Document

mis en distribution

le 5 janvier 2001

graphique

N° 2831

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 décembre 2000.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Ghana sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements,

PAR M. PIERRE BRANA,

Député

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 327, 386 (1999-2000) et T.A. 15 (2000-2001)

Assemblée nationale : 2679

Traités et conventions

La Commission des affaires étrangères est composée de : M. François Loncle, président ; M. Gérard Charasse, M. Georges Hage, M. Jean-Bernard Raimond, vice-présidents ; M. Roland Blum, M. Pierre Brana, Mme Monique Collange, secrétaires ; Mme Michèle Alliot-Marie, Mme Nicole Ameline, M. René André, Mme Marie-Hélène Aubert, Mme Martine Aurillac, M. Édouard Balladur, M. Raymond Barre, M. Dominique Baudis, M. Henri Bertholet, M. Jean-Louis Bianco, M. André Billardon, M. André Borel, M. Bernard Bosson, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Hervé de Charette, M. Yves Dauge, M. Patrick Delnatte, M. Jean-Marie Demange, M. Xavier Deniau, M. Paul Dhaille, Mme Laurence Dumont, M. Jean-Paul Dupré, M. Charles Ehrmann, M. Jean-Michel Ferrand, M. Raymond Forni, M. Georges Frêche, M. Michel Fromet, M. Jean-Yves Gateaud, M. Jean Gaubert, M. Valéry Giscard d'Estaing, M. Jacques Godfrain, M. Pierre Goldberg, M. François Guillaume, M. Jean-Jacques Guillet, M. Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, M. Didier Julia, M. Alain Juppé, M. André Labarrère, M. Gilbert Le Bris, M. Jean-Claude Lefort, M. Guy Lengagne, M. François Léotard, M. Pierre Lequiller, M. Alain Le Vern, M. Bernard Madrelle, M. René Mangin, M. Jean-Paul Mariot, M. Gilbert Maurer, M. Jean-Claude Mignon, Mme Louise Moreau, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, M. Étienne Pinte, M. Marc Reymann, M. François Rochebloine, M. Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, M. René Rouquet, M. Georges Sarre, M. Henri Sicre, Mme Christiane Taubira-Delannon, M. Michel Terrot, Mme Odette Trupin, M. Joseph Tyrode, M. Michel Vauzelle.

SOMMAIRE

___

INTRODUCTION 5

I - LE GHANA, UN EXEMPLE DE STABILITÉ PARMI LES PAYS      ANGLOPHONES DE LA SOUS-RÉGION 7

A - UNE SÉRÉNITÉ POLITIQUE INTÉRIEURE 7

B - UN ENVIRONNEMENT MARQUÉ PAR DES CRISES 8

II - CERTAINS DES THÈMES AFRICAINS HABITUELS PERSISTENT
      ENCORE AU GHANA
11

A - UN CLIMAT ÉCONOMIQUE MOROSE 11

B - LA CHUTE BRUTALE DU COURS DU CACAO, PRINCIPAL PRODUIT      D'EXPORTATION DU PAYS 12

C - UN FACTEUR AGGRAVANT : LA PANDÉMIE DE SIDA 13

III - LE GHANA TÉMOIGNE DE L'OUVERTURE DE LA POLITIQUE
       AFRICAINE FRANÇAISE AUX PAYS ANGLOPHONES
16

A - NOTRE POLITIQUE DE COOPÉRATION SE DÉVELOPPE FORTEMENT 16

B - LA SIGNATURE DU PRÉSENT ACCORD RENFORCERA ENCORE
     LA PRÉSENCE ÉCONOMIQUE FRANÇAISE DÉJÀ RELATIVEMENT
     IMPORTANTE
18

CONCLUSION 21

EXAMEN EN COMMISSION 22

Mesdames, Messieurs,

Pays d'origine du Secrétaire général des Nations Unies et première colonie d'Afrique noire à accéder à l'indépendance en 1957, le Ghana est également en passe de devenir le premier pays d'Afrique où un ancien militaire quitte le pouvoir normalement. Située entre le Togo du général Etienne Gnassingbé Eyadéma, dont l'élection est régulièrement contestée, et la Côte-d'Ivoire, qui connaît une grave crise politique, cette ancienne colonie britannique de la Gold Coast (Côte-de-l'or) est aujourd'hui l'objet de notre attention à plusieurs titres.

