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le 17 janvier 2001

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N° 2833

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 décembre 2000.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'adhésion au protocole additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux (protocole I) (ensemble deux annexes),

PAR MME MARIE-HÉLÈNE AUBERT,

Députée

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 294 (1999-2000) et T.A. 8 (2000-2001)

Assemblée nationale : 2672

Traités et conventions

La Commission des affaires étrangères est composée de : M. François Loncle, président ; M. Gérard Charasse, M. Georges Hage, M. Jean-Bernard Raimond, vice-présidents ; M. Roland Blum, M. Pierre Brana, Mme Monique Collange, secrétaires ; Mme Michèle Alliot-Marie, Mme Nicole Ameline, M. René André, Mme Marie-Hélène Aubert, Mme Martine Aurillac, M. Édouard Balladur, M. Raymond Barre, M. Dominique Baudis, M. Henri Bertholet, M. Jean-Louis Bianco, M. André Billardon, M. André Borel, M. Bernard Bosson, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Hervé de Charette, M. Yves Dauge, M. Patrick Delnatte, M. Jean-Marie Demange, M. Xavier Deniau, M. Paul Dhaille, Mme Laurence Dumont, M. Jean-Paul Dupré, M. Charles Ehrmann, M. Jean-Michel Ferrand, M. Raymond Forni, M. Georges Frêche, M. Michel Fromet, M. Jean-Yves Gateaud, M. Jean Gaubert, M. Valéry Giscard d'Estaing, M. Jacques Godfrain, M. Pierre Goldberg, M. François Guillaume, M. Jean-Jacques Guillet, M. Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, M. Didier Julia, M. Alain Juppé, M. André Labarrère, M. Gilbert Le Bris, M. Jean-Claude Lefort, M. Guy Lengagne, M. François Léotard, M. Pierre Lequiller, M. Alain Le Vern, M. Bernard Madrelle, M. René Mangin, M. Jean-Paul Mariot, M. Gilbert Maurer, M. Jean-Claude Mignon, Mme Louise Moreau, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, M. Étienne Pinte, M. Marc Reymann, M. François Rochebloine, M. Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, M. René Rouquet, M. Georges Sarre, M. Henri Sicre, Mme Christiane Taubira-Delannon, M. Michel Terrot, Mme Odette Trupin, M. Joseph Tyrode, M. Michel Vauzelle.

SOMMAIRE

___

INTRODUCTION 5

I - DES APPORTS ESSENTIELS AU DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE 7

A - ETENDRE LA PORTÉE DES CONVENTIONS DE GENÈVE 7

1) Une négociation longue 7

2) L'extension du champ des conflits armés internationaux et
    de la définition du combattant 9

3) L'application des Conventions de Genève aux personnels humanitaires
    et de secours et aux journalistes 10

B - RENFORCER LA PROTECTION DES VICTIMES CIVILES 11

1) L'édiction de règles précises de conduite des hostilités 11

2) Une définition plus exhaustive de la notion d'infraction grave ou
    crimes de guerre 12

3) L'instauration d'un mécanisme de contrôle : la commission internationale d'établissement des faits 13

II - LES RÉTICENCES DE LA FRANCE À L'ÉGARD DU PROTOCOLE I 15

A - UN REFUS INITIAL D'ADHÉRER 15

1) L'hostilité de la France à l'introduction de règles de conduite
    des hostilités 15

2) La question de la compatibilité du protocole I avec la doctrine
    de dissuasion nucléaire 16

3) L'amorce d'un changement 17

B - UN PROJET DE DIX-HUIT RÉSERVES OU DÉCLARATIONS
    INTERPRÉTATIVES PEU JUDICIEUSES
17

1) Une tendance à faire primer la sécurité des militaires sur celle des civils 18

2) Une interprétation restreinte du principe de proportionnalité 19

3) Une conception large du blocus contraire aux usages
    des militaires français 19

CONCLUSION 20

EXAMEN EN COMMISSION 21

ANNEXES 22

ANNEXE 1 - AUDITION DE M. RONNY ABRAHAM, DIRECTEUR DES AFFAIRES JURIDIQUES AU MINISTÈRE DES AFFAIRES ETRANGERES
ET DE M. GILLES MARHIC, CHEF DU BUREAU DU DROIT
DES CONFLITS ARMES A LA DIRECTION DES AFFAIRES JURIDIQUES
DU MINISTERE DE LA DEFENSE
22

ANNEXE 2 - TABLEAU COMPARATIF DES DISPOSITOINS DU STATUT
DE LA CPI ET DES DISPOSITIONS D'AUTRES TEXTES INTERNATIONAUX PREEXISTANTS
27

ANNEXE 3 - PROJET DE RESERVES ET DE DECLARATIONS
INTERPRETATIVES CONCERNANT L'ADHESION DE LA FRANCE
AU PROTOCOLE DU 8 JUIN 1977 RELATIF A LA PROTECTION
DES VICTIMES DES CONFLITS ARMES INTERNATIONAUX,
ADDITIONNEL AUX CONVENTIONS DE GENEVE DU 12 AOUT 1949
32

ANNEXE 4 - DECLARATION INTERPRETATIVE DE LA FRANCE 36

Mesdames, Messieurs,

Le présent projet de loi vise à autoriser l'adhésion de la France au protocole I additionnel aux conventions de Genève du 12 août 1949, relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux, adopté à Genève le 8 juin 1977. Signé mais non ratifié par la France, cet instrument est entré en vigueur le 7 décembre 1978. A ce jour, 156 Etats en sont parties ; tous les Etats membres de l'Union européenne ; tous les Etats membres de l'Alliance atlantique, à l'exception - notable - des Etats-Unis et de la Turquie.

Le 1er décembre 1999, lors de l'audition de M. Paul Grossrieder, directeur général du Comité international de la Croix Rouge (CICR), l'absence d'adhésion de la France au protocole I avait fait l'objet de critiques de la part de la Commission des Affaires étrangères. Comment, en effet, vouloir être pionnier dans la défense des droits de l'Homme, et ne pas adhérer au protocole I ? Les critiques formulées par la Commission et nombre de juristes ont été entendues après plus de vingt ans d'atermoiements. Pourtant le protocole I vise à compléter les conventions de 1949 et à renforcer la protection des victimes civiles et militaires en prenant en compte les expériences acquises lors des conflits armés internationaux postérieurs à la seconde guerre mondiale.

Cependant, malgré les apports essentiels du protocole I au droit international humanitaire, la France, initialement réticente, projette d'assortir son adhésion de réserves souvent peu justifiées.

I - DES APPORTS ESSENTIELS AU DROIT
INTERNATIONAL HUMANITAIRE

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, la communauté internationale prit conscience de la nécessité de renforcer et d'intégrer au droit humanitaire international la protection des populations civiles en cas de conflits armés. Tirant les leçons de la Shoah, des déportations massives de civils et de l'ampleur des destructions, les quatre conventions de Genève furent élaborées sous l'égide du CICR et adoptées le 12 août 1949.

La première porte sur l'amélioration du sort des blessés et des malades dans les forces armées en campagne, la deuxième sur l'amélioration du sort des blessés, des malades et des naufragés des forces armées en mer, la troisième sur le traitement des prisonniers de guerre et la quatrième sur la protection des personnes civiles en temps de guerre.

Vingt-cinq ans plus tard, il fallut tenir compte du contexte nouveau créé par l'évolution des armements, les guerres de libération coloniale, la deuxième guerre du Vietnam, les guerres israélo-arabes. Une fois encore, le droit international humanitaire semblait être en retard d'une guerre. Il était donc nécessaire d'étendre la portée des conventions de Genève.

A - Etendre la portée des conventions de Genève

Les deux protocoles additionnels aux conventions de Genève sont le fruit d'une négociation longue et délicate

1) Une négociation longue

Le CICR, animé du souci de procéder à la modernisation et à l'adaptation du droit international humanitaire a entrepris dès le milieu des années soixante des consultations d'experts afin d'élaborer deux projets de texte qui furent transmis aux Etats parties aux Conventions de Genève et en faveur desquels l'Assemblée générale des Nations Unies manifesta son intérêt en adoptant un certain nombre de résolutions.

Une Conférence sur la réaffirmation et le développement du droit international humanitaire applicable dans les conflits armés fut convoquée en 1974 par le gouvernement suisse, dépositaire des conventions de Genève et tint quatre sessions entre 1974 et 1977. Y furent invités les Etats parties aux conventions de Genève ou membres des Nations Unies, soit en tout 55 nations. Le nombre de celles qui y participèrent a varié de 107 à 124 selon les sessions. En outre, 11 mouvements de libération nationale et 51 organisations intergouvernementales ou non gouvernementales y siégèrent comme observateurs. Des difficultés relatives à la participation de certaines entités non étatiques ont d'ailleurs surgi dès le début de la Conférence.

