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N° 3453

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 6 décembre 2001.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L'ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU PLAN (1) SUR LE PROJET DE LOI autorisant l'approbation de la décision du conseil de l'Union européenne du 29 septembre 2000 relative au système des ressources propres des communautés européennes (n° 3423),

PAR M. Gérard FUCHS,

Député.

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Assemblée nationale : 3436

Politiques communautaires.

La Commission des finances, de l'économie générale et du Plan est composée de : M. Henri Emmanuelli, président ; M. Michel Bouvard, M. Jean-Pierre Brard, M. Yves Tavernier, vice-présidents ; M. Pierre Bourguignon, M. Jean-Jacques Jégou, M. Michel Suchod, secrétaires ; M. Didier Migaud, Rapporteur Général ; M. Maurice Adevah-Poeuf, M. Philippe Auberger, M. François d'Aubert, M. Dominique Baert, M. Jean-Pierre Balligand, M. Gérard Bapt, M. François Baroin, M. Alain Barrau, M. Jacques Barrot, M. Christian Bergelin, M. Éric Besson, M. Augustin Bonrepaux, M. Jean-Michel Boucheron, Mme Nicole Bricq, M. Christian Cabal, M. Jérôme Cahuzac, M. Thierry Carcenac, M. Gilles Carrez, M. Henry Chabert, M. Jean-Pierre Chevènement, M. Didier Chouat, M. Alain Claeys, M. Charles de Courson, M. Christian Cuvilliez, M. Arthur Dehaine, M. Yves Deniaud, M. Michel Destot, M. Patrick Devedjian, M. Laurent Dominati, M. Julien Dray, M. Tony Dreyfus, M. Jean-Louis Dumont, M. Daniel Feurtet, M. Pierre Forgues, M. Dominique Frelaut, M. Gérard Fuchs, M. Gilbert Gantier, M. Jean de Gaulle, M. Hervé Gaymard, M. Jacques Guyard, M. Pierre Hériaud, M. Edmond Hervé, M. Jean-Louis Idiart, Mme Anne-Marie Idrac, M. Michel Inchauspé, M. Jean-Pierre Kucheida, M. Marc Laffineur, M. Jean-Marie Le Guen, M. Maurice Ligot, M. François Loos, M. Alain Madelin, Mme Béatrice Marre, M. Pierre Méhaignerie, M. Louis Mexandeau, M. Gilbert Mitterrand, M. Jean Rigal, M. Gilles de Robien, M. Alain Rodet, M. José Rossi, M. Nicolas Sarkozy, M. Gérard Saumade, M. Philippe Séguin, M. Georges Tron, M. Jean Vila.

INTRODUCTION

La commission des Finances est appelée à donner son avis sur un projet de loi portant approbation de la décision du Conseil de l'Union européenne sur le système des ressources propres des Communautés européennes, en date du 29 septembre 2000. Au-delà de l'aspect technique de la question, il s'agit de la réaffirmation du principe du contrôle des Parlements nationaux sur le fonctionnement de l'Union européenne.

Le volume du budget communautaire, alimenté par les ressources propres, est en effet considérable (93 milliards d'euros pour 2002). Le prélèvement opéré sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France s'élève à 16,8 milliards d'euros pour 2002. Depuis le projet de loi de finances pour 1993, un article distinct du projet de loi de finances annuel est consacré à ce prélèvement, qui donne lieu à un débat et à un vote distincts, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. Votre Rapporteur pour avis rappellera que le Parlement est saisi d'une simple « évaluation » et que son vote ne saurait par définition avoir valeur d'autorisation.

Plus significative sans doute est l'intervention du Parlement national dans la définition même du système des ressources communautaires. Chacune des grandes décisions dans ce domaine a donné lieu à une loi d'autorisation d'approbation :

· l'approbation de la décision du Conseil du 21 avril 1970, relative au remplacement des contributions nationales par des ressources propres, a été autorisée par la loi n° 70-583 du 8 juillet 1970 ;

· l'approbation de la décision du Conseil du 7 mai 1985, relevant le plafond de l'assiette TVA et arrêtant les nouvelles modalités de calcul de la compensation britannique, a été autorisée par la loi n° 85-1335 du 18 décembre 1985 ;

· l'approbation de la décision du Conseil du 24 juin 1988, créant une quatrième ressource propre, assise sur le PNB, a été autorisée par la loi n° 88-1253 du 30 décembre 1988 ;

· enfin, l'approbation de la décision du Conseil du 30 octobre 1994 modifiant le système des ressources propres a été autorisée par la loi n° 94-1205 du 30 décembre 1994.

