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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 13 décembre 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Sandrine Mazetier

1. Mise en œuvre du principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement

Présentation

Mme Sabine Buis,

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

M. Jean-Paul Chanteguet, vice-président de la commission mixte paritaire

Discussion générale

M. Patrice Carvalho

M. Florent Boudié

M. Martial Saddier

M. Alain Leboeuf

M. Bertrand Pancher

Mme Laurence Abeille

M. Jacques Krabal

M. Serge Bardy

Mme Delphine Batho, ministre

Texte de la commission mixte paritaire

Amendement no 1

Mme Sabine Buis, rapporteure de la commission mixte paritaire

Amendements nos 2, 3

Vote sur l’ensemble

Mme Delphine Batho, ministre

Suspension et reprise de la séance

2. Projet de loi de finances pour 2013

Présentation

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Motion de rejet préalable

M. Hervé Mariton

Mme Marie-Christine Dalloz, M. Éric Woerth, M. Éric Alauzet, M. Yves Jégo, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, M. Pierre-Alain Muet

Discussion générale

Mme Marie-Christine Dalloz

M. Éric Woerth

M. Yves Jégo

M. Éric Alauzet

M. Roger-Gérard Schwartzenberg

M. Gaby Charroux

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Sandrine Mazetier
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Mise en œuvre du principe de participation
du public défini à l’article 7
de la Charte de l’environnement

Commission mixte paritaire

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion sur le rapport de la commission mixte paritaire du projet de loi relatif à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement (n° 470).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à Mme Sabine Buis, rapporteure de la commission mixte paritaire.

Mme Sabine Buis, rapporteure de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, madame la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, monsieur le vice-président de la commission mixte paritaire, mes chers collègues, avec la discussion, ce matin, des conclusions de la commission mixte paritaire, nous arrivons au terme de l’examen du projet de loi sur la mise en œuvre du principe de participation du public.

La CMP qui s’est réunie au Sénat le 4 décembre dernier est en effet parvenue à un accord, après un débat qui a duré près de deux heures et dont l’essentiel a porté sur les articles 1er, 1er bis A et 1er bis. Comme le montre le rapport de la CMP, ce débat a été nourri, mais nous partions d’une situation où le texte avait été adopté à l’unanimité au Sénat et à une très large majorité à l’Assemblée. Dès lors, aucun groupe politique ne souhaitait l’échec de la commission mixte paritaire, mais il restait à nous accorder sur deux points qui faisaient clivage.

Ce projet de loi, je le rappelle, était à l’origine un texte technique, déposé pour remédier aux conséquences de décisions rendues par le Conseil constitutionnel dans le cadre de questions prioritaires de constitutionnalité. Cependant, le Sénat ne s’est pas limité à ce champ et a tenu à enrichir le principe de participation. Le Gouvernement a également donné une portée supplémentaire à son texte en prévoyant la création du Conseil national de la transition écologique.

L’Assemblée nationale a eu la volonté, en première lecture, de suivre la démarche du Sénat. Elle a notamment veillé à ce que nos concitoyens dépourvus d’accès à internet puissent avoir connaissance des projets de décision en prévoyant une mise à disposition des dossiers à l’échelon local. Elle a réorganisé le dispositif de prise en compte des observations du public. Enfin, elle a introduit l’énergie dans les compétences du Conseil national de la transition écologique.

Deux points, deux clivages, subsistaient par rapport au texte du Sénat : le premier concernait le forum électronique ; le second portait sur la participation du public aux permis exclusifs de recherche prévus par le code minier.

L’Assemblée comme le Sénat ont eu le souci de garantir la prise en compte des observations du public sans lesquelles une procédure de consultation n’est qu’un théâtre d’ombres. Cette procédure nécessite des moyens informatiques et humains ; elle a donc un coût que l’on ne peut actuellement évaluer avec certitude, mais dont on a une idée si l’on se réfère au barème horaire des enquêtes publiques. C’est pour cette raison que l’Assemblée avait accepté l’idée d’une expérimentation permettant de mettre en place le dispositif pour une durée limitée. Le Sénat préférait nettement recourir dès l’entrée en vigueur de la loi à un forum électronique permettant le dialogue non seulement entre administration et citoyens – que l’on appelle le dialogue vertical –, mais aussi entre citoyens ou associations – le dialogue horizontal.

Le compromis auquel nous avons abouti résulte d’un long débat. Nous avions le même objectif ; seul nous séparait le moyen d’y parvenir. Nous avons finalement maintenu le dispositif d’expérimentation, mais souhaité qu’à son terme, le forum électronique soit de droit. Le Parlement laisse donc à l’administration une période d’adaptation. Il revient à cette dernière de la mettre en œuvre avec intelligence et dans un esprit d’ouverture afin d’établir des relations de confiance avec nos concitoyens grâce à des procédures simples, claires et accessibles à tous.

J’évoquerai plus brièvement les permis de recherche, dispositif qui s’applique aux gaz de schiste. Il s’agit d’une question politique et non juridique. Le Président de la République et le Premier ministre ont affirmé à plusieurs reprises que le Gouvernement n’accorderait pas de permis de recherche pour ces gaz. C’est une volonté exprimée clairement. Nos collègues du Sénat, qui ont relevé que la réforme du code minier prenait du temps, ont préféré garantir juridiquement dans le code de l’environnement la traduction de cette volonté politique. En CMP, nous nous sommes ralliés à cette vision, tout en maintenant notre confiance dans la parole du Gouvernement.

Au-delà du compromis auquel sénateurs et députés sont parvenus, nos débats ont fait apparaître un sentiment de défiance entre élus et citoyens, d’un côté, administration, de l’autre. De nombreux parlementaires, qui sont élus locaux, ont fait état de permis de recherche sur le territoire de leur commune dont ils n’étaient pas informés. Une telle situation n’est pas normale dans une démocratie moderne. L’administration est là pour garantir l’intérêt général, mais elle doit également assister nos concitoyens dans l’exercice de leurs droits et admettre enfin que, dans un pays où le niveau d’éducation, est élevé et où les associations ont une longue expérience des affaires publiques, elle n’a pas, elle n’a plus le monopole de l’expertise. Ce point est particulièrement important dans le domaine de l’environnement, car c’est grâce à de très nombreuses associations et fondations que le public a été informé des enjeux environnementaux.

Nous avons donc appelé à plusieurs reprises à un changement de culture, afin d’instaurer des relations de confiance entre administration et citoyens. Nous espérons que l’administration centrale et ses services déconcentrés mettront à profit la période d’expérimentation pour considérer que la participation du public constitue un élément normal de la préparation d’une décision et non une contrainte.

Madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous allons adopter est une étape. Le Gouvernement va disposer de huit mois pour réviser le code de l’environnement par ordonnance – en application de l’article 7 du présent projet – afin de garantir le principe de participation du public. Nous déléguons avec confiance, mais avec vigilance, notre pouvoir législatif, en gardant à l’esprit que notre objectif est de garantir la mise en œuvre de la Charte de l’environnement.

En conséquence, je vous propose d’adopter le texte élaboré par la commission mixte paritaire, considérant qu’il a permis de trouver un bon équilibre entre l’Assemblée et le Sénat. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Madame la présidente, monsieur le vice-président de la commission mixte paritaire, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les députés, avant que nous n’entamions les derniers débats sur le rapport de la commission mixte paritaire, je voudrais remercier tous ceux qui ont apporté leur pierre à ce projet de loi relatif à la mise en œuvre du principe de participation du public dans un esprit d’ouverture et de rassemblement, en particulier le président de la commission, Jean-Paul Chanteguet, et, bien sûr, la rapporteure, Sabine Buis.

Vous le savez, depuis que le projet vous a été soumis en première lecture, le contexte juridique de nos discussions a évolué, puisque le Conseil constitutionnel a rendu, le 23 novembre dernier, deux décisions sur des questions prioritaires de constitutionnalité relatives à la méconnaissance de l’article 7 de la Charte de l’environnement. Ces décisions ont confirmé que nous sommes sur la bonne voie. Le Conseil constitutionnel a ainsi jugé contraire à l’article 7 le fait de limiter le champ d’application de la procédure actuelle de participation électronique aux seuls actes réglementaires. Le projet de loi y répond, puisque nous étendons ce dispositif aux décisions d’espèce et aux décisions individuelles. Le Conseil constitutionnel a également confirmé, en statuant sur un arrêté municipal pris en matière de réglementation de la publicité, que les décisions des collectivités locales entraient bien dans le champ du principe de participation du public, ce qui confirme la nécessité de l’ordonnance prévue à l’article 7 du projet.

Le Conseil constitutionnel a également précisé que n’étaient concernées par le principe de participation que les décisions ayant une incidence « directe et significative » sur l’environnement. Le projet de loi mentionne, quant à lui, les décisions ayant « une incidence » sur l’environnement. Nous maintenons cette formule, qui est celle de la Charte de l’environnement et qui sera sans doute interprétée à la lumière de la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Pour le reste, c’est-à-dire la procédure concrète à respecter pour appliquer le principe de participation, le juge constitutionnel n’a rien dit. Nous sommes donc renvoyés à notre imagination et à notre efficacité.

J’en viens au texte adopté par la commission mixte paritaire il y a un peu plus d’une semaine.

Je constate, tout d’abord, que ladite commission n’est pas revenue sur l’article 7, qui prévoit l’habilitation nécessaire pour prendre une ordonnance sur le fondement de l’article 38 de la Constitution. Je sais que le Parlement est très attaché à ses prérogatives et qu’il ne se dessaisit pas volontiers de son rôle de législateur. Je me suis engagée devant vous à respecter une méthode et un calendrier de concertation pour l’élaboration de cette ordonnance, en y associant les associations d’élus et les parlementaires. Au terme de cette concertation, le Gouvernement ne tardera pas à vous présenter l’outil de ratification. J’en ai pris l’engagement, ainsi que le ministre chargé des relations avec le Parlement, Alain Vidalies, la semaine dernière au Sénat.

Je constate également avec satisfaction que la commission mixte paritaire n’est pas revenue sur les dispositions instituant le Conseil national de la transition écologique, dont la création avait été décidée lors de la conférence environnementale et qui devra nous permettre de franchir une nouvelle étape dans le dialogue social et environnemental. La création de ce conseil nous était apparue absolument nécessaire dans le cadre de la mise en œuvre de la feuille de route relative à la transition écologique.

C’est surtout sur l’article 1er du projet de loi que se sont concentrées les discussions en commission mixte paritaire et que la rédaction du texte a le plus évolué. La procédure proposée est, pour l’essentiel, une procédure électronique et dématérialisée. Tout en confirmant l’intérêt de cette modalité de consultation, le Parlement a alerté le Gouvernement sur la nécessité de prendre en compte la fracture numérique. En effet, tous les Français n’ont pas encore accès à un ordinateur et à internet. C’est pourquoi le projet prévoit, d’abord, la possibilité de formuler des observations par voie postale – il s’agit d’un amendement du Sénat maintenu en CMP –, ensuite une mise à disposition sur demande dans les préfectures et les sous-préfectures des projets de textes ou de décisions mis en consultation – il s’agit ici d’un amendement de l’Assemblée maintenu en CMP.

La CMP a maintenu l’obligation d’informer le public trois mois à l’avance des décisions et des textes qui seront mis en consultation afin que chacun puisse s’y préparer dans de bonnes conditions. Elle a également maintenu le délai minimal de mise à disposition du public, qui serait porté à vingt et un jours au lieu de quinze jours aujourd’hui.

Le principe de participation du public implique que les observations soient prises en compte par l’autorité compétente en amont de la prise de décision. Le public doit donc pouvoir s’assurer en toute transparence que toutes ses observations ont été analysées avec attention. C’est pourquoi le texte impose à l’autorité compétente l’élaboration d’une synthèse écrite de ces observations. Est ajoutée à cette obligation générale une nouvelle obligation : celle de présenter un document séparé indiquant les motifs de la décision. La CMP a maintenu cette disposition issue d’un amendement dont nous avons longuement discuté en première lecture à l’Assemblée, disposition sur la portée juridique de laquelle le Gouvernement s’était interrogé.

Enfin, pour répondre à une demande du Sénat que soient organisés des forums électroniques en ligne permettant des interactions entre les participants au débat, le Gouvernement s’était engagé à organiser une expérimentation.

Cette expérimentation était une proposition de la commission du développement durable de l’Assemblée nationale. Le Gouvernement s’y est rallié, car il doit expertiser le coût de la généralisation de tels dispositifs – qui impliquent le recrutement de modérateurs –, sa faisabilité pour les collectivités locales notamment, ou les questions juridiques posées par le fait que la responsabilité légale est assumée par l’hébergeur en cas de propos injurieux. À cette première expérimentation s’est ajoutée une seconde expérimentation, dont l’objectif est de tester la mise en place d’un garant du débat désigné par la Commission nationale du débat public.

Telle est, dans ses grandes lignes, la rédaction de l’article 1er élaborée par la commission mixte paritaire. Cette rédaction, qui a peu bougé, traduit l’enrichissement du texte tout au long du débat, que ce soit à l’Assemblée nationale ou au Sénat.

Je réserve toutefois une place à part à un amendement adopté au Sénat, puis supprimé à l’Assemblée nationale et réintroduit en CMP, soumettant la procédure de délivrance des permis de recherche miniers concernant des hydrocarbures à la procédure définie à l’article 1er du projet de loi. Même si j’ai bien compris la décision de la CMP, j’ai déjà eu l’occasion de dire que le Gouvernement n’était pas favorable à cette disposition. Nous sommes en effet engagés dans la réforme du code minier qui devrait comporter des dispositions similaires, et même encore plus ambitieuses, en matière d’information préalable du public. Il nous semble donc dommage d’anticiper le débat sur cette réforme, dont les travaux seront présentés devant les commissions compétentes des deux assemblées.

M. Martial Saddier. C’est le principe de précaution !

Mme Delphine Batho, ministre. Le calendrier du projet de loi de réforme du code minier nous permettra, j’en suis certaine, de discuter de ce texte au premier semestre de l’année 2013. Il n’était donc pas nécessaire, aux yeux du Gouvernement, d’anticiper cette discussion. Néanmoins, je le redis, nous avons compris la volonté conjointe du Sénat et de l’Assemblée nationale.

Je vous proposerai, conformément à ce qui a été soumis au vote du Sénat le 5 décembre dernier, d’amender la rédaction issue de la commission mixte paritaire sur deux points, afin de rendre pleinement opérationnel le dispositif.

La première des mesures que je vous propose consiste à introduire, au troisième alinéa de l’article 1er, un renvoi à un décret qui précisera les conditions dans lesquelles les projets de textes et de décisions devront être mis à la disposition du public sur demande dans les préfectures et les sous-préfectures. Nous devons en effet veiller à ce qu’il y ait une harmonisation, et donc, un cadrage national de cette possibilité.

La seconde proposition est de même nature. À l’article 1er bis A, la rédaction issue du travail de la CMP étend l’expérimentation concernant la désignation d’un garant de la Commission nationale du débat public aux arrêtés préfectoraux et maintient la même date de début de l’expérimentation fixée au 1er janvier 2013. Je vous le dis sincèrement, ce dispositif n’est pas viable en l’état, car le 1er janvier 2013 est très proche : en quinze jours, le Gouvernement ne pourra pas élaborer un décret précisant les modalités de désignation et de rémunération de garants par la Commission nationale du débat public. Je vous propose donc de reporter cette date du 1er janvier au 1er avril 2013, qui reste une échéance proche.

Enfin, ce n’est pas sans hésitation que le Gouvernement a renoncé à un amendement demandant l’abrogation d’une formule insérée au septième alinéa de l’article 1er et consistant à prévoir qu’à l’issue de l’expérimentation, « les observations du public seront rendues accessibles par voie électronique au fur et à mesure de leur réception », ce qui revient, en fait, à généraliser l’utilisation de forums interactifs sitôt terminée l’expérimentation. En l’état, cette insertion introduit dans le projet de loi une contradiction. Néanmoins, le Gouvernement ne s’y est pas opposé. Le rendez-vous que nous nous sommes fixé pour faire honnêtement le point sur les résultats de cette expérimentation étant maintenu, nous aurons l’occasion d’y revenir.

En conclusion, je vous remercie, encore une fois, mesdames et messieurs les députés, de l’ensemble des améliorations et des enrichissements que vous avez apportés au projet de loi initial. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. le vice-président de la commission mixte paritaire.

M. Jean-Paul Chanteguet, vice-président de la commission mixte paritaire. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire, qui s’est réunie le 4 décembre dernier, a adopté un texte relatif à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement.

Les échanges entre députés et sénateurs ont montré que les différences portaient essentiellement sur deux points : d’une part, le caractère général de l’accessibilité par voie électronique des observations formulées par le public à l’occasion de projets de décision, c’est-à-dire la généralisation du forum électronique ; d’autre part, la nature et le contexte de l’expérimentation, prévue à l’article 1er bis A, d’un forum gérant les observations du public.

Les autres divergences étaient mineures et ont été rapidement réglées.

Je souhaiterais souligner que la commission mixte est arrivée à un compromis : d’abord parce que, sur le fond, tous les participants étaient d’accord sur le développement de l’information et de la participation du public ; ensuite, et bien plus encore, parce que les dispositifs prévus à l’issue des travaux du Sénat, puis de l’Assemblée nationale, n’étaient aucunement antagonistes, mais bien complémentaires.

En effet, le compromis élaboré repose sur un équilibre entre l’affirmation du principe de publicité des observations, auquel nos collègues sénateurs tenaient, et la période d’expérimentation, voulue par le Gouvernement, que l’Assemblée nationale avait acceptée en première lecture.

Le Gouvernement a déposé deux amendements au texte de la CMP, comme il l’avait fait au Sénat en première lecture. Appuyant les propos de notre rapporteure, Sabine Buis, je souhaite donner mon accord à ces deux demandes qui cherchent à résoudre à l’avance d’éventuelles difficultés d’application du texte.

À l’article 1er, en ce qui concerne l’intervention d’un décret pour organiser le dispositif de mise en consultation sur support papier des projets de décision, il paraît utile d’harmoniser les procédures afin que la demande d’information du public soit satisfaite de manière homogène dans les préfectures et les sous-préfectures.

M. Martial Saddier. Il faudra que le décret sorte !

M. Jean-Paul Chanteguet, vice-président de la commission mixte paritaire. À l’article 1er bis A, deux demandes ont été présentées par le Gouvernement. La première consiste à restreindre le champ de l’expérimentation en retirant la mention des « arrêtés préfectoraux » ; la seconde vise à retarder la date de début de l’expérimentation au 1er avril 2013.

Sur le second point, comme l’a rappelé Mme la ministre, la proximité de la date du 1er janvier 2013 pour le début de l’expérimentation me paraît peu compatible avec une bonne préparation de celle-ci. N’oublions pas qu’un décret doit déterminer les domaines retenus et préciser les modalités de désignation du garant. Reporter le début de l’expérimentation au 1er avril permettra donc de mieux préparer cette opération, qui aura ainsi lieu jusqu’au 30 septembre 2014.

Sur le premier point, j’exprimerai le regret que quelques projets d’arrêtés préfectoraux ne puissent pas être soumis à consultation, car cela aurait certainement enrichi cette phase expérimentale. Le Gouvernement aura en effet toute latitude pour le choix des projets de décision concernés.

Dans tous les cas, le nouveau rôle confié à la CNDP par l’alinéa 3 de l’article 1er bis A pendant cette période de dix-huit mois – et, à terme, pour tous les projets – doit nous conduire à nous interroger sur les moyens humains et financiers de cette institution dont nous louons l’efficacité et l’impartialité. Tous, nous pouvons mesurer la part grandissante que prend la CNDP dans l’organisation d’une meilleure information et d’une meilleure participation du public. Madame la ministre, il sera donc nécessaire de redistribuer quelques forces vives, afin de doter la CNDP des hommes et du budget dont elle a besoin au regard de l’application des grands principes du code de l’environnement.

Notre vote ne va pas clore nos discussions.

Premièrement, Mme la ministre s’est engagée à ce que le projet de loi de ratification de l’ordonnance prévue à l’article 7 soit inscrit à l’ordre du jour du Parlement, vraisemblablement à la fin de 2013. Nous aurons donc l’occasion de débattre des nouvelles dispositions et de leur conférer un caractère législatif plein et entier.

