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Assemblée nationale

commission Élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission des affaires économiques

Commission des affaires sociales

(Application de l’article 120 du Règlement)

Mardi 6 novembre 2012

Présidence de M. Jean Launay
secrétaire de la Commission des finances,
de Mme Frédérique Massat,
vice-présidente de la Commission
des affaires économiques,
et de M. Jean-Patrick Gille,
vice-président de la Commission
des affaires sociales,
puis de M. Catherine Lemorton,
présidente de la Commission
des affaires sociales

La réunion de la commission élargie commence à dix heures trente.

projet de loi de finances pour 2013

Solidarité, insertion et égalité des chances

M. Jean Launay, secrétaire de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, suppléant M. Gilles Carrez, président. Je suis heureux d’accueillir Mmes Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé, Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée aux personnes handicapées et à la lutte contre l’exclusion, Dominique Bertinotti, ministre déléguée à la famille, et Michèle Delaunay, ministre déléguée aux personnes âgées et à l’autonomie, afin d’examiner en commission élargie les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » ainsi que les comptes spéciaux qui lui sont rattachés.

Je rappelle que cette procédure des commissions élargies, reconduite par décision de la Conférence des présidents du 31 juillet dernier, vise à favoriser des échanges aussi interactifs que possible entre parlementaires et ministres. Les rapporteurs disposent chacun de cinq minutes, de même que les porte-parole des groupes, les autres députés qui souhaitent interroger le Gouvernement étant quant à eux invités à limiter leur propos à une durée de deux minutes. J’appelle chacun à faire preuve de la plus grande discipline.

Avant de donner la parole, conformément à l’habitude, au rapporteur spécial et aux rapporteurs pour avis, je vais laisser s’exprimer nos deux collègues qui président à mes côtés cette commission élargie.

M. Jean-Patrick Gille, suppléant Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission des affaires sociales. Je vous prie tout d’abord d’excuser la présidente de notre commission, qui assiste en ce moment même à la Conférence des présidents et nous rejoindra dès que possible. Je voudrais en outre vous faire part de l’intérêt que porte la Commission des affaires sociales à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », à qui nous consacrons depuis plusieurs années deux avis budgétaires, l’un dédié au handicap et à la dépendance, le second aux autres programmes relatifs à la solidarité.

Je demanderai à mes collègues membres de la commission de bien vouloir rester à l’issue de cette réunion pour s’exprimer sur l’adoption des crédits de la mission pour 2013.

Mme Frédérique Massat, vice-présidente de la Commission des affaires économiques, suppléant M. François Brottes, président. J’invite à mon tour mes collègues membres de la Commission des affaires économiques à rester afin de donner leur avis sur l’adoption des crédits de la mission.

M. Nicolas Sansu, rapporteur spécial de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances. La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » retrace une action publique essentielle puisqu’elle porte les crédits destinés aux plus fragiles de nos concitoyens. Pour l’année 2013, le budget qui lui est consacré atteint 13,40 milliards d’euros en crédits de paiement, ce qui représente une hausse de 5,6 % par rapport à l’année 2012. Cette augmentation des moyens, même si elle ne se vérifie pas à périmètre constant, répond à la nécessité de consolider la cohésion sociale. Par ailleurs, ces crédits n’épuisent pas l’effort de la Nation en matière de solidarité puisque les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale en prennent une large part.

Pour autant, ce budget est un budget de continuité, qui ne permettra pas de transformer les politiques publiques décidées antérieurement, mais qu’il conviendra pourtant de mener. Nous accorderons donc le bénéfice du temps au Gouvernement, qui, je l’espère, annoncera des modifications dans le cadre d’un plan global.

Pour l’heure, je poserai quatre questions.

La première concerne le revenu de solidarité active, le RSA. Deux dépenses – la prime de Noël et le RSA jeunes – seront financées désormais par l’accroissement de la recette fiscale dont bénéficie le fonds national des solidarités actives, le FNSA. À la suite de la hausse globale de 2 points des prélèvements sociaux sur le capital, décidée par la deuxième loi de finances rectificative pour 2012, les contributions additionnelles aux prélèvements sociaux affectés au FNSA verront leur taux passer de 1,10 à 1,45 %. Il en résulte une recette supplémentaire, estimée à 145 millions d’euros en 2012 et à 481 millions d’euros en 2013.

Pour autant, la trésorerie du FNSA, qui s’élevait à 477 millions d’euros au début de 2012, doit être quasiment asséchée à 100 millions d’euros fin 2012. Le FNSA se trouve donc sous la menace du moindre défaut de calibrage budgétaire. La prévision de 2013, en matière de recettes et de dépenses, est-elle réaliste ?

Ma deuxième question a trait au programme 304 dont l’action 14, qui concerne le plan national d’aide alimentaire, le PNAA, a été transférée au programme 177. En effet, le montant des crédits prévus se heurte à la baisse annoncée du programme européen d’aide aux plus démunis, le PEAD. Quelles dispositions prendra le Gouvernement face à l’augmentation des demandes, dopées par la précarité et la pauvreté ?

Ma troisième question porte sur l’allocation pour adulte handicapé, l’AAH. Les crédits destinés à cette allocation sont en forte augmentation, à la suite non seulement de revalorisations successives mais également de l’accroissement régulier du nombre de ses bénéficiaires. La projection de dépenses pour la seule AAH s’établit en 2012 à 7,842 milliards d’euros. Cette prévision représente 674 millions de plus que les dépenses effectuées en 2011 et 327 millions de plus que les crédits inscrits dans la loi de finances initiale pour 2012. Les données relatives à l’évolution du nombre de bénéficiaires au premier semestre 2012 corroborent cette analyse. Cette situation va nécessiter un abondement de crédits en gestion : comment comptez-vous procéder ?

Le montant de la dotation 2013 pour le financement de l’AAH s’élève à 8,154 milliards d’euros et intègre, outre l’évolution du nombre de bénéficiaires – soit un volume de 3,4 % –, les effets de la revalorisation pluriannuelle de 25 % en cinq ans, achevée en septembre 2012 – pour 177 millions d’euros – et la revalorisation annuelle prévue au 1er septembre 2013. Les crédits prévus seront-ils suffisants ? En cas d’insuffisance de dotation en 2013, comment comptez-vous procéder ?

Ma quatrième question concerne les crédits du programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales ». Ces crédits ont été consommés à hauteur de 79 % en AE et de 71 % en CP au 31 août 2012. Pour les rémunérations liées au titre 2, 65 % des crédits ont été consommés. S’agissant des moyens de fonctionnement et les investissements hors titre 2, 92 % des AE et 76 % des CP ont été consommés. La situation pour l’année 2012 des crédits de masse salariale est particulièrement tendue. Le rapport de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques du 2 juillet 2012 fait état de la nécessité d’une remise à niveau de 20 millions d’euros pour le programme 124. D’où ma question : quelle est la perspective d’exécution ? N’est-il pas illusoire de poursuivre cette quête effrénée de réduction des dépenses de gestion et de personnels, au risque de mettre en péril la consistance de l’État dans nos territoires ?

Mme Martine Carrillon-Couvreur, rapporteure pour avis de la Commission des affaires sociales, pour le handicap et la dépendance. Je constate avec satisfaction que le budget global de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » s’élève pour 2013 à 13,4 milliards d’euros en CP et en AE contre 12,7 milliards en loi de finances initiale pour 2012. 80 % de ces crédits sont destinés au programme 157, consacré au handicap et à la dépendance, qui est doté de 11,2 milliards d’euros en AE et en CP, ce qui représente une augmentation de plus de 6 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale pour 2012.

Cet effort financier permettra de financer l’AAH, dont le nombre de bénéficiaires continue de progresser et qui fera l’objet d’une revalorisation au 1er septembre 2013. Dans les temps difficiles que nous traversons, l’amélioration des conditions de vie des personnes en perte d’autonomie, qu’elles soient handicapées ou âgées, demeure une priorité pour le Gouvernement, et je m’en félicite. En effet, plus le contexte économique est sombre, plus nous devons préserver et renforcer notre solidarité envers les plus fragiles de nos concitoyens.

Cela dit, tant mon travail de préparation de cet avis budgétaire, que j’ai concentré sur la question des établissements et services d’aide par le travail, les ESAT, que les auditions que j’ai pu mener me conduisent à vous faire part de certaines interrogations.

Le Gouvernement a choisi de faire porter son effort sur la consolidation du financement des places existantes et d’opérer une pause dans la création de nouvelles places. Ce choix me paraît pertinent dans la mesure où, depuis plusieurs années, des économies sévères sont demandées aux ESAT. Une revalorisation salariale devenait indispensable. Quelles sont les perspectives à moyen terme ?

Par ailleurs, les directeurs d’ESAT et les représentants des associations gestionnaires nous ont fait part de leur opposition à la politique de tarifs plafond et de convergence tarifaire pratiquée depuis 2009. Ils incriminent son aspect mécanique et lui reprochent de reposer sur une tarification à la pathologie et de ne pas prendre suffisamment en compte des critères tels que les charges foncières ou le coût du transport.

Toutefois, il faut bien reconnaître que l’objectif d’assurer aux ESAT une égalité de traitement, à public accueilli comparable, est légitime, de même que le souci de maîtriser l’évolution des dépenses publiques. Quelles sont les intentions du Gouvernement s’agissant des orientations à donner à la politique d’allocation de ressources pour les mois et les années à venir ?

Le Président de la République a annoncé le 5 octobre dernier à la Sorbonne, lors des états généraux de la démocratie territoriale, que les départements pourraient à l’avenir être chargés de l’ensemble de la politique menée en direction du handicap et de la dépendance, hors du champ de l’assurance maladie. Et l’on voit bien les avantages que pourrait apporter, en matière de cohérence et de souplesse, une nouvelle étape de la décentralisation dans le pilotage et le financement de la politique du handicap. Quel sera l’impact de l’acte III de la décentralisation sur les ESAT ? Peut-on me confirmer qu’il sera mis en œuvre dans le respect de la vocation médicosociale spécifique de ces établissements ?

La MECSS de l’Assemblée nationale a décidé de se pencher sur la prise en charge de la perte d’autonomie et sur le rôle que pourraient jouer les maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH. Dans cette perspective, une étude préalable sera demandée à la Cour des comptes. Serait-il opportun de confier l’organisation et le financement des MDPH aux seuls départements ? Cette nouvelle gouvernance serait-elle de nature à préserver une totale équité territoriale en matière d’octroi des allocations ?

M. Christophe Sirugue, rapporteur pour avis de la Commission des affaires sociales, pour la solidarité. Madame la ministre des droits des femmes, l’égalité entre les femmes et les hommes ayant déjà fait l’objet de longs débats, je me contenterai, après avoir salué le niveau des crédits dédiés à cette politique et la création de votre ministère de plein droit, de reformuler deux questions auxquelles je n’ai pas reçu de réponse satisfaisante.

Une partie des problématiques de financement des associations repose sur l’acceptation par les agences régionales de l’ACSé – Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances – de financer 500 000 euros qui avaient été obtenus dans le cadre de l’accord dit Hortefeux, à la suite de la baisse des aides accordées à ces associations. Les antennes régionales de l’ACSé recevront-elles des consignes pour le versement de cette somme, sachant qu’une partie des crédits dus au titre de l’année précédente n’ont pas encore été versés ?

Le montant de 1,87 million d’euros des crédits destinés aux actions en matière prostitution semble bien faible eu égard aux enjeux que soulève cette question. Quelles sont vos propositions sur ce point ?

Quant au programme 304, consacré à la lutte contre la pauvreté, je supposerais, si je ne vous connaissais pas, mesdames les ministres, si je ne savais pas qu’une conférence devrait se tenir en décembre sur ce thème et si je ne partageais pas certaines de vos valeurs, je supposerais, disais-je, que ces crédits traduisent un renoncement. En effet, les crédits alloués au RSA, qui s’élevaient à 1,7 milliard en 2010, sont tombés à 700 millions en 2011, puis à 525 millions en 2012 et ne sont plus que de 370 millions pour 2013. Faut-il en penser que le non-recours au RSA et la méconnaissance de ce dispositif s’institutionnalisent ? Notre objectif se limite-t-il à la progression de 1,6 % du nombre de bénéficiaires, soit 689 000 pour 2013, alors même que le public cible était établi à 1,659 million de personnes ?

Je pourrais également évoquer le RSA jeunes, qui comptait 10 200 bénéficiaires en 2011 sur un public cible de 160 000 à 200 000 jeunes, et dont les crédits passent de 69 à 27 millions d’euros !

Quant à l’APRE – l’aide personnalisée de retour à l’emploi –, elle enregistre une chute spectaculaire en passant de 98 à 15 millions d’euros. On nous explique qu’il s’agit de bonne gestion puisque les crédits n’ont n’a pas été dépensés et que l’accroissement du taux de 1,1 % amènera des bénéfices supplémentaires. Sauf que de nouvelles dépenses ont été inscrites, dont la prime de Noël, mais je reste perplexe et j’attends que vous nous indiquiez quelle est la volonté du Gouvernement concernant l’avenir du RSA et les moyens qui lui seront consacrés.

