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le 5 février 2002

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N° 3566

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 30 janvier 2002.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR LE PROJET DE LOI (n° 3256), autorisant la ratification de la convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement (ensemble deux annexes),

PAR MME MARIE-HÉLÈNE AUBERT,

Députée

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Traités et conventions

La Commission des affaires étrangères est composée de : M. François Loncle, président ; M. Gérard Charasse, M. Georges Hage, M. Jean-Bernard Raimond, vice-présidents ; M. Roland Blum, M. Pierre Brana, Mme Monique Collange, secrétaires ; Mme Michèle Alliot-Marie, Mme Nicole Ameline, M. René André, Mme Marie-Hélène Aubert, Mme Martine Aurillac, M. Édouard Balladur, M. Raymond Barre, M. Henri Bertholet, M. Jean-Louis Bianco, M. André Billardon, M. André Borel, M. Bernard Bosson, M. Philippe Briand, M. Bernard Brochand, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Hervé de Charette, M. Jean-Claude Decagny, M. Patrick Delnatte, M. Jean-Marie Demange, M. Xavier Deniau, M. Paul Dhaille, M. Jean-Paul Dupré, M. Charles Ehrmann, M. Jean-Michel Ferrand, M. Raymond Forni, M. Georges Frêche, M. Michel Fromet, M. Jean-Yves Gateaud, M. Jean Gaubert, M. Valéry Giscard d'Estaing, M. Jacques Godfrain, M. Pierre Goldberg, M. Michel Grégoire, M. François Guillaume, M. Jean-Jacques Guillet, M. Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, M. Didier Julia, M. Alain Juppé, M. Gilbert Le Bris, M. Jean-Claude Lefort, M. Guy Lengagne, M. Pierre Lequiller, M. Alain Le Vern, M. Bernard Madrelle, M. René Mangin, M. Daniel Marcovitch, M. Jean-Paul Mariot, M. Gilbert Maurer, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, M. Étienne Pinte, M. Marc Reymann, M. François Rochebloine, M. Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, M. René Rouquet, M. Georges Sarre, M. Henri Sicre, M. Dominique Strauss-Kahn, Mme Christiane Taubira-Delannon, M. Michel Terrot, Mme Odette Trupin, M. Joseph Tyrode, M. Michel Vauzelle.

SOMMAIRE

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INTRODUCTION 5

I . UN OBJECTIF INCONTESTABLE : PROMOUVOIR LA TRANSPARENCE
DANS LE DOMAINE DE L'ENVIRONNEMENT DANS TOUTE L'EUROPE
7

A - L'IMPORTANCE DE LA TRANSPARENCE DANS LE DOMAINE
DE L'ENVIRONNEMENT
7

1) Les raisons de l'importance de la transparence 7

2) Les modalités de la transparence 8

B - LA VOLONTÉ D'ÉTENDRE LA TRANSPARENCE
DANS TOUS LES PAYS D'EUROPE
8

II . L'INCIDENCE DE LA RATIFICATION DE LA CONVENTION
D'AARHUS POUR LA FRANCE
12

A - L'ACCÈS À L'INFORMATION DANS LE DOMAINE DE L'ENVIRONNEMENT 12

B - LA PARTICIPATION DU PUBLIC AU PROCESSUS DÉCISIONNEL 14

C - L'ACCÈS À LA JUSTICE 17

CONCLUSION 19

EXAMEN EN COMMISSION 20

ANNEXE - ETAT DES SIGNATURES ET DES RATIFICATIONS 21

Mesdames, Messieurs,

La Convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement (dite Convention d'Aarhus) a été négociée dans le cadre de la Commission économique pour l'Europe des Nations unies, et signée à Aarhus, au Danemark, le 25 juin 1998.