Au cours de ces quatre sessions, deux protocoles additionnels furent élaborés. Le protocole I fut adopté le 8 juin 1977. La Conférence diplomatique s'est achevée deux jours plus tard par la signature solennelle de l'Acte final, qui comprend notamment en annexe le texte du protocole I. Comme la quasi totalité des pays ayant participé à cette réunion, la France a apposé sa signature au bas de l'Acte final, non sans avoir préalablement indiqué qu'elle ne se considérerait pas liée par le protocole I. Le protocole II, portant sur la protection des victimes des conflits armés internes fut également adopté. Ces deux instruments ont été ouverts à la signature le 12 décembre 1977. Partie aux quatre conventions de Genève, qu'elles a signées et ratifiées le 28 juin 1951, la France a adhéré au protocole II le 24 février 1984.

Le débat sur la distinction entre droit international et droit du désarmement a opposé deux grandes tendances. L'une maximaliste, favorable à l'énoncé de règles portant interdiction ou limitation d'emploi de certaines armes classiques, menée par la Suède et le Mexique ; l'autre minimaliste, faisant valoir que de tels problèmes ne devraient pas être évoqués dans cette enceinte, principalement représentée par l'URSS et la France. La seconde tendance l'a finalement emporté, puisque les dispositions adoptées en matière d'emploi des armements demeurent relativement limitées dans les protocoles.

Parallèlement deux conceptions du développement du droit humanitaire se sont opposées. L'une, classique, inspirait un imposant programme d'articles et d'amendements qui complétaient les règles matérielles des conventions, pour en combler les lacunes et les adapter aux conflits armés contemporains et aux progrès techniques, susceptibles d'améliorer le traitement des personnes protégées bénéficiaires. L'autre conception, dite du droit humanitaire nouveau, soucieuse des réalités politiques, nées de la décolonisation, réclamait une transformation profonde du droit humanitaire, pour tenir compte de la promotion du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Le droit humanitaire des conflits armés, cessant d'être un droit européen fait pour des Européens, devait accéder au stade de l'universalité, en englobant les droits des combattants des mouvements de libération nationale, victime de l'inadaptation du droit de la guerre et des conventions de Genève.

Ainsi, le processus de négociation du protocole I a notamment opposé les pays du tiers monde qui souhaitaient obtenir une reconnaissance internationale aux guerres de libération nationale, à la plupart des pays occidentaux (dont la France), qui tentaient de limiter l'élargissement de la notion de conflit armé international.

2) L'extension du champ des conflits armés internationaux et de la définition du combattant

a) L'assimilation des guerres contre la domination coloniale aux conflits armés internationaux

Pendant la décolonisation, la question de savoir si le recours à la force dans ce contexte était licite de la part seulement des Etats colonisateurs, de la part seulement des peuples recherchant leur indépendance, ou de la part des uns et des autres ne pouvait recevoir une réponse juridique qu'une fois déterminé si ces conflits étaient internationaux.

L'article 1 § 4 du protocole I tranche la question et dispose que "les conflits armés dans lesquels les peuples luttent contre la domination coloniale et l'occupation étrangère et contre les régimes racistes dans l'exercice du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes sont assimilés aux conflits armés internationaux".

Ainsi la notion de guerre est incluse dans celle, plus large, de "conflit armé international". La guerre entre Etats n'est plus qu'un cas particulier de conflit armé international. Dès lors les contraintes du droit de la guerre issues des Conventions de La Haye de 1899, 1907, etc.. proscrivant ou limitant certains types d'armes ou de méthodes de guerre comme le droit dit de Genève issu des Conventions de Genève de 1929 et 1949 est devenu applicable dans ce type de conflit.

b) L'extension de la définition de combattant

L'exigence du port de l'uniforme en toute circonstance n'est plus imposé pour bénéficier du statut de combattant ou de prisonnier de guerre en cas de capture ce qui ne dispense pas de remplir d'autres conditions comme l'obligation du port ouvert des armes durant l'attaque. L'extension de la notion de conflit armé international aux guerres de libération nationale visait donc à protéger les combattants des armées de libération nationale et à leur conférer le statut de combattant au sens du droit humanitaire international. Les caractéristiques d'un guérillero, qui l'autorisent à être considéré comme un combattant, avec les droits qui s'y attachent, ont été définies par l'article 44 § 3 du protocole I. En revanche, le mercenaire - catégorie faisant l'objet d'une condamnation politique quasi unanime s'est vu refuser la qualité de combattant, et donc de prisonnier de guerre, par l'article 47.

Parallèlement le protocole I vise à renforcer la protection des victimes civiles qui d'ailleurs dans les conflits de l'après-guerre froide sont bien plus nombreuses que les victimes militaires.

3) L'application des Conventions de Genève aux personnels humanitaires et de secours et aux journalistes

a) Le personnel sanitaire civil

Les articles 8 à 34 du protocole I étendent la protection accordée par les Conventions de Genève aux personnels sanitaires civils qui ont droit au port d'un insigne particulier ainsi qu'aux unités et transports civils. Ils détaillent leurs moyens d'identification en prenant en compte les nouvelles technologies (radio, radar, etc.). Ils accroissent les garanties pour défendre le fonctionnement des services sanitaires en période de conflit. Respectés et protégés en toutes circonstances, les personnels sanitaires civils bénéficient de droits plus étendus pour accomplir leur mission malgré le conflit : recevoir l'aide disponible dans l'exercice de leurs fonctions et liberté de mouvement (art. 15), être protégés contre les réquisitions (art. 14). Ils ne peuvent être contraints à pratiquer des actes contraires à la déontologie médicale ni à rompre le secret médical.

b) Le personnel de protection civile et le personnel qualifié en charge d'une mission de puissance protectrice.

Les représentants des puissances protectrices au sein des Conventions de Genève sont des personnes physiques qui bénéficient d'un droit d'accès et de visite auprès des personnes protégées et des populations en danger dans bien des cas ce rôle a été dévolu au CICR.

Les personnels des organismes de protection civile sont composés d'une part de personnes qu'une des parties au conflit affecte exclusivement à l'accomplissement de tâches humanitaires destinées à protéger la population civile contre les dangers des hostilités ou d'autre part de personnes affectées exclusivement à l'administration.

Aux termes des articles 62 à 64 du protocole I, quand du personnel de protection civile appartenant à des Etats neutres, des Etats non parties au conflit ou des organismes internationaux de coordination accomplit une mission de protection civile avec le consentement et sous le contrôle d'une des parties au conflit, ce personnel doit être respecté et protégé. Dans les territoires occupés, il peut être désarmé, mais sa mission ne peut pas être entravée ni conduire à un traitement discriminatoire entre les individus.

c) Les journalistes

Les correspondants de guerre exerçant leurs activités dans les zones de conflit et qui tombent au pouvoir de l'ennemi sont considérés comme prisonniers de guerre et protégés par la troisième Convention de Genève. Toutefois l'article 79 du protocole I a étendu aux autres catégories de journalistes cette protection. Ils sont protégés en tant que personne civile s'ils ne commettent pas d'action portant atteinte à leur statut de civil. Un modèle de carte d'identité qui atteste de leur qualité de journaliste figure en annexe du protocole I.

B - Renforcer la protection des victimes civiles

Le protocole I renforce la protection des victimes civiles par l'édiction de règles de conduite des hostilités plus précises, par l'élargissement de la notion d'infraction grave ou de crime de guerre et par l'instauration de mécanismes de contrôle.

1) L'édiction de règles précises de conduite des hostilités

a) La prohibition de certaines méthodes de guerre

Fondé sur les principes édictés par la Convention de La Haye de 1899 et 1907, selon lesquels les belligérants n'ont pas un choix illimité de moyens de nuire à l'ennemi et doivent s'abstenir d'utiliser des armes "propres à causer des maux superflus", le protocole I définit dans son article 35 § 1 des méthodes de conduite des hostilités clarifiant ainsi le droit coutumier de la guerre et le droit de La Haye. Sont ainsi prohibés les armes, les projectiles et les matières et les méthodes de guerre de nature à causer des maux superflus ou conçus pour causer des dommages étendus, durables et graves à l'environnement naturel (art. 35,52, 55). Le protocole I définit les méthodes de guerre qu'il prohibe tel le recours à la perfidie (art. 37 - 39) à la terreur (art. 51) à la famine (art. 54), aux attaques sans discriminations (art. 48-51), aux attaques contre des ouvrages et installations contenant des forces dangereuses (art. 52-56).

Les droits et devoirs de commandant sont réaffirmés par les articles 57, 86 et 87 du protocole, qui exigent que des précautions soient prises par eux pour épargner au maximum les objectifs civils.

b) Des mesures de protection des biens essentiels à la survie de la population civile

L'article 48 oblige les parties au conflit à opérer "en tout temps une distinction entre la population civile et les combattants ainsi qu'entre les biens de caractère civil et les objectifs militaires".

