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le 15 février 2002

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N° 3564

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 30 janvier 2002.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1)

SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant la ratification du protocole facultatif à la convention relative aux droits de l'enfant concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés,

et SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant la ratification du protocole facultatif à la convention relative aux droits de l'enfant concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants,

PAR M. MICHEL FROMET,

Député

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 437, 438 (2000-2001), 140, 145 et T.A. 41, 42 (2001-2002)

Assemblée nationale : 3513, 3514

Traités et conventions

La Commission des affaires étrangères est composée de : M. François Loncle, président ; M. Gérard Charasse, M. Georges Hage, M. Jean-Bernard Raimond, vice-présidents ; M. Roland Blum, M. Pierre Brana, Mme Monique Collange, secrétaires ; Mme Michèle Alliot-Marie, Mme Nicole Ameline, M. René André, Mme Marie-Hélène Aubert, Mme Martine Aurillac, M. Édouard Balladur, M. Raymond Barre, M. Henri Bertholet, M. Jean-Louis Bianco, M. André Billardon, M. André Borel, M. Bernard Bosson, M. Philippe Briand, M. Bernard Brochand, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Hervé de Charette, M. Jean-Claude Decagny, M. Patrick Delnatte, M. Jean-Marie Demange, M. Xavier Deniau, M. Paul Dhaille, M. Jean-Paul Dupré, M. Charles Ehrmann, M. Jean-Michel Ferrand, M. Raymond Forni, M. Georges Frêche, M. Michel Fromet, M. Jean-Yves Gateaud, M. Jean Gaubert, M. Valéry Giscard d'Estaing, M. Jacques Godfrain, M. Pierre Goldberg, M. Michel Grégoire, M. François Guillaume, M. Jean-Jacques Guillet, M. Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, M. Didier Julia, M. Alain Juppé, M. Gilbert Le Bris, M. Jean-Claude Lefort, M. Guy Lengagne, M. Pierre Lequiller, M. Alain Le Vern, M. Bernard Madrelle, M. René Mangin, M. Daniel Marcovitch, M. Jean-Paul Mariot, M. Gilbert Maurer, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, M. Étienne Pinte, M. Marc Reymann, M. François Rochebloine, M. Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, M. René Rouquet, M. Georges Sarre, M. Henri Sicre, M. Dominique Strauss-Kahn, Mme Christiane Taubira-Delannon, M. Michel Terrot, Mme Odette Trupin, M. Joseph Tyrode, M. Michel Vauzelle.

SOMMAIRE

___

INTRODUCTION 5

I . LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE ET LA
PROTECTION DES ENFANTS
7

A - DES INSTRUMENTS INTERNATIONAUX DE PLUS
EN PLUS CONTRAIGNANTS
7

1) La protection juridique des enfants par des conventions
internationales générales 7

2) La protection des enfants par des conventions spécifiques 8

3) L'élaboration d'instruments régionaux visant à protéger les enfants 10

4) Les instruments internationaux non encore en vigueur 10

B - LA PERSISTANCE D'ATTEINTES GRAVES ET IMPUNIES AUX
DROITS DES ENFANTS
11

1) L'augmentation du nombre d'enfants impliqués
et victimes des conflits armés 12

2) L'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales
et le tourisme sexuel 13

II - DES AVANCÉES IMPORTANTES DANS LA PRÉVENTION ET LA
RÉPRESSION DES ATTEINTES AUX DROITS DE L'ENFANT
18

A - LES PRINCIPALES AVANCÉES DU PROTOCOLE CONCERNANT
L'ENFANT DANS LES CONFLITS ARMÉS
18

1) Une négociation difficile 18

2) Des avancées notables 19

3) L'absence d'impact sur la législation française 20

B - LES PRINCIPAUX APPORTS DU PROTOCOLE ADDITIONNEL
CONCERNANT LA VENTE, LA PROSTITUTION D'ENFANTS ET LA
PORNOGRAPHIE LES METTANT EN SCÈNE
21

1) Une négociation difficile 21

2) Des incriminations spécifiques 22

CONCLUSION 25

EXAMEN EN COMMISSION 27

ANNEXE I : Mesures prises et Convention relative aux droits de l'enfant 27

ANNEXE II : Etude d'impact - implication d'enfants dans les conflits armés 29

ANNEXE III : Etude d'impact - vente d'enfants et pornographie 31

Mesdames, Messieurs,

« Tout enfant a le droit d'être éduqué et protégé par sa famille, par l'école et par la société. Les violences qui lui sont faites, et notamment les violences sexuelles brisent en lui et en elle l'innocence et l'envie de grandir et donc le fondement même de l'Humanité. En ce sens, c'est un crime contre l'Humanité.

« C'est pourquoi nous défendons ici un modèle de civilisation, une vision de l'Humanité, celle qui refuse que tout devienne marchandise, y compris le corps des enfants, qui refuse que les plus vulnérables - les enfants et les adolescents - ne soient les jouets des caprices d'adultes négligents, pervers ou assoiffés d'argent, bref de tous ces voleurs de l'Enfance que nous sommes ici pour combattre ».

Telle est la position exprimée au nom de la France par Mme Ségolène Royal, Ministre déléguée à la Famille, lors du 2ème congrès mondial contre l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales de Yokohama. (17-20 décembre 2001).

Les deux protocoles facultatifs à la convention relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989, soumis à votre examen, reflètent ces principes. Ils sont essentiels car ils visent, à accroître la protection des enfants face à deux fléaux : les conflits armés d'une part, et la vente, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants d'autre part.

La convention relative aux droits de l'enfant pose une série de principes de protections pour l'enfant et d'obligations pour les 191 Etats contractants (à l'exception notable des Etats-Unis). Le congrès de Stockholm d'août 1996, premier congrès mondial contre l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales avait édicté un ambitieux programme de lutte contre ce fléau. Les 122 gouvernements réunis à Stockholm souhaitaient avoir élaboré à l'horizon 2000 des programmes nationaux visant à réduire le nombre d'enfants exposés à l'exploitation sexuelle et de réprimer ceux qui s'y livrent. Par ailleurs, consciente de l'ampleur de l'enrôlement d'enfants parfois très jeunes dans les conflits armés, l'Assemblée générale des Nations unies demandait, en décembre 1996, l'élaboration d'un rapport exposant la condition des enfants touchés par les conflits armés.

Ces initiatives ont révélé l'impérieuse nécessité de compléter la convention relative aux droits de l'enfant, pour accroître leur protection. Aussi, après une longue phase d'élaboration, l'Assemblée générale des Nations unies ouvrait-elle à signature, le 26 juin 2000, les deux protocoles facultatifs concernant respectivement l'implication d'enfants dans les conflits armés, et la vente, la prostitution et la pornographie mettant en scène des enfants. Il était urgent de donner un cadre juridique plus précis à la répression des atteintes aux droits de l'enfant avant la tenue du sommet mondial des enfants prévue en septembre 2001 et reportée en mai 2002.

Votre Rapporteur rappellera d'abord les principaux instruments internationaux de lutte contre tous les phénomènes d'exploitation des enfants avant d'analyser les apports des protocoles précités et leur impact sur la législation française.

I . LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE
ET LA PROTECTION DES ENFANTS

A - Des instruments internationaux de plus en plus contraignants

La communauté internationale a d'abord accordé une protection aux enfants dans des textes généraux. Puis elle a progressivement élaboré des textes spécifiques.

1) La protection juridique des enfants par des conventions internationales générales

La convention des Nations unies de 1949 pour la répression de la traite des êtres humains et de l'exploitation de la prostitution a d'abord été le seul texte international applicable à l'exploitation sexuelle des enfants, cette convention mettant d'ailleurs plus l'accent sur la prostitution plutôt que sur la traite d'êtres humains.

