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le 18 janvier 2002

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N° 3539

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 16 janvier 2002.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L'ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE (1) SUR LA PROPOSITION DE LOI (N° 3530) DE M. JEAN-MARC AYRAULT ET PLUSIEURS DE SES COLLÈGUES, complétant la loi du 15 juin 2000,

PAR M. JULIEN DRAY,

Député.

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(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Justice.

La Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République est composée de : M. Bernard Roman, président ; M. Pierre Albertini, Mme Nicole Feidt, M. Gérard Gouzes, vice-présidents ; M. Richard Cazenave, M. André Gerin, M. Arnaud Montebourg, secrétaires ; M. Léon Bertrand, M. Jean-Pierre Blazy, M. Émile Blessig, M. Jean-Louis Borloo, M. Michel Bourgeois, Mme Danielle Bousquet, M. Michel Buillard, M. Dominique Bussereau, M. Christophe Caresche, M. Patrice Carvalho, Mme Nicole Catala, M. Jean-Yves Caullet, M. Olivier de Chazeaux, M. Pascal Clément, M. Jean Codognès, M. François Colcombet, M. François Cuillandre, M. Henri Cuq, M. Jacky Darne, M. Camille Darsières, M. Francis Delattre, M. Bernard Derosier, M. Franck Dhersin, M. Marc Dolez, M. Renaud Donnedieu de Vabres, M. René Dosière, M. Julien Dray, M. Jean-Pierre Dufau, Mme Laurence Dumont, M. René Dutin, M. Renaud Dutreil, M. Jean Espilondo, M. Roger Franzoni, M. Pierre Frogier, M. Claude Goasguen, M. Philippe Houillon, M. Michel Hunault, M. Michel Inchauspé, M. Henry Jean-Baptiste, M. Armand Jung, M. Jérôme Lambert, Mme Christine Lazerges, Mme Claudine Ledoux, M. Jean Antoine Leonetti, M. Bruno Le Roux, M. Jacques Limouzy, M. Noël Mamère, M. Thierry Mariani, M. Jean-Pierre Michel, M. Ernest Moutoussamy, Mme Véronique Neiertz, M. Robert Pandraud, M. Dominique Perben, Mme Catherine Picard, M. Henri Plagnol, M. Didier Quentin, M. Dominique Raimbourg, M. Jean-Pierre Soisson, M. Frantz Taittinger, M. André Thien Ah Koon, M. Jean Tiberi, M. Alain Tourret, M. André Vallini, M. Michel Vaxès, M. Alain Vidalies, M. Jean-Luc Warsmann.

INTRODUCTION 5

DISCUSSION GÉNÉRALE 9

EXAMEN DES ARTICLES 17

Article premier (art. 62, 63, 77, 78, 153, 154 et 706-57 du code de procédure pénale) : Définition des critères permettant le placement d'une personne en garde à vue 17

Article 2 (art. 63-1 et 63-2 du code de procédure pénale) : Notification et exercice des droits dont disposent les personnes placées en garde à vue 19

Article 3 (Art. 143-1 du code de procédure pénale) : Détention provisoire des personnes ayant commis plusieurs délits 22

Article 4 (Art. 145-5 du code de procédure pénale) : Détention provisoire des parents élevant seuls leurs enfants 24

Article 5 (Art. 380-2 du code de procédure pénale) : Appel des arrêts d'acquittement 25

Article 6 Application de la loi outre-mer 26

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION 27

TABLEAU COMPARATIF 29

MESDAMES, MESSIEURS,

Assurer le respect des droits de l'homme, ceux des victimes et ceux de la défense, est constitutif de l'engagement politique de toute personne attachée aux valeurs de la République. De ce point de vue, la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, qui a adapté notre procédure pénale afin de renforcer la protection des libertés individuelles et de prendre en compte, notamment en matière de garde à vue, les exigences de la Convention européenne des droits de l'homme, restera comme une grande _uvre de cette législature. Rendue nécessaire par le développement de la jurisprudence tant européenne que nationale, elle était à la fois souhaitable et inéluctable.

La loi du 15 juin 2000 a permis à notre pays de se mettre au niveau de ses voisins européens en matière de protection des droits de l'homme, sans pour autant mettre fin à la spécificité de sa procédure. C'est ainsi que cette loi a notamment permis que notre système judiciaire inquisitoire fasse une plus grande place aux procédures contradictoires. Il convient, à ce stade, de rappeler rapidement quelques grandes avancées procédurales apportées par ce texte : la présence de l'avocat dès la première heure de garde à vue, l'élargissement du statut de témoin assisté et la modification des modalités de mise en examen, l'instauration d'un appel en matière criminelle, la juridictionnalisation de l'application des peines et la réforme de la libération conditionnelle, la possibilité de réexaminer les décisions définitives en cas de condamnation par la Cour européenne des droits de l'homme, la réforme des conditions de déroulement de la garde à vue... autant de réformes qui, parce qu'elles renforcent les droits de nos concitoyens dans les procédures judiciaires, ont été approuvées par l'ensemble de la représentation nationale.

La première année d'application de cette loi a cependant fait apparaître quelques difficultés ponctuelles. Le Gouvernement a estimé urgent d'en prendre la mesure, car elles pouvaient être de nature à gêner le travail de la police et de la gendarmerie, alors même que la sécurité des Français est l'une de ses priorités depuis le début de la législature.

A cet effet, le Premier ministre a confié au rapporteur une mission d'évaluation des dispositions de la loi du 15 juin 2000 afférentes au déroulement des procédures diligentées par les services de police et de gendarmerie (1). Précédemment, la commission des Lois de l'Assemblée nationale avait chargé Mme Christine Lazerges d'une mission d'évaluation de cette même loi.

Le rapporteur a remis son rapport le 19 décembre dernier. Il lui est apparu nécessaire d'apporter un certain nombre de précisions à la loi relative à la présomption d'innocence qui, sans remettre en cause ses apports, permettraient d'éviter que des normes trop rigoureuses, ou interprétées de façon restrictive, ne se traduisent par un alourdissement de la charge de travail des enquêteurs, dans des conditions peu compatibles avec l'efficacité des procédures.

La proposition de loi n° 3530 présentée par le rapporteur et l'ensemble des membres du groupe socialiste s'inspire de ces conclusions. Elle compte six articles, dont le contenu doit être rappelé brièvement.

L'article 1er modifie les critères autorisant le placement en garde à vue, en substituant à la notion « d'indices faisant présumer » que la personne a commis une infraction, dont l'imprécision est critiquée par de nombreux officiers de police judiciaire, un renvoi aux « raisons plausibles de soupçonner » la commission de l'infraction. Cette modification, qui reprend les termes de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, devrait faciliter le travail des enquêteurs, par une clarification de la notion de suspect, le témoin restant un témoin.

Par coordination, la définition des témoins, qui ne peuvent pas être placés en garde à vue, serait modifiée, afin de spécifier qu'il s'agit des personnes à l'égard desquelles il n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elles ont commis une infraction.

L'article 2 aménage la procédure de notification et d'exercice des droits des personnes placées en garde à vue, afin d'alléger les contraintes pesant sur les officiers de police judiciaire. Le droit d'interroger le procureur de la République sur la suite donnée à la procédure, prévu par l'article 77-2 du code de procédure pénale, serait notifié à la fin de la garde à vue, et non plus, comme actuellement, dès le début de celle-ci. Les autres droits continueraient à être notifiés immédiatement, mais les formalités liées à l'exercice du droit de prévenir la famille et d'être examiné par un médecin pourraient, sauf circonstance insurmontable, être effectuées dans un délai maximal de trois heures, au lieu d'une heure comme le prévoit actuellement une circulaire du 4 décembre 2000. L'information du procureur de la République devrait également intervenir dans ce délai. Enfin, la formulation du droit au silence est modifiée afin de signifier à la personne placée en garde à vue que l'exercice de ce droit est susceptible de lui porter préjudice.

L'article 3 complète les dispositions relatives à la détention provisoire afin d'autoriser le placement en détention des délinquants multiréitérants. La détention de ces délinquants, que la loi du 15 juin 2000 interdit si la peine encourue est inférieure à trois ans d'emprisonnement ou à cinq ans s'il s'agit d'une infraction contre les biens, serait possible lorsqu'ils sont mis en examen pour plusieurs délits punis d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à deux ans. Cette modification pourrait s'appliquer à l'ensemble des délits de délinquance urbaine, dès lors que leurs auteurs s'y livrent de manière habituelle.

L'article 4 modifie les dispositions qui imposent la réalisation d'une enquête sociale avant tout placement en détention provisoire de parents d'enfants de moins de dix ayant chez eux leur résidence habituelle, destinée à proposer des mesures alternatives à l'incarcération. Cette enquête serait désormais obligatoire pour les parents d'enfants de moins de seize ans exerçant seuls l'autorité parentale ; elle ne serait exigée que pour le placement initial en détention, et non plus pour le renouvellement de la mesure ; la personne intéressée devrait, pour pouvoir en bénéficier, faire connaître sa situation familiale au plus tard lors de l'interrogatoire de première comparution ; enfin, l'objet de l'enquête serait de proposer des mesures propres à éviter que la sécurité du mineur ne soit mise en danger. Ces modifications, destinées à écarter des détournements de procédure, sont conformes à l'esprit des dispositions adoptées par le Parlement il y a quelques mois, le législateur ayant souhaité avant tout protéger les enfants de parents concernés par une procédure judiciaire.

L'article 5 donne la possibilité au ministère public de faire appel des décisions d'acquittement rendues par les cours d'assises, lorsqu'il existe un appel de la condamnation d'un co-accusé.

Enfin, l'article 6 étend l'application de ces dispositions en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.

Doit-on considérer que cette proposition de loi résume, à elle seule, le travail à accomplir ? En aucun cas.

Il convient de rappeler, tout d'abord, que nombre des recommandations formulées par le rapporteur dans son rapport au Premier ministre pouvaient être mises en _uvre sans passer par la loi. De fait, dès le 10 janvier dernier, la garde des Sceaux a adressé aux procureurs généraux une circulaire, d'application immédiate, qui clarifie les conditions dans lesquelles sont placées en garde à vue les personnes soupçonnées d'avoir commis une infraction, précise les modalités d'exercice de leurs droits et favorise les contacts entre les enquêteurs et le procureur de la République.

Cette circulaire souligne, d'emblée, que : « Les règles instituées par la loi du 15 juin 2000 (...) ne doivent pas avoir pour conséquence d'affaiblir l'efficacité des investigations menées par les enquêteurs ». Dans cet esprit, elle indique que le Gouvernement n'envisage pas d'étendre aux personnes majeures le principe de l'enregistrement audiovisuel des auditions institué pour les seuls mineurs.

Par ailleurs, elle encourage les juridictions, dans le ressort desquelles l'importance de l'activité des services d'enquête le justifie, à dédier un numéro de téléphone spécifique pour les appels concernant les placements en garde à vue.

