Examen de la proposition de loi visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires

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Séance publique
Immeuble en construction | Copyright : Shutterstock

À partir de jeudi 22 juin, l'Assemblée examine en première lecture la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » au cœur des territoires (rapporteur Bastien Marchive).

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Adoptée le 16 mars 2023 par le Sénat, la proposition de loi a été déposée à l’Assemblée nationale le 17 mars. Elle a été examinée par la commission du développement durable, saisie pour avis avec délégation au fond, le 13 juin. Cela signifie que les amendements adoptés en commission du développement durable ont été déposés par le rapporteur pour avis, Lionel Causse (RE, Landes), et adoptés sans modification par la commission des affaires économiques.

   

Lionel Causse, rapporteur pour avis, a rappelé que l’objectif d’arrêt d’ici 2050 de « toute augmentation nette de la surface de terre occupée » a été inscrit dans la feuille de route de la Commission européenne en 2011. En 2018, l’objectif a été repris dans le « plan biodiversité ». Enfin, la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a porté l’objectif de « zéro artificialisation nette » (ZAN) au niveau législatif. Lionel Causse affirme qu’il s’agit de « l’une des mesures les plus ambitieuse que le pays ait connue en matière de transition écologique ».

   

De fait, le rapporteur pour avis a expliqué qu’ « en 40 ans, la surface artificialisée dans l’hexagone a presque doublé en passant de 2,9 à 5 millions d’hectares tandis que la population a progressé de moins d’un tiers sur la même période ». Bastien Marchive, rapporteur au fond, a précisé que la France est « le plus mauvais élève » de l’Europe en la matière avec une surface artificialisée moyenne par habitant de 450 m², soit 15 % de plus qu’en Allemagne, pourtant plus peuplée, et 57 % de plus qu’au Royaume-Uni qui a une population similaire à celle de notre pays. Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, a indiqué que la moitié de l’artificialisation sur les dix dernières années a été constituée par « des zones pavillonnaires à 8 logements l’hectare, c’est-à-dire avec une moyenne de 1.500 m² de jardin ».

    

Bastien Marchive et Lionel Causse ont rappelé que l’artificialisation des sols altère durablement les fonctions écologiques de ces derniers en réduisant l’accès à l’eau, en affectant le stockage du carbone, la production alimentaire et la biodiversité. Il rappelle ainsi que l’artificialisation des sols constitue dans le monde une des premières causes de perte de biodiversité.

    

L’article 194 de la loi « Climat et résilience » a prévu une mise en œuvre progressive du ZAN : une première étape consiste à réduire de moitié le rythme d’artificialisation des sols entre 2021 et 2031 par rapport à la période 2011-2021, avant d’atteindre une artificialisation nette de 0 % à l’horizon 2050.

   

Les rapporteurs reconnaissent que des préoccupations ont émergé, notamment soulevées par les élus locaux, et saluent la décision du Gouvernement d’avoir suspendu l’application des décrets afin « d’ouvrir une période de réflexion avec les élus, les associations environnementales, les agriculteurs, les promoteurs et les acteurs du monde économique ».

   

Le premier chapitre de la proposition de loi vise à favoriser le dialogue territorial et à renforcer la gouvernance décentralisée.

   

L’article 1er prolonge d’un an le délai accordé pour la modification des documents régionaux (2025) et locaux (2028), pour l’intégration des objectifs ZAN. En effet, la loi « Climat et résilience » a prévu un calendrier échelonné pour l’adaptation des documents d’urbanisme des régions et des communes et leurs groupements. Cette adaptation des documents « en cascade », appelée aussi « climatisation », est rendue nécessaire par la hiérarchie des normes en matière d’urbanisme, qui exige la compatibilité des documents de rang inférieur à ceux de rang supérieur, et par les délais qui caractérisent l’adaptation des documents d’urbanisme, qui se comptent en années. Ainsi la proposition de loi prévoit de reporter de 30 à 42 mois le délai d’adaptation des Sraddet, de 5 à 6 ans ceux des SCoT et de 6 à 7 ans les délais applicables aux PLU, PLU(i) et cartes communales.

    

En commission, les députés ont réduit de 42 à 36 mois le délai d’adaptation des Sraddet (CE14, CE212 et CE421) et ont supprimé le délai supplémentaire accordé pour l’adaptation des SCoT et des PLU(i) (CE432, CE165, CE449).

   

L’article 2 précise que les dispositions relatives à la lutte contre l’artificialisation des sols contenues dans les Sraddet et les schémas d’aménagement régional s’appliquent aux documents d’urbanisme dans un rapport de « prise en compte » et non de « compatibilité ». Il a été supprimé en commission par les députés (CE435, CE328, CE166, CE335, CE362).

    

L’article 3 vise à modifier la composition de la conférence des schémas de cohérence territoriale (SCoT), instaurée par la loi dite « Climat et résilience », afin de la transformer en une conférence régionale de gouvernance de la politique de réduction de l’artificialisation des sols, réunissant des représentants de tous les acteurs locaux, selon une représentation équilibrée des territoires.

   

En commission, les députés ont fait évoluer la composition de la conférence en y ajoutant notamment un représentant de la chambre d’agriculture, en renforçant la présence des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière d’urbanisme au sein des représentants du bloc communal, et en ajoutant à la conférence un député et un sénateur (CE469, CE473, CE474, CE475, CE476, CE477, CE478).

