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le 9 mars 2000

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N° 2223

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 1er mars 2000.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR :

- LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (ensemble un protocole),

- LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation d'un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kazakhstan sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (ensemble un protocole),

PAR M. RENÉ ANDRÉ,

Député

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 481, 482 (1998-1999), 59, 13 et T.A. 31, 26 (1999-2000)

Assemblée nationale : 1926, 1930

Traités et conventions

La Commission des Affaires étrangères est composée de : M. Jack Lang, président ; MM. Georges Hage, Jean-Bernard Raimond, Roger-Gérard Schwartzenberg, vice-présidents ; M. Roland Blum, Mme Monique Collange, François Loncle, secrétaires ; Mmes Michèle Alliot-Marie, Nicole Ameline, M. René André, Mmes Marie-Hélène Aubert, Martine Aurillac, MM. Edouard Balladur, Raymond Barre, Dominique Baudis, Henri Bertholet, Jean-Louis Bianco, André Billardon, André Borel, Bernard Bosson, Pierre Brana, Jean-Christophe Cambadélis, Hervé de Charette, Patrick Delnatte, Jean-Marie Demange, Xavier Deniau, Paul Dhaille, Mme Laurence Dumont, MM. Jean-Paul Dupré, Charles Ehrmann, Laurent Fabius, Jean-Michel Ferrand, Georges Frêche, Jean-Yves Gateaud, Jean Gaubert, Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Godfrain, Pierre Goldberg, François Guillaume, Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, MM. Didier Julia, Alain Juppé, André Labarrère, Gilbert Le Bris, Jean-Claude Lefort, Guy Lengagne, François Léotard, Pierre Lequiller, Bernard Madrelle, René Mangin, Jean-Paul Mariot, Marius Masse, Gilbert Maurer, Charles Millon, Mme Louise Moreau, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, MM. Etienne Pinte, Marc Reymann, Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, MM. René Rouquet, Georges Sarre, Henri Sicre, Mme Christiane Taubira-Delannon, M. Michel Terrot, Mme Odette Trupin, MM. Joseph Tyrode, Michel Vauzelle, Philippe de Villiers

SOMMAIRE

___

INTRODUCTION 5

I - LA SITUATION POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE DU KAZAKHSTAN 7

A - LA STABILITÉ POLITIQUE DANS LE CADRE
D'UN RÉGIME PRÉSIDENTIEL PERSONNALISÉ
7

B - UN POTENTIEL ÉCONOMIQUE IMPORTANT QUI RESTE À EXPLOITER 8

1) Des difficultés économiques malgré
d'importants gisements de ressources naturelles 8

2) Des relations commerciales à développer 9

II - UN ENJEU IMPORTANT POUR LES INVESTISSEMENTS ÉTRANGERS 11

A - LE KAZAKHSTAN A SU ATTIRER DES INVESTISSEMENTS SIGNIFICATIFS 11

1) Le cadre juridique et fiscal des investissements 11

2) Les investissements étrangers 11

B - L'ACCORD SUR L'ENCOURAGEMENT ET LA
PROTECTION RÉCIPROQUES DES INVESTISSEMENTS
12

1) Le champ d'application de l'accord 12

2) L'encouragement des investissements 12

3) La protection des investissements 13

4) Le règlement des conflits 13

III . LES DISPOSITIONS DE LA CONVENTION FISCALE 15

A - LA PRÉVENTION DE L'ÉVASION ET DE LA FRAUDE FISCALES 15

B - L'ÉLIMINATION DES DOUBLES IMPOSITIONS 16

CONCLUSION 17

EXAMEN EN COMMISSION 18

Mesdames, Messieurs,

La Commission des Affaires étrangères se trouve saisie de deux projets de loi de ratification portant sur des accords signés récemment entre la France et le Kazakhstan.

Votre Rapporteur rappellera que le Kazakhstan est le plus vaste pays d'Asie centrale, avec une superficie de 2,5 millions de km². Il est riche de potentialités, possédant un cinquième des terres arables de l'ex-URSS, mais aussi des ressources naturelles très abondantes : des réserves pétrolières considérables, du gaz, du cuivre, de l'or, notamment. Sa population comprend une forte minorité slave (40 %), et cette donnée peut devenir une fragilité en cas de crise des relations avec Moscou. Le Président Nazarbaev, conscient de ce problème, a tenté de conjurer le danger d'une sécession de la région située au nord du pays, où se trouve concentrée cette minorité, en transférant la capitale d'Almaty, jugée trop excentrée, à Astana (ex-Akmola).