La décision du Conseil de l'Union européenne du 29 septembre 2000 est soumise au même régime juridique. La nécessité de procédures nationales d'approbation, impliquant, dans le cas de la France, l'intervention du Parlement, résulte de l'article 201 du traité sur l'Union européenne. Celui-ci, qui a repris pour l'essentiel, en l'actualisant, la rédaction de l'ancien article 201 du traité de Rome, dispose :

« Le budget est, sans préjudice des autres recettes, intégralement financé par des ressources propres ».

« Le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission et après consultation du Parlement européen, arrête les dispositions relatives au système des ressources propres de la Communauté dont il recommande l'adoption par les États membres, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. »

Le présent rapport pour avis s'attachera à présenter les conséquences financières, pour notre pays, de la nouvelle réforme du système des ressources propres. On notera cependant le paradoxe qui consiste à demander au Parlement d'approuver ce nouveau système alors qu'il a d'ores et déjà servi de facto au calcul des contributions des États pour le budget des Communautés européennes pour 2002, sur lequel l'Assemblée nationale comme le Sénat viennent de se prononcer, à l'occasion de la discussion en première lecture de l'article 26 du projet de loi de finances pour 2002.

A.- LES RÉFORMES SUCCESSIVES DU SYSTÈME DES RESSOURCES  PROPRES

Le budget communautaire présente une caractéristique originale. Dans le cas des budgets nationaux, le Gouvernement et le Parlement établissent des prévisions de recettes et ajustent les dépenses en conséquence, acceptant le cas échéant de recourir au déficit et de le financer. Pour le budget communautaire, les trois branches de l'autorité budgétaire partent des dépenses, qui résultent de plafonds programmés, et y ajustent les recettes. En effet, en application de l'article 199 des Traités « le budget doit être équilibré en recettes et en dépenses ».

1.- Des ressources d'origine nationale

Pendant la période transitoire qui a suivi l'entrée en vigueur des Communautés économiques européennes, le financement des dépenses communautaires était assuré, en application de l'article 200 du Traité de Rome, par des contributions des États membres calculées selon des « clés » de répartition fixes. L'article 201 envisageait toutefois le remplacement, à terme, de ces contributions par des ressources propres, « notamment par des recettes provenant du tarif douanier commun ». La période transitoire s'achevant le 31 décembre 1969, les chefs d'État et de gouvernement réunis à La Haye, en décembre 1969, ont décidé de doter la Communauté d'un financement autonome. L'année suivante, la décision du Conseil du 21 avril 1970 attribuait définitivement à la Communauté trois types de recettes :

· les prélèvements agricoles et les cotisations « sucre » et « isoglucose ». Les premiers sont des taxes variables perçues sur les importations de produits agricoles en provenance de pays tiers et qui relèvent d'une organisation commune de marché. Il s'agit, par le jeu de la préférence communautaire, de compenser la différence entre les prix mondiaux et les prix communautaires. Leur rendement s'est atténué au fil des ans, en raison de la libéralisation croissante du commerce mondial. Les cotisations sur le sucre et l'isoglucose recouvrent, pour leur part, les cotisations à la production et au stockage prévues dans le cadre de l'organisation commune de marché « sucre », ainsi que les cotisations à la production d'isoglucose.

Ces deux mécanismes résultent donc du fonctionnement de la politique agricole commune ;

· les droits de douane constituent la seule véritable ressource propre communautaire, puisqu'ils proviennent de l'application du tarif douanier commun à la valeur en douane des marchandises importées de pays tiers.

· La ressource TVA (issue de la décision du 21 avril 1970) était destinée à servir de complément aux deux ressources précitées. Elle provient de l'application d'un taux uniforme de l'assiette de la TVA de chaque État membre, harmonisée selon des règles communautaires, taux fixé à l'origine à 1 %. Cette disposition était destinée à assurer une certaine permanence du financement des activités de la Communauté, ainsi que l'autonomie de ses ressources par rapport aux recettes fiscales nationales. Or, ces deux objectifs n'ont été qu'imparfaitement atteints. De ce fait, la décision du 24 juin 1988 a institué une quatrième ressource, assise sur le PNB, qui présentait l'intérêt d'asseoir une recette sur la croissance économique et de la lier à la faculté contributive de chaque État membre.

