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le 19 février 2002

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N° 3601

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 février 2002.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR :

- LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant la ratification de l'accord de partenariat entre les membres du groupe des Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, d'une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d'autre part,

et

- LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant la ratification de l'accord interne entre les représentants des gouvernements des Etats membres, réunis au sein du Conseil, relatif au financement et la gestion des aides de la Communauté dans le cadre du protocole financier de l'accord de partenariat entre les Etats d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique et la Communauté européenne et ses Etats membres, signé à Cotonou (Bénin) le 23 juin 2000, et à l'affectation des aides financières destinées aux pays et territoires d'outre-mer auxquels s'appliquent les dispositions de la quatrième partie du traité CE ,

PAR M. JEAN-YVES GATEAUD,

Député

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 51, 52, 202 et T.A. 53, 54 (2001-2002)

Assemblée nationale : 3583, 3584

Traités et conventions

La Commission des affaires étrangères est composée de : M. François Loncle, président ; M. Gérard Charasse, M. Georges Hage, M. Jean-Bernard Raimond, vice-présidents ; M. Roland Blum, M. Pierre Brana, Mme Monique Collange, secrétaires ; Mme Michèle Alliot-Marie, Mme Nicole Ameline, M. René André, Mme Marie-Hélène Aubert, Mme Martine Aurillac, M. Édouard Balladur, M. Raymond Barre, M. Henri Bertholet, M. Jean-Louis Bianco, M. André Billardon, M. André Borel, M. Bernard Bosson, M. Philippe Briand, M. Bernard Brochand, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Hervé de Charette, M. Jean-Claude Decagny, M. Patrick Delnatte, M. Jean-Marie Demange, M. Xavier Deniau, M. Paul Dhaille, M. Jean-Paul Dupré, M. Charles Ehrmann, M. Jean-Michel Ferrand, M. Raymond Forni, M. Georges Frêche, M. Michel Fromet, M. Jean-Yves Gateaud, M. Jean Gaubert, M. Valéry Giscard d'Estaing, M. Jacques Godfrain, M. Pierre Goldberg, M. Michel Grégoire, M. François Guillaume, M. Jean-Jacques Guillet, M. Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, M. Didier Julia, M. Alain Juppé, M. Gilbert Le Bris, M. Jean-Claude Lefort, M. Guy Lengagne, M. Pierre Lequiller, M. Alain Le Vern, M. Bernard Madrelle, M. René Mangin, M. Daniel Marcovitch, M. Jean-Paul Mariot, M. Gilbert Maurer, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, M. Étienne Pinte, M. Marc Reymann, M. François Rochebloine, M. Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, M. René Rouquet, M. Georges Sarre, M. Henri Sicre, M. Dominique Strauss-Kahn, Mme Christiane Taubira-Delannon, M. Michel Terrot, Mme Odette Trupin, M. Joseph Tyrode, M. Michel Vauzelle.

SOMMAIRE

___

INTRODUCTION 5

I . LA NÉCESSITÉ DE RÉFORMER LE CADRE DE LA
COOPÉRATION UNION EUROPÉENNE - ACP
9

A - UN CADRE DEMEURÉ INCHANGÉ DEPUIS 1975 9

B - UNE ACTION DE LEVIER INSUFFISANTE SUR L'ÉCONOMIE
DES PAYS PARTENAIRES
10

C - LA NÉCESSITÉ DE S'ADAPTER AUX RÈGLES DE L'OMC 11

II . LES PRINCIPAUX ÉLÉMENTS DE L'ACCORD DE COTONOU 14

A - LE RENFORCEMENT DE LA DIMENSION POLITIQUE ET
DE SÉCURITÉ DU PARTENARIAT
14

1) Un dialogue politique très large et permanent pour éviter le
recours à la clause de non exécution 14

2) La dimension migratoire : l'introduction d'une
clause standard de réadmission 15

B - L'INSERTION GRADUELLE DES ETATS ACP DANS L'ÉCONOMIE MONDIALE 16

1) L'établissement de zones de libre-échange entre l'Union
et des sous-ensembles de la zone ACP 17

2) L'évolution du régime commercial 19

3) Les incertitudes sur la viabilité du projet 19

C - L'APPROPRIATION DE LA COOPÉRATION PAR LES PAYS ET LES
POPULATIONS CONCERNÉES : LE PARTENARIAT OUVERT AUX
ACTEURS DE LA SOCIÉTÉ CIVILE
20

III . LES NOUVELLES MODALITÉS DE LA COOPÉRATION FINANCIÈRE 22

A - LA DOTATION DU 9ÈME FED 22

B - LE REMPLACEMENT DES INSTRUMENTS DE LOMÉ PAR TROIS
ENVELOPPES POUR FINANCER LES DIFFÉRENTES INTERVENTIONS
23

1) Une enveloppe de soutien au développement à long terme 23

2) Des appuis à la coopération et à l'intégration régionales 23

3) Une facilité d'investissement 24

C - LA RÉFORME DE LA GESTION DU FED 24

CONCLUSION 28

EXAMEN EN COMMISSION 30

Mesdames, Messieurs,

Le processus de renégociation de l'accord de Lomé a été lancé à la suite de la publication par la Commission européenne de son Livre vert sur les relations entre l'Union européenne et les pays ACP, le 20 novembre 1996. Sur cette base, la Commission a fait adopter par le Conseil Affaires générales, en 1998, un projet très ambitieux de rénovation du partenariat Union européenne-pays ACP. On soulignera que la perspective de cette négociation a entraîné un renforcement de la solidarité du groupe des pays ACP qui a présenté, lors de l'ouverture officielle des travaux le 30 septembre 1998, une position commune de négociation.

Après une année de négociations, un nouvel accord de partenariat liant l'Union à soixante et onze pays d'Afrique, de la Caraïbe et du Pacifique pour les vingt années à venir a été signé le 23 juin 2000 à Cotonou.

Les quatre conventions successives de Lomé, qui associaient un régime commercial très avantageux pour les pays ACP et le versement d'une aide importante dans le cadre du Fonds européen de développement n'ont pas apporté les résultats escomptés quant au développement des pays bénéficiaires. Leur participation aux échanges mondiaux a diminué, et de nombreux pays, africains notamment, se trouvent plus que jamais en situation d'urgence.

La prise de conscience de l'inadaptation de la convention de Lomé, malgré sa révision partielle en 1995, a suscité une crise de légitimité au sein de l'Union européenne et a failli menacer la pérennité à moyen terme d'un partenariat noué il y a près de quarante ans.

