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le 19 février 2002

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N° 3600

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 février 2002.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR :

- LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de la Convention d'entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Cuba,

- LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Cuba relative au transfèrement de personnes condamnées aux fins d'exécution de la peine (ensemble un échange de lettres),

PAR M. GEORGES HAGE,

Député

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 175, 230, 431 et T.A. 114 (2000-2001), 142 et T.A. 39 (2001-2002)

Assemblée nationale : 3161, 3511

Traités et conventions

La Commission des affaires étrangères est composée de : M. François Loncle, président ; M. Gérard Charasse, M. Georges Hage, M. Jean-Bernard Raimond, vice-présidents ; M. Roland Blum, M. Pierre Brana, Mme Monique Collange, secrétaires ; Mme Michèle Alliot-Marie, Mme Nicole Ameline, M. René André, Mme Marie-Hélène Aubert, Mme Martine Aurillac, M. Édouard Balladur, M. Raymond Barre, M. Henri Bertholet, M. Jean-Louis Bianco, M. André Billardon, M. André Borel, M. Bernard Bosson, M. Philippe Briand, M. Bernard Brochand, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Hervé de Charette, M. Jean-Claude Decagny, M. Patrick Delnatte, M. Jean-Marie Demange, M. Xavier Deniau, M. Paul Dhaille, M. Jean-Paul Dupré, M. Charles Ehrmann, M. Jean-Michel Ferrand, M. Raymond Forni, M. Georges Frêche, M. Michel Fromet, M. Jean-Yves Gateaud, M. Jean Gaubert, M. Valéry Giscard d'Estaing, M. Jacques Godfrain, M. Pierre Goldberg, M. Michel Grégoire, M. François Guillaume, M. Jean-Jacques Guillet, M. Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, M. Didier Julia, M. Alain Juppé, M. Gilbert Le Bris, M. Jean-Claude Lefort, M. Guy Lengagne, M. Pierre Lequiller, M. Alain Le Vern, M. Bernard Madrelle, M. René Mangin, M. Daniel Marcovitch, M. Jean-Paul Mariot, M. Gilbert Maurer, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, M. Étienne Pinte, M. Marc Reymann, M. François Rochebloine, M. Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, M. René Rouquet, M. Georges Sarre, M. Henri Sicre, M. Dominique Strauss-Kahn, Mme Christiane Taubira-Delannon, M. Michel Terrot, Mme Odette Trupin, M. Joseph Tyrode, M. Michel Vauzelle.

SOMMAIRE

___

INTRODUCTION 5

I - CUBA ET LA COOPÉRATION JUDICIAIRE INTERNATIONALE 7

A - LA PERSISTANCE D'UN MESSAGE CRITIQUE VIS-À-VIS DU CAPITALISME... 7

B - ... N'EMPÊCHE PAS CUBA DE VOULOIR PARTICIPER À LA LUTTE
    CONTRE LA CRIMINALITÉ TRANSNATIONALE
7

II - UN RENFORCEMENT UTILE DE LA COOPÉRATION JUDICIAIRE
ENTRE LA FRANCE ET CUBA
9

A - LA CONVENTION D'ENTRAIDE JUDICIAIRE EN MATIÈRE PÉNALE 9

B - LA CONVENTION RELATIVE AU TRANSFÈREMENT DES PERSONNES
     CONDAMNÉES
9

CONCLUSION 11

EXAMEN EN COMMISSION 13

Mesdames, Messieurs,

Notre Assemblée est régulièrement saisie depuis quelques années de projets de loi autorisant l'approbation de conventions de coopération judiciaire avec des pays d'Amérique latine. Ce mouvement a été inauguré par la signature avec le Mexique en 1994 de deux conventions d'entraide judiciaire en matière pénale et d'extradition. Ces deux conventions ont par la suite servi de modèles dans les négociations avec de nombreux pays. Ces dernières ont notamment abouti avec le Brésil, la Colombie, l'Uruguay, le Paraguay, l'Argentine et la République dominicaine.

Cuba était au contraire l'un des rares pays d'Amérique latine lié avec la France par un Traité d'extradition, signé dès 1925. Mais les liens importants existant entre les deux pays, en termes de flux d'investissements ou touristiques, rendaient nécessaires un approfondissement de la coopération judiciaire. Ainsi, la France et Cuba ont conclu le 22 septembre 1998 une convention d'entraide judiciaire en matière pénale, et le 21 janvier 2000 une convention relative au transfèrement des personnes condamnées.