Cette convention vise en effet à mettre en _uvre le principe n°10 de la Déclaration de Rio sur l'environnement et le développement, adoptée en juin 1992 dans le cadre de la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement. Contrairement à cette dernière, la Convention d'Aarhus ne se contente pas d'énoncer de grands principes à portée générale, mais encadre assez étroitement les modalités de la transparence dans le domaine de l'accès à l'information, de la participation du public au processus décisionnel et de l'accès à la justice en matière d'environnement.

La portée de ce texte ne doit donc pas être négligée, d'autant qu'il a été signé par de nombreux pays dont la législation environnementale est encore balbutiante. Mais, même pour des pays comme la France, l'adoption de ce texte doit permettre la mise en _uvre de procédures plus participatives.

I . UN OBJECTIF INCONTESTABLE : PROMOUVOIR
LA TRANSPARENCE DANS LE DOMAINE DE
L'ENVIRONNEMENT DANS TOUTE L'EUROPE

A - L'importance de la transparence dans le domaine de l'environnement

1) Les raisons de l'importance de la transparence

Dans le domaine de l'environnement dans son acception la plus large (protection de la nature, lutte contre les pollutions, urbanisme, aménagement du territoire...), les choix politiques ne peuvent se contenter de suivre les chemins traditionnels de la démocratie représentative. En effet, dans ce schéma classique, les citoyens délèguent, pour une période donnée, leur pouvoir de décision à des élus, lesquels ne sont responsables devant eux qu'au moment de la réélection.

Ce schéma, outre qu'il est parfois considéré comme insuffisant dans de très nombreux domaines, doit impérativement être complété dans celui de l'environnement, où le citoyen doit voir son rôle accru dans le processus décisionnel, non seulement au regard de la responsabilité que chacun de nous porte à l'égard des générations futures, mais bien parce que de telles décisions concernent généralement directement nos conditions de vie quotidienne1, que nous soyons électeurs ou non, légitimant ainsi un minimum de transparence dans le processus décisionnel. Ainsi, il est nécessaire aujourd'hui de promouvoir des procédés de démocratie participative afin de pallier les insuffisances de la démocratie représentative classique qui ne cesse de révéler ses limites dans les domaines touchant à l'environnement . Enfin, il ne faut pas oublier que des actions ayant des incidences environnementales sont l'_uvre de personnes privées, notamment des entreprises.  Il est légitime qu'une transparence totale entoure le comportement de ces dernières qui peut avoir un impact considérable sur la vie locale : le débat actuel sur le risque technologique et industriel est à cet égard tout à fait éclairant.

La défense de l'environnement ne peut pas être considérée comme un intérêt privé, elle est reconnue d'intérêt général (voir les lois de 1976, 1995, les textes internationaux....). Ainsi en France, la fonction d'une déclaration d'utilité publique n'est plus seulement d'atteindre le meilleur équilibre entre l'intérêt général qui s'attache à la réalisation d'un projet et les intérêts particuliers qu'il lèse, mais d'obtenir un équilibre satisfaisant entre différents intérêts généraux. C'est l'approche de la jurisprudence du Conseil d'Etat qui applique la « théorie du bilan » depuis l'arrêt Ville nouvelle Est de 1971.

En conséquence, l'intérêt général devient une notion fortement complexe et dont personne, même l'Etat, ne peut s'approprier le monopole. Il est donc indispensable de disposer de procédures de décisions en matière environnementale transparentes, c'est-à-dire permettant information, consultation, concertation et participation.

2) Les modalités de la transparence

Tout d'abord, il paraît légitime que tout citoyen ait le droit d'être informé des projets qui le concernent. Il s'agit du « degré zéro » de la transparence, mais il est indispensable... pouvant par exemple permettre l'organisation d'une opposition à un projet. Cependant, l'information ne doit pas se limiter à une communication de type promotionnel.

Ensuite, entre une simple information et l'association à la décision du citoyen, se situe le terrain de la consultation des populations intéressées afin de savoir ce qu'elles ont à dire d'un projet. En effet, les décisions qui ont une incidence en matière d'environnement modifient les habitudes, la vie quotidienne des populations : leur acceptabilité sociale dépend donc de leur appropriation par la population, ce qui implique de prendre en compte les observations de la « base ».