En revanche, la protection des enfants dans les conflits armés était plus étendue et plus précise. En cas de conflit armé, qu'il soit international ou non international, l'enfant bénéficie de la protection générale accordée aux personnes civiles qui ne participent pas aux hostilités. A ce titre, un traitement humain lui est garanti et les règles du droit humanitaire international relatives à la conduite des hostilités lui sont applicables. Etant donné la vulnérabilité particulière de l'enfant, les conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles additionnels de 1977, notamment le I et le II, prévoient en sa faveur un régime de protection spéciale. L'enfant qui prend directement part aux hostilités ne perd pas cette protection spéciale.

Lors d'un conflit armé international, l'enfant ne participant pas aux hostilités est protégé par la convention de Genève (IV) relative à la protection des personnes civiles et le protocole I. Les garanties fondamentales accordées par ces instruments, notamment le droit au respect de la vie, de l'intégrité physique et morale, l'interdiction de la contrainte, des sévices corporels, de la torture des peines collectives et des représailles lui sont donc applicables. Dans un conflit armé non international, l'enfant a également droit aux garanties fondamentales accordées aux personnes qui ne participent pas directement aux hostilités et bénéficie aussi du principe selon lequel « ni la population civile ni les personnes civiles ne devront être l'objet d'attaques ».

Les conventions de Genève prévoient les soins spéciaux à accorder aux enfants et le protocole I leur accorde une protection spéciale : « Les enfants doivent faire l'objet d'un respect particulier et doivent être protégés contre toute forme d'attentat à la pudeur. Les Parties au conflit leur apporteront les soins et l'aide dont ils ont besoin du fait de leur âge ou pour toute autre raison. » Le principe s'applique aussi en cas de conflit armé non international.

La participation des enfants aux hostilités peut aller d'une aide indirecte fournie aux combattants (transport d'armes, de munitions, actes de reconnaissance, etc.) jusqu'à leur enrôlement dans les forces armées nationales et autres groupes armés est traitée par le protocole additionnel de 1977.

Ainsi, le protocole I oblige les Etats à prendre toutes les mesures possibles afin d'empêcher que les enfants de moins de 15 ans ne prennent part directement aux hostilités. Il prohibe de façon expresse leur recrutement dans les forces armées et encourage les Parties à incorporer en priorité les plus âgés parmi les 15 à 18 ans (art. 77). Le protocole II est plus strict car il interdit le recrutement ainsi que toute participation aux hostilités, directe et indirecte, des enfants de moins de 15 ans (art. 4, § 3 c).

Les enfants qui participent directement aux hostilités, en dépit des règles précédentes, se voient reconnaître en cas de conflit armé international la qualité de combattants, par opposition aux personnes civiles, et bénéficient en cas de capture du statut de prisonnier de guerre au sens des conventions de Genève. Les protocoles I et II prévoient que les enfants combattants de moins de 15 ans ont droit à un traitement privilégié.

2) La protection des enfants par des conventions spécifiques

a) La convention relative aux droits de l'enfant de 1989

Quasi universelle, la convention sur les droits de l'enfant a été adoptée le 20 novembre 1989 par la résolution 44/25 de l'Assemblée générale des Nations unies. Cet instrument définit l'enfant dans son article premier comme tout être humain âgé de moins de dix huit ans, sauf si sa majorité est atteinte en vertu de la législation qui lui est applicable. Elle considère l'enfant à la fois comme un individu et comme un membre à part entière d'une famille et d'une collectivité. Un enfant doit donc jouir de tous les droits individuels.

La convention relative aux droits de l'enfant édicte un ensemble de principes et d'obligations universellement reconnus. Elle affirme le droit à la survie de tous les enfants, partout et en tout temps, leur droit de réaliser leur potentiel, d'être protégés contre les préjudices, les mauvais traitements et l'exploitation, et de participer pleinement à la vie familiale, culturelle et sociale. Elle garantit ces droits en établissant des normes relatives aux soins de santé, à l'éducation et aux services sociaux dont doivent bénéficier les enfants. Les Etats qui ratifient la convention s'engagent à élaborer leurs politiques en tenant compte de l'intérêt supérieur de l'enfant.

Elle consacre un article à la protection des enfants dans les conflits armés et deux autres à la prohibition de leur exploitation sexuelle de leur vente et de leur traite. Ainsi l'article 38 étend aux conflits armés non internationaux l'interdiction de la participation directe aux hostilités des enfants de moins de 15 ans dans les forces armées et encourage à incorporer en priorité les plus âgés chez les 15-18 ans. Cette disposition reste en deçà de la prohibition de la participation directe et indirecte édictée par le protocole II.

Par ailleurs, la prohibition de l'exploitation sexuelle des enfants, de leur vente et de leur traite est expressément prévue aux articles 34 et 35 de la convention qui disposent respectivement : « les Etats parties s'engagent à protéger l'enfant contre toutes les formes d'exploitation sexuelle et de violence sexuelle (...)

« les Etats parties prennent toutes les mesures appropriées sur les plans national, bilatéral et multilatéral pour empêcher l'enlèvement, la vente ou la traite d'enfants à quelque fin que ce soit et sous quelque forme que ce soit ».

Toutefois, le détail des incriminations n'est pas décrit, pas plus que celui des mesures à prendre, ce qui limite la portée de ces articles.

b) la convention n° 182 de l'Organisation internationale du travail (OIT) pour l'élimination des pires formes de travail des enfants

Cette convention, adoptée à l'unanimité par la conférence générale de l'OIT le 17 juin 1999, est entrée en vigueur le 19 novembre 2000. La France a achevé en 2001 la procédure de ratification. Elle oblige les Etats membres à prendre des mesures immédiates et efficaces pour assurer l'interdiction et l'élimination des pires formes de travail des enfants, et ce de toute urgence. Aux fins de la convention n° 182, l'expression « pires formes de travail des enfants » désigne :

- toutes les formes d'esclavage ou pratiques analogues, telles que la vente et la traite des enfants, la servitude pour dettes et le servage ainsi que le travail forcé ou obligatoire, y compris le recrutement forcé ou obligatoire des enfants en vue de leur utilisation dans des conflits armés ;

- l'utilisation, le recrutement ou l'offre d'un enfant à des fins de prostitution, de production de matériel pornographique ou de spectacles pornographiques ;

- l'utilisation, le recrutement ou l'offre d'un enfant aux fins d'activités illicites, notamment pour la production et le trafic de stupéfiants, tels que les définissent les conventions internationales pertinentes ;

- les travaux qui, par leur nature ou les conditions dans lesquelles ils s'exercent, sont susceptibles de nuire à la santé, à la sécurité ou à la moralité des enfants.

Le contenu de cette convention se rapproche de celui des deux protocoles soumis à ratification. La législation française se refuse à assimiler la prostitution à une forme pénible de travail.

3) L'élaboration d'instruments régionaux visant à protéger les enfants

A l'échelle européenne, le comité des ministres du Conseil de l'Europe a adopté deux recommandations, l'une sur l'exploitation sexuelle, la pornographie, la prostitution ainsi que le trafic des enfants et des jeunes adultes (recommandation n° R 91-11 du 9 septembre 1991), et l'autre sur la lutte contre la traite des humains aux fins d'exploitation sexuelle (recommandation n° 2000-11 du 19 mai 2000).

Une convention sur la « cybercriminalité » est également en négociation au sein du Conseil de l'Europe.

S'agissant de la participation des enfants dans les conflits armés, la charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant adopté en 1990 demande aux Etats parties de veiller à ce qu'aucun enfant de moins de 18 ans ne prenne directement part aux hostilités ou ne soit enrôlé sous les drapeaux.

4) Les instruments internationaux non encore en vigueur

a) Le statut de la Cour pénale internationale

Le statut de la Cour pénale internationale, adopté à Rome le 17 juillet 1998, inclut dans la liste des crimes de guerre relevant de la compétence de la Cour, le fait de faire participer activement à des hostilités les enfants de moins de 15 ans ou de procéder à leur enrôlement, dans les forces armées nationales lors d'un conflit armé international et dans les forces armées nationales et autres groupes armés lors d'un conflit armé non international.

b) La convention sur la criminalité transnationale organisée

La convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée dite convention de Palerme et le protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants a été adopté par l'Assemblée générale le 15 novembre 2000 mais n'est pas encore entré en vigueur. La France a signé ce texte le 12 décembre 2000 et un projet de loi a été déposé en décembre 2001 au Sénat. Ces textes constituent les premiers instruments universels de lutte contre le crime organisé. Ils font obligation aux Etats parties d'ériger en infraction pénale des activités telles que le blanchiment d'argent, la corruption, le trafic des migrants clandestins, la traite des personnes aux fins d'exploitation sexuelle, de travail forcé ou d'esclavage.

