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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 24 janvier 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Catherine Vautrin

1. Débat sur le projet de Fonds européen d’aide aux plus démunis

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion

Mme Chantal Guittet

M. Bruno Le Maire

M. Arnaud Richard

M. André Chassaigne

Mme Annick Girardin

Mme Brigitte Allain

Mme Marietta Karamanli

Mme Brigitte Bourguignon

Mme Gisèle Biémouret

M. Christophe Léonard

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

2. Débat sur la politique de l’hébergement

Mme Danièle Hoffman-Rispal

M. Arnaud Richard, rapporteur du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques

Mme Sonia Lagarde

Mme Barbara Pompili

Mme Annick Girardin

Mme Jacqueline Fraysse

Mme Valérie Lacroute

Mme Annick Lepetit

M. Mathieu Hanotin

Mme Catherine Beaubatie

Mme Jacqueline Maquet

M. Philippe Kemel

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Débat sur le projet de Fonds européen d’aide aux plus démunis

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat sur le projet de Fonds européen d’aide aux plus démunis.

La parole est à Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes.

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour que s’exprime l’avis des parlementaires sur l’aide alimentaire aux plus démunis, cruciale pour dix-huit millions d’Européens, dont quatre millions de personnes dans notre pays.

Notre commission des affaires européennes s’est saisie de ce sujet dès l’automne dernier, et il nous a semblé essentiel de porter cette question dans l’hémicycle. Cette aide fait en effet l’objet d’une refonte, et le montant de son enveloppe est menacé. Je reviendrai sur l’historique de cette négociation qui, aujourd’hui, n’est pas satisfaisante, tant s’en faut. Mais je ne vous cache pas mon indignation lorsque j’apprends que le Conseil européen propose de réduire encore cette enveloppe, pour consacrer 60 centimes d’euro par an et par Européen à l’aide alimentaire.

En ces temps d’hiver, en ces temps de crise et de chômage, il faut nous rappeler que des familles entières se retrouvent à la rue, à Paris comme ailleurs, faute de pouvoir assurer les besoins essentiels que sont l’alimentation et le logement. Ainsi, dans ma ville, cinquante-quatre personnes, dont une majorité d’enfants, se sont retrouvées à la rue pendant plusieurs soirs. Ce n’est pas acceptable.

L’exigence de solidarité dans l’Union doit s’imposer. Je salue ici, madame la ministre, les propositions de la France, faites en début de semaine, pour affronter les réalités douloureuses de notre pays et refuser la stigmatisation des populations pauvres. Je salue également les efforts de Mme la ministre du logement pour permettre à toutes et à tous d’accéder à un logement décent.

Comme l’a fait justement remarquer le Gouvernement, les efforts de redistribution consentis par les Français n’ont pas encore permis de rectifier la croissance des écarts de revenus entre les plus riches et les plus pauvres. Le chômage de longue durée est, à ce jour, structurel. Le travail protège moins efficacement de la pauvreté que par le passé. Près d’un quart des jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans vit au-dessous du seuil de pauvreté. C’est aussi le cas de plus du tiers des femmes vivant seules avec des enfants. Quant au nombre de travailleurs pauvres, il ne cesse d’augmenter.

L’Union européenne aussi a inscrit la lutte contre la pauvreté dans ses objectifs prioritaires. Dans sa Stratégie 2020, l’Union propose ainsi de réduire le taux de pauvreté de 25 %, ce qui reviendrait à faire sortir vingt millions de personnes de la pauvreté. Noble prise de position, mais ne nous leurrons pas : quelle est la réalité ?

Dans le contexte de crise économique, financière, écologique, sociale qui est le nôtre, inverser les courbes de la pauvreté et ramener les plus exclus au cœur de notre société demande non seulement du temps mais aussi des moyens. En attendant, comment pourrions-nous accepter de voir diminuer l’aide alimentaire aux plus démunis ?

Pour nous éclairer sur l’évolution de cette aide, permettez-moi de revenir en quelques mots sur son historique. Depuis sa création en 1987, à la demande de Jacques Delors et de Coluche, fondateur des Restos du Cœur, le programme reposait sur les surplus de la politique agricole commune, qui étaient redistribués en nature. Avec les réformes successives, ces surplus ont diminué. En compensation, à partir de 1995, la Commission a commencé à utiliser une partie du budget de la PAC pour acheter directement des denrées sur les marchés agricoles et les redistribuer aux plus pauvres par l’intermédiaire des banques alimentaires. Ce programme correspond actuellement à une enveloppe de 480 millions d’euros annuels en Europe, dont 72 millions en France. Il permet ainsi de distribuer 130 millions de repas. En France, quatre associations se chargent de distribuer cette aide : les banques alimentaires, la Croix-Rouge française, les Restos du Cœur et le Secours populaire ; qu’elles en soient ici remerciées.

Or l’évolution par un financement direct a été mise en cause par plusieurs États membres : l’Allemagne, le Royaume Uni, les Pays-Bas, la Suède, le Danemark, la République tchèque, ont considéré que le PEAD, devenu une aide financière purement sociale, aurait « perdu tout lien avec la politique agricole ». La France, l’Espagne, l’Italie auraient souhaité quant à elles que soit conservé un programme alimentaire spécifique dans le cadre de la PAC, rappelant avec justesse la dimension solidaire et symbolique de cette politique. Cependant, la Cour de justice de l’Union européenne a donné raison aux détracteurs de l’aide alimentaire au sein de la PAC.

Les associations voient donc avec inquiétude arriver la fin 2013 qui marquera l’abandon du système actuel, pour elles vital : pour chaque association française, le PEAD représente de 23 à 55 % du budget alimentaire annuel. En Pologne, ce même PEAD représente près de 80 % de l’aide alimentaire.

Une importante mobilisation s’est organisée en faveur de cette aide. Dès septembre 2011, treize pays ont fait une déclaration commune en vue de maintenir le programme. La Commission européenne a donc dû examiner les pistes lui permettant d’adapter le droit européen. Elle a fait connaître sa proposition à l’automne dernier, tentant d’établir un compromis entre États membres. Le Fonds européen d’aide aux plus démunis succédera donc au PEAD et sera désormais placé au sein du Fonds social européen, dans le cadre de la politique de cohésion, au sein d’un sous-ensemble ciblé sur les populations les plus précaires.

Dans sa proposition relative au prochain cadre financier pluriannuel, la Commission a réservé un budget de 2,5 milliards d’euros sur sept ans pour le FEAD, qualifié de « nouvel instrument destiné à lutter contre les formes extrêmes de pauvreté et d’exclusion ».

Cette proposition, chers collègues, n’est vraiment pas satisfaisante. Tout d’abord, sur le plan strictement financier, le PEAD bénéficiait précédemment de 500 millions d’euros par an. La nouvelle enveloppe, d’environ 360 millions d’euros, représente une baisse de 28 % en euros constants sur sept ans. Et, je le rappelle, M. Van Rompuy vient de proposer de l’abaisser encore de 40 % ! C’est une bien curieuse façon de montrer notre solidarité vis-à-vis des plus fragiles.

La proposition est moins-disante également sur le plan de la nature des prestations et du fonctionnement de l’aide. Le fonds n’est plus ciblé seulement sur l’alimentation mais peut inclure vêtements, biens de première nécessité, aides au logement, ce qui équivaudra de fait à une diminution supplémentaire de l’aide consacrée à l’achat de nourriture. Il s’agit en outre d’une affectation au sein de l’enveloppe globale de 76 milliards d’euros prévue pour le FSE pour la période 2014-2020, et non de nouvelles ressources affectées.

Enfin, et peut-être surtout, le FEAD, contrairement au PEAD, concernera tous les États membres, au même titre que le FSE dont il est l’émanation, alors que le PEAD ne bénéficiait pas aux vingt-sept pays de l’Union mais aux seuls pays participant au programme, soit dix-neuf États, avec quatre grands bénéficiaires : l’Italie, la France, l’Espagne et la Pologne. Le plat sera plus maigre et il sera à partager dans de plus nombreuses assiettes !

Sur le plan du fonctionnement, là aussi, des questions se posent. En effet, l’aide ne sera plus versée directement aux associations mais transitera par les États membres, qui devront apporter un cofinancement, conformément aux règles de fonctionnement du FSE ; la Commission propose qu’il soit porté à 15 %, ce qui correspond à la part de financement national dans le cadre du FSE pour les régions les plus pauvres. Il est donc à craindre qu’en cette période d’austérité budgétaire, beaucoup d’États soient réticents à apporter leur contribution. En outre, les associations bénéficiaires seront sélectionnées selon des critères non encore précisés, et auront l’obligation de mettre en place des politiques d’activation et d’aide à l’insertion. Voilà une nouvelle forme de désengagement des institutions !

D’autres questions demeurent en suspens. Quid du devenir d’éventuels nouveaux stocks dans le cadre de la PAC, peut-être peu probables mais pas impossibles ? N’y a-t-il pas un réel risque de fusion entre le FSE et le FEAD, dont les missions sont plus larges qu’à l’origine ?

Toutes ces raisons ont amené notre commission des affaires européennes à émettre à ce stade un avis négatif sur le projet de règlement. Notre rapporteure s’exprimera tout à l’heure pour rappeler l’inquiétude de l’ensemble de notre commission quant à l’avenir de cette aide. Nous continuerons à suivre cette question de près, avec notamment l’organisation d’une table ronde avec les associations concernées, le 26 mars prochain.

Dans le contexte actuel de crise, où la pauvreté ne cesse de croître en Europe, l’Union ne peut en effet se dédouaner de son devoir d’aide aux plus démunis de ses citoyens, pour beaucoup des femmes isolées avec enfants. Il faut donc renverser la tendance et mettre la solidarité au centre de tout le projet européen. Sinon, nos concitoyens, malmenés par la crise, ne pourront y trouver qu’une raison de plus de douter de l’Europe. Des efforts d’envergure doivent être menés, qu’il s’agisse de la convergence sociale et fiscale, ou encore de l’établissement d’un salaire minimum à l’échelle européenne pour répondre à l’angoisse des plus pauvres.

Sous la présidence irlandaise qui vient de débuter, espérons que les propositions de la Commission en faveur de l’emploi des jeunes, dites « garantie pour la jeunesse », pourront faire rapidement sentir leurs effets pour les moins de vingt-cinq ans, en complément du volontarisme français manifesté dans le contrat de génération.

La nouvelle PAC réaffirmera aussi, je l’espère, sa dimension de solidarité et la vocation première de l’agriculture à répondre aux besoins des populations européennes plutôt qu’à encourager l’exportation massive de céréales au détriment de la diversité des productions vivrières.

En attendant que ces grands chantiers aboutissent, réaffirmons avec force, mes chers collègues, notre souhait de voir maintenues les sommes allouées à l’aide alimentaire, tout en permettant aux associations de continuer à travailler, non dans l’incertitude, mais dans l’efficacité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères.

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires européennes, nous voyons que, sur les sujets vraiment importants, les femmes sont là ! (Sourires.)

M. Bruno Le Maire. Les hommes aussi !

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Heureusement, quelques collègues masculins sont également venus soutenir ce programme.

Pourquoi est-il important d’avoir un débat sur un programme qui, il faut le dire, n’a pas été jusqu’ici au cœur des discussions internes à l’Union européenne, et qui mobilise d’ailleurs une part minime du budget de celle-ci ? Bien sûr, les associations se sont émues. Je me tourne vers M. Bruno Le Maire, qui a mené à ce sujet un combat dont je le félicite. J’espère que notre assemblée parviendra à une action unanime dans la direction que vient d’exprimer Mme Auroi.

Pourquoi, donc, est-il important d’avoir ce débat ? Tout d’abord, l’aide alimentaire aux plus démunis bénéficie de façon extrêmement concrète, sur le terrain, à des gens qui en ont besoin. C’est l’une des politiques de l’Union européenne dont l’effet est le plus directement mesurable par nombre de nos concitoyens ; elle soulage beaucoup de souffrance et de misère.

En France, l’actuel programme européen d’aide aux plus démunis fournit, selon les cas, entre le quart et plus de la moitié des ressources alimentaires des quatre grands réseaux associatifs que sont les banques alimentaires, la Croix-Rouge, les Restos du Cœur et le Secours populaire, qui distribuent chaque année 130 millions de repas à environ quatre millions de personnes.

Ces quatre réseaux sont bien sûr présents dans mon département d’élection, en Seine-Saint-Denis, et notamment dans ma circonscription, à Aubervilliers et à Pantin. Aubervilliers est l’une des villes les plus pauvres de France, puisque 39 % de ses habitants vivent sous le seuil de pauvreté. Dans les deux communes, les Restos du cœur ont distribué pas moins de 300 000 repas en 2011, ce nombre augmentant de 10 % par an depuis le début de la crise.

Plus généralement, tous les acteurs dans ce domaine, dont je veux saluer l’implication et le dévouement, relèvent depuis plusieurs années l’augmentation continue de la demande d’aide alimentaire et le rôle crucial joué par le programme européen pour y répondre.

Cette dimension concrète fait de l’aide aux plus démunis une politique essentielle pour l’avenir de la construction européenne. Je suis très préoccupée, comme vous le savez, par le fossé qui est en train de se creuser entre l’Europe et nos concitoyens. Or nous tenons là l’une des politiques les plus éloquentes de ce que peut faire l’Europe.

Parce que, aujourd’hui, nous ne pouvons plus mobiliser les Européens seulement sur l’idée que l’Europe est un espace de paix, et encore moins sur l’idée qu’elle serait un espace de liberté économique – son dévoiement par des politiques ultra-libérales est perçu comme une menace – la construction européenne, pour susciter l’adhésion, doit s’incarner dans des projets concrets qui touchent directement la vie des citoyens européens.

Ces projets sont aujourd’hui trop peu nombreux. S’il existe la monnaie unique, la liberté de passage des frontières dans l’espace Schengen ou le programme Erasmus, il y a aussi l’aide aux plus démunis.

La seconde raison pour laquelle nous tenons à ce programme d’aide, c’est qu’il représente l’une des incarnations, trop peu nombreuses à ce jour, de l’Europe sociale. Le Président de la République a appelé à une intégration européenne qui soit plus solidaire : nous avons en effet besoin de renforcer la dimension de solidarité au sein de la construction européenne. Cette dimension est certes présente depuis longtemps, mais elle a été ces dernières années malheureusement trop oubliée, alors même que la crise aurait demandé qu’on l’accentue.

Ce que nous avons entrepris pour renforcer cette dimension solidaire est très important. Nous avons pris des mesures qui ont été rappelées ici par le Gouvernement et par les députés qui s’intéressent à ces questions : ce n’est pas rien d’avoir augmenté le capital de la Banque européenne d’investissement, d’avoir instauré une taxe sur les transactions financières, d’avoir décidé d’expérimenter des project bonds, qui constituent la prémisse d’un endettement commun, ou d’avoir annoncé un engagement total de la Banque centrale européenne pour soutenir les titres de la dette des États de la zone euro en difficulté.