Mais l'étape la plus aboutie de la transparence réside dans la concertation. Le citoyen participe à la définition des problèmes, à la recherche des solutions, à leur réalisation et à l'évaluation de projets concrets. Il intervient donc à toutes les étapes du projet comme un partenaire indispensable.

Enfin, parallèlement à ces différentes formes d'association du citoyen à la décision en matière environnementale, la transparence exige aussi la possibilité d'un contrôle strict de la légalité de telles décisions. Ainsi, un accès libre et facile au juge en matière d'environnement est une condition fondamentale de la transparence.

B - La volonté d'étendre la transparence dans tous les pays d'Europe

Compte tenu de la légitimité et de la nécessité de développer la transparence dans le domaine environnemental, la signature d'une convention internationale énonçant les grands principes de sa mise en _uvre est une opportunité. Certes, les matières concernées relèvent toutes du droit interne des Etats, et notamment de leurs pratiques administratives, mais l'environnement est une réalité qui ne connaît pas les frontières et chacun a intérêt à sa protection. Tout d'abord, beaucoup de questions sont transfrontalières (pollution des fleuves, oiseaux migrateurs, pollution de l'air, pluies, radioactivité, ...) et l'existence de procédures comparables dans les différents pays européens peut être nécessaire pour assurer un respect effectif de l'environnement : la convention d'Aarhus milite dans ce sens et interdit par exemple toute discrimination fondée sur la nationalité ou le lieu d'implantation d'une association en ce qui concerne l'accès à l'information, la participation du public et l'accès à la justice en matière d'environnement.

En outre, la nécessité de la transparence en matière d'environnement est une condition et une garantie de sa protection. En France par exemple, le droit de l'environnement doit beaucoup à l'énergie déployée par les associations de protection de la nature, animatrices du débat public et représentantes de la société civile au contentieux. Ainsi, il est de l'intérêt de tous les pays européens que chacun de ses partenaires s'engage à respecter des mesures de transparence dans ce domaine, ce qui permet également d'éviter certaines formes de « dumping » écologique et pourrait être de nature à diminuer les risques contentieux. En effet, il pourrait être tentant pour certaines entreprises par exemple de privilégier des installations dans des pays peu scrupuleux en matière d'environnement, ce qu'elles ne font déjà que trop.

A cet égard, la convention d'Aarhus est très intéressante dans la mesure où elle concerne l'ensemble des pays d'Europe, y compris donc les pays d'Europe centrale et orientale, qui n'ont pas hérité de la période communiste, c'est le moins qu'on puisse dire, des procédures très participatives, ni très soucieuses du respect de l'environnement. Or, la plupart des pays ayant déjà ratifié la convention sont des pays d'Europe centrale et orientale, ce qui signifie de leur part un engagement à modifier leur législation et leurs pratiques administratives.

D'ores et déjà, il est possible de citer quelques exemples de l'impact de la ratification de la convention d'Aarhus sur l'adoption de législations environnementales. En Pologne, une loi a été adoptée en septembre 2001 sur l'accès à l'information environnementale, l'accès à la justice et la mise en place de sanctions à l'encontre des fonctionnaires qui refusent de donner des informations. En Moldavie, une loi sur l'accès à l'information a récemment été adoptée, alors qu'en Géorgie, un projet de loi sur l'accès à la justice est en cours. De même, de nombreux pays d'Europe centrale et orientale agissent au niveau de leurs structures administratives afin de les rendre compatibles avec la convention d'Aarhus.