Le protocole sur la traite des personnes, qui vise en particulier les femmes et les enfants, apporte une définition de la traite, et précise que les auteurs doivent être poursuivis, même si la victime était consentante à l'exploitation. Il prévoit aussi des mesures de protection des victimes et de prévention, notamment par le biais de la coopération internationale.

Deux décisions-cadre sont en cours de négociation au sein de l'Union européenne ; une fois adoptées par le Conseil de l'Union européenne, elles ont vocation à être transposées dans les législations nationales des Etats membres. Elles portent respectivement sur la traite des personnes en particulier les femmes et les enfants, la lutte contre l'exploitation sexuelle des enfants et la pédo-pornographie.

Ces textes ont notamment pour but d'adopter des définitions communes opérationnelles et de dégager une harmonisation, même partielle, des peines envers les coupables, ce qui est difficile au regard de la variété des législations nationales. La communauté internationale a pris conscience de la gravité des atteintes aux droits des enfants dans le monde pour autant ce fléau n'est pas éradiqué.

B - La persistance d'atteintes graves et impunies aux droits des enfants

L'enrôlement forcé des enfants dans des conflits, leur exploitation sexuelle, leur vente soulève dans l'opinion publique une émotion justifiée qui a conduit la communauté internationale à réagir.

1) L'augmentation du nombre d'enfants impliqués et victimes des conflits armés

On estime à plus de 300 000 le nombre d'enfants âgés de moins de dix-huit ans qui participent à des conflits armés sur l'ensemble du globe. Des centaines de milliers d'autres sont membres des forces armées et susceptibles d'être envoyés au combat à tout moment. Si la plupart des recrues sont âgées de quinze à dix-huit ans, il n'est pas rare que la conscription commence dès l'âge de dix ans, et l'utilisation d'enfants plus jeunes a été signalée.

Un grand nombre de ces enfants ont été enrôlés dans des forces armées (gouvernementales ou non gouvernementales) après avoir été menacés, enlevés ou soumis à d'autres formes de violence. Certains enfants se portent volontaires, principalement parce qu'ils n'ont nulle part où aller, ou parce qu'ils sont en quête d'un toit, de nourriture et de sécurité. La conscription forcée d'enfants, en Colombie, en République démocratique du Congo, en Sierra Leone, au Sri Lanka, en Ouganda, au Soudan, en Angola par des groupes d'opposition armés, est régulièrement dénoncée par les organisations non gouvernementales dans les enceintes internationales.

Il a été démontré que l'enrôlement des enfants dans les forces armées, tout particulièrement leur implication dans les conflits armés, avait sur eux de graves conséquences physiques et psychologiques. Les morts et les blessés sont proportionnellement plus nombreux parmi les enfants, en raison de leur inexpérience et de leur manque d'entraînement. Du fait de leur taille et de leur agilité, les enfants sont parfois exposés à des missions particulièrement périlleuses.

Le sort particulièrement atroce fait aux enfants soldats de Sierra Leone hante les consciences. Malgré les instruments internationaux existant l'utilisation des enfants dans les conflits armés reste une réalité inquiétante. La situation de guerre civile chronique dans certains pays les conflits ethniques et leurs lots d'atrocités déstructurent les familles et les communautés traditionnelles, produisant des générations de sacrifiés, d'enfants qui n'ont jamais pu accéder à l'éducation, qui n'ont jamais tissé de liens familiaux, voire des enfants issus de viols et le sachant.

D'après le rapport de M. Olara Otonu représentant spécial du secrétaire général chargé d'étudier l'impact des conflits armés sur les enfants d'octobre 2000, on compte actuellement plus de 22 millions d'enfants déplacés par la guerre tant à l'intérieur de leur pays qu'à l'extérieur. Les enfant sont de plus en plus nombreux à être pris pour cibles, à être recrutés comme combattants ou enlevés pour servir d'esclaves sexuels.

Dans les guerres actuelles, selon M. Olara Otonu, les enfants sont plus que jamais exploités, estropiés et tués. Les systèmes de valeurs qui ont dans le passé tenu les enfants et les femmes à l'écart du danger ne sont plus respectés. Les soldats exercent contre les civils des violences sans précédent. Arrachés à leurs foyers et à leurs communautés, les enfants sont laissés sans nourriture, sans abri, sans éducation et sans soins. Les récoltes, les écoles, les dispensaires et les systèmes d'assainissement sont détruits ou endommagés, ce qui entraîne un niveau élevé de malnutrition et nombre de maladies. Les adolescents déplacés risquent de plus en plus d'être exposés à des sévices sexuels, à des maladies sexuellement transmissibles, à des problèmes de santé mentale, à la violence et à la drogue et courent particulièrement le risque d'être enrôlés dans des forces ou des groupes armés.

2) L'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales et le tourisme sexuel

En août 1996 s'est déroulé à Stockholm le premier congrès mondial contre l'exploitation sexuelle des enfants à des fins commerciales. Un deuxième congrès a eu lieu à Yokohama du 17 au 20 décembre 2001, il s'est fixé pour but d'attirer de nouveau l'attention de l'opinion publique mondiale sur le sort des enfants.

a) Un phénomène à l'ampleur mal connue

Tous les jours, d'innombrables enfants sont victimes un peu partout dans le monde de l'exploitation sexuelle à des fins commerciales. Certains d'entre eux sont loin de leur milieu d'origine. Ils peuvent avoir été enlevés et contraints de quitter leur région ; ou ils peuvent avoir décidé de partir pour échapper à de mauvais traitements ou à la pauvreté ou simplement dans l'espoir de se bâtir un meilleur avenir, sans savoir ce qui les attendait.

L'exploitation des enfants qui ont été « vendus », ainsi que souvent leur transfert, sont illicites et donc presque toujours dissimulés. Les statistiques ne sont donc guère fiables, bien que certains estimations soient souvent citées. Dans le rapport sur la loi de protection des victimes de la traite de 2000, le Congrès des Etats-Unis estime que tous les ans, au moins 700 000 personnes, des enfants et des femmes pour la plupart, sont transférées clandestinement au sein d'Etats ou entre Etats. D'après les estimations de l'ONU, en Asie, 30 millions de femmes et d'enfants ont été « vendus » aux seules fins de l'exploitation sexuelle au cours des trente dernières années.

La traite d'êtres humains aux fins d'exploitation sexuelle passe par le recrutement, le transfert et l'exploitation sexuelle et fait appel à une véritable armée d'exploiteurs : recruteurs, agents de voyage, transporteurs, agents d'accompagnement, agents d'accueil, propriétaires de maisons de prostitution et proxénètes.

Les femmes et les enfants peuvent être « vendus » dans le cadre de réseaux organisés ou peuvent être victimes de réseaux locaux de plus petite envergure, ou encore de « trafiquants occasionnels ». En Asie, ce sont les réseaux de trafiquants locaux et les trafiquants occasionnels qui semblent être les plus importants. En Europe, on pense que des groupes criminels internationaux sont à l'_uvre. Les réseaux criminels chinois, japonais et vietnamiens, les gangs russes et albanais et la mafia italienne se livreraient tous à la traite d'êtres humains.

Ces dernières années, on a assisté à un développement considérable de la traite de femmes et d'enfants acheminés d'Europe centrale et orientale en Europe occidentale. Il semble qu'une nouvelle vague de traite de femmes, la quatrième, émane de l'Europe centrale et orientale. La traite d'enfants de l'Europe de l'Est vers l'Europe de l'Ouest s'est développée parce qu'il est plus simple et moins cher pour les trafiquants d'acheminer des enfants d'Europe centrale et orientale en Europe de l'Ouest que de les recruter dans des pays en développement.