J’en viens à l’action 14, « Aide alimentaire », que je connais bien pour avoir, avec mon collègue Étienne Pinte, alerté régulièrement le gouvernement sur sa sous-dotation dans les précédents budgets. Certes, un effort a été fait, mais il n’est pas à hauteur des attentes compte tenu des dépenses qui ont été engagées l’année dernière – et il est malheureusement à craindre que l’aide alimentaire sera tout aussi sollicitée l’an prochain. Je fais miennes les craintes de mon collègue Sansu quant à une éventuelle disparition des aides européennes, qui font actuellement l’objet de discussions au sein de la Commission européenne. Où en sont ces discussions et comment entendez-vous amortir les risques d’une telle disparition ?

Le programme 106, « Actions en faveur des familles vulnérables », a vu son budget augmenter de 12 millions d’euros, l’action consacrée à l’allocation de parent isolé, l’API, ayant été basculée sur le RSA. Je me réjouis de l’augmentation des crédits de l’action 01, « Accompagnement des familles dans leur rôle de parent », action qui intègre le soutien aux dispositifs en faveur des jeunes, constitués principalement par les points d’accueil et d’écoute jeunes, les PAEJ. La protection des enfants et des familles bénéficie, quant à elle, d’une hausse de crédits de 7,4 millions d’euros, en direction de l’Agence française de l’adoption, du GIP Enfance en danger et surtout de la protection juridique des majeurs.

En bref, sur les cinq programmes de la mission « Solidarité », seul le programme 157, « Handicap et dépendance », bénéficiait en 2012 d’une hausse de son budget. Dans le PLF pour 2013, seul le budget du programme 304, « Lutte contre la pauvreté : revenu de solidarité active et expérimentations sociales » est en baisse. Nous pouvons donc considérer que l’année 2013 sera un bon cru pour la solidarité. Dès lors, nous pouvons donner un avis favorable au vote des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalités des chances », mais il n’en reste pas moins que des questions importantes demeurent.

M. Philippe Kemel, rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques, pour l’économie sociale et solidaire. Dès sa constitution, et conformément aux engagements pris par le Président de la République, le Gouvernement a clairement montré sa volonté de reconnaître dans sa plénitude le rôle du secteur de l’économie sociale et solidaire dans la vie économique et sociale de notre pays.

La création auprès du ministre de l’économie et des finances d’un ministère délégué dont le domaine de compétence comprend explicitement l’ensemble de la politique menée en direction de ce secteur, l’inscription des problèmes spécifiques à l’économie sociale et solidaire à l’ordre du jour de la conférence sociale des 9 et 10 juillet 2012, l’annonce d’une contribution importante à l’économie sociale et solidaire, la mise en œuvre des emplois d’avenir et des contrats de génération, l’amplification des moyens de financement du secteur, auxquels devrait s’ajouter une dotation minimale de 500 millions d’euros dans le cadre de la future banque publique d’investissement, et enfin l’annonce d’un projet de loi cadre qui devrait définir le périmètre juridique et les modes de gouvernance du secteur, tous ces choix traduisent le rôle croissant du secteur de l’économie sociale et solidaire, qui représentait 2,350 millions de salariés en 2011, soit un emploi privé sur huit et 10 % du nombre total des salariés.

Par ailleurs, ce secteur a indiscutablement joué un rôle d’amortisseur de la crise puisque le nombre de ses salariés s’est accru de 22,6 % entre 2000 et 2010 alors qu’il n’augmentait que de 7,5 % dans l’ensemble du secteur privé.

Cette évolution satisfaisante est toutefois remise en cause depuis la fin de l’année 2010 en raison des difficultés rencontrées par le secteur associatif, difficultés essentiellement dues au recul des financements publics et ayant eu pour conséquence une diminution de 0,5% de l’emploi dans ce secteur en 2011.

Dans ce contexte, le projet de budget pour 2013 est marqué par une progression certaine des crédits inscrits au programme 304, qui passent de 3,3 à 5 millions d’euros – je rappelle qu’ils atteignaient 15 millions en 2007. Cette progression significative permet de retrouver le niveau de 2011 et sera accrue dans les prochaines années.

Quant aux moyens en personnels de la Direction générale de la cohésion sociale, qui avaient été fortement réduits en 2010, ils nécessiteraient d’être augmentés.

Dans ce contexte de reconquête, je formulerai trois observations.

La première porte sur la présentation des crédits. Si elle a été clarifiée pour le programme 304, puisque les dotations allouées à l’économie sociale et solidaire sont désormais individualisées dans une nouvelle action, l’action 12, il subsiste en revanche une certaine opacité quant au montant de la répartition des autres dotations budgétaires, notamment celle de l’action 01 du programme 163 « Développement de la vie associative ».

Il est indispensable que les nouveaux moyens budgétaires dégagés pour 2013, de près de 2 millions d’euros, soient prioritairement utilisés pour le financement de l’innovation sociale. La procédure la plus adaptée dans ce domaine me paraît être celle de l’appel à projet, car la crise de l’économie solidaire a éloigné l’innovation.

Je souhaite enfin que le Gouvernement prenne l’initiative de résoudre le problème que rencontrent depuis de longues années les associations, à savoir le fait qu’elles sont pénalisées en cas de situation financière excédentaire en fin d’exercice. L’État et les collectivités territoriales qui leur versent des subventions tirent argument de ces excédents soit pour reprendre les crédits non utilisés, soit pour réduire le montant de la subvention attribuée au titre de l’exercice suivant. Ces pratiques sont naturellement contraires à la saine gestion des associations et les privent de visibilité et d’innovation. Il faut que l’État mette un terme à cette pratique et incite fortement les collectivités territoriales à faire de même, ce qui ne nécessite nullement l’intervention de la loi. Il va de soi que les excédents qui ne devraient plus donner lieu à cette pratique devraient être uniquement ceux liés à l’objet social de l’association, à l’exclusion des ressources dégagées par des placements financiers – qui pourraient tout de même avoir un caractère spéculatif.

En conclusion, j’invite la Commission des affaires économiques à donner un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 304, sous réserve de l’adoption d’un amendement technique corrigeant une erreur matérielle dans l’intitulé de ce programme.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Après avoir évoqué un certain nombre de points, je laisserai à mes collègues le soin de répondre aux questions précises qui ont été posées sur des sujets relevant de leurs compétences.

Dans une période marquée par la crise et la restriction budgétaire, le Gouvernement a fait le choix de mettre l’accent sur le développement et le soutien aux politiques de solidarité. C’est pourquoi les crédits alloués à l’ensemble de ces politiques bénéficient d’une augmentation de 5,6 % par rapport à 2012, ce qui témoigne de la priorité que le Gouvernement accorde à ces politiques et de sa volonté de ne pas les sacrifier.

Il va de soi que les budgets dont nous discutons aujourd’hui ne trouvent leur cohérence que par rapport à l’ensemble des politiques de solidarité qui s’expriment également dans le budget de la sécurité sociale et dans ceux des collectivités territoriales.

Sans revenir sur ce qui relève du PLFSS, j’indique que le Gouvernement a décidé d’engager une réflexion avec les collectivités territoriales pour tout ce qui relève des politiques dont nous débattons aujourd’hui, en priorité avec les conseils généraux, puisqu’ils sont « en première ligne » dans la mise en œuvre des politiques sociales.

À ce titre, des décisions ont d’ores et déjà été annoncées par le Gouvernement, comme le soutien d’urgence, par le biais d’un fonds spécifique de 170 millions d’euros, à ceux des départements que la croissance exponentielle des trois allocations universelles au cours des dernières années a plongés dans une situation difficile.

Le Gouvernement a par ailleurs décidé d’engager des discussions avec les conseils généraux afin de déterminer la manière dont, dans la durée, seront financées ces trois allocations universelles, en particulier l’AAH, dont la croissance exponentielle est une préoccupation commune, mais aussi le RSA et l’allocation personnalisée d’autonomie, l’APA. C’est dans le cadre d’une refonte de ces politiques sociales territoriales que nous réfléchirons au financement pérenne de ces allocations.

Le Gouvernement a décidé de faire de la lutte contre la pauvreté et contre les exclusions une politique publique à part entière et identifiée comme telle. C’est la raison pour laquelle nous organiserons les 10 et 11 décembre prochains une conférence qui réunira les partenaires sociaux et l’ensemble des acteurs impliqués dans ce domaine.

C’est dire l’importance que le Gouvernement attache à cette question, dont le traitement souffre du caractère disparate des prestations et allocations versées et des politiques conduites. Il manque la cohérence d’ensemble qui permette de faire de la lutte contre l’exclusion une politique publique identifiée comme telle, dont le fil rouge soit l’accès de tous aux droits de tous, c’est-à-dire au droit commun. Nous réfléchirons en particulier au recours à ces droits, puisque notre pays se signale moins par un excès de fraude que par le non-recours à des droits qui existent. Si les crédits prévus pour le RSA activité n’augmentent pas, c’est que nos concitoyens n’y font pas appel. Autrement dit, le RSA activité ne marche pas. Le RSA socle a pris le relais du RMI de manière à peu près satisfaisante : l’État et les collectivités territoriales savent répondre aux situations de pauvreté ou d’absence totale d’activité. En revanche, ce qui constituait la novation du dispositif, à savoir la lutte contre la pauvreté des personnes qui travaillent, doit être remis à plat.

Je voudrais rassurer M. Sirugue en ce qui concerne l’APRE. Les besoins et les moyens affectés ne diminuent pas, mais nous constatons des niveaux de réserves très divers selon les territoires, et, dans le contexte budgétaire actuel, nous ne pouvons plus admettre l’accumulation de réserves par les collectivités territoriales, les associations, l’État ou les organismes de sécurité sociale. Nous avons donc fait le choix d’une remise à plat de ces réserves. Nous augmenterions bien sûr les moyens de l’État à due concurrence si elles s’avéraient insuffisantes, mais nous privilégions dans un premier temps la cohérence budgétaire.

Permettez-moi enfin de répondre à Philippe Kemel au nom de mon collègue Benoît Hamon, qui ne pouvait être présent ce matin. La progression significative du budget de l’économie sociale et solidaire dans un contexte contraint reflète la volonté du Gouvernement de reconnaître le rôle spécifique joué par ce secteur, notamment en faveur des publics en crise, mais pas exclusivement – n’oublions pas que l’économie sociale et solidaire occupe aussi une place importante dans le domaine de la santé, en matière d’accueil médico-social ou sanitaire.

Nous entendons renforcer le rôle des associations. Le Gouvernement a engagé une réflexion sur le traitement des fonds propres excédentaires, qui sont en contradiction avec le statut des associations de la loi de 1901. Nous souhaitons aboutir à des propositions qui ne pénalisent pas ces associations, sans pour autant accepter le paradoxe que serait la constitution de réserves à partir de subventions publiques.

Le ministre de l’économie sociale et solidaire entend également favoriser les expérimentations. Un budget spécifique de plus de 980 000 euros est prévu à cette fin. Treize nouvelles expérimentations seront conduites, ce qui permettra de prolonger les dynamiques qui ont été engagées en faveur de l’innovation et de l’expérimentation sociale. Ces innovations seront portées par des acteurs de l’économie sociale et solidaire, point qui vous tient à cœur.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la Commission des affaires sociales, remplace M. Jean-Patrick Gille à la présidence.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Les ESAT sont aujourd’hui au nombre d’environ 1 500, madame Carrillon-Couvreur. Nous en sommes aujourd’hui à 6 400 créations de places, sur les 10 000 prévues par le plan pluriannuel lancé en 2008. Pour 2013, le Gouvernement a choisi de faire porter l’effort sur la consolidation des places existantes. À l’instar de ce qui s’est passé dans les établissements médico-sociaux, les mesures d’économie drastiques imposées aux ESAT depuis cinq ans ont bloqué la revalorisation des salaires, et donc les recrutements, d’où une dégradation de la prise en charge des personnes handicapées. Nous voulons inverser cette logique en 2013, en revalorisant de 1 % la masse salariale – ce sont 25 000 salariés qui sont concernés dans les ESAT. De même, nous refusons d’imposer aux ESAT les mêmes mesures d’économie que l’an dernier. Nous allons donc faire une pause dans la convergence tarifaire.

Nous consacrerons 1,4 milliard d’euros au fonctionnement des ESAT, dont 1 milliard d’euros pour couvrir la masse salariale et 400 000 euros pour les autres charges de fonctionnement. En ce qui concerne l’investissement, l’effort budgétaire en faveur des ESAT fait plus que doubler : il s’élève à 2,5 millions d’euros contre 1 million l’an dernier, ce qui traduit un engagement fort en faveur de l’aménagement et de l’amélioration du fonctionnement des établissements. Cela nous permettra à la fois de les consolider et de réfléchir à leur fonctionnement et à leur meilleure intégration dans le dispositif.

