ASSEMBLÉE NATIONALE


DÉLÉGATION
À L'AMÉNAGEMENT ET AU DÉVELOPPEMENT
DURABLE DU TERRITOIRE

COMPTE RENDU N°25

Mercredi 23 mai 2001
(Séance de 16 heures 15)

Présidence de M. Philippe Duron, président

SOMMAIRE

 

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- Audition de M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement, sur les projets de schémas multimodaux de services collectifs de transport de voyageurs et de transport de marchandises.

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La délégation à l'aménagement et au développement durable du territoire a entendu M. Jean-Claude Gayssot, ministre de l'équipement, des transports et du logement, sur les projets de schémas multimodaux de services collectifs de transport de voyageurs et de transport de marchandises.

M. le Président. : La Délégation est heureuse de vous accueillir, Monsieur le Ministre, à propos des schémas multimodaux de services collectifs de transport.

Les schémas de services collectifs ont été prévus par la loi d'orientation et d'aménagement du territoire du 25 juin 1999.

Aujourd'hui, 23 mai, notre délégation est saisie par le Premier ministre sur les neuf schémas et elle doit donner un avis dans un mois au plus tard.

Nous avons déjà engagé l'examen des projets de schémas de services collectifs depuis l'automne et nommé neuf rapporteurs, dont les rapports seront annexés à l'avis de la délégation.

Les schémas représentent un exercice prospectif et novateur. Ils proposent une approche nouvelle des rapports entre les politiques de l'État et les politiques régionales. Cette approche part des besoins des territoires et de leurs habitants ; c'est un exercice dialectique de planification territoriale qui tranche avec la conception d'offre territoriale qui prévalait jusqu'alors en matière d'aménagement du territoire.

Ces schémas ouvrent l'aménagement du territoire à des champs nouveaux, qu'il s'agisse de la culture, de la santé ou du sport, ce dernier ayant été ajouté à la demande de nos collègues sénateurs.

L'approche des schémas de transport se veut radicalement novatrice. Les schémas directeurs unimodaux élaborés jusqu'à présent font désormais place à une approche plus globale, multimodale, en prenant en compte l'ensemble des besoins des Français et des territoires et en essayant de trouver des réponses quel que soit le mode de transport à la disposition des uns ou des autres.

Il nous a semblé important de vous inviter, monsieur le Ministre, pour nous éclairer sur ces schémas de transport, parce que je crois que c'est l'une des préoccupations essentielles des élus dans ce pays, et tout particulièrement des parlementaires.

Cette audition va tout d'abord vous permettre de nous expliquer la stratégie que vous avez mise en œuvre avec ces deux schémas et elle va, ensuite, permettre à nos deux rapporteurs, mais aussi aux autres membres de la délégation qui nous rejoignent, de vous questionner plus précisément sur les schémas.

Il me paraît important qu'au cours de cette audition, on prenne bien en compte la dimension de l'aménagement du territoire, puisque c'est la principale préoccupation de notre Délégation. Comment garantir une équité de service pour tous les Français sur l'ensemble du territoire ?

Il nous semble aussi important de prendre en compte les nouveaux enjeux du développement durable et, tout d'abord, bien évidemment, les conséquences des engagements internationaux de la France ; je veux parler du protocole de Kyoto et de cet engagement de ramener les émissions de gaz à effet de serre au niveau de 1990 en 2010. Serez-vous et serons-nous en mesure de faire en sorte qu'il soit respecté ?

Il nous faudra aussi - mais je pense que c'est un sujet qui vous tient à cœur - voir comment pourra se rééquilibrer l'offre de transport entre les différents modes. Aurons-nous les moyens de nos ambitions en matière de transport ferroviaire ?

Je pense qu'il faudra que nous abordions également, bien évidemment, le problème du transport aérien. Aujourd'hui, la question du troisième aéroport est au centre des préoccupations des uns et des autres. Cette question pose aussi le problème de l'équilibre, en matière d'offre de transport, entre les grandes métropoles régionales et l'Ile-de-France. C'est aussi un problème d'environnement durable pour les habitants de cette région.

Je ne veux pas anticiper sur les conclusions du débat qui s'est engagé avec la Commission nationale du débat public, qui a d'ailleurs souhaité nous associer à ses travaux, mais je pense qu'il faut nous aider à avancer dans cette réflexion qui doit nous amener à faire en sorte que la France puisse prendre en compte la montée en puissance de la demande de transport, qui est en corrélation avec la reprise économique.

Vous serez sûrement interrogé, notamment par M. Jean Espilondo, sur les problèmes du transit des transports dans notre pays, notamment sur le transport trans-massif entre, d'une part, l'Espagne et la France, et, d'autre part, l'Italie et la France. A cet égard, je vous demanderai si le changement politique en Italie n'est pas en mesure de remettre les engagements que ce pays avait pris avec vous et avec le gouvernement français en matière ferroviaire.

Enfin, je n'oublie pas que je suis un parlementaire normand. J'ai l'impression que le nord-ouest de la France est un peu le parent pauvre du secteur des infrastructures de transport telles qu'elles apparaissent au travers des documents qui nous ont été proposés.

Voilà rapidement évoquées les questions que nous nous posons. Je vous laisse la parole, mes collègues vous interrogeront ensuite plus précisément sur chacun de ces thèmes.

M. Jean-Claude Gayssot : Merci, monsieur le Président. Je tiens tout d'abord à vous dire que c'est avec plaisir que je répondrai à vos questions et à vos interrogations. C'est la première fois que vous m'invitez, et vous pouvez être assuré qu'à chaque fois que vous m'inviterez, je viendrai.

Depuis quatre ans, le gouvernement s'est efforcé, notamment dans le domaine des transports et de l'équipement d'engager une politique en rupture par rapport aux politiques précédentes. Nous avons refusé de laisser aller les choses "au fil de l'eau" et le concept de développement durable a été adopté.

A ce propos, j'insiste sur les deux termes de l'expression "développement durable". En effet, se contenter du développement conduit à un retour à un productivisme destructeur et ravageur et se contenter de l'autre thème, c'est accepter la croissance zéro. L'un et l'autre ne sont ni favorables au progrès de la civilisation, ni à la prise en compte de l'enjeu environnemental qui est absolument nécessaire ; on le constate d'ailleurs dans les pays sous développés qui manquent de moyens.

Il s'agissait de rompre avec les politiques du "tout routier", du "tout autoroutier" ou du "tout TGV", avec ces schémas de transports unimodaux, comme vous l'avez dit, monsieur le Président, et de prendre en compte l'objectif d'une croissance durable en ce qui concerne le déplacement des personnes et les échanges de produits. Nous allons en effet vers une croissance durable à cet égard, certes avec une courbe qui sera plus ou moins sinusoïdale, mais avec une tendance au progrès que le développement du Net et de l'information ne fera que renforcer, contrairement à ce que certains ont pu penser et dire à ce propos.

Il faut y ajouter la construction européenne, avec la monnaie unique, l'euro, qui interviendra demain, et la globalisation ou la mondialisation qui va encore contribuer au développement des besoins de déplacement des individus et d'échange de marchandises.

Il fallait donc transformer les choses. S'en tenir à une simple vision de programmation, comme c'est le cas pour partie avec les contrats de plan, aurait semblé insuffisant au gouvernement.

Il fallait donc ajouter à la programmation une autre vision (je n'ose pas dire "de planification" parce que c'est plus subtil et ouvert que cela) avec des critères et un contenu différents. Quels critères et quel contenu ?

Le premier critère se résume simplement. Qu'il s'agisse des personnes ou des marchandises, ce sont quasiment sur les mêmes infrastructures que se font les déplacements. C'est une idée qu'il faut absolument intégrer dans nos réflexions : ces déplacements se font sur la route ou les autoroutes, sur les sillons de chemin de fer, dans les avions, sur les bateaux, etc. qu'utilisent à la fois des voyageurs et du fret.

