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le 13 février 2002

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N° 3599

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 février 2002.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR LE PROJET DE LOI (n° 3581 rectifié), autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne pour la réalisation d'une nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin,

PAR MME BERNADETTE ISAAC-SIBILLE,

Députée

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Traités et conventions

La Commission des affaires étrangères est composée de : M. François Loncle, président ; M. Gérard Charasse, M. Georges Hage, M. Jean-Bernard Raimond, vice-présidents ; M. Roland Blum, M. Pierre Brana, Mme Monique Collange, secrétaires ; Mme Michèle Alliot-Marie, Mme Nicole Ameline, M. René André, Mme Marie-Hélène Aubert, Mme Martine Aurillac, M. Édouard Balladur, M. Raymond Barre, M. Henri Bertholet, M. Jean-Louis Bianco, M. André Billardon, M. André Borel, M. Bernard Bosson, M. Philippe Briand, M. Bernard Brochand, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Hervé de Charette, M. Jean-Claude Decagny, M. Patrick Delnatte, M. Jean-Marie Demange, M. Xavier Deniau, M. Paul Dhaille, M. Jean-Paul Dupré, M. Charles Ehrmann, M. Jean-Michel Ferrand, M. Raymond Forni, M. Georges Frêche, M. Michel Fromet, M. Jean-Yves Gateaud, M. Jean Gaubert, M. Valéry Giscard d'Estaing, M. Jacques Godfrain, M. Pierre Goldberg, M. Michel Grégoire, M. François Guillaume, M. Jean-Jacques Guillet, M. Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, M. Didier Julia, M. Alain Juppé, M. Gilbert Le Bris, M. Jean-Claude Lefort, M. Guy Lengagne, M. Pierre Lequiller, M. Alain Le Vern, M. Bernard Madrelle, M. René Mangin, M. Daniel Marcovitch, M. Jean-Paul Mariot, M. Gilbert Maurer, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, M. Étienne Pinte, M. Marc Reymann, M. François Rochebloine, M. Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, M. René Rouquet, M. Georges Sarre, M. Henri Sicre, M. Dominique Strauss-Kahn, Mme Christiane Taubira-Delannon, M. Michel Terrot, Mme Odette Trupin, M. Joseph Tyrode, M. Michel Vauzelle.

SOMMAIRE

Présentation du projet de loi 5

Examen en Commission 11

Annexe 1 : Etude d'impact 15

Annexe 2 : Carte 19

Mesdames, Messieurs,

La traversée des Alpes a laissé dans l'histoire l'image d'épopées héroïques, comme l'illustre le souvenir d'Hannibal et de ses éléphants, ou encore celui de Bonaparte au passage du Grand-Saint-Bernard. Le projet qui nous préoccupe aujourd'hui est assurément digne de ces précédents historiques puisqu'il concerne la construction d'une nouvelle liaison ferroviaire transalpine entre Lyon et Turin, qui comportera notamment un tunnel à deux tubes de 52 km de longueur. Les délais nécessaires à la réalisation de cette infrastructure sont estimés à une petite vingtaine d'années pour un coût global annoncé de 10 milliards d'euros. C'est si j'ose dire un projet pharaonique mais indispensable pour la cohésion de l'Europe de l'Est et celle de l'Europe de l'Ouest.

Le projet d'une nouvelle ligne ferroviaire entre Lyon et Turin remonte au début des années 1990 et même un peu avant, avec les projets de M. Charles Beraudier sur le développement du rail dans la région Rhône-Alpes. Il répondait à une double nécessité : celle tout d'abord de développer un réseau ferroviaire transeuropéen à grande vitesse ; celle ensuite de construire une alternative ferroviaire à l'accroissement prévisible du trafic de poids lourds à travers les Alpes. Ce dernier objectif est devenu de plus en plus prioritaire, notamment après la première catastrophe survenue le 24 mars 1999 dans le tunnel du Mont-Blanc, qui a mis en évidence les dysfonctionnements liés à la croissance du trafic routier de marchandises à travers les Alpes. Cette catastrophe a été suivie de celle du Saint-Gothard en Suisse quelques mois plus tard.