Deuxièmement, le dispositif adopté par la CMP prévoit une clause de revoyure à l’issue de la période d’expérimentation. Le rapport présenté par le Gouvernement six mois avant la fin de celle-ci, soit en avril 2014, procédera à l’évaluation des forums et de la rédaction des synthèses en vue de leur généralisation, de leur adaptation ou de leur abandon. En cas d’absence de rapport ou si rien n’est décidé, la clause prévue à l’alinéa 7 de l’article 1er s’appliquera et « toutes les observations déposées sur un projet de décision » deviendront « accessibles par voie électronique ». Je nous fixe donc rendez-vous au printemps 2014 pour réviser les dispositions législatives adoptées aujourd’hui.

Cette adaptation à venir du texte fera certainement partie de la réforme plus ambitieuse que, sur tous les bancs de l’Assemblée nationale et du Sénat, nous ressentons comme nécessaire. En effet, il faudra prendre des dispositions pour les décisions prises par les collectivités locales afin d’instituer un système conforme à l’ambition de la Charte de l’environnement et tenant compte de leurs particularités.

Pour toutes ces raisons, j’invite l’Assemblée à adopter le texte de la commission mixte paritaire.(Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Patrice Carvalho.

M. Patrice Carvalho. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, au moment où l’examen de ce projet de loi arrive à son terme, il convient, je crois, de se féliciter de ce texte et du compromis auquel nous sommes parvenus à l’issue de la CMP.

Premier élément de satisfaction : le projet de loi introduit un peu de démocratie directe dans un processus de décision. Il est utile de se rappeler qu’ici même, à l’Assemblée nationale, comme dans toutes les assemblées élues, nous n’agissons que par la délégation que nous ont accordée nos concitoyens : tel est le principe de la démocratie représentative. Mais il est sain et souhaitable qu’à chaque fois que cela est possible, les citoyens participent aux choix qui les concernent, donnent leur point de vue et amendent les projets de décision.

Deuxième élément de satisfaction : cette intervention directe des citoyens dans les décisions porte sur un champ ô combien important pour l’avenir de la planète et de l’humanité : l’environnement.

Troisième élément de satisfaction : le texte donne corps à l’article 7 de la Charte de l’environnement, qui crée les conditions de cette participation du public et comble le vide juridique qui nous a valu plusieurs décisions du Conseil constitutionnel censurant des dispositions non satisfaisantes du code de l’environnement.

Comme pour tout compromis, toutefois, quelques éléments nous laissent sur notre faim – mon collègue André Chassaigne s’en était fait l’écho dans la discussion générale en première lecture. Il s’agit de l’information et de la participation des élus locaux. Il est, en effet, paradoxal de prétendre permettre la consultation du public, alors que les élus eux-mêmes ne découvrent souvent qu’après coup que leur commune est impliquée dans un projet dont ils ne savent rien ou à peu près rien. C’est souvent par le biais d’une association qu’ils en apprennent l’existence. Un amendement sur ce point a été proposé, mais il a disparu ; c’est regrettable et en contradiction avec le principe même que ce projet de loi entend faire vivre. C’est en effet un minimum démocratique que les élus soient informés qu’une procédure concernant leur collectivité est lancée afin qu’ils puissent, d’une part, en informer leur population et, d’autre part, donner leur avis – on voit ce qu’il en est près de Nantes…

Par ailleurs, si les mesures adoptées relatives à la procédure de participation du public constituent des avancées, elles demeurent encore insuffisantes.

Certes, les délais de consultation ont été allongés et une synthèse des observations instituée. Mais la question de la prise en compte effective des remarques qui auront été formulées reste floue. On retrouve là les mêmes insuffisances que dans les procédures d’enquête publique, qui donnent le sentiment que les consultations engagées conservent un caractère formel.

Ces remarques étant faites, madame la ministre, les députés communistes et du parti de gauche considèrent que ce texte constitue une incontestable avancée dans le processus démocratique de décision. Au bénéfice de ces observations, nous voterons ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Florent Boudié.

M. Florent Boudié. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’enjeu de nos discussions, c’est avant tout la démocratisation de la sphère publique. Ce débat s’inscrit dans un long travail d’approfondissement, entamé voici plus de vingt ans. Qu’il me soit permis d’en rappeler les étapes les plus significatives, les plus emblématiques, avant que notre assemblée n’ajoute à son tour une nouvelle pierre à l’édifice.

Ce fut d’abord la loi d’orientation sur la ville, qui posa, en 1991, le principe d’une concertation préalable à toute opération de politique de la ville modifiant les conditions de vie des habitants d’un quartier.

Ce fut la loi sur l’administration territoriale de 1992 qui, elle aussi, reconnut le droit des habitants d’une commune à être informés et consultés.

Ce fut la loi Barnier du 2 février 1995, qui inventa le débat public à la française, sous l’égide d’une Commission nationale du débat public, pour tous les grands projets ayant une incidence sur l’environnement.

Ce fut la loi Voynet de 1999, qui introduisit les conseils de développement au sein des pays et des agglomérations.

Ce fut la loi SRU, qui instaura, en 2000, la concertation obligatoire pour l’élaboration des plans locaux d’urbanisme.

Ce fut enfin la loi Vaillant, qui rendit obligatoire en 2002 la création des conseils de quartier dans les villes de plus de 80 000 habitants et éleva la Commission nationale du débat public au rang d’autorité administrative indépendante.

Mais le pas le plus emblématique fut indéniablement franchi lors de l’adoption de la Charte de l’environnement, promulguée par Jacques Chirac le 1er mars 2005.

M. Martial Saddier. Merci de le rappeler !

M. Florent Boudié. Elle intègre dans notre bloc de constitutionnalité le droit de chacun de participer aux décisions ayant une incidence sur l’environnement.

Nous nous apprêtons donc à franchir, à notre tour, une nouvelle étape importante. Le juge constitutionnel nous y a invités et même contraints, par plusieurs de ses décisions. Mais, au-delà de l’exigence constitutionnelle justifiant la procédure accélérée, c’est une exigence démocratique qui nous a guidés. En généralisant les procédures de participation publique aux décisions touchant à l’environnement, notre assemblée accomplira un nouvel acte d’approfondissement de la démocratie participative. Nous le faisons sans nuire à la qualité des décisions, sans ajouter de la complexité à la complexité et sans faire courir aux autorités administratives des risques contentieux supplémentaires.

Nos échanges ont porté leurs fruits, dans un esprit de consensus. Je voudrais vous en remercier très sincèrement, madame la ministre, ainsi que les représentants des différents groupes composant notre assemblée. Nous avons abouti à un texte novateur. Je me contenterai d’en souligner ici quelques dispositions.

La création d’un garant, tout d’abord. Personnalité qualifiée désignée par la commission nationale du débat public, il devra veiller à l’impartialité des rapports de synthèse issus de la consultation du public. En adoptant cette disposition, nous mettons fin à une anomalie. En effet, l’autorité administrative est aujourd’hui à la fois organisatrice des débats publics, rédactrice des rapports de synthèse et décideur en dernier ressort, c’est-à-dire tour à tour juge et partie. La mise en place d’un garant est une avancée démocratique. Elle sera soumise à une phase d’expérimentation ; on peut le comprendre. En effet, le périmètre des décisions concernées est large et il s’agit, pour l’administration, de rien moins qu’une véritable révolution culturelle.

La seconde avancée concerne la motivation des décisions. Depuis 1979, l’obligation de motivation des actes administratifs est demeurée inchangée, c’est-à-dire limitée aux seuls actes individuels défavorables. Les nombreuses velléités de réforme ont toutes échoué, pour la raison simple que l’administration leur est généralement défavorable.

Étendre l’obligation de motivation des actes administratifs aux décisions ayant une incidence sur l’environnement, c’est être fidèle à la philosophie de l’article 7 de la Charte de l’environnement. Par définition, le principe constitutionnel de participation suppose en effet que le public puisse s’assurer qu’il a été tenu compte de ses observations – et je réponds, ici, aux observations de notre collègue Carvalho. Or, la motivation de l’acte administratif est le meilleur moyen de vérifier que l’administration les a prises en compte. Les occasions de recours contentieux seront-elles multipliées ? Non. Seule la décision sera susceptible de faire l’objet d’un recours tendant à son annulation. En outre, les recours en annulation demeurent toujours possibles, que l’acte soit ou non obligatoirement soumis à motivation. Là aussi, nous nous apprêtons donc à franchir un pas important.

Depuis maintenant une vingtaine d’années, le droit de l’environnement est précurseur en matière d’approfondissement des outils de démocratie participative. Le texte issu de la commission mixte paritaire en constitue une étape supplémentaire, dans le cadre d’un dispositif équilibré, novateur et non moins pragmatique, comme le montre l’objectif d’ouverture de forums participatifs en ligne, lui aussi soumis à une phase préalable d’expérimentation. La démocratisation de la sphère publique en sortira renforcée. Je ne doute pas, mes chers collègues, que votre vote traduira le consensus qui a su naître parmi nous au cours de nos travaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le vice-président de la commission mixte paritaire, madame la rapporteure, mes chers collègues, « l’écologie, le droit à un environnement protégé et préservé, doivent être considérés à l’égal des libertés publiques. […] Et je souhaite que cet engagement public et solennel soit inscrit par le Parlement dans une charte de l’environnement adossée à la Constitution et qui consacrerait les principes fondamentaux – cinq principes fondamentaux – afin qu’ils soient admis au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République et, à ce titre, bien entendu, s’imposant à toutes les juridictions, y compris le Conseil constitutionnel ». C’est dans ses termes forts que Jacques Chirac a souhaité introduire, dès 2001, la démocratie environnementale au cœur de notre Constitution. Dans son discours d’Orléans, il a également souligné que le principe de participation du public était l’un des principes primordiaux de la démocratie environnementale, aux côtés du principe de précaution, du principe de prévention, de la promotion du développement durable et du droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé.

Certes, le principe de participation du public avait déjà été posé, en 1992, par la déclaration de Rio, puis par la loi dite Barnier du 2 février 1995 relative à la protection de l’environnement et la convention d’Aarhus ratifiée le 8 juillet 2002. Mais c’est l’article 7 de la Charte constitutionnelle de l’environnement qui le consacre pleinement. Permettez-moi d’en rappeler les termes : « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d’accéder aux informations relatives à l’environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement ». Ambitieux texte ! C’est grâce à la persévérance et à la force de conviction du Président de la République de l’époque, Jacques Chirac, et – permettez-moi de le rappeler – de quelques parlementaires, que ce principe a aujourd’hui valeur constitutionnelle et que nous y sommes tous, quelle que soit notre couleur politique, particulièrement attachés.

Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui, tel qu’il est issu des conclusions de la commission mixte paritaire, se donne pour objectif de conférer toute sa portée au droit de participation du public énoncé dans la Charte. Il doit mettre en conformité avec l’article 7 de la Charte les dispositions du code de l’environnement. À quatre reprises, le Conseil constitutionnel a récemment déclaré que la mise en œuvre du principe de participation du public, dont les conditions et les limites ont été codifiées à l’article L.120-1 du code de l’environnement, n’était pas conforme à la Constitution. Ces décisions concernaient notamment la participation du public en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement – ICPE –, la mise en place par l’autorité administrative de zones de protection des aires d’alimentation, des captages d’eau potable, des zones d’eau potable et des zones d’érosion et, enfin, des décisions individuelles. Ces différentes censures, qui prendront effet, pour certaines d’entre elles, le 1er janvier, pour d’autres le 1er septembre 2013, ainsi que le risque d’une prochaine décision du Conseil constitutionnel censurant de nouveau cet article ont conduit le Gouvernement à invoquer l’urgence pour l’examen de ce texte.

À nouveau et comme cela est le cas depuis le début de cette nouvelle législature, le Gouvernement nous demande donc d’examiner un texte dans l’urgence. Nous ne vous cachons pas, madame la ministre, notre inquiétude quant à l’usage abusif de cette procédure, quel que soit le texte que nous avons à examiner. Nous ne sommes plus les seuls à nous en inquiéter, puisque le personnage le plus important de cette maison, M. le président de l’Assemblée nationale, a récemment demandé au Gouvernement que le recours à cette procédure devienne exceptionnel, ce qu’il n’aurait d’ailleurs jamais dû cesser d’être.

M. Jean-Paul Chanteguet, vice-président de la commission mixte paritaire. Sous la précédente législature également !

M. Martial Saddier. Malgré cette contrainte, les membres du groupe UMP tiennent à souligner la richesse et la qualité des débats que nous avons menés, en commission du développement durable et en séance publique, tard dans la nuit, ainsi que lors de la commission mixte paritaire. Nous saluons tout particulièrement l’ouverture d’esprit dont ont fait preuve Mme la rapporteure et M. le président de la commission tout au long de l’examen du texte à l’Assemblée nationale et en commission mixte paritaire. Il en va de même de l’ensemble des membres des différents groupes politiques, tant ce sujet est très largement consensuel. Nous vous remercions également, madame la ministre, de la richesse de nos échanges et des très larges consensus obtenus tout au long de nos débats, notamment lors de la longue séance de nuit.

Bien que nous nous félicitions des améliorations qui ont pu y être apportées, le texte que nous examinons aujourd’hui, issu des travaux de la commission mixte paritaire, reste à nos yeux toujours insuffisant et présente encore de multiples imperfections. Certes, il ne s’agit que d’un premier pas, comme l’a rappelé Mme la ministre. Ainsi, le texte ne répond toujours pas à de nombreuses interrogations suscitées par la mise en œuvre du principe de participation du public. C’est bien dommage, car nous souhaitons tous impliquer de manière plus concrète les citoyens dans l’élaboration des décisions publiques ayant un impact environnemental.

Nous comprenons parfaitement la nécessité d’invoquer l’urgence pour l’examen du projet de loi relatif à la mise en œuvre de la participation du public, afin d’éviter l’éventuelle censure de certaines dispositions du code de l’environnement. Néanmoins, ce projet de loi aurait pu être l’occasion de répondre à un enjeu fondamental : définir clairement un équilibre entre la protection de l’environnement et la sécurité juridique dont a dorénavant besoin tout pétitionnaire lorsqu’un projet a un impact sur l’environnement – je pense tout particulièrement aux industriels.

Ce projet de loi n’encadre pas, hélas ! de manière claire les différents temps qui composent la participation du public : le temps de l’information complète, sincère et solide ; le temps de la concertation directe mais aussi indirecte et du dialogue environnemental ; enfin, le temps de la décision, avec obligation pour l’autorité administrative de faire la preuve qu’elle a bien tenu compte des observations émises par le public – nous aurons certainement l’occasion d’y revenir. Au contraire, le projet de loi relatif à la mise en œuvre de la participation du public, tel qu’il nous est présenté aujourd’hui, introduit de nouvelles contraintes. L’abandon du critère relatif à l’incidence directe et significative risque d’ouvrir la voie à une multitude de recours. Il suffira, en effet, que la décision ait uniquement une incidence sur l’environnement pour qu’elle soit soumise au principe de participation du public. Le texte introduit également, au grand dam de la représentation nationale, le recours aux ordonnances pour les décisions individuelles.

Nous déplorons fermement la volonté de recourir à cette procédure, comme nous l’avions déjà souligné en première lecture. L’article 7 habilite en effet le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, des dispositions relatives à la participation du public pour les décisions autres que celles mentionnées à l’article 1er, notamment pour les décisions individuelles. Recourir aux ordonnances et court-circuiter le Parlement pour élaborer la participation du public, c’est un comble !

M. Jean-Paul Chanteguet, vice-président de la commission mixte paritaire. Il y aura un projet de loi de ratification !

M. Martial Saddier. Le projet de loi relatif à la participation du public présente également de nombreuses imperfections d’un point de vue purement juridique. Fait de renvois à d’autres dispositions, le texte est complexe et difficilement compréhensible. En outre, aucune disposition ne prévoit l’amélioration de la qualité de la contribution du public, qui va souvent de pair avec une limitation du nombre de consultations, parfois redondantes. Il aurait également été souhaitable que ce texte garantisse un certain degré d’harmonisation avec les procédures de participation du public mises en œuvre dans les autres États de l’Union européenne.

Enfin, le flou entourant la composition et les conditions de travail du futur conseil national de la transition écologique n’est pas dissipé. Je dis cela sans esprit polémique, madame la ministre. Cela suscite beaucoup d’interrogations, à la fois dans la société civile, parmi les associations et même au sein de la représentation nationale. Le principe même de ce conseil n’est pas en cause, mais il faut remédier le plus rapidement possible l’absence de lisibilité du dispositif.

Cette nouvelle instance, introduite dans l’article 8 du projet de loi, remplacera le Comité national de développement durable et du Grenelle de l’environnement, supprimé parallèlement par ce texte, ce que je peux comprendre. La composition du Conseil national de la transition écologique fera simplement l’objet d’un décret d’application au lieu d’être clairement prévue par la loi, ce qui nous laisse perplexes.

Toutefois, malgré les insuffisances et les imperfections que je viens de décrire, nous nous félicitons que le texte issu de la commission mixte paritaire ait repris la rédaction de l’article 1er bis tel qu’il avait été adopté au Sénat. Cette disposition est une réelle avancée, car elle prévoit, dans l’attente de la prochaine réforme du code minier, l’application du principe de la participation du public pour la délivrance d’éventuels permis de recherche pour l’exploitation des gaz de schiste utilisant une autre technique que la facturation hydraulique.

Elle nous évite ainsi de laisser un vide juridique, dans l’attente de la réforme du code minier, qui pourrait prendre beaucoup plus de temps que prévu.

De même, la réintroduction d’un support papier pour la consultation du public est une mesure de bon sens au moment où, comme l’a rappelé Mme la ministre, tout le monde ne possède pas forcément un ordinateur ou n’accède à internet. Au-delà du débat sur les nouvelles technologies, il s’agit là d’une véritable mesure d’aménagement du territoire, en faveur duquel notre commission, comme son titre l’indique, est tout particulièrement appelée à œuvrer.

Sur ces deux points précis, à savoir l’élargissement à tous les types de recherche, en particulier au sous-sol, qui est l’enjeu de fond, et l’utilisation du support papier lors des consultations, je rappelle que nous avons très largement soutenu la majorité. Je me suis même battu, jusqu’à tard dans la nuit, pour que cet amendement soit voté en séance ; il ne l’a pas été. Aussi suis-je très heureux que nous ayons pu vous aider à le faire adopter en commission mixte paritaire.

Dernière petite remarque : je peux comprendre, madame la ministre, qu’il soit nécessaire de faire inscrire plus précisément dans un décret la manière dont les supports papier seront mis à disposition dans les préfectures et les sous-préfectures, mais l’on sait l’enthousiasme débordant que cette mesure suscite du côté de l’administration centrale. Afin de rassurer l’ensemble de la représentation nationale, pourriez-vous veiller à ce que le décret sorte assez rapidement et à ce que la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire soit associée à son écriture ?

Pour toutes ces raisons, même si nous sommes conscients de la nécessité de tirer les conséquences des décisions successives du Conseil constitutionnel et que nous sommes à l’origine de l’inscription dans la Constitution du droit de l’environnement, le groupe UMP s’abstiendra. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Leboeuf.

M. Alain Leboeuf. Madame la ministre, madame la présidente, monsieur le vice-président de la commission mixte paritaire, madame la rapporteure, chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis tire les conséquences de plusieurs décisions que le Conseil constitutionnel a rendues en octobre 2011, en juillet dernier puis, récemment, à la fin du mois de novembre, à l’occasion de questions prioritaires de constitutionnalité. Ces décisions visent à combler une lacune de notre arsenal législatif concernant l’article 7 de la Charte de l’environnement, qui consacre le principe de participation du public aux décisions ayant des effets sur l’environnement.

Je tiens tout d’abord à saluer l’effort constant de notre pays, depuis dix ans, pour que notre législation tienne mieux compte de l’environnement et que le public puisse participer aux questions liées à sa préservation. C’est cette volonté qui a conduit la France à signer, puis à ratifier, le 8 juillet 2002, la convention d’Aarhus qui garantit l’accès à l’information et la participation du public au processus décisionnel ainsi que l’accès à la justice en matière d’environnement. C’est cette même volonté qui a encore conduit notre pays à inscrire en 2005, dans sa Constitution, la Charte de l’environnement et à consacrer la démocratie environnementale prévue dans son article 7, en permettant que soient ouverts de grands débats publics sur les projets ayant un impact environnemental.