I - CUBA ET LA COOPÉRATION JUDICIAIRE INTERNATIONALE

A - La persistance d'un message critique à l'encontre du capitalisme...

Dans le monde actuel, Cuba fait figure d'exception. En effet, alors que la quasi-totalité des pays du monde paraît avoir accepté la mondialisation libérale, Cuba reste attaché à son propre modèle de développement, dont la particularité est de ne pas être fondé sur les valeurs de l'argent. J'avais ainsi montré dans un rapport au nom de la commission des affaires étrangères1, qui faisait suite à une mission à Cuba en avril 2000, les incontestables réussites du socialisme cubain dans les secteurs de l'éducation ou de la santé.

Evidemment, ce modèle constitue une forme de résistance à l'impérialisme américain et, en cela, il irrite grandement les Etats-Unis. Ainsi, ceux-ci mènent, depuis plus de quarante ans, une politique visant à isoler Cuba, lui faisant subir un embargo inacceptable, renforcé ces dernières années par des mesures unilatérales, comme la loi Helms-Burton, dont le but est de sanctionner les entreprises étrangères qui ne se plient pas à l'interdiction américaine de commercer avec Cuba. En effet, pour les Etats-Unis, la persistance de Cuba dans son refus du modèle capitaliste suffit à en faire un « Etat-voyou » au côté d'autres Etats comme l'Irak, l'Iran, le Soudan ou la Corée du Nord.

B - ... n'empêche pas Cuba de vouloir participer à la lutte contre la criminalité transnationale

L'hostilité persistante des Etats-Unis vis-à-vis de Cuba, dont on sait qu'elle s'explique d'abord par des considérations de politique intérieure, est d'autant plus injustifiée que le régime de Fidel Castro ne manifeste aucune hostilité à l'égard du peuple américain. Cuba cherche en effet à jouer pleinement son rôle sur la scène internationale en promouvant la coopération internationale. Il est d'ailleurs l'un des rares pays en développement à mettre en _uvre une politique d'aide en faveur de pays plus démunis, notamment dans le domaine médical.

Cuba n'est donc absolument pas un Etat qui cherche à s'affranchir des règles du droit international. Ainsi, Fidel Castro a immédiatement condamné avec une grande vigueur les attentats du 11 septembre et le terrorisme international en général. Plus globalement, Cuba a montré une grande modération tout au long des opérations militaires en Afghanistan, sans invoquer par exemple la scandaleuse détention des prisonniers d'Al-Quaïda sur son propre territoire, à Guantanamo. Cette attitude ne signifie pas un alignement sur les Etats-Unis mais révèle bien que Cuba n'a pas d'opposition de principe à leur égard. Son isolement, voulu par la puissance des Etats-Unis, et son ostracisme, Cuba la réfute à sa manière en se conformant aux règles internationales.

La signature d'une convention d'entraide judiciaire en matière pénale et la signature d'une convention sur le transfèrement des personnes condamnées entre la France et Cuba sont révélatrices d'une volonté d'approfondir la coopération judiciaire internationale. En dépit des efforts des Etats-Unis, Cuba s'ouvre de plus en plus sur l'extérieur, que se soit aux investissements étrangers ou au tourisme. Or ce phénomène accroît la nécessité de la coopération judiciaire entre la France et Cuba, jusque là uniquement régie par un Traité d'extradition datant de 1925. Les autorités cubaines ont d'ailleurs proposé le lancement de négociations visant à établir une nouvelle convention d'extradition, mieux adaptée à la criminalité d'aujourd'hui.

II - UN RENFORCEMENT UTILE DE LA COOPÉRATION JUDICIAIRE ENTRE LA FRANCE ET CUBA

A - La convention d'entraide judiciaire en matière pénale

La convention d'entraide judiciaire en matière pénale signée entre la France et Cuba le 22 septembre 1998 est conforme aux principes inspirant la convention européenne sur l'entraide judiciaire en matière pénale de 1959. Elle est également très proche des nombreuses conventions de ce type signées par la France avec des pays d'Amérique latine depuis le début des années 1990. Elle est notamment quasiment identique avec la convention signée avec la république dominicaine examinée par notre Commission le 16 janvier dernier.