Au cours des dix dernières années, le projet Lyon-Turin s'est progressivement affirmé. La première étape fut celle de la création d'une structure intergouvernementale franco-italienne en janvier 1996, afin de diriger les études nécessaires à la future réalisation de l'ouvrage. Le présent accord, signé le 29 janvier 2001, est directement issu des conclusions des réflexions de cette conférence intergouvernementale (CIG). Il constitue la deuxième étape du projet, une étape elle aussi provisoire puisque cet accord renvoie explicitement à un avenant qui devra être adopté avant 2006 et qui précisera les modalités de réalisation des ouvrages définitifs. Un groupement européen d'intérêt économique franco-italien avait été institué sous le nom de Alpetunnel dès novembre 1994 ; il a mené à bien les études demandées par la CIG. Ce groupement a pris fin le 31 décembre 2001.

Au-delà de l'exploit technique qu'il représentera, ce projet dépasse par son enjeu celui d'une simple liaison ferroviaire.

Certes, la future ligne à grande vitesse (LGV) Lyon-Turin permettra des gains horaires conséquents qui pourront atteindre, comme le précise le tableau ci-dessous, 1 h 45 entre Lyon et Turin.

TEMPS GAGNÉ AU DÉPART DE LYON

Villes desservies

Avec la LGV

Lyon-Sillon alpin

Avec le tunnel de base

franco-italien

Grenoble

8 minutes

8 minutes

Chambéry

26 minutes

26 minutes

Annecy direct

33 minutes

33 minutes

Turin direct

26 minutes

1 h 45 environ

Milan direct

26 minutes

1 h 45 environ

Il va de soi également que cette LGV sera de nature à répondre à la croissance prévisible du trafic des voyageurs, et même l'encouragera, développant ainsi les échanges interrégionaux. Les chiffres ci-dessous illustrent les différentes hypothèses.

Prévisions de trafic à Modane

 

Actuel
(1997)

2015

sans projet

2015

avec projet

2025

avec projet

Millions de voyageurs par an

1,26

2,73

3,52

4,65

Mais l'enjeu de cette nouvelle liaison Lyon-Turin n'est pas à rechercher d'abord dans la liaison voyageur, qui à elle seule ne justifierait pas des investissements aussi conséquents ; il est bien davantage dans la volonté de développer durablement le fret ferroviaire ainsi que dans la création d'une connexion entre les réseaux d'Europe occidentale, d'Europe centrale et orientale et de la Péninsule italienne. Sinon, comme je le disais en préambule, l'Europe de l'Ouest serait complètement excentrée.

Cette dernière préoccupation constitue en effet depuis quelques années l'une des constantes de la politique française des transports dont l'un des principaux objectifs pour les dix prochaines années est le doublement du trafic ferroviaire de fret. Elle représente également l'un des axes de la politique européenne ; le sommet européen d'Essen de décembre 1994 a ainsi inscrit la nouvelle liaison ferroviaire transalpine Lyon-Turin parmi les 14 projets d'infrastructures de transport européens désignés comme prioritaires.

La question du trafic des marchandises est devenue particulièrement aiguë dans la région transalpine. Globalement, sur les passages français des Alpes du nord, les tonnages de marchandises ont été multipliés par quatre depuis 1970, et la part de marché de la route est passée de 25% à près de 75%. En 1997, le trafic de marchandises au tunnel du Mont Blanc s'établissait à 12,7 millions de tonnes contre 12,6 au Tunnel de Fréjus. Depuis la fermeture du tunnel du Mont-Blanc, le trafic au Tunnel de Fréjus est monté à 22 millions de tonnes par an, ce qui représente un trafic annuel de poids lourds de 1,5 million de véhicules.