Vous m’interrogez d’autre part sur la convergence tarifaire et les tarifs plafond. La convergence tarifaire instaurée en 2009 aurait pu être un instrument de bonne gestion et d’équité entre les ESAT. En pratique, elle a entraîné de nombreuses difficultés, que vous avez citées. J’en ajouterai deux. Sachant que la masse salariale représente les trois quarts de leurs coûts, les capacités d’adaptation des ESAT auxquelles s’appliquait la convergence tarifaire étaient très limitées. Elles ne pouvaient quasiment concerner que le personnel, au point que certains établissements ont dû envisager des licenciements. Bref, nous étions « au bout du rouleau ». De plus, les critères utilisés pour appliquer cette convergence ne sont pas assez pertinents, comme l’a montré l’étude nationale de coûts réalisée en 2012. C’est pourquoi nous avons décidé de faire une pause dans la convergence tarifaire. En 2009 et 2010, la progression des dotations a été nulle ; en 2011, elles ont diminué de 1 %, et en 2012, de 2,5 %. C’est à ce processus que nous mettons fin. Nous ne voulons pas faire d’économies sur les ESAT – le Premier ministre s’y est d’ailleurs engagé. Nous reparlerons par la suite des dispositions à prendre pour les consolider et les harmoniser.

Le Président de la République a clairement dit le 5 octobre qu’il allait proposer que l’ensemble des politiques du handicap et de la dépendance hors champ de l’assurance maladie fassent l’objet de discussions dans le cadre de la réflexion sur la décentralisation. Les ESAT peuvent faire partie de cette réflexion, mais elles n’en sont qu’un élément. Les établissements et les services médico-sociaux en charge des adultes handicapés dépendent aujourd’hui aussi bien de l’État que de l’assurance maladie ou des conseils généraux. Les bénéficiaires passent d’un établissement à l’autre et d’une tutelle à l’autre, parfois dans la même journée. Bref, tout cela est complexe. L’acte III de la décentralisation peut donc être l’occasion d’introduire davantage de clarté. Rien n’est cependant décidé en ce qui concerne une éventuelle décentralisation des ESAT. Il n’y aura pas de passage en force : nous devons discuter avec les collectivités territoriales et les acteurs concernés. Mais il est certain que le statu quo poserait aussi problème. C’est pourquoi nous soumettons ce point au débat.

La même question se pose pour les MDPH. Malgré les efforts consentis par les différents partenaires concernés et la loi Blanc tendant à améliorer leur fonctionnement, le statut hybride des MDPH, à savoir celui de GIP, pose problème. C’est une source de tensions entre l’État et les conseils généraux, qu’il s’agisse des questions financières ou de la mise à disposition de personnels. Le dispositif est lourd à gérer pour le ministère comme pour les départements. Même dans ceux où les choses se passent plutôt bien, ce statut est fragile. Sans doute faut-il le clarifier. Si la décentralisation était décidée, elle serait en tout cas assortie de certaines garanties, notamment sur la qualité et l’équité sur le territoire. Celles-ci pourraient être apportées à travers un renforcement du rôle de la CNSA. Bien entendu, et je tiens à vous le dire, nous respecterons le rôle des associations au sein des MDPH. Dites-le leur : il semble qu’elles craignent de perdre des prérogatives au sein des Commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, les CDAPH.

Un effort financier important sera consenti au titre de l’AAH en 2013, monsieur Sansu. Son montant atteindra 8,2 milliards d’euros pour 940 000 bénéficiaires. Il a été arrêté sur la base de la dépense que l’on devrait constater en fin de gestion 2012, et non du montant prévu en loi de finances pour 2012. Avec près de 300 millions d’euros de plus que l’an dernier, le montant budgétisé est plus conforme à la réalité de la progression de la dépense. Ce rebasage est donc un gage de la sincérité de ce budget. Par ailleurs, une forte augmentation de la dépense est observée, essentiellement du fait de la croissance du nombre d’allocataires. Nous devons comprendre pourquoi ceux-ci entrent dans ce régime et examiner les alternatives possibles, en réfléchissant aux moyens de mieux accompagner ces personnes vers l’autonomie et l’insertion dans la vie de la Cité. Au-delà des mesures inscrites dans le PLF, le Gouvernement a déjà pris des engagements en matière d’accompagnement à l’école ou d’accès à l’emploi. Nous travaillons en effet, dans le cadre du suivi de la Conférence sociale, sur une meilleure intégration des personnes en situation de handicap dans l’emploi. L’Inspection générale des affaires sociales, l’IGAS, et l’Inspection générale des finances, l’IGF, nous rendront en mars 2013 une étude – que je porterai à votre connaissance – sur l’entrée de ces personnes dans l’AAH, en particulier celles ayant un taux d’incapacité compris entre 50 % et 79 %. Les deux tiers d’entre elles travaillaient jusque-là. Nous devons nous demander s’il est possible de les maintenir dans l’emploi, tout en respectant leur statut de personne en situation de handicap. Nous menons aujourd’hui une expérience dans une dizaine de départements pilotes, qui travaillent sur l’employabilité de ces personnes. Nous vous ferons part de ses résultats, et nous verrons comment favoriser l’employabilité de celles qui le désirent.

Vous l’avez dit, le financement de la prime de Noël est pour la première fois inscrit dans la loi de finances. Cela témoigne de notre volonté de pérenniser cette prime si importante pour nombre de familles et conforte notre modèle de solidarité. La dotation correspondante s’élève à 465 millions d’euros, contre 383 millions en 2012. C’est le FNSA qui en financera l’intégralité, grâce à une augmentation de 0,35 % du taux des contributions additionnelles aux prélèvements sociaux sur les revenus du capital. La prime sera donc financée de manière globale. Elle sera attribuée aux allocataires du RSA socle et du RSA socle majoré, mais aussi aux bénéficiaires de l’ASS, de l’allocation équivalent retraite, l’AER, et de l’allocation transitoire de solidarité, l’ATS. Comme vous le voyez, nous entendons à la fois consolider cette prime et l’attribuer de la même façon à l’ensemble des bénéficiaires des minima sociaux.

M. Sansu et M. Sirugue ont évoqué l’aide alimentaire, qui fait pour la première fois l’objet d’une action inscrite au programme 304, dotée de 23 millions d’euros de crédits. L’intégration au programme 304 donne une visibilité à cette aide alimentaire. Sortir celle-ci du programme 177 interdit également toute fongibilité de ses crédits, notamment dans ceux de l’hébergement d’urgence.

Nous sommes comme vous très soucieux de l’avenir du PEAD. Vous savez que celui-ci prendra fin au 31 décembre 2013. Les grandes associations d’aide alimentaire estiment qu’elles ont les moyens d’assurer leurs interventions jusqu’à l’hiver prochain. Mais ensuite, rien n’est garanti. Les crédits européens ont été sécurisés à hauteur de 70 millions d’euros pour la France, mais l’avenir de l’aide alimentaire européenne se joue à l’heure où nous parlons. Nous nous sommes mobilisés, avec Stéphane Le Foll et Bernard Cazeneuve, afin de faire pression sur les négociations en cours. Tout n’est pas joué. Un nouveau dispositif, sans doute dénommé Fonds européen d’aide aux plus démunis, sera mis en place. C’est mieux que ce que nous attendions, puisque nous redoutions une intégration au Fonds social européen, le FSE, mais le montant annoncé – 2,5 milliards d’euros pour la période 2014-2020, soit une baisse de 30 % – ne nous convient pas. Il faut donc poursuivre le combat. Si le financement de l’aide alimentaire est bien prévu, on devrait également financer sur ces crédits les « besoins basiques » à définir par les États. Le cofinancement est par ailleurs acté : pour chaque financement, les États membres devront apporter un cofinancement de 10 %. Je vous redis notre détermination à sauver ce programme et à maintenir un lien avec l’agriculture – ce qui est loin d’être gagné.

Le taux de recours aux minima sociaux est un vrai problème. Comme le disait Mme Touraine, le taux élevé de non-recours est le signe de l’absence de pertinence de certains dispositifs du RSA, mais aussi de la stigmatisation dont ses allocataires sont parfois victimes. Ces échecs se traduisent dans le PLF, avec une faible prévision de montée en charge des RSA. Je rappelle que le taux de non-recours au RSA activité atteint 68 %, et que le nombre d’allocataires du RSA jeunes est inférieur à 10 000, alors qu’il avait été évalué à 180 000 ; et je ne parle même pas du RSA Mayotte… Nous accompagnons ces dispositifs, mais nous entendons les remettre à plat dans le cadre de la Conférence nationale de lutte contre la pauvreté et les exclusions, et œuvrer à favoriser l’accès aux droits, ce qui est fondamental. Des groupes de travail ont été constitués ; nous vous associerons au processus le moment venu. Le Président de la République s’est engagé à avancer dans cette voie; le Premier ministre en a parlé dans son discours de politique générale.

Nous ne pouvons nous résigner à voir la pauvreté progresser, comme c’est le cas aujourd’hui. Le Premier ministre souhaite que la Conférence, qui aura lieu les 10 et 11 décembre prochains, permette de tracer une feuille de route à chacun de ses ministres pour les années à venir. Des groupes de travail sur l’accès aux soins, au logement, aux droits, sur le surendettement, bref sur toutes les questions touchant à la lutte contre la pauvreté et au refus de la précarité, sont d’ores et déjà en place. Nous ne pensons pas seulement aux populations qui vivent déjà dans une extrême précarité, mais aussi aux travailleurs pauvres, qui ont peur pour leurs enfants. Nous ne voulons pas montrer un public pour le stigmatiser, mais travailler sur une chaîne de pauvreté, en développant des actions de prévention.

Les éléments que je viens de rappeler ont certes eu pour conséquence une baisse des crédits du programme 304, mais l’ensemble des besoins est globalement couvert. Nous faisons avec l’existant. Mais je le redis, nous avons le devoir de remettre les choses à plat sur le long terme. C’est tout le travail que je vous propose d’ici à la fin de l’année, avant d’en mettre les conclusions en œuvre dès 2013.

Nous avons lutté pour maintenir l’APRE. Si dérisoire qu’elle puisse paraître, il est important lorsqu’on retrouve un emploi de pouvoir s’acheter une chemise, mettre de l’essence dans sa voiture ou faire garder ses enfants. Nous avons diminué ses crédits sur le programme 304, puisque ce sont 15 millions d’euros qui seront versés au FNSA, mais cette baisse est compensée par les 55 millions d’euros de réserves qui existent dans les trésoreries. On note par ailleurs une disparité entre départements, d’où la nécessité d’une compensation.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement. Je ne suis pas surprise par le faible nombre de questions qui me sont adressées : l’Assemblée nationale a consacré il y a quelques jours un débat de trois heures au document de politique transversale, qui nous a permis de passer en revue la plupart des questions ayant trait à la politique des droits des femmes.

Avant de répondre aux deux questions de M. Sirugue, je voudrais redire à quel point j’ai apprécié la qualité des échanges que nous avons eu à cette occasion. Le retour d’un ministère des droits des femmes de plein exercice répond à une volonté politique, que traduit clairement ce budget. Malgré une situation difficile, les crédits du programme 137 connaissent une progression de près de 15 %. Le service des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes, le SDFE, qu’il s’agisse de l’administration centrale ou du réseau des déléguées régionales et des chargées de mission départementales, est renforcé et va pouvoir se reconstruire à l’échelle locale. Nous allons tirer parti de la transversalité, qui est désormais appliquée. Elle passe par la nomination dans chaque administration de hauts fonctionnaires référents égalité femmes-hommes, par les études d’impact qui permettront d’analyser les projets de loi ou de décret à l’aune de l’égalité entre les femmes et les hommes, et par l’engagement de mes collègues du Gouvernement, qui présenteront chacun, lors du comité interministériel prévu fin novembre, une feuille de route pour les prochaines années.

Le soutien aux associations est un axe majeur de notre politique. Un protocole pour le soutien des actions menées par le mouvement du Planning familial et l’ensemble des établissements d’information, de consultation ou de conseil familial, les EICCF, avait d’ailleurs été signé en 2009 entre le ministère du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, celui de la santé et des sports, et le Mouvement français pour le planning familial. Il garantissait pour trois ans les financements versés par l’État à ces grandes structures associatives. Il était prévu de verser aux EICCF 2,6 millions d’euros par an, dont 2,1 millions sur le programme 106, qui concerne les actions en faveur des familles vulnérables, et 500 000 euros sur le programme 147, dans le cadre d’une subvention de l’Agence nationale pour la cohésion sociale et l’égalité des chances, l’ACSé, pour des actions menées dans les quartiers prioritaires relevant de la politique de la ville.

Le protocole prévoyait enfin le versement d’une subvention nationale au planning familial, à hauteur de 50 000 euros au titre du programme 106 et de 213 000 euros au titre du programme 137. En 2012, monsieur Sirugue, ces engagements financiers du protocole ont été maintenus et respectés. Non seulement l’ensemble des subventions ont-elles été versées au niveau local par les directions départementales de la cohésion sociale, mais, de plus, un message a engagements nationaux et leur demander d’être attentifs à la concrétisation, sur le terrain, de ces versements.

En 2013, l’État maintiendra son soutien aux grandes structures associatives à la même hauteur qu’en 2012, la répartition locale des crédits relevant en revanche de la compétence des préfets. Le Gouvernement reconduira notamment son engagement auprès du Mouvement français pour le planning familial, afin de lui permettre de poursuivre son activité de tête de réseau. Le Planning familial signera également une nouvelle convention pluriannuelle avec mon ministère, et une convention avec le ministère de l’Éducation nationale, qui souhaite l’associer à la mise en œuvre effective de l’éducation à la sexualité dans les établissements scolaires.

