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le 20 décembre 2000

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N° 2760

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 29 novembre 2000.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'adhésion de la République française à la convention internationale d'assistance mutuelle administrative en vue de prévenir, de rechercher et de réprimer les infractions douanières (ensemble 11 annexes),

PAR M. PIERRE BRANA,

Député

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 137, 186 et T.A. 85 (1999-2000)

Assemblée nationale : 2175

Traités et conventions

Commission des affaires étrangères

La Commission des affaires étrangères est composée de : M. François Loncle, président ; M. Gérard Charasse, M. Georges Hage, M. Jean-Bernard Raimond, vice-présidents ; M. Roland Blum, M. Pierre Brana, Mme Monique Collange, secrétaires ; Mme Michèle Alliot-Marie, Mme Nicole Ameline, M. René André, Mme Marie-Hélène Aubert, Mme Martine Aurillac, M. Édouard Balladur, M. Raymond Barre, M. Dominique Baudis, M. Henri Bertholet, M. Jean-Louis Bianco, M. André Billardon, M. André Borel, M. Bernard Bosson, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Hervé de Charette, M. Yves Dauge, M. Jean-Marie Demange, M. Xavier Deniau, M. Paul Dhaille, Mme Laurence Dumont, M. Jean-Paul Dupré, M. Charles Ehrmann, M. Jean-Michel Ferrand, M. Raymond Forni, M. Georges Frêche, M. Michel Fromet, M. Jean-Yves Gateaud, M. Jean Gaubert, M. Valéry Giscard d'Estaing, M. Jacques Godfrain, M. Pierre Goldberg, M. François Guillaume, M. Jean-Jacques Guillet, M. Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, M. Didier Julia, M. Alain Juppé, M. André Labarrère, M. Gilbert Le Bris, M. Jean-Claude Lefort, M. Guy Lengagne, M. François Léotard, M. Pierre Lequiller, M. Alain Le Vern, M. Bernard Madrelle, M. René Mangin, M. Jean-Paul Mariot, M. Gilbert Maurer, M. Jean-Claude Mignon, Mme Louise Moreau, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, M. Étienne Pinte, M. Marc Reymann, M. François Rochebloine, M. Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, M. René Rouquet, M. Georges Sarre, M. Henri Sicre, M. Frantz Taittinger, Mme Christiane Taubira-Delannon, M. Michel Terrot, Mme Odette Trupin, M. Joseph Tyrode, M. Michel Vauzelle.

SOMMAIRE

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INTRODUCTION 5

I - LA CONVENTION DE NAIROBI DE 1977 : UN DISPOSITIF FLEXIBLE PERMETTANT DES ADHÉSIONS PARTIELLES 7

A - LE CADRE DE L'ÉLABORATION DE LA CONVENTION 7

B - LE DISPOSITIF GÉNÉRAL DE LA CONVENTION 7

C - LE CONTENU DE L'ASSISTANCE : LES ANNEXES 9

1) Les mesures préventives 9

2) Les mesures de recherche et de répression de l'infraction 9

3) La création d'un fichier central de renseignements à l'Organisation mondiale des douanes 10

4) Les mesures à caractère thématique 10

D - LES AMENDEMENTS APPORTÉS EN 1989 ET 1995 10

II - LES MODALITÉS D'ADHÉSION DE LA FRANCE 12

A - DONNÉES SUR L'ACTIVITÉ DES DOUANES EN 1999 12

B - LA FRANCE ACCEPTE TROIS DES ONZE ANNEXES, AVEC DES RÉSERVES 13

1) Les annexes choisies par la France 13

2) Les réserves formulées 15

CONCLUSION 17

EXAMEN EN COMMISSION 19

Mesdames, Messieurs,

L'assistance mutuelle administrative internationale est l'ensemble des mesures arrêtées par les Etats en vue de faciliter la prévention, la recherche, la constatation et la répression des infractions douanières.

Cette assistance mutuelle a historiquement commencé au plan bilatéral, les Etats signant entre eux des accords bilatéraux : la France a ainsi signé avec les Etats-Unis, en 1936, son premier accord bilatéral de coopération douanière.