Elle rappelle les règles régissant le recours à un interprète, qui n'imposent pas nécessairement, par exemple, une traduction dans la langue natale ou nationale de l'intéressé, mais seulement dans une langue qu'il comprend, ni le recours à un interprète inscrit sur une liste d'experts. Elle prend également en compte les apports de l'article 32 de la loi du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne, qui a légalisé le recours à l'interprétariat par l'intermédiaire d'un moyen de communication audiovisuelle (article 706-71 du code de procédure pénale).

La circulaire rappelle, en ce qui concerne le recours à un avocat, que les enquêteurs ne sont soumis qu'à une obligation de moyens - ce principe valant également pour l'interprétariat, l'appel à un médecin ou l'information de la famille - et que l'arrivée du conseil doit certes avoir pour effet de suspendre momentanément les investigations, mais que : « Cette règle ne signifie nullement que les enquêteurs doivent cesser sans délai les opérations auxquelles ils étaient en train de procéder. Il paraît toutefois conforme à la loi qu'il ne soit pas imposé à l'avocat un délai d'attente excessif, ce délai pouvant être de l'ordre d'une demi-heure ».

Des précisions utiles sont également apportées en ce qui concerne la rédaction des procès-verbaux : « Il est possible de mentionner les formalités dans un unique procès-verbal rédigé plusieurs heures après l'accomplissement de ces actes, dès lors que ce procès-verbal indique bien les heures auxquelles ces différents actes ont été accomplis. A cette fin, les enquêteurs peuvent utilement disposer d'une « feuille de route » qui sera manuellement remplie au fur et à mesure de l'accomplissement de ces actes, en précisant l'heure de leur accomplissement ».

La question reste posée de savoir si cette feuille de route ne pourrait pas devenir un seul procès-verbal de garde à vue, la lourdeur paperassière actuelle concernant bien évidemment l'ensemble des actes de vie effectués au cours de la garde à vue.

En outre, dans le prolongement de la circulaire du 9 mai 2001 (« Action publique et sécurité »), elle encourage les parquets à développer une communication régulière à l'égard des officiers de police judiciaire de leur ressort.

On constate, enfin, que la circulaire du 10 janvier 2002 précise, voire introduit des règles nouvelles en ce qui concerne les définitions respectives du témoin et du suspect, la mise en _uvre effective des droits exercés par la personne gardée à vue ou la formulation du « droit au silence » : ces avancées sont en partie reprises, comme on l'a vu, dans la présente proposition de loi, leur consécration législative étant de nature à apporter aux enquêteurs une sécurité juridique qui leur fait trop souvent défaut.

Avant d'aborder l'examen des différents articles de proposition de loi, le rapporteur tient à formuler deux observations.

Il est évident, tout d'abord, que les difficultés induites par la loi du 15 juin 2000 en ce qui concerne le travail de la police et de la gendarmerie, d'une part, et de l'appareil judiciaire, d'autre part, proviennent avant tout de l'importance des moyens matériels nécessaires à l'application de ce texte. Beaucoup a été fait depuis cinq ans, mais la tache à accomplir reste considérable. La prochaine législature aura une responsabilité particulière à cet égard.

En second lieu, faut-il s'étonner qu'une loi comptant plus de cent quarante articles puisse, dix-huit mois après son adoption, être évaluée et modifiée à la marge ? Pouvait-on penser qu'un texte aussi important que la loi du 15 juin 2000 puisse spontanément trouver un équilibre naturel ? De telles assertions méconnaissent profondément les conditions d'élaboration de la loi ainsi que la complexité des rapports sociaux et des normes juridiques qui régulent une société moderne. Débattre, voter, évaluer, ajuster : tout parlementaire devrait se reconnaître dans une telle démarche et la considérer comme un modèle à suivre.

*

* *

Après l'exposé du rapporteur, plusieurs commissaires sont intervenus dans la discussion générale.

Considérant, en préambule, que la loi du 15 juin 2000 ne portait pas seule la responsabilité de l'explosion de l'insécurité, M. Christian Estrosi a jugé, en conséquence, que la décision du Gouvernement et des parlementaires de la majorité de modifier ce texte, dans l'affolement et sous la pression de l'opinion publique, ne saurait à elle seule résoudre les problèmes de fond ; il a estimé néanmoins que la loi renforçant la présomption d'innocence avait indubitablement joué un rôle d'accélérateur dans la situation d'insécurité actuelle qui, combinée à l'absence de politique pénale claire, avait encouragé chez les délinquants le sentiment d'impunité et contribué, plus encore, à décrédibiliser l'institution judiciaire.

Il a regretté, face à cette situation, le décalage existant entre les attentes de la population, des policiers et des magistrats et la modestie des propositions formulées, à la fois par Mme Christine Lazerges et M. Julien Dray ; il a ainsi estimé que les cinq articles de la proposition de loi ne permettraient en rien de remédier au nombre excessif de classements sans suite, estimé à 80 %, ni à celui des décisions de justice non exécutées, qui est de l'ordre de 30 % ; s'il a néanmoins reconnu que les propositions émises se traduiraient par une légère amélioration des conditions de travail des officiers de police judiciaire, il a déploré que rien n'ait été prévu pour la justice et émis des craintes que les modifications apportées ne se traduisent finalement par un report de la charge de travail sur les magistrats.

Il a ensuite observé que la proposition de loi n'apportait aucune réponse à la difficile question des rapports entre le magistrat instructeur et le juge des libertés et de la détention, qui siègent au sein du même tribunal, ni à celle de l'encadrement des enquêtes dans des délais trop restrictifs, compte tenu de la survenance d'infractions de plus en plus complexes comportant souvent des ramifications à l'échelle européenne. Il a également manifesté son inquiétude sur l'absence de toute réflexion relative à l'application des peines, rappelant par ailleurs que 80 % des plaintes n'entraînaient pas de suites judiciaires, 32 % d'entre elles en raison de la faible gravité des faits les ayant motivées ; il s'est élevé à ce propos contre une tendance, qui semble tenir lieu de politique pénale, à dépénaliser certaines infractions par la voie de circulaires du garde des Sceaux, observant que le Parlement avait seul compétence en la matière en vertu de l'article 34 de la Constitution. Dénonçant toujours l'absence de politique pénale, il a déploré que, face au malaise croissant des Français, la seule réponse du Gouvernement consiste à accorder des rallonges budgétaires à certaines catégories de personnels, sans entamer de réflexion de fond. Il a estimé, en conclusion, que le « rafistolage » proposé aujourd'hui par M. Julien Dray ne saurait empêcher que des récidivistes ne soient relâchés, ni que des policiers ne se fassent agresser et a jugé déplorable que l'on tolère, dans le même temps, les propos d'un syndicat de magistrats invitant les juges à ne pas appliquer la loi, faisant notamment référence à l'article 23 de la loi relative à la sécurité quotidienne, adoptée récemment concernant la fouille des véhicules.

Faisant référence à un article paru récemment dans le journal La Marseillaise, M. Alain Tourret s'est élevé contre la démagogie et la surenchère de certains propos diabolisant la loi du 15 juin 2000 en la rendant responsable de tous les maux, contribuant ainsi à créer une véritable psychose collective en matière d'insécurité. Il a relevé que les explications du développement de ce sentiment d'insécurité, lié indubitablement à une montée de la délinquance, étaient diverses puisque M. Arnaud Montebourg l'impute notamment à l'attitude qu'il juge peu éthique du Président de la République, tandis que M. Jean-Pierre Chevènement voit dans la suppression du service national la cause principale de la rupture entre la population et la Nation, cette rupture étant elle-même à l'origine de la délinquance. Pour sa part, il a considéré que le système actuel de l'action publique, qui se caractérise par une indépendance du parquet sans dispositif de mise en jeu de la responsabilité des juges, pouvait également expliquer en partie le malaise actuel. Quelles que soient les causes de cette situation, il s'est élevé contre l'attitude du Gouvernement consistant à rendre la loi du 15 juin 2000 responsable, alors que celle-ci, grâce à un dispositif équilibré, a indubitablement ouvert un nouvel espace de liberté et de dignité, conforme aux exigences de la Convention européenne des droits de l'homme. Il a d'ailleurs rappelé que l'opposition n'avait nullement, à l'époque, dénoncé le caractère laxiste de ce texte, M. Patrick Devedjian ayant, à l'inverse, dénoncé son manque de souffle et d'ambition et son caractère trop conservateur.

S'agissant du rapport remis par M. Julien Dray au Premier ministre, M. Alain Tourret en a d'abord contesté la méthode, jugeant qu'il ne convenait pas de partir des faits pour élaborer des propositions législatives ; il a expliqué que cette manière de faire, propre à la common law britannique, était très éloignée de sa propre conception du rôle du législateur, puisqu'il considérait que celui-ci devait, à l'inverse, être guidé par des principes pour élaborer la loi ; il a également remis en cause les conclusions auxquelles était parvenu M. Julien Dray, estimant que, sous couvert de simples ajustements, il proposait, en fait, de « saborder » l'esprit même de la loi du 15 juin 2000. Jugeant que le débat sur le texte mettait en lumière l'antagonisme insurmontable entre la gauche sécuritaire et la gauche morale, il a considéré que cette divergence de fond justifiait que, pour la première fois, un membre de son parti dépose une motion de procédure.

Il a contesté notamment, dans la proposition de loi présentée par le rapporteur, la disposition permettant de n'informer le Procureur de la République qu'au terme de trois heures de garde à vue, jugeant qu'elle était contraire au principe de valeur constitutionnelle qui fait de l'autorité judiciaire la gardienne des libertés publiques et, à ce titre, du procureur l'autorité tutélaire de l'officier de police judiciaire.

Il a également dénoncé la disposition autorisant le placement en détention provisoire d'une personne à laquelle il est reproché plusieurs délits ; évoquant son combat, lors de l'examen de la loi sur la présomption d'innocence, pour limiter les cas de placements en détention provisoire, il a rappelé que chacun s'accordait, à l'époque, pour reconnaître le caractère criminogène de ces mesures ; il a également insisté sur le fait que, dans de nombreux cas, de l'ordre de 2 000 par an, la détention provisoire se conclut par un non-lieu ou un acquittement. Il a, enfin, contesté la rédaction même de l'article, qui ne définit pas précisément les critères et les délais de réitération des délits.

En conclusion, il a exprimé son profond malaise face à la remise en cause, sous la pression et dans les derniers jours de la législature, d'une loi essentielle pour les libertés.

