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Assemblée nationale

commission Élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission des affaires économiques

Commission des affaires étrangères

(Application de l’article 120 du Règlement)

Mercredi 31 octobre 2012

Présidence de M. Gilles Carrez,
président de la Commission des finances,
et de M. François Brottes,
président de la Commission
des affaires économiques

La réunion de la commission élargie commence à seize heures quinze.

projet de loi de finances pour 2013

Économie

M. le président Gilles Carrez. Nous sommes heureux d’accueillir Mmes Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur, Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme, et Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des PME, de l'innovation et de l'économie numérique, et ainsi que M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation, afin d’examiner en commission élargie les crédits de la mission « Économie », ainsi que les comptes spéciaux qui lui sont rattachés.

Je rappelle que cette procédure des commissions élargies, reconduite par décision de la conférence des présidents du 31 juillet dernier, vise à favoriser des échanges aussi interactifs que possible entre parlementaires et ministres. Les rapporteurs disposent chacun de cinq minutes, de même que les porte-parole des groupes, les autres députés qui souhaitent interroger le Gouvernement étant quant à eux invités à limiter leur propos à une durée de deux minutes. J’appelle chacun à faire preuve de la plus grande discipline : nous ne devons en effet entendre pas moins de douze rapporteurs !

Conformément à l’habitude, je donnerai d’abord la parole aux cinq rapporteurs spéciaux.

M. Jean-François Mancel, suppléant M. Éric Woerth, rapporteur spécial pour le tourisme. M. Éric Woerth, empêché, m’a prié de le remplacer. Je me contenterai de vous transmettre ses observations et questions sans prétendre égaler son éloquence !

Le tourisme était en 2012 le plus petit des programmes de la mission « Économie ». Dans le projet de loi de finances pour 2013, il a été intégré sous la forme d’une action au programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme ».

Le projet de loi de finances prévoit de porter les crédits de cette action Tourisme à 44,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 38,7 millions d’euros en crédits de paiement, ces derniers connaissant une baisse de plus de 13 %, qui fait suite à celle de 10 % constatée l’année dernière.

Les crédits directs consacrés au tourisme sont faibles. Leur utilisation doit par conséquent être optimale, grâce à la recherche de synergies. Des crédits mutualisés à hauteur de 41 millions d’euros correspondent essentiellement aux rémunérations des personnels de la Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS) en charge du tourisme. Ils ont fait l’objet d’évaluations fluctuantes selon les années et de peu de précisions dans le projet annuel de performances. Pourriez-vous, madame la ministre, nous donner les moyens de mieux retracer la part du tourisme dans ces actions mutualisées ?

La position de la France sur le marché mondial du tourisme est fragile. Si elle conserve sa place de première destination touristique au monde en nombre d’arrivées, avec 81,4 millions de touristes étrangers en 2011, 14 % d’entre eux ne font que traverser notre pays pour se rendre chez nos voisins. La France reste troisième en termes de recettes du tourisme international ; sa part dans le marché mondial a légèrement remonté en 2011, mais les rentrées ont moins progressé que celles de nos voisins espagnols, allemands ou suisses.

Atout France, l’unique opérateur de l’État dans ce secteur, bénéficie de 31,8 millions d’euros, soit de 82 % des crédits de l’action Tourisme. Cette subvention, en baisse de 6 % par rapport à l’année dernière, ne cesse de s’effriter alors que les missions de l’opérateur sont renforcées et que son objectif est de replacer la France au deuxième rang mondial en termes de recettes. En 2013, sur ces 31,8 millions d’euros, sept millions seulement pourront être consacrés à la promotion de la France à l’international.

Comment cette agence dédiée à la recherche de synergies entre acteurs publics et privés pourra-t-elle avoir un effet d’entraînement sur ses partenaires avec des moyens aussi faibles ? Une réflexion est-elle en cours sur les moyens de faire bénéficier cet opérateur de ressources propres ?

Les crédits pour 2013 ne comportent aucune enveloppe pour la participation de la France à l’exposition universelle de Milan en 2015. Or l’expérience de Shanghai montre que plus un engagement est tardif, plus il entraîne des coûts élevés. Quand sera prise la décision de participer ou non à cette exposition ? L’exposition de Yeosu terminée, que deviendra la Compagnie française pour l’exposition universelle de Shanghai, la COFRES ?

En zone rurale, 85 % des hôtels relèvent de l’hôtellerie indépendante, et 95 % en zone de montagne. Cette catégorie d’établissements est donc essentielle à la survie de nos territoires et contribue à faire de la France une grande destination de vacances et de loisirs. Or l’application de normes très contraignantes en matière de sécurité et d’accessibilité pourrait se solder par la disparition de 2 000 à 4 000 de ces hôtels en cinq ans, entraînant la perte de 15 000 à 20 000 emplois directs et d’autant d’emplois indirects. Quelles mesures le Gouvernement entend-t-il prendre pour aider la petite hôtellerie à s’adapter à ces exigences ?

Le tourisme procure un million d’emplois directs et un million d’emplois indirects ; or, sur ce total, 50 000 emplois ne sont pas pourvus. Les efforts de modernisation de l’offre touristique doivent aller de pair avec l’amélioration de la qualité des ressources humaines et du professionnalisme des acteurs de la filière. Que prévoyez-vous pour renforcer l’attractivité de ce secteur, en particulier auprès des jeunes ?

Le tourisme d’affaires recèle un potentiel de développement économique considérable. La région Île-de-France, qui dispose de la plus grande surface d’exposition d’Europe, génère plus de 300 millions d’euros de recettes en accueillant douze millions de visiteurs par an. Elle perd toutefois des parts de marché et régresse dans le classement international des villes de congrès. La capacité hôtelière de Paris est insuffisante, et la fermeture des commerces le dimanche constitue un frein aux dépenses des touristes étrangers. Comment le Gouvernement compte-t-il développer ce secteur ?

Eric Woerth tenait enfin à vous faire part de ses vives inquiétudes quant aux conséquences qu’aurait sur l’emploi une hausse de la TVA dans la restauration.

Mme Monique Rabin, rapporteure spéciale pour le commerce extérieur. Notre pays traverse une période de mutation technologique, sociale et environnementale sans précédent, avec les conséquences qu’on sait : chômage, désindustrialisation accélérée, etc. La dette publique ayant doublé en dix ans, nos contraintes budgétaires sont fortes. Un des indicateurs de la gravité de la situation est le déficit abyssal de notre balance commerciale : de 72 milliards d’euros en 2011 et probablement d’un niveau équivalent cette année et l’an prochain.

Comme Mme Nicole Bricq, je considère que le commerce extérieur est ou devrait être une grande cause nationale. Cette conviction n’est pas l’effet de l’enthousiasme que peut éprouver un rapporteur spécial pour son sujet, elle est dictée par le principe de réalité : un milliard de déficit commercial correspond en effet à la perte de 10 000 emplois dans notre pays.

Les crédits des actions 7, Développement international des entreprises, et 20, Financement des entreprises et attractivité du territoire, s’élèveront en 2013 à 104,3 millions d’euros, soit moins de 1 % des crédits de la mission « Économie ». Pour l’essentiel, ils sont destinés à financer les subventions pour charges de service public versées aux deux opérateurs de l’Etat, Ubifrance et l’Agence française pour les investissements internationaux, l’AFII.

Ce montant peut paraître faible pour une cause nationale. Cependant, ces crédits restent globalement stables malgré le contexte budgétaire difficile ; en outre, le soutien au commerce extérieur de la France ne dépend pas uniquement des moyens alloués, c’est aussi et surtout une question de stratégie et de structuration.

Les résultats de notre commerce extérieur sont en grande partie déterminés par des facteurs exogènes, tels que le cours de l’euro ou le montant de la facture énergétique, sur lesquels nous n’avons que peu de prise, et on ne peut donc espérer les améliorer qu’au prix d’une action sur le temps long. Le Gouvernement s’est donc fixé un objectif précis, réfléchi et à notre portée : remettre à l’équilibre la balance commerciale hors énergie d’ici à cinq ans, ce qui représente un effort de vingt-six milliards d’euros.

Madame la ministre, votre action, que vous avez pris le temps de nous présenter en détail, s’articule autour de cinq axes forts sur lesquels nous souhaiterions des précisions.

Vous avez décidé de confier le pilotage aux régions, considérant qu’elles connaissent bien les PME et les entreprises de taille intermédiaire (ETI) de leurs territoires, qu’elles mesurent leurs savoir-faire et leur capacité d’innovation. Les régions ont répondu à votre appel et se sont engagées, le 12 septembre dernier, sur des objectifs chiffrés. Elles devront arrêter, si ce n’est déjà fait, des plans régionaux d’internationalisation qui seront inclus dans leurs schémas de développement économique. Cependant, le rôle qui leur est ainsi dévolu inquiète les tenants d’un État jacobin. Comment concevez-vous l’articulation entre leur action et celle, indispensable, de l’État ?

Le financement et le conseil seront confiés à la Banque publique d’investissement, la BPI, dont le volet international doit beaucoup à votre action. Nos produits de financement de l’export sont insuffisamment concurrentiels ; s’il faut se garder de comparaisons systématiques avec l’Allemagne, force est de constater que, dans ce pays, ils sont excellents et jouent un rôle déterminant dans la réussite des entreprises nationales. Quant à la mission plus qualitative de conseil, elle est tout aussi importante dans la durée, sinon plus, que cette mission de financement.

Vous avez également proposé de travailler sur le couple filières/pays. Afin de combler notre déficit, nous nous centrerons sur nos filières porteuses comme l’agroalimentaire, la « ville durable » et les transports – domaines dans lesquels nos entreprises publiques et privées ont un vrai savoir-faire –, mais également les écotechnologies et la santé. Ne croyez-vous pas que la bonne corrélation entre pays et filières est difficile à trouver ? N’aurions-nous pas intérêt à travailler à partir de la demande existant dans certains pays, plutôt qu’à partir de notre offre de produits et de services ?

Le rôle d’Ubifrance sera renforcé. Son budget est préservé en 2013, pour lui permettre de poursuivre sa restructuration. Avec les régions, cet opérateur constitue le pivot de votre stratégie, même si vous prenez également en compte les collaborations parfois fructueuses qui existent avec les chambres de commerce internationales et avec les comités de filières professionnelles.

Notre attractivité est l’affaire de l’AFII, dont le budget baisse de 7 % dans le cadre de l’effort de redressement national. Nous continuerons de soutenir l’action de cette agence car elle est stratégique pour notre économie. C’est l’AFII en effet qui attire les investissements étrangers sur notre territoire ; or ceux-ci sont à l’origine de 13 % des emplois salariés, de 20 % du chiffre d’affaires de l’économie française, et de 20 % des dépenses de recherche et développement. Une fois achevée la réorganisation d’Ubifrance et de ses missions, ne faudra-t-il pas consentir le même effort pour l’AFII et son réseau d’agences ?

Votre stratégie intègre une forte volonté de défendre les positions de la France à l’international, à travers les accords de libre échange, l’exigence de réciprocité ou le respect des préoccupations environnementales et sociales. Notre pays ne peut évidemment travailler seul dans ce domaine, et je salue votre souhait de construire un véritable axe politique avec d’autres pays.

Au cours de la préparation de ce rapport, j’ai constaté l’énergie et les efforts que vous avez déployés en faveur de cette cause nationale. Vous agissez à la fois dans le temps politique court et sur le long terme. Mais, pour cette action de longue haleine, il faut que vous ayez le soutien de vos collègues de la culture, de l’éducation et de la formation professionnelle, ainsi que de l’intérieur et bien sûr de l’économie, pour faire de l’ouverture internationale une seconde nature de la France. Dans ce travail pour avoir raison des freins culturels à l’export, ne croyez-vous pas aussi qu’il serait utile d’organiser, dans dix-huit mois, une conférence nationale de l’export, afin de rendre lisible votre action, de faire le point sur votre stratégie, mais aussi de sensibiliser les autres acteurs touchés par l’internationalisation de l’économie ?

En conclusion, non seulement j’appelle à voter ce budget et à approuver la stratégie proposée mais, en tant que rapporteure spéciale, je m’investirai pleinement pour que le Parlement soit à vos côtés. Notre pays ne vit pas une crise, mais une mutation ; il a des atouts, et votre action portera ses fruits pour peu que nous agissions aussi sur le temps politique long. L’éducation, qui doit faire de nos jeunes des citoyens ouverts au monde, la formation professionnelle, les relations extérieures, l’innovation et la culture sont des secteurs à ne pas négliger pour réussir l’internationalisation de notre économie.

M. Alain Fauré, rapporteur spécial pour les statistiques et les études économiques, la stratégie économique et fiscale, et les accords monétaires internationaux. Le rapport que je présente porte sur deux programmes, le programme 220 relatif à l’Institut national de la statistique et des études économiques, l’INSEE, et le programme 305 relatif à la direction générale du Trésor, la DGT.

L’INSEE verra, en 2013, son plafond d’emplois augmenter de 693 agents en raison de l’intégration des enquêteurs, qui n’avaient jusqu’à présent qu’un statut de vacataires. Cette mesure, qui vise à mettre le statut des enquêteurs en conformité avec les règles de droit visant à résorber les emplois précaires dans la fonction publique, constitue pour les intéressés une avancée sociale que je salue. Si l’on fait abstraction de ce changement de périmètre, l’INSEE participe à l’effort général demandé aux administrations, avec une baisse de 106 emplois.

Depuis 2008, le principal chantier qui mobilise l’institut est celui de la création d’un pôle statistique à Metz, où il s’agissait de compenser le départ de plusieurs régiments décidé dans le cadre de la refonte de la carte militaire. Le gouvernement précédent avait donc annoncé le transfert à Metz de 625 emplois de l’INSEE.

Quatre ans plus tard, devant le peu d’enthousiasme des agents de l’INSEE pour être transférés en Lorraine, il n’y a que 87 emplois qui aient été réellement créés à Metz, dont 31 seulement concernent des agents volontaires pour cette mutation ; une soixantaine d’autres ont donc dû être recrutés localement en surnombre. La direction annonce que l’effectif de son site messin comptera 170 agents au 1er janvier 2013, mais dans la mesure où il n’a été possible de créer que 87 postes en quatre ans, on voit mal comment ce chiffre pourrait être doublé en deux mois.

Des sommes considérables ont pourtant été dépensées : 34,3 millions d’euros pour l’achat du bâtiment de l’ancienne gare impériale, 16 millions d’euros pour l’aménagement de ce bâtiment, 7 millions d’euros de mobilier et de bureautique, plusieurs millions d’euros pour la location d’un immeuble provisoire, sans compter le coût des indemnités versées aux agents qui ont accepté d’aller à Metz. Enfin, tous les personnels de l’INSEE, même ceux qui ne sont pas concernés par ce transfert, ont obtenu en contrepartie de cette opération une généreuse réforme de leur régime indemnitaire dont vous trouverez le détail et le coût dans le rapport spécial.

Nous en arrivons donc pour ce projet à un total d’environ 70 millions d’euros auxquels il conviendrait d’ajouter le coût des 60 recrutements en surnombre, que l’INSEE ne semble pas avoir chiffré. Même en se limitant à ce montant minimal de 70 millions d’euros, en le divisant par les 87 emplois créés, nous en arrivons à la somme exorbitante de 805 000 euros dépensés pour chaque emploi créé !

Le rapporteur spécial estime qu’il est grand temps de stopper cette opération, qui s’apparente à de la gabegie, et d’en revenir à des pratiques plus saines. La revente de l’ancienne gare impériale – inutile si le projet ne dépasse pas les 180 personnes – pourrait permettre de réduire les frais.

Quel est votre sentiment sur cette opération ? Entendez-vous y mettre un terme ?

Concernant le programme 305 qui concerne principalement la direction générale du Trésor, je souhaiterais tout d’abord vous faire part de mon étonnement quant au mystère et à l’opacité qui semblent entourer le coût et les revenus des fonctionnaires de ce programme. Sur les treize questions de mon questionnaire budgétaire adressées le 10 juillet à la DGT, j’ai eu le plus grand mal à obtenir, après le délai limite du 10 octobre, les réponses à deux questions relatives à l’évolution du régime indemnitaire et de la masse salariale depuis cinq ans. Le 25 octobre, après plusieurs relances, j’ai enfin eu les réponses à la question relative à l’évolution des crédits de rémunérations et de charges sociales depuis 2007. Ce comportement est surprenant de la part d’une administration chargée de suivre les orientations budgétaires de la Nation dans le cadre de notre débat démocratique.

Les éléments salariaux présentés dans le projet annuel de performance sont contradictoires et manquent de cohérence : les coûts d’entrée comme de sortie des hauts fonctionnaires flambent, enregistrant une hausse respectivement de 22 et de 7,5 % en un an, mais le coût moyen baisserait curieusement de 1,1 %. Les contacts téléphoniques que nous avons pris n’ont pas abouti ; on nous promet de vérifier les chiffres, mais l’opacité et la confusion que dénonçaient mes prédécesseurs n’ont visiblement pas disparu, et j’ai l’intention de proposer au bureau de la Commission des finances de demander une enquête de la Cour des comptes sur ce sujet.

Hors rémunérations, le principal poste de dépenses du programme concerne les remboursements que le Trésor effectue à la Banque de France pour les services publics qu’elle rend à l’Etat. Ce montant a été stabilisé à 317 millions d’euros, dont 221 millions pour la seule tenue du secrétariat des Commissions de surendettement. Je souhaite appeler l’attention sur le coût de ces commissions qui augmente d’année en année : le coût de traitement d’un seul dossier de surendettement s’élèvera en 2013 à 950 euros.