Dans cette optique de solidarité, les perspectives à moyen terme sont encore plus grandes, si l’on pense aux récentes propositions de la Commission européenne et à la feuille de route confiée par le Conseil européen du 14 décembre dernier à M. Van Rompuy. Les institutions européennes parviennent désormais à envisager l’éventualité d’un budget de la zone euro, qui pourrait recourir à l’emprunt, d’un fonds d’amortissement commun d’une dette publique excessive et d’une relance de la dimension sociale de l’Union européenne.

Lorsque nous étions à Berlin, lundi et mardi, pour la célébration du 50e anniversaire du Traité de l’Élysée, nous avons pu constater, avec une grande satisfaction, qu’en Allemagne enfin les principaux groupes politiques ont exprimé leur accord sur l’instauration d’un salaire minimum européen. Des points demeurent en discussion : les sociaux-démocrates souhaiteraient que cette instauration se fasse par l’élaboration d’une loi – ce serait une grande innovation –, les chrétiens-démocrates par les conventions collectives. Quoi qu’il en soit, le principe semble acquis, et j’espère vivement qu’il sera confirmé, car nous ne pouvons admettre que dans une union économique et monétaire intégrée, nous nous fassions entre États-membres une concurrence par le dumping fiscal et par le dumping social, qui plus est sur les bas salaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

J’espère que nous parviendrons à concrétiser bientôt cette évolution, dont il faut se féliciter et que soutiennent le Président de la République et le Gouvernement.

Toutefois, cette évolution parle encore très peu à nos concitoyens, alors que ce sont les peuples qui paient le plus cher le prix de la crise. Près d’un quart des Européens, soit 115 millions, étaient considérés en 2010 comme menacés par la pauvreté ou l’exclusion. Le nombre de chômeurs est passé dans l’Union européenne de 16 à 26 millions entre le début de l’année 2008 et la fin de l’année 2012 : le taux de chômage dépasse désormais 25 % en Grèce et en Espagne, et 50 % des jeunes, dans ces pays, sont au chômage.

Nous voyons des États-membres contraints de couper directement dans le budget des retraites ou des traitements des fonctionnaires, voire de réduire de 22 % le montant du salaire minimum, comme cela a été fait en Grèce. Aussi la solidarité européenne doit-elle s’adresser directement aux peuples. Il est essentiel de préserver a minima ce qui existe déjà à ce sujet, en particulier le programme d’aide aux plus démunis.

Le projet de règlement dont Mme la présidente de la commission européenne a donné dans le détail l’économie, établit un nouveau fondement à ce qui nous est présenté par la Commission européenne. Ce texte a un mérite : proposer une base juridique plus solide, en assumant pour la première fois la dimension sociale du programme.

Jusqu’ici, l’aide alimentaire, aujourd’hui menacée, avait été intégrée au sein de la Politique agricole commune et n’était pas considérée véritablement comme une politique sociale – elle avait en effet été créée dans les années 1980 à l’initiative de Jacques Delors et d’Henri Nallet, alors ministre de l’agriculture, afin de recycler les excédents agricoles.

De surcroît, la non-systématicité de la participation à l’aide alimentaire a créé une double fragilité : d’abord, d’un point de vue juridique, relativement à la base d’action des politiques communautaires ; d’autre part, une fragilité politique, vu la non-participation de certains États, dont l’Allemagne, qui a saisi en ce sens la Cour de justice européenne – celle-ci lui a donné raison.

La proposition de la Commission a pour mérite de refonder la base juridique de l’aide alimentaire. Toutefois, si son objet est élargi, ses moyens se voient réduits. Il ne s’agirait en effet plus seulement d’aide alimentaire, mais également de la fourniture de biens de consommation courante, et ce avec des moyens financiers plus faibles, puisque dans la dernière version du projet de compromis budgétaire sur les perspectives financières de l’Union européenne, ces moyens seraient en recul de 40 %.

Il faudrait donc mener avec beaucoup moins de moyens une politique plus ambitieuse – ce qui est en soi une bonne chose – et au bénéfice d’un plus grand nombre de pays, puisque certains États-membres qui jusque-là ne recouraient pas au programme s’y joindraient, alors que la crise touche un plus grand nombre d’Européens et que les besoins sont en forte augmentation.

Cette situation n’est pas acceptable. C’est pourquoi j’espère que le Gouvernement s’engagera fortement afin de dégager d’importants moyens pour l’aide alimentaire, dans le cadre de la programmation budgétaire européenne. Vous serez d’autant plus en mesure de convaincre nos partenaires, Mme la ministre, que l’Assemblée nationale vous aura manifesté sur la question son soutien unanime – puissions-nous l’obtenir cet après-midi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l’exclusion. Je tiens d’abord à excuser l’absence de M. Cazeneuve, ministre délégué aux affaires européennes, qui est retenu au Sénat pour répondre à des questions d’actualité sur le Mali. Il nous rejoindra très bientôt afin de vous écouter et de conclure ce débat avec vous.

Pour surmonter la crise économique et sociale qui touche la France et l’Union européenne, nous voulons mener de front une politique de compétitivité et une politique de solidarité. La solidarité n’est pas un supplément d’âme, elle est la condition même de notre cohésion, car c’est seulement si nous sommes unis que nous pourrons réussir.

Cette cohésion est impossible quand certains de nos concitoyens vivent dans de telles conditions de précarité et de dénuement qu’ils n’ont pas le minimum pour vivre dignement, notamment pour se nourrir.

L’aide alimentaire répond à cette urgence, à cette privation insupportable ; mais l’aide alimentaire ne concerne pas que ceux de nos concitoyens qui sont à la rue et qui n’ont plus rien. Les associations voient de plus en plus souvent venir vers elles des travailleurs, des familles, des personnes qui sont obligées de faire des choix impossibles – se chauffer ou se nourrir ? – et qui ont trouvé dans l’aide alimentaire le moyen précaire d’assurer un repas équilibré pour eux et leurs enfants, sans renoncer à tout le reste.

L’aide alimentaire s’adresse aussi à tous ceux que l’on peut appeler les « pauvres invisibles », qui, chaque mois, ont un peu plus recours à cette solidarité et qui sont souvent des travailleurs pauvres.

Pour les personnes qui connaissent la grande pauvreté, l’aide alimentaire est aussi une porte d’entrée privilégiée vers l’insertion ou la réinsertion. Un repas offre en effet l’occasion de nouer un dialogue, de s’arrêter sur les difficultés et les aspirations de personnes isolées qui ont rarement la possibilité d’être écoutées.

L’aide alimentaire est donc aussi le support d’une politique de prévention et d’accompagnement des situations de pauvreté et de précarité. Cette prévention, qui permet d’éviter les situations individuelles dramatiques, est également beaucoup moins coûteuse à terme pour l’ensemble de la collectivité. L’efficacité même d’une partie de nos politiques de solidarité est en jeu avec l’aide alimentaire.

Enfin, l’aide alimentaire est une modalité de l’action sociale très structurée dans notre pays, comme vous l’avez rappelé, mesdames les présidentes. Des années d’engagement sur le terrain, au plus près des difficultés, ont permis aux associations d’acquérir une expérience et une capacité d’organisation que nous devons protéger. En France, les fonds du PEAD sont gérés par quatre grandes associations qui assurent avec constance et professionnalisme ce travail quotidien d’accompagnement sur le terrain : la Croix Rouge, les Restos du cœur, la Fédération française des banques alimentaires, le Secours populaire.

Dès 2011, parce que les excédents alimentaires ont considérablement diminué, le PEAD a été remis en cause. Or c’est prendre le problème à l’envers ! La pauvreté n’a pas disparu avec les stocks alimentaires de la PAC.

Face à l’urgence sociale, face au désarroi de millions de nos concitoyens européens, face également aux engagements pris par l’Union Européenne de sortir 20 millions d’Européens de la pauvreté d’ici 2020, nous avons le devoir de trouver une solution pour pérenniser l’aide alimentaire européenne.

Le projet de la Commission de constituer un Fonds européen d’aide alimentaire, rattaché au Fond Social Européen, a le mérite d’apporter cette pérennité. Le FSE offre en effet un cadre juridique stable qui nous permettra d’éviter de connaître à nouveau la fragilisation juridique de 2011, lorsque la Cour européenne de justice a remis en cause le fondement même du PEAD.

Par ailleurs, ce cadre permettra d’inscrire le FEAD dans la politique de cohésion européenne : c’est ainsi reconnaître que l’aide alimentaire est une composante importante de la solidarité au niveau européen.

Enfin, le projet en discussion prévoit que les excédents agricoles puissent venir s’ajouter au montant du FEAD : voilà une très bonne décision, non seulement parce que le besoin de solidarité l’exige, mais également parce que cette solidarité implique la coordination de l’ensemble des champs de la politique européenne.

Néanmoins, la négociation n’est pas terminée et nous devons rester vigilants. Bernard Cazeneuve et moi-même le serons : nous l’avons confirmé aux quatre grandes associations que nous avons rencontrées ce matin même.

S’agissant tout d’abord de la négociation budgétaire : elle est en cours et nous resterons fermes sur la nécessaire adéquation entre les besoins, grandissants en matière de solidarité au niveau européen, et les montants qui viennent d’être évoqués. C’est d’autant plus clairement une question d’efficacité de l’aide alimentaire sur le terrain que, comme l’a dit Mme la présidente de la commission des affaires étrangères, la solidarité est une question fondamentale qui doit rester au cœur du projet européen que nous avons bâti et que nous continuons à construire. Bernard Cazeneuve viendra tout à l’heure vous réaffirmer son engagement personnel et celui de la France dans cette négociation ; il vous en précisera le calendrier.

L’étape budgétaire se prolongera par la suite par une négociation sur le règlement qui va en découler, dans laquelle nous devrons, là aussi, engager tous nos efforts. Le premier temps de la négociation achevé, nous ne devrons pas lever le pied. Il faudra rester vigilant. Deux sujets en particulier vont nous mobiliser dans la négociation sur le règlement du nouveau fonds.

Le premier sujet, c’est le fonctionnement du FSE. Nous savons qu’il est extrêmement strict, parfois très lourd ; il exige notamment des contrôles fréquents, a priori et a posteriori. Nous devons veiller à ce que cette rigueur, tout à fait utile pour la traçabilité des actions, ne se fasse pas au détriment de la souplesse du système et ne vienne pas compliquer l’action précise et pointue des associations qui assurent l’aide alimentaire sur le terrain. Ce qu’elles investissent en temps et en argent dans les procédures, c’est autant de moins consacré par elles aux personnes démunies. Au niveau national, nous mettrons donc tout en œuvre pour faciliter le travail de terrain des associations. Il faudra que nous leur garantissions un support logistique et administratif le plus souple possible. L’action des associations françaises est aujourd’hui efficace parce qu’elles allient professionnalisme et attention aux besoins. Ce bénévolat expert doit pouvoir continuer, et nous y veillerons car c’est la richesse de la France.

L’autre point de négociation, dans le cadre du règlement, portera sur les critères d’affectation des crédits du FEAD aux pays membres. Aujourd’hui, la Commission propose de ne retenir que deux critères sur les quatre qui ont pourtant été utiles pour fixer la stratégie 2020 de l’Union : un, le nombre de personnes souffrant de privations matérielles sévères ; deux, le nombre de personnes de moins de soixante ans vivant dans des ménages inactifs. Ces deux critères sont largement insuffisants car cela réduit considérablement le montant global de l’aide alimentaire et le nombre de familles éligibles : seuls les sans-abri et les personnes en situation de très grande privation matérielle seraient concernés. C’est ignorer que de nombreux retraités et des travailleurs toujours plus précaires font aussi appel à l’aide alimentaire. Nous devons donc insister pour que les critères rendent compte au mieux de la complexité des situations de pauvreté en Europe, et soient par ailleurs cohérents avec les critères que l’Union européenne s’est fixée par rapport aux objectifs de la stratégie 2020.

Vous savez que nous avons pris les choses à bras-le-corps puisque le Premier ministre a présenté en début de semaine un plan de lutte contre la pauvreté et la précarité. Mais nous savons tous que cette lutte concerne aussi beaucoup d’autres pays européens, qui feraient mieux de nous aider et de nous soutenir dans cette voie parce qu’il y a une extrême pauvreté chez eux également, y compris, vous l’avez rappelé, madame la présidente de la commission des affaires européennes, dans les pays qui ne sont pas les plus allants pour nous aider dans la négociation.

Mesdames, messieurs les députés, le Gouvernement va veiller à préserver les mécanismes européens de la solidarité. Celle-ci est une condition du redressement de notre pays, mais aussi une condition de sortie de crise de l’Union européenne, qui ne peut pas se permettre de se couper chaque jour davantage des préoccupations de ses citoyens, de tous ses citoyens, y compris les plus fragiles. Pour le Gouvernement, je vous le garantis et le ministre le dira à cette tribune, la solidarité, c’est important, c’est ce qui fait vraiment notre identité, la grandeur de notre nation, une nation qui a fait le choix improbable de l’égalité et de la fraternité, et qui, pour cette raison, est respectée au niveau de l’Union européenne.

Je vous remercie du soutien de l’Assemblée nationale à l’action que mène l’ensemble du Gouvernement, particulièrement le ministre Bernard Cazeneuve. Ce débat est utile et attendu. L’ensemble des grandes associations ont besoin du soutien de tous. Ce matin encore, elles me parlaient de la mobilisation qui doit les soutenir jusqu’au bout. Le Gouvernement sera à leurs côtés et je vous remercie, mesdames les présidentes de commission pour avoir pris l’initiative du débat d’aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Arnaud Richard et M. André Chassaigne. Très bien !

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Chantal Guittet, premier orateur inscrit.

Mme Chantal Guittet. Madame la présidente, mesdames les présidentes de commission, madame la ministre, mes chers collègues, je regrette bien évidemment que nous devions encore nous battre, au XXIe siècle, pour permettre à tous les Européens d’accéder à l’alimentation et que la solidarité européenne envers les plus démunis soit un sujet de controverse. Mais je me réjouis de voir, madame la ministre, que cette question est au cœur de vos préoccupations et que vous faites de la solidarité une valeur essentielle.

La solidarité européenne n’est pas une donnée dès le départ mais une construction. Jacques Delors, à l’origine de nombreuses avancées marquantes en matière de solidarité européenne, est celui, vous l’avez rappelé, madame la présidente Auroi, qui, lorsqu’il était président de la Commission européenne, a décidé, avec Henri Nallet, d’ouvrir les frigos de l’Europe en créant le programme européen d’aide aux plus démunis. Ce programme est doté actuellement d’une enveloppe de 480 millions d’euros par an, dont 72 millions d’euros pour la France. Il permet dans notre pays, au travers de 130 millions de repas distribués, d’aider près de quatre millions de personnes à se nourrir par l’intermédiaire de quatre associations que je salue ici et dont des représentants sont dans les tribunes : les banques alimentaires, la Croix-Rouge française, les Restos du Cœur et le Secours populaire. À travers ces associations, je tiens à rendre hommage aux très nombreux bénévoles qui prennent du temps sur leurs loisirs pour que la solidarité se concrétise.