Il fallait absolument abandonner la vision opposant les modes entre eux, ce qui a conduit au "tout routier", au "tout autoroutier", au "tout TGV", mais, au contraire, avoir une vision plus complémentaire en se demandant comment utiliser au mieux les atouts de chacun et explorer la voie de la complémentarité.

Cela revient à se saisir à la fois de l'existant pour mieux l'optimiser et à voir, dans les réalisations nécessaires, ce qui doit permettre une meilleure utilisation des atouts de chacun. Cette stratégie nouvelle marque aussi une forte volonté de rééquilibrage entre les différents modes.

Vous avez posé des questions sur les Pyrénées. Il est évident que nous laissons les choses continuer en l'état, nous sommes absolument certains "d'aller dans le mur". Nous sommes obligés, en tant que responsables publics et nationaux, de changer cette donne.

Cela signifie que la complémentarité, la coopération, la mixité et le partage entre les modes sont des éléments absolument centraux. Il faut additionner au lieu de diviser ou de soustraire et, évidemment, appuyer plus fortement ce qui doit être alternatif, toujours dans le cadre du développement, au "tout routier" ou au "tout autoroutier" qui a trop longtemps dominé.

Cette nouvelle stratégie introduit trois modifications substantielles :

- une approche multimodale volontariste au lieu d'un empilement sectoriel de schémas, en passant de documents de programmation à des instruments de planification,

- une utilisation optimale de chaque mode et une amélioration de la qualité des services offerts,

- une recherche permanente de réduction des inégalités.

La politique des transports doit contribuer à un aménagement du territoire équilibré et harmonieux.

Pour y contribuer, nous visons trois objectifs : premièrement la valorisation des atouts de chaque mode, deuxièmement la limitation des nuisances des transports car nous souhaitons résolument réaliser les objectifs de Kyoto et tous les objectifs de limitation et de réduction des nuisances, troisièmement la suppression des gaspillages des ressources rares, sachant que les ressources rares, c'est la nature, c'est l'espace, c'est le pétrole et, en d'autres termes, la qualité de la vie.

Il ne s'agit pas de se demander ce que nous allons laisser aux générations futures mais, plutôt, de se dire que ce que nous utilisons aujourd'hui, nous l'empruntons déjà aux générations futures. Nous devons donc faire en sorte que ce que nous allons leur donner ne soit pas dégradé et permette de préserver la qualité de la vie.

Cinq choix stratégiques majeurs ont été définis.

Pour les liaisons internationales de voyageurs, les schémas visent à faciliter les relations aériennes des grandes aires métropolitaines avec les principaux pôles européens ou mondiaux.

Ils prévoient aussi le développement de services ferroviaires rapides de voyageurs reliant un réseau attractif de plates-formes aéroportuaires régionales à vocation internationale. Vous avez parlé du troisième aéroport dans le grand bassin parisien, mais, comme vous l'avez dit, il faut aussi, dans nos régions, tenir compte de ce développement. Vous en connaissez les raisons : la demande va croître dans les dix, quinze à vingt prochaines années ; je pense à l'aéroport Notre Dame des Landes et à d'autres.

Parallèlement, afin de répondre à la croissance du trafic, tout en respectant les engagements qui ont été pris pour Roissy et Orly, il faudra à mon avis réaliser cette nouvelle plate-forme.

Le principe en a été clairement posé dans le texte du schéma et par le Premier ministre lorsqu'il a présenté les projets de schémas de services, en octobre 2000. Le débat public déjà engagé contribuera à éclairer la décision du gouvernement pour choisir la localisation. A ce propos, à partir du moment où un débat public existe et où l'organisation de ce débat est prévue jusqu'à la première quinzaine d'octobre, nous ne déciderons pas en juillet, en août ou en septembre : nous en attendrons les conclusions.

Pour le transport de fret à l'échelle nationale et internationale, j'ai voulu que l'objectif du doublement du trafic de fret ferroviaire soit inscrit pour 2010, ce qui constitue évidemment une rupture complète, puisque nous étions confrontés au déclin du trafic de marchandises depuis ces dix, vingt ou trente dernières années. Cependant, j'affirme que ceux qui seront là en 2010 (et je ne sais pas si je serai là en 2010)...

M. le Président : On vous le souhaite, monsieur le Ministre.

M. Jean-Claude Gayssot : ... ne devront pas s'arrêter à cet objectif du doublement. En effet, d'ores et déjà, qu'il s'agisse des traversées alpines ou des traversées pyrénéennes, ce n'est pas du doublement qu'il doit être question : il faut une multiplication par trois ou même par quatre à l'horizon de 2010-2015, sinon cela sera intolérable, sauf à revenir à l'idée d'une croissance zéro en se contentant de ce dont on dispose.

Quant à l'échelle européenne, en tant que président du Conseil des ministres des transports européens, durant les six mois de présidence française, j'ai réussi (cela a été un rude combat et cela a entraîné beaucoup de bouleversements), dans le cadre d'une approche différenciée entre les différents pays, puisque l'approche libérale est très forte en Europe alors qu'elle n'est pas la nôtre, notamment en ce qui concerne le transport ferroviaire, à faire admettre que l'on devait créer un réseau ferré de fret européen. Dans celui-ci, chaque pays s'organise comme il l'entend mais chacun a l'obligation de garantir l'accès du transport de fret international à partir de 2003 (cela induit évidemment des travaux et des réalisations tout à fait indispensables) uniquement à des opérateurs ferroviaires et dans le cadre d'une sécurisation et d'une interopérabilité tout à fait compatibles.

Cela veut dire que tous les goulets d'étranglement qui existent dans notre pays, qui est un pays de transit, doivent être résorbés en même temps que nous avançons vers cette européanisation des transports.

Si je considère chacun des modes, j'ai envie de dire qu'il faut que nous ajoutions un sixième mode de transport, du moins pour les marchandises : celui qui résulte de la mise en synergie, tout au long de la chaîne et pour un même service, de plusieurs modes complémentaires. Il s'agit de l'intermodalité intégrée par rapport au service rendu.

La notion de ferroutage s'inscrit dans cette vision.

Je tiens à dire pour terminer que les échanges et les débats sont au cœur de la méthode retenue par le gouvernement. Nous tiendrons compte des avis riches, parfois différenciés et parfois contrastés, que nous avons reçus et que nous recevons actuellement des régions sur les schémas de services, de même que nous tiendrons compte de l'avis, bien évidemment, de la représentation nationale.

Le gouvernement aura bientôt, lorsque l'ensemble du processus de consultation sera achevé, à arrêter le texte définitif. Nous devrons faire en sorte que les compatibilités interrégionales soient effectives.

J'ajoute que des débats publics - j'ai parlé de celui concernant la troisième plate-forme aéroportuaire - vont s'engager sur des grands projets.

Ces documents d'orientation et de stratégie fixent le cap sur cet horizon de vingt ans et - c'est un élément que j'ajoute et auquel je crois - ils seront obligatoirement actualisés, parce que nous ne savons pas aujourd'hui tout ce qui va se faire ou se passer dans les vingt ou trente ans à venir. Ils seront donc actualisés au fur et à mesure que les études, les expertises et les débats publics se préciseront. Ils seront aussi traduits dans le cadre des contrats de plan qui vont se succéder : les XIIIème, les XIVème et ainsi de suite.

Nous allons donc réaliser ce travail de programmation et de planification dont j'ai parlé en commençant.

C'est donc, en quelque sorte, une grande œuvre. Il faut désormais organiser l'action publique et dégager les financements nécessaires.

Il faudra inventer des formes enrichies et nouvelles pour les réalisations, quelquefois considérables, qui sont et seront nécessaires.

M. le Président : Merci, monsieur le Ministre, pour cette présentation à la fois riche et enthousiaste de ces schémas de services collectifs et du transport en général.