Nous n'insisterons pas, chacun ici les connaît, sur les inconvénients de ce développement du transport routier de marchandises dans la zone alpine. Les dernières années, marquées par de tragiques accidents, nous ont appris à en connaître encore davantage les risques et ont souligné la nécessité d'une réponse adaptée sur le long terme. Certes, le renforcement du fret ferroviaire ne peut se limiter à la construction d'infrastructures. Il demande également une politique plus globale alliant l'augmentation des péages des tunnels routiers pour les poids lourds, le contrôle de l'application de la législation sociale par les transporteurs routiers - la fatigue au volant est un facteur important d'accidents dans les tunnels - et une politique de qualité du service du fret ferroviaire de nature à modifier les comportements. Il n'en demeure pas moins que la levée de la saturation de la ligne ferroviaire constitue un préalable indispensable. Il est vrai également que les grèves répétées ces dernières années à la SNCF ont été lourdes de conséquences sur la diminution du fret...

La ligne actuelle Lyon-Turin a une capacité maximale de transport de 10 millions de tonnes de marchandises et elle est d'ores et déjà saturée. Des travaux de modernisation de cette ligne actuelle, décidés dans l'attente de la ligne nouvelle lors du dernier sommet franco-italien en janvier dernier à Turin, prévoient notamment la mise en place d'un service d'autoroute ferroviaire, entre l'entrée de la Maurienne et Turin. Ce service comportera 20 ou 30 navettes quotidiennes, ce qui permettra d'augmenter la capacité annuelle à 20 millions de tonnes de marchandises à l'horizon 2005/2006, seuil que le trafic devrait atteindre, sans projet, à la fin des années 2010. La nouvelle ligne Lyon-Turin, qui permettra d'offrir une capacité de 60 millions de tonnes par an pour le fret, constitue donc une réponse satisfaisante et crédible à la saturation récurrente de cet itinéraire.

Prévisions de trafic à Modane

 

Actuel
(1997)

2015

sans projet

2015

avec projet

2025

avec projet

Marchandises millions de tonnes par an

10,1

16,9

(+ 67%)

20,1

(+ 99%)

26,0

(+ 160%)

La CIG a précisé dans son rapport du 15 janvier 2001 le tracé retenu pour la nouvelle ligne ferroviaire. Elle a justifié le choix de la vallée de la Maurienne et le val de Suse «compte tenu de la géographie et de l'utilisation historique de ces vallées comme un axe lourd de transport ». Ce tracé comporte deux sections : une section purement française, à l'ouest du Sillon alpin ; et une section dite internationale entre le Sillon alpin et le n_ud ferroviaire de Turin1. Cette section internationale est elle-même constituée de trois parties (article 2 de l'accord) : une partie française, entre le Sillon alpin et les abords de Saint-Jean-de-Maurienne ; une partie commune franco-italienne comprise entre Saint-Jean-de-Maurienne en France et Bussoleno/Bruzolo en Italie ; et enfin une partie italienne, des environs de Bussoleno/Bruzolo au n_ud de Turin.

Le présent accord ne concerne que la réalisation des ouvrages de la partie franco-italienne, le reste de la liaison étant du strict ressort de chaque Etat, y compris à l'intérieur de la section internationale.

A l'intérieur de cette partie franco-italienne, les infrastructures prévues comprennent notamment - nous l'avons évoqué en introduction - un tunnel ferroviaire à double tube d'environ 52 km et en Italie un ensemble d'ouvrages de raccordement de ce tunnel à la ligne existante ainsi qu'à la future ligne nouvelle vers Turin (article 3). Le coût total de ces infrastructures est estimé à 5,9 milliards d'euros.

Un organe commun désigné sous le terme de promoteur (article 6) a été institué pour conduire les études de faisabilité du projet sur la partie franco-italienne. Il est constitué, à parts égales, par les deux gestionnaires d'infrastructures des réseaux ferrés nationaux français et italien, RFF et RFI. La création de ce promoteur, dénommé « Lyon Turin Ferroviaire » (LTF), a été entérinée par un arrêté en date du 11 septembre 2001 sous la forme d'une société par actions simplifiée de droit français. Le préfet François Lépine a été nommé président de cette société ; il est assisté par un directeur général italien.

