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le 11 décembre 2000

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N° 2784

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 6 décembre 2000

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES, FAMILIALES ET SOCIALES(1) SUR LA PROPOSITION DE LOI de M. Alain Bocquet (n° 2737) tendant à créer une allocation d'autonomie pour les jeunes de 16 à 25 ans,

PAR M. Patrick MALAVIEILLE,

Député.

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Jeunes.

La Commission des affaires culturelles, familiales et sociales est composée de : M. Jean Le Garrec, président ; M. Jean-Michel Dubernard, M. Jean-Paul Durieux, M. Maxime Gremetz, M. Édouard Landrain, vice-présidents ; M. André Aschieri, Mme Odette Grzegrzulka, M. Denis Jacquat, M. Patrice Martin-Lalande, secrétaires ; M. Bernard Accoyer, Mme Sylvie Andrieux-Bacquet, M. Gautier Audinot, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, M. Jean-Paul Bacquet, M. Jean-Pierre Baeumler, M. Pierre-Christophe Baguet, M. Jean Bardet, M. Jean-Claude Bateux, M. Jean-Claude Beauchaud, Mme Huguette Bello, Mme Yvette Benayoun-Nakache, M. Serge Blisko, M. Patrick Bloche, Mme Marie-Thérèse Boisseau, M. Jean-Claude Boulard, M. Bruno Bourg-Broc, Mme Danielle Bousquet, Mme Christine Boutin, M. Jean-Paul Bret, M. Victor Brial, M. Yves Bur, M. Alain Calmat, M. Pierre Carassus, M. Pierre Cardo, Mme Odette Casanova, M. Laurent Cathala, M. Jean-Charles Cavaillé, M. Bernard Charles, M. Michel Charzat, M. Jean-Marc Chavanne, M. Jean-Pierre Chevènement, M. Jean-François Chossy, Mme Marie-Françoise Clergeau, M. Georges Colombier, M. René Couanau, Mme Martine David, M. Bernard Davoine, M. Bernard Deflesselles, M. Lucien Degauchy, M. Marcel Dehoux, M. Jean Delobel, M. Jean-Jacques Denis, M. Dominique Dord, Mme Brigitte Douay, M. Guy Drut, M. Nicolas Dupont-Aignan, M  Yves Durand, M. René Dutin, M. Christian Estrosi, M. Michel Etiévant, M. Claude Evin, M. Jean Falala, M. Jean-Pierre Foucher, M. Michel Françaix, Mme Jacqueline Fraysse, M. Germain Gengenwin, Mme Catherine Génisson, M. Jean-Marie Geveaux, M. Jean-Pierre Giran, M. Michel Giraud, M. Gaétan Gorce, M. François Goulard, M. Gérard Grignon, M. Jean-Claude Guibal, Mme Paulette Guinchard-Kunstler, M. Francis Hammel, M. Pierre Hellier, M. Michel Herbillon, M. Guy Hermier, Mme Françoise Imbert, Mme Muguette Jacquaint, M  Serge Janquin, M. Jacky Jaulneau, M. Patrick Jeanne, M. Armand Jung, M. Bertrand Kern, M. Christian Kert, M. Jacques Kossowski, Mme Conchita Lacuey, M. Jacques Lafleur, M. Robert Lamy, M. Pierre Lasbordes, M. André Lebrun, M.Michel Lefait, M. Maurice Leroy, M. Patrick Leroy, M. Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Gérard Lindeperg, M. Lionnel Luca, M. Patrick Malavieille, M. Alfred Marie-Jeanne, Mme Jacqueline Mathieu-Obadia, M. Didier Mathus, M. Jean-François Mattei, M. Pierre Menjucq, Mme Hélène Mignon, M. Pierre Morange, M. Hervé Morin, M. Renaud Muselier, M. Philippe Nauche, M. Henri Nayrou, M. Alain Néri, M. Yves Nicolin, M. Bernard Outin, M. Dominique Paillé, M. Michel Pajon, M. Jean-Pierre Pernot, M. Bernard Perrut, M. Pierre Petit, Mme Catherine Picard, M. Jean Pontier, M. Jean-Luc Préel, M. Alfred Recours, M. Gilles de Robien, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Marcel Rogemont, M. Yves Rome, M. Joseph Rossignol, M. Jean Rouger, M. Rudy Salles, M. André Schneider, M. Bernard Schreiner, M. Michel Tamaya, M. Pascal Terrasse, M. Gérard Terrier, Mme Marisol Touraine, M. Anicet Turinay, M. Jean Ueberschlag, M. Jean Valleix, M. Alain Veyret, M. Philippe de Villiers, M. Philippe Vuilque, Mme Marie-Jo Zimmermann.

INTRODUCTION 5

I.- LE DIFFICILE ACCÈS DES JEUNES À L'AUTONOMIE 7

A. L'AUTONOMIE NIÉE DE JEUNES CONFRONTÉS AU RISQUE D'EXCLUSION 7

1. Le handicap spécifique des jeunes non diplômés 7

2. Des jeunes en rupture privés de tout filet social 8

B. L'AUTONOMIE CONTRARIÉE DES JEUNES EN PHASE D'INTÉGRATION 8

1. L'entrée des jeunes dans la vie active demeure marquée par la précarité 9

2. La logique des dispositifs existants ne répond pas au besoin d'autonomie 10

3. Le plan social étudiant ne constitue qu'une première étape 14

II.- GARANTIR UNE VÉRITABLE AUTONOMIE AUX JEUNES ADULTES 19

A. UN DOUBLE OBJECTIF 19

1. Définir un droit nouveau 19

2. Accompagner les projets 20

B. LE DISPOSITIF DE LA PROPOSITION DE LOI 20

1. Une obligation à terme : créer une allocation d'autonomie 20

2. La nécessité immédiate : mettre en _uvre la concertation et l'expérimentation 21

TRAVAUX DE LA COMMISSION 23

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE 23

II.- EXAMEN DES ARTICLES 27

Article premier : Création d'une allocation d'autonomie 27

Article 2 : Compensation des dépenses 27

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 29

INTRODUCTION

Qu'est-ce que l'autonomie ? Les jeunes accèdent à l'indépendance matérielle à des rythmes très variables selon les pays d'Europe. Très lent dans les pays méditerranéens, l'accès à l'indépendance des jeunes est beaucoup plus rapide dans les pays anglo-saxons et nordiques. Tout en occupant une position intermédiaire, la France accuse un profil assez typé, mis en lumière par l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale, par rapport à d'autres pays européens.