Cependant, s'il faut se réjouir que la convention ne se limite pas à énoncer de grands principes abstraits mais entre relativement dans le détail, cela signifie que son respect par des pays qui n'ont aucune expérience de transparence dans le domaine environnemental exigera des efforts conséquents. Cette convention a été adoptée dans le cadre de la Commission économique pour l'Europe des Nations unies, ce qui reflète une volonté commune d'imposer sur le continent des exigences élevées en matière environnementale. En conséquence les pays développés de la région, en sus du perfectionnement de leurs propres systèmes, ont une responsabilité particulière, ils doivent tout faire pour aider les Etats en retard en la matière à les rejoindre rapidement. Des projets de coopération administrative sont d'ailleurs déjà à l'_uvre sous l'impulsion de la Communauté européenne et de certains pays (Danemark et Royaume-Uni notamment).

II . L'INCIDENCE DE LA RATIFICATION DE
LA CONVENTION D'AARHUS POUR LA FRANCE

Sans avoir dans le domaine de la transparence une tradition aussi ancienne que les pays nordiques par exemple, la France a fait des progrès considérables depuis une trentaine d'années, même s'il est regrettable de constater que certaines administrations font encore parfois preuve de mauvaise volonté. Ainsi, les grands principes qui guident la convention d'Aarhus sont également ceux du droit français de l'environnement, même si la convention prévoit parfois des modalités plus audacieuses.

Il est donc nécessaire de préciser si l'entrée en vigueur de la convention d'Aarhus va modifier les pratiques de la France en terme de transparence environnementale. Elle pourrait le faire de plusieurs manières :

- par « effet direct » de certaines de ses stipulations suffisamment précises pour être considérées par le juge comme pouvant être directement opposables par les justiciables, sans qu'aucune modification préalable de notre législation ne soit nécessaire..., ce qui ne doit pas empêcher une transposition en droit interne, source de plus grande sécurité juridique.

- par une modification de la législation ou des pratiques administratives afin de les rendre compatibles avec les stipulations de la convention

- par l'obligation de transposer les directives communautaires en cours d'élaboration. La ratification de la convention par la Communauté européenne exige en effet de mettre préalablement le droit communautaire en conformité.

A - L'accès à l'information dans le domaine de l'environnement

En ce qui concerne tout d'abord le volet sur l'accès à l'information dans le domaine de l'environnement, de nombreux textes affirment ce principe dans la législation française. Tout d'abord, la loi du 17 juillet 1978 a renversé le principe en matière d'accès aux documents administratifs en général, le secret devenant l'exception. Par ailleurs, la loi Barnier du 2 février 1995 fait directement référence à l'environnement en disposant que « chaque citoyen doit avoir accès aux informations relatives à l'environnement y compris celles relatives aux substances et activités dangereuses ». De plus, de très nombreux textes spécifiques prévoient un droit d'accès à l'information, c'est par exemple le cas de la loi de 1975 sur les déchets, de la loi de 1977 sur les produits chimiques, de la loi de 1987 sur les risques majeurs, de la loi de 1992 sur l'eau ou de la loi de 1996 sur l'air. Enfin, une ordonnance du 11 avril 2001 transpose en droit français la directive communautaire du 7 juin 1990 sur l'accès du public à l'information en matière d'environnement. Il pourrait être intéressant en la matière de songer à une uniformisation.

La convention ne se contente pas d'une vision passive de l'accès à l'information de la part des administrations, c'est à dire l'obligation pour celles-ci de fournir les informations qui leur sont demandées, elle exige également des Parties une démarche active en la matière. Elles doivent en effet mettre en place des structures permettant de rassembler et de diffuser l'information. La France dispose avec l'IFEN (institut français de l'environnement) d'un tel outil. De plus, le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement a beaucoup développé la diffusion de l'information environnementale auprès des publics concernés, notamment sur la question de la prévention des risques naturels, qui fait partie du champ d'application de la convention.

Le droit français est donc globalement conforme aux principes de la convention d'Aarhus en ce qui concerne l'accès à l'information environnementale, même si quelques modifications à la marge pourraient être nécessaires. La convention ne prévoit pas par exemple de refus tacite de communication d'un document en l'absence de réponse au bout d'un mois, ce qui est la pratique en France.