L'évolution de la répartition de l'aide extérieure de l'Union européenne au cours des quinze dernières années est révélatrice, sinon du désengagement, au moins du doute qui s'est emparé de certains Etats membres quant à l'efficacité et à la pertinence de l'aide telle qu'elle est organisée par la convention de Lomé.

En effet, avec le développement des politiques communautaires en direction des pays d'Europe centrale et orientale et des nouveaux Etats indépendants, des pays tiers méditerranéens et des pays d'Amérique latine et d'Asie, la part des pays ACP est passée de 65% des financements extérieurs de l'Union sur les trois dernières années du 6ème Fonds européen de développement (1988-1990) à 42% au cours du 7ème FED (1991-1995) et à 33,5% en 1996, sur la base des dotations du 8ème FED.

Le Conseil européen de Cannes en juin 1995 a marqué la fin du soutien inconditionnel de l'Union européenne aux pays ACP. Pour la première fois, le montant des ressources du 8ème FED n'a pu être adopté - avec difficulté et grâce à un effort supplémentaire de la France - qu'en contrepartie de l'adoption des enveloppes consacrées aux autres régions du monde.

C'est pourquoi le partenariat de Lomé était menacé d'une évolution radicale : soit vers un libre-échange sans solidarité, soit vers une forme d'assistance réduite à la charité.

Dans ce contexte, le premier mérite de l'accord de Cotonou est d'exister. Cet accord se veut plus concis et plus lisible que la convention de Lomé. Resserré en 100 articles, il définit clairement les objectifs de la coopération et surtout les principes qui président à celle-ci : appropriation de la stratégie de développement par les pays et populations concernées, participation, rôle central du dialogue, différenciation en fonction du niveau de développement, régionalisation de la coopération.

Ce nouvel accord comporte des innovations très importantes : élargissement du dialogue politique, prise en considération de la bonne gestion des affaires publiques, encouragement à l'intégration régionale et, à terme, signature d'accords de libre échange avec l'Union européenne.

L'accord inclut la mise en place d'une enveloppe de crédits destinée à alimenter la coopération pour le financement du développement pendant la première période quinquennale couvrant la durée de l'accord (vingt ans). Un accord interne, signé le 18 septembre 2000 entre les Quinze, institue le 9ème Fonds européen de développement (FED).

La gestion du FED, effectuée par la Commission européenne et la Banque européenne d'investissement, devait être réformée. On se souvient que tant les Etats membres que la Cour des comptes européennes ont depuis plusieurs années dénoncé les piètres performances de cette gestion, et surtout la lenteur des décaissements. Le montant des reliquats sur le FED s'élève à près de dix milliards d'euros, ce qui atteint fortement la crédibilité de l'aide communautaire, laquelle représente pourtant le quart de l'aide multilatérale au développement.

Si l'accord de Cotonou a déjà fait l'objet d'une mise en oeuvre partielle anticipée, les engagements financiers au titre du FED, en revanche, ne pourront intervenir qu'après ratification des deux accords par les Quinze et la Communauté. Il est donc logique d'adopter rapidement les deux présents projets de loi, afin de ne pas retarder le démarrage des projets financés par le 9ème FED et ne pas ajouter de retard aux lenteurs régulièrement dénoncées s'agissant de l'aide extérieure de la Communauté. On ne peut cependant que regretter le délai mis par le Gouvernement à présenter cette Convention au Parlement et la précipitation dans laquelle elle est soumise à l'Assemblée nationale.

I . LA NÉCESSITÉ DE RÉFORMER LE CADRE DE LA
COOPÉRATION UNION EUROPÉENNE - ACP

La première convention de Lomé a constitué, à l'époque, un modèle unique de coopération internationale. Le principe du partenariat, qu'elle a établi, a été au c_ur des conventions successives qui ont lié l'Union européenne et les pays ACP depuis 1975. Ces conventions ont permis aux partenaires d'adapter les objectifs et les instruments de la coopération, sans néanmoins jamais remettre en cause ni le cadre global ni la stratégie poursuivie.

A - Un cadre demeuré inchangé depuis 1975

La convention de Lomé comportait plusieurs innovations qui lui conféré un caractère de pionnier, ainsi les mécanismes de compensation des pertes de recettes d'exportation dans les années 1970 et plus récemment, en 1990, une approche négociée sur l'ajustement structurel : ces instruments traduisaient la pensée du moment sur le développement et ne se sont malheureusement pas révélés aussi efficaces qu'on l'a souhaité. Parallèlement à la fin du conflit Est/Ouest, la convention a aussi été l'un des premiers accords de coopération comportant une dimension politique explicite par l'introduction d'une clause relative au respect des droits de l'Homme, étendue depuis 1995 à l'application des principes démocratiques, à la consolidation de l'Etat de droit et à la bonne gestion des affaires publiques.

La révision de la convention de Lomé IV a effectué des aménagements de la conditionnalité et posé le principe d'une programmation en deux tranches qui limite le caractère automatique des allocations d'aide programmable, ce qui a reflété un changement important dans la conception de la politique communautaire de coopération.

Dans le système institué par la convention de Lomé, l'Etat est considéré comme l'acteur principal du développement ; il est resté jusqu'à présent le partenaire quasi-exclusif de la coopération financée par l'Union européenne. Mais à la lumière de vingt années d'expérience, la convention est apparue, selon les termes employés par la Commission européenne dans son Livre vert de 19971, comme un cadre ambitieux mais pas toujours réaliste, reposant sur l'hypothèse de capacités institutionnelles et politiques dans les pays ACP qui ne se sont pas vérifiées. Le respect de la souveraineté nationale, qui a initialement conduit à pousser très loin la confiance dans les gouvernements bénéficiaires, a peu à peu évolué vers une logique guidée par le souci d'efficacité.

B - Une action de levier insuffisante sur l'économie des pays partenaires

La convention de Lomé, alors qu'elle a longtemps semblé apporter l'aide la mieux structurée et la plus généreuse au sein de l'ensemble de l'aide publique au développement, n'a pu empêcher la marginalisation des pays ACP au sein des échanges mondiaux.

Tout d'abord, les flux d'investissements privés vers les pays en développement, d'un montant cinq fois supérieur à l'aide publique au développement en 1997 (environ 250 milliards de dollars contre 50), se sont concentrés à 80% dans une dizaine de pays, dont aucun ne se trouve dans la zone ACP.