En Afrique, la vente d'enfants a lieu dans bon nombre de pays. Pendant longtemps, de nombreux enfants ont été envoyés travailler dans des pays voisins ; c'est en particulier le cas des filles recrutées comme domestiques. En Afrique orientale et centrale, la tradition veut que les parents pauvres envoient une de leurs filles à un membre de la famille mieux à même de s'en occuper. Si beaucoup d'enfants bénéficient de cette tradition et reçoivent ainsi une éducation, des soins et une attention adéquates, certains sont exploités dans le cadre de leur travail ou à des fins sexuelles. Des enfants du Togo, du Bénin et du Nigeria sont acheminés par voie maritime au Gabon, où on les fait travailler, comme domestiques ou dans les exploitations agricoles. L'affaire de l'Etireno a révélé au monde l'ampleur de ce trafic.

En Asie du Sud-Est, la traite des femmes et des enfants aux fins d'exploitation sexuelle n'est pas un phénomène récent. On sait depuis longtemps que des fillettes des provinces les plus pauvres du Nord et du Nord Est de la Thaïlande sont recrutées pour se prostituer dans les villes, mais dans les années quatre-vingt-dix, ce phénomène a été éclipsé par la traite de femmes et d'enfants originaires de Birmanie, du Laos, du Cambodge et de la province chinoise du Yunnan. Les mêmes réseaux d'exploitation, de recrutement et de ventes existent au Mexique, au Costa Rica, au Brésil, en Colombie, au Guatemala, au Nicaragua et aux Philippines.

Au Moyen-Orient et dans le Golfe arabo-persique, la vente d'êtres humains en direction du Bahreïn concerne aussi bien les adultes que les enfants.

b) La situation en France

D'après les statistiques des services de police, en 1999 on recense 16 307 infractions sexuelles dont 6 591, soit 28 %, commises dans le milieu familial. 46 % des viols de mineurs sont commis dans le milieu familial. 37 affaires de prostitution de mineurs ont été traitées par la police en 1999, ainsi que 15 affaires de pornographie. Cependant de nombreuses associations de soutien aux prostitués contestent la faiblesse de ces chiffres et font état de la présence de nombreux mineurs sur les lieux de prostitution. Le phénomène de la prostitution des mineurs semble être lié à l'errance, à la fréquentation de bars et débits de boisson, ou à la prostitution organisée. Les associations relèvent la forte présence de mineurs étrangers, ressortissants des pays de l'Est, Africains, ressortissants du Maghreb. Cependant certains faits de prostitution sont aussi repérés autour de quelques lycées. Il s'agirait de mineures françaises se livrant occasionnellement à la prostitution.

D'après M. Patrice Blanc, secrétaire général de l'Institution du défenseur des enfants et M. Alain Vogelweith, magistrat conseiller de la section juridique de cette institution, ce phénomène est difficilement quantifiable car les mineurs étrangers en danger se déplacent dès que les lieux de prostitution sont repérés. De plus, généralement, les mineurs dans cette situation sont isolés. Les services de police, souvent critiqués pour leur inertie alors que les lieux de prostitution sont connus, soulignent qu'actuellement les textes pénaux ne leur permettent d'intervenir que si l'infraction est commise (la tentative en la matière n'étant pas punissable), ce qui est en cours de modification dans la proposition de loi relative à l'autorité parentale qui devrait être définitivement adoptée à la fin de la législature.

Par ailleurs, la France a durci sa législation de répression du tourisme sexuel. Adoptée après le premier congrès mondial sur l'exploitation sexuelle des enfants en 1966, la loi du 17 juin 1998 a étendu les poursuites à l'ensemble des crimes et délits sexuels commis contre des mineurs par des Français à l'étranger, même si les faits ne sont pas punis par la législation du pays où ils ont été commis. Elle a allongé le délai de prescription de l'action publique à l'âge de la majorité de la victime, et prévu la responsabilité pénale des personnes morales, comme les agences de voyages.

Malgré la solidité de cet arsenal juridique, l'application de la loi souffre encore de deux handicaps, la tolérance des pouvoirs publics de pays où le tourisme sexuel constitue une source très importante de devises étrangères, et la difficulté de rassembler et de produire des preuves. Depuis la loi du 4 février 1994, seules trois affaires ont fait l'objet de poursuites pénales en France.

Face à ces fléaux, la communauté internationale a tenté de réagir par l'adjonction de deux protocoles à la convention relative aux droits de l'enfant, afin de conduire les Etats signataires à une prise de conscience plus aiguë de ces tragédies et à une harmonisation de leur législation et de leur pratique.

II - DES AVANCÉES IMPORTANTES DANS LA PRÉVENTION ET LA RÉPRESSION DES ATTEINTES AUX DROITS DE L'ENFANT

Les deux protocoles facultatifs à la convention relative aux droits de l'enfant sont l'aboutissement d'initiatives ambitieuses et de négociations parfois difficiles qui se sont déroulées dans le cadre des Nations unies.

A - Les principales avancées du protocole concernant l'enfant dans les conflits armés

L'article 38 précité de la convention relative aux droits de l'enfant et le protocole additionnel aux conventions de Genève ne font pas obligation aux Etats d'éviter la participation des enfants aux hostilités. Ils leur demandent de prendre des mesures pour ce faire.

Afin d'élever l'âge minimal de quinze à dix-huit ans, la Commission des droits de l'Homme de l'ONU a créé, en 1994, un groupe de travail chargé d'élaborer un protocole additionnel à la convention relative aux droits de l'enfant, sur la participation des enfants aux conflits armés.

A l'issue de négociations difficiles, un texte de compromis a été établi lors de la session du groupe de travail du mois de janvier 2000 et adopté le 25 mai 2000 par la résolution 54/263 de l'Assemblée générale des Nations unies. Le protocole est additionnel à la convention, il complète plusieurs de ses dispositions. Lorsque l'Etat est à la fois partie à la convention et au protocole, les dispositions de ce dernier se substituent à celles de la convention qui concernent la participation des enfants dans les conflits armés.

Sur 95 signataires, 14 Etats (Andorre, Bangladesh, Canada, République démocratique du Congo, Islande, Kenya, Monaco, Nouvelle-Zélande, Panama, Roumanie, Saint-Siège, Sri Lanka, République tchèque et Vietnam) ont ratifié le protocole qui entrera en vigueur le 12 février 2002.

1) Une négociation difficile

Les négociations ont révélé l'existence de différences dans les législations nationales et montré à quel point la pratique de certains Etats différait de la pratique française.

Pendant la négociation, la France a plaidé pour le renforcement des dispositions du protocole I et de celles de la convention de 1989. Elle a soutenu l'interdiction de la participation des enfants de moins de 18 ans aux conflits armés. La France s'est heurtée à de nombreux Etats, dont les Etats-Unis, Israël, le Koweït, la République de Corée et le Royaume-Uni, qui souhaitaient fixer à 17 ans l'âge de participation aux conflits armés.

Quant à l'engagement volontaire, certains Etats tels le Royaume-Uni, le Pakistan ou l'Iran souhaitaient qu'il soit possible dès l'âge de 16 ans. L'option de 17 ans retenue par la France était soutenue par l'Afrique du Sud, l'Allemagne, l'Australie, l'Autriche, le Brésil, le Canada, la Chine, Cuba, les Etats-Unis, l'Italie, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, les Pays-Bas, ainsi que la République de Corée.

2) Des avancées notables

Le protocole du 25 mai 2000 concernant l'enfant dans les conflits armés distingue trois situations : la participation aux hostilités, l'enrôlement obligatoire et l'engagement volontaire.

a) la participation aux hostilités

L'article 1 dispose que les Etats parties prennent toutes les mesures possibles dans la pratique pour veiller à ce que les membres de leurs forces armées qui n'ont pas atteint l'âge de 18 ans ne participent pas directement aux hostilités, a relevé à 18 ans l'âge de 15 ans prévu par l'article 38, paragraphe 2, de la convention de 1989 relative aux droits de l'enfant. Cet article améliore le droit international humanitaire, car il va au-delà du protocole I de 1977. L'accent est mis, dorénavant, sur l'âge de 18 ans, même si, dans la pratique, les Etats restent libres d'incorporer dans leurs forces armées des enfants de moins de 18 ans.