Le rôle de LTF est de conduire les études d'avant-projet - économiques, financières, environnementales - et les travaux de reconnaissance de la ligne ferroviaire sur la partie franco-italienne pour en proposer in fine le tracé définitif, la consistance des travaux, l'enveloppe financière prévisionnelle et les modalités de réalisation.

M. François Lépine nous a précisé que les premiers travaux entrepris seront le creusement de quatre descenderies dont la fonction sera de mieux préciser la nature des terrains et les conditions de creusement ; ces descenderies pourront par la suite servir de fronts d'attaque pour le creusement du tunnel ainsi que de galeries d'évacuation.

L'article 3 de la convention prévoit que les ouvrages pourront être réalisés par tranches fonctionnelles. Cela signifie notamment que le tunnel de base pourrait dans un premier temps ne comporter qu'un seul tube, même s'il est prévu dans l'accord que le projet définitif en comporte deux. La décision de ce phasage sera bien sûr fonction des études économiques (trafics, capacités...), de sécurité et d'environnement que doit justement conduire LTF.

Il appartiendra également à LTF de faire des propositions concernant les modalités financières de réalisation et de concession de l'ouvrage. Toutes les options sont ouvertes. Il est évident néanmoins qu'en raison du coût des ouvrages, un financement uniquement privé n'est pas envisageable ; en conséquence il faudra probablement trouver une formule associant le privé et le public. Selon le rapport de la CIG du 15 janvier 2001 «la rentabilité du projet est difficile à quantifier précisément pour des motifs tenant à la taille de l'aire d'influence du projet (...) Une intervention budgétaire des Etats et des financements très longs, cohérents avec la durée de l'ouvrage, seront nécessaires ». Mais, nous l'avons déjà précisé, la rentabilité financière, si elle ne doit pas être négligée, n'est pas la motivation première de ce projet.

Le présent accord précise et renforce les compétences de la CIG telles qu'elles résultaient du précédent accord de 1996 (article 9). C'est elle notamment qui proposera aux deux gouvernements, au vu des propositions de LTF, le tracé et les caractéristiques des ouvrages définitifs, les modalités de leur réalisation et de leur financement ainsi que les conditions d'exploitation. Tous ces éléments seront concrétisés dans un avenant au présent accord, qui devrait être signé avant 2006.

La CIG sera assistée par deux Comités prévus par le présent accord (article 9). Un Comité de sécurité traitera spécifiquement de toutes les questions liées à la sécurité publique tandis qu'un Comité des exploitants ferroviaires permettra d'associer les exploitants des réseaux ferroviaires français et italiens au débat sur les études et conclusions remises à la CIG.

Le coût global des études et travaux de cette première phase prévue par cet accord engage est estimé à 371 millions d'euros qui seront pris en charge pour moitié par chacun des deux pays (article 10). Il est prévu une contribution communautaire de 50 millions d'euros respectivement pour chacun des deux Etats ; le versement de cette contribution s'étendra de 2002 à 2006.

La clef de financement des ouvrages définitifs de la partie franco-italienne n'est pas encore fixée entre les deux pays ; elle sera précisée dans le futur avenant au présent accord.

Le calendrier initial du projet prévoyait un achèvement total du projet en 2015. Les gouvernements français et italien ont souhaité avancer ce terme à 2012. Votre Rapporteur prend acte de ces v_ux qui ont pour principal avantage d'afficher clairement une volonté politique. Mais l'expérience prouve qu'en ce domaine il est sage de ne pas exclure tout glissement de calendrier.

