Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus de la session > Compte rendu intégral

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du lundi 1er octobre 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Claude Bartolone

1. Ouverture de la session ordinaire

2. Tarification progressive de l’énergie

Motion de rejet préalable

M. Lionel Tardy

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur, M. Jacques Krabal, M. Serge Letchimy, M. Antoine Herth, M. Bertrand Pancher

Motion de renvoi en commission

M. Martial Saddier

Présidence de Mme Laurence Dumont

Mme Delphine Batho, ministre, Mme Frédérique Massat, vice-présidente de la commission des affaires économiques

Rappel au règlement

M. Daniel Fasquelle

Motion de renvoi en commission (Suite)

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur

Mme Michèle Bonneton, M. Jacques Krabal, M. Germinal Peiro, M. Daniel Fasquelle, M. Bertrand Pancher, M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur

Discussion générale

M. Denis Baupin

M. Jacques Krabal

M. André Chassaigne

M. Yves Blein

M. Daniel Fasquelle

M. Bertrand Pancher

Mme Michèle Bonneton

M. Razzy Hammadi

M. Jean-Jacques Guillet

M. Frédéric Barbier

M. Dino Cinieri

Mme Clotilde Valter

M. Alain Marc

M. Dominique Potier

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur

Mme Delphine Batho, ministre

Suspension et reprise de la séance

Discussion des articles

Avant l’article 1er

Amendements nos 336, 453 (sous-amendement) rectifié, 339, 268, 327, 126, 127

3. Fait personnel

M. Martial Saddier

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

1

Ouverture de la session ordinaire

M. le président. Conformément au premier alinéa de l’article 28 de la Constitution, je déclare ouverte la session ordinaire de 2012-2013.

2

Tarification progressive de l’énergie

Suite de la discussion d’une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi de MM. François Brottes et Bruno Le Roux instaurant une tarification progressive de l’énergie (n°s 150, 199).

Motion de rejet préalable

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Lionel Tardy.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Je sens que cela va être léger ! (Sourires.)

M. Lionel Tardy. Monsieur le président, madame la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, monsieur le président de la commission des affaires économiques et rapporteur, madame la vice-présidente de la commission, mes chers collègues, la proposition de loi dont nous entamons l’examen cet après-midi pose sûrement plus de problèmes qu’elle n’en résout.

Le premier mot qui m’est venu à l’esprit lorsque j’ai lu cette proposition de loi, c’est « ubuesque ». Le second, c’est « soviétique ». (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Jean-Philippe Mallé. C’est un peu excessif !

M. Lionel Tardy. En tout état de cause, c’est un texte inacceptable techniquement et politiquement.

Sur la forme et la procédure, nous tutoyons les records. Je reconnais que l’ancienne majorité n’a pas toujours été exemplaire sur ce sujet, …

M. Gérard Terrier. Quel aveu !

M. Germinal Peiro. Enfin une vérité !

M. Lionel Tardy. …mais elle n’a jamais, à ce point, accumulé les défauts sur un même texte.

Pour une nouvelle majorité et un Président de la République, qui nous annonçait que le changement, y compris sur le plan législatif, c’était maintenant, nous voyons que si changement il y a, c’est, hélas, en pire.

Ce texte a été mis en ligne le vendredi 7 septembre à 11 heures 45 sur le site de l’Assemblée nationale après avoir été présenté l’avant-veille en conférence de presse. Son examen en commission a eu lieu le mardi 18 septembre. Nous avons eu exactement une semaine entre la mise en ligne et la date limite de dépôt des amendements pour l’examen en commission.

Le texte de la commission a été mis en ligne le jeudi 20 septembre à 22 heures pour une limite de dépôt des amendements le lundi suivant à 17 heures et encore, a-t-il fallu négocier en commission, sinon c’était pour le vendredi soir. Le rapport a été mis en ligne le lundi 24 septembre à 21 heures, soit après l’expiration du délai de dépôt des amendements.

Comment, dans de telles conditions, est-il possible d’analyser correctement le texte, consulter, rédiger des contre-propositions ?

Bien évidemment, nous avons déposé des amendements, mais ils ne font que pointer les problèmes les plus apparents, ceux qui sont visibles à l’œil nu. Le nombre d’amendements déposés montre bien que les bugs ne manquent pas dans ce texte. Je suis convaincu que faute de temps pour l’analyser, nous avons laissé passer plein de choses.

Le deuxième point qui fâche, c’est l’absence d’étude d’impact. Pour un texte sur l’énergie, matière technique et complexe s’il en est, c’est un comble. Quand la proposition de loi est courte et ne porte que sur un sujet bien délimité, on peut éventuellement se passer d’une étude d’impact. Mais en l’espèce, vous abordez plusieurs thématiques où des explications et des références documentaires auraient été plus qu’utiles : tarification progressive, organisation des collèges d’autorités administratives indépendantes, effacement de consommation, tarifs sociaux. Nous n’avons eu aucun élément pour comprendre ce texte, ses tenants et ses aboutissants, et le temps a clairement manqué pour que nous puissions entreprendre nous-mêmes des recherches sur les questions de tarification progressive.

Des exemples à l’étranger existent, notamment en Afrique du Sud, en Californie. La Belgique avait envisagé un tel dispositif avec un rapport très intéressant de leur commission de régulation de l’énergie et du gaz, datant de 2010. Pour ma part, j’ai tout juste eu le temps de le lire, mais pas de consulter toutes les références et les autres publications citées.

Ne nous dites pas que vous n’auriez pas pu, même si ce n’est pas obligatoire, réaliser un dossier documentaire sur la question, compilant les travaux les plus récents. Ce rapport aurait pu, peut-être – bien que tardivement – nous éclairer. Il n’en est rien, puisqu’il est vide. Compte tenu de la charge de travail qui a pesé, depuis deux semaines, sur les administrateurs de la commission des affaires économiques, il est difficile de leur en faire le reproche.

Un élément intéressant existe tout de même dans ce rapport : la liste des personnes auditionnées. Nous aurions néanmoins apprécié, monsieur Brottes, que les comptes rendus de ces auditions et que les éventuels documents qui vous ont été communiqués à cette occasion figurent en annexes du rapport.

Nous aurions également apprécié que ces auditions soient annoncées à l’avance et réellement ouvertes. Celles que vous avez organisées dans votre bureau, le mercredi 12 et le jeudi 13 septembre n’étaient qu’un simulacre. Comment voulez-vous que l’on s’organise pour y assister, lorsque l’on reçoit l’information par courrier électronique le mardi, soit la veille des auditions, à 18 heures ? Que retirer d’auditions qui durent vingt minutes ? Sur cette proposition de loi, nous légiférons à l’aveugle.

Enfin, et c’est le bouquet, la procédure accélérée est engagée. Quelle est l’urgence dès lors que, vous le dites vous-même, la mise en œuvre sera longue ? S’il faut plus d’un an pour publier les décrets, mettre en place la réforme parmi les différents acteurs, on n’est plus à quelques semaines près pour l’examen de ce texte par le Parlement. Pourquoi une telle précipitation ?

Nous nous sommes bien vite rendus compte, au vu des modifications apportées en commission, souvent par le biais d’amendements que vous avez vous-même déposé, voire de sous-amendements à vos propres amendements, alors que vous êtes l’auteur de la proposition de loi, que le texte était loin d’être au point. C’est bien la preuve que votre proposition de loi doit être rejetée et retravaillée !

Que ces pratiques émanent du Gouvernement qui cherche le plus souvent à passer le moins de temps possible en débat parlementaire, c’est déjà difficile à accepter. Mais quand c’est sur un texte d’initiative parlementaire, on ne peut qu’être choqué !

Comment un parlementaire aussi chevronné que vous, monsieur Brottes, peut-il bâcler à ce point l’examen d’un texte dont il est l’auteur et dont on peut supputer que le nom restera attaché à ce texte : on parlera de la loi Brottes ?

Dernier épisode : le dépôt par le Gouvernement, au début de l’après-midi, de dix-sept amendements à l’article 1er.

La combinaison de ces quatre éléments – délais très courts, absence d’étude d’impact, absence de compte rendu d’audition et procédure accélérée – sont une atteinte grave aux droits du Parlement.

Mes chers collègues, tout cela fait déjà beaucoup, mais c’est bien sûr sur le fond que nous avons le plus de reproches à faire à ce texte.

Ce dernier a été initialement présenté sous le titre de « tarification progressive de l’énergie ». En le lisant, on se rend compte qu’il ne s’agit pas d’une tarification progressive, puisqu’il ne touche absolument pas la grille tarifaire et ne fait que rajouter une ligne supplémentaire sur la facture d’énergie. C’est sans doute pour cela que nous n’avons pas eu le moindre écho de la part des producteurs et des fournisseurs d’énergie, qui n’auraient pas manqué de venir nous trouver s’ils avaient été un tant soit peu touchés.

Nombre de pistes intéressantes, comme la question de la pointe énergétique, ont été renvoyées à des rapports. Je ne connais pas de meilleur moyen pour enterrer un problème que de créer une commission et de demander un rapport !

Décemment, vous ne pouvez prétendre que les dispositions pour lesquelles vous demandez un rapport soient incluses dans le dispositif. Le Conseil constitutionnel, que nous ne manquerons pas de saisir, se prononcera au vu du dispositif normatif et non sur le plan d’ensemble que vous esquissez et que vous renvoyez à des textes ultérieurs, qui ne verront peut-être jamais le jour.

Je vous accorde que vous avez eu l’honnêteté, en commission, de rétablir la vérité en changeant le titre de votre texte, qui est désormais intitulée « proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre ».

Changer le titre et donc l’affichage de l’objectif politique du texte n’est absolument pas neutre. Il s’accompagne d’ailleurs de la modification du dispositif, avec l’ajout, dans le code de l’énergie, d’un article L. 230-1 A qui précise l’objectif de la loi, lequel est désormais « d’inciter les consommateurs domestiques à réduire leur consommation ».

Tendre vers la sobriété énergétique est tout à fait louable, et nous partageons ce but. Il reste toutefois très en retrait des ambitions initiales, notamment des promesses du candidat François Hollande. Il n’empêche que nous continuons à en partager l’intérêt.

Là où les divergences apparaissent, c’est sur les outils pour y parvenir. À cet égard, le revirement en dit long : il est la reconnaissance explicite que l’outil mis en place dans ce texte n’a rien d’une tarification progressive, donc d’une relation contractuelle entre un fournisseur et son client, mais tout d’une taxe, l’État imposant un surcoût à ceux qui ont un comportement non désiré, sachant que ceux qui ont le comportement souhaité bénéficient, eux, d’un cadeau fiscal. On retombe dans le schéma très classique en droit fiscal de la carotte et du bâton.

Certes, on relève quelques spécificités. Normalement, le dispositif doit s’autofinancer, y compris pour les frais de fonctionnement, et ne doit donc pas augmenter les charges publiques. Il en aurait été autrement, le couperet de l’article 40 de la Constitution serait tombé et nous ne serions pas réunis cet après-midi.

Nous aurons l’occasion d’en rediscuter lors des amendements, mais j’ai quelques doutes sur le sérieux de ce dispositif. Affirmer avant même qu’il ne soit mis en place, qu’il sera neutre, c’est lier le montant des malus à celui des bonus et des frais de fonctionnement dont on n’a d’ailleurs qu’une idée très vague de ce qu’ils pourraient être.

Voilà une des raisons pour lesquelles une étude d’impact aurait été particulièrement utile afin de disposer des projections et des évaluations sur l’aspect financier.

Au lieu de cela, on nage dans le flou le plus total : aucun chiffre n’est avancé, aucune évaluation des bonus et des malus, que l’on aurait pu raisonnablement attendre, n’est faite, et aucune étude de l’équilibre réel du dispositif n’est donc disponible. Ce n’est pas sérieux.

L’un des points durs du débat, sur lequel le Conseil constitutionnel aura à trancher, est celui du statut fiscal, ou non, du dispositif. Il s’agit tout de même d’un prélèvement obligatoire opéré sur les consommateurs par une personne publique ou son délégataire, prévu par la loi, en vue de lui faire adopter un comportement précis, qui est l’objectif affiché par la loi instaurant le prélèvement ou le reversement d’argent. La sanction prévue en cas de soustraction frauduleuse est la même que celle qui sanctionne la fraude fiscale.

Il faut dire les choses telles qu’elles sont : votre dispositif est un nouvel impôt sur la consommation d’énergies de réseaux, appelé le malus, doublé d’une niche fiscale, appelé le bonus. Que les deux s’équilibrent ne change rien au fait que nous sommes dans le champ des prélèvements obligatoires.

À partir du moment où nous sommes dans le cadre d’un prélèvement fiscal, nous entrons dans le champ de l’article 34 de la Constitution qui dispose que « La loi fixe les règles concernant […] l’assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ».

Cette proposition de loi ne répond manifestement pas à cette exigence étant donné le nombre de renvois à des décrets pour des éléments essentiels de la définition de l’assiette. Si le Conseil constitutionnel considère que nous sommes sur une matière fiscale, c’est la censure assurée sur la base de l’incompétence négative.

Lors des discussions sur la loi HADOPI, j’avais, dès le début, dit que ce texte posait un problème : la sanction prévue, la coupure de l’accès Internet, ne pouvait être prononcée que par un juge judiciaire. Le gouvernement de l’époque avait balayé cet argument d’un revers de main dédaigneux. On a vu ce qu’il en est advenu.

Une autre exigence constitutionnelle impose que l’outil soit proportionné et adapté à l’objectif, ce dernier devant être d’intérêt général. Les deux points soulèvent des interrogations.

Si l’on reprend le texte proposé pour le nouvel article L. 230-1 A du code de l’énergie, l’objectif du dispositif est d’inciter les consommateurs domestiques à réduire leur consommation. D’abord, réduire leur consommation de quoi ? On devine, compte tenu de la thématique du texte, qu’il s’agit de leur consommation d’énergie, mais encore faut-il savoir de quelles énergies il s’agit !

Si j’ai bien compris, le système du bonus-malus ne portera que sur les énergies de réseau, à savoir gaz, électricité, et chaleur. Le bois et le fioul sont exclus. Faut-il en conclure que l’objectif de la loi est juste de réduire la consommation d’électricité et de gaz ? Quand bien même ce serait le cas, réduire la consommation d’énergie n’est pas en soi d’intérêt général !

M. Germinal Peiro. Ah bon ?

M. Lionel Tardy. Il faut savoir quel est le but recherché par cet instrument qu’est la baisse de la consommation d’énergie des particuliers.

Même si l’on arrive à deviner où vous voulez en venir et si l’on partage l’objectif environnemental sous-tendu, encore faut-il l’expliciter de manière claire et précise dans la loi.

Réduire la consommation pour réduire la consommation ne saurait être un objectif d’intérêt général permettant de mettre en place le dispositif contenu dans le texte.

Si votre objectif est, effectivement, de préserver des ressources rares, de préserver l’environnement, d’assurer une production énergétique à moindre coût, l’outil que vous nous proposez est inadapté.

Par rapport aux ambitions initiales, on a l’impression que celle de la lutte contre les passoires énergétiques est passée à la trappe. L’objectif d’amélioration de la performance énergétique des logements ne figure pas explicitement dans le dispositif. Peut-être qu’au cours des débats, nous le verrons réapparaître, mais pour l’instant, j’ai plutôt envie de lancer un avis recherche !

M. Martial Saddier. Très bien !

M. Lionel Tardy. Votre dispositif ne vise que les consommations domestiques des particuliers. Vous laissez complètement de côté la consommation des industries. J’admets tout à fait que la problématique est différente et que des outils adaptés doivent être proposés en ce domaine. Pour autant, cela ne vous dispensait pas de prendre en compte cet aspect.

Plus délicat à justifier, vous laissez également de côté toutes les consommations professionnelles du secteur tertiaire. C’est beaucoup plus contestable, car la consommation énergétique des bureaux est très proche, voire identique à celle des logements. On chauffe, on éclaire, on fait fonctionner des appareils électriques dans des locaux de même format que des logements.

Quelle différence structurelle, par exemple, entre la consommation d’un cabinet d’avocat et celle d’un logement ? Personnellement, je n’en vois pas. Ma remarque est d’autant plus fondée qu’avec votre dispositif, les professionnels qui ont pour lieu de travail leur domicile et qui ont un contrat « professionnel » avec leur fournisseur d’énergie ne seront pas concernés.

Que de gaspillages d’énergie dans les entreprises pourtant ! Il suffit de voir ces immeubles de bureaux dont les lumières restent allumées toute la nuit pour se rendre compte de la marge de progression. Je ne parle même pas de la climatisation, beaucoup plus présente dans les bureaux que dans les logements : tout comme le chauffage, elle reste en fonctionnement, sans aucun souci de sobriété énergétique.

Monsieur Brottes, si vous aviez dû commencer par un secteur précis, c’est là qu’il aurait fallu frapper, bien davantage que chez les particuliers. Ces derniers ont, en effet, un intérêt bien compris à réguler leur consommation d’énergie puisqu’ils paient les factures de leur poche, ce qui n’est pas le cas des salariés dans les entreprises.

Notons enfin que, au sein même des consommations domestiques, vous excluez les étrangers qui ne sont pas assujettis à l’impôt sur le revenu ainsi que les résidences secondaires.

Je ne parle même pas de l’euro-compatibilité de ce dispositif, sur laquelle on peut se poser bien des questions. Pour développer ce point, il aurait toutefois fallu pouvoir expertiser en profondeur le texte, ce qui n’a pas été possible compte tenu des délais qui nous ont été imposés. Au passage, j’aimerais savoir si cette proposition de loi a été notifiée à la Commission européenne et si vous avez au moins pris toutes les assurances pour qu’aucune mauvaise surprise ne vienne de Bruxelles ou de Luxembourg.

Reconnaissez que votre dispositif comporte tout de même nombre de trous et d’inconnues, trop pour qu’il puisse prétendre répondre efficacement à l’objectif d’intérêt général de préservation de l’environnement et des ressources énergétiques.

L’outil proposé par ce texte ne sera pas en mesure de remplir son objectif pour une autre raison : l’objectif affiché est d’inciter et, pour ce faire, il faut que les destinataires de cette incitation comprennent quelque chose au dispositif. Or, en matière de complexité, nous voici face à une usine à gaz, version cathédrale.

Je vous mets au défi, mes chers collègues, d’aller expliquer ce dispositif dans un club du troisième âge de votre circonscription ! (Exclamations sur divers bancs du groupe SRC.)

M. Razzy Hammadi. Nos aînés apprécieront !

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Les personnes âgées ne sont pas bêtes !

M. Lionel Tardy. Que vont voir ceux qui feront l’objet d’un malus ? Une ligne supplémentaire sur la facture, du moins s’ils la remarquent – mais qui aujourd’hui lit en détail sa facture surtout quand les prélèvements sont mensualisés et automatiques ?

Si d’aventure ils s’intéressent à cette ligne, ils constateront qu’ils payent une taxe supplémentaire. Pourquoi ? Ils n’en sauront pas grand-chose, à moins d’appeler un numéro vert inscrit sur la facture. Combien feront la démarche, surtout si, comme vous nous l’avez dit en commission, les montants en jeu sont faibles ? Et si jamais ils appellent, que leur dira-t-on ? Comment le service administratif pourra-t-il déterminer si le malus est lié à un problème de performance énergétique du logement ou aux habitudes de consommation et savoir d’où vient le problème ? Franchement, je leur souhaite bonne chance.

Finalement, quel sera l’effet incitatif du dispositif ? Faible, sans doute très faible. Et quand on met cet aspect en parallèle avec la complexité du dispositif et son caractère intrusif, on voit tout de suite de quel côté la balance penche. Voilà donc un outil qui donnera peu de résultats, tout en présentant des effets secondaires fortement indésirables.

Le premier de ces effets est, disais-je, l’intrusion dans la vie privée des consommateurs. Il va leur falloir déclarer comment ils se chauffent mais aussi s’ils détiennent certains appareils consommateurs d’énergie comme les appareils médicaux d’hospitalisation à domicile. De cette manière, les consommateurs devront fournir aux administrations des informations personnelles sensibles sur leur état de santé, avec tous les risques de fuites que cela comporte. Le plus inquiétant, c’est que cela ne semble pas vous alarmer : ficher ainsi les Français ne vous pose pas problème. À ce train-là, dans cinq ans, quelle sera la longueur des déclarations de revenus ? Quelles lignes allez-vous encore ajouter ?

Vous pouvez toujours nous dire que toutes les garanties seront prises et que la CNIL suivra cela de près : permettez-moi d’avoir quelques doutes sérieux. Quand on voit comment étaient gérés des fichiers aussi sensibles que les fichiers de police – gestion que Mme la ministre n’a eu de cesse de dénoncer lors de la précédente législature –, on peut légitimement s’inquiéter de la constitution de fichiers sur la santé des Français par le biais des déclarations de possession d’appareils médicaux ou d’autres fichiers. L’accès à de telles informations intéresserait de nombreux acteurs privés, voire d’autres administrations ou même la sécurité sociale, à qui cela pourrait faciliter bien des contrôles.

Quant à la CNIL, j’ai rencontré sa présidente pas plus tard que la semaine dernière, en marge d’un colloque de l’ARCEP. Elle doit déjà faire face à tant de sujets qu’elle est déjà très occupée. Si nous pouvions éviter de la surcharger en créant de nouveaux fichiers comme ceux inclus dans cette proposition de loi, nous lui rendrions service.

M. Martial Saddier. Il a raison !

M. Lionel Tardy. Arrêtons de charger la barque de cette institution, notamment en lui faisant endosser un rôle de suivi au long cours. Elle n’en a pas les moyens humains et matériels.

Mes chers collègues, le Conseil constitutionnel a rendu très récemment, le 22 mars 2012, la décision 2012-652 DC, par laquelle il a censuré la création d’un fichier central des empreintes biométriques des Français en raison du fait que l’outil était manifestement disproportionné par rapport à l’objectif poursuivi par la loi, laquelle consistait simplement à lutter contre l’usurpation d’identité. Nous nous situons ici dans la même problématique.

Mme Delphine Batho, ministre. Cela n’a rien à voir avec le texte !

M. Lionel Tardy., Les risques de censure existent, même si la disproportion est moins scandaleuse et que le risque encouru en cas de fuite du fichier est plus faible. Quel est le rapport coût-avantage de ce dispositif ? Est-il positif ou négatif ? Force est de constater que nous nous situons dans la zone grise, le Conseil constitutionnel accordant une grande importance à la protection de la vie privée.

Enfin, il y a derrière ce texte, une idéologie politique, celle qui promeut l’économie administrée et le pouvoir de la bureaucratie.

Il est prévu que des commissions administratives décident de ce que doit être la consommation « normale » d’énergie d’un ménage, avec l’instauration de sanctions financières pour ceux qui ne se conformeraient pas à cette norme officielle, ce qui est tout simplement inacceptable. Seront autoritairement fixés, par voie de décret et d’arrêté, des éléments qui ne peuvent relever que du libre choix de chacun. Restreindre la consommation énergétique, définir des critères qui permettent à certaines catégories de bénéficier de dérogations, c’est orienter des choix de vie. Va-t-on sanctionner ceux qui préfèrent veiller tard le soir plutôt que les couche-tôt ? Va-t-on sanctionner financièrement ceux qui veulent disposer d’appareils électroménagers haut de gamme ? Il est possible d’aller très loin en la matière : nous y reviendrons lors de l’examen des amendements.

Un tel dispositif peut, de manière très éventuelle, se concevoir en cas de très grave pénurie d’énergie. Or ce n’est absolument pas le cas en France ni à court ni à moyen terme. Les circonstances ne justifient absolument pas que l’on mette en place une contrainte pesant à ce point sur les libertés individuelles des Français.

Certes, rien n’est interdit, tout est plus subtil, mais finalement on arrive au même résultat : une bureaucratie administrative qui cherchera à orienter les manières de vivre de nos citoyens. Notre groupe refuse totalement ce choix politique qui est aux antipodes de notre culture politique et de nos valeurs.

Mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise est un texte bâclé – que nous avons eu à peine le temps de survoler –, présenté sans le moindre document explicatif, la moindre analyse. Il instaure une nouvelle taxe en renvoyant à des décrets des dispositions qui devraient se trouver dans la loi et en fixant des objectifs qui ne répondent que très imparfaitement aux motifs d’intérêt général qui pourraient éventuellement justifier de légiférer.

Nous avons devant nous une usine à gaz législative, comme nous en avons rarement vu. Même la loi HADOPI apparaissait plus applicable que ce texte : c’est dire !

Cette proposition de loi ne peut être sauvée. Le mal est bien trop profond pour qu’on puisse y remédier par quelques amendements. C’est la raison pour laquelle je vous invite à faire preuve de lucidité en adoptant cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur Tardy, l’essentiel de votre motion peut se résumer à votre affirmation selon laquelle réduire la consommation d’énergie ne constitue pas en but en soi, et c’est sur ce seul point que je vous répondrai. Bien sûr que c’est un but en soi ! C’est d’ailleurs l’un des engagements que la France a pris à l’échelle européenne dans le cadre des dispositions du paquet énergie-climat que vous avez fait voter pendant la présidence française de l’Union.

M. Lionel Tardy. Ce n’est pas explicite dans le texte !

Mme Delphine Batho, ministre. L’objectif du dispositif proposé par François Brottes est de faire en sorte qu’il y ait, pour la première fois, une réelle incitation aux économies d’énergie. Je n’interviendrai que sur ce seul point, car là réside le clivage qui passe entre nous et vous, qui êtes allé dans l’excès, allant jusqu’à caractériser cette proposition de loi de « soviétique » simplement parce qu’elle donne une traduction concrète à la volonté de faire des économies d’énergie.

M. Lionel Tardy. Et que dites-vous de l’aspect constitutionnel ?

Mme Delphine Batho, ministre. Il est bon en effet de rappeler que les économies d’énergie n’ont progressé que de 3 % depuis le début du précédent quinquennat en 2007. À ce rythme-là, nous n’atteindrions pas la moitié de l’objectif que vous aviez fixé à l’échelle européenne ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Je voudrais remercier notre collègue d’avoir développé une argumentation sérieuse, même si elle a parfois été spécieuse.

Je dois d’abord lui reconnaître, concernant HADOPI, d’avoir été…

M. Lionel Tardy. Clairvoyant !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. …l’un des seuls dans son camp à dénoncer un dispositif qui ne servait pas à grand-chose et qui posait des problèmes juridiques. C’est ce qui m’incite d’autant plus à le prendre très au sérieux puisque l’histoire lui a donné raison.

M. Daniel Fasquelle. Et elle lui donnera encore raison !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je reviendrai tout d’abord sur l’objectif d’intérêt général que nous poursuivons : il s’agit de rémunérer les « négawatts », autrement dit d’encourager et de financer ceux qui font l’effort de faire des économies d’énergie – trente millions de Français, ce n’est pas rien – dans la mesure où nous devons infléchir la courbe de la consommation.

Il y va de l’intérêt général, car moins de production d’énergie, c’est moins de pollution et moins d’investissement de production d’énergie, donc une baisse structurelle des coûts de production d’énergie, ce qui permettra à tous les tarifs de bénéficier des effets du dispositif. Cela concerne 100 % des énergies en réseau. Et pour ce qui est du fioul et d’autres énergies qui ne sont pas en réseau, la réflexion est ouverte : si le texte n’apporte pas de réponse pour le moment, cela ne signifie pas pour autant que nous n’y viendrons pas.

Vous avez raison de dire que dans le secteur tertiaire, il y a un gap considérable d’économies d’énergie à réaliser. C’est la raison pour laquelle l’un de mes amendements tend à demander au Gouvernement de travailler à cette question afin que nous puissions, lorsque Mme la ministre nous présentera le projet de loi sur la transition énergétique, apporter des réponses spécifiques au secteur tertiaire : elles ne peuvent être les mêmes que pour les particuliers, vous l’avez vous-même souligné, puisqu’il ne s’agit pas de la même tarification, notamment pour ce qui est de l’encadrement. C’est donc un appel à trouver des solutions dans neuf mois.

Vous avez omis – mais peut-être n’avez-vous pas eu le temps de parcourir le texte avec le degré de précision souhaitable –…

M. Lionel Tardy. Oui, nous avons manqué de temps !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. …d’évoquer l’effacement. Il ne vous aura pas échappé qu’il concerne à la fois les ménages, le secteur tertiaire et les entreprises industrielles.

Nous avons donc là un dispositif qui est d’intérêt général.

J’en viens à l’urgence.

Nous, nous voulons changer de modèle, et j’ai bien compris que vous, vous faisiez confiance uniquement à l’ultralibéralisme, c’est-à-dire au consommer plus pour produire plus et pour consommer toujours plus.

M. Daniel Fasquelle. Pas de caricature, je vous prie !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Il y a une fatalité de l’augmentation des tarifs que nous subissons depuis que le marché a été libéralisé, et inverser cette logique va prendre un peu de temps. Nous posons aujourd’hui le cadre de ce premier dispositif, qui ne prendra effet qu’à partir de 2014 de façon extrêmement progressive : en 2015, le bonus et le malus se situeront entre + 3 % et – 3 %. Il s’agit surtout d’un signal qui vise à identifier ceux qui ont des problèmes de surconsommation. Dans un an, le texte du Gouvernement apportera des réponses grâce à une boîte à outils qui viendra soutenir ces usagers en situation de « mal-consommation » parce qu’ils logent dans des passoires énergétiques – il faudra d’ailleurs accompagner aussi les propriétaires – et parce qu’ils ont un équipement électroménager qui n’est plus adapté aux économies d’énergie.

Il y a donc une cohérence d’ensemble, sachant que nous sommes obligés de faire en sorte que les étapes soient franchies dans le bon ordre.

J’en viens à ce qui est peut-être un oubli de votre part : les tarifs sociaux. Vous a-t-il échappé que l’hiver s’approchait et qu’il y avait urgence à traiter de cette question ?

M. Lionel Tardy. Ce n’est pas le problème !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Vous a-t-il échappé qu’avec 650 000 ménages bénéficiant des tarifs sociaux, 4,2 millions de ménages en situation de précarité énergétique, ce sujet très important méritait d’être traité en urgence ?