Le premier accord, signé le 3 février 1998, concerne l'encouragement et la protection réciproque des investissements. On soulignera dès à présent que le Kazakhstan est celle, parmi toutes les Républiques issues de l'URSS, qui a reçu le plus d'investissements étrangers : ceux-ci se sont élevés à 7,5 milliards de dollars depuis 1991. Ce nouveau pays indépendant détient un fort potentiel économique, et la stabilité politique qu'il connaît en fait une région attractive pour les investisseurs, ce qui rend la ratification de l'accord particulièrement opportune.

Le second accord, signé le même jour, a pour objectif d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et la fortune. Il doit se substituer à la convention fiscale franco-soviétique datant du 4 octobre 1985, qui régissait les relations fiscales bilatérales entre la France et le Kazakhstan jusqu'à sa dénonciation par cet Etat en 1994, dénonciation qui a pris effet le 1er janvier 1996. L'accord permettra donc d'assurer la continuité du cadre juridique et éviter la double imposition pour les entreprises françaises travaillant au Kazakhstan. Le Parlement kazakh a approuvé cet accord le 9 septembre 1998.

I - LA SITUATION POLITIQUE ET ÉCONOMIQUE
DU KAZAKHSTAN

A - La stabilité politique dans le cadre d'un régime présidentiel personnalisé

Depuis l'indépendance du Kazakhstan en 1991, la nouvelle république s'est consolidée autour d'un régime présidentiel, où les pouvoirs sont concentrés entre les mains du Président Noursoultan Nazarbaev.

La constitution de 1993 a instauré un Parlement composé de deux chambres ; le pouvoir prépondérant appartient néanmoins au Président, qui a l'initiative des lois, le droit de veto à l'encontre de celles qu'il désapprouve, et le droit de convoquer un référendum. Des élections législatives se sont déroulées en 1994, puis ont été annulées en 1995 dans un contexte de crise institutionnelle. Le Président fit alors adopter par référendum une nouvelle constitution, le 30 août 1995, ayant pour effet d'accroître encore ses pouvoirs, en y ajoutant celui de dissoudre le Parlement. Ce dernier référendum avait reconduit le Président dans ses fonctions jusqu'en décembre 2000.

Des élections présidentielles ont finalement été organisées le 10 janvier 1999, mais les conditions de la campagne électorale et le déroulement du scrutin ont suscité la réprobation des organisations internationales telles l'Union européenne et l'OSCE, qui a renoncé à accomplir sa mission d'observation. Le principal reproche fait à l'encontre du scrutin concernait les man_uvres visant à écarter le seul autre candidat pouvant rivaliser avec le Président, son ancien Premier ministre de 1994 à 1997 Akejan Kajegueldine, auquel un refus d'enregistrement de sa candidature a été opposé. Le Président Nazarbaev a été réélu avec 81,7 % des suffrages pour un mandat de sept années.

Le Président s'est cependant engagé, à la suite de cette élection, à mettre en _uvre progressivement un programme de démocratisation de la société kazakhstanaise.

Des élections législatives ont été tenues les 10 et 24 octobre 1999. L'OSCE a émis un jugement défavorable sur l'organisation de ces élections, et l'opposition a dénoncé des fraudes ainsi que la domination des partis pro-présidentiels dans la campagne et la composition des commissions électorales. Les formations pro-gouvernementales détiennent la majorité des sièges et les seuls partis d'opposition représentés sont le parti communiste et le parti agrarien. Les autres formations d'opposition d'importance significative n'ont pas recueilli assez de voix pour obtenir des sièges.

Alors que les difficultés économiques et la dégradation du climat social (conséquence des arriérés de salaire, de la baisse du pouvoir d'achat et de la hausse régulière du taux de chômage) suscitent le mécontentement populaire, l'opposition n'arrive cependant pas à s'organiser de façon cohérente, restant fragmentée en une nébuleuse de partis et mouvements dont le discours politique reste difficilement identifiable pour les citoyens.

B - Un potentiel économique important qui reste à exploiter

1) Des difficultés économiques malgré d'importants gisements de ressources naturelles

Le Kazakhstan dispose d'un potentiel important, notamment sous la forme d'abondantes ressources naturelles - pétrole, gaz, charbon, fer, cuivre, notamment - et également d'une main d'_uvre qualifiée. Sa situation économique se trouve néanmoins fragilisée par certaines contraintes lourdes.