Le rapport spécial propose un certain nombre de pistes pour réduire le poids financier qui grève considérablement les finances publiques. Je souhaiterais vous interroger, monsieur le ministre délégué, sur le projet d’amélioration de la loi Lagarde. L’idéal serait d’instaurer un fichier positif qui recenserait, pour l’ensemble des foyers de France, l’encours des crédits à rembourser ; si ce n’est pas possible, il faudrait au moins rendre obligatoire pour les établissements bancaires, avant de proposer tout nouveau crédit, de s’assurer précisément de la situation financière des clients en consultant leurs défaillances de paiement sur l’année qui précède. Leur responsabilité pourrait ainsi être mise en jeu en cas d’abus manifeste. Envisagez-vous de proposer une amélioration de la loi Lagarde et le cas échéant, quelles en seraient les grandes lignes ?

M. le président Gilles Carrez. Je vous serais reconnaissant à tous de vous en tenir strictement au temps imparti.

M. Thomas Thévenoud, rapporteur spécial pour le développement des entreprises et du tourisme et pour les prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés. Le programme 134 participe bien sûr comme les autres à la nécessaire maîtrise de la dépense publique. Regroupant environ la moitié des crédits de la mission « Économie », il finance les instruments de soutien aux entreprises, notamment aux PME, des secteurs de l’industrie, du commerce, de l’artisanat et du tourisme, ainsi que des instruments de protection du consommateur, et il assure la garantie d’une concurrence saine entre les acteurs. Ses crédits subissent une diminution importante, tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement, essentiellement due au transfert des aides à la Poste sur le programme « Presse ».

J’ai présenté hier devant la Commission des finances un rapport sur la TVA restauration ; quelle est la position du Gouvernement sur cette dépense fiscale de trois milliards d’euros par an ? Quel est le calendrier des rencontres organisées au ministère ? Pouvez-vous, madame la ministre, nous donner des informations sur ce dossier ?

Le statut d’auto-entrepreneur, qui a beaucoup fluctué au cours des dernières années au gré des décisions législatives, devrait faire l’objet d’une mission d’information. Ce régime est mis en cause par certains acteurs économiques qui considèrent qu’il participe à l’évasion fiscale et sociale, notamment dans le bâtiment. Quel est votre diagnostic ?

Une autre mission est également en cours sur la question du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce, le FISAC. Le stock de dossiers est très important ; les traiter nécessiterait, selon Alain Fauré, Carole Delga et moi-même, une revalorisation des crédits du fonds. Quel avenir et quel mode de fonctionnement envisagez-vous ensuite pour celui-ci ?

Qu’en est-il du projet de rapprochement entre l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l’ARCEP, et le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA ?

Le Médiateur du crédit sert-il encore à quelque chose maintenant que sont à l’œuvre dans nos territoires des commissaires du redressement productif chargés de travailler avec les entreprises et avec les services de l’État ?

Les crédits du Comité professionnel de la distribution de carburants, le CPDC, constituent un sujet modeste mais très important pour nos territoires ruraux. Au-delà de leur diminution, les exigences parfois excessives en matière de mise aux normes compromettent le maintien de stations-service dans nos campagnes, alors qu’en dépend souvent la survie des activités agricoles, artisanales et commerciales. Quelle solution peut-on trouver à ce problème ?

Je pense m’être tenu dans les limites du temps qui m’était accordé, monsieur le président Carrez !

M. Jean Glavany, rapporteur pour avis de la Commission des affaires étrangères pour le commerce extérieur. Je serai plus bref encore ! Peut-être, messieurs les présidents, pourrez-vous relayer mes propos auprès de la Conférence des présidents : il est inadmissible de travailler dans ces conditions. À quoi rime une telle réunion, où nous mêlons carottes, poireaux et cochons, où chaque rapporteur intervient cinq minutes avant d’attendre la réponse du Gouvernement pendant trois quarts d’heure ? On parle beaucoup de la revalorisation du travail parlementaire : ne devrions-nous par commencer par le revaloriser nous-mêmes ?

Mme Rabin ayant été exhaustive sur les crédits du commerce extérieur, je me limiterai à deux questions. Le ministère de l’économie et des finances dispose-t-il des outils nécessaires pour analyser de façon objective et précise les raisons de la perte de compétitivité de l’économie française, à l’origine du déficit abyssal de notre commerce extérieur dont hérite l’actuelle majorité ?

Selon quelles modalités la BPI intégrera-t-elle des organismes tels qu’OSÉO ou Ubifrance, qui sont des « marques » internationalement reconnues ? Comment, d’autre part, intégrer les régions, dont le soutien à l’exportation revêt des formes très variables : recours presque exclusif à des instruments nationaux ici, à des mécanismes de coordination ailleurs, ou création d’administrations parallèles autre part encore ?

M. le président Gilles Carrez. M. Glavany a raison : le regroupement de sujets aussi disparates n’est pas satisfaisant. Pour des missions telles que celle-ci, nous devrons donc nous affranchir du découpage de la LOLF pour examiner des ensembles de programmes cohérents.

M. le président François Brottes. Hier, lors de la Conférence des présidents, tous les présidents de Commission ont critiqué cette organisation, dont le président Bartolone a indiqué qu’elle serait revue l’an prochain. De fait, elle est aussi peu satisfaisante pour les rapporteurs, sommés de présenter en quelques minutes le fruit d’un travail de longue haleine, que pour les ministres, interpellés sur des sujets très disparates.

M. Damien Abad, rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques pour la consommation. Les crédits consacrés à la concurrence et à la consommation au sein du programme 134 présenteront des évolutions contrastées en 2013.

Les moyens affectés à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) – via les actions 16, Régulation concurrentielle des marchés, 17, Protection économique du consommateur, et 18, Sécurité du consommateur – sont globalement stabilisés, les diminutions d’effectifs correspondant à des évolutions d’ores et déjà prises en compte. La première incertitude concerne le montant des subventions attribuées aux associations de défense des consommateurs, puisque les dépenses d’intervention de l’action 17 diminuent de 4,6 % : je n’ai pu obtenir de connaître le montant global et la répartition de ces crédits, comme je l’avais pourtant demandé dans mon questionnaire budgétaire – il m’a seulement été dit que la réponse était en cours de validation. Je vous remercie donc, monsieur le ministre délégué, de me fournir ces informations d’une importance capitale pour les principales associations que sont l’UFC-Que Choisir et la CLCV (Consommation, logement et cadre de vie), qui craignent des baisses pour l’exercice 2013 et pour les suivants.

Seconde source d’inquiétude : dans l’action 15, relative à la mise en œuvre du droit de la concurrence par l’Autorité de la concurrence, les dépenses de fonctionnement de celle-ci se trouvent amputées de 5 %. Il n’est pas question pour moi de remettre en cause la nécessité de réduire le train de vie de l’État et de ses démembrements, mais force est de constater qu’une telle mesure apparaît malvenue s’agissant d’une autorité unanimement saluée pour la qualité et pour l’efficacité de son travail, et qui est seule compétente pour se pencher sur des sujets d’importance nationale avec l’indépendance nécessaire. Cette autorité, également respectée en Europe, a un rôle pédagogique par les avis qu’elle rend et un pouvoir de sanction ; si son budget est de 20 millions d’euros, elle en rapporte à l’État, via les amendes qu’elle inflige, plus de 420 millions par an. J’ajoute qu’elle est un peu victime de son succès, puisque la loi sur la régulation économique outre-mer lui confie de nouvelles missions – dont un pouvoir d’injonction structurelle dans le secteur de la grande distribution –, sans lui donner les moyens de les accomplir.

Quel est l’avenir du magazine 60 millions de consommateurs ? Y a-t-il suffisamment d’espace en France pour deux publications du même ordre ?

Si le développement de la médiation est un progrès pour le règlement amiable des litiges entre professionnels et consommateurs, l’introduction dans notre droit d’une procédure d’action de groupe apparaît de nature à compléter ce dispositif. Différents mécanismes sont envisageables. À mes yeux, l’action de groupe ne doit pas simplement avoir une finalité juridique, mais d’abord et surtout une finalité économique. Les projets de texte vont-ils en ce sens ? Ce dossier est-il de votre responsabilité, monsieur le ministre délégué ?

Depuis les travaux conduits au sein du Comité consultatif du secteur financier (CCSF), notamment depuis le rapport de Georges Pauget et Emmanuel Constans, il est incontestable que les offres bancaires et leur tarification ont beaucoup gagné en lisibilité et en souplesse. La mise à disposition d’une gamme de moyens de paiement alternatifs pour les personnes qui ne peuvent pas, ou ne veulent pas, disposer d’un chéquier est également un progrès important ; mais si l’autorégulation de la profession bancaire a donné certains résultats, les relations avec les usagers pourraient encore gagner en transparence et en sécurité, par exemple en matière de commissions d’intervention et de dates de valeur. Les facturations a posteriori d’une information préalable posent en particulier problème. Des décisions judiciaires sont intervenues en ce domaine, sans forcément changer les pratiques bancaires. Ne convient-il pas dès lors d’envisager des mesures législatives ?

Enfin, pour ce qui concerne la mobilité bancaire, le contrôle effectué par l’Autorité de contrôle prudentiel sur l’application de la norme professionnelle de la Fédération bancaire française (FBF) fait apparaître que les principaux services de base pour faciliter la mobilité ont été mis en œuvre par l’ensemble de la place. Le taux de mobilité bancaire peut bien entendu être analysé de manière différenciée ; mais on constate des variations, et non des moindres, entre les recommandations émises par le CCSF d’une part et la norme professionnelle de l’autre. Ainsi, la norme ne prévoit pas que la banque de départ avertisse son client sur les opérations en circulation, en particulier les chèques, sur le compte qu’il envisage de fermer. Elle ne mentionne pas non plus que, lors d’un transfert de compte, le client peut conserver l’emprunt souscrit dans la banque de départ ; or l’avis du CCSF précise que le remboursement de ce prêt peut s’effectuer sous forme de prélèvements automatiques à partir du compte dans la banque d’accueil. Certains dispositifs manquent donc de visibilité.

M. le président François Brottes. J’ai connu des temps où l’expression même d’« action de groupe » était proscrite : le fait que vous interrogiez le Gouvernement sur ce thème est donc plutôt un progrès…

Mme Michèle Bonneton, rapporteure pour avis de la Commission des affaires économiques pour les postes. Mon intervention portera sur la situation financière, économique et salariale de La Poste plus que sur son budget, dans la mesure où celui-ci est, à peu de choses près, maintenu à son niveau de 2012.

Dans un contexte économique difficile, La Poste reste une entreprise performante, avec un chiffre d’affaires et un résultat net qui s’élevaient respectivement, en 2011, à 21,3 milliards et 478 millions d’euros. Malgré ces bons résultats, la mise en œuvre des missions de service public confiées à l’entreprise n’est pas tout à fait satisfaisante, et les conditions de travail des postiers se dégradent.

La Poste, je le rappelle, est chargée de quatre grandes missions de service public : le service universel postal, l’aménagement du territoire, la distribution de la presse et l’accessibilité bancaire. Or les postiers ont d’abord reçu pour consigne de ne plus distribuer le courrier sur les voies privées, ce qui pénalise les personnes âgées à mobilité réduite et leur fait perdre le contact quotidien avec le facteur.

Autre problème : certaines prestations prévues dans le service universel sont devenues difficiles à obtenir, comme l’envoi en lettre prioritaire à J+1, souvent remplacé par les automates, à l’insu du client, par le timbre vert pour un envoi à J+2.

Le nombre de bureaux de poste de plein exercice est passé de 15 000 en 2004 à moins de 10 000 aujourd’hui. Les bureaux supprimés ont été transformés en agences postales communales ou en relais de poste commerçants, qui offrent une gamme de services, notamment financiers, plus restreinte. Souvent, les maires sont contraints d’accepter la transformation proposée par La Poste car, dans le cas contraire, les horaires d’ouverture du bureau diminuent de manière drastique et inadaptée aux besoins des usagers.

Le nouveau contrat de service public, qui sera signé d’ici à la fin de l’année avec La Poste, ouvrira-t-il la voie à des améliorations ? Le Gouvernement entend-il encourager la mutualisation des services publics en milieu rural en s’appuyant sur la présence postale territoriale, par exemple à travers des maisons de service public ? Pour valoriser au mieux le formidable réseau de bureaux dont elle dispose sur l’ensemble du territoire, l’entreprise prévoit-elle d’y installer de nouveaux services ?

Le coût des missions de service public confiées à La Poste s’élève à au moins 1,5 milliard d’euros, mais n’est compensé qu’à hauteur de 660 millions. Le service public et les postiers ne paient-ils pas le prix de cette sous-compensation ?

Enfin, le changement de statut de La Poste a entraîné une augmentation de son capital et une injection de 2,1 milliards d’euros. Comment ces fonds ont-ils été utilisés ? Ont-ils permis d’améliorer la qualité du service public ?

Selon le rapport Kaspar, qui concluait une mission lancée en février dernier, le bien-être au travail des postiers s’est fortement dégradé. Près de 80 000 postes ont en effet été supprimés depuis dix ans, de sorte qu’il n’y a plus suffisamment de personnel pour remplacer les postiers absents, que les facteurs sont contraints d’allonger leur tournée et qu’en zone rurale ou en périphérie des villes, les guichetiers exercent de plus en plus souvent dans plusieurs bureaux. Moins de postiers, c’est aussi, in fine, moins de bureaux de poste.

En outre, La Poste a adopté une logique productiviste qui menace de déshumaniser peu à peu le métier de postier. Les automates se substituent aux agents et, comme nous le disent les postiers, toutes les activités doivent être comptabilisées : or le contact humain ne « rentre pas dans les cases » !

Parler des postiers revient à parler du quotidien de plus de 200 000 personnes. Le Gouvernement a-t-il bien pris la mesure des retombées négatives de la « métiérisation » et de la dégradation des conditions de travail des postiers ?

Suite au rapport Kaspar, la direction de La Poste a annoncé 5 000 recrutements supplémentaires sur trois ans ; mais ce chiffre ne permettra pas de compenser les départs à la retraite. Pensez-vous qu’il soit suffisant ? Quelle sera la répartition de ces recrutements au sein du groupe ?

Enfin, alors que le nombre des emplois au sein de la maison-mère a diminué de 40 000 au cours des cinq dernières années, il a augmenté de près de 8 000 dans les filiales. Les syndicats ont parfois l’impression que La Poste organise en interne une concurrence sociale. La filialisation ne menace-t-elle pas l’unité du groupe ?

Mme Corinne Erhel, rapporteure pour avis de la Commission des affaires économiques pour les communications électroniques. Les crédits relatifs aux communications électroniques sont composés, pour l’essentiel, de la dotation de fonctionnement de l’Agence nationale des fréquences et du budget de l’ARCEP. Leur faible variation n’appelant pas de commentaires particuliers, je me concentrerai sur le contexte économique et sur la régulation du secteur des télécommunications.

L’année 2012 a été marquée par une intensification de la concurrence dans le secteur de la téléphonie mobile, avec, entre autres conséquences, un bouleversement des modèles économiques des opérateurs dits « historiques ». Le nouvel entrant a en effet commercialisé des offres à des prix très agressifs, uniquement via Internet et sans subvention de terminal. Contraints de revoir leur politique tarifaire, les opérateurs voient leurs marges baisser, ce qui les incite notamment à réduire leurs coûts. Deux d’entre eux ont annoncé des plans de départ volontaires, mais c’est l’ensemble de la filière qui semble souffrir de ce resserrement des coûts : sous-traitants, fournisseurs, secteur de la relation client et équipementiers – Alcatel-Lucent a récemment présenté un plan de suppression d’emplois d’ampleur en France.

L’attribution de la quatrième licence de téléphonie mobile ayant été effectuée sans étude d’impact préalable, il importe d’évaluer les conséquences qu’aura sur l’emploi et sur l’investissement la restructuration de ce marché. La création d’un observatoire des investissements répondra à ce besoin essentiel, dont dépend l’efficacité de la régulation.

Celle-ci doit en effet veiller à maintenir l’équilibre économique de la filière, afin de préserver les capacités d’investissement dans les réseaux à très haut débit, pour les fixes et les mobiles notamment. Elle doit également avoir pour objectif le maintien des emplois dans l’ensemble de la filière. Enfin, elle doit concourir au maintien de l’attractivité du territoire et éviter l’aggravation de la fracture numérique.

Les signes d’un ralentissement des investissements dans la fibre optique suscitent des inquiétudes, notamment dans les zones déjà touchées par cette fracture. Certains acteurs font ouvertement part de leurs doutes sur l’intérêt de déployer la fibre optique dans les zones moins denses : en tant que législateur, de telles positions doivent nous interpeller. Tout retard dans ce déploiement risque en effet de pénaliser l’innovation et la conversion numérique de la société, au détriment du tissu économique et social des territoires, sans parler de l’intérêt industriel pour l’ensemble de la filière, du génie civil à l’industrie de la fibre en passant par les équipementiers.

Dans ce contexte, les opérateurs peuvent aussi être incités à investir dans des équipements « low cost », favorisant ainsi un dumping social et environnemental qui pénalise fortement l’industrie française et européenne des télécommunications.

Ne faudrait-il pas, dans ces conditions, rééquilibrer les objectifs de régulation, actuellement focalisés sur l’intérêt du consommateur, en mettant davantage l’accent sur l’emploi et l’investissement ?

Pour ce faire, ne serait-il pas utile de créer aussi un observatoire de l’emploi de l’ensemble de la filière ? Quels seraient ses moyens de contrôle et de sanction, et quels sont ceux de l’Observatoire des investissements ? Les études sont en effet complexes, car elles dépendent des indicateurs pris en compte.