Il convient d'ores et déjà de saluer et d'encourager la transition politique légale qui est en cours alors que le Ghana traverse une crise économique. D'autant que ce pays fait partie de la Zone de solidarité prioritaire (ZSP) démontrant si besoin était l'ouverture de la politique africaine française aux pays anglophones. C'est d'ailleurs dans le cadre de l'excellence de nos relations bilatérales qu'un accord sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements a été signé, le 26 mars 1999, entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Ghana, accord qui nous est aujourd'hui soumis pour approbation.

I - LE GHANA, UN EXEMPLE DE STABILITÉ PARMI LES PAYS ANGLOPHONES DE LA SOUS-RÉGION

A - Une sérénité politique intérieure

Peuplé de 19,7 millions d'habitants, le Ghana est une démocratie stable avec un parlement et une opposition critique. La paix civile règne, la situation générale des droits de l'homme s'est améliorée, les libertés civiles et les droits politiques sont dans l'ensemble respectés.

Après le renversement du père de l'indépendance ghanéenne Kwame N'Krumah par un coup d'Etat militaire en 1966, le Ghana a connu jusqu'en 1981 une période d'instabilité causée par les luttes incessantes pour le pouvoir que se livraient militaires et civils issus de la bourgeoisie ashantie, l'ethnie majoritaire. Le 31 décembre 1981, l'officier d'aviation Jerry John Rawlings s'est emparé du pouvoir par un coup d'Etat très populaire. Par la suite, il a organisé des élections démocratiques à deux reprises qu'il a remportées en 1993 et 1996. Soucieux de préserver l'image de démocratie attachée à son pays et respectueux des comportements civiques et démocratiques qu'il a su ancrer, Jerry Rawlings donne l'exemple en se retirant du pouvoir, comme le prouve l'organisation de l'élection présidentielle du 7 décembre 2000 qui a été couplée aux législatives.

John Kufuor, le chef du principal mouvement de l'opposition, le New Patriotic Party (NPP), devance avec 48,35 % des suffrages le vice-président sortant John Atta Mills, le candidat du New Democratic Congress (NDC), le parti du président sortant Jerry Rawlings. Faute de majorité absolue recueillie par l'un des candidats, l'élection présidentielle se jouera donc au deuxième tour entre le 23 et le 27 décembre 2000.

Les Ghanéens ont d'ores et déjà voté pour le changement aux élections législatives puisque le NPP a créé la surprise en remportant la majorité, soit 99 sièges sur 200 au Parlement, devant le NDC (92). Les autres sièges se répartissent entre les petits partis et des candidats indépendants.

B - Un environnement marqué par des crises

Votre Rapporteur souhaite également saluer le fait que le Ghana est, d'une part, un pays stable dans un environnement marqué par plusieurs crises (Sierra Leone, Liberia, Côte-d'Ivoire, Guinée-Bissau, Guinée, etc.), d'autre part, un pourvoyeur de troupes des opérations de maintien de la paix et de longue date, comme le montre le tableau ci-dessous.

En outre, le Ghana est membre de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) et de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO).

TABLEAU RÉCAPITULATIF MENSUEL
DES ÉTATS MEMBRES FOURNISSANT
DU PERSONNEL MILITAIRE ET DE POLICE CIVILE

(Observateurs militaires, soldats, membres de la police civile)
au 31 octobre 2000

Pays

Observateurs militaires

Police civile

Soldats

Total

Afrique du Sud

1

   

1

Albanie

1

   

1

Algérie

17

   

17

Allemagne

11

450

14

475

Argentine

10

31

492

533

Australie

29

97

1600

1726

Autriche

25

119

602

746

Bangladesh

74

186

2134

2394

Belgique

12

5

 

17

Bénin

8

5

 

13

Bolivie

11

   

11

Bosnie-Herzégovine

 

12

 

12

Brésil

14

17

71

102

Bulgarie

1

118

 

119

Burkina Faso

2

   

2

Canada

27

114

189

330

Cap-Vert

 

2

 

2

Chili

9

6

34

49

Chine

41

55

 

