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le 28 février 2000

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N° 2187

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 23 février 2000.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LA PROPOSITION DE LOI (N° 2046) DE M. ANDRÉ GERIN, relative à la validation législative d'un examen professionnel d'accès au grade de premier surveillant des services extérieurs de l'administration pénitentiaire,

PAR M. ANDRÉ GERIN,

Député.

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Fonctionnaires et agents publics.

La commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : Mme Catherine Tasca, présidente ; MM. Pierre Albertini, Gérard Gouzes, Mme Christine Lazerges, vice-présidents ; MM. Richard Cazenave, André Gerin, Arnaud Montebourg, secrétaires ; MM. Léo Andy, Léon Bertrand, Emile Blessig, Jean-Louis Borloo, Patrick Braouezec, Mme Frédérique Bredin, MM. Jacques Brunhes, Michel Buillard, Dominique Bussereau, Christophe Caresche, Patrice Carvalho, Jean-Yves Caullet, Mme Nicole Catala, MM. Olivier de Chazeaux, Pascal Clément, Jean Codognès, François Colcombet, François Cuillandre, Henri Cuq, Jacky Darne, Camille Darsières, Jean-Claude Decagny, Bernard Derosier, Franck Dhersin, Marc Dolez, Renaud Donnedieu de Vabres, René Dosière, Renaud Dutreil, Jean Espilondo, Mme Nicole Feidt, MM. Jacques Floch, Raymond Forni, Roger Franzoni, Pierre Frogier, Claude Goasguen, Louis Guédon, Guy Hascoët, Philippe Houillon, Michel Hunault, Henry Jean-Baptiste, Jérôme Lambert, Mme Claudine Ledoux, MM. Jean-Antoine Léonetti, Bruno Le Roux, Mme Raymonde Le Texier, MM. Jacques Limouzy, Thierry Mariani, Louis Mermaz, Jean-Pierre Michel, Ernest Moutoussamy, Mme Véronique Neiertz, MM. Robert Pandraud, Christian Paul, Vincent Peillon, Dominique Perben, Henri Plagnol, Didier Quentin, Bernard Roman, Jean-Pierre Soisson, Frantz Taittinger, Jean Tiberi, Alain Tourret, André Vallini, Alain Vidalies, Jean-Luc Warsmann.

INTRODUCTION 5

1. Des irrégularités formelles qui conduisent à l'annulation d'un examen professionnel de l'administration pénitentiaire 5

2. Une validation motivée par un impératif d'intérêt général 6

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 10

TABLEAU COMPARATIF 11

MESDAMES, MESSIEURS,

Déposée par votre rapporteur le 22 décembre 1999, la présente proposition de loi tend à valider la promotion de 181 agents de l'administration pénitentiaire au grade de premier surveillant des services extérieurs, après l'annulation de leur nomination par le juge administratif.

Seul un impérieux motif d'intérêt général peut justifier que le législateur modifie de la sorte l'ordonnancement juridique de notre pays.

Tel est le cas en l'espèce : l'intervention du Parlement est requise pour garantir le bon fonctionnement d'un service public et éviter aux personnels concernés, ainsi qu'à leurs familles, de supporter personnellement les conséquences d'irrégularités formelles imputables à l'administration.

1. Des irrégularités formelles qui conduisent à l'annulation d'un examen professionnel de l'administration pénitentiaire

Le 10 avril 1992, le garde des sceaux, ministre de la Justice, délivrait, par arrêté, à 328 agents de l'administration pénitentiaire ayant passé avec succès les épreuves d'un examen professionnel organisé l'année précédente, le certificat d'aptitude aux fonctions de premier surveillant des services extérieurs (1). Par la suite, la promotion de ces agents était prononcée par plusieurs décisions successives, les deux premières, datées des 4 mai (promotion à compter du 1er juillet 1992) et 2 décembre 1992 (à compter du 1er mars 1993), concernant 181 d'entre eux.

Huit ans plus tard, il est demandé au législateur de confirmer la légalité des deux décisions de promotion précitées, qui ont été annulées par le tribunal administratif de Paris les 20 mai et 1er juillet 1997, puis par la cour administrative d'appel le 4 juin 1998.

Des irrégularités formelles sont à la base de ces décisions de justice. Le juge administratif a considéré, en effet, que le principe d'égalité entre les candidats n'avait pas été respecté, en se fondant sur les deux motifs présentés ci-après :

- les épreuves d'admissibilité et d'admission, qui ont été organisées dans plusieurs centres d'examen, ont été notées par des groupes d'examinateurs dont seul le président était un membre du jury national ;

- le procès verbal du jury national n'établit pas qu'il ait été procédé à une péréquation des notes attribuées par chaque groupe d'examinateurs, alors qu'il y avait lieu de le faire.