Enfin, comme on l’a récemment constaté lors d’une table ronde, la diversité des sous-traitants de la filière numérique semble mal connue des pouvoirs publics. Comment le Gouvernement envisage-t-il de mieux la prendre en compte dans le cadre de la régulation ?

M. Joël Giraud, rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques pour le commerce extérieur. En ce temps de déficit record de notre balance commerciale, je salue la création d’un ministère de plein exercice pour le commerce extérieur, auquel le Premier ministre a fixé l’objectif très ambitieux d’un retour à l’équilibre – hors énergie – d’ici à cinq ans.

Cet objectif est d’autant plus ambitieux, d’ailleurs, que la rigueur budgétaire a imposé une réduction des moyens dont disposent certaines de nos principales structures d’aide à l’exportation : la croissance de leurs frais de fonctionnement est ainsi stoppée, et les crédits d’intervention d’Ubifrance subissent une baisse sensible.

Or le rétablissement de la situation de notre commerce extérieur constitue un défi majeur, non seulement pour le Gouvernement et pour nos entreprises, mais aussi pour l’économie française tout entière, nos déficits en ce domaine constituant un révélateur de nos difficultés d’ensemble. L’adaptation du réseau français d’aide aux échanges internationaux que vous avez engagée, madame la ministre, en confiant un rôle majeur aux régions et au volet international de la BPI, est donc impérative. De même, votre volonté de défendre fermement nos positions vis-à-vis de nos partenaires, notamment dans le cadre des négociations menées par l’Union européenne pour conclure des accords bilatéraux de libre-échange – avec Singapour, le Canada, le Japon, et peut-être les États-Unis dès 2013 –, devra être suivie d’effets concrets, en particulier pour ce qui est de la réciprocité des échanges et de l’accès loyal aux marchés publics des pays émergents.

Puisqu’il est trop tôt pour juger de l’efficacité de la stratégie engagée, je souhaite vous interroger sur trois points précis mais loin d’être mineurs.

Comptez-vous élaborer une législation qui réserverait aux PME européennes une part des marchés publics, sur le modèle du « Small business Act » aux États-Unis, ou qui, du moins, leur donnerait une priorité ? Dans quelle mesure cette législation serait-elle compatible, d’une part avec le droit communautaire, et de l’autre avec les engagements internationaux pris par la France, au sein de l’OMC notamment ?

Disposez-vous – et, dans la négative, comptez-vous vous doter – d’un indicateur d’évaluation statistique de l’ensemble des délocalisations, ainsi que d’outils d’analyse de l’impact de ces dernières sur l’économie française, notamment en termes d’impôts, de modification du tissu industriel ou de nombre d’emplois perdus ? Quelles sont les perspectives d’harmonisation économique et fiscale, aussi bien entre les pays membres de l’Union qu’entre ceux-ci et leurs partenaires – notamment ceux avec lesquels l’Union a conclu des accords bilatéraux de libre-échange –, afin de limiter des délocalisations fiscales telles que celles des groupes Colgate-Palmolive et Unilever ?

Quelle importance accordez-vous aux coopérations décentralisées qui, conduites par les collectivités locales, sont soutenues financièrement par le ministère des affaires étrangères et par d’autres ministères ? Je préside moi-même aux destinées d’une telle coopération entre les Alpes et le Sichuan. Pouvez-vous nous donner une vision globale de ces coopérations et nous indiquer si leur développement sera encouragé par le Gouvernement, et, si oui, comment ?

Mme Anne Grommerch, rapporteure pour avis de la Commission des affaires économiques pour les entreprises. Dans un cadre budgétaire contraint, le programme 134, relatif au développement des entreprises et du tourisme, voit ses dotations baisser de 16,73 % par rapport au précédent exercice, en tenant compte des changements de périmètre et des nouvelles orientations budgétaires.

Les actions qui intéressent très directement les entreprises regroupent 53,7 % des crédits du programme, soit un peu plus de 446 millions d’euros en autorisations d’engagement. Or, si les dépenses de personnel augmentent de 1,24 % pour approcher de 149 millions d’euros, les dépenses d’investissement de ces cinq actions – un peu plus de 297 millions d’euros en autorisations d’engagement – diminuent, ce qui est regrettable pour la compétitivité et pour l’avenir de nos entreprises.

Au moins autant que de la baisse des crédits, nos entreprises souffrent de l’amoncellement des normes et du poids de la réglementation. Le Gouvernement doit vraiment poursuivre l’action menée depuis quelques années en faveur d’un allégement des procédures et d’une simplification administrative. Cet « impôt papier », pour reprendre une expression célèbre, pèse d’autant plus sur nos PME que celles-ci n’ont souvent ni la capacité d’analyse, ni le temps suffisant pour s’informer des dernières règles ; et, en tout état de cause, le temps qu’elles y consacreraient serait autant de temps perdu pour développer leur activité.

Même si cela peut se justifier au regard des orientations politiques de la nouvelle majorité, je trouve extrêmement dommageable que les crédits relatifs aux entreprises soient à ce point éparpillés. On n’en saisit pas la cohérence, ce qui ne facilite assurément pas le suivi et le contrôle parlementaires. Comment, par exemple, justifiez-vous d’avoir dissocié, pour la première fois, les crédits dédiés à Ubifrance et à l’AFII, alors que ces organismes participent tous deux à l’aide aux entreprises exportatrices et à la conquête de nouveaux marchés ? L’action 7 du programme 134 est désormais amputée des crédits dédiés à l’AFII, celle-ci relevant principalement de l’action 20 ; de surcroît, elle perçoit également des dotations importantes par le biais du programme 112 de la mission « Politique des territoires ». Enfin, l’action « Développement international de l’économie française » figure au sein du programme 305 de la mission « Économie ». Quelle est la logique d’une telle dispersion, alors que l’on cherche à renforcer le soutien aux entreprises à l’international ?

Lorsque vous étiez dans l’opposition, chers collègues de la majorité, vous déploriez la diminution constante des crédits affectés au FISAC, et vous aviez raison. Aujourd’hui, vous diminuez pourtant de 8,6 millions d’euros la dotation de ce fonds, qui passera de 40,9 millions en 2012 à 32,3 millions en 2013 : où est la cohérence ? Même si cela peut se justifier par un certain recentrage des compétences – sur lequel des précisions seraient d’ailleurs bienvenues –, le FISAC conserve une utilité évidente, tant pour le maintien du commerce en milieu rural que pour l’emploi dans notre pays, sans oublier qu’il contribue lui-même à financer d’autres organismes comme l’Établissement public national d’aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA). Celui-ci se voit d’ailleurs doté d’une subvention de 7,3 millions, le FISAC à lui seul ne bénéficiant par conséquent que de 25 millions d’euros. Avec des crédits passés de 100 millions d’euros dans le PLF pour 2009 à seulement 32,3 millions aujourd’hui, on est en droit de se demander si le Gouvernement souhaite que le FISAC continue d’exister. J’ai déposé, comme d’autres collègues de tous bords, un amendement tendant à préserver les moyens budgétaires de ce fonds. Comment le Gouvernement justifie-t-il cette nouvelle coupe budgétaire ? Compte tenu des moyens réduits dont il disposera, quelles sont les priorités que vous assignez au FISAC ?

Le pacte PME international, qui relève de l’action 7, se voit doté, quant à lui, de 200 000 euros. Créé en 2009, il vise à favoriser les opérations de portage à l’international des PME françaises par les grands groupes, qui ont en ce domaine davantage d’expérience et surtout de moyens. Que comptez-vous faire pour renforcer ce partenariat essentiel pour la conquête de nouveaux marchés ? Pensez-vous qu’en alourdissant la fiscalité sur les grandes entreprises de 10 milliards d’euros, vous faciliterez leur activité et, partant, renforcerez nos PME ?

Enfin, l’article 26 du projet de loi de finances réduit sensiblement les moyens dévolus aux chambres de commerce et d’industrie ainsi qu’aux chambres des métiers et de l’artisanat. Comment justifiez-vous une telle baisse alors que, dans le cadre de la loi du 23 juillet 2010, un consensus s’était dégagé pour renforcer les réseaux consulaires ?

M. Jean Grellier, rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques pour l’industrie. L’action 3 du programme 134 se voit dotée en 2013 d’une budget de 214 millions d’euros en crédits de paiement, dont 92 millions consacrés aux programmes d’accompagnement des entreprises en croissance ou en difficulté. Je me suis efforcé, en auditionnant les acteurs, d’identifier les leviers d’un redressement productif sur le long terme.

S’agissant de la gouvernance, les préconisations de nombreux rapports sont souvent difficiles à mettre en œuvre. Comptez-vous définitivement ancrer la Conférence nationale de l’industrie dans le paysage français, monsieur le ministre délégué ? Souhaitez-vous mettre en place des conférences régionales de l’industrie, que j’appelle de mes vœux ? Elles auraient en effet toute légitimité pour évoquer les problèmes rencontrés par les industriels et les salariés sur le territoire, et pour définir une stratégie de filières tout en assurant la cohérence des actions de l’État, des conseils régionaux, des commissaires au redressement productif, de la Banque publique d’investissement et des autres acteurs.

L’industrie souffre auprès de nos concitoyens d’une image dégradée nourrie par des années de « mauvaises nouvelles ». Or, s’il est vrai que l’emploi industriel a diminué au cours des dernières années, certains secteurs industriels sont en expansion. L’image qui a été véhiculée d’une industrie totalement sinistrée n’est pas exacte. Monsieur le ministre, pourquoi ne pas lancer un plan de communication afin de promouvoir l’industrie et de mieux faire savoir aux salariés qui souhaiteraient se reconvertir, aux étudiants, aux élèves et à leurs parents, que de nombreux emplois qualifiés et stables seront à pourvoir dans les entreprises industrielles françaises ?

Le Gouvernement s’est engagé à faciliter le financement des PME-PMI. À cet égard, il convient de clarifier au plus vite le rôle que jouera la Banque publique d’investissement et de préciser les solutions de financement qu’elle apportera. Qu’est-ce qui la distinguera concrètement d’une banque ordinaire ?

Faire appliquer strictement les dispositions relatives aux délais de paiement aiderait également les petites entreprises sous-traitantes. Trop d’entre elles vivent encore sous la coupe des grands groupes qui constituent de la trésorerie sur leur dos, du fait de délais de paiement très longs.

D’une manière générale, les entreprises françaises ont du mal à vendre et à s’exporter, sans que, le plus souvent, le caractère innovant ou la technicité de leurs produits soient en cause. Pourquoi ne pas créer, sur le modèle du crédit d’impôt recherche, un « crédit d’impôt commerce » à l’intention des PME, pour les inciter à recruter des commerciaux afin de développer leur activité et leur chiffre d’affaires ?

Certains des acteurs que j’ai auditionnés appellent de leurs vœux la création d’un « fonds de croissance » au sein de la BPI qui interviendrait au capital d’entreprises prometteuses sélectionnées après présentation d’un business plan et d’un plan stratégique. Qu’en pensez-vous ?

Soutiendrez-vous l’Institut du mentorat entrepreneurial mis en place par la Chambre de commerce et d’industrie de Paris, dont il faut saluer la qualité et l’efficacité des programmes ? Peut-on envisager que de tels instituts se multiplient en région, sachant que des projets sont d’ores et déjà envisagés à Nantes-St Nazaire et dans le Pas-de-Calais ?

L’industrie française a pris du retard dans le renouvellement de son parc de machines-outils par rapport à ses homologues allemande et italienne. Une prime à la casse pour les machines industrielles doperait la compétitivité de nos entreprises en même temps qu’elle relancerait l’investissement, à condition que l’on développe au préalable une véritable offre française de machines-outils.

Une autre priorité serait d’instaurer un régime fiscal plus favorable pour les bénéfices industriels réinvestis que pour les bénéfices distribués sous forme de dividendes. C’est à cette condition que les entreprises s’engageront dans des stratégies de long terme de modernisation du parc productif et de développement des emplois sur notre territoire.

La formation professionnelle est une autre question essentielle. Le constat est unanime : certains secteurs industriels risquent de manquer de main-d’œuvre et dans de nombreuses branches, notre système de formation ne fournit plus les ressources humaines suffisantes. Lancerez-vous un plan suffisamment ambitieux pour préserver nos compétences et nos métiers industriels ? Pour ce qui est de la formation initiale, il faut revaloriser l’enseignement technique, et ce dès le collège. Quant à la formation continue, elle doit permettre aux salariés des secteurs en crise de se réorienter vers les secteurs porteurs. Aujourd’hui, les possibilités offertes sont limitées car on délaisse l’industrie.

Enfin, comme le proposent les partenaires sociaux, pourquoi ne pas ouvrir la possibilité aux grands groupes de mettre à disposition de PME certains de leurs salariés, notamment des cadres, dans une logique de gagnant-gagnant et une perspective de véritable coopération ?

M. le président François Brottes. Chacun aura compris que lorsque vous vous adressiez à M. le ministre, vous visiez M. Montebourg, ministre du redressement productif. C’est Mme la ministre déléguée Fleur Pellerin qui vous répondra aujourd’hui.

M. Éric Straumann, rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques pour le tourisme. Madame la ministre chargée du tourisme, votre budget est marqué par une nouvelle diminution des crédits, qui touche en premier lieu Atout France, dont la subvention s’élèvera à 31,8 millions d’euros en 2013, en baisse de près de 8 % depuis la création de l’agence en 2009. L’honnêteté exige certes de reconnaître que le précédent gouvernement avait déjà réduit ses moyens. Mais en amplifiant cette baisse, ne craignez-vous pas que l’agence ne puisse plus assurer convenablement ses missions ? Je pense notamment à son rôle de fédératrice des différents acteurs, publics et privés, du tourisme, notamment lors des campagnes de promotion à l’international, investissement dont on connaît l’effet multiplicateur en termes de recettes.

Vous souhaitez, madame la ministre, revoir le mode de gouvernance de la filière touristique. Quelle place assignez-vous dans ce nouveau cadre à Atout France – dont les moyens ont été affaiblis ? Il est très difficile aujourd’hui de dresser un tableau d’ensemble des dépenses des collectivités territoriales en matière de tourisme, cette compétence étant partagée entre les différents échelons et exercée par chacune en concertation avec les autres, conformément aux dispositions du code du tourisme. Les économies qui résulteraient d’une meilleure coordination pourraient être redéployées et la dépense publique gagnerait ainsi en efficacité. Quels sont vos projets à cet égard, dans la perspective de la réforme territoriale annoncée pour l’an prochain ?

J’évoquerai au passage la question des différents labels, nationaux ou locaux, publics ou privés, qui, se développant à foison et n’étant plus vraiment identifiés, peuvent finir par manquer leur objectif. Soutenons les labels nationaux historiques qui ont fait leurs preuves sur le territoire national et que l’on est en train d’exporter en Europe et jusqu’en Chine. Et limitons les nouveaux labels et nouvelles certifications, tout en les identifiant mieux car ils peuvent néanmoins être un repère de fiabilité pour les touristes lors de leurs achats.

Vous avez également déclaré, madame la ministre, vouloir lutter contre la « fracture touristique », en encourageant l’accès de tous aux vacances. Cette mission est principalement dévolue aujourd’hui à l’Agence nationale pour les chèques vacances, qui célèbre cette année son vingtième anniversaire. L’ANCV ne reçoit aucune subvention directe mais le dispositif des chèques vacances bénéficie de deux avantages, la contribution employeur étant exonérée de taxe sur les salaires comme de charges sociales patronales. Quelle place souhaitez-vous voir jouer à l’ANCV dans la rénovation de l’offre d’équipements touristiques ? Selon quelles modalités ?

L’offre touristique française repose pour l’essentiel sur un important parc immobilier privé, qui requiert aujourd’hui beaucoup d’investissements afin de répondre aux exigences de plus en plus contraignantes en matière de normes – je pense notamment à la petite hôtellerie indépendante. Cette offre doit aussi être mieux identifiée, à travers les référentiels de classement qui ont été profondément remaniés par la loi du 22 juillet 2009. Elle doit enfin tenir compte de l’évolution des comportements des touristes et du développement de l’économie numérique. Beaucoup d’établissements sont aujourd’hui affiliés, quand ils n’en sont pas dépendants, à des centrales de réservation électroniques dont le siège social et le centre opérationnel se situent à l’étranger. Les transactions et les réservations effectuées sur le territoire national à partir de sites étrangers font l’objet de commissions élevées qui échappent à l’impôt français. Pourquoi ne pas réfléchir aux moyens d’organiser et de taxer intelligemment ce type de transactions ? On sait que la location des meublés, qui n’est pas toujours déclarée, passe également de plus en plus par Internet et échappe souvent à la taxe de séjour. Je profite de ce débat pour vous demander s’il ne serait pas opportun de revoir l’assiette et le mode de collecte de cette taxe, afin de dégager de nouvelles recettes au profit du tourisme et de ses acteurs.

Le dernier point de mon intervention concerne les questions liées à l’emploi dans le secteur touristique. À l’heure où on parle de revenir sur l’application du taux réduit de TVA dans la restauration – peut-être nous direz-vous l’état de votre réflexion sur le sujet –, je souhaite rappeler que plusieurs dizaines de milliers d’emplois demeurent non pourvus dans ce secteur. Or vous reconnaîtrez que, depuis 2009, la baisse de la TVA a au moins eu des effets positifs sur la revalorisation des métiers, sur les salaires et sur la couverture sociale dans le secteur de l’hôtellerie-restauration. L’incertitude dans laquelle vous placez aujourd’hui les professionnels risque de décourager l’investissement comme les embauches. Tout relèvement de la TVA toucherait de plein fouet les petits établissements en premier lieu.

De façon plus générale, qu’envisagez-vous pour valoriser les métiers du tourisme ?