Contestant la distinction schématique faite par M. Alain Tourret entre les défenseurs de la liberté et les défenseurs de la sécurité, M. Jean Antoine Leonetti a salué, en premier lieu, la pédagogie, non exempte parfois de démagogie, avec laquelle M. Julien Dray présente ce qui apparaît, un an après, comme un reniement de la part de la majorité. Faisant état des témoignages des magistrats et des policiers qui contestent, de façon quasi-unanime, la complexité et les lourdeurs de la loi du 15 juin 2000, il a estimé que celle-ci avait finalement contribué à protéger les délinquants ainsi que leurs défenseurs. Il a jugé que ce dispositif législatif était en décalage total avec les attentes de la population, les Français n'acceptant plus qu'un délinquant ne soit pas immédiatement déféré devant la justice ou puisse être relâché pour de simples vices de procédure. Reconnaissant que les propositions émises par M. Julien Dray allaient dans le bon sens, même si, destinées avant tout à rassurer l'électorat, elles ont peu de chances de trouver application avant les élections, il a annoncé que, dans l'objectif de faciliter l'adoption rapide du texte, son groupe ne déposerait que peu d'amendements. Il a émis le souhait, néanmoins, que ces amendements, portant sur des points essentiels de la procédure pénale, puissent faire l'objet d'un véritable débat de fond, afin de permettre une réflexion sérieuse sur la justice.

M. André Gerin a tout d'abord indiqué que le groupe communiste ne voterait pas en faveur de la proposition de loi. Regrettant qu'un dispositif qui constitue un recul pour les libertés publiques ne soit proposé que pour masquer l'insuffisance des moyens mis à la disposition de la police et de la justice, il a, tout autant, déploré le probable abandon par le Gouvernement du projet de loi pénitentiaire, également justifié par des considérations d'ordre matériel. Evoquant ensuite le développement de la délinquance en France, il a observé que ce phénomène avait débuté bien avant l'entrée en vigueur de la loi du 15 juin 2000, qui ne saurait donc en être tenue pour responsable. Prenant l'exemple de la multiplication des incendies de voitures dans l'agglomération lyonnaise, il s'est étonné de n'avoir jamais pu obtenir le placement, dans les lieux les plus exposés, de caméras infrarouges et a, d'une façon générale, dénoncé les moyens notoirement insuffisants des services d'investigation, qu'il s'agisse de la police générale ou de la police financière, douanière ou fiscale. Il a considéré que la France souffrait, dans le domaine de la police mais aussi de la justice, de retards d'équipement considérables, précisant qu'ils n'étaient pas imputables au seul Gouvernement actuel puisqu'ils remontaient à plus de vingt ans. Puis, jugeant qu'il aurait été préférable que la loi du 15 juin 2000 fasse l'objet d'une évaluation plus approfondie, il a insisté sur la nécessité de garantir une certaine continuité des règles applicables en matière pénale, ajoutant que, dans ce domaine, les débats gagneraient à être plus sereins. Il a conclu son propos en réaffirmant son profond désaccord sur la démarche retenue, tout en convenant que certaines dispositions de la proposition de loi constituaient des ajustements techniques acceptables sur le fond.

Réagissant aux propos tenus par M. Jean Antoine Leonetti, M. Camille Darsières a estimé qu'il ne convenait pas d'évaluer la pertinence d'une réforme en se fondant exclusivement sur l'appréciation des professionnels concernés, enclins, le plus souvent, à un certain conservatisme, comme les syndicats de policiers qui ont critiqué avec vigueur la loi du 15 juin 2000. S'agissant des difficultés que rencontreraient les procureurs de la République pour respecter leur obligation de visite trimestrielle des locaux de garde à vue, il a rappelé que ces magistrats étaient secondés par des substituts susceptibles de les aider à accomplir cette très opportune mission de contrôle. Quant aux éventuelles difficultés, évoquées par M. Christian Estrosi, qui pourraient résulter de désaccords entre le juge d'instruction et le juge des libertés et de la détention, il a rappelé que les magistrats avaient coutume et obligation de dialoguer, évoquant, à cet égard, les relations entre le procureur de la République et le juge d'instruction et soulignant que l'existence de divergences d'appréciation entre magistrats ne faisait aucunement obstacle au bon fonctionnement de la justice.

S'agissant des dispositions modifiant le régime de la garde à vue, M. Camille Darsières a exprimé son accord avec les propos tenus par M. Alain Tourret et ajouté que la nouvelle rédaction proposée sur le droit au silence du suspect risquait d'avoir l'effet inverse de celui recherché en incitant, en fait, les personnes gardées à vue à se taire. A cet égard, il a contesté la pertinence de la comparaison faite par le rapporteur avec les dispositions applicables aux personnes mises en examen qui comparaissent pour la première fois devant le juge d'instruction, en soulignant que, contrairement à celles-ci, les personnes gardées à vue ne bénéficient pas de l'assistance d'un avocat. S'étonnant d'ailleurs que l'intervention de l'avocat lors de la garde à vue soit considérée par les policiers comme une preuve de suspicion à leur égard, alors qu'elle est acquise dans les cabinets d'instruction depuis 1897, il a rappelé qu'il était logique qu'un texte ayant pour objet de renforcer la protection de la présomption d'innocence encadre davantage l'ensemble des mesures privatives de libertés, et donc la garde à vue. Faisant référence aux écrits d'un ancien commissaire de police qui reconnaît que, si la torture physique est prohibée, la torture morale, provoquée par des interrogatoires nocturnes interminables, reste pour le policier un moyen légal d'obtenir des aveux, il a jugé indispensable de ne pas remettre en cause les nouvelles garanties résultant de la loi du 15 juin 2000. Il a d'ailleurs souligné que la France avait été, par le passé, condamnée à plusieurs reprises par la Cour européenne de justice pour des traitements « inhumains et dégradants » infligés au cours d'une garde à vue. Il a enfin rappelé qu'il avait proposé, lors de la discussion de la loi du 15 juin 2000, d'interdire tout interrogatoire entre 19 heures et 7 heures, avant de conclure son propos en appelant ses collègues à la vigilance pour éviter que les libertés publiques ne fassent l'objet de restrictions inconsidérées et précipitées.

M. Renaud Donnedieu de Vabres a tout d'abord jugé souhaitable que les responsables politiques aient le courage d'affirmer publiquement que les dispositions de la loi du 15 juin 2000 ne sont pas à l'origine de l'ensemble des dysfonctionnements de l'institution judiciaire, insistant d'ailleurs sur leur fréquence et leur gravité, qui ont récemment conduit le Premier ministre et la garde des Sceaux à critiquer, pour la première fois, des décisions de justice dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Il s'est, à cet égard, interrogé sur la nature de la justice, pouvoir ou autorité, et sur ses relations avec l'exécutif et le législatif, tout en jugeant inopportun de rouvrir le débat sur les liens entre le parquet et la Chancellerie. Rappelant que son groupe politique s'était abstenu lors de l'ultime vote sur la loi du 15 juin 2000 parce qu'il jugeait insuffisants les moyens mis en _uvre pour son application, il a considéré que cette situation expliquait en grande partie les difficultés de la police et de la justice, qui ne parviennent pas à obtenir des résultats satisfaisants dans la lutte contre la délinquance. Evoquant, en particulier, le développement des violences urbaines, il a regretté qu'une commission d'enquête sur cette question n'ait pas été créée comme il le demandait, estimant qu'elle aurait pu, à l'image de la commission d'enquête sur la situation dans les prisons, réaliser un véritable travail d'investigation et proposer des solutions consensuelles.

Observant que les parlementaires sont fréquemment interpellés, de toute part, dans leur circonscription sur les difficultés que suscite l'application de nombreuses dispositions législatives, il a jugé légitime de procéder à des ajustements de la loi, en prenant en compte ces réalités concrètes, dès lors que les réformes proposées respectent les principes fondamentaux de l'Etat de droit. S'agissant du climat dans lequel se déroule le débat sur la présente proposition de loi, il a considéré que, au-delà des enjeux électoraux, la vigueur de certains échanges tenait au développement, au sein de la population française, d'un sentiment d'impunité des auteurs d'infractions, conforté par quelques décisions de justice contestables et incomprises. Enfin, il a jugé nécessaires que, sur les principes fondateurs du « pacte républicain », qui doit concilier la défense des libertés et le droit à la sécurité, il soit procédé à une consultation référendaire.

M. Pascal Clément a tout d'abord souligné que le texte proposé, qui tente de réparer les dégâts occasionnés par la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, marquait la fin de l'angélisme prévalant depuis trente ans, qui conduisait à considérer les délinquants comme des victimes. Considérant que le législateur avait fait une interprétation littérale et sotte de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il a estimé que la proposition de loi n'allait pas assez loin, regrettant notamment qu'elle ne revienne pas sur le principe d'une durée maximum de la détention provisoire, au-delà de laquelle les prévenus sont automatiquement libérés. Il a conclu son propos en précisant que son groupe déposerait peu d'amendements, pour s'en tenir aux points essentiels, ajoutant que toute l'opposition serait unie sur ce texte, alors que de fortes dissensions semblent exister à l'intérieur de la majorité.

Soulignant que la question des dysfonctionnements de la justice avait peu été abordée lors des entretiens de Vendôme, les magistrats étant surtout absorbés par la question de la mise en _uvre des trente-cinq heures, M. François Colcombet a estimé qu'il était préférable d'être plus à l'écoute des justiciables que des professionnels. Il a observé que l'opinion se plaignait essentiellement du développement d'une délinquance voyante, de provocation, en milieu urbain. Après avoir souligné que ce problème était ancien, même si les médias lui donnaient plus d'écho aujourd'hui, il a estimé que la réponse apportée par la justice depuis une dizaine d'années, théorisée par les magistrats de Bobigny et consistant à intervenir en temps réel, était inadéquate. Il a insisté sur la nécessité de rechercher les causes de la délinquance et de proposer aux jeunes délinquants des actions d'éducation et des travaux d'intérêt général, au lieu de les mettre en prison, regrettant, à cet égard, la faible implication des élus locaux dans la mise en place des centres d'éducation renforcée. Il a ajouté que la délinquance de provocation était le fait de jeunes gens « mal élevés », séduits par la violence et attirés par les milieux intégristes, qu'il convenait d'éduquer et d'occuper afin qu'ils évitent de récidiver.

Il a ensuite estimé qu'il fallait développer la lutte contre les réseaux qui recourent à ces jeunes délinquants, observant que, bien souvent, ces jeunes étaient précisément utilisés pour monopoliser l'attention des policiers.

Tout en précisant qu'il n'était pas hostile à ce que la loi du 15 juin 2000 fasse l'objet d'ajustements, il a considéré que le texte proposé soulevait quelques difficultés. Il a, en effet, estimé que l'article 2, qui prévoit que le procureur sera avisé du placement en garde à vue d'une personne dans un délai de trois heures, et non dès le début de cette mesure, alors que les avocats continueront d'en être informés immédiatement, favoriserait les grands délinquants, susceptibles de joindre un avocat, et pourrait profiter aux membres des réseaux, les procureurs de coordination ne pouvant intervenir immédiatement. Il a indiqué qu'il aurait préféré un retour aux dispositions antérieures à la loi du 15 juin 2000, qui imposaient que le procureur soit averti « dans les meilleurs délais », ce qui pouvait aller jusqu'à 2 h 30, selon la Cour de cassation.

