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le 21 décembre 2000

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N° 2759

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 29 novembre 2000

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant la ratification de la convention relative à l'entraide judiciaire en matière civile entre la République française et la République socialiste du Vietnam,

PAR MME BERNADETTE ISAAC-SIBILLE,

Députée

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 218, 282 et T.A. 142 (2000-2001)

Assemblée nationale : 2489

Traités et conventions

Commission des affaires étrangères

La Commission des affaires étrangères est composée de : M. François Loncle, président ; M. Gérard Charasse, M. Georges Hage, M. Jean-Bernard Raimond, vice-présidents ; M. Roland Blum, M. Pierre Brana, Mme Monique Collange, secrétaires ; Mme Michèle Alliot-Marie, Mme Nicole Ameline, M. René André, Mme Marie-Hélène Aubert, Mme Martine Aurillac, M. Édouard Balladur, M. Raymond Barre, M. Dominique Baudis, M. Henri Bertholet, M. Jean-Louis Bianco, M. André Billardon, M. André Borel, M. Bernard Bosson, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Hervé de Charette, M. Yves Dauge, M. Jean-Marie Demange, M. Xavier Deniau, M. Paul Dhaille, Mme Laurence Dumont, M. Jean-Paul Dupré, M. Charles Ehrmann, M. Jean-Michel Ferrand, M. Raymond Forni, M. Georges Frêche, M. Michel Fromet, M. Jean-Yves Gateaud, M. Jean Gaubert, M. Valéry Giscard d'Estaing, M. Jacques Godfrain, M. Pierre Goldberg, M. François Guillaume, M. Jean-Jacques Guillet, M. Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, M. Didier Julia, M. Alain Juppé, M. André Labarrère, M. Gilbert Le Bris, M. Jean-Claude Lefort, M. Guy Lengagne, M. François Léotard, M. Pierre Lequiller, M. Alain Le Vern, M. Bernard Madrelle, M. René Mangin, M. Jean-Paul Mariot, M. Gilbert Maurer, M. Jean-Claude Mignon, Mme Louise Moreau, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, M. Étienne Pinte, M. Marc Reymann, M. François Rochebloine, M. Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, M. René Rouquet, M. Georges Sarre, M. Henri Sicre, M. Frantz Taittinger, Mme Christiane Taubira-Delannon, M. Michel Terrot, Mme Odette Trupin, M. Joseph Tyrode, M. Michel Vauzelle.

Mesdames, Messieurs,

Aujourd'hui l'un des principaux pays d'origine des enfants adoptés à l'étranger, le Vietnam tient une place particulière pour la France, sinon majeure pour de nombreux couples, dans le sens où notre pays accueille près de la moitié des enfants vietnamiens adoptés par des parents étrangers, et plus précisément des nouveaux-nés puisque 77 % des enfants adoptés ont moins de six mois.

Si la coopération franco-vietnamienne dans le domaine juridique est surtout connue en matière d'adoption, notamment avec la signature, le 1er février 2000, de la convention relative à la coopération en matière d'adoption d'enfants, entrée en vigueur le 1er novembre 2000, la voie a cependant été ouverte par la signature, le 24 février 1999, d'une convention relative à l'entraide judiciaire en matière civile que votre Rapporteur se propose aujourd'hui de vous présenter dans une première partie, avant de s'intéresser, dans une seconde partie, aux relations privilégiées que nos deux pays entretiennent.

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I- UNE CONVENTION QUI VIENT RENFORCER LA COOPERATION JURIDIQUE FRANCO-VIETNAMIENNE

A- Une convention dont la ratification ne saurait supporter un délai supplémentaire

La présente convention d'entraide judiciaire est liée à la convention relative à la coopération en matière d'adoption d'enfants dont le projet de loi a été adopté par notre Assemblée le 6 juin 2000 pour une entrée en vigueur du texte devenue effective le 1er novembre 2000.

D'ailleurs, l'un des considérants de la convention sur l'adoption a trait à la présente convention d'entraide judiciaire : "Considérant la convention relative à l'entraide judiciaire en matière civile entre la République française et la République socialiste du Vietnam, signée à Paris le 24 février 1999". En outre, c'est le ministère de la Justice de la République socialiste du Vietnam qui est désigné comme autorité centrale dans la convention sur l'adoption. Or la convention d'entraide judiciaire qui nous est aujourd'hui soumise comprend des dispositions relatives à ce même ministère.