On constatera que le terme de ressources propres n'est pas le plus approprié, car l'ensemble des ressources sont prélevées par les États membres, puis rétrocédées à l'Union européenne. En outre, certaines d'entre elles ne constituent qu'une affectation de recettes au profit du budget communautaire.

2.- Une adaptation aux ambitions des Communautés européennes

Les précédentes modifications du système des ressources propres tenaient à la nécessité de dégager de nouvelles ressources pour permettre l'accroissement du rôle des Communautés européennes. Le « Paquet Delors I » prévoyait notamment de doubler l'enveloppe des Fonds structurels pour la période allant de 1988 à 1993. Le Conseil européen de Bruxelles de 1988 a donc créé la ressource PNB, destinée à l'origine à jouer le rôle de recette complémentaire, et a introduit une programmation pluriannuelle des dépenses. Le Conseil européen d'Edimbourg (décembre 1992) a globalement retenu l'architecture élaborée en 1988, tout en acceptant certains aménagements, à l'origine de la décision du Conseil du 30 octobre 1994. Les besoins financiers pour la période 1993-1999 prévoyaient un nouveau doublement des Fonds structurels, qui devaient s'établir à 930 milliards de francs sur six ans.

La décision du 30 octobre 1994 a donc relevé le plafond des ressources propres par rapport au PNB, afin d'accroître les ressources de la Communauté.

PLAFOND DE RESSOURCES PROPRES EN   % DU PNB TOTAL DE LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE

Perspectives financières 1988-1992

Perspectives financières 1993-1999

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

1,15

1,17

1,18

1,19

1,20

1,20

1,20

1,21

1,22

1,24

1,26

1,27

Source : Commission des Communautés européennes.

En outre, la décision du 30 octobre 1994 a ramené le taux d'appel de TVA de 1,32 % en 1995 à 1 % en 1999, afin de permettre la montée en puissance de la ressource PNB. La ressource TVA présente en effet un caractère relativement injuste. Les pays les moins prospères versent, à ce titre, une part supérieure à ce qu'exigerait l'équité parce qu'ils consomment relativement plus, en proportion de leur PNB, que les pays plus riches.

La décision a en outre maintenu certains mécanismes antérieurs, notamment le mécanisme correcteur dont bénéficiait le Royaume-Uni au titre de la ressource TVA. Eu égard aux difficultés posées par la ratification du traité de Maastricht dans ce pays, les États membres et la Commission ont jugé plus prudent de maintenir le statu quo.

La décision du 31 octobre 1994 maintenait l'architecture d'ensemble du système de ressources propres, tout en prévoyant, en son article 10, que la Commission européenne devrait présenter un rapport sur le fonctionnement du système, le réexamen de la compensation britannique, ainsi que sur la possibilité d'instituer une nouvelle ressource propre.

B.- LES CONSÉQUENCES POUR LA FRANCE DE LA RÉFORME DU SYSTÈME  DES RESSOURCES PROPRES

Le Conseil européen de Berlin du 25 mars 1999 devait répondre aux défis suivants : élargissement de l'Union, financement de la politique agricole commune (PAC), promotion des réseaux transeuropéens, politique extérieure et de sécurité commune (PESC) tout en ménageant les dossiers sensibles pour chacun des États membres.

Le souci de rigueur budgétaire a été pris en compte dans le compromis final. Les États membres ne voulaient en effet pas admettre que le budget communautaire augmente dans des proportions incompatibles avec l'évolution des budgets nationaux de chaque État membre. Le plafond des ressources reste donc fixé à 1,27 % du PNB communautaire pour l'ensemble de la période, ce qui exclut de facto toute nouvelle politique commune d'importance.

Le budget de la PAC a été stabilisé, en francs constants, sur la période, et le compromis final est acceptable pour les agriculteurs français qui ont obtenu satisfaction en terme de prix, de compensation, de niveau d'intervention et de maintien de quotas laitiers. Le développement rural, qui constitue désormais le deuxième pilier de la PAC est pris en compte et vise à assurer une gestion de l'espace, en intégrant le développement social et la protection de l'environnement des campagnes.

L'enveloppe des fonds structurels a été limitée à 220 milliards d'euros (contre 247 milliards d'euros dans la proposition initiale de la Commission). Le système d'attribution a été réformé, afin de concentrer les fonds structurels sur un nombre plus limité de zones éligibles. De nombreuses dérogations subsistent néanmoins, limitant l'effet de la réforme.