L'Afrique subsaharienne en particulier a été le seul ensemble continental à rester presque totalement à l'écart. Ainsi, en 1995, sur un total de 90 milliards de dollars d'investissements à destination des pays en développement, deux milliards seulement se sont dirigés vers cette région. Contrairement à d'autres continents, où l'investissement étranger est devenu une source majeure de financement extérieur, il n'a constitué qu'un peu plus de 10% de ces flux pour l'Afrique subsaharienne. Les évolutions mondiales n'ont pas atteint cette région qui représente moins de 1% des investissements directs étrangers et 2% du commerce international. En effet, en dépit de préférences commerciales se situant au sommet de la pyramide des avantages commerciaux, la part du marché communautaire détenue par les pays ACP bénéficiaires a régressé de 6,7% en 1975 à 2,7% en 1995.

Par ailleurs, le produit par tête en Afrique subsaharienne ne s'est accru en moyenne que de 0,4% par an entre 1960 et 1992, contre 2,3% pour l'ensemble des pays en développement.

L'écart entre le produit par tête de l'Afrique subsaharienne et celui des autres pays en développement n'a cessé de se creuser jusqu'à atteindre un rapport de un à quatre au milieu des années quatre-vingt-dix.

Enfin, avec une dette représentant 270% des recettes d'exportation et 75% du PNB, cette zone est devenue région du monde la plus endettée.

Le phénomène de marginalisation n'a cependant pas frappé uniformément les pays ACP. Certains pays de l'Afrique subsaharienne, comme la Côte d'Ivoire, le Ghana, le Mali, avaient entrepris les réformes susceptibles de les placer en situation d'émergence. Par ailleurs, même si les pays ACP dépendent encore de l'Union européenne pour environ 40% de leurs recettes d'exportation, les Caraïbes et le Pacifique en dépendent beaucoup moins (respectivement 18% et 23%) que l'Afrique (46%) et l'investissement étranger s'est fortement accru dans les Caraïbes depuis le début des années quatre-vingt-dix.

Les causes de cet échec ont été recherchées. Ces réflexions ont montré que le contexte, dans de nombreux pays, n'était pas favorable à une bonne utilisation des possibilités offertes par la Convention de Lomé : mauvaises politiques économiques, taux de change surévalués, réglementation excessive des marchés, secteur public mal géré, notamment.

Par ailleurs, les pays ACP n'ont pas su définir une stratégie ni une organisation susceptibles d'exploiter les facilités d'accès au marché européen pour diversifier leurs économies à partir de l'exportation d'une matière première. En fait, l'importance accordée il y a vingt ans à la valorisation des matières premières à travers les mécanismes du Stabex et du Sysmin de la convention de Lomé les a confinés dans la seule production des biens primaires et les a conduits à négliger les activités de transformation et de services répondant mieux aux nouvelles exigences du marché mondial.

Si quelques pays ont su mettre en place les conditions d'une diversification économique réussie, comme l'Ile Maurice par exemple, la plupart des pays ACP n'ont pas créé ce contexte favorable, gardant une conception dépassée du rôle de l'Etat interventionniste et autoritaire, née après les indépendances.

Ces données expliquent que le dialogue politique et le partenariat, éléments centraux de la convention de Lomé n'ont pas bien fonctionné. Les Etats ACP ont failli dans la définition de stratégies de développement et les donateurs ont du imposer leurs choix, leurs conditionnalités, et gérer l'aide de façon trop directe.

Ces déceptions, alors que l'Union européenne devait faire face à de nouveaux défis internes et externes, ont failli menacer la poursuite de ce partenariat de près de quarante ans.

C - La nécessité de s'adapter aux règles de l'OMC

L'enjeu des négociations était aussi de faire évoluer le régime commercial de l'accord de partenariat, devenu incompatible avec les règles de l'OMC.

Les préférences commerciales de la Convention de Lomé sont incompatibles avec les règles du GATT reprises par l'OMC pour deux raisons : elles ne sont pas réciproques et n'entrent pas dans les cas de dérogation prévus par l'article XXIV. Elles ne s'étendent pas à l'ensemble des pays en développement et sont donc discriminatoires. Certains pays très pauvres non-ACP comme le Bangladesh ou le Sri Lanka sont moins bien traités que des pays plus riches ACP. La partie IV de l'accord général (commerce et développement) admet que des exceptions au principe de non-discrimination et de réciprocité puissent être consenties aux pays en développement, si elles concourent à améliorer leur niveau de vie et leur développement économique, mais à condition de ne pas créer de discriminations entre eux et d'offrir les mêmes avantages commerciaux pour un même niveau de développement.

La première convention de 1975 a institué quatre protocoles-produits, dispositifs très avantageux car offrant un accès privilégié au marché européen. L'un de ces protocoles, relatif à la banane, ayant été mis en cause devant l'OMC, les Quinze ont pris conscience que les préférences de Lomé revêtaient un caractère discriminatoire vis-à-vis des autres pays en développement, non justifié par une réciprocité. L'Union européenne a obtenu des parties contractantes de l'OMC, en décembre 1994, une dérogation pour cinq ans, expirant le 29 février 2000, aux règles de non-discrimination commerciale pour les importations de l'Union européenne originaires des pays ACP.

Ces débats ont d'ailleurs mis en lumière l'un des clivages divisant les pays ACP. Deux groupes se distinguent dans la convention actuelle : ceux qui ont souvent bénéficié des dispositions commerciales préférentielles, particulièrement des protocoles produits, exportent et souhaitent le maintien des avantages acquis et des dispositifs particuliers et ceux qui ont davantage bénéficié des flux d'aide au développement, exportent peu et sont prêts à une plus grande transformation d'un régime commercial qu'ils utilisent faiblement. Les Caraïbes, quelques pays ACP du Pacifique et d'Afrique composent le premier groupe, tandis que la plupart des pays d'Afrique forment le second.

Les Quinze ont évalué les différents systèmes capables de créer une dynamique productive dans les pays ACP là où elle n'existe pas encore, ainsi que de revitaliser le lien commerce-développement, tout en s'insérant dans le cadre réglementaire du commerce international. Ils ont finalement écarté le système des préférences généralisées, considérant que ce système, qui gradue les avantages selon le degré de pauvreté, créerait des différences entre pays voisins PMA et non-PMA et constituerait un frein aux efforts d'intégration régionale.

C'est pour cette raison, notamment, qu'a été choisi le projet de création de zones de libre-échange, porteur de nombreux défis.

II . LES PRINCIPAUX ÉLÉMENTS DE L'ACCORD DE COTONOU

Les négociateurs de l'accord ont voulu définir un cadre d'action plus simple et plus lisible pour le partenariat entre l'Union et les pays ACP. Ils ont défini l'objectif principal de la coopération, qui est la lutte contre la pauvreté. Elle repose sur le développement économique, l'intégration et la coopération régionales, mais aussi le développement social et humain. Pour parvenir à ces résultats, l'Union a tout d'abord souhaité le renforcement de la dimension politique et de sécurité du partenariat.