A la fin de 1991, la dissolution de l'URSS a plongé le Kazakhstan dans une crise économique aiguë. A partir de 1994, les autorités ont fait le choix de l'ouverture du pays sur l'extérieur et ont engagé des réformes de structures avec le soutien du FMI, formulé dans un accord de juillet 1996. Cette politique volontariste a permis de parvenir à une stabilisation macro-économique en moins de deux ans, qui s'est traduite par la réduction de l'inflation, le contrôle du déficit budgétaire et un solde commercial amélioré.

Cependant, en 1998, le Kazakhstan a subi de plein fouet les conséquences des crises asiatique et russe, survenues dans un contexte économique déjà déprimé par la chute des prix des matières premières, aux répercussions importantes car les hydrocarbures et les métaux représentent plus de 60% des exportations du pays. Alors que le Gouvernement tablait sur une croissance de 3 % en 1998, la contraction du PIB a en fait atteint 2,5 %. Le commerce extérieur a baissé de 7% par rapport à 1997, mais la chute atteint 40% avec les principaux partenaires asiatiques (Corée du Sud, Hong Kong, Thaïlande et Japon). Pour faire face à la contraction de ses exportations vers la Russie et la dégradation de sa balance commerciale, la Banque nationale du Kazakhstan a décidé, début avril 1999, de laisser flotter sa monnaie, après avoir engagé 800 millions de dollars pour défendre sa parité avec cette devise.

A moyen terme, le Kazakhstan peut compter sur ses importantes réserves d'hydrocarbures pour assurer son développement économique : la production de pétrole, actuellement de 25 millions de tonnes par an, pourrait passer à plus de 150 millions de tonnes par an vers 2010. Néanmoins, le Kazakhstan est géographiquement enclavé, ce qui entrave notamment l'exportation de ses hydrocarbures. Ainsi, en 1998, les exportations de pétrole, qui se sont limitées à 17 millions de tonnes, ont soit emprunté le réseau russe d'oléoducs, soit fait l'objet d'accords de swap avec l'Iran. C'est pourquoi l'indépendance économique du Kazakhstan passe par la construction d'oléoducs autonomes. La construction prochaine d'un pipeline vers la mer Noire devrait permettre une meilleure exploitation des gisements du pays.

Un ambitieux programme de privatisation a été engagé, avec l'aide des institutions financières internationales, dès 1991. Les privatisations se sont déroulées en trois phases : la première, à partir de 1991, a concerné les secteurs du commerce et des services ; la deuxième, entre 1993 et 1995, a transféré dans le secteur privé de 11 000 PME et de 60 grandes entreprises, auxquelles s'ajoute la privatisation des 1700 entreprises du secteur agricole. La troisième phase n'est pas achevée : elle concerne les 32 grandes entreprises du secteur pétrolier et gazier, de la métallurgie, de l'extraction minière et de l'électricité.

En conséquence, la part du secteur privé dans le produit intérieur brut s'élevait à 55 % en 1997 et le volume des investissements étrangers à 6,7 milliards de dollars en 1998, en progression de 25 % par rapport à l'année précédente.

2) Des relations commerciales à développer

Le volume des échanges du Kazakhstan a diminué de 7 % en 1998 par rapport à 1997. La Russie reste le premier fournisseur du pays, avec 33 % de part de marché. Le Kazakhstan a néanmoins réussi à diversifier ses partenaires commerciaux en dehors de la CEI ; il réalise 54 % de ses exportations et 48 % de ses importations avec des pays hors de la CEI : l'Allemagne, la Turquie , le Royaume-Uni et les Etats-Unis.

La place de la France dans les échanges commerciaux avec le Kazakhstan est de l'ordre de 1 %, et les échanges ont tendance à se renforcer : ils varient autour de 1 milliard de francs ces deux dernières années. Les exportations françaises sont constituées de produits des industries agro-alimentaires, de biens d'équipements professionnels et de biens de consommation courante. La France importe du pétrole et des métaux non ferreux.

