26 janvier 2000.

Après l'exposé du Rapporteur et suivant ses conclusions, la Commission a adopté le projet de loi (n° 1432).

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La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 1432).

ANNEXE I

Etat des signatures et des ratifications de la convention commune

sur la sûreté de la gestion du combustible usé

et sur la sûreté de la gestion des déchets radioactifs

Etat

Date de signature

Date de ratification

Allemagne *

1er octobre 1997

13 octobre 1998

Argentine *

19 décembre 1997

13 octobre 1998

Australie

13 novembre 1998

 

Autriche

17 septembre 1998

 

Biélorussie

13 octobre 1999

 

Belgique *

8 décembre 1997

 

Brésil *

31 octobre 1997

 

Bulgarie *

22 septembre 1998

 

Canada *

7 mai 1998

7 mai 1998

Croatie

9 avril 1998

10 mai 1999

Danemark

9 février 1998

3 septembre 1999

Espagne *

30 juin 1998

11 mai 1999

Etats-Unis d'Amérique *

29 septembre 1997

 

Finlande *

2 octobre 1997

 

France *

29 septembre 1997

 

Grèce

9 février 1998

 

Hongrie *

29 septembre 1997

2 juin 1998

Indonésie

6 octobre 1997

 

Irlande

1er octobre 1997

 

Italie

26 janvier 1998

 

Kazakhstan *

29 septembre 1997

 

Liban

30 septembre 1997

 

Lituanie

30 septembre 1997

 

Luxembourg

1er octobre 1997

 

Maroc

29 septembre 1997

23 juillet 1999

Norvège

29 septembre 1997

12 janvier 1998

Pays-Bas *

10 mars 1999

 

Pérou

4 juin 1998

 

Philippines

10 mars 1998

 

Pologne

3 octobre 1997

 

République de Corée *

29 septembre 1997

 

République Tchèque *

30 septembre 1997

25 mars 1999

Roumanie *

30 septembre 1997

6 septembre 1999

Royaume-Uni *

29 septembre 1997

 

Russie *

27 janvier 1999

 

Slovaquie *

30 septembre 1997

6 octobre 1998

Slovénie

29 septembre 1997

25 février 1999

Suède *

29 septembre 1997

29 juillet 1999

Suisse *

29 septembre 1997

 

Ukraine *

29 septembre 1997

 

* Etat possédant au moins une centrale électronucléaire en service


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