M. Lionel Tardy. Nous aurons l’occasion d’en reparler.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je constate en tout cas que vous ne l’avez pas abordé dans votre motion. Chacun notera pour qui vous avez un intérêt particulier et pour qui vous avez de la condescendance, sinon du mépris. (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Lionel Tardy. Répondez donc sur l’aspect constitutionnel !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. S’agissant de l’incompétence négative, je rappelle qu’en matière de taux, il est autorisé d’inscrire des fourchettes dans la loi, conformément à une jurisprudence constante. Je vous renvoie à d’autres textes.

Pour ce qui est des assiettes, nous prenons en compte la consommation des énergies distribuées en réseau, mesurées en mégawatts. On ne peut être plus clair. Il me semble que vous cherchez les difficultés là où il n’y en a pas.

M. Daniel Fasquelle. Il y en a pourtant beaucoup !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Concernant la compatibilité avec le droit européen, nous ne touchons pas, comme vous l’avez vous-même précisé, à la structure des tarifs. Nous ne modifions donc pas les règles de concurrence. En tout état de cause, je ne vois pas en quoi le droit européen serait un problème. Au contraire, alors qu’un objectif a été fixé à l’échelle européenne d’atteindre 20 % d’économies d’énergie et que depuis dix ans rien n’a été fait en France dans ce domaine, nous négocions un virage pour justement satisfaire à cette exigence européenne. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Daniel Fasquelle. Ce n’est pas une réponse !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Quant à la notion de fichier, vous l’utilisez pour le plaisir de théoriser et de faire peur ! L’adresse des gens, figurant sur la feuille d’impôt, est connue, tout comme la composition du foyer fiscal.

Vous prétendez alors que l’on saura, si je puis dire, de quel bois les gens se chauffent. Je vous le rappelle, c’est votre majorité qui a instauré une prime à la cuve. Or, pour bénéficier de cette prime, il fallait signaler qu’on se chauffait au mazout ! Vous avez déjà oublié ce précédent.

De plus, le présent texte ne crée pas d’obligation, mais offre la possibilité aux consommateurs d’indiquer de quelle manière ils se chauffent, parce que cela a une incidence sur leur facture.

M. Lionel Tardy. Les fausses déclarations sont punies de deux ans de prison !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Les dispositions particulières prévues pour les personnes handicapées et celles hospitalisées à domicile ne créent pas davantage d’obligation, la Sécurité sociale étant parfaitement informée de l’identité des personnes appartenant à cette catégorie.

Lors du débat en commission, vous avez souhaité prendre en compte les situations particulières nécessitant une consommation d’électricité supérieure à la moyenne. Nous l’avons prévu, mais le présent texte ne crée aucune obligation, la déclaration reposant sur le volontariat.

Enfin, ne nous payons pas de mots : la question fondamentale porte sur l’accès aux données personnelles. Or, personne n’aura connaissance de ces éléments, si ce n’est l’administration fiscale.

M. Martial Saddier. Un fichier de plus !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Le fait même que vous vous posiez la question de savoir s’il faut avoir confiance ou non en l’administration fiscale, constitue, chacun l’aura compris, un acte de défiance.

Le texte prévoit que les fournisseurs d’énergie auront connaissance du volume de base, mais qu’ils n’auront accès à aucune des données permettant de le calculer. Les consommateurs auront la possibilité de vérifier, à l’aide de leurs données personnelles, si le volume de base qui leur est attribué est bien conforme à celui auquel ils ont droit. À aucun moment le fournisseur ne pourra disposer d’autre information. Il n’y a donc aucun problème.

Dûment consultée, la CNIL s’est pour sa part montrée satisfaite de la rédaction du texte. Elle a en outre fait preuve d’optimisme concernant notre capacité à analyser les différentes situations en vue de protéger les libertés individuelles.

Je regrette par ailleurs, monsieur Tardy, que vous n’ayez participé à aucune des auditions organisées par le rapporteur. Vous avez pourtant été invités !

M. Lionel Tardy. Nous avons été informés seulement la veille pour le lendemain de la tenue de ces auditions, lesquelles en outre ont eu lieu dans votre bureau, et non dans une salle de réunion !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Certains de vos collègues, présents parmi nous, sont pourtant venus et ont fait l’effort de participer.

Lors de la préparation de ce texte, nous avons auditionné environ 115 personnes, et reçu quelque 300 courriers, émanant souvent de personnes âgées – celles auxquelles vous faisiez allusion en évoquant les clubs de troisième âge. Or, celles-ci ont parfaitement compris de quoi il retournait, et mesuré tout l’intérêt que présentait une telle disposition.

M. Lionel Tardy. Nous ne pouvons procéder à aucun contrôle sur ce point puisque cela ne figure pas dans le rapport !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Elles m’ont simplement invité à prendre en compte les besoins supplémentaires en énergie de personnes qui, en vieillissant, doivent se chauffer davantage, ainsi que des personnes à mobilité réduite contraintes de recharger électriquement leurs fauteuils roulants. C’est justement à l’issue de cette concertation avec les citoyens que j’ai décidé d’amender mon propre texte lors du travail en commission.

M. Daniel Fasquelle. Que faites-vous des amendements de l’opposition ?

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. De grâce, cessez de considérer que les seniors sont dans l’incapacité de comprendre les objectifs de ce texte, et que nous les aurions méprisés d’une façon ou d’une autre !

Enfin, vous qui êtes un député travailleur et qui lisez beaucoup, vous avez certainement appris que d’autres pays en Europe s’y sont essayés, mais ont dû faire machine arrière.

La France se montrera, grâce à ce texte, beaucoup plus audacieuse qu’aucun autre pays en Europe.

M. Daniel Fasquelle. Comme pour les 35 heures !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. La Californie, confrontée à d’énormes difficultés en matière de production et de consommation d’énergie, a mis en place un dispositif aux résultats considérables puisque les courbes de consommation se sont inversées ! Nous n’avons pu nous y rendre ensemble pour étudier la situation, et je le regrette. Mais en cette période d’économies, j’ai jugé préférable d’économiser l’énergie d’un voyage…

M. Lionel Tardy. Bel exemple de démocratie !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. En conclusion, je vous invite tous à voter ce texte, qui s’inscrit dans une logique de sobriété. Nous allons enfin faire des économies, sans pour autant réduire le confort de vie de nos concitoyens ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Lionel Tardy. On en reparlera !

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. M. Tardy, avec son sens habituel de la nuance, nous a présenté l’avis du groupe UMP sur cette proposition de loi. Naturellement, nous ne partageons pas du tout son point de vue.

Nous sommes pour la transition énergétique, vous êtes, chers collègues de l’opposition, contre : c’est dommage ! Le précédent Président de la République, que vous souteniez, prétendait en effet avoir fait adopter le paquet « 3x20 », qui comporte l’objectif de réduction de 20 % de la consommation d’énergie. Si cet objectif ne s’est pas traduit par un texte contraignant, la directive étant en cours de discussion, nous constatons que vous vous opposez aujourd’hui à la réduction de la consommation énergétique.

M. Daniel Fasquelle. Pas du tout ! Arrêtez les caricatures !

M. Denis Baupin. Vous affirmez que notre posture est idéologique ; c’est plutôt l’inverse, si je puis me permettre. Vous considérez systématiquement que l’intérêt individuel doit passer avant l’intérêt collectif.

M. Daniel Fasquelle. Certainement pas !

M. Denis Baupin. Nous pensons au contraire qu’il est nécessaire de mettre en place des dispositifs permettant de réduire la consommation d’énergie et de sortir d’un système de tarification relevant du statu quo, injuste à l’égard des petits consommateurs et anti-écologique.

Nous souhaitons que ce texte soit soumis au débat, afin de l’améliorer par nos amendements. C’est la raison pour laquelle nous voterons contre votre motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal.

M. Jacques Krabal. Le groupe RRDP rejette cette motion, sur la forme comme sur le fond.

Sur la forme, même s’il est légitime de poser des questions sur une proposition de loi dont le caractère très novateur a été souligné, j’ai trouvé excessif l’établissement d’un parallèle avec des régimes politiques condamnables.

Sur le fond, et c’est là tout l’enjeu de ce texte, l’objectif est de créer une nouvelle démarche d’économie d’énergie. Cette perspective de frugalité énergétique constitue une priorité pour le groupe RRDP.

D’un point de vue méthodologique, il y a donc urgence à agir, non seulement parce que l’hiver arrive, mais également parce que la précarité énergétique concerne un grand nombre de personnes.

Telles sont les raisons pour lesquelles le groupe RRDP se prononce contre cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. J’ai écouté attentivement les arguments présentés par M. Lionel Tardy : ils comportent des affirmations gratuites, des propos blessants et même dangereux, comme cette comparaison avec le régime soviétique.

M. Lionel Tardy. Oh !

M. Serge Letchimy. J’ai même ressenti du mépris à l’égard des personnes âgées et de leur capacité à comprendre ce texte.

Je n’ai pas entendu non plus d’analyse pertinente.

Sous prétexte que le texte serait complexe et examiné dans la précipitation, vous prônez l’immobilisme, lequel serait dangereux. Comment parler de précipitation, lorsqu’on sait que la précarité énergétique s’aggrave dans le pays, et que les prix des énergies de base pour se chauffer, se nourrir et s’éclairer, s’envolent ?

Comment peut-on refuser de relever le défi de la complexité, lorsqu’on a soutenu, lors du vote du Grenelle de l’environnement et de la signature du paquet énergie-climat, que la transition énergétique était une urgence ? Or, cette transition ne pourra être réalisée sans relever le double défi de l’efficacité énergétique et de la maîtrise de la consommation.

Accusés de précipitation, de complexité et de volonté de créer une usine à gaz, nous faisons preuve au contraire de lucidité, de courage et d’audace, afin de répondre à une véritable urgence sociale et énergétique. Pour toutes ces raisons, nous devons soutenir l’initiative de M. François Brottes et le féliciter.

Certains pourront toujours trouver ce texte inabouti, mais il constitue une première étape, qui influera sur trois facteurs : le comportement des acteurs, les économies d’énergie et le pouvoir d’achat. Alors que 600 ménages bénéficient aujourd’hui de tarifs sociaux, le nouveau dispositif permettra à 4 millions de foyers de ne plus être victimes de la précarité sociale.

M. Daniel Fasquelle. Cela n’a rien à voir !

M. Serge Letchimy. Ce texte serait incomplet : c’est faux ! L’extension du dispositif aux autres sources d’énergie et au secteur tertiaire est prévue.

Ce texte ne serait pas conforme au droit européen : c’est une contre-vérité, puisqu’on ne touche pas au tarif réglementé.

M. Daniel Fasquelle. C’est faux ! Vous le savez bien !

M. Serge Letchimy. Le dispositif porte sur le volume de consommation, afin d’inciter aux économies et à la sobriété énergétique.

L’accès à l’énergie est un des grands défis du troisième millénaire. La transition énergétique sera au cœur de toutes les dynamiques de développement. C’est en ce sens que le texte présenté par M. François Brottes constitue une initiative intelligente et concrète, et qu’il relève d’une démarche innovante de responsabilisation et de justice sociale.

Il constitue surtout un acte politique majeur. C’est pourquoi je vous demande de repousser la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Je souhaite, au nom du groupe UMP, saluer la modération des propos ainsi que la clairvoyance de notre orateur. Même si, dans sa réponse, M. le rapporteur frise l’attaque personnelle (protestations sur les bancs du groupe SRC), l’ensemble du groupe UMP partage l’analyse particulièrement pointue présentée par M. Tardy.

Ce texte présente trois défauts.

Le premier porte sur la forme : cette proposition de loi, née dans un coin du cerveau de M. le rapporteur,…

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Il a donc un cerveau : c’est une bonne nouvelle !

M. Antoine Herth. …semble aujourd’hui l’habiter comme une certitude, une conviction. Or, cet embryon est encore loin d’être parfait, puisque nous avons vu paraître, au fur et à mesure des réunions de commission, des versions très différentes du texte, avec des amendements, des sous-amendements… Nous avons bien compris que M. Brottes en était à son dixième brouillon, et qu’il continuerait ainsi dans l’hémicycle.

Ensuite, il existe un problème de fond. Vous prétendez rémunérer les mégawatts. Très bien ! Mais ce prolongement du Grenelle de l’environnement relève d’un débat de société, qui ne saurait être abordé à l’occasion de l’examen d’une simple proposition de loi.

Un tel sujet suppose l’engagement ferme et précis du Gouvernement…

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Que faites-vous de l’initiative parlementaire ?

M. Antoine Herth. …et mérite un débat public, occupant bien plus que les quelques heures qui nous sont imparties aujourd’hui.

Vous souhaitez modifier les habitudes des Français : je vous réponds « banco » ! Mais parlons-en avec eux, prenons le temps de l’échange, du dialogue et de la consultation. Cette méthode est prônée par M. Ayrault dans de nombreux domaines – sauf en matière d’environnement et d’énergie…

Enfin, ce texte, sur un plan méthodologique, constitue un véritable reniement. Je ne vous reconnais plus, monsieur Brottes ! Je vous fréquente depuis maintenant dix ans dans cet hémicycle ; vous n’avez cessé de répéter que les droits du Parlement sont inaliénables, que les études d’impact sont nécessaires, et que nous devrions prendre le temps de contrôler le travail du Gouvernement. Or, voilà que vous nous soumettez un texte donnant carte blanche au Gouvernement, lequel pourra modifier par voie réglementaire des dispositifs extrêmement sensibles, touchant au quotidien des Français.

Nous ne pouvons que nous opposer à ce texte, issu d’une forme de totalitarisme dans la mesure où vous refusez tout débat. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Oui, je l’affirme : c’est une forme de totalitarisme !

M. Brottes et Mme la ministre sont peut-être eux-mêmes convaincus, mais j’ai tout de même noté que les députés du groupe socialiste s’étaient montrés silencieux, le doigt sur la couture du pantalon, lors des réunions de la commission ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Notre groupe s’oppose également à cette proposition de loi qui, après analyse, se révèle anti-environnementale, injuste et inapplicable.

Elle est tout d’abord anti-environnementale, car elle installera pendant très longtemps nombre de nos concitoyens dans la précarité énergétique, aucune marge de manœuvre n’étant prévue pour soutenir la rénovation.

Elle est de plus injuste, puisqu’elle contribuera à financer directement l’énergie électrique au détriment des autres énergies, notamment des nouvelles sources d’énergie.

Elle est enfin inapplicable, car elle générera des inégalités criantes, que le rapporteur a tenté de corriger par divers amendements, dont la portée est toutefois limitée.

Lorsque j’ai appris, monsieur Brottes, que vous déposeriez une proposition de loi sur le bonus-malus énergétique, j’ai trouvé votre initiative excellente, car il est nécessaire de donner des signaux forts. Mais il convient de ne pas agir dans la précipitation ; or, c’est précisément ce que vous faites, en confondant les objectifs sociaux, environnementaux et d’aménagement du territoire.

Le Conseil constitutionnel, très certainement, ne pourra que s’étonner, lorsqu’il sera saisi par les parlementaires ou par les Français, de découvrir le traitement très inégal que vous réservez à nos concitoyens.

Vous avez rétabli le critère géographique : comment sera-t-il appliqué ? Pour ceux qui habitent en montagne, faudra-t-il donc compter sur la compétence des fonctionnaires pour définir les notions de vallée ou d’altitude ? Et qu’en sera-t-il de même du critère de l’âge, que vous avez également réintégré ? Pour les personnes résidant en immeuble collectif, qu’en sera-t-il pour ceux qui auront à chauffer plus leur appartement en l’absence des habitants de l’étage du dessus ou du dessous ?

La loi sera inapplicable et c’est la raison pour laquelle je propose, au nom de mon groupe, le rejet de cette motion.

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

M. Daniel Fasquelle. Quelle erreur !

Motion de renvoi en commission

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Mes chers collègues, ne sortez pas trop vos affaires puisque je suis persuadé que, dans quelques instants, vous allez nous renvoyer en commission afin d’y achever l’examen de ce texte et nous permettre ainsi de bien l’étudier en séance.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. N’oubliez pas que nombre de collègues de votre groupe étaient absents en commission !

M. Martial Saddier. Vous le savez bien, monsieur le rapporteur, les conditions de travail étaient inacceptables.

Madame la ministre, monsieur le rapporteur, l’intention de ce texte est louable. Voilà pourquoi, comme l’ensemble des parlementaires de l’opposition, je ne peux vous laisser dire que nous ne sommes pas favorables à ce que nous prenions toutes les mesures permettant d’aboutir à une baisse de la consommation énergétique.

Le présent texte n’est pas applicable en l’état,…

M. Lionel Tardy. C’est vrai !

M. Martial Saddier. …et comme nous allons durant toute la discussion, comme nous le faisons depuis le début de la législature, nous inscrire dans une attitude constructive, je suis persuadé que nous finirons par être entendus.

L’affaire était mal engagée puisque c’est dans la hâte et, avouons-le, dans la précipitation que nous avons entamé, mercredi dernier, l’examen de ce texte visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre.

Permettez-moi tout d’abord de revenir sur les conditions choquantes et déplorables dans lesquelles nous avons eu à travailler sur ce texte.

M. Lionel Tardy. Exact !

M. Martial Saddier. Annoncée dans un premier temps pour le mois d’octobre lors de la session ordinaire, quelle n’a pas été notre surprise de découvrir, le 5 septembre dernier, que cette proposition de loi était inscrite à l’ordre du jour des textes présentés lors de la convocation du Parlement en session extraordinaire et qu’elle serait donc examinée quelques jours seulement après son dépôt sur le bureau de l’Assemblée nationale.

Quelle n’a pas été également notre surprise de découvrir que son examen était organisé en catastrophe au sein de la commission des affaires économiques et surtout, et c’est encore plus grave, qu’il était inscrit à des dates auxquelles certains groupes parlementaires ne pouvaient de toute évidence et pour des raisons connues d’avance pas être présents. Réunis au même moment pour leurs journées parlementaires, les députés membres du groupe UDI n’ont donc pas pu prendre part aux travaux et n’ont pas pu défendre les amendements qu’ils avaient déposés. Je ne peux que regretter ce manque de respect et de considération à l’égard d’un groupe de l’opposition alors qu’il a toujours été de tradition que le Parlement suspende ses travaux durant les journées parlementaires des différents groupes, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition.

Quelle n’a pas été notre surprise de voir la procédure parlementaire aussi malmenée et négligée. Le rapporteur n’avait même pas été désigné, son rapport n’avait donc même pas été présenté en commission que déjà nous commencions l’examen des amendements.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Comme sous la précédente législature avec la nomination de M. Michel Raison comme rapporteur d’une certaine proposition de loi !

M. Martial Saddier. Pire encore, dans la liasse d’amendements qui nous a été distribuée, nous avons découvert avec stupeur que le rapporteur, alors qu’il n’était toujours pas désigné par la commission, avait déjà déposé de nombreux amendements.

M. Daniel Fasquelle. C’est incroyable !

M. Martial Saddier. Quel manque de considération à l’égard du travail des députés !

Au cours de la précédente législature, il nous a souvent été reproché de ne pas assez respecter les droits de l’opposition – monsieur Brottes, vous n’étiez jamais en retard pour nous le faire remarquer –, d’aller trop vite dans l’examen des textes et de ne pas laisser assez de place au débat. Mais depuis dix ans que je suis député, et beaucoup de mes collègues me rejoindront sur ce point, jamais nous n’avions eu à examiner de texte, d’autant plus d’origine parlementaire, dans de telles conditions. Votre comportement à notre égard est sur ce point totalement inadmissible. J’ose espérer qu’à l’avenir les droits des parlementaires de l’opposition et les procédures d’examen des textes seront mieux respectés.

Que dire, mes chers collègues, de ce qui se passe dans cette maison depuis trois semaines ! Quelle n’a pas été ainsi la surprise des parlementaires présents lors de l’examen du texte en commission des affaires économiques de constater à quel point sa rédaction méritait, pour le moins, d’être améliorée. En témoignent les nombreuses interruptions qui ont émaillé nos travaux afin que le rapporteur et le ministre puissent échanger ou clarifier tel ou tel point. Il me semble même qu’un jour nous nous sommes couchés à deux heures trente ou trois heures du matin.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Il n’y a jamais eu d’interruption de ce type !

M. Martial Saddier. Quelle n’a pas non plus été la surprise de l’ensemble des membres de la commission du développement durable d’apprendre que la proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre ne serait même pas examinée au sein de leur commission.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. L’énergie relève de la commission des affaires économiques !

M. Martial Saddier. Sous prétexte de délais très serrés avant la séance publique, ce qui montre bien qu’il faut retourner en commission, notre commission n’a en effet pas pu être saisie au fond, au grand regret de l’ensemble de ses membres qui auraient souhaité pouvoir largement poursuivre les travaux engagés suite au Grenelle de l’environnement, s’agissant plus particulièrement des dispositions relatives à l’efficacité énergétique.

Ce choix est d’autant plus surprenant que, dans le cadre des projets de loi de finances, les rapports budgétaires de la mission « Écologie, développement et aménagement durables » qui comprennent deux programmes intitulés pour le premier « Énergie, climat et après-mines » et pour le second « Conduite et pilotage des politiques de l’énergie, du développement durable et de la mer » dépendent de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire et ont de ce fait toujours fait l’objet de sa part d’un rapport pour avis. Cette absence de concertation de la commission du développement durable est inacceptable, et c’est, du reste, ce qu’estiment tous les membres de cette commission.

Cerise sur le gâteau, nous avons appris la réouverture du délai de dépôt des amendements juste avant l’arrivée de dix-sept amendements du Gouvernement (« Très juste ! » sur les bancs du groupe UMP) dont on ne peut d’ailleurs pas dire, à la façon dont ils ont été examinés, qu’ils ont vraiment été étudiés en commission.

Quelle n’a pas été enfin notre surprise – mais ce n’est plus vraiment une surprise puisque vous l’invoquez sur chaque texte depuis le début de cette législature – de constater une nouvelle fois que le Gouvernement a engagé la procédure accélérée. On peut en effet s’interroger sur la réelle notion d’urgence de cette proposition de loi. Comme nous l’a confirmé le rapporteur en commission des affaires économiques, elle ne devrait être applicable au plus tôt que vers la fin de 2013, voire au début de 201. Aussi, ne nous servez pas comme argument, pour précipiter la présentation de ce texte dans l’hémicycle, celui de l’arrivée de l’hiver puisqu’il y en aura encore deux avant que nos concitoyens puissent bénéficier de ce nouveau dispositif !

(Mme Laurence Dumont remplace M. Claude Bartolone au fauteuil de la présidence.)

Présidence de Mme Laurence Dumont,
vice-présidente

M. Martial Saddier. Alors pourquoi autant de précipitation ? Pourquoi déposer un texte avant même la tenue de la conférence environnementale sans tenir compte des propositions qui pourraient y être formulées et alors même que vous nous donnez des leçons de concertation depuis le début de la législature ? Serait-ce uniquement pour faire taire les sondages dont les derniers résultats font part d’une exaspération des Français face à la lenteur de la majorité à mettre en œuvre les réformes promises ?

Il est étonnant de voir une telle précipitation sur un texte aussi complexe et qui, vous nous l’avez rappelé à maintes reprises en commission, est la première étape du grand chantier de la transition énergétique qui sera présenté l’année prochaine.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. C’est exact !

M. Martial Saddier. Alors que vous nous avez annoncé, monsieur Brottes, que vous alliez mettre en place un dispositif unique en Europe et dans le monde…

M. Razzy Hammadi. Pas dans le monde !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. En Europe uniquement !

M. Martial Saddier. …le fait que vous n’ayez pas pris le temps d’aller voir ce qui se passe ailleurs n’est vraiment pas de nature à rassurer l’opposition !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Vous ne pensez qu’aux voyages !

M. Martial Saddier. Vous pouvez le vérifier, je n’en abuse pas ! Cela dit, il est toujours intéressant de voir ce qui se passe ailleurs.

Au regard des enjeux qui en découlent, il aurait été plus judicieux de maintenir l’examen de ce texte au cours de la session ordinaire du Parlement et ainsi de permettre aux commissions concernées et aux députés de prendre pleinement part aux débats.

Précipitation ne rime malheureusement pas avec efficacité, et complexité n’est la contrepartie ni de l’efficacité ni de l’équité, comme vous le laissez entendre dans les motifs de votre proposition de loi. Le texte que vous nous présentez aujourd’hui soulève en effet plus de questions et d’incertitudes qu’il n’apporte de réponses.

Il faut cependant le reconnaître : la maîtrise de l’énergie par les ménages, le changement de comportement des consommateurs par une prise en compte accrue du respect de l’environnement, sont des objectifs louables.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Merci, monsieur le député !

M. Martial Saddier. Voyez donc l’esprit constructif dans lequel nous engageons cette discussion ! Et en tant que membre de la commission du développement durable, il serait malvenu que je remette en cause ces objectifs louables.

Monsieur le rapporteur, la semaine dernière, lors du débat relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement, vous avez critiqué ceux qui, de manière facile, comparaient votre texte à une usine à gaz. Si vous me permettez une image, vous me faites penser à quelqu’un qui démarre les travaux de la maison alors que l’architecte n’a pas encore terminé les plans. Le dispositif que vous nous proposez d’adopter est, il est vrai, facile à appréhender, mais sa mise en œuvre semble déjà extrêmement complexe.

L’article 1er vise à mettre en place un système de bonus-malus afin que les premiers volumes d’énergie consommée dits de base soient moins chers par rapport aux autres, considérés comme de confort ou de gaspillage. Ce volume de base attribué à chaque résidence principale sera pondéré en fonction de trois critères : le nombre de personnes résidant au foyer, la zone climatique et le mode de chauffage utilisé.

À la lecture de votre proposition de loi, de nombreuses zones d’ombre apparaissent déjà, notamment quant à l’application concrète du bonus-malus. Qu’appelle-t-on une consommation normale ? À partir de quel type de consommation un ménage entre-t-il dans les catégories de consommation dites de confort ou de gaspillage ? Comment seront fixés les éléments de pondération ? Les factures ayant une grande variation d’une année sur l’autre, comment gérer cela quand on est une personne seule ou dans un foyer ? Autant de questions auxquelles le texte, tel qu’il est rédigé, n’apporte pas la moindre réponse et sur lesquelles vous-même, monsieur le rapporteur, n’avez pu nous apporter d’éclaircissements convaincants.

Autre point source d’interrogation : le zonage climatique. Comment sera-t-il mis en place ? Par qui ? Tiendra-t-il suffisamment compte des spécificités des différents territoires de notre pays – de la montagne, du littoral, des territoires ruraux, du monde urbain – pour ne pas pénaliser les ménages qui y résident ? Vous le savez comme moi, monsieur le rapporteur, le climat rude oblige à une plus grande consommation d’énergie notamment durant la période hivernale souvent très longue dans certains de ces territoires.

De plus, j’invite le Gouvernement à être particulièrement vigilant lors de la rédaction des textes et décrets d’application concernant le choix de l’échelle communale. Dans les territoires de montagne, il est souvent fréquent que la mairie se situe à 450 mètres d’altitude et que le dernier hameau se trouve à 1 500, 1 800 voire 2 000 mètres d’altitude. Je pense ainsi à Magland, une commune de ma circonscription, où est située la station de Flaine. Cette spécificité ne devra surtout pas être oubliée par le cadre réglementaire et par l’administration, laquelle aura à faire face à un surcroît de travail énorme qu’il sera tout simplement impossible de réaliser dans les dix-huit prochains mois, c’est-à-dire dans les délais que vous osez défendre devant nous.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Qu’en est-il aujourd’hui ?

M. Martial Saddier. Nous aurons l’occasion d’y revenir, monsieur le rapporteur. Nous avons pour cela toute la semaine, même si nous n’avons pas dormi du week-end à l’idée de venir vous apporter des éléments de contradiction sur ce texte ! (Sourires.)

Votre proposition de loi est une belle coquille vide, et c’est ce qui nous gêne le plus,…

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Parler une demi-heure d’une coquille vide : quel talent !

M. Martial Saddier. …qui renvoie à l’administration la rédaction finale des dispositions introduites. La vérité, et c’est ce qui nous blesse le plus de votre part, monsieur le rapporteur, c’est de voir que le Parlement est entièrement dessaisi de ses fonctions de législateur. C’est même un comble qu’un texte d’origine parlementaire laisse aussi peu de place au travail des députés et des sénateurs pour faire rédiger in fine l’ensemble des dispositions introduites par l’administration et par le pouvoir réglementaire !

M. Bertrand Pancher et M. Lionel Tardy. Très bien !

M. Martial Saddier. Concernant le premier objectif poursuivi par la loi, à savoir l’accélération de la transition énergétique, vous proposez de sanctionner par un malus les ménages qui auraient des niveaux de consommation trop élevés sans avoir introduit au préalable des dispositifs pouvant les aider à rénover leur habitation. Il aurait été judicieux d’assortir votre texte de mesures sous forme de crédit d’impôt ou d’aides des fournisseurs d’énergie par exemple, aides qui seraient spécifiquement destinées à la rénovation thermique des logements.

M. Daniel Fasquelle et M. Lionel Tardy. Évidemment !

M. Martial Saddier. C’était la logique dans laquelle nous nous étions inscrits lorsque nous étions dans la majorité et que nous avions lancé le vaste chantier de l’amélioration de l’efficacité énergétique des logements.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Vous avez eu dix ans pour le faire !

M. Martial Saddier. Monsieur le rapporteur, sur la question de savoir qui, au cours des trente dernières années, a fait quelque chose en matière d’environnement, nous n’avons pas de leçon à recevoir de la majorité actuelle ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Grâce à la mise en place de l’éco-prêt à taux zéro, engagement du Grenelle de l’environnement et véritable succès depuis sa mise en œuvre, plus de 180 000 ménages ont pu ainsi financer les travaux d’économie d’énergie et les frais induits par ces travaux pour rendre leur logement moins énergivore.

Parallèlement, nous avons mis en place de nouvelles normes de construction de basse consommation, dites BBC, qui s’appliqueront obligatoirement pour les constructions neuves dès le 1er janvier 2013.

Enfin, nous avons lancé le programme « Habiter mieux » mis en œuvre par l’ANAH dont le Fonds national d’aide à la rénovation thermique des logements privés a été créé avec une dotation de 1,25 milliard d’euros. Il a pour objectif d’aider les ménages propriétaires aux revenus modestes à réaliser des travaux d’amélioration énergétique de leur logement.