Les politiques internes bénéficient de 44 milliards d'euros entre 2000 et 2006, soit une progression de 30 % par rapport au paquet précédent (en prix courants). L'effort de l'Union envers les pays tiers est en forte progression (25 % à structure constante, c'est-à-dire en dehors de l'effort nouveau réalisé envers les pays candidats à l'adhésion).

1.- La réforme du système des ressources propres

Officiellement, le Conseil de Berlin a réformé le système des ressources propres pour assurer l'ensemble des dépenses communautaires et introduire plus d'équité dans le cadre financier de l'Union à partir de 2000. En réalité, la modification du système des ressources propres visait surtout à satisfaire les demandes de l'Allemagne, des Pays-Bas, de la Suède et de l'Autriche d'un rééquilibrage de leurs contributions nettes au budget de l'Union, qu'ils jugeaient excessives. L'article 2, § 1 de la décision du 29 septembre 2000 maintient les quatre ressources propres. Les ressources propres traditionnelles (droits de douane, sucre, isoglucose) sont donc pérennisés, mais le pourcentage de celles-ci retenu par les États membres au titre de leurs frais de perception est passé de 10  % à 25  % à compter de l'exercice 2001. Les États ont, en effet, estimé qu'ils devaient s'acquitter de tâches supplémentaires (contrôles sanitaires, lutte contre la fraude, contrôle des quotas). Ce dispositif a, en fait, permis aux Pays-Bas de conserver une part plus importante de droits de douane, dont ils perçoivent un montant considérable en raison du dynamisme de leurs installations portuaires.

S'agissant de la ressource fondée sur la TVA, l'article 2 § 4 de la décision prévoit, d'une part, de maintenir l'assiette de la TVA écrêtée à 50 % du PNB des États membres et, d'autre part, de ramener le taux d'appel maximal de cette ressource - actuellement fixé à 1 % - à 0,75 % en 2002 et 2003, puis à 0,5 % à partir de 2004. Rappelons que la ressource TVA, créée en 1970, résulte de l'application d'un taux uniforme à l'assiette de la TVA de chaque État membre, écrêtée et harmonisée selon des règles communautaires. Le taux d'appel ne peut excéder le taux maximal fixé dans la décision sur les ressources propres et prend en compte le montant brut de la compensation en faveur du Royaume-Uni.

Conformément au v_u exprimé par le Conseil européen de Berlin, l'article 2, § 4 précité vise à limiter la part de la ressource TVA dans le financement de l'Union et, ainsi, accroître l'équité du système de financement communautaire. La ressource PNB prendra donc une part croissante.

L'article 4 de la décision maintient la compensation budgétaire dont bénéficie le Royaume-Uni depuis 1984. Son principe n'est pas étendu à d'autres États membres, mais ses modalités de calcul et de financement sont aménagées dans le sens indiqué par le Conseil européen de Berlin. Le financement de la correction britannique fait l'objet d'une nouvelle répartition entre les quatorze autres États membres, déterminée en fonction de leur part dans la contribution PNB. Les principaux contributeurs nets - Allemagne, Pays-Bas, Suède et Autriche - ne s'acquitteront que de 25  % de leur part normale. On rappellera que l'Allemagne disposait déjà, en 1984, d'une « ristourne », puisqu'elle ne s'acquittait que des deux tiers de sa part normale. Cette modification du financement de la correction britannique joue sur la part de la France, de l'Italie, de la Belgique et du Danemark, notre pays assumant, au terme du processus de mise en _uvre du nouveau système, un peu moins du tiers de la charge budgétaire.

RÉPARTITION DE LA CHARGE DE LA CORRECTION EN FAVEUR

DU ROYAUME-UNI

États

Montant 1999 sur la base de la décision
du 31 octobre 1994

Montant 1999 sur la base de la décision du 29 septembre 2000

membres

(en millions d'euros)

(en  %)

(en millions d'euros)

(en  %)