Jouissent d'une protection spécifiée par le protocole I les biens culturels et les lieux de culte (art. 53), les localités non défendues (art. 59), les zones démilitarisées (art. 60) et surtout les biens indispensables à la survie de la population civile, la famine comme méthode de guerre est interdite (art. 54).

c) Des règles novatrices et précises relatives aux précautions dans l'attaque visant à épargner les civils et les biens à caractère civil

L'article 36 impose lors de l'étude et de la mise au point ou de l'acquisition d'une arme nouvelle, d'examiner si son usage en serait interdit dans certaines circonstances ou en toutes circonstances par le protocole I. Les articles 57 et 58 détaillent les mesures de précaution dans l'attaque ou contre les effets des attaques qui doivent être conduits de manière à épargner la population civile, les personnels civils et les biens à caractère civil. Certains principes réglementent et limitent la licéité des attaques, principe de proportionnalité qui est rattaché à la notion d'avantage militaire concret et direct escompté et présomption de caractère civil qui est établie en cas de doute pour les personnes comme pour les biens. Cette présomption est d'autant plus importante que dans ces situations de conflit la nature des biens ou des personnes n'est pas toujours clairement établie et est fréquemment contestée. Le protocole confère à l'attaquant la charge de la preuve du caractère militaire des personnes et les biens. Sont clairement spécifiés les éléments de nature à faire perdre sa protection à un bien protégé tels que les installations sanitaires.

2) Une définition plus exhaustive de la notion d'infraction grave ou crimes de guerre

Les Conventions de Genève ont donné une première définition des infractions graves qui font partie des crimes imprescriptibles. Elles interdisent aux Etats de s'exonérer seuls ou mutuellement de leurs responsabilités quand de telles infractions ont été commises ; ils ne peuvent donc les amnistier par une loi nationale ou dans le cadre d'un accord de paix. Le protocole I tout en se référant aux Conventions de Genève élargit et précise le contenu des infractions graves ou crimes de guerre dans son article 85 qui renvoie aux articles 11, 37, 44, 45, 52, 57, etc.

Ainsi tous les actes qualifiés d'infractions graves aux Conventions de Genève constituent des infractions graves aux protocole I s'ils sont commis contre des personnes protégées : personnes au pouvoir d'une partie adverse protégées par les conventions, les blessés, les malades, le personnel sanitaire ou religieux. En outre les attaques contre la population civile ou les personnes civiles, les ouvrages et installations contenant des forces dangereuses (barrages, centrales nucléaires), la déportation et le transfert forcé de population, les attaques contre les monuments appartenant au patrimoine culturel ou spirituel de peuples ou la privation du droit à un procès impartial et régulier.

Ces incriminations se recoupant avec celles contenues dans le statut de la Cour pénale internationale (CPI) ratifié par la France qui a malheureusement décliné la compétence de cette juridiction pour connaître les crimes de guerre pendant sept ans lorsqu'il est allégué qu'il est commis par l'un de ses ressortissants, on se reportera en annexe 2 au tableau comparatif des dispositions du statut de la CPI et des dispositions d'autres textes internationaux figurant dans le rapport n° 2141 présenté par M. Pierre Brana sur le projet de loi autorisant la ratification de la convention portant statut de la CPI.

3) L'instauration d'un mécanisme de contrôle : la commission internationale d'établissement des faits

Prévu par l'article 90 du protocole I la commission internationale d'établissement des faits est un organe d'enquête permanent sur les violations graves du droit humanitaire. Cette disposition complète les Conventions de Genève en créant un mécanisme d'enquête indépendant sur toute "infraction grave" ou autre "violation grave" des Conventions de Genève et du protocole I. L'installation de la Commission qui nécessitait l'adhésion à l'article 90 d'au moins 20 Etats n'est devenue effective qu'en 1991 dans le sillage de la guerre du Golfe. Cette instance est composée de quinze membres nommés pour cinq ans par les Etats, qui en ont accepté la compétence pour enquêter sur les infractions et violations graves définies par les Conventions de Genève et le protocole I et éventuellement les violations graves du droit humanitaire, notamment les violations de l'article 3 commun, commises dans les conflits armés non internationaux.

L'article 90 du protocole I contient deux innovations. Il permet à tout Etat qui a souscrit à cet article de demander l'ouverture d'une enquête, même s'il n'est pas lui-même directement impliqué ou concerné par le conflit. L'enquête ainsi demandée échappe au soupçon de partialité qui lui serait attachée si elle était demandée par l'une des parties au conflit. Il offre aux Etats la faculté de reconnaître la compétence de la Commission une fois pour toutes à l'égard d'un autre Etat qui fait la même reconnaissance, sans qu'il soit ensuite besoin d'un accord spécifique au moment du déclenchement d'une enquête (art.90.2a). Si cette reconnaissance n'a pas été faite de façon explicite, la Commission n'ouvrira une enquête à la demande d'une partie au conflit qu'avec le consentement de l'autre ou des autres parties intéressées (art.90.2c).

La Commission internationale d'établissement des faits n'a, jusqu'à présent, jamais fonctionné car elle n'a jamais été saisie. D'après le ministère des Affaires étrangères la France reconnaîtra la compétence de la Commission dès que la Cour pénale internationale sera compétente pour connaître des crimes de guerre, soit, au plus tard, sept ans après l'entrée en vigueur du Statut de la Cour, ou plus tôt, si la France décide de retirer avant son terme la déclaration qu'elle a faite en vertu de l'article 124 du Statut de la CPI comme le gouvernement s'y est engagé devant l'Assemblée nationale lors du débat sur ce statut. Cette position est assez regrettable car cette Commission n'a pas le même rôle que la Cour pénale internationale. On ne peut que s'interroger sur la méfiance persistante et la frilosité des autorités françaises à l'égard des mécanismes de contrôle internationaux du respect du droit humanitaire alors que de nombreux français civils ou militaires sont présents à des titres divers dans des zones de conflits.

II - LES RÉTICENCES DE LA FRANCE
À L'ÉGARD DU PROTOCOLE I

La France qui participa activement à l'élaboration du protocole I de 1974 à 1977 a signé l'acte final en indiquant qu'elle ne se considérait pas liée par cet instrument. Malgré la pression de certains juristes les avis de la Commission nationale consultative des droits de l'Homme, les demandes du CICR et de plusieurs organisations non gouvernementales sa position n'évolua qu'avec lenteur et réticence comme le démontrent les dix huit réserves ou déclarations interprétatives qu'elle se propose de déposer lors de son adhésion.

A - Un refus initial d'adhérer

Le refus d'adhérer de la France a été initialement motivé par son hostilité à l'introduction de règles de conduite des hostilités dans le protocole I et par la suite sur ses interrogations quant à la compatibilité de cet instrument avec sa doctrine de dissuasion nucléaire.

1) L'hostilité de la France à l'introduction de règles de conduite des hostilités

Au cours de la Conférence diplomatique qui s'est tenue à Genève de 1974 à 1977 la France s'est montrée très réticente voir hostile à l'incorporation de dispositions relatives à la conduite des opérations militaires dans le protocole I. Aussi, à la fin de la négociation, le représentant de la France a fait connaître les réserves de son gouvernement sur la rédaction du protocole I. Observant que "le protocole I ne se limite pas à réaffirmer et à développer le droit humanitaire dans les conflits armés et qu'il réaffirme et développe également; de façon considérable, les lois et coutumes de la guerre définies antérieurement par plusieurs déclarations et conventions internationales adoptées il y a plus d'un demi-siècle", le représentant français relevait que "le droit humanitaire et le droit de la guerre se trouvaient ainsi étroitement imbriqués alors que, jusqu'à présent, ces deux domaines du droit international étaient demeurés séparés". Selon lui, "cette synthèse du droit humanitaire et du droit de la guerre permet sans doute, dans certains cas, de faire progresser le droit humanitaire. Elle n'est cependant pas sans danger". Ainsi a-t-il fait valoir que ce texte ne saurait porter atteinte au droit de légitime défense reconnu par l'article 51 de la Charte des Nations Unies et qu'il ne s'appliquait qu'aux armes classiques. Il estimait que certains articles pouvaient compromettre, voire même interdire, des opérations militaires pouvant être considérées comme indispensables à la défense de la France l'article 51, relatif à la protection de la protection de la population civile : l'article 52, sur la protection générale des biens de caractère civil, et les articles 57 et 58 sur les précautions dans l'attaque et contre les effets des attaques étaient selon lui susceptibles de porter atteinte au droit de légitime défense en favorisant un envahisseur éventuel au détriment du peuple qui se défend de l'invasion.

En outre par la voix de son représentant la France rappelait qu'elle avait pris acte dès 1973 de ce que le CICR n'avait pas inclus dans ses projets une réglementation des armes atomiques. En participant à l'élaboration des dispositions des protocoles additionnels, le Gouvernement français n'a donc pris en considération que les conflits menés avec des armements conventionnels. Il tient par la suite à marquer qu'il considère pour sa part que les règles desdits protocoles ne s'appliquent pas à l'emploi des armes nucléaires".