L'assistance mutuelle s'est ensuite imposée au plan multilatéral. Les Etats membres de la Communauté européenne ont conclu entre eux la Convention de Naples signée le 7 septembre 1967, convention renforcée par la signature, le 18 décembre 1997, d'un deuxième texte à portée générale dit « Naples II ». Au plan international, le Conseil de Coopération douanière a engagé des travaux en 1974, afin d'élaborer un instrument international suffisamment efficace et contraignant pour répondre aux besoins de la lutte contre la fraude de plus en plus généralisée, tout en étant acceptable pour le plus grand nombre possible de pays.

Ces travaux ont abouti à l'adoption par le Conseil, le 9 juin 1977, de la Convention de Nairobi, entrée en vigueur le 21 mai 1980, après l'adhésion de cinq Etats. Elle a été ratifiée par 44 Etats à ce jour.

L'adhésion de la France a connu un grand retard : la France conditionne en effet son adhésion, comme on le verra, à la possibilité de formuler deux réserves. Or, le texte initial de la convention excluait qu'une Partie puisse y faire des réserves, les rédacteurs ayant jugé les clauses de sauvegarde suffisantes pour rallier l'adhésion sans réticence des Etats. Des amendements apportés à la convention en 1995 ont finalement permis l'adhésion de notre pays.

La convention vise des infractions et des flux illégaux de marchandises dont certains ont une forte tendance à augmenter. Elle vise tout d'abord les tentatives frauduleuses consistant à échapper au paiement des droits et taxes à l'importation ou à l'exportation des marchandises et se traduisant notamment par de fausses déclarations d'origine, de valeur ou d'espèce tarifaire. Elle vise aussi les fraudes par faux, les contrefaçons ou les falsifications, la contrebande des stupéfiants et les opérations financières qui lui sont liées, ou encore la contrebande d'objets d'art, d'antiquités et d'autres biens culturels.

Chacun comprend la nécessité de conférer des outils efficaces aux services douaniers pour faire face à la fraude, favorisée par le développement des échanges internationaux. La rapidité et la facilité des échanges ont contribué en outre à rendre plus complexes les circuits commerciaux et financiers, et donc la tâche des enquêteurs. C'est dans ce contexte que l'on doit considérer l'adhésion de la France à la convention de Nairobi, adhésion qui sera cependant limitée à certains domaines de la convention.

I - LA CONVENTION DE NAIROBI DE 1977 : UN DISPOSITIF FLEXIBLE PERMETTANT DES ADHÉSIONS PARTIELLES

A - Le cadre de l'élaboration de la convention

Le Conseil de coopération douanière - devenu en 1994 l'Organisation mondiale des douanes (OMD) - a été créé par une convention signée à Bruxelles le 15 décembre 1950. Le champ d'action et l'audience du Conseil, initialement limités à l'Europe, se sont progressivement étendus et l'OMD compte actuellement 150 membres.

Le bilan de l'Organisation est important : une quinzaine de conventions internationales ont été élaborées, ainsi qu'une cinquantaine de recommandations, concernant tous les aspects de la réglementation douanière appliquée à l'importation et à l'exportation.

Parmi les conventions élaborées, peuvent être citées, outre la Convention de Nairobi, la Convention pour la simplification et l'harmonisation des régimes douaniers (Convention de Kyoto de 1973) et la Convention sur le système harmonisé de désignation et de codification des marchandises (Convention SH de 1983). On notera que la Convention de Kyoto a été introduite dans le droit communautaire par une décision du Conseil de l'Union européenne de 1975.

Le budget de l'OMD est financé principalement par les contributions annuelles des membres. La France est le quatrième pays contributeur, intervenant à hauteur de 5,20 % du budget, après les Etats-Unis, le Japon et l'Allemagne. On notera qu'un Français, M. Michel Danet, occupe actuellement le poste de Secrétaire général de l'Organisation, poste auquel il a été élu en 1998.

B - Le dispositif général de la convention

La majorité des conventions élaborées par l'Organisation mondiale des douanes observent le même schéma : la convention est accompagnée d'annexes, dont chacune concerne un domaine distinct de l'activité douanière en rapport avec le sujet de la convention, qui font l'objet d'acceptation ou non par les Etats. Chaque Etat doit accepter au moins une annexe lorsqu'il conclut la convention, et peut notifier par la suite son acceptation d'autres annexes.