Les perspectives offertes par cette nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin sont de nature à satisfaire les préoccupations d'environnement et de sécurité qui furent à l'origine du projet. Votre Rapporteur se félicite particulièrement que le présent accord prévoie spécifiquement une meilleure association des collectivités territoriales françaises et italiennes à l'avancement des études et des travaux, et même, pour ce qui concerne les régions Rhône-Alpes et Piémont, une association aux travaux de la CIG (article 9). L'atmosphère est aujourd'hui consensuelle autour des grands principes de ce projet, qu'il convient maintenant - et c'est là que les difficultés vont commencer - de traduire dans la réalité. La qualité des travaux préparatoires sera une garantie de celle de la réalisation définitive. C'est la raison pour laquelle je vous invite à adopter sans plus tarder ce projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 13 février 2002.

Mme Bernadette Isaac-Sibille a souligné l'importance du projet de la nouvelle liaison Lyon-Turin qui constitue le lien indispensable entre l'Europe occidentale et l'Europe orientale. Ce projet avait naguère été soutenu par M. Charles Beraudier, premier président de la région Rhône-Alpes, qui était attaché à développer le trafic ferroviaire. Il répond à une double nécessité : celle tout d'abord de développer un réseau ferroviaire transeuropéen à grande vitesse ; celle ensuite de construire une alternative ferroviaire à l'accroissement prévisible du trafic de poids lourds à travers les Alpes. Le coût global du projet est estimé à 10 milliards d'euros.

La Rapporteure a retracé la chronologie du projet en rappelant que le présent accord renvoie explicitement à un avenant qui devra être adopté avant 2006 et qui précisera les modalités de réalisation des ouvrages définitifs.

Ce projet dépasse par son enjeu celui d'une simple liaison ferroviaire. Certes, la future ligne à grande vitesse Lyon-Turin permettra des gains horaires conséquents qui pourront atteindre 1 H 45 entre Lyon et Turin. Mais le véritable enjeu de ce projet se situe bien davantage dans la volonté de développer durablement le fret ferroviaire et d'éviter que l'Europe de l'Ouest ne demeure excentrée par rapport au reste de l'Europe. Cette dernière préoccupation est à la fois une priorité pour les politiques française et européenne de transport.

La question du trafic des marchandises est devenue particulièrement aiguë dans la région transalpine. Globalement, sur les passages français des Alpes du nord, les tonnages de marchandises ont été multipliés par quatre depuis 1970, et la part de marché de la route est passée de 25% à près de 75%. En 1997, le trafic de marchandises au tunnel du Mont-Blanc s'établissait à 12,7 millions de tonnes contre 12,6 au tunnel de Fréjus. Depuis la fermeture du tunnel du Mont-Blanc, le trafic au tunnel de Fréjus est monté à 22 millions de tonnes par an, ce qui représente un trafic annuel de poids lourds de 1,5 million de véhicules.

Le renforcement du fret ferroviaire ne peut se limiter à la construction d'infrastructures. Il demande également une politique plus globale alliant l'augmentation des péages des tunnels routiers pour les poids lourds, le contrôle de l'application de la législation sociale par les transporteurs routiers - la fatigue au volant est un facteur important d'accidents dans les tunnels - et une politique de qualité du service du fret ferroviaire de nature à modifier les comportements. Il n'en demeure pas moins que la levée de la saturation de la ligne ferroviaire constitue un préalable indispensable. Il est vrai également que les grèves répétées ces dernières années à la SNCF ont été lourdes de conséquences sur la diminution du fret...

La Rapporteure a développé les infrastructures prévues pour la nouvelle ligne. L'accord désigne un promoteur, dénommé « Lyon Turin Ferroviaire », pour conduire les études de faisabilité. Au vu de ses propositions, la conférence intergouvernementale en charge du projet arrêtera le tracé et les caractéristiques des ouvrages définitifs, les modalités de leur réalisation et de leur financement, ainsi que les conditions d'exploitation.

Le coût global des études et travaux de cette première phase devrait se monter à 371 millions d'euros, pris en charge pour moitié par chacun des deux pays. Il est prévu une contribution communautaire de 50 millions d'euros respectivement pour chacun des deux Etats.