M. le président Gilles Carrez. Pour organiser nos travaux sur l’ensemble de ces nombreux programmes et actions, je suggère, si vous en êtes d’accord, que nous commencions par le commerce extérieur puis le tourisme.

Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur. Je remercie Monique Rabin, rapporteure spéciale, d’avoir soutenu la stratégie que j’ai eu l’honneur de présenter récemment. Je reviendrai devant les commissions compétentes pour la développer et présenter les priorités de notre action. Jean Glavany, rapporteur pour avis de la Commission des affaires étrangères, a eu raison de poser d’emblée le problème de la compétitivité. C’est au cœur de l’actualité puisque le Gouvernement formulera des propositions en ce domaine à l’issue du séminaire du 6 novembre prochain. Anne Grommerch, rapporteure pour avis sur le programme « Entreprises », a elle aussi eu raison de soulever la question de l’attractivité de notre territoire au travers d’Ubifrance et de l’Agence française des investissements internationaux (AFII) – étant précisé que la première est de ma compétence, mais non la seconde. Il existe en effet un lien étroit entre attractivité du territoire et compétitivité à l’export. Je remercie enfin Joël Giraud, rapporteur pour avis sur le programme « Commerce extérieur » d’avoir abordé le sujet essentiel de la politique commerciale de l’Union européenne vis-à-vis des pays tiers.

Un mot tout d’abord des moyens. Comme vous le savez, des efforts ont été exigés de tous les ministères, le budget de l’État pour 2013 comportant dix milliards d’euros d’économies. La contribution de mon ministère à ces économies a été de 1 % sur ses 104,2 millions d’euros. Un rebasage a également eu lieu pour tenir compte de la dernière tranche de dévolution de compétences à Ubifrance – cela représente 1,6 millions d’euros. Le plafond d’emplois de cette agence pour 2013 a été fixé à 1 393, en diminution de 1,8 %,. Cette diminution s’effectuera de façon lissée, comme cela a toujours été le cas depuis plusieurs années. Dans le cadre contraint qui s’impose à l’ensemble des ministères, Ubifrance a vu ses missions préservées et est parfaitement capable de s’adapter. Une étude venant de m’être remise sur le sujet, je vous dirai un mot en avant-première de la mise en œuvre prochaine de couples pays-produits, l’objectif étant de coupler, par filière, l’offre commerciale française avec la demande des marchés extérieurs.

De la capacité d’adaptation d’Ubifrance, je ne donnerai que deux exemples. L’agence va ouvrir prochainement un bureau à Nairobi pour être présente sur le marché porteur de l’Afrique de l’Est, plutôt anglophone – je me rends au Kenya la semaine prochaine – et un autre en Birmanie, comme j’ai pu l’annoncer jeudi dernier à l’occasion du colloque qu’elle avait organisé au Sénat sur le thème « Asie du Sud-Est : des marchés à découvrir et à conquérir ».

S’il faut bien distinguer, monsieur Glavany, la compétitivité-coûts et la compétitivité-hors coûts, à l’exportation les deux forment un tout. Devant le déficit abyssal de notre commerce extérieur – 73 milliards d’euros fin 2011 –, on ne peut que s’interroger sur l’ensemble de la filière export, laquelle, ne le perdons jamais de vue, commence en France. Quel rôle jouent les régions ? Notre dispositif est-il assez lisible à l’étranger ? On s’interroge bien entendu aussi sur les causes structurelles de ce déficit.

À la fin des années 1990, date à laquelle s’est opéré le décrochage, les services aux entreprises étaient moins chers en France qu’en Allemagne. Aujourd’hui, l’Allemagne est plus compétitive, l’écart atteignant même 25 %. Or, les services aux entreprises sont essentiels à l’activité de l’industrie – cela représente 15 % de notre export. Il faut donc améliorer notre compétitivité-coûts et bien sûr favoriser l’investissement des entreprises. En effet, investir, c’est innover, et lorsqu’on innove, on exporte. Si cette vérité n’est peut-être pas d’évidence, tous les chiffres la confirment. Investissement, innovation et internationalisation, voilà la martingale pour réussir.

La France a des atouts. Encore faut-il qu’elle les mobilise. D’où l’intérêt de la future Banque publique d’investissement. D’où l’intérêt aussi de s’appuyer sur les régions qui ont d’ores et déjà toute légitimité à intervenir mais en auront encore davantage demain après la nouvelle étape de décentralisation. N’oublions pas qu’elles financent les pôles de compétitivité, qui sont globalement une réussite, et qu’elles disposent de financements pour les start-up et les PME innovantes – je compte d’ailleurs bien m’appuyer dessus. Les régions se sont également engagées à l’Élysée, en septembre dernier, à porter d’ici à trois ans dix mille entreprises supplémentaires à l’export. Comme je le leur ai demandé lorsque je les ai reçues le 18 septembre dernier, elles vont, de façon concertée, élaborer des plans export régionaux. Certaines d’entre elles n’en avaient pas encore. Elles les intégreront au nouveau schéma régional de développement économique et d’innovation que chacune d’entre elle devra également définir.

Comme vous l’avez rappelé, madame la rapporteure, un milliard d’euros de plus à l’export, ce sont dix mille emplois de plus en France. On mesure ce qu’il est possible de faire lorsqu’on sait que le Premier ministre m’a fixé l’objectif de ramener notre commerce extérieur à l’équilibre – soit 26 milliards à gagner.

À l’issue du séminaire gouvernemental du 6 novembre sur la compétitivité, le Premier ministre présentera des propositions globales. Mon ministère apportera sa contribution et j’aurai moi aussi des propositions. Le fait que je partage avec mon collègue Pierre Moscovici le même conseiller pour ce qui a trait aux financements facilite notre travail commun. La BPI mobilisera 40 milliards d’euros à la fois pour apporter des fonds propres aux entreprises et pour leur accorder des crédits. Dans un premier temps, il n’y aura pas de fusion organique entre Ubifrance et la BPI. Celle-ci proposera l’ensemble des soutiens financiers distribués par OSÉO et la COFACE. Elle conseillera, d’autre part, les entreprises qui souhaitent exporter, en s’appuyant sur Ubifrance, pleinement mobilisée à cet effet – son directeur général en a reçu la mission. Comme le prévoit son futur contrat d’objectifs et de performance qui sera signé début 2013, Ubifrance sera chargée d’accompagner pendant trois ans 800 ETI déjà exportatrices et sur lesquelles nous nous appuierons au départ. Cet accompagnement est indispensable car il ne s’agit pas pour les entreprises d’exporter une fois, mais bien de s’installer dans la durée sur les marchés étrangers.

Ma mission porte à la fois sur le moyen terme, à horizon de cinq ans, et sur le long terme, à horizon de dix ans.

En sus d’Ubifrance, aux côtés des régions et de leurs opérateurs, nous pouvons nous appuyer sur les chambres de commerce et d’industrie et, bien sûr, sur les entreprises. Lors de mes déplacements sur le terrain, je constate une mobilisation générale. Je constate également des tentatives d’organisation, au succès desquelles la BPI aidera. Celle-ci sera une porte d’entrée, un guichet unique. Nous sommes prêts à mettre à disposition des régions ou de la BPI, selon les modalités d’organisation, une partie des agents des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) en tant que conseillers à l’export. En effet, je l’ai dit, la BPI devra non seulement distribuer des crédits et octroyer des garanties actuellement accordés par OSÉO et la COFACE, mais aussi apporter des conseils à l’export. Toutes les entreprises ne sont pas à même d’y aller seules et si on les y incite sans que le marché ait été préalablement bien analysé, elles risquent, déconfites, de ne surtout pas renouveler l’expérience. Elles ont besoin d’un accompagnement, dont pourraient se charger les personnels précités des DIRECCTE, mais aussi des personnels des Douanes, dont certains pourraient aussi être mis à disposition, et bien sûr de la vingtaine d’agents d’Ubifrance en régions qui pourraient être utilement mobilisés pour cette tâche.

J’en viens aux financements à l’export. En sus de ce que fera la BPI, sur les quatre milliards qui avaient été réservés en 2011 au titre des investissements d’avenir, 150 millions seront consacrés à aider les entreprises à l’export. La décision en sera prise avant la fin de l’année.

J’ai observé que nous perdions des marchés parce que nos financements n’étaient pas assez compétitifs. C’est le cas notamment de la garantie de refinancement de la COFACE qu’il conviendrait de porter à 100 % alors qu’elle n’est aujourd’hui que de 95 %. C’est aussi le cas de la garantie de change sur valeur résiduelle pour inciter au financement d’opérations en euros afin de pallier le manque de liquidités en dollars. C’est un gros problème notamment pour Airbus. Il faut pouvoir étendre à tous les types d’aéronefs – nous en avons les moyens – la garantie inconditionnelle qui existe aujourd’hui pour certains types d’avions. Le marché est considérable pour les avions destinés aux transports régionaux : il nous faut donc être compétitifs. L’ensemble de ces mesures devrait pouvoir être intégré dans le collectif de fin d’année.

Enfin, des pays comme l’Allemagne, mais aussi la Finlande, l’Italie, la Suède, sont avantagés par rapport à la France parce que leurs entreprises bénéficient d’un financeur direct. Ainsi la KfW (Kreditanstalt für Wiederaufbau) offre aux entreprises allemandes des financements à l’export très compétitifs. Il faut que nous mettions en œuvre un mécanisme semblable – contrairement aux mesures précédentes, cela ne pourra pas être fait avant la fin de l’année. Nous aurons besoin dans un premier temps de la Caisse des dépôts et peut-être dans un second temps de la BPI. Ce sujet relevant de ma compétence et de celle du ministre de l’économie et des finances, nous avons déjà commencé à travailler avec le directeur général de la Caisse des dépôts.

S’agissant de la lisibilité de notre présence à l’étranger, il est vrai qu’il existe une certaine confusion. Vous avez évoqué dans votre projet d’avis, monsieur Glavany, la concurrence qui peut exister entre Ubifrance et les structures des régions, citant notamment l’agence pour le développement économique de la région Rhône-Alpes à l’international, ERAI (Entreprise Rhône-Alpes International), fortement implantée à l’étranger. En Chine, le partage des responsabilités est clair et a été parfaitement négocié entre Ubifrance et ERAI.

Je regarde bien sûr ce que font les autres pays. La semaine dernière, au salon international de l’agroalimentaire, où je me suis rendue avec mon collègue Guillaume Garot, j’ai constaté que plusieurs pays très dynamiques à l’export avaient un pavillon unique, parfaitement repérable dans une telle manifestation. Il faut que dans les salons internationaux soit représentée une « maison France » réunissant tous les partenaires. Ainsi, dans le domaine de l’agroalimentaire, où interviennent aujourd’hui à la fois Ubifrance et la SOPEXA, il conviendrait dorénavant que les deux apparaissent ensemble sous le pavillon France. Nous sommes d’accord avec Guillaume Garot sur ce point, et les deux agences n’y sont pas opposées.

Monsieur Giraud, vous avez évoqué le sujet très important de la politique commerciale de l’Union européenne. Le multilatéralisme étant en panne, les accords de libre-échange se sont multipliés. La Commission européenne a fait montre de beaucoup d’allant sur le sujet mais plusieurs des accords conclus sont, hélas, quelque peu asymétriques. Je fais en ce moment le tour des capitales européennes – Berlin bien sûr, Varsovie, Rome, Madrid où j’étais lundi dernier – pour vérifier que mes homologues et leurs gouvernements défendent bien le principe de la réciprocité. Notre position n’est pas majoritaire pour l’heure. Mais nous n’avons pas renoncé à mener la bataille, bien au contraire. Car s’il est opportun d’ouvrir son marché, il importe que l’ouverture soit symétrique. C’est d’ailleurs pourquoi nous avions demandé à la Commission de mettre sous surveillance l’accord de libre-échange entre l’Union et la Corée, soupçonné de favoriser l’importation de véhicules coréens au détriment de nos constructeurs automobiles, alors même que ce secteur est en difficulté.

La réciprocité est une condition essentielle aux yeux de la France pour la signature d’un accord de libre-échange. L’Union européenne négocie ou s’apprête à négocier trois accords, qui seront structurants pour le commerce mondial : avec le Canada, le Japon et les États-Unis. Il faut que nous ayons des armes en poche lors de la négociation. J’aimerais en convaincre tous les États membres. La Commission a élaboré un projet de règlement sur la réciprocité dans l’accès aux marchés publics. Aujourd’hui, 90 % des marchés publics de l’Union sont ouverts aux pays tiers quand ceux du Canada, du Japon et des États-Unis le sont à peine à 30 %. Et je ne parle pas des marchés publics de l’Inde, de la Chine ou du Brésil qui, eux, ne le sont pas du tout ! Ce projet de règlement doit donc impérativement être adopté. Je plaide en ce sens auprès de la Commission bien sûr, mais aussi du Parlement européen et de l’ensemble des États membres. Le communiqué final des deux derniers conseils européens des chefs d’État et de gouvernement, de juin et octobre, demande d’ailleurs qu’on progresse sur ce règlement. Je compte sur les parlementaires nationaux pour m’aider à convaincre l’ensemble des partenaires.

Je termine par l’attractivité. Il existe, je l’ai dit, un lien étroit entre attractivité du territoire et compétitivité à l’export. La France a perdu la première place pour l’accueil d’investissements étrangers au profit de l’Allemagne. Mais elle conserve, on oublie souvent de le dire, la première place pour l’accueil de centres de production. Or, que des entreprises étrangères produisent en France, c’est de l’emploi, souvent de la haute technologie, et donc de l’export. Nous devons par conséquent tout faire pour conserver cette place afin de maintenir et de développer les emplois. Des entreprises étrangères extrêmement performantes continuent de choisir la France pour la qualité de ses infrastructures, de ses salariés, de ses établissements scolaires et de ses équipements culturels, en un mot pour l’environnement qu’elle offre. Ne perdons jamais de vue qu’une entreprise étrangère qui s’installe en France exporte depuis notre pays et que notre balance commerciale a donc tout à y gagner.

N’ayant déjà que trop parlé aujourd’hui, je reviendrai devant les commissions compétentes exposer tout cela plus en détail. On ne peut pas se fonder sur la situation de notre commerce extérieur pour dénoncer nos défauts de compétitivité et ne pas faire de l’exportation une priorité. Le commerce extérieur ne se réduit pas à un solde. Notre balance commerciale n’est rien de moins que le juge de paix de notre économie.

M. le président Gilles Carrez. Merci, madame la ministre, pour cette intervention très intéressante. Je m’abstiendrai de poser la question que j’avais prévu de poser, mais nous vous inviterons à venir à nouveau devant la Commission des finances, de façon à explorer à fond ces sujets essentiels.

Mme Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme. Même s’il couvre des secteurs essentiels pour notre économie, le budget pour 2013 du ministère de l’artisanat, du commerce et du tourisme n’est pas moins concerné que les autres par les efforts de redressement de nos comptes publics, et est donc soumis lui aussi à la norme budgétaire fixée par le Premier ministre.

Cela étant, par rapport à cette norme, le bras armé de l’État pour le développement de notre politique touristique, Atout France, sur lequel plusieurs d’entre vous m’ont interrogée, voit ses crédits relativement préservés. Cette agence réalise un important travail de promotion : plus de 2 000 actions de communication chaque année, l’organisation à l’international de 450 événements professionnels ainsi que de 350 campagnes à destination du grand public, l’accueil en France de plus de 9 000 professionnels… C’est un excellent bilan, mais on peut encore mieux faire, sans même qu’il soit nécessaire de doter l’agence d’un budget équivalent à celui que certains de nos voisins et principaux concurrents consacrent à leur propre promotion touristique.

Tout d’abord, je souhaite poursuivre et développer le partenariat d’Atout France avec des acteurs publics et privés. L’agence accompagne en effet 1 100 partenaires – les collectivités locales, bien sûr, mais aussi des entreprises privées – dans leurs opérations de promotion touristique, en France et à l’étranger. Pour un euro qu’elle dépense, le partenaire en apporte en moyenne cinq : cet effet de levier est vertueux pour nos finances publiques, mais il est aussi une garantie de la qualité du projet présenté.

Je veillerai également à assurer une meilleure coordination entre les actions d’Atout France et celles des comités régionaux ou départementaux du tourisme. S’agissant en particulier des salons de portée internationale – et je rejoins Nicole Bricq sur ce point –, l’ensemble des collectivités locales doivent se réclamer de la « bannière France » et non se présenter de manière dispersée. Notre pays a en effet un rayonnement important en matière touristique, et nous devons mieux mettre en avant son image à l’étranger.

Enfin, il faut une meilleure adéquation entre la mission prioritaire d’Atout France et son organisation. Le président du nouveau conseil d’administration, que j’ai nommé le 17 octobre, devra porter une attention particulière à la recherche de synergies entre les différentes missions de l’agence, correspondant aux institutions dont elle est issue, ODIT France et Maison de la France. Je ne pense pas en effet que toutes les conséquences aient été tirées de la fusion.

Le nouveau président devra également faire des propositions en matière de stratégie, compte tenu des priorités que j’ai fixées en juillet lors de ma présentation du plan tourisme : je souhaite qu’Atout France joue un rôle moteur dans l’élaboration des futurs contrats de destination, qui permettront de mieux structurer la filière touristique. Je souhaite également examiner en détail la politique de promotion de la France, notamment la présence française à l’étranger. Il faut en particulier rechercher des synergies entre les bureaux d’Atout France, ceux d’Ubifrance, ceux de l’AFII et les ambassades. Le président devra dresser un état des lieux et faire les propositions nécessaires pour que ces évolutions puissent être mises en œuvre dès 2013.

Monsieur Mancel, le fait que le projet de budget ne comporte pas de crédits en vue de l’exposition universelle de 2015 à Milan ne signifie pas que notre pays n’entend pas participer à cet événement. Simplement, il est encore trop tôt pour se prononcer sur le montant nécessaire. Un financement spécifique sera prévu lorsque les modalités de notre participation auront été définies.