Nous devons à la persévérance et à la force de conviction de Jacques Chirac l’inscription dans notre Constitution de la Charte de l’environnement. Si celle-ci a pu être débattue à l’époque, je constate qu’elle fait aujourd’hui l’objet d’un vaste consensus. Nous ne pouvons que nous réjouir, au sein du groupe Rassemblement-UMP, que le groupe socialiste et le groupe écologiste, qui n’avaient à l’époque pas voté la Charte de l’environnement et son principe de précaution, aient, depuis, pris la mesure de l’importance de ce texte et qu’ils s’engagent à le compléter.

C’est un gage de reconnaissance des travaux conduits sous les précédentes législatures par les gouvernements et la majorité de l’époque : travaux conduits par le gouvernement du Président Chirac, avec l’adoption de cette Charte en 2004, puis son inscription dans la Constitution en 2005, travaux conduits par le gouvernement du Président Sarkozy, sous la direction de François Fillon, avec l’adoption du Grenelle de l’environnement, qui a marqué un véritable tournant dans la politique en matière de défense environnementale.

Pour autant, si l’on ne peut que se réjouir de cette reconnaissance et de la volonté de poursuivre dans cette voie, je regrette les lacunes du texte qui nous est présenté aujourd’hui.

Je regrette tout d’abord qu’il prévoie de recourir à une ordonnance sur des questions aussi importantes que celle du régime des décisions individuelles. Nous déplorons fermement, comme Martial Saddier, la volonté du Gouvernement d’user de cette procédure telle qu’elle est prévue à l’article 7 du projet de loi, lequel habilite le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance des dispositions relatives à la participation du public pour les décisions autres que celles incluses dans le champ de l’article L.120-1 du code de l’environnement, c’est-à-dire, notamment, les décisions individuelles. Il me paraît pour le moins contradictoire que la représentation nationale soit ainsi dessaisie de ses compétences dans un texte qui prévoit de renforcer les procédures de contrôle à travers la participation du public aux décisions en matière d’environnement.

Par ailleurs, je souhaite émettre d’autres réserves sur le contenu du texte.

Nous sommes en effet en droit de nous interroger sur sa conformité avec la décision rendue le 23 novembre dernier par le Conseil constitutionnel, qui a statué sur une nouvelle question prioritaire de constitutionnalité relative à l’article L.120-1 du code de l’environnement. À cette occasion, le Conseil constitutionnel a bien précisé que n’étaient concernées par le principe de participation que les décisions ayant une incidence directe et significative sur l’environnement. Or, le présent texte fait simplement référence aux décisions ayant une incidence sur l’environnement. En maintenant cette formulation, différente de celle utilisée par le Conseil constitutionnel et qui donne un périmètre beaucoup plus large au champ des décisions qui seront concernées par le principe de participation du public, nous pouvons nous interroger sur la sécurité juridique du dispositif que ce texte propose.

M. Martial Saddier. On aura le plaisir d’y revenir !

M. Alain Leboeuf. Ce projet de loi aurait dû être l’occasion de poser les débats en ces termes et de définir précisément l’équilibre qu’il est nécessaire d’atteindre entre protection de l’environnement et sécurité juridique, laquelle est indispensable pour les industriels aussi bien que pour les défenseurs de l’environnement. Il est de surcroît essentiel de veiller à ce que l’ensemble de ces normes, qui sont liées à l’application du principe de précaution, ne constituent pas un frein à l’innovation.

De même, la question de l’harmonisation des dispositions prévues par ce texte avec les procédures en vigueur dans les autres États membres de l’Union européenne demeure ouverte. Il est en effet difficile d’accepter que la France se soumette à des règles d’un niveau d’exigence sans commune mesure avec celles appliquées dans les États membres sans appeler à harmoniser ces normes à l’échelle communautaire.

Dans le contexte difficile que connaît notre économie, l’ensemble de ces considérations aurait dû être pris en compte et intégré dans une vision globale qui consacre la participation du public en matière d’environnement tout en garantissant les conditions du développement économique.

Pour toutes ces raisons, et malgré la nécessité de prendre en compte les décisions du Conseil constitutionnel, le groupe Rassemblement-UMP s’abstiendra.

Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, monsieur le vice-président de la commission mixte paritaire, mes chers collègues, quelques jours après la conférence de Doha sur le climat, théâtre mondial de l’incapacité des grandes puissances à s’entendre sur des objectifs de réduction d’émission de gaz à effet de serre pourtant essentiels à la survie de l’humanité, il est plus que nécessaire que la révolution écologique vienne d’en bas, de la société civile. Pour ce faire, les citoyens doivent être informés. Ils doivent connaître les décisions qui sont prises dans le domaine de l’environnement, car rien ne les concerne plus que l’avenir de leurs enfants. Surtout, ils doivent être associés aux décisions qui sont prises. C’est une chance pour nous, législateurs, décideurs, mais c’est aussi une responsabilité importante compte tenu de l’exigence légitime de nos compatriotes.

Cette exigence est aujourd’hui un droit sur lequel personne ne pourra jamais revenir : notre pays fait face à un défi démocratique qu’il n’a sans doute jamais connu dans le cadre de nos sociétés profondément et définitivement transformées par l’avènement d’internet, formidable vecteur d’information, par la formation de l’ensemble de nos concitoyens et leurs réactions à tous les cataclysmes, notamment sanitaires.

Ce phénomène dont nous commençons tout juste à saisir l’ampleur à une conséquence : jamais nos concitoyens n’ont été aussi inquiets et n’ont remis autant de décisions en cause, en particulier celles touchant à la santé et à l’environnement. Nous, responsables politiques, sommes donc tenus de décider et de gouverner autrement : c’est un grand défi démocratique pour les pays occidentaux en général et pour le nôtre en particulier, dont la tradition jacobine a conduit à une extrême centralisation.

Tenant compte de cette nouvelle réalité, le législateur doit désormais être à l’écoute des attentes de nos concitoyens : plus aucun passage en force, plus aucune décision prise en catimini ne saurait espérer s’exonérer des foudres citoyennes.

C’est dans cet esprit que l’ancienne majorité a introduit la Charte de l’environnement dans le bloc de constitutionnalité. C’est une première avancée fondamentale. Cette charte reprend le principe n° 10 de la déclaration de Rio de 1992 puis ceux de la convention d’Aarhus : participation de tous à la prise de décision en matière environnementale, droit à l’information, à la protection et à la défense juridique. Il est désormais possible de saisir le Conseil constitutionnel sur la conformité des projets et propositions de loi aux dispositions de la Charte.

Combiné avec l’émergence de la question prioritaire de constitutionnalité, également mise en place par la précédente majorité, le citoyen est dorénavant placé à égalité avec le législateur.

Ces dispositions ont d’ailleurs permis aux grandes organisations environnementales de contester l’article 244 de la loi « Grenelle 2 », dont le régime des consultations n’était pas parfait.

Le projet de loi relatif à la mise en œuvre du principe de participation du public défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement, qui termine aujourd’hui son parcours législatif, précipité par l’engagement de la procédure accélérée, tire les conséquences de quatre décisions du Conseil constitutionnel. La participation du public pose problème en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement – ICPE –, mais aussi pour ce qui est de la mise en place par les autorités administratives de zones de protection des aires d’alimentation des captages d’eau potable et des zones d’érosion, ainsi que dans le cas des décisions individuelles.

Ces différentes censures prendront effet, pour certaines, au 1er janvier 2013, pour d’autres au 1er septembre 2013. Telles sont les considérations qui ont conduit le Gouvernement à engager la procédure accélérée sur ce projet de loi. Pour une fois, nous ne contestons donc pas la procédure d’urgence que votre gouvernement utilise trop souvent dans beaucoup d’autres domaines qui ne le justifient pas.

Aujourd’hui, nous travaillons à élargir le champ d’application de l’article 7 de la charte de l’environnement, en étendant les possibilités de consultation aux décisions réglementaires. Ce texte ne sera évidemment pas la grande loi sur la gouvernance environnementale que nous attendons, cette loi d’envergure que nous espérons voir inscrite très prochainement à l’ordre du jour de nos travaux.

Dorénavant, nous devons nous attacher à mettre en place une expertise généralisée, ouverte et pluridisciplinaire : la question des organismes d’expertise dans notre pays, notamment, doit être traitée. Le problème de l’open data et de la transparence de l’information, particulièrement crucial dans le domaine de l’environnement, doit être résolu à travers la question suivante : quelle information devrions-nous systématiquement rendre publique ?

La question du recours systématique à des études d’impact réalisées par des organismes indépendants est également posée. Les débats publics doivent être généralisés, à la lumière des expériences menées et des pratiques adoptées depuis longtemps dans les pays d’Europe du nord et les pays anglo-saxons. Il est également nécessaire de reconnaître le rôle des lanceurs d’alerte. Enfin, un financement pérenne doit être consenti aux grandes organisations environnementales. J’espère que de beaux débats auront lieu à l’avenir sur ces sujets ; vous pouvez être assurée, madame la ministre, que le groupe UDI y prendra toute sa part.

Bien que parcellaire, ce projet de loi est important et comporte des avancées intéressantes, c’est pourquoi nous le soutiendrons. Nous sommes satisfaits que les débats au Parlement aient permis d’enrichir le texte initial. Je pense notamment au délai de transmission des observations, passé de quinze jours à trois semaines, ainsi qu’aux synthèses des consultations du public, qui doivent à présent comporter les observations dont il a été tenu compte pour les établir – de cette manière, les consultations seront beaucoup plus claires. Je me félicite de l’adoption de mon amendement qui visait à ce que le Gouvernement informe le public par voie électronique, au moins trois mois à l’avance, de l’organisation des consultations. C’est un grand progrès : ainsi, le public, notamment les parties prenantes, pourra préparer à l’avance, donc plus efficacement, leur participation.

Autre avancée : l’article 1er bis A introduit par le Gouvernement, qui vise à expérimenter, au fur et à mesure de leur réception, les observations du public formulées par voie électronique. Je me félicite également que la commission mixte paritaire ait étendu cette expérimentation aux projets d’arrêtés préfectoraux, même si cela va être un peu compliqué à mettre en œuvre. Enfin, le groupe UDI approuve la réintroduction de l’article 1er bis, introduit au Sénat avant d’être supprimé par le Gouvernement à l’Assemblée nationale, et qui prévoit de soumettre les permis exclusifs de recherche de gaz de schiste à la procédure de participation du public, dans l’attente de la refonte du code minier.

Ce texte présente néanmoins certaines imperfections. Je suis notamment très frustré de constater que les projets et les propositions de loi relevant du domaine de l’environnement ne sont pas soumis à consultation par le biais du Conseil national de la transition écologique, comme je l’avais proposé. Comment allons-nous faire comprendre à nos concitoyens que nous pouvons ouvrir la participation et le dialogue sur des textes réglementaires émanant de notre administration ou des textes des collectivités, alors que nous privons les projets, voire les propositions de loi, de la participation du public ? Je ne pense pas, contrairement à ce que j’ai entendu au moment de la défense de mon amendement, qu’il s’agisse là d’un dessaisissement de nos prérogatives de législateur, bien au contraire : une consultation de ce type pourrait offrir une légitimité supplémentaire à nos travaux et renforcer ainsi le poids du Parlement.

Enfin, nous resterons particulièrement vigilants quant à la rédaction de l’ordonnance prévue à l’article 7 de ce projet de loi, même si nous avons bien noté votre volonté d’y associer le Parlement. Comme il l’a fait en première lecture, le groupe UDI soutiendra évidemment ce texte, qui renforce la participation des citoyens aux décisions qui impactent directement l’environnement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Jacques Krabal. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Abeille.

Mme Laurence Abeille. Madame la ministre, madame la rapporteure, monsieur le vice-président de la commission mixte paritaire, mes chers collègues, le groupe écologiste a soutenu, le 21 novembre dernier, le texte qui met en œuvre le principe de participation du public, tel que défini à l’article 7 de la Charte de l’environnement, et nous voterons en faveur du texte issu de la commission mixte paritaire, qui est un prélude à la démocratie écologique que nous souhaitons mettre en place.

La participation du public, mais également des associations et des ONG, est indispensable pour réussir la transition écologique de la société. À cet égard, nous estimons, quelques jours après la fin du sommet de Doha sur le climat, qu’une association plus forte de la société civile aux négociations aurait certainement permis d’aboutir à des objectifs plus ambitieux ou, à tout le moins, de mieux faire partager l’information pour une plus grande mobilisation en faveur de la protection de la planète.

La transition écologique nous mène vers un nouveau modèle de développement, que doivent intégrer et s’approprier les citoyens. Sur ce projet de loi, les écologistes saluent les améliorations intervenues au cours de l’examen du texte au Sénat puis à l’Assemblée nationale. C’est le cas pour l’expérimentation visant à rendre accessibles, au fur et à mesure de leur réception, les observations du public formulées par voie électronique. Cette expérimentation renforcera le caractère contradictoire de la procédure de participation du public, puisque les uns pourront facilement répliquer aux arguments des autres. Les écologistes, qui tiennent particulièrement à ce caractère contradictoire, avaient d’ailleurs déposé des amendements sur ce point. La participation, c’est en effet plus qu’une simple discussion : c’est un échange, un débat, notamment entre les citoyens. Nous espérons que l’expérimentation aboutira à une généralisation de cette forme procédurale pour toutes les décisions, notamment pour les arrêtés préfectoraux. À mon sens, ne pas inclure cette avancée dans la procédure serait vraiment dommage et contraire à l’esprit de la loi.

L’expérimentation dont fera l’objet le garant est, elle aussi, une amélioration. La Commission nationale du débat public désignera une personnalité qualifiée qui sera garante de la rédaction de cette synthèse. Le groupe écologiste avait proposé un amendement visant à inscrire définitivement dans la loi la nécessité d’un garant, et nous espérons que l’expérimentation menée conduira également à une pérennisation de cette mission confiée à la CNDP. La mise à disposition sur support papier en préfecture et sous-préfecture du dossier de participation du public est également une avancée notable pour lutter contre la fracture numérique, une avancée qui rend effective la participation.

Si la nécessité d’un garant et le caractère contradictoire de la procédure sont des éléments essentiels, d’autres questions ont été soulevées lors du débat et n’ont pu être tranchées. C’est notamment le cas du moment où doit être menée la procédure de participation. Je le répète, il convient que cette procédure soit menée le plus en amont possible, avant toute décision ou annonce de décision, avant qu’il ne soit plus possible matériellement de faire machine arrière. Les citoyens ne doivent pas être là pour entériner une décision qui serait déjà prise. Nous devons toujours avoir à l’esprit que cette procédure de participation peut aboutir à une remise en cause du projet initialement prévu.

Un autre point me semble avoir été insuffisamment intégré à ce texte, celui de la prise en compte par l’administration de l’ensemble des observations formulées par le public. Le texte actuel prévoit que la synthèse des observations indique celles dont il a été tenu compte. Il semble opportun que l’administration justifie également sur quels fondements elle a rejeté certaines observations. Si les remarques des citoyens n’ont pas été prises en compte, elles doivent au moins recevoir une réponse : cela s’apparente à une décision de refus, qui doit être motivée.

Autre point important de ce projet de loi : celui de la création du Conseil national de la transition écologique. L’extension de ses compétences à l’énergie va dans le bon sens, mais il s’agit de la seule avancée notable obtenue lors de l’examen de ce texte. Les écologistes auraient espéré que ce conseil soit saisi sur l’ensemble des projets de loi ayant un impact même indirect sur l’environnement. Lors de la discussion sur ce point, le Gouvernement nous a dit que trop vouloir étendre les compétences de ce conseil pourrait avoir pour conséquence de le voir saisi sur un projet de loi de finances, par exemple. Mais, justement, il ne nous paraît pas choquant qu’un avis relatif au caractère écologique soit rendu sur un projet de budget ! En effet, la transition écologique est un processus global, qui concerne l’ensemble des décisions publiques. Alors oui, le conseil pourrait donner un avis écologique sur davantage de textes de loi, et pas uniquement sur des textes ayant trait à l’environnement ou à l’énergie.

Je souhaite revenir sur deux points qui ont fait débat lors de l’examen de ce texte. Le premier concerne la délivrance de permis exclusifs de recherche d’hydrocarbures de schiste, qui sera soumis à la procédure de participation du public. Cette mesure adoptée par le Sénat a été supprimée par l’Assemblée – malgré un amendement du groupe écologiste visant à la rétablir –, mais a ensuite été rétablie par la commission mixte paritaire. L’opposition des écologistes à l’exploitation des hydrocarbures de schiste est bien connue et, dans l’attente de la réforme du code minier, nous préférons que l’octroi d’un permis – s’il devait y en avoir un – soit soumis à cette procédure de participation. Nous espérons que le futur code minier soit encore plus strict dans la délivrance de ces permis, mais, pour le moment, force est de constater que nous nous trouvons face un vide juridique que nous préférons combler.

Le deuxième point ayant fait débat concerne le nucléaire. Nous avons proposé plusieurs amendements pour renforcer la transparence en matière de transport de matières radioactives et lors de la prolongation de la durée de vie des centrales nucléaires. Les réponses apportées par le Gouvernement ne nous ont pas convaincus. Nous examinons un texte sur la participation du public, mais, dans le domaine du nucléaire, l’opacité et l’arbitraire règnent toujours. Pourquoi une telle exception ? L’Autorité de sûreté nucléaire peut décider de la prolongation de la durée de fonctionnement d’une centrale. Alors qu’il s’agit clairement d’une décision ayant un impact sur l’environnement, aucune procédure de participation du public n’est prévue. Pour installer une éolienne, il est nécessaire de se soumettre à une procédure dite d’« installation classée », avec commissaire enquêteur et débat public, mais pour prolonger de dix ans la durée de fonctionnement d’une centrale nucléaire, la consultation du public n’est pas prévue et paraît même inconcevable ! Il y a là une contradiction que nous espérons voir résolue prochainement.

De même, un convoi de matière nucléaire peut circuler en France, dans des gares fréquentées par le public, aux heures de pointe, sans que la population ni même les élus n’en soient informés. L’article 7 de la Charte de l’environnement prévoit pourtant, outre la participation du public, l’accès aux informations relatives à l’environnement. Encore une fois, dans le domaine du nucléaire, la transparence et l’information ne sont pas mises en œuvre.

Les écologistes saluent le travail effectué pour enrichir ce texte, même si nous pouvons regretter un manque d’ambition sur certains points. La procédure de participation inscrite dans ce texte est une procédure équilibrée et nous espérons que les expérimentations qui vont être menées seront concluantes. Nous serons attentifs aux retours qui pourront, entre autres, être présentés à la commission du développement durable. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Krabal.

M. Jacques Krabal. Madame la ministre, monsieur le vice-président de la commission mixte paritaire, madame la rapporteure, mes chers collègues, l’adoption de ce projet de loi par le Sénat la semaine dernière et, je l’espère, par l’Assemblée nationale ce matin, constitue une amélioration substantielle de notre démocratie. Car, plus qu’une meilleure prise en compte de l’environnement dans les décisions publiques qui peuvent l’affecter, ce texte introduit un principe fondamental : la participation des citoyens à la prise de décisions qui touchent directement à leur existence et à leur cadre de vie.

Le texte issu de la commission mixte paritaire est respectueux des dispositions adoptées par l’Assemblée nationale en première lecture, enrichies de nouvelles avancées sur les procédures électroniques qui, comme l’ont rappelé Mme la ministre et Mme la rapporteure, prennent en compte la fracture numérique et prévoient des délais rallongés de quinze jours à trois semaines, ce qui est capital.

Par conséquent, les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, au nom duquel je m’exprime, y sont tout à fait favorables. Je me félicite du consensus qui s’est dégagé des différentes interventions et, si ce texte ne sera pas voté de façon unanime, il est tout de même bon de voir que nous savons parfois mettre de côté les attitudes partisanes et stériles. Vous pouvez, madame la ministre, être très satisfaite de voir ce texte porté de la sorte.

Huit ans après son adoption, la Charte de l’environnement, à laquelle la France a conféré en 2005 une valeur constitutionnelle, est dotée des moyens de son effectivité. Dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, le Conseil constitutionnel a considéré que l’article L.120-1 du code de l’environnement était contraire à la Constitution. Il est désolant que nos concitoyens n’aient pu bénéficier pleinement de leurs droits de valeur constitutionnelle pendant toutes ces années. Il aura fallu sept ans, un changement de majorité et la menace d’une censure par le Conseil constitutionnel pour modifier un texte aux défauts flagrants. C’est la preuve que les principes sous-jacents d’information et d’implication de nos concitoyens dans les décisions publiques sont encore trop souvent déconsidérés. Cela n’est pas à la hauteur des ambitions démocratiques de notre République.