Dans notre pays, les jeunes sont relativement précoces pour occuper un logement différent de celui de leurs parents et vivre en couple, mais ils le sont beaucoup moins pour avoir un travail stable et des revenus autonomes. C'est dire si la question de l'accès à l'emploi se pose de manière spécifique pour les jeunes de 16 à 25 ans. C'est essentiellement la solidarité familiale complétée par des aides publiques qui permet aux jeunes de s'émanciper partiellement avant d'être totalement maîtres de leurs ressources.

Au surplus, depuis le début des années 1990, la pauvreté des jeunes a augmenté plus vite que celle de la population moyenne, à tel point que les jeunes sont plus fréquemment pauvres que dans les années 1970 et que les inégalités entre générations deviennent un des facteurs de clivage principaux de la société française. Cet ensemble de discriminations, souligné par l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale, est porteur de deux conséquences également inacceptables pour la société française : non seulement elles conduisent à renforcer les phénomènes d'exclusion et à sacrifier une génération sur l'autel de la précarité de l'emploi, mais encore elles menacent le maintien de la cohésion sociale.

Or le passage à l'âge adulte est un moment de fragilité puisque l'on change d'état dans les domaines fondamentaux de la vie : résidentiel, économique, affectif. Cette traversée comporte évidemment des risques qui affectent plus particulièrement certaines catégories de jeunes.

En outre, la période de formation et de transition, qui s'est considérablement allongée, place les jeunes dans une situation de dépendance de plus en plus inconfortable. D'autant plus que la formation s'apparente le plus souvent à un processus complexe constitué d'allers et de retours entre des périodes d'activité professionnelle.

C'est afin d'y remédier, d'améliorer les conditions de vie des jeunes et d'engager une démarche en faveur de leur autonomie que le groupe communiste a déposé le 21 novembre 2000 sur le bureau de l'Assemblée nationale la présente proposition de loi. Il convient d'ailleurs de relever que l'engagement en faveur de l'autonomie des jeunes de 16 à 25 ans est celui de l'ensemble de la majorité plurielle : il figure parmi les objectifs contenus dans la déclaration commune adoptée lors du sommet de la gauche plurielle le 7 novembre 2000.

I.- LE DIFFICILE ACCÈS DES JEUNES À L'AUTONOMIE

Si les problèmes d'autonomie frappent bien évidemment les jeunes non diplômés, victimes en tout premier lieu des phénomènes d'exclusion, force est de constater que les jeunes en phase d'intégration rencontrent également des difficultés pour parvenir à l'indépendance financière, résidentielle et professionnelle.

A. L'AUTONOMIE NIÉE DE JEUNES CONFRONTÉS AU RISQUE D'EXCLUSION

1. Le handicap spécifique des jeunes non diplômés

L'accès à l'indépendance constitue en France une épreuve particulièrement difficile pour les jeunes qui sortent du système éducatif sans diplôme.

Selon une étude réalisée pour l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale, sur 146 000 jeunes ayant quitté le système éducatif en 1992 sans qualification - soit 27 % des jeunes sortis du système éducatif, moins de la moitié est parvenue à une situation d'autonomie (travail stable ou logement indépendant) cinq ans plus tard. En revanche, 21 % d'entre eux sont des dépendants, c'est-à-dire exclus du marché du travail et dépendant de leurs parents pour leur logement comme pour leur subsistance. Or ces jeunes qui sont pour les deux tiers des garçons, proviennent majoritairement de familles nombreuses, souvent issues de l'immigration et de milieu ouvrier non qualifié.

Il faut souligner, en outre, que la baisse récente du chômage ne profite bien évidemment pas de manière identique à l'ensemble des jeunes. Elle bénéficie en réalité aux seuls titulaires d'un diplôme au moins égal au baccalauréat. Ainsi 11 % des 15-29 ans titulaires d'un diplôme de l'enseignement supérieur sont en 1999 au chômage contre 35 % des jeunes actifs sans qualification.

Lorsque le soutien familial ne peut pas ou ne peut plus jouer son rôle et subvenir à leurs besoins, ces jeunes se trouvent fatalement confrontés au risque de l'exclusion.

2. Des jeunes en rupture privés de tout filet social

Il ressort de l'enquête emploi de l'INSEE qu'en 1999, 80 000 jeunes âgés de 15 à 29 ans se trouvent dans une situation d'isolement et d'absence de ressources.

L'Observatoire national de la pauvreté relève que « les jeunes peu nombreux parmi les bénéficiaires des minima sociaux ne vont pas spontanément rencontrer les CCAS, les services d'action sociale départementale ou les CAF. De ce fait ils sont peu nombreux à avoir bénéficié du fonds d'urgence sociale et ils sont absents des commissions d'action sociale d'urgence. Celles-ci les orientent systématiquement vers les missions locales et les permanences d'accueil, d'information et d'orientation mais une partie d'entre eux ne font pas cette démarche. »

Le cloisonnement de nos dispositifs ne permet pas de venir en aide à ces jeunes qui sont actuellement en dehors du système. Ainsi que le souligne l'Observatoire national de la pauvreté, « les dispositifs montés dans le champ de l'action sociale pour le logement sont accessibles aux « précaires les plus stables » ; les missions locales tentent de définir un projet, or une partie des jeunes n'en sont pas à ce stade ; les CHRS sont débordés par l'afflux de demandes ; les dispositifs d'accueil « à bas seuils d'exigence » ne peuvent offrir plus qu'un accueil temporaire. »

Ce phénomène, inadmissible dans une société qui a su retrouver le chemin de la croissance, conduit le Commissariat général du Plan1 à proposer la mise en place d'une mesure radicale consistant en un filet de sécurité accompagné d'un accompagnement social. Un droit résiduel à une « allocation jeune isolé » serait ainsi ouvert aux jeunes isolés et ne bénéficiant d'aucune autre prise en charge.