Un grand nombre de pays, s'en référant à leur pratique, pourront comme ils le souhaitaient lors de la négociation fixer à 17 ans l'âge de la participation aux conflits armés.

b) l'enrôlement obligatoire.

En élevant de 15 à 18 ans l'âge des enfants pouvant faire l'objet d'un enrôlement obligatoire, l'article 2 a modifié l'article 38, paragraphe 3, de la convention de 1989. Dorénavant, chaque Etat partie doit veiller à ce que les personnes n'ayant pas atteint l'âge de 18 ans ne fassent pas l'objet d'un enrôlement obligatoire dans leurs forces armées.

c) l'engagement volontaire

L'article 3 pose comme principe que chaque Etat partie doit relever « en années » l'âge minimum de l'engagement volontaire dans ses forces armées nationales « par rapport à celui qui est fixé au paragraphe 3 de l'article 38 de la convention », c'est-à-dire 15 ans. La rédaction de cette disposition qui a fait l'objet de négociations longues et difficiles, en raison de la disparité des situations nationales, n'est pas très satisfaisante.

La France avait défendu le principe du relèvement à 17 ans de l'âge du recrutement volontaire mais elle s'est heurtée à l'opposition d'un grand nombre de pays, beaucoup plus réservés. La solution retenue permet à chaque Etat de relever d'un an au minimum l'âge fixé au paragraphe 3 de l'article 38 de la convention. Chaque Etat partie devra déposer, au moment de sa ratification ou de son adhésion, une déclaration contraignante indiquant l'âge minimum à partir duquel il autorise l'engagement volontaire dans ses forces armées nationales.

L'Etat qui autorise l'engagement volontaire avant 18 ans doit s'assurer que cet engagement est effectivement volontaire, qu'il a lieu avec le consentement des parents de l'intéressé, que les personnes engagées sont pleinement informées des devoirs qui s'attachent au service militaire. Ces personnes doivent fournir la preuve de leur âge avant d'être admise au service militaire.

Tout Etat partie peut, à tout moment, renforcer sa déclaration, c'est-à-dire relever l'âge minimum de l'engagement volontaire comme le souhaitait la France.

L'obligation de relever l'âge minimum de l'engagement volontaire ne s'applique pas aux établissements scolaires placés sous l'administration ou le contrôle des forces armées.

d) le principe de l'application du protocole aux forces régulières

L'article 4 permet à un Etat de sanctionner pénalement les personnes n'appartenant pas aux forces armées régulières de cet Etat qui recruteraient des personnes mineures pour participer à des opérations armées. Il s'inspire du protocole I de 1977.

3) L'absence d'impact sur la législation française

Comme le montre l'annexe II, la mise en application du protocole n'entraînera aucune modification de la législation française qui interdit la participation aux opérations militaires avant 18 ans.

En application de la loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 relative au statut général des militaires, le recrutement volontaire dans les forces armées françaises est possible à partir de 17 ans révolus ou 17 ans avec accord parental.

Au cours de la période transitoire allant de l'entrée en vigueur de la loi du 28 octobre 1997 portant réforme du service national, à la suspension des incorporations décidée le 27 juin 2001, seuls les hommes nés avant le 31 décembre 1978, donc âgés de 18 ans au moins, étaient encore concernés par la conscription.

La seule protection des enfants impliqués dans les conflits armés s'avère insuffisante face au fléau que constitue leur exploitation sexuelle. La communauté internationale se devait de mettre en place des normes réprimant, à l'échelon international, ces actes criminels.

B - Les principaux apports du protocole additionnel concernant la vente, la prostitution d'enfants et la pornographie les mettant en scène

1) Une négociation difficile

La nécessité de réprimer à l'échelon international ces actes criminels est apparue à la suite d'une initiative latino-américaine liée à l'exploitation sexuelle des enfants. Dès 1994, la commission des droits de l'Homme de l'ONU a créé un groupe de travail ad hoc « chargé d'élaborer les grandes lignes d'un éventuel protocole facultatif » concernant la vente d'enfants, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants » , fondé sur les articles 34 et 35 de la convention de 1989 relative aux droits de l'enfant.

L'absence d'instrument universel abordant spécifiquement ces thèmes faisant cruellement défaut, la France soutint cette démarche, considérant qu'il convenait d'harmoniser, au sein des Etats parties à la convention de 1989, les définitions des infractions en matière d'exploitation sexuelle et de trafic d'enfants, et d'améliorer également leur coopération pour lutter contre ce phénomène.

Toutefois, dès le départ, les négociations ont achoppé sur l'opposition entre les délégations quant au champ d'application du protocole. Certains pays, surtout la plupart des pays occidentaux, souhaitaient le limiter à la lutte contre la vente d'enfants aux fins d'exploitation sexuelle tandis que d'autres, notamment des pays d'Amérique latine et des Caraïbes, voulaient y englober la vente d'organes, l'adoption illégale, le travail forcé. On aboutit à un consensus lors de la sixième session par l'adoption d'une définition relativement large de la notion de « vente d'enfants », tout en qualifiant d'infractions pénales certains comportement précisément définis. Par ailleurs, la question de l'incrimination de certaines adoptions suscita de vifs débats.

Ce Protocole est en vigueur depuis Janvier 2002 ; 90 Etats l'ont signé, 17 l'ont ratifié : Andorre, le Bangladesh, la Biélorussie, la République démocratique du Congo, Cuba, l'Espagne, l'Islande, le Kazakhstan, le Maroc, l'Ouganda, la Norvège, le Panama, le Qatar, la Roumanie, le Saint-Siège, la Sierra Leone et le Vietnam.

2) Des incriminations spécifiques

a) un champ d'application large

Le protocole incite les Etats parties à incriminer certains comportements liés à la vente, l'exploitation sexuelle des enfants et la pornographie les mettant en scène, et s'applique, même si l'infraction n'est commise que par un seul individu, contrairement au protocole visant la lutte contre la traite d'êtres humains de la convention contre la criminalité transnationale organisée de novembre 2000, dont l'application est soumise à l'existence d'un groupe organisé.

b) La répression de la vente d'enfants

Selon son préambule, l'objectif du protocole est de promouvoir, sur la base de la convention et des recommandations des organismes internationaux concernés, un renforcement des mesures que les Etats doivent prendre pour interdire la vente, la prostitution d'enfants et la pornographie les mettant en scène (article 1er).

Il définit précisément, dans son article 2, la vente d'enfants comme « tout acte ou toute transaction en vertu desquels un enfant est remis par toute personne ou tout groupe de personnes à une autre personne ou groupe de personnes contre rémunération ou tout autre avantage ». La définition relative aux institutions et pratiques analogues à l'esclavage de la convention relative à l'abolition de l'esclavage du 7 septembre 1956 a inspiré la rédaction de ce texte.

Cependant, dans le cadre de la vente d'enfants ainsi définie, seuls certains comportements doivent être érigés en infractions pénales. L'article 3 précise les comportements incriminés en soulignant bien qu'il peuvent être le fait d'un individu ou d'un groupe organisé. Il réprime « (...) le fait d'offrir, de remettre ou d'accepter un enfant, quel que soit le moyen utilisé, aux fins d'exploitation sexuelle, de transfert d'organes à titre onéreux, de travail forcé(...) ». Il incrimine (...) « le fait d'obtenir indûment, en tant qu'intermédiaire, le consentement à l'adoption d'un enfant, en violation des instruments juridiques internationaux relatifs à l'adoption » (...).

c) La question de la vente d'enfants aux fins d'adoption

Lors des négociations, un débat très vif avait eu lieu entre les Etats souhaitant limiter cette incrimination aux seuls intermédiaires et privilégier l'application de la convention de La Haye de 1993 en ce qui concerne les parents, et les Etats voulant au contraire viser les parents comme responsables d'une vente d'enfant. Un consensus s'est fait sur le renvoi implicite à la convention de La Haye. Ainsi, les parents, biologiques ou adoptifs, ont finalement été exclus de l'incrimination par l'insertion, à l'article 3 d'un paragraphe 5 aux termes duquel : « Les Etats parties prennent toutes les mesures juridiques et administratives appropriées pour s'assurer que toutes les personnes intervenant dans l'adoption d'un enfant agissent conformément aux dispositions des instruments juridiques internationaux applicables ».