Nous le savons tous : le programme européen d’aide aux plus démunis est menacé. L’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne a donné raison à l’Allemagne, opposée au plan d’aide, en annulant le règlement financier au motif que le budget annuel du PEAD doit avant tout être construit en utilisant les stocks d’intervention disponibles, ce qui n’est plus le cas. Le programme alimentaire a bien, suite à un accord franco-allemand, été prorogé jusqu’à fin 2013. Il n’est cependant pas question de le pérenniser au-delà de cette date.

Le gouvernement précédent n’a pas sauvé le PEAD comme je l’entends dire, il a au mieux trouvé une solution strictement provisoire, et au pire empêché de trouver une solution alternative. Nous pouvons lire dans la déclaration commune inscrite au procès-verbal du Conseil de décembre 2011 la phrase suivante : « La France et L’Allemagne acceptent la poursuite du programme pendant une période transitoire qui viendra définitivement à échéance le 31 décembre […] la France et l’Allemagne jugent que les conditions ne sont pas réunies pour la présentation par la Commission et l’adoption par le Conseil d’une proposition relative à un nouveau programme pour l’après 2013. » Faut-il comprendre que les dix-huit millions de citoyens européens démunis, dont trois millions en France, doivent être laissés de côté, dix-huit millions de personnes dans le dénuement total ? En outre, quarante-trois millions de personnes n’avaient pas en 2010 les moyens de répondre à un besoin fondamental : celui de s’offrir un repas équilibré par jour. N’est-ce pas une condition suffisante pour mettre en place un dispositif commun pour permettre la sécurité alimentaire de tous ? Je partage l’inquiétude des associations pour lesquelles ce plan d’aide est vital puisqu’il représente entre un tiers et la moitié de leur budget.

Nous devons nous mobiliser pour défendre un nouveau programme, pour défendre cet esprit de solidarité à l’origine de la construction européenne, cette fraternité nécessaire dans une Europe en crise. La Commission européenne, face à la mobilisation des ONG et de certains États membres propose aujourd’hui une solution de compromis que Mme la présidente de la commission des affaires européennes a rappelé : le PEAD sera supprimé, mais un Fonds européen d’aide aux plus démunis – FEAD – sera créé et placé, dans le cadre de la politique de cohésion, au sein du Fonds social européen. Dans sa proposition relative au prochain cadre financier pluriannuel, la Commission réserve un budget de 2,5 milliards d’euros pour ce fonds. Je veux vous faire part de mes inquiétudes quant à cette proposition. En effet, son projet correspond à un moins-disant par rapport à la situation précédente, et ce tant du point de vue de la nature des prestations que des montants en jeu et du fonctionnement de l’aide.

Du point de vue de la nature des prestations et du champ d’intervention, le nouveau fonds concernera à la fois la nourriture, les vêtements et d’autres biens de première nécessité. Il ne s’agira donc plus exclusivement d’un instrument d’aide alimentaire, mais d’un instrument d’aide à visée plus globale, qui recouvre l’ensemble des aspects de la précarité. Il y a un réel risque de noyer l’aide alimentaire dans un ensemble de problèmes plus vaste alors qu’elle doit être au cœur de la politique européenne de lutte contre la pauvreté.

Du point de vue des montants engagés, alors que le PEAD bénéficiait de 500 millions d’euros annuels, le nouveau fonds sera doté de 2,5 milliards d’euros sur sept ans, soit 360 millions d’euros par an. Il a même été envisagé une diminution plus grande encore, c’est-à-dire de ramener l’enveloppe à 2,1 milliards d’euros, ce qui correspondrait à une baisse de 40 %. Ces propositions sont loin de couvrir les besoins actuels des associations, besoins qui, on le sait, ne cessent de s’accroître.

De plus, il faut le rappeler, le nouveau fonds ne correspondra pas à la création stricto sensu d’une nouvelle aide, mais sera constitué par un prélèvement sur les 76 milliards d’euros prévus pour le FSE.

Enfin, le FEAD s’adressera indifféremment à tous les États membres. Le PEAD ne bénéficiait pas aux vingt-sept pays de l’Union mais seulement aux pays participants au programme, au nombre de dix-neuf ; les quatre grands bénéficiaires étaient l’Italie, la France, l’Espagne et la Pologne. L’enveloppe, déjà amputée d’un tiers au moins de son montant, sera donc répartie non plus sur dix-neuf pays mais sur vingt-sept et bientôt sur vingt-huit, soit une diminution encore accrue pour les pays actuellement bénéficiaires.

Un autre point du dispositif, le cofinancement, suscite des inquiétudes. Il est en effet à craindre qu’en cette période d’austérité budgétaire et de difficultés macroéconomiques, beaucoup d’États, notamment les plus pauvres, ne soient pas en mesure d’engager des sommes sur ce fonds. Conformément aux règles de fonctionnement du FSE, la Commission propose que chaque État participe a minima au cofinancement à hauteur de 15 %. Je tiens à rappeler que le cofinancement a constitué le principal frein aux programmes tels qu’« Un fruit à l’école ».

Enfin, les associations bénéficiaires seront sélectionnées selon des critères non encore précisés. De plus, elles auront l’obligation de mettre en place des politiques d’activation et d’aide à l’insertion, ce qui devrait normalement être le rôle de la collectivité.

Les associations caritatives s’inquiètent donc à juste titre de la perte de spécificité du programme et du changement de ses principaux paradigmes.

Pour conclure, certaines questions demeurent en suspens : quid du devenir d’éventuels nouveaux stocks dans le cadre de la PAC, certes peu probables mais pas impossibles ? Quel sera l’avenir des sommes qui ne seront pas utilisées par certains États ? Elles devraient à mon sens être réinjectées dans l’enveloppe des autres pays pour qu’elles profitent aux bénéficiaires et surtout aux plus démunis.

N’y a-t-il pas, à terme, un risque de dissolution de ce fonds dans le FSE ? La plus grande vigilance s’impose pour éviter cette absorption qui ne pourrait se faire qu’au détriment de l’aide alimentaire.

Pouvez-vous répondre à mes inquiétudes ? Pouvez-vous nous indiquer l’état récent des négociations ? Pouvez-vous nous assurer que ce fonds sera bien créé ? Savez-vous quels seront les montants qui lui seront alloués ? Savez-vous si des garanties seront offertes pour préserver, autant que faire se peut, les spécificités du programme et éviter qu’il soit, à court ou moyen terme, absorbé par le FSE ? Je vous remercie pour vos réponses. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Maire.

M. Bruno Le Maire. Monsieur le ministre délégué aux affaires européennes, je salue votre arrivée qui rééquilibre un peu la parité sur les bancs de la majorité. (Sourires)

Plus sérieusement, je me réjouis que nous ayons l’occasion de discuter de l’avenir du programme européen d’aide aux plus démunis. Comme Mme Guigou l’a rappelé, ce programme concerne des millions de citoyens européens. Il aide les plus démunis d’entre nous, les plus faibles, ceux qui sont les plus exposés aux conséquences de la crise. En France, il permet de financer 130 millions de repas chaque année.

Il est indispensable qu’il puisse se maintenir et hors de question qu’il soit supprimé. C’est une exigence aussi bien morale que politique : l’Europe, c’est la solidarité, l’aide à ceux qui sont frappés par la crise, la main tendue à tous ceux qui ne peuvent offrir à leur famille, à leurs enfants, un repas correct par jour.

L’origine des difficultés a été rappelée. Il faut avoir conscience de ces difficultés pour nos partenaires européens si nous voulons trouver la bonne solution. Le programme a été créé en 1997 à l’initiative de Jacques Delors et de Coluche, en s’inspirant du principe des surplus alimentaires réutilisés pour ceux qui ne peuvent pas s’offrir un repas par jour.

Ce projet a été contesté dès le début par l’Allemagne qui estimait que l’Europe n’avait pas à s’occuper de questions sociales et que la politique agricole commune n’avait pas à traiter de l’aide aux plus démunis. Elle s’est toujours opposée à ce que les fonds alloués au titre du programme européen d’aide aux plus démunis soient prorogés sur plusieurs années. En conformité avec sa position, elle a donc déposé un recours auprès de la Cour de justice des communautés européennes pour que ce programme soit abandonné.

En avril 2011, la Cour de justice des communautés européennes, saisie par l’Allemagne et d’autres États, a décidé que l’action du PEAD devait se limiter à l’écoulement des stocks et que le programme devait disparaître.

À dater de ce jour – je le dis notamment à Mme Guittet dont je viens d’entendre les reproches –, je me suis battu pied à pied, jour après jour, mois après mois, pour obtenir que nous revenions sur cette décision de la CJCE. Madame la députée, j’ai été le seul ministre des affaires européennes à avoir obtenu en un an que la Commission dépose une nouvelle base légale afin de s’opposer à une décision de la CJCE.

Il n’est donc ni habile ni honnête de critiquer l’action du précédent gouvernement sur ce sujet. Je préfère retenir les propos de Mme la présidente de la commission des affaires étrangères : il n’y a place pour aucune polémique politique sur ce sujet ; il n’y a de place que pour le rassemblement de toutes les forces politiques sur les bancs de cette assemblée.

De manière plus politique, je rappelle que l’Allemagne payait 220 millions d’euros sur les cinq ans pour ce programme sans toucher un centime pour ses propres citoyens. Il ne s’agit pas de défendre la position allemande mais d’expliquer la difficulté de la négociation. Supposez que la France paie un jour 220 millions d’euros pour un programme et ne touche pas un centime en retour pour ses propres citoyens, et imaginez quelle serait la réaction politique de l’opinion publique française.

Le 14 novembre 2011, sur la base de la nouvelle proposition légale de la Commission européenne, nous avons obtenu la prorogation pour deux ans du programme européen d’aide aux plus démunis. Je ne dis pas que c’est formidable ou parfait, mais c’était cela ou la disparition du programme. Dans ce cas, nous ne serions même pas là aujourd’hui pour discuter du nouveau programme européen d’aide aux plus démunis pour les années à venir.

Que pouvons-nous faire pour être le plus efficace possible ? D’abord, nous devons avoir un objectif clair et je vais vous donner la position de mon groupe sur ce sujet.

Premièrement, nous devons garder la même enveloppe financière, à l’euro près, sachant que le PEAD représente un euro par citoyen européen et par an et que ce programme permet à des familles de se nourrir correctement alors qu’elles n’ont pas d’autres moyens pour le faire. J’estime que ce n’est pas cher payé et qu’il y a bien d’autres programmes européens moins utiles et plus chers qui ne sont pas menacés par quelque État que ce soit.

Deuxièmement, nous devons garder un ciblage précis. Méfions-nous des fausses bonnes idées qui paraissent généreuses mais vont se traduire par l’affaiblissement du PEAD et du soutien à l’alimentation des plus faibles. Rajouter l’aide au logement et à l’habillement paraît très sympathique sur le papier ; j’ai peur que cela ne se solde par des difficultés de plus en plus importantes pour les Restos du cœur et pour toutes les associations qui font un travail exceptionnel pour aider ceux qui en ont le plus besoin.

Troisièmement, nous demandons un programme pluriannuel. Les associations ne peuvent pas vivre en étant suspendues aux décisions du Conseil européen ou de la Commission, et se demander tous les ans si le budget dont elles ont besoin pour fonctionner va être reconduit. Ces associations qui fonctionnent avec des stocks et des provisions ont besoin de programmes pluriannuels pour savoir chaque année de quelles sommes elles vont pouvoir disposer.

Enfin, nous nous opposons au cofinancement, synonyme de renationalisation des politiques, abandon des politiques communes. Le cofinancement, mot technocratique que personne ne comprend, signifie en clair : chacun pour soi, débrouillez-vous, l’Union européenne ne vous aidera pas. On commence par le cofinancement des politiques et on finit par des politiques strictement nationales auxquelles certains États comme l’Espagne ou le Portugal ne pourront pas faire face.

Outre avoir un objectif clair, nous devons discuter étroitement avec nos amis allemands dans cette négociation – et je fais tout à fait confiance aux ministres concernés sur ce point. Lors de la réunion organisée lundi dernier par Claude Bartolone, j’ai eu l’occasion de le dire : nos amis allemands détiennent une partie de la solution ; c’est eux qu’il faut convaincre. Mardi dernier, lors du cinquantenaire du traité de l’Élysée, j’ai dit à certains ministres allemands que nous restions totalement mobilisés et qu’ils devaient comprendre les arguments français sur ce dossier.

Nous devons aussi associer tout le monde à ce travail. Tous les représentants de l’Assemblée nationale doivent faire bloc sur ce sujet sans laisser place à la polémique. À votre question, madame la ministre, je répondrai ceci : vous aurez le soutien total du groupe UMP pour défendre le programme européen d’aide aux plus démunis et les solutions les plus efficaces possibles pour aider les associations.

Il faut s’appuyer également sur les parlementaires européens auxquels je rends hommage car sans leur soutien il y a deux ans, nous ne serions pas arrivés à maintenir le PEAD. Tous groupes confondus, ils ont joué un rôle essentiel pour convaincre la Commission européenne de déposer une nouvelle base légale et pour convaincre nos amis allemands de l’accepter.

Appuyons-nous aussi sur certains autres États qui partagent notre vision de la construction européenne. Appuyons-nous sur les associations, y compris les associations caritatives de pays qui ne soutiennent pas le PEAD. En Allemagne, il y a des associations comme Die Tafel qui, en liaison avec les Restos du cœur et le Secours populaire, essaient de convaincre les autorités politiques allemandes de bouger sur ce dossier. Il faut nous appuyer sur elles.

Enfin, dernier élément de réflexion : il est indispensable que nous inscrivions ce projet de fonds européen d’aide aux plus démunis dans une réflexion plus globale sur l’avenir de l’Europe. L’Europe est-elle une somme de politiques nationales ou la réalisation de nouvelles politiques communes ? Est-elle synonyme de chacun pour soi ou de solidarité européenne ? Est-elle strictement économique et budgétaire ou doit-elle aussi retrouver enfin un projet, une ambition, un sens politique ?

Pour notre groupe et beaucoup d’entre vous, je le sais, notre Europe doit défendre l’aide au plus démunis et le soutien aux plus faibles ; c’est une Europe des politiques communes et de la solidarité ; c’est une Europe qui donne sa place et sa chance à chacun. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Barbara Romagnan et M. André Chassaigne. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur un sujet aussi essentiel que l’avenir de l’aide européenne aux plus démunis, l’unité nationale doit être préservée.

Au nom du groupe UDI – et j’associe particulièrement à mon propos François Rochebloine – je tiens à saluer la commission des affaires européennes qui a pris l’initiative d’organiser ce débat ainsi que notre président Claude Bartolone qui a permis, lundi dernier, à l’ensemble des groupes politiques, en présence des quatre associations gestionnaires de ce programme en France, d’affirmer une volonté commune de préserver cette aide européenne.

Depuis 1987, le programme européen d’aide aux plus démunis a financé un dispositif original et pragmatique destiné à soulager les plus démunis. En vingt-cinq ans, ce système dont bénéficient plus de dix-huit millions d’Européens et quatre millions de Français a donné toute satisfaction.