Je vais tout d'abord donner la parole à nos deux rapporteurs.

M. Jean Espilondo : Monsieur le Ministre, je vous ai écouté avec intérêt. Aujourd'hui, je pense que tout le monde partage le discours que vous avez développé. En effet, j'ai fait de très nombreuses auditions, et il est vrai que, dans cette approche multimodale et intermodale, tout le monde est conscient, aujourd'hui, des enjeux formidables qui caractérisent la politique des transports, même s'il y a des arrière-pensées chez les uns et les autres. Evidemment, pour les diverses corporations qui vivent des transports, les enjeux financiers sont extrêmement importants.

Je ne reviendrai donc pas sur votre discours, que je partage, mais sur la dernière partie, lorsque vous avez abordé les modes de financement. Chacun a conscience des enjeux, mais aujourd'hui, comment va-t-on faire ? La France, comme vous le dites, est un pays de transit et on se rend compte de la difficulté de la situation. Quand on considère les prix exorbitants que peut atteindre le fameux tunnel Lyon-Turin et quand on sait ce que coûte un kilomètre d'autoroute et un kilomètre de voies ferrées et à quels enjeux nous sommes confrontés, on s'aperçoit que ces difficultés extrêmement importantes ne pourront être résolues, à mon avis, qu'au niveau européen, car c'est une question qui engage tout le monde, la France étant particulièrement placée au centre d'un lieu de passage venant de l'ouest, du nord, du sud et de l'est.

La question est donc de savoir tout d'abord quelles mesures la France peut proposer à ses partenaires européens. On a parlé du lancement d'un grand emprunt européen qui pourrait répondre à ces objectifs...

M. Jean-Claude Gayssot : On en parle moins qu'à un moment donné.

M. Jean Espilondo : Certes, mais c'est une question qui se pose. De même, des efforts ont été faits de manière importante pour les pays périphériques. En ce qui me concerne, ma circonscription a une frontière avec l'Espagne et je sais que grâce aux fonds européens, ce pays a mis son réseau routier au niveau du réseau européen. L'Espagne a d'ailleurs aujourd'hui un réseau routier extrêmement important.

On peut donc s'imaginer que cet effort soit fait en faveur de pays centraux, comme la France ou d'autres, qui doivent supporter le fret. A cet égard, on annonce la sortie d'un livre blanc européen mais elle est toujours différée. Il faudrait donc savoir où on en est à ce sujet.

Il convient aussi de se demander si ce schéma est assez volontariste en ce qui concerne le fret ferroviaire. L'objectif affiché permettra-t-il un rééquilibrage entre la route et le fer ? Si je prends simplement l'exemple de ma région, je sais que ce n'est pas possible aujourd'hui, au moins pour cette région, parce que le développement des échanges avec l'Espagne, le Portugal et le Maghreb est extrêmement important à l'heure actuelle.

On sait aussi que ce schéma n'est pas un document de programmation, mais on en revient toujours à ce problème des coûts considérables. Peut-on dégager, au travers de ce schéma, un certain nombre de priorités pour les années à venir avec une estimation des coûts ? Il faut peut-être aller plus loin que l'évocation large des problèmes qui se posent et afficher certaines priorités.

La question du transport routier est également importante. Elle est liée à l'internationalisation des coûts et à leur prise en compte par les transporteurs routiers eux-mêmes.

Il reste la question du franchissement des Pyrénées. On se trouve là face à une situation particulièrement difficile et quasiment dramatique, puisque les échanges économiques avec la péninsule ibérique sont en pleine explosion. Il faut dire aussi qu'il existait jusqu'à aujourd'hui des voies de communication correspondant à un pays qui était quasiment sous-développé il y a vingt ou trente ans et que, depuis l'ouverture de l'Espagne à l'Europe, nous sommes confrontés à des enjeux très importants à cet égard. A ce sujet, un rapport a été fait par un fonctionnaire de votre ministère...

M. Jean-Claude Gayssot : A ma demande.

M. Jean Espilondo : ... à votre demande, en effet : le rapport Becker. De nombreuses personnes m'interrogent sur ce rapport.

Voilà les questions que je voulais vous poser rapidement et qui sont à mon avis essentielles.

M. Yves Coussain : Monsieur le Ministre, il est dit, dans ce schéma, que la réalisation des investissements se fera au rythme des capacités des collectivités locales à suivre. Puisque nous sommes ici, à la Délégation à l'aménagement du territoire, la question se pose de savoir si ce principe même ne va pas creuser les écarts entre les collectivités qui ont le plus de moyens de financement et les autres. Autrement dit, on se demande si ce schéma ne va pas encore plus enclaver les régions qui sont déjà défavorisées.

Cela entraîne ma deuxième question. Dans ce schéma, il est très peu question des territoires les plus isolés. Or nous sommes dans un schéma de services collectifs qui a pour but de répondre à des besoins. Par conséquent, ce simple principe n'aura-t-il pas l'effet pervers, lui aussi, de ne pas prendre en compte les territoires les moins peuplés et les plus enclavés et de réaliser des investissements dans les zones les plus peuplées ? C'est un député du monde rural qui vous pose la question.

En ce qui concerne les transports ferroviaires, on s'est rendu compte que la régionalisation avait eu des effets très positifs, puisque les régions qui avaient bien voulu expérimenter ce principe ont connu une progression assez forte du transport ferroviaire, mais on s'aperçoit que la régionalisation crée des "trous" entre les régions. Ne serait-il pas du rôle de l'État, qui doit assurer la cohérence des services de voyageurs comme des services de marchandises, de boucher ces trous, en quelque sorte ?

J'ai un exemple dans ma région : entre la région Auvergne et la région Midi-Pyrénées, il reste 40 ou 50 kilomètres qui ne sont jamais pris en compte parce qu'ils ne concernent ni l'une, ni l'autre région, alors qu'une ligne telle que Clermont-Toulouse serait parfaitement rentable.

Ma question suivante concerne le Fonds d'intervention pour les aéroports et le transport aérien (FIATA), dont l'utilité risque de devenir encore plus grande puisqu'on se rend compte que beaucoup de lignes risquent d'être abandonnées. Dans la loi du 4 février 1995, le FIATA avait beaucoup d'ambitions ; il devait recevoir des fonds relativement importants. Or on s'aperçoit qu'il n'a plus l'ambition de développer les lignes déficitaires.

Pour financer des lignes aériennes qui sont déficitaires et qui concernent des régions ou des bassins eux-mêmes très mal desservis, aussi bien par le fer que par la route (on se rend compte que, finalement, le mode aérien est le meilleur moyen pour les désenclaver), envisagez-vous un retour aux ambitions premières afin que, dans ces régions ou ces bassins, non seulement les lignes continuent à fonctionner, mais qu'elles soient à des prix abordables pour l'ensemble de la population ?

J'ai encore une autre question qui concerne le transport aérien. Dans ce schéma, il est très peu question du troisième aéroport ou de la troisième plate-forme, mais peut-être est-ce un sujet trop épineux.

M. Jean-Claude Gayssot : Il en est tout à fait question.

M. Yves Coussain : C'est un sujet peu évoqué. Il y a quelques allusions, mais il en est peu question.

M. Jean-Claude Gayssot : Il y a un débat public.

M. Yves Coussain : Quoi qu'il en soit, on ne peut envisager ce troisième aéroport qu'à l'horizon 2015. Or, à Roissy, il existe une quatrième piste, qui n'est pas encore utilisée et qui exige un quatrième point d'entrée par le sud-ouest, ce qui décongestionnerait beaucoup le trafic parisien et permettrait d'atténuer nettement les retards dus à l'engorgement, ces derniers concernant à peu près 1 % des vols d'air France. Qu'en est-il de l'ouverture de cette quatrième piste et de ce quatrième point d'entrée sur Roissy en attendant cette hypothétique troisième plate-forme ?