Ces faits contrevenaient aux termes du dernier alinéa de l'article 20 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, qui dispose que « Le jury peut, si nécessaire, et pour toute épreuve, se constituer en groupes d'examinateurs. Toutefois, afin d'assurer l'égalité de notation des candidats, le jury opère, s'il y a lieu, la péréquation des notes attribuées par chaque groupe d'examinateurs et procède à la délibération finale ».

2. Une validation motivée par un impératif d'intérêt
général

La présente proposition de loi tend à valider les promotions précitées, prononcées par le directeur de l'administration pénitentiaire en application de l'arrêté du garde des Sceaux du 10 avril 1992.

A défaut d'être exceptionnelles, les mesures de validation ne sont jamais anodines : elles modifient rétroactivement l'état du droit et, intrinsèquement, portent atteinte à la séparation des pouvoirs. De plus, le législateur a déjà été conduit, récemment, à valider les résultats de ce même examen professionnel de l'administration pénitentiaire organisé en 1997 : les décisions de nomination prises par le directeur de l'administration pénitentiaire en date des 23 janvier et 26 mai 1998 faisaient également l'objet de recours pour excès de pouvoir devant le tribunal administratif de Paris et, les mêmes causes produisant les mêmes effets, risquaient fort d'être annulées (2). C'est la raison pour laquelle l'administration pénitentiaire doit mettre en _uvre les réformes qui s'imposent pour éviter que les épreuves dont elle a la charge puissent encore être contestées par le juge en raison de carences et d'irrégularités formelles qu'il lui revient de prévenir. De fait, l'examen professionnel d'accès au grade de premier surveillant a été transformé en concours dès 1993 (décret n° 93-1113 du 21 septembre 1993 relatif au statut particulier du personnel de surveillance de l'administration pénitentiaire) et ses modalités d'organisation, en termes de composition des différents jurys et de péréquation des résultats, ont été réformées en 1997.

Reste la charge du passé. L'annulation effective des promotions prononcées en 1992 aurait des effets disproportionnés au regard du caractère matériel des erreurs dénoncées par le juge.

Sans doute, l'organisation d'un nouveau concours aurait pu être envisagée. Dans cette hypothèse, la théorie dite des « fonctionnaires de fait » aurait pu permettre de considérer comme valables les actes accomplis avant l'annulation de leur nomination par les agents concernés, bien qu'en droit strict, ils soient nuls et non avenus. Sur le même fondement, les traitements qui leur ont été versés pouvaient être considérés comme acquis (3).

Cela étant, cette solution serait particulièrement contraignante, et peu équitable dès lors qu'elle reviendrait à demander à des fonctionnaires de passer un nouveau concours en raison d'erreurs matérielles commises par l'administration il y a plusieurs années. De plus, elle ne résoudrait pas la situation des candidats qui avaient été reçus à l'examen irrégulier et qui ne seraient pas reçus au nouvel examen. Enfin, tous les agents concernés ne sont plus en activité.

Dans l'immédiat, l'annulation définitive des promotions prononcées en 1992 aurait bien pour effet de remettre en cause la carrière des 181 agents directement concernés. Ils perdraient le bénéfice de leur nomination au grade de premier surveillant, voire de surveillant chef pour ceux qui ont été promus entre-temps. Le montant des pensions versées aux agents ayant fait valoir leurs droits à la retraite et aux ayants cause des agents décédés pourrait être remis en cause pour l'avenir. La situation des agents qui ont remplacé les 181 premiers surveillants précités serait également compromise. Les décisions de mutation et d'avancement prises après avis des commissions administratives paritaires au sein desquelles ont siégé certains de ces agents pourraient être contestées en raison de l'irrégularité de leur composition (4).

De telles décisions seraient inadmissibles sur le plan des principes, et socialement inacceptables. Elles seraient également très inopportunes dans un contexte où tout le monde convient de la nécessité d'améliorer la condition des détenus dans les prisons françaises, ce qui suppose l'adhésion et la participation des agents de l'administration pénitentiaire.

C'est pourquoi il est proposé de valider la promotion de ces agents et, partant, de revenir sur les décisions de la juridiction administrative, qui, ayant donné lieu à la mise en _uvre de nombreuses procédures de tierce opposition, ne peuvent encore être considérées comme définitives (5). Le caractère rétroactif de cette mesure ne soulève pas de difficulté dès lors qu'elle n'intervient pas en matière pénale et qu'elle ne peut être assimilée à une sanction, l'acte validé n'est pas inconstitutionnel et le motif d'intérêt général est certain. On rappellera, à cet égard, qu'à l'occasion de l'examen de la loi n° 80-573 du 25 juillet 1980 portant validation d'actes administratifs, le Conseil constitutionnel a considéré qu'en cherchant à « préserver le fonctionnement continu du service public et le déroulement normal des carrières du personnel », le législateur était bien guidé par un motif d'intérêt général (décision n° 80-119 DC du 22 juillet 1980). Telle est également, dans le cas présent, la préoccupation de votre rapporteur.