Pour autant, le droit français en la matière n'est pas parfait. Mais les principales insuffisances généralement déplorées ne sont pas comblées par la convention d'Aarhus. La principale concerne probablement la question du secret industriel et commercial qui permet de refuser de communiquer des relevés de rejets industriels lorsque leur analyse pourrait conduire à révéler des procédés de fabrication. Or, le secret industriel et commercial fait partie des motifs permettant de refuser une demande d'informations. A cet égard, on peut s'étonner que le Gouvernement français, sous la pression du ministère de l'industrie, ait jugé utile de formuler une déclaration interprétative réaffirmant encore ce principe. On pourrait considérer que tout ce qui sort d'une industrie est public, sans quoi tout rejet pouvant permettre de remonter au processus de fabrication pourrait faire l'objet d'un secret et ainsi être dissimulé.

Enfin, l'accès aux documents préparatoires peut être considéré comme le maillon faible de notre droit à l'information. En effet, ce type de documents n'est communicable qu'après la prise de décision, ce qui irrite beaucoup particuliers et associations. Ils considèrent que ces documents n'ont justement un intérêt qu'avant la prise de décision. C'est par exemple le cas des études faites sur des tracés alternatifs pour un projet autoroutier. Or la convention précise que l'accès à ce type de documents se fait « conformément à la législation nationale » (article 6-f.). Cependant la directive communautaire à l'étude sur les plans et programmes relatifs à l'environnement vise à garantir une participation effective du public et rappelle que celle-ci ne doit pas intervenir « en bout de chaîne », comme c'est malheureusement trop souvent le cas.

B - La participation du public au processus décisionnel

L'aspect le plus novateur du développement de la transparence réside probablement dans la participation du public qu'il induit au processus même de décision. En effet, l'information, même très étendue, et l'accès à la justice restent des notions adaptées à une démocratie uniquement représentative, où le contrôle doit néanmoins jouer un rôle important. En revanche, faire participer directement le public au processus de décision est une option beaucoup plus ambitieuse et assez étrangère à la tradition politique française. Ainsi, même si les prémices des modes de démocratie participative ont été mises en place depuis les années 1970, c'est logiquement dans ce domaine que la convention d'Aarhus doit entraîner le plus de modifications.

1) L'article 6 de la convention sur la participation du public aux décisions relatives à des activités particulières

La participation du public en matière d'environnement passe actuellement principalement par l'enquête publique et, encore très marginalement, par le débat public. Ces deux instruments sont, pour des raisons différentes, insuffisants, ne permettant pas d'obtenir une participation effective de la population aux « décisions relatives à des activités particulières » pour reprendre la formulation de l'article 6 de la convention. Les projets ainsi visés sont très nombreux, comprenant les activités industrielles, énergétiques, les infrastructures de transport... Outre, cette définition large des activités concernées, la convention est également exigeante quant à la nature des modes de participation du public. La participation du public doit être effective, les observations du public doivent être dûment prises en compte, et pour se faire, le public doit être invité à participer dès le début du processus décisionnel.

La procédure du débat public, instituée par la loi Barnier du 2 février 1995, répond largement aux objectifs de la convention. Mais il s'agit d'une procédure qui n'est utilisée que pour de gigantesques projets d'infrastructure, d'un coût supérieur à 600 millions d'euros. En conséquence, l'intervention de la Commission nationale du débat public (CNDP) reste exceptionnelle, elle n'a ainsi organisé que quatre débats lors de ses quatre premières années d'existence (sur une vingtaine de saisines). En outre, les modalités de mise en _uvre de ces débats ont fait l'objet de critiques, et ne permettent pas une authentique participation.

A l'inverse, la procédure de l'enquête publique, telle qu'elle est issue de la loi du 12 juillet 1983 relative à la démocratisation des enquêtes publiques et à la protection de l'environnement, permet une participation du public à l'occasion des principales décisions en matière d'environnement2. Mais si le champ d'application de cette procédure est satisfaisant, tel n'est pas le cas des modalités d'organisation des enquêtes publiques. Celles-ci sont en effet insuffisamment participatives, comme l'a relevé notamment le rapport de Mme Questiaux pour le Conseil d'Etat3.