A - Le renforcement de la dimension politique et de sécurité du partenariat

1) Un dialogue politique très large et permanent pour éviter le recours à la clause de non exécution

Au cours de la négociation de l'accord de partenariat, l'Union a souhaité fonder la coopération sur un dialogue politique permanent plutôt que de sur des conditionnalités comme le faisait la convention de Lomé.

Le champ de ce dialogue est défini à l'article 8 de l'accord. Il englobe les objectifs et finalités de l'accord, mais aussi toutes les questions d'intérêt commun, général, régional ou sous-régional. Il concerne aussi les politiques générales ou sectorielles, notamment l'environnement, l'égalité hommes/femmes, les migrations et l'héritage culturel.

Certains domaines feront l'objet d'un dialogue privilégié : le commerce des armes, les dépenses militaires excessives, la drogue et la criminalité organisée ou encore la discrimination ethnique, religieuse ou raciale.

L'article 9, alinéa 2, de l'accord précise que certains éléments sont essentiels au fonctionnement de l'accord. Il s'agit du respect des droits de l'homme, des principes démocratiques et de l'Etat de droit. Si un Etat manque à une obligation découlant de ces éléments essentiels, une procédure de consultation est mise en _uvre dont la clôture intervient au plus tard après soixante jours.

Si les consultations n'aboutissent pas, ou en cas d'urgence particulière, des « mesures appropriées », qui peuvent aller jusqu'à la suspension de la coopération, sont prises (article 96).

L'Union européenne souhaitait que la « bonne gouvernance » constitue un élément essentiel de l'accord. Face à la crainte des pays ACP de devoir faire face à trop de nouvelles conditionnalités, un compromis a été trouvé.

La bonne gestion des affaires publiques est devenue, avec l'accord de Cotonou, un élément fondamental du partenariat. Dans les cas graves de corruption, une procédure spécifique, mais comparable à la clause de non exécution, sera mise en _uvre (article 97). C'est l'une des innovations de l'accord.

L'article 96 de l'accord de Cotonou, appliqué de manière provisoire depuis le 2 août 2000, a été mis en _uvre à cinq reprises, dans les cas de Haïti, de Fidji, de la Côte d'Ivoire, du Libéria et du Zimbabwe. L'article 97 a été mis en _uvre pour la première fois en ce qui concerne le Libéria.

La clause de non exécution, que ce soit au titre de l'ancienne convention de Lomé ou de la convention actuelle, a débouché sur une suspension de la coopération dans trois cas : Togo, Haïti et Fidji. Dans le cas du Niger, elle a favorisé le retour à la démocratie. Dans celui de la Côte d'Ivoire, le jeu de cette clause s'est conclu par une reprise graduelle de la coopération.

2) La dimension migratoire : l'introduction d'une clause standard de réadmission

La dimension migratoire du partenariat ACP-UE a été, dans l'accord de Cotonou, mieux prise en compte, avec l'introduction d'une clause standard de réadmission dans l'article 13.

Dans le cadre des travaux du pilier « Justice - Affaires intérieures » du Traité sur l'Union européenne, le Conseil a adopté, en décembre 1999, une clause standard de réadmission, à insérer dorénavant dans les accords négociés avec les Etats tiers. Cette clause prévoit que les pays concernés acceptent :

- de réadmettre (leurs) ressortissants présent illégalement sur le territoire d'un Etat membre de l'Union européenne, à la demande de ce dernier et sans autres formalités ;

- de conclure avec la Communauté européenne ou avec un Etat membre de l'UE, à la demande de ces derniers, des accords régissant les obligations spécifiques en matière de réadmission, y compris une obligation de réadmission des ressortissants d'autres pays et des apatrides qui sont arrivés sur le territoire dudit Etat membre de l'Union en provenance de l'Etat tiers concerné.

Les négociations avec les pays ACP sur ce point ont été difficiles, aboutissant in extremis à un compromis. Après avoir adopté, en décembre 1999, une clause standard de réadmission, l'Union pouvait difficilement envisager de créer un précédent négatif en acceptant de s'en écarter. Plusieurs Etats membres considéraient qu'il aurait été incohérent de la part du Conseil de renoncer à la clause standard dans le premier accord conclu avec des tiers après son adoption.

De leur côté, les ACP souhaitaient que l'accord ne fasse référence qu'à une politique de retour fondée sur l'incitation et, plus encore, que les ressortissants des Etats tiers et les apatrides soient exclus du champ des dispositions de l'accord.

Le compromis final a été élaboré lors de la quatrième Conférence ministérielle de négociations tenue à Bruxelles les 2 et 3 février 2000. Conformément à la clause standard, les ACP se sont engagés à réadmettre leurs ressortissants se trouvant illégalement sur le territoire d'une Etat membre. Ils ont également accepté de négocier des accords bilatéraux régissant la réadmission des ressortissants des Etats tiers ou des apatrides. Il a été précisé que ces accords seraient négociés « de bonne foi » et que, conformément aux conclusions du Conseil européen de Tampere, une aide appropriée à leur mise en _uvre serait apportée. Il s'agit d'un résultat très positif, dont l'Union peut dorénavant se prévaloir dans la négociation d'accords avec les Etats tiers.

B - L'insertion graduelle des Etats ACP dans l'économie mondiale

Les partenaires à la négociation ont fait le choix d'une insertion progressive des pays ACP dans l'économie mondiale. Ils ont cependant voulu à la fois préserver les préférences dont bénéficient les ACP et respecter les règles de l'Organisation Mondiale du Commerce.

Cela les a conduits à prévoir la mise en place progressive, entre 2008 et 2020 au plus tard, de zones de libre-échange entre l'Union européenne et des régions ou Etats ACP. Cette libéralisation s'effectuera dans le cadre de l'intégration régionale pour les pays ACP, considérée comme un moyen approprié pour leur permettre d'affronter, à terme, la concurrence internationale. L'un des objectifs était aussi, dans l'immédiat, de faire en sorte que ces pays acquièrent un rôle plus important dans les négociations au sein de l'OMC, ce qui a déjà pu être observé lors de la Conférence de Doha. Les Etats ACP ont exigé une période d'adaptation de huit ans, jusqu'à 2008, pendant laquelle le régime commercial de Lomé serait préservé..