B. L'AUTONOMIE CONTRARIÉE DES JEUNES EN PHASE D'INTÉGRATION

Malgré l'amélioration de la situation de l'emploi, qui profite aux jeunes, particulièrement depuis l'été 1999, le taux de chômage des 15-24 ans demeure indéniablement trop élevé. Il affecte 17 % des jeunes actifs, ce qui représente près du double du taux de chômage adulte et culmine à près de 40 % chez les jeunes actifs de 20 ans. De plus, les jeunes, compte tenu du type d'emplois qu'ils sont bien souvent amenés à occuper, sont plus sensibles aux variations conjoncturelles du chômage que leurs aînés.

1. L'entrée des jeunes dans la vie active demeure marquée par la précarité

L'emploi des jeunes est placé sous le signe d'une aggravation de la précarité : en effet si en janvier 1999, 30 % des 15-29 ans en activité occupaient un emploi à durée limitée (contrat à durée déterminée, intérim, apprentissage et emploi aidé), ils sont près d'un sur deux (48,9 %) dans ce cas en mars 2000. A titre de comparaison, ce type d'emploi occupe à cette dernière date 7,6 % des salariés adultes. Quant au travail à temps partiel qui a fortement progressé au cours des années 1990, il concerne près de 20 % des jeunes en 1999 et il est plus souvent subi que parmi la population active adulte. Enfin, la baisse du chômage des moins de 25 ans s'est fortement appuyée sur le redémarrage de l'emploi intérimaire à partir de l'automne 1999. Les jeunes sont les cobayes des nouvelles conditions d'emploi et de travail, et n'ont pas la possibilité de les refuser.

Statuts d'emploi selon l'âge en janvier 1990 et janvier 1999

en %

 

15 - 29 ans

30 ans ou plus

 

1999

1990

1999

1990

 

Hommes

Femmes

Ensemble

Ensemble

Hommes

Femmes

Ensemble

Ensemble

Privé (y compris entreprises publiques)

86,2

75,9

81,6

81,2

81,5

67,4

75,2

74,6

Public (État, collectivités locales)

13,8

24,1

18,4

18,8

18,5

32,6

24,8

25,4

Salariés

95,1

97,7

96,3

93,8

82,8

89,5

85,8

81,3

dont :

               

Contrats à durée indéterminée

64,9

68,3

66,5

73,2

78,2

82,8

80,2

78,4

Contrats à durée déterminée

               

et emplois aidés

14,7

22,3

18,1

13,9

3,2

6,0

4,5

2,3

Intérim

7,3

3,4

5,5

2,6

1,4

0,7

1,1

0,6

Apprentis

8,2

3,7

6,2

4,1

0,0

0,0

0,0

0,0

Non salariés

4,9

2,3

3,7

6,2

17,2

10,5

14,2

18,7

Temps plein

89,8

69,2

80,5

86,6

95,5

68,1

83,3

88,5

Temps partiel

10,2

30,8

19,5

13,4

4,5

31,9

16,7

11,5

dont temps partiel subi

5,3

17,9

10,9

6,6

2,0

9,6

5,4

2,7

                 

Emploi total (en milliers)

2 458

1 994

4 452

5 438

10 155

8 205

18 360

16 500

Source : Insee, enquêtes Emploi.

Cette précarisation de l'emploi conduit à ce que les jeunes qui occupent des emplois de trop courte durée, entrecoupés de périodes de chômage récurrent ne soient pas indemnisés par l'assurance chômage. Les jeunes, à la recherche d'un premier emploi, ne sont naturellement pas davantage indemnisés au titre de l'assurance chômage et les titulaires d'un diplôme professionnel ont été exclus en 1992 du bénéfice de l'allocation d'insertion. Il en résulte qu'en l'absence de perspective stable, leur progression sur la voie de l'autonomie s'en trouve considérablement contrariée : non seulement il leur est impossible de réunir les conditions nécessaires à l'octroi d'un crédit bancaire, mais ils éprouvent de réelles difficultés à trouver un logement.

2. La logique des dispositifs existants ne répond pas au besoin d'autonomie

De nombreux dispositifs d'aide à la qualification et au premier emploi s'adressent prioritairement ou exclusivement aux jeunes. Depuis 1990, le nombre d'emplois aidés pour les jeunes a progressé de 60 %. Ces emplois concernent près de 40 % des jeunes actifs de 16 à 25 ans fin 1998.

On peut se demander si la logique des dispositifs actuels vise réellement à favoriser la construction de l'autonomie personnelle et professionnelle, même si la mise en place du programme TRACE et des emplois-jeunes contribue de manière positive à l'insertion des jeunes sur le marché du travail.

a) Les dispositifs traditionnels d'aide à l'emploi

Durant l'année 1998, près de 550 000 jeunes ont été accueillis dans le secteur marchand, dont les trois quarts en formation en alternance (contrat d'apprentissage, d'orientation, de qualification, d'adaptation). Censés répondre aux besoins des jeunes, ces dispositifs sollicitent les entreprises par une baisse du coût de travail du jeune en échange d'une qualification. A qui bénéficie l'avantage financier quand il est accordé à l'employeur ? Trop nombreuses sont les entreprise qui profitent de l'effet d'aubaine de cette main d'_uvre à bas prix. Trop peu d'entre elles, en revanche, mettent réellement les moyens de la formation. Le niveau des rémunérations consenties au titre de ces formations est en outre insuffisant pour procurer au jeune l'autonomie que lui offrirait un emploi stable et dûment rémunéré.