   

Le chapitre II vise à accompagner les projets structurants de demain.

   

L’article 4 prévoit de ne pas comptabiliser dans le ZAN les projets d’aménagement, d’infrastructures ou d’équipements d’ampleur nationale ou européenne et qui présentent un intérêt général majeur.

   

En commission, les députés ont précisé la définition des projets pris en compte (amendements identiques CE447, CE406, CE416, CE427, CE429, sous-amendés par les CE498 et CE463). Par ailleurs, les députés ont soustrait de l’enveloppe ZAN « un forfait national » de 15 000 hectares pour ces projets, le solde étant réparti entre les régions en application d’un coefficient de péréquation (amendements identiques CE445, CE415 et CE428).

   

Le chapitre III vise à mieux prendre en compte les spécificités des territoires dans la mise en œuvre du ZAN.

   

L’article 6 vise à renforcer la prise en compte des efforts passés de sobriété foncière par les collectivités. L’article est supprimé par amendement (CE486). Le Gouvernement renvoie à un projet de décret.

   

L’article 7 instaure une « surface minimale de développement communal » d’un hectare, garantie à chaque commune durant la première période décennale (2021-2031). En commission, les députés ont précisé la définition de la garantie rurale qui ne peut concerner que les communes peu denses ou très peu denses au sens de l’INSEE et qui se sont dotées ou s’engagent à se doter d’un document d’urbanisme avant le 22 août 2026 (CE436, sous-amendé par le CE491) et ont permis aux communes de mutualiser leur surface minimale de développement communal (CE257).

   

L’article 8 visait à instaurer au niveau de la région, du SCoT et de l’intercommunalité une « part réservée au développement territorial ». L’article a été supprimé en commission (CE489), le Gouvernement renvoyant cette question à un décret. De la même manière, l’article 9 qui modifiait la nomenclature des surfaces artificialisées établie par la loi Climat et résilience et créait un « périmètre de densification et de recyclage foncier » a été supprimé (amendements identiques CE440 et CE330).

   

L’article 10 vise à prendre en compte les spécificités des communes littorales soumises à l’érosion côtière, des zones de montagne et des communes ultramarines dans les documents d’urbanisme. Ainsi l’article permet de ne pas décompter dans le calcul de l’artificialisation la consommation foncière due à la relocalisation de parcelles touchées par le recul du trait de côte.

  

En commission, les députés ont permis de considérer comme désartificialisées des surfaces qui ne le seraient pas encore dans les faits dès lors qu’elles se situent dans les zones les plus exposées (0-30 ans) et qu’elles ont vocation à être renaturées dans le cadre d’un projet de recomposition spatiale du territoire littoral. Ils ont par ailleurs supprimé les dispositions relatives aux zones de montagne qui sont renvoyées à un projet de décret (CE484 et CE485).

   

Le chapitre IV prévoit les outils pour faciliter la transition vers le ZAN.

   

L’article 11 prévoyait la mise à disposition par l’État des données portant sur l’artificialisation des sols et la consommation d’espaces naturels, forestiers et agricoles. Les députés ont supprimé l’article en commission sur proposition du Gouvernement qui renvoie à un décret (CE331).

  

L’article 12 prévoit d’introduire trois nouveaux outils de maîtrise foncière au bénéfice du bloc communal : un sursis à statuer relatif aux projets artificialisants, un droit de préemption sur les espaces propices à la renaturation ou au recyclage foncier, et enfin la création d’un motif de refus d’autorisation d’urbanisme au titre de l’objectif de réduction de l’artificialisation des sols. En commission, les députés ont supprimé le droit de préemption portant sur les espaces propices à la renaturation et au recyclage foncier (CE503). Ils ont supprimé la faculté de rejeter une demande de permis de construire sur le fondement des objectifs de réduction de l’artificialisation des sols (identiques CE442 et CE337) et ont simplifié la mise en œuvre du sursis à statuer (CE443).

   

L’article 12, introduit au Sénat, prévoyait de comptabiliser, pour la période de référence 2011-2021, les projets ayant fait l’objet d’une autorisation d’urbanisme déposés ou prévus dans le programme d’opération d’aménagement d’ensemble créé avant la loi « Climat et Résilience ». L’article a été supprimé par amendement (identiques CE332, CE179, CE338 et CE335).

      

L’article 13 donne la possibilité aux communes et à l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) de prendre dès à présent en compte les actions et opérations de renaturation mises en œuvre.

     

En commission, les députés ont ouvert la prise en compte de ces opérations dans les documents de planification territoriale régionaux et dans les SCoT et pas seulement au niveau des communes et de leurs groupements (CE487).

 

L’article 14 formule une demande de rapport au Gouvernement portant sur le renforcement des outils d’ingénierie publique territoriale nécessaires à la mise en œuvre de l’objectif de zéro artificialisation nette des sols par les collectivités territoriales. En commission, les députés l'ont transformé en demande de rapport d’étape tous les cinq ans contenant des recommandations et des pistes d’évolution sur la mise en œuvre des dispositifs mobilisés par les collectivités ou leurs groupements pour l’intégration et l’atteinte de ces objectifs (CE448 sous-amendé par le CE505).

 

Enfin, les députés ont modifié le titre de la proposition de loi en « proposition de loi visant à renforcer l’accompagnement des élus locaux dans la mise en œuvre de la lutte contre l’artificialisation des sols ».