Ce paragraphe renvoie à l'article 21 de la convention relative aux droits de l'enfant et aux articles 8, 32, 33 de la convention de La Haye qui met en place un système préventif fondé sur une procédure spécifique de coopération des Etats. Il vise à inciter les Etats parties à élaborer au plan pénal une incrimination spécifique relative aux conditions d'obtention par un intermédiaire du consentement à l'adoption par le ou les parents biologiques ou adoptifs de l'enfant.

L'article 3 paragraphe 2 prévoit l'incrimination de la tentative et de la complicité de l'infraction. L'article 4 engage les Etats à rechercher la responsabilité pénale, civile ou administrative des personnes morales ayant commis l'infraction. Sont incriminées l'ensemble des pratiques mercantiles et frauduleuses qui, en amont d'une adoption internationale, peuvent conduire à la remise d'enfant par des parents presque toujours défavorisés et parfois soumis à des pressions ou à des menaces. Deux rapports des Nations unies et de l'UNICEF publiés en 2000 ont clairement mis en évidence l'importance de telles pratiques au Guatemala. Elles existent ailleurs.

Le protocole incite pays d'origine et pays d'accueil à une vigilance accrue en matière de protection des droits de l'enfant dans le domaine spécifique de l'adoption internationale qui s'accroît dans la plupart des pays européens et nord-américains depuis une vingtaine d'années.

d) La prostitution et la pornographie

L'article 2 définit la prostitution des enfants par « le fait d'utiliser un enfant aux fins d'activités sexuelles contre rémunération ou autre fins d'avantages ou de l'offrir, de le procurer ou le fournir à de telles fins (...) ».

Prenant en considération le développement des nouvelles technologies et des réseaux pédophiles, l'article 2 du protocole définit « la pornographie mettant en scène des enfants, comme toute représentation par quelque moyen que ce soit d'un enfant s'adonnant à des activités sexuelles (...) » et « comme le fait de produire, de distribuer, de diffuser, d'importer, d'exporter, d'offrir, de vendre ou de détenir des matériels pornographiques mettant en scène des enfants ». Cette incrimination permet de lutter contre l'utilisation de nouvelles technologies pour diffuser et détenir des matériels pornographiques mettant en scène des enfants (vidéos, notamment).

3) La compétence extra-territoriale des Etats : une coopération en vue de protéger les enfants

L'article 4, inspiré par la convention contre la torture du 10 décembre 1984, permet de poursuivre l'auteur d'une infraction en sa seule qualité de ressortissant de l'Etat ou parce qu'il y a sa résidence, alors même que l'infraction a été commise en dehors du territoire de cet Etat. Ce n'est qu'une simple faculté pour les Etats parties. De même, le principe « extrader ou poursuivre », qui, pour éviter l'impunité de l'auteur d'une infraction, oblige l'Etat à la poursuivre à partir du moment où sa compétence est établie, ou bien à l'extrader, a été limité au cas où l'infraction est commise par un national (article 4, paragraphe 3).

L'article 5 inclut de plein droit les infractions citées par le protocole dans les traités d'extradition existants ou à venir conclus entre les parties et l'article 6 pose le principe de l'entraide judiciaire la plus large possible entre les parties.

Les articles 8, 9 et 10 prévoient une série de mesures destinées à protéger les droits et intérêts des enfants victimes tout au long de la procédure pénale et incitent les Etats à diverses actions de prévention, d'information et de coopération pour éviter et prévenir les pratiques prohibées par le protocole.

Selon l'article 12 du protocole, « chaque Etat partie présente, dans les deux ans à compter de l'entrée en vigueur du présent protocole à son égard, un rapport au Comité des droits de l'enfant contenant des renseignements détaillés sur les mesures qu'il a prises pour donner effet aux dispositions du protocole ».

4) L'impact sur la législation française

Comme le montre la note de la Ministre déléguée à la Famille, à l'Enfance et aux personnes handicapées, et l'étude d'impact figurant respectivement en annexe I et III, la ratification de cet instrument aura peu d'incidence sur la législation française qui s'est progressivement mise en conformité avec la convention relative aux droits de l'enfant et à ses protocoles facultatifs. L'adoption définitive, à la fin de la législature, de la proposition de loi relative à l'autorité parentale devrait pallier deux carences notables de la législation pénale française. En effet, cette proposition de loi prévoit l'incrimination des clients de mineurs prostitués. L'acceptation de l'offre est elle-même réprimée, ce qui rendra plus effectifs et efficaces les contrôles de police. La détention de matériel pornographique mettant en scène des enfants est également incriminée.

Il reste que, d'après MM. Patrice Blanc et Alain Vogelweith, le système de vérification du caractère illicite des vidéo-cassettes et autres supports fonctionne mal et devra être réformé. De même le contrôle du cryptage sur Internet est une procédure lourde nécessitant plus de moyens.

Tous les comportements incriminés par le protocole le sont par le code pénal au titre d'enlèvement et de séquestration (art. 224-1 à 224-5 de ce code), de soustraction d'enfant (art. 227-8 du code pénal), de délaissement de personnes hors d'état de se protéger (223-3, 227-1 et 227-2, etc. du code pénal). Le fait d'offrir ou de remettre un enfant aux fins d'exploitation sexuelle peut être poursuivi sur le fondement du viol, de l'agression sexuelle, de l'atteinte sexuelle sur mineur de moins de 15 ans (art. 222-23 à 222-31 du code pénal).

CONCLUSION

Votre Rapporteur ne peut que recommander l'adoption de ces textes qui répondent aux objectifs fixés par les congrès de Stockholm et de Yokohama, comme à ceux fixés par le Gouvernement et le Parlement Français. En effet, l'Assemblée nationale, au cours de la présente législature, s'est penchée à diverses reprises sur les droits des enfants (commission d'enquête sur les droits de l'enfant, commission d'enquête sur l'esclavage moderne, rapport d'information sur les droits de l'enfant dans le monde, rapport d'information sur les droits de la personne et la Francophonie, réunion annuelle du Parlement des enfants).

A cet égard, votre Rapporteur se félicite de l'initiative prise par Mme Ségolène Royal, Ministre déléguée à la Famille, à l'Enfance et aux personnes handicapées de proposer une réunion, à Bamako les 28 et 29 mars prochain, des pays membres de l'organisation intergouvernementale de la Francophonie, sur les droits de l'enfant afin d'encourager tous ces pays à ratifier les instruments internationaux relatifs aux droits de l'enfant, de mettre en conformité leur législation nationale avec ces textes et d'organiser une coopération régionale pour réprimer le trafic d'enfants.

Ces projets de loi encouragent les actions de prévention et d'information et souligne tout l'intérêt de la coopération internationale. La répression internationale des crimes que sont l'exploitation des enfants à des fins sexuelles est plus que jamais nécessaire pour lutter contre les réseaux mafieux de trafiquants qui prospèrent dangereusement.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 30 janvier 2002.

Après l'exposé du Rapporteur, Le Président François Loncle a rappelé que, depuis plus d'une douzaine d'années, l'Assemblée nationale se mobilise fortement sur la défense et la protection des enfants. Outre le vote d'une série de projets de loi et la ratification de conventions internationales à ce sujet, plusieurs commissions d'enquête et missions d'informations se sont penchées sur la protection de l'enfance. Il a cependant regretté que, malgré l'avance de la législation française sur ces différents thèmes, la prostitution des mineurs continue à proliférer sans que l'on s'en émeuve. Il s'est étonné qu'il n'y ait pas davantage d'interventions des forces de l'ordre à ce sujet.