II - UN ENJEU IMPORTANT POUR
LES INVESTISSEMENTS ÉTRANGERS

A - Le Kazakhstan a su attirer des investissements significatifs

1) Le cadre juridique et fiscal des investissements

Le Kazakhstan a adopté une première loi sur les investissements étrangers en décembre 1994, ce qui a entraîné une vente des actifs de sociétés importantes sous diverses formes : appels d'offres, ventes de gré à gré, vente au cas par cas, contrats de gestion avec ou sans option de rachat des actions. Toutefois, les résultats de ces privatisations ont été peu satisfaisants puisque début 1997, seuls douze contrats de gestion avaient abouti au transfert des actifs. Les autorités kazakhes ont donc cherché à mieux accueillir les investissements, et une nouvelle loi, adoptée en février 1997, a permis de clarifier une situation parfois confuse. Ce dernier cadre législatif réduit considérablement la possibilité pour des organes gouvernementaux d'accorder de manière indépendante des garanties ou avantages spéciaux, et prévoit la création d'un Comité d'Etat aux investissements afin de simplifier et de centraliser les relations avec les investisseurs. Le cadre juridique de l'investissement étranger est ainsi devenu plus favorable.

2) Les investissements étrangers

Comme on l'a déjà souligné, le stock des investissements étrangers au Kazakhstan a connu une progression de 25 % en 1998 par rapport à l'année précédente. Les cinq premiers investisseurs étrangers sont les Etats-Unis, la Corée du Sud, le Royaume-Uni, la Turquie et la Chine. Cependant, la crise asiatique a ralenti le rythme des investissements étrangers au Kazakhstan : au premier semestre 1998, les flux d'investissements bruts ont été réduits de moitié, passant de 470 M$ contre 900 M$ au premier semestre 1997.

La part des investissements français est encore trop limitée, s'élevant à 4 % des investissements directs étrangers, contre 66 % pour les Etats-Unis. Notre pays se trouve au onzième rang des investisseurs étrangers. Néanmoins, environ cinquante entreprises françaises sont implantées au Kazakhstan, parmi lesquelles Bouygues, Technip/Spechim, Alcatel, Bull, Total et la Société Générale. Les principaux investisseurs français sont les suivants :

- Totalfina, devenu membre du consortium international OKIOC (Offshore Kazakhstan International Operating Co.), créé en novembre 1997, qui a signé un Accord de partage de production avec le gouvernement kazakh pour le champ de Karachaganak ;

- la Société générale est la deuxième banque étrangère implantée au Kazakhstan, depuis mai 1998 ;

- la Cogema a créé avec des partenaires locaux et étrangers deux co-entreprises pour l'exploitation du gisement d'or de Jubilenoye et du gisement d'uranium de Muyumkum

- les Ciments français ont pris le contrôle à 64 % de la cimenterie de Chimkent.

Les secteurs qui attirent le plus d'investissements étrangers sont les hydrocarbures et le secteur minier, l'extraction d'or notamment.

B - L'accord sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements

1) Le champ d'application de l'accord

La notion d'investissement recouvre les avoirs de toute nature, tels que les biens meubles et immeubles, ainsi que les autres droits réels (hypothèques, privilèges, usufruits, cautionnement et autres droits). Elle intègre les actions et obligations, les droits d'auteur et de propriété industrielle, les procédés technologiques, les concessions accordées par la loi ou en vertu d'un contrat.

Les investisseurs sont les personnes physiques ou morales. Les revenus visés sont définis de façon large.

2) L'encouragement des investissements

En vertu de dispositions classiques figurant dans les conventions de cette nature, chaque Partie accorde aux investisseurs de l'autre Partie un « traitement juste et équitable », conformément aux principes du droit international. Ce traitement est au moins aussi favorable que celui accordé par l'Etat Partie à ses propres investisseurs, ou à ceux de la nation la plus favorisée s'il est plus avantageux. Le régime ne s'étend pas aux avantages consentis dans le cadre d'accords particuliers tels que des unions douanières ou accords de marché commun, pas plus qu'aux avantages relevant de conventions fiscales.

3) La protection des investissements

L'article 5 pose les principes classiques de la protection des investissements étrangers. En cas d'expropriation, l'investisseur de l'autre partie doit recevoir une indemnité prompte et adéquate, dont le montant doit être calculé sur la valeur réelles des investissements concernés et évalué par rapport à une situation économique normale et antérieure à toute menace de dépossession. Ensuite, en cas de perte du fait d'un conflit armé ou d'une situation d'état d'urgence national, les investisseurs doivent être indemnisés selon un traitement non moins favorable que les nationaux ou ceux de la Nation la plus favorisée.

Enfin, les revenus, les produits de la cession ou de la liquidation des investissements bénéficient de la liberté des transferts. Cette liberté ne s'applique pas à l'intégralité des revenus des ressortissants de l'une ou l'autre partie travaillant sur le territoire de l'autre partie : ceux-ci ne sont autorisés à transférer qu'une quotité appropriée de leur rémunération ».