Le calendrier initial du projet prévoyait un achèvement total du projet en 2015. Les gouvernements français et italien ont souhaité avancer ce terme à 2012. Votre Rapporteure prend acte de ces v_ux qui ont pour principal avantage d'afficher clairement une volonté politique. Mais l'expérience prouve qu'en ce domaine, il est sage de ne pas exclure tout glissement de calendrier.

Votre Rapporteure souhaiterait obtenir du ministre lors de la séance publique diverses précisions, notamment sur l'absence de date butoir pour le projet, sur la nature des dispositions législatives et réglementaires auxquelles renvoie l'article 8 de l'accord, sur les modalités d'association des régions Rhône-Alpes et Piémont ainsi que sur les délais de règlement des différends prévus à l'article 12.

Le Président François Loncle a partagé l'avis de la Rapporteure sur le caractère incontournable de l'investissement en cause. Il s'est félicité du choix du préfet François Lépine comme président de la société « Lyon Turin Ferroviaire ».

Mme Marie-Hélène Aubert a rappelé que la question du financement des infrastructures ferroviaires alternatives au transport routier était une question récurrente. La nécessité existe d'une participation communautaire, chacun en est conscient mais souvent malheureusement la volonté fait défaut. Le recours à l'emprunt devrait être envisagé. Ceci explique que le rail marque le pas.

Mme Bernadette Isaac-Sibille a souligné que le sommet européen d'Essen de décembre 1994 avait inscrit la nouvelle ligne Lyon-Turin parmi les 14 projets d'infrastructures de transport européens désignés comme prioritaires mais qu'elle partageait l'analyse de Mme Marie-Hélène Aubert.

Le Président François Loncle a rappelé la difficulté de convaincre le Gouvernement britannique de l'utilité du tunnel sous la Manche. Il est toujours nécessaire de maintenir la pression des opinions publiques et des élus nationaux pour traduire les priorités dans les faits.

Mme Bernadette Isaac-Sibille a souligné avec espoir que l'Europe redécouvrait sa partie méditerranéenne.

Suivant les conclusions de la Rapporteure, la Commission a adopté le projet de loi (n° 3581 rectifié).

*

* *

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de l'accord figure en annexe au projet de loi (n° 3581 rectifié).

République française
Ministère des affaires étrangères
NOR : MAEX0100191L

Projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française
et le Gouvernement de la République italienne pour la réalisation
d'une nouvelle ligne ferroviaire Lyon-Turin

ETUDE D'IMPACT

I - Etat du droit et situation de fait existant et leurs insuffisances.

Si les études et la réalisation de la ligne à grande vitesse de Lyon jusqu'au Sillon alpin sont du ressort de Réseau ferré de France (RFF), dans le cadre de ses missions habituelles, les dispositions de la loi 97-135 du 13 février 1997, portant création de Réseau ferré de France, ne pouvaient s'appliquer à la construction de la nouvelle ligne ferroviaire sur la partie franco-italienne du tracé.

Il n'existait également aucun accord entre les Gouvernements français et italien permettant le mettre en oeuvre un tel projet.

La conclusion de cet accord était dès lors nécessaire pour préciser les modalités de la Construction de la ligne sur ce tronçon qui comportera, notamment, un tunnel de base à deux tubes d'environ 52 km et, en Italie, un ensemble d'ouvrages de raccordement de ce tunnel de base à la ligne existante et à la future ligne nouvelle vers Turin.