96

Colombie

 

3

 

3

Côte d'Ivoire

 

1

 

1

Croatie

10

   

10

Danemark

35

59

2

96

Egypte

54

132

73

259

El Salvador

2

3

 

5

Espagne

12

192

 

204

Estonie

1

5

 

6

Etats-Unis d'Amérique

38

834

 

872

Fédération de Russie

68

118

110

296

Fidji

7

49

793

849

Finlande

33

31

657

721

France

47

181

253

481

Gambie

26

33

 

59

Ghana

32

285

1577

1894

Grèce

10

22

 

32

Guinée

15

 

777

792

Honduras

12

   

12

Hongrie

19

21

112

152

Islande

 

5

 

5

Inde

20

631

3818

4469

Indonésie

20

28

 

48

Irlande

26

53

728

807

Italie

32

75

60

167

Jamahiriya arabe libyenne

4

   

4

Japon

   

30

30

Jordanie

19

850

2531

3400

Kenya

38

50

1131

1219

Kirghizistan

2

4

 

6

Lituanie

 

9

 

9

Malaisie

48

141

25

214

Malawi

1

   

1

Mali

11

   

11

Maroc

2

 

2

4

Mozambique

2

3

10

15

Namibie

 

10

 

10

Népal

25

124

885

1034

Nouvelle-Zélande

20

18

654

692

Niger

3

26

 

29

Nigéria

21

219

3201

3441

Norvège

18

49

6

73

Pakistan

60

366

780

1206

Pays-Bas

15

50

98

163

Pérou

5

 

23

28

Philippines

20

167

593

780

Pologne

24

80

992

1096

Portugal

5

229

768

1002

République de Corée

12

 

464

476

République dominicaine

 

15

 

15

République slovaque

4

 

93

97

République tchèque

15

12

 

27

République-Unie de Tanzanie

26

   

26

Roumanie

22

88

 

110

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord

40

205

312

557

Samoa

 

25

 

25

Sénégal

28

59

8

95

Singapour

5

40

24

69

Slovénie

2

17

29

48

Sri Lanka

 

30

 

30

Suède

43

103

46

192

Suisse

16

17

 

33

Thaïlande

20

35

708

763

Tunisie

7

11

 

18

Turquie

13

152

 

165

Ukraine

7

164

645

816

Uruguay

65

 

1

66

Vanuatu

 

24

 

24

Venezuela

4

   

4

Zambie

30

60

777

867

Zimbabwe

 

91

 

91

Source : Organisation des Nations Unies

site Internet http://www.un.org/french/peace/peace/Contributeurs.htm

II - CERTAINS DES THÈMES AFRICAINS HABITUELS PERSISTENT ENCORE AU GHANA

A - Un climat économique morose

Colonie la plus prospère d'Afrique au début du XXème siècle grâce à ses ressources en cacao et en or et enfant chéri des bailleurs de fonds (FMI et Banque mondiale) -le Ghana a été le premier pays d'Afrique à mettre en _uvre en 1982 un plan d'ajustement structurel-, le pays est actuellement plongé dans une situation de crise économique.

Depuis environ trois ans, l'économie s'essoufle. En septembre 2000, la croissance affichait 4,4 %. Le taux de chômage est élevé, l'inflation galopante (30 %), la monnaie très affaiblie (le cedi est tombé de 2 500 contre un dollar en 1999 à 6 500 pour un dollar actuellement). En moyenne, un Ghanéen vit avec un dollar par jour. Pour éviter tout dérapage à l'approche des élections présidentielles et législatives du 7 décembre 2000, le FMI a rééchelonné son programme avec le Ghana pour lui faire couvrir la période 1999-2000-2001 et mieux encadrer la période électorale. Avec la chute du pouvoir d'achat des populations, la situation sociale reste tendue. Or, pour cause de période préélectorale, les dépenses sociales ont été largement augmentées pesant ainsi lourdement sur les finances publiques. Le montant de la dette extérieure a progressé de 3,7 milliards de dollars en 1992 à 6,2 milliards de dollars aujourd'hui. Simultanément, la dette intérieure s'est accrue de 235 millions de dollars à 1,27 milliards de dollars.