En conséquence, la convention d'Aarhus rend nécessaires des adaptations législatives. Ainsi le Gouvernement a intégré dans son projet de loi sur la démocratie de proximité un chapitre sur la participation du public à l'élaboration des grands projets. Ce projet de loi adopté par l'Assemblée nationale le 25 juin 2001 et par le Sénat le 24 janvier 2002 modifie la procédure de débat public, en abaissant les seuils de saisine et en transformant la CNDP en véritable autorité administrative indépendante. Ces modifications devraient conduire à l'organisation d'une vingtaine de débats publics par an, contre un en moyenne depuis l'instauration de la CNDP. En outre, il rend plus participatif les procédures d'enquête publique et d'études d'impact.

Malheureusement, le texte élaboré par la commission mixte paritaire qui s'est réunie le 30 janvier 2002 retient une modification apportée par le Sénat qui amoindrit gravement l'importance des enquêtes publiques. En effet, il supprime l'obligation de prendre une déclaration d'utilité publique par décret en Conseil d'Etat en cas d'avis négatif du commissaire-enquêteur. Un arrêté préfectoral suffira donc, quel que soit le résultat de l'enquête publique, ce qui relativise beaucoup son importance et ne va donc pas dans le sens d'une plus grande participation du public, alors que la prise en compte des conclusions des Commissaires enquêteurs devrait être renforcée et non réduite.

Il faut noter enfin que l'article 6 de la convention prévoit une obligation de motivation des décisions, alors que le principe en France est celui de la motivation des seules décisions défavorables. Cependant, d'ores et déjà de nombreuses décisions doivent être motivées (installations classées...), et le projet de loi sur la démocratie de proximité le prévoit également pour les déclarations d'utilité publique et d'intérêt général. Il reste ainsi à généraliser cette motivation des décisions positives dans tous les domaines (énergie, lignes électriques, transport d'hydrocarbures...), ce que souligne également le rapport Questiaux.

La participation pourrait également être renforcée par un recours plus systématique aux référendums d'initiative locale. Cette procédure, mise en place par la loi du 6 février 1992 et élargie par la loi du le 4 février 1995, permet aux électeurs d'une commune, d'une partie de commune ou d'un établissement public de coopération intercommunal de se prononcer sur un projet d'aménagement. Or cette possibilité est très étroitement encadrée par les dates possibles de mise en _uvre et par la définition de ce qu'est « une affaire communale », ce qui rend sa mise en _uvre quasiment impossible. Il serait donc souhaitable, dans l'esprit de la Convention et dans le but de limiter par avance le contentieux, d'élargir ces possibilités de référendums locaux.

De même des expériences comme celle des Pays-Bas qui pratiquent les « scénario-ateliers » mérite d'être étudiées. Les « scénario-ateliers » présentent quatre formes d'évolution possibles pour un espace donné et permettent à la population, de se prononcer sur l'évolution souhaitée de ces espaces très en amont, avant même que des projets précis soient conçus. Cette pratique favorise en outre une utilisation avisée des finances locales en évitant des études très onéreuses pour des projets manifestement non voulus.

Enfin les « Conférences des citoyens », comme cela a été pratiqué sur « l'utilisation des Organismes génétiquement modifiés dans l'agriculture et l'alimentation » à l'Assemblée nationale en juin 1998 sont des méthodes à perfectionner et développer.

2) Les articles 7 et 8 de la convention relatifs à la participation du public en ce qui concerne les plans, programmes et politiques relatifs à l'environnement et à la phase d'élaboration de dispositions réglementaires

Les articles 7 et 8 sont rédigés de façon très générale. Ils ne devraient pas produire d'effet direct, ni contraindre à des modifications législatives du fait de la souplesse qu'ils prévoient dans la définition des modalités.