Dans un contexte où la question principale était de savoir où l’on pouvait réduire les moyens et non où l’on pouvait les augmenter, nous avons fait le choix de maintenir en l’état les crédits prévus pour les associations qui luttent contre la prostitution. Ces crédits, qui s’élèvent à 1,87 million d’euros, ont pour la première fois été alloués en 2012 ; ce coup de pouce est ainsi reconduit, et nous n’excluons pas de l’augmenter à l’avenir. Le programme 137 n’est pas le seul à contribuer à cette action, qui a vocation à être développée. L’Inspection générale des affaires sociales nous remettra dans les prochaines semaines une enquête sur la prise en charge sanitaire et l’insertion sociale et professionnelle des personnes prostituées, qui devrait nous permettre d’y voir plus clair dans les besoins de cette population. L’enquête portera également sur l’articulation entre l’action des délégués régionaux aux droits des femmes et celle des agences régionales de santé qu’il faudra faire converger pour plus d’efficacité.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Le problème du non-recours au RSA concerne, entre autres, les caisses d’allocations familiales, les CAF, dont le travail doit être davantage harmonisé avec celui des conseils généraux. Par ailleurs, la convention d’objectifs et de gestion de la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, arrive à échéance, et devra être renégociée. Nous en profiterons pour demander à la CNAF de simplifier les démarches administratives que les allocataires potentiels doivent effectuer pour accéder à leurs droits. La concertation entre les CAF et les conseils généraux sera essentielle, car les situations locales sont éminemment variables. Dans la perspective de la Conférence nationale de lutte contre la pauvreté et les exclusions, il est ainsi important de noter que les indus, dont le problème a été soulevé dans le rapport de la Cour des comptes, ne sont pas tant le produit de fraudes que de dysfonctionnements, et c’est dans cette optique qu’il faut les combattre.

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l’autonomie. L’essentiel du budget de la politique de l’âge relève, d’une part, de la Sécurité sociale – et nous l’avons examiné au moment du PLFSS – et, d’autre part, des départements.

Je tiens ici à aborder le sujet de la protection juridique des majeurs vulnérables ; il concerne également mes collègues Dominique Bertinotti et Marie-Arlette Carlotti, mais les plus de soixante ans représentent 40,3 % des personnes sous mesure de protection, et ce chiffre est en constante augmentation. Par ailleurs, contrairement à ce que l’on pourrait croire, les personnes sous mesure de protection ont des revenus très faibles, pour 86 % d’entre elles inférieurs ou égaux au SMIC. Le budget dédié à cette action – relevant du programme 106 – est en hausse de 4,6 % par rapport à la loi de finances 2012, ses crédits s’élevant à 244 millions d’euros. Cette hausse résulte à la fois du plein effet de la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs et du transfert du dispositif des points accueil et écoute jeunes, les PAEJ.

Les dépenses relatives aux tutelles et aux curatelles s’élèvent pour leur part à 226 millions d’euros. Des solutions seront enfin trouvées pour les mandataires individuels en difficulté : la réserve de précaution pour l’activité mandataire, qui s’élève à 6 % des crédits annuels, a été débloquée le 25 octobre dernier.

Mme Hélène Geoffroy. Le groupe SRC ne peut que se féliciter de l’augmentation de 5,6 % de l’engagement de l’État en faveur de la solidarité. Les sujets traités – RSA, familles vulnérables, financement du handicap et de la dépendance, égalité entre les hommes et les femmes – sont au coeur de la cohésion sociale qu’il est urgent de reconstruire dans notre pays. Au-delà du budget de transition que nous examinons aujourd’hui, nous devons continuer à porter une volonté politique forte en faveur de cet objectif. La future Conférence nationale de lutte contre la pauvreté et les exclusions doit voir émerger une réflexion sur les mécanismes de solidarité. Cette notion a été largement vilipendée par la majorité précédente, qui l’a utilisée comme outil de division des bénéficiaires des minima sociaux et des travailleurs pauvres. Et si les Français y sont toujours attachés, nous devons en permanence les convaincre de l’efficacité des politiques publiques de cohésion sociale et réfléchir au mode de gouvernance à mettre en œuvre.

Les politiques, qui ont souffert durant des années de réorientations brutales, doivent être pensées dans la durée. Si nous nous réjouissons de la revalorisation de certaines allocations, comme l’Allocation aux adultes handicapés, la question de sortie de ces dispositifs reste ouverte. Au-delà des allocations elles-mêmes – l’AAH, le RSA, l’allocation départementale personnalisée d’autonomie –, il faut ainsi réfléchir à l’accompagnement de leurs bénéficiaires, en améliorant la lisibilité du suivi des bénéficiaires du RSA, en favorisant l’accès à l’emploi de ceux de l’AAH, et en cherchant à prolonger l’autonomie de ceux de l’ADPA.

Lorsque le RSA a remplacé le RMI et l’Allocation parent isolé, l’API, la volonté affichée était de permettre de cumuler minima sociaux et revenus du travail, afin de valoriser le travail et d’améliorer les conditions de vie des travailleurs pauvres. Or, près de 70 % des bénéficiaires du RSA sont aujourd’hui en RSA socle, et sont d’anciens bénéficiaires du RMI et de l’API. Cette réalité du terrain pose la question du devenir du dispositif.

La posture consistant à voir dans tout bénéficiaire du RSA un fraudeur en puissance est aujourd’hui dépassée, en partie grâce aux moyens accrus de contrôle et d’évaluation. Cependant – et j’en profite pour le dire devant Najat Vallaud-Belkacem – l’égalité entre les hommes et les femmes est loin d’être respectée. Les femmes qui bénéficiaient auparavant de l’API connaissent en effet de grandes difficultés à entrer dans le dispositif du RSA, alors qu’elles doivent également faire face au problème de la garde des enfants et que leur retour à l’emploi est particulièrement délicat. Il faut mettre en place des dispositifs renforcés adaptés à leur situation, et aider les associations spécialisées qui sont aujourd’hui dans une situation financière difficile. La gestion des allocations dans le cadre du couple est également à revoir : lorsque le RSA est accordé à la famille, c’est le plus souvent l’homme qui bénéficie d’un accompagnement vers l’emploi, la femme n’ayant droit qu’à un suivi social.

Madame Bertinotti, les aides de la CAF doivent être rendues plus lisibles. Je mets au défi quiconque de dire aujourd’hui à un bénéficiaire combien il recevra de la CAF s’il travaille quelques heures dans le mois, ou un ou deux mois dans l’année. La déclaration trimestrielle est productrice d’un nombre élevé d’indus, mais elle met également les gens en difficulté. Les allocataires que l’on reçoit dans nos permanences nous expliquent qu’ils ne voient plus l’intérêt de travailler pendant de brèves périodes : ce faisant, ils perdent en effet toujours des droits, le calcul de la CMU, des APL et des droits connexes devenant très complexe, et il leur arrive de recevoir cinq courriers différents de la CAF leur donnant des niveaux de prestation différents. Ce problème mérite que l’on s’y attelle.

Par ailleurs, l’idée que les bénéficiaires du RSA sont responsables de leurs difficultés continue à faire partie des représentations collectives, et de nombreux allocataires potentiels ne demandent pas l’accès à leurs droits, découragés par la difficulté de la démarche et par la crainte d’être étiquetés en tant que « cas social ». Il faut donc travailler à un meilleur accès aux droits et à une plus grande contractualisation entre les bénéficiaires des politiques publiques et les collectivités qui les portent.

Enfin, l’accompagnement des allocataires sociaux doit être renforcé. Cet objectif, qu’il faut traiter en lien avec la mission « Travail et emploi » et en concertation avec Pôle emploi et les structures d’insertion, devra nous guider tout au long de la future Conférence nationale de lutte contre la pauvreté et les exclusions, et du travail sur le prochain budget. L’enjeu majeur est de sortir les personnes de la précarité, et pour y arriver, nous devons apprendre à concevoir des dispositifs sur mesure, adaptés notamment à ceux qui pâtissent de la pauvreté et de l’exclusion depuis de nombreuses années.

Mme Marianne Dubois. Comme chaque année, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », qui montre l’attachement de la Nation aux plus faibles d’entre nous, revêt une importance particulière. En 2013, il faut poursuivre la mobilisation afin d’atténuer les effets pernicieux et dévastateurs de la crise qui affecte tant nos compatriotes. Il faut assurer la pérennité de nos politiques de solidarité nationale ; le budget consacré aux plus démunis a connu, sous la législature précédente, une progression significative pour la période 2010-2013, et le groupe UMP souhaite que cet effort financier soit maintenu.

La politique familiale constitue un investissement pour l’avenir ; or, vous avez pénalisé nombre de familles en abaissant le quotient familial et en diminuant les réductions d’impôt pour les emplois familiaux.

En matière de handicap et de dépendance, s’il convient de se réjouir de l’allongement de l’espérance de vie, le défi pour notre société est d’assurer à chacun la possibilité de vieillir dans les meilleures conditions. Dans cinq ans, le nombre de personnes âgées de plus de quatre-vingt-cinq ans passera en effet de 1,3 à 2 millions. La précédente majorité a tenu son engagement en augmentant l’AAH de 25 % ; la conférence sur le handicap est désormais inscrite dans le marbre et nous nous félicitons de voir ce cadre pérennisé au-delà des clivages politiques existants. À travers son objectif d’inclure pleinement dans notre société les personnes handicapées, la loi du 11 février 2005 a marqué la législation. Toutefois, un rapport en date du 10 octobre a pointé les difficultés que l’on rencontre, notamment dans les communes rurales, pour rendre effective l’accessibilité des lieux publics aux handicapés à l’échéance de 2015.

En ce qui concerne la lutte contre l’exclusion, madame la ministre déléguée, j’ai pris bonne note de votre engagement à n’éluder aucune question à l’occasion de la préparation du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. Le rendez-vous des 10 et 11 décembre prochains ne devra pas se cantonner à des effets d’annonce sans lendemain.

Nous nous réjouissons que vous repreniez et pérennisiez la « prime de Noël ».

À travers la généralisation du RSA, la majorité précédente avait relevé le défi de la réforme les minima sociaux. Aujourd’hui, les crédits du RSA jeunes sont en baisse, passant de 69 millions d’euros en 2012 à 27 millions en 2013. La priorité affichée en faveur des jeunes risque donc de se révéler factice.

L’aide personnalisée de retour à l’emploi, l’APRE, est manifestement affectée par vos coupes budgétaires, passant de 98 à 15 millions d’euros. Nous serons vigilants sur son évaluation que vous êtes en train de mener.

La question de l’emploi et de la scolarisation des personnes handicapées est essentielle, leur taux de chômage étant deux fois supérieur à celui de la population totale. Les ESAT auront davantage de moyens, mais aucune place supplémentaire n’y sera créée. Le récent rapport du Conseil économique, social et environnemental indique que 13 000 jeunes en situation de handicap sont toujours sans solution éducative. En 2010, l’État avait affecté 1,4 milliard d’euros aux personnes atteintes d’autisme ; cet effort doit être poursuivi. Je souhaiterais également attirer votre attention sur les instituts de sourds et de malentendants qui ont été retirés du périmètre des opérateurs de l’État en 2012.

Nos aînés méritent d’être protégés après une vie de labeur : il convient de réaffirmer leur place et non de les taxer brutalement. La taxe de 0,15 % applicable aux pensions de retraite à partir du 1er avril prochain – l’une des mesures du PLFSS qui vient d’être adopté – a été mal reçue par nos concitoyens. Il est également regrettable que le PLFSS reporte à plus tard le plan dépendance, pourtant fondamental.

Le volet portant sur la lutte contre les maltraitances, qu’elles soient commises contre des enfants ou des femmes, est également essentiel tant les chiffres des violences progressent de façon inquiétante.

Si l’égalité des droits des hommes et des femmes est acquise dans notre pays, l’égalité réelle peut encore être améliorée. L’augmentation des crédits affectés au ministère du droit des femmes va dans le bon sens, mais il conviendra de répondre précisément aux problématiques qui les concernent : égalité dans la société et au travail, et lutte contre les violences sexistes. Le financement des associations agissant dans ce domaine doit être pérennisé, ce qui ne semble pas être le cas, les documents budgétaires apparaissant imprécis.

Malgré un exercice budgétaire contraint, le Gouvernement doit reprendre les initiatives de la majorité précédente en matière de solidarité et d’égalité des chances. Nous avions en effet concrétisé nos engagements en faveur des personnes et des familles en difficulté.

Ce budget s’adresse à ceux qui en ont le plus besoin, et ne doit laisser personne sur le bord du chemin. Le groupe UMP demeure vigilant et vous demande d’apporter des précisons sur cette mission afin de dissiper nos inquiétudes.

M. Christophe Cavard. Les cinq programmes présentés dans les rapports – « Lutte contre la pauvreté » ; « Actions en faveur des familles vulnérables » ; « Handicap et dépendance » ; « Égalité entre les femmes et les hommes » ; « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » – sont importants. Le groupe écologiste se réjouit de l’augmentation générale de 5,6 % des crédits alloués à l’ensemble de ces politiques, plus ou moins importante selon le programme.