Le principe de l'entraide réside dans l'engagement des Etats à s'accorder mutuellement l'aide judiciaire la plus large possible dans toute procédure visant des infractions dont la répression est de la compétence des autorités judiciaires de la partie requérante. Ce principe est assorti des exceptions habituelles, l'entraide judiciaire ne concerne jamais l'exécution des décisions d'arrestation ni les infractions militaires qui ne constituent pas des infractions de droit commun.

Les possibilités de refus sont également habituelles, elles se rapportent aux infractions politiques et aux demandes d'entraide de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels de l'Etat requis.

Les différentes formes d'entraide possibles sont énumérées par les conventions (actes d'enquête et d'instruction, communication de pièces, comparution de témoins...). Les formes habituelles de la coopération judiciaire en matière pénale sont ainsi organisées selon les modalités généralement retenues.

B - La convention relative au transfèrement des personnes condamnées

La convention relative aux transfèrement des personnes condamnées aux fins d'exécution de la peine entre la France et Cuba, signée le 21 janvier 2000, reprend pour l'essentiel les dispositions de la convention du Conseil de l'Europe du 21 mars 1983. Elle est donc tout à fait classique dans ses modalités.

Ce type de convention est très utile lorsqu'il existe un risque d'accroissement du nombre de ressortissants de l'une des Parties condamnés et emprisonnés par l'autre Partie. En effet, il est préférable pour la réinsertion future d'une personne condamnée que celle-ci purge sa peine dans un environnement culturel et social qui lui est habituel. Or l'augmentation du nombre de touristes français à Cuba et l'accroissement du trafic de drogue dans la région des Caraïbes font craindre une augmentation du nombre de ressortissants de notre pays condamnés par la justice cubaine.

Le champ d'application de la convention est très large puisqu'elle ne prévoit pas de possibilités de refus de transfèrement lorsque les conditions juridiques sont réunies.

Parmi ces conditions, la plus importante réside probablement dans l'obligation d'un consentement de la part de la personne intéressée. Ainsi aucun détenu ne peut être transféré contre son choix de France à Cuba ou inversement. De plus, les modalités de l'expression du consentement sont étroitement encadrées. Notons par ailleurs, que Cuba a demandé à ce que la convention ne s'applique qu'aux ressortissants cubains résidant dans leur pays, elle ne pourra donc pas s'appliquer aux réfugiés cubains installés en France.

Cette convention respectant scrupuleusement les droits des personnes condamnées, son entrée en vigueur constituera un progrès pour ces dernières.

CONCLUSION

Le développement de la coopération judiciaire internationale est une nécessité impérative. Depuis quelques années, la France a entrepris de tisser en Amérique latine un réseau de conventions de coopération judiciaire très dense. Ainsi, ces conventions avec Cuba permettront de confirmer cette tendance.

Pour ces raisons, Votre rapporteur vous demande d'adopter les présents projets de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 13 février 2002, sur le rapport de M. François Loncle, suppléant M. Georges Hage, empêché.

Après l'exposé du Rapporteur, M. Jean-Yves Gateaud a estimé que le modèle type de conventions judiciaires n'était peut-être pas adapté aux spécificités de chaque pays. Dans le cas de Cuba, les problèmes qui se posent concernent davantage le scandaleux tourisme sexuel que la présence de personnes cherchant à échapper à des accusations de blanchiment. Cuba n'est par exemple pas une destination adaptée pour des personnes telles que Didier Schuller.

M. Pierre Brana a déclaré partager cette opinion et souhaité qu'à l'avenir les conventions de ce type soient davantage adaptées aux problèmes spécifiques de chaque pays.

Suivant les conclusions du Rapporteur, la Commission a adopté les projets de loi (nos 3161 et 3511).

*

* *

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, les présents projets de loi.

NB : Le texte des conventions figure en annexe aux projets de loi (n° 3161 et 3511).

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3600 - Rapport de M. Georges Hage : Conventions avec Cuba : entraide judiciaire et transfèrement de personnes condamnées (commission des affaires étrangères) (Projets de loi adoptés Sénat)

1 Rapport d'information n°2401 (XIème législature)


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