Néanmoins quelque peu isolée, la France ne s'est pas opposée au consensus permettant l'adoption du protocole I dont elle a signé l'acte final tout en déclarant qu'elle ne se considérait pas comme liée par le protocole I. Elle fut pratiquement le seul Etat à adopter une telle attitude puisque tous les membres de l'Union européenne d'alors sauf l'Irlande avaient signé cet instrument sans émettre de déclaration de ce type et au sein de l'OTAN la Turquie et les Etats-Unis n'avaient quant à eux pas signé le texte.

2) La question de la compatibilité du protocole I avec la doctrine de dissuasion nucléaire

Malgré les travaux préparatoires montrant que le protocole I ne concernait que les armes classiques la France s'est abstenue de suivre ses partenaires sur la voie de la ratification. Toutefois elle voulut devenir partie à cet instrument dans les années 1990 mais les réflexions relatives au processus d'adhésion avaient été interrompues en raison des deux demandes d'avis posées en 1996 à la Cour internationale de justice (CIJ) par l'Assemblée Générale des Nations Unies et l'Organisation mondiale de la Santé sur la licéité des armes nucléaires. Or selon la décision de la CIJ du 8 juillet 1996 si le recours à de telles armes n'est ni autorisé ni interdit spécifiquement par le droit positif - coutumier ou conventionnel -, si même il paraît contraire aux règles applicables dans les conflits armées et illicite dès lors qu'il serait mis en _uvre dans des conditions contraires à l'article 2, § 4 de la Charte des Nation Unies, il est impossible, selon la Cour, de se prononcer pour le cas où un tel usage des armes nucléaires se produirait "dans une circonstance extrême de légitime défense dans laquelle la survie même d'un Etat serait en cause". La Cour admet que "le principe de proportionnalité ne peut pas, par lui-même, exclure le recours aux armes nucléaires en légitime défense".

3) L'amorce d'un changement

A partir de 1997 la position de la France a commencé d'évoluer. Tous les partenaires de la France avaient ou s'apprêtaient à adhérer au protocole I. De nombreux juristes comme la Commission nationale consultative des droits de l'Homme s'étonnaient des réticences de la France. En effet le refus persistant d'adhérer à cet instrument, qui représente un progrès notable dans le droit des conflits armées était mal perçu et posait des problèmes de compatibilité avec l'image et le message que la France souhaite véhiculer dans le monde. La réflexion a été reprise en 1997, lorsque le Premier ministre a indiqué devant la Commission des droits de l'Homme des Nations Unies à Genève que la France envisageait d'adhérer au protocole I.

En mars 1998, à l'occasion du cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'Homme, le Premier ministre annonçait que la France "envisageait favorablement d'adhérer au protocole I additionnel aux Conventions de Genève". A cette occasion, les autorités françaises ont indiqué que les interrogations liées à la compatibilité du protocole avec la doctrine militaire française pourraient être levées par l'apport de déclarations interprétatives.

Toutefois les réserves et déclarations interprétatives que la France s'apprête à déposer lors de son adhésion vont bien au delà.

B - Un projet de dix-huit réserves ou déclarations interprétatives peu judicieuses

Un projet de dix-huit réserves ou déclarations interprétatives que les autorités françaises s'apprêtent à déposer lors de l'adhésion, et figure en annexe 3 du rapport. Votre Rapporteure en a obtenu le commentaire auprès du Ministère des Affaires étrangères et a recueilli l'avis du CICR et de Médecins sans frontières. On constate que certaines déclarations interprétatives reprennent mot pour mot celles déposées lors de la ratification par la France du Statut de la CPI (voir annexe 4). Il s'agit des clauses interprétatives nos 1, 4, 6, 10, 12. Toutefois, et c'est regrettable il n'y a aucune distinction entre déclarations interprétatives et réserves alors que leur valeur juridique n'est pas identique. D'après le Ministère des Affaires étrangères la France a repris les déclarations interprétatives faites par la plupart des pays membres de l'Alliance atlantique ou de l'Union européenne. En réalité la France a calqué sa position sur le Royaume Uni tout en veillant à limiter le risque d'engagement de la responsabilité des militaires français pour crime de guerre. Cette position pourtant critiquée par les parlementaires quasi unanimes lors du débat sur le statut de la CPI n'a pas évolué. Ce projet de réserves ou déclarations interprétatives va assez loin dans la limitation de la portée du protocole I. Ainsi, la déclaration interprétative 18 paraît pour le moins étonnante ; elle se réfère à l'article 96 § 3 qui permet l'application du droit humanitaire lors d'un conflit opposant des belligérants qui ne se reconnaissent pas juridiquement. Elle semble conférer à la France une large marge d'appréciation pour qualifier les situations de conflits. Or, comme le montre le cas de la Tchétchénie, le recours au qualificatif de "terroriste" constitue un des principaux moyens utilisés par les Etats pour refuser l'application du droit humanitaire.

On tend à faire primer la sécurité des militaires sur celle des civils par une interprétation restreinte du principe de proportionnalité et une interprétation large du blocus contraire d'ailleurs à la pratique et aux usages des militaires français.

1) Une tendance à faire primer la sécurité des militaires sur celle des civils

L'article 50 § 1 établit en cas de doute la présomption du caractère civil des personnes. Or la déclaration interprétative 9 permet au commandement en cas de doute de faire primer son devoir de préserver sa situation militaire sur la protection de la protection civile. On affaiblit ainsi cette présomption de protection fort importante pour les civils.

L'obligation de précautions dans l'attaque contenue dans l'article 57 en cas de violation grave et de liberté de convention par l'ennemi semble limitée par la déclaration interprétative 11 ce qui est en contradiction avec la lettre, l'esprit du droit humanitaire et d'ailleurs les traditions de l'armée française fondées sur le principe de non réciprocité qui s'interdit de prendre prétexte des violations par l'une des parties pour dégager l'autre de ses obligations.

Les obligations édictées à l'article 57 § 2 d'annuler ou d'interrompre une attaque à l'examen des informations dont on dispose et celles de l'article 57, § 2 exigeant la vérification de la nature des cibles, démontrent, contrairement à la déclaration interprétative 16 que les autorités militaires ont une obligation de recherche active et de vérification des informations. Les commandants ont une obligation de s'informer qu'il est dangereux d'affaiblir tant pour eux mêmes que pour les civils.

2) Une interprétation restreinte du principe de proportionnalité

La déclaration interprétative 10 qui est l'exacte réplique de l'une de celles que la France a déposé sur le statut de la CPI semble interpréter la notion d'avantage militaire relatif aux attaques au regard de l'avantage attendu de l'ensemble de l 'attaque et non de partie isolée ou particulière de l'attaque ce qui apparaît en contradiction avec l'esprit et la lettre des articles 51 § 5 (b) et 57 qui font référence à "l'avantage militaire concret et direct attendu" dans le cadre d'une attaque précise elle aussi. On élargit la notion d'attaque qui fait en principe référence à une action précise, à l'ensemble d'une attaque ce qui rend l'application du principe de proportionnalité et de précaution plus aléatoire.

3) Une conception large du blocus contraire aux usages des militaires français

Les déclarations interprétatives 14 et 17 font référence aux situations de blocus nuisant aux populations civiles. Telles qu'elles se présentent ces déclarations laisseraient à penser que la France cherche à limiter l'approvisionnement des civils. En effet l'article 70 du protocole I auquel se réfère la déclaration interprétative 17 concerne le blocus maritime et doit être lu en référence à l'article 54 § 1 sur la survie des civils. Il en résulte qu'un blocus peut être licite mais ne doit conduire ni à affamer les civils, ni à empêcher le passage des secours. La déclaration 17 paraît incompatible avec l'esprit et la lettre du protocole I et des Conventions de Genève qui prévoient que l'action de secours devra toujours être possible quand la population souffre de privations des biens essentiels à sa survie. Il semble étonnant que ce principe soit remis en cause par la France qui s'est souvent illustré comme promoteur et défenseur du droit humanitaire.

La multiplication des déclarations interprétatives au protocole I comme les formulations maladroites telle celle de la déclaration 2 qui tend d'après le CICR à écarter l'application des Conventions de La Haye, et donc des principes généraux du droit de la guerre aux armes nucléaires, démontre un certain malaise des autorités françaises à l'égard des progrès du droit humanitaire international. Ce malaise est source d'ambiguïté et contribue à l'isolement de la France dans un domaine où sa société civile s'est montré pionnière.

CONCLUSION

Votre Rapporteure ne peut qu'approuver l'adhésion de la France même avec vingt ans de retard au protocole I. Comme le souhaitait la Commission consultative nationale des droits de l'Homme et de nombreux juristes, une refonte de certaines dispositions de notre droit pénal et de notre code de procédure pénale sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre sera plus que jamais nécessaire afin de le mettre en conformité tant avec le statut de la CPI ainsi qu'avec le protocole I.

Toutefois votre Rapporteure regrette profondément la frilosité dont font preuve les autorités françaises en multipliant réserves et déclarations interprétatives. Cette attitude a pourtant été dénoncée à maintes reprises par la quasi totalité des groupes politiques de l'Assemblée nationale lors du débat sur le statut de la CPI. Elle nuit à l'image de la France dans les enceintes internationales, jette la suspicion sur l'action des militaires français et peut se retourner contre les Français civils ou militaires qui, engagés dans des opérations de maintien de la paix, aspirent à être protégés par le droit humanitaire international.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du 20 décembre 2000.