Il a également jugé que les dispositions de l'article 3 relatif au placement en détention provisoire des personnes ayant commis plusieurs délits n'étaient pas suffisamment précises, le texte n'indiquant pas, par exemple, si les délits doivent être de même nature et ne spécifiant pas les délais dans lesquels ils doivent avoir été commis.

M. Gérard Gouzes a estimé que les propos de l'opposition sur l'insécurité et la lutte contre la délinquance étaient sans lien avec le sujet et a rappelé que certains de ceux qui dénoncent aujourd'hui le laxisme de la justice n'avaient eu de cesse, au cours des débats sur la loi du 15 juin 2000, que de renforcer la protection des personnes mises en cause. Il a considéré que les principes fondamentaux de la loi relative à la protection et au renforcement de la présomption d'innocence n'étaient pas remis en cause par la proposition de loi, puisque celle-ci visait avant tout à résoudre des problèmes pratiques. Il s'est insurgé contre les propos établissant un lien de causalité entre la loi du 15 juin 2000 et la hausse de la délinquance, rappelant que celle-ci était un phénomène complexe et de longue durée.

Il a ensuite interrogé le rapporteur sur les conséquences de l'allongement à trois heures de la période prévue pour la mise en _uvre de certaines procédures relatives à la garde à vue, en soulignant qu'il pouvait soulever des difficultés d'articulation avec la présence de l'avocat. Il a, par ailleurs, souhaité savoir ce que recouvrait la notion de « circonstances insurmontables » pouvant justifier la prolongation de cette période de trois heures. Puis il a fait part de ses interrogations sur la possibilité de placer en détention provisoire une personne à laquelle il est reproché plusieurs délits passibles d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à deux ans, alors que la loi du 15 juin 2000 n'ouvrait cette possibilité que pour les délits punis de peines de plus de trois ans. Enfin, il a considéré que la principale difficulté en matière de présomption d'innocence tenait aux violations du secret de l'instruction par les médias et s'est donc demandé s'il ne serait pas préférable de le supprimer, sauf décision expresse du juge d'instruction sur demande de la personne mise en cause.

M. Dominique Raimbourg a réfuté l'existence d'un lien entre l'insécurité et l'entrée en vigueur de la loi renforçant la présomption d'innocence. Il a, par ailleurs, considéré que la procédure ne pouvait pas tout régler, soulignant qu'il fallait également tenir compte des pratiques existantes et des moyens disponibles. Il a estimé que la proposition de loi, qui n'était qu'un texte d'ajustement, ne justifiait pas qu'un large débat sur la justice et l'insécurité soit ouvert. Il s'est ensuite demandé si les dispositions permettant le placement en détention provisoire des personnes mises en cause dans plusieurs affaires ne risquaient pas de donner lieu à des interprétations non conformes aux intentions du législateur qui pourraient, le cas échéant, aboutir à une rupture d'égalité entre les justiciables. Il a, enfin, regretté que la faculté reconnue au procureur d'interjeter appel des décisions de la cour d'assises soit limitée au seul cas où il existe des coaccusés, jugeant qu'il serait préférable que le parquet puisse faire appel dans tous les cas.

M. André Vallini s'est félicité de la méthode suivie, rendant à cet égard hommage à l'initiative du président Bernard Roman qui a décidé de faire procéder à une évaluation a posteriori des textes législatifs les plus importants examinés par la commission des Lois. Il a, par ailleurs, dénoncé les arrières pensées électoralistes de l'opposition et estimé que les grands principes humanistes avancés par certains membres de la majorité étaient excessifs. Il a considéré qu'il fallait éviter les caricatures à l'égard de l'action des policiers et a jugé que la question la plus importante était celle des moyens mis en _uvre sur le terrain, rappelant, sur ce point, que le Gouvernement avait dégagé d'importants crédits tant pour les services judiciaires que pour la police et la gendarmerie. Après avoir indiqué que les socialistes étaient fiers de la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, il a jugé que la proposition de loi était, avant tout, un texte de précision et ne constituait nullement une remise en cause de la loi du 15 juin 2000.

En réponse aux différents intervenants, le rapporteur a apporté les précisions suivantes :

-  La proposition de loi est volontairement circonscrite et n'a pas pour objectif de revenir sur les grands principes posés par la loi du 15 juin 2000, contrairement à ce que craignaient certains, comme le syndicat de la magistrature par exemple. Elle ne remet pas en cause les limitations apportées aux mesures de placement en détention provisoire, qui doivent conserver un caractère exceptionnel.

-  Il est normal qu'un rapport d'évaluation se traduise par l'adoption de modifications législatives, l'absence de suites données à un tel rapport étant contraire à la conception qu'on peut avoir de la politique. Le maintien des dispositions actuelles risquerait de conduire à contestation, voire une remise en cause de l'ensemble de la loi, celle-ci devenant inapplicable.

-  On ne peut que se réjouir que plusieurs membres de l'opposition reconnaissent que la loi du 15 juin 2000 n'est pas responsable de l'augmentation de la délinquance.

-  La rédaction des dispositions sur le placement en détention provisoire des délinquants réitérants pourrait, peut-être, être utilement précisée pour éviter tout risque d'interprétation.

-  Les gardes à vue en matière de stupéfiants et de terrorisme obéissent à des règles particulières, qui prévoient, notamment, l'intervention de l'avocat à la quarante-huitième heure.

-  L'information du parquet est actuellement souvent purement théorique, puisque l'avis prévu est envoyé par télécopie dans des bureaux qui sont, la plupart du temps, vides. Le vrai risque juridique ne réside pas dans le délai de trois heures prévu par la proposition de loi, mais plutôt dans l'absence actuelle d'information effective. Le délai proposé permettra aux officiers de police judiciaire d'arriver à joindre un membre du parquet, ce qui était souvent difficile à réaliser en une heure. L'intervention de l'avocat à la première heure, qui n'est pas remise en cause par la proposition de loi, permettra un contrôle de la garde à vue. Cette intervention suppose une organisation des barreaux, que ceux-ci sont en train de mettre en place.

-  La formulation retenue pour l'appel des décisions d'acquittement de cour d'assises est effectivement assez restrictive et mériterait sans doute d'être revue.

La Commission a rejeté l'exception d'irrecevabilité n° 1 de M. Alain Tourret et la question préalable n° 1 de M. Philippe Douste-Blasy et des membres du groupe UDF.

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EXAMEN DES ARTICLES

Article premier

(art. 62, 63, 77, 78, 153, 154 et 706-57 du code de procédure pénale)

Définition des critères permettant le placement d'une personne
en garde à vue

Le présent article modifie les critères sur le fondement desquels un officier de police judiciaire (OPJ) peut placer une personne en garde à vue et, corrélativement, la définition du « témoin », qui ne peut faire l'objet d'une telle mesure.

Actuellement, les articles 63, 77 et 154 du code de procédure pénale subordonnent le placement d'une personne en garde à vue à l'existence d'« indices faisant présumer qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ». A l'inverse, le témoin est celui à l'encontre duquel il n'existe pas de tels indices (articles 62, 78 et 153 du même code) (2).

La loi du 15 juin 2000 a introduit l'interdiction de placer en garde à vue les simples témoins. Cette évolution était indispensable et conforme aux exigences de la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés fondamentales. En pratique, pourtant, cette distinction entre le témoin et le suspect n'est pas suffisamment précise, ce qui fait peser sur les procédures de grandes incertitudes juridiques.

La notion d'« indices » est, tout d'abord, à l'origine de fortes interrogations. En interprétant les dispositions législatives précitées de façon extensive, la circulaire du 4 décembre 2000 (complétée par celle du 10 janvier 2002) n'a fait qu'accentuer ces ambiguïtés : elle indique, en effet, que la loi n'interdit pas le placement en garde à vue d'une personne même sur le fondement d'indices aussi légers que la mise en cause d'un tiers, des déclarations contradictoires ou un simple comportement anormal sur le lieu des faits... En fait, les policiers et les gendarmes semblent ne plus savoir dans quelles situations ils sont autorisés à placer des personnes en garde à vue et préfèrent désormais s'abstenir de prendre une telle décision en cas de doute.

Ces doutes ne font qu'accentuer les difficultés qui s'imposent pour mener certaines opérations : dans les cas de délinquance urbaine, de criminalité organisée et de délinquance spécialisée, pour lesquelles la confidentialité des « opérations simultanées » est une donnée essentielle, la définition restrictive du suspect, qui figure désormais dans le code de procédure pénale, empêche la police et la gendarmerie de travailler de façon efficace. Sans doute le droit actuel permet-il encore de retenir un témoin pour favoriser la manifestation de la vérité : l'article 61 du code de procédure pénale autorise l'OPJ à « défendre à toute personne de s'éloigner du lieu de l'infraction jusqu'à la clôture de ses opérations », les articles 62 (flagrance), 78 (enquête préliminaire) et 153 (instruction) de retenir un simple témoin le temps strictement nécessaire à son audition. Mais ces possibilités sont très limitées et encadrées dans le temps : la circulaire du 4 décembre 2000 évoque ainsi un délai maximum de quatre heures en ce qui concerne les auditions.

C'est pourquoi le rapporteur a considéré, dans son rapport au Premier ministre, qu'il était indispensable de redéfinir les termes du statut du suspect et par voie de conséquence du témoin. Cette évolution ne peut être mise en _uvre, toutefois, que dans le respect du cadre protecteur qui doit être garanti aux témoins et des limites prévues par la Convention européenne des droits de l'homme, dont les dispositions sont d'ailleurs à l'origine du caractère de plus en plus restrictif de notre droit en matière de placement en garde à vue. Celle-ci dispose, en effet, dans son article 5, que nul ne peut être privé de sa liberté sauf dans un certain nombre de cas limitativement énumérés, dont le suivant : « S'il a été arrêté et détenu en vue d'être conduit devant l'autorité judiciaire compétente, lorsqu'il y a des raisons plausibles de soupçonner qu'il a commis une infraction ou qu'il y a des motifs raisonnables de croire à la nécessité de l'empêcher de commettre une infraction ou de s'enfuir après l'accomplissement de celle-ci ».

· Le paragraphe I du présent article tend, en conséquence, à concilier l'ensemble de ces contraintes en alignant le droit français sur les termes mêmes de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme, afin de clarifier les motifs pouvant fonder un placement en garde à vue. Désormais, pourra faire l'objet d'une telle mesure toute personne à l'encontre de laquelle il existe « une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner » qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction.

· Par coordination, le paragraphe II modifie la définition du témoin, qui ne peut être placé en garde à vue, en disposant qu'il s'agit de la personne à l'encontre de laquelle « il n'existe aucune raison plausible de soupçonner » qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction. Ce changement concerne les articles 62, 78 et 153 précités du code de procédure pénale, ainsi que le nouvel article 706-57 du même code (3) qui, afin d'assurer leur protection, autorise certains témoins à déposer, pour des crimes ou délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement, de façon « anonyme ».