Il serait regrettable que ces difficultés économiques viennent obérer les efforts fournis par le Ghana notamment en matière de lutte contre la pauvreté. Des efforts importants ont été déployés par les autorités ghanéennes pour réduire la malnutrition. Des résultats tangibles ont été constatés en zones rurales. Les importations alimentaires restent de faible ampleur et sont dans l'ensemble maîtrisées. Les responsables ghanéens sont conscients qu'une redynamisation du secteur est à entreprendre. L'impact dû à l'amélioration de la productivité, à l'accessibilité aux micro-crédits et à la modernisation des infrastructures devrait se faire sentir dans les prochaines années si les investissements augmentent régulièrement. Ainsi, récemment, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) éditait un rapport sur "l'état de l'insécurité alimentaire dans le monde" qui mettait en avant trois pays qui avaient réussi à réduire la malnutrition, parmi lesquels la Thaïlande, le Ghana et le Nigeria. Au Ghana, la malnutrition a reculé de plus de 30 % depuis 1980 grâce à la recherche agricole qui a permis l'introduction de nouvelles variétés de manioc à haut rendement adaptées aux conditions locales et résistantes aux maladies. Ainsi, en vingt ans, le taux de sous-alimentation est passé de 62 % à 10 %. Entre 1990 et 1998, la consommation de manioc a doublé, passant de 126 kg à 232 kg par personne et par an. Cependant, en raison de la mauvaise qualité du régime alimentaire, le taux de mortalité à la naissance au Ghana reste l'un des plus mauvais du monde (1 070 pour 100 000 naissances).

Des facteurs externes viennent encore aggraver la situation, à savoir la hausse des prix du pétrole et la chute brutale des prix mondiaux des deux principaux produits d'exportation du pays, le cacao et l'or, qui représentent respectivement 30 % et 45 % des recettes d'exportation. Ainsi, le cours de l'or a atteint son plus bas niveau depuis vingt ans en juillet 2000. Comme l'or représente la première source de recettes en devises du Ghana (onzième producteur mondial), cette baisse a des répercussions lourdes sur l'économie du pays.

B - La chute brutale du cours du cacao, principal produit d'exportation du pays

Autrefois premier producteur mondial, le Ghana arrive dorénavant en deuxième position des pays producteurs de fèves de cacao avec 14 % de la production (400 000 tonnes de fèves), derrière la Côte-d'Ivoire avec 43 % (plus d'un million de tonnes) et devant l'Indonésie (13 %), le Nigeria (6 %), le Brésil (5 %), le Cameroun (5 %) et la Malaisie (4 %). Pour information, les pays importateurs sont dans l'ordre les Etats-Unis avec 20 % des importations mondiales, suivis par les Pays-Bas (16 %), le Royaume-Uni (11 %), l'Allemagne (10 %) et la France (6 %).

Depuis octobre 2000, la libéralisation partielle de la commercialisation extérieure du cacao a été entreprise au Ghana. 30 % de la récolte sont destinés à une mise sur le marché directe sans passer par l'organisme de régulation des ventes, le COCOBOD. Cette libéralisation de la filière était recommandée par la Banque mondiale. Les exportations doivent dorénavant être effectuées par des sociétés privées agréées. En 1999, le gouvernement ghanéen avait expérimenté la libéralisation interne de la filière en autorisant le secteur privé à acheter la production directement aux paysans.

Récemment, le gouvernement ghanéen a lancé un programme pour augmenter les rendements de la production de cacao avec l'objectif de passer de 400 000 à 475 000 tonnes en 2001. La production supplémentaire, d'un coût total de 3,3 millions de dollars et concernant 50 000 hectares de plantations, sera uniquement destinée au marché intérieur (consommation et transformation).

Ce programme intervient au moment où les cours mondiaux sont en chute avec pour conséquence la faillite de nombreux planteurs et une baisse de la production au Ghana de 500 000 à 400 000 tonnes. Pour tenter de peser sur les cours historiquement bas, le Ghana et la Côte-d'Ivoire ont annoncé leur intention de retenir 250 000 tonnes de fèves de la prochaine campagne. Bien que les cours du cacao soient au plus bas depuis 27 ans, le gouvernement recourt régulièrement à des augmentations du prix au planteur (le prix de la tonne de fèves se situe autour de 500 dollars) afin d'enrayer la sortie du cacao en fraude via des pays voisins où le prix au planteur pourrait être plus intéressant, en partie à cause de l'attrait du franc CFA (Communauté financière africaine).