1) L'établissement de zones de libre-échange entre l'Union et des sous-ensembles de la zone ACP

Ce processus sera décrit dans les futurs accords de partenariat économique (APE) entre l'Union et les ensembles de pays ACP qui le souhaitent. Les négociations devraient s'engager, après une phase de préparation, en septembre 2002, à l'issue du processus de ratification de la convention de Cotonou. Après examen général de l'état des négociations des accords en 2006, celles-ci s'achèveront de manière à permettre l'entrée en vigueur des APE au 1er janvier 2008, pour une durée de dix à douze ans. A l'issue de cette période, des zones de libre-échange seront constituées entre l'Union européenne et les ACP. La situation des ACP qui, après consultation avec l'Union européenne, décideraient qu'ils ne sont pas en mesure de négocier des accords de partenariat, sera examinée en 2004. Cette date coïncide avec la réforme du système de préférences généralisées (SPG) communautaire.

Les APE permettront de maintenir les préférences accordées par l'Union européenne aux ACP, dans le cadre du partenariat négocié. Ils devraient constituer un moyen d'avancer progressivement, sur une période de dix à douze années, vers la libéralisation commerciale, dans le cadre d'un processus asymétrique autorisé par l'article XXIV du GATT. Ils permettront de maintenir le niveau des contingents des protocoles « produits » restants, capital pour certains pays ACP.

Ils devraient favoriser le développement individuel et régional des ACP, notamment de ceux dont les relations économiques avec l'Union européenne sont les plus importants, et constituer un cadre favorable à la crédibilité, à l'ancrage et à l'aboutissement des réformes institutionnelles et structurelles (dans les domaines bancaire, financier, douanier...) entreprises dans les pays ACP avec l'aide de l'Union européenne.

L'on attend en outre de ces accords une augmentation des investissements dans les pays ACP, considérant que les investisseurs locaux et étrangers devraient bénéficier d'un meilleur approvisionnement externe et d'une zone d'activité élargie.

Date

Négociations

Régime commercial

Jusqu'en septembre 2002
2001

Préparation des négociations
Obtention par l'Union européenne d'une dérogation de l'OMC lui permettant de maintenir les préférences commerciales de Lomé jusqu'en 2008









Maintien avec 76 pays ACP - sans l'Afrique du Sud - des préférences tarifaires non réciproques en vigueur actuellement - c'est-à-dire le régime de Lomé pour tous les pays ACP.

De septembre 2002 au 31 décembre 2007





2004








2006

L'UE négocie des accords de partenariat économique (des accords de libre-échange) avec les pays ACP, par groupes régionaux, ou pays par pays.

L'UE et les pays ACP étudient "toutes les alternatives possibles" pour les pays non-PMA qui "décident [...] qu'ils ne sont pas en mesure" de signer des accords de libre-échange.

L'UE révise son SPG
L'UE et les pays ACP analysent les accords prévus "pour s'assurer que le calendrier prévu permet une bonne préparation des négociations".

Du 1er janvier 2008 jusqu'en 2018-2020

Mise en place des nouveaux accords de partenariat économique (APE)

- Fin du régime global "tous-ACP" de Lomé
- Les pays ACP signataires d'APE ouvrent progressivement leur marché aux produits de l'UE
- Les PMA qui ont choisi de ne pas conclure d'APE conservent leurs préférences tarifaires non réciproques.

- Les non-PMA qui ont choisi de ne pas conclure d'APE bénéficient soit du SPG, soit d'un nouveau régime "alternatif" (qui reste encore à définir).

A partir de 2018-2020

 

Mise en place des accords de libre-échange entre l'UE et les pays ACP signataires d'APE

Source : Centre européen de gestion des politiques de développement

2) L'évolution du régime commercial

Le tableau présenté ci-dessus présente les différentes étapes de l'évolution du régime commercial entre l'Union et les pays ACP.

Le nouvel accord améliore le régime commercial en faveur des pays les moins avancés, dont 39 font partie du groupe ACP. L'élément le plus positif est en fait la décision «tout sauf les armes » prise par le Conseil Affaires générales du 26 février 2001 d'importer tous les produits des PMA en franchise de droits.

Jusqu'au 1er janvier 2008, le régime Lomé sera maintenu, grâce aux dérogations obtenues par la France lors de la Conférence ministérielle de l'OMC réunie en novembre dernier à Doha.

Des modifications interviennent cependant, concernant notamment les protocoles-produits.

En effet, les quatre protocoles-produits ne connaissent pas le même sort. Les protocoles sur la viande bovine et le sucre ont été intégralement repris. Le protocole sur le rhum n'a pas été maintenu ; en contrepartie, un programme d'assistance est créé en faveur des exportateurs de rhum des pays ACP.

Le protocole banane a été supprimé. Un nouveau protocole annexé à l'accord prévoit que la Communauté examinera, et, le cas échéant, prendra des mesures visant à assurer la viabilité des entreprises exportatrices de bananes et le maintien des débouchés pour leurs bananes sur le marché communautaire. L'accord de Cotonou ne comporte aucune disposition relative à la banane : ses importations sont régies par un accord conclu en avril 2001 entre l'Union et les Etats-Unis (accord Lamy-Zoellick) qui autorise temporairement un contingent en faveur des pays ACP.

3) Les incertitudes sur la viabilité du projet

Pour l'instant, et contrairement à l'échéance de novembre 2001 initialement prévue, le groupe ACP n'a pas fait parvenir à la Commission européenne la liste des groupes régionaux susceptibles de négocier des APE. A titre individuel cependant, l'UEMOA (Union économique et monétaire d'Afrique de l'Ouest), la CEDEAO (Communauté économique et douanière des Etats d'Afrique de l'Ouest), et la CEMAC (Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale) se sont déclarées prêtes à entamer, en temps utile, des négociations d'accords commerciaux avec la Communauté. Leur degré d'intégration assez avancé les place probablement dans la situation d'être acceptés comme partenaires de négociation par l'Union européenne. Se pose aussi la question des chevauchements entre organisations.

L'on ne peut à ce stade préjuger de l'engagement de l'ensemble des pays ACP sur la voie du libre-échange avec l'Union européenne.

De façon générale, la marche des pays ACP vers la libéralisation réciproque représente un pari dont on ne peut connaître les conséquences économiques.

Ainsi que l'a analysé M. Yves Dauge dans son rapport présenté au nom de la Délégation pour l'Union européenne2, l'on ne dispose pas d'éclairage sur les conséquences économiques du choix en faveur de la libéralisation réciproque, en particulier sur les modifications des échanges prévisibles selon les pays, les régions, les produits, ainsi que sur les avantages comparatifs et les perspectives de diversification et de spécialisation qui s'offrent à eux dans la nouvelle configuration.

De même, on ne peut appréhender aujourd'hui les coûts d'ajustement auxquels ces pays seront confrontés. Le commissaire européen, M. Joao de Deus Pinheiro, a expliqué au cours de la négociation que, dans le meilleur des cas, on parviendrait à une zone de libre-échange en 2020 et qu'un soutien à la réforme des systèmes fiscaux serait d'autant plus nécessaire qu'il faut cinq à dix ans à un pays pour retrouver le même niveau de recettes budgétaires après un abaissement des tarifs douaniers.