Enfin, je vous poserai une question qui rejoint celle de M. Jean Espilondo : celle qui porte sur le coût des transports. Il est évident qu'on ne paie pas complètement le coût des transports. C'est le fameux exemple des crevettes qui sont pêchées au Danemark, que l'on va décortiquer au Portugal et que l'on ramène au Danemark tout simplement parce que les transports ne sont sans doute pas assez chers, notamment par rapport aux différences de coût de la main-d'_uvre.

La réflexion est-elle véritablement engagée pour "internaliser" - pour employer ce mot un peu barbare - les coûts de transport et les faire payer à leur prix réel et quelles mesures pourraient-elles être proposées à ce sujet ?

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont : Monsieur le Ministre, le schéma de service collectif des transports est l'un des trois qui suscitent le plus de questions, voire d'interrogations et même d'inquiétudes. C'est l'un de ceux sur lesquels nous nous retrouvons à discuter, même dans les couloirs.

Dans un premier temps, monsieur le Ministre, je voudrais saluer, bien sûr, la volonté du gouvernement et votre volonté, largement affirmée, de cesser d'opposer les différents modes de transport, comme cela a été trop longtemps le cas, et de les poser en termes de complémentarité.

Je souscris tout à fait à votre choix et à votre volonté de remettre le transport de fret ferroviaire à sa juste place. Vous avez parlé de doublement et je pense que c'est un objectif ambitieux mais nécessaire.

Pour autant, monsieur le Ministre, un certain nombre de questions subsistent. Nous savons bien que les schémas de services collectifs sont un exercice prospectif, c'est-à-dire qu'ils n'ont pas de valeur programmative, et que cela peut donc expliquer un certain flou ou un certain vague. Toutefois, ce flou et ce vague, dans certains domaines, singulièrement dans le domaine des transports, ne manquent pas de m'inquiéter.

Vous disiez de façon très pertinente que, si on continuait à laisser aller les choses comme elles vont, nous allions "droit dans le mur". C'est particulièrement vrai en matière de transports ferroviaires et, surtout, de transports routiers.

M. le Président Duron, disait tout à l'heure que certaines régions -il citait la sienne, le nord-ouest- avaient un peu le sentiment d'être les parents pauvres en termes de désenclavement. Je dirai que le Limousin a aussi ce sentiment et que c'est également le cas d'autres régions. Parallèlement, nous constatons que, dans ce schéma de services collectifs, on prend acte des situations mais on ne se donne pas réellement les moyens d'inverser la tendance, même si on affirme vouloir le faire.

Il y a quinze jours, dans cette même Délégation, nous auditionnions le président de l'Association des régions de France, M. le Président Raffarin, qui disait que les régions n'étaient pas hostiles à s'impliquer, en partenariat avec l'État, sur certaines routes nationales qui seraient à définir, en acceptant par exemple la délégation de maîtrise d'ouvrage pour accélérer les travaux.

Face à une telle volonté d'implication des collectivités territoriales, il faut que l'effort de l'État soit conséquent. En effet, comme le disait mon collègue, les capacités contributives de chaque région ne sont pas les mêmes.

Je suis favorable à ce que les collectivités territoriales s'engagent sur les routes nationales alors qu'elles ne le faisaient pas, mais je dis qu'il faut que l'effort de l'État soit à la mesure de cette révolution culturelle que sont en train de faire les collectivités territoriales en la matière. Le président Raffarin citait certains axes comme Nantes-Méditerranée (Nantes-Cholet-Poitiers-Bellac-Limoges) en disant que sa région était prête à s'impliquer. Je pense que c'est une volonté extrêmement importante.

Le problème ne consiste pas à multiplier les axes nord-sud ; le problème n'est pas celui de la vallée du Rhône. Le problème, ce sont les régions qui ont un retard structurel de désenclavement et pour lesquelles on ne peut pas se contenter d'analyses prospectives à vingt ans. Le temps presse et le temps perdu ne se rattrape pas dans ce domaine.

Vous disiez tout à l'heure de façon pertinente, monsieur le Ministre, que l'optimisme que l'on pouvait avoir en termes de croissance économique faisait que les échanges matériels, les échanges de produits et les échanges de personnes allaient continuer à s'accélérer. Or le seul moyen de faire transiter certains produits matériels et certaines personnes, c'est encore la route et le rail. On a donc besoin de bitume et de lignes.

Je sais bien que, pour être très contemporain et dans l'air du temps, il est bon de conseiller aux collectivités territoriales de s'impliquer fortement dans le haut débit. Je constate que le haut débit est une chose très évolutive et que c'est peut-être un domaine dans lequel il convient de se hâter lentement. Je lisais hier qu'à Seattle, sur la côte nord-ouest des États-Unis, on imaginait déjà un haut débit sans fil, gratuit et accessible à tous à partir d'un petit ordinateur de poche. C'est pourquoi je me dis que s'il existe des domaines dans lesquels les évolutions vont très vite et pour lesquels il ne vaut peut-être pas la peine de précipiter les collectivités, il y en a d'autres pour lesquels les besoins sont pérennes - c'est vrai en termes de désenclavement - et pour lesquels il convient de faire un effort.

Aussi, monsieur le Ministre, je voudrais vraiment vous exhorter à nous offrir des perspectives à très court terme. En termes de désenclavement routier ou ferroviaire, des régions comme la mienne ne peuvent pas attendre vingt ans ou même dix ans. C'est pourquoi les renégociations des contrats de plan à mi-parcours doivent impérativement apporter des réponses. Les schémas de services collectifs, s'ils ont le mérite d'offrir des perspectives à long terme, ne répondent pas à ces questions qui, monsieur le Ministre, ne peuvent pas attendre.

M. Jean-Claude Daniel : Je ne poserai une question ni régionale, ni locale. Je me contenterai, puisque c'est une vision à dix ou vingt ans, de rêver, si cela nous est permis, ou plutôt d'espérer des transformations qui doivent être lourdes.

Nous avons eu le sentiment que, pour le fret - je ne parlerai que du fret -, on opposait le rail à la route alors que, comme vous venez de le rappeler, les deux moyens majeurs de transport sont largement complémentaires plus qu'opposables. C'est un vrai problème pour l'avenir, parce qu'on constate déjà actuellement une saturation du transport par camion sur la majorité des autoroutes alors que le développement du fret nous conduit à penser qu'il faudra doubler la capacité du rail, voire beaucoup plus.

Cela veut dire que l'on doit se poser forcément, pour le fret, des questions portant sur la fiabilité, la rapidité et la massification. Là aussi, c'est du haut débit, finalement, non pas du tout au sens où l'entendait tout à l'heure notre collègue, mais en ce sens que le transport du fret nécessite un haut débit : il va falloir faire vite, fort et bien, sachant qu'il se pose aussi des questions de sécurité.

La question que je pose concerne donc les lignes dédiées. Que ce soit par chemin de fer ou par route, doit-on, à vingt ans, s'organiser pour qu'il y ait des lignes de transport de fret dédiées ? Cela pose toute la question du transport de voyageurs par TGV. Faut-il ne s'occuper que du transport de voyageurs à grande vitesse ou faudra-t-il profiter du "tuyau" pour envisager du transport dédié pour le fret par rail ? De la même manière, faut-il transformer les "tuyaux" autoroutiers existants pour qu'il existe du transport dédié par route ?

Actuellement, le facteur de danger est maximal. En particulier, la fréquentation de l'autoroute pour les camions et les voitures, dans le cadre de saturation qui est en train de se produire, va nous entraîner, d'une part, vers un manque de fiabilité et un manque de rapidité et vers un danger maximal. De quelle manière va-t-on répondre à cela ?

Evidemment, si on veut que rail et route se développent harmonieusement et en complémentarité, il nous reste à fixer, au-delà des noeuds principaux du maillage, de quelle manière on s'occupe des n_uds secondaires, si j'ose dire, pour que le passage d'un mode à l'autre soit commode.