Dans ce contexte marqué par la surproduction et des prix historiquement bas, les principaux pays producteurs et consommateurs (22 pays consommateurs et 14 producteurs) se sont réunis en novembre 2000 à Genève sous l'égide de l'ONU pour trouver un nouvel accord sur le cacao. L'accord international sur le cacao de 1993 signé par 42 pays (23 pays consommateurs dont l'Union européenne et 19 pays producteurs) sous l'égide de l'Organisation internationale du cacao (ICCO), créée en 1972, doit expirer le 30 septembre 2001. Il doit donc être renégocié. Le nouvel accord devra assurer de meilleurs revenus pour les producteurs, améliorer la production tout en respectant l'environnement et développer le marketing. L'admission du secteur privé au sein de l'ICCO est aussi un point clé du futur accord, la question étant de savoir quel sera son rôle et l'étendue de ses pouvoirs. Pour l'an 2000, la production de fèves de cacao devrait se situer autour de 3 millions de tonnes, avec un surplus de 65 000 tonnes.

C - Un facteur aggravant : la pandémie de SIDA

La pauvreté est clairement un facteur de développement du virus VIH. En privant les populations d'un accès à la santé, à la scolarisation et aux médias, la pauvreté limite leur accès à l'information et à l'éducation en matière de VIH. La pauvreté pousse également les familles souvent non informées des risques, à envoyer leurs enfants travailler ailleurs voire à les mettre entre les mains de recruteurs qui promettent un travail loin du foyer, où non protégés, ils sont susceptibles d'effectuer des tâches dures, voire d'être victimes d'abus sexuels. C'est en Afrique que le travail des enfants est le plus répandu selon l'Organisation internationale du travail (OIT) avec 80 millions d'enfants concernés.

Si la pauvreté est facteur de développement du virus, réciproquement le SIDA est facteur d'appauvrissement de l'économie. En Afrique du Sud par exemple, l'épidémie devrait "réduire de 0,3 % à 0,4 % par année le taux de croissance économique et entraîner ainsi d'ici à 2010 une baisse de 17 % du produit intérieur brut (PIB) par rapport à ce qu'il aurait été sans le SIDA et effacer 22 milliards de dollars de l'économie nationale"1. Bref, en Afrique le virus menace de "réduire à néant des décennies de progrès vers un avenir meilleur et plus prospère".

L'Afrique sub-saharienne reste l'épicentre de la pandémie de SIDA avec 25,3 millions d'hommes, de femmes et d'enfants infectés par le virus VIH à la fin de 2000, dont 3,8 millions de nouveaux cas d'infection à VIH chez les adultes et les enfants à la fin de 2000, selon les estimations d'ONUSIDA2. Pour information, votre Rapporteur souligne qu'il y a, toujours à la fin de 2000, dans le monde 36,1 millions d'adultes et d'enfants vivant avec le virus VIH ou le SIDA. "L'Afrique abrite 70 % des adultes et 80 % des enfants vivant avec le VIH dans le monde et a enterré les trois quarts des plus de 20 millions de personnes, qui, dans le monde, sont mortes du SIDA depuis le début de l'épidémie".

S'agissant plus particulièrement du Ghana, l'épidémie progresse plus lentement que chez ses voisins proches avec un taux de prévalence de 5 % (proportion de personnes vivant avec le VIH/SIDA). 340 000 Ghanéens adultes (femmes et hommes âgés de 15 à 49 ans) et enfants (de 0 à 14 ans) étaient contaminés par le virus VIH à la fin de 1999, selon les estimations, sur une population de 19,7 millions d'habitants. Selon le classement de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) des pays par la qualité de leur système de santé, le Ghana figure à la 135ème place (sur 191 pays). Les pays africains ne disposent pas d'une industrie de production des médicaments antirétroviraux, extrêmement coûteux par ailleurs et donc hors de portée des malades africains. Or, "la survie en l'absence de thérapies antirétrovirales est estimée à 8-10 ans"3

Cependant, malgré ces difficultés, le Ghana a lancé un programme national de lutte contre le SIDA (NACP) qui bénéficie de l'appui du programme des Nations Unies associant l'ensemble des organismes "onusiens" (OMS-FNUAP-PNUD-UNESCO-UNICEF-Banque mondiale). Un effort de surveillance de l'épidémie est réalisé dans chaque région. Chaque ministère a un correspondant pour la réalisation du programme national qui semble être bien coordonné.