Plusieurs orateurs ont évoqué le nombre d’emplois non pourvus dans le secteur du tourisme, que les professionnels évaluent à 50 000. Ces métiers souffrent en effet d’un déficit d’image et doivent être revalorisés auprès des jeunes. Les formations, également, doivent être plus attractives et plus performantes. Je travaille donc avec Vincent Peillon sur les moyens de valoriser l’enseignement professionnel dans le secteur. Une attention particulière devra être portée à l’apprentissage de langues étrangères, sujet crucial.

Il faut par ailleurs mieux identifier les raisons pour lesquelles ces postes ne sont pas pourvus, ainsi que les types d’emplois plus particulièrement concernés. Du reste, les métiers du tourisme ne sont pas les seuls à mériter une meilleure considération ; c’est aussi le cas de ceux de l’artisanat, et notamment des métiers de bouche, vers lesquels se tourne un nombre insuffisant de jeunes. Nous allons donc analyser les besoins avant de sélectionner et de développer les formations adéquates, en les adaptant si nécessaire aux situations locales.

En ce qui concerne la réhabilitation de l’immobilier de loisir, un groupe de travail avait réuni des acteurs locaux, des élus, des parlementaires et des opérateurs privés. Ses travaux l’ont conduit à proposer à dix stations volontaires de tester une boîte à outils. Les causes du phénomène bien connu « lits froids, volets clos » étant multiples, la réponse ne peut pas être unique mais doit résulter de la combinaison de plusieurs mesures. Cette boîte à outils ne doit donc pas être un instrument imposé « d’en haut » sur une situation complexe, car dans ce cas elle ne répondrait pas aux besoins des professionnels. Les outils proposés doivent au contraire varier en fonction des problèmes qui se posent au niveau local.

Les instruments disponibles sont de trois ordres : les outils nécessaires à la gouvernance et à la stratégie, les outils de restructuration des biens physiquement hors marché ou vieillissants, et les outils de facilitation et d’incitation à la commercialisation des meublés de tourisme.

Cette dernière question, vous le savez, fait partie de mes priorités. Après une expertise approfondie de ces propositions, comportant nécessairement un important volet interministériel, je présenterai un plan cohérent de réhabilitation dans le but de remettre ces biens sur le marché en sorte qu’ils contribuent au développement touristique des stations.

Il est vrai que la mise aux normes a un coût élevé pour le secteur touristique, en particulier pour la petite hôtellerie familiale qui avait déjà dû se plier à la nouvelle réglementation sur le classement, assortie de normes de sécurité spécifiques. La succession de nouvelles normes inquiète de nombreux professionnels, qui hésitent à se lancer dans une réhabilitation faute de certitude sur la viabilité et la pérennité de leur entreprise. Marie-Arlette Carlotti a rendu public un rapport sur l’accessibilité qui comporte d’ailleurs des éléments économiques relatifs au tourisme. J’ai pour ma part demandé que des professionnels du secteur puissent être entendus dans le cadre de la mission d’évaluation en cours au Sénat, afin que soit pris en compte l’impact de ces normes sur les entreprises de tourisme et que des solutions adaptées soient trouvées.

Bien sûr, il ne s’agit pas de remettre en cause le droit pour les personnes handicapées à accéder aux hôtels ou à l’hébergement de plein air, mais un équilibre doit être trouvé. En tout état de cause, il convient d’accompagner les professionnels qui doivent réaliser des investissements.

S’agissant du tourisme d’affaires, je ne partage pas votre analyse, monsieur Mancel, même s’il est exact que ce secteur a une grande importance pour notre pays. Notre stratégie porte ses fruits, puisque Paris occupe en 2011 la deuxième place dans le classement de l’Association internationale des congrès et des conventions, derrière Vienne et devant Barcelone. Je reconnais toutefois la nécessité d’une action volontariste dans ce domaine. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’un comité « grands événements » a été constitué au sein d’Atout France pour coordonner notre politique en matière de grands événements sportifs ou culturels, de foires, de salons et de congrès.

J’en viens aux questions sur le taux de TVA dans la restauration. Je remercie M. Thévenoud pour le rapport qu’il a présenté hier devant la Commission des finances : cette utile contribution viendra en complément du bilan que je suis en train d’établir avec les organisations professionnelles signataires du contrat d’avenir. Quand une mesure coûte chaque année plus de 3 milliards d’euros au budget de l’État, il me semble légitime, monsieur Straumann, que les parlementaires et le Gouvernement procèdent à l’évaluation la plus précise possible de ses effets. Des groupes de travail ont donc été constitués, correspondant aux quatre engagements prioritaires fixés lors de la signature du contrat d’avenir. Des réunions supplémentaires ont toutefois dû être organisées en raison de la persistance d’une forte divergence entre les chiffres obtenus par mes services et ceux fournis par les professionnels. Un bilan sera effectué à la mi-novembre, en fonction duquel nous prendrons les décisions qui s’imposent.

Il ne servirait à rien de prendre des décisions hâtives au moment même où un bilan est dressé de manière contradictoire avec les professionnels. Mais si le gouvernement précédent avait pris la peine de rédiger un contrat – et surtout un avenant – clair, lisible et précis, nous n’en serions sans doute pas là. De même, je regrette qu’il ait négligé de procéder régulièrement à des évaluations ponctuelles, car nous aurions eu quelque chose sur quoi nous appuyer plutôt que de devoir construire entièrement ce bilan. Quoi qu’il en soit, nous travaillons sereinement avec les professionnels, et les décisions que nous prendrons seront conformes à la justice et à l’efficacité économique.

En ce qui concerne les auto-entrepreneurs, j’ai en effet confié à l’Inspection générale des affaires sociales et à l’Inspection générale des finances la mission de dresser un état des lieux objectif du dispositif afin d’en corriger les dérives. Contrairement à ce que j’ai pu entendre ici ou là, le Gouvernement ne veut en aucun cas casser ce régime, mais simplement le faire évoluer, l’adapter pour permettre à l’ensemble des professionnels, artisans comme auto-entrepreneurs, d’exercer leur activité dans des conditions équitables. Il souhaite également faire bénéficier les entrepreneurs relevant de ce régime, qui sont souvent dans une situation de précarité, d’une meilleure protection sociale et empêcher les pratiques frauduleuses telles que le recours au salariat déguisé ou la sous-déclaration de chiffre d’affaires. Le dialogue se poursuit avec l’ensemble des acteurs concernés ; les conclusions de cette mission nous seront rendues à la fin de cette année ou au début de l’année prochaine.

Comme vous, monsieur Thévenoud, je suis préoccupé par la situation des distributeurs indépendants de carburant. Quand ils opèrent dans des zones rurales mal desservies, ils y sont des agents du lien social, particulièrement lorsqu’ils sont associés à un commerce multiservices. Les solutions proposées pour contenir la hausse des prix des carburants s’appliquent difficilement à ces petites entreprises dont les marges sont déjà faibles. Je souhaite engager une discussion avec Delphine Batho afin que leur existence et leur pérennité ne soient pas remises en cause par l’application en 2015 de nouvelles normes environnementales.

Le FISAC est indéniablement utile pour aider commerçants et artisans à moderniser leur activité. Le gouvernement précédent a tout à la fois diminué les crédits et augmenté les besoins de financement en élargissant les critères d’éligibilité, ce qui n’a pas manqué de provoquer une augmentation du nombre de dossiers. À mon arrivée à Bercy, 1 600 projets étaient ainsi en cours d’instruction. Aujourd’hui, 700 projets sont instruits, pour un montant de 35 millions d’euros. Le solde, 13 millions d’euros, est insuffisant pour financer le reste du stock.

Je ne suis pas sûre, cependant, que l’amendement auquel il a été fait allusion représente la meilleure solution. J’ai donc demandé un rapport détaillé au Contrôle général économique et financier – CGEFI – sur ce sujet. Lorsqu’il me sera remis, nous travaillerons avec mon collègue chargé du budget afin de résoudre, en gestion 2013, cette question importante pour les collectivités locales et pour les territoires.

Je souhaite en outre revoir entièrement les critères d’attribution des aides afin de rendre celles-ci plus efficaces et de les concentrer sur les territoires les plus fragiles ou sur les opérations ayant le meilleur effet de levier. Bien entendu, les parlementaires pourront être associés à cette réflexion et nous faire part de leurs propositions.

Le projet de loi de finances pour 2013 étend le champ du plafonnement des taxes affectées. Cette extension, qui a vocation à se poursuivre en 2014, concerne en effet les organismes consulaires, madame Grommerch. Elle conduit à faire passer le périmètre des ressources plafonnées de 3 milliards d’euros en 2012 à 4,5 milliards d’euros en 2013.

De nombreux opérateurs de l’État et autres organismes chargés de missions de service public sont financés, partiellement ou intégralement, par des impositions de toute nature. Celles-ci leur sont affectées directement, sans transiter par le budget de l’État. Ce mode de financement présente l’inconvénient de faire échapper les dépenses ainsi financées à l’effort partagé de maîtrise de la dépense, qui se traduit par la stabilisation en valeur des dépenses de l’État. Il aurait été inéquitable de concentrer les efforts de rationalisation de la dépense publique sur les seules administrations ; pour être juste, la répartition de l’effort de redressement doit tenir compte uniquement des priorités du Gouvernement et des économies potentielles. C’est la raison pour laquelle nous avons pris cette décision.

Monsieur Straumann, avec les contrats de destination et avec la structuration de la filière touristique, notre ambition est de faire mieux travailler ensemble les collectivités territoriales et les acteurs privés. La généralisation du contrat de destination sera l’outil de cette collaboration, mais nous aurons aussi à rénover le Conseil national du tourisme. Sa composition sera resserrée, pour être réduite à moins de 50 membres, et ses missions seront recentrées sur la production, non de rapports, mais de préconisations plus opérationnelles. Le plan de travail annuel sera élaboré par un comité directeur et soumis pour approbation au ministère.

Enfin, je souhaite que la mission sur l’économie numérique puisse examiner les questions relatives au tourisme, y compris dans leurs aspects communautaires, en vue de parvenir à la constitution d’un espace commun s’agissant des règles fiscales ou des règles de responsabilité des professionnels.

M. le président François Brottes. Je comprends que certains parlementaires s’impatientent en raison des difficultés d’organisation que nous avons déjà évoquées. Mais en aucun cas, on ne pourra reprocher aux membres du Gouvernement de prendre le temps de répondre convenablement à chacun des rapporteurs. Pour ma part, j’ai trop regretté par le passé le caractère lapidaire de certaines réponses pour venir me plaindre d’une telle précision. Si, demain, il en allait autrement, les mêmes qui se plaignent aujourd’hui de la longueur des débats reprocheraient alors aux ministres de ne pas avoir répondu à leurs questions !

Madame la ministre déléguée, il vous reste à satisfaire la curiosité de Mme Bonneton sur La Poste, de Mme Erhel sur les communications électroniques, de M. Grellier au sujet de l’industrie et de Mme Grommerch concernant les entreprises…

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique. Je m’efforcerai de leur fournir des réponses à la fois précises et synthétiques.

En préambule, je me dois toutefois de rappeler, au nom d’Arnaud Montebourg que je représente aujourd’hui, dans quel esprit nous concevons le redressement productif.

Le redressement productif – une expression d’inspiration rooseveltienne – passe par la mobilisation de l’ensemble des acteurs qui doivent contribuer au rebond économique de notre pays : le Comité interministériel de restructuration industrielle – CIRI –, la cellule ministérielle dédiée aux restructurations, la Médiation du crédit et la Médiation de la sous-traitance, les 22 commissaires au redressement productif, l’AFII – agence dont la tutelle est partagée entre le ministère de l’économie et des finances et celui du redressement productif –, la BPI… Tous ces acteurs sont mobilisés au service d’une unique mission, la reconquête de la compétitivité des entreprises françaises.

À côté de la compétitivité-coûts, dont il est beaucoup question en ce moment, nous devons faire un effort considérable sur la compétitivité-hors coûts, en misant sur la qualité des produits que nous fabriquons. L’excellence existe en France ; nous devons tout faire pour la promouvoir.

Pour y parvenir, il nous faut des moyens. Ceux du redressement productif sont inscrits aux programmes 192 – Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle – et 134 – Développement des entreprises et du tourisme. Des outils existent également au sein des programmes d’investissements d’avenir : ainsi les aides à la relocalisation industrielle, qui permettent de soutenir les projets de réindustrialisation des entreprises.

Le programme 134 comprend les crédits de fonctionnement de la DGCIS et des DIRECCTE, soit au total 1 600 agents répartis entre administration centrale et administration déconcentrée.

Des crédits sont également alloués à des actions de soutien à la modernisation économique et à la compétitivité – ce que l’on appelle les actions collectives – ainsi qu’à des aides destinées aux centres techniques industriels.

Enfin, figurent dans ce programme les crédits des structures qui permettent à l’État de réguler et d’organiser les marchés et l’activité économique, en particulier ceux de l’Association française de normalisation (AFNOR) ou de l’Agence nationale des fréquences, qui gère les fréquences radioélectriques dans le respect du cahier des charges édicté par l’ARCEP.

Sur le projet de fusion entre le CSA et l’ARCEP, monsieur Thévenoud, je serai brève, dans la mesure où la réflexion menée à la demande du Premier ministre par le ministre du redressement productif, la ministre de la culture et moi-même ne sera achevée qu’à la fin du mois de novembre. Les deux autorités ont rendu leurs avis, mais nous devons encore procéder à un certain nombre d’auditions de professionnels avant de remettre nos conclusions.

S’agissant du Médiateur du crédit, celui-ci est, comme son nom l’indique, chargé de conduire de façon indépendante des médiations entre les banques et leurs débiteurs lorsque ces derniers connaissent des difficultés. La médiation est un art difficile consistant à rechercher un accord négocié entre les différentes parties impliquées ; c’est donc un outil, non pas d’intervention, mais de rapprochement, de discussion. Cette mission s’articule avec celle des commissaires au redressement productif, qui ont pour rôle, au-delà des éventuelles difficultés de crédit, de mobiliser l’ensemble des moyens de l’État afin d’organiser le redressement des entreprises en difficulté dans les régions et de sauver le plus d’emplois possible. Le rôle du Médiateur du crédit est et restera extrêmement important, notamment dans un contexte où l’environnement prudentiel des banques est en pleine évolution : la prochaine entrée en vigueur des normes dites « Bâle III » risque en effet d’entraîner un resserrement du crédit aux entreprises, dont les PME et les PMI seront les premières victimes. Dans ces conditions, la fonction du médiateur ne peut qu’être maintenue par le Gouvernement.

Madame Bonneton, tous les points que vous avez évoqués à propos de la situation financière de La Poste – dégradation des services publics, développement de leur mutualisation, apparition de nouveaux services dans les bureaux de poste – seront évidemment abordés dans le cadre des négociations en cours entre mes services et La Poste sur le nouveau contrat de service public. L’amélioration de la qualité du service public postal, en particulier du service universel et du délai de distribution du courrier, est bien évidemment un de nos objectifs.

L’aménagement du territoire est également une priorité pour La Poste. Dans un souci d’une action plus dynamique dans ce domaine, nous souhaitons élargir le périmètre d’intervention du groupe, en y incluant notamment le numérique.

S’agissant du coût des missions de service public, vous avez signalé l’écart entre l’évaluation effectuée par le groupe et la compensation versée par l’État. Les contraintes budgétaires actuelles ne nous permettent pas de le réduire autant que nous le souhaiterions, mais une partie de ces coûts – notamment ceux du service universel et de la distribution de la presse – sont pris en charge grâce à la vente de produits par La Poste. D’autre part, le financement de l’aménagement du territoire dépend aussi des collectivités territoriales – ce sujet doit faire l’objet d’un arrêté d’ici à la fin de l’année.

Le changement de statut de La Poste et l’augmentation de son capital devaient permettre de financer le programme d’investissements défini dans le cadre du plan Ambition 2015. Ce plan a été revu pour tenir compte des recommandations du rapport Kaspar, qui a permis une première prise de conscience de la dégradation des conditions de travail au sein du groupe. Nous serons particulièrement attentifs à ce que ces préconisations soient respectées, mais le PDG Jean-Paul Bailly s’est engagé à les appliquer toutes dans les mois qui viennent. Les 5 000 recrutements supplémentaires prévus devraient l’y aider. C’est en tout cas au groupe, et non à l’État, qu’il appartient de répartir ces nouveaux agents en fonction de ses besoins, mais nous serons particulièrement attentifs à ce que ces recrutements servent à assurer l’exécution des missions de service public de la Poste.

Nous veillerons de même à ce que la filialisation ne se traduise pas par la mise en concurrence des différentes entités de La Poste et par un dumping social à l’intérieur du groupe. Nous accompagnerons, dans le cadre du nouveau contrat de service public, les mutations internes par lesquelles l’entreprise doit s’adapter à l’intensification de la concurrence, en faisant en sorte qu’elles ne nuisent ni aux employés, conformément aux préconisations du rapport Kaspar, ni au service rendu aux usagers.

Nous avons dit et redit, madame Erhel, que la régulation du secteur des télécommunications devait mieux prendre en compte l’emploi. On ne sait pas assez qu’il figure déjà au nombre des objectifs du régulateur, le fait n’ayant pas été suffisamment mis en exergue par le précédent gouvernement. Le comité stratégique de filière sera saisi du sujet, dans le cadre notamment de l’attribution de nouvelles fréquences pour le déploiement de la 4G. Les questions d’emploi et d’investissement seront au centre des négociations que nous conduirons avec les opérateurs sur l’accélération du calendrier de ce déploiement, ainsi que sur le plan de développement du très haut débit. Nous attendons des engagements très fermes de ces opérateurs en termes de créations d’emplois en Europe et en France.