Autant de mesures, vous en conviendrez, qui ont fortement incité les ménages à mettre en œuvre des travaux d’isolation et de rénovation thermique dans leur habitation.

M. Lionel Tardy. C’est bien de le rappeler !

M. Martial Saddier. Seule solution que votre proposition de loi apporte aux foyers modestes qui seraient sous le coup d’un malus : une mise en relation avec un réseau local d’aide aux travaux d’efficacité énergétique sans plus de précision quant aux dispositifs financiers qui seront mis en place pour les aider.

M. Daniel Fasquelle. C’est la double peine !

M. Martial Saddier. Ce n’est pas, j’en suis convaincu, – et je sais que vous êtes d’accord avec moi sur ce point – la solution efficace pour accélérer la transition énergétique.

Il aurait été plus souhaitable de vous inscrire dans la continuité, voire de renforcer, d’accélérer les démarches déjà entreprises par notre majorité et qui ont commencé à véritablement porter leurs fruits.

Quant au second objectif, qui traite de la précarité énergétique, j’ai bien peur que le texte que vous nous présentez aujourd’hui crée une réelle inégalité entre les consommateurs. Mon collègue Lionel Tardy a très largement développé ce sujet.

Vous nous avez longtemps reproché de n’avoir rien fait pour diminuer les factures d’énergie des Français. Dois-je vous rappeler que c’est notre majorité qui a créé le tarif social du gaz en 2008, tarif qui a été régulièrement revalorisé chaque année ? Que c’est notre majorité qui a mis en place l’attribution automatique, par les organismes d’assurance maladie, du tarif social aux ménages éligibles, à compter du 1er janvier 2012 ?

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Ça ne marche pas !

M. Martial Saddier. Monsieur le rapporteur, de « vous n’avez rien fait », vous êtes passé à « ça ne marche pas ». C’est un progrès que je note et dont je vous remercie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Cela revient au même de dire que ce que vous avez fait ne marche pas !

M. Martial Saddier. Vous verrez que, dans trois jours, vous serez d’accord avec nous.

Que nous proposez-vous ? Au-delà de l’extension de ce dispositif à tous les ménages en situation de précarité énergétique, soit 4 millions de foyers contre 600 000 bénéficiaires actuellement, l’article 3 de la proposition de loi prévoit que l’administration fiscale et tous les organismes de Sécurité sociale, et non plus uniquement les organismes d’assurance maladie, devront transmettre la liste des bénéficiaires aux fournisseurs d’énergie. Là encore, le débat en commission n’a pas été mené jusqu’à son terme, en particulier s’agissant de la confidentialité et des données contenues dans le fichier. Les modalités de mise en œuvre des tarifs sociaux, notamment les conditions de revenus, étant de compétence réglementaire, cet article n’apporte donc rien de novateur au dispositif déjà existant.

D’autres solutions plus simples sans doute à mettre en œuvre et plus efficaces auraient pu être privilégiées, le chèque énergie, par exemple. Ce dispositif, préconisé par le médiateur de l’énergie et par la commission d’enquête du Sénat sur le coût réel de l’électricité dans son rapport rendu public en juillet dernier, a le mérite de traiter la question de la précarité pour toutes les énergies et pas seulement pour le gaz et l’électricité.

En dépit de ses bonnes intentions, votre proposition de loi risque également de remettre en cause l’un de nos principes fondamentaux : l’égalité des Français. Actuellement, le prix du kilowattheure est quasiment le même pour tous sur tous les points de notre territoire. Avec la progressivité des tarifs que vous souhaitez instaurer, le kilowattheure aurait un prix identique pour tous jusqu’à un certain plafond. Au-delà de ce plafond, les foyers consommant plus devront payer plus.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur et plusieurs députés du groupe SRC. C’est faux !

M. Martial Saddier. En tout cas, c’est ce que nous pensons. Nous en discuterons.

Or, souvent et paradoxalement, les ménages qui consomment le plus sont les plus modestes, qu’il s’agisse de personnes qui vivent dans des logements mal isolés, qualifiés, à juste titre, de véritables passoires énergétiques, de personnes fragiles ou de personnes âgées ou hospitalisées à domicile. Les sanctionner par le biais du malus entraînerait inévitablement une rupture d’égalité des consommateurs en fonction de leur type d’habitation.

Outre cette rupture d’égalité selon le type d’habitation, votre proposition de loi va créer une autre importante rupture d’égalité des consommateurs selon le lieu géographique où ils habitent – zone urbaine ou rurale, zone de montagne ou littorale. Permettez-moi de prendre l’exemple suivant pour illustrer mon propos : avec la tarification progressive, une personne âgée seule dont le logement serait ancien et mal isolé paierait l’énergie qu’elle consomme plus cher qu’une famille vivant en zone urbaine dans un immeuble récent. Votre dispositif reviendrait donc, au final, à renforcer les inégalités déjà existantes entre les territoires.

Votre proposition de loi risquera également de porter inévitablement atteinte aux libertés fondamentales des consommateurs. Dans l’exposé des motifs, il est clairement indiqué que votre texte offre la « possibilité de déterminer si un consommateur consomme trop ou non par rapport à ce qu’il “devrait” consommer ». J’insiste sur ce verbe « devrait » : encore une fois, ce sera l’administration qui décidera des niveaux de consommation et qui pourra seule décider la manière dont les Français devront dorénavant consommer. Une telle immixtion dans notre mode de vie est purement et simplement scandaleuse, car c’est une atteinte grave à nos libertés individuelles.

M. Daniel Fasquelle. Tout à fait ! C’est un texte liberticide !

M. Martial Saddier. De plus, le texte est extrêmement flou dans sa rédaction. Aucune précision n’est apportée sur l’application concrète des mesures envisagées. Ainsi, comment sera mis en œuvre le bonus-malus ? Les fournisseurs n’auront pas accès au fichier, avez-vous dit, monsieur le rapporteur, mais nous avons besoin de plus de détails – c’est pourquoi nous allons retourner en commission. Comment calculeront-ils le bonus-malus s’ils ne disposent pas des informations contenues dans le fichier ?

M. Daniel Fasquelle. Exactement !

M. Martial Saddier. Comment se fera l’accompagnement des ménages suite à l’extension du nombre de bénéficiaires des tarifs sociaux ? Quand et comment sera créé le service public de performance énergétique ? Qui prendra en charge les impayés en cas de malus ? Quel sera le coût réel de fonctionnement de ce nouveau dispositif ? Quelle sera son incidence sur les entreprises locales de distribution ? Autant d’interrogations auxquelles la proposition de loi n’apporte pas la moindre réponse.

Le texte n’est ni plus ni moins qu’une coquille vide qui se contente simplement de renvoyer son application aux conclusions de la conférence environnementale, à de nouveaux projets de loi dont nous ne connaissons pas, pour l’instant, les dispositions ou, plus grave encore, entièrement tournés vers le pouvoir réglementaire. En effet, la mise en œuvre d’une grande partie des mesures est renvoyée à la rédaction de décrets, probablement de circulaires. C’est le cas notamment des informations collectées relatives au mode de chauffage, du traitement des données qui permettront d’évaluer la consommation, de l’extension des tarifs sociaux à un plus grand nombre de bénéficiaires et de la possibilité pour les locataires de déduire de leur loyer la part du malus due à la mauvaise isolation de leur logement.

Outre la rédaction de textes réglementaires, la proposition va également donner un surcroît de travail colossal à l’administration et au Parlement dans les dix-huit ou vingt-quatre mois qui viennent. L’article 2 prévoit, en effet, qu’un premier rapport devra être remis sur les niveaux de bonus-malus, leur évolution envisagée, leur impact sur les consommateurs ainsi que sur les tarifs sociaux. Un deuxième rapport sur l’utilisation de la tarification progressive pour gérer la pointe électrique devra également être rédigé. Enfin, un rapport devra être transmis au Parlement pour la création du service public de la performance énergétique de l’habitat.

En plus d’être flou, ce texte est particulièrement incomplet et ne tient pas compte d’un nombre important de considérations et de paramètres. Il ne traite, par exemple, que des résidences principales et des consommateurs domestiques. Quid des résidences secondaires ? Quid des personnes exerçant leur profession à domicile ou ayant recours au télétravail ? Quid des personnes hospitalisées à domicile ou des personnes fragiles ? J’ai cherché tout le week-end, pendant que je ne dormais pas, monsieur le rapporteur, l’exemple qui vous sensibiliserait, vous et Mme la ministre : quid des assistantes maternelles à domicile, qui gardent deux ou trois enfants et qui vont devoir chauffer plus pour que les nourrissons ne soient pas malades ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Daniel Fasquelle. Exactement !

M. Martial Saddier. Comment allez-vous prendre en compte cette situation, qui est un exemple concret ?

M. Daniel Fasquelle. C’est la nouvelle justice sociale !

M. Martial Saddier. Monsieur le rapporteur, des centaines de milliers d’assistantes maternelles s’inquiètent de ce que nous faisons et de la précarité de leur situation énergétique à l’avenir.

M. Germinal Peiro. Alors là, c’est fort !

M. Martial Saddier. Oui, et vous ne pouvez qu’être sensible à cet exemple frappant sur le plan humain.

Quid du fioul et du bois, énergies qui sont totalement absentes de votre texte ?

Il est vrai, des mécanismes particuliers ont été introduits pour les immeubles d’habitation et pour les locataires, mais ils restent toutefois insuffisants au regard des nombreuses autres situations spécifiques qui n’ont pas été prises en compte et pour lesquelles la proposition de loi pourrait avoir des effets non négligeables.

Autre question et non des moindres : combien coûtera la mise en place de la tarification progressive ? On l’a bien compris, le recours à une proposition de loi vous permet de vous exonérer d’une étude d’impact et d’une expérimentation qui auraient été, je le crois, essentielles en la matière. Car votre texte va forcément entraîner des coûts importants pour l’État, mais aussi pour les fournisseurs d’énergie et les contribuables.

L’étude d’impact aurait eu le mérite de faire clairement apparaître le coût réel et les difficultés inhérentes à la mise en œuvre de ce dispositif. Or, aucune indication de coût induit par la mise en place de la tarification progressive ne figure dans le texte que vous nous présentez. Dans une situation de crise où il faut être particulièrement vigilant quant aux dépenses engagées et où des efforts importants sont demandés quotidiennement aux Français, il me semble malvenu de présenter un texte de loi sans lui adjoindre un volet financier rendant compte de l’impact significatif que celui-ci pourrait avoir sur les dépenses de l’État.

Cette question est d’autant plus primordiale que le risque que les fournisseurs et opérateurs historiques se retournent contre l’État en cas de manque à gagner semble inévitable. Comme vous le savez, le tarif de l’électricité ou du gaz doit couvrir les coûts réels de l’opérateur. Or, avec des tarifs inférieurs au tarif réglementé actuel pour les premières quantités d’énergie consommées, il est fort probable que les opérateurs historiques n’arrivent plus à couvrir leurs frais. Comment comptez-vous, alors, compenser ce manque à gagner ?

En plus d’être floue et incomplète, votre proposition de loi manque clairement d’ambition. Elle ne se tourne assurément pas vers l’avenir. Il aurait sans doute été intéressant, et je défendrai un amendement dans ce sens, d’y introduire une disposition obligeant d’équiper tous les locaux occupés à titre privatif au sein d’un immeuble collectif à usage résidentiel d’un compteur électrique individualisé, comme a su le faire pour l’eau l’ancienne majorité dans la loi sur l’eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006. Je pense profondément qu’une responsabilisation de l’usager passe obligatoirement par une individualisation de sa consommation énergétique.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. C’est une bonne idée.

M. Martial Saddier. Je vous remercie, monsieur le rapporteur.

D’autres solutions auraient également pu être privilégiées,…

M. Daniel Fasquelle. Nous en discuterons en commission !

M. Martial Saddier. …comme une remise à plat de la contribution au service public de l’électricité, solution envisagée à la fois par la Cour des comptes et par la mission d’information du Sénat sur le coût réel de l’énergie électrique, suite aux prévisions de la commission de régulation de l’énergie d’un doublement de cette contribution d’ici à 2016.

Par ailleurs, en raison des pertes en ligne importantes pendant le transport du gaz mais aussi de l’électricité, qui représentent plus de 7 % de la consommation intérieure brute, le rapport d’information du Sénat propose d’améliorer l’entretien du réseau, ce qui assurerait de réelles économies d’énergie. Là encore, le parallèle avec la politique de l’eau depuis trente ans nous indique combien cela peut être payant.

Ce sont autant de propositions intéressantes qui auraient mérité que vous leur accordiez un peu plus de réflexion. Nous ne vous en voulons pas, monsieur le rapporteur : puisque nous n’avons pas eu le temps de travailler en commission (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), nous pouvons comprendre que vous n’ayez pas eu le temps de retenir certaines de nos propositions. C’est pourquoi je suis persuadé que vous allez nous renvoyer travailler en commission.

Enfin, j’appelle votre attention sur les conséquences qu’entraînerait la proposition de loi quant au rôle dévolu aux opérateurs, fournisseurs et gestionnaires de réseaux. Le vide juridique qui en découle pourrait exposer les fournisseurs à des risques de contentieux importants au regard de l’interprétation des usages pris en compte dans le texte. Il exposerait également les gestionnaires de réseaux à des risques de contentieux concernant les relevés de compteurs.

Ambiguë, floue, incomplète, imprécise, source d’inégalité entre les consommateurs, la proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre soulève incontestablement plus de problèmes et plus d’interrogations qu’elle n’apporte de solutions.

M. Daniel Fasquelle. Bien sûr !

M. Martial Saddier. Reconnue par la majorité comme devant être la première pierre du grand chantier sur la transition énergétique, elle aurait largement mérité un débat plus approfondi, dans de meilleures conditions, afin d’éviter le risque d’adopter un texte qui se révélerait, au final, trop complexe à mettre en œuvre, voire totalement inapplicable.

Faute de réponses à toutes ces questions, nous pensons que le texte n’est ni plus ni moins qu’une manière déguisée, pour ne pas dire habillée, de faire passer les augmentations du coût de l’énergie auprès de nos concitoyens sans avoir à assumer vos choix politiques en matière d’énergie, qui vont très largement contribuer à l’inflation des tarifs énergétiques dans notre pays.

M. Daniel Fasquelle. Exact ! C’est très habile, mais nous avons dénoncé la manœuvre !

M. Martial Saddier. Pour toutes ces raisons, et je suis sûr que vous êtes désormais totalement acquis à cette cause, mes chers collègues, je vous invite à voter cette motion de renvoi en commission qui permettra un meilleur examen du texte et une clarification des zones d’ombre qui l’entourent. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Delphine Batho, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les députés, la commission a mené ses travaux pendant onze heures, le Gouvernement y a participé du début à la fin, et d’ailleurs, les parlementaires de l’opposition ont eu la courtoisie de le reconnaître. C’est dire que le débat en commission a été approfondi. C’est vrai que ce n’était pas l’habitude sous la précédente législature.

M. Daniel Vaillant. Très bien !

M. Lionel Tardy. Nous n’avons pas débattu des amendements déposés cet après-midi !

Mme Delphine Batho, ministre. Monsieur Saddier, l’argument principal que vous avez développé dans toute la première partie de votre intervention est que vous êtes contre la proposition de loi de François Brottes parce que le précédent gouvernement aurait tout fait en matière d’économies d’énergie. On aurait même atteint, avec lui, le stade ultime de la politique d’économies d’énergie. C’est faux !

M. Daniel Fasquelle. C’est une caricature grotesque !

Mme Delphine Batho, ministre. Aujourd’hui, 8 millions de Français sont en situation de précarité énergétique ; 130 000 logements anciens seulement font l’objet d’une rénovation thermique chaque année ; à peine 70 000 éco-PTZ sont consentis par an alors que l’objectif annoncé par le précédent gouvernement, permettez-moi de le rappeler, était de 200 000. Voilà la réalité que nous avons trouvée en arrivant aux responsabilités.

M. Daniel Fasquelle. Et c’est encore avec des malus qu’on va régler les problèmes !

Mme Delphine Batho, ministre. La réponse du nouveau Gouvernement est donc double : il s’agit d’abord d’engager immédiatement un plan pour la rénovation thermique qui, chaque année, concernera 500 000 logements – plan autrement ambitieux que les réalisations de ces dernières années – ; il s’agit ensuite de mettre en place le bonus-malus concernant la facturation d’énergie. Les deux dispositifs sont liés et ne sauraient être opposés.

M. Lionel Tardy. C’est un peu court !

Mme Delphine Batho, ministre. En ce qui concerne la péréquation tarifaire, le texte prolonge les idéaux du Conseil national de la résistance (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Lionel Tardy. Pas du tout !

Mme Delphine Batho, ministre. …en étendant les tarifs sociaux de l’énergie à 8 millions de Français qui, aujourd’hui, n’en bénéficient pas. Ce texte contient donc un élément de justice sociale qui, je le répète, prolonge les idéaux du Conseil national de la résistance.

M. Razzy Hammadi. Très juste !

Mme Delphine Batho, ministre. Et à aucun moment il ne remet en cause la péréquation tarifaire…

M. Daniel Fasquelle. Bien sûr que si !

Mme Delphine Batho, ministre. …grâce à laquelle, où que l’on habite, l’électricité est vendue au même prix.

M. Daniel Fasquelle. Arrêtez donc !

Mme Delphine Batho, ministre. Le mécanisme de bonus-malus ne touche en rien à ce principe ; au contraire, il l’étend. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. Daniel Fasquelle. C’est faux !

Mme la présidente. La parole est à Mme Frédérique Massat, vice-présidente de la commission des affaires économiques.

Mme Frédérique Massat, vice-présidente de la commission des affaires économiques. Nous sommes ravis, monsieur Saddier, de constater que c’est un membre de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire qui vient défendre une motion de renvoi du texte en commission des affaires économiques.

M. Martial Saddier. La commission du développement durable n’a pas pu travailler sur ce texte !

Mme Frédérique Massat, vice-présidente de la commission des affaires économiques. La proposition de loi a en tout cas suscité un intérêt certain.

Je vous rappellerai, après Mme la ministre, que la commission s’est réunie pendant onze heures au cours de trois séances complètes les 18 et 19 septembre derniers.

M. Lionel Tardy. Et les amendements déposés cet après-midi ?

Mme Frédérique Massat, vice-présidente de la commission des affaires économiques. Dans la mesure où vous étiez absent le mercredi 19 – la liste des présents figurant dans le compte rendu en fait foi –, nous pouvons supposer que vous étiez déjà suffisamment éclairé sur ce texte.

M. Daniel Fasquelle. Pourquoi une telle attaque ? C’est inadmissible !

Mme Frédérique Massat, vice-présidente de la commission des affaires économiques. Or, nous avons pu débattre de l’intégralité des amendements au cours de cette séance du 19 septembre.

M. Daniel Fasquelle. Madame la présidente, je demande la parole pour un rappel au règlement !

Mme Frédérique Massat, vice-présidente de la commission des affaires économiques. Je ne fais pourtant que m’en remettre aux comptes rendus des commissions. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Permettez-moi donc de terminer.

M. Henri Jibrayel. La vérité les blesse !

Mme Frédérique Massat, vice-présidente de la commission des affaires économiques. Les 18 et 19 septembre, la commission a donc tenu deux séances…

M. Daniel Fasquelle. Je demande la parole ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Frédérique Massat, vice-présidente de la commission des affaires économiques. Je constate juste que le député qui a présenté la motion de renvoi en commission n’était pas présent le 19 septembre et n’a donc, par définition, pas pu assister aux travaux.

M. Daniel Fasquelle. M. Saddier s’est exprimé au nom de notre groupe. Il n’y a pas lieu à attaque personnelle !

Mme la présidente. Monsieur Fasquelle, je vous donnerai la parole en temps voulu.

Veuillez poursuivre, madame Massat.

Mme Frédérique Massat, vice-présidente de la commission des affaires économiques. En commission, tout le monde a pu s’exprimer. Dans la mesure où ce texte est important, nous avons laissé le débat se dérouler qu’il s’agisse de la discussion générale ou des amendements. Tout le monde a pu s’exprimer. De même, tout un chacun a pu assister aux 44 auditions organisées par la commission au cours desquelles 115 personnes ont été entendues. Mme la ministre a assisté aux trois séances de ces auditions. En outre, le rapporteur n’a pas à joindre le compte rendu des auditions dans son rapport.

En ce qui concerne la nomination du rapporteur, il existe un précédent puisque, en septembre 2011, à l’occasion de l’examen de la proposition de loi présentée par M. Warsmann, portant simplification du droit, M. Michel Raison avait été nommé dans les mêmes conditions que le présent rapporteur.

Vous avez regretté, monsieur Saddier, que la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire n’ait pas été saisie pour examiner ce texte.

M. Lionel Tardy. En effet !

Mme Frédérique Massat, vice-présidente de la commission des affaires économiques. Nous avons rappelé que la commission des affaires économiques était seule compétente en matière d’énergie.

M. Lionel Tardy. Pourquoi dès lors ne pas avoir saisi pour avis la commission du développement durable ?

Mme Frédérique Massat, vice-présidente de la commission des affaires économiques. Pour ce qui est du délai de dépôt des amendements, M. Fasquelle a demandé, en commission – demande relayée par les autres groupes –, à pouvoir bénéficier d’un report de la date limite initialement fixée au vendredi à dix-sept heures. Nous avons reporté cette échéance au lundi suivant à dix-sept heures, ce qui nous a permis de travailler correctement.

Pour n’évoquer que la forme, et non le fond, vous nous demandez, monsieur Saddier, de poursuivre la politique menée par l’ancienne majorité. Dois-je vous rappeler, mon cher collègue, que des élections ont eu lieu entre-temps, que les Français ont tranché, qu’une nouvelle majorité siège à l’Assemblée…

M. Henri Jibrayel. Très bien !

Mme Frédérique Massat, vice-présidente de la commission des affaires économiques. …et que cette proposition de loi faisait partie des engagements des députés de la gauche socialiste ? Aujourd’hui, grâce à François Brottes, nous pouvons tenir celui-ci. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour un rappel au règlement.

M. Daniel Fasquelle. Mon intervention se fonde sur l’article 58, alinéa 1, du règlement.

Mme Massat a mis en cause l’un de nos collègues à propos de sa présence en commission comme jamais je ne l’ai vu faire dans cet hémicycle.

M. Martial Saddier. Tout à fait !

M. Daniel Fasquelle. Si je prends sa défense, c’est parce que M. Saddier s’exprimait au nom de l’ensemble du groupe UMP et non à titre personnel.

Le reproche que l’on fait à M. Saddier est par trop énorme. Si notre collègue a dû participer aux travaux de la commission des affaires économiques alors qu’il appartient à la commission du développement durable, c’est parce que cette dernière n’a pas été saisie pour examiner le texte. De plus, c’est parce que les deux commissions se réunissaient en même temps qu’il a été obligé de nous quitter pour participer aux travaux de sa commission, ce qui ne l’empêche pas de connaître ce texte aussi bien que nous tous et donc d’intervenir de la façon la plus pertinente.

Je souhaite par conséquent que de telles attaques personnelles ne se renouvellent pas.

Motion de renvoi en commission (Suite)

Mme la présidente. La parole est à M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Connaissant bien M. Saddier, je ne doute pas qu’il a lu l’intégralité des comptes rendus,…

M. Lionel Tardy. Il fallait joindre au rapport ceux des auditions !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. …même s’il n’a pas pu participer à tous les travaux de la commission – ce sont des choses qui arrivent.

Ce qui a peut-être le plus gêné notre collègue Saddier, qui nous a appris qu’il n’avait pas dormi ce week-end – j’en suis vraiment désolé pour lui –, c’est peut-être – en espérant que cela ne soit pas compris comme une attaque personnelle de plus – parce que nous avons eu une excellente idée que vous n’avez pas eue avant nous.

M. Lionel Tardy. La loi Brottes, on va s’en souvenir !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Forts de ce constat, vous allez chercher nuit et jour de quelle manière vous pourriez démolir cette idée car, comme elle n’est pas la vôtre, vous ne l’acceptez pas. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je vous ai connus plus magnanimes ! Vous vous enfermez en fait dans une démarche consistant à faire semblant de ne pas comprendre.

Vous aurez toutefois satisfaction : nous retournerons en commission, non pour parler de ce texte ,mais des sujets qu’il touche. En effet, nous ne sommes pas en train de construire avant que l’architecte n’ait dessiné les plans. Nous sommes en train de poser un échafaudage, afin de démarrer la transition énergétique. Ensuite, pendant neuf mois, forts de rapports que vous avez quelque peu décriés – il est normal de faire des effets de manche quand on présente une motion –,…

M. Lionel Tardy. Ce n’est pas du tout le cas ici !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. …nous réfléchirons au montant du taux du bonus-malus qui sera instauré en 2014. Il faut aussi réfléchir sur la manière d’appliquer cette disposition au secteur tertiaire. Il faut réfléchir encore sur le fait de savoir comment utiliser le principe du bonus-malus pour diminuer la pointe de consommation qui coûte cher au pays et qui pollue beaucoup. Il faut réfléchir enfin pour savoir comment mettre en place un service public de la rénovation thermique du bâtiment. Oui, le projet de loi du Gouvernement apportera des réponses, dans environ un an, sur les modalités d’accompagnement de cette réhabilitation.

Seulement, pour réaliser l’étude d’impact que vous appelez de vos vœux, il faut bien que le présent texte définisse un cadre au sein duquel effectuer toutes sortes de simulations. Et puisque l’application du dispositif est prévue pour 2014, le moment sera alors le bienvenu pour ajuster à la marge, le cas échéant, l’ensemble des dispositions parce que nous aurons pris le temps de réfléchir sur tous ces sujets.

Je vous demande d’être au moins intellectuellement honnêtes pour admettre que cette façon pragmatique d’agir…

M. Lionel Tardy. De mieux en mieux !

M. Daniel Fasquelle. Nous sommes honnêtes, ne recommencez pas !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. …nous permettra de légiférer le mieux possible sur la transition énergétique.

Ce qui vous dérange également, c’est que jamais, depuis dix ans, vous ne vous êtes montrés capables d’initiatives parlementaires de ce type. Chaque fois que la majorité de l’époque a déposé des propositions de loi, c’était sur injonction du Gouvernement. Les textes étaient élaborés par ce dernier et étaient transmis par des députés. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.) Aujourd’hui, il s’agit d’une vraie initiative parlementaire.

Je vous remercie, monsieur Tardy, monsieur Saddier, au-delà de vos effets de manche, d’avoir largement contribué au débat, d’avoir proposé des amendements – vous verrez que le rapporteur saura reconnaître votre travail, votre souci d’améliorer les choses.

M. Martial Saddier. Vous voyez donc bien que nous avons travaillé sur le texte !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Je n’ai du reste entendu ni l’un ni l’autre remettre en cause le fondement même de cette proposition de loi ;…

M. Martial Saddier. Si !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. …à savoir diminuer la consommation d’énergie et passer, le cas échéant, par un dispositif de bonus-malus.

M. Lionel Tardy. Si nous pouvons éventuellement être d’accord sur l’objectif, nous trouvons que le moyen que vous proposez pour y parvenir n’est pas bon !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Pour que vous ne soyez ni crispés ni angoissés jusqu’à la fin de ce débat, permettez-moi de vous apporter quelques précisions.

Toutes les situations que vous avez évoquées seront prises en compte. Les frais professionnels pourront être comptabilisés par les assistantes maternelles et les professions libérales – le dispositif prévu n’affectera pas leur budget. Les personnes handicapées ne consomment pas plus que les autres si ce n’est pour ce qui est des équipements spécifiques qui sont, eux aussi, pris en compte par le texte. N’inquiétons donc pas plus que nécessaire dans les chaumières : vous savez bien que le dispositif proposé est beaucoup plus juste que celui en vigueur.

En ce qui concerne les fournisseurs, dont le cas semble vous inquiéter, vous affirmez que le fait de ne pas toucher à leur structure tarifaire, de ne pas les associer et de leur faire appliquer le dispositif de bonus-malus, va engendrer des frais. M. Saddier sait bien que la contribution au service public de l’électricité, la CSPE, qui est passée, ces dix dernières années, de zéro à 10 euros par mégawatt, a été appliquée moyennant un changement de facturation. Or, vous n’avez pas montré plus d’égards pour les fournisseurs que je n’en ai en voulant mettre en place le système de bonus-malus. De ce point de vue, vous avez été un modèle et il n’y avait pas de raison de ne pas le suivre. (Sourires.)

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à Mme Michèle Bonneton, pour le groupe écologiste.

Mme Michèle Bonneton. Le groupe écologiste considère que notre pays a pris beaucoup trop de retard, depuis dix ans, dans le domaine des énergies et de leur utilisation. Or, aujourd’hui, il y a urgence.

Urgence sociale d’abord : l’hiver arrive et il est nécessaire de beaucoup mieux protéger les moins favorisés qu’au cours de ces dernières années.

M. Lionel Tardy. De toute façon le texte ne sera pas applicable cet hiver !

Mme Michèle Bonneton. Urgence sociétale ensuite : il s’agit d’impulser une prise de conscience générale de la nécessité de diminuer la consommation d’énergie.

Urgence aussi par rapport au changement climatique désormais avéré : toute réduction de consommation d’énergie diminue les émissions de gaz à effet de serre.

Urgence économique enfin : la sobriété et l’efficacité énergétiques impulsées par ce texte créeront à terme des centaines de milliers d’emplois et des économies pour nombre de nos concitoyens.

La proposition de loi représente un premier pas dans le sens que nous souhaitons et nous la soutiendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe RRDP.

M. Jacques Krabal. Le groupe RRDP s’est fortement impliqué dans l’examen de ce texte et, s’il reconnaît la complexité du sujet – M. Brottes la mentionne d’ailleurs dans son rapport –, il souligne le courage qu’il faut pour le présenter eu égard à son aspect novateur. Même si des questions légitimes se posent et même si nous ferons part de nos réflexions – le rapporteur a souligné que rien n’était arrêté –, conscient des enjeux sociaux, sociétaux et environnementaux, notre groupe soutient ce texte.

Mme la présidente. La parole est à M. Germinal Peiro, pour le groupe SRC.

M. Germinal Peiro. J’avoue que les interventions de nos collègues du groupe UMP nous ont rendus dubitatifs. Tout d’abord, on a entendu cette énormité de la part de M. Tardy : réduire la consommation d’énergie ne serait pas un but en soi.