Il - Bénéfices escomptés en matière

d'emploi.
La nouvelle ligne aura un double impact sur l'emploi, temporaire pendant la construction et permanent après la mise en service.
L'impact temporaire comprend des effets directs - réalisation des travaux de reconnaissance du tunnel franco-italien puis des ouvrages définitifs, développement du futur matériel roulant - qui contribueront à créer ou maintenir des emplois, et des effets induits par 'ensemble des dépenses des actifs participant au chantier et aux aménagements qui y seront associés.
L'impact permanent comprend l'apparition de nouveaux emplois durables, directement liés à l'exploitation des liaisons marchandises et voyageurs concernées, et la création d'emplois induits par l'intensification des échanges de marchandises, les retombées liées au développement des voyages d'affaires et de tourisme, et à l'attractivité renforcée des territoires concernés.
Par ailleurs, l'accroissement des capacités de fret est susceptible d'avoir un impact sur les autres modes de transport, notamment le transport routier de marchandises. En effet, alors que la capacité de la ligne existante est de l'ordre d'une dizaine de millions de tonnes de marchandises par an, le corridor ferroviaire constitué de la ligne ferroviaire existante modernisée et de la ligne nouvelle entre la France et l'Italie offrira:
- une capacité d'au minimum quarante millions de tonnes de marchandises par an avec, en première étape et dans l'hypothèse d'un phasage fonctionnel, une infrastructure nouvelle à voie unique et des possibilités de croisements intermédiaires ;
- une capacité de plus de soixante-cinq millions de tonnes par an avec une infrastructure à deux voies.
Cette augmentation devrait entraîner un report sur le mode de transport ferroviaire. L'impact sur le secteur des transports routiers, difficilement quantifiable, n'en reste pas moins conforme à l'objectif visé, à l'échelle européenne, de diminution du trafic de transit de poids lourds à travers les Alpes.

d'intérêt général.
La mise en oeuvre de ce projet aura un impact sur l'environnement et la sécurité et le confort des voyageurs.
En effet, le mode ferroviaire participe aux économies d'énergies non renouvelables et à la protection de l'environnement. Il contribue à lutter contre les dysfonctionnements liés à l'engorgement des vallées alpines par le trafic des poids lourds et reste l'un des moyens de transport les plus sûrs au regard de la sécurité des usagers.
En outre, les voyageurs bénéficieront de gains de temps. A compter de la mise en service de la nouvelle ligne à grande vitesse jusqu'au Sillon alpin, le gain sur un trajet de Paris ou Lyon vers Turin sera de l'ordre d'une demi-heure. Par la suite, une fois le tunnel transalpin entre la France et l'Italie mis en service, il s'élèvera à une heure trois-quarts.

d'incidences financières.
A ce stade, la France a engagé des dépenses pour la réalisation des études générales de la section internationale et des études et travaux de la première étape du projet sur la partie franco- italienne du tracé.
Le coût du programme complet, comprenant d'une part les études d'avant-projet et les travaux de reconnaissance des ouvrages de la partie franco-italienne (Saint-Jean-de-Maurienne / Bussoleno - Bruzolo), et d'autre part, celles, plus générales, relatives à la section internationale (Sillon alpin / noeud de Turin), sera de l'ordre de 370 millions d'euros, dont la moitié à la charge de la France.
S'agissant de la réalisation des ouvrages définitifs de la partie franco-italienne, les modalités de financement seront précisées ultérieurement.

de simplification des formalités administratives.
Le programme de modernisation de la ligne existante de la Maurienne, d'ores et déjà engagé, a permis la simplification des rocédures administratives et techniques au passage de la frontière pour les marchandises et a conduit à la création d'un centre commun d'information pour le fret à l'initiative de la SNCF et des chemins de fer italiens.
Le projet de nouveau tunnel transalpin devrait contribuer à simplifier et à harmoniser encore davantage les formalités requises pour le transport des marchandises.

de complexité de l'ordonnancement juridique.
L'accord prévoit l'application des dispositions législatives et réglementaires en vigueur dans chaque Etat mais met en évidence la nécessité d'une concertation entre les deux Gouvernements pour engager les procédures de conduite des études et des travaux. Pour autant, il n'en résultera aucune complexité nouvelle pour l'ordonnancement juridique.

graphique

1 Voir carte en annexe


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