Belgique

162,9

4,1

220

5,6

Danemark

108,1

2,7

146

3,7

Allemagne

800

20,3

300

7,6

Grèce

77,5

1,9

105

2,7

Espagne

362

9,2

480

12,2

France

924,9

23,5

1.251

31,9

Irlande

44

1,1

60

1,5

Italie

759

19,3

1.028

26,2

Luxembourg

11,6

0,3

16

0,4

Pays-Bas

246,6

6,2

54

1,4

Autriche

137,1

3,5

30

0,8

Portugal

68,5

1,7

93

2,4

Finlande

78,5

1,9

108

2,7

Suède

149,7

3,8

33

0,8

Source : Commission des Communautés européennes

Enfin, conformément à la demande du Conseil européen de Berlin, l'article 9 prévoit de réexaminer le système des ressources propres de l'Union. Cet article pose le principe d'un rapport que la Commission sera chargée d'établir avant le 1er janvier 2006, sur le fonctionnement du système, l'impact de l'élargissement sur celui-ci, la correction britannique et les modalités de son financement. Il est, en outre, précisé que le rapport devra traiter « de la possibilité de créer de nouvelles ressources propres autonomes et des modalités d'introduction d'un taux uniforme fixe applicable à l'assiette TVA. »

Cette rédaction peut paraître ambitieuse mais elle est identique à celle de l'article 10 de la décision du 31 octobre 1994 et il convient de rappeler que ni le traité ni les décisions successives du Conseil relatives aux ressources propres n'en ont créé de nouvelles.

Cette question demeure pourtant d'actualité, ne serait-ce (au-delà des questions financières) que pour renforcer l'idée de la citoyenneté européenne et aussi pour doter l'Union Européenne de véritables programmes de développement dans le domaine des technologies d'avenir (espace, intelligence artificielle, biotechnologies). Une telle mise en _uvre accompagnant le renforcement de l'Union européenne conduira immanquablement à son tour à lever le plafond actuel de 1,27 % pour le budget communautaire.

2.- L'évolution récente des ressources propres

Les chiffres du budget général des Communautés de 2001 confirment les tendances observées au cours des exercices précédents. Le reflux constant des ressources propres traditionnelles (droits agricoles, cotisations et prélèvements sucre, droits de douane) a été accentué par l'application de la décision relative aux ressources propres, adoptée le 29 septembre 2000 et entrée de facto en _uvre avant même son approbation par les Parlements nationaux.

Les ressources propres provenant de la TVA occupent une part qui est tombée de 69,9 % en 1990 à moins de 37 % de 1999 à 2001. Cette évolution est due principalement à l'instauration en 1988 d'un écrêtement des assiettes TVA (55 %), ramené en 1999 à 50 % pour tous les États membres. En outre, le taux maximal d'appel de la ressource TVA a été réduit de 1,4 % en 1995 à 1 % en 1999. La nouvelle décision sur les ressources propres prévoit d'autres réductions évoquées supra.

En novembre 1999, le Parlement européen s'est félicité de la baisse du taux maximal d'appel de la TVA, exprimant même le souhait que, à moyen terme, cette ressource ne soit plus mobilisée. Il a marqué son désaccord avec l'augmentation des frais de perception imputés par les États membres sur les ressources propres traditionnelles, en faisant valoir que ce relèvement ne reflétait pas un réel alourdissement des coûts à la charge des États membres. La Commission des Budgets du Parlement européen estime que « ce système de retenue pourrait être décrit comme une sorte de ristourne occulte qui affecte la transparence du régime des ressources propres ».

ÉVOLUTION DES RESSOURCES PROPRES

(en %)

 

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Ressources propres traditionnelles

29,1

28,7

29,4

26,4

23,6

20,3

20,6

21,3

19,1

18,8

15,5

16,6

14,8

15,7

13

13

13

14

14

TVA

60,0

60,7

69,9

59,5

61,9

54,0

51,9

57,8

51,3

45,5

41,2

36,4

36,7

36,8

20

21

10

12

13

PNB

10,9

10,6

0,7

14,1

14,5

25,7

27,5

20,9

29,6

35,7

43,3

47,0

48,5

47,5

67

66

76

74

73

Source : Parlement européen, Commission des Budgets

3.- Les conséquences financières pour la France

Le tableau ci-dessous indique les parts des États membres dans le financement du budget communautaire.