M. Charles Ehrmann a évoqué l'influence néfaste d'Internet dans le développement de la pornographie mettant en scène des enfants. Il a demandé si une coopération était mise en _uvre avec les principaux pays concernés par la prostitution enfantine, comme les Philippines par exemple.

Il a enfin souligné la responsabilité des Allemands, principaux clients, d'après la presse, des réseaux pédophiles.

M. Pierre Brana a rappelé que le statut de la Cour pénale internationale incriminait l'utilisation d'enfants de moins de quinze ans dans les conflits armés. La convention l'interdit également pour les enfants de quinze à dix-huit ans, mais quelles seront les sanctions pour ceux qui ne respecteront pas la Convention tant que le statut de la Cour pénale internationale n'est pas en vigueur ?

Mme Marie-Hélène Aubert a demandé quelles étaient les sanctions prévues par la Convention à l'encontre des clients de la prostitution et de la pornographie enfantine. S'il existe un trafic, c'est parce qu'il y a des utilisateurs.

M. Michel Fromet a répondu à ces différentes interventions en reconnaissant que de nombreux Etats n'avaient pas encore ratifié les deux Protocoles facultatifs. S'agissant de celui sur l'implication des enfants dans les conflits armés, quatorze Etats l'ont ratifié, dont la liste figure dans le rapport. Pour ce qui est du Protocole facultatif concernant la vente d'enfants, il est en vigueur depuis janvier 2002, dix-sept Etats l'ayant ratifié.

Il a estimé souhaitable d'exercer des pressions auprès des pays d'Europe de l'Est qui souhaitent entrer dans l'Union européenne pour les encourager à ratifier ces Protocoles et à empêcher ainsi que des filières de trafics d'enfants en provenance de ces pays ne prospèrent. Selon lui, les Protocoles permettent de lutter contre les inconvénients de l'utilisation d'Internet, car ils contiennent des dispositions qui permettent de s'attaquer au phénomène de détention de matériel pornographique mettant en scène des enfants. Désormais, la détention de cassettes vidéo est incriminée.

S'agissant de l'enrôlement des enfants et de leur utilisation sur le théâtre des opérations, le Protocole ne prévoit pas de sanctions contre les Etats mais constitue une forte incitation à interdire ces pratiques. Il prévoit en revanche des sanctions contre les groupes armés non étatiques qui enrôlent des enfants ; toutefois, le statut de la Cour pénale internationale, qui qualifie de crime de guerre l'utilisation des enfants dans les conflits armés pourrait permettre de traduire en justice les Etats qui ne respectent pas les dispositions du Protocole concernant les enfants dans les conflits armés.

S'agissant de la responsabilité pénale des clients de la prostitution enfantine, la Convention renvoie au droit des Etats.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté les projets de loi (nos 3513 et 3514).

*

* *

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, les présents projets de loi.

NB : Le texte des protocoles figure en annexe aux projets de loi (nos 3513 et 3514).

ANNEXE I

Mesures prises et Convention relative aux droits de l'enfant

De nombreuses mesures concernant la protection de l'enfant adoptées depuis 1997 sont la traduction dans la politique et la législation françaises de dispositions figurant dans la Convention internationale relative aux droits de l'enfant de 1989, entrée en vigueur dans notre pays en 1990.

Sans préjudice de mesures antérieures allant dans le même sens, il peut donc être utile de rappeler brièvement la référence CIDE correspondant à chacune des principales mesures récemment adoptées.

Dispositions législatives

- la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles instaure des modalités audiovisuelles, moins traumatisantes, pour l'audition des mineurs victimes, renforce les peines contre les pédophiles, et plus encore via Internet, et condamne le bizutage : CIDE art. 19, 34 et 28-2 (bizutage)

- création d'un médiateur par la loi du 6 mars 2000, et nomination en Conseil des Ministre d'une Défenseure des Enfants le 3 mai 2000, pour un mandat de 6 ans, en tant qu'autorité indépendante chargée de défendre et de promouvoir les droits de l'enfant consacrés par la loi ou par un engagement international : CIDE art. 3 (intérêt supérieur de l'enfant)

- le Parlement a engagé l'examen de l'aménagement de l'accouchement sous X, avec la création d'un Conseil National de l'Accès aux Origines Personnelles permettant de concilier le droit de l'enfant à ses origines et le respect de la décision initiale de la mère : CIDE art. 7-1

- l'égalité en matière successorale des enfants adultérins avec les enfants légitimes et naturels est en cours de reconnaissance, avec la loi sur le conjoint survivant dont la discussion a été engagée devant le Parlement : CIDE art. 2-1

- la réforme de l'autorité parentale, également en cours d'adoption, et les mesures pratiques qui l'accompagnent, vise à traduire dans les faits le droit de l'enfant à ses deux parents, y compris en cas de divorce ou de séparation : CIDE art. 9, 10, 11

Programmes d'action, dont certains en appui de textes législatifs

● concernant les enfants

- contre la maltraitance dans les familles : CIDE art. 19

- contre la maltraitance dans les institutions : CIDE art. 3-3, 20, 28-2

- lutte contre la pédophilie : CIDE art. 34 a°

- lutte contre la pédopornographie

- lutte contre la prostitution : CIDE art. 34b)

- lutte contre la violence dans les médias : CIDE art. 17 e)

- Enfants handicapés, notamment le Plan Handiscol : CIDE art. 23

- Enfants placés : CIDE art. 20

● Concernant les familles

- aider les familles à accomplir leur devoir de protection vis-à-vis des enfants : CIDE art. 18

- en respectant la liberté de choix des familles : CIDE art. 5

- développement des modes de garde : CIDE art. 18-3 (droit de bénéficier des services et établissements de garde d'enfants)

- mesures visant à responsabiliser aussi les pères (congé de p aternité, livret de paternité : CIDE art. 18-1

- parents d'enfants placés : CIDE art. 9-1, 2

● Dispositions concernant l'adoption

L'article 21 de la CIDE porte sur l'adoption. L'adoption internationale fait l'objet des points b), c, d. Ils ont été développés et précisés par la Convention de La Haye de 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale.

La France a ratifié en 1998 cette Convention destinée à éviter les nombreuses dérives faisant fi de l'intérêt supérieur de l'enfant dans les opérations d'adoption internationale.

Dès l'année suivante, en avril 1999, alors qu'elle accueillait jusque-là près de la moitié des enfants vietnamiens adoptés par des parents étrangers, la France a été conduite à suspendre les adoption an Vietnam.

Des négociations ont été engagées avec le Vietnam qui ont permis la mise au point d'une Convention bilatérale sur le modèle de la Convention de La Haye (que le Vietnam n'a pas signée). Les difficultés pratiques liées à la mise en _uvre concrète de cette Convention bilatérale ayant pu être surmontées, les adoptions ont pu reprendre depuis le 1er avril dernier, sur des bases conformes aux dispositions de la Convention.

ANNEXE II

Etude d'impact - Implication d'enfants dans les conflits armés

Etat du droit et situation de fait existants et leurs insuffisances

Dès 1977, le protocole I aux conventions de Genève de 1949 sur la protection des victimes des conflits armés internationaux prévoit dans son article 77 que les Etats prennent toutes les mesures possibles dans la pratique pour que les enfants de moins de quinze ans ne participent pas directement aux hostilités. La convention sur les droits de l'enfant de 1990 reprend, dans son article 38 paragraphe 2, cet âge minimal selon une formulation semblable.

Allant plus loin dans la construction d'un droit international humanitaire soucieux de la protection des enfants, le Statut de Rome de la Cour pénale internationale du 17 juillet 1998 considère pour la première fois le fait de procéder à la conscription ou à l'enrôlement des enfants de moins de quinze ans dans les forces armées nationales ou de les faire participer activement à des hostilités comme une violation grave des lois et coutumes applicables aux conflits armés internationaux et le classe parmi les crimes de guerre (article 8 paragraphe 2 sous e)vii).