Dès lors, ce texte constitue une première étape, dont on peut se réjouir, vers l’horizontalité des décisions entre l’administration et les citoyens. Le flou qui entoure ces décisions devrait être en partie dissipé et l’on peut espérer que celles-ci seront moins souvent assimilées à des choix technocratiques arbitraires.

Mais il ne faudrait pas que ce projet de loi soit la seule initiative de ce type au cours des prochaines années. En effet, ce texte, comme je l’ai indiqué depuis le début de son examen, comporte un défaut majeur : il n’apporte pas de réponses suffisamment concrètes aux interrogations tout à fait légitimes de nos concitoyens et des élus locaux. Au-delà des grands principes, nos concitoyens veulent savoir comment, en pratique, leur avis sera pris en compte. Ils veulent connaître l’incidence et la portée de leur participation. Ils veulent aussi comprendre, et la compréhension constitue bien souvent une grande part du chemin vers l’acceptation. Il faut donc mettre des informations claires à la disposition de nos concitoyens. Il faut leur permettre de bénéficier du soutien d’experts indépendants et pluridisciplinaires afin qu’ils puissent effectuer leurs propres évaluations.

Tant que le législateur ne répondra pas à ces questions, nous prenons le risque de ne pouvoir dissoudre certaines peurs, peurs qu’il est nécessaire de combattre non par la force mais bien par le dialogue et l’échange d’informations. Si nous continuons d’ignorer les interrogations de nos concitoyens, ils risquent de se détourner de ce qui fait la fierté de notre civilisation : le progrès technique. Celui-ci est source de craintes alors que l’on sait, depuis Condorcet, natif de l’Aisne, qu’il a souvent été une condition nécessaire au progrès de l’humanité. Pourquoi de telles craintes ? L’expérience nous a montré que le progrès technique, utilisé à mauvais escient, pouvait se retourner contre ses architectes. Nous ne pouvons plus accepter le déploiement de technologies qui viendraient à l’encontre du bien-être des personnes. Mais nous ne saurions accepter non plus que la société française puisse tendre à refuser tout progrès technique, toute nouveauté technologique. Ce serait la conduire au déclin.

Les protestations contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ou la ligne à grande vitesse entre Lyon et Turin sont bien la preuve, s’il en était besoin, de la nécessité d’une meilleure participation du public. Alors que le développement d’infrastructures de transport a été pendant longtemps une source de cohésion et de fierté nationales, nous ne pouvons croire que les protestations actuelles portent sur les choix technologiques plutôt que sur l’absence d’une prise en compte approfondie de l’avis des personnes concernées.

La participation du public et le respect des élus locaux, trop souvent bafoués et piétinés lors de l’élaboration de décisions aussi cruciales que la création de nouveaux couloirs aériens, la gestion des antennes de téléphonie mobile, la culture d’OGM ou encore l’exploitation du gaz de schiste, sont indispensables.

Nous n’ignorons pas les difficultés auxquelles une telle démarche fait face. Mais on ne peut constamment reporter la mise en œuvre concrète de ce principe de participation. Les parlementaires ont réalisé un travail remarquable en précisant les modalités de ce principe et je tiens à les en féliciter. Je salue également les apports du Gouvernement en cours d’examen. Une fois la loi adoptée, madame la ministre, il serait souhaitable de procéder rapidement à sa promulgation et de prendre sans tarder par ordonnance les dispositions qui s’imposent.

Il faudra encore étendre le champ d’application du principe de participation. On le sait, les modalités traditionnelles de l’expression démocratique ne suffisent plus à assurer une participation satisfaisante des citoyens. Les remises en cause de la politique – et du politique – sont multiples et complexes. Elles découlent, pour partie, de l’inadaptation des modalités d’expression aux évolutions de notre temps et de l’insuffisante prise en compte de l’avis des citoyens.

Les consultations locales enregistrent des taux de participation élevés. Le succès des primaires citoyennes dans le cadre de l’élection présidentielle a montré une forte demande de consultations élargies et novatrices. Il y a quelque temps, dans l’arrondissement de Château-Thierry, qui fait partie de ma circonscription, une votation citoyenne a rassemblé plus de 15 000 personnes, et il y avait des files d’attente devant les bureaux de vote !

Il est grand temps de revoir tous les outils disponibles dans le domaine de la consultation des publics, de simplifier les procédures et les accès, tout en rappelant les règles du jeu et les responsabilités de chacun, institutions comme citoyens.

Le respect des opinions de nos concitoyens passe aussi par le respect de leurs représentants, notamment des parlementaires. Je ne veux pas faire de polémique, madame la ministre, mais je le dis avec force : il est inadmissible que dans un débat aussi crucial que celui de la transition énergétique, une frange du Parlement soit ignorée. Les députés du groupe RRDP tiennent à réaffirmer qu’il est anormal que leur sensibilité politique ne soit pas représentée au sein du Conseil national de la transition écologique.

Par ce projet de loi, le Gouvernement et le Parlement auront affirmé leur volonté de mieux prendre en considération la participation de tous aux décisions publiques. Mais cette participation doit intervenir en complément du strict respect de la représentation nationale.

N’oublions pas, comme l’écrivait Jean de la Fontaine dans la fable « Le Chat et le Renard », que « Le trop d’expédients peut gâter une affaire : On perd du temps au choix, on tente, on veut tout faire. N’en ayons qu’un, mais qu’il soit bon. » Ensemble, faisons le bon choix, celui d’une gouvernance respectueuse des élus et des citoyens, afin de raviver notre démocratie et notre République. Cela est bien nécessaire !

M. Jean-Paul Chanteguet, vice-président de la commission mixte paritaire. Bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Bardy.

M. Serge Bardy. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le vice-président de la commission mixte paritaire, madame la rapporteure, chers collègues, suite à l’accord obtenu en commission mixte paritaire le 5 décembre et à l’adoption à l’unanimité de ce texte au Sénat le même jour, nous entamons la dernière phase de l’examen du projet de loi relatif à la mise en œuvre de la participation du public.

Ce texte concerne l’article 7 de la Charte de l’environnement, adoptée en 2005, qui consacre le droit de chacun à participer à l’élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l’environnement et lui confère une valeur constitutionnelle. Les dix articles du présent texte lui donnent toute sa portée. Je salue l’esprit constructif qui a présidé jusqu’ici au déroulement du débat et je suis certain que nous parviendrons à un accord par le haut.

La révision de la Charte précise le cadre et les moyens qui permettront aux citoyens de s’impliquer de façon concrète et utile dans toute décision publique ayant une incidence sur l’environnement. Cette révision fait suite à la décision du Conseil constitutionnel, saisi dans le cadre de questions prioritaires de constitutionnalité, d’abroger à compter du 1er janvier 2013 et du 1er septembre 2013 un certain nombre d’articles du code de l’environnement déclarés non conformes à la Charte. Pour combler un vide juridique probable, la révision de l’article 7 était devenue une nécessité impérieuse.

La Charte reconnaît donc deux principes, fondamentaux pour le bon fonctionnement de notre démocratie : le droit d’accéder à l’information et le droit de participer à la décision publique. Elle donne ainsi un gage démocratique aux décisions qui seront prises en matière d’environnement.

Afin de donner à ces deux principes une valeur effective, ce projet de loi définit de façon précise les conditions dans lesquelles ce droit s’exercera. La mise en place d’un dispositif simple et lisible pour tous les citoyens constitue la colonne vertébrale du texte.

La règle est simple : les citoyens ont un droit d’accès à l’information concernant tout projet ayant une incidence sur l’environnement. Ils peuvent très facilement l’exercer, sur place, dans les préfectures ou les sous-préfectures, et par voie électronique. Ils peuvent, s’ils le souhaitent, émettre des observations dans des délais et selon des modalités précisés dans le texte ; la synthèse des observations doit être rendue publique avant la prise de décision. La cohérence, la transparence et la facilité d’exercice de ce dispositif sont incontestables. En outre, la révision de l’article 7 vient renforcer les dispositions précédemment contenues dans la Charte et élargit le champ d’application de celle-ci.

Face à la complexité des procédures et à l’insuffisance d’information, couramment décriées par nos concitoyens, cette révision offrira sans aucun doute des solutions efficaces pour que la démocratie participative, à laquelle nous sommes tous ici profondément attachés, s’exerce pleinement.

Cette révision, qui met en conformité certaines mesures contenues dans le code de l’environnement, est le signe de l’engagement du Gouvernement et du Parlement dans les dossiers liés à l’environnement, de leur volonté de développer la démocratie participative et de faire participer les citoyens aux affaires publiques. En effet, la transition écologique et environnementale ne pourra se faire qu’en tirant les citoyens du banc de touche pour les replacer sur le terrain de la décision publique, domaine dont ils se sentent parfois tenus à l’écart.

Je me réjouis également de voir inscrite dans ce texte la possibilité pour les citoyens d’exercer leur droit d’information et de participation par voie électronique ou par support papier. Cette modalité n’allait pas de soi ; elle a fait l’objet d’un amendement que nous avons eu l’intelligence collective d’adopter. Cela participe indubitablement de l’objectif d’inclusion de tous – notamment des personnes victimes de la fracture numérique ou sociale, trop souvent oubliées – dans la décision publique.

Enfin, je me félicite de la mise en place d’un garant du débat public, personnalité qualifiée désignée par la Commission nationale du débat public, la CNDP, preuve vivante de notre engagement de donner à ces principes une réalité. Membre titulaire de la CNDP, je mesure pleinement l’avancée que représente cette disposition et j’aurai à cœur de suivre le travail des personnes mandatées pour remplir cette mission d’expression de la démocratie participative et territoriale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Delphine Batho, ministre. Je voulais remercier les députés qui se sont exprimés dans la discussion générale.

Patrice Carvalho a apporté son soutien aux dispositions du texte. Toutes les propositions n’ont pas été retenues, mais, comme l’ont souligné l’ensemble des intervenants, les travaux parlementaires ont permis un réel enrichissement.

Florent Boudié a bien voulu retracer, étape par étape, l’histoire de la participation directe des citoyens aux politiques publiques.

Martial Saddier l’a lui-même souligné, la procédure d’urgence était pleinement justifiée s’agissant de ce texte. La composition du Conseil national de la transition écologique sera améliorée par rapport à celle du Comité national du développement durable et du Grenelle de l’environnement, mais l’équilibre entre les différents collèges sera similaire. Cette composition sera précisée par décret, car elle ne relève pas de la loi. Je vous rappelle en effet que nous avons connu quelques mésaventures en la matière avec le Comité national Trames verte et bleue et qu’il nous a fallu délégiférer. Toutefois, nous pourrons consulter la commission du développement durable sur le projet de composition.

Quant au décret, sur lequel je reviendrai lorsque je présenterai l’un des amendements du Gouvernement, nous avons déjà un avant-projet, et nous devrions donc pouvoir aller vite.

Alain Lebœuf a évoqué le fait que le Conseil constitutionnel fait référence à une « incidence directe et significative ». Toutefois, le texte ne pose aucun problème constitutionnel, car il reprend les termes de la Charte de l’environnement.

En réponse aux préoccupations de Bernard Pancher, je tenais à souligner que ce projet de loi, s’il représente une avancée réelle et substantielle, n’épuise pas l’ensemble des enjeux liés à l’instauration d’une démocratie écologique encore plus puissante.

Comme Laurence Abeille, je salue les améliorations apportées au texte. En ce qui concerne les prérogatives du Conseil national de la transition écologique, elles représentent une véritable avancée, puisque le Conseil sera notamment obligatoirement consulté sur un certain nombre de projets de loi. Sur le nucléaire, je participais hier à la réunion de l’Association nationale des commissions locales d’information et je rappelle à ce propos que la transparence est l’un des fondements de la sûreté nucléaire. Je pars cet après-midi au Japon, pour assister à la Conférence ministérielle internationale sur la sûreté nucléaire, au cours de laquelle j’aurai l’occasion, au nom de la France, de dire à quel point nous sommes attachés à l’élévation continue des standards internationaux en matière de sûreté nucléaire, notamment au fait que la revue par les pairs, c’est-à-dire les différentes autorités de sûreté nucléaire, devienne réellement une obligation.

À Jacques Krabal, je précise que la promulgation interviendra rapidement : la date du 1er janvier 2013 sera respectée. Je voulais également dissiper le malentendu concernant la participation des parlementaires au débat national sur la transition énergétique, mais j’en discuterai directement avec lui.

Je remercie enfin Serge Bardy pour son intervention, notamment pour ce qu’il a dit concernant l’articulation avec la Commission nationale du débat public. Comme le disait le président Chanteguet, cela nécessitera que nous examinions les capacités et les moyens dont dispose la commission pour faire face à la nouvelle charge que nous lui confions. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Texte de la commission mixte paritaire

Mme la présidente. Nous en venons au texte de la commission mixte paritaire.

Conformément à l’article 113, alinéa 3, du règlement, je vais d’abord appeler l’Assemblée à statuer sur les amendements dont je suis saisie.

La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, pour soutenir l’amendement n° 1.

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Par cet amendement, le Gouvernement préconise que les modalités concrètes de mise en œuvre du dispositif de consultation sur support papier dans les préfectures et les sous-préfectures soient prévues par décret, afin de garantir une bonne harmonisation nationale. Je l’ai dit, nous travaillons actuellement sur un avant-projet de décret et, si l’Assemblée nationale en décide, il pourrait être pris assez rapidement.

Mme la présidente. La parole est à Mme la rapporteure de la commission mixte paritaire.

Mme Sabine Buis, rapporteure de la commission mixte paritaire. Je rappelle que l’alinéa 3 de l’article 1er vise à garantir aux citoyens privés d’accès à internet ou qui ne savent pas s’en servir un accès à l’information, telle qu’elle est précisée dans l’article 7 de la Charte de l’environnement. Dès lors que ce décret ne dénature pas cet alinéa, nous émettons un avis favorable sur l’amendement.

(L’amendement n° 1 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n° 2.

Mme Delphine Batho, ministre. L’amendement n° 2 concerne l’expérimentation, dont le texte prévoit la mise en œuvre à compter du 1er janvier 2013. Or, comme je l’ai déjà dit, ce délai ne laisse guère de temps à l’État pour définir les modalités concrètes de cette expérimentation. Nous proposons donc de reporter cette date au 1er avril 2013. Le président Chanteguet a du reste lui-même souligné dans son intervention qu’il s’agissait d’une proposition raisonnable.

(L'amendement n° 2, accepté par la commission, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n° 3.

Mme Delphine Batho, ministre. Cet amendement porte également sur l’article 1er bis A, qui organise l’expérimentation du forum électronique. La mise en place de cette expérimentation représentant un effort réel pour les services de l’État, il est proposé qu’elle se limite aux arrêtés ministériels et ne concerne plus les arrêtés préfectoraux, qui constitueraient une charge difficile à supporter.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Sabine Buis, rapporteure. J’émets un avis favorable, assorti néanmoins d’un petit regret. En effet, de nombreuses décisions relèvent des arrêtés préfectoraux. Or la formulation originale permettait au Gouvernement de conserver ou non certaines décisions et de choisir les arrêtés retenus.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Abeille.

Mme Laurence Abeille. Je m’abstiendrai sur le vote de cet amendement, car il est regrettable que les arrêtés préfectoraux ne soient pas inclus dans l’expérimentation. Cela signifie qu’au final, ils ne figureront pas dans la loi. Une expérimentation a pourtant bien vocation à expérimenter. J’ai conscience de la lourdeur d’un tel dispositif, mais cette expérimentation était censée – et nous nous en étions félicités – avoir le plus d’ampleur possible pour un meilleur résultat final.

Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher

M. Bertrand Pancher. Je partage l’avis de notre collègue, et regrette que l’expérimentation ne puisse concerner certains arrêtés préfectoraux, notamment les plus importants. Elle aurait précisément pu permettre d’opérer un tri en fonction de l’importance des projets de décision mis en débat à l’échelon préfectoral. C’est la raison pour laquelle je voterai contre cet amendement.

(L’amendement n° 3 est adopté.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire modifié par les amendements qui viennent d’être adoptés.

(L’ensemble du projet de loi est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Delphine Batho, ministre. Je voulais remercier le Parlement, notamment l’Assemblée nationale, pour ce vote, qui marque l’adoption du premier projet de loi relatif à l’écologie de la législature. Le fait qu’il nous ait rassemblés et qu’il n’ait pas suscité d’opposition, même si les avis étaient nuancés, constitue un signe fort de notre volonté de donner toute sa portée concrète à la Charte de l’environnement.

Je remercie l’ensemble des parlementaires qui ont contribué à nos travaux – la commission, son président et sa rapporteure, la majorité mais aussi l’opposition – pour les échanges constructifs et nourris que nous avons eus. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR, écologiste et UDI.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures dix, est reprise à onze heures trente.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

2

Projet de loi de finances pour 2013

Nouvelle lecture

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de finances pour 2013, adopté par l’Assemblée nationale et rejeté par le Sénat (nos 466, 485).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, l’Assemblée nationale examine le projet de loi de finances en nouvelle lecture.

À cette occasion, par ma voix, le Gouvernement souhaite rappeler les trois grands axes développés dans ce texte, autrement dit, les trois éléments sur lesquels les pouvoirs publics fondent leur action pour 2013.

Le premier de ces axes est européen.

Je rappelle la création du mécanisme européen de solidarité, le plan de relance porté par la Banque européenne d’investissement, et les différentes décisions prises en matière d’utilisation de fonds structurels. Il y a aussi l’accord passé avec nos partenaires pour tenter de régler le très douloureux dossier Dexia, dont nous avons hérité de nos prédécesseurs.

M. Jean-François Lamour. Vous commencez fort ! (Sourires.)

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. M. Henri Emmanuelli, président du conseil de surveillance de la Caisse des dépôts, sait de quoi je parle !

Il s’agit d’un dossier dans lequel les pouvoirs publics, tous gouvernements confondus, ont une part de responsabilité, car l’on sait bien que cet échec était en germe dans toutes les décisions prises puis assumées depuis les années quatre-vingt par les gouvernements successifs – même si certains ont peut-être pris une part plus importante que d’autres dans cette affaire. Il faut tirer la leçon de cet échec, et s’efforcer de la retenir collectivement.

Cette économie est documentée et identifiée : elle consistera, hélas, en une réduction des investissements, pour 1,2 milliard d’euros, une réduction des dépenses de fonctionnement, pour 2,8 milliards d’euros, une réduction des dépenses d’intervention, pour 2,2 milliards d’euros, enfin une réduction des dépenses du ministère de la défense nationale, pour un peu plus de 2 milliards d’euros.

La maîtrise et la réduction des dépenses sont absolument nécessaires, si l’on veut que la norme « zéro valeur » soit respectée : elle le sera en 2013, et pendant toute la durée de cette législature, avec une économie totale, en 2017, de 50 milliards d’euros, soit la moitié de l’effort à consentir.

M. Jean-François Lamour. La moitié, exactement.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le troisième axe, qui n’est pas examiné dans cette loi de finances initiale, mais dans la loi de finances rectificative – mais comment ne pas en parler ? – c’est bien sûr le projet de crédit d’impôt pour la compétitivité et pour l’emploi.

Voilà les trois axes qui, en vérité, structurent la politique budgétaire, économique et sociale que le Gouvernement souhaite mettre en œuvre l’année prochaine, à condition, naturellement, que le Parlement en décide ainsi.

À ce stade de mon propos, je voudrais indiquer ce qu’il en est de ce projet de budget, après la lecture aboutie qui a eu lieu à l’Assemblée nationale et la lecture inaboutie qui en a été faite au Sénat. Le solde a été amélioré de 400 millions d’euros, après les décisions votées par l’Assemblée nationale. Je voudrais, à cet égard, remercier les parlementaires, notamment Mme Sandrine Mazetier et M. Dominique Lefebvre, qui ont œuvré utilement pour plafonner un certain nombre de taxes affectées – je pense en particulier aux chambres de commerce et d’industrie.