Après l'exposé de la Rapporteure, abordant le problème des réserves, M. Pierre Brana a évoqué les positions prises par la Commission lors du débat sur la CPI et a souhaité que l'avis de la Commission sur le bien-fondé des réserves soit clairement exprimé.

Mme Bernadette Isaac-Sibille a regretté que vingt-trois années se soient écoulées entre la signature du présent protocole et sa ratification par le Parlement français, amené ainsi à se prononcer sur un texte désuet, de nombreuses évolutions s'étant produites depuis.

Mme Marie-Hélène Aubert a souligné qu'il a été difficile d'obtenir des explications claires sur les raisons qui ont inspiré les réserves ; aussi a-t-elle estimé souhaitable d'entendre les auteurs de ces textes.

Le Président François Loncle a lui aussi déploré que la France soit à la traîne pour ratifier certains accords internationaux. Il a proposé d'adopté le présent projet de loi en demandant une audition sur les réserves.

A l'issue d'un débat auquel ont participé le Président, la Rapporteure, M. Pierre Brana, Mme Bernadette Isaac-Sibille, M. François Rochebloine, M. Joseph Tyrode et M. Patrick Delnatte, la Commission a décidé qu'une audition sur les réserves aurait lieu avant le débat en séance publique prévu le 18 janvier 2001.

Puis, conformément aux conclusions de la Rapporteure, la Commission a adopté le projet de loi (n° 2672).

*

* *

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte du Protocole additionnel figure en annexe au projet de loi (n° 2672).

ANNEXE 1

Audition de M. Ronny ABRAHAM,
directeur des affaires juridiques au ministère des affaires étrangères, et de M. Gilles MARHIC, chef du bureau du droit des conflits armés à la direction des affaires juridiques du ministère de la défense,
sur les déclarations et réserves envisagées sur le protocole relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux.

La Commission a entendu le mardi 16 janvier 2001 M. Ronny Abraham, directeur des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères, et M. Gilles Marhic, chef du bureau du droit des conflits armés à la direction des affaires juridiques du ministère de la Défense, sur les réserves envisagées sur le protocole relatif à la protection des victimes armés internationaux.

Le Président François Loncle a remercié MM. Ronny Abraham et Gilles Marhic, et a rappelé que lors de l'examen du Protocole relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux, la Commission, alertée par Mme Marie-Hélène Aubert, rapporteure avait souhaité disposer d'informations complémentaires sur le contenu des nombreuses déclarations ou réserves envisagées par le Gouvernement. La question n'est pas bien sûr de discuter le droit pour le Gouvernement d'émettre des réserves mais d'éclairer le Parlement sur la nature effective de l'engagement international que la France s'apprête à prendre et que le Parlement doit autoriser. Ce souci d'informations a été exprimé à plusieurs reprises dans le passé par le Parlement, notamment par MM. Jean-Pierre Cot et André Chandernagor, lors des débats concernant la ratification de textes sur les droits de l'Homme.

M. Ronny Abraham s'est déclaré très honoré d'être auditionné par la Commission des Affaires étrangères sur les réserves et déclarations interprétatives que la France s'apprête à déposer lors de son adhésion au Protocole I.

Il a expliqué pourquoi le projet transmis à l'Assemblée nationale comportait dix-huit rubriques sans distinction entre réserve et déclaration interprétative. En théorie il y a réserve lorsqu'un Etat entend limiter la portée de son engagement et déclaration interprétative lorsqu'il se borne à donner son interprétation pour éclairer l'ensemble des Etats-Parties, une telle déclaration étant purement indicative. Certains textes internationaux excluent expressément les réserves, d'autres les autorisent ou ne comportent aucune indication. Dans ce dernier cas, il est admis qu'un Etat peut faire des réserves si elles n'aboutissent pas à vider le texte de sa substance. Dans la première hypothèse, seules sont permises les déclarations interprétatives stricto senso. Dans la deuxième, la manière de qualifier a moins d'importance. Si le texte est qualifié de réserve, il est opposable aux Parties, s'il est qualifié de déclaration interprétative on peut toujours le requalifier en réserve. L'Etat qui fait une déclaration interprétative préserve ses droits et n'est tenu de l'appliquer que selon l'interprétation qu'il a donnée précédemment. La pratique française face à un traité est souvent d'utiliser la formule générale "réserves ou déclarations interprétatives" sachant que cette distinction n'a pas de portée juridique. Si la distinction existe, elle doit être relativisée.

M. Ronny Abraham a apporté des précisions sur les projets de réserves et de déclarations interprétatives ayant fait l'objet d'observations de la Commission des Affaires étrangères dans sa séance du 20 décembre 2000.

La rubrique 2 est très importante dans l'esprit du Gouvernement puisqu'elle indique que les dispositions du Protocole I concernent exclusivement les armes classiques. Ce point, qui est bien plus une déclaration interprétative qu'une réserve, est en effet nécessaire au regard de la politique française de dissuasion nucléaire. De plus, elle est conforme aux déclarations déposées par d'autres pays. Enfin, il est important de préciser que ce texte ne porte en rien atteinte à l'application des Conventions de La Haye.

La rubrique 9 ne remet pas en cause la portée de l'article 50, à savoir que dans le doute, il faut considérer une personne comme ayant le statut de civil. Mais le doute doit s'apprécier en fonction de l'ensemble des circonstances.

La rubrique 10 définit la conception de l'expression « avantage militaire » pour le Gouvernement français. En effet les articles 52 et 57 du protocole posent la règle qu'une attaque militaire ne doit pas entraîner des pertes civiles excessives au regard de l'avantage militaire visé. La France accepte absolument cette règle de proportionnalité, elle précise seulement que cette dernière doit s'évaluer en fonction de l'ensemble des actions militaires menées dans le cadre d'une attaque, et non de tel ou tel élément isolé d'une attaque. Les opérations dans les Balkans ont montré l'importance d'une telle distinction.

La rubrique 11 ne doit pas être comprise comme s'opposant à la règle de l'interdiction des représailles sur les populations civiles.

La rubrique 16 interprète pour la France la règle de l'obligation d'annulation ou d'interruption d'une attaque dans certaines circonstances. Cette règle ne définit qu'une obligation de moyens et non de résultat. Elle doit en effet s'apprécier en fonction de l'information disponible pour le décideur au moment de l'attaque, et non en fonction d'éléments qu'il ignorait. Il faut noter que la Suisse a déposé une déclaration dans le même sens.

La rubrique 17 distingue les champs d'application respectifs du nouvel instrument et des Conventions de La Haye de 1907 qui régissent les opérations maritimes. De façon concrète, l'article 70 du protocole I, relatif aux actions de secours, ne portera pas préjudice à l'application des conventions en vigueur.

La rubrique 18 se rapporte à l'article 96 § 3 du Protocole I qui permet à un mouvement de libération nationale engagé dans une lutte contre une Partie contractante d'accéder à la qualité de Partie au protocole en déposant une déclaration, qui sera en quelque sorte l'équivalent d'une adhésion à la Convention. En vertu de cette rubrique, la France se réserve la faculté d'accepter ou non la déclaration, éventuellement faite par un mouvement armé se déclarant en lutte contre elle. La logique exige en effet que chaque Etat Partie au Protocole I, quand il est directement concerné, puisse contester la qualification que s'est donnée à elle-même une organisation armée se dressant contre lui.

Mme Marie-Hélène Aubert a remercié M. Ronny Abraham des précisions apportées sur la méthode comme sur le fond mais s'est étonnée que certaines observations qui relèvent du simple bon sens figurent dans le projet de réserves ou de déclarations interprétatives. La présence de ces affirmations donne le sentiment d'une volonté d'affaiblir le Protocole I notamment la rubrique 9 qui fait du devoir de s'informer des commandants, une simple obligation de moyen, la rubrique 10 sur la globalité de l'attaque qui permet d'apprécier le nombre de victimes civiles en fonction du résultat que l'on veut obtenir, et la rubrique 18 sur la possibilité par les Etats de qualifier les belligérants. Elle a craint que ces textes ne conduisent à affaiblir la portée du Protocole I et contribuent ainsi à mettre en difficulté non seulement les militaires français engagés dans des opérations de maintien de la paix mais aussi les personnels sanitaires et les journalistes. Elle n'a pas estimé opportun que la France se distingue à ce sujet.

M. Jacques Myard a fait observer que les déclarations du Gouvernement français étaient la sagesse même. Il a rappelé que la France respectait ses engagements à la différence de certains autres Etats. Lorsque la France appose sa signature au bas d'un texte, elle entend appliquer ce texte. Certes la guerre est un acte d'exécution mais on ne fait pas la guerre sans casse. En conséquence, il ne faut pas pour autant condamner par avance l'ensemble des moyens pour agir. Sans ces réserves, la France risquerait d'être pénalisée et de se retrouver dans le camp des bourreaux. Il convient donc d'être extrêmement prudent.