Près de 200 000 jeunes sont entrés en 1998 dans un des dispositifs du secteur non marchand. Par ailleurs, le nombre d'entrées en stages de formation concerne environ 200 000 jeunes par an. S'agissant des stages publics, on a souvent constaté que l'offre de places de stages répondait davantage à un objectif statistique de régulation des chiffres du chômage qu'à des objectifs identifiés de qualification des jeunes.

Principaux dispositifs de la politique d'emploi qui accueillent des jeunes de 16 à 25 ans en 1998

 

Nombre de jeunes accueillis en 1998 (entrées)

Effectif des jeunes présents au 31 décembre 1998

Part des jeunes dans le total des entrées (en %)

Dispositifs du secteur marchand

543 000

843 000

55

Contrat d'apprentissage

211 000

352 000

100

Contrat de qualification, d'adaptation

     

et d'orientation

180 000

192 000

100

Abattement temps partiel

90 000

193 000

41

Exonération premier salarié

21 000

27 000

24

Contrat initiative-emploi (CIE)

41 000

79 000

21

Dispositifs du secteur non marchand

206 000

159 000

35

Contrat emplois-jeunes 2

80 000

80 000

80

Contrat emploi-solidarité (CES)

108 000

61 000

24

Contrat emploi-consolidé (CEC)

11 000

11 000

11

Contrat emploi-ville (CEV)

7 000

7 000

100

Stages

210 000

42 000

50

Stages jeunes financés par l'Etat

38 000

7 000

100

Stages jeunes financés par les régions

155 000

30 000

100

Stages d'accès à l'emploi (SAE)

12 000

3 000

37

Stages d'insertion et de formation en entreprise (SIFE)

5 000

2 000

3

       

Ensemble

959 000

1 044 000

50

       

Source : ministère de l'Emploi et de la Solidarité, Dares.

b) Le programme TRACE

Le programme TRACE (trajectoires d'accès à l'emploi des jeunes) créé en 1998 par la loi relative à la prévention et à la lutte contre les exclusions qui vise à organiser un parcours individualisé d'insertion professionnelle sur une période de 18 mois pour les jeunes sortis du système scolaire sans qualification ou qui ne peuvent accéder directement à un emploi ou à une formation qualifiante répond dans son esprit à la nécessité d'accompagner les jeunes les plus en difficulté dans la voie de la conquête de leur autonomie. A la fin de1999, plus de 42 000 jeunes âgés en moyenne de 21 ans étaient entrés dans le dispositif Trace.

Si l'on considère l'évolution de la situation professionnelle des jeunes concernés au cours du programme, les résultats sont encourageants : en décembre 1999, plus de la moitié des jeunes bénéficiaires du programme étaient en emploi ou en formation. L'appréciation portée par les jeunes eux-mêmes est positive, notamment en ce qui concerne l'individualisation de la relation entre jeunes et référents au sein des missions locales ou des PAIO et la réouverture d'un droit à la formation.

Les jeunes accueillis dans ce programme perçoivent une rémunération s'ils effectuent un stage de formation ou exercent une activité salariée. Des actions d'insertion sociale ou des aides ponctuelles peuvent néanmoins être mises en _uvre, avec en particulier le concours des fonds départementaux d'aide au jeune (FAJ) financés à parité par l'Etat et les conseils généraux qui délivrent des aides d'urgence en cas de difficultés matérielles particulières. A la suite de leur entrée dans le dispositif, près de deux jeunes sur trois ont sollicité une aide, pour l'essentiel d'ordre financier. Viennent ensuite les demandes d'aide en matière de santé et de logement. Il est tout à fait regrettable à cet égard que les crédits prévus au titre de la contribution de l'Etat au programme Trace aient fait l'objet d'un redéploiement budgétaire en cours d'année.

D'une manière plus générale, outre l'octroi d'un secours financier d'urgence, le FAJ a pour mission d'attribuer une aide financière liée à un projet d'insertion et de proposer un accompagnement social adapté. Il apparaît cependant que l'utilisation des fonds varie sensiblement d'un département à l'autre et qu'ils ne sont pas toujours suffisamment mobilisés, alors qu'il s'agit d'une dépense obligatoire pour les conseils généraux.

Selon l'Observatoire national de la pauvreté, pour un nombre de demandes de l'ordre de 170 000 en 1999, 115 000 jeunes ont obtenu une aide du FAJ en 1999 pour la première fois, un tiers d'entre eux ayant bénéficié du renouvellement de cette aide en cours d'année. Au moment de la demande, un jeune sur deux ne disposait d'aucune ressource. Si 43 % des bénéficiaires vivaient encore chez leurs parents, 13 % n'avaient pas de logement stable. En situation de grande précarité, ces jeunes sortis du système scolaire depuis plus longtemps que les autres, faiblement qualifiés et rarement inscrits à l'ANPE, sollicitent le FAJ pour survivre.

c) Les emplois - jeunes

Le programme des emplois-jeunes adopté par le Parlement avec le soutien de la majorité plurielle en 1997 constitue incontestablement un volet positif de l'aide à l'emploi des jeunes de moins de 26 ans. A la fin août 2000, 254 500 emplois avaient été créés et donné lieu à 263 800 embauches. Les nouveaux services créés, qui s'inscrivent le plus souvent dans une perspective de solidarité et de citoyenneté, permettent à des jeunes - pour les deux tiers à la recherche d'un emploi avant leur recrutement, d'accéder pour une période durable à l'indépendance que procure un vrai salaire et de se projeter dans une démarche de professionnalisation.