La question se pose alors de savoir si ces pays retrouveront dans le même temps une assiette fiscale reposant sur un système productif véritablement compétitif pour financer à la fois la lutte contre la pauvreté et le coût social de la transition. On peut comprendre les inquiétudes des pays ACP, car beaucoup d'inconnues subsistent quant aux potentialités mais aussi quant aux contraintes du futur système.

C - L'appropriation de la coopération par les pays et les populations concernées : le partenariat ouvert aux acteurs de la société civile

Les nouvelles dimensions du partenariat se complètent par l'ouverture aux acteurs de la société civile. Si les organisations non gouvernementales (ONG), surtout européennes, participaient déjà activement au système de Lomé, les autres acteurs non gouvernementaux étaient tenus à l'écart d'un dialogue presque exclusif entre le bailleur de fonds et l'Etat bénéficiaire. Avec l'accord de Cotonou, collectivités locales, syndicats, associations professionnelles, représentants du secteur privé, ONG locales et autres acteurs font leur entrée officielle dans le partenariat pour mobiliser la population autour des objectifs de transformation et de modernisation.

L'hypothèse de cette ouverture avait été débattue notamment par le Comité de liaison des Organisations non gouvernementales de développement (ONGD) auprès de l'Union européenne, mais aussi au Parlement européen qui a contribué à la prise en compte de cette dimension, sous l'impulsion des deux rapports présentés au nom de la Commission du développement et de la coopération par M. Wilfried Martens, le 22 septembre 1997 et par son Président, M. Michel Rocard, le 4 mars 1998.

Le premier rapport portait notamment l'accent sur l'appropriation de la coopération par la population. Le rapport Rocard soulignait la nécessité de réaliser un partenariat équilibré par l'instauration d'un dialogue politique plus effectif, permettant l'examen de problèmes communs immédiats, comme celui des migrations, pour sortir de la relation donateur-receveur et substituer à la logique de la conditionnalité celle du contrat. Il a également appelé à attaquer la pauvreté à la base pour réintégrer dans le circuit marchand des populations qui n'y ont pas accès, et à ne pas négliger l'importance du développement endogène à côté d'un développement orienté vers le marché international.

En aboutissement de ces réflexions, l'accord de Cotonou prévoit la consultation de ces représentants de la société civile sur différents aspects de la coopération, ainsi qu'une implication dans les projets et programmes qui les concernent. Ils pourront recevoir des ressources financières pour aider au développement local, ainsi qu'une aide au renforcement de leurs capacités.

III . LES NOUVELLES MODALITÉS
DE LA COOPÉRATION FINANCIÈRE

A - La dotation du 9ème FED

Les Quinze sont parvenus à un compromis, le 19 juillet 2000, sur le protocole financier annexé à l'accord de partenariat. Celui-ci fixe à 15,2 milliards d'euros le montant global des aides allouées par la Communautés aux Etats ACP pour la période 2000-2005. Ce montant comprend le 9ème Fonds européen de développement (FED) qui s'élève à 13,5 milliards d'euros. Il comprend aussi une dotation de 1,7 milliard d'euros à la Banque européenne d'investissement.

Les contributions des Etats membres ont été calculées sur la base des clés du 8ème FED. La contribution française au FED est la plus élevée - 3,3 milliards d'euros, soit 24,3% du total. Viennent ensuite les participations de l'Allemagne, du Royaume-Uni et de l'Italie.

Tous les reliquats des fonds précédents sont transférés au 9ème FED et seront utilisés conformément aux conditions fixées dans le nouvel accord. Le montant total des ressources couvre la période 2000 à 2007.

Fonds européen de développement et banque européenne d'investissement, du Traité de Rome à Cotonou

 

FONDS EUROPEEN DE DEVELOPPEMENT ET B.E.I. : ETATS A.C.P. ET P.T.O.M.

 

Dotations initiales en millions d'écus (prix courants)

Fonds (Convention)

Entrée en vigueur

FED

FED-ACP

FED-PTOM

FED-PTOM/FED
(%)

BEI

BEI-ACP

BEI-PTOM

FED
+BEI

1er FED (Traité de Rome, partie IV)
1959-1970

1.1.58

581,3

 

581,3

100,0

     

581,3

2ème FED (Yaoundé I)
1964-1970

1.7.64

730,0

660,0

64,0

8,8

70,0

64,0

6,0

800,0

3ème FED (Yaoundé II)
1970-1976

1.1.71

900,0

828,0

72,0

8,0

100,0

90,0

10,0

1000,0

4ème FED (Lomé I)
1975-1980

1.4.76

3150,0

3000,0

150,0

4,8

400,0

390,0

10,0

3550,0

5ème FED (Lomé II)
1980-1985

1.1.81

4636,0

4542,0

94,0

2,0

700,0

685,0

15,0

5336,0

6ème FED (Lomé III)
1985-1990

1.5.86

7500,0

7400,0

100,0

1,3

1120,0

1100,0

20,0

8620,0

7ème FED (Lomé IV/1)
1990-1995

1.9.91

10940,0

10800,0

140,0

1,27

1225,0

1200,0

25,0

12165,0

8ème FED (Lomé IV/2)
1995-2000

1.6.98

13132,0

12967,0

165,0

1,25

1693,0

1658,0

35,0

14825,0

Total

 

41569,3

40203,0

1366,3

 

5308,0

5187,0

121,0

46877,3

9ème FED

 

13800,0

13625,0

175,0

1,26

1720,0

1700,0

20,0

15520,0

(en millions d'euros)

B - Le remplacement des instruments de Lomé par trois enveloppes pour financer les différentes interventions

Les fonds attribués dans le cadre des accords de Lomé étaient utilisés par le biais d'une dizaine d'instruments de coopération. L'accord de Cotonou remplace ces instruments par trois enveloppes.

1) Une enveloppe de soutien au développement à long terme

Cette enveloppe unique regroupera toutes les aides non remboursables aux pays ACP, dans les domaines énumérés aux titres II et III de la quatrième partie de l'accord de Cotonou, et dans le cadre des programmes indicatifs nationaux (PIN) qui seront négociés avec chacun des pays ACP pour la durée des protocoles financiers. Elle sera gérée par la Commission.

Les ressources de cette enveloppe pourront être utilisées pour financer un large éventail d'opérations, telles que le soutien macro-économique, le soutien aux politiques sectorielles, l'aide destinée à atténuer les problèmes de balance des paiements, la coopération décentralisée, l'allégement de la dette, ainsi que les projets et programmes sectoriels plus traditionnels.