Vous savez que l’ARCEP doit contrôler le respect par les opérateurs des obligations en matière d’investissements et de couverture qui sont la contrepartie de l’obtention de licences. Nous veillerons à ce qu’elle applique dans l’exercice de cette mission une nomenclature unique, afin que tous les opérateurs soient traités de la même manière et qu’on compare ce qui est comparable, puisque des critiques avaient été formulées quant au rythme de déploiement et d’investissement de certain opérateur qu’il est inutile de nommer ici.

Jointes au travail de l’ARCEP, les mesures de la couverture du territoire auxquelles procède l’Agence nationale des fréquences permettront au Gouvernement et à la représentation nationale d’avoir une vision plus claire, plus transparente et plus objective de ces investissements et du taux de couverture atteint par chaque opérateur. Comme vous le savez, les licences de téléphonie mobile sont accordées en contrepartie d’engagements chiffrés sur ce dernier point, et si nous tenons autant à ce que l’ensemble des opérateurs s’inscrive dans une logique d’investissement, c’est parce que ceux-ci ont une répercussion sur l’emploi. Nous souhaitons donc que la réalité de ces investissements soit contrôlée sans attendre les échéances de 2015.

Vous avez raison de parler de la filière des télécommunications dans son ensemble, qui inclut aussi les centres d’appel, les boutiques, le réseau de distribution ou les équipementiers. Les difficultés considérables dans lesquelles elle se débat s’expliquent par l’absence depuis des décennies d’une politique industrielle. Nous souhaitons que le comité stratégique de la filière engage une réflexion sur la concentration en Europe ou sur les moyens de renforcer les équipementiers européens dans le cadre d’une relance des investissements dans le domaine des télécommunications et du très haut débit.

Vous avez également raison de souligner que la répartition des crédits d’intervention entre les divers programmes et missions doit gagner en lisibilité. La réflexion engagée par Marylise Lebranchu sur la réforme de l’État abordera aussi la question de la rationalisation de l’action publique, via notamment une nouvelle présentation budgétaire des actions de développement économique et de soutien aux entreprises.

Les objectifs d’Ubifrance et de l’AFII ne sont pas les mêmes : Ubifrance doit accompagner les entreprises françaises qui investissent à l’étranger, alors que l’AFII a pour vocation d’attirer des investisseurs étrangers en France. À ce propos, je viens de lancer, au Massachusetts Institute of Technology de Boston, la campagne mondiale de l’AFII pour promouvoir l’attractivité de la France. Cette campagne se poursuivra en novembre au Canada, en Chine, en Inde et au Brésil. Le programme d’action de l’agence lui a permis d’identifier certains domaines stratégiques dans lesquelles les investisseurs étrangers devront être particulièrement sollicités. Avec Nicole Bricq et Pierre Moscovici, nous suivons très attentivement son action en faveur de l’attractivité de notre territoire, ainsi que celle de son réseau.

Monsieur Grellier, le ministère du redressement productif a la volonté de réactiver la conférence nationale de l’industrie, afin de promouvoir une logique de filières, élément essentiel de la politique que le Gouvernement entend mener pour favoriser la croissance. L’écosystème régional est déjà mobilisé dans le cadre des comités stratégiques de filière régionaux. L’objectif est de mieux structurer certaines filières, sur le modèle par exemple de la filière aérospatiale, qui a réussi à articuler les grands groupes et les PME autour d’Airbus. De fait, il existe encore trop peu de synergies entre ces deux types d’entreprises, que ce soit à l’export ou en matière d’innovation, sujet sur lequel les PME doivent pouvoir bénéficier des politiques de recherche et développement des grands groupes.

Cette stratégie de filière doit permettre de concentrer les moyens régionaux via un guichet unique : la Banque publique d’investissement qui, à la différence d’une banque ordinaire, aura pour vocation de mettre à la disposition des TPE, des PME et des ETI une palette d’outils extrêmement large : garanties, crédits, fonds propres, financement de l’innovation, aides à l’exportation. Elle jouera également un rôle de conseil, pour orienter les entrepreneurs vers ces différents outils en fonction de leurs besoins. Sa doctrine d’emploi sera en outre différente : tout en agissant en investisseur avisé – il n’est pas question de prendre des paris trop risqués avec l’argent du contribuable –, elle sera un investisseur plus patient, qui réalisera des placements plus longs, peut-être un peu plus risqués. Son objectif sera de pallier ce grave défaut du financement de l’économie française qu’est l’absence de profitabilité de l’industrie du capital-risque dans notre pays. Autre nouveauté importante, la BPI consacrera 500 millions d’euros à un fonds dédié à l’économie sociale et solidaire.

L’idée d’une campagne de promotion de l’industrie est une très bonne idée, susceptible de séduire Arnaud Montebourg. J’ai pu mesurer au cours de mes déplacements à quel point l’environnement des affaires français était méconnu à l’étranger. Cependant, la campagne de l’AFII devrait déjà contribuer à améliorer notre image sur ce point.

Faire respecter, tant par les collectivités publiques que par les entreprises privées, les dispositions législatives encadrant les délais de paiement sera une des missions du médiateur des relations interentreprises et du médiateur des marchés publics dont nous avons proposé la nomination au Premier ministre. Ces médiations pourront bénéficier du soutien de l’Observatoire des délais de paiement, instance qui n’est peut-être pas suffisamment connue. Une réflexion pourrait en outre être menée avec la DGCCRF et avec la direction générale des finances publiques pour trouver des modalités d’incitation au respect de cette réglementation, voire de sanction en cas d’infraction. On pourrait, par exemple, faire obligation aux entreprises de faire état dans leur rapport annuel des délais dans lesquels elles auront réglé leurs fournisseurs.

De nombreuses filières souffrent de l’insuffisance de personnel qualifié, d’ingénieurs par exemple. Avec Geneviève Fioraso, nous travaillons à identifier les secteurs dans lesquels l’offre de formation ne comble pas les besoins de l’industrie. La stratégie de filières et la conférence nationale de l’industrie devraient également contribuer à remédier à cette insuffisance.

Le mentorat a fait ses preuves à l’étranger. Je crois beaucoup à l’utilité de cette méthode pour aider les jeunes entrepreneurs à développer les ETI dont la France a besoin.

M. le président François Brottes. Avant de passer la parole à Benoît Hamon, j’ajouterai quelques questions à celles qui lui ont été posées : est-ce bien le rôle de La Poste de proposer du crédit revolving ? Votre politique permettra-t-elle d’éliminer le surendettement, dont les effets sont dramatiques ? L’action de groupe est-elle une chimère ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. L’INSEE, monsieur Fauré, est une des administrations qui ont été très abîmées par la politique menée ces cinq dernières années. Nous avons donc tenu à préserver ses moyens humains. Conformément à la demande des syndicats, nous allons mettre fin à la précarité du statut des 770 enquêteurs de l’Institut, qui étaient jusqu’ici des vacataires pigistes. Ils seront donc intégrés dans les effectifs de l’INSEE. Pour le reste, l’Institut perdra 77 équivalents temps plein travaillé (ETPT), alors qu’il en perdait 136 par an depuis 2009 mais, au total, grâce aux titularisations, ses effectifs passeront de 5 140 ETPT à 5 833 entre 2012 et 2013.

Sur les 1 500 emplois publics que Nicolas Sarkozy avait promis à Metz en compensation des emplois perdus du fait de la réforme de la carte militaire, 575 devaient provenir du transfert dans cette ville des effectifs de l’INSEE, dans l’objectif de créer un pôle statistique dans cette ville. Or à ce jour, comme vous l’avez dit, 87 postes seulement ont été effectivement transférés. Sur le plan social, les organisations syndicales ne sont pas favorables à ce transfert, et comme il n’y a pas de mobilité forcée, il est très difficile d’honorer l’engagement du précédent Président de la République. Le problème est aussi budgétaire, le coût de la rénovation de l’ancienne gare censée accueillir les futurs bureaux de l’INSEE étant extrêmement lourd, au point que nous devrons peut-être reconsidérer ce choix. Il faut cependant tenir compte, en sens contraire, de la contrainte politique, les élus réclamant que l’État respecte ses engagements. Pierre Moscovici doit se rendre à Metz à la fin de l’année pour trouver une solution susceptible de concilier ces trois exigences contradictoires.

Je sais, monsieur Fauré, que vous avez évoqué avec l’administration la question de la rémunération des agents du Trésor dans le cadre du programme 305. Le fait que certains travaillent à l’étranger peut expliquer les variations dans les coûts de sortie des agents qui vous ont été indiqués. Nous vous adresserons une réponse écrite sur ce point. En tout état de cause, l’administration du Trésor participera à l’effort commun puisque ses crédits de fonctionnement diminueront d’environ 5,8 %.

De même, la Banque de France doit, comme toutes les administrations, contribuer au redressement des finances publiques. Nous souhaitons qu’elle fasse passer le coût unitaire de traitement des dossiers de surendettement de 917 euros en 2012 à 896 euros en 2013. D’autres objectifs lui ont été fixés en matière de dématérialisation des échanges ou de gains de productivité sur les tâches à faible valeur ajoutée.

L’encadrement du crédit à la consommation assuré par la loi Lagarde a eu des effets incontestablement positifs. Des problèmes persistent cependant, dénoncés tant par le mouvement consumériste que par la DGCCRF : une offre de crédit renouvelable qui n’est que rarement accompagnée d’une offre alternative de crédit amortissable ; l’insuffisante formation des forces de vente ; l’existence des cartes « confuses », ces cartes de fidélité qui dissimulent un crédit renouvelable. Cette réserve d’argent peut constituer une tentation irrésistible pour faire face à des accidents de la vie, précipitant ainsi le surendettement.

Ces problèmes justifient que l’on débatte de la création d’un fichier positif, sachant que cette question divise au sein même du mouvement consumériste comme du monde bancaire. Force est cependant de constater que les acteurs les plus anciens du marché du crédit disposent d’ores et déjà de formes de fichiers positifs privés. Je sais que la Banque postale, qui souhaiterait entrer sur ce marché, attend pour ce faire un cadre législatif stabilisé.

Nous ne pensons pas que la fonction du médiateur du crédit soit redondante avec celle des commissaires au redressement productif. Il est vrai que ce médiateur, créé en 2008, a connu un « âge d’or », si je puis dire, du fait du durcissement des conditions d’accès au crédit des PME : depuis le premier trimestre 2009, il a aidé pas moins de 29 000 entreprises. Aujourd’hui, les entreprises sont moins nombreuses à déposer un dossier auprès de ses services, leurs difficultés étant plutôt liées à la dégradation de la situation macroéconomique. Cette médiation reste néanmoins suffisamment utile pour justifier la nomination prochaine d’un nouveau médiateur.

Il est certes légitime que les agences indépendantes concourent, elles aussi, au redressement des finances publiques. Nous considérons cependant que l’effort demandé à l’Autorité de la concurrence doit être modéré eu égard à l’importance de ses missions. C’est pourquoi son budget de fonctionnement hors rémunérations passe de 4,88 millions d’euros à 4,71 millions d’euros, soit une baisse de 1 %. Elle ne perdra en outre qu’un de ses 188 emplois actuels.

La DGCCRF a beaucoup souffert ces cinq dernières années, sous le double effet de la RGPP et de la réforme de l’administration territoriale de l’État, qui y ont brisé la chaîne de commandement. En vertu de la politique de non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, 60 % des personnels partant à la retraite n’ont pas été remplacés. Or le nombre des missions assurées par cette administration, en première ligne dans la protection des consommateurs, ne fait que s’accroître au rythme des nouvelles directives européennes. Aujourd’hui, la DGCCRF compte moins de neuf agents de terrain dans 30 % des départements et moins de douze dans 50 % d’entre eux. Elle a par conséquence dû réduire ses interventions. La polyvalence ayant ses limites, ses agents ne peuvent plus remplir tout à fait correctement leur mission. C’est la raison pour laquelle nous avons jugé indispensable de sanctuariser les moyens de cette direction. En outre, le projet de loi sur la consommation que je vous présenterai au printemps 2013 renforcera son pouvoir de sanction à l’égard des entreprises en infraction.

Soixante millions de consommateurs connaît depuis quelques années des difficultés de financement récurrentes et ses comptes accusent en 2012 un déficit de 600 000 euros. Ce magazine, auquel les Français sont attachés, a sans doute manqué le tournant de l’Internet. La rédaction proposera en décembre une nouvelle ligne éditoriale et un nouveau format. Pour notre part, nous réfléchissons aux moyens de pérenniser cette revue, non seulement pour préserver la concurrence dans ce secteur, mais également parce que la qualité de l’information qu’elle dispense aux consommateurs est unanimement reconnue.

Je souhaite que nous inscrivions les actions de groupe dans le droit de la consommation afin que les préjudices économiques de masse trouvent réparation et que les consommateurs soient mieux protégés. Cela étant, le sujet continue de faire débat…

Vous avez souligné les progrès accomplis en matière de mobilité bancaire ; celle-ci doit encore être améliorée car il est légitime qu’on ne soit pas captif de sa banque. Nous attendons beaucoup du chantier ouvert par la Commission européenne dans ce domaine. Quant aux frais bancaires, le projet de loi de réforme bancaire traitera de ce sujet, conformément aux engagements du Président de la République.

Trente pour cent des entreprises ne respectent pas la loi encadrant les délais de paiement. La DGCCRF doit avoir les moyens de faire cesser les infractions qui ont donné lieu à notification. Nous travaillons avec elle et avec la direction générale des finances publiques (DGFIP), dans le sillage des propositions de Pierre Moscovici, à améliorer le respect de cette réglementation par les entreprises du secteur privé comme par les entreprises publiques.

M. le président Gilles Carrez. La parole est maintenant aux orateurs des groupes politiques puis, dans la foulée, aux parlementaires que ces déjà longs échanges sur des sujets disparates n’auront pas découragés.

M. Daniel Fasquelle. Je regrette à mon tour que nous soyons amenés à traiter de sujets si nombreux et si importants au cours d’une seule réunion.

Lorsqu’on examine l’ensemble des crédits de la mission « Économie », on peut regretter qu’après une augmentation des impôts dénoncée par l’opposition et par de nombreux acteurs économiques, vienne une réduction des dépenses en faveur des entreprises : les crédits consacrés au commerce, à l’artisanat et aux services baissent de plus de 30 millions d’euros ; ceux qui sont destinés au développement international des entreprises diminuent de près de 14 millions d’euros. Alors que le débat porte sur un choc de compétitivité, ce budget va plutôt provoquer un choc « d’anti-compétitivité ».

M. Louis Gallois remettra son rapport sur la compétitivité dans quelques jours et sera auditionné à l'Assemblée nationale le 7 novembre. Dans l’hypothèse où ce rapport comporterait des propositions telles que l’instauration d’une TVA compétitivité comparable à celle que nous avions proposée et que vous avez malheureusement supprimée, une augmentation de la CSG ou encore une réforme du temps de travail revenant sur les 35 heures, en tiendrez-vous compte, mesdames et monsieur les ministres ? Ou bien ce rapport est-il déjà enterré avant même d’avoir été rendu public ?

Notre pays a besoin de réformes de structure. Or, si vous avez pour l’essentiel repris notre politique, c’est à l’exception justement de certaines mesures structurelles. Le vrai débat est le suivant : quels leviers utiliser pour améliorer la situation de notre économie et de nos entreprises et procurer ainsi des recettes supplémentaires au budget de l’État ?

Organisme réputé proche du parti socialiste auquel vous vous êtes souvent référés dans le passé, l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) estime que les prévisions du Gouvernement ne sont pas réalistes : à l’effort de 30 milliards d’euros que vous avez voté, il faudra sans doute en ajouter un autre de 22 milliards en cours d’année, ce qui pourrait conduire à la disparition de 200 000 emplois. Considérez-vous que ce budget est sincère et qu’il repose sur des bases solides ? Ne serez-vous pas contraints de revoir votre copie ? Sur quelles recettes ou quelles dépenses – par exemple de la mission « Économie » – jouerez-vous alors pour trouver ces 22 milliards supplémentaires ?

S’agissant des crédits que nous examinons, je regrette la baisse de la dotation du FISAC. Ce n’est sans doute pas la première mais, sous la précédente législature, les députés ont adopté, en séance, un amendement obligeant le Gouvernement à rétablir les crédits de ce fonds. Nous n’hésiterons pas à nous mobiliser à nouveau. La situation n’est pas simple pour vous, madame la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme, mais vous devez comprendre les attentes des élus de terrain : dans de nombreuses communes, y compris touristiques, le commerce est le moteur de l’activité et de nombreux emplois en dépendent. Ces collectivités ont besoin du soutien du FISAC pour maintenir leur attractivité.

Pour ce qui est des crédits destinés au commerce extérieur, la baisse de la dotation de l’AFII ne laisse pas de m’inquiéter.

En ce qui concerne les crédits consacrés au tourisme, je regrette qu’Atout France ne dispose pas de davantage de moyens. Vous n’êtes pas, madame la ministre, responsable de cette situation, que j’ai déjà signalée dans le passé. Nous devrions faire le maximum pour promouvoir la destination France à l’étranger. Le nombre de touristes va augmenter de façon exponentielle à l’échelle du globe et nous ne nous donnons pas les moyens de capter cette demande. La France, première destination touristique au monde, en accueille 80 millions par an. Nous pourrions passer à 100 millions et créer ainsi de très nombreux emplois sur notre territoire.

