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le 10 décembre 2001

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N° 3440

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 5 décembre 2001.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de notes, entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse concernant l'interprétation de la convention relative au service militaire des doubles-nationaux du 16 novembre 1995,

PAR M. JOSEPH TYRODE,

Député

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 70, 143 et T.A. 109 (2000-2001)

Assemblée nationale : 3156

Traités et conventions

La Commission des affaires étrangères est composée de : M. François Loncle, président ; M. Gérard Charasse, M. Georges Hage, M. Jean-Bernard Raimond, vice-présidents ; M. Roland Blum, M. Pierre Brana, Mme Monique Collange, secrétaires ; Mme Michèle Alliot-Marie, Mme Nicole Ameline, M. René André, Mme Marie-Hélène Aubert, Mme Martine Aurillac, M. Édouard Balladur, M. Raymond Barre, M. Henri Bertholet, M. Jean-Louis Bianco, M. André Billardon, M. André Borel, M. Bernard Bosson, M. Philippe Briand, M. Bernard Brochand, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Hervé de Charette, M. Jean-Claude Decagny, M. Patrick Delnatte, M. Jean-Marie Demange, M. Xavier Deniau, M. Paul Dhaille, M. Jean-Paul Dupré, M. Charles Ehrmann, M. Jean-Michel Ferrand, M. Raymond Forni, M. Georges Frêche, M. Michel Fromet, M. Jean-Yves Gateaud, M. Jean Gaubert, M. Valéry Giscard d'Estaing, M. Jacques Godfrain, M. Pierre Goldberg, M. Michel Grégoire, M. François Guillaume, M. Jean-Jacques Guillet, M. Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, M. Didier Julia, M. Alain Juppé, M. Gilbert Le Bris, M. Jean-Claude Lefort, M. Guy Lengagne, M. François Léotard, M. Pierre Lequiller, M. Alain Le Vern, M. Bernard Madrelle, M. René Mangin, M. Jean-Paul Mariot, M. Gilbert Maurer, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, M. Étienne Pinte, M. Marc Reymann, M. François Rochebloine, M. Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, M. René Rouquet, M. Georges Sarre, M. Henri Sicre, M. Dominique Strauss-Kahn, Mme Christiane Taubira-Delannon, M. Michel Terrot, Mme Odette Trupin, M. Joseph Tyrode, M. Michel Vauzelle.

Mesdames, Messieurs,

Depuis le 1er août 1958, la France et la Suisse sont liées par une convention visant à éviter que les personnes possédant la double nationalité ne soient astreintes à leurs obligations militaires dans les deux pays. Pour diverses raisons, en particulier le fait que ladite convention ne s'appliquait qu'aux double-nationaux ayant moins de vingt ans, ce dispositif bilatéral a dû être révisé et il a été décidé d'élaborer un nouveau texte. Les négociations ont abouti à la signature d'une nouvelle convention le 16 novembre 19951, qui a été adoptée par l'Assemblée nationale le 29 janvier 1997.

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En principe (article 3 de la convention de 1995, conforme à la Convention du Conseil de l'Europe de 1963 sur les obligations militaires en cas de pluralité de nationalités), les jeunes gens disposant de la double nationalité, qu'ils soient résidant dans l'un des deux pays ou dans un Etat tiers, accomplissent leurs obligations militaires dans le seul Etat où est établie leur résidence permanente2. Cependant, à la demande de la France, l'alinéa 4 de ce même article 33 a introduit la possibilité pour tout Franco-Suisse de choisir, avant dix-neuf ans, l'Etat dans lequel il souhaite accomplir ses obligations militaires.

En Suisse, les obligations militaires sont inscrites dans la Constitution fédérale, à l'article 59. Tout citoyen déclaré apte est tenu d'accomplir entre l'âge de vingt à quarante-deux ans un temps de service fractionné entre plusieurs périodes (une période de classes de quinze semaines dans une « école de recrues », suivie de « cours de répétition » de douze ou dix-neuf jours selon un rythme bisannuel) et variant, selon le grade, de 300 à 1 300 jours.

En France, la loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997 portant réforme du service national a suspendu l'appel sous les drapeaux pour les jeunes gens nés après le 31 décembre 1978 et introduit les obligations de recensement et de participation à l'appel de préparation à la défense (« journée APD »).

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Si l'article 2 de la convention mère de 1995 prévoit que le terme « obligations militaires » s'entend pour la France comme « le service national dans toutes ses formes », les autorités suisses considèrent que la nouvelle formule française crée un déséquilibre entre les obligations militaires des double-nationaux franco-suisses résidant en Suisse et celles des mononationaux suisses. En particulier, la crainte est forte que les jeunes Franco-Suisses résidant en Suisse choisissent systématiquement l'option française prévue par la convention de 1995 et se soustraient ainsi à leurs obligations militaires en Suisse. Le risque existe alors de créer une inégalité sur le marché du travail entre d'une part les double-nationaux franco-suisses tenus d'effectuer des obligations militaires d'une seule journée et d'autre part des mononationaux suisses absents plus longuement pour raison de service militaire dans l'armée fédérale.