Enfin, si on veut des "tuyaux" dédiés, il va bien falloir voir de quels moyens on doit disposer pour le faire, c'est-à-dire déterminer qui paie, quelle est la charge qui revient à l'utilisateur, quelle est la charge qui revient à l'État ou aux collectivités, de quelle manière, en quelque sorte, on peut faire un effort équitable, et de quelle manière - j'en reviens aux schémas - les régions peuvent être sûres que ce n'est pas la somme des désirs des régions, qui pourra être, dans certains cas, peu cohérente, voire peu complémentaire, mais, au contraire, l'effort bien intégré des collectivités et de l'État dans une volonté commune de résoudre le problème des transports à l'échelle nationale, mais surtout à l'échelle de l'Europe, évidemment.

Il ne s'agit pas seulement de traverser les Pyrénées ou les Alpes. Il faut aussi traverser la France mais aussi, et surtout, s'y arrêter.

M. Henri Nayrou : Je vais faire comme mes collègues, c'est-à-dire parler de ce que je connais le mieux : ma région, et je précise tout de suite que je suis tout à fait d'accord avec ce qu'a dit Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont sur le ferroutage et les traversées transversales. Je vais parler de quatre éléments rapidement.

Le premier, c'est que l'effort de l'État sur les réseaux d'intérêt régional paraît quelque peu anachronique, puisque nous sommes là victimes d'un déclassement qui a été opéré il y a une vingtaine d'années, et que l'État pourrait demander à l'Europe de faire un effort dans le cadre d'INTERREG sur la voie Hendaye-Cerbère qui longe les Pyrénées et qui se trouve défavorisée du fait du déclassement de l'ancienne RN 117.

Je voudrais parler aussi de l'axe Lyon-Lisbonne ou Lyon-Madrid avec un passage tout près de votre pays, monsieur le Ministre, et le franchissement des Pyrénées.

Enfin, j'évoquerai le deuxième aéroport de Toulouse ainsi qu'une autre question concomitante : l'arrivée du TGV à Toulouse. Plus que nos longs discours, une vue aérienne de la France parlerait encore mieux.

Je ne vous parlerai pas de l'autoroute qui mènerait éventuellement du stade de la Méditerranée, à Béziers, jusqu'au stade de France... (Rires.)

M. le Président : Je vous demanderai simplement, monsieur le Ministre, dans le cadre de ces préoccupations régionales, ce que vous pensez des voies de communication transversales, notamment une voie qui est très importante pour la région à laquelle j'appartiens : l'A 88, c'est-à-dire la liaison méridienne entre l'Angleterre et l'Espagne qui passe par Caen, Le Mans et Tours. L'un des segments entre Falaise et Sées est en voie d'études et des difficultés peuvent se produire avec un certain nombre de riverains. A-t-on des chances de voir ce dossier déboucher dans les mois qui viennent ?

M. Jean-Claude Gayssot : Evidemment, toutes les questions et les problématiques que vous soulevez sont pertinentes, et nous sommes placés, aujourd'hui, devant l'obligation de changer la donne car la France est un pays de transit - vous l'avez dit. Nous ne construirons l'Europe des transports que si nous intégrons les problématiques qui se posent aux pays de transit, dont la France, puisque nous ne sommes pas les seuls, mais aussi aux pays périphériques de l'Europe. C'est dans la recherche du compromis que nous y parviendrons puisque ces derniers ont, eux, des problèmes particuliers liés à la distance alors que nous avons, nous, des problèmes particuliers liés à la traversée.

Vous avez cité l'exemple de l'Espagne et de la traversée pyrénéenne. Aujourd'hui, grosso modo, 15 000 poids lourds traversent les Pyrénées chaque jour, dont 7 000 ont vocation à livrer en France et 7 000 à 8 000 ont vocation à traverser la France pour aller livrer ailleurs. A partir de cet exemple pyrénéen, on prend conscience du transit, sachant que la moitié des marchandises est livrée chez nous.

Entre parenthèses, puisque j'en suis à l'Espagne et à la traversée des Pyrénées, je précise qu'aujourd'hui les échanges portent sur 120,6 millions de tonnes. En ce qui concerne les seuls transports terrestres, 67,4 millions de tonnes de marchandises traversent chaque année les Pyrénées dont plus de 90 % par la route (63 millions de tonnes), contre seulement 4,5 millions de tonnes par le fer.

Je dis tout de suite, parce que vous ne l'avez pas cité, qu'à mon avis, pour réaliser une nouvelle complémentarité et d'une nouvelle fluidité qui intègre à la fois les problèmes environnementaux et les problèmes de sécurité que M. Jean-Claude Daniel a soulevés également, on a intérêt à intégrer la dimension du cabotage maritime. Pour éviter la traversée des Pyrénées, à l'heure actuelle, 53 millions de tonnes transitent d'ores et déjà par le cabotage, mais la part de ce trafic est en réduction constante depuis 15 ans, nous devons au contraire le soutenir.

Dans une vision de rééquilibrage, nous avons donc intérêt à prendre en compte les trois modes de transport, que ce soit du côté de l'Atlantique ou du côté de la Méditerranée. C'est aussi l'un des enjeux du débat sur l'aménagement du territoire.

A l'horizon de quinze à vingt ans, il faut savoir que l'on doublera les échanges de marchandises à travers les Pyrénées. Comment peut-on assumer ce doublement ? Si l'on n'organise pas les lignes ferroviaires Perpignan-Figueras, Nîmes-Montpellier et Perpignan-Barcelone-Madrid et si l'on ne résorbe pas le bouchon de Bordeaux, nous n'y parviendrons pas, mais à mon avis, cela ne suffira pas : il faut voir plus grand.

Le rapport Becker m'a été remis et je suis en train de l'analyser. Je prépare, à ce propos, une réunion franco-espagnole qui aura lieu le 7 juillet. Les régions en auront des éléments et je recevrai sûrement les élus des régions. En même temps, je souhaite que le rapport Becker, qui est un rapport français puisque c'est à ma demande qu'il a été fait, soit pris en compte par la CIG, la commission intergouvernementale franco-espagnole, parce qu'on ne fera rien au sujet de la traversée si nous ne coopérons pas.

Il faut intégrer cette problématique au niveau intergouvernemental.

Demain, ce ne sont pas 4,5 millions de tonnes de marchandises qui devront passer par le rail, mais vraiment beaucoup plus, c'est-à-dire que cela ne sera pas multiplié par deux mais environ par six, si on veut réussir. Vous voyez quels sont les enjeux.

De ce fait, je réponds à une autre question qui a été posée sur le problème des lignes dédiées. Il s'agit d'un vaste problème. Comme je l'ai dit dans mon introduction, nous déplaçons les gens et les marchandises, en France, pratiquement sur les mêmes infrastructures. Je n'exclus pas la recherche sur le problème des lignes dédiées, mais je crois qu'il faut travailler en permanence, que ce soit en ce qui concerne l'infrastructure, la localisation ou même l'horaire, sur le meilleur compromis possible pour dire que, de telle heure à telle heure, la priorité est aux transports de marchandises sur le rail, (sachant que priorité ne veut pas dire exclusivité, sans quoi on ne réussira pas puisqu'on utilise les mêmes sillons) et que, pour d'autres lignes, la priorité est aux voyageurs.

Si, en région parisienne, entre 6 heures et 9 heures du matin, les marchandises circulent au moment où 11 millions de gens se déplacent, l'échec est certain. Il faut donc bien intégrer cette problématique.

Cela étant, j'ai fait évoluer le système pour l'axe Lyon-Turin et pour l'axe Perpignan-Figueras. Ce sont des lignes conçues pour la grande vitesse mais aussi pour le passage de marchandises, ce qui permet qu'elles soient utilisées de manière optimale.