Sur le plan macro-économique, au vu de l'évolution du chômage, les emplois-jeunes démontrent, s'il en était encore besoin, les vertus de l'emploi public ou des emplois financés sur fonds publics. Il est donc souhaitable d'atteindre l'objectif de 350 000 emplois-jeunes dans le secteur public.

C'est pour cet ensemble de raisons que la question de la pérennisation des emplois créés se pose aujourd'hui avec acuité. De même que le maintien à leur poste des jeunes embauchés. D'autant que dans les domaines couverts par le monde associatif, tel que le domaine sportif, la solvabilisation des services concernés est tout à fait envisageable. Pourquoi ne pas imaginer en particulier le financement d'emplois-jeunes pour le secteur privé ?

3. Le plan social étudiant ne constitue qu'une première étape

a) La pauvreté étudiante : une réalité

La majorité des quelque 2 100 000 étudiants sont caractérisés par une dépendance forte et durable par rapport à leur famille. Selon le rapport de M. Dauriac publié au début de l'année 2000, l'accès croissant à l'université de jeunes issus de milieux défavorisés conduit à estimer « à près de 100 000 le nombre potentiel d'étudiants qui vivent en dessous du seuil de pauvreté. » Ce chiffre est déduit du nombre d'étudiants titulaires d'une bourse de 5ème échelon - 170 000 - dont les parents gagnent ensemble moins de 6 000 francs par mois et dont la bourse annuelle est de 20 682 francs.

Il est incontestable qu'un tel niveau de revenus des parents leur interdit d'aider matériellement leur enfant étudiant ; or le montant des bourses n'assure aux étudiants qu'un revenu bien inférieur au seuil de pauvreté.

Selon l'Observatoire de la vie étudiante, 4,7 % des étudiants, affrontés à une grave insuffisance de ressources ont sollicité en 1997 une aide sociale exceptionnelle. Pour près de la moitié d'entre eux, les parents ont un revenu mensuel inférieur à 10 000 francs. Il s'agit principalement d'étudiants âgés entre 23 et 25 ans, qui ont pris du retard dans leurs études.

La proportion d'étudiants en situation de pauvreté chronique est estimée à 1,5 % des étudiants, soit 23 000 personnes, par l'Observatoire de la vie étudiante, qui nuance ce taux en apparence peu élevé en précisant que « si les étudiants sont rarement très pauvres, c'est parce que les très pauvres deviennent rarement étudiants », ce qui renvoie au débat plus général concernant les moyens d'assurer un accès plus démocratique à l'enseignement supérieur.

De plus, l'exercice d'une activité rémunérée par les étudiants influence le choix du type d'études. Le rapport Grignon note à cet égard que les étudiants contraints de travailler par manque de ressources (et qui ne font pas obligatoirement partie des 23 000 identifiés comme pauvres) sont pratiquement exclus des filières d'études les plus prestigieuses incompatibles avec l'exercice d'un travail rémunéré. Selon l'Observatoire de la vie étudiante, les étudiants « assujettis à un travail rétribué susceptible de compromettre leurs études » représenteraient 6,8 % de l'effectif étudiant, soit 110 000 étudiants.

Outre la population étudiante recensée comme pauvre, un certain nombre d'étudiants se trouvent dans une situation précaire, qui les contraint à exercer un travail sans rapport avec l'objet de leurs études et accroît les risques d'échec ou d'abandon.

b) Les aides nouvelles : un effort à amplifier

Les bourses, qui sont des prestations versées sous conditions de ressources, constituent un moyen de rééquilibrer un dispositif d'aides qui, par le jeu des aides fiscales et des aides au logement, est largement antiredistributif.

M. Bernard Cieutat, conseiller maître à la Cour des comptes, a mis en lumière, dans un rapport de décembre 1996, les effets pervers des mécanismes d'aide aux étudiants en montrant que « l'étudiant issu d'une famille déclarant plus d'un million de francs de revenus salariaux est davantage aidé que celui d'une famille touchant le SMIC, et près de deux fois plus que celui d'une famille déclarant un salaire net de 140 000 francs. Cette inégalité augmente avec la taille de la famille : ainsi, pour une famille de trois enfants dont un étudiant, percevant un salaire net de plus de 800 000 francs, l'aide dépasse 47 000 francs, alors qu'elle n'atteint pas 13 000 francs pour un salaire net de 140 000 francs. » Les familles aux revenus moyens sont celles qui sont le moins aidées.

Les mesures prises dans le cadre du plan social étudiant décidé en 1998 ont pour objectif principal d'accroître le pourcentage d'étudiants aidés tout en privilégiant les plus défavorisés d'entre eux. Le plan social étudiant s'est en effet traduit par un relèvement substantiel du plafond de ressources ouvrant droit à bourse et par une revalorisation de leur taux. Une bourse de cycle, allouée sur critères sociaux pour une durée égale à celle du cycle d'études et pouvant être maintenue pour une année en cas d'échec a également été instituée.

De fait, le nombre d'étudiants bénéficiaires de bourses a progressé, passant de 24 % d'étudiants aidés en 1998, à 29 % en 2000 et 30 % prévus en 2001. Le nombre de titulaires de bourses sur critères sociaux est passé de 351 920 étudiants pour l'année 1997-1998 à 430 465 pour l'année 1999-2000.

Il n'en demeure pas moins que ce dispositif pourrait être amélioré, dans le sens d'une plus grande autonomie personnelle des étudiants.

En effet l'allocation d'études présentée à la fois comme un moyen de répondre à des situations de précarité survenant en cours d'année, mais aussi comme un moyen de faire face « à toute réalité se traduisant par une situation d'autonomie » a connu une mise en _uvre difficile qui s'est traduite par une sous-utilisation des allocations et des fonds disponibles. Ce relatif insuccès tient davantage à la difficulté pour les rectorats d'appréhender un critère nouveau tel que la demande d'autonomie qu'à l'absence de besoins des étudiants.