4) Le règlement des conflits

En cas de différend entre l'investisseur et l'Etat hôte, ne pouvant être réglé par des négociations et consultations directes, l'article 8 prévoit que le différend sera soumis à l'arbitrage du Centre international pour le règlement des différents relatifs aux investissements (CIRDI) si les deux Parties ont adhéré à la convention de Washington ayant créé ce centre. Le différend peut également être soumis à l'arbitrage d'un tribunal ad hoc établi conformément au règlement d'arbitrage de la Commission des Nations unies pour le Droit Commercial International (CNUDCI).

L'article 9 prévoit que si l'une des parties effectue des versements à l'un de ses investisseurs en vertu d'une garantie donnée pour un investissement réalisé sur le territoire de l'autre partie, elle se trouve subrogée dans les droits et actions de cet investisseur, qu'il s'agisse d'un national ou d'une société.

En cas de différend sur l'interprétation ou l'application de l'accord, il est prévu, à défaut d'un règlement négocié dans un délai de six mois, de soumettre le différend à un tribunal d'arbitrage ad hoc : les décisions de celui-ci seront définitives et exécutoires de plein droit.

Les informations disponibles sur les investissements réalisés à ce jour indiquent que peu de cas de différends sont apparus.

III . LES DISPOSITIONS DE LA CONVENTION FISCALE

La convention fiscale, dont la négociation à débuté en 1994, a demandé plusieurs rencontres, mais s'est déroulée dans un climat de compréhension mutuelle et n'a pas présenté de difficultés particulières. Cette convention est conforme dans ses grandes lignes au modèle de l'OCDE, en admettant quelques dispositions dérogatoires. Celles-ci émanent soit de demandes françaises liées aux spécificités de notre modèle de convention fiscale, soit de demandes kazakhes qui correspondent aux clauses figurant dans les conventions signées par la France avec les principaux Etats de cette zone géographique.

A - La prévention de l'évasion et de la fraude fiscales

La convention définit la notion d'établissement stable conformément au modèle de l'OCDE. Néanmoins, la définition est élargie pour inclure les installations utilisées pour l'exploration des ressources naturelles, les activités de surveillance des chantiers ainsi que les fournitures de services, y compris les services des consultants. Ces dernières activités de service sont inclues lorsqu'elles se déroulent sur le territoire du pays pendant plus de douze mois.

L'imposition des biens immobiliers est également adaptée : la convention précise que les revenus des parts ou actions conférant à leur détenteur la jouissance de biens immobiliers situés dans l'un des Etats, sont imposables dans cet Etat. Ceci permet à la France d'appliquer les dispositions particulières de sa législation fiscale relative aux revenus des sociétés immobilières : les détenteurs de parts de société civile immobilières ont considérés comme étant directement propriétaires des immeubles gérés par cette dernière.

Les règles de détermination des bénéfices imposables plus strictes : la déduction de paiements par l'établissement stable à son siège central n'est pas admise, à l'exception de remboursements de dépenses engagées pour cet établissement.

L'article 10, relatif aux dividendes, permet d'appliquer des retenues à la source dont les taux sont ceux prévus par le modèle de l'OCDE. L'Etat de la source peut imposer ces revenus à un taux n'excédant pas 15 % de leur montant brut, ce taux pouvant être ramené à 5 % lorsque les dividendes sont payés à une société qui détient directement ou indirectement au moins 10 % du capital de la société distributrice, à la différence du modèle OCDE, en vertu duquel le pourcentage minimal de détention directe doit être de 25 % du capital. De même, la définition des dividendes couvre tous les revenus soumis à ce régime fiscal afin de s'appliquer aux distributions déguisées ou occultes.

B - L'élimination des doubles impositions

L'article 23 traite des modalités d'élimination des doubles impositions. S'agissant des revenus des sociétés, la convention maintient le principe de l'exonération en France des revenus qui sont imposables ou ne sont imposables qu'au Kazakhstan, dans la mesure où ils sont exemptés d'impôts sur les sociétés en application de la législation française. Dans les autres cas, la double imposition des revenus provenant du Kazakhstan et perçus par des personnes résidentes de France est éliminée par l'imputation sur l'impôt français d'un crédit d'impôt dont le montant dépend du type de revenus considérés.