*

* *

Plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.

Sans contester la réalité du motif d'intérêt général invoqué par le rapporteur, M. Robert Pandraud a indiqué qu'il ne pourrait voter en faveur de cette proposition de loi, dès lors qu'aucune sanction ne serait prononcée à l'encontre du directeur de l'administration pénitentiaire et des personnes en charge de l'organisation du concours annulé par le juge.

Mme Nicole Feidt a observé que le législateur était effectivement conduit de manière trop fréquente à valider les résultats de concours annulés en raison d'irrégularités matérielles. Elle a admis, néanmoins, que les conséquences de ces erreurs ne pouvaient être reportées sur les candidats reçus.

Mme Catherine Tasca, présidente, s'est également indigné du caractère répétitif de ces validations. Elle a souhaité que les remarques de la Commission soient portées à la connaissance du Gouvernement.

Le rapporteur a souligné que ces observations figureraient dans son rapport écrit et a indiqué qu'il engagerait, concomitamment, une démarche officielle auprès de la garde des sceaux, afin de l'informer des observations de la Commission.

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* *

La Commission a adopté la présente proposition de loi, qu'elle vous demande d'adopter dans le texte ci-après.

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

Proposition de loi relative à la validation législative
d'un examen professionnel d'accès au grade
de premier surveillant des services extérieurs
de l'administration pénitentiaire

Article unique

Sont validées rétroactivement les promotions au grade de premier surveillant des services extérieurs de l'administration pénitentiaire prononcées par le directeur de l'administration pénitentiaire en application de l'arrêté du garde des Sceaux, ministre de la Justice, du 10 avril 1992 portant liste d'aptitude aux fonctions de premier surveillant des services extérieurs de l'administration pénitentiaire, établie à l'issue de la session 1991-1992 de l'examen professionnel organisé conformément au décret n° 77-1540 du 31 décembre 1977 relatif au statut particulier du personnel de surveillance des services extérieurs de l'administration pénitentiaire et à l'arrêté ministériel du 20 janvier 1978.

TABLEAU COMPARATIF

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Texte de la proposition de loi

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Conclusions de la Commission

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Article unique

Sont validées rétroactivement les promotions au grade de premier surveillant des services extérieurs de l'administration pénitentiaire prononcées par le directeur de l'administration pénitentiaire en application de l'arrêté du garde des Sceaux, ministre de la Justice, du 10 avril 1992 portant liste d'aptitude aux fonctions de premier surveillant des services extérieurs de l'administration pénitentiaire, établie à l'issue de la session 1991-1992 de l'examen professionnel organisé conformément au décret n° 77-1540 du 31 décembre 1977 relatif au statut particulier du personnel de surveillance des services extérieurs de l'administration pénitentiaire et à l'arrêté ministériel du 20 janvier 1978.

Article unique

(Sans modification).

2187 - Rapport de M. André Gérin sur la proposition de loi relative à la validation législative d'un examen professionnel d'accès au grade de premier surveillant, dans l'administration pénitentiaire (lois)

() Cet examen professionnel est une voie de promotion de grade interne au sein du corps des surveillants de l'administration pénitentiaire. Au 1er janvier 2000, ce corps comptait 17 306 surveillants et 1 816 premiers surveillants.

() Article 5 de la loi n° 99-957 du 22 novembre 1999 portant sur diverses professions relevant du ministère de la justice, la procédure civile et le droit comptable.

() Sur le principe, voir : Conseil d'Etat, « Association des fonctionnaires de l'administration centrale des PTT », 2 novembre 1923 .

() Depuis le 20 mai 1997, 2 927 décisions de mutation et 306 décisions disciplinaires ont été prises après avis de la commission administrative paritaire du corps des gradés et surveillants irrégulièrement composée.

() Aux termes de l'article R 225 du code administratif, toute personne peut former tierce opposition à un jugement ou un arrêt qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision. A ce jour, 50 recours en tierce opposition (ou « requêtes distinctes en intervention volontaire », à titre accessoire, en application de l'article R 187 du même code) ont été exercés. Cependant, le délai contentieux n'ayant pas encore commencé à courir faute de notification officielle des arrêts aux intéressés, d'autres recours sont susceptibles d'être formés ultérieurement.


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