La Convention de Nairobi respecte donc le même schéma et comporte un corps de 23 articles assorti de 11 annexes qui peuvent être acceptées indépendamment les unes des autres. Les neuf premières annexes reprennent en réalité des dispositions qui sont habituellement regroupées dans les conventions conclues de façon bilatérale. Les deux dernières annexes suivent une approche thématique.

La convention est fondée sur le principe de la réciprocité, selon lequel un Etat n'a d'obligation d'assistance vis-à-vis d'un autre Etat que si les deux ont accepté la même annexe.

Ce principe connaît deux exceptions. Selon la première, un Etat peut refuser l'assistance ou l'assortir de conditions s'il estime que l'assistance demandée est de nature à porter atteinte à sa souveraineté, à sa sécurité, à ses intérêts essentiels ou encore aux intérêts commerciaux de ses entreprises publiques ou privées (article 3). La seconde permet à une administration douanière de présenter une demande d'assistance à laquelle elle ne pourrait elle-même donner suite, en précisant ce fait dans l'exposé de la demande. Dans ce cas, l'assistance peut naturellement être refusée par l'Etat requis (article 4).

Ces deux clauses sont des dispositions classiques dans les conventions d'assistance administrative : on les trouve dans les accords bilatéraux, où elles ne sont cependant jamais appliquées, et elles figurent, a fortiori, dans les accords multilatéraux.

Le champ d'application matériel de la convention se limite aux infractions à la législation douanière stricto sensu, soit aux infractions aux dispositions, appliquées par les administrations douanières, relatives à l'importation, à l'exportation et au transit des marchandises. Sont donc exclues les demandes d'arrestation et le recouvrement de droits, taxes, impositions, amendes et autres sommes pour le compte d'une partie contractante.

L'assistance mutuelle ne joue qu'entre administrations douanières, selon une limitation qu'on retrouve habituellement dans les conventions bilatérales, ce qui exclut les autres services qui, dans certains pays, ont compétence pour poursuivre les infractions douanières (par exemple, la Garde des finances en Italie).

La convention encourage la communication directe entre les administrations grâce à des services ou des fonctionnaires chargés de ces communications, qui reçoivent les demandes formulées par écrit dans une langue acceptable par les deux parties, les demandes formulées en anglais ou en français devant être en tout état de cause acceptées.

Enfin, les informations obtenues en application de la convention doivent faire l'objet des mêmes conditions de confidentialité et de secret que les informations obtenues au plan national.

C - Le contenu de l'assistance : les annexes

1) Les mesures préventives

Celles-ci sont inscrites dans l'annexe I : il s'agit de la communication de renseignements concernant les déplacements de personnes, les mouvements de marchandises ou de moyens de transports, accompagnés éventuellement de documents, rapports ou procès-verbaux, ou encore de renseignements concernant les nouveaux moyens et méthodes employés pour commettre des infractions douanières.

2) Les mesures de recherche et de répression de l'infraction

Elles sont décrites dans les annexes II à VIII. Elles comportent principalement :

- la communication de renseignements permettant de déterminer exactement les droits et taxes à l'importation ou à l'exportation : factures commerciales, déclarations de valeur, catalogues commerciaux, par exemple. Des analyses de laboratoire peuvent être transmises pour déterminer l'espèce tarifaire des marchandises (annexe II) ;

- l'assistance en matière de contrôle, qui comporte une aide à l'authentification de documents officiels présentés à l'appui d'une déclaration en douane (annexe III) ;

- l'exercice d'une surveillance spéciale, pendant une période déterminée, sur les déplacements de personnes, sur les mouvements et dépôts de marchandises, sur certains lieux ou certains moyens de transport (annexe IV) ;

- l'exécution d'enquêtes et d'auditions à la demande de l'Etat requérant (annexe V) ;

- la comparution d'agents des douanes de l'Etat requis devant les tribunaux de l'Etat requérant en qualité de témoins ou d'experts dans une affaire douanière (annexe VI) ;

- la possibilité pour les agents des douanes de l'Etat requérant de prendre connaissance dans les bureaux de douane de l'Etat requis des écritures, registres et autres documents pertinents et d'en prendre copie (annexe VII) ;

- la possibilité pour les agents de l'Etat requérant d'assister dans l'Etat requis à la recherche ou à la constatation d'une infraction le concernant (annexe VII) et la possibilité de participer à des enquêtes sur le territoire de l'Etat requis, avec son accord (annexe VIII).