M. Lionel Tardy. Le texte n’est pas explicite sur ce point !

M. Germinal Peiro. Cela restera dans les annales de l’Assemblée – j’ignore d’ailleurs si cette opinion reflète totalement celle de votre groupe.

M. Daniel Fasquelle. C’est de la motion présentée par M. Saddier qu’il est question, vous avez une motion de retard !

M. Germinal Peiro. Cependant, très honnêtement, monsieur Tardy, la faiblesse des arguments de M. Saddier m’a rassuré. Il n’est quasiment intervenu que sur des questions de forme.

J’ai donc vu dans l’énormité de ce qu’a dit M. Tardy et dans la faiblesse des arguments de M. Saddier une forme d’hommage rendu à notre collègue François Brottes, à l’origine du texte.

Il faut se rendre à l’évidence, nous sommes tous d’accord sur un point : il y a un besoin environnemental à réduire la consommation d’énergie. Nul ne peut contester que le réchauffement climatique est une réalité et qu’il faut réduire les émissions de dioxyde de carbone. Et personne ne peut contester, surtout les députés de l’opposition, que le paquet énergie-climat nous impose de réaliser 20 % d’économies d’énergie, ainsi que cela a été décidé au niveau européen.

La proposition de loi de François Brottes répond aussi à un besoin économique : vous savez comme moi, mes chers collègues, que la France est dans une situation de dépendance quasi-totale sur le plan énergétique.

M. Daniel Fasquelle. Et c’est pour cela que vous voulez supprimer le nucléaire ?

M. Germinal Peiro. Les importations de gaz, de charbon et de fioul pèsent très lourd dans notre balance commerciale, que vous avez laissée avec un déficit de 70 milliards d’euros (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), tout en accroissant notre dette de 650 milliards.

Du fait des travaux menés en commission, des heures d’audition qu’a conduites François Brottes, et de l’étude qui a été faite de plus de deux cents amendements, il n’y a aucune raison de renvoyer ce texte en commission.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Je voudrais soutenir la proposition de M. Martial Saddier, qui a été très bien argumentée. Nous avons débattu, mais n’avons reçu aucune réponse sur plusieurs problèmes essentiels, à commencer par celui de la compatibilité de cette proposition de loi avec le droit européen. Une formulation a été modifiée dans l’urgence – la « tarification progressive » est devenue le « bonus-malus » –, mais personne n’est dupe.

Nous n’avons pas eu davantage de réponses au sujet des études qui ont été réalisées à l’étranger, alors même que des pays comme l’Allemagne et la Belgique ont abandonné ce dispositif après un examen approfondi. Aucune réponse non plus ne nous a été apportée au sujet de l’injustice qui va frapper les personnes âgées, les malades, les gardes à domicile ou les parents de jeunes enfants, ni sur les effets pervers du texte au regard de l’objectif de protection de l’environnement, car le bonus va inciter à consommer davantage dans les copropriétés. Sur les rapports entre propriétaires et locataires, sur le mécanisme même des 150 %, de grandes incertitudes demeurent. Aucune réponse, enfin, ne nous a été faite sur le coût de ce système, le coût de gestion, celui du malus, et les points d’équilibre : sur tous ces sujets, nous sommes dans le flou total.

Il ne faut pas minimiser l’impact de ce texte : il a été dit qu’il ne remettait pas en cause les acquis du Conseil national de la Résistance et c’est faux : il remet bien en cause ses acquis essentiels, que sont la péréquation et le tarif réglementé. Nous ferons tout pour appeler l’attention des Français sur ce qui constitue une attaque grave contre les acquis du Conseil national de la Résistance, dont nous pensions pourtant partager l’héritage avec vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher, pour le groupe UDI.

M. Bertrand Pancher. Le groupe UDI soutiendra ce renvoi en commission.

Dès que cette proposition de loi a été déposée, nous avons demandé à la quasi-totalité des grandes organisations patronales et professionnelles de défense de l’environnement leur point de vue sur ce dossier. Nous n’avons rencontré que des interlocuteurs dubitatifs et abasourdis de voir avec quelle précipitation, et selon quelles procédures, ce texte avait été élaboré. Certaines grandes organisations – cela dans tous les domaines, y compris dans celui des collectivités territoriales – nous ont même confié avoir été reçues le jour même du dépôt de cette proposition de loi !

Par ailleurs, vous n’avez pas souhaité que la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire soit saisie pour avis et c’est incompréhensible ! Ou bien ce texte est de nature économique et il convenait de le cantonner dans ce domaine ; ou bien c’est un texte qui touche à l’environnement et il fallait nous saisir ! Si vous l’aviez fait, nous aurions pu vous montrer que vous allez installer durablement nos concitoyens dans la précarité énergétique, car c’est ce qui va se produire. Vous n’avez pas prévu de mécanismes de compensation et vous allez soutenir massivement la production électrique. Ce projet, ce n’est pas une usine à gaz, c’est une usine électrique ! Permettez-moi enfin de m’étonner que les études d’impact n’aient été faites qu’a posteriori !

Ces questions auraient dû faire l’objet d’un grand débat public ; au lieu de cela, vous nous soumettez une proposition de loi préparée dans la précipitation. Si vous ne voulez pas que la « grande loi Brottes » ne soit qu’une loi idiote, renvoyez-la en commission ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Merci madame la présidente.

Plusieurs députés du groupe UMP. Un remords !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Je n’ai aucun remords, mais je tiens, avant que nous entamions la discussion générale, à revenir sur vos propos, qui ne sont pas honnêtes, et je pèse mes mots. Nous ne revenons en aucune façon sur les acquis du Conseil national de la Résistance, qui a posé le principe de l’égalité d’accès et celui du prix unique, auxquels nous restons extrêmement attachés.

M. Daniel Fasquelle. Foutaise !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Il n’y a aucune remise en cause de ces principes dans ce texte.

M. Daniel Fasquelle. Bien sûr que si !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Nous ne touchons absolument pas à la structure tarifaire, ni au tarif réglementé : c’est pourquoi, du reste, nous n’avons nullement besoin d’un avis de l’Europe. De surcroît, c’est en nous plaçant dans le prolongement de l’œuvre accomplie par le Conseil national de la Résistance, que nous améliorons l’approche de la consommation d’énergie sur deux points : nous prenons mieux en compte l’inégalité qui existe entre les régions froides et les régions tempérées ou chaudes, mais aussi le type de chauffage, qui introduit une inégalité évidente entre nos concitoyens.

Prétendre que ce dispositif aggrave les choses ou remet en cause les acquis antérieurs est un mensonge. En aucun cas nous ne remettons en cause les principes du Conseil national de la Résistance. Nous les rendons encore plus justes et les améliorons.

M. Daniel Fasquelle. Pas du tout !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Enfin, nous prenons en compte la nécessité de lutter contre l’effet de serre, lequel, en 1946, n’était pas d’actualité.

M. Daniel Fasquelle. Expliquez cela à M. Chassaigne !

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, je le dis sans ambiguïtés : le groupe écologiste se réjouit de cette proposition de loi. Depuis des années, nous proposons une tarification progressive de l’énergie pour inciter aux économies d’énergie. Depuis des années, nous proposons de lutter beaucoup plus fortement contre la précarité énergétique qui place 8 millions de nos concitoyens dans un état de souffrance.

C’est devenu l’engagement n° 42 du candidat Hollande et ; en déposant une proposition de loi dès le début de cette mandature, notre majorité montre qu’elle s’engage à le tenir. Nous soutenons d’autant plus cette démarche qu’elle pose les premiers jalons d’un chantier beaucoup plus vaste, celui de la transition énergétique. C’était l’un de nos engagements communs. Le Président de la République et le Premier ministre l’ont réaffirmé avec force lors de la Conférence environnementale et – pourquoi le cacher ? –, en tant qu’écologistes, nous ne boudons pas notre plaisir quand nous entendons dire, à cette tribune, qu’il faut rémunérer le « négawatt ». Oui, il est plus que temps de rendre la tarification de l’énergie bien plus vertueuse !

Je demande à nos collègues de l’opposition de ne pas laisser croire que le système actuel, dans lequel plus on consomme et moins l’on paie, est plus vertueux. Chaque augmentation des prix a été l’occasion de favoriser toujours plus les plus gros consommateurs et j’ai du mal à croire que c’est ce qu’aurait voulu le Conseil National de la Résistance.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Et la privatisation de GDF !

M. Denis Baupin. Le statu quo que l’opposition préconise n’est pas vertueux : il est anti-écologique et il est profondément injuste.

Pour autant, je ne veux pas cacher que le texte, dans son état actuel, ne permettra pas, à lui seul, de tenir l’engagement du Président de la République. Il propose certes un changement de logiciel et constitue une évolution culturelle majeure, mais le correctif qu’il introduit ne suffira pas à rendre les tarifs réellement progressifs, car il ne prend en compte que la part variable de la facture. Or, toute facture est composée d’une part fixe et d’une part variable : si la part variable devient progressive, mais que la part fixe reste dégressive, il est facile de comprendre que la tarification restera fondamentalement dégressive.

Depuis 2008, l’abonnement des petits consommateurs a été multiplié par trois : c’est socialement injuste et écologiquement dissuasif. Aujourd’hui, les abonnements des ménages ouvriers et précaires subventionnent les abonnements des ménages aisés. Est-ce vraiment le service public de l’énergie que nous souhaitons ? Est-ce l’idée que nous nous faisons de l’héritage du Conseil national de la Résistance ? Notre groupe proposera, par amendement, de rendre enfin progressif le montant de l’abonnement : il est nécessaire de compléter de cette manière le dispositif du bonus-malus si nous voulons tenir l’engagement du Président de la République.

Notre groupe fera de nombreuses autres propositions tout au long de ce débat. Nous proposerons de garantir aux consommateurs vertueux un accroissement de leur bonus, année après année ; nous nous efforcerons de lutter contre l’aberration que constitue le chauffage électrique, responsable de la pointe électrique, qui oblige à construire des réseaux surdimensionnés, à importer de l’électricité très chère et, qui plus est, très carbonée.

M. Lionel Tardy. Que fera-t-on pour les voitures électriques ?

M. Denis Baupin. Nous poursuivrons la lutte contre la précarité énergétique, en œuvrant à la mise en place d’un véritable bouclier énergétique, afin que personne ne dépense plus de 10 % de ses revenus pour se chauffer et s’éclairer.

D’une manière plus générale, nous proposerons des amendements visant à inscrire l’efficacité énergétique et la lutte contre la précarité énergétique dans le code de l’énergie et dans les objectifs de la commission de régulation de l’énergie. Nous déposerons des amendements pour que les « passoires énergétiques » soient considérées comme des logements indécents au titre du code de l’habitat et de l’urbanisme. Nous proposerons enfin la mise en œuvre de mesures d’urgence permettant de libérer les énergies renouvelables des carcans juridiques et administratifs qui empêchent leur développement.

Vous l’aurez compris : nous abordons ce débat dans un esprit extrêmement constructif. Il pose les premiers jalons de la transition énergétique et nous sommes convaincus qu’il s’agit du virage industriel de ce début de siècle, dans lequel tous les pays s’engagent.

Ce virage est bon pour l’environnement, pour la justice sociale, pour l’emploi, pour l’économie, pour l’indépendance énergétique et pour les dynamiques territoriales. Nous souhaitons que notre pays sache prendre pleinement part à ce virage industriel. Cette proposition de loi en constitue une utile première étape et nous remercions notre collègue Brottes d’en avoir pris l’initiative.

M. Daniel Fasquelle. Vous êtes au moins d’accord sur quelque chose !

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Krabal.

M. Jacques Krabal. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président et rapporteur, mes chers collègues, adopter une tarification qui permette de faire sortir 8 millions de Français de la précarité énergétique dans laquelle ils se trouvent est un engagement fort du Président de la République et il doit être le nôtre, car la crise accroît chaque jour les difficultés rencontrées par nos concitoyens.

Le présent texte propose d’appliquer à l’énergie – l’électricité et le gaz dans un premier temps, puis, par la suite, le fioul, le gaz de pétrole liquéfié et le bois de chauffage – un système que certaines collectivités territoriales expérimentent depuis 2010 dans le domaine de l’eau. C’est le cas à Libourne, par exemple, où la collectivité distingue, pour la consommation des ménages, « l’eau vitale », « l’eau utile » et « l’eau de confort ». Les quinze premiers mètres cubes d’eau consommés sont quasiment gratuits – 10 centimes d’euro le mètre cube –, alors que le tarif de la tranche « eau confort » est de 75 centimes.

Les enjeux sociaux et environnementaux portés par ce texte sont incontestables et le groupe RRDP est conscient qu’il s’agit du premier acte d’une mobilisation générale. S’il soutient donc cette proposition, le groupe RRDP souhaite néanmoins revenir sur certaines questions.

Il nous est expliqué que le prix de l’énergie sera modulé, non seulement en fonction de la consommation, mais aussi de la composition du ménage, de son profil social et de la zone géographique où il vit.

C’est d’abord cette question du zonage qui suscite quelques interrogations au sein de notre groupe. Nous aimerions davantage de précisions sur la définition de ces zones. Comment comptez-vous prendre en compte de manière équitable les particularités géographiques qui existent, par exemple entre le Nord et le Sud, ou entre la montagne et la plaine ? Des disparités existent également à l’intérieur d’un même département, en fonction de la topographie et des formes de l’urbanisation, entre les zones d’habitats resserrés et celles d’habitats dispersés.

De même que les besoins de chauffage ne sont pas identiques dans toutes les régions, de même, toutes n’ont pas des besoins identiques en matière de climatisation. Je pense notamment à celles où la chaleur peut devenir insupportable pour les personnes âgées les plus fragiles : dans ce cas, une climatisation de confort se justifie. La tarification progressive sera-t-elle réellement en mesure de prendre en compte toutes ces disparités géographiques ?

Le cas particulier des zones où l’on chauffe beaucoup et toute l’année reste à traiter ; nous avons déposé en amendement en ce sens pour que les zones de montagne ne puissent pas être pénalisées. Il en va de même pour d’autres cas spécifiques, comme celui des régions ultramarines, où la consommation d’énergie est structurée différemment. Le chauffage, notamment électrique, y et peu utilisé, tout comme le gaz de ville.

Par exemple, nous voyons bien que Saint-Pierre-et-Miquelon n’a rien à envier aux zones de montagne : ma collègue Annick Girardin pourrait en témoigner.

Je prendrai un autre exemple de terrain, qui m’a été donné par mon collègue Joël Giraud, maire de l’Argentière-la-Bessée. Une famille avec trois enfants, logée dans un immeuble ancien d’un office HLM chauffé à l’électricité et non isolé, perçoit une allocation logement mensuelle de 150 euros. Les charges liées à l’immeuble sont considérables, car ce logement est situé en montagne, où le chauffage ne s’arrête que deux mois par an. Cependant, il faut y ajouter des charges spécifiques, relatives en particulier au déneigement, qui alourdissent la note. Nous espérons que de telles situations, déjà iniques en l’état actuel, ne seront pas aggravées par un malus !

Par ailleurs, nous sommes interpellés par la lourdeur des sanctions prévues à l’article L. 230-12 du code de l’énergie : 50 000 euros d’amende et six mois d’emprisonnement.

Madame la ministre, vous avez énoncé la règle suivante : « Plus on consomme, plus on paie ». Si cette règle est appliquée, les habitants des logements mal isolés ne risquent-ils pas de voir leur facture s’envoler ? Certes, pour prévenir ce danger, les critères d’éligibilité aux tarifs sociaux seront élargis. Nous nous en félicitons : c’est une excellente mesure ! Vous nous expliquez aussi que la tarification progressive permettra de mieux identifier ceux qui ont besoin d’être accompagnés pour rénover leur logement. Toutefois, ne serait-il pas nécessaire d’adopter rapidement des mesures permettant d’améliorer les performances énergétiques de l’habitat ? Le plan de rénovation thermique que vous nous avez annoncé est très attendu, et nous ne manquerons pas d’y porter toute notre attention. Comme nous l’avons rappelé, nous souhaitons également encourager les ménages à investir dans des systèmes de production d’énergies renouvelables : c’est le sens des amendements que nous avons déposés.

Je souhaite insister sur la diversité des situations rencontrées dans nos territoires. Il est évident que nous devons tenir compte, comme vous le prévoyez dans ce texte, de la taille des ménages, de la surface des habitations et des sources d’énergie utilisées, qui peuvent être doubles pour certains foyers.

Puisque les locataires ne sont pas responsables de la mauvaise isolation de leur logement, ils ne doivent pas être pénalisés par la tarification progressive. Par conséquent, les propriétaires devraient être incités à mieux isoler les logements qu’ils louent. En ce sens, le texte que nous discutons prévoit que les locataires pourront déduire du loyer la part du bonus-malus due à la mauvaise isolation du logement. Cependant, à l’heure actuelle, nombre d’entre eux connaissent une situation de précarité et de vulnérabilité sociale : il leur sera donc difficile d’intenter des recours contre leur propriétaire !

C’est pourquoi nous préférerions que le principe du bonus-malus ne soit pas fondé sur une consommation de référence, mais sur une évolution de consommation réelle. Une telle mesure serait infiniment plus simple à comprendre et à mettre en œuvre ; de plus, elle nous apparaîtrait socialement plus juste. Ainsi, une moindre consommation, quel que soit le niveau initial, entraînerait un moindre coût pour l’usager. Ce système simple permettrait de répartir les gains entre propriétaires et locataires et d’inciter fortement à la rénovation de l’ancien. Dans cette optique, un propriétaire de la classe moyenne ayant acheté un vieux pavillon pourrait espérer bénéficier d’un bonus à chaque légère amélioration de son habitat ; or avec votre proposition, il lui faudra une décennie de rénovation pour arrêter de payer des malus ! C’est pourquoi, au-delà du principe du « pollueur-payeur » souvent annoncé mais peu appliqué, nous souhaiterions mettre en œuvre une pédagogie qui permettrait au locataire et au propriétaire de s’inscrire dans une démarche de « gagnant-gagnant ». Aux uns comme aux autres, nous ne devons jamais cesser de rappeler que l’énergie qui coûte le moins cher est celle qui n’est pas consommée !

Nous comprenons bien la difficulté de l’écriture d’une telle loi, et nous saluons le courage de ses auteurs : il s’agit de rédiger une loi de portée générale pour un ensemble de situations particulières. C’est pourquoi le dispositif juridique et technique proposé pour mettre en place une tarification progressive de l’énergie se caractérise assurément par sa complexité. Une certaine attention a pourtant été portée à la définition de critères permettant d’accroître la justice entre les citoyens dans la tarification de l’énergie. Or de nombreux ajustements sont nécessaires afin de prendre en compte les situations particulières de chacun. Ainsi la proposition de loi prend-elle réellement en compte les besoins de ceux dont la consommation d’énergie est importante et irréductible, comme les malades et les personnes âgées qui utilisent des équipements médicaux à domicile souvent gourmands en électricité.

Par ailleurs, nous déplorons que dans un premier temps, seuls les ménages seront concernés par cette loi : ni les entreprises ni les collectivités, qui sont pourtant de grandes consommatrices d’énergie, ne seront touchées. Madame la ministre, vous nous avez rappelé les propos du Président de la République et du Premier ministre qui, lors de la conférence environnementale, ont souhaité faire de la France la nation de l’excellence environnementale. L’effort en faveur de la protection de notre environnement et des économies d’énergie devrait donc être général, parce que nous savons que la frugalité énergétique est le premier élément de la mutation et de la transition énergétiques. Une tarification progressive avec des critères spécifiques aux besoins des entreprises et des collectivités pourrait également être mise en œuvre. Ce que nous imposons aux ménages doit pouvoir s’appliquer aux autres acteurs. Nous espérons qu’il s’agira du deuxième acte de la réforme, et que la nation agira unie dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Au-delà de ces remarques de fond et de forme, le groupe RRDP exprime sa satisfaction de pouvoir examiner un texte permettant de lutter contre la précarité énergétique dans des perspectives environnementales. Cependant, je me permettrai de conclure en faisant référence à Jean de la Fontaine. Le célèbre fabuliste né à Château-Thierry nous rappelle dans la fable Le renard et les poulets d’Inde que « le trop d’attention qu’on a pour le danger fait le plus souvent qu’on y tombe ».

Monsieur le rapporteur, madame la ministre, je sais que vous ne prenez pas ce risque, car vous mettrez tout en œuvre pour que cette loi soit la plus simple, la plus efficiente et la plus juste possible.

M. Daniel Fasquelle. La plus simple ? Il y a du boulot !

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la récente conférence environnementale comportait un volet censé préparer le débat national sur la transition énergétique. Il s’agit d’un enjeu déterminant pour l’avenir de notre pays et de nos sociétés. Pourtant, le Président de la République a fixé dès son ouverture les grandes lignes de la politique du Gouvernement en la matière pour les cinq années à venir.

Nous avons effectivement besoin d’un grand débat public sur la transition énergétique, et non d’un débat corseté par les seuls engagements de la campagne présidentielle. Nous avons besoin d’un débat qui détermine l’ambition de notre pays en matière énergétique face aux enjeux climatiques, sociaux et économiques actuels ; d’un débat qui définisse nos objectifs pour assurer une transition rapide, socialement et écologiquement pertinente, vers un système énergétique le plus décarboné possible ; d’un débat qui ne laisse pas de côté des questions aussi essentielles que la maîtrise publique et sociale de la production, du transport et de la distribution d’énergie. Nous avons besoin d’un débat ouvert qui ne préempte pas les choix que les citoyens français doivent faire en conscience.

Cependant, le texte examiné aujourd’hui se limite à l’énoncé de grands principes, sans étude d’impact préalable, sans concertation réelle avec les acteurs de l’énergie, sans un indispensable bouillonnement citoyen. Il ne s’agit pas du grand débat national auquel vous nous conviiez !

On peut déjà regretter que, sur la forme, le compte n’y est pas. Mais ce ne serait rien si, sur le fond, les principes avancés, même dans la précipitation, allaient dans la bonne direction. Ce n’est pas le cas, et je souhaite vous le démontrer en dehors de toute posture fondée sur une approche politicienne. Je ne remets pas en cause la volonté vertueuse des auteurs de cette proposition de loi. Toutefois, ses effets pervers effacent l’intérêt des objectifs recherchés.

M. Daniel Fasquelle. Exact !

M. André Chassaigne. Faut-il préciser que mon analyse est massivement partagée en dehors de cet hémicycle ? Néanmoins, je ne me retrouverai pas dans les applaudissements politiciens qui pourraient émerger de la droite de cette assemblée, démolisseuse depuis dix ans de notre service public de l’énergie !

M. Daniel Fasquelle et M. Lionel Tardy. C’est faux ! Nous avons agi selon l’intérêt général !

M. André Chassaigne. En premier lieu, ce texte est rempli d’incertitudes : il se focalise uniquement sur les consommations énergétiques des ménages, et fait peser sur ces seuls ménages le coût des changements envisagés. Monsieur le rapporteur, cette ambiguïté et ces incertitudes sur le contenu de votre proposition de loi vous ont conduit à modifier l’intitulé du texte lors de son examen en commission.

M. Daniel Fasquelle. C’est incroyable !

M. André Chassaigne. En effet, l’idée de « tarification progressive », présentée initialement dans le titre de votre proposition de loi, ne correspondait pas à son contenu. Il s’agit plutôt d’imposer un système de bonus-malus, fondé sur un signal prix et financé intégralement par l’usager. En fait, vous avez utilisé une vieille recette de l’économie libérale, que vous servez aujourd’hui aux consommateurs domestiques. Non seulement cette recette ne remet pas en cause la libéralisation du secteur énergétique, mais elle lui ouvre des chemins nouveaux.

Chers collègues de la majorité, en 2010 nous rejetions ensemble la sinistre loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité désirée par la Commission européenne, poussée par les opérateurs privés cherchant à réaliser des bénéfices sur le compte de l’entreprise nationale historique, et imposée au Parlement par une droite décomplexée. Où est donc passé notre combat commun dans le texte que nous discutons aujourd’hui ? Dans quel article proposons-nous l’abrogation de la loi qui pousse à la hausse injustifiée des prix de l’électricité par siphonage et démontage du service public de l’énergie ? Ce texte porte tout le contraire de notre détermination partagée d’il y a quelques mois.

Les dispositions de l’article 1er aboutiront tout simplement à la destruction du cadre actuel des tarifs réglementés. En introduisant une différenciation des prix sur le territoire national, avec des critères et volumes de base aussi contestables que difficiles à mettre en œuvre, vous supprimez bien évidemment l’égalité d’accès à l’énergie, et donc la péréquation tarifaire.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Pas du tout !

M. Daniel Fasquelle et M. Lionel Tardy. Bien sûr ! Il a raison !

M. André Chassaigne. Comment ne pas réagir lorsque la gauche s’attaque directement à un droit fondamental issu du programme du Conseil national de la Résistance et de la loi de nationalisation de 1946 ?

M. Daniel Fasquelle. Gaullistes et communistes, même combat !

M. André Chassaigne. Comment ne pas être inquiet quand la porte est ouverte aux démarches commerciales des fournisseurs, avec la transmission de données précises sur les volumes de consommation, voire plus par la suite ?

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Pas vous, pas cela !

M. André Chassaigne. Sous prétexte de réduire les consommations énergétiques des ménages, beaucoup de dispositions constituent de nouvelles attaques contre les atouts indéniables de ce qui reste de notre modèle social. C’est le cas d’amendements adoptés en commission, allant jusqu’à encourager la création de nouveaux marchés concurrentiels, comme celui de l’effacement de consommation avec un appel au développement de sociétés spécialisées, financées par le service public de l’électricité !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Pas du tout !

M. André Chassaigne. Irons-nous jusqu’à offrir à des sociétés, guidées par la philanthropie bien connue des familles Mulliez, Coisne et Lambert, la garantie de pouvoir spéculer à la revente sur les privations imposées aux ménages les plus modestes ? Avec de telles mesures, nous nous éloignons toujours plus du service public de l’énergie et d’un service public du conseil en matière d’efficacité énergétique. Les personnels des « espaces info énergie », soutenus par l’ADEME et les collectivités territoriales, seront très heureux de découvrir cette nouvelle aubaine offerte au secteur privé à l’heure de la réduction des dépenses publiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Ce n’est pas du tout le texte !

M. André Chassaigne. Quel décalage entre la situation vécue par une majorité de nos concitoyens et les grands principes de ce texte ! Les ménages qui n’arrivent pas à payer leurs factures d’électricité ou de gaz ne laissent pas leur chauffage tourner par pure ivresse de la consommation.

M. Daniel Fasquelle. Bien sûr ! Quel bon sens !

M. André Chassaigne. Ces ménages n’ont, tout simplement, plus les moyens d’acquitter leurs factures.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. C’est pour cela qu’on élargit l’accès au tarif social ! Quatre millions de ménages seront concernés !

M. André Chassaigne. La conjugaison de la faiblesse des revenus et de la hausse des prix de l’énergie est responsable de la précarité énergétique. J’imagine déjà le locataire demandant à son propriétaire de déduire de son loyer le malus de sa facture d’énergie parce que son logement est une passoire !

Certes, le texte comporte des intentions louables.

M. Lionel Tardy. Certes,… mais un peu timides !

M. André Chassaigne. L’élargissement de la tarification spéciale de première nécessité, la création indispensable d’un « service public de la performance énergétique de l’habitat » et la matérialisation d’une trêve hivernale des coupures d’électricité aux ménages en difficulté sont des mesures louables. Cependant, le texte ne répond pas à l’ampleur des besoins. Pour porter l’ambition d’éradiquer la précarité énergétique dans notre pays, il conviendrait de préparer un projet de loi à part entière, en concertation avec les élus locaux et le tissu associatif qui œuvre dans le domaine social.

Bien évidemment, la rénovation énergétique de l’habitat est indispensable, madame la ministre, mais quels moyens seront dégagés, avec un budget de l’écologie annoncé en baisse de 8,8 % pour 2013 ? Quels seront notamment les moyens humains affectés au respect des réglementations thermiques ou au contrôle des « champions express » du diagnostic énergétique ?

Quant à l’extension de la trêve hivernale, il faut, là aussi, mes chers collègues, sortir de l’ambiguïté qui consiste à ne pas autoriser les coupures tout en permettant aux distributeurs d’abaisser la puissance disponible.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Mais c’est faux ! C’est un mensonge !

M. André Chassaigne. Autrement dit, les ménages les plus pauvres, soumis aux injonctions des distributeurs, conserveront-ils l’usage de leur machine à laver en période hivernale ? La clarification est dans notre amendement à l’article 8.

Enfin, comment analyser l’insertion cavalière dans le texte de deux articles concernant la progressivité des tarifs pour l’accès à l’eau ? Les acteurs de l’eau et les collectivités territoriales, mis devant le fait accompli, ne trouvent pas très opportun cet atterrissage législatif soudain, eux qui portent à nos côtés, depuis des années, des propositions ambitieuses.

Monsieur le rapporteur, madame la ministre, vous justifiez votre précipitation à faire adopter ce texte, et à minorer toutes les incidences qui pourraient en découler, par le seul fait qu’il y a urgence à agir : urgence sociale, urgence environnementale. Ses dispositions ne nous paraissent pas aller dans le sens de plus de justice sociale ni vers plus d’efficacité énergétique.

M. Daniel Fasquelle. Bien sûr que non !

M. André Chassaigne. Certaines sont même contraires à une autre urgence, indispensable pour satisfaire aux deux premières : celle d’une maîtrise publique retrouvée du secteur énergétique.

Aussi, les députés du Front de gauche ne voteront pas ce texte, soumettant au débat public d’autres perspectives pour l’avenir énergétique de notre pays : la création d’un véritable pôle public de l’énergie comprenant EDF, GDF, Areva et Total, renationalisé et à même d’intervenir directement sur l’encadrement des prix et la transition énergétique ; une planification écologique incluant les investissements publics, les emplois et les formations nécessaires à la sobriété, à l’efficacité énergétique et à la diversification des sources d’énergie ; un plan national de remise aux normes énergétiques des logements et bâtiments publics, qui nécessite des moyens conséquents.

Si vous trouvez mon intervention sévère, chers collègues, notamment à gauche, je vous dirais qu’elle est à la hauteur de ce qu’écrivait Marcel Paul dans son ouvrage Et la lumière fut nationalisée : « Je me suis accroché à la nationalisation de l’électricité et du gaz comme un chien qui n’a pas mangé depuis huit jours s’accroche à un os. »

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le député.

