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le 18 février 2002

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N° 3602

______

ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

ONZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 13 février 2002.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES (1) SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l'approbation d'un accord de protection et d'encouragement réciproques des investissements entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Cambodge,

PAR M. PIERRE BRANA,

Député

--

(1) La composition de cette commission figure au verso de la présente page.

Voir les numéros :

Sénat : 330 (2000-2001), 41 et T.A. 38 (2001-2002)

Assemblée nationale : 3510

Traités et conventions

La Commission des affaires étrangères est composée de : M. François Loncle, président ; M. Gérard Charasse, M. Georges Hage, M. Jean-Bernard Raimond, vice-présidents ; M. Roland Blum, M. Pierre Brana, Mme Monique Collange, secrétaires ; Mme Michèle Alliot-Marie, Mme Nicole Ameline, M. René André, Mme Marie-Hélène Aubert, Mme Martine Aurillac, M. Édouard Balladur, M. Raymond Barre, M. Henri Bertholet, M. Jean-Louis Bianco, M. André Billardon, M. André Borel, M. Bernard Bosson, M. Philippe Briand, M. Bernard Brochand, M. Jean-Christophe Cambadélis, M. Hervé de Charette, M. Jean-Claude Decagny, M. Patrick Delnatte, M. Jean-Marie Demange, M. Xavier Deniau, M. Paul Dhaille, M. Jean-Paul Dupré, M. Charles Ehrmann, M. Jean-Michel Ferrand, M. Raymond Forni, M. Georges Frêche, M. Michel Fromet, M. Jean-Yves Gateaud, M. Jean Gaubert, M. Valéry Giscard d'Estaing, M. Jacques Godfrain, M. Pierre Goldberg, M. Michel Grégoire, M. François Guillaume, M. Jean-Jacques Guillet, M. Robert Hue, Mme Bernadette Isaac-Sibille, M. Didier Julia, M. Alain Juppé, M. Gilbert Le Bris, M. Jean-Claude Lefort, M. Guy Lengagne, M. Pierre Lequiller, M. Alain Le Vern, M. Bernard Madrelle, M. René Mangin, M. Daniel Marcovitch, M. Jean-Paul Mariot, M. Gilbert Maurer, M. Jacques Myard, Mme Françoise de Panafieu, M. Étienne Pinte, M. Marc Reymann, M. François Rochebloine, M. Gilbert Roseau, Mme Yvette Roudy, M. René Rouquet, M. Georges Sarre, M. Henri Sicre, M. Dominique Strauss-Kahn, Mme Christiane Taubira-Delannon, M. Michel Terrot, Mme Odette Trupin, M. Joseph Tyrode, M. Michel Vauzelle.

SOMMAIRE

___

INTRODUCTION 4

I . UNE SÉCURITÉ JURIDIQUE RELATIVE OFFERTE
AUX INVESTISSEURS ÉTRANGERS
5

A - DES EFFORTS IMPORTANTS POUR FAVORISER
L'INVESTISSEMENT ÉTRANGER
5

1) Un environnement juridique plutôt favorable aux investissements étrangers 5

2) Une convention standard signée avec la France 7

B - UNE PRÉSENCE FRANÇAISE DISCRÈTE 8

1) Des investissements français faibles 8

2) Une coopération publique plus importante 9

II . UNE VIE POLITIQUE DOMINÉE PAR LE
PARTI DU PEUPLE CAMBODGIEN
10

A - BILAN ET PERSPECTIVES DE LA SITUATION POLITIQUE 10

B - LE JUGEMENT DES KHMERS ROUGES 11

CONCLUSION 13

EXAMEN EN COMMISSION 14

ANNEXE : CARTE DU CAMBODGE 15

Mesdames, Messieurs,

Les relations franco-cambodgiennes sont très étroites et anciennes. Ancien protectorat français d'Indochine, le Cambodge acquiert l'indépendance en 1953 tout en conservant des relations privilégiées avec la France jusqu'à l'interruption brutale de 1975 lorsque les Khmers rouges prennent la ville de Phnom Penh. Puis l'influence française renaît à partir du milieu des années quatre-vingts avec l'implication de notre pays dans la recherche d'un règlement du conflit cambodgien, qui aboutit à la signature, sous l'égide de l'ONU, des accords de Paris en 1991.