Le Parlement, en tout cas la majorité de l’Assemblée nationale, n’a pas fait que réduire les dépenses ou dégager des recettes : il me semble que des mesures de croissance et de justice ont également été adoptées. Je pense aux mesures en faveur du logement, grâce à l’action de MM. Goldberg, Caresche et Urvoas, et bien sûr de M. le rapporteur général, M. Eckert. Je pense aux aides à la presse, grâce aux amendements du groupe SRC, ainsi qu’aux dispositions qui ont été prises en faveur des agriculteurs.

Ce que le Gouvernement espère, c’est qu’au terme de cette deuxième lecture, le solde sera, si possible, encore amélioré, et qu’en tout cas, il ne sera pas dégradé. Nous aurons à y travailler, car, vous le savez, un certain nombre de dispositions ont été adoptées au Sénat, sans pour autant être examinées par l’Assemblée, puisque la première partie fut rejetée par la Haute assemblée.

Ces dispositions, que je veux rappeler, ont néanmoins pu recueillir l’aval du Gouvernement : c’est le cas de la cotisation foncière des entreprises, la CFE, qui a fait l’objet d’un amendement gouvernemental en loi de finances rectificative. C’est le cas aussi des délégataires et concessionnaires, ceux que l’on appelle aussi les partenariats public-privé, ou PPP : nous souhaitons exonérer ces dispositifs du rabot sur les frais financiers. Il va de soi que cette mesure a un coût, qui devra être gagé : le Gouvernement proposera de le faire par un relèvement de 10 à 12 % de la quote-part pour frais et charges, dans le cadre de ce que l’on appelle la niche Copé. De cette manière, on peut penser que cette disposition sera non seulement gagée, mais qu’elle sera même surcompensée, ce qui est tout à fait appréciable.

Voilà, madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, les quelques mots, très brefs, que je voulais vous adresser à l’orée de l’examen, en deuxième lecture, de cette loi de finances initiale. Je ne souhaite pas m’étendre davantage dans ce propos liminaire. Beaucoup de choses ont déjà été dites dans cette enceinte, à l’occasion de la première lecture, et les débats à venir permettront à chacun, notamment au Gouvernement, d’expliciter sa position. Celui-ci veut faire bien comprendre sa volonté inaltérable de redresser les comptes publics l’année prochaine, avec les outils qui sont à sa disposition, et la loi de finances initiale est l’un de ces outils essentiels. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, initialement, le projet de loi de finances pour 2013 comptait soixante et onze articles. À l’issue de la première lecture par l’Assemblée nationale, vingt-sept articles avaient été modifiés dans la première partie, et treize dans la seconde.

En outre, les soixante et onze articles initiaux ont été complétés par quarante-huit articles additionnels, à raison de dix-sept en première partie, et de trente et un en deuxième partie. Comme vous savez tous parfaitement calculer, vous avez compris que le texte adopté par l’Assemblée et transmis au Sénat comprenait donc… 119 articles, c’est cela. (Rires.)

Malgré cela, le Sénat a rejeté le texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture : il a rejeté l’ensemble du texte, en n’adoptant pas la première partie du projet de loi de finances, le 28 novembre dernier. Il a notamment rejeté l’article 6, relatif au nouveau régime fiscal des plus-values mobilières, et adopté un nombre significatif d’amendements importants, contre l’avis du Gouvernement, et parfois même contre l’avis de la commission des finances.

Nous avons donc participé, le 6 décembre dernier, à une commission mixte paritaire qui, à l’évidence, n’était pas en mesure d’élaborer un texte commun : l’article 6, par exemple, que les sénateurs ont supprimé, était jugé excessif par certains d’entre eux, et insuffisant par d’autres. Sur ce sujet, comme du reste sur l’ISF, il n’était donc pas possible de réunir une majorité.

Nous sommes donc saisis de ce texte, adopté par l’Assemblée en première lecture, puisqu’il s’agit du dernier texte adopté. Pour autant, la commission des finances a examiné avec attention les propositions du Sénat et en a retenu quelques-unes, que certains députés ou moi-même avons décidé de vous présenter à l’occasion de cette nouvelle lecture.

Nous avons ainsi retenu un amendement proposant le relèvement de six à sept chevaux fiscaux du niveau à partir duquel le barème des frais professionnels kilométriques sera plafonné, dans le cadre du verdissement de ce barème. Nous reviendrons ainsi à la proposition initialement adoptée par notre commission à mon initiative.

Il en est de même de l’indexation sur l’inflation des plafonds de revenus déterminant le montant d’abattement à l’impôt sur le revenu dont bénéficient les contribuables modestes, âgés ou invalides. Cette mesure de justice reprend une proposition initiale de notre commission qui, lors de la première lecture dans cette assemblée, avait fait l’objet d’un avis défavorable du Gouvernement.

De même, nous pensons qu’une précision pourrait être apportée sur les conditions d’engagement de location que doit respecter le propriétaire bailleur pour bénéficier du crédit d’impôt « Plans de prévention des risques technologiques », ou PPRT. Nous pourrions aussi créer un nouveau prélèvement sur recettes pour compenser la perte pour les communes ayant antérieurement institué la taxe d’habitation sur les logements vacants, pour un montant de l’ordre de 4 millions d’euros.

Comme le Sénat, nous voudrions aussi demander au Gouvernement un rapport sur la rénovation thermique des logements du parc privé ancien, en rapport notamment avec les missions des sociétés anonymes coopératives d’intérêt collectif pour l’accession à la propriété, les SACICAP, et avec les perspectives d’évolution du Crédit immobilier de France.

À l’initiative de l’opposition, la commission a également adopté à l’article 5 un amendement sur le nouveau régime fiscal applicable aux dividendes et aux intérêts, décalant ainsi d’un mois la date limite à laquelle doivent être adressées aux banques les demandes de dispense du prélèvement servant d’acompte pour l’imposition au barème. De même, notre commission a retenu à l’article 6 diverses modifications de coordination du nouveau régime fiscal des plus-values mobilières.

Dans le cadre du collectif, compte tenu de l’impossibilité d’introduire des articles additionnels en nouvelle lecture, et de l’article 40 de la Constitution, c’est le Gouvernement qui a proposé à l’Assemblée la transformation en crédit d’impôt de la réduction d’impôt au titre des cotisations syndicales, ce que notre commission a approuvé.

De même, un amendement simplifiant les modes de calcul de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, qui pèse sur les exploitants d’installations de stockage ou d’incinération des déchets, a été adopté en première lecture, sur une initiative parlementaire. Je crois que nous devrions revenir sur ce sujet en séance.

M. Henri Emmanuelli. Oui !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Enfin, le débat sur le collectif a permis à l’Assemblée d’adopter un ensemble de mesures relatives à l’assiette minimale de la cotisation foncière des entreprises, sujet qui a reçu un large écho ces dernières semaines, et qui posait un grave problème à de nombreuses entreprises de petite taille, partout en France. Le Sénat a adopté un certain nombre de solutions, que je vous proposerai de reprendre, en les complétant sur quelques points importants : on doit, ici encore, monsieur le président de la commission, gérer les scories de la réforme bâclée de la taxe professionnelle. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Il s’entête, notre rapporteur général !

M. Christian Eckert, rapporteur général. En revanche, notre commission n’a pas souhaité reprendre à son compte deux dispositions aux enjeux importants, qui avaient pourtant été adoptées par le Sénat dans un premier temps.

D’abord, la commission n’a pas souhaité exclure les partenariats public-privé et divers types d’opérations du plafonnement de la déductibilité à l’impôt sur les sociétés des frais financiers supportés par les entreprises. Je crois que le Gouvernement vient de déposer un amendement en ce sens, qui devrait faire l’objet de débats passionnés, vifs, mais toujours constructifs. Par ailleurs, la commission n’a pas non plus souhaité relever de deux euros supplémentaires la contribution de l’audiovisuel public. Sur ce sujet aussi, le Gouvernement a déposé un amendement en ce sens, qui sera soumis à notre débat.

J’en arrive au dernier point, madame la présidente. Notre commission a également apporté plusieurs améliorations et corrections au texte qu’elle avait adopté en première lecture. En particulier, pour aider certaines entreprises à surmonter leurs difficultés, elle a adopté, à mon initiative, un assouplissement de la modification du calcul de la part fixe du plafond du montant du déficit reportable, de façon à prendre en compte, dans ce plafond, les abandons de créances consenties à des entreprises en procédure de conciliation ou en procédure collective. Tout le monde a bien sûr compris ce que je viens d’expliquer. (Sourires)

M. Thierry Mandon. Bien sûr !

M. Christian Eckert, rapporteur général. En ce qui concerne les collectivités territoriales, la commission a adopté deux dispositifs.

Le premier corrige certaines lacunes résultant de la première lecture et clarifie les modalités de répartition du fonds de péréquation des ressources perçues par les régions, en introduisant un mécanisme de quote-part en faveur des régions d’outre-mer. Vous vous souvenez certainement tous de ce débat, au cours duquel plusieurs versions du texte nous avaient été proposées. Nous avons retenu, en première lecture, l’une de ces propositions, qui avait cependant le défaut de ne pas créer ce préciput habituel en faveur des régions d’outre-mer : c’est la seule correction que je vous proposerai de lui apporter.

Le deuxième dispositif assouplit les conditions permettant de libérer les ressources du Fonds national de péréquation des fameux droits de mutation à titre onéreux, ou DMTO, au profit des départements, qui sont mis en réserve dans le fonds de garantie départemental des corrections conjoncturelles. Ce mécanisme de lissage a créé une réserve tellement verrouillée, qu’il est quasi impossible de la débloquer, ce qui est pourtant nécessaire, et c’est ce que nous nous proposons de corriger. Si je reconnais l’intention louable de ceux qui ont mis en place ce dispositif de constitution d’une réserve, je dois dire que les conditions de libération de la réserve sont pour le moins inappropriées.

Sur ce point, je voudrais dire, et je m’y arrête un instant, que je suis un peu las des sempiternelles modifications qui sont proposées – même si c’est bien sûr un droit constitutionnel – pour les différents fonds de péréquation, lesquels sont souvent modifiés dans des conditions de lisibilité absolument épouvantables, parfois même avant d’avoir eu le temps d’être appliqués !

Mes chers collègues, nous passons des heures, des nuits à répartir 0,5 % du produit national de la CVAE pour les régions et à nous battre pour savoir si nous devons privilégier les personnes âgées, les personnes pauvres, ou encore les personnes handicapées, bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie. Nous introduisons des coefficients de pondération, qui conduisent à des tableaux Excel que pas même un agrégé de mathématiques ne saurait maîtriser. (Sourires.) Je nous invite donc collectivement à laisser le temps de la respiration aux dispositions instaurées, à laisser fonctionner un certain nombre d’organismes qui travaillent sur ces sujets – le comité des finances locales, les associations d’élus, départementales, régionales, les associations de maires – et à faire une pause dans la modification continue de la quinzaine de fonds de péréquation, qu’ils soient nationaux, régionaux, départementaux, franciliens, qu’ils concernent les élus de montagne ou les élus du littoral…

M. Henri Emmanuelli. Et les élus landais…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je crois, mes chers collègues, qu’il serait plus sage de laisser un peu de temps au travail parlementaire et aux associations spécialisées, avant de modifier de façon régulière et, selon moi, trop fréquente ces différents fonds de péréquation.

Je m’interroge d’ailleurs toujours sur l’opportunité de disposer de simulations financières. Tous s’accordent souvent sur des principes généraux dans une belle unanimité, mais lorsque l’on distribue des simulations, chacun se précipite pour voir la situation de son département, de sa région, de sa ville, afin de savoir s’il y gagne quelques euros ou s’il en perd, ce qui amène souvent à remettre en cause les positions de principe que chacun peut être amené à exposer.

La commission a également souhaité assouplir le dispositif prévoyant de supprimer l’exonération de cotisations sociales pour les organismes d’intérêt général de grande taille dans les zones dites ZRR. Ceci correspond à une demande forte des territoires, nous devrons discuter de ce point à l’article 72 de ce projet de loi de finances.

Voilà un ensemble de remarques factuelles en guise d’ouverture à nos travaux que je souhaite fructueux et toujours guidés par l’esprit constructif qui nous anime. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Motion de rejet préalable

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Chers collègues, nous voilà deux mois après la discussion budgétaire du début de l’automne. J’avais défendu une motion de rejet préalable, j’en défends une nouvelle, avec des arguments qui n’ont pas beaucoup changé.

M. Christophe Caresche. Ce n’est peut-être pas la peine, alors !

M. Hervé Mariton. Je viens d’écouter l’intéressante présentation du rapporteur général qu’il nous a exposé avec la maîtrise et le talent technique que nous lui connaissons.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je crains le pire !

M. Hervé Mariton. Je n’y ai pas trouvé beaucoup d’enthousiasme politique. Mais nous n’en avons pas plus, pour tout vous dire.

La réalité est que les thèmes que j’avais développés il y a deux mois se sont hélas aggravés.

M. Henri Emmanuelli. C’est le destin des prophètes ! (Sourires)

M. Hervé Mariton. Votre stratégie économique et financière est invisible, incohérente, injuste, insincère, illisible, inefficace et dangereuse.

M. Christophe Castaner. N’en jetez plus !

M. Hervé Mariton. Tous ces éléments se sont aggravés en deux mois. Il serait rassurant de penser que notre travail d’opposants a permis d’améliorer les choses, mais en réalité c’est le contraire qui s’est passé.

M. Jean-François Lamour. Exactement, nous n’avons pas été écoutés !

M. Hervé Mariton. Invisible, c’est encore peu pour décrire votre stratégie. La capacité de notre pays à attirer des entreprises et à encourager leur développement s’est encore abîmée en deux mois.

M. Christophe Caresche. Parlez-nous de votre bilan !

M. Jean-François Lamour. Vous ne tiendrez plus que quelques mois avec cet argument-là !

M. Hervé Mariton. Déjà, le projet de loi de finances tel qu’il avait été présenté avait été largement perçu en France, en Europe et dans le monde…

M. Henri Emmanuelli. Et au-delà !

M. Hervé Mariton.… comme une expression anti-entreprises venant d’un pays qui ne serait pas « business-friendly ». Hélas, les discussions du projet de loi de finances et du collectif budgétaire ont aggravé cette perception. Aujourd’hui, nous avons largement disparu des écrans,…

M. Pierre-Alain Muet. C’est l’UMP qui a disparu des écrans ! (Sourires)

M. Hervé Mariton. …la France économique n’est plus visible, la France économique n’est plus crédible.

M. Christophe Castaner. Heureusement que Sarkozy va au Qatar !

M. Hervé Mariton. Vous le savez, que ce soit en France ou à l’étranger, à l’heure d’investir ou de se développer dans notre pays, les acteurs économiques ont posé le stylo, au mieux. Pour 2013, les perspectives ne sont pas bonnes. Pierre Moscovici, auditionné pour le collectif budgétaire, l’a reconnu lui-même en déclarant : « les indicateurs sont pires qu’à l’orange. » C’est hélas la réalité, et vous en êtes lourdement responsables.

M. Pierre-Alain Muet. Et vous, vous étiez où ces dernières années ?

M. Hervé Mariton. La France est invisible, et vous êtes invisibles dans votre responsabilité de Gouvernement et de majorité. Vous êtes aussi incohérents.

M. Henri Emmanuelli. Vous en faites un peu trop !

M. Hervé Mariton. Pas trop, hélas ! J’aimerais ne pas en faire trop, mais rappelez-vous des propos que vous teniez il y a à peine deux mois, lorsque nous dénoncions vos choix de l’été sur la TVA. C’est une démonstration par les faits : il y a quelques mois, chers collègues, vous avez dit pis que pendre de l’augmentation de la TVA.

M. Henri Emmanuelli. Et je le dis toujours !

M. Hervé Mariton. M. Emmanuelli est sincère et honnête.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Mais cela ne concerne pas le texte que nous discutons !

M. Christophe Caresche. C’est du bavardage : il n’a pas grand-chose à dire…

M. Hervé Mariton. Monsieur le rapporteur général, ce texte doit nous amener à étudier la cohérence de l’ensemble de votre stratégie budgétaire.

La stratégie budgétaire de 2013, nous la lisons à l’aune des collectifs budgétaires. Je me suis humblement permis de vous alerter il y a deux mois dans une motion de rejet préalable.

La réalité est que l’ensemble des inquiétudes que je soulevais alors ont été confirmées depuis, et de nouveau je vous appelle à voter une motion de rejet préalable.

Au fil des discussions budgétaires de l’été et de l’automne, vous avez récusé l’augmentation de la TVA, puis vous changez d’avis à l’approche de l’hiver. Autorisez-moi à ne pas oublier cette incohérence alors que nous sommes de nouveau invités à délibérer sur le budget pour 2013.

Votre stratégie économique et budgétaire est donc invisible et incohérente, elle est également injuste. Les discussions qui se sont tenues il y a quelques jours confirment hélas le coup de matraque fiscal que vous donnez aux entreprises et aux particuliers.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Arrêtez…

M. Hervé Mariton. S’agissant du quotient familial, auquel vous savez que l’opposition est attachée, je constate que le budget prévoit une diminution de son plafond. Chaque fois que nous posons une question à ce sujet en séance ou en commission, nous entendons que la majorité voudrait aller bien au-delà. J’ai entendu un ministre considérer qu’il n’y avait pas de raisons de maintenir ce qui pourrait survivre de la politique familiale à l’issue de cette discussion budgétaire.

Au vu des travaux du début de la semaine, qui mettent de nouveau en cause frontalement et fondamentalement le quotient familial, il y a en effet de quoi s’inquiéter.

M. Henri Emmanuelli. C’est le quotient familial qui est injuste, vous le savez !

M. Hervé Mariton. Invisible, incohérent, injuste – car le quotient est une modalité éminemment juste de calcul de l’impôt –, votre budget est également insincère.

Nous ne vous avons pas trop torturés pour les perspectives de croissance mais, arrivés à la mi-décembre, il est permis de se faire plus insistants. S’agissant des économies, quel que soit le texte budgétaire : projet de loi de finances pour 2013 ou loi de finances rectificative pour 2012, nous n’avons aucun élément substantifiant les économies dont vous parlez.

Ce projet de loi de finances est aussi illisible. Arrive un moment où plus personne ne peut vous suivre. Vous le savez monsieur le rapporteur général, et c’est pour cela que vous avez concentré votre propos sur la présentation technique.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Mais c’est mon rôle !

M. Henri Emmanuelli. Laissez-le dire, il fait du Mariton !

M. Hervé Mariton. Matraquage fiscal dans le PLF 2013 pour les entreprises, limitation de la déductibilité des intérêts d’emprunts, modification du calcul de la quote-part pour frais et charges sur les plus-values de cession de titres de participation, modification du régime des acomptes d’impôt sur les sociétés pour les grandes entreprises, relèvement de l’exit tax, taxe supplémentaire à l’impôt sur les sociétés, aménagement du mécanisme du report en avant des déficits : l’ensemble de ces dispositions s’ajoute à celles de juillet, miraculeusement allégées par l’inspiration du collectif de fin d’année.

Vous savez, quand on donne des coups de marteau sur la tête…,

M. Henri Emmanuelli. Nous devrions sortir la faucille…

M. Hervé Mariton. …ce n’est pas parce que le coup de marteau serait à un moment un peu allégé qu’il en devient une caresse.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il ne sait vraiment plus quoi dire !

M. Hervé Mariton. En termes de compétitivité, à vrai dire, je ne comprends plus lorsque le Gouvernement nous annonce hier que les contrats de génération seront financés sur les crédits destinés aux mesures du crédit pour la compétitivité et l’emploi.

Les moyens que vous avez destinés au crédit d’impôt compétitivité emploi existent-ils réellement…,

M. Philippe Vitel. Bonne question !

M. Hervé Mariton. …ou est-ce que cette caisse est censée financer l’ensemble des dispositions que le Gouvernement a imaginé ces derniers jours, à l’exemple du contrat de génération, ou qu’il imaginera peut-être demain ?

M. Jean-François Lamour. Très bonne remarque !

M. Hervé Mariton. De nouveau, en parlant du contrat de génération, le Gouvernement évoque des économies à réaliser sur les dépenses publiques. Mais à quelques jours du début de l’année 2013, nous sommes peut-être en droit de savoir enfin ce que seront les économies pour les années à venir.

Illisible, mais le rapporteur général l’a reconnu car il est sincère dans son analyse, lorsque le Gouvernement n’a pas prévu de réponse aux partenariats public-privé dans sa version initiale, puis se corrige, et que cette correction n’est pas du goût de sa majorité.