Sans doute, dans une certaine mesure, ces nouvelles règles ont-elles d'ores et déjà été mises en _uvre par la circulaire du 10 janvier 2002, qui indique, en effet, que les dispositions actuellement en vigueur doivent être interprétées au regard de l'article 5 de la Convention européenne des droits de l'homme. Mais leur reconnaissance législative contribuera à apporter aux enquêteurs une sécurité juridique qui leur fait aujourd'hui trop souvent défaut.

La Commission a adopté l'article premier sans modification.

Article 2

(art. 63-1 et 63-2 du code de procédure pénale)

Notification et exercice des droits dont disposent les personnes
placées en garde à vue

Le présent article tend à clarifier les contraintes pratiques qui pèsent sur les enquêteurs pour notifier et assurer l'exercice effectif de certains droits dont disposent les personnes placées en garde à vue.

Actuellement, le placement d'une personne en garde à vue impose à l'officier de police judiciaire (OPJ) :

-  d'informer « immédiatement » la personne placée en garde à vue de la nature de l'infraction qui lui est reprochée, des droits dont elle dispose sur le fondement des articles 63-2, 63-3 et 63-4 du code de procédure pénale, c'est-à-dire, respectivement, de faire prévenir « sans délai » sa famille ou un proche, d'être examinée par un médecin et de s'entretenir avec un avocat, ainsi que de la durée maximale de sa garde à vue (vingt-quatre heures, éventuellement reconductible une fois) ;

-  de porter à sa connaissance, toujours au début de la garde à vue, les dispositions de l'article 77-2 du code de procédure pénale, qui l'autorisent à interroger le procureur sur la suite donnée ou susceptible d'être donnée à la procédure dès lors qu'aucune poursuite n'a été engagée à son encontre au terme d'un délai de six mois ;

-  de l'informer, « immédiatement », qu'elle a le droit de ne pas répondre aux questions qui lui seront posées par les enquêteurs (4;

-  d'informer le procureur de la République « dès le début de la garde à vue ».

Ces obligations, certes protectrices et conformes à la Convention européenne des droits de l'homme, font par ailleurs peser sur les enquêteurs, des contraintes excessives car elles ont été interprétées comme devant être exécutées dans un délai maximum d'une heure.

En effet, ces derniers se voient contraints à une véritable « course de vitesse » pour éviter que leur procédure ne soit entachée d'illégalité et, consécutivement, annulée. Soucieux de sécurité juridique, les OPJ ont souhaité savoir précisément de quels délais ils disposaient pour s'acquitter des obligations de notification précitées : une durée d'une heure a été considérée par la circulaire du 4 décembre 2000 comme correspondant à l'esprit des dispositions votées par le législateur. Indépendamment du fait que cette réponse fait l'objet d'interprétations multiples et que sa valeur est diversement appréciée, une telle obligation s'apparente parfois à une véritable gageure sur le terrain : « Top chrono une heure ! On doit tout faire en même temps et à chaque fois c'est une course contre la montre », on fait valoir certains policiers au rapporteur.

Les difficultés matérielles de « l'avis au parquet » ne font qu'accentuer ce malaise : systèmes de télécopie défaillants, téléphones occupés, répondeurs détraqués, télécopies arrivant dans des bureaux où il n'y a personne pour accuser réception... trop souvent, l'autorité judiciaire ne prend connaissance de la mesure de garde à vue que plusieurs heures après son commencement, ce qui nuit à l'effectivité du contrôle de la procédure et au travail des enquêteurs.

L'obligation de notifier le « droit au silence », enfin, est mal ressentie par les policiers et les gendarmes. La formulation explicite d'un droit qui n'était, avant la loi du 15 juin 2000, qu'implicite, est perçue comme une véritable incitation à ne pas répondre aux questions ; de surcroît, elle peut enfermer dans un silence des mineurs qui auraient intérêt à s'expliquer pour éviter un alourdissement des suites à donner.

Le présent article propose, en conséquence, tout en respectant les principes qui fondent notre législation et, notamment, les droits de la défense, de modifier les règles actuellement en vigueur afin d'assouplir quelque peu cette « logique horlogère » qui décourage les enquêteurs, et dont la jurisprudence, les circulaires et la pratique sont d'ailleurs davantage responsables que la loi du 15 juin 2000 elle-même.

· Le paragraphe I et le deuxième alinéa du paragraphe III ont pour objet, tout d'abord, de reporter, du début à la fin de la garde à vue, la notification aux personnes concernées du droit dont elles disposent sur le fondement de l'article 77-2 précité du code de procédure pénale. Il s'agit, au demeurant, comme l'écrivait le rapporteur dans son rapport au Premier ministre, d'une mesure de bon sens : « Une notification à l'issue de la garde à vue serait plus logique puisque cet article ne concerne pas directement le déroulement de la garde à vue mais bien ses suites, lorsqu'il n'y a pas de conséquence judiciaire immédiate ». La notification des droits décrite à l'article 63-1 demeure immédiate.

· Le troisième alinéa du paragraphe III et le paragraphe IV précisent les règles qui imposent aux policiers et aux gendarmes de donner suite dans des délais trop brefs aux droits dont les personnes gardées à vue décident de faire usage. Cette mesure n'affecte pas la notification des droits, qui doit accompagner la décision de priver une personne de sa liberté et devra toujours intervenir « immédiatement ». Plus modestement, elle consacre dans la loi le fait que les enquêteurs disposent d'un certain délai pour donner suite à leur usage, ce que la circulaire du 10 janvier 2002 a d'ailleurs déjà en partie admis : « Ne doivent pas être confondues la notification des droits à la personne gardée à vue, qui, sauf circonstances insurmontables, doit être immédiate, et la mise en _uvre des droits demandés par celle-ci qui, par définition, prend le temps matériellement nécessaire à leur accomplissement effectif. (...) Rien n'interdit en effet que les diligences des enquêteurs se poursuivent pendant deux ou trois heures si les circonstances le justifient ».

Concrètement, il est proposé de compléter l'article 63 du code de procédure pénale de façon à préciser que, sauf en cas de circonstance insurmontable (5), les enquêteurs doivent effectuer ces diligences dans un délai inférieur à trois heures à compter du début de la garde à vue. Les enquêteurs devront donc aviser le parquet dans les plus brefs délais possibles, en tout cas avant l'expiration du délai de trois heures. Ce plafond s'applique également à l'obligation de prévenir la famille ou un proche et à l'examen de la personne gardée à vue par un médecin.

Cette mesure appelle deux observations.

On rappellera, en premier lieu, que les modalités d'information du procureur de la République ont fait l'objet, à l'occasion de l'examen par le Conseil constitutionnel de la loi n° 93-1013 du 24 août 1993, d'une réserve d'interprétation. Celui-ci a considéré que l'autorité judiciaire assurant le respect de la liberté individuelle en vertu de l'article 66 de la Constitution, il importait que les décisions prises en la matière par les OPJ soient portées aussi rapidement que possible à sa connaissance ; que l'expression « dans les meilleurs délais » (introduite à l'article 63 du code de procédure pénale par la loi du 24 août 1993) devait s'entendre comme « prescrivant une information qui, si elle ne peut être immédiate pour des raisons objectives tenant aux nécessités de l'enquête, doit s'effectuer dans le plus bref délai possible » (6). De ce point de vue, le fait que la loi du 15 juin 2000 ait modifié l'article 63 du code de procédure pénale de sorte que le procureur soit avisé du placement en garde à vue d'une personne « dès le début » de cette mesure et non plus « dans les meilleurs délais » n'a pas modifié le fond du droit. Il reste à apprécier ce que recouvre l'obligation d'informer le parquet dans le plus bref délai possible. A cet égard, on constate que la Cour de cassation a validé une procédure dans le cadre de laquelle un procureur de la République n'avait été informé d'une décision de placement en garde à vue qu'au terme d'un délai de 2h30 ; en revanche, un délai de 3h30 a été jugé excessif (7). Dès lors, le délai de trois heures institué par le présent article ne semble pas revenir sur les principes dégagés par la jurisprudence.

On relève, en second lieu, qu'aucun changement n'est proposé en ce qui concerne les diligences liées à l'exercice du droit figurant à l'article 63-4 du code de procédure pénale, c'est-à-dire celui de contacter un avocat si la personne placée en garde à vue demande à être assistée dès le début de la mesure prise à son encontre (ou, le cas échéant, à l'issue de la vingtième ou de la trente-sixième heure). La « contrainte de l'immédiateté » n'est donc pas, sur ce point, modifiée, de façon à ne pas affecter l'exercice essentiel des droits de la défense.

· Le paragraphe II, enfin, procède à une réécriture du « droit au silence » reconnu par la loi du 15 juin 2000. Actuellement, comme on l'a vu, la dernière phrase du premier alinéa de l'article 63-1 du code de procédure pénale dispose que : « La personne placée en garde à vue est immédiatement informée qu'elle a le droit de ne pas répondre aux questions qui lui seront posées par les enquêteurs ». Il est proposé, en s'inspirant de la rédaction qui figure déjà à l'article 116 du code de procédure pénale en ce qui concerne l'énoncé des droits par le juge d'instruction lors de la première comparution avant mise en examen, de remplacer cette formule par la suivante : « La personne placée en garde à vue est immédiatement informée qu'elle a le choix de se taire, de répondre aux questions qui lui seront posées ou de faire des déclarations. Elle est avisée que son silence est susceptible de lui porter préjudice dès lors qu'il existe une ou des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ».

Cette nouvelle formulation, d'ores et déjà reprise par la circulaire du 10 janvier 2002, présente l'avantage de favoriser le dialogue entre l'enquêteur et le gardé à vue et de signifier à ce dernier qu'il s'expose à des difficultés en gardant le silence, celui-ci étant de nature à se retourner contre lui.

M. Camille Darsières s'est interrogé sur l'opportunité de préciser, à l'article 63-1 du code de procédure pénale, que l'exercice du droit au silence est susceptible de porter préjudice à la personne qui en fait usage dès lors qu'il existe une ou des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction. Il a estimé que l'ambiguïté de cette formule pourrait, paradoxalement, avoir pour effet d'inciter certaines personnes à ne pas répondre aux questions des enquêteurs, afin de signifier qu'elles ne considèrent pas qu'il existe à leur encontre des soupçons justifiés. M. Gérard Gouzes s'est demandé si, de surcroît, cette précision n'était pas redondante, l'existence de soupçons étant une condition du placement en garde à vue. Le rapporteur a contesté le caractère ambigu de la formule proposée, précisant que le fait de dire que le silence peut porter préjudice aux gardés à vue « dès lors qu'il existe des raisons de soupçonner qu'ils ont commis ou tenté de commettre une infraction » tend, au contraire, à leur signifier explicitement que ces raisons existent et qu'il est dans leur intérêt de se défendre. Il a ajouté que cette reformulation du droit au silence conforterait le travail des enquêteurs et pourrait même s'avérer protectrice pour les personnes gardées à vue, car il est utile qu'elles sachent que le silence peut leur porter préjudice.