Chacun a encore en mémoire la décision d'avril 1999 selon laquelle la France avait suspendu les adoptions en provenance du Vietnam en raison de la non signature par ce dernier de la convention de La Haye. Pour remédier à cette situation, une convention bilatérale d'adoption avait été très rapidement mise en _uvre. L'urgence de ce texte sur l'adoption a eu pour conséquence la mise en attente du texte sur l'entraide judiciaire dont nous sommes maintenant saisis et dont l'adoption ne souffre plus aucun délai.

Néanmoins, outre l'argument du temps, d'autres considérations militent sans conteste en faveur de l'adoption de ce texte.

B- Une convention qui vient consolider la coopération juridique franco-vietnamienne

La convention bilatérale franco-vietnamienne relative à l'entraide judiciaire en matière civile est la première signée en la matière par le Vietnam avec un pays occidental.

Elle vient consolider les relations juridiques que nos deux pays ont nouées dès 1993 avec la création à Hanoï de la Maison du droit franco-vietnamienne. Celle-ci est née de la signature le 10 février 1993 d'un accord intergouvernemental et constitue l'instrument majeur de la coopération juridique franco-vietnamienne. Trois missions lui sont dévolues :

- assister le Vietnam dans l'élaboration de ses textes normatifs (code civil, code pénal, code de procédure pénale, code de procédure judiciaire, lois sur les sociétés, etc.),

- former des juristes vietnamiens francophones,

- offrir un fonds documentaire et d'information.

En outre, des séminaires sont proposés sur les thèmes faisant l'objet du travail législatif en cours dans le cadre de la réforme judiciaire et administrative entreprise au Vietnam.

Après l'adoption en 1995 d'un code civil et d'une législation commerciale, un code de procédure civile est actuellement en cours d'élaboration qui régira l'ensemble des matières de droit privé (civil, économique et social). Les autorités vietnamiennes ont achevé l'élaboration du texte qui sera examiné lors de la session parlementaire du printemps 2001 pour être appliqué à partir de fin 2001. Il reste toutefois un travail important de mise à niveau des institutions et de leurs personnels pour mettre en _uvre, dans le respect de son esprit, ce nouveau code de procédure civile. Concernant le contenu des règles elles-mêmes, il convient de remarquer que ce code reprend très largement les dispositions du code de procédure civile français, certaines dispositions étant même directement reproduites. Il s'agit donc d'un témoignage révélateur et très positif de notre coopération juridique.

Afin de compléter un ensemble législatif destiné à faire entrer le Vietnam dans la famille des pays de droit écrit romano-germanique, la France a proposé aux autorités vietnamiennes de négocier, dans un premier temps, une convention d'entraide judiciaire en matière civile et commerciale.

C- Une convention de facture classique

Comprenant trente articles, ce texte ne comporte pas de dispositions particulières par rapport aux conventions bilatérales conclues en la matière par la France.

- Le chapitre 1er (articles 1 à 4) traite des dispositions générales. Le champ d'application de ladite convention s'étend au droit civil, au droit de la famille, au droit commercial et au droit du travail. Les ministères de la justice de chaque Etat sont désignés en qualité d'autorité centrale. Les conditions du refus de l'entraide sont limitées aux cas d'atteinte à la souveraineté, à la sécurité ou à l'ordre public de l'Etat requis. Sur demande, les autorités centrales se communiquent toute information relative à la législation et à la jurisprudence de leur Etat respectif.

- Le chapitre II (articles 5 à 10) énumère les conditions d'accès à la justice. Les mêmes conditions de libre accès à la justice ainsi que les mêmes droits et obligations pour la défense de leurs intérêts sont accordés aux ressortissants de chacun des deux Etats dans l'autre Etat, qu'il s'agisse de personnes physiques ou morales. Ils sont dispensés de toute caution et de tout dépôt en raison de leur qualité d'étranger ou du défaut de domicile ou encore de résidence dans le pays. L'assistance judiciaire incluant les frais et dépens et la rémunération des auxiliaires de justice leur est accordée sur le territoire de l'autre Etat dans les mêmes conditions qu'aux nationaux de ce dernier. Cette assistance est reconduite sur le territoire de l'autre Etat sans nouvel examen. La demande d'assistance judiciaire est adressée à l'autorité compétente de l'Etat requis par l'intermédiaire des autorités centrales, accompagnée d'une attestation officielle des ressources du requérant. Tous documents fournis sont traduits dans la langue de l'Etat requis. L'exequatur des frais et dépens est accordée.