Et en août 2000, la société Female Health Company a annoncé que le Ghana avait commandé un demi-million de préservatifs féminins afin de lutter contre la propagation du virus du SIDA. Ce moyen de contraception, qui peut être utilisé par des femmes mais aussi par des hommes homosexuels, a d'abord été testé au Ghana dans le cadre d'un projet pilote mené par le fonds des Nations Unies pour la population et l'association Ghana Social Marketing Foundation.

III - LE GHANA TÉMOIGNE DE L'OUVERTURE DE LA POLITIQUE AFRICAINE FRANÇAISE AUX PAYS ANGLOPHONES

A - Notre politique de coopération se développe fortement

En 2000, l'intervention du poste coopération a été doublée passant de 7/8 millions de francs par an en moyenne à 15,6 millions de francs dont 7,6 millions de francs pour la coopération culturelle, linguistique, scientifique et technique (titre IV) et 8 millions de francs d'autorisations de programme ouvertes au titre du Fonds de solidarité prioritaire. Plus précisément, 5 millions de francs sont destinés à l'appui à l'enseignement et 3 millions de francs au Fonds social de développement (FSD).

S'agissant de la coopération technique et de développement, l'Agence française de développement (AFD) a ouvert une agence dès 1985 à Accra, la capitale. L'AFD est engagée pour 150 millions de francs annuels environ dans plusieurs domaines tels que le développement rural, le développement des infrastructures par des prêts bonifiés (électricité, chemin de fer, télécommunications), le développement urbain (assainissement) et l'aide au secteur privé (prêts aux entreprises via sa filiale Proparco). En 1999, l'AFD s'est vu autorisée à intervenir désormais sous forme de prêts à conditions privilégiées.

La coopération en matière d'enseignement et dans le domaine culturel, qui relève du ministère des Affaires étrangères, est le secteur d'intervention privilégié de notre politique de coopération.

L'enseignement du français représente ainsi les deux tiers de notre coopération, d'autant que les autorités ghanéennes font preuve d'une détermination politique certaine quant à la place accordée à l'enseignement de notre langue. Ce qui d'ailleurs se comprend étant donné que les pays voisins sont francophones, le développement de cet enseignement facilite les échanges. Le Ghana a exprimé le souhait de former 5 000 professeurs. 3 000 ont déjà été formés.

Notre assistance s'exprime de multiples manières :

- l'appui à l'Ecole normale de Somanya pour la formation initiale des professeurs (un assistant technique détaché, bourses et fourniture de matériel pédagogique) ;

- l'appui à un réseau de dix Centres régionaux pour l'enseignement du français (CREF) qui sont des centres de formation continue pour les enseignants des collèges et des lycées (un attaché linguistique, un CSN, équipement des locaux, bourses) ;

- la coopération éducative avec les divisions du ministère de l'éducation ghanéenne impliquées dans l'enseignement du français dans les domaines de l'évaluation, de l'élaboration des programmes et de la production de supports pédagogiques ;

- l'appui aux départements de français des trois principales universités du pays -Accra, Cape Coast, Kumasi- (trois assistants techniques recrutés localement, bourses, matériel pédagogique). Le nombre d'étudiants de français de l'université de Legon à Accra est de 300 et 200 demandes sont refusées faute de place ;

- l'appui à l'enseignement du français dans une dizaine d'institutions publiques -Académies militaire et maritime, Instituts de langue et de journalisme, etc.- (un CSN, bourses, matériel pédagogique).

La coopération culturelle repose bien entendu sur le réseau des Alliances françaises à Accra, Kumasi, Tema et Takoradi, qui sont chargées d'enseigner le français et constituent un espace culturel francophone.