La Commission a ensuite adopté l'article 2 sans modification.

Article 3

(Art. 143-1 du code de procédure pénale)

Détention provisoire des personnes ayant commis plusieurs délits

Avant le 1er janvier 2001, le placement en détention provisoire dans le cadre d'une instruction pouvait être ordonné lorsque la personne mise en examen encourait une peine criminelle ou une peine correctionnelle égale ou supérieure à deux ans d'emprisonnement. Toutefois, en cas de flagrance, ce seuil était ramené à un an.

Afin de limiter les détentions provisoires qui, par nature, portent atteinte à la présomption d'innocence des intéressés, la loi du 15 juin 2000 a sensiblement modifié les modalités d'application de cette mesure, en augmentant notamment le quantum des peines encourues autorisant le placement en détention.

L'article 143-1 du code de procédure pénale dispose désormais que la détention provisoire n'est possible que lorsque la personne mise en examen encourt une peine criminelle ou une peine correctionnelle d'une durée égale ou supérieure à trois ans d'emprisonnement. Toutefois, lorsque l'infraction en cause est un délit contre les biens figurant au livre III du code pénal et que la personne n'a pas déjà été condamnée à une peine privative de liberté sans sursis supérieure à un an, la peine encourue doit être supérieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement pour permettre la détention provisoire.

Il ressort, notamment, de ces dispositions qu'un auteur de vols multiples, qui encourt pour chaque infraction une peine de trois ans d'emprisonnement (article 311-3 du code pénal), ne peut être placé en détention provisoire que s'il a déjà été condamné pour l'une de ces infractions à une peine d'emprisonnement ferme supérieure à un an. En l'absence d'une telle condamnation, au demeurant peu fréquente pour les vols simples, la détention provisoire d'un tel délinquant multiréitérant n'est pas possible, même si ce dernier a déjà fait l'objet d'une procédure judiciaire (garde à vue, convocation par officier de police judiciaire...).

Or, le placement en détention provisoire de ces délinquants multiréitérants est parfois nécessaire pour maintenir l'ordre public. Les habitants de certains quartiers ont du mal à comprendre qu'un délinquant arrêté plusieurs fois par la police soit remis en liberté dans l'attente d'un jugement qui intervient plusieurs mois après les faits (8), d'autant que ce dernier profite souvent de sa liberté pour commettre une nouvelle infraction. C'est ce comportement là qui est pris en compte, c'est à dire la poursuite d'une attitude délictuelle.

L'article 3 de la proposition de loi complète donc l'article 143-1 du code pénal afin d'autoriser le placement en détention provisoire des personnes mises en examen auxquelles il est reproché plusieurs délits punis d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à deux ans.

Désormais, le délinquant qui commet des infractions multiples, telles que des vols de voitures ou des dégradations volontaires de biens d'utilité publique pourra, si le juge des libertés et de la détention l'estime nécessaire, être placé en détention provisoire.

Ce nouveau seuil de deux ans applicable aux délinquants multiréitérants permet de couvrir l'ensemble des délits rassemblés sous le terme de délinquance urbaine (vols, destructions ou dégradations de biens privés...) qui, dès lors qu'ils ne constituaient pas une atteinte aux personnes, ne permettaient pas, en application de la loi du 15 juin 2000, de placer leurs auteurs en détention provisoire.

Il convient, à ce stade, de rappeler que la modification proposée est sans incidence sur les modalités particulières de placement en détention provisoire des mineurs délinquants, définies par l'ordonnance du 2 février 1945, qui interdit notamment la détention provisoire des mineurs de moins de seize ans, sauf en matière criminelle.

On observera, par ailleurs, que les motifs permettant le placement en détention provisoire, qui ont été restreints par la loi du 15 juin 2000, ne sont pas modifiés : le placement en détention provisoire du délinquant auteur de plusieurs infractions punis d'au moins deux ans d'emprisonnement ne sera possible que si cette mesure est le seul moyen de conserver les preuves ou d'empêcher une pression sur les témoins ou les victimes, de protéger la personne mise en examen, de garantir son maintien à la disposition de la justice, de prévenir le renouvellement de l'infraction ou encore de mettre fin à un trouble exceptionnel et persistant à l'ordre public.

La Commission a adopté l'article 3 sans modification.

Article 4

(Art. 145-5 du code de procédure pénale)

Détention provisoire des parents élevant seuls leurs enfants

Souhaitant éviter le placement en détention provisoire des parents de jeunes enfants, le législateur, lors de la discussion de la loi du 15 juin 2000, a introduit dans le code de procédure pénale un nouvel article 145-5 qui oblige le juge des libertés et de la détention, lorsqu'il envisage de placer en détention provisoire ces parents, à examiner les éventuelles mesures alternatives à leur incarcération.

Aux termes de cet article, le placement en détention provisoire d'un parent d'enfant de moins de dix ans ayant chez ce parent sa résidence habituelle ne peut être ordonné sans qu'un service socio-éducatif ait été saisi afin de rechercher et de proposer toutes mesures propres à éviter la détention de l'intéressé. Cette enquête sociale, également prévue en cas de prolongation de la détention provisoire, n'est obligatoire que si la personne mise en examen fait elle-même connaître qu'elle exerce l'autorité parentale sur un enfant de moins de dix ans. Le dernier alinéa de l'article 145-5 précise, par ailleurs, que ces dispositions ne sont pas applicables lorsque la personne mise en examen a commis un crime, un délit contre un mineur ou lorsqu'elle n'a pas respecté les obligations d'un contrôle judiciaire.

L'objectif du législateur, qui était de permettre aux parents élevant seuls leurs jeunes enfants de rester avec eux, pour éviter, notamment, que ces derniers soient confiés à l'assistance sociale, a parfois été détourné. Comme votre rapporteur a eu l'occasion de le détailler dans son rapport au Premier ministre, il semble que les personnes mises en examen profitent de l'imprécision de l'article 145-5 pour faire connaître leur statut de parents d'enfant de moins de dix ans le plus tard possible dans le déroulement de la procédure, lors du débat contradictoire devant le juge des libertés et de la détention, afin de rendre plus difficile la réalisation de l'enquête sociale, indispensable pour la validité de la procédure de placement en détention. Un certain nombre de cas de remises en liberté dues à l'impossibilité de réaliser l'enquête sociale ont ainsi été signalés.

Pour mettre fin à ce détournement manifeste de procédure et répondre aux objectifs premiers du législateur, l'article 4 de la proposition de loi aménage ce dispositif sur quatre points.

Il modifie la liste des personnes susceptibles de bénéficier de cette disposition. Il s'agira désormais des parents exerçant seuls l'autorité parentale sur un enfant, et non plus ceux chez qui l'enfant a sa résidence habituelle. Cette modification, conforme aux intentions du législateur, est en outre rendue nécessaire par la proposition de loi relative à l'autorité parentale, actuellement en navette entre les deux assemblées du Parlement, qui supprime notamment la notion de résidence habituelle. Par ailleurs, l'article 4 étend cette enquête sociale aux parents de mineurs âgés de seize ans au plus : comme votre rapporteur l'a fait valoir dans son rapport au Premier ministre, le seuil de dix ans peut paraître arbitraire, les jeunes adolescents ayant autant besoin de leurs parents.

L'enquête sociale sera obligatoire lors du placement initial en détention provisoire. Lors du renouvellement de celle-ci, il appartient à la défense d'apporter les éléments justifiant d'une modification de la situation familiale de l'interessé. Le juge d'instruction ou le Juge des Libertés et de la Détention devra bien entendu tenir compte de ces éléments et, le cas échéant, demander une nouvelle enquête sociale.

La personne mise en examen devra faire connaître son statut de parent isolé « au plus tard lors de l'interrogatoire de première comparution » si elle souhaite bénéficier de ces dispositions. Ce délai devrait permettre aux services sociaux de disposer d'un délai raisonnable pour procéder à leur enquête.

Enfin, l'objet de l'enquête sociale ne sera plus de proposer des mesures propres à éviter la détention de l'intéressé, mais des mesures destinées à éviter que la santé, la sécurité et la moralité du mineur ne soient mis en danger ou que les conditions de son éducation ne soient gravement compromises. Cette modification, qui élargit le champ de l'enquête sociale, permet de rappeler que l'unique objectif de ces dispositions est de protéger les mineurs.

La Commission a adopté l'article 4 sans modification.

Article 5

(Art. 380-2 du code de procédure pénale)


Appel des arrêts d'acquittement

A l'initiative des parlementaires, la loi du 15 juin 2000 a réformé la procédure criminelle afin de permettre un recours contre les décisions rendues par les cours d'assises. Souhaitant avant tout donner une seconde chance à l'accusé, le législateur a instauré une procédure d'appel spécifique, qui limite les possibilités d'appel aux seuls arrêts de condamnation.

L'article 380-1 du code de procédure pénale dispose, en effet, que seuls les arrêts de condamnation rendus par la cour d'assises en premier ressort peuvent faire l'objet d'un appel. Les personnes ayant la faculté de faire appel de ces arrêts sont énumérées à l'article 380-2 : il s'agit de l'accusé, du ministère public, de la personne civilement responsable et de la partie civile quant à leurs intérêts civils et, en cas d'appel du ministère public, des administrations publiques lorsque celles-ci exercent l'action publique.

Un certain nombre d'affaires récentes conduisent à s'interroger sur le bien-fondé cette restriction, susceptible de donner naissance à des erreurs judiciaires. Cette modification paraît d'autant plus nécessaire que c'est justement la volonté d'éviter ces erreurs judiciaires qui a amené le législateur à mettre fin au principe de l'infaillibilité du jury populaire et à instituer un recours contre les décisions de cours d'assises.

D'un point de vue juridique, cette impossibilité pour le parquet de faire appel des décisions d'acquittement est difficilement compatible avec le principe de l'égalité des armes garanti par la convention européenne des droits de l'homme au bénéfice de la défense, mais également au bénéfice du ministère public.

L'article 5 de la proposition de loi met donc partiellement fin à ce particularisme de la procédure criminelle en autorisant le parquet à faire appel des décisions d'acquittement, lorsqu'il existe des co-accusés.

Il complète pour cela l'article 380-2 du code de procédure pénale par un alinéa indiquant que le ministère public peut faire appel des arrêts d'acquittement lorsqu'une décision de condamnation ayant fait l'objet d'un appel a été prononcée à l'encontre d'un co-accusé.

Cette disposition permettra d'éviter que ne se reproduise des affaires comme celles des époux Guillemot, co-accusés du meurtre de leur enfant, dans laquelle la mère s'est finalement retrouvée seule à l'audience d'appel, à la suite de l'acquittement contesté de son mari en première instance.