Nous saluons l’affectation de 1 million d’euros à l’expérimentation sociale, par le biais de l’Agence nouvelle des solidarités actives, l’ANSA. La somme n’est sans doute pas élevée, mais l’enjeu pourrait l’être si ces expérimentations conduisaient à des politiques globales. Nous sommes également satisfaits de l’augmentation des recettes du Fonds national des solidarités actives, grâce à la réaffectation partielle du produit de la hausse du prélèvement social sur le capital. Ce transfert permet une baisse de la contribution de l’État, les moyens ainsi dégagés pouvant être redéployés sur d’autres politiques.

Le RSA, dont bénéficient 2 millions de foyers, constitue un enjeu essentiel. Comme le rappelle le rapport de M. Nicolas Sansu, le financement de ce dispositif est assuré conjointement par l’État et par les départements, ces derniers en assumant la plus grande part. En tant qu’élu départemental, je constate que le RSA s’est peu à peu mué en troisième pilier de l’assurance chômage, devenant un refuge pour les demandeurs d’emploi exclus du dispositif de droit commun sous l’effet des politiques de ces dernières années. Cette évolution devra faire l’objet d’un débat, notamment à l’occasion de la conférence de décembre, les deux dispositifs impliquant des modalités d’accompagnement très différentes. Comme l’a rappelé Hélène Geoffroy, dans le cadre du RSA, les hommes et les femmes ne sont ainsi pas accompagnés de la même façon au sein d’un même foyer ; dans le cadre de l’assurance chômage, cette distinction n’existe pas, puisque c’est la personne et non la famille qui bénéficie d’un accompagnement. Il est donc important de revisiter l’ensemble du dispositif.

Les liens tissés entre notre majorité et l’Assemblée des départements de France servent la politique du Gouvernement. Cependant, pour couvrir les trois allocations de solidarité, les départements ont dû faire appel à leurs propres ressources, et la Conférence nationale de lutte contre la pauvreté et les exclusions – dont la tenue en décembre nous réjouit – ne devra pas faire l’impasse sur cette question financière. Il faudra la traiter, d’une manière posée et réfléchie, durant cette législature, dans le cadre du troisième volet de la réforme territoriale et en lien avec la réforme de la fiscalité locale, afin d’aboutir à une complémentarité entre les volontés législatives et gouvernementales d’une part, et leur mise en œuvre sur les territoires par les collectivités d’autre part.

L’article L.263-2 du code de l’action sociale et des familles oblige les départements à mettre en place des pactes territoriaux pour l’insertion, lesquels ont vocation, au-delà de la simple gestion des dispositifs, à être de vrais programmes de développement local, bénéficiant de nombreux crédits de solidarité. Les territoires peuvent également profiter du développement de l’économie sociale et solidaire, dont l’intérêt nous semble évident. Elle peut en effet contribuer à une véritable transformation économique de la société, notamment par le biais des statuts d’entreprises – coopérative, mutuelle ou association – et par le biais des réponses qu’elle peut apporter aux besoins des filières d’avenir.

Le rapporteur spécial souhaite une revalorisation du poste des entreprises d’insertion. Nous aborderons ce point jeudi avec le ministre du travail, mais nous sommes heureux que l’idée de revalorisation apparaisse dans le rapport.

Nous nous félicitons enfin de la façon dont se développe la politique du handicap, même s’il reste à mener des débats de concertation avec les acteurs locaux, notamment sur la question du transfert de compétences annoncé par le Président de la République ou sur celle du fonctionnement des Maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH. Les rendez-vous des semaines à venir devraient nous éclairer sur ces enjeux.

Mme Jeanine Dubié. Je souhaiterais, au nom du groupe RRDP, formuler quelques remarques concernant les crédits pour lesquels la Commission des affaires économiques a été saisie.

Avoir isolé les crédits dédiés au renforcement de l’économie sociale et solidaire permet de donner une meilleure reconnaissance institutionnelle à ce secteur et traduit la priorité que le Gouvernement entend donner à cette action. Ce secteur, qui met la puissance des mécanismes marchands au service d’une finalité sociale, mérite d’être plus soutenu. L’enveloppe de cinq millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement reste évidemment très modeste. Mais l’augmentation de 8 % des subventions aux chambres régionales de l’économie sociale est significative et traduit les efforts consentis pour soutenir le secteur.

Les « subventions aux organismes nationaux et locaux de l’économie sociale » constituent le poste de dépenses le plus élevé, concentrant les trois quarts des crédits dédiés à cette action, soit 3,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Ces subventions ont pour but de soutenir les organismes qui animent, structurent et accompagnent les entreprises de l’économie sociale et solidaire. Elles devraient également permettre le déploiement des emplois d’avenir et des contrats de génération dans ce secteur.

Mais au-delà de ces seules subventions, il serait judicieux que le développement de l’économie sociale et solidaire puisse s’appuyer sur des dispositifs de soutien économique existants qu’il viendrait compléter. Par exemple, l’octroi aux entreprises de certaines subventions pourrait être conditionné à la mise en place, en leur sein, de systèmes de gouvernance et de répartition des bénéfices caractéristiques du secteur de l’économie sociale et solidaire.

Ce n’est qu’une piste de réflexion parmi d’autres, mais elle illustre mon propos, à savoir que la politique en faveur de l’économie sociale et solidaire ne saurait se résumer au seul développement d’entreprises d’ores et déjà convaincues de la finalité économique et du mode d’organisation de ce secteur.

En effet, au-delà des seules entreprises qui se définissent au travers de l’économie sociale et solidaire, c’est bien la transformation de l’ensemble des activités économiques qui est visée – même si cette transformation se fait à la marge et très progressivement. À ce titre, la reconduction des crédits dédiés aux expérimentations et à l’innovation dans ce secteur est tout à fait souhaitable.

S’il est pertinent d’isoler les crédits dédiés à ce secteur, malgré leur montant somme toute très modeste, il est indispensable que les objectifs assignés à cette action puissent à l’avenir imprégner les autres dispositifs de soutien aux entreprises.

Mes autres remarques porteront sur l’action 5 du programme 157 et sur le développement de la politique de bientraitance.

Les crédits alloués à la lutte contre la maltraitance sont en légère augmentation, ce dont je me réjouis tant nous devons nous efforcer d’assurer un accompagnement respectueux de la dignité des personnes qui sont confrontées à l’incapacité de faire seule en raison de leur grand âge ou de leur handicap.

Les actions de sensibilisation et de formation des professionnels doivent être poursuivies et accentuées, tant pour ceux qui travaillent dans les établissements que pour ceux qui travaillent à domicile. Face à la stigmatisation des établissements, il est important de rappeler que 80 % des situations signalées se sont déroulées dans la sphère privée du domicile. C’est pourquoi il me paraît essentiel de développer des programmes d’actions pour la bientraitance en direction des associations d’aide et de soins à domicile. Des dispositifs spécifiques à ces organismes sont-ils à l’étude ?

Par ailleurs, en ce qui concerne les établissements médico-sociaux, notamment les EHPAD, la promotion de la bientraitance passe par l’amélioration de la qualité, ce qui implique des effectifs à la hauteur des besoins, au regard, notamment, de l’aggravation de la dépendance. Or le maintien du principe de la convergence tarifaire pour les EHPAD est susceptible d’entraîner la suppression de nombreux emplois d’aide soignant et d’infirmier d’ici à 2016, et, ainsi, d’aller à l’encontre des objectifs de qualité des soins et d’amélioration de la bientraitance. Ne serait-il pas opportun de suspendre le processus de convergence tarifaire en EHPAD et de travailler en concertation à la définition de tarifs plafond qui répondent aux objectifs d’amélioration de la prise en charge des personnes âgées accueillies et de promotion de la bientraitance ?

M. Nicolas Sansu. L’INSEE a montré que 8,6 millions de personnes vivaient sous le seuil de pauvreté en 2010 dans notre pays. Ce chiffre ne cesse d’augmenter. Il devrait bientôt atteindre les 9 millions – voire 10 millions en 2014, selon un article du Monde paru récemment.

Le dispositif du RSA activité est un échec : il ne permet pas aux personnes concernées d’obtenir un emploi. Le budget qui nous est présenté est essentiellement un budget de dépenses de guichet : il est en hausse parce que le nombre d’allocataires de l’AAH augmente, tout en étant malheureusement en diminution pour le RSA parce que nous avons fait le choix du FNSA pour combler le manque de la dotation globale. Notre groupe attend donc beaucoup de la grande conférence des 10 et 11 décembre s’agissant des allocations universelles.

Madame la ministre des affaires sociales, vous avez parlé d’allocations universelles. C’est donc à l’État de les assumer, selon un prélèvement qu’il convient d’inventer. En trente ans, dix points de PIB se sont déplacés du travail vers le capital : sans doute faut-il chercher de ce côté pour financer les allocations universelles, sachant que les conseils généraux ne seront pas capables de financer le RSA, la PCH – prestation de compensation du handicap – et l’APA.

Madame la ministre des droits des femmes, nous avons bien noté que des associations, comme les CIDFF, les centres d’information sur les droits des femmes et des familles, se voient aidées dans le cadre de ce budget. Cependant, les modifications de la politique de la ville entraîneront la suppression du soutien de l’État à un certain nombre de territoires, en particulier des dispositifs en faveur des droits des femmes dans le cadre des CUCS, les contrats urbains de cohésion sociale. Or il me semble très important de veiller à la cohérence des politiques publiques.

Enfin, le programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » prévoit la suppression de 126 postes, dont les deux tiers dans les services déconcentrés. Or les ARS et les DRJSCS, les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale, notamment sont déjà « à l’os ». Je n’ai pas obtenu de réponse sur ce sujet, qui ne peut être évacué.

M. Philippe Gomes. Dans un pays qui compte plus de 5 millions de demandeurs d'emploi, toutes catégories confondues, et qui a passé depuis deux mois le cap des 3 millions de chômeurs dans les trois premières catégories, dans un pays où 1,62 million de jeunes de moins de vingt-cinq ans et de seniors de plus de cinquante-cinq ans pointent au chômage, cette mission interministérielle présente une importance toute particulière. C’est notre cordon sanitaire national. C’est aussi un filet de sécurité qui couvre tous les espaces de notre territoire.

De fait, cette mission traite de solidarités vives, actives, constructives via l'insertion par l’exemple et de proximité. Elle illustre aussi une politique publique qui entremêle les interventions des acteurs publics nationaux et locaux. Elle représente le sixième budget de la France, après l'enseignement scolaire, les engagements financiers de l'État, la défense, la recherche et l'enseignement supérieur et la sécurité. Et elle enregistre dans ce projet de budget une progression substantielle de 5,6 %.

Je souhaiterais insister, au nom du groupe UDI, sur le programme 304.

Il subit une modification de maquette pour introduire, de façon visiblement prioritaire, l'économie sociale et solidaire, mais aussi d'autres expérimentations – ce que mentionne l'action 13 – ainsi que l'aide alimentaire et la qualification en travail social, logiquement transférés du programme 177.

Cette modification ne change rien au fond. D'abord, et compte tenu des retraitements réalisés, c'est la seule enveloppe de cette mission qui subit une baisse de plus de 10 %, liée à un reflux des dépenses d'intervention et non de fonctionnement, qui augmentent.

L'essentiel, c'est le financement du RSA, qui représente 92,3 % de ce programme.

La contribution de l'État vise le RSA activité et se porte sur le Fonds national des solidarités actives. Elle atteint 373 millions d’euros, complétés d'une recette fiscale dont le taux passe de 1,1 % à 1,45 %. Par ailleurs, le budget 2013 "pérennise" le financement de la prime de Noël. En 2010, elle concernait 1,7 million de bénéficiaires. Son coût en 2012 était estimé à environ 410 millions d'euros. Le changement est formel : ce qui était réalisé jusque-là hors budget initial est désormais inscrit d'emblée au budget, pour un total de 465 millions. En revanche, la contribution de l'État au Fonds national des solidarités actives diminue de 30 % en 2013. Ce recul s'explique, pour une bonne part, par la diminution de la prévision de dépenses au titre du RSA jeunes, ce qui en dit long de l'échec de ce dispositif.

Une mission qui voit son volume augmenter, un programme fondamental 304 qui reflue. Cela peut susciter deux questions : pourquoi et pourquoi pas ?

Le pourquoi pas, c’est l’urgence sociale.

Elle se conçoit si l’on considère la masse de personnes qui bénéficient de cette aide : ce sont 500 000 foyers en sus des 2 millions de personnes bénéficiaires du RSA socle.

Elle se conçoit aussi quand, sur la base de 60 % du revenu médian, le taux de pauvreté dépasse 14 % de la population et atteint plus sévèrement encore les moins de trente ans : 20 % des dix-huit – vingt-quatre ans et 19,2 % des moins de dix-huit ans sont concernés.