M. André Chassaigne. C’est avec la même vigueur que nous défendons aujourd’hui ses acquis de ministre communiste au sein du gouvernement issu du Conseil national de la Résistance. Avec vigueur, parce que votre texte est bien plus grave qu’un simple os à ronger en début de législature. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Razzy Hammadi. Vous applaudissez à la nationalisation d’Areva ?

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Blein.

M. Yves Blein. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi de notre collègue François Brottes visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre. Ce texte exprime notre engagement à défendre un modèle de société fondé sur le concept de développement durable. Il ambitionne de concourir à changer le modèle dans lequel nous vivons, celui du « produire plus pour consommer plus », afin d’évoluer vers une société de la sobriété énergétique.

De grâce, évitons les procès d’intention historiques. Ce n’est pas la gauche qui a engagé hier la privatisation d’EDF-GDF dans notre pays. Ce n’est évidemment pas non plus la gauche qui remettra en cause, de quelle que manière que ce soit, les acquis du Conseil national de la Résistance garantissant l’égal accès de tous à l’énergie.

M. Daniel Fasquelle. C’est pourtant bien le cas !

M. Yves Blein. Cette proposition de loi a une double portée, à la fois sociale et écologique. En ce sens, elle illustre parfaitement les valeurs que le Président de la République avait, pendant la campagne des élections présidentielles, présentées aux Français comme étant au centre de son projet : la justice, l’équité, la responsabilité individuelle et collective, placées sur cette question au service de la sobriété énergétique, donc de la protection de l’environnement et de la préservation de nos ressources naturelles.

Ce texte a d’abord l’ambition d’une plus grande solidarité. En effet, depuis les années 2000, le prix du gaz a doublé. Le prix de l’électricité augmente quant à lui de 5 % chaque année depuis bientôt dix ans.

M. Daniel Fasquelle. Et de combien vient-il encore d’augmenter ? C’est incroyable !

M. Yves Blein. La précarité énergétique grandit et touche de plus en plus de foyers. Les difficultés de paiement augmentent. Le texte vient donc répondre à l’urgence sociale de la situation et met en place des mesures en faveur des ménages les plus modestes.

C’est ainsi que cette proposition de loi prévoit l’élargissement du nombre des bénéficiaires des tarifs sociaux de l’énergie, de 600 000 aujourd’hui à 4 millions de ménages demain, ainsi que l’extension de la trêve hivernale à l’ensemble des consommateurs.

Elle vise également à identifier puis à accompagner les ménages modestes pour la rénovation de leurs logements, trop souvent énergivores. Il s’agit de les aider à réduire leur consommation afin qu’ils ne soient pas doublement pénalisés. Par ailleurs, les locataires, qui ne sont pas toujours responsables de la mauvaise isolation du logement qu’ils occupent, ne doivent pas être pénalisés par la tarification progressive. C’est pourquoi la loi prévoit qu’ils pourront déduire de leur loyer la part du malus due à une mauvaise isolation du logement dont la responsabilité reviendrait au propriétaire de celui-ci.

Ce texte de solidarité nourrit également une ambition écologique. Il nous engage en effet à franchir une première étape dans la voie que nous voulons ouvrir vers la transition énergétique. Il s’inscrit dans le cadre de la conférence environnementale qui s’est déroulée les 14 et 15 septembre derniers et sera suivi d’un projet de loi-cadre sur la transition énergétique.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui veut résolument responsabiliser les individus en les invitant à une consommation modérée de l’énergie. Nous allons en effet mettre en place un système d’intéressement à un comportement de consommateurs vertueux. C’est une notion nouvelle, à l’opposé des comportements antérieurs qui incitaient plutôt à consommer plus et sans compter. « La meilleure des énergies est celle que l’on ne consomme pas », disait ici même il y a quelques jours la ministre de l’écologie, Delphine Batho.

Cette proposition de loi ambitionne en outre de poursuivre l’amélioration à terme de l’indépendance énergétique de notre pays, de contribuer à la lutte contre les gaz à effet de serre, de conduire notre société vers un système plus vertueux de respect des ressources naturelles et de protection de l’environnement.

J’évoquerai enfin la question de l’eau. Le texte nous invite à poser le problème de sa tarification. L’eau, comme l’énergie, est un bien de première nécessité dont il faut garantir l’accès à tous. Chacun se souvient de l’engagement opiniâtre de Danielle Mitterrand – je veux lui rendre ici hommage – sur ce sujet, sillonnant la planète pour défendre l’idée que l’eau est un bien commun de l’humanité et qu’il est essentiel dans le même temps de la protéger et d’en garantir l’accès.

Il est donc important d’engager une réflexion sur le sujet, afin d’encourager là encore les ménages, comme pour l’énergie, à une consommation plus responsable. L’article 14 de la proposition de loi prévoit l’expérimentation d’une tarification sociale de l’eau pour une période de cinq ans à compter du 1er janvier prochain, ouvrant la possibilité aux collectivités locales d’appliquer des tarifs différenciés pour les consommateurs.

J’aimerais, en conclusion, parler de tout ce qu’un texte de loi ne peut pas dire : l’ambition, que, je l’espère, nous nourrissons tous ici, de rechercher pour demain les modalités durables et raisonnables d’exploitation des richesses de la planète, au service du bien-être de l’humanité. C’est ce qui conduira le groupe SRC à défendre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, je ne prends la parole que pour cinq minutes car j’ai souhaité laisser du temps aux collègues de mon groupe. Il y a en effet énormément à dire sur ce texte.

Je regrette une fois de plus l’absence de concertation et de réflexion préalables. La proposition de loi a été présentée quelques jours seulement avant la conférence environnementale, et les associations concernées par la transition énergétique ont toutes regretté qu’elle n’ait pas été mise en débat. Cette précipitation a également été ressentie ici même, puisque la commission du développement durable n’a pas été saisie. De même, aucune étude d’impact n’a été réalisée ; c’est d’autant plus dommage que les pays qui ont produit des études d’impact sérieuses dans ce domaine ont conclu que la tarification progressive n’était pas un bon système, ses inconvénients étant supérieurs à ses avantages, et qu’il fallait l’écarter.

Il y a de même la question de la compatibilité avec le droit européen. Je ne suis pas le seul à la poser, des associations comme Sauvons le Climat le font aussi, et nous n’avons pas reçu de réponse. On nous dit que cela n’a rien à voir avec la tarification progressive. Le titre de la proposition de loi a d’ailleurs été changé, la référence à la tarification progressive effacée, dans la précipitation, au cours des débats en commission – c’est assez incroyable –, pour écarter un éventuel contrôle de la Commission européenne. Celle-ci ne sera pas dupe, personne ne l’est, et André Chassaigne en a d’ailleurs très bien parlé : le mécanisme de bonus-malus a bien une conséquence sur ce que l’on paye, donc sur le tarif. Bonus et malus seront calculés sur la base de tranches. Il y a donc bel et bien un effet direct sur la tarification – et donc une remise en cause des acquis du Conseil national de la Résistance.

Si c’était pour une bonne cause, pourquoi pas ? Le problème, c’est que le texte va complètement manquer ses objectifs.

L’objectif social pour commencer : on va introduire plus d’égalité, nous dit-on. C’est faux, et nous en ferons la démonstration en présentant plusieurs amendements. En réalité, ce texte va créer de l’inéquité, de l’inégalité sociale. Ce sont ceux qui sont plus souvent chez eux, soit qu’ils n’aient pas de travail, soit qu’après une vie de travail ils bénéficient d’une retraite, soient qu’ils aient des enfants en bas âge, mais aussi les assistantes maternelles et de nombreuses autres professions, qui paieront des malus, monsieur Brottes ! Vous introduisez de l’inégalité là où le Conseil national de la Résistance avait créé de l’égalité.

N’oublions pas non plus l’inégalité territoriale, entre ceux qui habitent à la campagne, et n’ont accès qu’au fioul, et ceux qui habitent en ville, et ont accès à l’électricité et au gaz, et qui seront les seuls bénéficiaires du système. Par ailleurs, dans une même commune, selon que l’on habitera à telle ou telle altitude, ou dans un endroit plus ou moins ensoleillé, on paiera du bonus ou du malus. C’est une machine à créer de l’inégalité, de l’inéquité ; nous en apporterons la démonstration.

Mais il y a pire, avec l’objectif environnemental. Grâce à ce texte, on va lutter contre l’effet de serre, assurez-vous. Bel objectif qu’évidemment nous partageons – ne nous faites pas de faux procès ; mais votre texte ne l’atteindra pas, bien au contraire, car il agira comme une machine à déresponsabiliser : déresponsabilisation de ceux qui, dans les immeubles collectifs, pourront se comporter comme ils l’entendent puisque le malus sera supporté par tous, déresponsabilisation des locataires, qui reporteront le malus sur leur loyer, déresponsabilisation du fait de la généralisation de la trêve hivernale, qui incitera certains de nos concitoyens à reporter les factures d’électricité jusqu’au sortir de la trêve hivernale. Sans compter les effets pervers, car le bonus peut également conduire à consommer plus d’énergie, ni les effets d’aubaine : des gens ne se chaufferont plus au gaz ni à l’électricité et choisiront le fioul pour échapper à votre système.

Ni l’objectif social ni l’objectif environnemental ne seront atteints, c’est même le contraire qui se réalisera. Quant à l’objectif économique et financier, il est également impossible à atteindre, et nous le démontrerons également. D’ailleurs, vous restez à ce sujet complètement dans le brouillard.

En conclusion, ce sont une fois de plus les classes moyennes qui trinqueront. Avec vous, au début, on doit faire payer les riches et, à la fin, ce sont les classes moyennes qui payent. Mais surtout, votre proposition de loi ne répond ni à la nécessité de l’urgence ni à celle de la précarité énergétique. Il y avait d’autres leviers pour améliorer le tarif social, qu’il faudrait étendre à d’autres Français et peut-être relever, d’autres mesures pour lutter contre la précarité énergétique des logements. Ce texte passe complètement à côté de ses objectifs ; pire, il développera des effets pervers, que nous regrettons et dénonçons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, notre groupe, je l’ai indiqué lors des explications de vote, est favorable au principe du bonus-malus : nous estimons qu’il est important de donner des signaux forts pour consommer moins d’énergie et nous partageons l’idée de soutenir nos concitoyens en grande difficulté.

Mais à l’analyse du texte de loi, on ne peut qu’être frappé par plusieurs constats.

La première, à l’évidence, c’est la précipitation dans laquelle a été déposé le texte. S’il avait été bien préparé en amont, cela ne nous aurait posé aucune difficulté, mais toutes les grandes organisations d’importance nationale auxquels nous nous adressons, que ce soit les organisations environnementales, les fédérations professionnelles ou les organisations en charge de l’énergie soutenues par les fédérations d’élus locaux, nous disent que c’est trop précipité, que l’on mélange les objectifs et que cette loi sera inapplicable en l’état, voire ira à l’encontre des principes initiaux qui étaient les vôtres, monsieur le rapporteur. Créer un bonus-malus est évidemment une bonne idée, mais à condition de ne pas installer nos concitoyens dans la précarité énergétique. Si c’est pour les laisser dans des situations de dépendance face à l’augmentation du prix de l’énergie et ne pas leur octroyer les moyens financiers nécessaires pour rénover leurs appartements, leurs passoires thermiques, tout cela ne servira à rien et ne fera évidemment qu’empirer la situation. Or c’est clairement ce qui va se passer avec ce bonus-malus puisque vous ne dégagez aucun moyen spécifique pour soutenir la rénovation, notamment à destination des propriétaires disposant de peu de revenus.

La bonne idée aurait été de revoir complètement le mécanisme, c’est-à-dire d’augmenter légèrement le champ du malus et de diminuer le champ du bonus ; mais même ainsi, il serait difficile d’obtenir des moyens financiers suffisamment lourds pour soutenir les personnes en grande difficulté dans un projet de rénovation. La bonne idée – et cela ne vous a certainement pas échappé – aurait certainement fallu pousser la démarche afin de voir dans quelle mesure nous aurions pu augmenter légèrement la contribution au service public de l’électricité, payée par tout le monde, puis de distinguer entre le mécanisme social et le mécanisme environnemental. Je crois que vous avez travaillé sur le sujet, mais une telle bonne idée ne vous a pas effleuré dans le cadre de vos réflexions.

Aujourd’hui, vous allez installer durablement nos concitoyens dans la précarité énergétique, ce qui est particulièrement grave quand on défend des grands objectifs environnementaux.

M. Daniel Fasquelle. Bien sûr !

M. Bertrand Pancher. Seconde observation, second reproche de fond : à défaut d’être une usine à gaz – quoique un peu tout de même –, votre texte est une usine à électricité. C’est extraordinaire : alors que dans votre majorité, bon nombre de personnalités soutiennent la sortie du nucléaire, vous nous présentez une véritable machine à produire de l’électricité. On va en effet prélever le malus sur l’ensemble des systèmes de consommation, donc plutôt sur le gaz puisque c’est le système de consommation des gens qui disposent d’un minimum de moyens, et redistribuer les sommes ainsi prélevées au profit de ceux qui ont peu de revenus, mais qui se chauffent à l’électricité ! Je ne sais comment se sont passés vos pourparlers quand vous vous êtes engagé dans cette réflexion, monsieur le rapporteur, mais il aurait été évidemment souhaitable de séparer complètement les deux mécanismes…

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Mais c’est tout à fait le cas !

M. Bertrand Pancher. …sous peine de créer une machine à continuer à faire tourner les radiateurs électriques, c’est-à-dire à privilégier l’électricité.

M. Razzy Hammadi. C’est faux ! Caricature !

M. Bertrand Pancher. Il vous faudra nous démontrer le contraire au cours des débats, monsieur le rapporteur…

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. C’est dans le texte !

M. Bertrand Pancher. …Car les raisonnements des grandes organisations avec lesquelles nous avons travaillé se tenaient particulièrement.

Je ne m’étendrai pas sur le thème des inégalités criantes ; à vous entendre, la grande machine administrative prévoira tous les cas et saura tenir compte des réalités géographiques. Mon département de la Meuse n’est pas très élevé, la différence entre la rivière Meuse et les collines qui la surplombent n’est que de cent cinquante mètres, mais cela fait une différence de deux degrés de température… On en tiendra compte, évidemment ! Sans oublier les variations climatiques d’année en année : il y a tantôt des périodes chaudes, tantôt des périodes froides ; sans doute allez-vous intégrer ces paramètres également. De même que l’endroit dans lequel habitent nos concitoyens, ainsi que leur âge : pensons aux personnes âgées. Mais il faut également prendre en compte le fait que, dans un immeuble collectif, telle personne habite régulièrement dans son appartement alors que le couple du dessous et celui du dessus ont la chance d’avoir une résidence secondaire et ne chauffent jamais le week-end : ce qui fait que cette personne est évidemment amenée à pousser le chauffage de son propre logement. Et on ira lui expliquer que, comme elle consomme déjà beaucoup, elle va devoir payer encore davantage pour ceux qui n’ont pas à se chauffer tous les jours !

Ajoutez que lorsque nos concitoyens vont recevoir leur feuille d’impôts et qu’ils seront obligés de noter toutes les informations requises dans leur déclaration,…

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Comment cela se passe-t-il aujourd’hui, monsieur Pancher ?

Mme Frédérique Massat, vice-présidente de la commission des affaires économiques. Ce sera pareil !

M. Bertrand Pancher. …nous aurons du mal à nous en sortir en les invitant simplement à s’adresser au président Brottes qui a imaginé cette machine infernale qui ne fonctionnera jamais !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Caricature !

M. Bertrand Pancher. Beaucoup d’amendements ont été déposés par la majorité et par l’opposition. Ils ne sont pas issus de nos imaginations, ils proviennent essentiellement des grandes organisations environnementales et des grandes fédérations d’élus locaux. Nous espérons que vous les retiendrez afin de rendre ce texte un peu plus équilibré.

Pour ce qui est enfin de la concertation, c’est encore mieux que la cerise sur le gâteau tant c’est énorme ! Au cours de la campagne électorale, j’avais identifié un certain nombre de propositions de François Hollande qui me paraissait de bon sens, notamment celle d’un grand débat public sur les questions énergétiques. J’avais moi-même, il y a environ un an, déposé une proposition de loi sur le sujet parce que les questions énergétiques renvoient à la gestion de nos contradictions : s’il y a aujourd’hui autant d’opposition entre les partisans du nucléaire et ceux des énergies renouvelables, c’est parce qu’on est passé en force, de nombreuses années, en faveur de tel ou tel type d’énergie. Bref, je trouvais cette proposition intelligente en ce qu’elle permettrait d’engager un grand débat public sur le sujet, d’identifier quels sont les problèmes, de savoir comment gérer nos contradictions, comment aller davantage vers de l’énergie renouvelable et cibler en priorité les questions de rénovations de logement – avant les questions de transport peut-être un peu plus compliquées. C’était le débat public attendu. Et voilà que vous nous présentez une loi dans l’urgence, alors même qu’une grande partie ne sera applicable qu’en 2014 (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), faisant fi de ce grand et beau débat public. Il y a des moments où je me demande, monsieur le président Brottes, si vous n’avez pas attrapé la « sarkozystie », cette manie de vouloir réformer tout, tout de suite. Je vois bien que les sondages ne sont pas au beau fixe et que votre majorité a besoin d’en arriver tout de suite à des propositions… Mais pas comme cela !

M. Daniel Fasquelle. Avec Sarkozy, c’était de l’imagination efficace !

M. Bertrand Pancher. Quand les Françaises et les Français découvriront comment votre dispositif se met en place, ils comprendront que cela ira malheureusement à l’encontre de tous nos engagements environnementaux. Ce serait d’autant plus dommage que, je le répète, le bonus-malus en matière énergétique était une bonne idée.

M. Daniel Fasquelle. Mais une idée malheureusement maltraitée aujourd’hui !

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Bonneton.

Mme Michèle Bonneton. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, faire des économies d’énergie s’impose du fait de la nécessaire diminution des émissions de gaz à effet de serre qui conduisent au changement climatique et parce que le coût de l’énergie ne cessera d’augmenter, avec des conséquences sociales inquiétantes. Ce coût représente aujourd’hui plus de 15 % des dépenses des ménages les plus pauvres, et huit millions de Français sont en état de précarité énergétique.

Dans un tel contexte, les écologistes n’ont cessé de réclamer des politiques publiques plus engagées, politiques longtemps ignorées et souvent caricaturées. Il faut bien se rendre à l’évidence : nous sommes face à une situation d’urgence. Réduire la consommation suppose tout à la fois des efforts budgétaires volontaristes et une prise de conscience de chacun pour éviter le gaspillage. Le Président de la République et le Gouvernement ont annoncé les grandes lignes de ces politiques publiques lors de la conférence environnementale. Ainsi, l’isolation massive des bâtiments doit être engagée au plus vite. Ce sera bon pour le confort des habitants, pour le montant des factures, pour l’emploi, pour le climat, pour l’environnement et aussi pour notre santé.

M. Lionel Tardy. Hors sujet ! Ce n’est pas dans le texte !

Mme Michèle Bonneton. Nous devons nous désintoxiquer des énergies carbonées, des énergies trop dangereuses, et favoriser très fortement les énergies renouvelables.

Cette loi contribuera aux objectifs fixés récemment par l’Union européenne : premièrement, la réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 20 % d’ici à 2020 par rapport au niveau de 1990 ; deuxièmement, le relèvement à 20 % de la part des sources d’énergie renouvelable dans la consommation d’énergie ; troisièmement, l’accroissement de 20 % de l’efficacité énergétique.

M. Lionel Tardy. Il n’y a rien là-dessus dans la proposition de loi !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. C’est son objet même, monsieur Tardy !

Mme Michèle Bonneton. En ce qui concerne nos habitudes de consommation, pendant que certains dilapident l’énergie, d’autres se trouvent dans une véritable situation de précarité énergétique. Dans certaines villes, tout près d’ici, la moitié des dépenses d’aide sociale sont consacrées au paiement des factures de gaz et d’électricité. Précisons toutefois que les personnes qui bénéficient de la tarification sociale de l’énergie ne seront en aucun cas pénalisées par cette loi ; reste qu’il faudra trouver rapidement des solutions adaptées pour améliorer l’isolation de tous les types de logement.

M. Lionel Tardy. Avec quels sous ?

Mme Michèle Bonneton. Cette proposition loi, avec son système de bonus-malus, doit permettre, dans un premier temps, une prise de conscience. Mais comment fixer le niveau de bonne consommation ? L’exercice n’est pas simple du fait des objectifs : efficacité, pour ce qui est du résultat et compréhension, pour ce qui est des efforts demandés. C’est pourquoi des ajustements dans le temps seront très probablement nécessaires, notamment aussi pour étendre le dispositif aux énergies hors réseaux.

La loi aura incontestablement un intérêt pédagogique puisque chacun, au vu de sa facture, se rendra compte s’il est ou non gaspilleur d’énergie. Prenons garde toutefois à ce que les efforts demandés ne soient pas vécus comme des sanctions. Tous nos appareils, en plus de nos logements, devront devenir efficaces énergétiquement à moyen terme. Nous avons à apprendre la sobriété énergétique, sobriété qui peut très bien être heureuse et joyeuse : Un logement bien isolé est en effet beaucoup plus agréable à vivre qu’une passoire énergétique ! Avec ce texte, nous appelons à un véritable bouleversement culturel : ce sera la non-consommation, l’énergie non dépensée, les « négawatts » non utilisés, qui seront rémunérés par un bonus.

Le groupe écologiste a proposé un certain nombre d’amendements.

J’attirerai l’attention sur la question de la commission de régulation de l’énergie. Nous souhaitons tout à la fois élargir ses missions et modifier sa composition…

M. Lionel Tardy. On va en parler !

Mme Michèle Bonneton. …pour qu’elle intègre des représentants et des acteurs de l’efficacité énergétique, des énergies renouvelables et de la lutte contre la précarité énergétique.

Nous tenons aussi particulièrement à ce que le coût de l’abonnement fasse partie du dispositif proposé de bonus-malus : l’abonnement représente une part importante dans la facture. Remarquons que les petits abonnements d’électricité de trois à six kilovoltampères ont augmenté de 300 % en quatre ans ! Nous souhaitons donc un tarif proportionnel à la puissance souscrite. En encourageant les faibles puissances, nous encourageons un usage plus étalé sur vingt-quatre heures, diminuant ainsi les effets de pointe. Chacun sait que la pointe de consommation a des effets très dommageables sur notre économie et sur notre environnement.

Dans un autre domaine, celui de la distribution de l’eau, nous sommes sensibles au fait que la loi permette des expérimentations.

Notre groupe souhaite que ce texte soit l’occasion d’adopter les premières mesures urgentes pour le développement des énergies renouvelables.

Tout en étant favorable à la proposition de loi de M. le rapporteur François Brottes, je souhaite vivement que nos amendements y soient intégrés. Ce travail est un premier pas vers la transition énergétique. Le chantier qui reste à poursuivre est vaste.

Mme la présidente. La parole est à M. Razzy Hammadi.

M. Razzy Hammadi. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, depuis le début des débats, certains tentent de discuter une ambition qui n’est pas celle du texte…

Mme Marie-Louise Fort. Il n’en a aucune !

M. Razzy Hammadi. …d’autres d’ignorer volontairement ce qu’est son objectif premier.

Nul n’ignore la complexité du sujet auquel nous sommes confrontés. Nul – et surtout pas celui qui est le porteur de cette proposition, le président de notre commission, François Brottes, que je salue – ne prétend qu’il existe une solution miracle, ou que ce seul texte va répondre à tout : responsabilité, urgence de la situation, exigence de justice sociale en matière tarifaire, nécessaire évolution des comportements.

M. Lionel Tardy. On est là pour faire la loi, pas du bla-bla !

M. Razzy Hammadi. Nul ici n’ignore que ce n’est pas un seul texte – ce qui est rappelé tout au long de cette proposition – que nous pourrons faire évoluer notre pays sur la voie d’une consommation énergétique responsable et évidemment respectueuse de la justice sociale.

M. Lionel Tardy. Tout le monde l’a dit !

M. Razzy Hammadi. Ce dont il est question ici, mes chers collègues, c’est une certaine forme de révolution idéologique dans la manière dont nous abordons l’urgence des problèmes posés par un monde aux limites et aux ressources finies…

M. Patrick Ollier. C’est la révolution du bla-bla !

M. Razzy Hammadi. …alors que le niveau des consommations, lourdement chargées par une évolution des tarifs qui plonge le plus grand nombre dans la précarité énergétique, exige dès à présent des réponses concrètes.

Quel est l’objet de la tarification progressive, de l’instauration d’un bonus-malus ? Effectivement, cher ami et collègue André Chassaigne, en effet, nous avons eu l’égalité ; et ce texte garantit l’héritage du Conseil National de la Résistance, en renforçant les tarifs réglementés, en sanctuarisant les tarifs sociaux et les élargissant à 8 millions de personnes – 4 millions de ménages – alors que nombre d’entre elles connaissent à peine leur existence dans la jungle administrative et ne peuvent faire vivre leurs droits.

Malheureusement, nous savons aussi qu’en raison de l’uniformité des règles, que les comportements soient vertueux ou non, il n’y a pas d’équité. Eu égard à la rareté des ressources, ce n’est pas normal. C’est pourquoi, dans ce texte, nous ne nous interdisons pas non plus de réfléchir à la question de la progressivité des tarifs de l’eau. Il n’est pas normal que dans une famille pauvre, le premier mégawatt coûte le même prix que le dernier mégawatt dans une famille riche – celui qui sert à chauffer la piscine.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Très bien !

M. Razzy Hammadi. Il n’est pas normal que, dans son petit appartement, la famille pauvre paie le premier litre d’eau qui sert à laver son enfant au même prix que le dernier litre payé par la famille riche pour remplir sa piscine.

M. Henri Jibrayel et M. Pascal Deguilhem. Très bien !

M. Razzy Hammadi. C’est ce que les socialistes disent ; c’est ce que nous voulons porter ; c’est une forme de social-écologie. Comment concilier l’impératif écologique, la contrainte énergétique, la dimension collective d’une évolution de la société…

M. Lionel Tardy. On fait la loi, pas du bla-bla !

M. Razzy Hammadi. …la prise en compte des comportements individuels et l’impératif économique, tarifaire, de structure et de système ?

C’est avec humilité que nous avons abordé ces questions.

M. André Chassaigne. Il faudra l’expliquer aux associations !

M. Razzy Hammadi. Ce texte, nous l’expliquerons aux associations comme aux personnes âgées, qui sont dotées de la même intelligence pour comprendre les impératifs auxquels nous sommes confrontés.

Mes chers amis, nous avons dit quelque chose de nouveau dans la manière d’aborder ces questions. Nous affichons une philosophie, nous posons un principe. Il y a la place pour le droit réglementaire comme pour la concertation avec les associations.

M. André Chassaigne. Quand on leur impose les choses, ce n’est pas de la concertation !

M. Razzy Hammadi. Il y a l’élargissement des périmètres, notamment en direction des PME ; il y a la volonté d’un diagnostic continu et la mise en place d’opérateurs qui auront à assurer un service public de la performance énergétique dont nous posons le concept et la philosophie dans ce texte.

Nous envisageons toutes les pistes qui restent à construire ensemble et vous êtes tous les bienvenus pour ce faire, car sur cette question-là, il ne doit pas y avoir de postures caricaturales. Nous aurions pu faire un énième chèque, une énième défiscalisation…

M. Lionel Tardy. C’est encore pire !

M. Razzy Hammadi. …avec les limites en termes d’efficacité que notre ministre vient de souligner.

S’agissant de cet enjeu très important, mes chers amis, tous ensemble, gauche comme droite, nous devons préférer la justice des bonnes règles à la charité des bonnes âmes. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. Lionel Tardy. Impressionnant ! Quel bla-bla consternant !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Guillet.

M. Jean-Jacques Guillet. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, en entendant M. Hammadi à l’instant, je me disais : quel talent !

M. Lionel Tardy. Un talent d’apparatchik !

M. Jean-Jacques Guillet. Que c’est beau ! Quel idéal vous faites passer !

Cela étant, comme M. Chassaigne le disait tout à l’heure dans un style rappelant les formules de notre ancien collègue Jean-Pierre Brard – qui l’aurait dit en latin : l’enfer est pavé de bonnes intentions.

Des bonnes intentions, vous en avez, c’est incontestable ! Elles sont louables dans une certaine mesure : nous sommes confrontés à un évident problème de précarité énergétique. Cependant, votre proposition ne résout rien. Au contraire, elle ajoute au problème réel de la précarité énergétique, en raison de la complexité, des approches sociale et écologique faussées, et risque au bout du compte de produire de graves effets pervers.

Voyons d’abord l’approche sociale que vous mettez en exergue. Chacun s’accorde à estimer que le premier enjeu auquel nous sommes confrontés est celui de l’efficacité énergétique. Or ce problème, vous le remettez à plus tard. Je ne dirai pas que vous le renvoyez aux calendes – encore moins aux calendes grecques – mais, pour le moment, rien n’est réellement établi en la matière : vous ne nous dites rien de vos intentions. Je ne dis pas qu’elles n’existent pas, puisque le Président de la République s’est engagé à faire quelque chose dans le domaine de la rénovation thermique du bâtiment, ce qui est effectivement indispensable. Nous avons d’ailleurs commencé à œuvrer dans ce domaine, dans le cadre du Grenelle de l’environnement. C’est un idéal, un objectif que nous partageons.

Pourtant votre texte n’aborde nullement de front le problème des passoires énergétiques évoquées précédemment : leurs occupants soit âgés, soit appartenant aux catégories les plus défavorisées risquent d’être durablement installés dans une fracture thermique et plongés dans des contentieux insolubles.

Avec le malus, vous évoquez la nécessité d’une démarche pédagogique. Bien sûr, il faut une démarche pédagogique de façon générale pour changer le comportement des consommateurs ; il faut un peu plus que cela, mais il faut commencer par là. La feuille de route du Gouvernement pour la transition écologique que vous avez établie, madame la ministre, note avec bon sens que « le signal-prix destiné à faire évoluer les comportements doit être clair, lisible sur le moyen terme, compréhensible par tous. »

M. Lionel Tardy. Eh oui !

M. Jean-Jacques Guillet. Croyez-vous, monsieur le rapporteur, qu’une ligne de malus sur une facture de plus en plus illisible fera comprendre quoi que ce soit à un consommateur qui, bien souvent, hélas ! sera dans l’incapacité de procéder à des travaux d’isolation ou de s’équiper d’appareils haut de gamme ? On peut en douter.