Après les accords de Paris, c'est aujourd'hui un accord d'un autre type qui figure l'expression des bonnes relations franco-cambodgiennes, puisqu'un accord de protection et d'encouragement réciproques des investissements est soumis à ratification par le Parlement.

Celui-ci nous donne l'occasion de faire le point sur la situation juridique offerte aux investisseurs étrangers par ce pays dont la vie politique est dominée par le Parti du Peuple Cambodgien.

I - UNE SÉCURITÉ JURIDIQUE RELATIVE
OFFERTE AUX INVESTISSEURS ÉTRANGERS

A - Des efforts importants pour favoriser l'investissement étranger

1) Un environnement juridique plutôt favorable aux investissements étrangers

Le Cambodge est un pays en plein renouveau qui doit s'appuyer sur l'aide internationale pour assurer son développement, en attendant que l'investissement direct étranger (IDE) prenne le relais. Membre de l'ASEAN (Association of South East Asian Nations - Association des Nations du Sud-Est asiatique) depuis avril 1999, il se déclare résolument ouvert aux investissements étrangers et dispose d'atouts de premier plan, en particulier d'une main d'_uvre abondante et bon marché.

Ainsi, il redouble d'efforts pour réunir des conditions favorables à l'IDE. Peu à peu, il passe d'une économie dirigée à une économie de marché, notamment en privatisant de nombreuses entreprises publiques (une centaine de 1991 à 1997), même si dans la pratique une règle constitutionnelle interdit aux étrangers d'accéder à la propriété foncière au Cambodge. C'est cependant la seule limitation à l'implantation des entreprises étrangères.

Le pays met également en place un cadre légal ad hoc qui favorise le développement de l'IDE. Ainsi la Loi sur l'investissement du 4 août 1994, et son sous-décret d'application du 29 décembre 1997, offre les garanties habituelles en la matière :

- un traitement identique s'appliquera aux investisseurs nationaux et aux investisseurs étrangers, à l'exception de l'accession à la propriété foncière, même si dans les faits les investisseurs étrangers peuvent contourner cet obstacle en prenant à bail des terrains pour une durée maximale de 70 ans, éventuellement reconductible ;

- le Gouvernement Royal du Cambodge s'interdit de nationaliser les biens des investisseurs étrangers et de contrôler les prix de leurs produits ou services ;

La loi de 1994, et son article 14, accorde également des avantages fiscaux particulièrement incitatifs pour les projets ayant une utilité économique pour le pays. Des exonérations partielles ou totales de droits de douane et d'impôts sont accordées aux investisseurs. Tout d'abord, le taux d'imposition sur les bénéfices est fixé à 9 %, à l'exception des bénéfices générés par les entreprises de recherche et d'exploitation des ressources naturelles (bois, pétrole, minerais, notamment l'or et les pierres précieuses), dont le taux d'imposition est fixé à 30 %. Ensuite, une exonération totale de l'impôt sur les bénéfices est accordée pendant une période de huit ans. La durée de l'exonération dépend des caractéristiques de l'investissement, telles que la somme du capital investi et le secteur auquel se rattache le projet d'investissement, et des priorités gouvernementales. Le début de la période d'exonération coïncide avec la première année au cours de laquelle l'entreprise génère un bénéfice. Est également possible un report prospectif des pertes de l'entreprise sur une période maximale de cinq ans. De plus, les matériaux de construction, les moyens de production, les biens d'équipement, les produits semi-finis, les matières premières et les pièces de rechange nécessaires au fonctionnement de l'entreprise sont totalement exonérés des droits de douane et impôts à l'importation. Les entreprises visées par cette exonération sont énumérées à l'annexe 2 du sous-décret d'application de la loi sur l'investissement. L'exonération porte sur la période de construction de l'entreprise, de la fabrique ou des édifices et sur la première année d'exploitation. Cependant, les entreprises exportatrices qui exportent au moins 80 % de leurs fabrications et les entreprises qui s'installent dans les zones spéciales de développement peuvent bénéficier d'une exonération prolongée. Enfin, l'exonération des droits de douane à l'exportation est totale, de même que l'exonération de l'impôt sur les distributions de dividendes, de profits et de revenus générés par l'investissement, qu'ils soient transférés à l'étranger ou qu'ils restent au Cambodge.

