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le 28 décembre 2001

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N° 3479

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 décembre 2001.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR :

- LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de l'avenant n° 2 à l'entente entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec en matière de sécurité sociale,

- LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation du protocole d'entente entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Québec relatif à la protection sociale des élèves et étudiants et des participants à la coopération, signé à Québec le 19 décembre 1998,

PAR Mme ODETTE TRUPIN,

Députée

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 252, 323 (1999-2000) et T.A. 14 (2000-2001)

Assemblée nationale : 2170, 2678

Traités et conventions

La Commission des affaires étrangères est composée de : M. François Loncle, président ; M. Gérard Charasse, M. Georges Hage, M. Jean-Bernard Raimond, vice-présidents ; M. Roland Blum, M. Pierre Brana, Mme Monique Collange, secrétaires ; Mme Michèle Alliot-Marie, Mme Nicole Ameline, M. René André, M. André Aschieri, Mme Martine Aurillac, M. Édouard Balladur, M. Raymond Barre, M. Henri Bertholet, M. Jean-Louis Bianco, M. André Billardon, M. André Borel, M. Bernard Bosson, M. Philippe Briand, M. Bernard Brochand, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Hervé de Charette, M. Jean-Claude Decagny, M. Patrick Delnatte, M. Jean-Marie Demange, M. Xavier Deniau, M. Paul Dhaille, M. Jean-Paul Dupré, M. Charles Ehrmann, M. Jean-Michel Ferrand, M. Raymond Forni, M. Georges Frêche, M. Michel Fromet, M. Jean-Yves Gateaud, M. Jean Gaubert, M. Valéry Giscard d'Estaing, M. Jacques Godfrain, M. Pierre Goldberg, M. Michel Grégoire, M. François Guillaume, M. Jean-Jacques Guillet, M. Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, M. Didier Julia, M. Alain Juppé, M. Gilbert Le Bris, M. Jean-Claude Lefort, M. Guy Lengagne, M. François Léotard, M. Pierre Lequiller, M. Alain Le Vern, M. Bernard Madrelle, M. René Mangin, M. Jean-Paul Mariot, M. Gilbert Maurer, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, M. Étienne Pinte, M. Marc Reymann, M. François Rochebloine, M. Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, M. René Rouquet, M. Georges Sarre, M. Henri Sicre, M. Dominique Strauss-Kahn, Mme Christiane Taubira-Delannon, M. Michel Terrot, Mme Odette Trupin, M. Joseph Tyrode, M. Michel Vauzelle.

Mesdames, Messieurs,

Les deux projets de loi sur lesquels nous sommes appelés à nous prononcer, et qui font l'objet d'un rapport commun, ont en partage la double particularité de constituer des protocoles d'entente avec le gouvernement du Québec et de concerner le domaine de la protection sociale.

Il pourrait paraître surprenant pour des personnes moins averties que les commissaires des affaires étrangères qu'un accord international puisse être conclu entre un Etat et une province d'un autre Etat1. C'est là une des expressions des relations directes et privilégiées unissant la France au Québec. Ces conventions entre ces deux Parties, qualifiées d'ententes, sont cependant soumises à une triple condition : qu'elles s'inscrivent dans le cadre d'un accord franco-canadien qui les autorise, qu'elles ne contiennent pas de dispositions contraires à ce dernier et qu'elles se limitent à la compétence reconnue dans la Constitution canadienne à la province.

Tel est en particulier le cas des deux ententes qui nous intéressent aujourd'hui, conclues dans le prolongement de l'accord franco-canadien sur la sécurité sociale du 9 février 1979, dont l'article 31 dispose que : « les autorités compétentes françaises et les autorités compétentes des provinces du Canada pourront conclure des ententes portant sur toute législation de sécurité sociale relevant de la compétence provinciale, pour autant que ces ententes ne soient pas contraires aux dispositions du présent accord ».

Avant de commencer l'étude du contenu de ces deux ententes, et sans vouloir inutilement politiser ce rapport, nous ne résisterons pas au plaisir de citer brièvement un extrait de l'édition 2002 d'un annuaire économique et géopolitique réputé selon lequel : « l'exemple de ce pays (le Canada), dont les prélèvements obligatoires sont du même niveau que ceux de l'Union européenne (44% du PIB contre 32% aux Etats-Unis), qui possède une protection sociale développée de type européen, et dont la dette publique a dépassé 100% du PIB depuis le début des années 1990, montre bien qu'il n'est pas nécessaire de suivre aveuglément les recommandations de l'OCDE et du FMI pour obtenir de bons résultats »2. De 1996 à 2000, la croissance du PIB canadien par habitant a en effet été presque identique à celle des Etats-Unis (3,7% par an).