Elle se conçoit quand l’ensemble des moins de vingt-cinq ans représente presque la moitié des personnes pauvres, soit 3,7 millions d’individus sur 8,5 millions, quand le taux de chômage des moins de vingt-cinq ans au second semestre 2012 atteint 22,7 %, contre près de 10 % pour le reste de la population active, et quand le taux de chômage des jeunes peu ou pas qualifiés atteint 44,3 %.

Ces mêmes chiffres, assortis des résultats des études récentes, montrent que si le RSA ne produit pas d'effet désincitatif sur l'emploi des jeunes de vingt-cinq ans, celui-ci n'a pas pour autant permis de lutter efficacement contre la pauvreté. Finalement, le taux de retour à l'emploi, objectif clé du RSA, n'est que de 3 % par mois et reste massivement orienté vers des temps partiels ou des CDD. À la fin de l’année 2010, plus d'un tiers des éligibles au revenu de solidarité active socle seul et au RSA socle et activité ne recouraient pas à la prestation. De même, plus des deux tiers des éligibles au RSA activité seul étaient en situation de non-recours. On peut ainsi se poser la question du pourquoi.

Ce PLF nous propose, non des solutions, mais des facilités de gestion de la crise. Rien n'y annonce l'indispensable réforme du RSA, lequel ne permet ni de réduire la pauvreté, ni de réinsérer les chômeurs, notamment les plus jeunes d'entre eux. La France se singularise ainsi au sein des pays européens par un droit d'accès tardif au revenu minimum pour les jeunes sans charge de famille.

Nous attendions autre chose de la première loi de finances du nouveau gouvernement. Nous aurions souhaité une remise à plat du dispositif et la budgétisation d’un grand « plan jeunesse » concentrant l’effort national sur cette priorité absolue, pour mieux accompagner nos jeunes et mieux les orienter, pour porter toute notre attention sur les plus fragiles et les plus pauvres d’entre eux.

Au-delà, une occasion a été manquée de réfléchir au système complexe des minima sociaux, qui concerne près de 6 millions de personnes en France et qui est matériellement et géographiquement hétérogène. Il y a là une problématique fondamentale d’accès aux droits. Malheureusement, face à la nécessité d’une remise à plat de cette forêt inextricable que constituent les minima sociaux, le Gouvernement a décidé de renvoyer la décision à la grande conférence des 10 et 11 décembre.

En conclusion, le groupe UDI votera contre ce budget, car la mission qui porte le très beau nom de « Solidarité, insertion et égalité des chances » ne traduit pas un véritable projet structurant. Celui-ci était pourtant nécessaire à un moment charnière de l’histoire de notre pays, où nous devons, face à la crise, tenir nos engagements européens sans pour autant laisser au bord de la route une partie de la population.

Mme la présidente Catherine Lemorton.Madame Dubois, j’aurais aimé que votre vigilance soit rétroactive. Je vous rappelle en effet que 50 millions d’euros ont d’ores et déjà été débloqués pour l’hébergement d’urgence. Et que, grâce à un amendement de notre collègue Gérard Bapt, nous avons fait passer la contribution additionnelle sur les retraites de 0,15 % à 0,3 %, en exonérant 1,7 million de retraités.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Le Gouvernement partage les préoccupations de Mme Geoffroy au regard des enjeux qu’elle a identifiés, en particulier l’accès au droit et l’accompagnement des personnes fragiles.

Nous ne méconnaissons pas la relation avec les collectivités locales, puisque nous avons engagé la discussion avec l’Association des départements de France. La loi de décentralisation devra déterminer, d’une part, les missions qui devront être confiées aux conseils généraux et, d’autre part, les modes de financement. Nous n’ignorons pas que, depuis plusieurs années, le niveau des ressources des collectivités ne leur permet pas de faire face à l’ensemble de leurs responsabilités. Cette question se pose pour le handicap. L’AAH est attribuée localement et financée nationalement, mais l’APA, la PCH et le RSA sont pris en charge par les collectivités locales, avec des financements de l’État qui ne leur permettent plus d’assumer l’intégralité de leurs responsabilités. Face à cet enjeu majeur, nous voulons apporter des réponses en lien avec les collectivités territoriales. C’est la raison pour laquelle, dans le cadre d’une rencontre qui a eu lieu entre le Président de la République et l’Association des départements de France, il a été indiqué qu’un travail entre l’État et l’ADF viserait à définir les moyens de répondre à ces exigences.

Mme Dubois nous exhorte à mettre en place une politique d’accompagnement de la perte d’autonomie. Venant d’elle, cela nous étonne un peu, mais nous l’entendons avec beaucoup d’intérêt car, pour nous, le contre-modèle est celui de la majorité précédente ! Il est évident que nous travaillons sur ce sujet.

Monsieur Gomes, l’augmentation de la pauvreté est une réalité, mais votre appel à une remise à plat immédiate m’étonne puisque celle-ci aura lieu le mois prochain à l’occasion de la grande conférence. Nous avons fait le choix d’une refondation des politiques de lutte contre la pauvreté, et cette conférence devra déboucher, non sur des perspectives à long terme, mais sur des actions et des mesures immédiatement identifiées. Je ne comprends donc pas votre vote contre ce budget – qui pourtant est en hausse – au prétexte que les attentes sont particulièrement importantes dans ce domaine.

Monsieur Sansu, j’ai répondu aux questions sur le RSA et les allocations universelles des conseils généraux.

Je termine en disant que le ministère des affaires sociales a été mis à rude épreuve au cours des années passées. En 2012, l’administration centrale et les services déconcentrés ont en effet perdu 250 postes. Pour notre part, nous avons fait le choix de présenter un budget de responsabilité en limitant la diminution des postes à 126 en 2013. Cette réorganisation sera opérée au travers d’actions de simplification des procédures et d’actions de mutualisation, en particulier de certaines fonctions support. Au regard de l’importance des politiques de solidarité, l’effort demandé à ce ministère est donc limité.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Monsieur Gomes, « cette mission, c’est notre cordon sanitaire national », dites-vous. Mais nous n’en restons pas là car nous ne nous résignons pas : nous entendons mener une refondation de la lutte contre la pauvreté. Je vous remercie donc de nous faire des propositions. La conférence du mois de décembre doit être une réussite en remettant à plat les dispositifs et en réaffirmant la volonté du Gouvernement et de la représentation nationale de faire reculer la pauvreté dans ce pays.

Mme Dubois a rappelé que la loi de 2005 sur le handicap prévoit une accessibilité universelle au 1er janvier 2015. Le rapport commandé en la matière par le précédent gouvernement n’avait pas été rendu public car, en démontrant l’absence de continuité, il pointait le risque de ne pas atteindre l’objectif fixé par la loi. Au nom de la vérité et la transparence, nous avons publié ce rapport. En outre, nous avons confié à une sénatrice la mission de consulter, avant la fin de l’année, les collectivités territoriales, les préfectures et les grands chefs d’entreprise sur les questions relatives au transport et à l’accessibilité aux bâtiments publics. Nous voulons à la fois maintenir l’objectif d’accessibilité universelle en 2015 et introduire une progressivité des priorités, afin de ne pas mettre en difficulté les collectivités territoriales.

S’agissant de l’emploi des personnes en situation de handicap, nous avons organisé, avant la grande conférence sociale, une table ronde réunissant pour la première fois des responsables des organisations syndicales et patronales et des représentants des associations de personnes handicapées. Conformément aux engagements du Président de la République, nous voulons faire progresser l’emploi des personnes en situation de handicap, soit en sanctionnant les entreprises qui ne respectent pas le quota de 6 %, soit en entamant la discussion. Nous avons fait le choix de cette seconde proposition, en accord avec les responsables syndicaux et les associations concernées. Vous serez bien sûr partie prenante de ce travail qui sera mené durant l’année 2013.

En matière d’éducation, le progrès est réel, mais n’a pas abouti. Il faut poursuivre les efforts. Nous avons créé 1 500 emplois d’assistant de vie scolaire dès la rentrée scolaire et mis en place, dans le cadre de la refondation de l’école, un groupe de travail sur l’accompagnement de la vie scolaire et périscolaire de l’enfant. L’insuffisance de l’encadrement des enfants en situation de handicap dans ce pays est en effet une situation révoltante. Ce groupe de travail rendra ses préconisations en mars 2013, notamment sur l’accompagnement et le développement des ULIS, les unités localisées d’inclusion scolaire, et des CLIS, les classes d’inclusion scolaire.

Le travail en direction des personnes handicapées ne se résume pas au programme 157. La circulaire du Premier ministre invitant les ministres à intégrer la problématique des personnes handicapées aux politiques publiques, notamment en incluant un volet handicap dans chaque projet de loi – comme le fait celui relatif aux emplois d’avenir – amènera à mettre à contribution d’autres budgets, en particulier ceux de l’Éducation nationale et du travail. Il est clair que la politique doit être transversale en la matière.

En conclusion, nous fondons de grands espoirs sur la conférence des 10 et 11 décembre. Chacun des groupes de travail devra proposer des mesures concrètes capables de faire reculer la pauvreté dans ce pays. En particulier, celui qui portera sur la gouvernance devra réfléchir à l’articulation entre l’action de l’État, garant de l’équité, et les expériences très intéressantes qui sont menées par les collectivités territoriales.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. J’ajoute qu’un groupe de travail portera sur la pauvreté des enfants, phénomène qui est en augmentation dans notre pays.

Je reviens sur la complexité de la gestion du RSA, évoquée par Mme Geoffroy. Il faudra clarifier les rôles respectifs des conseils généraux, qui restent décisionnaires, et des caisses d’allocations familiales, qui instruisent les dossiers. Nous le savons : un meilleur accompagnement des familles en difficulté, en particulier des femmes, est indispensable. Or les employés des caisses ne peuvent pas tout faire. Nous devons réfléchir à ce problème.

Le retour à l’emploi des femmes est rendu problématique en raison de leur difficulté à trouver un mode de garde. En effet, si elles occupent un temps partiel, elles ne trouvent pas forcément des accueils à temps partiel dans les structures de la petite enfance. Il nous faudra travailler sur cette question, au plus près des territoires, afin de faire évoluer certaines structures d’accueil.

Enfin, le financement de l’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire a été rendu possible grâce à l’abaissement de l’avantage fiscal lié au quotient familial. Cette solidarité nationale est indispensable si l’on veut lutter contre la pauvreté, en particulier celle des familles.

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l’autonomie. Nous ne devrions pas hésiter à rompre avec nos codes et attitudes partisanes, en particulier lorsqu’il s’agit de dépendance : je souhaite donc beaucoup que cette politique de l’âge, si importante et si attendue, soit un sujet de convergence entre tous les groupes.

La maltraitance est un sujet essentiel même si, dans la mesure où la connotation compassionnelle du terme me dérange quelquefois, je lui préfère la notion de non-respect des droits. Nous sommes donc extrêmement engagés – à la fois aux plans national et international, auprès des Nations unies – en faveur de l’élaboration d’une charte ou d’une convention sur le droit des personnes âgées. Quant au numéro d’appel qui leur est consacré, et dont le financement est assuré par la mission que nous examinons aujourd’hui, il est insuffisamment connu et appelé. Mais il y a assurément encore plus et mieux à faire ! Et c’est afin que le problème soit mieux incarné que j’avais proposé la création d’un Défenseur des Âgés, qui pourrait être rattaché – ou pas – au Défenseur des droits. Il existe par ailleurs déjà un comité de vigilance et de lutte contre la maltraitance aux personnes âgées dont nous allons essayer de changer le nom et que nous réunirons afin qu’il formule des propositions.

Il est vrai que la maltraitance dans les établissements de santé est, dans une certaine mesure, due à l’insuffisance de personnel entourant le lit ou le fauteuil roulant des personnes âgées en perte d’autonomie majeure. C’est afin de pallier cette insuffisance que nous disposons, dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, de 147 millions d’euros de crédits. La question de la convergence tarifaire rejoint d’ailleurs la réflexion globale sur la tarification des établissements que nous mènerons prochainement dans le cadre du débat législatif.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement. La question de l’égalité d’accès des hommes et des femmes au revenu de solidarité active et à l’accompagnement dont est assortie la prestation a été soulevée par notre ministère quelques semaines après ma prise de fonction. Dans la mesure où nous manquons des données sexuées permettant d’évaluer la qualité de cet accompagnement, nous traitons de la question dans le cadre des travaux préparatoires à la Conférence nationale de lutte contre la pauvreté et les exclusions.

Il est vrai que le congé parental éloigne durablement les femmes du marché du travail : ce sujet nous intéresse donc au plus au point. À la suite de la Conférence sociale de juillet dernier, nous allons procéder de deux manières. D’une part, dans le cadre de la négociation entre partenaires sociaux sur l’égalité professionnelle qui a débuté le 21 septembre dernier, il a été proposé de mieux répartir les congés familiaux entre les hommes et les femmes et de faire en sorte qu’ils n’éloignent pas trop les femmes du marché du travail sans prévoir de solution de retour ultérieur. D’autre part, en collaboration avec les collectivités territoriales, nous mettons en œuvre l’expérimentation locale de réponses innovantes dans neuf régions. Dans ce cadre, ces femmes se verront proposer des formations spécifiques ainsi qu’un accompagnement personnalisé favorisant leur retour à l’emploi. Cette expérimentation bénéficie d’ailleurs de 12 millions de crédits en provenance du Fonds social européen : en cas de succès, elle a vocation à être généralisée ou à être étendue à d’autres territoires.