Né d’une idée de Coluche et de Jacques Delors, ce programme original a montré sa grande utilité, que dis-je, son caractère indispensable. Au fil des ans, bien loin de s’amoindrir, le besoin d’aide alimentaire s’est fait de plus en plus criant. Alors que nous traversons une crise sans précédent, 116 millions de personnes sont menacées de pauvreté ou d’exclusion sociale dans l’Union européenne, et 40 millions d’entre elles souffrent de privation matérielle aiguë. Par rapport à l’an passé, l’augmentation du nombre de personnes venant chercher de l’aide serait supérieure à 10 %, selon les associations.

Ce fameux arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne, daté d’avril 2011, annule le règlement du PEAD et fait désormais peser sur le devenir de l’aide alimentaire européenne une menace criante face à laquelle nous ne pouvons rester ni immobiles ni silencieux.

En effet, en annulant le règlement annuel pour l’année 2009, la CJUE a placé le réseau associatif dans une situation impossible puisque près d’un quart des repas distribués en France dépend directement de ce mode de financement. À l’échelle nationale, cela représente 130 millions de repas par an. On peut donc aisément comprendre la détresse profonde des associations qui perdraient de ce fait une grande part de leur capacité d’action.

En outre, comment l’Union européenne pourrait-elle dans ces conditions poursuivre l’objectif fixé par la stratégie Europe 2020 de réduire d’au moins 20 millions le nombre de personnes en situation ou menacées de pauvreté ?

Certes, et il faut s’en réjouir, le Conseil européen des ministres de l’agriculture, en novembre 2011, a permis de poursuivre le financement du programme pour les années 2012 et 2013, mais l’échéance approche. Il devient urgent d’agir non seulement pour maintenir mais pour pérenniser de manière pluriannuelle cette aide.

Le 24 octobre dernier, la Commission européenne a proposé un nouveau règlement qui suggère la création d’un Fonds européen d’aide aux plus démunis, dont les attributions seraient plus larges que celles de l’actuel programme et qui prendrait effet en 2014. Nous soutenons cette initiative mais des zones d’ombre subsistent : l’enveloppe budgétaire ne serait reconduite qu’à hauteur de 2,5 milliards d’euros sur sept ans contre 3,5 milliards d’euros précédemment, soit 360 millions d’euros par an contre 500 millions actuellement.

Et nos collègues l’ont signalé, la perspective légitime de l’ouverture de ce programme à tous les États européens induirait une baisse des montants affectés aux associations.

Après le triste constat d’échec à Bruxelles le 23 novembre dernier sur le budget européen, tout porte à croire que l’avenir du programme européen d’aide aux plus démunis se jouera lors du Conseil européen des 7 et 8 février prochains – espérons qu’il réussisse – consacré au cadre financier pluriannuel de l’Union européenne. Souhaitons, mais n’en doutons pas, que le Gouvernement mette autant d’énergie que son prédécesseur – je tiens à saluer la manière dont Bruno Le Maire a travaillé, je peux en témoigner comme parlementaire lors de la précédente législature – pour pérenniser ce dispositif si essentiel à la solidarité des populations européennes.

Enfin, à notre sens, le maintien de l’aide alimentaire européenne semble relever davantage d’un problème idéologique que d’un problème budgétaire.

Car, au fond, l’objectif du programme, pour certains, n’était plus l’écoulement des stocks d’intervention mais la couverture des besoins déclarés par les États membres participant au plan. Le programme aurait, selon les termes utilisés par notre partenaire allemand, « perdu tout lien avec la politique agricole commune » et serait en réalité « un élément de la politique sociale ». L’aide alimentaire serait donc une question subsidiaire qui devrait être confiée à la responsabilité de chacun des États.

L’argumentation de ceux qui s’opposent au maintien d’une aide alimentaire va au-delà d’une remise en cause du financement de cette aide. Elle témoigne d’une certaine vision de l’Europe, dénuée, à notre sens, de vocation sociale. L’Europe des pères fondateurs, celle qui devait notamment permettre à tous les Européens de se nourrir au lendemain de la guerre, ne serait-elle plus d’actualité de nos jours ?

L’UDI, porteuse d’une tradition profondément européenne, considère que la solidarité est non seulement l’héritage, mais également le fondement de la construction européenne.

À l’heure où l’on constate une tentation du repli sur soi, une montée en puissance des intérêts nationaux, une montée de l’inter gouvernementalisme, nous devons affirmer que la solidarité n’est pas une valeur dépassée mais qu’elle appartient à l’histoire de l’intégration européenne comme à son devenir.

Herman Van Rompuy l’a bien dit dans un discours prononcé à Bruxelles en 2010 : « le plus grand danger qui nous menace est l’abandon de la solidarité par l’égoïsme, c’est l’abdication du courage politique par la facilité ».

Alors que nous vivons une crise particulièrement grave, ce qui constitue la politique sociale phare de l’Union européenne ne doit pas disparaître, ne peut disparaître car ce serait un message bien désastreux que nous porterions à l’ensemble des peuples européens.

Plus que jamais, mes chers collègues, madame la ministre, monsieur le ministre, nous devons porter l’idée d’une Europe de la solidarité et non d’une Europe administrative. Plus que jamais, l’Europe doit rester aux côtés des citoyens qui en ont le plus besoin. Telle est la vision de l’Europe que nous défendons. Je finis mon propos par le préambule du plan de cohésion sociale : « La force d’une nation se mesure au bien-être des plus fragiles de ses membres. » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je voulais vous citer quelques témoignages que j’ai malheureusement laissés sur mon pupitre. Ces témoignages, recueillis par les associations, reflètent les difficultés du quotidien, pour une mère de famille vivant seule avec un adolescent disant que sans l’aide alimentaire elle ne pourrait plus vivre correctement ni même manger à sa faim, pour des personnes âgées, des personnes handicapées. Ce dont nous débattons ici, c’est d’une humanité qui souffre au quotidien.

La crise n’est ni un slogan, ni une fiction. C’est une dure réalité, synonyme de chômage et de précarité. C’est une réalité synonyme aussi de faim. C’est un terrible constat.

La pauvreté et les inégalités ne cessent de progresser. 120 millions de personnes sont menacées de sombrer dans la pauvreté ou l’exclusion sociale dans l’Union européenne. Parmi elles, quelque 40 millions souffrent de privation matérielle aiguë. L’aide alimentaire permet actuellement de répondre aux besoins grandissants de populations fragilisées dans un contexte de crise aggravée.

En France, 8,5 millions de personnes vivent en dessous du seuil de pauvreté et pourraient donc en bénéficier. En plus des familles monoparentales et des chômeurs, recourent aujourd’hui à l’aide alimentaire les travailleurs pauvres, les étudiants et les personnes à la retraite.

Les associations nous disaient lundi dernier qu’elles estimaient à 10 % l’augmentation, chaque année, du nombre des bénéficiaires de leurs diverses aides.

Face à cette dégradation de la condition sociale de nos concitoyens, les dirigeants européens demeurent concentrés sur la satisfaction des desiderata des banquiers et autres marchés financiers, à la fois responsables et bénéficiaires de la crise.

Ces dirigeants me font penser à l’empereur Héliogabale qui servait à certains convives de très beaux plats qui étaient en fait des dessins figurant les mets au menu. Chaque convive devait être content. C’est ce genre de festin auquel certains États européens veulent convier les plus démunis.

Me reviennent aussi ces paroles terribles d’Eugène Varlin, le communard, le 22 mai 1868, devant la sixième chambre correctionnelle : « tant qu’un homme pourra mourir de faim à la porte d’un palais où tout regorge, il n’y aura rien de stable dans les institutions humaines ».

Le programme d’aide aux plus démunis, créé en 1987, arrive à son terme à la fin de la programmation pluriannuelle. Ce programme permettait à l’origine de transformer, acheminer et redistribuer les stocks invendus de l’agriculture européenne dans le cadre de la politique agricole commune. Les bénéficiaires en sont les citoyens européens les plus nécessiteux par le biais des banques alimentaires. En été, puisque les excédents se font rares et en l’absence de stocks d’intervention, les denrées sont achetées directement sur le marché.

La contribution européenne en nature s’est transformée en contribution financière représentant seulement, cela a été dit, un euro par Européen. Un euro seulement ! Elle est gérée par des associations nationales. En France, il convient de saluer le travail exemplaire réalisé par les quatre associations humanitaires qui gèrent cette aide grâce à la mobilisation de milliers de bénévoles : la Croix rouge, les banques alimentaires, le Secours populaire et les Restos du cœur. J’ai apprécié, madame la ministre, votre formule des « bénévoles experts » qui me semble bien correspondre à la fois au professionnalisme et au cœur mis dans l’exercice de leurs différentes actions par les associations. Pour ces quatre associations, cette aide représente de 25 % à 50 % des denrées alimentaires distribuées, soit 130 millions de repas par an.

Pour certains États qui se parent d’arguments juridiques pour tenter de masquer leur égoïsme, ce changement justifie la fin pure et simple du programme. Ils contestent, en effet, la reconduction du programme et s’opposent à son principe même. L’Allemagne, le Royaume-Uni et la Suède, faut-il les citer, considèrent que l’aide aux pauvres relève de l’action de chaque État et refusent donc de payer au niveau européen.

Début 2012, l’Allemagne, à qui nous avons fait passer quelques messages mardi dans nos différentes interventions, a obtenu la remise en cause de l’aide alimentaire par la Cour de justice européenne. Le dispositif actuel n’existera donc plus en 2014.

Dès lors, il est de la responsabilité de la France de défendre avec force le maintien d’un tel instrument de solidarité, avec les moyens nécessaires, dans ce contexte de crise. Quel paradoxe, en effet, de s’attaquer à ce dispositif de solidarité au moment même où sa nécessité se fait le plus sentir pour des millions d’Européens !

Les États avaient déjà obtenu en 2012 une restriction drastique du budget, qui était passé de 500 à 133 millions d’euros, ces mêmes États qui n’ont pas hésité à réunir des milliards pour sauver les banques…

Qu’en est-il de la position et de la proposition de la Commission ?

Dans ses propositions sur le cadre financier pluriannuel 2014-2020, la Commission européenne a proposé en juin 2011 une enveloppe de 2,5 milliards d’euros pour un nouveau programme d’aide aux plus démunis. Elle a également proposé que ce programme soit désormais rattaché à la politique de cohésion et, plus particulièrement, au fonds social européen, au titre de l’inclusion sociale et de la lutte contre la pauvreté.

Le détail de ce que pourrait être ce nouveau programme d’aide aux plus démunis a été précisé dans une proposition législative présentée le 24 octobre 2012 par la Commission européenne. Celle-ci prévoit de créer un fonds européen d’aide aux plus démunis qui prendrait effet en 2014 et se substituerait à l’actuel dispositif.

Ce fonds est censé répondre aux besoins urgents et de première nécessité. Il se présente cependant comme un instrument global assurant l’aide matérielle sous forme de denrées alimentaires, mais aussi de vêtements et d’autres biens de base offerts aux sans-abri et aux enfants souffrant de privation matérielle. Autrement dit, le fonds proposé va au-delà de la distribution d’aide alimentaire.

En complément de l’aide matérielle, il permettrait également de mettre en œuvre des mesures d’accompagnement visant la réinsertion sociale des plus démunis.

Si un tel dispositif présente un intérêt certain – je crois que nous pouvons tous en convenir –, il est pour le moins troublant que la répartition de l’enveloppe proposée entre les différentes dépenses éligibles au fonds ne soit pas précisée dans le détail. Or, nous connaissons tous la lourdeur des procédures pour obtenir ce type de financement européen. Il suffit de savoir les difficultés que de nombreuses structures peuvent rencontrer pour avoir accès aux fonds, par exemple du Fonds social européen. Il faut se mobiliser, préfinancer, déposer des dossiers, redéposer des dossiers, apporter des précisions… Tout cela représentera un travail supplémentaire pour les associations concernées. Même si elles sont expertes, elles sont bénévoles. Il faut bien mesurer ce que cela peut représenter.

Ce nouveau dispositif européen ne répond pas aux besoins réels de nos populations. Dans les négociations du cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020, la Commission a proposé d’allouer une enveloppe de 2,5 milliards d’euros au nouveau fonds pour la période 2014-2020, loin du montant de l’enveloppe actuelle qui correspondrait à 3,5 milliards d’euros sur la période 2014-2020, et ce pour le seul programme alimentaire. Il s’agit là, il ne faut pas en douter, d’une nouvelle manifestation de la politique d’austérité appliquée aux plus démunis.

Ce recul est accentué par deux données qui ne semblent pas avoir été prises en compte par la Commission : d’une part, les chiffres montrent que le nombre d’Européens vivant en dessous du seuil de pauvreté et bénéficiant de l’aide alimentaire, ne cesse de croître ; d’autre part, la perspective légitime de l’ouverture de ce programme à tous les États induit de nouveaux besoins que l’Europe ne saurait ignorer.

En cela, nous ne pouvons que soutenir la démarche des associations qui ont alerté les dirigeants européens sur la nécessité de couvrir les besoins mesurés par la Commission elle-même, a minima, soit 4,75 milliards d’euros.

L’Europe doit donc prendre ses responsabilités. Elle doit apporter un soutien budgétaire ambitieux à son nouveau fonds. À situation dramatique, solutions exceptionnelles ! À l’heure où ses dirigeants ont reçu le prix Nobel de la paix, l’Europe ne saurait rompre le pacte de solidarité en faveur des hommes et des femmes qui y vivent.

Il faudrait plus et mieux. La qualité l’aide alimentaire est une question à ne pas sous-estimer. S’alimenter est un besoin fondamental, mais c’est aussi déterminant pour une bonne ou une mauvaise santé. Les bénéficiaires de cette aide présentent souvent des troubles nutritionnels, pouvant induire des pathologies telles que le diabète ou des problèmes cardiovasculaires, selon une étude menée par l’Institut de veille sanitaire. Et puis, recevoir des produits de qualité, c’est nécessaire aussi pour l’estime de soi.

L’Europe ne doit pas, qui plus est en période de crise, oublier ses citoyens les plus pauvres. Il faut répondre réellement et durablement aux objectifs que l’Europe s’est fixés à l’horizon de 2020 en matière de lutte contre la pauvreté et permettre de nourrir 18 millions d’Européens.

Les pouvoirs publics doivent être conscients de la nécessité d’un programme européen garantissant un droit fondamental qui répond à un besoin vital, l’accès à une alimentation suffisante, de qualité, tout en permettant à chaque État de prendre les dispositions de mise en œuvre au mieux de ses propres prérogatives.

Pour toutes ces raisons, nous estimons que le dispositif proposé par la Commission est insuffisant et nous nous félicitons que le gouvernement français puisse peser de tout son poids pour que le programme européen soit à la hauteur des besoins. Nous le demandons au nom de l’engagement de la France en faveur d’une Europe plus solidaire, en particulier dans une période de crise. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Girardin.

Mme Annick Girardin. Madame la présidente, madame la ministre déléguée, monsieur le ministre délégué, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, lorsqu’en 1987 Jacques Delors, président de la Commission européenne, et Henri Nallet, ministre de l’agriculture, ont décidé « d’ouvrir les frigos de l’Europe », pour reprendre le mot employé par notre collègue Chantal Guittet en commission des affaires européennes le 11 décembre dernier et aussi il y a quelques minutes dans notre hémicycle, en créant le Programme européen d’aide aux plus démunis, le PEAD, ils visaient un objectif : distribuer une aide alimentaire aux plus démunis des ressortissants communautaires, tout en diminuant le stock d’invendus issus de la PAC. Les surplus des matières premières agricoles issus des stocks d’intervention de la PAC constituaient en effet un double échec : une échec en termes de politique alimentaire fondée sur l’autosuffisance et la préférence communautaire et un échec en termes de solidarité et d’entraide sociale.