Par ailleurs, il convient d'augmenter le nombre de bourses accordées aux étudiants de 2ème et 3ème cycles, dont l'âge implique une plus grande indépendance vis-à-vis du milieu familial, afin d'en démocratiser davantage l'accès.

Situation des jeunes de 15 à 29 ans en janvier 1999

Sexe et âge

Effectifs

(en milliers)

Taux d'activité (en %)

Taux de scolarité

(en %)

(b)

Taux d'inactivité non scolaire (en %) (c)

Ensemble (en %) (a)+(b)+(c)

   

Total (a)

Dont taux d'emploi

Dont part de chômage

Dont contingent

     
       

Dont études3

         

Hommes de 15 à 29 ans

15-19 ans

20-24 ans

25-29 ans

5 903

1 994

1 819

2 090

52,8

11,1

55,2

90,5

41,6

8,7

37,0

77,3

5,5

7,3

6,4

3,1

9,3

2,4

13,6

12,0

1,9

0,0

4,6

1,2

44,8

87,6

41,8

6,5

2,4

1,3

3,0

3,0

100,0

100,0

100,0

100,0

Femmes de 15 à 29 ans

15-19 ans

20-24 ans

25-29 ans

5 830

1 914

1 820

2 096

43,9

5,3

44,8

78,2

34,2

3,4

31,8

64,4

3,9

2,6

6,0

3,3

9,7

1,9

13,0

13,8

-

-

-

-

48,0

93,3

47,8

6,7

8,1

1,4

7,4

15,1

100,0

100,0

100,0

100,0

Ensemble des 15-29 ans

15-19 ans

20-24 ans

25-29 ans

11 733

3 908

3 639

4 186

48,4

8,3

50,0

84,4

37,9

6,1

34,1

70,9

4,7

5,0

6,2

3,2

9,5

2,2

13,3

12,9

1,0

0,0

2,3

0,6

46,3

90,4

44,8

6,6

5,3

1,3

5,2

9,0

100,0

100,0

100,0

100,0

II.- GARANTIR UNE VÉRITABLE AUTONOMIE AUX JEUNES ADULTES

Il ressort de l'analyse précédente que l'ensemble des dispositifs existants en France, caractérisés par leur cloisonnement, ne parviennent pas à apporter une réponse globale à la question de l'autonomie. Il est donc temps pour le législateur de prendre en compte, d'une part, l'évolution des modes de vie et, d'autre part, la relation à la formation et les conditions d'accès à l'emploi, qui affectent la société en profondeur. Il s'agit de proposer une nouvelle approche qui garantisse aux jeunes un statut d'autonomie tout en encourageant ceux d'entre eux qui s'inscrivent dans une démarche de projet. Tels sont les objectifs de la proposition de loi présentée par M. Alain Bocquet.

A. UN DOUBLE OBJECTIF

1. Définir un droit nouveau

La proposition de loi garantit un droit, un droit de tirage individuel et universel à la formation, qu'il s'agisse de la formation initiale ou de la formation professionnelle, quel que soit le statut du jeune - étudiant, salarié, à la recherche d'un emploi, au lieu de répartir une offre dans le cadre d'une enveloppe limitative. Pour réparer les inégalités de la vie, ce droit pourrait être inversement proportionnel au niveau de sortie du système scolaire afin de donner une deuxième chance à ceux des jeunes qui l'ont quitté précocement. Ce droit pourrait également être utilisé comme un accompagnement à la mobilité professionnelle.

L'allocation que la proposition de loi vise à créer remédie à l'absence de dispositif lié à la personne : la déconnexion entre l'âge de fin des prestations familiales (20 ans) et celui du droit au revenu minimum d'insertion (25 ans, sauf cas de charges de famille) contribue à rendre dans notre pays très difficile, et souvent destructeur, le passage qui dans d'autres pays se fait directement d'une situation d'enfant à charge à celle d'adulte autonome. Loin de favoriser la rupture entre les jeunes et leur famille, cette allocation peut au contraire modifier la relation familiale dans le sens d'un plus grand respect mutuel. Première étape vers un revenu social garanti, elle correspond au besoin d'un statut social fondé sur la solidarité et non sur l'assistanat.

2. Accompagner les projets

L'ouverture de droits entraînant des obligations, il ne saurait s'agir d'attribuer une aide uniforme à l'ensemble des 16-25 ans, mais de donner à chaque jeune les moyens de se construire une identité individuelle et sociale par l'accès la formation en contrepartie d'un projet personnel. C'est pour cette raison que la proposition de loi souhaite encourager les jeunes qui s'inscrivent dans une démarche de projet, elle-même bénéfique à l'autonomie personnelle. Le dispositif « Défi jeunes », qui favorise l'émergence et la réalisation de projets par les 15-25 ans en leur apportant une aide financière assortie d'un accompagnement technique et pédagogique, connaît ainsi un succès croissant d'année en année.

Au surplus, l'expérience prouve que la société trouve grand profit à soutenir la capacité d'initiative des jeunes. Le programme des emplois-jeunes montre à cet égard combien ceux engagés dans ce dispositif ont su donner un sens à leur activité en contribuant eux-mêmes à la définition de nouveaux métiers répondant à de véritables besoins sociaux.

B. LE DISPOSITIF DE LA PROPOSITION DE LOI

1. Une obligation à terme : créer une allocation d'autonomie

La proposition vise à créer une allocation d'autonomie attribuée à tous les jeunes de 16 à 25 ans sur la base d'un projet personnel de formation et d'accès à l'emploi.

L'allocation est accordée dans le département du domicile de l'intéressé(e) par une commission, présidée par le préfet, comprenant des représentants du conseil départemental de la jeunesse et des personnalités qualifiées en vue d'assurer le maximum de concertation.

L'allocation peut être totale ou partielle, en fonction des ressources. Elle peut être versée en plusieurs fractions ou mensuellement à partir de l'agrément du projet.