M. Pierre Brana a souhaité des précisions sur la rubrique 2 du projet de réserves ou déclaration interprétative. Comment faut-il lire la partie pour le moins sibylline de ce texte, à savoir "ni porter préjudice aux autres règles du droit international applicables à d'autres armes, nécessaires à l'exercice par la France de son droit naturel de légitime défense" ?

Constatant que dans la rubrique 4, les termes employés étaient ambigus et dangereux, il s'est demandé s'il ne faudrait pas définir clairement les actes de terrorisme par rapport notamment aux régimes racistes ? En Afrique du Sud par exemple, les rébellions contre l'apartheid étaient qualifiées d'actes de terrorisme.

Evoquant dans la rubrique 6 la référence au § 3 de l'article 35, M. Pierre Brana s'est interrogé sur la pertinence d'une réserve tirée de "l'information disponible" alors que ce § 3 vise à interdire "les moyens de guerre qui sont conçus pour causer, ou dont on peut attendre qu'ils causeront, des dommages étendus, durables et graves à l'environnement".

Il a souhaité obtenir des éclaircissements sur la référence au § 8 de l'article 51 qui fait l'objet de la rubrique 11.

Le Président François Loncle s'est enquis du devenir de ces déclarations, réserves, protocoles et autres bonnes intentions lorsque l'intervention est effectuée par l'OTAN. Comment se noue le lien entre ceux qui s'engagent et ceux qui ne s'engagent pas ?

M. Ronny Abraham a répondu aux intervenants. L'article 1er § 4 ne se réfère pas à la notion de terrorisme, ce critère n'étant pas retenu par le nouvel instrument, aussi n'y a-t-il pas lieu de se fonder sur la distinction entre mouvement terroriste et mouvement de libération. La rubrique 18 permet à la France de ne pas être liée par la déclaration faite par un mouvement armé se prétendant en lutte armée contre les autorités françaises. Elle ne vise que ce point.

Ainsi si un mouvement armé, se prévalant d'un conflit avec la République française, fait une déclaration au titre de l'article 96 et prétend entrer dans le champ de l'article 1 du Protocole, la France peut déclarer que selon elle, ce mouvement ne remplit pas les conditions formulées à l'article 1er § 4 du Protocole.

En ce qui concerne la rubrique 6, visant l'article 35, la mention de "l'information disponible" s'applique en réalité à la seconde hypothèse visée par le § 3 de cet article 35, celle des moyens de guerre "dont on peut attendre qu'ils causeront des dommages".

M. Gilles Marhic a expliqué que la France inscrivait d'ores et déjà les actions qu'elle entreprend et la formation de ses militaires dans le cadre des règles édictées par le Protocole I. Quel que soit le cadre et y compris celui de l'OTAN et que ce soit au stade de la planification ou celui de la mise en _uvre, la France quand elle intervient sur le terrain a à c_ur de remplir les obligations internationales qu'elle a souscrites.

M. Ronny Abraham a fait observer que le Protocole I était un socle de principes qui engageait la majorité des Etats membres de l'OTAN, même si certains n'y étaient pas Parties.

M. Gilles Marhic a ajouté que certaines rubriques pouvaient apparaître comme de simple bon sens, cependant quand on se plonge dans la doctrine ou que l'on observe l'attitude des autres Etats, on reste perplexe. Aussi est-il légitime pour le gouvernement français d'expliquer quelle est sa lecture du Protocole I et de montrer son souci de transparence.

S'agissant de la rubrique 2, ceux des Etats qui ont fait une déclaration interprétative en ce sens ont visé exclusivement les armements classiques et ont exclu expressément l'arme nucléaire. Dans son avis du 8 juillet 1996 la Cour internationale de justice utilise le même langage. Il y a d'une part la catégorie des armes classiques et par ailleurs les autres armes dont l'arme nucléaire.

Le Président François Loncle a remercié M. Ronny Abraham et M. Gilles Marhic.

ANNEXE 2

-27

ANNEXE 2

TABLEAU COMPARATIF

des dispositions du statut de la CPI et des dispositions

d'autres textes internationaux préexistants

Légende de la colonne de droite « conventions internationales existantes :

C.G = Conventions de Genève de 1949 (avec indication de la convention : I, II, III ou IV)

Pl = Protocole I additionnel aux Conventions de Genève

PII = Protocole Il additionnel aux. Conventions de Genève

RA à la CIV de LH = Règlement annexé à la Convention IV des Conventions de La

Raye de 1907

Texte du statut de la CPI

Conventions internationales existantes

1.La Cour a c ompétence à l'égard des crimes de guerre, en particulier lorsque ces crimes s'inscrivent dans un plan ou une politique ou lorsqu'ils font partie d'une série de crimes analogues commis sur une grande échelle.

 

2. Aux fins du Statut, on entend par « crimes de guerre »

 

a) Les infractions graves aux Conventions de Genève du 12 août 1949, à savoir les actes ci-après lorsqu'ils visent des personnes ou des biens protégés par les dispositions des Convention de Genève

Art50 CGI
Art 51 CGII
Ajtl30 CGIII
Art 147 CGIV

(I) L'homicide intentionnel

Idem

(71) La torture ou les traitements inhumains, y compris les expériences biologiques.

Idem

(III) Le fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de porter gravement atteinte à l'intégrité physique ou à la santé

Idem

La destruction et l'appropriation de biens, non justifiées par des nécessités militaires et exécutées sur une grande échelle de façon illicite et Arbitraire

Idem

(V) Le fait de contraindre un prisonnier de guerre ou une personne protégée à servir dans les forces d'une puissance ennemie

Idem

(VI) Le fait de priver intentionnellement un prisonnier de guerre ou toute autre, personne protégée de son droit d'être jugé régulièrement et impartialement

Idem

(1,71) Les déportations ou transferts illégaux ou les détentions illégales

Idem

(VIII) Les prises d'otages

Idem

-28-

b) Les autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés internationaux dans le cadre établi du droit international, à savoir les actes ci-après :

 

(I) Le fait de lancer des attaques délibérées contre la population civile en général ou contre des civils qui ne prennent pas directement part aux hostilités

- Art 51.2 et 51.3 du FI Art 85.3.a. du PI

(II) Le fait de lancer des attaques délibérées contre des biens civils qui ne sont pas des objectifs militaires

Art-52.1 duPI

(III) Le fait de lancer des attaques délibérées contre le personnel, les installations, le matériel, les unités ou les véhicules employés dans le cadre d'une mission d'aide humanitaire ou de maintien de la paix qu'ils aient conformément à la Charte des Nations Unies, pour autant qu'ils aient droit à la protection que le droit international des conflits armés garantit aux civils et aux biens de caractère civil

NOUVEAU

(IV) Le fait de lancer une attaque délibérée en sachant qu'elle causera incidemment - des pertes en vies humaines et des blessures parmi la population civile, des- dommages aux biens de caractère civil ou des dommages étendus, durables et graves à l'environnement naturel qui apporte à l'ensemble de l'avanseraient manifestement excessifs par tage militaire concret et direct attendu.

Art 57.2 a- iü) du Pl Art 85-3 b du PI Art 3 5.3 du PI

(V) Le fait d'attaquer ou de bombarder, par quelque moyen que ce soit, des villes, villages, habitations ou bâtiments qui ne seront pas défendus et qui ne sont pas des objectifs militaires

Art.25 du RA à la C.IV de LH

(VI) Le fait de tuer ou de blesser un combattant qui, ayant déposé les armes ou n'ayant plus de moyens de se défendre, s'est rendu à discrétion

Art 23.C.du RA à la C.IV de EH

(VII) le fait d'utiliser le pavillon parlementaire, le drapeau ou les insignes militaires et l'uniforme de l'ennemi ou de l'organisation des Nations Unies, ainsi que les signes distinctifs prévus par les Conventions de Genève, et, ce faisant, de causer la perte de vies humaines ou des blessures graves

Art. 23. f du RA à la CIV de LH

(VIII) Le transfert, direct ou indirect, par une puissance occupante dUne partie de sa population civile, dans le territoire qu'elle occupe, ou la déportation ou le transfert à l'intérieur ou hors du territoire occupé de la totalité ou dune partie de la population de ce territoire

Art. 49.6. CG IV Art 85.4.a. du PI

(IX) Le fait de lancer des attaques délibérées contre des bâtiments consacrés à la religion, à l'enseignement, à l'art, à la science ou à l'action caritative, des monuments historiques, des hôpitaux et des lieux où des malades ou des blessés sont rassemblés, pour autant que ces bâtiments ne soientpas alors utilisés à des fins militaires

Art 27 du RA à la C.IV de LH

(X). Le fait de soumettre des personnes d'une partie adverse tombées en son pouvoir à des mutilations ou à des expériences médicales ou scientifiques