Inefficace, car nous ne savons toujours pas où le Gouvernement veut aller en termes de réforme de l’État.

M. Jean-François Lamour. Lui non plus ne le sait pas !

M. Hervé Mariton. Nous savons qu’il y a davantage d’emplois publics avec ceux que vous avez créés au fil des discussions budgétaires des derniers mois. Mais quelle réforme de l’État entendez-vous mener ? Nous savons que vous n’avez pas aimé la révision générale des politiques publiques, mais qu’en est-il de l’avenir, nous ne le savons pas.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Mais si, c’est la modernisation de l’action publique ! Vous ne lisez pas les bons journaux !

M. Hervé Mariton. Enfin, ce budget est dangereux. Nous l’avons dit il y a quelques semaines au moment de la révolte des « pigeons ». Nous pouvons le dire après les commentaires ahurissants qui ont été tenus suite à une décision, que nous pouvons ne pas partager, de tel ou tel contribuable. Je n’ai ni le talent, ni la fortune de M. Depardieu. Peut-être que dans sa situation, je n’aurais pas fait le même choix que lui.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Vous connaissant, certainement pas !

M. Hervé Mariton. Peut-être aurais-je raisonné différemment au regard de l’intérêt de mon pays. Reste que l’accumulation de vos décisions, de la charge et de la culpabilité dont vous voulez entourer les acteurs économiques aboutit à des décisions de ce type.

Je ne sais pas si M. Depardieu a eu raison de choisir de s’en aller.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Et Johnny Halliday ?

M. Hervé Mariton. Ce que je sais, c’est que nous avons tort d’avoir une politique fiscale qui conduit à des choix de cette nature.

M. Henri Emmanuelli. Il faut restaurer le bouclier fiscal !

M. Hervé Mariton. La réalité est que dans des moments d’égarements de campagne électorale, vous avez prétendu faire la chasse aux riches, et vous la faites réellement. La réalité est que s’il y a encore un peu d’énergie entrepreneuriale dans notre pays, vous venez de passer des semaines entières à la décourager. Vous cassez la dynamique de notre pays dans un moment de crise, alors que cette dynamique est plus que jamais essentielle.

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est vous qui l’avez déchiquetée en morceaux. Nous essayons de la réparer !

M. Hervé Mariton. Je vous l’ai dit lorsque nous débattions du collectif budgétaire : nous aurions pu partager un certain nombre de vos choix. Nous aurions pu voter certains amendements, nous aurions pu accompagner le crédit d’impôt compétitivité emploi.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Nous discutons de la loi de finances initiale, pas de la loi de finances rectificative, vous vous trompez de sujet !

M. Hervé Mariton. Nous aurions aussi pu accompagner dans la loi de finances pour 2013 un certain nombre de choix. Vous vous êtes assurés par un marqueur idéologique profond. Est-ce votre conviction ou les concessions aux groupes qui vous accompagnent tels que les verts ou les communistes ? Je n’ai pas de certitudes, mais je constate le résultat.

Oui, votre projet de loi de finances pour 2013 est au mieux invisible, assurément incohérent, injuste, insincère, illisible, inefficace et dangereux.

M. Henri Emmanuelli. C’est tout ?

M. Hervé Mariton. S’il vous plaît, renoncez à votre idéologie, renoncez à cette stratégie périlleuse, et votez avec nous cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

M. Henri Emmanuelli. Ce n’était pas Saint-Mariton, c’était Ignace de Loyola !

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à Mme Marie-Christine Dalloz pour le groupe Union pour un Mouvement Populaire.

Mme Marie-Christine Dalloz. Je retiens que chaque fois que notre excellent collègue Hervé Mariton, qui a défendu avec beaucoup de conviction cette motion de rejet, a parlé de matraquage fiscal, le rapporteur général s’est époumoné et a contesté.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Époumoné ? Le terme est un peu fort. Le jour où je m’époumonerai, les murs trembleront !

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le rapporteur général, vous admettrez que dix milliards pris sur les ménages et dix milliards pris sur les entreprises, ce ne peut être que du matraquage fiscal ! Aussi, la motion agrée l’ensemble des membres du groupe UMP, et nous la voterons avec conviction car ce projet de loi de finances pour 2013 est un très mauvais signe pour l’économie et pour l’ensemble des ménages français. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Woerth, pour le groupe Rassemblement - Union pour un Mouvement Populaire.

M. Éric Woerth. M. Mariton a bien parlé. Il a brossé le tableau de l’ensemble du projet de loi, mais a également évoqué les projets de loi de finances rectificatifs qui ont émaillé ces derniers mois.

L’objectif de 3 %, que nous appuyons, ne sera bien évidemment pas tenu. Pour cette raison, il faut voter cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes Rassemblement-UMP et UMP.)

M. Christian Eckert, rapporteur général. Cela va vite aujourd’hui ! Vous n’avez pas grand-chose à dire !

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet pour le groupe écologiste.

M. Éric Alauzet. Le groupe écologiste votera contre cette motion de censure.

M. Hervé Mariton. De censure ? Non, pas encore !

M. Philippe Vitel. Mais cela viendra !

M. Éric Alauzet. Je trouve d’ailleurs que ces motions de censure font l’objet d’un usage totalement excessif,…

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est une motion de rejet préalable !

M. Éric Alauzet. …pour des propos ne présentant pas un intérêt particulier à ce moment du débat, qui auraient davantage leur place dans la discussion générale.

Je pense d’ailleurs que l’outrance dont vous avez fait preuve, monsieur Mariton, est sans doute liée à ce principe des motions de censure, où il faut évidemment grossir le trait ! Cette outrance s’est manifestée dans plusieurs de vos propos, notamment quand vous affirmez que la France a disparu des radars de l’économie mondiale… Il ne faut quand même pas exagérer ! Quand vous attribuez à cette majorité la responsabilité principale de la situation économique que nous connaissons, vous savez, au fond de vous, que vous exagérez un peu ! Vous avez également une part de responsabilité ! Ces motions conduisent à l’outrance, ce qui n’est pas très sein pour le débat.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Très bien ! Vous avez raison !

M. Éric Alauzet. Vous accusez la majorité d’incohérence, en parlant notamment de projet invisible. Mais quand je vois les réactions des uns et des autres, dans l’opinion, je me dis que ce projet de loi de finances n’est pas si invisible que cela ! Il a tout de même suscité beaucoup de réactions !

Vous dites également que ce budget est injuste : je ne le crois pas. Quand je vois que ce sont les « pigeons » et les plus favorisés de notre société qui réagissent, je me dis que ce projet n’est peut-être pas si injuste que cela.

Au fond – mais c’est sans doute lié à l’exercice des motions de censure, pardon de rejet –, vous faites preuve d’autisme et d’idéologie. Vous refusez a priori les emplois que vous qualifiez de « publics ». Grâce aux contrats de génération, nous créerons 300 000 emplois pour environ 4 milliards d’euros. Or, pour le même nombre d’emplois, nous dépenserons 20 milliards d’euros de crédit d’impôt, et cela ne vous ébranle pas du tout ! Ces emplois coûteront cinq fois plus cher, et il s’agit aussi d’argent public !

M. Jean-Pierre Gorges. Mais non, ce n’est pas de l’argent public !

M. Éric Alauzet. C’est de l’argent public ! Il faut un peu de mesure…

M. Jean-Pierre Gorges. Vous mélangez tout !

M. Éric Alauzet. Quatre milliards d’euros d’un côté et vingt milliards de l’autre pour créer 300 000 emplois : cela devrait tout de même vous interroger. Tout cela se fait avec le même argent public.

Enfin, vous oubliez que ce projet de loi de finances prévoit 10 milliards d’euros d’économies sur la dépense publique : ce n’est quand même pas rien ! Vous ne l’aviez pas fait jusque-là.

M. Jean-François Lamour et Mme Marie-Christine Dalloz. Mais non ! Ce n’est pas vrai !

M. Philippe Vitel. Ces économies sont totalement virtuelles !

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Jégo, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Yves Jégo. Nous voterons cette motion de rejet. Effectivement, cette version du projet de loi de finances ne nous convient pas. J’entends la satisfaction qui règne sur les bancs de la majorité, à croire que les 1 500 chômeurs supplémentaires par jour ne vous interpellent pas, et que les 100 000 chômeurs supplémentaires depuis le mois de septembre ne vous parlent pas. Nous voudrions croire que les mesures contenues dans ce projet de budget porteront leurs effets sur le chômage. Cependant, le Président de la République lui-même nous a expliqué qu’il n’y aurait aucun effet sur le chômage avant au moins un an : cela signifie qu’aucune mesure budgétaire ne portera d’effet avant un an. Vous comprendrez notre inquiétude face à ce désarroi du quotidien et à l’accélération des choses.

Mesdames et messieurs les députés de la majorité, personne ne vous accuse d’être à l’origine de la crise ! Mais la dénonciation permanente de l’action de vos prédécesseurs ne vous servira pas de viatique assez longtemps pour justifier que vous ne preniez pas les bonnes mesures aujourd’hui pour inverser les choses, puisque vous n’étiez pas d’accord avec la politique précédente. Depuis que vous êtes là, non seulement les choses ne se sont pas inversées, mais elles s’accélèrent ! Voilà notre inquiétude et notre angoisse. C’est pourquoi le groupe UDI votera cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour le groupe Radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. J’ai été attentif aux arguments développés par M. Mariton, du moins à certains de ses arguments. Mais je pense tout de même que l’on ne peut pas ne pas être attentif, aussi, à la perspective générale dans laquelle s’inscrit cette loi de finances initiale pour 2013. Bien sûr, chers collègues de l’opposition, vous nous direz que les références au passé ou à ce que certains appellent « l’héritage » sont parfois répétitives ou excessives.

M. Philippe Vitel. Ça, oui !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Mais enfin, c’est tout de même une réalité ! Les 600 milliards d’euros de dette supplémentaire existent, hélas, bel et bien. Si les comptes que nous avons trouvés étaient droits, il n’y aurait pas besoin de les redresser. Ce projet de loi de finances effectue le redressement nécessaire des comptes publics : on souhaite qu’il se fasse dans la justice.

Le groupe RRDP aurait préféré une répartition plus pondérée entre la hausse des impôts et la réduction des dépenses publiques, même si je sais que le Président de la République lui-même a annoncé une réduction des dépenses publiques importante au cours de l’ensemble du quinquennat. Mais ce projet de budget est tel qu’il est. Aussi et surtout, parce que nous sommes dans la majorité et que le vote des lois de finances est un marqueur important de l’appartenance à la majorité, nous le voterons.

M. Henri Emmanuelli. Ah ! Cela fait plaisir !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Par conséquent, nous rejetterons…

M. Hervé Mariton. Oh !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. …en tout cas, nous ne voterons pas la motion de rejet préalable défendue avec ardeur par M. Mariton.

M. Hervé Mariton. La prochaine fois, alors ?

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe Socialiste, républicain et citoyen.

M. Pierre-Alain Muet. Monsieur Mariton, vous avez vraiment la mémoire courte ! Pourquoi le Gouvernement propose-t-il un projet de loi de finances réduisant le déficit de 30 milliards d’euros ? Tout simplement, parce qu’il faut commencer à inverser dix années de dérive financière.

M. Henri Emmanuelli. Eh oui !

M. Pierre-Alain Muet. Dix années qui ont vu la dette de notre pays doubler ! Dix années qui ont vu le déficit extérieur…

M. Jean Launay. Se dégrader...

M. Pierre-Alain Muet. …devenir abyssal alors même qu’il y a dix ans, notre pays connaissait un excédent ! Dix années qui ont connu le vote de cadeaux fiscaux, toujours à crédit, jamais financés,…

M. Henri Emmanuelli. Et inutiles !

M. Pierre-Alain Muet. …pour les plus fortunés de nos concitoyens, provoquant un accroissement des inégalités dans notre pays !

Monsieur Mariton, ce budget est la première pierre du redressement financier, non seulement parce qu’il fait ce que vous n’avez jamais fait – réduire le déficit structurel de notre pays –, mais aussi parce qu’il le fait en introduisant de la justice fiscale. Dans les 20 milliards d’euros de hausse des prélèvements, aucune mesure n’est générale. Il s’agit de suppressions de niches fiscales, dont nous avons beaucoup débattu dans cet hémicycle.

M. Jean-Pierre Gorges. Chasse aux sorcières !

M. Pierre-Alain Muet. Il s’agit de mesures portant sur les plus fortunés de nos concitoyens, parce qu’il convenait aussi, après dix années de dérives et d’accroissement des inégalités, de corriger cet accroissement. Du côté des dépenses, ce projet de loi de finances est attentif à l’emploi et au redressement de notre école, qui a souffert au cours de ces dix dernières années.

Ce budget est essentiel. Il était temps de mettre fin à la dérive de nos finances publiques et de réintroduire un peu de justice fiscale dans ce pays : c’est ce qu’il fait. C’est la raison pour laquelle le groupe SRC votera naturellement contre cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, suite au rejet de la première partie de ce texte par le Sénat et à l’échec de la commission mixte paritaire la semaine dernière, le projet de loi de finances revient à l’Assemblée nationale pour une nouvelle lecture.

Alors que les défaillances de sociétés de plus de 250 salariés ont progressé de 34 % en 2012 et que les faillites d’entreprises connaissent une augmentation de 5 %, vous allez encore aggraver cette situation alarmante avec un matraquage fiscal sur l’économie française, puisque ce projet de loi de finances pour 2013 prévoit 10 milliards d’euros de taxes supplémentaires sur nos entreprises.

Parallèlement, nous venons d’achever la discussion du collectif 2012, qui prévoit l’instauration du crédit d’impôt compétitivité-emploi. Nous sommes donc en droit de nous interroger, ou plutôt de vous interroger, monsieur le ministre : où est le curseur de la logique socialiste ? Suite au rapport Gallois, vous admettez que notre industrie est confrontée au défi de la compétitivité : c’est une avancée que je note avec satisfaction. Cependant, quand vous traitez un problème urgent et crucial en faisant adopter fin 2012 une disposition dont l’effet attendu se concrétisera en 2014,…

M. Yves Jégo. Exactement !

Mme Marie-Christine Dalloz. …vous comprendrez que nous puissions nous interroger sur la cohérence de votre politique économique.

Faisons les calculs correctement – monsieur Muet, vous en êtes capable : vous imposerez 10 milliards d’euros d’impôts supplémentaires aux entreprises en 2013, puis 10 milliards d’euros en 2014 car il n’y a pas de raison que ce montant diminue l’année suivante, et vous instaurerez un crédit d’impôt compétitivité-emploi à hauteur de 12 milliards d’euros en 2014.

M. Thierry Mandon. Treize milliards !

M. Christophe Castaner. Trente milliards d’euros en deux ans !

Mme Marie-Christine Dalloz. Sauf que, sur ces 13 milliards d’euros, vous fléchez un milliard sur les emplois d’avenir. On ne comprend plus rien du tout à la cohérence du collectif budgétaire !

La vraie question qu’il faut se poser est la suivante : que va-t-il se passer pour nos entreprises en 2013 ? La réponse figure, naturellement, dans votre projet de budget pour 2013 : 10 milliards de charges supplémentaires. J’ai préparé un inventaire des nouvelles dispositions que vous souhaitez adopter dans ce projet de budget.

D’abord, la modification du calcul de la quote-part pour frais et charges sur les plus-values de cession des titres de participation. Vous modifiez non seulement le calcul, mais également l’assiette, avec la prise en compte des plus-values brutes et non plus des plus-values nettes comme auparavant. La recette attendue est de 2 milliards d’euros.

Ensuite, la limitation de la déductibilité des intérêts d’emprunt, qui ne sera possible qu’à hauteur de 85 % en 2012 et 75 % en 2013. Avec cette disposition, vous attendez une recette supplémentaire de 4 milliards d’euros, ce qui représente 10 % des recettes nettes de l’impôt sur les sociétés dès le début de l’année 2013. Voilà le choc fiscal et financier que les entreprises devront surmonter !

M. Jean-François Lamour. Bien sûr !

Mme Marie-Christine Dalloz. Troisième disposition : l’aménagement du mécanisme de report en avant des déficits des entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés.

Quatrième disposition : la taxation des sommes placées en réserve de capitalisation des entreprises d’assurance.

Enfin, vous prévoyez la modification du régime des acomptes d’impôt sur les sociétés applicable aux grands groupes.

Après cet inventaire qui provoquera un choc fiscal sans précédent, je soulignerai l’incohérence entre cette pression fiscale nouvelle et urgente et le vote d’un crédit d’impôt compétitivité-emploi à échéance 2014. En matière fiscale, les bonnes intentions et l’affichage politique ne constituent pas des réponses concrètes à la crise économique. Notre pays compte 1 500 demandeurs d’emplois supplémentaires par jour : c’est une réalité, et cela correspond certainement à un échec de votre politique économique. Le taux de chômage en Allemagne est de 6,5 %, alors que les conditions économiques internationales sont identiques. On voit toute la différence entre le laxisme et le volontarisme politique !

Après l’impact fiscal de votre projet de loi de finances pour 2013 sur les entreprises, je vous propose l’inventaire des mesures fiscales qui concerneront les ménages. Là aussi, les chiffres sont édifiants. 10 milliards d’euros : c’est le tarif à payer, pour tout le monde, en 2013.

C’est d’abord le gel du barème de l’impôt sur le revenu, qui représente concrètement une augmentation de la pression fiscale de 2 % pour l’ensemble des ménages, à l’exception des deux premières tranches pour lesquelles vous avez institué un dispositif d’exonération.

C’est ensuite la création d’une tranche d’impôt sur le revenu à 45 % pour les revenus supérieurs à 150 000 euros par part.

C’est aussi l’abaissement du plafond de l’avantage procuré par le quotient familial. À mon sens, cette mesure est plus grave : la réduction d’impôt plafonnée à 2 000 euros n’est pas un encouragement à la politique familiale. Si l’on regarde la situation de près, le taux de natalité se situe aujourd’hui à 2,1 en France, contre 1,34 en Allemagne, ce qui représentera à l’avenir pour ce pays un vrai problème démographique, avec des conséquences lourdes sur l’économie à une échéance de dix ans. N’appliquons pas aujourd'hui les mesures qui n’ont pas fait recette dans les autres pays de la zone euro !

Enfin, c’est l’alignement de la fiscalité du capital sur la fiscalité du travail. Au sujet de l’article 6, qui fait l’objet d’une réécriture en séance, je rappelle la contestation des « pigeons ».

Malgré le semblant de marche arrière du Gouvernement, le cumul absurde des conditions nécessaires au maintien du prélèvement forfaitaire libératoire à 19 % est une illusion qui ne devrait tromper personne.

Autre mesure, à l’article 8, la création d’une contribution exceptionnelle de solidarité sur les très hauts revenus, avec la taxe à 75 %, qui incitera à l’exil fiscal, nous en avons eu un exemple fameux cette semaine.

À l’article 9, on trouve le rétablissement du barème de l’impôt sur la fortune avec la mise en place d’un bouclier fiscal « façon socialiste » – car il est interdit de parler de « bouclier fiscal » ! –, pourtant, c’est bien de cela qu’il s’agit !

L’article 12 prévoit la prolongation et le durcissement du malus automobile. C’est un très mauvais signe pour l’industrie automobile française.

Enfin, le projet de loi de finances pour 2013 plafonne les niches fiscales à 10 000 euros au lieu de 18 000 précédemment. Il maintient cependant les avantages fiscaux liés à l’outre-mer, au dispositif Malraux et à la niche Sofica en faveur du cinéma.

En revanche, vous pénalisez lourdement les contribuables employeurs dans le domaine de la garde d’enfants ou des services à la personne. Les pénaliser n’est pas une mesure de justice, monsieur le ministre. Face au manque cruel de places de crèches, les parents qui travaillent n’ont pas toujours le choix. Pénaliser ces familles n’est juste ni fiscalement ni socialement.

La conséquence directe de votre projet de loi de finances, c’est un taux de prélèvements obligatoires record : 46,3 % du produit intérieur brut ! Quant à la baisse des dépenses de l’État, elle est un leurre, au mieux un artifice. Il s’agit en fait d’une moindre progression des dépenses, mais ce n’est pas ce que j’appelle une réelle diminution.