Tel qu'il se présente, le dispositif renvoie à un décret le soin de préciser les conditions d'application de la loi, et notamment la procédure d'examen des projets, les conditions de ressources, le montant et la durée de versement de l'allocation. Il reste en effet à déterminer un certain nombre d'éléments qui sont en réalité essentiels pour la mise en _uvre de ce droit nouveau.

De ce fait, la proposition de loi pose un principe qui se transformera en obligation au terme d'une réflexion permettant d'appréhender la question de l'autonomie des jeunes dans sa globalité. Cette proposition de loi a pour effet de porter dès à présent le débat relatif à l'autonomie sur la place publique et d'engager ainsi l'ouverture d'un grand chantier.

2. La nécessité immédiate : mettre en _uvre la concertation et l'expérimentation

La grande diversité des situations des jeunes et des dispositifs d'aide existants conduit à privilégier dans un premier temps, dans un souci d'efficacité, un travail préalable d'étude et de consultation.

L'analyse sommaire de la question de l'autonomie des jeunes met en lumière la complexité des enjeux, la variété des politiques publiques concernées, notamment dans les domaines de l'éducation et de la formation, de l'emploi, de la famille, de la fiscalité, de la solidarité, du logement... et la multiplicité des acteurs impliqués (Etat, administrations déconcentrées, collectivités territoriales, partenaires sociaux, associations, ...etc.). Il est donc indispensable de se donner les moyens de la réflexion, de la concertation et de l'expérimentation afin de mieux définir l'équilibre et les contours de l'allocation envisagée. Il est également nécessaire d'évaluer les dispositifs qui procurent, à l'heure actuelle, certaines ressources propres aux jeunes adultes.

C'est pourquoi le rapporteur propose à la commission de substituer au dispositif initial de la proposition de loi la mise en place d'une commission nationale pour l'autonomie des jeunes.

Chargée de cette mission de réflexion au sens large, cette commission devra s'appuyer notamment sur le rapport sur l'ensemble des aides auxquelles ouvre droit la charge de jeunes adultes ainsi que sur celles qui leur sont directement versées, qui doit être remis avant la fin de l'année au Parlement. Ce rapport avait été demandé par un amendement inséré dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 (rapport annexé à l'article premier). Elle pourra prendre également en compte les travaux en cours du commissariat général du plan sur « les jeunes et les politiques publiques ».

Placée auprès du Premier ministre, elle aura, en outre, vocation, de par sa composition qui fait une large part au mouvement social et associatif, et son mode de fonctionnement, à procéder à toutes les consultations nécessaires. Sont particulièrement attendus la contribution et le témoignage des jeunes représentés en son sein, ainsi que la participation du Conseil national et des conseils départementaux de la jeunesse.

Ces conseils mis en place respectivement au niveau national et dans chaque département par la ministre de la jeunesse et des sports, par voie réglementaire en janvier 1998, constituent de réels espaces de démocratie participative. Le Conseil national de la jeunesse, présidé par la ministre de la jeunesse et des sports et composé d'une centaine de jeunes âgés de 16 à 25 ans, a en effet pour mission de formuler des avis sur toutes les questions relatives à la jeunesse. Il en va de même pour les conseils départementaux, placés sous l'autorité du préfet et compétents à l'échelon départemental. Outre une reconnaissance du législateur bien méritée, ces conseils ont donc une place naturelle dans le dispositif de la proposition de loi. Ils seront en particulier consultés dans les départements dans lesquels sera expérimentée l'allocation d'autonomie avant sa généralisation.

Le rapport remis par la commission nationale pour l'autonomie des jeunes permettra d'éclairer le Parlement qui devra être saisi à nouveau de la création de l'allocation d'autonomie.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission des affaires culturelles, familiales et sociales a examiné, sur le rapport de M. Patrick Malavieille, la proposition de loi au cours de sa séance du mercredi 6 décembre 2000.

I.- DISCUSSION GÉNÉRALE

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

Mme Muguette Jacquaint a relevé l'intérêt d'une question qui a déjà fait l'objet de différentes études. Outre la question de l'indépendance financière des jeunes, le problème de l'autonomie vis à vis des parents se pose également en matière de logement. Il y a un large accord sur l'idée que le RMI ne peut concerner la tranche d'âge 16-25 ans, car il ne saurait constituer une entrée satisfaisante dans la vie active. Cela étant, les difficultés des jeunes restent criantes. Dans ces conditions, il faut poursuivre le débat et l'analyse afin de dégager des moyens d'action en faveur de l'autonomie.

M.  Pierre-Christophe Baguet, après avoir souligné l'importance de la question posée par la place des jeunes dans la famille comme dans la société, a relevé que les amendements proposés modifiaient radicalement le texte. La nouvelle rédaction ainsi proposée est raisonnable. Si la création d'une allocation d'autonomie pour les jeunes de 16 à 25 ans procède d'une bonne intention, il convient d'établir un diagnostic préalable sur la situation des jeunes. C'est pourquoi il est indispensable de faire un recensement de tous les problèmes rencontrés.

Le président Jean Le Garrec a estimé nécessaire, avant de créer l'allocation, de mettre en place une structure prenant en compte les nombreux travaux déjà réalisés. La question de l'autonomie des jeunes de 16 à 25 ans qui a déjà fait l'objet de débats au cours de la dernière Conférence de la famille, constituera l'un des principaux thèmes à l'ordre du jour de sa prochaine réunion en juin 2001. Dans le cadre de la préparation de cette conférence, le Commissariat général du Plan étudie la place des jeunes dans les politiques publiques tandis que la ministre déléguée à la famille pilote la réflexion gouvernementale sur la prise en charge des jeunes adultes.