Cela implique des règles particulières, puisque vous savez qu'aujourd'hui, on n'a pas la même charge à l'essieu pour le transport de voyageurs que pour le transport de marchandises. Pour le transport de marchandises, il faut prévoir 22,5 tonnes à l'essieu et moins en ce qui concerne les voyageurs, ce qui implique une infrastructure plus adaptée.

Cela pose un problème réel en ce qui concerne la gare : les gares historiques sont, en général, au centre des villes. Je pense qu'il vaut mieux, à chaque fois que c'est possible, réaliser la ligne à grande vitesse, certes, mais laisser la gare historique jouer son rôle, y compris pour les liaisons à grande vitesse, étant entendu que les TGV qui ne s'arrêtent pas dans cette localité peuvent continuer et que les trains de marchandises qui ne doivent pas encombrer la gare classique ni s'y arrêter pourraient transiter également sur la ligne nouvelle.

Le problème de la fiabilité et de la qualité du trafic marchandises est posé. En effet, pour que le chemin de fer soit compétitif par rapport à la route, il faut intégrer la qualité du service. Par conséquent, pourquoi ne pas faire transiter aussi sur la ligne nouvelle des trains de marchandises qui ne doivent pas s'arrêter à la gare ?

Cela m'amène à vous répondre au sujet de l'axe Lyon-Turin, monsieur le Président, puisque vous m'avez demandé si les élections en Italie pouvaient modifier la donne.

Je n'ai pas caché - je le dis publiquement - que j'étais un peu inquiet. Je pars de l'a priori qu'un accord d'État à État étant conclu, il ne sera pas remis en cause. Cela étant, deux commissions intergouvernementales récentes ont été reportées en raison des élections, mais cela ne me rassure pas.

Il faut que ce soit clair. Je ferai tout, dès que le nouveau premier ministre italien sera nommé, pour que les décisions soient confirmées. De toute manière, il faut que les Italiens comprennent bien que la réouverture du tunnel routier du Mont-Blanc est conditionnée par le maintien de l'engagement sur le transport ferroviaire et que je ne changerai pas à ce sujet. Ce n'est pas du chantage que je fais. Simplement, nous avons besoin de réaliser, sur la ligne historique par Modane, dès 2002, des premières avancées pour faire passer davantage de fret.

En effet, avant que le tunnel de base et la ligne Lyon-Turin soient faits, il faudra attendre grosso modo 2015, mais d'ici là, il nous faut doubler le trafic marchandises sur la ligne existante et, pour cela, il faut couper les arrondis du tunnel de la ligne existante. Or on ne peut pas arrêter le trafic, sans quoi tout est bloqué, et il faut donc le faire dans des intervalles, qui ne peuvent pas être trouvés la nuit parce que c'est la période où la circulation est la plus importante. C'est ainsi que le chantier va durer quatre ans. Cependant, dès 2002, les citernes pourront passer, y compris en utilisant le wagon spécialisé pour le ferroutage, dès lors qu'il sera homologué.

Vous avez évoqué le ferroutage et j'insiste sur ce point car c'est vraiment l'une des grandes perspectives d'avenir.

Evidemment, je veux bien croire que le Président du conseil qui a été élu oubliera rapidement les déclarations qu'il a faites dans le passé concernant l'axe Lyon-Turin qui ne lui apparaissait pas comme quelque chose de très utile, pour garantir les engagements qui ont été pris.

Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont et M. Yves Coussain ont parlé du risque d'inégalité entre les régions. C'est une question essentielle. Comment parler d'aménagement du territoire et de schémas de services si on n'intègre pas la lutte contre les inégalités ou, en tout cas, le droit de tous de profiter du développement durable ? C'est essentiel.

Dans chacune des régions que vous avez évoquées (l'Auvergne, le Limousin), des réalisations vont être entreprises dans le cadre du contrat de plan, mais il faudra y veiller, effectivement.

C'est le rôle de l'État de veiller à la cohérence de tous ces schémas de services qui viennent des régions. Il faut veiller aux intérêts de chacun.

Evidemment, on sait faire des routes : comme nous sommes plus capables d'aider à faire des routes qu'à faire des voies de chemin de fer, les projets se réalisent plus vite pour la route et nous risquons, au moment de la révision des contrats de plan que l'on pense que, puisqu'on n'a pas pu avancer sur le rail, il faut développer davantage encore la route. Il faut y être très attentif car c'est une vraie question.

En même temps, je rappelle que nous avons en perspective 120 milliards de francs de dépenses en dix ans pour les infrastructures ferroviaires, sans parler des machines et des locomotives : pour tirer les trains de marchandises, il nous faudra acheter 620 locomotives ! Il faut savoir que, même quand il n'y a pas de grèves, certains trains ne peuvent fonctionner faute de matériel pour les tirer ! Voilà la situation ! Après vingt ans de déclin où le transport de marchandises a été négligé, il faut des investissements considérables.

Si, demain, on fait un tunnel ferroviaire sous les Alpes - et on va le faire -, avec des sommes importantes (on commencera par un tube et on fera le deuxième ensuite), il faut aussi que les travaux publics puissent suivre. De même, on fait davantage de tramways et de trains. Il ne faut pas que les transporteurs ne voient leurs perspectives de progrès de leur chiffre d'affaires que grâce à la route. Heureusement, je pense qu'ils commencent à y être sensibles.

En ce qui concerne le financement, je peux vous dire d'ores et déjà qu'il ne pourra se faire que par le biais du partenariat, même pour les routes nationales. L'État ne paie plus les routes nationales tout seul ; c'est pratiquement fini.

Les autoroutes ne sont pas comprises dans les contrats de plan, mais elles sont quand même réalisées en partenariat, puisqu'on a fait une réforme pour modifier la règle du jeu, sachant qu'on y était obligé à la fois par nos lois et par la réglementation européenne : on ne pouvait plus utiliser le système de l'adossement pur et simple, comme par le passé.

Je crois que la règle est inscrite pour l'avenir, et je ne vois pas comment on pourrait revenir en arrière, en dehors d'une situation tout à fait particulière, ce qui ne veut pas dire que les clefs de répartition soient inamovibles. Je pense qu'il faut lutter contre les inégalités, mais je crois fondamentalement aux clefs partenariales, avec des financements qui tiennent compte du fait que nous sommes un pays de transit.

J'ai réussi aussi sur cet aspect : dans le cadre du réseau ferré de fret européen, j'ai obtenu de Mme Loyola de Palacio le financement des travaux pour lutter contre les goulets d'étranglement dans le transport ferroviaire. Je n'ai pas simplement obtenu que les quatorze projets européens, dont le TGV est-européen, puissent être financés par l'Europe à 10 %, et plus en ce qui concerne les études ; j'ai aussi obtenu - c'est une bataille française - qu'une somme soit prévue pour financer la lutte contre les goulets d'étranglement.

Cela dit, je suis d'avis qu'il faut, dans le partenariat, tenir compte des différentes capacités contributives, sans quoi on progresse toujours chez les mêmes et jamais là où il faut obtenir des améliorations.

Cela étant, il faut reconnaître à M. Raymond Barre que, dans la perspective, qui a été retenue au CIADT, du contournement ouest de Lyon, il avait aussi la vision consistant à dire : "attention, nous serons tirés en permanence vers l'est alors que le reste du pays, au centre et à l'ouest, risque de regarder le développement s'éloigner".

Je suis conscient de cela quand je dis qu'il faut réaliser Notre Dame des Landes, entre Nantes et Rennes, pour avoir un aéroport régional qui soit de nature à avoir une zone de chalandise suffisante, y compris dans des rapports de traversées internationales aériennes. Il faut donc avoir cette vision et nous progresserons, y compris pour le TGV Bretagne.

Dans le domaine des financements, nous avons donc à travailler sur le partenariat en retenant des clés qui sont fondées, certes, sur des critères globaux mais qui peuvent être évolutives. Ce sera nécessaire dans l'avenir.