S'agissant des dividendes, intérêts, redevances, des gains en capital provenant de l'aliénation de biens immobiliers, des rémunérations versées au titre d'un emploi exercé à bord d'un navire ou d'un aéronef exploité en trafic international, des rémunérations des administrateurs de sociétés et de certains revenus d'artistes et sportifs non financés par des fonds publics, le crédit d'impôt imputable sur l'impôt français est égal au montant de l'impôt payé au Kazakhstan en application de la convention mais dans la limite de l'impôt français correspondant à ces revenus. Cette même règle s'applique à l'impôt sur la fortune.

Enfin, s'agissant des autres revenus, le crédit d'impôt imputable en France est égal au montant de l'impôt français correspondant à ces revenus à condition que le bénéficiaire soit soumis à l'impôt kazakh à raison de ces revenus. Cette méthode permet d'éviter la double imposition sans porter atteinte à la progressivité de l'impôt. Du côté du Kazakhstan, la méthode d'élimination des doubles impositions est une méthode d'imputation sur l'impôt kazakh d'un crédit à raison de l'impôt payé en France, dans la limite de l'impôt kazakh payé sur ces revenus.

CONCLUSION

L'accord relatif à la protection des investissements constitue un cadre juridique classique, tel que la France en a instauré avec de très nombreux pays. Il consacre la volonté des deux Parties d'appliquer entre elles les principes du droit international. Il apparaît indispensable pour nos investisseurs, qui, comme on l'a vu, doivent être encouragés à porter leur intérêt vers ce pays aux grandes potentialités. En outre, l'accord permettra au Gouvernement d'accorder la garantie de la Coface pour les investisseurs français.

La convention fiscale doit compléter les liens juridiques bilatéraux que notre pays établit avec le Kazakhstan : votre Rapporteur a mentionné qu'elle avait déjà été approuvée par ce pays.

Les deux textes participent donc à l'enrichissement des relations diplomatiques avec le Kazakhstan ; ces dernières devraient connaître un développement important avec la visite en France du Président Nazarbaev, prévue pour le mois de juin prochain.

En conséquence, votre Rapporteur vous propose d'adopter les deux projets de loi soumis à l'examen de la Commission.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné les présents projets de loi au cours de sa réunion du mercredi 1er mars 2000.

Après l'exposé du Rapporteur, M. Pierre Brana s'est interrogé sur les relations entre la Russie et le Kazakhstan. Il a rappelé une déclaration du Premier ministre russe M. Vladimir Poutine, indiquant que le Kazakhstan fait partie d'un « glacis » face aux pays où se trouvent des foyers d'islamisme, glacis qui aide à contenir le trafic d'armes et de drogue. Il a rappelé que le Président Nazarbaev a signé l'accord d'Ankara fixant le tracé d'un nouvel oléoduc vers la Mer Noire, tracé qui supplée l'oléoduc russe : cette signature agrée-t-elle la Russie ?

M. René André a répondu que le Kazakhstan mène une politique de partenariat étroit avec la Russie, qui est son premier fournisseur commercial. Il faut également se rappeler que la base de lancement spatial de Baïkonour se trouve au Kazakhstan. Néanmoins, le Président Nazarbaev a souhaité échapper à une dépendance totale de son pays par rapport à la Russie pour l'écoulement des hydrocarbures. L'ensemble de ces nouveaux positionnements régionaux interfère d'ailleurs avec les événements actuels au Caucase.

Par ailleurs, le Kazakhstan soutient le renforcement de la CEI et participe à l'accord de sécurité collective de cette organisation et à l'accord de défense antiaérienne commune. Le Rapporteur a rappelé que des armes nucléaires étaient déployées au Kazakhstan à l'époque de l'Union soviétique. Lors de son accession à l'indépendance, le pays a accepté de renoncer à ces armes et a adhéré dès 1993 au traité de non prolifération en tant qu'Etat non nucléaire. Par la suite, le Kazakhstan a signé le 5 décembre 1994 un mémorandum sur l'octroi de garanties de sécurité dans le domaine nucléaire, en vertu duquel ce pays confie sa propre garantie aux trois autres Parties, soit les Etats-Unis, le Royaume-Uni et la Russie.

Mme Odette Trupin a noté l'importance de l'enjeu que représente la possibilité d'augmenter jusqu'à 150 millions de tonnes la production annuelle de pétrole.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté les projets de loi (nos 1926 et 1930).

*

* *

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, les présents projets de loi.

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 1926) ;

le texte de l'accord figure en annexe au projet de loi (n° 1930).


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