Nous présenterons dans un premier temps l'avenant n° 2 à l'entente du 12 février 1979 portant coordination des régimes de sécurité sociale en faveur des ressortissants français et québécois, exerçant leur activité professionnelle au Québec et en France. L'entente initiale avait pour objet principal d'organiser l'égalité de traitement entre les ressortissants des deux Parties, le maintien des droits acquis et la détermination de la législation applicable en faveur des travailleurs salariés et assimilés, ainsi que leurs ayants droit. Un premier avenant en date du 5 septembre 1984 avait étendu son champ d'application aux travailleurs non salariés mais la mise en application de cette extension, qui comportait de surcroît des lacunes, s'est heurtée à des conflits de législations concernant notamment les travailleurs non-salariés exerçant simultanément leur activité sur les deux territoires, et les artistes du spectacle. Le but de ce deuxième avenant est donc de remédier à ces problèmes par le biais d'un certain nombre de précisions.

S'agissant d'un texte de portée assez restreinte et très technique, les négociations se sont déroulées dans les meilleures conditions et ont débouché, après deux rencontres, l'une à Québec, l'autre à Paris, sur la signature à Québec du présent avenant, le 19 décembre 1998.

Cet avenant permet tout d'abord au travailleur non salarié qui exerce son activité sur le territoire de l'autre Partie d'être maintenu pendant un an au régime de sécurité sociale de son lieu habituel d'emploi (article 1). A ce titre, l'assuré social et ses ayants droit pourront bénéficier des prestations en nature des assurances maladie-maternité du territoire de la Partie où ils sont momentanément occupés (article 4).

L'avenant crée également un nouvel article 3 bis qui vise à régler les situations d'activités simultanées qualifiées d'activité salariée par la législation d'une Partie et de non salariée par la législation de l'autre Partie. Selon leur situation, ces personnes seront désormais soit soumises simultanément aux deux législations, soit rattachées exclusivement à la législation du territoire où elles résident. Cette dernière solution sera retenue dans le cas où une personne exerçant habituellement une activité salariée sur le territoire de l'une des Parties se rendrait sur le territoire de l'autre Partie où elle exerce une activité non salariée pour une période inférieure à 3 mois. Cette disposition vise notamment les artistes québécois - qui ont un statut de non salarié au Québec - se produisant pour de courtes périodes en France : ils ne seront ainsi pas obligés de cotiser au régime français des salariés. Réciproquement, les artistes français, qui sont dans l'exercice de leur activité en France présumés être salariés, ne se verront pas imposer un rattachement temporaire au régime de sécurité sociale québécois lorsqu'ils se produiront dans la Belle Province.

Le second texte dont nous sommes saisis est un protocole d'entente relative à la protection sociale des élèves, des étudiants et des participants à la coopération, également signé à Québec le 19 décembre 1998. Ce texte se substitue au protocole du 2 juin 1986 qui n'était plus en mesure de répondre à l'évolution des échanges de jeunes et de la coopération entre la France et le Québec : il présentait notamment l'inconvénient majeur de ne concerner que les étudiants.

C'est le premier intérêt de ce nouveau protocole de concerner des catégories étendues de personnes et d'établissements : étudiants de l'enseignement supérieur bien sûr, mais aussi élèves de classes de première et de terminale des lycées d'enseignement général ou technologique, et des établissements d'enseignement privé sous contrat, ainsi que les divers acteurs de la coopération bilatérale, tels que les stagiaires non rémunérés, les fonctionnaires, les salariés et les non-salariés. Cette extension du champ concerne également les risques couverts par les régimes de protection sociale : au-delà des législations applicables en matière de soins de santé et de maladies professionnelles, sont également désormais concernés les accidents du travail et du côté québécois l'assurance médicaments3.

Le protocole précise les modalités de service des diverses prestations concernées en fonction des différentes catégories de personnes et les institutions auxquelles revient la charge financière de ces prestations. En cas d'accidents du travail ou de maladies professionnelles, il est prévu que l'intéressé conserve le bénéfice des prestations s'il transfert sa résidence sur le territoire de l'autre Partie.

Enfin, le protocole prévoit un système de remboursement généralisé des frais de Partie à Partie : l'institution d'affiliation de la Partie d'origine rembourse à l'institution compétente de la Partie d'accueil, le coût des prestations en nature que cette dernière a servies pour son compte. Toutefois, chacune des Parties a la faculté de renoncer à réclamer un tel remboursement et les chiffres communiqués par le Ministère des Affaires étrangères tendent à prouver que, dans la pratique, tel est le plus souvent le cas.