Or, si ce programme pouvait être adossé à la PAC tant que celle-ci générait des stocks d’invendus, la réorientation de la PAC a, heureusement, conduit à la disparition de ces stocks. La conséquence en fut une substitution, en 1995, d’un système d’allocation d’enveloppe budgétaire permettant l’achat de denrées directement sur le marché au système de troc des denrées alimentaires entre États membres.

En 2008, l’enveloppe financière annuelle était d’un peu moins de 500 millions d’euros, ce qui permettait aux associations de s’approvisionner sur les marchés, – 500 millions d’euros, soit 1 % du budget de la PAC, ou, comme le rappellent très régulièrement les associations caritatives, seulement un euro par an et par Européen.

Le 13 avril 2011, la Cour de justice de l’Union européenne, saisie par l’Allemagne qui contestait d’autant plus l’existence de ce programme qu’elle n’avait jamais demandé à en bénéficier, a considéré qu’il consistait en une aide sociale ne pouvant relever de la PAC. Sauvegardé jusqu’à la fin de l’année 2013 grâce à un règlement du 15 février 2012 – et je rends ici hommage à l’action du commissaire européen à l’agriculture –, le programme devrait être inclus pour la période 2014-2020 au sein d’un Fonds européen d’aide aux plus démunis, ou FEAD, dans le cadre de la politique de cohésion, au sein du FSE.

La Commission européenne a proposé que soit allouée au FEAD une enveloppe d’un montant de 2,5 milliards d’euros sur sept ans, alors que le PEAD bénéficiait d’environ 500 millions d’euros par an. Cela correspond, en euros constants, à une baisse de plus du quart.

À ce propos, pouvez-vous, monsieur le ministre, confirmer une source européenne selon laquelle il n’était pas prévu de transférer les sommes affectées à l’ancien PEAD au nouveau fonds, celles-ci restant attachées à la PAC, ce qui permet ainsi de combler les trous dans les années à venir, le budget de la PAC devant être gelé sur la période 2014-2020 ? Comme j’ai pu l’exprimer lors de la conférence de presse réunie lundi matin à l’Assemblée nationale, sous l’égide du président Claude Bartolone et en présence des associations caritatives françaises, cette proposition est, en l’état, inacceptable.

Le cofinancement imposé par la politique structurelle se heurtera de plein fouet à la politique d’austérité à l’œuvre partout en Europe.

Je saisis l’occasion pour saluer ici le plan quinquennal de lutte contre la pauvreté, présenté lundi par le Gouvernement, qui prévoit notamment une augmentation sensible du RSA.

La réunion du Conseil européen des 7 et 8 février prochains décidera de l’avenir du PEAD. C’est pourquoi la mobilisation de tous les acteurs, leur union, sont nécessaires. L’initiative prise par la commission des affaires européennes et sa présidente Danielle Auroi, d’inscrire un débat sur le sujet à l’ordre du jour de cette semaine de contrôle, est excellente et arrive à point nommé. Il ne suffit pas de relayer le cri d’alarme des associations caritatives, il faut que nous nous mobilisions tous. Les associations caritatives françaises et allemandes qui défendent le PEAD ont rencontré le président du Parlement européen le 9 janvier dernier, et celui-ci les a assurés de son soutien. Je veux rendre hommage à ces associations et aux milliers de bénévoles qui s’impliquent au sein de la Fédération française des banques alimentaires, des Restos du cœur, du Secours populaire français et de la Croix-Rouge française, qui distribuent tous les ans des dizaines de millions de repas aux plus nécessiteux d’entre nous.

Les chefs d’État et de gouvernement doivent maintenant agir.

Il est regrettable qu’il n’ait été fait, à l’occasion de la célébration du cinquantenaire du traité de l’Élysée, qui s’est déroulée mardi à Berlin, aucune mention, dans la déclaration commune du Président et de la Chancelière, du maintien du PEAD à la hauteur des besoins des dix-huit millions d’Européens dans le dénuement, dont quatre millions de Français, à qui sont distribués des repas grâce aux associations.

Si la définition d’une politique sociale ambitieuse et cohérente à travers les fonds structurels est une exigence – et l’inclusion du PEAD au sein du FSE dont les missions sont plus larges ne suscite pas a priori, de notre part, une opposition de principe –, encore faut-il que cette politique structurelle devienne plus efficace qu’elle ne l’est actuellement. Après avoir gâché des denrées alimentaires dans les années quatre-vingt, il serait inconvenant de continuer à gâcher des allocations budgétaires en cette période de crise, alors que les fonds sont mal gérés et les sommes non utilisées.

La question des sommes non utilisées a d’ailleurs été abordée en commission des affaires européennes. Le problème ne se posait évidemment pas en ce qui concerne les stocks de beurre ou de lait, mais qu’adviendra-t-il des fonds attribués au titre du FEAD qui n’auront pas rencontré de cofinancement et qui, ainsi, ne pourront être crédités au profit des associations ? Cette question, comme celle du cofinancement, monsieur le ministre, devra également être abordée au cours des discussions lors du prochain Conseil européen et des rencontres des différents ministres.

Dépenser moins, ce n’est pas forcément dépenser mieux, contrairement à ce que nous répètent à l’envi les libéraux. Cela ne signifie pas qu’il faille dépenser plus, mais, en matière d’aide alimentaire et de secours aux plus démunis, c’est-à-dire lorsqu’il s’agit de satisfaire le premier besoin humain, se nourrir, il faut certainement, alors que la pauvreté et la misère explosent en Europe, dépenser autant. Je réitère ici le vœu constamment exprimé par les radicaux en faveur d’une Europe sociale et solidaire qui puisse dépasser l’indispensable union bancaire enfin en marche après que l’on s’est longtemps contenté de la liberté de circulation des capitaux.

Une autre des libertés fondamentales prévue par le droit originaire communautaire est la liberté de circulation des travailleurs communautaires. Cette notion également mérite d’être approfondie afin de lui donner une dimension plus humaine qu’économique. Sinon, l’incompréhension des citoyens européens vis-à-vis des institutions communautaires ne fera que s’aggraver, et la distance envers leurs représentants ne fera que se creuser. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Allain.

Mme Brigitte Allain. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, madame la ministre déléguée, chers collègues, je remercie la présidente de la commission des affaires européennes qui a bien voulu proposer ce débat sur un sujet aussi fondamental que l’aide alimentaire. Je remercie également Mme la présidente de la commission des affaires étrangères.

De nombreux politiques, organisations et personnalités se sont exprimés régulièrement ces derniers mois. L’émoi qu’avait suscité l’année dernière l’annonce de la fin du programme d’aide aux plus démunis laissait pressentir la vigueur des débats qui auraient lieu lors de sa renégociation au niveau européen. Ces prises de position sont le reflet de nos désirs d’Europe sociale, mais aussi d’agriculture nourricière et d’intégration de tous les citoyens européens.

Attaqué par plusieurs pays et condamné par la Cour de justice de l’Union européenne, ce programme d’aide aux plus démunis, anciennement sous la coupe de la PAC, est aujourd’hui repensé sous une nouvelle forme, celle du Fonds européen d’aide aux plus démunis, dans le cadre du Fonds social européen. On peut dire qu’en France la nécessité de la prolonger ou de faire renaître un tel programme sous une autre forme fait consensus ; on a pu le constater au cours de cette séance. Le débat d’aujourd’hui et la conférence de lundi en apportent effectivement la preuve, ainsi que la déclaration commune de treize pays de l’Union européenne au mois de septembre 2011.

En effet, depuis 1987, le programme européen d’aide aux plus démunis, permettait d’apporter une aide indispensable à dix-huit millions d’Européens, pour un coût relativement modeste – un euro par Européen, cela a été dit plusieurs fois – mais avec quel considérable effet de levier ! Par exemple, dans mon département de la Dordogne, ce fonds permet de financer 40 % des repas servis, à travers les associations des Restos du cœur, de la Banque alimentaire, du Secours populaire et de la Croix-Rouge. Près de 180 millions de repas sont distribués en France et 800 millions en Europe. Comment pourrait-on supprimer purement et simplement cette aide, alors qu’elle est fondamentale pour les associations qui apportent un soutien à des millions de personnes en situation de précarité et à de plus en plus de retraités, mères de familles seules ? Ces associations structurées, fiables, sont créatrices de lien social et d’intégration et pallient les défaillances étatiques en matière sociale.

Remettre sur pied un nouveau plan d’aide bien doté permettrait de lutter de la façon la plus efficace possible contre la malnutrition. Le Gouvernement a lancé un grand plan contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. Dans ses premières mesures, il assure que, sans la sécurité alimentaire, rien n’est possible. Il est indispensable de garantir à chacun la possibilité de se nourrir sainement et régulièrement.

L’Europe se doit, dans un contexte de crise et de précarisation, de mettre en place des mécanismes de solidarité qui la définissent. Les citoyens ne pourront se contenter d’une Europe qui exprime sa solidarité envers les banques lors de la crise financière et qui se refuserait à être solidaire des plus démunis lorsqu’il s’agit de renfloue les banques alimentaires. Les plus fragiles payent la crise d’un système économique et financier qui n’est plus protecteur.

Je tiens donc à assurer que les écologistes soutiennent fortement le gouvernement français et les eurodéputés dans les négociations qui ont lieu à Bruxelles pour la prolongation d’un tel programme.

Alors que la crise ne fait que s’amplifier et que le nombre de demandeurs ne cesse d’augmenter – trois millions de personnes, en France, sont démunies et bénéficient de l’aide alimentaire –, il est fort regrettable que l’enveloppe ne soit pas maintenue à l’identique. De plus, l’ouverture du fonds aux biens autres qu’alimentaires, comme les vêtements, l’aide au logement ou la lutte contre l’exclusion sociale pose question. En soi, il est extrêmement positif que l’échelon européen se saisisse de la lutte contre la pauvreté – il faut aller plus loin et créer une Europe plus solidaire et plus sociale – mais, en ce qui concerne notre fonds, je partage l’avis de certains de mes collègues : le risque est de diluer cette politique, et de rendre sa gestion difficile. Alors que le montant de l’enveloppe baisse pour l’aide alimentaire, on ne peut pas en plus élargir l’assiette des biens éligibles et augmenter le nombre d’États bénéficiaires.

Les associations estiment qu’il est nécessaire de doter le fonds de 4,7 milliards d’euros sur sept ans pour pouvoir assurer des prestations équivalentes. Où trouver l’argent ? Pourquoi ne pas faire basculer une partie du budget de la Politique agricole commune vers le Fonds social européen ? En effet, le cadre pluriannuel européen 2014-2020 est en cours de renégociation et la PAC est en train d’être refondée. On commence à voir plus clair sur les contours de cette nouvelle PAC. Elle devait retrouver une certaine légitimé aux yeux des Européens, puisqu’elle utilise 40 % du budget de l’Union européenne.

Pour ce faire, elle devrait inciter à des pratiques plus durables et garantir à tous une alimentation de proximité et saine. Elle devrait par ailleurs garantir à tous les agriculteurs un revenu décent. Pour cela, il convient de mieux répartir les revenus : à l’heure actuelle, 20 % des agriculteurs bénéficient de 80 % des primes versées au titre de la PAC. Utilisons le plafonnement des aides pour abonder ce budget indispensable ! S’il fallait trouver une justification au plafonnement des aides, la voilà : il convient de les redistribuer.

Si la PAC n’arrive pas à atteindre des objectifs relevant de la politique alimentaire, faisons-le par ce Fonds européen d’aide aux plus démunis. Donnons la priorité aux produits locaux, réalisés en France, distribués par des circuits courts et selon des démarches écologiques. Cela pourrait également accompagner le soutien à la création de filières locales et à la formation aux métiers de l’alimentaire. Il serait par exemple possible de mettre en place des programmes d’insertion assurant une formation à la production, à la transformation et à l’organisation commerciale dans le secteur alimentaire ou agrobiologique. Cela favoriserait la consommation locale, notamment pour les plus démunis.

Le transfert d’une partie des fonds de la PAC serait une solution juste et efficace sur les plans social, environnemental et économique. Elle permettrait, de plus, de contourner le problème précédemment évoqué du cofinancement des projets à hauteur de 15 %. Pour une fois, on ne prêterait pas qu’aux riches.

Madame la ministre, monsieur le ministre, je compte sur vous pour relayer toutes les propositions qui permettront d’abonder durablement le budget du Fonds européen d’aide aux plus démunis. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. Madame la présidente de la commission des affaires européennes, madame la ministre, mes chers collègues, contrairement à la coutume, je crois que les interventions lors de ce débat iront probablement toutes dans le même sens. C’est tant mieux !

Il existe en effet une menace, non plus sur la sauvegarde de l’aide alimentaire européenne aux plus démunis, qui paraît acquise, mais sur son maintien à un niveau correspondant aux besoins. Un véritable sentiment d’urgence s’impose aux responsables de notre pays, qui a été exprimé depuis cette tribune et qui devrait être partagé par l’ensemble des dirigeants et citoyens des autres États.

Le programme européen d’aide aux plus démunis, qui serait remplacé par un nouveau fonds, permet de distribuer des repas à 18 millions d’Européens, dont 4 millions de Français. Ce programme était initialement financé par les excédents de la rubrique 2 du budget de l’Union européenne, c’est-à-dire la politique agricole commune. La PAC n’ayant plus vocation à produire des excédents, il a fallu, à un moment donné, abonder de 500 millions d’euros le budget du PEAD – cette somme étant équivalente au financement jusqu’alors existant.

La décision initiale de la Commission a été alors attaquée en justice par l’Allemagne et par la Suède. Je ne suis pas tout à fait d’accord avec les propos tenus tout à l’heure par M. Le Maire à propos de l’Allemagne. En effet, la Loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne dispose que l’aide aux plus démunis est du ressort de l’État fédéral. Cela explique ses réticences à en assurer un financement significatif. Je note que l’absence de mobilisation outre-Rhin sur ce sujet qui nous préoccupe s’explique aussi par la façon dont les grandes associations caritatives y mobilisent les surplus de denrées consommables et y reçoivent une aide des collectivités locales.

Suite à cela, la proposition de la Commission sur le futur cadre financier pluriannuel européen a repris le principe d’un programme en l’asseyant sur une nouvelle base juridique. Le 24 octobre 2012, la Commission européenne a ainsi publié une proposition de règlement créant un Fonds européen d’aide aux plus démunis. Depuis lors, le sujet fait partie des négociations budgétaires sur le cadre financier pluriannuel.

Venons-en à présent aux enjeux humains et financiers de ce dossier. On estime à 80 millions le nombre de personnes menacées par la pauvreté dans l’Union européenne, dont 43 millions seraient concernées par la pauvreté alimentaire. La flambée des prix des denrées alimentaires n’a fait que rendre plus difficile cette situation. L’insuffisance des moyens prévus pour assurer la sécurité alimentaire des plus fragiles aura des conséquences dramatiques si l’ensemble des associations humanitaires n’ont plus les moyens de travailler. Cela a été rappelé tout au long de cet après-midi.