3) La création d'un fichier central de renseignements à l'Organisation mondiale des douanes

L'annexe IX prévoit la création d'un fichier central au sein du Secrétariat général de l'Organisation, rassemblant les informations présentant un intérêt sur le plan international. Ce fichier est tenu et exploité par le Secrétariat qui communique des renseignements aux services des Etats contractants, dans la mesure où il le juge utile.

4) Les mesures à caractère thématique

L'annexe X récapitule les mesures d'assistance douanière, mais appliquées uniquement à la contrebande de stupéfiants et de substances psychotropes, de même que l'annexe XI les énumère pour lutter contre le trafic d'objets d'art et d'antiquités.

L'on constate que le nombre de pays Parties à la convention - 44 - est restreint par rapport à celui des Etats membres de l'OMD. Les annexes II à VIII ont été ratifiées par un nombre variable, mais peu élevé de pays, allant de 17 à 27. Les adhésions les plus importantes concernent les annexes I, IX et X , respectivement acceptées par 29, 27 et 32 Etats. L'adhésion suscite en fait la réticence car les Etats préfèrent instaurer des rapports d'assistance mutuelle avec les Etats de leur choix sur un plan bilatéral ou régional (ainsi au sein de la Communauté européenne). La convention prévoit en effet des mesures d'assistance très détaillées qui peuvent s'avérer très contraignantes et laissent peu de marge de man_uvre aux Etats Parties.

D - Les amendements apportés en 1989 et 1995

Deux amendements ont été apportés pour encourager l'adhésion de nouveaux Etats à la convention.

Le premier amendement, adopté en 1989, a modifié l'article 15 afin de permettre à des pays non membres de l'Organisation mondiale des douanes d'adhérer à la convention et d'accéder ainsi à un système d'assistance douanière mutuelle. En effet, l'OMD ne compte que 150 membres sur les 188 représentés aux Nations Unies.

Le second amendement adopté en 1995 modifie l'article 18 afin de donner aux Etats la possibilité d'émettre des réserves lorsqu'ils adhèrent à la convention, ce qui a permis l'adhésion de notre pays. En conséquence, les Parties à la convention peuvent déterminer elles-mêmes la portée de l'assistance qu'elles fourniront.

II - LES MODALITÉS D'ADHÉSION DE LA FRANCE

A - Données sur l'activité des douanes en 1999

Les services douaniers français ont relevé 42 450 infractions en matière de fraude commerciale au cours de l'année 1999. Le nombre d'infractions constatées dans le secteur des produits industriels (35 724) est apparu en hausse de 7 % par rapport à 1998, mais le montant des droits compromis, de 780 MF a été en légère baisse par rapport à l'année précédente. Ces fraudes concernent en premier lieu les textiles et les produits électroniques, certaines affaires mettant en jeu des montants élevés de droits de douane, les méthodes employées le plus souvent étant la fausse déclaration d'espèce ou d'origine.

Le nombre d'irrégularités constatées dans le domaine agricole a augmenté de 123 % par rapport à l'année précédente, portant sur un montant de 162 MF. Des actions de coopération internationale ont été mises en place d'abord dans le cadre des crises sanitaires affectant le marché intérieur, mais aussi pour lutter contre des fraudes en provenance de pays tiers.

La lutte contre le trafic de stupéfiants a donné lieu à près de 29 000 constatations et à autant d'interpellations. La quantité de drogues saisies en 1999 est sans précédent : 59 tonnes ainsi que 1,8 million de doses d'ecstasy. Ces résultats s'expliquent par les quantités saisies sur le fret maritime et routier à l'occasion d'affaires d'envergure. On soulignera que les douanes étrangères ont saisi environ 30 tonnes de drogues sur information ou intervention de la douane française, et les services français ont saisi 180 kg de drogue et 100 000 doses d'ecstasy grâce aux informations transmises par leurs homologues étrangers.