Il y a l'Europe. Il y a aussi la possibilité d'un emprunt qui a été évoquée il y a un certain temps et dont on parle moins. Je crois quand même que les régions ont une capacité d'emprunt plus importante que d'autres collectivités. Ce n'est donc pas un domaine qu'il faut laisser de côté et laisser inexploré.

Par ailleurs, il faut faire en sorte que, dans le transport routier, on paie un peu plus le coût réel. Plusieurs logiques peuvent être discutées. Si on dit qu'il faut remonter le prix du gas-oil jusqu'à ce que cela devienne insupportable, les transporteurs choisiront peut-être le rail, mais...

M. le Président : ...ils iront aussi devant le ministère.

M. Jean-Claude Gayssot : Ils n'iront peut-être pas devant le ministère, mais ils bloqueront tout. Je ne suis pas parti de cette idée. Nous devons faire ce qu'il faut mais il faut aussi garder la mesure, parce que c'est tout un secteur économique dont on a évidemment besoin. De toute manière, le train n'arrivera pas partout. Sur des parcours de l'ordre de 200 ou 300 kilomètres, c'est quand même le camion qui a la plus grande souplesse pour la livraison. Ne partons pas dans une espèce de satanisation du transport routier. En revanche, sur la grande ou la moyenne distance, le rail peut être plus profitable.

J'ai travaillé essentiellement, tout d'abord, sur une harmonisation à l'échelle européenne et, ensuite, sur une revalorisation des conditions de vie et de travail. Cela coûte un peu plus cher aux transporteurs ; il faut qu'ils paient un peu plus et il faut que les conducteurs travaillent moins longtemps. Sous la présidence française, nous avons obtenu que soit décidée la directive sur le temps de travail prévoyant qu'ils ne pourront pas excéder 48 heures de travail par semaine.

Certes, il y a des dérogations et on peut faire, par exemple, soixante heures dans une semaine, mais on est obligé de se rattraper en travaillant moins une autre semaine. C'est moins positif, si je puis utiliser ce terme, que ce qui a été fait en France, mais on a réussi à fixer une barre alors que c'était la liberté totale et qu'il se faisait n'importe quoi.

Maintenant, je travaille sur la modification du règlement 38-20, pour faire en sorte qu'y compris sur le temps de travail, on sépare le temps de conduite du temps de chargement.

J'en viens au Livre blanc sur les transports, qui a également été évoqué. Il va être présenté prochainement. Honnêtement, je pense que nous allons y trouver de quoi nourrir cette notion qui a été évoquée à plusieurs reprises par plusieurs d'entre vous : l'internalisation des coûts externes. Il s'agit d'une intégration des coûts liés au développement de l'activité et de l'usage de l'infrastructure, notamment de tous les problèmes liés aux coûts écologiques et environnementaux, aux coûts des nuisances.

Je pense que nous allons avancer dans ce domaine. Ce sera une belle bataille sur la construction de l'Europe des transports. Je pense que c'est au cours de la prochaine réunion des ministres des transports, qui doit se tenir en juin, que nous aurons la présentation du Livre blanc. De toute manière, c'est imminent.

Je tiens à dire, à propos de l'Auvergne que la ligne Béziers-Clermont compte aussi et qu'il est important qu'il n'y ait pas simplement Midi-Pyrénées. Il suffit maintenant de signer, parce que s'il n'y a pas de conventionnement, on ne pourra pas le faire. Vous disiez qu'il ne restait parfois que vingt ou vingt-cinq kilomètres, mais comme je suis conscient de la qualité de l'Auvergne dans toute sa dimension, je sais qu'Issoire et Neussargues font partie de l'Auvergne, que Neussargues est dans le Cantal et que le Cantal est votre département. Je ne voudrais donc pas que l'on ignore la partie entre Issoire et Neussargues.

M. Yves Coussain : Jusqu'à Saint-Flour ?

M. Jean-Claude Gayssot : Jusqu'à la Lozère, qui dépend du Languedoc-Roussillon.

J'en arrive au FIATA. Ce fonds avait l'objectif de lutter contre les inégalités de situation. Il a été abondé de 330 millions de francs depuis qu'il a été créé et, chaque année, de l'ordre de 60 à 75 millions de francs ont été dépensés, mais si vous comparez cela au chiffre d'affaires d'une compagnie, si je ne prends que le chiffre d'affaires de la compagnie nationale, c'est vraiment peu de chose.

Or le FIATA ne doit pas être fait que pour une compagnie. Son objectif est de créer les conditions pour lutter contre des inégalités de situation. Dans le Cantal, il y a eu quand même 76 % d'augmentation du fonds entre Aurillac et Paris. Cependant, on est confronté à cette lacune du service public et je pense que l'avenir nous amènera à nous pencher sur ces évolutions.

On parle ici de la France métropolitaine, mais on peut évoquer les liaisons sur les DOM ou sur des territoires comme Saint-Pierre et Miquelon. Concernant les liaisons intérieures de la Guyane, par exemple, comment fait-on ? C'est un territoire français. Comment feraient les habitants pour aller d'un endroit à un autre si on leur faisait payer le coût complet ? Ils ne prendront jamais l'avion s'il n'existe pas une aide.

Les règles concernant le FIATA ont été modifiées, mais je pense que la mission qui lui a été confiée et qui est une belle mission doit être sûrement enrichie.

J'en arrive à la quatrième piste de Roissy. Les quatre pistes sont faites pour servir. La quatrième piste est achevée et on ne pouvait pas s'en servir avant, bien évidemment.

Maintenant, j'ai donné des garanties et un travail a été fait au Parlement sur la lutte contre les nuisances sonores. Nous tiendrons cet objectif. Je sais bien que certains députés ont dit : "on peut aller jusqu'à 90 millions de passagers à Roissy avec les quatre pistes", mais ce n'est pas vrai : on n'ira pas jusque là et c'est d'ailleurs pour cela qu'il faut un troisième aéroport.

Il faut être réaliste. Il ne faut pas prendre l'évolution du transport aérien sur un an. Je viens d'avoir les chiffres d'Aéroports de Paris pour l'année dernière : la croissance a été de 6,7 % ; depuis le début de l'année, on est autour de 2,5 % et non pas de 5 ou 6 % comme on nous l'avait dit. Evidemment, si je prends l'année la plus importante, ce sera différent.

Cela étant, il faut exploiter cette quatrième piste et il faut poursuivre la réflexion qui est menée actuellement sur la navigation aérienne. Les retards sont liés au fait que les mêmes gens protestant à juste titre contre les nuisances prennent aussi l'avion et protestent contre les retards. Le matin, les retards sont de l'ordre d'une demi-heure en raison de l'encombrement. Je suis donc bien obligé de faire travailler les services sur les procédures d'approche.

Evidemment, des problèmes se posent, mais j'ai donné des garanties. Tout d'abord, nos services travaillent sur ce sujet. Je connais bien la compétence de nos personnels ; en même temps, je ne veux pas qu'il y ait de suspicion. J'ai donc nommé un organisme indépendant, Eurocontrol, qui fait aussi son analyse. J'ai joué la transparence avec les élus et j'ai même fait dire, y compris aux associations, que l'on intégrerait leurs propositions pour trouver les meilleures solutions.

Il faut effectivement trouver des solutions qui tiennent compte des enjeux sans en laisser de côté. C'est ma démarche et je crois que c'est une démarche de schémas de services, d'aménagement du territoire et de développement durable. L'enjeu environnemental ne doit pas être considéré comme un enjeu second par rapport à l'enjeu économique et social mais comme un enjeu au même niveau que les autres.

Quand j'ai décidé de faire les deux pistes supplémentaires à Roissy, j'ai dit que les nuisances globales, prises sur l'année, ne devront pas, une fois que tout cela sera fait, sachant qu'il y aura davantage de mouvements d'avions, être supérieures aux nuisances qui existaient en 1997. C'est l'engagement que j'ai pris.