À titre de comparaison, le seul projet de loi de finances qui avait marqué une vraie rupture en inscrivant une diminution stricte de 250 millions d’euros de dépenses dans le budget général, c’était le projet de 2012, adopté par l’ancienne majorité.

M. Pierre-Alain Muet. Heureusement que nous l’avons corrigé !

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est la réalité, chers collègues. La non-maîtrise des dépenses induit un ratio de 56,3 % de part de dépenses publiques dans le produit intérieur brut. En Allemagne, il se situe à 45 %.

Quant aux amendements, vous avez fait preuve d’une grande générosité en acceptant un amendement du groupe UMP prévoyant un rapport sur le rétablissement de l’ISF.

Ce projet de loi de finances n’apporte aucune réponse structurelle pour remédier aux faiblesses de notre économie en matière de réduction de la dépense publique ou d’amélioration de la compétitivité de nos entreprises. Alors que l’assemblée vient d’adopter le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi dans le cadre du collectif budgétaire, on comprend mal la stratégie du Gouvernement vis-à-vis des entreprises : ce qu’il leur donne d’une main, il leur reprend de l’autre avec un ensemble de mesures alourdissant considérablement leurs charges et entraînant une instabilité fiscale sans précédent, qui inquiète les entreprises et l’ensemble de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Alain Calmette. Le dédoublement du parti ! (Sourires.)

M. Éric Woerth. Madame la présidente, monsieur le ministre, le projet de loi de finances, qui a été rejeté par le Sénat, va contre l’investissement, le pouvoir d’achat et la compétitivité. C’est pour cette raison que j’annonce d’emblée que nous ne le voterons pas.

Il ne vous aura pas échappé que les investisseurs fuient notre pays, il suffit de discuter avec ceux qui mènent l’économie française.

Mme Karine Berger. Deux pour cent !

M. Éric Woerth. Que l’on aille en Asie ou dans le reste de l’Europe, quel que soit l’endroit, on assiste à des stratégies d’évitement de la France en matière d’investissement. Le ministre de l’industrie a fait beaucoup de tort avec ses déclarations visant notamment M. Mittal. Il a instillé dans l’économie un poison qui se diffusera longtemps. Tout seul, en faisant des moulinets, il a réussi à décrédibiliser l’investissement en France. C’est dangereux et contreproductif pour l’emploi français.

M. Jean Launay. Personne n’y croit !

M. Éric Woerth. En ce qui concerne l’investissement, votre politique est dirigée contre les grandes entreprises. C’est un choix. Les ménages aisés, les grandes entreprises sont pour vous des adversaires. Pourtant, la France peut s’enorgueillir d’avoir un nombre considérable de grandes entreprises, qui tirent l’économie française vers le haut.

La capitalisation boursière des grandes entreprises françaises est de 30 à 40 % inférieure à ce qu’elle était en 2007. Cela devrait nous interpeller. En rajouter contre les grandes entreprises, les sanctionner au plan fiscal, montrer des signes de défiance à leur endroit ne va pas dans le bon sens.

Quant aux ménages, ils seront matraqués au plan fiscal. Les plus riches doivent évidemment contribuer davantage à l’effort de solidarité que ceux qui le sont moins. Mais le rétablissement de l’ISF au niveau où vous le faites ou la taxe à 75 % sont des mesures qui conduisent certains de nos compatriotes à se poser la question de l’exil fiscal. Avec Gilles Carrez, nous avons déposé un amendement que vous avez du reste voté pour essayer d’y voir clair sur la notion d’exil fiscal. Il ne suffit pas de dénoncer le manque de patriotisme d’un exilé fiscal, il faut se demander pourquoi il est parti. Ne confondons pas les causes et les conséquences.

Que la fiscalité du travail doive se situer au même niveau que la fiscalité du capital est une drôle d’idée – certainement populaire –, mais cela revient à considérer que le capital et le travail, c’est la même chose. Or ce sont deux notions différentes et nécessaires pour la productivité de notre pays.

Le projet de loi va contre le pouvoir d’achat, je n’y reviens pas, Marie-Christine Dalloz ayant développé le sujet. La suppression des heures supplémentaires, la mesure touchant le quotient familial, le gel du barème de l’impôt sur le revenu, l’ensemble de ces mesures va contre le pouvoir d’achat et pas uniquement le pouvoir d’achat des plus aisés, comme vous le prétendez, mais de l’ensemble des Français. Les salariés qui touchaient des heures supplémentaires et ne les touchent plus s’en sont rendu compte. Vous avez considérablement sous-estimé la réalité des heures supplémentaires, qui contrebalançaient l’incidence néfaste des 35 heures sur notre économie. Vous n’avez pas mesuré à quel point elles touchaient les catégories moyennes.

Enfin, le projet de loi va contre la compétitivité dans la mesure où avec le crédit d’impôt, au lieu de donner 20 milliards tout de suite aux entreprises, vous leur rendrez 20 milliards d’euros plus tard. Curieux mécanisme. Vous donnez d’une main et reprenez de l’autre.

Vous qui n’avez que le mot « social » à la bouche, il est pour le moins curieux que le seul moment où vous ne l’employez pas, c’est quand vous refusez de l’accoler au mot TVA. Pourtant, vous rétablissez bel et bien la « TVA sociale ». Pourquoi pas ? Mais à notre sens, vous ne la rétablissez ni au bon niveau ni de la bonne manière.

Un mot sur les dépenses : en la matière, vous n’en faites pas assez en dépit d’un certain effort. Pis, en trois jours, vous avez augmenté de plus de 3 milliards d’euros la dépense publique !

M. Olivier Carré. De 4 milliards !

M. Éric Woerth. C’est beaucoup dans un laps de temps si court !

Le plan contre la pauvreté présenté par M. Ayrault s’apparente à des coups de pouce donnés à un certain nombre de minima sociaux, pour 2,5 milliards d’euros en année pleine. Quant aux contrats de génération, qui ne sont que des contrats aidés, ils représentent plus d’un milliard d’euros. Ce n’est pas une politique de l’emploi, vous le savez.

Le Gouvernement se trouve dans la situation du jardinier qui met du désherbant sur une plate-bande et qui se demande pourquoi les fleurs ne poussent pas. Vous devriez vous poser cette question !

M. Olivier Carré. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Jégo.

M. Yves Jégo. Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui appelés à réexaminer le projet de loi de finances pour l’année 2013, après son rejet par le Sénat où, force est de le constater, la majorité est totalement divisée et n’a pas voulu vous soutenir.

Nous avons largement eu l’occasion, lors de la première lecture de ce projet de loi, de vous dire et de vous redire notre opposition aux mesures que vous proposez.

Mais nous ne nous sommes pas contentés d’émettre des critiques car nous avons aussi été force de proposition, déposant pas moins de 225 amendements lors de cette première lecture. Seulement deux ont été adoptés : de mémoire de parlementaire, cela ne s’est jamais vu. Oui, nous n’avons jamais vu un Gouvernement et une majorité aussi fermés aux propositions de l’opposition. C’est un des éléments négatifs qui nous amènent à nous opposer au texte que vous nous présentez.

Nous sommes convaincus que vous faites fausse route, que ce projet de budget ne fera, hélas ! qu’enfoncer la France dans la crise. Il ne répond pas aux deux priorités pour nos compatriotes que sont d’une part la compétitivité des entreprises et l’emploi, d’autre part le pouvoir d’achat.

Au contraire, les mesures prises ne pourront que conduire à une explosion du chômage et à la récession. Tout d’abord, le Gouvernement a voulu faire le choix de la hausse des impôts plutôt que celui des économies. Vous avez dit que vous feriez 10 milliards d’euros de réduction de dépenses, soyons honnêtes : les réductions de dépenses présentées dans le projet de loi de finances ne sont en réalité qu’un freinage de la hausse des dépenses, la proportion des dépenses publiques dans le produit intérieur brut ne baissera pas en 2013 !

Cela a été confirmé par la fondation IFRAP, qui estime que « les économies annoncées sur les dépenses, de 10 milliards d’euros [...] sont tout au plus de 5,77 milliards d’euros […] ces 10 milliards sont des économies virtuelles ».

Il est donc faux de dire que l’effort de redressement prévu dans le projet de budget repose pour un tiers sur une réduction des dépenses et pour deux tiers sur une hausse des recettes : il n’y a pas de baisse significative des dépenses !

En revanche, il y a bien des augmentations d’impôts : 28 milliards d’euros pour la seule année 2013. C’est sur les hausses d’impôts que repose toute la stratégie du Gouvernement, c’est sa seule solution pour compenser son manque de courage à engager les réformes structurelles dont notre pays a besoin.

Rappelons que ce sont 13 milliards d’euros d’impôts qui ponctionneront le pouvoir d’achat des ménages et 14 milliards d’euros qui freineront la compétitivité de nos entreprises, soit l’équivalent d’une hausse de 30 % de l’impôt sur les sociétés. C’est un coup de massue considérable, qui aggrave le marasme économique, la désespérance des chefs d’entreprise et le chômage.

Pour des raisons essentiellement dogmatiques, vous avez adopté des dispositions frappant le pouvoir d’achat des Français, lequel avait déjà subi l’impact de la crise.

Au nom du groupe UDI, je souhaite revenir sur ce mauvais coup qu’a été la suppression des allégements sur les heures supplémentaires et la fin de leur défiscalisation. Vous avez, avec des effets de manche, expliqué que leur suppression allait permettre de créer des emplois.

M. Pierre-Alain Muet. Cela arrêtera d’en détruire !

M. Yves Jégo. Or nous craignons que l’effet sur l’emploi soit, malheureusement, inexistant. En revanche, l’effet sur nos compatriotes est considérable puisque 9,5 millions de ménages, soit près de 40 % des salariés, ont découvert sur leur fiche de paie au début du mois d’octobre, une diminution de revenu. Ils perdront désormais entre 450 et 500 euros par an. Si vous n’entendez pas ces familles dans l’hémicycle, vous les avez entendues dans les urnes dimanche dernier et vous les entendrez à nouveau dimanche prochain vous exprimer leur colère.

Quatre salariés sur dix qui faisaient régulièrement des heures supplémentaires étaient des ouvriers. Les fonctionnaires étaient aussi concernés, en particulier les enseignants du secondaire alors que vous avez à cœur de revaloriser la fonction d’enseignant. Au cours de l’année scolaire 2010-2011, dans l’enseignement public, 511 000 heures supplémentaires ont été effectuées par 232 000 enseignants du secondaire, c’est-à-dire, dans ce secteur, par plus d’un enseignant sur deux, qui perd ainsi du pouvoir d’achat à cause des dispositions que vous avez prises. Vous avez donc beau jeu d’expliquer que vous allez redonner ses lettres de noblesse à la profession d’enseignant. Quand on touche au portefeuille des enseignants, on ne peut pas prétendre que l’on rend la profession plus attractive !

Je veux également rappeler quelques mensonges que vous avez proférés.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Le mot est un peu fort !

M. Yves Jégo. Le Premier ministre affirmait encore récemment avec force et autorité que neuf salariés sur dix ne seraient pas touchés par les hausses d’impôt. C’est faux !

Mme Marie-Christine Dalloz. En effet !

M. Yves Jégo. C’est un mensonge dont nous trouvons la traduction dans le texte que vous présentez aujourd’hui. Il vous faut assumer vos actes auprès des Français, qui feront la différence entre ce que vous avez dit et ce que vous ne faites pas.

Nous avons également entendu que seules les grandes entreprises riches seraient mises à contribution. Mais vous démontrez malheureusement dans ce texte que c’est l’ensemble du tissu économique du pays que vous affectez. La crise de confiance qui s’est révélée ces derniers mois entre le Gouvernement et les entrepreneurs est bien la preuve que ce que nous vous disons ici, vous ne l’entendez pas. Allez donc écouter les chefs d’entreprise, les responsables de PME et de TPE de vos circonscriptions, ils vous diront que vous frappez l’ensemble de l’économie de manière à la fois aveugle et idéologique.

On nous promettait un grand choc de compétitivité de 40 milliards d’euros, à la suite du rapport Gallois. Mais vous augmentez la fiscalité qui pèse sur les entreprises et vous inventez un crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi dont les effets ne se feront sentir qu’au-delà de 2013 – 13 milliards en 2014 et 20 milliards en 2015. Malheureusement d’ici là, nous aurons des centaines de milliers de chômeurs en plus qui n’en sortiront pas et pour qui ces mesures à long terme, ces dispositifs fumeux, n’auront apporté aucune amélioration. C’est à ceux-là que nous pensons aujourd’hui.

Vous n’avez pas pris la mesure de la crise. Toute la campagne électorale que vous avez menée, mesdames, messieurs de l’ancienne opposition, a tendu à nier cette crise : c’étaient Nicolas Sarkozy et le précédent gouvernement qui étaient responsables de tout, la conjoncture n’y était pour rien, tout était politique. Patatras ! quelques mois après votre arrivée au pouvoir, la conjoncture vous explose au visage parce c’est une réalité. Vous ne pouvez que tirer des conclusions qui vous enfoncent encore dans le mensonge et dans la faute politique.

Souvenons-nous tout de même de certaines de vos déclarations, souvenons-nous des propos du Premier ministre. Du haut de cette tribune, il déclarait : « nous n’avons pas l’intention d’augmenter la TVA parce que c’est une mesure injuste » ; du haut de cette même tribune, vous avez augmenté la TVA. Qui plus est, vous avez fait le pire choix possible en visant le taux intermédiaire, celui qui frappe les activités de main d’œuvre comme la restauration et les travaux dans les logements : ces activités non délocalisables, ces secteurs moteurs de la croissance de notre pays vont s’effondrer. Il faut dire que nous avions commencé en portant le taux intermédiaire de 5,5 % à 7 % mais en le portant à 10 %, vous aboutissez à une augmentation de 100 % en dix-huit mois. Les secteurs du bâtiment et de la restauration ne s’en remettront pas. Écoutez ce que vous disent aujourd’hui les chefs d’entreprise.

Chaque mesure que vous prenez est un nouveau coup de canif dans le pouvoir d’achat des classes moyennes et dans la capacité d’investissement et de développement de nos entreprises. Contrairement à ce que vous dites, rien n’est fait pour faire des économies réelles sur le budget de notre pays ou pour redonner du souffle à la compétitivité.

Vous vous gargarisez des emplois jeunes nouvelle formule ou des contrats de génération. Pourquoi pas ? Nous avons pour notre part au groupe UDI voté en faveur de ce dispositif, en sachant bien toutefois qu’il s’agit non pas d’un médicament mais d’un pansement qui n’apportera malheureusement aucune solution de fond à la crise économique.

Mme Luce Pane. C’est faux !

M. Yves Jégo. Ce n’est pas en multipliant les pansements que l’on fait en sorte de changer la donne de la conjoncture de notre pays. Certes, ce n’est pas vous qui en êtes à l’origine, mesdames, messieurs de la majorité, mais par les dispositions que vous nous proposez, vous allez l’aggraver.

Voilà les raisons pour lesquelles le groupe UDI a fait le choix de refuser le projet tel qu’il nous est proposé. La compétitivité, l’emploi, le pouvoir d’achat des familles restent au cœur de nos préoccupations car ce sont les préoccupations premières des Français mais, manifestement, ce ne sont pas les vôtres. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et Rassemblement-UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc engagés dans une nouvelle lecture de la loi de finances 2013. Dans un premier temps, il me semble important de vous faire partager l’état d’esprit dans lequel nous l’abordons.

Nous considérons qu’il ne s’agit pas ici de se lancer dans une avalanche d’amendements. Nous avons déjà longuement débattu de ce texte et des améliorations qu’il est possible de lui apporter. En revanche, cette discussion peut être l’occasion d’apporter des précisions, de trouver une issue à des problèmes non résolus – nous nous félicitons ainsi de la reprise partielle de l’amendement déposé par le groupe écologiste portant sur la remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement sur la situation du Crédit immobilier de France – ou encore d’étudier attentivement les amendements adoptés par nos collègues du Sénat qui ont préparé consciencieusement cette loi de finances. Nous serons donc très attentifs à ceux de leurs amendements qui sont susceptibles d’améliorer encore la justice fiscale et d’engager la transition écologique de notre économie.

En première lecture, nous avons adopté un projet qui s’inscrit dans le redressement des comptes publics et la recherche d’une plus grande justice fiscale. De ce point de vue, les analyses du groupe écologiste sont les mêmes que celle du parti socialiste et du Gouvernement.

En revanche, la fiscalité écologique tarde à émerger. Nous n’attendions pas le grand soir écologique ni même l’avènement d’une taxe carbone qui nécessite un travail de préparation – à condition toutefois qu’elle ne soit pas repoussée aux confins de la législature. Mais au moins convenait-il ne pas donner des signaux contraires comme la baisse de la fiscalité sur le prix des carburants. Au moins aurait-il fallu réduire les niches fiscales anti-écologiques sur le kérosène, sur le diesel, ne serait-ce que pour des raisons de réalisme et de compétitivité de notre industrie automobile.

Les Français attendent de nous des signes clairs pour orienter leurs choix de vie et de consommation.

Nous avons considéré ensemble l’urgence de la dette et de la justice sociale, pas celle de la mutation économique et de la transition énergétique. La loi sur la Banque publique d’investissement a semblé rectifier le tir, mais le crédit d’impôt compétitivité emploi ne l’a pas confirmé. Bref, nous devons afficher plus de cohérence.

Le Gouvernement a placé cette loi de finances sous le signe de la responsabilité et de la solidarité.

Il a fait preuve de responsabilité en amorçant un redressement historique des comptes publics et en réduisant les dépenses de l’État de dix milliards d’euros, soit 3 % du budget, un effort que jamais aucun gouvernement n’avait consenti auparavant.

Nous n’en tirons pas une fierté particulière mais cet effort est une nécessité car la dette constitue un véritable fléau qui entrave l’action politique et conduit à la diète budgétaire et à l’austérité. Elle condamne les plus modestes à le rester pendant que les détenteurs de la dette voient grossir leurs plus-values.

La maîtrise de la dépense est également une nécessité mais nous ne devons pas céder à l’obsession de certains, fortement représentés à la droite de cette assemblée, qui souhaitent encore et toujours réduire la contribution au pot commun au détriment de l’action publique, de la préservation de nos biens communs et de la solidarité.

Mme Luce Pane. Très bien !

M. Éric Alauzet. Attention à ne pas dériver vers un excès de réduction de la dépense publique par ce mouvement de balancier bien connu qui fait passer d’un extrême à l’autre.

Mme Luce Pane. Très juste !

M. Éric Alauzet. Heureusement, le débat européen et les prises de position plus nombreuses qui suggèrent un effacement d’une partie des intérêts, voire du capital, de la dette apportent quelques lueurs d’espoir. C’est la seule voie réaliste qui nous protégera tant des excès de la fiscalité que de la baisse sans limite de la dépense publique. Sachons utiliser ces trois leviers.

Par ailleurs, en réaffirmant la solidarité comme valeur première de notre politique, nous mettons fin à dix ans de politique de stigmatisation et de culpabilisation des plus modestes dont les abus n’ont rien de comparable avec ceux qui sont commis en haut de la hiérarchie sociale. C’est d’ailleurs l’un des objets du récent projet de loi de finances rectificative que de réduire ces abus en col blancs.

Il était temps que les politiques s’engagent, avec volonté et fermeté, dans la lutte contre l’exclusion. Personne ne peut plus ignorer la réalité. La France compte 8,5 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté – je ne sais pas si chacun de nous peut imaginer ce qu’est vivre avec moins de 964 euros par mois –, 3 millions de personnes mal-logées dont 700 000 personnes sans domicile, 2 millions de travailleurs pauvres.

Ainsi, il était plus que temps de prendre des mesures de justice fiscale : création d’une nouvelle tranche de l’impôt sur le revenu à 45 %, contribution exceptionnelle des hauts revenus à hauteur de 75 % que nous pourrons transformer en tranche marginale au-delà de 45 %, abaissement du plafond du quotient familial à 2 000 euros, alignement de la fiscalité du capital sur celle du travail, encadrement strict des niches fiscales, plafonnées à 10 000 euros. Sur ce dernier point, je pense que ceux des ménages modestes qui font appel à des gardes d’enfants ont fait leurs calculs : ils se situent largement en dessous de ce seuil car ils ne font pas partie de celles et ceux qui cumulent les dépenses susceptibles d’ouvrir droit aux crédits d’impôts et aux réductions fiscales.