Enfin, vous commettriez une grave erreur en remettant en cause la baisse de la TVA sur la restauration. Je ne reviens pas sur les chiffres évoqués hier en Commission des finances. Les syndicats de professionnels et de salariés du secteur demandent, d’un commun accord, le maintien du taux actuel. Ils nous alertent tous sur les conséquences de son éventuel relèvement : baisse du pouvoir d’achat des salariés, remise en cause d’avantages sociaux, suppressions d’emplois.

M. Patrice Prat. À travers la mission « Économie », l’État cherche à promouvoir un environnement économique favorable à la croissance et au redressement industriel. Le Gouvernement nous propose un budget de responsabilité, de vérité et de justice. Tout en consentant un effort substantiel dans un contexte économique très difficile, il ne perd jamais de vue les objectifs premiers de la mission : soutenir fortement la compétitivité des entreprises, l’innovation, l’emploi et le développement des exportations dans les secteurs clé de notre économie – industrie, commerce, artisanat, services et tourisme.

J’insisterai, au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen, sur trois points cruciaux : la réorientation industrielle, le crédit d’impôt recherche et le soutien au commerce de proximité, aux services et à l’artisanat.

Premièrement, la réorientation industrielle est au cœur de notre engagement. La précédente majorité laisse un héritage désastreux : l’industrie s’effondre, des filières entières disparaissent, les licenciements se multiplient. Il nous faut impérativement sortir des schémas classiques, dépasser le dogme qui domine la pensée économique depuis vingt ans : nous serions entrés dans une phase post-industrielle fondée sur une financiarisation accrue de l’économie. Sans industrie, nous ne pourrons ni connaître le rebond attendu, ni développer une économie florissante.

Le Gouvernement propose de développer les aides à la réindustrialisation et instaure des dispositifs novateurs, tels que la future Banque publique d’investissement, qui répond à des nécessités premières : muscler notre économie dans les territoires, anticiper les mutations, favoriser l’entreprenariat. Près de 40 milliards d’euros seront ainsi injectés dans l’économie réelle.

Avec ce projet de loi de finances, nous faisons appel au patriotisme fiscal des grands groupes. En revanche, nous avons fait le choix – je le souligne à nouveau – de préserver les PME.

En outre, grâce au Fonds de compétitivité des entreprises, nous développerons des partenariats entre acteurs de la recherche publics et privés dans le cadre des pôles de compétitivité. Ubifrance – il faut s’en féliciter – disposera en 2013 de plus de 22 millions d’euros pour aider au développement international des PME. Mme la ministre du commerce extérieur a déjà évoqué les intentions du Gouvernement en la matière : je n’y reviendrai donc pas.

Deuxièmement, le crédit d’impôt recherche constitue un outil majeur au service de l’innovation, de la croissance et de l’emploi. La France accuse un retard important en matière d’innovation : elle ne figure qu’à la onzième place dans le tableau de bord de l’Union européenne, loin derrière l’Allemagne, troisième. Avec l’article 55 du projet de loi de finances pour 2013, le Gouvernement propose d’étendre le régime du crédit d’impôt recherche à certaines dépenses d’innovation réalisées par les PME en aval de la recherche et développement. Le groupe socialiste salue ce premier pas et encourage à poursuivre dans cette voie. De plus, le statut des jeunes entreprises innovantes sera renforcé, grâce à des exonérations de charges sociales et à un abattement d’impôt favorisant la recherche et l’innovation.

Troisièmement, vous héritez, madame la ministre du commerce, de l’artisanat et du tourisme, d’une gestion calamiteuse du FISAC par le précédent gouvernement. Sa dotation a baissé de manière drastique ces dernières années – de 35 % entre 2011 et 2012 –, alors que l’élargissement des critères d’éligibilité à partir de 2008 a provoqué une explosion du nombre de demandes. La situation actuelle est très préoccupante : les crédits ouverts ne suffisent plus à assurer le financement des opérations prévues.

De plus, avec sa circulaire d’avril 2012, votre prédécesseur, M. Lefebvre, a ajouté l’injustice au désordre. Ainsi des programmes engagés par des commerçants ou des collectivités territoriales sont-ils devenus subitement non éligibles, ce qui a provoqué des dysfonctionnements majeurs. Le besoin de financement du fonds est estimé à près de 80 millions d’euros. Madame la ministre, il y a urgence : pour répondre aux demandes des collectivités, il convient d’abonder de ce montant le budget du FISAC en 2013. Quelles initiatives comptez-vous prendre pour combler le retard accumulé ces dernières années ? Procéderez-vous à une révision des critères d’éligibilité au fonds ?

M. Arnaud Richard. On l’a dit, les crédits de cette mission déterminante ne sont pas à la hauteur des enjeux. Je souligne la qualité des exposés présentés par les douze rapporteurs. Je salue également la disponibilité des membres du Gouvernement et suis heureux d’entendre qu’ils tiennent compte des engagements pris par leurs prédécesseurs. Je ne trouve d’ailleurs ni grand changement ni innovation dans la politique menée, hormis le choc « d’anti-compétitivité » mis en évidence par M. Fasquelle. Le seul changement, c’est l’augmentation des impôts !

La mission « Économie » a pour objectif de promouvoir un environnement propice à une croissance durable et équilibrée. Les politiques conduites dans ce cadre visent à favoriser l’emploi, la compétitivité des entreprises et le développement des exportations, à garantir la protection et la sécurité des consommateurs et des citoyens, et à promouvoir le territoire français tant auprès des sociétés étrangères susceptibles de s’y implanter que des touristes potentiels. Ce sont là les leviers qui devraient permettre le redressement économique de notre pays.

À travers les crédits de cette mission, c’est donc l’ensemble de la stratégie économique du Gouvernement qu’il convient d’analyser. On ne peut, dès lors, que déplorer la baisse de plus de 2 % qui les affecte.

L’aggravation brutale du chômage, l’effondrement de notre balance commerciale et le creusement de la dette constituent les trois principaux symptômes du déclin de notre économie. Le groupe UDI estime que le Gouvernement est profondément dans l’erreur sur ces trois sujets majeurs, qui ne peuvent être traités séparément de la question de la compétitivité des entreprises. Or le Gouvernement n’a découvert que très récemment cette problématique, pourtant déterminante pour l’emploi et pour la survie de notre industrie et de nos PME. À l’instar d’autres groupes politiques, nous plaidons pour un véritable choc de compétitivité.

À cet égard, nous regrettons que vous soyez revenus sur l’instauration de la TVA compétitivité et ayez alourdi de 13 milliards d’euros les charges pesant sur les entreprises. Vous prenez là une décision idéologique qui intervient à contretemps, à l’heure où s’enchaînent les plans sociaux. Pour inverser la courbe du chômage, il convient, à notre sens, d’opérer un transfert massif des charges des entreprises vers la fiscalité. Nous proposons trois pistes à cette fin : augmenter la TVA de manière à peser sur les importations ; instaurer une taxe carbone aux frontières de l’Europe ; introduire une taxe sur les produits financiers.

L’approche de la remise du rapport Gallois, le 5 novembre, a suscité une véritable cacophonie gouvernementale, les ministres se contredisant les uns les autres, certains allant même jusqu’à remettre en cause les préconisations du rapport. D’un « choc », on est passé à une « trajectoire » pour finir par un « pacte » de compétitivité. Le Président de la République a d’ailleurs récemment déclaré que les recommandations du rapport avaient vocation à être mises en œuvre sur toute la durée du quinquennat.

Je relève les propos très intéressants de Mme la ministre du commerce extérieur. Notre déficit commercial – qui s’établit à 70 milliards d’euros – requiert toute notre attention, mais aussi notre imagination. Certes, ce mauvais chiffre est largement imputable à la facture énergétique de plus en plus élevée que nous avons à acquitter au même titre que nos partenaires européens, ainsi qu’à un euro fort qui nous prive de l’outil monétaire pour soutenir nos exportations. Cependant, ne nous leurrons pas : les causes de nos contre-performances commerciales sont également structurelles ; l’érosion de notre compétitivité est le principal handicap dont nous souffrons.

Il convient de ne pas décourager les entrepreneurs. Or vous avez abrogé la TVA emploi, refiscalisé les heures supplémentaires pour les entreprises de plus de vingt salariés, taxé les plus-values de cession, augmenté les prélèvements sociaux pour les travailleurs indépendants et les cotisations pour les auto-entrepreneurs. Le choc de compétitivité a bien lieu, mais à l’envers !

Les PME constituent le moteur de la croissance et de l’emploi. Elles font le succès de notre partenaire allemand, souvent cité en exemple. Le tissu industriel français, davantage dominé par des grands groupes, souffre au contraire de la faiblesse de ses entreprises petites et moyennes. L’UDI estime qu’un effort particulier doit être entrepris en leur faveur. Qu’en est-il, à ce égard, du plan annoncé pour cet automne ? La création de la Banque publique d’investissement est une bonne nouvelle. Elle devra s’appuyer sur le réseau territorial et le savoir-faire d’OSÉO, mais où en est-on exactement de ce projet ?

Pour ce qui est du FISAC, nous soutiendrons les amendements de M. Joël Giraud et de Mme Anne Grommerch. J’ai été heureux d’entendre le groupe socialiste soutenir une disposition analogue.

S’agissant, enfin, de la TVA sur la restauration, on peine à identifier la ligne du Gouvernement. Quoi qu’il en soit, nous vous mettons en garde contre un relèvement brutal du taux de TVA dans un secteur très fragilisé.

Mme Éva Sas. Le budget de la mission « Économie » appelle trois remarques de ma part.

La première concerne les filières d’avenir. Dans le programme « Développement des entreprises et du tourisme », les axes retenus par le ministère du redressement productif au titre de la compétitivité hors prix des PME sont les suivants : le développement de l’usage des technologies de l’information et de la communication ; la promotion du « design de création » ; la promotion de la normalisation ; la promotion de la métrologie dans les entreprises ; le soutien à la filière textile-habillement-cuir ; les actions en faveur du lean management et de la qualité. En outre, au titre du soutien aux filières industrielles, la priorité va notamment à l’accompagnement et à la structuration des grandes filières porteuses d’emplois et des secteurs d’avenir, en particulier des filières aéronautique et automobile. Je n’ai rien contre ces filières, mais je trouve singulier que les éco-activités, au premier rang desquelles le secteur des énergies renouvelables, ne soient pas évoquées une seule fois parmi les filières d’avenir.

Le secteur des énergies renouvelables représente, faut-il le rappeler, 367 400 emplois directs en Allemagne, dont 207 000 ont été créés en six ans. En France, ce chiffre est trois fois moins élevé : 94 500 selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). Notre pays accuse un retard d’environ dix ans dans le développement des énergies renouvelables. Compte tenu des orientations affichées pour ce programme, il est à craindre que nous ne parvenions pas à le combler. Nous continuons à ignorer ce qui fera l’économie de demain.

Deuxièmement, il est beaucoup question de compétitivité. Or l’énergie est un facteur qui affecte très directement la compétitivité-coûts. Elle représente plus de 10 % de la valeur ajoutée dans certaines branches industrielles comme le papier, la chimie minérale, les fibres artificielles ou la métallurgie. Pensez-vous que les entreprises les plus consommatrices d’énergie vont résister longtemps à l’augmentation tendancielle de son coût ? N’est-il pas grand temps, pour améliorer la compétitivité, d’aider les entreprises qui s’engagent dans une démarche d’économies d’énergie ?

Troisièmement, dans le cadre de mon activité professionnelle, j’ai assisté de nombreux salariés touchés par des plans sociaux. Nombre de ces plans auraient pu être évités ou rendus moins brutaux si les évolutions économiques avaient été correctement anticipées. Permettez-moi donc d’exprimer ma déception devant le montant des crédits consacrés à cette anticipation : il s’établit, sauf erreur de ma part, à 2,4 millions d’euros dans le cadre des contrats de projets État-régions (CPER). L’anticipation des mutations économiques doit être au cœur de nos priorités : il convient non seulement d’y affecter des moyens, mais également d’inciter les entreprises à les prendre en compte, par exemple en modulant la contribution du Fonds national de revitalisation des territoires.

En résumé, le budget de la mission « Économie » présente, d’une part, des insuffisances en matière d’anticipation des mutations économiques et s’avère, d’autre part, à l’image d’ailleurs de l’ensemble du projet de loi de finances, non pas « anti-écologique » mais « a-écologique », dans la mesure où la préparation indispensable de notre économie aux enjeux environnementaux y reste, hélas, ignorée.

Mme Jeanine Dubié. Le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste soutient les engagements pris par le Président de la République tels que les consacre ce budget pour 2013 : placer notre pays sur la voie du désendettement et, dans le même temps, favoriser l'investissement et la croissance.

Dans le cadre de la mission « Économie », le Gouvernement a donné la priorité à la compétitivité des PME, à l'innovation, à l'attractivité du territoire et au soutien aux exportations, notamment dans les secteurs de l'artisanat, du commerce et du tourisme. Ceux-ci constituent en effet une part importante de l’économie française : par exemple, le tourisme représente à lui seul 7 % du PIB, 40 milliards d’euros de chiffre d’affaires et 2 millions d'emplois. En faire une de nos priorités ne peut donc que contribuer à redresser notre économie.

Je salue l'action efficace et déterminée de madame la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme pour atteindre les objectifs qu’elle s’est fixés : constituer, tout d’abord, une véritable filière de l'industrie touristique, tout en promouvant de nouveaux modes de gouvernance ; renforcer, ensuite, l'attractivité de l'offre touristique française en en améliorant la qualité, en réhabilitant les hébergements et en menant une politique volontariste en matière d'emploi ; lutter, enfin, contres les inégalités, en rendant effectif le droit aux vacances pour tous.

La gravité de la situation financière justifie que les efforts concernent toutes les dépenses d'intervention de l'État. Il s’agit de trouver 10 milliards d’euros d’économies. Ainsi, les crédits consacrés, d’une part, au tourisme et, d’autre part, au commerce et à l'artisanat diminuent respectivement de 11 et de 24 %.

Cependant, peu de fonds d'intervention, de programmes ou d'opérateurs de l'État sont touchés par une réduction des crédits aussi sévère que celle qu’a subie par le FISAC. Cette baisse a été constante, alors que les critères d’éligibilité au fonds ont été élargis. Or il est prévu qu’elle se poursuive à hauteur de 10 millions d'euros en 2013.

Dans les territoires ruraux, nous sommes régulièrement sollicités par les collectivités territoriales dont les demandes sont en souffrance, faute de crédits pour les honorer. Ainsi en va-t-il, dans mon département des Hautes-Pyrénées, de l'opération collective urbaine de requalification et de modernisation des espaces commerciaux à Tarbes. De surcroît, des collectivités plus fragiles, notamment de petites intercommunalités, sont également concernées : elles ont dû utiliser leur trésorerie pour avancer des fonds.

L'administration est aujourd’hui contrainte de pratiquer une forme de régulation budgétaire qui ne dit pas son nom, en laissant traîner les dossiers. Cette situation est inacceptable.

Le FISAC joue un rôle majeur dans nos territoires, en particulier ruraux, en soutenant le commerce et l'artisanat de proximité et en contribuant ainsi à leur vitalité et à leur l'attractivité. C’est pourquoi le groupe RRDP déposera un amendement visant à rétablir ses crédits.

La promotion d’une croissance durable et équilibrée et le redressement productif du pays passent également par le développement des technologies de l’information et de la communication et par l'aménagement numérique du territoire. Ces technologies sont porteuses de changements profonds qui concernent la vie quotidienne et professionnelle des Français, la compétitivité des entreprises et la modernisation de l'État. Elle sont devenues indispensables. Le Président de la République a pris l’engagement que la totalité du territoire serait couverte par les réseaux à très haut débit d'ici à 2022 pour que chacun y ait accès, où qu’il se trouve.

À cette fin, il convient que l'ARCEP rende des décisions de qualité dans des délais qui tiennent compte des contraintes économiques. Surtout, la feuille de route numérique annoncée par Mme la ministre déléguée chargée des PME, de l'innovation et de l'économie numérique, devra sécuriser les zones d'intervention des opérateurs et des collectivités territoriales, et instaurer un pilotage gouvernemental en matière de définition du bouquet technologique, de déploiement des réseaux et de financement. Nous ne pouvons que l'encourager dans cette voie, car il y a urgence !

En effet, le déploiement des réseaux de fibre optique à très haut débit se fait trop lentement et dans une certaine confusion, en particulier dans les territoires à faible densité de population. Les rôles respectifs des collectivités territoriales et des opérateurs privés ne sont pas définis de manière équilibrée. Il nous paraît indispensable de préciser le cadre d’intervention des unes et des autres, afin de sécuriser leurs projets d'investissement respectifs. Pouvez-vous, madame la ministre, préciser l'état d'avancement de la conversion du guichet A, destiné aux opérateurs privés, en un guichet de prêt aux collectivités territoriales déployant des réseaux de fibre optique ?

M. Jean-Luc Reitzer. Ma question concerne les conséquences des mesures prises récemment par le Gouvernement sur le tissu économique des régions frontalières.

La refiscalisation des heures supplémentaires est défavorable non seulement aux salariés, mais également aux petites entreprises, artisans et commerçants des régions frontalières : elle se traduira par des baisses de salaires allant de 3 à 7 % en fonction des situations. De plus, d’autres charges ont été fortement augmentées du fait, d’une part, du retour partiel à la retraite à 60 ans et, d’autre part, des dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale. C’est un véritable raz-de-marée de mesures défavorables aux travailleurs indépendants, aux artisans et aux auto-entrepreneurs !

La circonscription dont je suis l’élu jouxte la Suisse, où le salaire moyen avoisine les 3 000 euros par mois. Dans nos régions frontalières, les petites entreprises, les artisans, les commerçants, mais aussi les administrations – en particulier les hôpitaux – craignent de voir leurs salariés les quitter pour la Suisse voisine. Auparavant, les heures supplémentaires défiscalisées leur permettaient de fidéliser leurs collaborateurs.