Par rapport à l’ampleur de ces problèmes, la discussion sur le montant des crédits serait presque dérisoire si leur remise en cause ne compromettait un droit que nous considérons essentiel : celui de manger à sa faim. Le montant du futur programme serait de 350 millions d’euros par an contre 500 millions d’euros auparavant. Rapportée aux presque 151 milliards d’euros de crédits d’engagement et aux 133 milliards d’euros de crédits de paiement du projet de budget européen pour 2013, cette somme représente respectivement 0,2 % ou 0,3 % du budget total. La faire passer de 350 millions d’euros à 500 millions, voire 650 millions d’euros comme cela serait nécessaire pour faire face aux besoins, suppose de faire croître respectivement de moins de 0,1 % ou de 0,2 % les crédits du budget européen. Pour mémoire, les irrégularités détectées par les systèmes de contrôle des crédits européens se sont élevées en 2010 à près de 2,2 milliards d’euros. Les erreurs matérielles affecteraient un peu moins de 4 % des crédits du budget.

Ainsi donc, si les enjeux humains sont énormes pour ceux qui en ont besoin, les enjeux financiers, strictement budgétaires, restent minimes par rapport à la gestion rigoureuse que chacun souhaite. Le dispositif que nous attendons et pour lequel nous nous mobilisons devra en tout état de cause respecter quelques principes. Des crédits devront être dédiés à la solidarité et fléchés pour cela. Les actions devront être efficaces ; les associations sont malheureusement trop souvent les seules à pouvoir les mener au plus près de ceux qui en ont besoin. Enfin, l’utilisation des crédits doit être transparente.

Il faut agir et répondre aux besoins urgents nés de la pauvreté. Mais ce serait une négligence aussi grave que de ne pas lutter contre les causes de la pauvreté. Au-delà de la négociation sur les montants nécessaires à l’aide alimentaire, il convient que des mesures structurelles soient réellement mises en œuvre pour combattre la pauvreté en Europe. Il faut que l’Europe progresse dans le domaine de la fiscalité : cela a déjà été dit. Il faut lancer des politiques ambitieuses de construction de logements sociaux. Il faut aussi favoriser l’emploi : nous en avons débattu hier dans cette assemblée. Il faut effectivement aller dans ce sens-là.

Pour terminer, une attention particulière doit être portée par l’Europe aux infrastructures financées, aux interconnexions qu’elles permettent et à leurs retombées positives en termes d’emplois pour le plus grand nombre. La lutte contre la pauvreté nécessite donc de répondre en urgence aux besoins les plus élémentaire. Elle ne dispense pas et ne dispensera pas de lutter contre les causes de la pauvreté.

Comme le disait Aristote, « c’est en vue d’une vie heureuse qu’on s’assemble en une cité ». La Cité européenne ne doit pas perdre de vue ce qui a motivé ses créateurs il y a cinquante ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Bourguignon.

Mme Brigitte Bourguignon. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, chers collègues, nous sommes tous d’accord pour souligner la nécessité de sauver le dispositif d’aide alimentaire européenne.

Non, l’aide alimentaire aux plus démunis ne doit pas être uniquement du ressort des États Oui, ce qui nous est proposé aujourd’hui par la Commission européenne dénature l’idéal de solidarité que nous attendons de l’Europe. Solidarité pour nos banques, mais pas pour nos pauvres : quelle étrange logique !

Cette proposition intervient alors même qu’un rapport d’Eurostat, publié en décembre dernier, indique qu’un quart de la population européenne est menacé de pauvreté. Pour 18 millions d’Européens, la question n’est pas de savoir ce qu’ils mangeront le soir, mais tout simplement de savoir s’ils pourront manger quelque chose. Nous savons aussi que la position de la France, même si elle est soutenue par un certain nombre d’autres pays, n’est pas forcément majoritaire. Les négociations s’annoncent difficiles.

J’aimerais que, pour une fois, il n’y ait pas de polémique, et que le triste constat de la diminution drastique des moyens alloués aux fonds européens – voire de la disparition même de l’idée d’aide aux plus démunis – ne soit pas attribué au pouvoir en place. Efforçons-nous d’afficher un réel soutien aux négociateurs !

En effet, l’accord conclu il y a deux ans par nos prédécesseurs a validé – un peu trop vite – le principe de la disparition du programme européen d’aide aux plus démunis. Il a mis sérieusement en péril les négociations de février prochain. Certes, un sursis a été obtenu ; mais en échange, l’arrêt définitif du programme a été accepté. Le procès-verbal du Conseil en témoigne – je le cite : « c’est la raison pour laquelle les deux pays ne pourront pas accepter les propositions de nature juridique et financière que la Commission pourrait formuler à l’avenir concernant un tel programme. » Ce procès-verbal est aujourd’hui comme une épine dans le pied de nos négociateurs. Nous savons que certains États membres sauront l’utiliser contre notre soutien au nouveau dispositif proposé aujourd’hui. Ce dispositif, s’il est imparfait, a malgré tout le mérite d’exister.

Il y a donc bien urgence. La première urgence, essentielle, est de sauver l’idée même de l’aide alimentaire européenne. Urgence aussi de ne pas diminuer davantage l’enveloppe financière destinée à lutter contre la misère de nos concitoyens européens, laquelle enveloppe est déjà largement insuffisante dans sa forme actuelle pour répondre aux besoins. Saluons au passage le travail des réseaux d’aide alimentaire qui font des prodiges avec ce qu’ils ont.

Il y a urgence, ensuite, à ne pas dissoudre cette enveloppe dans le Fonds social européen, sans que la répartition proposée entre les différentes dépenses éligibles soit précisée, et sans que l’aide alimentaire – notamment d’urgence – soit clairement fléchée. Il y a urgence, enfin, à ne pas accepter les critères caricaturaux définis par le Conseil européen pour déterminer les bénéficiaires de l’aide alimentaire.

Nous devons réfléchir dès aujourd’hui à des solutions alternatives pour faire face aux besoins des plus démunis de nos concitoyens, dans l’hypothèse où le Conseil européen adopterait le financement tel qu’il est proposé en l’état actuel. La diminution des montants de l’aide alimentaire aurait en effet un impact très important. Par exemple, un certain nombre de procédures destinées à lutter contre le gaspillage doivent être accélérées. Ces procédures valorisent des produits alimentaires qui devaient finir dans des centres de tri et des déchetteries, en favorisant les circuits courts, et en finançant ainsi l’économie locale.

Tout repose sur un constat, que nous devrions entériner, selon lequel les réfrigérateurs de l’Europe sont vides. Mais le sont-ils vraiment ? Un certain nombre d’associations ont déjà avancé des solutions alternatives. J’en citerai quelques-unes que je connais particulièrement bien, pour avoir présidé une association mettant en œuvre l’une d’entre elles : le Panier de la mer, qui récupère les poissons invendus dans les criées de France. Ces poissons, qui devaient être détruits pour des raisons uniquement économiques, sont ensuite transformés dans des ateliers d’insertion et distribués à l’aide alimentaire.

À partir de ces exemples, il me semble indispensable de réfléchir à la création de systèmes de production durables et d’approvisionnement de proximité. Nous savons que le Gouvernement réfléchit déjà à la question du changement des comportements vis-à-vis du gaspillage alimentaire. Un Pacte national contre le gaspillage sera ainsi mis en place. Oui, il convient de trouver des solutions alternatives, mais il faut avant tout pérenniser le fonds d’aide aux plus démunis.

Nous savons pouvoir compter sur vous, monsieur le ministre, et sur le Gouvernement pour transmettre au Conseil européen les inquiétudes que nous avons exprimées au sein de cette assemblée. En ce qui nous concerne, vous aurez tout notre soutien dans les négociations à venir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Biémouret.

Mme Gisèle Biémouret. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires européennes, chers collègues, au moment où la pauvreté augmente dans toute l’Union européenne et dans le monde, et où nos concitoyens les plus démunis ont le plus besoin d’aide, comment envisager que l’Europe fasse défaut ? Comment expliquer à quoi sert l’Europe aux plus sceptiques si elle n’applique pas les valeurs les plus élémentaires de solidarité et d’entraide ? Comment tolérer que la spéculation sur les marchés agricoles nous ait conduits à cette situation ?

L’aide alimentaire n’est pas qu’une question de chiffres ou de concepts. Elle est concrète et permet d’assurer la survie de 18 millions d’Européens, dont 3 millions de Français. Elle n’est pas optionnelle, mais cruciale, face aux conséquences humaines de la crise brutale à laquelle nous sommes confrontés. Elle est nécessaire et vitale à notre pays pour lutter contre la pauvreté et l’exclusion. Elle représente, pour nous, de 23 à 50 % des denrées alimentaires distribuées, soit 130 millions de repas.

Le constat émis par les quatre principales structures de l’aide alimentaire en France, à savoir les banques alimentaires, les Restos du Cœur, le Secours populaire et la Croix-Rouge française est identique : la crise provoque un accroissement sans précédent du nombre de bénéficiaires. Mais, au-delà de la fréquentation, c’est aussi la durée et le renouvellement des recours à l’aide alimentaire qui traduisent la nature et l’ampleur des besoins.

En tant que membre du Conseil national de lutte contre les exclusions, où je représente l’Assemblée, j’ai pu évoquer cette situation avec ces grandes associations bénéficiaires de l’aide alimentaire européenne et leur rappeler l’engagement de la France à défendre avec détermination auprès des autorités européennes la préservation d’un programme européen bénéficiant d’un financement conséquent et suffisant pour assurer l’aide alimentaire dans l’ensemble des pays de l’Union. Mais, dans le dispositif présenté par la Commission, des zones d’ombres subsistent. Le Fonds de solidarité de l’Union européenne tel qu’il existe n’a pas été conçu pour répondre à l’urgence alimentaire. De nouvelles procédures vont devoir être mises en place. Les associations risquent de ne pas toujours avoir les moyens de monter des dossiers complexes de demandes. Par ailleurs, elles ne possèdent pas forcément la trésorerie nécessaire à l’avance de fonds. Or le dispositif tel qu’il existait jusqu’à aujourd’hui constituait pratiquement une des seules politiques solidaires orientées vers les femmes et les hommes plutôt que vers les structures.

Le futur dispositif en discussion présente l’énorme handicap d’être financièrement insuffisamment doté, alors que les besoins ne cessent d’augmenter : entre 115 et 120 millions de personnes vivent actuellement en dessous du seuil de pauvreté en Europe, dont quarante millions n’ont pas accès à une alimentation saine. Nous sommes bien loin de l’objectif que s’était fixé l’Europe d’ici à 2020 d’atteindre le chiffre de vingt millions de personnes et je ne pense pas que ce nouveau dispositif puisse apporter une réponse adéquate. Or non seulement l’enveloppe diminue, mais elle bénéficiera aux vingt-sept pays de l’Union contre dix-huit aujourd’hui. Cela nous amène à la question du cofinancement par les gouvernements. Par exemple, quid des pays en grandes difficultés qui ne pourront pas abonder le Fonds ? Les associations ont besoin de nous et je leur confirme que notre majorité parlementaire ne leur fera pas défaut comme le leur a rappelé le Président Bartolone, lundi dernier, lors de sa conférence de presse à l’Assemblée. Mais je sais aussi que les négociations à venir seront extrêmement délicates, car, si une majorité de pays est aux côtés de la France pour soutenir un tel dispositif, l’idée même de son existence est encore contestée par certains États membres.

L’accord signé par le gouvernement précédent a condamné le PEAD et a malheureusement conforté l’idée que l’aide aux plus démunis était une question interne à chaque État. J’entends ce qu’a dit M. Le Maire et je le crois, mais c’est tout de même le gouvernement auquel il appartenait qui a entériné cette décision ! Dans tous les cas, telle n’est pas notre position et il est temps, aujourd’hui, de rappeler à nos partenaires que la solidarité européenne ne doit pas s’exercer qu’au bénéfice du système financier, mais aussi et avant tout pour les peuples. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christophe Léonard.

M. Christophe Léonard. Madame la présidente, mesdames, messieurs, parfois un mot peut tout changer et vider de sa substance un dispositif même généreux. Cela sera malheureusement le cas du remplacement prévu à la fin 2013 du Programme européen d’aide aux plus démunis – PEAD – par le Fonds européen d’aide aux plus démunis – FEAD –, si le Conseil européen du 7 février prochain maintient en l’état la proposition actuelle de la Commission européenne.

Paradoxalement, alors que l’Union Européenne sait trouver des sommes colossales pour soutenir les marchés financiers, elle ferait alors la démonstration que la solidarité qu’elle organise pour ses concitoyens les plus fragiles est indigne de l’ambition de ses Pères fondateurs.

Mis en place il y a vingt-cinq ans par Jacques Delors, le PEAD qui, avec Erasmus, fait partie intégrante dans l’imagerie mentale de nombreuses générations de l’ADN de l’Europe, proposait initialement d’utiliser les surplus de la politique agricole commune pour aider à la distribution de denrées alimentaires aux plus pauvres. En 2008, les stocks ayant pratiquement disparu, les dons en nature furent remplacés par une enveloppe financière annuelle de 480 millions d’euros dont bénéficient, à ce jour, dix-huit millions d’Européens. Derrière l’aridité des chiffres, il y a, en effet, des hommes et des femmes et leurs familles. Ainsi, en France, les 72 millions alloués par ce programme permettent actuellement de distribuer 130 millions de repas à près de quatre millions de personnes par l’intermédiaire des banques alimentaires, de la Croix-Rouge française, des Restos du Cœur et du Secours populaire français. Ces acteurs associatifs s’inquiètent, à juste titre, de la réforme en cours. La disparition du PEAD dans ses contours actuels occasionnerait, en effet, de facto pour chacune d’elles une perte de 23 à 55 % de leur budget alimentaire annuel. Dans mon département, les Ardennes, où le taux de pauvreté frôle les 20 %, les Restos du Cœur font état d’une hausse de 4 % du nombre de repas distribués à mi-parcours de leur campagne d’hiver 2013. Dès lors, on ne peut que regretter que certains États membres de l’Union européenne et non des moindre tels que l’Allemagne y soient moins sensibles et s’opposent à ce programme de solidarité au motif que, s’agissant d’un programme social, il ne doit relever que des États membres et ne doit pas être financé sur les fonds de la politique agricole commune – la même PAC dont les traités européens fixent pourtant sans équivoque la mission première « d’assurer un approvisionnement suffisant en volume, en qualité et à des prix abordables » aux populations.