Par ailleurs, en 1994, a été créé le Conseil pour le Développement du Cambodge (CDC), organe gouvernemental de régulation et de gestion administrative des activités liées à la réhabilitation, au développement et à l'investissement. Il s'agit en réalité de promouvoir et contrôler les investissements privés.

S'agissant des résultats chiffrés de ces efforts, le point culminant a été atteint en 1996 avec 290 millions de dollars d'IDE, suivi d'une chute à 170 millions après les événements politiques de 1997, que votre Rapporteur développera plus loin dans son rapport, pour atteindre un pallier autour de 120 à 130 millions de dollars de 1998 à 2000. Cette dernière année, l'IDE a atteint environ 125 millions de dollars, soit à peine le tiers des contributions effectivement versées au Cambodge par ses bailleurs de fonds.

Le nouveau gouvernement a alors immédiatement réagi en prenant trois décisions :

- simplifier et accélérer la procédure d'approbation des projets d'investissement gérée par le CDC ;

- ouvrir le champ des activités de négoce international aux entreprises étrangères qui jusqu'à présent était réservé aux seules entreprises à capitaux majoritairement cambodgiens ;

- relancer les autres formes d'appel aux capitaux étrangers.

Par ailleurs, une instance de dialogue permanent avec le secteur privé a été instaurée par le Premier ministre Hun Sen qui a débouché récemment sur la création de 7 groupes de travail thématiques mixtes public/privé dont la mission est de soumettre au gouvernement des recommandations en vue d'une amélioration du cadre des affaires.

Au final, les conditions mises en place par le Gouvernement pour favoriser l'investissement étranger sont satisfaisantes mais se heurtent à des difficultés particulièrement importantes que connaissent d'ailleurs également les entreprises cambodgiennes. Les services publics sont déficients, les infrastructures font défaut, la ressource humaine est peu qualifiée, le système bancaire peu performant, l'Etat de droit est relatif. On notera par exemple qu'il n'existe pas de procédure d'exequatur des jugements rendus à l'étranger, ni de procédure de reconnaissance et d'exequatur des sentences arbitrales. Par conséquent, il n'existe pas de moyen de droit permettant de faire exécuter au Cambodge un jugement rendu à l'étranger. La seule voie de droit est donc de refaire l'intégralité du procès dans ce pays. En effet, la Convention de New York du 10 juin 1958 sur la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères à laquelle le Cambodge a adhéré n'a pas été ratifiée. Ce qui n'a pas empêché le pays de signer des conventions bilatérales pour l'encouragement et la protection réciproques des investissements avec une douzaine de pays, dont les Pays-Bas, l'Allemagne, les Etats-Unis, la Suisse et la France aujourd'hui !

2) Une convention standard signée avec la France

L'accord sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements que la France et le Cambodge ont signé le 13 juillet 2000 est calqué sur le modèle OCDE des quelque 80 conventions d'investissement conclues avec d'autres Etats dans le monde. Il s'agit d'établir un cadre juridique sûr qui permette de favoriser l'activité de nos entreprises au Cambodge. Ainsi, les deux Parties contractantes s'engagent à appliquer les principes du droit international en matière d'investissements, à savoir :

- aux termes des articles 3 et 4, chaque Partie accorde aux investisseurs de l'autre Partie un traitement juste et équitable, conforme aux principes du droit international et au moins égal au traitement qu'elle accorde aux nationaux ou au traitement de la nation la plus favorisée, à l'exclusion des avantages consentis à un Etat tiers en raison de l'appartenance à une organisation économique régionale ;

- selon l'article 5, en cas de dépossession, l'accord prévoit le versement d'une indemnisation prompte et adéquate et précise les modalités de son calcul ;

- l'article 6 garantit la liberté du transfert des revenus et du produit de la liquidation des investissements, ainsi que d'une partie des rémunérations des nationaux expatriés dans le cadre d'une opération d'investissement ;

- la faculté de recourir à une procédure d'arbitrage international en cas de différend entre l'investisseur et le pays d'accueil ou entre les deux pays fait l'objet de l'article 7.