Voyons ensuite votre approche écologique. Le signal-prix évoqué à l’instant, fondamental, doit d’abord résoudre le problème de la pointe en ce qui concerne l’électricité, vous le savez très bien, monsieur le rapporteur. Ce problème a été examiné avec précision dans deux rapports successifs : le rapport Sido, demandé par le gouvernement précédent, est particulièrement précis ; le rapport, plus récent, du sénateur écologiste Desessard. Selon ce dernier, le financement de la transition vers un nouveau modèle décentralisé privilégiant sécurité et efficacité énergétique doit passer par une politique de vérité des coûts et donc des prix.

La structure tarifaire actuelle, même si elle est imparfaite à certains égards, donne néanmoins un signal-prix clair et lisible. Elle distingue heures creuses et heures pleines.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Faux !

M. Jean-Jacques Guillet. Elle incite à une moindre consommation aux heures de pointe. Et le problème est là : ce signal-prix, vous le brouillez complètement par le système de rabais et de majorations a priori déconnecté de la vérité du prix de l’électricité.

Tout le monde s’accorde à estimer qu’il n’y a aucune raison de penser que la tranche la plus élevée de la consommation correspond à celle des heures de pointe. C’est au contraire souvent la première tranche, celle des catégories les moins favorisées, et ses usages captifs – éclairage et électroménager – qui coïncide avec la pointe, comme l’a fait remarquer M. Chassaigne.

De surcroît, en ne prenant en compte que les applications thermiques de l’électricité, qui ne représentent que 40 % de la consommation, alors que ce sont les autres usages qui connaissent une forte croissance, vous aggraverez le problème de la pointe alors qu’il est essentiel.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Faux !

M. Jean-Jacques Guillet. Vous aurez tout loisir de me répondre.

Je suis au moins rassuré sur un point : la complexité du dispositif que vous proposez va le rendre rigoureusement inapplicable et, au fond, c’est une bonne chose. La quête de l’égalité des Français devant le mégawattheure que vous revendiquez suppose la collecte des données personnelles de 30 millions de foyers.

Cet exercice requerra la prise en compte de bien d’autres critères que ceux prévus dont nous parlerons lors de la discussion des amendements : date de construction du logement, nature du logement, etc.

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le député.

M. Jean-Jacques Guillet. J’en termine, madame la présidente.

Où a-t-on froid ? Qui a froid ? L’absence de réponse satisfaisante à ces deux questions ouvrira la voie à d’incessantes revendications et à d’innombrables contentieux. Je souhaite bien du plaisir aux rédacteurs des décrets d’application. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Barbier.

M. Frédéric Barbier. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, s’il est une politique que l’on invoque depuis des années sans que rien – ou si peu – ne change, c’est bien celle de l’énergie.

Il est vrai que le sujet est complexe : hausse continue des prix de l’énergie, tensions sur le marché des hydrocarbures, accroissement annoncé des coûts du nucléaire, augmentation du nombre de ménages souffrant de précarité énergétique, et bien sûr urgence écologique.

Mais, dans cette majorité, nous considérons que ce n’est pas parce qu’un sujet est complexe qu’il ne faut pas s’y attaquer car les enjeux sont considérables : économiques, écologiques, sociaux. La politique énergétique impacte notre compétitivité, notre balance commerciale, notre économie, nos industries, nos emplois. Elle impacte l’air que nous respirons, la qualité de l’eau que nous consommons, nos modes de transport, le confort de nos logements. Elle impacte notre avenir, l’avenir de nos enfants et de nos petits-enfants.

Avec ce texte, nous proposons un dispositif qui répond à tous ces défis. C’est le quarante-deuxième engagement de campagne du président François Hollande : la tarification progressive de l’énergie est un apport majeur à la transition énergétique que nous souhaitons fermement mettre en œuvre.

Le prix du gaz a doublé depuis 2000 ; on prévoit une augmentation de 30 % des prix de l’électricité à court terme ; la difficulté des Français à payer leurs factures est toujours plus grande. L’énergie est plus chère car elle est consommée dans des quantités croissantes.

Face à cette situation, nous observons différents types de consommateurs. Ceux qui, par conscience écologique ou raisons économiques, font attention à leur consommation. Je pense à ces milliers de Français qui chauffent juste ce qui est nécessaire en hiver, achètent durable et sont attentifs aux heures de pointe. Je pense aussi à ceux qui ont fait l’effort d’investir dans les énergies renouvelables. Ces citoyens méritent d’être récompensés et encouragés.

Ceux qui, au contraire, consomment de manière excessive, parfois gaspillent, doivent être incités à faire des efforts. Grâce à cette facturation, celui qui fait l’effort de consommer moins et mieux paie moins.

Le bonus-malus fera l’objet d’une mention claire et distincte sur la facture. Chaque foyer pourra donc voir si sa consommation est économe ou excessive. Les montants seront relativement symboliques au départ, car le but de la démarche n’est pas de sanctionner mais bien de sensibiliser le consommateur. Quand le système sera assimilé, les montants pourront devenir plus importants, de manière à en accroître l’effet incitatif. L’instauration d’une norme va permettre de rappeler à chaque citoyen qu’il doit être vigilant.

À terme, l’impact économique de ce dispositif est considérable. Le développement des énergies renouvelables et la massification des travaux d’isolation des logements sont générateurs de croissance et d’emploi. La modération des coûts de l’énergie aura un impact non négligeable sur les coûts de production des entreprises et sur le pouvoir d’achat des ménages.

D’un point de vue écologique, l’équation est simple : moins on consomme, moins on produit ; mieux on produit, moins on pollue. Par ailleurs, nous posons ici la première pierre avec les énergies de réseau et l’esprit du texte est clairement d’aboutir à un système englobant toutes les énergies.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Exact !

M. Frédéric Barbier. Nous n’oublions pas, bien sûr, les millions de Français pour lesquels se chauffer est un luxe. Notre objectif est aussi de lutter contre la précarité énergétique : aujourd’hui 600 000 foyers bénéficient de tarifs sociaux de l’énergie ; demain ils seront 4 millions.

La trêve hivernale sera généralisée et le système de bonus-malus comportera un barème social afin que les locataires vivant dans ce qu’on appelle des « passoires énergétiques » ne soient pas pénalisés.

J’aimerais insister sur un dernier aspect de ce texte : la concertation et la pédagogie. Le présent dispositif intègre et met en synergie tous les protagonistes. Fournisseur d’énergie, gestionnaire de réseau, consommateur, propriétaire bailleur, organisme logeur public ou privé, commission de régulation de l’énergie, association de consommateurs, médiateur de l’énergie, artisan électricien ou thermicien, tous, à un moment ou un autre de la chaîne, seront sollicités pour développer des solutions moins énergivores.

La commission de régulation de l’énergie est renforcée. Son collège comprendra de nouveaux membres, dont un représentant de la CNIL et un représentant des consommateurs non professionnels. Elle aura désormais un pouvoir de sanction et il lui appartiendra de proposer le niveau de bonus-malus au ministre concerné. Cela permettra de faire évoluer les montants au fil des années, pour qu’ils soient préventifs avant de devenir pénalisants. Chaque utilisateur pourra ainsi progressivement améliorer son système de production de chaleur ou l’isolation thermique de son habitation, ou modifier ses comportements. Car notre démarche se veut pédagogique et incitative.

C’est aussi dans cet esprit qu’un service public de la performance énergétique de l’habitat sera créé. Il aura pour mission d’accompagner les ménages dans ces différentes améliorations. Un service sera également mis à la disposition des consommateurs souhaitant vérifier que le volume de base attribué à leur résidence correspond bien à leur situation.

Il faut changer les habitudes des Français. Ces mesures d’accompagnement sont là pour les y aider. Car il faut être clair : sans évolution des comportements, notre politique énergétique restera ce qu’elle a trop longtemps été, une coquille vide.

Une nouvelle ère commence dans le domaine de l’énergie. Celle de la sobriété, de la responsabilité, de l’équité, de la pédagogie et de l’audace (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi de notre éminent président François Brottes instaure une tarification progressive de l’énergie – même si son titre a été enjolivé, comme pourrait le dire Jean-Frédéric Poisson, pour en faire une proposition de loi visant à préparer la transition vers un système énergétique sobre…

Avec ce texte, la majorité illustre une fois de plus la démagogie dont elle est experte : faire croire aux Français que les méchants, qui consomment trop, doivent payer plus pour que les gentils économes payent moins !

Mais qui sont donc ces mauvais citoyens qui consomment trop d’énergie ? Ceux qui vivent dans des logements vétustes et qui n’ont pas les moyens de faire des travaux d’isolation !

Plusieurs députés du groupe UMP. Évidemment !

M. Dino Cinieri. Les locataires qui ne pourront pas exiger de leur propriétaire qu’il change des fenêtres qui laissent passer l’air, parce qu’ils sont déjà bien contents d’avoir trouvé un logement !

Plusieurs députés du groupe UMP. Évidemment !

M. Dino Cinieri. On peut d’ailleurs aussi redouter une hausse des loyers, les propriétaires voulant répercuter les frais engagés – car vous raboterez aussi les niches fiscales dans quelques semaines !

Il y a aussi ceux qui, comme les habitants de ma circonscription, vivent dans des régions de montagne où l’hiver est particulièrement rude. Les familles nombreuses, qui font tourner les machines à laver plusieurs fois par jour, devront-elles renoncer au linge propre pour ne pas payer de malus ? Est-ce du gaspillage de faire trois lessives dans la journée parce que les enfants ont été malades et qu’on doit laver les draps de toute la famille ?

Sans oublier les personnes isolées, nombreuses dans nos campagnes, qui n’ont d’autre compagnon que leur poste de télévision. Vous décidez, chers collègues de la majorité, que regarder plus de quatre heures par jour la télévision n’est pas une consommation raisonnable. Qu’allons-nous dire à nos seniors ? Que lire est plus écologique et que désormais, ils devront se contenter du journal télévisé de 20 heures ?

La consommation de base que vous prévoyez prendra-t-elle en compte la consommation d’un gros congélateur, indispensable pour tous ceux qui vivent loin des zones commerciales ou qui entretiennent jardins et clapiers ?

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Là, cela tourne à la pièce de théâtre !

M. Dino Cinieri. Je suis tout à fait favorable à des actions de sensibilisation pour que les Français pensent à éteindre la lumière des pièces inoccupées et ne laissent pas téléviseurs, ordinateurs et autres objets high-tech en permanence en veille. Il faut en effet penser aux générations futures et laisser à nos petits-enfants une planète la plus propre possible. Mais cette initiative parlementaire pour le moins hasardeuse ne va pas dans ce sens. Vous n’incitez pas à la vertu, vous imposez de manière arbitraire un mode de vie.

Concernant l’application du malus, vous vous cachez derrière des éléments de pondération : pour chaque ménage, le nombre de personnes, la zone climatique et le mode de chauffage seraient pris en compte.

Mais ces trois éléments sont aléatoires. Le nombre de personnes dans un foyer évolue au fil de l’année : vacances scolaires, ponts, accueil d’amis ou de membres de la famille pour des périodes plus ou moins longues… Le temps varie d’une année à l’autre, et il fait parfois plus froid dans le sud que dans le nord : c’est ce qu’on appelle, à juste titre, les aléas climatiques ! Et le mode de chauffage est compliqué à définir, dans les zones rurales notamment, où l’on se chausse bien souvent en partie au bois justement pour faire des économies. Quand il vient à manquer, il faut utiliser davantage les convecteurs et les radiateurs à bain d’huile ; et là, le malus tombe comme un couperet.

Autre problème : dans les immeubles collectifs, il arrive souvent que des personnes âgées ou des familles avec des enfants en bas âge qui demandent, exigent parfois de la copropriété, que le chauffage fonctionne plus tôt ou plus tard que la normale.

M. Lionel Tardy. Ils vont se faire lyncher !

M. Dino Cinieri. Tous les copropriétaires et locataires seront donc passibles de malus ; ou alors les plus fragiles devront-ils renoncer à une chaleur indispensable pour leur santé, mais que d’autres considéreront comme du confort ?

Vous dites que ce dispositif n’impactera pas les plus modestes, grâce à l’augmentation du nombre de bénéficiaires des tarifs sociaux et à la généralisation de la trêve hivernale. Je rappelle au passage que c’est nous qui avons mis en place l’attribution automatique du tarif social à tous les ménages éligibles.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Non, pas mis en place !

M. Dino Cinieri. Par méconnaissance, tous les ménages éligibles aux tarifs sociaux ne demandent pas à en bénéficier. C’est également nous qui avons créé le tarif social du gaz en 2008.

M. Patrick Ollier. C’est vrai ! Il me souvient que M. Brottes s’y était associé. Mais c'est bien nous !

M. Dino Cinieri. Mais, madame la ministre, que répondrez-vous aux classes moyennes qui demandent pourquoi elles doivent se résoudre à payer leur électricité à un prix exorbitant dans tous les cas que je viens d’exposer ?

Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas ce texte qui porte atteinte aux libertés individuelles et qui est par ailleurs impossible à mettre en œuvre (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Clotilde Valter.

Mme Clotilde Valter. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je me félicite du débat très important qu’ouvre cette proposition de loi, qui marque une vraie rupture et constitue pour nous un symbole fort.

Une rupture, parce qu’avec ce texte, nous apportons une première réponse à la crise profonde que nous traversons, qui n’est pas seulement économique, sociale et financière mais aussi environnementale. Face à cette crise globale, c’est une rupture que nous voulons, une rupture nécessaire pour changer en profondeur notre modèle de croissance et pour nous engager dans le processus de sobriété énergétique qui est un des éléments de la transition énergétique voulue par le Président de la République.

Un symbole fort ensuite, car cette réforme se fait dans la justice et redonne du pouvoir d’achat aux plus modestes.

Cette proposition de loi est d’abord une mesure de justice sociale : il s’agit de faire reculer la précarité énergétique. Il est urgent d’enrayer ce phénomène qui touche de façon croissante les ménages les plus modestes. Ce sont eux les premières victimes de l’augmentation du prix de l’énergie, qui pèse sur leur pouvoir d’achat. Ce sont eux qui vivent dans les 4 millions de logements les plus consommateurs, qu’on appelle les « passoires thermiques ». L’état de leur logement les contraint à dépenser plus qu’ils ne devraient. Le mal logement devient alors une double peine puisqu’à l’inconfort s’ajoutent des charges de plus en plus lourdes.

Le texte qui vous est proposé répond à cette situation et renforce la lutte contre la précarité énergétique avec deux mesures. D’abord, en portant le nombre des ménages bénéficiaires des tarifs sociaux de 600 000 à 4 millions, ce qui est considérable. Ensuite, en généralisant l’interdiction de couper l’électricité, le gaz et la chaleur pendant les mois d’hiver.

Cette proposition de loi entend également favoriser la maîtrise de la consommation d’énergie. Il s’agit de consommer mieux pour consommer moins, en rémunérant les économies d’énergie. Le texte crée un dispositif novateur de bonus-malus où les comportements vertueux sont récompensés par des factures moindres et les comportements peu responsables pénalisés par des tarifs plus élevés. Ce mécanisme pédagogique est susceptible de modifier les comportements dans la durée. Enfin, des mesures incitatives vont permettre la réalisation de programmes de travaux indispensables pour maîtriser notre consommation d’énergie.

Cette proposition de loi n’est pourtant qu’une étape, puisqu’elle ne concerne que l’électricité, le gaz et la chaleur, c’est-à-dire les énergies de réseaux. On voit bien la logique, celle de la sobriété énergétique, de la maîtrise de la consommation des ressources rares. On voit bien que cette logique est appelée à s’étendre au-delà de l’énergie à d’autres ressources rares, par exemple l’eau : il faudrait pouvoir permettre aux collectivités locales qui le souhaitent de mettre en place un bonus-malus écologique et social pour l’eau.

On voit aussi que la transition écologique ne peut pas se concevoir sans les énergies renouvelables. La France dispose de la première forêt d’Europe occidentale et d’un fort potentiel hydraulique, éolien et géothermique. Elle est le second producteur et le second consommateur d’énergies renouvelables en Europe. Il m’apparaît donc essentiel, et je sais l’importance qu’y accordent également mon collègue Dominique Potier et d’autres au sein de cette assemblée, d’envoyer des signaux positifs aux filières d’énergies renouvelables afin de faire comprendre que ce sont des filières d’avenir.

Prenons l’exemple du bois. De nombreux ménages modestes se chauffent au bois. Je me félicite que la nouvelle tarification pour les énergies de réseaux soit complémentaire de l’utilisation d’autres sources d’énergie. Ceux de nos concitoyens qui utilisent des énergies renouvelables font un effort pour la planète, puisqu’ils produisent eux-mêmes une partie de leur énergie. Cette production, qui ne sera pas prise en compte dans les calculs, constitue donc un bonus et par conséquent ces ménages auront intérêt à continuer dans cette voie.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Très bien !

Mme Clotilde Valter. Il n’en reste pas moins que l’économie d’énergie est l’énergie la plus renouvelable, le processus le plus vertueux. À ce titre, elle doit être prioritaire.

Le présent texte est le premier d’une série. C’est un signal lancé à nos concitoyens pour les inciter à des comportements plus sobres et plus responsables, à des actions individuelles menant à une grande avancée collective. La loi sur la transition énergétique en 2013, la réforme de la fiscalité et la mobilisation de la Banque publique d’investissement sur la conversion écologique de notre système économique compléteront progressivement le processus engagé aujourd’hui (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? Ce pourrait être le sous-titre de cette proposition de loi si alambiquée, dont la mise en œuvre sera si difficile. Au moins tire-t-on d’un alambic la quintessence du fruit, autrement dit l’eau-de-vie…

Que vise donc cette proposition ? Les économies d’énergie et la réduction de la précarité énergétique. Les finalités sont nobles, nous ne pouvons qu’y souscrire. Mais enfin, la définition du volume de référence par foyer, quels qu’en soient les critères, signe tout simplement une dérive philosophique, un glissement des valeurs.

Si chacun d’entre nous doit être conscient de son interaction sur la société, comment peut-il se voir imposer un prix de l’énergie en fonction d’un volume qu’il ne devrait pas dépasser ?

Vous n’avez donc aucune confiance dans les individus ou les foyers. Nous n’imposons pas, nous incitons, me direz-vous. Certes, mais c’est comme cela qu’on commence et, petit à petit, on glisse, on glisse, et vers quoi ? Vers le collectivisme, tout simplement ! (Sourires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alain Marc. Vous souriez, mais c’est ainsi que cela arrive !

M. Dino Cinieri. Absolument !

M. Alain Marc. Ne croyez-vous pas que le prix de l’énergie, de plus en plus élevé, incite les gens à moins consommer et à mieux isoler ? Je vous en prie, mesdames et messieurs les gens de gauche, faites confiance, enfin, aux individus et aux foyers !

Prenons quelques-unes de ces aberrations.

Tous les propriétaires de logement ne sont pas des riches. Prenons l’exemple d’une personne qui hérite d’un vieil appartement dans un immeuble collectif et qui le met en location. Les locataires se voient attribuer une référence, qu’ils dépassent allègrement. Selon le texte de votre proposition de loi, le locataire pourra diminuer son loyer du montant du malus résultant du dépassement de la référence. Qui va s’assurer que ce malus est lié à une utilisation irraisonnée du chauffage ou à une mauvaise isolation ?

M. Razzy Hammadi. C’est prévu !

M. Alain Marc. Créerez-vous un corps de fonctionnaires supplémentaire pour contrôler cela, et ce dans un moment où l’on devrait contenir la dépense publique ? Bien sûr, je connais des professions qui vont proliférer : toutes celles qui profiteront des divers contentieux qui naîtront de cette loi incroyable.

Mme Clotilde Valter. N’importe quoi !

M. Alain Marc. Je ne sais s’il s’en trouve dans cet hémicycle mais, mesdames et messieurs les avocats, vous ne manquerez pas de travail : Ubu n’est pas loin !

J’en viens à la précarité énergétique. Pourquoi ce système aussi complexe de bonus-malus pour des sommes qui, aux dires du président de la commission des affaires économiques, se situeront autour de 15 à 30 euros supplémentaires ? Tout ça pour ça ?

Nous sommes d’accord avec vous : en cette période de crise, chacun doit pouvoir se chauffer convenablement, même quand ceux qui n’ont qu’un très faible revenu.

Permettez-moi cependant un raisonnement par l’absurde. Si le malus n’est pas suffisamment dissuasif, si je m’en tiens aux montants que le président Brottes a évoqués en commission, nous ne réglerons pas le problème des nécessaires économies d’énergie.

Mais supposons que tout le monde soit vertueux. Il n’y aura dans ce cas pas de malus. Comment obtiendrons-nous alors les sommes censées bénéficier à un plus grand nombre de « précaires énergétiques », ou à ceux que vous qualifierez peut-être un jour de « vertueux énergétiques » ? Pour avoir de l’argent, vous serez obligés de modifier les critères de façon à requalifier des logements jusqu’alors considérés comme convenables en passoires énergétiques… Parce qu’il faudra bien trouver l’argent quelque part !

Pour dire vrai, je crains que la complexité de la procédure ne permette pas de parvenir à ce que vous souhaitez. Pire, dans certains cas, vous aggravez la situation sociale des petits propriétaires âgés, ou des familles avec de jeunes enfants, qui n’ont pas les mêmes besoins énergétiques. Je pourrais citer toute une série de cas très divers, mais mes collègues en ont déjà évoqué un bon nombre.

En fait, cette proposition de loi n’apportera rien en termes d’économie d’énergie. Elle n’atteindra pas son but initial ni son but social, la réduction de la précarité énergétique. Pire, dans certains cas, elle aggravera la situation sociale de certains foyers. Enfin, elle est si complexe que la voter serait un non-sens. Si j’osais, je dirais qu’elle est une insulte au bon sens, mais notre rapporteur est bien trop intelligent pour ne pas en être conscient.

Je ne la voterai donc pas. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, « les défis ne se divisent pas… Ils doivent être affrontés et surmontés ensemble… La crise écologique ce n’est pas une crise de plus, elle est dans la crise globale qui se décline sur tous les terrains […] : économique, social, sanitaire ».

La déclaration du Président de la République à la Conférence Environnementale au Palais d’Iéna, exprime avec force ce qui nous anime.

Cette philosophie politique doit beaucoup à Nicholas Stern. En 2006, son rapport, en faisant du climat un enjeu économique, provoque un changement de paradigme.

« La répartition des efforts entre les générations, dit-il, apparaît clairement lorsqu’on envisage des actions fortes […] au profit des générations futures. Mais la question de la répartition des actions au sein d’une même génération est tout aussi importante. Il y a en effet deux grandes inégalités […] : les pays riches sont à l’origine du problème […] mais ce sont les pays en voie de développement qui seront touchés à la fois les premiers et le plus fortement. »

Si le diagnostic est sans appel – pic pétrolier, limites du fissile –, la nouveauté réside dans les solutions alternatives présentées comme de bons investissements dont le retard serait préjudiciable à la croissance même de nos économies. Pour Nicholas Stern, l’effort auquel nous renoncerions aujourd’hui coûterait le double demain.

Aujourd’hui, les pays européens partagent une même vision de l’énergie comme bien rare et bien commun. Ils savent que, pour sortir de la crise par le haut, l’innovation dans la croissance verte et la coopération sont les clés du futur.

L’horizon, nous le connaissons, c’est celui d’une économie décarbonée. Les jalons pour y parvenir sont fixés par les accords de Doha : tenir, pour 2020, la promesse des « trois fois vingt ». Un horizon, des jalons ; reste à faire les premiers pas, dans l’esprit du Grenelle mais avec des méthodes renouvelées, pour l’efficacité de la production et du transport de l’énergie, pour la diversité du mix énergétique, avec une part croissante des énergies renouvelables, avec une sobriété sans laquelle les deux premiers leviers seraient vains.

L’économie, au sens étymologique, c’est la gestion de la maison. Le texte qui nous rassemble aujourd’hui nous indique les règles utiles à respecter pour qu’une maison soit bien gérée, c’est-à-dire économe.

Pour produire des « négawatts », cette proposition de loi abat trois atouts, elle présente trois qualités.

Premièrement, elle est juste. Chacun disposera d’un volume d’énergie à un tarif de base en fonction de sa réalité du moment. Cette prise en compte des besoins plus que des moyens est bien dans l’esprit du Conseil national de la Résistance, esprit qui fait des biens et services publics le capital de ceux qui n’en n’ont pas.

Oui, cette proposition de loi est juste et protectrice, car elle lutte contre la précarité énergétique qui touche près d’un Français sur cinq. Les personnes qui se trouvent dans cette situation deviennent bénéficiaires des tarifs sociaux de l’énergie. Dans le même souci des plus fragiles, la trêve hivernale sera étendue. La loi suggère par ailleurs un pacte vertueux entre propriétaires et locataires.

Pour apprécier ces mesures, rappelons-nous que, pour les 20 % des ménages les plus modestes, la facture de l’énergie est deux fois et demie plus importante que celle des 20 % des ménages les plus favorisés.

Deuxième qualité, cette proposition de loi mise sur l’effort. Naturellement, et dans tous les domaines, l’effort doit être d’abord celui des catégories privilégiées, mais il serait méprisant d’exclure de cette dynamique une partie des Français.

Il s’agit de ne plus envisager les catégories populaires comme des personnes en marge, qui ont besoin d’assistance, mais comme des acteurs sociaux qui doivent participer à un projet d’ensemble. Il s’agit de valoriser et d’accompagner la « capabilité », pour reprendre la notion définie par Amartya Sen, la capabilité, ici, à produire son bois de chauffage, là, à isoler ses combles, et, partout, à prendre de bonnes habitudes.

Au cours de ce débat, un certain nombre de critiques ont visé la tarification incitative pour les déchets. Or, même si c’était dans le cadre d’expérimentations marginales, celle-ci a prouvé qu’elle était performante dans de multiples géographies sociales.

Dernière qualité, cette proposition de loi invite chacun à discerner l’essentiel du superflu, voire du superficiel.

Permettez-moi de croire que cette dernière qualité n’est pas la moindre. Nous sommes invités, pour citer Gandhi, à « vivre simplement pour que d’autres, simplement, puissent vivre ».

Au-delà des économies réalisées, de l’acquis social et d’une pollution réduite, au-delà même de l’extension du champ de ce dispositif à d’autres services, comme l’eau, faisons aujourd’hui le pari que cette initiative parlementaire s’inscrit dans un mouvement de fond, dans un mouvement profond.

Nos sociétés sont fatiguées de l’austérité mais elles manifestent aussi une lassitude du gaspillage, une lassitude d’un consumérisme sans fin. Ici et là, s’exprime le désir de consommer et de produire autrement, de vivre mieux, de redonner du sens et des valeurs à nos vies.

Non, cette loi n’est pas l’alpha et l’oméga de la transition énergétique. Celle-ci s’appuiera, en 2013, sur des piliers structurants, avec notamment un programme sans équivalent de rénovation du bâti, lequel représente la moitié de l’énergie consommée sur notre territoire et un quart des émissions de gaz à effet de serre. À moyen terme, elle passe par un urbanisme et une mobilité durable.

Mais soyons convaincus, mes chers collègues, qu’il n’y aura pas de nouveau modèle de développement qui ne s’appuie dès maintenant, sur ce qu’Elena Lasida appelle un autre style de vie.

Pour nos concitoyens, soucieux de la fin du monde ou de la fin du mois, cette proposition de loi sociale et écologique est, aujourd’hui, par sa nature même, un signal positif. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Ce débat fut l’occasion de nombreuses interpellations. Et pas seulement des caricatures : beaucoup de vraies questions ont été posées, sur tous les bancs.

Monsieur Baupin, je vous remercie de votre soutien. Vous avez eu raison de préciser que ce texte posait la première pierre du chantier, immense, de la transition énergétique. Ce texte est le premier, il y en aura d’autres. Ceux qui veulent aujourd’hui des réponses à toutes les questions dès aujourd’hui ont tort de négliger la phase de concertation lancée, avec la conférence environnementale, autour de Mme Batho et du Premier ministre. À l’issue de quelque dix mois de réflexion, les réponses complémentaires que vous attendez avec impatience vous seront données. En attendant, modestement, humblement, le texte que nous examinons ne fait que poser un cadre, afin que nous ayons un signal clair sur la situation dans laquelle se trouvent certains ménages compte tenu du montant de leurs dépenses énergétiques.

Monsieur Krabal, vous avez évoqué le zonage. J’ai eu le sentiment en vous écoutant que vous trouviez la situation actuelle extrêmement juste. Permettez-moi seulement un petit rappel : si tout le monde est aujourd’hui logé à la même enseigne, tout le monde n’est pas logé dans le même climat.

On nous explique aussi que la montagne c’est différent de la plaine ; cela ne m’avait pas échappé. Que le Nord, ce n’est pas la même chose que le Midi ; cela non plus ne m’avait pas échappé. Je rappelle seulement aux collègues qui ont voulu se livrer à ce genre d’effets que, pour l’heure, ces disparités ne sont aucunement prises en compte. C’est donc bien que nous sommes dans une situation parfaitement inéquitable.

M. Martial Saddier. Il n’y a pas de malus !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Si, il y en a un : lorsqu’il fait froid, ou lorsqu’il faut recourir à la climatisation, la facture est plus élevée ! L’attribution d’un volume de base plus important dans ces cas est donc une mesure d’équité. Malheureusement, vous ne l’avez pas compris, mais j’essaierai de vous en convaincre au fil de la discussion.

M. Marc Le Fur. On va avoir du mal à comprendre !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Pour la clarté du débat, je précise que c’est bien la commune qui sera retenue, non une zone climatique large. Je rappelle d’ailleurs à mes collègues de l’opposition que c’est eux qui ont instauré la notion de zone climatique lorsqu’ils ont inventé la réglementation thermique 2012, et une seconde fois lorsqu’ils ont retravaillé sur le tarif d’achat de l’énergie solaire. Comme c’est étrange, mes chers collègues, votre mémoire vous fait défaut dans ces moments-là ! Cela dit, monsieur Krabal, je vous remercie pour vos encouragements : si vous avez admis qu’une loi de portée générale n’est pas simple à mettre en œuvre – je vous le concède –, vous n’avez pas jugé, pour autant, qu’il était inutile de le faire.