À ce stade de mon propos, permettez-moi, tout de même, de saluer à sa juste valeur le volontarisme social retrouvé par M. Le Maire sur ce dossier. Il n’en a pas toujours été ainsi. À cet effet, je vous invite à la relecture enrichissante des minutes du procès-verbal du Conseil européen de décembre 2011 où l’on peut lire que le Gouvernement Sarkozy, Fillon, Copé et Le Maire avait, sans piper mot, entériné la mort en l’état ou le coma artificiel du PEAD au 31 décembre 2013. Cette conversion doit assurément nous encourager dans notre travail de pédagogie et de conviction envers l’ensemble des États membres. Car aujourd’hui, c’est bien la question majeure de la suite qui est posée... Or, tel qu’il est actuellement envisagé par la Commission européenne sur la base d’un compromis entre les États, le Fonds européen d’aide aux plus démunis deviendrait, au 1er janvier 2014, un sous-ensemble du Fond social européen. Avec, sur la période 2014-2020, un budget de 2,5 milliards, la modification proposée représenterait une réduction drastique des crédits de près de 30 % en euros constants. De plus, ce ne serait plus exclusivement un instrument d’aide alimentaire puisqu’il engloberait l’ensemble des aspects de la précarité : alimentation, logement, besoins matériels, exclusion sociale. Il s’agira donc de faire plus avec moins, d’autant qu’il ne constituera pas une création, mais une réaffectation de budgets déjà existants au sein du FSE qui se voit ainsi lui-même amputé. Par ailleurs, si le PEAD ne bénéficiait qu’à dix-neuf États, le FEAD concernera tous les États. Cet élargissement d’assiette accroîtra encore la diminution des fonds alloués aux actuels États bénéficiaires. Enfin, l’aide ne serait plus directement versée aux associations, mais transiterait par les états qui devront la cofinancer à hauteur de 15 %, ce qui, en cette période d’austérité budgétaire, risque de devenir un obstacle majeur à la mise en œuvre de l’aide.

Pour toutes ces raisons, je souscris sans réserve à l’ensemble des propositions portées collectivement par la commission des affaires européennes de notre assemblée à l’initiative de notre collègue Chantal Guittet.

L’action de l’Europe en direction des citoyens européens les plus démunis participe de l’émergence d’une identité européenne, d’une Europe des peuples face à l’Europe de la finance et du repli sur soi, d’une Europe sociale dont la nécessité se fait, chaque jour, plus sensible. Y renoncer, c’est renvoyer l’Europe vers une zone de libre-échange sans âme et rendre vaine toute ambition européenne, toute volonté d’harmonisation sociale, fiscale et environnementale, abandonner toute perspective de politique industrielle et de croissance européenne et même d’Europe de la défense. Dès lors, faisons en sorte de mettre en échec cette tentative assumée de moins-disant social et faisons en sorte que ce débat soit l’occasion d’un sursaut européen économique, social et moral.

Je fais confiance au Gouvernement et à notre ministre chargé des affaires européennes pour porter efficacement cette parole et l’ensemble de ces préoccupations lors du Conseil européen du 7 février prochain. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Madame la présidente Danielle Auroi, je tiens à vous remercier d’avoir organisé ce débat sur le Programme européen d’aide aux plus démunis. C’est là un sujet d’actualité, puisque nous devrons, à l’occasion du Conseil européen du 7 février prochain, discuter du volume du budget européen et définir les conditions dans lesquelles il est affecté aux différentes politiques de l’Union européenne.

J’ai écouté les différents orateurs qui se sont exprimés sur tous les bancs de l’Assemblée. Je voudrais les remercier, toutes tendances politiques confondues, pour la qualité de leur contribution à nos échanges et profiter de l’occasion qui m’est offerte de leur répondre pour apporter quelques informations sur des sujets qui me paraissent essentiels pour la clarté de nos débats et pour préciser les conditions dans lesquelles nous allons conduire la négociation dans les jours qui nous restent afin d’élaborer un bon budget en faveur de l’Union européenne et, plus particulièrement, en faveur des plus démunis.

J’insisterai, tout d’abord, sur les faits. Il me semble important, surtout lorsque l’on appelle à l’unité politique, de bien rappeler les événements qui ont jalonné les discussions qui se sont déroulées entre les partenaires de l’Union européenne depuis de nombreux mois autour des enjeux de l’aide aux plus démunis. La politique d’aide aux plus démunis a été, jusqu’à présent, adossée à la politique agricole commune. Ainsi, en 1987, l’existence de surplus agricoles a conduit les pays de l’Union européenne à proposer d’en affecter une partie à l’aide alimentaire directe. Les réformes successives et les évolutions qu’a connues la politique agricole commune ont entraîné la diminution de ces surplus agricoles. La Commission européenne a, alors, compensé leur disparition par une aide financière prélevée sur le budget de la politique agricole commune. Or le financement du Programme d’aide aux plus démunis au titre de la politique agricole commune, parce que sans fondement législatif, faisait reposer cette contribution sur des bases légales fragiles. Les Allemands, en désaccord avec le financement de ce programme, ont profité de la faiblesse de la base légale du PEAD pour interroger la Cour de justice de l’Union européenne, laquelle leur a donné raison. À partir de ce moment, il a été proposé de trouver des solutions pour maintenir ce programme en y affectant des sommes. Une minorité de blocage s’est, alors, constituée au sein de l’Union européenne qui a conduit au moins six pays de l’Union à s’opposer à ce qu’une solution soit trouvée. Les Français ont souhaité que l’on maintienne jusqu’en 2013 le financement de ce programme, mais ils l’ont fait, et il convient de le rappeler, car ce sont des faits incontestables, au prix d’un accord passé avec les Allemands aux termes duquel notre pays s’engageait à ne plus rien demander au titre de ce programme en faveur des plus démunis. Dans une déclaration commune inscrite au procès-verbal du Conseil, il était indiqué par les gouvernements français et allemand que les conditions n’étaient pas réunies pour la présentation par la Commission et l’adoption par le Conseil d’une proposition relative à un nouveau programme pour l’après 2013 et qu’ils ne pourraient pas accepter les propositions de nature juridique et financière que la Commission pourrait formuler, à l’avenir, concernant un tel programme. Cela signifie, très concrètement, que nous avons acté qu’il n’y avait ni d’issue juridique ni d’issue financière pour que ce programme puisse demeurer dans le temps.

Monsieur le député Arnaud Richard, vous appelez au consensus. Je suis tout à fait favorable au consensus et à l’unité politique parce qu’il est des moments où il convient de dépasser les clivages. Mais on dépasse d’autant mieux ces clivages que l’on connaît l’endroit d’où l’on part et la direction vers laquelle on veut aller ! Vous nous indiquez que nous devons faire aussi bien que le gouvernement précédent. Nous n’aurons pas de mal, puisqu’il a acté la disparition du programme ! Cela figure dans le compte rendu du Conseil européen. Donc faire mieux que le précédent ne sera pas un exercice très difficile, puisque nous partons, aujourd’hui, d’une situation où il n’existe plus aucun fondement juridique à l’existence de ce programme et qu’il a fallu que nous nous battions, dans le cadre de l’élaboration du budget de l’Union européenne pour la période 2014-2020, afin de réinscrire ce programme. Comme nous ne voulons pas qu’il fasse l’objet d’une discussion compromettant son avenir et qu’il soit aussi fragile juridiquement que l’était le précédent, mais qu’il dispose de bases légales lui permettant d’être stabilisé, donc de ne plus être remis en cause, nous avons demandé à ce qu’il soit rattaché à la politique de cohésion au titre du FSE.

Je vous rassure donc, monsieur le député, ainsi que M. Le Maire, nous sommes bien déterminés à nous battre pour que ce programme soit doté. Vous nous invitez à faire aussi bien qu’avant. Ce ne sera pas difficile puisque nous partons de rien, et nous essaierons de faire en sorte que le budget et les textes législatifs permettant son affectation en garantissent la prorogation.

Un grand nombre d’entre vous, Mme Guittet, dont je salue le travail, M. Chassaigne, M. Léonard, ont évoqué les problèmes posés par l’arrimage de ce programme au Fonds social européen.

J’ai reçu ce matin avec Marie-Arlette Carlotti l’ensemble des représentants des associations, qui sont mobilisées, pour leur expliquer où en était la négociation et pourquoi nous avions finalement intérêt, en dépit des inconvénients que cela représentait, à arrimer ce programme au Fonds social européen. D’abord, c’est le pérenniser, parce que nous aurons la base législative garantissant qu’il ne sera pas remis en cause année après année. Par ailleurs, une négociation budgétaire au sein de l’Union européenne, ce sont des discussions sur un volume budgétaire, et ce sont des discussions sur les textes législatifs élaborés en codécision par le Parlement et la Commission qui permettront de déterminer les conditions d’affectation de ces sommes. Lors de l’élaboration des bases légales à partir desquelles on affectera ces sommes, nous pourrons donc prévoir des conditions de souplesse qui permettront aux associations de ne pas subir de préjudice en raison du rattachement de ces fonds au FSE.

Nous devrons être très vigilants, les parlementaires européens mobilisés, le gouvernement français attentif, et nous devrons continuer à travailler collectivement pour que les bases législatives qui permettront l’affectation des sommes soient bien conformes à ce que les associations attendent. Nous en avons parlé de façon très approfondie avec elles ce matin et nous serons très vigilants sur ce point.

Vous avez raison, monsieur Richard, 2,5 milliards, ce n’est pas suffisant, mais, lorsque nous sommes arrivés il y a six mois dans la négociation avec nos partenaires européens sur le budget de l’Union européenne pour la période 2014-2020, la position française était alignée sur celle du gouvernement britannique, qui demandait 200 milliards de coupes. Par ailleurs, on avait promis le maintien intégral du budget de la politique agricole commune. Le précédent gouvernement voulait une diminution de 200 milliards du budget de l’Union européenne comme le demandent les Britanniques et le maintien de la politique agricole commune.

Moi, je ne sais pas comment on peut diminuer l’enveloppe de 200 milliards en maintenant le budget de la politique agricole commune tout en maintenant les autres budgets, voire en les augmentant. Pour réussir une telle équation, il fallait avoir un talent dont nous ne disposons pas, je le reconnais bien volontiers, qui consiste à dépenser plus avec moins d’argent. Je ne sais pas le faire, c’est la raison pour laquelle nous n’avons pas repris la position du précédent gouvernement, nous n’avons pas souhaité qu’il y ait 200 milliards de coupes dans le budget de l’Union européenne.

Pour un certain nombre de pays, la négociation à vingt-sept sur le budget de l’Union européenne doit se réduire à des discussions sur des coupes dans le budget et des rabais et des chèques pour les États. Tel n’est pas notre cas. Lorsque nous serons autour de la table du Conseil européen la semaine prochaine, nous aurons à discuter avec bien des pays qui demanderont des coupes, drastiques, dans le budget, et des chèques pour eux-mêmes. Nous, nous ne voulons pas que le budget connaisse des coupes supplémentaires et nous ne demandons pas de chèques pour nous. Nous voulons un bon budget pour la croissance. Aujourd’hui, le budget de l’Union européenne consacré à la croissance, la rubrique 1a, augmente de 57 %, le programme Connecting Europe,pour la transition énergétique, les transports propres, la numérisation du territoire, de 400 %. Nous n’avons pas envie que ces sommes soient amputées et nous avons bien envie que le PEAD soit augmenté. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons changé de stratégie sur le budget de l’Union européenne en ne demandant pas des coupes et des chèques pour nous-mêmes.

Voilà quel est le cadre de la négociation. Ce sera difficile. Ce matin, lorsque nous avons reçu les associations, je n’ai pas souhaité qu’on leur raconte que les choses étaient réglées et que nous obtiendrions satisfaction au mois de février. L’Europe, c’est un combat. Cela ne se décrète pas, cela se construit. On mène des luttes, et on obtient des résultats parce que l’on essaie d’y mettre du cœur, de l’énergie, des convictions, une vision, et d’emporter les doutes de tous ceux qui ne sont pas en accord avec nous.

Monsieur Léonard, l’Europe en tant qu’institution n’a mobilisé aucun moyen pour la finance. Pas un euro n’a été mobilisé au titre du budget de la Commission. C’est contraire aux orientations de l’Union européenne, cela ne correspond pas à l’affectation de ses budgets. Les seuls moyens mobilisés par les pays de l’Union européenne l’ont été par le biais des mécanismes européens de stabilité, le fonds européen de stabilité financière, financé par les États et non par les institutions européennes, et pour venir au secours non pas des banques mais des États. La mobilisation de ces fonds pour recapitaliser les banques a dispensé les États de faire appel aux marchés financiers à des taux d’intérêt qui auraient ruiné les efforts de rétablissement de leurs comptes réalisés par ailleurs.

Nous avons donc un combat à mener, nous allons le mener avec détermination, et nous rendrons compte devant la représentation nationale des résultats que nous avons obtenus. Sachez, toutes tendances confondues dans cet hémicycle, que le Gouvernement français est absolument déterminé à faire en sorte que ce programme d’aide aux plus démunis soit correctement doté. Nous travaillerons en très étroite liaison avec les associations, dont les bénévoles donnent leur temps sans compter. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et UDI.)

Mme la présidente. Le débat est clos.

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Débat sur la politique de l’hébergement

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat sur les suites du rapport présenté au nom du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur la politique de l’hébergement.

La parole est à Mme Danièle Hoffman-Rispal, rapporteuredu comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques.

Mme Danièle Hoffman-Rispal, rapporteure du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques. Madame la présidente, madame la ministre du logement, mes chers collègues, je suis ravie de présenter devant vous ce rapport d’information du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques intitulé « pour un service public efficace de l’hébergement et de l’accès au logement des plus démunis », réalisé conjointement avec mon collègue Arnaud Richard, que je remercie d’avoir demandé qu’un tel débat ait lieu aujourd’hui en séance.

Je remercie tout particulièrement la Cour des comptes, avec laquelle, pour la première fois, nous avons travaillé en toute intelligence, presque main dans la main. Ce rapport est le fruit d’une collaboration très enrichissante dont nous pouvons nous réjouir et que nous devons poursuivre.

Les constats et les propositions semblent aujourd’hui un peu datés, et nous ne pouvons que nous réjouir que plusieurs avancées aient été réalisées à ce jour, comme la modification de l’article 55 de la loi SRU, déjà votée, qui va même encore plus loin que ce que nous préconisions dans le rapport. C’était l’un des soixante engagements du candidat François Hollande. Il a été tenu, et je m’en réjouis.

Par ailleurs, les annonces faites par le Premier ministre lors de la conférence nationale contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale de décembre dernier vont dans le sens des préconisations de notre rapport, et nous ne pouvons que les soutenir. En voici quelques-unes, mais ce n’est pas exhaustif : construction de 150 000 logements sociaux par an, 4 000 places d’hébergement d’urgence en plus en 2013 ainsi que 4 000 places en CADA, ouverture dans le plan hiver 2012-2013 d’un nombre de places pouvant aller jusqu’à 19 000, et, surtout, ce que vous appelez la fin de la gestion « au thermomètre » du dispositif d’hébergement d’urgence. Nous savons à quel point il n’est plus tenable de voir des gens logés la nuit repartir le lendemain matin ou à la fin de l’hiver et retrouver les mêmes conditions de vie inacceptables.

Encore plus récemment, le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale adopté lors du comité interministériel de lutte contre les exclusions le 21 janvier 2013 annonce des mesures qui répondent à l’urgence tout en réduisant les inégalités, prévoit de coordonner et de mutualiser l’action sociale en la matière et met en valeur le volet primordial qu’est l’insertion. Cette initiative est une réelle avancée, madame la ministre, mais les mots doivent être suivis d’actes. Vous avez une volonté très ambitieuse et je la soutiens.