La distinction entre « aide programmable » et « aide non programmable » est abandonnée, et le Stabex comme le Sysmin n'existent plus en tant qu'instruments séparés disposant d'un budget spécifique. Il sera encore possible d'aider les pays ACP vulnérables à faire face aux fluctuations à court terme de leurs recettes d'exportation, particulièrement dans les domaines agricole et minier, mais ces appuis seront programmés dans le cadre global de la coopération avec le pays concerné. Cette programmation sera glissante, et régulièrement adaptée aux besoins et performances du pays.

Pour les ACP, l'enveloppe de soutien au développement à long terme est dotée, pour les ressources du 9ème FED, de 10 milliards d'euros.

2) Des appuis à la coopération et à l'intégration régionales

Cette seconde enveloppe, dotée de 1,3 milliard d'euros au titre du 9ème FED, regroupera toutes les aides non remboursables aux régions ACP, mises en place dans le cadre des programmes indicatifs régionaux (PIR). Elle sera gérée par la Commission.

3) Une facilité d'investissement

Cette troisième enveloppe fournira des capitaux à risque et des prêts en vue d'appuyer le développement du secteur privé. Innovation majeure par rapport aux activités passées, elle fonctionnera comme un fonds renouvelable, offrant aux pays ACP un certain degré de sécurité quant à l'enveloppe disponible pour le développement du secteur privé à court, moyen et long terme.

La facilité d'investissement portera sur des domaines d'intervention et d'activités ne pouvant pas être suffisamment financés par des capitaux privés ou des institutions financières locales. Elle sera gérée par la Banque européenne d'investissement (BEI).

Ses objectifs sont les suivants :

- stimuler l'investissement régional et international, en particulier pour renforcer les capacités des institutions financières locales ;

- soutenir le développement du secteur privé ACP en finançant des projets et/ou des entreprises et sociétés viables du point de vue commercial ;

- fournir un capital-risque et des prêts assortis de conditions avantageuses.

L'enveloppe prévue dans le 9ème FED pour la facilité d'investissement s'élève à 2,2 milliards d'euros pour les ACP.

C - La réforme de la gestion du FED

Les retards à la mise en _uvre des actions financées par le FED sont connus : les reliquats correspondants aux programmes des 6ème, 7ème et 8ème FED ont atteint près de dix milliards d'euros. La Cour des comptes européenne avait demandé en 2000 une clarification sur les « engagements dormants », suggérant même l'application de pénalités de retard.

Les causes des mauvaises performances de la gestion de l'aide communautaire ont été analysées, tant par la Commission que par la Cour des comptes européenne. Ces causes sont les suivantes :

- la complexité des procédures de préparation et de validation des projets, la dispersion des responsabilités au sein de la Commission dans la gestion du cycle du projet et une insuffisante coordination entre la Commission et les Etats membres ;

- la multiplication des priorités et des champs d'intervention de l'aide communautaire, sans que la Commission soit dotée d'un personnel suffisant pour assumer ces responsabilités accrues ;

- un défaut de stratégie de l'aide ;

- une trop large palette d'instruments, dont l'utilisation était peu coordonnée, et l'insuffisante fongibilité des crédits ;

- les aléas politiques dans les pays récipiendaires de l'aide (qui entraînaient la suspension de la coopération mais le maintien des droits acquis) et souvent la capacité limitée d'absorption sur place, d'où la constitution des importants reliquats ;

- les carences, en termes de capacités humaines et matérielles, des autorités locales et éventuellement de l'ordonnateur national : l'Union se trouve souvent confrontée à des délais administratifs qui ne sont pas de son fait mais qu'elle doit accepter , ce qui ne devrait pas être le cas dans la logique de partenariat instituée par l'accord de Cotonou.

Des mesures ont été prises pour y remédier. On citera parmi celles-ci :

- l'allégement des procédures. La procédure la plus complète impliquant le Comité du FED sera réservée aux programmes et projets les plus déterminants, notamment les projets supérieurs à 15 millions d'euros. Le Comité pourra demander un débat sur les projets compris entre 8 et 15 millions d'euros. Les projets inférieurs à 8 millions d'euros seront approuvés directement par la commission, avec un droit d'évocation pour les Etats membres qui souhaiteraient soulever une objection ;

- le recours déjà décrit à des enveloppes, au lieu d'instruments ;

- l'allocation des ressources en fonction des besoins et des performances, et la suppression des droits acquis (caractère indicatif des enveloppes) ;

- la refonte de la réglementation financière qui inclut une « sunset clause ;

- l'insistance sur le renforcement des capacités des récipiendaires de l'aide.

Au-delà du dispositif de l'accord de Cotonou, la création d'un organisme unique, l'office de coopération EuropeAid, chargé de la gestion du projet de l'identification à l'exécution, vise à remédier aux dysfonctionnements relevés plus haut. Le Conseil « développement » du 10 novembre 2000 a adopté dans une déclaration un ensemble de principes visant à refonder la politique européenne de développement.

Parmi ces principes figure notamment la déconcentration de l'aide : les 128 délégations de la Commission devront gérer à terme les programmes d'aide extérieure dans les pays relevant de leur compétence.

L'Union a aussi accepté le principe d'une plus grande coordination et complémentarité entre les opérations bilatérales des Etats membres, celles de la Communauté et celles des autres donateurs internationaux. La gestion des crédits du 9ème FED sur le terrain pourra être déléguée aux Etats membres ou à leurs agences d'exécution en cas de cofinancements. La France souhaitait depuis longtemps cette prise en compte de l'expérience des Etats qui mènent une aide bilatérale de longue date, afin de favoriser la complémentarité des actions et d'éviter le recours aux bureaux d'assistance technique.

Les Quinze attendent de l'ensemble de ces réformes l'accélération du « cycle de vie » des projets, et donc la réduction des délais entre l'identification d'un projet et le décaissement. Les nouveaux principes permettront-ils d'améliorer significativement la gestion ? Il est encore trop tôt pour le dire. L'on peut en tout cas se féliciter du fait que la réforme tant attendue a eu lieu.

CONCLUSION

Pour entrer en vigueur, l'accord de Cotonou doit être ratifié par l'ensemble des Etats membres et la Communauté, cette dernière observant une procédure d'avis conforme du Parlement européen. Il doit évidemment aussi être ratifié par les deux tiers des Etats ACP signataires, soit 51 des 76 pays ayant signé l'accord.

A ce jour, trois Etats membres ont ratifié l'accord - le Danemark, le Royaume-Uni et la Suède. La Communauté européenne a également procédé à la ratification le 16 janvier 2002. Enfin, 36 Etats au sein du groupe ACP ont achevé la procédure.