Les articles 1er, 2, 8, 9, 10 et 11 sont de facture traditionnelle et n'appellent aucun commentaire particulier.

B - Une présence française discrète

1) Des investissements français faibles

Les chiffres de 1998 et de 1999 font état de respectivement 28 millions de francs (4,27 millions d'euros) et 13 millions de francs (1,98 millions d'euros) d'investissements directs français. Du fait de la quasi absence de sources statistiques cambodgiennes, il est pratiquement impossible d'évaluer le stock des investissements français ; toutefois, on l'estime entre 70 et 190 millions de dollars, ce qui représente environ 3,4 % du stock et place notre pays à la huitième position parmi les investisseurs étrangers au Cambodge. Signalons par ailleurs que les banques françaises détiennent 21,4 % des créances bancaires étrangères.

Sans aucun doute l'approbation de cet accord d'investissements de par les garanties qu'il accorde aux investisseurs mais également du fait qu'il permettra au gouvernement français d'accorder sa garantie, via la COFACE (Compagnie Française d'Assurance pour le Commerce Extérieur), aux investissements réalisés par des entreprises française au Cambodge devrait contribuer dans les prochaines années à améliorer la position française dans ce pays.

2) Une coopération publique plus importante

En ce domaine, votre Rapporteur souhaiterait rappeler que ce pays fait partie de la ZSP (Zone de Solidarité Prioritaire) de la France. D'après les chiffres du Comité d'Aide au Développement de l'OCDE, l'aide française au Cambodge a atteint 192 millions de francs (29,27 millions d'euros) en 1999, dont 136 millions de francs (20,73 millions d'euros) à titre bilatéral, le reste étant constitué par la part de la France dans les aides accordées par l'UE ou les institutions de Bretton Woods. Au final, l'aide française représente 11 % de l'aide internationale accordée au Cambodge.

Par ailleurs, de 1991 à 1998, 340 millions de francs (51,83 millions d'euros) ont été accordés sous la forme de protocoles de dons du Trésor.

La première intervention de l'Agence Française de Développement (AFD) date de 1993. L'Agence opère également par l'intermédiaire de sa filiale PROPARCO, dédiée à l'aide au secteur privé, et ce depuis 1996. De 1996 à 1999, l'AFD a engagé 171 millions de francs (26,07 millions d'euros).

En 1999, le Fonds de Solidarité Prioritaire (FSP) a dégagé 15 millions de francs (2,29 millions d'euros).

De plus, le ministère des Affaires étrangères, via la DGCID (Direction Générale de la Coopération Internationale et du Développement), a alloué des crédits pour un montant de 40,3 millions de francs (6,14 millions d'euros) en 2000, soit une augmentation importante par rapport à 1999 (28,6 millions de francs - 4,36 millions d'euros).

Enfin, votre Rapporteur peut en témoigner, l'Ecole française d'Extrême-Orient réalise un travail remarquable pour la sauvegarde des chefs d'_uvre d'Angkor.

II - UNE VIE POLITIQUE DOMINÉE PAR
LE PARTI DU PEUPLE CAMBODGIEN

A - Bilan et perspectives de la situation politique

L'intervention de l'ONU au Cambodge de 1991 à 1993 telle qu'elle résulte des accords de Paris a été la plus coûteuse et la plus importante de l'histoire de l'Organisation onusienne. Ont été envoyés 15 000 "bérets bleus" et 6 000 fonctionnaires internationaux, dont un contingent de policiers. La gestion du pays a été confiée à l'APRONUC, autorité provisoire de l'ONU. La souveraineté nationale est restée du ressort d'un Conseil national suprême composé de 12 membres, présidé par le Roi Norodom Sihanouk, et réunissant les 4 factions en présence : 2 Khmers rouges, 2 royalistes, 2 membres du FNLPK (un Front issu de la République du général Lon Nol) et 6 membres du PPC (People's Party of Cambodia ou Parti du Peuple Cambodgien au pouvoir qui contrôle l'armée et l'administration).