On observera, toutefois, que la modification proposée a une portée relativement limitée puisqu'elle n'autorise pas l'appel des décisions d'acquittement en l'absence de co-accusés.

La Commission a adopté l'article 5 sans modification.

Article 6

Application de la loi outre-mer

Cet article étend l'application de la proposition de loi aux territoires d'outre-mer. Les dispositions de procédure pénale ne modifiant pas l'organisation particulière de ces territoires, la consultation des assemblées territoriales n'est pas nécessaire.

La Commission a adopté l'article 6 sans modification.

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La Commission a ensuite adopté l'ensemble de la proposition de loi.

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En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République vous demande d'adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant ci-après.

TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION

Proposition de loi
complétant la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000
renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes

Article premier

I. -  Aux premiers alinéas des articles 63, 77 et 154 du code de procédure pénale, les mots : « des indices faisant présumer » sont remplacés par les mots : « une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner ».

II. -  Au dernier alinéa de l'article 62, au premier alinéa de l'article 153 et au premier alinéa de l'article 706-57 du même code, les mots : « aucun indice faisant présumer », sont remplacés par les mots : « aucune raison plausible de soupçonner », et au deuxième alinéa de l'article 78 les mots : « n'existent pas d'indices faisant présumer » sont remplacés par les mots : « il n'existe aucune raison plausible de soupçonner ».

Article 2

I. -  La deuxième phrase du premier alinéa de l'article 63-1 du même code est supprimée.

II. -  A la troisième phrase du premier alinéa de l'article 63-1 du même code, les mots : « qu'elle a le droit de ne pas répondre aux questions qui lui seront posées par les enquêteurs » sont remplacés par les mots : « qu'elle a le choix de se taire, de répondre aux questions qui lui seront posées ou de faire des déclarations. Elle est avisée que son silence est susceptible de lui porter préjudice dès lors qu'il existe une ou des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ».

III. -  L'article 63-1 du même code est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« Si la personne est remise en liberté à l'issue de la garde à vue sans qu'aucune décision n'ait été prise par le procureur de la République sur l'action publique, les dispositions de l'article 77-2 sont portées à sa connaissance.

« Sauf en cas de circonstance insurmontable, les diligences résultant pour les enquêteurs de l'obligation mentionnée au premier alinéa de l'article 63 et de la communication des droits mentionnés aux articles 63-2 et 63-3 doivent intervenir au plus tard dans un délai de trois heures à compter du moment où la personne a été effectivement placée en garde à vue. »

IV. -  Au premier alinéa de l'article 63-2 du même code, les mots : « sans délai » sont remplacés par les mots : « dans le délai prévu au dernier alinéa de l'article 63-1 ».

Article 3

Après le quatrième alinéa de l'article 143-1 du même code est inséré un alinéa ainsi rédigé : 

« 3° Il est reproché à la personne mise en examen plusieurs délits punis d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à deux ans. »

Article 4

Au premier alinéa de l'article 145-5 du même code, les mots : « ou la prolongation de la détention provisoire » sont supprimés, les mots : « d'une personne faisant connaître qu'elle exerce l'autorité parentale sur un enfant de moins de dix ans » sont remplacés par les mots : « d'une personne faisant connaître, au plus tard lors de l'interrogatoire de première comparution, qu'elle exerce à titre exclusif l'autorité parentale sur un mineur de seize ans au plus » et les mots : « toutes mesures propres à éviter la détention de l'intéressé ou à y mettre fin » sont remplacés par les mots : « toutes mesures propres à éviter que la santé, la sécurité et la moralité du mineur ne soient en danger ou que les conditions de son éducation ne soient gravement compromises. »

Article 5

L'article 380-2 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé : « Le ministère public peut également faire appel des arrêts d'acquittement lorsqu'une décision de condamnation ayant fait l'objet d'un appel a été prononcée à l'encontre d'un co-accusé. »

Article 6

La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.

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TABLEAU COMPARATIF

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Texte de référence

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Conclusions de la Commission

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Code de procédure pénale

Art. 63. - L'officier de police judiciaire peut, pour les nécessités de l'enquête, placer en garde à vue toute personne à l'encontre de laquelle il existe des indices faisant présumer qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction. Il en informe dès le début de la garde à vue le procureur de la République.

Article 1er

I. -  Aux premiers alinéas des articles 63, 77 et 154 du code de procédure pénale, les mots : « des indices faisant présumer » sont remplacés par les mots : « une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner ».

La personne gardée à vue ne peut être retenue plus de vingt-quatre heures. Toutefois, la garde à vue peut être prolongée pour un nouveau délai de vingt-quatre heures au plus, sur autorisation écrite du procureur de la République. Ce magistrat peut subordonner cette autorisation à la présentation préalable de la personne gardée à vue.

 

Sur instructions du procureur de la République, les personnes à l'encontre desquelles les éléments recueillis sont de nature à motiver l'exercice de poursuites sont, à l'issue de la garde à vue, soit remises en liberté, soit déférées devant ce magistrat.

 

Pour l'application du présent article, les ressorts des tribunaux de grande instance de Paris, Nanterre, Bobigny et Créteil constituent un seul et même ressort.

 

Art. 77. - L'officier de police judiciaire peut, pour les nécessités de l'enquête, garder à sa disposition toute personne à l'encontre de laquelle il existe des indices faisant présumer qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction. Il en informe dès le début de la garde à vue le procureur de la République. La personne gardée à vue ne peut être retenue plus de vingt-quatre heures.

 

Le procureur de la République peut, avant l'expiration du délai de vingt-quatre heures, prolonger la garde à vue d'un nouveau délai de vingt-quatre heures au plus. Cette prolongation ne peut être accordée qu'après présentation préalable de la personne à ce magistrat. Toutefois, elle peut, à titre exceptionnel, être accordée par décision écrite et motivée sans présentation préalable de la personne. Si l'enquête est suivie dans un autre ressort que celui du siège du procureur de la République saisi des faits, la prolongation peut être accordée par le procureur de la République du lieu d'exécution de la mesure.

 

Sur instructions du procureur de la République saisi des faits, les personnes à l'encontre desquelles les éléments recueillis sont de nature à motiver l'exercice de poursuites sont, à l'issue de la garde à vue, soit remises en liberté, soit déférées devant ce magistrat.

 

Pour l'application du présent article, les ressorts des tribunaux de grande instance de Paris, Nanterre, Bobigny et Créteil constituent un seul et même ressort.

 

Les dispositions des articles 63-1, 63-2, 63-3, 63-4, 64 et 65 sont applicables aux gardes à vue exécutées dans le cadre du présent chapitre.

 

Art. 154. - Lorsque l'officier de police judiciaire est amené, pour les nécessités de l'exécution de la commission rogatoire, à garder à sa disposition une personne à l'encontre de laquelle il existe des indices faisant présumer qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction, il en informe dès le début de cette mesure le juge d'instruction saisi des faits. Ce dernier contrôle la mesure de garde à vue. L'officier de police judiciaire ne peut retenir la personne plus de vingt-quatre heures.

 

La personne doit être présentée avant l'expiration du délai de vingt-quatre heures à ce magistrat ou, si la commission rogatoire est exécutée dans un autre ressort que celui de son siège, au juge d'instruction du lieu d'exécution de la mesure. A l'issue de cette présentation, le juge d'instruction peut accorder l'autorisation écrite de prolonger la mesure d'un nouveau délai, sans que celui-ci puisse excéder vingt-quatre heures. Il peut, à titre exceptionnel, accorder cette autorisation par décision écrite et motivée sans présentation préalable de la personne.

 

Pour l'application du présent article, les ressorts des tribunaux de grande instance de Paris, Nanterre, Bobigny et Créteil constituent un seul et même ressort.

 

Les dispositions des articles 63-1, 63-2, 63-3, 63-4, 64 et 65 sont applicables aux gardes à vue exécutées dans le cadre de la présente section. Les pouvoirs conférés au procureur de la République par les articles 63-2 et 63-3 sont alors exercés par le juge d'instruction. L'information prévue au troisième alinéa de l'article 63-4 précise que la garde à vue intervient dans le cadre d'une commission rogatoire.

 

Art. 62. - L'officier de police judiciaire peut appeler et entendre toutes les personnes susceptibles de fournir des renseignements sur les faits ou sur les objets et documents saisis.

Les personnes convoquées par lui sont tenues de comparaître. Si elles ne satisfont pas à cette obligation, avis en est donné au procureur de la République, qui peut les contraindre à comparaître par la force publique.

 

Il dresse un procès-verbal de leurs déclarations. Les personnes entendues procèdent elles-mêmes à sa lecture, peuvent y faire consigner leurs observations et y apposent leur signature. Si elles déclarent ne savoir lire, lecture leur en est faite par l'officier de police judiciaire préalablement à la signature. Au cas de refus de signer le procès-verbal, mention en est faite sur celui-ci.

 

Les agents de police judiciaire désignés à l'article 20 peuvent également entendre, sous le contrôle d'un officier de police judiciaire, toutes personnes susceptibles de fournir des renseignements sur les faits en cause. Ils dressent à cet effet, dans les formes prescrites par le présent code, des procès-verbaux qu'ils transmettent à l'officier de police judiciaire qu'ils secondent.

Les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucun indice faisant présumer qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction ne peuvent être retenues que le temps strictement nécessaire à leur audition.

Art. 153. -  Tout témoin cité pour être entendu au cours de l'exécution d'une commission rogatoire est tenu de comparaître, de prêter serment et de déposer. Lorsqu'il n'existe aucun indice faisant présumer qu'il a commis ou tenté de commettre une infraction, il ne peut être retenu que le temps strictement nécessaire à son audition.

II. -  Au dernier alinéa de l'article 62, au premier alinéa de l'article 153 et au premier alinéa de l'article 706-57 du même code, les mots : « aucun indice faisant présumer », sont remplacés par les mots : « aucune raison plausible de soupçonner », et au deuxième alinéa de l'article 78 les mots : « n'existent pas d'indices faisant présumer » sont remplacés par les mots : « il n'existe aucune raison plausible de soupçonner ».

S'il ne satisfait pas à cette obligation, avis en est donné au magistrat mandant qui peut le contraindre à comparaître par la force publique et prendre contre lui les sanctions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l'article 109.

 

Art. 706-57. -  Les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucun indice faisant présumer qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction et qui sont susceptibles d'apporter des éléments de preuve intéressant la procédure peuvent, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction, déclarer comme domicile l'adresse du commissariat ou de la brigade de gendarmerie.

 

L'adresse de ces personnes est alors inscrite sur un registre coté et paraphé, qui est ouvert à cet effet.

 

Art. 78. -  Les personnes convoquées par un officier de police judiciaire pour les nécessités de l'enquête sont tenues de comparaître. Si elles ne satisfont pas à cette obligation, avis en est donné au procureur de la République qui peut les y contraindre par la force publique.