Art.. 11. 1. et 11.4.-

-29-

quelles qu'elles soient qui ne sont ni motivées par un traitement médical ni effectuées dans l'intérêt de ces personnes, et qui entraînent la mort de celles-ci ou mettent sérieusement en danger leur santé

Art 23.b. du RA à la

(XI) Le fait de tuer ou de blesser par traîtrise des individus appartenant à

la nation ou à l'armée ennemie

C.IV de LH

(XII) L e fait de déclarer qu'il ne sera pas fait de quartier

Art 23. d. du RA à la C.IV de LH

(XIII) Le fait de dé truire ou de saisir les b iens de l'ennemi, sauf dans les cas où ces destructions ou saisies seraient impérieusement commandées par les nécessités de la guerre

Ait 23. 1. g. du RA à la C.IV de LH

(XIV) Le fait de déclarer éteints, sus suspendus ou non recevables enju ice les

droits et actions des nationaux de la partie adverse

23.h. d à Art u RA la C.IV de LH

(XV) Le fait pour un belligérant de contraindre les nationaux de la partie adverse à prendre part aux opérations de guerre dirigées conte leur pays, même s'ils étaient au service de ce belligérant avant le commencement de la guerre

Art 23 dernier alinéa (non numéroté)

(XVI) Le pillage d'une ville ou d'une localité, même prise d'assaut

Art 28 du RA à la C.IV de LH

(XVII) Le fait d'utiliser du poison ou des armes empoisonnées

Art. 23. a- du RA à la C.IV de LH

(XVIII) Lefait d'utiliser des gaz asphyxiants, toxiques ou assimilés et tous liquides, matières ou engins analogues

Protocole de Genève de 1925

(XIX) Le fait d'utiliser des balles quise dilatent ou s'aplatissent facilement dans le corps humain, telles que des balles dont l'enveloppe dure ne recouvre pas entièrement le centre ou est percée d'entailles

Déclaration de la Conférence Internationale de la Paix de La Haye, 1899

(XX) Le fait d'employer les armes, projectiles, matériels et méthodes de combat de nature à causer des maux superflus ou des souffrances inutiles ou agir sans discrimination en violation du droit international des conflits armés, à condition que ces moyens fassent l'objet d'une interdiction générale et qu'ils soient inscrits dans une annexe au présent statut, par voie d'amendement adopté selon les dispositions des articles 121 et 123

Art 3 5.2. du PI pour le Premier membre de phrase Deuxième membre de phrase est NOUVEAU

(XXI) Les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants

Art 3. commun au C.G.

(XXII) Le viol, l'esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée, la stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle constituant une infraction grave aux Convention de Genève

Art 76 du PI et ajout nouveau

(XXIII) Le fait d'utiliser la présence d'un civil ou d'une autre personne protégée pour éviter que certains un in t, zone ou forces militaires ne soientla cible d'opérations militaires

Art 51.7 PI

-30-

(XXIV) Le fait de lancer des attaques délibérées contre les bâtiments, le matériel, les unités et les moyens de transport sanitaires, et le personnel utilisant, conformément au droit international, les signes distincts prévus par les Conventions de Genève

Art 85.2. du PI

( UM Le fait d'affamer délibérément les civils, comme méthode de guerre, en les privant de biens indispensables à leur survie, notamment en empêchant intentionnellement l'arrivée des secours prévus par les Conventions de Genève.

- Art 23 C.G IV Art. 54.1 et 54.2 du Pl

Le fait de procéder à la conscription ou à l'enrôlement d'enfants de moins de 15 ans dans lesforces armées nationales ou de les faire participer activement à des hostilités

- Art 38 de la Convention des Droits de l'enfant - Art.77 du PI

c) En cas de conflit armé ne présentant pas un caractère international, les violations graves de l'article 3 commun aux quatre Conventions de Genève du 12août 1949, à savoir les actes ci-après commis à l'encontre des personnes qui ne participent pas directement aux hostilités, y compris les membres de forces armées qui ont déposé, les armes et les personnes qui ont été mises hors de combat par maladie, blessure, détention ou par toute autre Cause

_ Art.3 commun au CG - Ait 1. 1 du PU

(7) Les atteintes à la vie et à l'intégrité corporelle, notamment le meurtre sous toutes ses formes, les mutilations; les traitements cruels et la torture

Art.3 commun au CG

(71) Les atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants

Art 3 commun au CG

(711) Les prises d'otages

Art 3 commun au CG

Les condamnations prononcées et les exécutions effectuées sans un jugement préalable, rendupar un tribunal régulièrement constitué, assorti des garanties judiciaires généralement reconnues comme indispensables

Art 3 commun au CG

d) L'alinéa c) du paragraphe 2 s'applique aux conflits armés ne présentant pas un caractère international et ne s'applique donc pas aux situations de troubles ou tensions internes telles que les émeutes, les actes de violence sporadiques ou isolés et les actes de nature similaire

Art. 1.2 du PII

e) Les autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés ne présentant pas un caractère international, dans le cadre établi du droit international, à savoir les actes ci-après

 

(1) Le fait de lancer des attaques délibérées contre lapopulation civile en

général ou contre des civils qui ne prennent pas directement part aux Hostilités

Ait 13.2 du PII

(II) Le fait de lancer des ,attaques, délibérées contre les bâtiments, le. matériel, . les unités et les moyens de transport sanitaires, et le personnel utilisant, conformément au droit international, les signes distinctifs prévus par es Conventions de Genève

- Ait 5.2 du PI 8 -

- Art 12 du PII

-31 -

(III) Le fait de lancer des attaques délibérées contre le personnel, les installations, le matériel, les unités ou les véhicules employés dans le cadre d'une mission d'aide humanitaire ou de maintien de la paix conformément à la Charte de Nations Unies, pour autant qu'ils aient droit à la protection que le droit des conflits armés garantit aux civils et aux biens de caractère

NOUVEAU

(I V) Le fait de lancer des attaques délibérées contre des bâtiments consacrés à la religion, à l'enseignement, à l'art, à la science ou à l'action caritative, des monuments historiques, des hôpitaux et des lieux où des malades et des blessés sont rassemblés, pour autant que ces bâtiments ne soient pas alors utilisés à des fins militaires Le pillage d'une ville ou d'une localité, même prise d'assaut

Art 27 du RA CIV de LH AM28 du RA C.IV de LH

(VI) Le viol, l'esclavage sexuel, la prostitution forcée, la grossesse forcée, telle que définie à l'article 7, paragraphe 2, alinéa f) la stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle constituant une infraction grave aux Convention de Genève

Art.4.2.c. du PII

(VII) Le fait de procéder à la circonscription ou à l'enrôlement d'enfants de moins de 15 ans dans lesforces armés ou les faire participer activement à des hostilités

4.3. du P Art c II Art.38 de la Convention su les droits de l'enfant

(VIII) Le fait d'ordonner le déplacement de la population civile pour des raisons ayant trait au conflit, sauf dans les cas où la sécurité des civils soit des impératifs militaires l'exigent

Ait 17. 1. du PII

(IX) Le fait de tuer ou de blesser par traîtrise un adversaire combattant

Art.23b. du RA CIV de LEI

Le fait de déclarer qu'il ne sera pas fait de quartier

Ait 23. d. du RA C.IV de LH

(XI) Le fait de soumettre des personnes d'une autre partie au conflit tombées en son pouvoir à des mutilations ou à des expériences médicales ou scientifiques quelles qu'elles soient quine sont ni motivées par un traitement médical, ni effectuées dans l'intérêt de ces personnes, et qui entraînent la mort de celles-ci ou mettent sérieusement en danger leur Santé

Art-5.2.e. du PII

( UI) Le fait de détruire ou de saisir les biens d'un adversaire, sauf si ces destructions ou saisies sont impérieusement commandées parles nécessités du conflit

Art 23.1.g. duRA C.IV de LH

f) L'alinéa e) du paragraphe 2 s'applique aux conflits armés ne présentant pas un caractère international et rie. s'applique donc pas aux situations de tensions internes et de troubles intérieurs' comme les émeutes, les actes isolés et sporadiques de violence et autres actes analogues. Il s'applique aux conflits armés qui opposent de manière prolongée sur le territoire d'un Etat les. autorités du gouvernement de cet Etat et des groupes armés organises ou des groupes armés organisés entre eux

Art 1.2 du PII

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ANNEXE3
PROJET DE RÉSERVES ET DE DÉCLARATIONS
INTERPRÉTAT IVES CONCERNANT L'ADHÉSION DE LA
FRANCE AU PROTOCOLE 1 DU 8 JUIN 1977 RELATIF À LA
PROTECTION DES VICTIMES DES CONFLITS ARMÉS
INTERNATIONAUX, ADDITIONNEL AUX CONVENTIONS
DE GENÈVE DU 12 AOÛT 1949

1. Les dispositions du Protocole I de 1977 ne font pas obstacle à l'exercice, par la France, de son droit naturel de légitime défense, conformément à l'article 51 de la Charte des Nations unies.