Dès lors, serait-il envisageable d’instaurer un régime dérogatoire consistant à défiscaliser les heures supplémentaires dans les zones frontalières ? Si ce n’est possible, quelles mesures pourrait-on prendre pour éviter la fuite de ces compétences ?

Si les pouvoirs publics ne font rien, la situation va devenir dramatique dans les départements concernés, c’est-à-dire non seulement le Haut-Rhin, mais également le Doubs – M. Moscovici devrait y être sensible –, l’Ain, la Savoie et la Haute-Savoie, qui couvrent 20 % de notre territoire et rassemblent près de 10 millions d’habitants.

M. Jean-Michel Couve. L’affirmation selon laquelle la baisse de la TVA dans la restauration coûterait trois milliards d’euros par an est erronée, ou trompeuse ! Il faudrait en premier lieu soustraire à ce montant 650 millions d’euros de primes à l’emploi supprimées. En second lieu, il faudrait prendre en compte toutes les avancées sociales dont ont bénéficié les 500 000 salariés de ce secteur et tous les investissements – extensions, rénovations, mises aux normes – générateurs de TVA et de marchés au bénéfice de prestataires et de fournisseurs eux-mêmes à l’origine de recettes nouvelles pour l’État. Enfin, il ne faudrait pas oublier les recettes tirées à partir de juin 2009 d’un regain de dynamisme de la restauration : avant cette baisse de TVA, on recensait 17 000 dépôts de bilan et quelque 20 000 suppressions d’emplois dans le secteur !

En tout état de cause, un retour au taux de 19,6 % constituerait un véritable choc pour la compétitivité de la restauration, un retour en arrière du point de vue social et un frein à la consommation, pour les classes moyennes en particulier. Enfin, cette mesure toucherait fortement l’hôtellerie indépendante qui, la plupart du temps, a aussi une activité de restauration.

Quant à ne remonter le taux qu’à 10 ou 12 %, ce serait s’obliger à étendre ce taux intermédiaire à bien d’autres secteurs : hôtellerie, travaux d’entretien, services à domicile, etc., ce qui serait fort malvenu dans la conjoncture actuelle.

Madame la ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme, pouvez-vous m’assurer que ces données, que vous connaissez d’ailleurs, seront bien prises en compte dans le bilan que vous avez demandé ?

Vous dites d’autre part vouloir réformer la gouvernance du tourisme. Suivant ce secteur depuis bien des années, j’ai constaté une inadéquation entre les charges importantes de la sous-direction du tourisme de la DGCIS et d’Atout France et les moyens financiers et humains qui leur sont alloués. Ne peut-on envisager un redéploiement de moyens, surtout humains, en provenance d’autres ministères aux effectifs pléthoriques ? Le tourisme est en effet une des principales ressources de notre économie.

M. Pascal Cherki. Madame la ministre du commerce extérieur, M. Michel Barnier, commissaire européen, a déclaré hier, dans une interview donnée à Radio Classique, que l’Europe s’était montrée naïve en matière de commerce : elle a « joué le jeu de l’économie ultralibérale », a-t-il dit, en croyant « que nous pouvions ouvrir toutes nos portes et toutes nos fenêtres sans que les autres fassent la même chose ». Vous annoncez que vous allez rencontrer tous vos homologues européens pour essayer de les convertir à une approche moins naïve. Vous demandez également notre soutien : vous aurez en tout cas celui de ceux qui luttent depuis des années contre une Europe de la « concurrence libre et non faussée » et de la dérégulation. Mais au-delà de vous, la France, en la personne du Président de la République ou du Premier ministre, va-t-elle prendre officiellement position en faveur d’un retour au juste échange ?

L’Espagne en est à son cinquième trimestre consécutif de contraction du PIB – la baisse atteint aujourd’hui 1,6 % en rythme annuel – du fait d’une réduction de la consommation qui s’explique à la fois par un taux de chômage de 25 % et par l’augmentation de la TVA et de l’impôt sur le revenu appliquée conformément aux recommandations de la troïka. En septembre, les ventes de détail ont chuté de 10,9 % ! Cette situation n’est pas que l’affaire des Espagnols : elle retentit aussi sur nos échanges bilatéraux. Nos exportations vers l’Espagne ont chuté de 4,3 % au cours des huit premiers mois de cette année tandis que nos importations en provenance de ce pays augmentaient, de sorte que le solde de ces échanges, auparavant à l’avantage de la France, est désormais au bénéfice de notre voisin, avec un excédent de 8 millions d’euros.

L’Union est aujourd’hui déchirée par une guerre commerciale interne. Estimez-vous que nous pouvons sortir d’une spirale infernale qui tire progressivement tous nos États vers le bas et défendre notre compétitivité tout en soutenant la demande intérieure et en préservant notre modèle social et les acquis des salariés ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Je me garderai d’entrer dans le débat sur le « choc de compétitivité » : nous aurons d’autres occasions d’échanger sur le sujet ! Un rapport est une contribution utile, mais reste un rapport et, pour nous en tout cas, il faut que ce soit le Gouvernement qui gouverne. Cela étant, nul ne songe à disqualifier les travaux de la commission Gallois. Mais permettez-moi aussi de trouver curieux que ceux qui nous accusent de matraquage fiscal défendent l’idée d’un transfert intégral des cotisations sociales vers la CSG ou vers la TVA : la charge en serait considérablement accrue pour les contribuables – de 30 milliards d’euros !

Les amendements visant à accroître les ressources du FISAC, dont nous venons de prendre connaissance, consistent, pour deux d’entre eux, à prélever 5 millions d’euros sur le programme 305 et la même somme sur le programme 220. Si cela semble peu sur les 357 millions de crédits figurant au premier, il faut savoir que, sur ce montant, 327,9 millions correspondent à des dépenses obligatoires – les remboursements à la Banque de France et aux instituts d’émission d’outre-mer. Il faudrait donc prendre les 5 millions sur les 29 millions de crédits de fonctionnement de la direction générale du Trésor, ce qui reviendrait à les amputer de 17 % ! Quant au programme 220, n’y figurent que les 49 millions d’euros destinés au fonctionnement de l’INSEE : diminuer ces crédits de 10 % après tout ce que cet institut a subi me semble tout aussi peu réaliste. En tout cas, le ministère de l’économie et des finances ne pourra pas donner son approbation à une telle proposition.

Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur. Je sais gré à M. Prat d’avoir souligné le renforcement des missions d’Ubifrance : le prochain contrat d’objectifs et de performance en prendra acte au début de l’année prochaine.

Messieurs Fasquelle et Richard, je n’ai pas biaisé quand M. Glavany m’a interrogée sur les raisons de notre perte de compétitivité. Quant au rapport Gallois, il constituera un élément important de la réflexion gouvernementale, mais cela n’exclut pas une réflexion autonome. Le Premier ministre a, conformément à sa méthode habituelle, engagé un important travail de concertation au sein du Gouvernement. Nous en sommes à notre troisième réunion et le pôle économie que nous représentons a été sollicité aussi bien sur le diagnostic que sur les voies d’une amélioration de cette compétitivité.

Madame Sas, mon ministère dispose d’une étude que j’avais commandée à la direction générale du Trésor et qui me permet, en liaison avec mon collègue Arnaud Montebourg, de définir des priorités portant à la fois sur les filières et sur les pays cibles. Parmi ces filières, ou plutôt ces regroupements de filières, figure un ensemble où l’on trouve la « ville durable », la mobilité, les transports de proximité – l’offre française est de grande qualité en ce domaine et, de plus, émane du secteur public –, le secteur des énergies renouvelables, le traitement des déchets et de l’eau.

Rien ne servirait de courir après les marchés si nous n’avions pas une offre commerciale à proposer ! Cependant, si nous voulons obtenir des résultats d’ici cinq ans, il nous faut définir également des priorités en ce qui concerne les pays cibles. Quarante-sept ont été identifiés, couvrant 80 % de la demande mondiale. Ce qui est d’ailleurs intéressant à noter, c’est qu’ils se répartissent à parts à peu près égales entre pays de l’OCDE et pays émergents. À l’intérieur des premiers, ceux d’Europe constituent une cible prioritaire. Monsieur Cherki, nos échanges se faisant à 60 % au sein de celle-ci, la demande intérieure à l’Union européenne est tout aussi importante pour nous que la demande en provenance des pays tiers : il est dès lors évident qu’il faut éviter que le malade européen ne meure guéri ! Mais la demande extérieure à l’Union sera le fait, à 95 %, à la fois des grands pays émergents et des pays émergents de niveau intermédiaire, dits CIVETS (Colombie, Indonésie, Vietnam, Égypte, Turquie et Afrique du Sud). On ne peut donc les négliger, mais cela suppose d’avoir une offre commerciale bien structurée, faute de quoi nous nous condamnerions à l’échec.

Vous avez parlé de juste échange : je parlerai, de façon plus technocratique peut-être, de réciprocité. Je partage sur ce point les propos tenus hier par le commissaire au marché intérieur, Michel Barnier, qui a beaucoup insisté auprès du président de la Commission, M. Barroso, pour que, comme la France le demande, l’Europe défende ce principe dans toutes les négociations commerciales auxquelles elle est partie. J’ai pour ma part présenté au conseil des ministres du 12 septembre dernier les quatre principes en fonction desquels la France se déterminera sur les accords de libre échange qui lui seront proposés : elle considérera d’abord leur contribution à l’emploi, sur la base d’études d’impact appropriées ; elle demandera ensuite la réciprocité ; elle sera attentive au respect de critères sociaux et environnementaux exigeants ; enfin, elle veillera à l’existence d’une clause de surveillance : si par exemple des barrières tarifaires étaient progressivement rétablies, il faudrait que nous puissions demander une suspension de l’accord. C’est sur ces fondements que la France se prononcera par exemple lors du prochain conseil des ministres du commerce extérieur, le 29 novembre, sur le projet d’accord avec le Canada et sur l’engagement de négociations avec le Japon.

Mme Sylvia Pinel, ministre de l’artisanat, du commerce et du tourisme. Au nom du Gouvernement, je remercie les orateurs des groupes SRC et RRDP pour leur soutien, et j’espère que nous continuerons à travailler ensemble sur les sujets relevant de mon ministère.

Étant donné l’importance du FISAC pour les territoires, les attentes des élus de terrain concernant cet outil sont légitimes ; parlementaires et maires de communes rurales m’interpellent d’ailleurs régulièrement sur cette question. Néanmoins, l’amendement que vous proposez ne permet pas de régler le problème des dossiers en attente. Lorsque nous aurons le rapport détaillé du Conseil général économique et financier, nous travaillerons en lien avec le ministre délégué chargé du budget afin de trouver une solution pour 2013. Nous procéderons également à une réforme : les crédits du FISAC étaient depuis plusieurs années trop souvent réservés aux projets d’aménagement urbain ; les recentrer sur les opérations utiles au développement nous permettrait d’être plus efficaces sur les territoires fragiles. Dans l’attente de cette évaluation, nous continuerons à prendre nos responsabilités en utilisant l’enveloppe actuelle.

Monsieur Fasquelle, le coût de la TVA sur la restauration n’est pas un sujet tabou ; il faut au contraire l’évaluer et vérifier si les engagements pris par les professionnels ont été tenus. Monsieur Couve, les questions que vous avez évoquées ont déjà fait l’objet de plusieurs débats lors des réunions des groupes de travail avec les professionnels. Le bilan de cette réflexion approfondie, menée avec sérieux, nous permettra ensuite de prendre les décisions qui s’imposent, dans un esprit de justice et d’efficacité économique.

Les dispositions du projet de loi de finances relatives aux auto-entrepreneurs et au régime des travailleurs indépendants sont également guidées par un souci de justice. Les cotisations des auto-entrepreneurs ne sont pas alignées, mais rapprochées de celles des travailleurs indépendants. Il s’agit de supprimer l’abattement pour frais professionnels des gérants majoritaires qui bénéficient déjà de la déduction des frais professionnels, de déplafonner les cotisations au-delà de 14 500 euros de revenu et de plafonner les dividendes versés en exonération de cotisations sociales. Ces mesures de justice permettent à l’ensemble du périmètre de mon ministère de contribuer à l’effort de redressement de nos comptes publics tout en préservant la capacité de nos entreprises à aller de l’avant et à se développer.

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l’innovation et de l’économie numérique. Monsieur Richard, le budget présenté par le Gouvernement ménage fortement les PME, l’effort fiscal demandé se concentrant surtout sur les grandes entreprises. Les dispositifs visant à drainer environ un milliard d’euros d’épargne vers les PME ont été préservés – je citerai les réductions d’impôt de solidarité sur la fortune et d’impôt sur le revenu consenties en cas de souscription au capital de PME, le fonds commun de placement dans l’innovation et le fonds commun de placement à risque. Le statut de « jeune entreprise innovante » sera non seulement maintenu, mais renforcé. Le crédit d’impôt recherche est étendu aux dépenses d’innovation, et l’accès des PME à ce dispositif est facilité. Il est donc outrancier d’affirmer que le budget présenté par le Gouvernement serait anti-PME.

Madame Sas, un fait illustre la préoccupation écologique du Gouvernement : le ministre du redressement productif et la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie ont annoncé, aujourd’hui même, la sélection de vingt-quatre projets de recherche et développement portant sur les écotechnologies. Destinés à la prévention, à la mesure et à la résorption des pollutions locales de l’air, de l’eau et des sols, ces projets bénéficieront d’aides importantes de la part des pouvoirs publics. Cet exemple montre qu’il ne faut pas uniquement considérer le programme 134 du budget ; des aides financées par OSÉO et par l’ADEME, avec un soutien public, permettent également de promouvoir les green-techs. De manière plus générale, le Président de la République a, lors de la conférence environnementale, inscrit les transitions numérique et écologique parmi les priorités du quinquennat ; ce sera également l’une des priorités de la BPI. Soyez donc rassurée sur l’engagement du Gouvernement à mettre les écotechnologies et les green-techs au cœur de son action. La préoccupation n’est d’ailleurs pas uniquement écologique, mais également économique, les nouvelles technologies contribuant fortement aux économies d’énergie qui constituent la première ressource énergétique. Dans le domaine du numérique, les smart grids devraient ainsi nous permettre d’abaisser considérablement les consommations en responsabilisant les consommateurs.

S’agissant du très haut débit, la Caisse des dépôts et des consignations devait distribuer 1,9 milliard d’euros, à travers deux guichets : 900 millions de subventions et un milliard de prêts aux opérateurs. Comme le guichet de ces prêts, dit guichet A, a été peu sollicité par les opérateurs, à cause des taux insuffisamment intéressants, nous avons proposé, en concertation avec Jean-Pierre Jouyet, de reconvertir ces prêts en prêts aux collectivités locales ou aux opérateurs qui déploient des réseaux d’initiative publique. L’instruction est en cours ; l’opération ne posant pas de problèmes juridiques particuliers, elle devrait être rapidement menée à bien. De manière plus générale, les questions techniques relatives au déploiement du très haut débit seront soumises aux acteurs du secteur avant le mois de décembre. Nous mettons actuellement en place la task force chargée de piloter ce déploiement et de régler les problèmes d’ingénierie technique et financière afin de sécuriser les investissements des collectivités locales et des opérateurs. Ainsi sera honoré l’engagement du Président de la République d’assurer la couverture du territoire en très haut débit à l’horizon des dix ans.

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Je m’aperçois que j’avais oublié de répondre à votre question, monsieur Reitzer. Il me paraît compliqué de défiscaliser les heures supplémentaires dans le cadre d’un régime dérogatoire réservé aux zones frontalières. Si l’on adoptait le critère de résidence, comme tous ne travaillent pas là où ils vivent, il y aurait des entreprises dont certains salariés bénéficieraient de cette défiscalisation et d’autres non, ce qui est difficilement praticable.

M. le président Gilles Carrez. Ce serait même anticonstitutionnel ! Il y aurait rupture d’égalité devant l’impôt.

M. Jean-Luc Reitzer. C’est pourquoi j’ai pris soin de demander quelles autres solutions pouvaient être envisagées. Pour la cueillette des cerises ou des asperges, les Allemands peuvent faire venir des Polonais ou des Tchèques en leur appliquant le droit social de leurs pays d’origine. Les régions frontalières comme l’Alsace ou la Lorraine sont ainsi prises entre le marteau et l’enclume : d’une part, l’attractivité des salaires pratiqués dans la Confédération provoque une fuite des compétences ; d’autre part, des secteurs comme l’agriculture souffrent de l’absence d’égalité et de réciprocité dans le domaine du droit social. Que dois-je répondre aux artisans et aux commerçants qui voient partir leur main-d’œuvre, parce que les mesures que votre Gouvernement a prises ces derniers mois contribuent au déséquilibre des revenus entre les régions frontalières et les pays voisins ? Si la défiscalisation est exclue, il faut prendre d’autres dispositions pour les soutenir. D’autres collègues, y compris de votre majorité, vous feront la même réflexion, les régions concernées étant très nombreuses.

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Vous savez comme moi que l’origine de cette situation réside dans l’absence d’harmonisation fiscale et sociale au sein de l’Union européenne. Tant que les régions et les pays européens se livreront une concurrence déloyale, les problèmes perdureront et ne pourront être réglés qu’unilatéralement et de manière provisoire. Je vous suggère donc de soutenir les efforts du Président de la République en faveur d’une harmonisation fiscale et sociale.

M. le président Gilles Carrez. Mesdames et monsieur le ministre, je vous remercie pour vos réponses précises.

La réunion de la commission élargie s’achève à dix-neuf heures quarante-cinq.

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