 

Les personnes à l'encontre desquelles n'existent pas d'indices faisant présumer qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction ne peuvent être retenues que le temps strictement nécessaire à leur audition.

 

L'officier de police judiciaire dresse procès-verbal de leurs déclarations. Les agents de police judiciaire désignés à l'article 20 peuvent également, sous le contrôle d'un officier de police judiciaire, entendre les personnes convoquées.

 

Les procès-verbaux sont dressés dans les conditions prévues par les articles 62 et 62-1.

 

Art. 63-1. -  Toute personne placée en garde à vue est immédiatement informée par un officier de police judiciaire, ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire, de la nature de l'infraction sur laquelle porte l'enquête, des droits mentionnés aux articles 63-2, 63-3 et 63-4 ainsi que des dispositions relatives à la durée de la garde à vue prévues par l'article 63. Les dispositions de l'article 77-2 sont également portées à sa connaissance. La personne gardée à vue est également immédiatement informée qu'elle a le droit de ne pas répondre aux questions qui lui seront posées par les enquêteurs.

Article 2

I. -  La deuxième phrase du premier alinéa de l'article 63-1 du même code est supprimée.

II. -  A la troisième phrase du premier alinéa de l'article 63-1 du même code, les mots : « qu'elle a le droit de ne pas répondre aux questions qui lui seront posées par les enquêteurs » sont remplacés par les mots : « qu'elle a le choix de se taire, de répondre aux questions qui lui seront posées ou de faire des déclarations. Elle est avisée que son silence est susceptible de lui porter préjudice dès lors qu'il existe une ou des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ».

Mention de cet avis est portée au procès-verbal et émargée par la personne gardée à vue ; en cas de refus d'émargement, il en est fait mention.

 

Les informations mentionnées au premier alinéa doivent être communiquées à la personne gardée à vue dans une langue qu'elle comprend.

 

Si cette personne est atteinte de surdité et qu'elle ne sait ni lire ni écrire, elle doit être assistée par un interprète en langue des signes ou par toute personne qualifiée maîtrisant un langage ou une méthode permettant de communiquer avec des sourds. Il peut également être recouru à tout dispositif technique permettant de communiquer avec une personne atteinte de surdité.

 
 

III. -  L'article 63-1 du même code est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

Art. 77-2. -  Toute personne placée en garde à vue au cours d'une enquête préliminaire ou de flagrance qui, à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la fin de la garde à vue, n'a pas fait l'objet de poursuites, peut interroger le procureur de la République dans le ressort duquel la garde à vue s'est déroulée sur la suite donnée ou susceptible d'être donnée à la procédure. Cette demande est adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception.

« Si la personne est remise en liberté à l'issue de la garde à vue sans qu'aucune décision n'ait été prise par le procureur de la République sur l'action publique, les dispositions de l'article 77-2 sont portées à sa connaissance.

Dans le mois suivant la réception de la demande, le procureur de la République compétent doit soit engager des poursuites contre l'intéressé, soit engager l'une des mesures prévues aux articles 41-1 à 41-3, soit lui notifier le classement sans suite de la procédure à son égard, soit, s'il estime que l'enquête doit se poursuivre, saisir le juge des libertés et de la détention. A défaut de saisine de ce magistrat, il ne peut être procédé contre l'intéressé, à peine de nullité, à aucun acte d'enquête postérieurement au délai d'un mois à compter de la réception de la demande.

 

Lorsque le juge des libertés et de la détention est saisi en application des dispositions du précédent alinéa, il entend, au cours d'un débat contradictoire, les observations du procureur de la République et de la personne intéressée, assistée le cas échéant par son avocat. A l'issue de ce débat, le juge des libertés et de la détention décide si l'enquête peut être poursuivie. En cas de réponse négative, le procureur de la République doit, dans les deux mois, soit engager des poursuites contre l'intéressé, soit lui notifier le classement sans suite de la procédure à son égard, soit engager l'une des mesures prévues aux articles 41-1 à 41-4. Si le juge des libertés et de la détention autorise la continuation de l'enquête, il fixe un délai qui ne peut être supérieur à six mois, à l'issue duquel la personne intéressée peut, le cas échéant, faire à nouveau application des dispositions du présent article.

 

Si la personne intéressée en fait la demande, le débat contradictoire prévu à l'alinéa précédent se déroule en audience publique, sauf si la publicité est de nature à entraver les investigations nécessitées par l'enquête, à nuire à la dignité de la personne ou aux intérêts d'un tiers. Le juge des libertés et de détention statue sur cette demande par une décision motivée qui n'est pas susceptible de recours.

 

Art. 63. - cf. supra art. 1er de la proposition de loi.

Art. 63-2. - cf. infra IV du présent article.

Art. 63-3. -  Toute personne placée en garde à vue peut, à sa demande, être examinée par un médecin désigné par le procureur de la République ou l'officier de police judiciaire. En cas de prolongation, elle peut demander à être examinée une seconde fois.

« Sauf en cas de circonstance insurmontable, les diligences résultant pour les enquêteurs de l'obligation mentionnée au premier alinéa de l'article 63 et de la communication des droits mentionnés aux articles 63-2 et 63-3 doivent intervenir au plus tard dans un délai de trois heures à compter du moment où la personne a été effectivement placée en garde à vue. »

A tout moment, le procureur de la République ou l'officier de police judiciaire peut d'office désigner un médecin pour examiner la personne gardée à vue.

 

En l'absence de demande de la personne gardée à vue, du procureur de la République ou de l'officier de police judiciaire, un examen médical est de droit si un membre de sa famille le demande ; le médecin est désigné par le procureur de la République ou l'officier de police judiciaire.

 

Le médecin examine sans délai la personne gardée à vue. Le certificat médical par lequel il doit notamment se prononcer sur l'aptitude au maintien en garde à vue est versé au dossier.

 

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables lorsqu'il est procédé à un examen médical en application de règles particulières.

 

Art. 63-2. -  Toute personne placée en garde à vue peut, à sa demande, faire prévenir sans délai, par téléphone, une personne avec laquelle elle vit habituellement ou l'un de ses parents en ligne directe, l'un de ses frères et soeurs ou son employeur de la mesure dont elle est l'objet.

IV. -  Au premier alinéa de l'article 63-2 du même code, les mots : « sans délai » sont remplacés par les mots : « dans le délai prévu au dernier alinéa de l'article 63-1 ».

Si l'officier de police judiciaire estime, en raison des nécessités de l'enquête, ne pas devoir faire droit à cette demande, il en réfère sans délai au procureur de la République qui décide, s'il y a lieu, d'y faire droit.

 

Art. 63-1. -  cf. supra.

 

Art. 143-1. -  Sous réserve des dispositions de l'article 137, la détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que dans l'un des cas ci-après énumérés :

1° La personne mise en examen encourt une peine criminelle ;

2° La personne mise en examen encourt une peine correctionnelle d'une durée égale ou supérieure à trois ans d'emprisonnement.

Article 3

Après le quatrième alinéa de l'article 143-1 du même code est inséré un alinéa ainsi rédigé :

Toutefois, la détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que si la peine encourue est supérieure ou égale à cinq ans d'emprisonnement, s'il est reproché à la personne mise en examen un délit prévu par le livre III du code pénal et que cette personne n'a pas déjà été condamnée à une peine privative de liberté sans sursis supérieure à un an.

 
 

« 3° Il est reproché à la personne mise en examen plusieurs délits punis d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à deux ans. »

La détention provisoire peut également être ordonnée dans les conditions prévues à l'article 141-2 lorsque la personne mise en examen se soustrait volontairement aux obligations du contrôle judiciaire.

 

Art. 145-5. -  Le placement en détention provisoire ou la prolongation de la détention provisoire d'une personne faisant connaître qu'elle exerce l'autorité parentale sur un enfant de moins de dix ans ayant chez elle sa résidence habituelle ne peut être ordonné sans que l'un des services ou l'une des personnes visés au septième alinéa de l'article 81 ait été au préalable chargé de rechercher et de proposer toutes mesures propres à éviter la détention de l'intéressé ou à y mettre fin.

Les dispositions du présent article ne sont pas applicables en cas de crime, en cas de délit commis contre un mineur ou en cas de non-respect des obligations du contrôle judiciaire.

Article 4

Au premier alinéa de l'article 145-5 du même code, les mots : « ou la prolongation de la détention provisoire » sont supprimés, les mots : « d'une personne faisant connaître qu'elle exerce l'autorité parentale sur un enfant de moins de dix ans » sont remplacés par les mots : « d'une personne faisant connaître, au plus tard lors de l'interrogatoire de première comparution, qu'elle exerce à titre exclusif l'autorité parentale sur un mineur de seize ans au plus » et les mots : « toutes mesures propres à éviter la détention de l'intéressé ou à y mettre fin » sont remplacés par les mots : « toutes mesures propres à éviter que la santé, la sécurité et la moralité du mineur ne soient en danger ou que les conditions de son éducation ne soient gravement compromises. »

Art. 380-2. -  La faculté d'appeler appartient :

1° A l'accusé ;

2° Au ministère public ;

3° A la personne civilement responsable, quant à ses intérêts civils ;

4° A la partie civile, quant à ses intérêts civils ;

5° En cas d'appel du ministère public, aux administrations publiques, dans les cas où celles-ci exercent l'action publique.

Article 5

L'article 380-2 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé : « Le ministère public peut également faire appel des arrêts d'acquittement lorsqu'une décision de condamnation ayant fait l'objet d'un appel a été prononcée à l'encontre d'un co-accusé. »

 

Article 6

La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.

   

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N°3539-Rapport de M. Dray, au nom de la commission des lois sur la proposition de loi n° 3530 de M Ayrault, complétant la loi du 15 juin 2000

() Décret du 27 novembre 2001.

() L'interdiction de placer des témoins en garde à vue résulte d'une évolution initiée dès 1993 pour les enquêtes préliminaires et étendue au cadre de la flagrance et de l'instruction par la loi du 15 juin 2000.

() Issu de l'article 57 de la loi n° 2001-1062 du 15 novembre 2001 relative à la sécurité quotidienne.

() La circulaire du 4 décembre 2000 juge préférable que la notification des droits précède l'avis au parquet, ce dernier pouvant être effectué par téléphone ou par télécopie. S'agissant de la notification des droits, la circulaire du 10 janvier 2002 recommande désormais l'ordre suivant : nature de l'infraction, durée de la garde à vue, droit au silence, information de la famille, possibilité d'être examiné par un médecin et de s'entretenir avec un avocat, dispositions de l'article 77-2.

() Par exemple l'état d'ébriété de la personne ou l'impossibilité de trouver un interprète.

() Décision n° 93-326 DC du 11 août 1993.

() Cass. Crim., 3 avril 2001 (01-80.939) et 10 mai 2001 (01-81.441).

() Le délai moyen de jugement des délits est supérieur à neuf mois.


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