- Le chapitre III (articles 11 à 14) traite de la transmission et des différentes possibilités de remise des actes judiciaires et extrajudiciaires.

- Le chapitre IV (articles 15 à 19) couvre la question des commissions rogatoires. Celles-ci doivent contenir un certain nombre d'informations et être accompagnées d'une traduction. Leur transmission, comme leur retour, doit être faite par l'intermédiaire des autorités centrales. Les modalités d'exécution des commissions rogatoires sont également précisées. Seuls les frais résultant de l'application d'une forme spéciale et les indemnités payées aux experts sont à la charge de l'Etat requérant. Les commissions rogatoires qui concernent les ressortissants de l'une des Parties peuvent être exécutées par les agents diplomatiques ou consulaires de cette Partie.

- Le chapitre V (articles 20 à 23) traite du régime de reconnaissance et d'exécution des décisions étrangères. Les décisions des juridictions pénales statuant sur l'action civile en réparation de dommages sont elles aussi concernées par le présent chapitre. Les conditions de reconnaissance et d'exécution des décisions rendues par les juridictions de l'un des deux Etats sont fixées. La procédure de reconnaissance et d'exécution est régie par le droit de l'Etat requis et le juge de l'exequatur ne procède à aucun examen au fond de la décision étrangère qui lui est soumise. Toutefois, si cette dernière satue sur plusieurs chefs de décisions, l'exécution peut n'être accordée que partiellement. Un certain nombre de documents doivent être produits par la personne qui invoque la reconnaissance ou qui demande l'exécution.

- Les sentences arbitrales font l'objet du chapitre VI (article 24). En la matière s'appliquent les dispositions de la Convention de New York du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères.

- Le chapitre VII (articles 25 et 26) concerne la communication de documents d'état civil et les dispenses de légalisation.

- Le chapitre VIII (articles 27 à 30) est dédié aux dispositions finales. Le suivi de l'application de ladite convention est confié à des représentants des deux Etats qui se rencontrent en tant que de besoin. Le règlement des éventuelles difficultés d'application relève de la voie diplomatique. L'entrée en vigueur interviendra le premier jour du deuxième mois suivant la date de réception de la dernière des notifications relatives à l'accomplissement des procédures constitutionnelles. La présente convention est conclue pour une durée illimitée. Toute modification fera l'objet d'une consultation entre les deux Etats. La dénonciation de la présente convention peut intervenir à tout moment et prendra effet six mois après la date de réception de sa notification par l'autre Etat.

Comme on peut le constater, la coopération judiciaire entre nos deux pays s'est fortement accélérée en l'espace de quelques années, notamment avec la signature coup sur coup, dans l'intervalle d'un an, d'une convention d'entraide judiciaire en matière civile et d'une convention sur l'adoption, ce dont votre Rapporteur ne peut que se féliciter.

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II- DES RELATIONS BILATERALES PRIVILEGIEES

La France a été l'un des premiers pays occidentaux à soutenir le Vietnam dans sa politique de rénovation baptisée "Doi Moi" (renouveau) débutée en 1986 et qui a vu l'engagement de réformes économiques. Cela s'est d'abord traduit par un soutien à la réintégration du pays dans la communauté internationale puisqu'en 1993 la France a joué un rôle déterminant pour aider le Vietnam à normaliser ses relations avec les institutions financières internationales. Ensuite, la signature en juillet 1995 de l'accord-cadre de coopération avec l'Union européenne est en partie due à l'action de la France qui s'est employée à faire aboutir les négociations durant sa présidence. A cet égard, votre Rapporteur juge utile de préciser que cet accord comporte une clause sur les droits de l'homme.

L'excellence des relations que nos deux pays entretiennent transparaît également au travers de nos crédits de coopération (le Vietnam fait partie de la Zone de solidarité prioritaire-ZSP), des protocoles financiers (le Vietnam bénéficie d'aides financières importantes au travers de la Réserve pays émergents (RPE) : plus de 2 milliards de francs ont été débloqués depuis 1989 dans le cadre des protocoles financiers) et des financements de l'Agence française de développement (AFD).

A- La France apporte une aide conséquente au Vietnam...

Le ministère des Affaires étrangères s'efforce de privilégier les programmes qui concourent à la formation des futures élites et à la formation de formateurs destinés à prendre la relève, le moment venu, des acteurs français de cette coopération, ceci avec le souci de complémentarité avec les actions conduites par l'Union européenne, qui se concentrent sur la coopération au développement proprement dite.