Je vous ai écouté avec beaucoup d’attention, monsieur Chassaigne. Je vous le dis avec beaucoup de calme : je n’ai aucune leçon à recevoir en matière de défense du service public, aucune.

M. André Chassaigne. Il ne faut pas le prendre sur ce ton ! Je pourrais en faire de même !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Il m’est arrivé à plusieurs reprises, sur les bancs de cette assemblée, au nom de la gauche rassemblée, et parfois tout seul, de défendre des choses qui me sont extrêmement chères, autant qu’à vous. Vous n’avez, vous non plus, aucune leçon à recevoir en matière de défense du service public, donc, de ce point de vue, nous sommes tous les deux dans le même bateau,…

M. André Chassaigne. Avant les élections, c’était « À gauche toute » ! Après, c’est « Circulez, il n’y a rien à voir ! »

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. …qui cherche à naviguer dans une direction qui n’est pas celle que nous indique M. Fasquelle.

Quel comble, monsieur Fasquelle ! Oser parler de la défense du service public, vous qui avez prôné le démantèlement de Gaz de France et sa fusion avec Suez, vous qui avez prôné le changement de statut et de La Poste et d’EDF !

M. Daniel Fasquelle. En application de textes que vous avez votés, avec M. Jospin !

Mme la présidente. Monsieur Fasquelle, laissez parler M. le rapporteur.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Que M. Chassaigne se mette en colère, avec véhémence, soit, il est totalement cohérent. En ce qui vous concerne, monsieur Fasquelle, les choses sont quelque peu différentes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

J’ai beaucoup d’estime pour André Chassaigne. C’est un parlementaire chevronné qui sait généralement tout à fait ce qu’il dit. Je déplore qu’il s’apprête à voter contre l’élargissement du périmètre des tarifs sociaux ; 650 000 ménages sont concernés aujourd’hui, plus de 4 millions le seront demain.

M. André Chassaigne. Quelle caricature !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. C’est ce que vous avez dit, monsieur Chassaigne : vous allez voter contre le texte.

Voter contre l’instauration d’une trêve hivernale généralisée, votre contre la mise en place d’un service public de la rénovation de l’habitat, c’est vrai, cela m’interpelle, surtout dans une situation d’injustice que je n’ai pas toujours entendu dénoncer.

Ainsi, les tarifs heures pleines et heures creuses, ne sont plus accessibles à un certain nombre de nos concitoyens ; certains en disposent, d’autres qui demandent à en bénéficier n’y ont pas droit. Cela fait des mois et des années que cela dure, des mois et des années que je le dénonce dans cet hémicycle. C’est à mes yeux une inéquité majeure, que je n’ai pas entendu dénoncer sur d’autres bancs.

De même, la contribution au service public de l’électricité, à cause de laquelle EDF se retrouve avec 5 milliards d’euros de dettes, pénalise, par son montant, des ménages parmi les plus modestes et les plus isolés. Et cela n’effarouche personne !

Il y a là une vraie injustice : des cadeaux fiscaux ont été faits, au détriment des plus pauvres qui en aucun cas ne pouvaient bénéficier d’une défiscalisation en matière d’énergies renouvelables.

M. André Chassaigne. Relisez ce que disait Daniel Paul !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. La situation actuelle n’est donc pas excellente : chacun peut en convenir. La libéralisation du secteur n’y est pas pour rien, comme M. Chassaigne a eu raison de le rappeler.

Mais vous avez dit un mensonge, monsieur Chassaigne. Je veux le corriger. Vous dites que la puissance allouée aux plus pauvres sera abaissée. Non, le texte ne prévoit pas cela. Mais je ne vous en veux pas : pour des raisons qui ont déjà été évoquées, vous n’avez pu participer au travail en commission. J’en prends la responsabilité. Vous teniez à ce moment-là vos journées parlementaires : je ne vous fais donc pas de procès. Mais j’avais eu l’occasion de clarifier les choses lors des travaux en commission.

L’abaissement de la puissance concernant la trêve hivernale généralisée ne concerne et en aucun cas les 4 millions de ménages bénéficiaires des tarifs sociaux. Permettez-moi de corriger au moins ce point.

M. André Chassaigne. Et en cas de coupure ?

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Non, cela ne concernera que les ménages non éligibles aux tarifs sociaux, dont un certain nombre pourraient profiter de la trêve hivernale pour forcer en quelque sorte leur fournisseur à leur faire crédit, alors qu’en réalité ils ne sont pas démunis.

Un contact est prévu entre l’agent chargé de la distribution d’électricité et les ménages en question, pour évoquer un abaissement de puissance, ce qui permettra de reconnaître ou non la bonne foi des personnes mises en cause. En aucun cas, la trêve de coupure concernant les ménages éligibles aux tarifs sociaux n’intègre une dimension de puissance. Je tenais à rétablir la vérité sur ce point.

M. André Chassaigne. J’en prends acte.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Avec ce dispositif, nous changeons de système. Jusqu’alors, nous avions un tarif moyen. L’électricité coûte très cher en heure de pointe, mais le tarif donné est une moyenne. Les consommateurs moyens sont très fortement pénalisés parce que le tarif moyen de l’électricité monte sans cesse. C’est vrai aussi pour le gaz.

Les opérateurs ne sont pas les plus acharnés à défendre ce texte, ce qui ne vous aura pas échappé. Et pour cause : consommer moins, ça change de consommer toujours plus, évidemment ! Ça change de produire toujours plus !

Qu’est-ce que la libéralisation du marché de l’énergie a entraîné ? Plus de consommation pour plus de production ! Or nous souhaitons promouvoir une démarche de sobriété, un changement de modèle qui va effectivement, d’une certaine manière, casser le marché. Je regrette, monsieur Chassaigne, que vous n’ayez pas compris que la logique de ce texte est justement de casser la logique du marché de l’énergie, telle que sa libéralisation nous l’a imposée. Je ne désespère pas de vous convaincre d’ici la fin du débat.

M. André Chassaigne. Vous avez beaucoup de monde à convaincre !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. C’est bien là le but d’un débat : permettre de nous convaincre les uns les autres. Nous sommes tous de bonne foi, ce texte n’a rien à voir avec le contexte : je n’imagine pas une seule seconde que nous n’arrivions pas à cheminer ensemble vers un point de vue partagé.

Je remercie Yves Blein d’avoir rétabli la vérité sur ces aspects-là. Il a été très clair. Je le remercie également d’avoir insisté sur l’importance de l’eau. Le texte était, au départ, très ouvert. Petit à petit, notamment grâce à l’apport du Gouvernement, mais aussi à celui de quelques collègues, la question de l’eau, autre bien essentiel, y a été incluse. Il faut qu’elle soit accessible à tous : c’est l’aspect social ; il faut également ne pas la gaspiller : c’est l’aspect écologique.

Monsieur Fasquelle, vous avez considéré que le changement de titre de la proposition de la loi est un stratagème : vous vous étiez déjà exprimé en ce sens.

M. Daniel Fasquelle. C’est une improvisation !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Je concède bien volontiers que, sur le plan sémantique, le titre initial de la proposition de loi ne correspondait pas à son contenu. Nous l’avons donc corrigé : il s’agit bien d’un système de bonus-malus et non pas d’une tarification progressive au sens de la modification des tarifs.

M. Daniel Fasquelle. Et la promesse n° 42 du projet présidentiel de François Hollande de faire adopter une nouvelle tarification progressive ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Vous ne respectez pas les engagements de M. Hollande !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Vous nous avez expliqué, avec moult détails, que le système actuel était extrêmement juste, qu’il satisfaisait tout le monde, et qu’en aucun cas il ne méritait d’être changé. C’est votre avis ; ce n’est pas le mien.

M. Daniel Fasquelle. Je n’ai pas dit cela !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Vous avez terminé en parlant d’attaque contre les classes moyennes. Je ne vois pas bien où est l’attaque, mais j’ai cru comprendre que c’est M. Copé qui vous avait soufflé cet argument !

Bertrand Pancher, je vous remercie d’avoir clairement exprimé que vous êtes en faveur du système de bonus-malus. Ayant eu des responsabilités au cours de la législature précédente, notamment au moment de l’examen des textes découlant du Grenelle de l’environnement, vous avez eu parfois un regard critique, estimant que les choses n’allaient pas assez loin ou pas assez vite. Je ne mets donc absolument pas en doute votre argumentation.

Je crains simplement que votre entrée dans le débat – peut-être parce que la commission du développement durable ne s’est pas saisie du texte – ne vous ait amené à dire des choses parfois inexactes. Je ne veux pas les reprendre dès maintenant ; nous aurons l’occasion d’y revenir au cours de la discussion sur les amendements. Je vous dirai simplement que le grand débat public aura bien lieu : c’est un engagement majeur. Nous posons aujourd’hui un cadre, un échafaudage, ce qui nous permettra par la suite de ne pas perdre de temps. Le grand débat démarre. À l’issue de la conférence environnementale, le texte de loi qui marquera l’aboutissement de la transition énergétique, sera un élément fondateur ; en attendant, le dispositif que nous mettons en place aujourd’hui permettra de ne pas perdre de temps, et, dans cette affaire, le système du bonus-malus vise à donner un signal aux consommateurs, non à les punir. J’y reviendrai.

Michèle Bonneton, je vous remercie pour vos encouragements : ils sont extrêmement utiles dans les circonstances actuelles. Merci de votre justesse d’analyse. Merci d’avoir indiqué que ce système de bonus-malus a un intérêt pédagogique et non pas punitif.

M. Marc Le Fur. C’est ce que vous aurez du mal à expliquer aux gens !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Ce n’est pas une expédition punitive. Cela nous permettra d’identifier très clairement qui consomme anormalement, afin de prendre contact et de mettre en œuvre un accompagnement et un soutien.

M. Marc Le Fur. Il n’y a pas besoin de ce machin pour arriver à cela !

M. Daniel Fasquelle. C’est n’importe quoi !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Tous ceux qui s’amusent à faire peur à nos concitoyens ne le font que pour lancer la polémique ! On peut les comprendre, lorsqu’ils sont dans l’opposition.

Razzy Hamadi, je vous remercie pour la clarification brillante que vous avez apportée et pour la pertinence de votre argumentation qui, effectivement, a fait mouche. C’est la raison pour laquelle je vous invite, chers collègues du groupe socialiste, républicain et citoyen, à rester sur cette ligne et à assumer totalement ce texte, qui nous amène à changer de modèle et à tourner le dos à un libéralisme échevelé qui n’aboutit qu’à augmenter sans cesse la consommation.

Jean-Jacques Guillet, vous avez évoqué, avec un grand souci de précision dont je vous remercie, le thème de la fracture thermique. Le fait que nous élargissons le périmètre des tarifs sociaux et la trêve hivernale vous a échappé, tout comme le fait que le volet de la réhabilitation thermique viendra certes après le vote de cette loi, mais avant que le système de bonus-malus ne soit mis en place. Je vous l’ai expliqué.

M. Jean-Jacques Guillet. Mais j’ai compris !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Il faut un peu de temps pour collecter des données concernant 30 millions de ménages et mettre en œuvre un modèle complètement différent qui tourne le dos à la mentalité du « toujours plus de consommation » ! J’ai la modestie de penser que cela ne peut pas se faire en cinq minutes. Comme le Gouvernement l’a également suggéré, nous allons prendre le temps de mener cette réforme à bien. Nous avons cependant besoin de poser rapidement un cadre.

Pour ce qui concerne la pointe électrique, vous avez dit des choses parfaitement justes, avec lesquelles je suis tout à fait d’accord. Je suis l’auteur d’un amendement que la majorité de l’époque avait bien voulu intégrer dans le texte de la première loi relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement. J’en remercie encore Patrick Ollier, ici présent.

M. Patrick Ollier. Merci, monsieur le président.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Nous partageons une même émotion à ce souvenir ! (Sourires.)

M. Martial Saddier. On acceptait des amendements de l’opposition, nous !

Mme Frédérique Massat. Nous aussi on en a accepté !

M. François Brottes. Beaucoup de vos amendements ont été acceptés en commission, peut-être même beaucoup trop !

L’amendement que j’avais proposé comptait deux points. D’abord, la transition énergétique passe, je l’ai dit, et c’est écrit dans le texte, par un effort visant à limer les pointes de consommation. Elle passe, par ailleurs, par la mise en place de compteurs intelligents dans tous les foyers.

M. Marc Le Fur. Ça, c’est bien !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Ces deux points sont désormais inclus dans la loi : et c’est votre serviteur, avec le soutien du groupe socialiste, qui les avait proposés. Refuser d’agir sur cette question de la pointe électrique est donc bien loin de mes préoccupations !

Monsieur Jean-Jacques Guillet, je ne doute pas que vous ayez lu mon rapport avec attention. Vous avez donc pu constater que je souhaite que le Gouvernement nous dise, d’ici neuf mois, comment le dispositif de bonus-malus pourra intégrer la lutte contre la pointe électrique, alors que le système des heures creuses et des heures pleines n’est accessible qu’à une minorité de consommateurs. Les opérateurs ont en effet arrêté de le proposer, ce qui crée au passage un grabuge considérable. Je fais partie de ceux qui soupçonnent une sorte de collusion générale entre l’opérateur principal et les opérateurs alternatifs pour que la pointe de consommation reste bien marquée afin de justifier les augmentations des tarifs moyens. Ce qui, du coup, permet également aux petits opérateurs qui ne peuvent fournir leur électricité qu’au moment de la pointe de vendre leurs mégawattheures à des prix très élevés. Il faut casser ce système : le système du bonus-malus, qui porte à l’heure actuelle sur la facture annuelle globale, doit être affiné pour pouvoir justifier des comportements différents en heures creuses et en heures de pointe.

M. Martial Saddier. C’est une critique en règle de la Commission de régulation de l’énergie !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. C’est pourquoi il faut travailler plus avant pour que, d’ici la mise en œuvre effective du dispositif, autour de 2014, nous apportions une réponse à ces questions qui sont tout à fait pertinentes, ce dont je vous remercie.

M. Barbier a rappelé clairement les défis auxquels cette première étape répond. Il a également rappelé qu’au départ, le montant devait être symbolique. Je le redis : nous serons extrêmement progressifs dans la progressivité… Il faut que nous ayons le temps d’expliquer pour que les gens puissent comprendre. Il nous faut surtout apporter les mesures de soutien et d’accompagnement propres à modifier durablement les comportements de nos concitoyens dans le sens d’une meilleure efficacité énergétique.

Monsieur Cinieri, je ne sais que dire de votre intervention. Je ne la qualifierai pas de sketch ; ce serait méprisant, ce qui n’est pas mon style.

M. Antoine Herth. Encore que !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Vous avez été extrêmement coloré : voilà le mot ! Vous avez essayé de nous expliquer, par exemple, qu’une famille nombreuse, qui a trois lessives à faire par semaine, serait pénalisée par le dispositif.

M. Dino Cinieri. Ce qui est vrai !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. On m’a reproché d’avoir choisi comme critère le nombre de personnes dans le foyer fiscal, pour être plus équitable dans le système de modulation du tarif. J’ai bien eu raison de le faire : vous apportez de l’eau à mon moulin. De même pour la distinction entre l’altitude ou la plaine : qu’en serait-il si nous n’avions pas inclus le critère du climat ? Aujourd’hui, on paye le même prix, que l’on ait besoin de se chauffer fort ou non, que l’on fasse trois ou quatre lessives par semaine. Avec ce dispositif, la différence se verra. L’équité sera mieux respectée, du fait que les cas particuliers que vous avez parfaitement décrits seront mieux pris en compte.

Je croyais que vous développiez une argumentation en faveur de mon texte. Ce n’est qu’à la fin que j’ai compris que vous voterez contre ! Nous aurons l’occasion de préciser les choses au cours du débat.

Coltilde Valter a souligné avec justesse les enjeux de la réforme, première étape vers une transition énergétique réussie. Il est important de le souligner à nouveau : pourquoi ce texte est-il si urgent ? Parce que le renforcement des dispositifs de lutte contre la précarité énergétique est nécessaire.

Je soutiens également – Mme la ministre nous apportera des compléments sur ce point – le développement des énergies renouvelables.

M. Antoine Herth. Pas besoin d’une loi pour ça !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Sur ce point, chers collègues, soyons francs. Qu’a-t-on fait à l’énergie photovoltaïque, quand on a cessé d’assurer un tarif de rachat ? Qu’a-t-on fait à l’énergie éolienne ? Monsieur Ollier, vous le savez bien : l’éolien terrestre n’a pas vraiment pu se développer à cause d’un certain nombre de dispositions qui ont été votées ici.

M. Patrick Ollier. Et pour cause !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Nous aurons l’occasion de traiter de ces questions. L’énergie la plus renouvelable, en effet, c’est l’économie d’énergie. Les économies d’énergie sont au cœur de cette proposition de loi. Il est d’autres énergies renouvelables qu’il convient de développer plus qu’elles ne l’ont été jusqu’à présent.

M. Antoine Herth. Drôle de manière de justifier vos cavaliers !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Alain Marc, je vous remercie d’avoir été présent à un certain nombre d’auditions, ce qui n’a pas été le cas de tous nos collègues de la commission des affaires économiques. J’ai bien noté que vous souhaitez libéraliser à nouveau les alambics. Je ne suis pas certains que cela soit vraiment le sujet aujourd’hui.

Quoi qu’il en soit, je souhaiterais vous faire comprendre que le volume de base est un repère qui doit tous nous aider à situer notre niveau de consommation par rapport à l’approche plus vertueuse que nous entendons promouvoir.

Si notre volonté était d’instaurer le collectivisme, je ne suis pas sûr que mon collègue André Chassaigne aurait développé les arguments qu’il a présentés tout à l’heure !

M. André Chassaigne. Effectivement !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Soit vous n’avez pas compris M. Chassaigne, soit M. Chassaigne ne vous a pas compris.

Nous reparlerons longuement, au cours de ces débats, du diagnostic de performance énergétique. Vous savez bien qu’à l’heure actuelle, il est réalisé un peu n’importe comment, voire par n’importe qui. Il convient de prendre un peu de temps : c’est pour cela que le texte appelle à mettre aux normes ce dispositif. Ce qui doit déterminer si un logement est réellement une passoire énergétique, c’est le diagnostic de performance, et rien d’autre. La graduation existante est mal normée. Nous nous donnons un peu de temps pour évaluer cela. C’est compris dans le paquet global de la transition énergétique. Ce texte donne la première impulsion à cette démarche.

Vous avez qualifié ce texte d’une insulte au bon sens : je vous rassure, je ne l’ai pas pris pour moi… Je remercie pour conclure d’avoir répondu à cette caricature en rappelant, d’une part, l’engagement du Président de la République, mais aussi en rappelant que ce texte est au cœur d’un enjeu universel, qui ne doit échapper à aucun d’entre nous.

Maintenant que tout le monde s’est bien défoulé lors de cette discussion générale, avec des arguments qui relèvent parfois de la caricature…

M. Daniel Fasquelle. Vous pouvez le dire !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. …j’espère que nous arriverons à travailler !

Il s’agit d’une proposition de loi : le Parlement a la main ! Chers collègues, de la gauche et de l’opposition, profitons-en : ce n’était plus la coutume dans cet hémicycle. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Delphine Batho, ministre. Il revenait au rapporteur de répondre aux interventions des parlementaires. Je tiens simplement, pour ma part, à prendre acte des positions défendues par les parlementaires de l’opposition dans cette discussion, et que je regrette profondément. En effet, les enjeux au cœur de ce texte sont ceux du réchauffement climatique, alors que la banquise a atteint, en ce mois de septembre, son record de fonte,…

M. Daniel Fasquelle. Nous sommes d’accord s’agissant du réchauffement climatique !

M. Antoine Herth. N’insistez pas !

Mme Delphine Batho, ministre. …ceux du déficit de la balance commerciale – un déficit de la balance commerciale de 61,4 milliards dû à la facture énergétique –…

M. Patrick Ollier. Le Grenelle, c’est nous qui l’avons fait !

Mme Delphine Batho, ministre. …l’augmentation de la pointe électrique de 25 % en douze ans, quand vous étiez aux responsabilités. C’est ce à quoi répond ce texte.

M. Daniel Fasquelle. Non, ce texte n’y répond pas !

Mme Delphine Batho, ministre. Je pense que vous auriez pu avoir une autre attitude, laquelle aurait été de considérer que ce texte prolonge le paquet énergie-climat. Vous l’avez promu au niveau européen, nous allons, pour notre part, travailler à sa mise en œuvre. Nous avons d’ailleurs senti un certain nombre de nuances dans vos interventions. « Les tarifs sociaux, c’est nous », dites-vous. Or, entre leur inscription dans la loi et leur entrée en vigueur, vous avez mis quatre ans à les mettre en place pour l’électricité et cinq ans pour le gaz : voilà la réalité de votre bilan ! Donc, si vous aviez tenu aux tarifs sociaux, vous auriez pu, là aussi, vous inscrire dans la logique de ce texte. Mais ce n’est pas le cas.

Je voudrais également rebondir sur le terme de « soviétique » qui aurait tout de même dû réveiller André Chassaigne. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.) Ce n’est pas un texte soviétique, c’est un texte de gauche ! La proposition de loi de François Brottes est un texte de gauche (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC) qui va à l’encontre de la logique de marché, de la logique du « produire toujours plus », du « consommer toujours plus » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) qu’est la pure logique libérale ! C’est ce qui vous gêne dans ce texte, lequel va à l’encontre de la logique libérale où logique de profit et politique d’économie d’énergie sont profondément antinomiques. Ce en quoi ce texte n’a rien de soviétique, c’est que chacun est libre, chacun est responsable. Le bonus-malus vise à favoriser un changement des comportements et il n’est en rien une obligation.

Je voudrais remercier les parlementaires du groupe socialiste, républicain et citoyen qui ont notamment souligné la valeur pédagogique de ce texte et leur apporter une réponse. Il y a eu de nombreuses interpellations – émanant entre autres de Jacques Krabal – sur la rénovation thermique des logements. D’ici au début de l’année 2013, sera opérationnel un dispositif ciblant les quatre millions de passoires thermiques avec, à la clé, les financements que sont : le produit des enchères carbone au niveau européen – le fameux marché ETS qui alimentera le budget de l’ANAH ; les financements de la Banque européenne d’investissement auxquels nous ferons appel en lien avec les régions ; les financements du livret A qui seront mobilisés pour les travaux de rénovation énergétique dans le logement social ; ce sont aussi des systèmes de tiers financeurs, sujet que nous avons beaucoup abordé en commission. Avec Cécile Duflot, nous travaillons, sur ces bases, à la mise en œuvre, dans les meilleurs délais, d’un dispositif opérationnel, afin de réduire le reste à charge qu’est aujourd’hui le facteur bloquant face aux situations de précarité énergétique et de passoire thermique.

Je tenais aussi à saluer Denis Baupin pour son soutien à cette proposition de loi.

Je voulais dire à André Chassaigne avec qui j’ai partagé, dans le passé, des combats contre de grandes firmes…

M. Martial Saddier. C’était avant les élections !

M. André Chassaigne. Il y aura d’autres combats !

Mme Delphine Batho, ministre. Certes, mais je pense qu’il ne faut pas, au travers du débat sur la proposition de loi de François Brottes, anticiper le débat sur le traité européen qui se déroulera demain. C’est ce que je tenais à dire. Peut-être avons-nous, et je l’ai senti en écoutant votre intervention, monsieur Chassaigne, des désaccords sur la transition énergétique.

M. André Chassaigne. Pas du tout !

Mme Delphine Batho, ministre. Les engagements du Président de la République ont été évoqués. Si tel est le débat, ayons cette discussion lors du débat national sur la transition énergétique et débattons du traité européen lorsqu’il sera examiné, mais ne rapprochons pas la proposition de loi de François Brottes d’autres débats qui existent aujourd’hui au sein de la gauche ; n’en faisons pas un dommage collatéral ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. André Chassaigne. J’en ferai la démonstration !

M. Daniel Fasquelle. C’est une insulte à l’intelligence de M. Chasssaigne !

M. Patrick Ollier. Il a compris, monsieur Chassaigne !

Mme Delphine Batho, ministre. Lors de la conférence intergouvernementale, je me souviens que la question de la sobriété énergétique a été l’objet d’un large consensus avec les entreprises et les organisations syndicales. La nécessité d’une grande politique de sobriété et d’efficacité énergétique a alors fait l’objet du plus fort consensus. C’est ce à quoi tend ce texte, lequel prolonge aussi, comme je le soulignais tout à l’heure, l’esprit du Conseil national de la Résistance que la droite a souvent piétiné ces dernières années…

M. Daniel Fasquelle. Certainement pas !

Mme Delphine Batho, ministre. …en transformant EDF en société anonyme et en privatisant GDF. Aujourd’hui, grâce à ce texte qui élargit les tarifs sociaux (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et interdit les coupures l’hiver, nous nous inscrivons dans la lignée du Conseil national de la Résistance ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Madame la présidente, je vous demande de bien vouloir suspendre la séance quelques minutes.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente-cinq, est reprise à dix-neuf heures quarante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

Avant l’article 1er

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Baupin, pour soutenir l’amendement n° 336 portant article additionnel avant l’article 1er, qui fait l’objet d’un sous-amendement n° 453 rectifié.

M. Denis Baupin. Cet amendement vise à renforcer dans le code de l’énergie les orientations principales reprises dans cette proposition de loi et qui sous-tendent la politique énergétique que nous développerons dans le cadre de la transition énergétique. Là où le code de l’énergie prévoit d’ores et déjà que la politique énergétique doit assurer la sécurité de l’approvisionnement, maintenir un prix d’énergie compétitif, préserver la santé humaine et l’environnement et garantir la cohésion sociale, nous proposons d’ajouter deux nouvelles priorités : la réduction des consommations d’énergie et la lutte contre la précarité énergétique.

C’est d’autant plus important que nous allons évoquer un peu plus loin le rôle de la CRE et préciser qu’elle doit tenir ses objectifs définis à l’article L. 100-1 du code de l’énergie. Il est donc vraiment essentiel d’intégrer ces deux dimensions dans le texte pour indiquer clairement que, dorénavant, ces deux objectifs sont aussi importants que les autres dans la stratégie énergétique de la France comme dans la politique de la CRE.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour présenter le sous-amendement n° 453 rectifié et donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 336.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Comprenons-nous bien : si je propose un sous-amendement à l’amendement de M. Baupin, c’est que je serai favorable à son amendement sitôt qu’il aura été sous-amendé…

Faire référence de façon objective et explicite à la lutte contre la précarité énergétique paraît essentiel. Ce n’était pas le cas jusqu’à présent. En revanche, évoquer la réduction des consommations d’énergie, alors que l’article L. 100-2 du code de l’énergie mentionne déjà la maîtrise de la demande d’énergie et l’amélioration de l’efficacité énergétique, me semble quelque peu redondant et ne me paraît pas aussi heureux que le texte qui dispose déjà de formules qui vont tout à fait dans le sens de vos préoccupations.

C’est la raison pour laquelle mon sous-amendement n° 453 rectifié vise à ne conserver que la référence à la lutte contre la précarité énergétique dans la modification des textes en vigueur.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement et le sous-amendement ?

Mme Delphine Batho, ministre. J’ai précisé, lors du débat en commission, que je partageais l’esprit de cet amendement. François Brottes a apporté la bonne réponse en soulignant, en particulier, que la maîtrise de la demande d’énergie figure déjà à l’article L. 100-2 du code de l’énergie.

Je suis donc du même avis que le rapporteur.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Il me vient à l’esprit un propos du Président Pompidou : « Cessons d’embêter les Français ! » Il avait d’ailleurs employé un autre verbe que je me garderai bien, madame la présidente, d’utiliser dans cet hémicycle… Tel est bien le sujet : on va les embêter et c’est ainsi qu’ils vont le ressentir. Usine à gaz, ticket de rationnement, voilà la logique qui vous guide, une logique de l’égalité – égalité déplacée en la circonstance.

Qui plus est, vous mettez en cause un minimum de liberté et, oserai-je dire, d’intimité. Ainsi, le fournisseur d’énergie sera informé de multiples choses qui ne le regardent pas, touchant aux revenus, à la composition ou à l’évolution de la famille. En quoi un fournisseur a-t-il à connaître de tout cela ? Ce texte aurait dû être soumis à la CNIL. Mais comme il n’y a même pas eu la moindre étude d’impact, on ne dispose pas de ces informations qui auraient été tout à fait nécessaires.

En matière d’égalité, vous remettez en cause un certain nombre de principes de base, comme l’ont parfaitement souligné mes collègues. Une veuve qui a le tort d’habiter dans une maison un peu grande sera soumise au malus et devra payer lourdement.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Vous parlez sur l’amendement, monsieur Le Fur ?

M. Marc Le Fur. De même, soyez clair sur ce point, monsieur le rapporteur, et je sais que mes propos peuvent vous gêner : un couple de smicards ne bénéficie pas des tarifs sociaux. Il paiera donc le malus, pour peu qu’il réponde aux autres conditions.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Ils vont gagner du bonus !

M. Marc Le Fur. Dites très clairement à partir de quel niveau de revenu on commencera à payer le malus !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Les revenus ne sont pas concernés !

M. Marc Le Fur. Enfin, votre position n’est pas bonne, même pour l’environnement : on va assister à un retour d’une forme d’énergie – le fioul – que jusqu’alors les uns et les autres combattions. Les marchands de chaudières vont ainsi conseiller d’opter pour ce type d’énergie, afin de ne pas subir un quelconque malus.

Le résultat ne sera donc pas si bon que cela sur le plan énergétique.

Ce que vous auriez dû faire, monsieur le rapporteur, c’est remettre de l’argent dans l’ANAH, qui mérite de l’argent public. Je suis président d’une OPAH. Nous nous efforçons avec les élus locaux de réduire les consommations énergétiques de nos compatriotes. Il y avait des choses à faire en ce domaine. Vous auriez pu être beaucoup plus efficaces et beaucoup plus pertinents.