Depuis avril 1999, RFI diffuse en modulation de fréquence à Accra 24 heures sur 24. En février 2000, les autorités ghanéennes ont donné leur accord de principe au Président de RFI à la création d'un émetteur supplémentaire de RFI en modulation de fréquence à Kumasi, seconde ville du pays avec 1,2 million d'habitants. A l'avenir, un troisième émetteur pourrait être installé à Takoradi, autre ville importante du pays, proche de la Côte-d'Ivoire. A terme, RFI pourrait s'engager dans des actions de formation de journalistes.

En outre, notre service de coopération est intervenu ces dernières années dans le secteur de la formation professionnelle. Le projet, terminé aujourd'hui, a été repris par les autorités ghanéennes. Notre programme de recherche sur les pollutions chimiques occasionnées par les mines d'or artisanales a lui été repris par l'Organisation des Nations Unies pour le développement industriel (ONUDI).

Enfin, la coopération de proximité s'exerce depuis peu au travers du Fonds social de développement (FSD) puisque le Ghana fait désormais partie de la ZSP. La mise en place d'une première tranche de 2 millions de francs a été approuvée fin 1999 et une seconde tranche de 3 millions de francs pourrait être possible.

L'excellence des relations bilatérales, sur les plans politique, économique et culturel, a été confirmée, d'une part, par la visite conjointe des Ministres des Affaires étrangères français, M. Hubert Védrine, et britannique, M. Robin Cook, les 10 et 11 mars 1999 à Accra, et, d'autre part, par la visite en France du Président du Ghana, M. Jerry John Rawlings, du 24 au 27 mars 1999. C'est d'ailleurs à cette dernière occasion qu'a été signé le présent accord de promotion et de protection réciproques des investissements.

B - La signature du présent accord renforcera encore la présence économique française déjà relativement importante

Le présent accord sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements est d'une facture classique et n'appelle aucune remarque particulière.

Il est conclu pour une durée initiale de dix ans ; au-delà de cette période, il reste en vigueur tant qu'il n'a pas été dénoncé (article 13).

Chaque Partie accorde aux investisseurs de l'autre Partie un traitement juste et équitable (article 3), conformément aux principes du droit international, et plus précisément un traitement non moins favorable que celui qu'elle accorde à ses investisseurs ou à ceux de la nation la plus favorisée s'il est plus avantageux (article 4).

L'accord prévoit la liberté des transferts (article 7), le principe de la protection des investissements (article 5) et d'une indemnisation juste et adéquate en cas de dépossession (article 6), la possibilité de recourir à une procédure d'arbitrage international en cas de différend entre un investisseur et les autorités du pays hôte, ou entre les Parties contractantes (article 9, 12).

Le champ d'application géographique et la définition des principaux termes utilisés dans l'accord sont habituels (article 1er).

Les investissements sont admis et encouragés par chacune des Parties sur son territoire et dans sa zone maritime (article 2)

Il est prévu la possibilité pour les investisseurs agréés au préalable par l'Etat d'accueil de bénéficier d'une garantie de l'Etat dont l'investisseur est un ressortissant (article 8).

Le principe est posé de la subrogation de l'un des Etats dans les droits et actions des bénéficiaires de la garantie qu'il a accordée à un investissement réalisé sur le territoire ou dans la zone maritime de l'autre Partie, dès lors qu'il a été conduit à effectuer des versements à des investisseurs bénéficiaires de cette garantie (article 10).

Les engagements particuliers qui auraient été pris en matière d'investissements par l'une des Parties à l'égard des investisseurs de l'autre Partie prévalent sur l'accord dès lors qu'ils comportent des dispositions plus favorables que celles de l'accord (article 11).

Cet accord viendra sans aucun doute renforcer une présence économique française qui est loin d'être négligeable. Le stock des investissements directs au Ghana place la France au troisième rang des investisseurs étrangers derrière les Etats-Unis et le Royaume-Uni, du fait de la présence de 35 filiales françaises employant près de 4 000 salariés. Les implantations françaises couvrent divers secteurs d'activités :

- la distribution de produits pétroliers (Total Fina Elf),

- l'hôtellerie (Accor-Novotel),

- les transports maritimes (Delmas, Saga),

- le contrôle et l'inspection (Bureau Veritas),

- l'eau et l'électricité (Saur, EDF International, Sade, Burgeap, Spie, Norelec),

- les travaux publics (Razel),

- la distribution d'équipements divers (Cfao).