Nous voyons bien que toutes ces mesures pèsent essentiellement sur les plus favorisés de notre société. Sans doute les classes moyennes contribuent-elles un peu à l’impôt mais il faut détourner nos concitoyens du piège tendu par la droite qui se plaît à agiter le chiffon rouge des classes moyennes. Il faut leur expliquer qu’avec le peu d’impôts qu’ils paient, ils activent le levier pour que d’autres – dont je fais partie – paient un peu plus d’impôts.

Cette volonté politique s’est incarnée ces derniers jours dans la tenue de la conférence nationale contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale avec l’annonce d’un plan quinquennal de lutte contre la pauvreté.

Cette volonté s’incarne également dans l’obsession de la création d’emplois que partagent le Gouvernement et la majorité. J’ai entendu des représentants de l’opposition s’exprimer ces jours-ci sur la création des contrats de génération et ressortir leur sempiternel refrain « ce ne sont pas de vrais emplois » sous prétexte que, comme les emplois d’avenir, ils sont financés par l’argent public. Mais l’argent public consacré au financement du crédit d’impôt compétitivité emploi ne semble pas les émouvoir plus que cela. Pourtant, il faudra sortir 20 milliards d’euros d’argent public pour créer les 300 000 emplois financés par le crédit d’impôt, contre 4 milliards d’euros pour le même nombre d’emplois créés dans le cadre du dispositif des emplois d’avenir et des contrats de génération. Cela ne vous trouble-t-il pas, mesdames et messieurs de l’opposition ?

Le soutien à la création et au développement des TPE et PME mais aussi aux entreprises en mutation représente pour nous, écologistes, le visage d’une nouvelle politique industrielle qui s’adapte aux impératifs du XXIsiècle et qui annonce l’économie de demain : une économie ancrée dans les territoires, économe en énergie, riche en emplois non délocalisables et donc compétitive.

C’est pourquoi nous retenons notre souffle au moment de lancer le crédit d’impôt compétitivité emploi. Sera-t-il l’outil de la situation en l’absence de conditionnalité et de ciblage sur les TPE et PME ?

Il nous restera à vérifier l’efficience de ce crédit d’impôt à l’issue de sa première année de fonctionnement, notamment à évaluer les mutations écologiques et les créations d’emplois qui lui seront liées. Si les résultats ne sont pas au rendez-vous, il ne faudra pas hésiter à le réorienter, j’espère que c’est une évidence pour chacun d’entre nous ici.

Concernant le financement de ce dispositif, nous avons été sensibles, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, à votre engagement de retravailler sur l’application des nouveaux taux de TVA au début de l’année 2013.

Cette réflexion peut nous donner l’occasion d’accélérer et d’amplifier la mise en place de la fiscalité écologique. C’est une occasion d’éviter de pénaliser les secteurs de la conversion écologique qui relèvent aujourd’hui de la TVA à 7 %. Je pense au logement en tout premier lieu : trois points de TVA supplémentaires pour le logement public, c’est 500 000 à 600 000 euros de dépenses supplémentaires, soit l’équivalent de la recette issue des quotas de carbone qui est destinée à atteindre l’objectif de 150 000 logements neufs par an. Je pense aussi aux énergies renouvelables comme le bois-énergie, l’eau, l’assainissement ou les déchets.

On ne doit plus se priver de nouvelles recettes bénéfiques pour la modernisation de notre économie, justes au plan social et favorables à l’environnement.

La fiscalité écologique permettra d’amorcer la transition écologique et économique dans laquelle la France doit s’engager. On ne peut plus parier à l’infini sur une croissance qui ne reviendra plus, en tout cas plus dans les termes du siècle passé. On ne peut plus continuer à soutenir un modèle reposant sur la consommation infinie d’énergies fossiles existant en quantité limitée. On ne peut plus ignorer que les emplois de demain seront créés grâce à la conversion écologique de notre économie.

Nous pouvons, dès les prochains projets de loi de finances rectificative, mobiliser des recettes qui préfigurent cette évolution en profondeur en amorçant la résorption des niches fiscales anti-écologiques qui donnent aujourd’hui un avantage anachronique au kérosène, au diesel et aux agro-carburants de première génération, ou qui encouragent insuffisamment les économies d’énergie.

Telles sont les évolutions, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, que nous appelons de nos vœux.

Mme la présidente. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Monsieur le ministre, alors que nous arrivons au terme du marathon budgétaire commencé au début du mois d’octobre, je veux d’abord, sur un plan personnel, saluer votre compétence, votre efficacité et votre pugnacité. L’action d’un ministre du budget est toujours difficile tout au long des étapes du parcours budgétaire. Lors conférences budgétaires à Bercy, il doit d’abord cadrer ses collègues dits ministres dépensiers et ensuite canaliser leurs demandes puis leurs doléances, parfois fondées, parfois excessives au regard des ressources de l’État, nécessairement limitées.

Il doit ensuite, au Parlement, faire face aux amendements en rafale des députés et des sénateurs.

Nous voici donc de nouveau ensemble pour une nouvelle lecture de ce projet de loi de finances pour 2013. Il vise au nécessaire redressement des comptes publics pour mettre fin aux dérives du quinquennat précédent ; d’où un effort global de 30 milliards d’euros.

Les radicaux de gauche, fidèles au mendésisme, partagent bien sûr cette volonté, cet objectif de redressement. Toutefois, les moyens retenus pour l’atteindre appellent parfois certaines réserves.

Ainsi, l’augmentation des impôts sur les ménages – 10 milliards d’euros – et sur les entreprises – 10 milliards d’euros également – fournira les deux tiers de cet effort de redressement budgétaire, et les économies sur les dépenses publiques un tiers seulement ; bref, deux tiers de rigueur pour autrui, et un tiers pour soi-même, c’est-à-dire pour l’État.

Cette répartition inégale entre la hausse des impôts et la baisse des dépenses est-elle la plus efficace ? On peut en douter.

D’une part, en effet, le pourcentage des prélèvements obligatoires atteint déjà 44,9 % du PIB en 2012. Il atteindra, on le sait, 46,3 % l’an prochain, ce qui est un niveau évidemment très élevé. En effet, ce budget propose d’augmenter les impôts de 23,4 milliards d’euros en 2013, soit 20 milliards dans ce projet de budget et 3,4 milliards dans le PLFSS, qui comporte un cocktail de hausses variées et diffuses. L’addition est donc un peu lourde.

D’autre part, de leur côté, les dépenses publiques diminueraient certes de 10 milliards, ce qui est important ; mais même ainsi, la France devrait rester, après le Danemark, le deuxième pays de l’OCDE pour le rapport des dépenses publiques au PIB, qui s’établit aujourd’hui à 56,3 %.

Autre observation : ce qui frappe, par ailleurs, c’est la différence, voire la discordance, entre ce projet de budget 2013, examiné par l’Assemblée nationale depuis le 15 octobre, et les décisions plus récentes prises ou annoncées par l’exécutif ; discordance spécialement sur la fiscalité.

Ce projet de budget augmente les impôts sur les entreprises de 10 milliards d’euros, mais la dernière loi de finances rectificative pour 2012, votée avant-hier par notre assemblée, institue un crédit d’impôt qui allège les charges de 10 milliards pour les entreprises sous forme de créances fiscales sur l’État en 2013. Bref, à terme, une opération blanche pour le monde de l’entreprise, en tout cas considérée globalement : 10 milliards d’impôts en plus d’un côté, 10 milliards d’impôts en moins de l’autre ; une maille à l’endroit, une maille à l’envers !

Il n’est pas sûr que cette démarche, certes originale, soit absolument logique. En tout cas c’est une première : pour la première fois en effet, on appliquera la politique du stop and go, non pas successivement, mais simultanément. Manifestement, on laisse de côté le vieil adage, seulement juridique il est vrai, qui limite la révocation des donations : « donner et retenir ne vaut ».

Si on fait le bilan des mesures fiscales prises depuis six mois, on arrivera quasiment à un jeu à somme nulle pour les entreprises, entre les prélèvements instaurés depuis juin et le crédit d’impôts compétitivité emploi.

D’un côté, le collectif budgétaire de l’été 2012, avec 4,4 milliards d’euros environ en 2013 ; le présent projet de loi de finances 2013, avec 10,4 milliards d’euros, et le PLFSS 2013, avec 1,1 milliard. Le total pour les entreprises s’élèvera donc à environ 16 milliards – 15,9 milliards exactement – de prélèvements en plus l’an prochain.

De l’autre côté, le crédit d’impôt créé par le projet de loi de finances rectificative voté par l’Assemblée nationale avant-hier, se traduira lui par un allègement d’impôt de 20 milliards, jouant à plein à partir de 2015. Ce crédit d’impôt effacerait donc globalement les hausses d’impôts sur les entreprises décidées par ailleurs.

Bref, le bilan final de ces mesures concernant les entreprises, annoncées par le Gouvernement depuis six mois, sera globalement neutre avec cette opération en deux coups : un coup à la hausse qui affecte leurs comptes, un coup à la baisse qui les rétablit – donc un partout, autrement dit : zéro.

En revanche, le surcroît de taxes et d’impôts décidé pour les particuliers depuis l’été 2012 ne sera pas compensé, lui, par des baisses futures. À la différence des entreprises, les ménages vont subir une hausse globale de taxes ou d’impôts d’environ 15 milliards en 2013, selon la nomenclature de Bercy, à quoi s’ajouteront les hausses de TVA – 7 milliards en 2014 – et de fiscalité écologique – 3 milliards en 2016 – pour financer le crédit d’impôt compétitivité emploi.

Même si la fiscalité verte devrait peser davantage sur les entreprises que sur les particuliers, cela aboutira à une hausse des prélèvements d’environ 20 milliards pour les ménages.

En résumé, les entreprises sauvent la mise, mais les ménages subissent un choc fiscal de grande ampleur. On peut appeler cela une révolution copernicienne – quelqu’un l’a dit, je crois – mais on peinerait à voir dans cette révolution une réforme de gauche favorable aux ménages.

Nous voterons tout de même ce budget ; nous le ferons, parce qu’il stabilisera, voire réduira les crédits de secteurs non essentiels, et parce qu’il accordera, à juste titre, des moyens accrus aux vraies priorités comme l’éducation et la justice.

Il faudrait à l’avenir ajouter une priorité supplémentaire : la santé, avec l’égal accès de chacun aux soins, quel que soit son niveau de revenus. Le droit à la santé pour tous doit être un fondement essentiel du pacte républicain.

Le rôle de notre majorité est de bâtir une société plus juste et plus humaine, une société qui soit réellement attentive à chacune et à chacun ; bref, une société plus fraternelle.

Alors, si le changement, ce n’est pas exactement maintenant, il faut espérer qu’il interviendra demain.

Mme la présidente. La parole est à M. Gaby Charroux.

M. Gaby Charroux. Madame la présidente, monsieur le ministre, chers collègues, prenant la parole devant les acteurs de la lutte contre l’exclusion en clôture de la conférence nationale de lutte contre la pauvreté, mardi dernier, M. le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a rappelé que la pauvreté était passée de 12,9 % de la population en 2002 à 14,1 % en 2010, et probablement encore davantage en 2011 et 2012.

Nous voyons là le résultat de dix années d’une politique de droite qui n’a jamais eu d’autre objectif, sous le couvert de moderniser notre pays, que d’encourager et conforter l’emprise de la finance, au seul bénéfice des détenteurs de capitaux.

Les dégâts sont considérables : un million de chômeurs en plus ; 720 000 emplois supprimés dans l’industrie ; une dette publique qui a quasiment doublé, passant de 900 à 1 700 milliards d’euros ; 8,6 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté avec moins de 964 euros par mois, soit 300 000 de plus qu’en 2007 !

Dans le même temps, les entreprises du CAC 40 n’ont jamais autant distribué de dividendes, les richesses de quelques-uns ayant atteint des niveaux insolents.

Nous en voulons pour preuve les chiffres publiés cette semaine par le cabinet Proxinvest sur la rémunération des dirigeants des entreprises du CAC 40.

Le patron de Publicis a ainsi empoché l’année dernière, grâce au versement anticipé de ses bonus différés, 19,6 millions d’euros de rémunération. Le patron de Renault, qui tente d’arracher des accords de compétitivité dans ses usines pour baisser le coût du travail, a quant à lui vu sa rémunération croître de 38 %, à 9,7 millions d’euros ; une rémunération équivalente à celle d’un autre patron, candidat à l’exil en Belgique. Quant au patron de GDF-Suez, il a vu sa rémunération progresser plus vite encore que les prix du gaz, de plus de 44 %, à 4,8 millions d’euros. Pour la première fois en 2011, le salaire fixe moyen des dirigeants du CAC 40 a franchi le million d’euros.

Ces chiffres méritent d’être rappelés, car ces mêmes dirigeants du CAC 40 ont adressé, il y a quelques semaines, dans les colonnes d’un hebdomadaire dominical, une lettre ouverte à M. le Président de la République pour revendiquer une baisse du coût du travail d’au moins 30 milliards d’euros en deux ans, le transfert de 15 milliards d’euros de cotisations vers la TVA, et une baisse drastique de 15 milliards d’euros des dépenses publiques.

Pour ces dirigeants, qui continuent de s’enrichir sans frein, la crise n’est que le prétexte pour justifier l’injustifiable et serrer, cran après cran, la ceinture au peuple.

Nous rappelons ces éléments, parce que c’est à l’aune de l’accroissement des inégalités depuis dix ans et des difficultés grandissantes que connaît l’immense majorité de nos concitoyens depuis trois ans qu’il nous faut apprécier la pertinence des choix budgétaires. La seule question qui se pose est de savoir si ces choix sont de nature à favoriser la croissance et l’emploi et à desserrer l’étau de la contrainte exercée par les marchés financiers.

Vous avez souhaité placer ce projet de loi de finances sous le signe de la justice, afin de remettre celle-ci au cœur du système fiscal. Cette préoccupation se trouve en effet au cœur des combats politiques menés par toute la gauche depuis une décennie, au cœur des propositions que nous avons défendues ensemble, face à l’offensive continue de la droite contre l’égalité devant l’impôt, contre la dépense publique et donc les services publics, contre l’intervention et le rôle de l’État dans la vie de la nation.

Nul ne peut nier que des progrès ont été réalisés en ce sens depuis juin, en termes de progressivité de l’impôt sur le revenu, même si elle reste à nos yeux encore insuffisante.

On peut citer la remise sur pied, au moins partielle, de l’impôt de solidarité sur la fortune ; le début d’un alignement de la fiscalité des revenus du capital, de la rente, et du patrimoine sur celle des revenus du travail ; l’amorce d’une mise en question des choix d’optimisation fiscale des entreprises avec, encore très récemment, l’exemple de l’amendement visant à ajuster les conséquences de la réforme de la taxe professionnelle, à propos de la cotisation foncière des entreprises. Nous appuyons sans réserve ces orientations.

Force est cependant de constater que votre engagement en faveur de la justice fiscale et l’ambition de sortir le plus rapidement possible du profond marasme économique et social actuel se heurtent à deux contradictions.

La première de ces contradictions tient aux engagements européens de la France. Le projet de loi de finances pour 2013 est tributaire de ces engagements. Les gouvernements et les institutions européennes demeurent aujourd’hui focalisés sur la mise en œuvre des principes et règles d’austérité budgétaire, uniquement préoccupés de donner des gages sur leur discipline budgétaire à moyen terme pour tenter de conjurer la défiance des marchés.

Les mesures prévues dans le fameux « pacte de croissance » n’y suffiront sans doute pas. Elles ne sont à l’évidence pas à la hauteur des besoins, ni ne seront de nature à contrebalancer les effets récessifs des politiques de rigueur actuelles.

Nous nous voyons sans cesse renvoyés à l’austérité. Cette austérité réduit peu la dette, mais laisse en revanche en l’état la logique libérale qui prévaut en Europe, laquelle encourage le dumping social et fiscal, et handicape le développement économique.

S’il nous faut sortir de la spirale de l’endettement, cela ne peut être qu’en retrouvant le chemin de la croissance et de la création d’emplois, ce qui nous conduit tout naturellement à évoquer la question de nos entreprises.

Contrairement à une idée reçue, la situation de celles-ci ne s’est pas dégradée du fait d’un coût salarial trop élevé, mais à raison d’une multitude de facteurs, étroitement imbriqués, au premier rang desquels la financiarisation croissante qui a fait disparaître la majeure partie des entreprises – grandes et moyennes – véritablement indépendantes, la surévaluation de l’euro à partir de 2002-2003, et les difficultés accrues d’accès au crédit depuis le début de la crise.

Nous avons appuyé la création de la Banque publique d’investissement qui, en dépit de l’insuffisance des moyens dont elle dispose pour l’instant, va dans le bon sens, car ce type d’instrument peut aider à sortir des logiques financières et à remettre la finance au service de l’industrie et du développement des activités productives.

La seconde contradiction tient aux reculs du Gouvernement sur des sujets qui n’ont rien de symbolique et alimentent une certaine confusion.

Vous vous êtes engagés dans la voie de l’alignement de la fiscalité du capital sur celle du travail. Pourquoi n’êtes-vous pas allés au bout de cette réforme utile et avez-vous cédé aux revendications de ces chefs d’entreprise qui se sont eux-mêmes baptisés « pigeons », dont le principal, sinon l’unique, souci est non pas de créer des emplois ou de s’inscrire dans une démarche de long terme, mais de conserver leur entreprise le temps strictement nécessaire pour empocher de juteuses plus-values ?

Le pragmatisme et le souci légitime de tenir compte de certaines situations particulières ne doivent pas conduire, me semble-t-il, à donner des coups de volant, un jour à droite, le lendemain à gauche.

La même remarque vaut pour l’impôt sur les sociétés. Vous avez proposé, dans le cadre du présent projet de loi, une série de dispositions portant sur l’imposition des sociétés dont le produit attendu est de 8 milliards d’euros. Puis, à quelques semaines d’intervalle, vous décidez d’amputer brutalement le même impôt de 20 milliards avec la création d’un crédit d’impôt compétitivité.

Il importe aujourd’hui, à nos yeux, de renforcer la cohérence des choix en matière de politique économique et fiscale, mais surtout d’inverser la logique en cours et de mettre fin à la mise sous tutelle financière du tissu économique.

La finance doit être de nouveau au service de l’économie. C’est la raison pour laquelle nous défendons, en matière de fiscalité des entreprises, le principe de la modulation de l’imposition des entreprises et des cotisations patronales en fonction de l’usage qu’elles font de leurs bénéfices.

L’idée est là encore, à l’inverse de la politique conduite par la droite, de dissuader la rente et de favoriser l’investissement productif et la création d’emplois en pénalisant les entreprises qui distribuent massivement des dividendes à leurs actionnaires et de baisser l’impôt des entreprises qui investissent, innovent, créent de l’emploi, forment et rémunèrent correctement leurs salariés. Cette proposition fait consensus à gauche. François Hollande avait lui-même formulé le vœu d’une telle réforme en 2011. Pourquoi ne pas privilégier cette voie plutôt que de reconduire des solutions qui n’ont pas fait la preuve de leur efficacité ou de reculer sous les menaces et imprécations de la présidente du Medef ?

Le sérieux et la crédibilité de la gauche passent, selon nous, par l’affirmation d’une plus grande audace sur le terrain des réformes économiques et fiscales.

Tout au long des débats de ces dernières semaines, tant à l’Assemblée qu’au Sénat, nous avons défendu des amendements qui, il y a quelques mois encore, faisaient consensus dans les rangs de la gauche. Je pense, en particulier, aux nombreux amendements votés l’année dernière au Sénat, à l’initiative de Nicole Bricq, alors rapporteure générale de la commission des finances, qui ont été rejetés par le Gouvernement. Nous regrettons qu’à chacun ou presque de ces amendements, à toutes nos sollicitations ou même celles d’autres composantes de la gauche, concernant non seulement nos propositions en matière de fiscalité, mais aussi la situation des collectivités locales ou des administrations et services publics, vous ayez régulièrement répondu que vous étiez parvenus à un équilibre budgétaire que vous ne pouviez défaire.

Nous regrettons de ne pouvoir partager ce sentiment, car l’équilibre que vous avez trouvé confine, pensons-nous, à une forme de grand écart entre la poursuite d’une politique de gauche bienvenue et hélas ! l’obéissance aux marchés financiers.

3

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de finances pour 2013.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures cinq.)