Les services douaniers ont enregistré une hausse spectaculaire des saisies de marchandises de contrefaçon importées sans déclaration ou en contrebande : 3,6 millions d'articles de contrefaçon ont été saisis, parmi lesquels des cigarettes, des jouets, des cédéroms de jeu et des vêtements en quantité importante. Les pays de provenance sont en Asie (Chine pour 89 % des produits), mais la Turquie et l'Egypte sont aussi des pays de production.

L'activité des services douaniers a également permis la saisie en 1999 de près de 3000 armes et de quantités de munitions. Les trafics illégaux concernent aussi les espèces animales ou végétales sauvages menacées d'extinction (ivoire, animaux vivants, notamment). Enfin, une quarantaine d'affaires portant sur les biens culturels ont abouti à la saisie de 841 _uvres ou objets d'art d'une valeur estimée à 4,5 millions de francs. Ces chiffres ne reflètent pas la réalité de ce trafic, les douanes étant moins impliquées dans la recherche de ce type d'infractions que la police.

L'importance et la mobilité des filières de la fraude et de la contrebande font apparaître l'enjeu d'une coopération accrue et plus efficace, surtout eu égard à l'augmentation constatée d'une année sur l'autre pour certains trafics tels que les stupéfiants, les cigarettes et la contrefaçon.

B - La France accepte trois des onze annexes, avec des réserves

1) Les annexes choisies par la France

L'article 65.6 du Code des Douanes autorise l'administration des douanes et des droits indirects, « sous réserve de réciprocité, à fournir aux autorités qualifiées des pays étrangers tout renseignement susceptible d'établir la violation des lois et règlements applicables à l'entrée et à la sortie du territoire ». La coopération douanière est donc possible en l'absence de convention : en réalité, le recours à ces dispositions est rare car elles n'offrent qu'une faible sécurité juridique en ce qui concerne la confidentialité des renseignements et informations échangés. C'est pourquoi les Etats, et en particulier la France, préfèrent la coopération dans le cadre d'une convention internationale.

Parmi les trois annexes (annexes I, IX et X) auxquelles la France accepte d'adhérer, les deux premières portent sur le simple échange d'information, avec un autre Etat ou avec le Secrétariat général de l'OMD, tandis que la troisième peut impliquer une coopération opérationnelle concrète. Le fait que l'administration a préféré se limiter à ces trois annexes s'explique par une réticence à se lier dans un cadre multilatéral, sans avoir choisi ses partenaires, par des dispositions qui risquent d'engager des moyens importants, comme par exemple effectuer une enquête pour le compte d'une autre administration, ou accepter la présence d'agents des douanes étrangers sur le territoire français.

L'annexe 1 relative à l'assistance spontanée

Cette annexe, comme la suivante, porte sur l'échange de renseignements afin de prévenir, rechercher et réprimer les infractions et d'organiser le ciblage des contrôles. La communication des renseignements s'exerce de façon bilatérale au bénéfice d'une autre administration.

Il s'agit d'un moyen classique que l'on trouve dans les conventions bilatérales : les services douaniers d'un Etat, informés d'opérations irrégulières projetées ou constatées frauduleuses à l'égard des lois d'un autre Etat, doivent en avertir les autorités de ce dernier Etat. Cette annexe donnera lieu à la fois à des échanges d'information généraux et ciblés : renseignements concernant une interpellation ou une saisie sur un ressortissant du pays concerné.

L'annexe IX relative à la centralisation des renseignements

Cette annexe prévoit la transmission de tout renseignement significatif ou utile à l'Organisation mondiale des douanes, et la centralisation des renseignements par l'organisation. Celle-ci est chargée d'élaborer, à partir des données obtenues, des résumés et des études portant sur des tendances nouvelles de fraude ou permettant aux services douaniers d'atteindre une plus grande efficacité.

Les dispositions de cette annexe sont très voisines de celles contenues dans les recommandations adoptées par l'OMD le 8 juin 1967 et le 22 mai 1975, acceptées et appliquées par la France.