Passer de l’égalité formelle à l’égalité réelle en matière de parité, c’est ce que nous nous sommes donné les moyens de faire ! On constate en effet qu’à peine un tiers des 61 mesures du plan interministériel de lutte contre les violences faites aux femmes élaboré sous le précédent mandat ont commencé à être mises en œuvre tandis que les autres mesures n’ont été qu’annoncées mais nullement financées. Une étude de l’INED, l’Institut national d’études démographiques, rappelle pourtant qu’au cours des deux dernières années, près de 400 000 femmes ont été victimes de violences conjugales ou sexuelles.

La lutte contre la violence nous confronte à plusieurs enjeux : il s’agit tout d’abord d’améliorer notre connaissance du phénomène, ce que nous permettront l’Observatoire des violences faites aux femmes qui sera créé cet automne et le renouvellement de la grande enquête nationale sur les violences envers les femmes en France –Enveff –, non reconduite depuis treize ans. Il s’agit également d’accueillir et d’accompagner les femmes victimes de violences en faisant intervenir dès le début de la procédure les professionnels de police, de santé, de justice ou encore les enseignants. Il convient par ailleurs de renforcer le soutien au numéro d’accueil 3919 ainsi qu’aux associations, telles que le Centre national d’information sur les droits des femmes et des familles, le CNIDFF, et l’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail, l’AVFT. Enfin, afin d’assurer la sécurité des femmes concernées ainsi que de leurs enfants, il convient d’améliorer leurs conditions d’accès à l’hébergement et au logement, ce à quoi nous travaillons avec Cécile Duflot et les collectivités territoriales – qui, depuis 2010, ont la faculté de conclure des conventions de réservation de logements avec les bailleurs sociaux.

Non seulement nous maintenons le financement et le soutien aux associations, mais, plus encore, nous le stabilisons grâce à la conclusion de conventions pluriannuelles d’objectifs d’une durée de trois ans qui permettront un meilleur suivi du partenariat entre l’État et ces associations. En effet, j’ai constaté lors de mon arrivée au ministère à quel point le partenariat avec le CNIDFF avait été négligé alors même qu’il constitue un précieux instrument de connaissance des réalités locales.

Enfin, nous réfléchissons actuellement avec le ministre délégué chargé de la ville et le CNIDFF à la manière d’anticiper les difficultés liées au redécoupage des quartiers faisant l’objet de contrats urbains de cohésion sociale.

Mme la présidente Catherine Lemorton. Le 31 octobre dernier, la Haute autorité de santé a publié un guide de « déploiement de la bientraitance » à destination des professionnels des établissements de santé et des EHPAD. Ce guide traite de la mobilisation des patients et des professionnels de santé, la maltraitance pouvant en effet affecter toute personne en situation de fragilité du fait du lien de subordination auquel elle est soumise – que ce soit en établissement public ou privé.

Mme Catherine Coutelle, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Cette mission transversale mériterait de nombreuses interrogations, notamment quant à la lutte contre la pauvreté des femmes, quant aux familles vulnérables et monoparentales et quant aux retraités.

C’est en tout cas avec plaisir que je participe à l’examen du programme 137 puisque c’est la première fois que nous nous trouvons face à une ministre répondant à nos questions.

Ce budget est en hausse de 15 %, même s’il n’est que de 23 millions d’euros. De même, vos capacités d’action augmentent, elles aussi. À cet égard, la délégation fera son premier rapport sur les moyens d’action des délégations au niveau local, lesquelles ont été bousculées par la révision générale des politiques publiques. Cela dit, j’ai un peu de mal à comprendre si, au niveau central, vos nouvelles responsabilités sont véritablement prises en compte par l’administration.

J’en viens à l’action 14 qui regroupe les actions de soutien et d’expérimentation en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. À ce sujet, vous avez évoqué votre volonté de changer de méthode d’intervention en matière d’égalité professionnelle et de lutte contre les violences. Sur ce point, le site du ministère présente d’ailleurs deux études selon lesquelles, au cours des deux dernières années, près de 400 000 femmes ont été victimes de violences, une femme sur trois disant avoir été victime de violences de la part de proches ou de son conjoint. C’est pourquoi vous souhaitez, comme vous le soulignez depuis votre arrivée au ministère, que les lois soient effectivement appliquées. Vous avez également souligné plusieurs fois la nécessité de simplifier les procédures et d’améliorer la formation des professionnels de justice, de santé et d’éducation en matière non seulement de violence mais aussi d’égalité professionnelle. Comment comptez-vous mener cette formation de sensibilisation auprès des professionnels ?

Enfin, si vous avez souligné l’importance du numéro 3919, un autre ministère prévoit la création d’un numéro pour les victimes de discriminations : il conviendrait donc de ne pas multiplier l’offre de numéros mais au contraire d’en simplifier la lisibilité et l’usage.

M. Bernard Perrut. J’aborderai la lutte contre la pauvreté et, plus spécifiquement, l’aide alimentaire mise en œuvre sur le terrain par les associations. Je souhaiterais d’ailleurs insister sur le dévouement et la détermination de tous les bénévoles que nous rencontrons et qui ouvriront justement leurs lieux d’accueil dans quelques jours.

Les gouvernements successifs se sont investis afin de soutenir et de moderniser ce dispositif de solidarité concrète, notamment grâce au Programme national d’aide alimentaire ainsi qu’au Plan de relance de l’économie, qui y a contribué en 2009-2010. Ont été et seront consacrés à ces actions 28,44 millions d’euros en 2010, 22,5 millions d’euros en 2011, 22,6 millions en 2012 et 22,9 millions en 2013. On ne peut que se réjouir du maintien et du renforcement de ces crédits, tant les besoins sont immenses. Cependant, lorsque nous rencontrons les associations, celles-ci nous font part de leurs inquiétudes et du manque de visibilité dont elles souffrent quant aux crédits dont elles pourront disposer en fin d’année et lors de l’année suivante. Madame la ministre, que pouvez-vous faire pour les rassurer ?

Enfin, une incertitude pèse sur le financement européen de l’aide alimentaire, la Cour de Justice de l’Union européenne ayant estimé en 2011 que le Programme européen d’aide aux personnes les plus démunies ne pouvait plus financer directement l’aide alimentaire dans les États-membres mais seulement redistribuer les excédants de produits agricoles. C’est au terme d’une lutte que le précédent gouvernement a obtenu un moratoire en 2012 et, ainsi, fort heureusement sauvé l’aide alimentaire : que ferions-nous aujourd’hui si nous étions passés de 78 millions d’euros à 15,9 millions d’euros de crédits pour la France ? Quel est par conséquent l’état d’avancement des négociations entre l’État et la Commission européenne, étant donné que l’aide alimentaire nationale ne suffit pas et qu’il nous faut l’assurance du soutien européen pour pouvoir poursuivre notre mission ?

Mme Dominique Orliac. Le dispositif d’allocation transitoire de solidarité – ATS – a été instauré en remplacement de l’allocation équivalent retraite – AER – qui bénéficiait aux demandeurs d’emploi ayant cotisé pendant un nombre suffisant de trimestres mais n’ayant pas atteint l’âge légal de départ à la retraite. Sa suppression au 1er janvier 2011 par le précédent gouvernement a entraîné une baisse considérable des revenus de nombreuses personnes – la plupart ne pouvant désormais prétendre qu’à l’allocation de solidarité spécifique d’un montant de 467 euros alors que le montant de l’AER était de 1 000 euros. En outre, l’allocation transitoire de solidarité – dispositif temporaire instauré jusqu’en 2014 – concerne uniquement les demandeurs d’emploi nés entre juillet 1951 et décembre 1953 et ses critères d’accès sont très contraignants. Les demandeurs doivent notamment bénéficier de l’aide au retour à l’emploi au 10 novembre 2010, être âgés d’au moins soixante ans à la date de cessation des droits à l’AER, ne pas avoir atteint l’âge minimum légal de départ à la retraite et satisfaire à la durée d’assurance exigée pour bénéficier d’une retraite à taux plein à la date de cessation des droits de l’AER. Ces critères restrictifs et injustes excluent de fait deux tiers des bénéficiaires de l’AER, puisque seuls 11 000 des 30 000 bénéficiaires de cette allocation peuvent se voir verser l’ATS.

Certes, le décret de juillet 2012 a permis d’atténuer les effets de cette réforme pour certains allocataires mais il ne règle en rien le problème de fond. Cette situation risque d’ailleurs fort d’être accentuée par le chômage des seniors dont le nombre est toujours en augmentation.

Dans sa réponse à une question écrite, la ministre a indiqué que la question de l’AER serait examinée dans le cadre d’une réflexion plus large sur les retraites que le Gouvernement organisera en 2013. Mais le temps n’est plus ni une excuse ni un réconfort pour les milliers de personnes concernées, qui vivent aujourd’hui dans une précarité extrême. Dès lors, comptez-vous apporter dès maintenant des réponses concrètes à ces enjeux ?

Mme Pascale Crozon. L’impératif de lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes est l’un des objectifs les mieux partagés sur l’ensemble de ces bancs. En témoignent les débats qui ont eu lieu dans cette assemblée ou les mesures qu’elle a prises, qu’il s’agisse du harcèlement sexuel, des violences intrafamiliales, de la clause de l’Européenne la plus favorisée ou encore de l’abolition de la prostitution.

C’est à présent le moment de mettre en acte ces objectifs et d’en faire des priorités budgétaires. Je ne peux donc que vous féliciter et vous remercier de la hausse de 15 % du programme 137 ainsi que des dispositions du PLFSS prévoyant la revalorisation et l’amélioration de la prise en charge de l’accès à la contraception et à l’interruption volontaire de grossesse.

Je souhaite cependant vous interroger quant aux sanctions encourues en cas de manquements aux règles applicables en matière d’égalité professionnelle. Le décret du 9 juillet 2011 d’application de l’article 99 de la loi portant réforme des retraites a en effet été unanimement critiqué en raison des restrictions qu’il introduit, rendant toute sanction improbable sinon impossible. De plus, aucune ressource n’est inscrite au budget de l’État pour anticiper le prononcé éventuel de ces sanctions. Or, plus cette inégalité demeurera élevée, plus vous aurez besoin de moyens. Si la négociation sociale est en cours sur ces questions, je souhaite, madame la ministre, connaître votre sentiment sur la mise en œuvre effective de ces sanctions et sur le calendrier envisagé.

M. Rémi Delatte. Ma question porte sur l’accompagnement de la perte d’autonomie, véritable défi pour notre société qui mérite mieux qu’une polémique. Le groupe de travail « société et vieillissement » mis en place en 2011 afin d’améliorer la prise en charge de la dépendance a conclu que la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées serait d’autant meilleure que les Français accepteraient le vieillissement comme élément positif de leur parcours de vie. En outre, l’intégration dans les villes et les quartiers des réseaux sociaux – notamment intergénérationnels – qu’ils soient familiaux, amicaux, institutionnels ou associatifs, est une composante essentielle du « bien vieillir » et de la prévention de la perte d’autonomie.

En raison de l’allongement de l’espérance de vie et de l’augmentation du nombre de personnes dépendantes, le Président de la République et vous-mêmes, mesdames les ministres, avez promis une réforme de la politique en faveur de la dépendance. Toutefois, le financement de cette politique reste à tout le moins peu lisible. En tout état de cause, celui-ci doit reposer sur trois principes.

Un principe de responsabilité, tout d’abord, car il n’est pas question de reporter les financements sur les générations futures au risque d’alourdir la dette.

Un principe de justice sociale, ensuite, qui doit se décliner à plusieurs niveaux. Ce financement repose en grande partie sur les salariés – puisque les personnes retraitées et celles exerçant une profession libérale ne sont pas concernées par la journée de solidarité – et dans une moindre mesure sur les personnes âgées, soumises à la contribution sociale généralisée. Or, il ne serait pas juste que les personnes dépendantes assument seules la charge de leur dépendance alors qu’il s’agit d’un défi collectif devant par conséquent reposer sur la solidarité.

Le troisième principe consiste à ne pas peser sur la croissance et l’emploi ; or, la hausse généralisée de la CSG que vous semblez privilégier pèserait lourdement sur l’emploi et l’activité.

Face à ces enjeux complexes, comment le Gouvernement envisage-t-il le financement de la prise en charge de la perte d’autonomie ? On perçoit en effet les limites des financements dans la mesure où le recours à un financement partiel par l’assurance a été abandonné.

Mme Barbara Romagnan. Je suis globalement satisfaite de la politique proposée, qui se distingue des politiques précédemment menées. Toutefois, j’exprimerai de profondes inquiétudes quant au programme 304.

J’ai bien compris que, dans un souci de remise à plat, ce qui n’est pas traité dans ce programme le sera dans le cadre de la Conférence nationale et du plan quinquennal de lutte contre la pauvreté et les exclusions. Néanmoins, ignorant la manière dont nous y serons associés et dans la mesure où nous nous exprimons aujourd’hui sur le PLF 2013, c’est en fonction de cet état de fait que j’exprimerai mes réserves.