Les élections législatives de mai 1993, bien qu'ayant été emportées par le FUNCINPEC (Front Uni pour un Cambodge Indépendant, Neutre, Pacifique et Coopération - mouvement royaliste dirigé par le Prince Ranariddh, fils du Roi Sihanouk), ont cependant conduit à la mise en place d'un gouvernement de coalition imposé par le PPC : 2 Premiers ministres, l'un royaliste et l'autre issu du PPC, et une participation des républicains de l'ancien Premier ministre Son Sann. Sur un total de 120 sièges, 52 sièges sont allés au FUNCINPEC et 51 sièges au PPC de Hun Sen. Dans la foulée, le 24 septembre 1993, Sihanouk a été une nouvelle fois proclamé Roi. Sa première accession au trône date de 1941.

En juillet 1997, une crise ouverte s'est déclarée et a mis fin au gouvernement de coalition de 1993. La sortie de la crise a eu lieu en juillet 1998 avec de nouvelles élections législatives qui ont à nouveau débouché sur un gouvernement de coalition dirigé par le Premier ministre Hun Sen, grâce à la négociation sous les auspices du Roi et la conclusion le 13 novembre 1998 d'un accord politique entre le PPC et le FUNCINPEC du Prince Ranariddh. Plusieurs personnalités du FUNCINPEC ont été amnistiées. Le Prince Ranariddh a été élu à la présidence de l'Assemblée nationale. Un Sénat a été créé. Cependant c'est bien le PPC qui domine toujours la vie politique cambodgienne, faisant du Cambodge un régime de parti dominant.

Le 3 février 2002, environ 5 millions d'électeurs étaient appelés à voter lors des élections communales (les premières organisées dans le pays depuis plus d'un demi-siècle) et à choisir ainsi les dirigeants (chef de commune et son adjoint) de 1 621 communes et 11 000 conseillers (conseil communal) sur 74 000 candidats issus des trois formations en lice, le PPC et le FUNCINPEC qui se répartissent tous deux les sièges au sein du gouvernement, et l'opposition avec le Parti Sam Rainsy (PSR, du nom de son président).

Ces élections se sont déroulées dans le calme ont noté les quelque 20 000 observateurs cambodgiens et étrangers, contrairement à ce qui s'était passé pendant la campagne électorale où l'on a relevé brutalités, blessés et morts.

Si les résultats définitifs officiels doivent être annoncés par le Comité électoral national entre le 19 et le 22 février, il ressort des premiers résultats partiels que l'opposition a réalisé une percée surprise, malgré la domination incontestable du PPC qui obtient la majorité dans l'ensemble des 22 provinces, ce qui équivaut au contrôle d'environ 1 600 communes sur les 1 621. Le grand perdant est le mouvement royaliste du FUNCINPEC, l'allié minoritaire du PPC dans la coalition gouvernementale. Ainsi les premières estimations attribuent 61 % des voix au PPC, 23 % au FUNCINPEC et 16 % au PSR.

Selon les observateurs, la grande leçon de ce scrutin est pour le FUNCINPEC qui est littéralement condamné à réviser sa stratégie dans la perspective des élections législatives prévues en 2003.

B - Le jugement des Khmers rouges

A la suite de discussions engagées en 1997 avec l'ONU et à la demande du gouvernement royal du Cambodge, une loi pour le jugement des Khmers rouges privilégiant la formule d'un jugement national avec assistance internationale a été promulguée par le Roi Norodom Sihanouk le 10 août 2001. Cette loi prévoit la création sur le sol cambodgien d'une cour spéciale mixte à "caractère international" puisque la participation de magistrats internationaux, un co-procureur et un co-juge d'instruction étrangers sont prévus. L'ONU ayant estimé cette loi insuffisante, elle a souhaité que lui soit adjoint un protocole d'accord portant sur certains points d'importance, qui malheureusement n'a pas abouti. Aujourd'hui, l'ONU annonce qu'elle rompt les négociations avec le Cambodge sur le procès des Khmers rouges et avance à cela plusieurs raisons. La première réside dans le faite que "l'indépendance et l'objectivité d'un tribunal ne pouvaient pas être garanties". Par ailleurs, Hans Corell, le principal négociateur onusien, reproche au gouvernement cambodgien d'avoir "apparemment traîné les pieds pour traduire en justice des dirigeants khmers rouges vieillissants". Enfin, il ne faut pas oublier que la question de la souveraineté du Cambodge a littéralement empoisonné les discussions sur le sujet. D'ailleurs, le gouvernement cambodgien a toujours souligné que le fait d'avoir demandé l'aide de l'ONU "ne signifie pas que nous laissions les Nations unies nous dicter ce que nous avons à faire". Quoiqu'il en soit, Phnom Penh persiste à vouloir organiser le procès même sans la caution de la communauté internationale.