Pour l'année 2000, la Direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) contribue pour 50,25 millions de francs aux crédits du titre IV (Interventions publiques) consacrés au Vietnam et pour 28 millions de francs aux crédits du Fonds de solidarité prioritaire (FSP) inscrits au titre VI (Subventions d'investissement accordées par l'Etat).

Ces moyens financiers sont affectés essentiellement aux domaines suivants :

- L'appui institutionnel et la modernisation de l'Etat. Afin de favoriser l'émergence de l'Etat de droit, la France apporte une assistance technique auprès de départements ministériels et soutient des actions de formation des agents de l'Etat par le biais notamment de la Maison du droit à Hanoi.

- La formation des futurs décideurs et des cadres. Les formations ont trait aux secteurs clés du développement. Ainsi, des programmes de formation d'ingénieurs et de techniciens supérieurs ont été lancés. En économie/gestion/droit, la France apporte son assistance au Centre franco-vietnamien de gestion de Hanoi et Ho Chi Minh Ville. En matière de santé, il existe un programme de formations spécialisées dans onze filières médicales. Concernant l'agriculture, on peut citer le programme Fleuve Rouge et développement rural des zones de montagne. Enfin la formation à la recherche se fait par l'intermédiaire d'un appui aux interventions du CNRS par exemple.

- Les actions relatives aux infrastructures. Plusieurs programmes, souvent financés en collaboration avec l'Agence française de développement (AFD) et le Trésor, sont destinés à réhabiliter ou améliorer le fonctionnement d'infrastructures sociales (formation de personnels de santé dans les hôpitaux), économiques, urbaines.

B- ...essentiellement axée sur la promotion de la francophonie

Les actions de la France portent essentiellement sur l'enseignement bilingue, les filières universitaires francophones ou les bourses à l'intention des étudiants vietnamiens qui souhaitent suivre une formation en France, toutes opérations qui revêtent une importance particulière du fait du contexte régional anglophone dans lequel se trouve le Vietnam.

A cet effet, il faut préciser que c'est en 1995 que le Vietnam a officiellement adhéré à l'Association des nations du Sud-Est asiatique (ASEAN) qu'il préside de juillet 2000 à juillet 2001. Même si ce pays de l'ancienne Indochine a adhéré à la francophonie institutionnelle, la francophonie réelle se limite aux classes d'âge avancées.

La consolidation de la francophonie se traduit ainsi par les actions suivantes :

- Le soutien au centre culturel français "Alliance française" de Hanoi.

- L'aide à la formation des professeurs (sessions de formation continue, mise à disposition de matériel pédagogique, etc.).

- Le développement du français de spécialité dans tous les secteurs où la France intervient (économie et gestion, agronomie, droit, médecine, traduction, secrétariat, tourisme, hôtellerie, science et technique, etc.). Par exemple, à l'Institut polytechnique de Hanoi, un centre de formation continue en français de spécialité forme chaque année 500 étudiants répartis en 25 cours.

- Avec le concours de l'Agence universitaire de la francophonie (AUF), un programme de classes bilingues réparties dans les principales villes et régions du Vietnam.

- Le soutien à une cinquantaine de filières francophones universitaires ouvertes sous l'impulsion de l'AUF.

- L'octroi de bourses d'études à des étudiants de l'enseignement supérieur.

- Un programme de formation d'interprètes et de traducteurs devant conduite à la création d'un centre de formation au sein de l'Institut des relations internationales de Hanoi.

Enfin, il faut rappeler que le Vietnam a assuré la présidence des instances politiques de la francophonie (sommet de Hanoi) de novembre 1997 à septembre 1999 (sommet de Moncton).

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CONCLUSION

Largement soutenu par la France, le Vietnam produit actuellement un effort important afin d'élaborer un système juridique qui prend exemple sur le modèle français.

L'édification de l'Etat de droit au Vietnam a commencé en 1995 avec l'adoption d'un code civil et d'une législation commerciale et se poursuit avec l'élaboration actuellement en cours d'un code de procédure civile.

La ratification de la convention d'entraide judiciaire en matière civile entre nos deux pays apparaît alors naturellement comme un encouragement pour le Vietnam à poursuivre ses efforts en la matière.

Au vu de ces observations, votre Rapporteur vous recommande l'adoption du présent projet de loi.

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EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du.

Après l'exposé du Rapporteure et suivant ses conclusions, la Commission a adopté le projet de loi (n).

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La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° ).


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