Si je connais l’engagement de Mme Marie-Arlette Carlotti dans le secteur dont elle a la charge, ce programme ne doit pas donner le sentiment que les pauvres peuvent attendre ! Si la crise que nous traversons rend les mesures d’économie souhaitables et nécessaires, il est néanmoins des secteurs dans lesquels ces mesures d’économie ainsi que la stagnation des crédits posent véritablement problème. Car la crise concerne avant tout les pauvres pour qui elle ne date pas de 2008 ! C’est donc en priorité dans leur direction que doivent se concentrer nos moyens ! En tant que 6e puissance économique mondiale, il en va de notre responsabilité morale, et tout particulièrement de celle de notre majorité.

Le non-recours aux droits doit également nous alerter : il ne traduit bien évidemment pas une diminution des besoins mais leur non-satisfaction. Manquant sa cible, le dispositif est donc mal utilisé.

Enfin, nous plaçons tous nos espoirs dans la Conférence nationale, le plan et l’action de ministres ici présentes, et nous soutenons l’augmentation du budget traitant de la situation des personnes les plus fragiles, que ce soit au regard du handicap, de leur âge, de leur dépendance ou de leur pauvreté. Si ces personnes ne se plaignent pas et sont beaucoup moins organisées que ceux qui s’appellent eux-mêmes « les pigeons », elles n’en sont pas moins légitimes et ne nous obligent que davantage !

M. Michel Heinrich. Le rapport que j’avais présenté, avec M. Régis Juanico, pour le compte de notre comité d’évaluation et de contrôle, sur la performance des politiques sociales en Europe, proposait trois grandes orientations afin d’améliorer le pilotage et l’évaluation de celles-ci. La première préconisait d’organiser au Parlement des débats déconnectés de l’examen annuel du PLFSS, les programmes de qualité et d’efficience, les PQE, étant alors peu étudiés. La deuxième visait à ce que l’évaluation des politiques locales débouche sur des actions de coordination. La troisième incitait à développer les expérimentations sociales.

Le projet de loi de finances pour 2013 alloue 4,8 millions d’euros au Fonds d’innovation et d’expérimentation sociale afin de financer l’accompagnement et le développement d’expérimentations par anticipation et en appui des politiques publiques de solidarité et de cohésion sociale.

Selon le projet annuel de performance de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », chacune de ces expérimentations doit imposer aux acteurs concernés, notamment aux administrations, une démarche innovante en vue de parvenir à une meilleure évaluation.

Ne devrait-on améliorer aussi l’information du Parlement sur la nature des projets mis en œuvre, sur les moyens mobilisés et sur les résultats des expérimentations ? Ainsi le document transversal, « Inclusion sociale et politique de l’égalité entre les hommes et les femmes » pourrait se montrer plus détaillé.

Mme Isabelle Le Callennec. Le RSA, constituant l’un des outils de lutte contre les exclusions, doit retenir toute notre attention. Or le projet de loi de finances nous inquiète à son endroit. Mais le gouvernement annonce une grande conférence, les 10 et 11 décembre prochains, afin de remettre à plat les dispositifs en vigueur. Nous souhaitons donc qu’elle débouche sur des mesures concrètes et que soient fixés des objectifs ainsi que des indicateurs de performance.

Le RSA soulève cinq catégories de questions.

La première porte sur la répartition des rôles entre l’État, les départements et les communautés d’agglomération – lorsque celles-ci exercent des compétences d’insertion sociale – et les caisses d’allocations familiales.

La deuxième concerne la pérennisation des financements, du RSA socle ou majoré au niveau départemental, comme du RSA activité à celui de l’État.

La troisième intéresse les moyens de l’accompagnement, qui me semblent essentiels. Or les crédits d’aide au retour à l’emploi, notamment à l’aide personnalisée, se trouvent sensiblement réduits. Je me réjouis en revanche de la prochaine création d’un groupe de travail sur la santé mentale car un nombre croissant de bénéficiaires du RSA pâtissent de troubles dans ce domaine. Ce qui devient difficile à gérer pour les conseillers d’insertion.

La quatrième vise l’indispensable simplification de toutes les procédures, à tous les étages, en associant les bénéficiaires au processus, comme ils l’ont toujours été pour l’amélioration du RSA depuis sa création.

La cinquième plaide en faveur de la réforme des minima sociaux et de l’aboutissement de la réflexion sur les droits connexes, qui devait initialement aller de pair avec la mise en place du RSA.

Mme la ministre a estimé que le RSA activité fonctionnait mal. Je constate cependant qu’on prévoit une augmentation de 1,6 % du nombre de ses allocataires. Près de 700 000 personnes en bénéficient. Si on le remet en cause, par quoi le remplace-t-on ?

Le Gouvernement mène-t-il une réflexion sur l’articulation entre le RSA activité et la prime pour l’emploi ?

Enfin les entreprises d’insertion, notamment les entreprises temporaires, aimeraient qu’on les dote de 225 millions d’euros quand le projet de budget n’en prévoit que 165. Un effort supplémentaire serait le bienvenu car ces entreprises obtiennent de remarquables résultats sur le terrain.

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement. Mme Catherine Coutelle a évoqué le problème de la formation des professionnels de l’accueil et de l’accompagnement des victimes de violences faites aux femmes. Le rapport d’information parlementaire, remis en janvier dernier par Mme Danielle Bousquet et M. Guy Geoffroy, soulignait déjà l’importance du sujet.

Des progrès sensibles ont été accomplis ces dernières années dans la formation initiale des policiers et des gendarmes. Mais nous attendons d’autres progrès, notamment dans la formation des magistrats. Mme Christiane Taubira, ministre chargée de la justice, a prévu de faire participer son administration aux conférences de l’égalité entre hommes et femmes et de renforcer la sensibilisation de l’École nationale de la magistrature.

Au-delà de la formation initiale, il importe surtout de proposer aux différents corps de métiers concernés une formation interdisciplinaire. Comment en effet permettre aux différents intervenants de prendre conscience de leurs interactions et, plus encore, de construire ensemble le parcours de prise en charge des victimes de violences ? Il faut pour cela qu’ils se rencontrent et suivent des formations communes. Nous allons nous y attacher à l’approche du 25 novembre, journée nationale de lutte contre les violences faites aux femmes, en constituant d’abord un catalogue des formations existantes. Puis l’Observatoire national des violences faites aux femmes, qui aura vu le jour entre-temps, sera chargé d’élaborer un plan de formation pluridisciplinaire. Nous le présenterons au Parlement dans le cadre du rapport prévu par la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants.

Les numéros de téléphone d’urgence mis en place en faveur des victimes, comme le 3919 pour les violences conjugales, doivent bien sûr offrir une bonne visibilité et une bonne cohérence, grâce notamment à des campagnes d’information. Il n’en reste pas moins que certains types de violences justifient un accueil téléphonique spécifique. Il en va notamment ainsi du service offert aux victimes de harcèlement au travail. La montée en puissance au niveau national du 3919, qui est aujourd’hui le plus professionnel, n’implique pas la disparition d’autres numéros plus spécialisés, comme par exemple celui du collectif contre le viol. Toutefois, certains services ne sont pas ouverts le dimanche ou pendant la nuit ; il faudra donc renforcer leurs moyens.

Mme Pascale Crozon a eu raison de rappeler que l’égalité entre les hommes et les femmes a fait l’objet de plusieurs textes de loi – même si on en mesure aujourd’hui la faible application.

S’agissant du décret d’application de l’article 99 de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, il n’entre pas dans le champ de la négociation ouverte entre les partenaires sociaux. Il sera réécrit par l’actuel gouvernement. Nous voulons, d’une part, remplacer le contrôle sur place, exigeant la venue d’un inspecteur du travail en entreprise pour constater la carence de celle-ci avant de déclencher la procédure de sanction, par un contrôle sur pièces, plus facile et plus rapide à exercer. Toutes les entreprises de plus de 50 salariés devront envoyer à l’administration leur plan d’action ou leur accord négocié.

Nous avons, d’autre part, en matière d’égalité professionnelle entre hommes et femmes, profité de la discussion de la loi sur les emplois d’avenir pour donner une préférence à la négociation sociale au détriment des plans unilatéraux fixés par la direction de l’entreprise. Il était, en effet, trop facile pour les entreprise de plus de 300 salariés de rédiger un document unilatéral. Le décret sera soumis dans quelques jours à l’avis du Conseil supérieur de l’égalité professionnelle puis publié dans quelques semaines.

M. Michel Heinrich nous a interrogé le Gouvernement sur les expérimentations sociales, méthode à laquelle je suis attachée et qui implique une évaluation afin de ne retenir que les résultats concluants. Faute de quoi, se creuseraient sur le territoire des inégalités d’accès aux services publics. Les 6 millions d’euros inscrits à l’action 14 du projet de budget serviront à constituer un fonds d’expérimentation en faveur des droits des femmes et de l’égalité entre hommes et femmes.

Ce fonds interviendra d’abord dans les neufs régions sélectionnées afin, non de sanctionner, mais d’aider les PME à mettre en oeuvre une égalité professionnelle pour laquelle elles sont a priori mal outillées.

Il servira aussi à accompagner des femmes éprouvant des difficultés sur le marché du travail après un congé parental de longue durée.

Ce fonds permettra enfin de tester des réponses innovantes à l’insuffisante mixité dans plusieurs filières de métiers. On trouve ainsi 80% de filles dans les secteurs de la santé et de l’action sociale et 80% de garçons dans les formations d‘ingénieurs. Seule une action très volontariste pourra corriger la donne. L’insuffisante mixité des orientations professionnelles explique largement les écarts de rémunérations et les disparités d’évolution de carrières entre hommes et femmes.

Le fonds comporte aussi des crédits d’études et d’évaluation pour 1 million d’euros.

Enfin, je retiens votre suggestion de faire apparaître la nature exacte des expérimentations dans les documents budgétaires.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. MmesCatherine Coutelle, Pascale Crozon et Barbara Romagnan ont rappelé à juste titre que la Conférence nationale de lutte contre la pauvreté et les exclusions comportait une table ronde spécifique sur la pauvreté des femmes, le problème des familles monoparentales et l’existence de 2 millions d’enfants pauvres dans notre pays.

Il est exact que les pauvres ne peuvent pas attendre. C’est bien pourquoi le projet de budget pérennise la prime de noël, qu’il prévoyait aussi d’ intégrer l’accès de quatre millions de foyers, comme le voulait la proposition de loi de M. François Brottes avant le passage du texte au Sénat, aux tarifs sociaux du gaz et de l’électricité, ainsi que la trêve de noël pour les coupures de service.

L’aide alimentaire, dont a parlé M. Bernard Perrut, figure dans le programme 304.

Le précédent gouvernement a signé l’accord européen sur la fin de l’aide alimentaire au 1er janvier prochain. Nous nous efforçons aujourd’hui de faire machine arrière. La Commission européenne a chiffré le besoin d’aide à 4,75 milliards d’euros. Or seulement 2,5 milliards sont prévus. Nous espérons faire remonter ce chiffre, et nous interviendrons en ce sens lors du prochain conseil européen du 23 novembre.

Comme Mme Isabelle Le Callennec, nous souhaitons simplifier les procédures relatives au RSA, qui, trop complexes, rendent plus difficiles l’accès au droit.

Nous ne projetons pas de supprimer le RSA activité mais nous constatons qu’il a très peu progressé, ce qui signifie qu’il est mal adapté aux réalités. Nous allons donc étudier comment le dynamiser, ainsi que la prime pour l’emploi. Nous en discuterons au cours de la table ronde, en concertation avec les bénéficiaires, dont les expériences sont souvent éclairantes.

Je précise à Mme Dominique Orliac que l’allocation transitoire de solidarité s’inscrit dans le programme 102 de la mission « Travail et emploi ». Elle relève donc de M. Michel Sapin.

Enfin si M. Michel Heinrich dépose un amendement visant à rendre plus précis les documents des programmes transversaux, celui-ci sera bien accueilli.

Mme Michèle Delaunay, ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l’autonomie. Je constate, monsieur Rémi Delatte, que nous sommes d’accord sur tout. Que n’avez-vous davantage influencé le précédent gouvernement !

La prévention du vieillissement constitue bien un volet majeur de notre politique de l’âge et du projet de loi à venir. Car les personnes âgées n’ont plus droit à des sessions de rattrapage ni à une école de la deuxième chance.

Le financement de notre politique repose avant tout sur la justice sociale et la solidarité. Nous ne ferons pas appel aux assurances privées.

Je comprends le souci exprimé qu’on évite de peser sur la croissance. Mais tout effort demandé aux Français a une incidence sur leur pouvoir d’achat. Par ailleurs, l’avancée en âge débouche sur ce qu’on appelle la silver économie, celle que procure la consommation de biens et de services par les cheveux d’argent, et qui ainsi créé des emplois.

Mme Barbara Romagnan a souligné qu’on pouvait être à la fois femme, pauvre et vieille, trois traits qui, hélas, se confortent souvent les uns les autres.

La réunion de la commission élargie s’achève à treize heures vingt-cinq.

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