Un système d'information centralisé a été créé au Secrétariat général de l'OMD à Bruxelles ; il rassemble des informations de trois catégories. La première concerne les personnes condamnées à titre définitif pour contrebande et les personnes soupçonnées ou appréhendées en flagrant délit, les personnes morales pouvant aussi être fichées. Seules les informations relatives à des infractions sanctionnées par une peine de prison ou une amende supérieure à 2000 dollars sont conservées. La deuxième catégorie concerne les personnes condamnées ou soupçonnées de fraudes autres que la contrebande ; sont aussi stockées des informations relatives aux méthodes de la fraude et de la contrebande, aux circonstances de leur découverte, notamment. Enfin, la troisième partie répertorie les navires qui ont été utilisés pour la contrebande.

L'échange de renseignements s'opère dans le cadre du réseau mondial de dix bureaux régionaux de liaison chargés du renseignement, auxquels sont rattachés les Etats membres. Des liaisons entre les bureaux permettent des analyses globales ou comparées.

Il est difficile d'évaluer le nombre des demandes faites par la France et le nombre de réponses adressées par notre administration à des demandes étrangères, car les données statistiques disponibles ne distinguent pas les catégories d'échanges selon leur base juridique.

Ainsi, l'on sait que les douanes françaises ont globalement adressé 3000 demandes vers l'étranger en 1999. Mais il faut préciser que le plus grand nombre de demandes est échangé avec des pays européens, et dans ce cas, la demande se base sur la législation communautaire (règlement CE 515 de 1997) ou sur la convention de Naples. En fait, les échanges de renseignements s'exercent sur la base des recommandations de l'OMD lorsque les deux Etats ne sont liés par aucun texte spécifique.

L'annexe X relative à la lutte contre la contrebande de stupéfiants et de substances psychotropes

L'administration des douanes souhaite depuis longtemps l'adhésion à cette annexe, afin de développer l'échange d'information dans le domaine de la lutte contre les stupéfiants, qui constitue une de ses missions prioritaires. On soulignera que les services douaniers saisissent selon les années entre 75 et 80 % de la totalité des quantités de stupéfiants saisis en France par l'ensemble des services répressifs.

L'annexe comporte les dispositions contenues dans la recommandation adoptée par l'OMD le 8 juin 1971 et relative au trafic de stupéfiants, acceptée par la France. Elle s'applique à la contrebande de stupéfiants mais aussi, dans la mesure où les administrations douanières sont compétentes, aux opérations financières liées à cette contrebande.

Elle reprend en fait des éléments de la coopération qui figurent déjà dans l'annexe 1, comme l'assistance spontanée, et dans l'annexe 9, comme la centralisation des renseignements auprès du Secrétariat général de l'OMD. Elle reprend en outre des moyens de coopération décrits dans les autres annexes non acceptées par la France sur un plan général mais qui le seront dans le cadre particulier de la lutte contre le trafic de drogue : la demande d'assistance pour une surveillance spéciale pendant une période déterminée, les enquêtes effectuées pour le compte d'un autre pays, la possibilité pour un agent des douanes de témoigner devant les tribunaux d'un autre Etat, ou encore la possibilité d'assister et même de participer à des enquêtes à l'étranger.

L'annexe comporte une garantie de sécurité équivalente à celle de la France dans la mesure où la grande majorité des Etats membres de l'OMD signataires de la convention ont par ailleurs adhéré à la convention de Vienne de 1988 sur le trafic de stupéfiants élaborée sous l'égide des Nations Unies. Cette dernière intègre l'annexe X de la convention de Nairobi en la considérant comme l'un des moyens de sa propre application. La convention de Vienne mentionne évidemment des techniques de coopération plus récentes comme l'échange d'agents de liaison ou les livraisons surveillées.

2) Les réserves formulées

Certaines dispositions de la convention ont longtemps posé des difficultés juridiques à la France : ainsi l'article 2, §2 relatif au champ d'application de la convention qui indique que « l'administration douanière d'une Partie contractante peut demander l'assistance mutuelle (...) dans le cadre d'une procédure judiciaire (...) ». La première réserve a pour objet de faire prévaloir les procédures d'entraide judiciaire internationale sur celles de l'assistance administrative dans le cas d'infraction douanière faisant l'objet de poursuites pénales, selon les principes de notre droit. La disposition de la convention ne peut être appliquée en France, dans la mesure où les agents des douanes n'ont pas la qualité d'officier de police judiciaire et ne peuvent intervenir dès lors qu'une information judiciaire est ouverte.