Je regrette que vous vous soyez engagé dans un texte que les Français ne comprendront pas, dont la logique leur échappera pour l’essentiel ; ils y verront un retour en arrière à une époque révolue où le contingentement était la règle. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Je partage entièrement ce que vient de dire Marc Le Fur.

Je voudrais dissiper un malentendu à l’occasion de ce premier amendement. Réduire les consommations d’énergie du pays, lutter contre la précarité énergétique, autant d’objectifs avec lesquels nous sommes évidemment d’accord. Là où nous avons un profond désaccord, c’est sur les moyens. Selon nous, le système de bonus-malus ne permet pas d’atteindre ces objectifs. Il est d’ailleurs très intéressant de voir qu’à chaque fois que vous nous donnez des exemples concrets, monsieur Brottes, madame la ministre, en évoquant par exemple le tarif social ou les mesures que vous allez prendre pour permettre une meilleure isolation des logements, vous êtes incapables de faire le lien avec ce système de bonus-malus.

M. Baupin, dans l’exposé sommaire de son amendement, évoque la charte de l’environnement et l’engagement pris au niveau européen de réduire la consommation d’énergie primaire de 20 %. On nous a reproché tout à l’heure de n’avoir jamais rien fait. Or, la charte de l’environnement, c’est l’ancienne majorité qui l’a voulue, et ces avancées européennes ont bien été obtenues grâce au Président Nicolas Sarkozy. Merci donc pour ce bel hommage à l’importante action qui a été la nôtre dans ce domaine.

Nous sommes en désaccord avec les moyens que vous mettez en œuvre mais je ne voterai pas contre cet amendement parce que je suis d’accord, et mes collègues également, je pense, pour réduire les consommations d’énergie du pays et lutter contre la précarité énergétique. Encore faudrait-il mobiliser les bons moyens pour atteindre ces objectifs.

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. L’article L. 100-1 du code de l’énergie définit les objectifs, l’article L. 100-2 les outils. Il me paraît important de réaffirmer clairement dans l’article relatif aux objectifs que nous voulons réduire les consommations d’énergie, d’autant plus qu’à l’article 5, monsieur le rapporteur, vous présenterez un amendement préconisant que les objectifs de la CRE soient ceux définis à l’article L. 100-1. Si l’on n’évoque pas dans cet article la réduction des consommations d’énergie, elle ne fera pas partie des objectifs de la CRE, à moins que votre amendement ne précise que les objectifs de la CRE sont ceux qui sont définis à l’article L. 100-1 et à l’article L. 100-2.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Oui.

M. Denis Baupin. Dans ce cas, on peut trouver un terrain d’entente.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Je le confirme.

M. Marc Le Fur. Vous ne me répondez pas, monsieur Brottes ?

(Le sous-amendement n° 453 rectifié est adopté.)

(L’amendement n° 336, sous-amendé, est adopté.)

M. Daniel Fasquelle. J’espère, mes chers collègues de la majorité, que vous saurez faire preuve du même esprit d’ouverture !

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Baupin, pour soutenir l’amendement n° 339.

M. Denis Baupin. L’article L. 100-2 du code de l’énergie définit les outils grâce auxquels l’État et les collectivités locales peuvent atteindre les objectifs fixés à l’article précédent. Mon amendement n° 339 leur impose de justifier leurs choix lorsqu’ils prennent des décisions contraires à la politique nationale de réduction des consommations d’énergie.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Monsieur Le Fur, si vous vous étiez inscrit dans la discussion générale, c’est bien volontiers que je vous aurais répondu, mais votre intervention était un peu décalée dans le débat.

M. Marc Le Fur. Des questions ont tout de même été posées !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Vous qui ignorez la manière dont notre assemblée débat généralement, vous avez fait fausse route, sur le plan de la forme en tout cas.

J’ai bien noté que l’opposition avait voté le premier amendement qui était soumis à notre assemblée.

M. Martial Saddier. C’est un geste fort !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Un geste fort, effectivement, pour admettre que la précarité énergétique n’était jusqu’à présent pas suffisamment prise en compte et qu’il fallait proposer des mesures beaucoup plus ambitieuses en matière de tarif social.

Monsieur Baupin, votre amendement est frappé au coin du bon sens, allais-je dire, mais je n’ose plus utiliser cette expression car on a parlé tout à l’heure d’une insulte au bon sens… J’essaie d’être prudent.

L’article L. 100-2 prévoit bien que l’ensemble des objectifs doivent être en cohérence avec les politiques menées par les collectivités territoriales. Vous considérez, certainement à juste titre, que ce n’est pas assez normatif mais, si l’intention est bonne, la disposition que vous proposez a des effets pervers. Ainsi, la décision d’une petite commune impactant sa consommation énergétique pourrait être annulée parce qu’elle ne ferait pas référence aux prescriptions établies à l’article. Prenons garde de ne pas alourdir le texte en matière de normes car nous aurons des effets qui iront à l’encontre au but que vous poursuivez. Je suis donc défavorable à votre amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Delphine Batho, ministre. Défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier.

M. Martial Saddier. Si, à chaque fois que le rapporteur prend la parole, c’est d’abord pour expliquer que nous n’avons rien fait avant que pour défendre son texte, il aura beau jeu de ne pas avoir le temps de répondre à des questions pertinentes auxquelles il n’a pas forcément de réponse, comme celles de M. Le Fur.

C’est bien nous qui avons mis en place le tarif social du gaz en 2008. Nous avons également organisé l’attribution automatique par les organismes d’assurance maladie du tarif social aux ménages éligibles à compter du 1er janvier 2012, et je passe, mais nous aurons l’occasion d’y revenir, sur tous les travaux du Grenelle.

Monsieur Brottes, M. Le Fur vous a parlé d’un couple gagnant deux SMIC, vous ne lui avez pas répondu au titre qu’il ne s’était pas inscrit dans la discussion générale. Vous avez indiqué en vous calant dans votre siège, mais les mots sont arrivés jusqu’à nous, que les salaires n’entraient pas en compte. La lutte contre la précarité qui vient d’être inscrite dans le texte se résume à de beaux mots, puisque le couple en question, avec deux SMIC, pourra être très fortement pénalisé !

Enfin, monsieur Baupin, votre amendement n° 339 concerne les collectivités territoriales. Par définition, les collectivités territoriales respectent la loi de la République et il ne faut pas les montrer du doigt. Vous touchez au principe de leur libre administration.

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Quelle exagération ! Si vous pensez qu’on ne peut pas imposer d’objectifs aux collectivités territoriales dans le cadre de politiques nationales, alors il faut abroger l’article L. 100-2 ! Je crois pour ma part que nous avons besoin aujourd’hui de politiques globales. En l’occurrence, il ne s’agit en aucune façon d’interdire aux collectivités locales de prendre des décisions : nous demandons simplement que ces décisions soient motivées lorsqu’elles ne respectent pas les objectifs. Je regrette donc l’avis négatif du rapporteur et de la ministre.

(L’amendement n° 339 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher, pour soutenir l’amendement n° 268.

M. Bertrand Pancher. Cet amendement vise à désindexer le tarif réglementé du gaz naturel du prix du pétrole.

L’indexation du prix du gaz sur le pétrole date des années 60. Lorsque le gaz a été introduit en grandes quantités sur le marché européen, le mazout était le combustible le plus utilisé et les produits pétroliers étaient donc les principaux concurrents du gaz.

Conscientes qu’en l’absence de dispositions de sauvegarde, le gaz naturel, une énergie nouvelle, aurait du mal à s’affirmer face au mazout déjà solidement établi, les parties impliquées ont ancré le principe de l’indexation sur le prix du pétrole dans la plupart des contrats de livraison. Cette indexation donnait de la visibilité aux consommateurs envisageant de substituer le gaz naturel à une autre énergie.

Aujourd’hui, cette indexation n’a plus lieu d’être car elle ignore l’évolution du marché du gaz et notamment la découverte de nouveaux champs de gaz naturel. Le cours du baril de pétrole ne cesse de grimper alors que le prix du gaz naturel, lui, tend régulièrement à baisser.

La priorité étant de faire baisser la facture de gaz des consommateurs en jouant sur plusieurs leviers, coûts d’approvisionnement, d’acheminement par exemple, mais aussi en renégociant des contrats à long terme conclus il y a plusieurs années, l’objet de l’amendement n° 268 est donc de déconnecter totalement d’ici au 1er janvier 2013 les coûts d’approvisionnement en gaz naturel de ceux des produits pétroliers, mais en deux temps.

Dans un premier temps, les fournisseurs devront renégocier leurs contrats d’approvisionnement en gaz naturel afin que ceux-ci ne soient pas fonction des prix de produits pétroliers, sachant que la nouvelle formule de calcul de l’évolution des prix d’approvisionnement des fournisseurs permettra de répercuter clairement la baisse des prix du gaz naturel aux consommateurs.

Dans un second temps, à compter du 1er janvier 2013, les coûts d’approvisionnement en gaz naturel ne seront plus fonction des prix de produits pétroliers.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Vous avez parfaitement compris, monsieur Saddier, monsieur Le Fur, que la progressivité est liée à la consommation d’énergie et non aux revenus, sauf pour ceux qui sont éligibles aux tarifs sociaux, soit désormais 4,8 millions de personnes.

M. Marc Le Fur. Autrement dit, le smicard paie !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Monsieur Pancher, vous posez une vraie question et j’ai cru comprendre que c’était un amendement d’appel en faveur du gaz de schiste.

M. Bertrand Pancher. Vous avez mal compris !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Sans doute. Venant de vous, cela m’étonnait !

En gros, il faudrait indexer le gaz sur les prix du marché du gaz et plus sur autre chose. Aujourd’hui, en raison de l’indexation sur les prix du pétrole, les contrats à long terme arrivent à être plus chers que les prix du marché. Est-ce un phénomène conjoncturel, est-ce que cela va durer ? L’histoire nous le dira. Ce qui est sûr, c’est que, si l’on prenait en compte votre proposition, nous serions dans une situation d’hyperdépendance à l’égard, d’une part, du marché lié au gaz de schiste, et, d’autre part, de la Russie et de l’Algérie, les deux principaux fournisseurs. Notre capacité à discuter se réduirait à la portion congrue.

Là où je rejoins votre préoccupation, sans donner un avis favorable à votre amendement, c’est que les plus importants de ceux qui pour vendent du gaz aux consommateurs français ont en effet tendance à faire peser sur la facture française, parce que c’est un secteur régulé et qu’il y a des tarifs dont on peut discuter avec le régulateur, et les contrats à long terme, les plus chers par rapport au gaz produits par les pays où il n’existe presque plus de régulation.

Se pose la question de la manière dont est calculé pour les consommateurs français le coût d’approvisionnement du gaz, mais la proposition que vous faites ne sécuriserait en aucun cas le dispositif. Au contraire, elle le fragiliserait.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Delphine Batho, ministre. Je comprends bien l’intention. Il y a à la fois la question du mécanisme tarifaire sur le gaz et celle de l’indexation, qui renvoie aussi, comme l’a souligné François Brottes, à la question du marché spot ou des contrats de long terme. En 2011, 90 % des prix étaient indexés sur le pétrole, nous en sommes aujourd’hui à 74 % : autrement dit, l’évolution va dans le sens que vous souhaitez.

Ce n’est pas non plus une solution magique : si depuis 2009 le prix du pétrole a été multiplié par deux, celui du gaz a été multiplié par trois.

L’adoption de cet amendement mettrait par ailleurs les opérateurs en difficulté dans leurs relations avec les fournisseurs. Se pose également la question des contrats de long terme : on ne rappelle jamais assez l’importance de la sécurité d’approvisionnement.

Enfin, le Gouvernement travaille actuellement à une proposition qui englobe les deux aspects – je veux dire le mécanisme tarifaire et la question que vous posez. Cette proposition sera formalisée sur un plan qui pourra être législatif, réglementaire ou contractuel dans les semaines qui viennent par le biais du contrat de service public qui lie GDF-Suez à l’État. C’est la raison pour laquelle, si je peux comprend l’intention de cet amendement et en retenir l’idée, je ne saurais en accepter la formulation.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Le 4 juillet dernier, le Premier ministre a fait une déclaration concernant le prix du gaz. Puisque nous avons, disait-il, une nouvelle majorité, un nouveau Président de la République et que le changement, c’est maintenant, le prix du gaz n’augmentera pas plus que l’inflation. Or vous l’avez relevé de 2 %, soit 8,5 % depuis le début de l’année.

Dans l’exposé des motifs de la proposition de loi – c’est le chemin de Damas de M. Brottes –, on peut lire que le second objectif est d’accompagner la hausse inéluctable des prix de l’énergie.

On sait parfaitement que le système de bonus-malus ne permettra pas de faire baisser le prix de l’énergie. Bonne question, mauvaise réponse : dès lors que le prix de l’énergie va augmenter – dixit M. Brottes –, qu’allez-vous mettre en place dans les mois qui viennent pour qu’en France le prix du gaz n’augmente plus ? Votre réponse, madame la ministre, m’intéresse beaucoup.

M. Patrick Ollier. Très bonne question.

Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Je suis davantage satisfait par la réponse de Mme la ministre que par celle de François Brottes, qui semble vouloir nous entraîner dans une nasse de gaz de schiste… Je ne vois pas pourquoi l’on soutiendrait davantage le gaz de schiste que l’huile de schiste, en soutenant ici le gaz et pas le pétrole.

Je vous remercie, madame la ministre, d’avoir indiqué qu’une réflexion était engagée. Cela date maintenant depuis plusieurs années, avec des mécanismes de correction qui ont progressivement évolué pour donner davantage de souplesse à ce dispositif.

Cela dit, on aura tout de même du mal à faire comprendre à l’opinion publique qu’il n’est pas possible de totalement déconnecter ces tarifs : il suffirait que les producteurs de pétrole et de gaz anticipent le marché. Nous sommes dans une période où les approvisionnements en gaz sont plus faciles que pour le pétrole. Cela nous semblerait de nature à peser à la baisse, voire à freiner les hausses du tarif du gaz.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Delphine Batho, ministre. Tel est bien l’objectif, monsieur Pancher.

Monsieur Fasquelle, quand non seulement on a augmenté de 31 % les tarifs du gaz en cinq ans (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), mais qu’on nous refile une facture de rattrapage de 38 euros en raison des décisions du précédent gouvernement, on fait preuve d’un peu plus d’humilité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Daniel Fasquelle. Qu’allez-vous faire, vous ? Nous n’avons aucune réponse !

(L’amendement n° 268 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 327.

M. André Chassaigne. Chacun comprendra qu’il s’agit d’un amendement d’appel et une demande d’explicitation politique.

Madame la ministre, en aucun cas, les prises de position que peuvent avoir les députés du Front de gauche sur tel ou tel texte ne sont motivées par une posture politique. Nous voterons, je le répète, les textes qui vont dans le bon sens, comme nous l’avons déjà fait aux mois de juillet et de septembre, et nous le referons. Mais nous nous réservons la possibilité de ne pas voter des textes qui, à notre avis, ne vont pas dans la bonne direction pour faciliter le changement. Je tenais à la préciser car la posture politicienne est à l’opposé de notre démarche. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Antoine Herth. Cela s’appelle du pragmatisme !

M. André Chassaigne. Je ne vous demande pas d’applaudir, mais je tenais à cette précision, car j’ai été choqué qu’on ait laissé entendre que notre position pouvait être liée au traité européen. Il y a ici des députés qui ne voteront pas le traité européen et qui, pour autant, soutiennent ce texte !

Mme la présidente. Venez-en à votre amendement.

M. André Chassaigne. Pour en revenir à l’amendement n° 327, la seule chose que je demande, c’est un positionnement sur la loi NOME. Cette loi, nous l’avons combattue ensemble : Daniel Paul – qui ne siège plus dans cet hémicycle – et François Brottes en ont été des adversaires convaincus.

M. Patrick Ollier. Cela, c’est vrai !

M. André Chassaigne. Ils se sont attachés à en démonter les mécanismes et à montrer à quel point elle liquidait le service public. Mais ce que vous avez dit de la loi NOME au moment de sa discussion en décembre 2010 se traduira-t-il au niveau de la politique mise en œuvre par la nouvelle majorité ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Mme la ministre vient de l’évoquer pour le prix du gaz : avec l’alternance, nous nous retrouvons avec un certain nombre d’ardoises…

M. Daniel Fasquelle. Trop facile !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Nous sommes dans un État de droit, et par le fait tenus de respecter un certain nombre de contrats signés depuis l’adoption de la loi NOME. Ce n’est pas le juriste qu’est M. Fasquelle qui pourra me démentir.

M. Daniel Fasquelle. Moi, je vous demande seulement ce que vous, vous allez faire !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Je pense notamment à l’usage de l’AREN.

Cette proposition de loi est un premier texte de remise en cause de la loi NOME. J’ai repris les arguments que j’avais utilisés au nom du groupe socialiste pour dire notre opposition à cette loi.

M. Lionel Tardy. On y reviendra.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Premièrement, j’avais dénoncé l’absence d’effort pour négocier une directive cadre sur les services d’intérêt économique général. Or il ne vous aura pas échappé que, depuis son élection, le Président de la République François Hollande a remis sur la table un certain nombre de sujets qui nous ont permis d’aboutir à des accords qui n’existaient pas du temps de l’ancienne majorité, qu’il s’agisse du pacte de croissance, …

M. Daniel Fasquelle. C’est bidon !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. …de la taxation à l’échelle européenne des transactions financières,…

M. Patrick Ollier. C’est Sarkozy qui en a parlé le premier.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. …ou du fait que la dette des États est désormais « dé-spéculée » – pardonnez-moi le terme.

Sur la question de la cohérence entre les directives qui organisent les marchés et la directive climat-énergie, les discussions reprennent, car il faut retrouver le droit chemin, qui ne peut pas laisser le champ libre au « tout marché ». C’est ce à quoi s’attache ce texte, puisque nous revenons en arrière par rapport au « produire plus pour consommer plus ».

Je reprochais aussi à la loi NOME de ne pas prendre de mesures contre la précarité énergétique. L’élargissement du périmètre des taris sociaux est une réponse qui parle d’elle-même.

Je reprochais également à la loi NOME de ne pas prendre en compte l’économie d’énergie et qu’il n’y ait aucun lien avec le paquet énergie-climat. Qu’est-ce que le bonus si ce n’est, enfin, la rémunération de l’économie d’énergie ? On fait des économies et, en plus, on a un bonus parce que les « négawatts » sont enfin payés, ce qui n’était pas le cas à l’époque.

Je reprochais en outre à la loi NOME de ne rien faire pour lutter contre « la pointe ». Je ne dis pas que ce texte sera immédiatement efficace en la matière, mais j’ai expliqué tout à l’heure que l’on pourra utiliser la notion de bonus-malus pour rétablir un dispositif généralisé « heures de pointe, heures creuses », qui a malheureusement disparu.

La loi NOME comportait aussi, en souterrain, la privatisation annoncée de la Compagnie nationale du Rhône. Il ne vous aura pas échappé que notre majorité est totalement opposée à cette disposition.

Tout cela pour vous dire qu’un certain nombre de raisons qui ont conduit notre groupe à voter contre la loi NOME sont aujourd’hui en train d’être levées. Cela ne suffit pas, mais le chemin de la transition énergétique apportera d’autres démonstrations qui nous feront progressivement revisiter significativement ce texte.

Avis défavorable donc.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Delphine Batho, ministre. Même avis.

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je prends acte des explications de M. le rapporteur. Je regrette que Mme la ministre ne profite pas de cet amendement pour émettre son avis sur la loi NOME et indiquer les orientations qu’elle compte mettre en œuvre dans les mois et les années qui viennent. Car il y aura inévitablement une remise en cause de cette loi.

Dans le texte figure l’ouverture à de nouveaux marchés concurrentiels qui s’appuient sur la loi NOME. Je pense en particulier aux entreprises auxquelles on fait appel pour l’effacement de la consommation. En quelque sorte, la loi NOME reste un socle de plusieurs mesures qui sont mises en œuvre dans le texte que vous proposez. Je tenais à le souligner.

Cela étant, je comprends très bien que ce type de petite loi, qui nous est présentée sans trop de concertation, un peu à la hussarde, (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP) ne permet pas, au détour d’un simple amendement, de supprimer la loi NOME. (Mêmes mouvements.)

M. Martial Saddier. La réponse du berger à la bergère…

M. André Chassaigne. Comme je sais que nous ne la supprimerons pas aujourd’hui, je voulais simplement appeler votre attention sur cette situation. Bien évidemment, je retire mon amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur – pour quelques instants, M. Chassaigne ayant annoncé qu’il retirait son amendement.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. J’ai bien compris, madame la présidente, mais je suis déterminé à convaincre André Chassaigne ! Je vais donc m’efforcer de le faire en quelques secondes.

Le texte, monsieur Chassaigne, pose le principe selon lequel nous donnerons désormais priorité à l’effacement de la consommation et non plus à la production complémentaire de consommation qui fait tourner des usines à charbon et à gaz. Mettre en priorité l’effacement des entreprises, l’effacement des consommateurs, ce qu’ils savent parfaitement faire, dans un mécanisme décrit dans ce texte, va précisément à l’encontre de l’esprit de la loi NOME, à savoir produire toujours plus. En l’occurrence, il s’agit d’effacer toujours mieux pour consommer toujours moins.

M. Daniel Fasquelle. On vous abuse, monsieur Chassaigne ! (Sourires.)

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Nous sommes dans un processus qui revisitera assez rapidement la loi NOME dans le sens que vous souhaitez.

M. André Chassaigne. Est-ce le service public qui le fera ?

(L’amendement n° 327 est retiré.)

Mme la présidente. Les amendements nos 126 et 127 ayant trait à l’intitulé du titre Ier, je vous propose, monsieur Herth de les présenter ensemble.

M. Antoine Herth. Volontiers, madame la présidente.

Ces deux amendements font suite à des discussions que nous avons eues en commission. La notion de tarification progressive – je l’avais fait remarquer au rapporteur – peut être une façon de camoufler une augmentation inéluctable des tarifs, ce que M. Brottes a dénoncé.

Aux termes de l’exposé des motifs, le second objectif de la proposition de loi est d’accompagner la hausse inéluctable des prix de l’énergie. C’est l’aveu que la tarification progressive est aussi une façon de camoufler l’augmentation du prix de l’énergie.

M. Martial Saddier. Évidemment.

M. Antoine Herth. Nos deux amendements visent à modifier l’intitulé du titre Ier. L’amendement n° 126 propose la rédaction « Taxation progressive de l’énergie » dans la mesure où l’on met en place des bonus-malus avec une chambre de compensation. On pourrait, madame la ministre, imaginer qu’il soit très tentant pour le Gouvernement de piocher dans cette caisse pour alimenter le budget de l’État – cela s’est déjà vu en bien d’autres occasions.

L’amendement n° 127 propose de l’intituler : « Rationnement progressif de l’énergie ». En créant une notion de volume de base affecté à chaque ménage, vous lancez à la population le message suivant : à l’avenir, vous n’aurez pas le droit de dépasser ce volume de base, sinon vous serez soumis au malus.

Il s’agit d’un changement fondamental. Vous avez évoqué l’héritage de la Libération et la reconstruction de la France après la guerre ; rappelons que la grande avancée de l’époque, c’était précisément de démocratiser l’accès à l’énergie, permettre à toutes et tous d’accéder à l’électricité. Il y avait dans nos campagnes des syndicats d’électrification : la fée électricité arrivait jusque dans les plus petites chaumières. Aujourd’hui, votre slogan, c’est vive la décroissance, vive la fin de l’abondance énergétique dans ce pays. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Quelques-uns de ces propos méritent explication, d’autres une réponse plus lapidaire.

Lorsque vous avez instauré la prime à la cuve, monsieur Herth, plafonnée à un certain nombre d’hectolitres, nous ne vous avons pas accusés de mettre en place un ticket de rationnement.

Pour ce qui est de la hausse inéluctable des prix de l’énergie, jusqu’à preuve du contraire, le prix du gaz et de l’électricité n’a cessé d’augmenter dans des proportions insupportables. C’est un constat, chers collègues.

M. Daniel Fasquelle. Ce n’est pas le bonus-malus qui le fera diminuer.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Notre proposition vise à infléchir la courbe de la consommation pour que, durablement, on ne soit plus en situation de devoir investir encore plus pour produire encore plus. Cela aura un bénéfice. J’ai expliqué dans mon rapport – c’est la raison pour laquelle il faut me lire intégralement – qu’il s’agit de limiter les investissements pour avoir une diminution des coûts d’investissements futurs ; auquel cas les tarifs, dans leur ensemble, baisseront. Telle est la logique du texte.

M. Martial Saddier. Mais non !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Avis défavorable sur les deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Delphine Batho, ministre. Je me demande si l’objectif européen de réduction de 20 % de la consommation d’énergie constitue aussi un rationnement et une taxation, monsieur Herth. Votre démonstration était loin d’être convaincante : avis défavorable sur vos deux amendements. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. « Je ferai adopter une nouvelle tarification progressive de l’eau, de l’électricité et du gaz ». Qui a prononcé cette phrase ?

Mme Delphine Batho, ministre. François Hollande !

M. Daniel Fasquelle. François Hollande, effectivement, madame la ministre. Une bonne note pour vous ! Ce sera transmis à l’Élysée !

En bon soldat, François Brottes a donc déposé une proposition de loi instaurant une tarification progressive de l’électricité. Et puis, patatras : disparition de la tarification progressive. Reniement donc : vous ne respectez plus l’engagement de François Hollande. Pourquoi la supprimer d’un seul coup ? Si cela équivaut au bonus-malus, autant dénommer le dispositif « tarification progressive ».

En réalité, je crois comprendre les raisons de cette disparition : la mise en place d’une telle tarification n’est pas conforme au droit européen. Autrement dit, l’engagement 42 de M. Hollande n’était lui-même pas conforme au droit européen, ce qui jette un doute sur l’ensemble de ses engagements. Vous le reconnaissez vous-même en modifiant le texte de la sorte.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, rapporteur. Allons, allons !

M. Daniel Fasquelle. L’argument est imparable, monsieur Brottes, et je trouve votre démarche très révélatrice.

Une fois de plus, j’aimerais savoir si vous avez contacté Bruxelles. Je pose inlassablement la question sans obtenir de réponse. Croyez-vous que ce tour de passe-passe qui consiste à changer l’étiquette sur la boîte parviendra à tromper la Commission européenne ? Moi, je n’y crois pas un seul instant. Le bonus-malus n’est pas autre chose que de la tarification progressive. Vous avez changé le nom sans changer de produit et vous recevrez de la part de la Commission la même sanction que celle qui s’applique à la tarification progressive. Toujours est-il que nous ne manquerons pas d’appeler l’attention de la Commission sur cette proposition de loi.

M. Razzy Hammadi. Cela a fait l’objet d’un amendement en commission !

M. Daniel Fasquelle. J’attends toujours une réponse à ma question : oui ou non avez-vous saisi les services de la Commission ? Oui ou non vous ont-ils indiqué que le bonus-malus était conforme au droit européen ?

Mme la présidente. La parole est à M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Madame la présidente, j’ai bien compris que mes deux amendements ne seraient pas adoptés et comme je ne suis favorable ni au rationnement ni à une autre version du texte, je vais les retirer pour éviter à mes collègues d’avoir à se prononcer sur de pareilles inepties.

(Les amendements n° 126 et n° 127 sont retirés.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

3

Fait personnel

Mme la présidente. La parole est à M. Martial Saddier, pour un fait personnel.

M. Martial Saddier. J’interviens en effet, au titre de l’article 58-4 de notre règlement, pour fait personnel.

J’ai défendu la motion de renvoi en commission non pas en mon nom mais au nom du groupe UMP. Je crois l’avoir fait avec correction et avec respect à l’égard de l’auteur de la proposition de loi, de Mme la ministre et de vous toutes et de vous tous, mes chers collègues. J’ai soulevé certaines questions, sur lesquelles nous pouvons ou non être d’accord, et j’ai même dit au rapporteur que son intention était louable, contestant exclusivement la mise en œuvre du dispositif. À cet égard, je le remercie de m’avoir répondu sur le même ton constructif et, je crois, respectueux.

Quant à vous, madame la vice-présidente de la commission des affaires économiques, vous avez tout d’abord cru bon de vous étonner du choix d’un député appartenant à la commission du développement durable pour défendre une motion. Permettez-moi de vous rappeler que dans cet hémicycle, nous sommes tout simplement tous des députés de la République. Nous avons modifié le règlement de notre assemblée pour que les travaux des commissions soient ouverts à tous les députés, quelle que soit la commission à laquelle ils appartiennent. À l’UMP, nous assumons ce choix, car pour nous, ce texte est de nature à la fois économique – c’est la raison pour laquelle Lionel Tardy, membre de la commission des affaires économiques, a défendu la motion de rejet préalable – et environnementale – c’est la raison pour laquelle le groupe UMP a choisi pour défendre l’autre motion un membre de la commission du développement durable, tout en regrettant que celle-ci n’ait pas été saisie pour avis.

Vous m’avez ensuite personnellement mis en cause. Au-delà de la pauvreté de l’argument, je vous rappelle que j’ai été présent du début à la fin de la réunion marathon de la commission qui a commencé à quatorze heures l’après-midi et qui s’est achevée à près de deux heures quarante-cinq du matin – réunion tout au long de laquelle nous avons apprécié votre présence, madame la ministre. Je vous rappelle également que j’occupe la fonction de whip de la commission du développement durable pour le groupe UMP, ce qui représente une charge de travail que chacun connaît et reconnaît dans le fonctionnement de notre institution. Par conséquent, je n’ai pu assister à toutes les réunions de la commission des affaires économiques dont je ne suis pas membre, faut-il que je le précise à nouveau.

Depuis trois semaines, et ce n’est pas cette semaine que les choses vont se calmer, j’ai passé en moyenne à l’Assemblée trois jours et trois nuits, ce qui a incontestablement fait de moi – peut-être est-ce cela qui vous pose problème, même si j’espère que non – l’un des députés les plus présents lors de la session extraordinaire, en commission comme dans l’hémicycle.

Je vous le dis très posément et calmement, madame la vice-présidente de la commission des affaires économiques et chère collègue : vos propos ne sont ni convenables à mon égard ni dignes d’une représentante de la commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

4

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion de la proposition de loi instaurant une tarification progressive de l’énergie.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures vingt.)