La situation d'inégalité entre les générations constitue un problème grave posé à notre société. Il convient donc de réfléchir à la notion d'autonomie et d'éviter, dans la mesure du possible, de voir les jeunes concernés relégués dans un enchaînement d'emplois précaires. En tout état de cause, la diversité des situations doit être prise en compte dans la définition des réponses à apporter à la demande d'autonomie des jeunes. L'utilité d'une instance d'évaluation et de réflexion est donc indéniable, même si on peut s'interroger sur le caractère très large de sa composition.

M. Bernard Outin a estimé que la grande ouverture de champ de la commission est nécessaire. Diverses associations, notamment celles représentant les parents d'élèves et les familles, y auraient aussi leur place. En outre, il conviendrait d'institutionnaliser les conseils départementaux de la jeunesse qui auront un rôle important à tenir dans le dispositif.

Le rapporteur a précisé que la commission aurait pour premier objectif de dresser un état des lieux de la situation des jeunes et des aides qui leur sont apportées et qu'à travers la CNAF, qui est expressément mentionnée, le mouvement familial est représenté.

M. Maxime Gremetz a estimé que l'amendement du rapporteur se justifiait pleinement. Lorsqu'on rencontre les jeunes lors des États généraux de la jeunesse ou de différentes réunions, ils formulent le souhait de participer à l'élaboration des décisions qui les concernent. Ils demandent à être écoutés et consultés. Ils estiment que rien n'est mis en _uvre en faveur de l'autonomie des 18-25 ans et que la dépendance vis-à-vis de la famille est complète. Quand la famille n'a pas les moyens d'assurer un soutien financier, c'est le plus complet dénuement. Par ailleurs, il serait important de donner une reconnaissance législative aux conseils départementaux de la jeunesse.

Le président Jean Le Garrec s'est déclaré tout à fait favorable à l'institutionnalisation du Conseil national de la jeunesse et des conseils départementaux qui ont été créés par voie réglementaire. Pour l'instant, l'amendement proposé par le rapporteur se contente de faire référence au Conseil national de la jeunesse mais si le Gouvernement en était d'accord, l'inscription dans la loi du Conseil national et des conseils départementaux pourrait être faite au cours du débat en séance.

Mme Catherine Génisson a demandé que l'on soit particulièrement vigilant et prudent en ce qui concerne la communication qui sera faite sur cette proposition de loi. Il convient de bien faire comprendre que l'on ne crée pas, pour le moment, cette allocation d'autonomie pour les jeunes, qui est particulièrement attendue.

Mme Muguette Jacquaint a considéré qu'il convenait cependant de clairement afficher la volonté du Parlement de parvenir, dans un avenir proche, à la création d'une telle allocation.

II.- EXAMEN DES ARTICLES

La commission est ensuite passée à l'examen des articles de la proposition de loi.

Article premier

Création d'une allocation d'autonomie

La commission a adopté un amendement de rédaction globale du rapporteur qui substitue à la création d'une allocation d'autonomie pour les jeunes la création d'une commission nationale pour l'autonomie des jeunes placée auprès du Premier ministre et chargée de mener une concertation et une expérimentation sur la mise en place et la généralisation d'une telle allocation.

L'article premier a été ainsi rédigé.

Article 2

Compensation des dépenses

La commission a adopté, par coordination, un amendement, présenté par le rapporteur, de suppression de cet article.

La commission a donc supprimé l'article 2.

Intitulé de la proposition de loi

La commission a adopté un amendement du rapporteur intitulant le texte « Proposition de loi relative à la mise en place d'une allocation d'autonomie pour les jeunes de seize à vingt-cinq ans ».

La commission a ensuite adopté l'ensemble de la proposition de loi ainsi modifiée.

*

En conséquence, la commission des affaires culturelles, familiales et sociales demande à l'Assemblée nationale d'adopter la proposition de loi dont le texte suit.

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

Proposition de loi relative à la mise en place d'une allocation d'autonomie pour les jeunes de seize à vingt-cinq ans.

Article unique

« Il est créé une commission nationale pour l'autonomie des jeunes, placée auprès du Premier ministre. Cette commission, dont la composition est arrêtée par voie réglementaire, comprend des parlementaires, des élus locaux, des représentants de l'État, des organisations représentatives des employeurs et des salariés, d'associations de chômeurs, des mutuelles, de la Caisse nationale des allocations familiales, du Conseil national de la jeunesse, des organisations représentatives des étudiants et des lycéens, des fédérations de parents d'élèves et des personnalités qualifiées.

« Cette commission a pour missions :

- de faire le bilan des dispositifs assurant des ressources propres aux jeunes de seize à vingt-cinq ans ;

- d'étudier la création d'une allocation d'autonomie pour les jeunes de seize à vingt-cinq ans, ainsi que les critères de son attribution sur la base notamment d'un projet personnel de formation et d'accès à l'emploi ;

- de proposer la mise en place d'un dispositif expérimental dans plusieurs départements, après consultation des conseils départementaux de la jeunesse, et dont l'évaluation servira de base à ses travaux et à la généralisation de ce principe.

« Elle consulte le Conseil national de la jeunesse précité.

« Elle remettra son rapport au Premier ministre avant le 31 décembre 2001. Ce rapport est transmis au Parlement. »

__________

N° 2784.- Rapport de M. Patrick Malavieille, au nom de la commission des affaires culturelles, sur sur la proposition de loi de M. Alain Bocquet (n° 2737) tendant a créer une allocation d'autonomie pour les jeunes de 16 à 25 ans.

1 Rapport « minima sociaux, revenus d'activité, précarité » du groupe de travail présidé par M. Jean-Michel Belorgey, Documentation française, juin 2000

2 Le nombre d'emplois-jeunes pourvus fin 1998 s'élève en réalité à 101 000, mais certains concernent des jeunes de plus de 26 ans.

3 Inclut les personnes qui poursuivent des études scolaires ou universitaires tout en travaillant, ainsi que les apprentis.

Source : INSEE, enquête emploi 1999 (concepts BIT).


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