Pour autant, la participation du public dans les matières visées à ces articles, surtout en ce qui concerne les plans et programmes relatifs à l'environnement, n'est pas très satisfaisante. Les procédures consultatives existantes sont insuffisamment tournées vers le grand public. A titre d'exemple, on peut noter que la Commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les inondations4 a jugé la procédure d'élaboration des plans de prévention des risques naturels (PPR) insuffisamment participative. La participation du public pourrait au contraire aider à la réalisation même de ces plans et programmes, comme pour le programme national contre l'effet de serre qui implique une forte prise de conscience mais qui demeure insuffisamment connu.

Néanmoins, la ratification de la Convention d'Aarhus par la Communauté européenne a conduit la Commission à proposer l'adoption d'un certain nombre de directives pour rendre le droit communautaire compatible avec la Convention. Une directive adoptée en juin 2001, et une autre directive faisant l'objet d'une procédure de codécision posent en effet le principe d'une participation précoce du public au processus d'élaboration des plans et programmes relatifs à l'environnement. La transposition de ces directives entraînera probablement une modification de la législation dans ce domaine.

C - L'accès à la justice

Le volet sur l'accès à la justice s'inspire largement des procédures contentieuses existant en France, fondées sur un accès facile à la justice, grâce à la souplesse des voies de recours, une acception large du concept d'intérêt à agir, l'existence de procédures d'urgence...

Les traditionnels points faibles de la justice administrative française résidaient dans l'absence de pouvoir d'injonction du juge et par le caractère très restrictif des procédures d'urgence. Ce handicap était particulièrement regrettable dans le domaine de l'environnement où il est important d'obtenir des décisions rapides et réellement appliquées. Or le juge administratif s'est vu reconnaître en 1995 un véritable pouvoir d'injonction, alors que la loi du 30 juin 2000 relative au référé devant les juridictions administratives multiplie les possibilités d'obtenir la suspension d'une décision administrative.

Les modifications nécessaires dans le domaine de l'accès à la justice concernent surtout l'obligation très large d'information du public de ses droits de recours. Elle pose la nécessité de « mécanismes appropriés d'assistance », afin de résoudre le problème du coût des procédures et de fournir une aide juridictionnelle aux personnes morales.

Mais l'intérêt principal de la convention est de protéger une conception très ouverte du droit au recours en matière d'environnement En effet, si l'état de la législation française sur ce point est satisfaisant, son succès même peut le fragiliser. La contribution importante des recours formulées par des associations de protection de la nature au droit de l'environnement conduit périodiquement certains représentants des maîtres d'ouvrage à souhaiter que l'accès à la justice leur soit restreint.

La Convention souligne également l'utilité, en matière pré-contentieuse d'autorité administratives indépendantes, d'une concertation préalable qui pourrait prévenir les problèmes posés par un important contentieux, surtout en matière d'urbanisme, idée qu'il serait intéressant d'approfondir dans notre pays.

CONCLUSION

Une concertation très en amont des projets peut permettre de désamorcer des contentieux dont la multiplication n'est effectivement pas souhaitable. Mais penser que « verrouiller » l'information est une solution qui permettra de mener à bien les projets plus rapidement serait une erreur. Les élus locaux ont tout intérêt à ce qu'une association du public au processus décisionnel soit organisée afin que l'action en justice ne soit pas l'unique moyen de se faire entendre. A cet égard, on peut regretter que si la discussion parlementaire sur la démocratie de proximité a permis de faire des avancées dans le sens des principes de la Convention d'Aarhus, elle ait malheureusement révélé la persistance d'une volonté d'encadrer plus strictement les procédures de participation du public.

Ainsi, même si la Convention peut être considérée comme insuffisamment ambitieuse dans certains domaines, sa mise en _uvre permettra d'ancrer davantage le principe de transparence en matière d'environnement dans la législation et les pratiques administratives françaises. Votre Rapporteure vous recommande donc l'adoption du présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 30 janvier 2002.