En vertu de la deuxième réserve, la France s'interdit de verser des données nominatives concernant les personnes physiques dans le système d'information centralisé mis en place par l'annexe IX. Les services douaniers français n'utiliseront pas non plus de telles données lors de l'échange d'informations avec l'OMD. Cette réserve permet de rendre compatible l'engagement multilatéral pris par la France avec les exigences de la loi « informatique et libertés », le niveau de protection des données personnelles prévu par la convention de Nairobi n'étant pas suffisant.

Les informations transmises jusqu'à présent par notre administration à l'OMD, sur la base des recommandations déjà mentionnées, ne sont pas nominatives et ne visent pas expressément des personnes physiques ou morales. Seules des informations relatives aux éléments matériels des infractions constatées par les douanes sont transmises : le nombre de personnes interpellées, la nature et la quantité des saisies de stupéfiants, la contrebande de cigarettes, les infractions à la convention CITES, ou les tendances de la fraude. La douane française transmet en moyenne entre 500 et 600 informations par an à l'OMD.

Le Secrétariat général de l'organisation effectue la synthèse des renseignements stratégiques obtenus de chaque pays - tendances de la fraude, flux de fraudes connus, nouvelles zones de production de drogues, itinéraires, caches utilisées - et diffuse à l'ensemble des douanes ces données générales qui permettront de mieux cibler les contrôles.

CONCLUSION

L'adhésion de notre pays à la Convention de Nairobi ne peut qu'être approuvée, car elle comble une lacune du dispositif juridique existant au plan multilatéral, bien que, comme on l'a vu c'est au plan bilatéral que les moyens juridiques de la coopération apparaissent les plus précis et les plus complets.

L'acceptation de l'annexe X relative à la lutte contre le trafic de stupéfiants représente un signal important en direction des autres Etats non encore parties à la convention. L'évolution vers des mécanismes de coopération systématiques est d'autant plus essentielle et indispensable que les tendances montrent que l'offre de stupéfiants est en croissance continue et s'universalise, dépassant les régions de production traditionnelles pour gagner les anciens pays de l'Est, par exemple, participant au fort développement des drogues de synthèse. Les marchés se diversifient également et la consommation touche désormais toutes les régions du monde, ce qui rend nécessaire l'implication du plus grand nombre d'Etats possibles dans la lutte contre ce trafic.

On peut s'interroger sur le fait que la France n'accepte pas l'annexe XI relative à la lutte contre la contrebande d'objets d'art et d'antiquités, alors que notre pays a ratifié la convention de l'Unesco de 1970 et s'apprête par ailleurs à ratifier la convention d'Unidroit de 1995 sur les biens culturels volés ou illicitement exportés (qui concerne tous les biens culturels au sens large).

Il semble que cette réserve vienne de ce que les douanes n'ont qu'une compétence limitée en matière de biens culturels par rapport à la police nationale : l'autorité centrale définie pour la France dans le cadre de la coopération européenne, par exemple, est l'Office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC) du Ministère de l'Intérieur. De ce fait et compte tenu du nombre faible de constations réalisées par la douane en matière de biens culturels (une quarantaine par an), il n'a pas été jugé utile de conférer de compétence supplémentaire à la douane. A ces raisons pourrait aussi s'ajouter la réticence d'être lié sur un plan multilatéral par les dispositions à caractère automatique de la convention.

En conclusion, votre Rapporteur vous propose d'adopter le présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 29 novembre 2000.

Après l'exposé du Rapporteur, le Président François Loncle a remarqué que l'augmentation des quantités de stupéfiants saisies s'expliquait certainement par une augmentation du trafic mais aussi par des procédures de recherche et de contrôle plus efficaces.

M. Charles Ehrmann a souhaité que cette question du trafic de drogue soit mise en exergue de façon plus dramatique car son expérience d'ancien élu lui permet de constater combien la consommation de drogue s'est répandue dans les établissements d'enseignement secondaire de son département ; dans les lieux de divertissement, c'est l'ecstasy qui est consommé avec des conséquences tragiques. Cette question de société très importante n'est pas suffisamment prise en compte, car l'on semble préférer fermer les yeux pour éviter de trop savoir.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (no 2175).

*

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La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 2175).


© Assemblée nationale