Nous sommes aujourd'hui à la mi-2001. Dans l'analyse que nous avons faite de la croissance de trafic par rapport à 1997, sur la base d'un indice 100 des nuisances sonores en 1997, nous étions globalement, l'année dernière, aux environs de 84 %, tout simplement parce que, la nuit, nous avons interdit les moteurs "chapitre 2," les essais moteurs, et nous continuerons ainsi.

Il me reste la question sur le réseau d'intérêt régional, qui a été posée par M. Henri Nayrou. Je pense vraiment que, pour la traversée de l'Espagne, la question se posera d'une traversée centrale supplémentaire. Ensuite, on la localisera et on déterminera le point le meilleur dans le cadre franco-espagnol.

M. Henri Nayrou : J'ai parlé surtout de l'axe parallèle aux Pyrénées, c'est-à-dire de l'ancienne 117 déclassée, où le développement se fait sans que l'État intervienne. Ces routes ont été suffisamment déclassées et je demande donc non pas l'intervention de l'État, puisque ce sont des routes d'intérêt régional, mais éventuellement, le concours de l'État pour inciter l'Europe à intervenir dans les trois grands chapitres prévus dans INTERREG.

M. Jean-Claude Gayssot : La route dont vous parlez est une départementale et non plus une nationale. C'est le problème.

M. Henri Nayrou : Tout à fait. L'État ne peut plus intervenir, mais il en résulte des effets secondaires désastreux, notamment le fait que la région Midi-Pyrénées a décidé de ne plus intervenir sur les réseaux d'intérêt régional, malgré cet intitulé, afin d'obliger l'État à financer autant qu'elle les routes nationales. Cela rejoint en fait, dans d'autres proportions, la question posée par Mme Marie-Françoise Pérol-Dumont au sujet des drames que sont les enclavements transversaux.

Même si le développement se fait, chez nous, dans le sens nord sud, il y aura toujours des poches de résistance et de misère qui ne trouveront pas de solution.

M. Jean-Claude Gayssot : Evidemment. Quant à l'aéroport de Toulouse, nous sommes tout à fait conscients de la problématique qui se pose.

M. Henri Nayrou : Vous êtes pour le deuxième aéroport ?

M. Jean-Claude Gayssot : Nous sommes favorables à l'engagement de la réflexion.

M. Henri Nayrou : Vous allez choisir entre le deuxième aéroport ou l'équipement à grande vitesse ? Il faut savoir que Toulouse est l'oublié des grandes vitesses.

M. Jean-Claude Gayssot : Oublié... Mais la décision de faire le POLT (Paris-Orléans-Limoges-Toulouse) est quand même prise. Cela ne rapproche Toulouse de Paris que d'une demi-heure, mais il faut savoir qu'une partie de la région y a beaucoup d'intérêt, car elle se situe encore plus loin.

Par ailleurs, il est prévu d'améliorer la liaison ferroviaire entre Bordeaux, Toulouse, Narbonne et Montpellier ou Perpignan.

Parallèlement à cela, il est sage d'étudier la question de la nécessité d'un deuxième aéroport à Toulouse et d'en déterminer la localisation.

Par ailleurs, je dirai que, pour assurer la vitalité de nos pays (le mot "pays" étant entendu au sens des territoires français), il faut des liaisons transversales. On prévoit toujours des liaisons radiales, mais les transversales sont cruciales et je serai vraiment un ministre comblé quand je pourrai réouvrir certaines lignes qui ont été fermées. Je n'en suis pas là, même si cela ne va pas tarder, je l'espère, dans quelques endroits, mais, pour moi, c'est une vraie question. Il faut voir le nombre de lignes et de gares qui ont été fermées et que l'on essaie aujourd'hui de réouvrir.

C'est vrai sur le plan ferroviaire, sur le plan routier et sur le plan aérien. Nous avons là les trois modes de transport.

Je tiens à finir sur un point, monsieur le Président, parce que vous avez été sévère en laissant entendre que la basse Normandie était ignorée.

M. le Président : Beaucoup d'efforts ont été faits, mais il en reste encore beaucoup à faire.

M. Jean-Claude Gayssot : Il est bien de dire que des efforts sont faits. Cela encourage chacun à dire qu'il n'y a pas de fatalité. Le drame, dans notre pays et en politique, c'est de croire que les choses sont fatales. Eh bien non ! En politique, on bouscule la fatalité et on l'a bousculée chez vous.

Voici les grands programmes d'infrastructures en cours de réalisation et de mise au point dans votre région.

La route des estuaires est en voie d'achèvement ; il s'agit de l'A 84 entre Caen et Rennes.

Concernant l'A 28 entre Rouen et Alençon, le bouclage est réglé officiellement. C'est d'ailleurs le premier exemple d'un nouveau type d'autoroute concédée, sans l'adossement. Une subvention publique a encore été versée, mais une mise en compétition a été aussi réalisée.

L'A 88 entre Falaise et Sées est financée dans le cadre du contrat de plan (il s'agit de l'axe entre Caen et Alençon).

Par ailleurs, les schémas fixent des objectifs supplémentaires. J'en retiendrai un qui est essentiel : la desserte des ports.

M. le Président : Tout à fait. L'A 88 est d'ailleurs liée à la desserte des ports de Caen et de Cherbourg.

M. Jean-Claude Gayssot : Il y aussi le port du Havre, qui justifie et implique des aménagements d'infrastructures pour l'hinterland, sans oublier l'A 150 entre Rouen et Le Havre, la liaison entre Cherbourg et l'A 84 et l'aménagement de la RN 154 entre Rouen et Orléans.

J'ajoute qu'un débat public intermodal permettra de comparer les hypothèses d'amélioration des déplacements entre la baie de Seine et l'Ile-de-France en privilégiant le mode alternatif à la route.

Enfin, je ne voudrais pas que nous nous quittions, après avoir longuement parlé de la route, du rail et des lignes aériennes, sans évoquer la voie d'eau, qui fait partie aussi de nos priorités. J'ai parlé tout à l'heure du sixième mode, mais je peux vous dire que, dans les cinq modes, il y a le transport fluvial.

Je vous assure qu'actuellement, nous sommes dans une phase de croissance sur la voie d'eau qui me fait espérer, alors que des décisions ont été prises sur les extrémités Dunkerque-Escaut et Oise-aval de la liaison Seine-Nord, que pourra être confirmée dans les schémas de service la partie centrale du canal Seine-Nord à grand gabarit.

M. le Président : Merci beaucoup, monsieur le Ministre, de cet exposé qui a, une fois encore, attesté de votre grande connaissance du sujet et de votre conviction en ce qui concerne les efforts à faire en matière de transports.

Vous avez pu remarquer que nos collègues avaient complètement intégré les perspectives de croissance de l'économie et qu'ils se plaçaient dans une perspective d'augmentation des capacités de transport de notre pays.

Vous avez pu remarquer aussi que tous sont complètement convaincus de l'effort de rééquilibrage que vous avez engagé en faveur du transport ferroviaire.

Vous mesurez aussi nos interrogations en matière d'équilibre entre les territoires. Si nous avons parlé des liaisons transversales, c'est parce que, si nous voulons avoir un espace maillé, nous avons besoin aussi de voir, entre les différents pôles, un espace en réseau.

Enfin, vous mesurez - vous en avez beaucoup parlé - que ce qui nous préoccupe, c'est l'articulation entre la planification et la programmation, d'autant plus que les investissements en matière de transports sont considérables, comme vous l'avez rappelé, que leur hiérarchisation est nécessaire dans le temps et donc que l'imagination financière est importante.

Nous n'avons pas parlé du désendettement de Réseau ferré de France ni des réseaux autoroutiers (il faudrait parler de tout), mais nous avons, là aussi, toute une série de préoccupations qui rejoignent les vôtres en la matière.

Je vous remercie d'avoir bien voulu rester si longtemps parmi nous.


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