PART RESPECTIVE DE CHACUN DES ÉTATS MEMBRES

DANS LE FINANCEMENT DU BUDGET COMMUNAUTAIRE

 

1995

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

Belgique

4,0

3,9

3,9

3,8

3,9

3,8

4,3

3,9

Danemark

1,9

1,9

2

2,1

2,0

2,0

2,1

2,1

Allemagne

31,4

29,2

28,2

25,1

25,5

25,2

25,4

23,7

Grèce

1,5

1,6

1,6

1,6

1,6

1,6

1,7

1,7

Espagne

5,4

6,4

7,1

7,0

7,6

7,3

8,1

7,9

France

17,5

17,54

17,5

16,5

17,0

16,7

17,6

17,3

Irlande

1,0

1,0

0,9

1,2

1,3

1,1

1,4

1,3

Italie

9,5

12,6

11,5

12,9

13,0

12,6

13,8

13,8

Luxembourg

0,2

0,2

0,2

0,3

0,2

0,2

0,3

0,3

Pays-Bas

6,4

6,2

6,4

6,2

6,2

6,1

6,8

6,0

Autriche

2,6

2,6

2,8

2,5

2,5

2,5

2,6

2,3

Portugal

1,3

1,3

1,4

1,3

1,5

1,4

1,5

1,5

Finlande

1,3

1,4

1,4

1,4

1,5

1,4

1,5

1,5

Suède

2,4

2,8

3,1

2,9

2,8

2,9

3

2,6

Royaume-Uni

13,6

11,6

11,9

15,2

13,4

15,1

9,9

14,1

Source : rapports annuels de la Cour des Comptes européennes

(1) Projet de budget 2002 établi selon la nouvelle décision sur les ressources propres.

La France est le deuxième contributeur au budget communautaire, derrière l'Allemagne.

La réforme du système des ressources propres entraîne, conformément à son objectif, des transferts de charge entre les États membres.

COÛT PAR ÉTAT MEMBRE DE LA NOUVELLE DÉCISION RESSOURCE PROPRE (DRP)

SUR LA BASE DU PROJET DE BUDGET POUR 2002

(en millions d'euros)

 

Ancienne DRP

Nouvelle DRP

Écart sur les contributions nettes

Montant

de la contribution

Contribution nette

en % (2)

Nouvelle contribution (1)

Contribution nette

en % (2)

Belgique

3.862

3.719

4

4.038

3.679

4

- 39,8

Danemark

1.952

1.916

2

2.097

2.006

2

90,2

Allemagne

23.413

23.028

24

23.404

22.442

24

- 585,6

Grèce

1.591

1.567

2

1.654

1.595

2

27,8

Espagne

7.494

7.386

8

7.793

7.524

8

138,1

France

16.160

15.978

17

16.877

16.422

17

444,1

Irlande

1.281

1.258

1

1.330

1.272

1

13,8

Italie

12.555

13.384

13

13.498

13.068

14

684,8

Luxembourg

231

228

0

241

234

0

5,1

Pays-Bas

6.399

6.194

7

6.257

5.745

6

- 449,9

Portugal

1.415

1.394

2

1.472

1.418

2

24

Grande-Bretagne

13.810

13.437

14

14.157

13.225

14

- 212,1

Autriche

2.341

2.310

2

2.278

2.201

2

- 109,2

Finlande

1.401

1.387

2

1.498

1.461

2

74,5

Suède

2.647

2.601

3

2.609

2.495

3

- 105,8

Total

96.553

94.787

100

99.201

94.787

100

0

(1) hors régularisation des frais de perception 2001.

(2) pour les contributions nettes.

Source : ministère de l'Économie et des Finances

Le nouveau système des ressources propres :

augmente les contributions de la France et de l'Italie, respectivement à hauteur de 444,1 et 684,8 millions d'euros ;

diminue les contributions de l'Allemagne (- 585,6 millions d'euros), des Pays-Bas (- 449,9 millions d'euros), du Royaume-Uni (- 212,1 millions d'euros), de l'Autriche (- 109,2 millions d'euros), de la Suède (- 105,8 millions d'euros) et de la Belgique (- 39,8 millions d'euros).

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa séance du 6 décembre 2001, la Commission a procédé à l'examen pour avis, sur le rapport de M. Gérard Fuchs, du projet de loi portant approbation de la décision du Conseil sur les ressources propres des communautés européennes (n°3423).

Votre Rapporteur a rappelé que la réforme du système des ressources propres, en date du 29 septembre 2000, résultait du Conseil européen de Berlin et constituait la cinquième modification en la matière. La Commission des finances a souhaité se saisir pour avis de ce projet de loi, qui concerne bien évidemment les finances publiques de notre pays, mais la ratification par le Parlement de l'accord est purement formelle, car le projet de budget communautaire pour 2002 a déjà été établi sur la base de la nouvelle réforme.