2. Se référant au projet de Protocole rédigé par le Comité international de la Croix Rouge qui a constitué la base des travaux de la Conférence diplomatique de 1974-1977, le gouvernement de la République française continue de considérer que les dispositions du Protocole concernent exclusivement les armements classiques, et qu'elles ne sauraient ni réglementer ni interdire le recours à l'arme nucléaire, ni porter préjudice aux autres règles du droit international applicables à d'autres armes, nécessaires à l'exercice par la France de son droit naturel de légitime défense.

3. Le gouvernement de la République française considère que les expressions « possible » et « s'efforcer de », utilisées dans le Protocole, veulent dire ce qui est réalisable ou ce qui est possible en pratique, compte tenu des circonstances du moment, y compris les considérations d'ordre humanitaire et militaire.

4. Le gouvernement de la République française considère que le terme « conflits armés » évoqué au paragraphe 4 de l'article 1, de lui-même et dans son contexte, indique une situation d'un genre qui ne comprend pas la commission de crimes ordinaires, y compris les actes de terrorisme, qu'ils soient collectifs ou isolés.

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5. Etant donné les besoins pratiques d'utiliser des avions non spécifiques pour des missions d'évacuation sanitaire, le gouvernement de la République française n'interprète pas le paragraphe 2 de l'article 28 comme' excluant la présence à bord d'équipements de communication et de matériel de cryptologie, ni l'utilisation de ceux-ci uniquement en vue de faciliter la navigation, l'identification ou la communication au profit d'une mission de transport sanitaire, comme définie à l'article 8.

6. Le gouvernement de la République française considère que le ris . que de dommages à l'environnement naturel résultant de l'utilisation des méthodes -ou moyens de guerre, tel qu'il découle des dispositions des paragraphes 2 et 3 de l'article 35 et de celles de l'article 55, doit être analysé objectivement sur la base de l'information disponible au moment où il est apprécié.

7. Compte tenu des dispositions de l'article 43 paragraphe 3 du protocole relatives aux services armés chargés de faire respecter l'ordre, le gouvernement de la République française informe les Etats parties au Protocole que ses forces armées incluent de façon permanente la gendarmerie nationale.

8. Le gouvernement de la République française considère_ que la situation évoquée dans la seconde phrase du paragraphe 3 de l'article 44 ne peut exister que si un territoire est occupé ou dans le cas d'un confli t armé au sens du paragraphe 4 de l'article 1. Le, terme « déploiement », utilisé au paragraphe 3(b). de,ce même article, signifie tout mouvement vers un lieu à partir duquel une attaque. est susceptible d'être lancée.

9. Le gouvernement de la République française considère que la règle édictée dans la seconde phrase du paragraphe 1 de l'article 50 ne peut être interprétée comme obligeant le commandement à prendre une décision qui, selon les circonstances et les informations à sa disposition, pourrait ne pas être compatible avec son devoir d'assurer., la sécurité des troupes sous sa responsabilité ou de préserver sa situation militaire, conformément aux autres dispositions du Protocole.

10. Le gouvernement de la République française considère que l'expression « avantage militaire » évoquée aux paragraphes 5(b) de l'article 52 et 2(a)(iii) de l'article 57 désigne l'avantage attendu de l'ensemble de l'attaque et non de parties isolées ou particulières de l'attaque.

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11. Le gouvernement de la République française déclare qu'il appliquera les dispositions du paragraphe 8 de l'article 51 dans la mesure où l'interprétation de celles-ci ne fait pas obstacle à l'emploi, conformément au droit international, des moyens qu'il estimerait indispensable pour protéger sa population civile de violations graves, manifestes et délibérées des Conventions de Genève et du Protocole par l'ennemi.

12. Le gouvernement de la République française considère qu'une zone spécifique peut être considérée comme un objectif militaire si, à cause de sa situation ou pour tout autre critère énuméré à l'article 52, sa destruction totale ou partielle, sa capture ou sa neutralisation, compte tenu des

circonstances du moment, offre un avantage militaire décisif. Le gouvernement de la République française considère en outre que la première phrase du paragraphe 2 de l'article 52 ne traite pas de la question des dommages ~ collatéraux résultant des attaques dirigées contre des obj ectifs militaires.

13. Le gouvernement de la République française déclare que si les biens protégés par l'article 53 sont utilisés à des fins militaires, ils perdront par là même la protection dont ils pouvaient bénéficier conformément aux dispositions du Protocole.

14. Le gouvernement de la République française considère que le paragraphe 2 de l'article 54 n'interdit pas les attaques qui sont menées dans un but spécifique, à l'exception de celles qui visent à priver la population civile des biens indispensable à sa survie et de celles qui sont dirigées contre des biens qui, bien qu'utilisés par la partie adverse, ne servent pas à la subsistance des seuls membres de ses forces armées.

15. Le gouvernement de la Ré ublique française ne peut garantir une

protection absolue aux ouvrages et installations contenant des forces dangereuses, qui peuvent contribuer à l'effort de guerre de la partie adverse, ni aux défenseurs de telles installations, mais il prendra toutes les précautions nécessaires, conformément aux dispositions de l'article 56, de l'article 57, paragraphe 2(a)(iii), et du paragraphe 3(c) de l'article 85, pour éviter de sévères pertes collatérales dans Ies populations civiles, y compris lors d'éventuelles. attaques directes.

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16. Le gouvernement de la République française considère que l'obligation d'annuler ou d'interrompre une attaque, conformément aux dispositions du paragraphe 2(b) de l'article 57, appelle seulement l'accomplissement des diligences normales pour annuler ou interrompre cette attaque, sur la base des informations dont dispose celui qui décide de l'attaque.

17. Le gouvernement de la République française considère que l'article 70 relatif aux actions de secours n'a pas d'implication sur les règles existantes dans. le domaine de la guerre navale en ce qui concerne le blocus maritime, la guerre sous-marine ou la guerre des mines.

18. Le gouvernement de la République française ne s'estime pas lié par une déclaration faite en application du paragraphe 3 de l'article 96, sauf s'il a reconnu expressément que cette déclaration a été faite par une organisme qui est véritablement une autorité représentative d'un peuple engagé dans un conflit armé tel que défini au paragraphe 4 de l'article 1.

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ANNEXE4

DECLARATION INTERPRETATIVE DE LA FRANCE

(1) Les dispositions du Statut de la Cour pénale internationale ne font pas obstacle à l'exercice par la France de son droit naturel de légitime défense, et ce conformément à l'article 51 de la Charte.

(2) Les dispositions de l'article 8 du Statut, en particulier celles du paragraphe 2 b), concernent exclusivement les armements classiques et ne sauraient ni réglementer ni interdire l'emploi éventuel de l'arme nucléaire ni porter préjudice aux autres règles du droit international applicables à d'autres armes, nécessaires à l'exercice par la France de son droit naturel de légitime défense, à moins que l'arme nucléaire ou ces autres armes ne fassent l'objet dans l'avenir, d'une interdiction générale et ne soient inscrites dans une annexe au Statut, par voie d'amendement adopté selon les dispositions des articles 121 et 123.

Gouvernement de la République française considère que l'expression « conflit armé » dans l'article 8, paragraphes 2 b) et c), d'elle-même et dans son contexte, indique une situation d'un genre qui . ne comprend pas la commission de crimes ordinaires, y compris les actes de terrorisme, qu'ils soient collectifs ou isolés.

(4) La situation à laquelle les dispositions de l'article 8, paragraphe 2 b) (xxiii) du Statut font référence ne fait pas obstacle au lancement par laFrance d'attaques contre des objectifs considérés comme' des objectifs militaires en vertu du droit international humanitaire.

(5) Le Gouvernement de la République française déclare que l'expression « avantage militaire » à l'article 8 paragraphe 2 b) (iv) désigne l'avantage attendu de l'ensemble de l'attaque et non de parties isolées ou particulières de l'attaque.

(6) Le Gouvernement de la République française déclare qu'un zone spécifique peut être considérée comme un « objectif militaire »,'tel qu'évoqué dans l'ensemble du paragraphe 2 b) de l'article 8, si, à cause de sa situation ou de sa nature, de son utilisation ou de son emplacement, sa destruction totale ou partielle, sa capture ou sa neutralisation, compte-tenu des circonstances du moment, offre un avantage militaire décisif

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Le Gouvernement de la République française considère que les dispositions l'article 8 paragraphe 2 b) (ii) et (v) ne visent pas les éventuels dommages collatéraux résultant des attaques dirigées contre des objectifs militaires.

(7) Le Gouvernement de la République française considère que le . risque de dommages à l'environnement naturel résultant de l'utilisation des méthodes et moyens de guerre, tel qu'il découle des dispositions de l'article 8 paragraphe 2 b) (iv), doit être analysé' objectivement sur la base de l'information disponible au moment où il est apprécié

2833 - Rapport de Mme Marie-Hélène Aubert : protection des victimes des conflits armés internationaux (Genève, 12 août 1949) - (commission des affaires étrangères)


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