Pour autant, le Conseil fédéral suisse ne souhaitait pas dénoncer la convention mère dont l'article 11 prévoit un règlement par la voie diplomatique des difficultés de son application, ni en limiter ou en suspendre les effets, mais simplement aménager le droit d'option ouvert par l'article 3 de ladite convention. De nouvelles négociations bilatérales ont donc été ouvertes en mars 1999 avec l'objectif de préciser les conditions du droit d'option tout en maintenant en vigueur la convention de 1995. Elles ont abouti à la signature à Berne les 28 et 29 décembre 1999 d'un accord interprétatif sous forme d'échange de notes diplomatiques. C'est cet accord qui nous est soumis pour ratification aujourd'hui.

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Il précise simplement les conditions dans lesquelles un double-national résidant en Suisse pourra désormais choisir d'effectuer ses obligations en France. Ainsi, avant d'avoir atteint l'âge de dix-neuf ans, celui-ci pourra, conformément à l'article 4 de la convention mère de 1995, déclarer vouloir accomplir ses obligations militaires en France selon l'une des quatre modalités suivantes :

- soit déclarer de façon manifeste vouloir effectuer une préparation militaire en France (dont la durée est comprise entre quinze et vingt jours),

- soit effectuer un volontariat civil4 en France,

- soit effectuer un volontariat dans les armées5 françaises,

- soit souscrire un engagement pour servir dans les armées françaises.

Il est clair que le contenu de cette nouvelle sujétion dépasse largement la simple journée d'appel de préparation à la défense.

Il est entendu que cet accord interprétatif ne remet nullement en question la situation des double-nationaux qui résident de manière permanente en France et qui ont vocation à être soumis aux nouvelles dispositions de la loi française, c'est-à-dire effectuer la « journée APD ». Par ailleurs, ces personnes seront reconnues en règle au regard de la législation suisse sur le service militaire et ne devraient pas être inquiétées lors de leurs séjours ou installation future en Suisse.

Enfin, votre Rapporteur tient à souligner que les autorités suisses ont demandé l'application anticipée depuis le 29 décembre 1999 et à titre provisoire de l'accord interprétatif avant son entrée en vigueur officielle afin de régler en début d'année 2000 le cas de près de 200 jeunes gens dont les demandes d'option avaient été bloquées en l'absence d'un accord.

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Au bénéfice de ces observations, votre Rapporteur vous recommande l'adoption du présent projet de loi, qui paraît répondre de manière équilibrée à une difficulté pratique issue de la suppression du service national obligatoire en France.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 5 décembre 2001.

Après l'exposé du Rapporteur, et suivant ses conclusions, la Commission a adopté le projet de loi (no 3156).

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La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de l'accord figure en annexe au projet de loi (n° 3156).

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3440 - Rapport de M. Tyrode (affaires étrangères) sur le projet de loi, adopté par le sénat : accord entre la France et le Conseil fédéral suisse sur l'interprétation de la convention relative au service militaire des doubles-nationaux

1 Projet de loi n° 3056, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relative au service militaire des double-nationaux (ensemble une annexe), rapport n° 3301 du 21 janvier 1997, Rapporteur M. Charles Ehrmann, loi n° 97-99 promulguée le 5 février 1997, décret n° 97-486 du 12 mai 1997.

2 L'article 6 de la convention de 1995 apprécie la résidence permanente comme le lieu où « le double national possède le centre de ses intérêts principaux ».

3 « Le double-national qui a sa résidence permanente dans un Etat tiers doit choisir, avant d'avoir atteint l'âge de dix-neuf ans, l'Etat dans lequel il souhaite accomplir ses obligations militaires. »

4 La loi du 14 mars 2000 a créé les volontariats civils qui s'adressent aux jeunes de dix-huit à vingt-six ans pour une durée comprise entre six et vingt-quatre mois. Ils s'exercent en métropole auprès de collectivités locales ou d'associations dans les domaines de la sécurité civile, de l'environnement, de la cohésion sociale et de la solidarité. Dans les départements, territoires et collectivités territoriales d'outre-mer, ils peuvent être effectués dans les services de l'Etat. A l'étranger, ils reprennent les différentes missions dévolues aux coopérants du service national dans les services de l'Etat, auprès d'associations ou d'entreprises.

5 Le volontariat civil dans les armées a été instauré par la loi du 28 octobre 1997, est ouvert aux Français âgés de dix-huit à vingt-six ans lors du dépôt de la demande et est conclu pour une durée de douze mois renouvelable chaque année dans la limite de soixante mois.


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