L'évolution des ressources propres, ces dernières années, traduit la montée en puissance de la ressource PNB, plus juste, car elle porte sur la richesse produite par chaque pays. La réforme du 29 septembre 2000 maintient le plafond à 1,27 % du PNB. Cette stabilisation constitue en fait un véritable défi pour l'Union européenne, car il lui faudra financer à la fois les dépenses agricoles, l'élargissement de l'Union et le développement des réseaux trans-européens. La réforme ne permet donc pas de créer de nouvelles politiques communautaires, sinon le plafond aurait été augmenté. En réalité, la réforme du système des ressources propres vise à minorer la contribution de trois pays - les Pays-Bas, l'Allemagne et l'Autriche - qui se plaignaient de verser des dotations trop importantes à l'Union européenne.

Votre Rapporteur a indiqué que la réforme reposait sur trois piliers : l'augmentation des frais de perception restitués aux États membres, la diminution de la part de la TVA et l'augmentation de la ressource PNB. La correction en faveur du Royaume-Uni n'est pas supprimée, mais la répartition de cette charge entre les autres États membres est modifiée. Enfin, la Commission européenne devra établir avant 2006 un rapport sur une éventuelle nouvelle modification du système, ce qui signifie soit l'institution d'une ressource supplémentaire, soit la création de nouvelles politiques communautaires, dans le domaine des technologies de la biologie ou de l'espace, par exemple.

Au total, la part de la France dans le budget de l'Union restera stable, en étant légèrement supérieure à 17 %. En valeur absolue, la réforme a pour effet de minorer de 585 millions d'euros la contribution de l'Allemagne et de 449 millions d'euros la part des Pays-Bas. Elle augmente les contributions de la France et de l'Italie, respectivement à hauteur de 444 et 684 millions d'euros. La France contribue donc un peu plus nettement au financement des politiques communautaires. C'était l'une des conditions du maintien de la politique agricole commune.

M. Jean-Jacques Jégou s'est interrogé sur la prise en compte du coût de l'agriculture dans l'augmentation de la contribution française, en rappelant combien la politique agricole avait pesé au récent sommet de Doha.

Votre Rapporteur a répondu qu'une telle évaluation était difficile à effectuer au franc près, mais que l'augmentation de la part française permettait à notre pays de conserver le soutien de l'Allemagne. Au demeurant, la réforme des ressources propres stabilise la contribution de ce pays, mais ne la diminue pas.

M. Jean-Jacques Jégou a noté que les partenaires européens de la France avaient suivi notre pays à Doha, mais en exprimant quelques réserves. Sans doute est-il nécessaire de rénover la politique agricole commune.

M. Yves Tavernier, Président, s'est dit préoccupé de la faiblesse politique de l'Union européenne à Doha. A contrario, le Fonds monétaire international et la Banque mondiale sont plus actifs lorsqu'il s'agit de défendre les céréaliers nord-américains ou les producteurs de viande d'Argentine et d'Australie.

Votre Rapporteur a jugé la position de M. Yves Tavernier un peu sévère. La vraie question est, en effet, de savoir pourquoi les pays les plus pauvres ont contesté les positions de la Communauté européenne. Ceci amène à une réflexion sur notre stratégie.

Votre Rapporteur a estimé qu'il y avait en fait deux débats : d'une part la traditionnelle confrontation entre les États-Unis et la Communauté européenne, mais sur ce plan il n'y a aucune raison de céder aux États-Unis qui subventionnent largement leur agriculture ; d'autre part, les positions de l'Union européenne à l'égard des pays du tiers-monde.

M. Pierre Méhaignerie a considéré que le problème était interne à l'Union européenne. Les récentes convergences entre l'Allemagne et la Grande-Bretagne, puis entre l'Espagne et l'Allemagne marquent une évolution proche de la zone de libre échange prônée par la Grande-Bretagne. Dans la mesure où le Président de la République et le Premier ministre n'ont pas de position européenne marquée, l'indécision caractérise la politique française.

La Commission a ensuite émis un avis favorable à l'adoption du projet de loi.

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3453 - Rapport de M. Gérard Fuchs (commission des finances) sur le projet de loi autorisant l'approbation de la décision du conseil de l'Union européenne du 29 septembre 2000 relative au système des ressources propres des communautés européennes.


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