Quant à l'accord interne sur le 9ème FED, il doit être ratifié par les Quinze Etats membres. A ce jour, il a été ratifié par le Danemark et la Suède.

Le nouveau système préserve l'existence d'un partenariat privilégié entre l'Union et les pays ACP et traduit l'engagement de l'Union dans la lutte contre la pauvreté ainsi que sa solidarité, à travers notamment la dotation du 9ème FED qui a été maintenue.

Les Quinze n'ont heureusement pas cédé à la conception du « trade not aid » opposant l'investissement privé à l'aide publique. Cette conception est en effet aussi déplacée que celle de l'Etat développeur est apparue, à la lumière de l'expérience, inadaptée.

L'investissement direct étranger, indispensable au développement de l'Afrique, nécessite un environnement lui garantissant une sécurité que seule l'aide publique au développement peut contribuer à instaurer, que ce soit dans le domaine institutionnel ou dans celui des infrastructures, sociales notamment. La pauvreté est encore telle qu'une grande partie de la population dépend de cette seule forme d'intervention.

La Banque mondiale estime que, compte tenu de la structure des économies et des taux d'accroissement démographique, un taux de croissance du PIB de 5% par an en Afrique subsaharienne permettrait à terme de stabiliser le nombre de personnes vivant en deçà du seuil de pauvreté.

L'accord de Cotonou devait adapter le régime commercial des pays ACP avec les règles de l'OMC. Il va bien au-delà de cette adaptation. Il a l'ambition de transforme une relation donateur-bénéficiaire en une relation contractuelle où les deux parties sont égales ; il propose une plus grande implication et appropriation de la part de l'Etat bénéficiaire, et notamment de la société civile. Cette évolution exigera un changement des habitudes. Le dialogue politique doit remplacer les conditionnalités : là encore, la convention pose un défi important aux représentants de l'Union comme aux dirigeants des pays ACP.

Cet accord soulève évidemment des interrogations. Quelles seront les conséquences de la libéralisation des échanges prévue ? Aucune certitude ne permet d'affirmer qu'elle entraînera un développement accru. Le processus ouvert par l'accord étant prévu pour se dérouler sur vingt ans, des examens à échéances régulières permettront en tout cas d'en évaluer les effets.

La promotion d'accords régionaux entre pays ACP et destinés à être formalisés par l'Union européenne répond aux besoins des économies locales. Mais ce mouvement de regroupement régional réussira t-il ? Si certaines pays, qui ont déjà formé des ensembles régionaux, devraient parvenir à mettre en place de tels accords, ce ne sera pas le cas toutefois pour les pays en proie aux guerres civiles et ethniques, ou pour une vingtaine de pays qui n'ont pu s'ancrer dans aucune organisation régionale jusqu'à présent. La procédure sera t-elle suffisamment incitative ?

L'accord interne relatif au financement et à la gestion des aides de la Communauté dans le cadre du partenariat a pour objectif de remédier à des dysfonctionnements qui discréditent l'aide communautaire au développement, alors que la Communauté et ses Etats membres fournissent ensemble 55% de l'aide au développement dans le monde. Ces mesures se traduiront-elles par une amélioration significative ?

Au bénéfice de ces observations, votre Rapporteur propose à la Commission l'adoption des deux présents projets de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 13 février 2002.

Après l'exposé du Rapporteur, M. Pierre Brana a estimé que les accords de Cotonou présentaient des améliorations incontestables et qu'il fallait adopter ce texte ne serait-ce que parce qu'il fixe pour objectif l'éradication de la pauvreté. Néanmoins, des points restent à approfondir. Ainsi, l'Union européenne doit dépasser le stade des incitations dans l'organisation des sous-régions et s'engager plus nettement. Par ailleurs une meilleure coordination avec les ONG est indispensable, de même avec la coopération décentralisée. Il ne faut pas non plus oublier qu'il existe des opposants à ces accords. Par exemple, les Philippines et la Thaïlande sont contre, en particulier s'agissant des boîtes de conserve de thon, sujet qui a été longuement débattu à Doha récemment. En effet, ces deux pays sont producteurs de boîtes de thon et estiment subir une concurrence déloyale de la part des pays ACP qui bénéficient d'aides de l'UE en la matière. Une opposition interne existe également puisque la Scandinavie, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne souhaitent que l'on supprime ces accords pour les remplacer par une aide aux pays les plus pauvres. Les pays ACP répondent sur ce point en disant que ces accords sont leur "carte d'identité internationale". Enfin, si les conditionnalités inclues dans ces accords sont importantes, comme le respect de l'Etat de droit ou des droits de l'Homme par exemple, il est néanmoins nécessaire de souligner plus fortement la définition en amont de projets sectoriels très précis servant directement les populations et de veiller au suivi de leur réalisation.

Mme Marie-Hélène Aubert a tout d'abord regretté que ce dossier très important soit soumis au vote de l'Assemblée nationale une semaine seulement avant la fin de ses travaux. Elle a par ailleurs estimé que ces accords souffraient essentiellement d'un gros problème de crédibilité et cité à l'appui l'exemple de l'exploitation du bois et de la déforestation. Les règles minimales de gestion durable de la forêt ne sont pas respectées, ni par les locaux, ni par nos propres entreprises d'ailleurs. La faiblesse essentielle de ce partenariat, qui est forcément louable par certains aspects tels que la lutte contre la corruption, le respect de l'Etat de droit, pour n'en citer que deux, réside dans la validation et le contrôle indispensables de l'application des conditionnalités. C'est là un grand débat qui mériterait que la Commission des Affaires étrangères s'y intéresse. En outre, dans l'état actuel des choses, la question se pose de savoir si chercher à obtenir une libéralisation sous dix ou vingt ans ne risque pas d'aggraver les choses pour ces pays. Des doutes subsistent dans la mesure où l'on peut réellement se demander si les accords de Cotonou constituent une réponse adaptée à la situation.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté les projets de loi (nos 3583 et 3584).

*

* *

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte des accords figure en annexe aux projets de loi (nos 3583 et 3584).

___________________

3601 - Rapport de M. Jean-Yves Gateaud : Accord de partenariat entre les Etats ACP et la Communauté européenne (commission des affaires étrangères) (Projet de loi adopté Sénat)

1 Livre vert sur les relations entre l'Union européenne et les pays ACP à l'aube du 21ème siècle : Défis et options pour un nouveau partenariat.

2 Le nouveau partenariat UE-ACP : changer la méthode, Rapport d'information n°1776 du 1er juillet 1999.


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