C'est le 17 avril 1975 que le mouvement communiste des Khmers rouges, combattants paysans hostiles au régime militaire soutenu par les Etats-Unis du général Lon Nol qui a destitué et contraint à l'exil à Pékin le Prince Sihanouk en 1970, s'emparent de Phnom Penh. Avec la prise de la ville, le Cambodge passe sous la dictature sanglante de l'Angkar, l'Organisation, qui, dirigée par Pol Pot, édifie un régime de terreur basé sur la déportation à la campagne de toute une population urbaine contrainte à défricher et mettre en culture des terres jusque là incultes pour, sous la direction de cadres khmers rouges, y faire des rizières, des plantations de maïs, d'ignames, de bananiers, etc. L'extermination des anciens militaires ou cadres des précédents régimes Lon Nol et Sihanouk est systématique. Quant au reste de la population, il souffre de sous-alimentation et est soumis à des travaux très durs. Au final, de 1975 à 1979 (l'intervention de l'armée vietnamienne débute en décembre 1978 et est ressentie comme une véritable libération par la population), le Cambodge a subi un véritable "auto génocide" puisque de 1 à 2 million de personnes ont été éliminées sur une population de 7 millions environ.

Parmi les nombreux problèmes qui restent encore à régler (déroulement de l'instruction, date de l'organisation du procès, doutes sur la compétence, l'honnêteté et l'indépendance de la justice cambodgienne), l'un des plus épineux est sans aucun doute de savoir lesquels des chefs khmers survivants, et ils sont nombreux, seront jugés. L'ancien "numéro 3" de l'Angkar, Ieng Sary qui a bénéficié d'une grâce royale en 1996 pour avoir rallié le gouvernement et qui était le beau-frère du chef Pol Pot, "frère numéro un" mort en avril 1998 officiellement d'une crise cardiaque après une parodie de procès, ne semble pas inquiété. De même que le chef politique Khieu Samphan qui fut chef de l'Etat du Kampuchéa démocratique d'avril 1976 à début 1979 ou encore Nuon Chea, le théoricien des Khmers rouges. A vrai dire, seuls deux anciens hauts responsables sont en prison pour l'instant dans l'attente d'un jugement : Ta Mok, chef de guerre, et Kang Kek Ieu, tortionnaire chef du centre de tortures de Tuol Sleng et surnommé "Douch". On peut signaler au passage que l'actuel Premier ministre Hun Sen est lui-même un ancien Khmer rouge, ainsi que quatre autres membres du gouvernement actuel. Par ailleurs, le Roi lui-même a cautionné le mouvement alors qu'il était en exil et avant d'en devenir l'otage et de perdre une partie de sa famille à cause d'eux.

CONCLUSION

Notamment au nom de la longue amitié qui unit la France au Cambodge, votre Rapporteur estime qu'un nouveau geste politique envers ce pays s'impose et vous recommande l'adoption du présent projet de loi, d'autant que les autorités cambodgiennes ont achevé les procédures de ratification et adressé, le 31 juillet 2001, leur instrument de ratification à la République française.

EXAMEN EN COMMISSION

La Commission a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 13 février 2002.

Après l'exposé du Rapporteur, et suivant ses conclusions, la Commission a adopté le projet de loi (n° 3510).

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* *

La Commission vous demande donc d'adopter, dans les conditions prévues à l'article 128 du Règlement, le présent projet de loi.

NB : Le texte de l'accord figure en annexe au projet de loi (n° 3510).

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3602 - Rapport de M. Pierre Brana : Accord avec le Cambodge pour l'encouragement des investissements (commission des affaires étrangères) - Projet de loi adopté Sénat


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