Ce protocole concernera une population limitée, même si elle est en forte augmentation depuis plusieurs années. Le nombre d'étudiants français inscrits en 2000/2001 dans les universités québécoises se monte ainsi à plus de 3200 ; ce chiffre a triplé en 10 ans. Réciproquement, on estime à environ 800 le nombre d'étudiants québécois inscrits en France.

La coopération franco-québécoise bénéficie d'un cadre institutionnel solide à travers des organismes bi-gouvernementaux comme le Centre de coopération inter-universitaire franco-québécoise et l'Office franco-québécois pour la jeunesse ainsi que d'accords-cadres institutionnels visant à faciliter les échanges d'étudiants.

Au-delà de ces deux textes, nous voudrions tirer prétexte de ce rapport pour appeler à un rapprochement franco-québécois dans le cadre de la construction d'une véritable francophonie politique. Trop souvent en effet, la France a traité le Québec avec une certaine condescendance, empêtré qu'il lui semblait être dans la querelle souverainiste4. Elle s'offusque souvent par ailleurs des leçons que prétendent lui infliger parfois les dirigeants de la Belle Province dans la défense et la promotion du français. Face à l'impérialisme de l'anglais, et dans un réflexe de survie identitaire, le Québec a su organiser la résistance, y compris par la mise en place d'un arsenal législatif. La loi 101, adoptée en 1977, impose le français comme seule langue officielle du Québec, l'anglais n'étant toléré que comme langue de grande diffusion. Français et Québécois poursuivent le même objectif de faire vivre la francophonie et de promouvoir la diversité culturelle. Il est temps de passer d'une situation de rivalité à la définition d'un projet commun et d'actions communes. France et Québec ont besoin l'un de l'autre. Nous sommes convaincus qu'ils peuvent devenir pour la francophonie politique ce que le couple France-Allemagne fut pour la construction européenne.

Dans un récent rapport d'information5, nous avons appelé de nos v_ux le développement, en matière d'éducation, d'une offre française plus attractive et cohérente, ainsi qu'une meilleure ouverture à l'international. En rénovant et élargissant les cadres de la protection sociale, en faisant porter principalement les améliorations sur les acteurs de la coopération culturelle, ces deux projets de loi constituent une avancée pragmatique dans la direction que nous souhaitons. C'est la raison pour laquelle nous vous invitons à adopter sans plus tarder ces projets de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 19 décembre 2001.

Après l'exposé du Rapporteur, Le Président François Loncle a rappelé qu'il présidait l'association France-Canada et qu'il souscrivait totalement aux conclusions de la Rapporteure. La réconciliation entre la France et le Canada date seulement de 1984. La position de la France à l'égard des relations Québec-Canada est déterminée par la formule « ni ingérence, ni indifférence ». Il faut aujourd'hui dépasser ce stade et approfondir nos relations.

Il a rappelé que le gouvernement canadien avait conduit ces dernières années une politique rigoureuse de réduction des programmes sociaux.

M. Pierre Brana a souhaité connaître le nombre de personnes concernées par ces accords.

Mme Odette Trupin a précisé que le nombre d'étudiants français inscrits dans les universités québécoises s'élevait à plus de 3 200 et que ce chiffre avait triplé en dix ans. Réciproquement, on estime à environ 800 le nombre d'étudiants québécois inscrits en France. En revanche, il n'existe aucune statistique disponible concernant les non-salariés.

Après une brève discussion sur la situation intérieure canadienne à laquelle ont pris part M. Charles Ehrmann, la Rapporteure et le Président et conformément aux conclusions de la Rapporteure, la Commission a adopté les projets de loi (nos 2170 et 2678).

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Les textes de l'avenant et du protocole figurent en annexe aux projets de loi (nos 2170 et 2678).

3479 - Rapport de Mme Odette Trupin : Québec : entente en matière de sécurité sociale et protection sociale des élèves et étudiants à la coopértion (commission des affaires étrangères)

1 Le Canada constitue une fédération comprenant dix provinces et trois territoires.

2 L'état du monde 2002, p.65, La découverte

3 Cette assurance médicaments est un régime public assurant le remboursement des frais pharmaceutiques pour les personnes âgées et les personnes à faibles revenus, dont les étudiants.

4 Deux référendums sur une souveraineté-association ont été organisés respectivement en 1980 et 1995, qui ont vu la victoire du « non » (par une courte majorité de 50,6% en 1995). L'actuel Premier ministre du Québec, M. Bernard Landry, a annoncé en août dernier qu'un nouveau référendum pourrait intervenir d'ici 2005.

5 Odette Trupin, « La France et le défi mondial de l'éducation : quels enjeux pour la francophonie », Rapport d'information n°3204, onzième législature.


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