La convention n° 182 de l'Organisation internationale du travail (OIT) du 17 juin 1999 concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur élimination reprend cette condamnation en disposant que le recrutement forcé ou obligatoire des enfants en vue de leur utilisation dans des conflits armés constitue une des pires formes de travail des enfants, le terme « enfant » s'appliquant - dans le cadre de cette convention - à toute personne de moins de dix-huit ans.

Toutefois, en raison du nombre croissant de jeunes enfants impliqués dans les conflits armés, il paraissait nécessaire, d'une part, de relever encore l'âge minimal fixé à leur participation, leur engagement volontaire et leur enrôlement obligatoire et d'autre part, au-delà de la condamnation, d'inciter les Etats avec plus d'efficacité à prendre des mesures concrètes en ce domaine et à en rendre compte. Le protocole additionnel à la convention de 1990 relative aux droits de l'enfant permet cette avancée.

Bénéfices escomptés en matière :

- d'emploi

néant

- d'intérêt général

La médiatisation excessive de l'emploi d'enfants soldats dans les guerres civiles en Afrique ou en Amérique latine a un impact négatif sur l'acceptation par les contribuables de l'aide au développement comme priorité budgétaire. L'interdiction de l'utilisation d'enfants dans les conflits armés représente une avancée conséquente du droit humanitaire et affaiblit la doctrine « néo-confucéenne » de certains Etats du Tiers-Monde qui affirment que les droits de l'homme doivent être adaptés aux conditions locales.

- d'incidence financière :

néant

- de simplification des formalités administratives :

La loi n° 72-662 du 13 juillet 1972 relative au statut général des militaires fixe à l'engagement volontaire dans les armées un ensemble de conditions, parmi lesquelles un âge minimal, fixé à dix-sept ans révolus, ou encore l'obtention du consentement parental. Dans la pratique, toutes ces conditions se traduisent par l'accomplissement de formalités administratives, obtention d'actes d'état civil ou encore signature par les parents du volontaire de documents écrits.

Le protocole ne s'attache pas à définir d'autres conditions à la participation aux hostilités que l'âge minimal et s'il prévoit que les Parties encadrent l'engagement volontaire d'un ensemble de garanties précisément déterminées dans le dispositif du protocole, celles-ci ne sont cependant pas différentes de celles que fixe la législation nationale. Aussi, la mise en _uvre de ces dispositions n'entraîne pas de simplification des formalités administratives existantes.

- de complexité de l'ordonnancement juridique

La législation française n'aura pas à être modifiée pour permettre la pleine application des dispositions de ce protocole dans la mesure où elle y est d'ores et déjà conforme.

En effet, avant même l'entrée en vigueur de la loi n° 97-1019 du 28 octobre 1997 portant réforme du service national, seuls les hommes majeurs pouvaient être appelés. Depuis lors, ne sont plus concernés par la conscription que les hommes nés avant le 31 décembre 1978, donc âgés de plus de dix-huit ans. L'engagement volontaire pour une carrière dans les armées, régi notamment par l'article 88 de la loi du 13 juillet 1972 et le volontariat pour accomplir une année sous les drapeaux dans le cadre du service national réformé tel que prévu par les dispositions de la loi du 8 novembre 1997 (codifiées aux articles L.121-1 et suivant du code du service national), ne posent pas davantage de problème de conformité avec les dispositions de l'article 3 du protocole.

Enfin, l'engagement souscrit par les élèves des écoles militaires, possible dès l'âge de seize ans, n'est pas en cause, les établissements scolaires étant exclus par l'article 3 alinéa 5 du champ d'application du protocole.

ANNEXE III

Etude d'impact - Vente d'enfants et pornographie

Etat du droit et situation de fait existants et leurs insuffisances

Le dispositif conventionnel existant pour la protection des enfants et le respect de leurs droits comportait jusqu'à l'adoption de ce protocole une lacune en matière de protection des enfants contre la vente, la prostitution et la pornographie les mettant en scène.

Divers instruments internationaux destinés à les protéger existent certes déjà, tels que les conventions de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale ou les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants ; cependant, ils ne traitent pas précisément de ces délits.

Le développement important du tourisme sexuel et l'essor des nouvelles technologies de l'information et de la communication donnent une nouvelle actualité à ces pratiques délictueuses. Deux accords internationaux récents les ont abordées pour la première fois, sans pouvoir pour autant les combattre de manière satisfaisante. La convention n° 182 de l'OIT, concernant l'interdiction des pires formes de travail des enfants et l'action immédiate en vue de leur élimination, prévoit explicitement l'élaboration d'une législation protectrice mais se place dans le seul cadre du travail. De même, l'application de la convention contre la criminalité transnationale organisée et de son protocole additionnel visant à lutter contre la traite des êtres humains, signés le 15 novembre 2000, est limitée par des conditions restrictives.

Aussi l'adoption de ce protocole permet-elle de combler cette lacune et de donner une valeur juridique à ce qui n'était à l'origine qu'une condamnation morale et politique. Il permettra, en outre, aux Etats parties et aux ONG de faire pression sur certains pays pauvres qui ont parfois insuffisamment combattu les pratiques délictueuses de certains de leurs ressortissants envers les touristes étrangers.

Bénéfices escomptés en matière

- d'emploi

Le protocole prévoit l'intervention d'organismes de prévention, de protection et de réadaptation des enfants victimes. De même, des personnels leur portent assistance au cours de la procédure judiciaire et sont formés dans ce but à l'aide psychologique et juridique.

Néanmoins, de telles structures existent déjà dans le cas français. Peut-être certaines unités spécialisées, au sein de la police nationale dans la recherche et la lutte contre la cyberpornographie par exemple, pourraient-elles être encore étoffées. Pour autant, l'impact sur l'emploi de la mise en _uvre de ce protocole est difficilement quantifiable et devrait être marginal.

- d'intérêt général

Le protocole renforce la condamnation universelle de telles pratiques dont sont victimes les enfants et contribue à l'harmonisation des définitions de la « vente » d'enfants et de leur exploitation sexuelle, préalable indispensable au développement d'une coopération internationale visant à leur éradication. Ce texte crée ainsi une base juridique solide pour dénoncer les Etats coupables de laxisme envers le tourisme sexuel, sans s'ingérer dans leurs affaires intérieures. En particulier, il permettra aux ONG des pays en développement de demander à leurs gouvernements de mettre en place la législation pénale indispensable à l'ouverture de poursuites envers les délinquants et leurs complices.

- financière

Sans objet

- de simplification des formalités administratives

Le protocole n'impose aux Etats parties aucune mesure d'application concrète mais les incite à adopter, renforcer ou diffuser par le moyen qui leur semble le plus favorable - loi, mesure administrative, politique ou programme social - les actions propres à protéger les enfants. Les autorités françaises ont ainsi prévu de créer prochainement une adresse électronique pour le signalement des sites pédophiles. Une telle mesure est susceptible de simplifier les démarches de particuliers ou d'organisations soucieux de lutter contre cette criminalité qui trouve dans les nouvelles technologies de l'information et de la communication un moyen de diffusion efficace.

- de complexité de l'ordonnancement juridique

Les comportements incriminés dans ce protocole, aussi bien dans le cadre de la vente d'enfants que dans celui de la pornographie impliquant les enfants ou de la prostitution enfantine, sont d'ores et déjà reconnus comme des infractions pénales. Un renforcement des sanctions pénales et disciplinaires d'incapacité des fonctionnaires condamnés pour atteinte sexuelle sur les mineurs est cependant envisagé.

La détention de matériel pornographique échappe encore en tant que telle au droit pénal français. La jurisprudence de la Cour de cassation en reconnaît déjà l'existence, mais en tant que délit de recel de corruption de mineur. L'instauration de sanctions pénales sur les vidéos pornographiques mettant en scène des enfants permettra de combler ce vide juridique.

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