Après l'exposé de la Rapporteure, M. Pierre Brana a déclaré qu'il voterait ce texte mais il s'est dit déçu de son caractère insuffisamment ambitieux, en ce qui concerne notamment l'accès à la justice et l'accès à l'information, pour lequel les motifs admis de refus de communication sont beaucoup trop nombreux.

Mme Marie-Hélène Aubert a estimé que la Convention était néanmoins plus satisfaisante que l'état actuel du droit dans de nombreux pays dont la France. Cette dernière n'est d'ailleurs pas pour rien dans l'existence dans la Convention de nombreuses exceptions, elle en a même réaffirmé une dans par une déclaration interprétative. La culture française dans ce domaine n'est pas celle de la transparence et elle a encore des difficultés à s'adapter. D'ailleurs, la Convention effraie de nombreuses personnes en France par son audace.

Le Président François Loncle a souligné la différence d'approche existant en ce domaine entre les pays du Nord et les pays latins, dont la France. Il a enfin précisé que la non-application de la Convention dans les territoires d'outre-mer était tout à fait justifiée car les questions d'environnement font partie de leurs compétences statutaires.

Suivant les conclusions de la Rapporteure, la Commission a adopté le projet de loi (no 3256).

*

* *

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 3256).

ANNEXE - ETAT DES SIGNATURES ET DES RATIFICATIONS

Etat

Date de signature

Date de ratification

Albanie

25 juin 1998

27 juin 2001

Allemagne

21 décembre 1998

 

Arménie

25 juin 1998

1er août 2001

Autriche

25 juin 1998

 

Azerbaïdjan

 

29 mars 2000

Biélorussie

16 décembre 1998

9 mars 2000

Belgique

25 juin 1998

 

Bulgarie

25 juin 1998

 

Communauté européenne

25 juin 1998

 

Croatie

25 juin 1998

 

Chypre

25 juin 1998

 

Danemark

25 juin 1998

29 septembre 2000

Espagne

25 juin 1998

 

Estonie

25 juin 1998

2 août 2001

Finlande

25 juin 1998

 

France

25 juin 1998

 

Géorgie

25 juin 1998

11 avril 2000

Grèce

25 juin 1998

 

Hongrie

18 décembre 1998

3 juillet 2001

Irlande

25 juin 1998

 

Islande

25 juin 1998

 

Italie

25 juin 1998

13 juin 2001

Kazakhstan

25 juin 1998

11 janvier 2001

Kirghizistan

 

1er mai 2001

Lettonie

25 juin 1998

 

Liechtenstein

25 juin 1998

 

Lituanie

25 juin 1998

 

Luxembourg

25 juin 1998

 

Macédoine

 

22 juillet 1999

Malte

18 décembre 1998

 

Moldavie

25 juin 1998

9 août 1999

Monaco

25 juin 1998

 

Norvège

25 juin 1998

 

Pays-Bas

25 juin 1998

 

Pologne

25 juin 1998

 

Portugal

25 juin 1998

 

Roumanie

25 juin 1998

11 juillet 2000

Royaume-Uni

25 juin 1998

 

Slovénie

25 juin 1998

 

Suède

25 juin 1998

 

Suisse

25 juin 1998

 

Tadjikistan

 

17 juillet 2001

République Tchèque

25 juin 1998

 

Turkménistan

 

25 juin 1999

Ukraine

25 juin 1998

18 novembre 1999

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1 De nombreux exemples peuvent être cités : les inondations causées par les procédures excessives de remembrement rural, l'urbanisme irraisonné etc., la catastrophe de Toulouse , la pollution de la ressource eau en Bretagne, etc.

2 En dépit du champ d'application très large des enquêtes publiques, certaines échappent à cette procédure, telle que la diffusion d'organismes génétiquement modifiés (OGM)

3 L'utilité publique aujourd'hui, les études du Conseil d'Etat, 1999

4 Inondations : une mobilisation nécessaire, rapport n°3386 de la Commission d'enquête sur les causes, les conséquences et la prévention des inondations, Assemblée nationale, XIème législature


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