Seule une quinzaine d'entreprises françaises ont consenti un investissement important, pour un montant total de 325 millions de francs. Le secteur minier (or, bauxite, manganèse, diamants) représente à lui seul plus de la moitié des investissements français au Ghana, les autres sont réalisés dans les secteurs de la distribution de produits pétroliers et d'équipements (13 %) et le secteur industriel (30 %). Des particuliers français ont également investi au Ghana - essentiellement dans l'achat de résidences privées - pour un montant total toutefois inférieur à 1 million de francs.

La privatisation des entreprises publiques ghanéennes, auxquelles s'intéressent des firmes françaises (Vivendi, Lyonnaise des Eaux, Saur, EDF International, SNCF International, Total Fina Elf, etc.) et les investissements miniers devraient plus que doubler les investissements français dans ce pays, favorisés par une législation attractive en matière d'investissements.

Le cadre général des investissements a été défini par une loi de 1994 qui a créé le Ghana Investment Promotion Center (GIPC).

Divers mécanismes incitatifs ont été mis en place :

- exemption de droits de douane sur une liste d'équipements et d'intrants industriels ,

- déductions sectorielles et géographiques de l'impôt sur les sociétés,

- moratoires de cinq à dix ans sur l'impôt foncier,

- droit de rapatriement des bénéfices nets sans limite pour les investissements étrangers.

Pour les entreprises étrangères, le nombre d'expatriés autorisés est limité à un pour un investissement inférieur à 100 000 dollars, à deux pour un investissement entre 100 000 et 500 000 dollars et à quatre au-delà. Il existe toutefois la possibilité d'obtenir des quotas supplémentaires auprès du GIPC.

La communauté française résidente (342 immatriculés en 1999) est assez réduite, jeune et composée principalement d'expatriés exerçant une activité professionnelle4.

Enfin, une loi du 31 août a institué des zones franches : 65 projets ont été agréés par le Ghana Free Zone Board, localisés sur les ports de Tema et Sekondi-Takoradi et la région d'Ashanti. Les entreprises sont tenues de réexporter 70 % de leur production.

CONCLUSION

Souvent cité en exemple comme le "bon élève" des institutions financières internationales pour son respect de la démocratie et la restructuration de son économie, le Ghana connaît actuellement quelques difficultés d'ordre économique qu'il saura certainement surmonter avec l'aide de la communauté internationale, et notamment de la France.

C'est pourquoi votre Rapporteur vous recommande l'adoption du présent projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Ghana sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 20 décembre 2000.

Après l'exposé du Rapporteur, le Président François Loncle a demandé si le parti vainqueur des élections législatives qui dispose de 99 sièges sur 200 pouvait compter sur des alliés pour constituer une majorité. Il s'est en outre interrogé sur la modestie des efforts faits pour encourager l'utilisation du préservatif féminin.

M. Pierre Brana, rapporteur, a expliqué que le NPP ayant remporté 99 sièges sur 200 et le parti du président sortant 92, les autres sièges se répartissaient entre les petits partis et des candidats indépendants. En ce qui concerne les préservatifs féminins, l'effort est certes encore modeste, mais c'est la première fois qu'un pays africain favorise ce type de moyen de protection contre le SIDA, c'est donc un premier pas qui devra être poursuivi en espérant que la production s'intensifiant et le coût diminuant, ils seront plus accessibles.

M. François Rochebloine a souhaité savoir s'il existe des établissements français d'enseignement au Ghana.

M. Pierre Brana a répondu qu'il y a au Ghana un réseau culturel français et notamment une école primaire française, l'enseignement au niveau du collège se faisant par correspondance.

Conformément aux conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté le projet de loi (no 2679).

*

* *

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de l'accord figure en annexe au projet de loi (n° 2679).

1 "Le point sur l'épidémie de SIDA : décembre 2000", ONUSIDA programme commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA

2 Cf. supra

3 Cf. supra

4 Source : ministère des Affaires étrangères


© Assemblée nationale