L’un des objectifs de votre nouveau projet de loi est de lutter efficacement contre les expulsions locatives. La mise en œuvre de la garantie universelle et solidaire devrait permettre de détecter plus tôt les impayés de loyer pour déclencher si besoin un accompagnement. C’est l’un des points forts de notre rapport, qui nous a le plus mobilisés avec Arnaud Richard, car nous pensons vraiment que, si nous pouvons éviter l’expulsion, une partie du problème sera résolue.

Cette mission, confiée à la DIHAL, la délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement, doit s’accompagner d’informations claires, de dispositifs plus simples, plus précis, en direction des bailleurs publics, qui connaissent les mécanismes, mais encore plus des bailleurs privés, qui, eux, ne les connaissent pas.

La politique du « logement d’abord » n’avait de sens que s’il y avait des logements, et nous voyons bien que là se trouve toute la difficulté, à travers les demandes des ménages titulaires d’un DALO et les attributions en zone tendue, dont, bien sûr, la région parisienne. C’est en réponse à ce phénomène que vous avez annoncé la mise en œuvre d’un plan d’urgence afin de mobiliser des logements nouveaux pour accueillir les ménages reconnus prioritaires DALO.

Nous évoquions également dans ce rapport le manque cruel de maisons relais et de pensions de famille, ce qui primordial pour certains publics avant de retourner vers un logement. Vous évoquez, dans le plan pluriannuel, le renforcement des places en maisons relais. J’aimerais savoir quel est l’objectif visé.

Nous considérons avec les associations qu’il y a aujourd’hui 150 000 personnes sans-abri pour environ 83 000 places d’hébergement et 19 000 places à ouvrir. J’espère que l’enquête de l’INSEE sur le « sans-abrisme » prévue pour cette année verra le jour afin que nous ayons des données plus claires sur ce phénomène insupportable.

La politique de l’hébergement est une politique transversale, qui doit prendre en compte la diversité des situations. C’est une politique de lutte contre toutes les formes d’exclusion que propose le Gouvernement, ainsi qu’un décloisonnement des politiques sociales, car tout est lié.

Madame la ministre, ce sera long, difficile. Vous pouvez compter sur mon soutien parce que, là où se trouve la volonté, il existe le chemin. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Arnaud Richard. Très bien.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard, rapporteur du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques.

M. Arnaud Richard, rapporteur du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il est toujours difficile de prendre la parole cinq minutes après un travail de presque une année d’évaluation et de contrôle d’une politique publique qui est certainement l’une des plus délicates et des plus complexes dans notre pays, même si elles le sont toutes.

Je tiens moi aussi à saluer les conditions dans lesquelles nous avons travaillé. Je salue les services de l’Assemblée, le comité d’évaluation et de contrôle, l’ensemble des membres de la Cour des comptes et de l’administration qui nous ont accompagnés pour produire un rapport qui, je crois, fait assez référence en la matière, et c’est une vraie satisfaction.

Je salue le fait de vous retrouver toutes les deux au banc, madame la ministre, madame Hoffman-Rispal. Nous avions quelques petites inquiétudes pendant ces travaux mais vous avez trouvé une solution et j’en suis très heureux.

En menant ce travail sérieux et transpartisan, nous avons rencontré des situations très difficiles, au centre d’accueil et de soins hospitaliers de Nanterre notamment.

L’appui de la Cour des comptes s’est révélé essentiel dans un domaine où l’anathème et les postures sont souvent de mise, et sur un sujet complexe, à la croisée de la précarité, du quart-monde français, de l’asile et du logement social, qui touche en somme à l’ensemble des politiques sociales.

Le travail que nous avons réalisé me donne à penser – ne le prenez pas mal, madame la ministre (Sourires) – que les propositions que vous faites s’inscrivent, malgré quelques petits changements, dans la continuité de la politique publique menée par votre prédécesseur, Benoist Apparu, et, avant lui, par Catherine Vautrin, Marc-Philippe Daubresse ou Nelly Olin. C’est heureux.

Nous prenons acte des propositions faites il y a quelques jours par le Gouvernement sur l’hébergement et le plan quinquennal de lutte contre la pauvreté, l’augmentation du nombre de places de CADA – centre d’accueil pour demandeurs d’asile – et d’hébergement d’urgence, comme la volonté réaffirmée de développer l’intermédiation locative. Pour autant, ces annonces interviennent, alors que les diagnostics territoriaux ne seront réalisés par les préfets qu’au 1er trimestre 2013.

Par ailleurs, si elles marquent une différence par rapport aux positions défendues par Benoist Apparu, elles masquent mal que l’orientation globale de votre politique demeure proche de ce qu’ont réalisé les précédents gouvernements avec les SIAO – services intégrés d’accueil et d’orientation – et les CCAPEX –commissions de coordination des actions de prévention des expulsions. La refondation qui avait était entreprise se poursuit donc, et je m’en félicite. Elle n’était pas parfaite et beaucoup restait encore à faire, mais le sillon creusé l’était assez profondément.

Le gouvernement actuel met l’accent sur la construction et l’élargissement de l’offre de logement pour les plus défavorisés : c’était déjà l’engagement pris par la nation, dans le cadre de la première loi de programmation sur la cohésion sociale, portant sur les années 2005 à 2010.

Je sais, pour être membre du CNLE, le Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, et avoir œuvré, aux côtés de son président, Étienne Pinte, auprès du précédent Premier ministre, que la question du mal-logement et des sans-domicile-fixe méritait d’être intégré à un plan d’ensemble. Vous l’avez fait, et c’est une bonne chose pour qui veut remettre de la cohérence dans les politiques publiques.

Danièle Hoffman-Rispal l’a dit, beaucoup de nos préconisations ont été, sont ou seront mises en œuvre. Nous nous en félicitons car elles correspondent aux attentes de tous les acteurs qui œuvrent dans ce domaine. J’ai confiance en la capacité de notre pays à résoudre ce problème lourd et complexe, loin de l’anathème et des postures.

Vous vous engagez à construire 150 000 logements par an. C’est courageux, et je vous demanderai si vous pensez pouvoir vous y conformer dès 2013, car cette production massive de logements sociaux est indispensable pour la réussite du plan d’ensemble.

Pour résumer notre rapport, je citerai, sans le tronquer, un ancien élu des Yvelines, Michel Rocard, selon qui « la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, mais elle doit en prendre fidèlement sa part ». On a longtemps oublié de finir le propos de Michel Rocard, ce qui était assez inconvenant à son égard. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Reprenant ces propos, je suis convaincu que notre pays est un État de droit et que nous devons respecter les conventions de Genève sur l’asile, mais pas plus. Pour cela, et face à la raréfaction des finances publiques, il me semble nécessaire de désengorger les structures d’hébergement d’urgence et de réinsertion sociale par une meilleure prévention des expulsions locatives ; par des financements pluriannuels et des budgets sincères – mais je sais que, dans la négociation que vous menez avec le ministère des finances, vous vous y employez, madame la ministre ; par un renforcement des dispositifs du logement d’insertion que sont les maisons relais, les pensions de famille ou l’intermédiation locative, à laquelle je crois beaucoup ; par une réorganisation de l’État au niveau local comme national, cohérente et stable ; par des financements et des lignes budgétaires souples entre les programmes, que ce soit pour les démunis ou les exclus ; par une meilleure articulation enfin entre les actions menées par l’État et par les collectivités locales, notamment les conseils généraux.

Malgré la brièveté de mon propos, je me devais de saluer l’ensemble des associations et des bénévoles qui œuvrent dans ce secteur. Il s’agit en effet d’une politique massivement financée par l’État mais s’appuyant pour l’essentiel sur des opérateurs associatifs. Il faut ici leur rendre un grand hommage, comme nous l’avons fait lors du débat précédent, sur l’aide alimentaire aux plus démunis.

L’inconditionnalité a toujours été réaffirmée, par tous les présidents de la République, qu’il s’agisse de Jacques Chirac, de Nicolas Sarkozy ou de François Hollande. C’est la grandeur de la France, même si je demeure convaincu qu’il faudra sans doute, compte tenu des financements de plus en plus réduits, savoir être innovants et faire preuve de volontarisme pour affronter cette question sensible. Et je vous fait entièrement confiance, madame la ministre, pour ne pas oublier les « SDF invisibles », ceux qui vivent dans leur voiture ou dans une cage d’escalier, loin des regards et des médias. Ils sont une frange de ce quart-monde français auquel nous devons apporter une réponse politique. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à Mme Sonia Lagarde.

Mme Sonia Lagarde. Madame la présidente, madame la ministre, madame et monsieur les rapporteurs, chers collègues, « triste période que celle que nous vivons, quand ceux qui sont déjà privés de tout et n’ont d’autre recours que la rue ne trouvent plus de réponses à leur détresse ». Ces mots de Jean Claude Driant, de la Fondation Abbé-Pierre, illustrent bien toute l’étendue des enjeux du débat que nous avons aujourd’hui. En effet, s’interroger sur notre politique d’hébergement d’urgence, c’est au fond s’interroger sur le modèle de société que nous souhaitons construire : voulons-nous une société de la main tendue, ou une société du poing fermé ?

Le rapport rédigé au nom du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur la politique de l’hébergement d’urgence est une somme, comme l’on disait autrefois des traités ou des œuvres de référence présentant l’état complet des connaissances et des réflexions sur un sujet.

Aussi, avant d’en aborder quelques-uns des aspects les plus saillants et les plus nécessaires, permettez-moi d’adresser au nom de mes collègues du groupe UDI nos remerciements et nos félicitations pour leur travail remarquable à ses deux rapporteurs, Danièle Hoffman-Rispal et Arnaud Richard. Nos remerciements s’adressent également à la Cour des comptes qui, en vertu de l’article 47-2 introduit dans la Constitution en 2008, a prêté assistance à nos rapporteurs, en produisant un rapport d’évaluation de la politique publique d’hébergement des personnes sans domicile, rapport qui a fourni le socle indispensable à certaines des propositions de nos deux rapporteurs.

L’alternance politique et une forme de hasard du calendrier parlementaire nous amènent aujourd’hui à examiner ce travail pour suggérer les suites qui pourraient lui être données, plus de deux ans après que le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques a diligenté cette mission ; c’était le 28 octobre 2010.

Mais le hasard fait parfois bien les choses, puisque le Premier ministre a présenté lundi dernier un plan national de lutte contre la pauvreté, qui prévoit notamment la création de 9 000 places nouvelles pour l’hébergement classique et l’accueil des demandeurs d’asile.

Ce plan se fonde sur un rapport ambitieux, qui nous semble s’inscrire dans la continuité de celui qui est soumis à notre discussion. Il propose notamment que la législature soit structurée par l’adoption rapide d’une loi de programmation, valable pour l’ensemble des volets du plan de lutte contre la pauvreté et l’inclusion sociale. Pour les questions relatives aux personnes sans abri ou mal logées, il propose d’opérer dans l’immédiat, au premier trimestre 2013, un diagnostic territorial complet, de la rue au mal-logement, en passant par l’habitat indigne.

Et sous l’appellation « 20 000 solutions nouvelles », il propose pour l’année 2013, la mise en service de 10 000 logements ordinaires ou accompagnés – résidences sociales ou pensions de famille – et de 10 000 en réponse hébergement – dont 5 000 places généralistes et 5 000 en CADA –, auxquelles devrait idéalement s’ajouter la budgétisation de 5 000 places d’accompagnement social.

Pour mémoire, le Gouvernement a prévu en 2013, sur le volet hébergement, 4 000 créations de places généralistes. Le rapport évoque aussi l’engagement du Président de la République d’ouvrir 15 000 places nouvelles sur l’ensemble du quinquennat.

La concordance des temps entre ces deux rapports est de bon augure, même si elle aurait pu utilement se traduire par une discussion coordonnée, initiée, pourquoi pas, dans cette enceinte.

D’autant que, dans la loi de finances initiale pour 2013, les crédits du programme 177 se situent à un niveau très légèrement en retrait par rapport à l’exécution 2011, ce qui pose la question de la capacité de créer effectivement les 4 000 places d’hébergement d’urgence supplémentaires en 2013.

Il ne s’agit évidemment pas de dire que les solutions sont simples et qu’elles se résumeraient aux seules données budgétaires. Mais si l’on commence par là, il me semble préférable de ne pas promettre ce que l’on n’est pas assuré de pouvoir tenir.

Le sujet est sensible. Mais il est également complexe. La politique du logement d’urgence, c’est, en effet, un grand écheveau, constitué d’une myriade d’acteurs : l’État, les conseils généraux, les centres d’hébergement, les maisons d’accueil, les structures d’accueil de jour et de nuit, les SAMU sociaux, les locaux du 115. Dans cet écheveau constitué de compétences diverses et de situations humaines et territoriales singulières, la politique d’hébergement d’urgence apparaît comme un continuum, qui commence avec la veille sociale, travail de premier contact des médiateurs et des maraudes. Elle se poursuit avec l’hébergement d’urgence proprement dit, qui comprend le gîte, le couvert, l’hygiène et une première évaluation médicale, psychique et sociale. Mais elle concerne également l’hébergement d’insertion, fourni par les centres d’hébergement et de réinsertion sociale, les CHRS. Enfin, elle vise un ensemble de prestations que sont notamment le suivi médico-social, l’intermédiation locative, ou encore l’accompagnement vers et dans le logement.

Il ressort de ces premiers constats que la réflexion sur l’hébergement doit faire l’objet d’une pensée globale et d’une réforme d’ensemble. Cela veut dire très simplement que la réussite d’une politique pour le « logement d’abord » – je cite les rapporteurs – passe par la constitution d’une chaîne intégrée, allant de la mise à l’abri la plus urgente à l’accès au logement de droit commun. C’est le sens de ce rapport, qui vise plusieurs pistes fondamentales pour y parvenir.

Il apparaît d’abord d’évidence que l’offre n’est pas parvenue à la hauteur de la demande. 87 400 places d’hébergement d’urgence ont été financées en 2010, alors que la Cour des comptes évalue le besoin à 150 000 places. Il resterait donc 62 500 places manquantes à financer.

Ce constat a permis de mettre en exergue le coût de cet hébergement d’urgence, qui apparaît supérieur à celui d’un logement adapté, alors même que les prestations d’habitation y sont de moindre qualité. Les rapporteurs ont donc très justement recommandé de fluidifier le système, afin de favoriser les sorties positives vers le logement, ce qui permettrait d’augmenter le nombre de places en logement adapté et de créer les conditions d’un accompagnement social dans le logement.

Mais le même constat a conduit les rapporteurs, qui se sont interrogés sur le sujet, à viser une meilleure corrélation entre l’offre et la demande, ainsi qu’une plus fine coordination entre tous les acteurs, qui ont pu, ici et là, développer une activité calée sur un périmètre très localisé. La conclusion des rapporteurs est claire : il est indispensable que l’État demeure le maître d’œuvre d’un service public de l’hébergement.

Ce principe d’organisation doit obéir à une stratégie d’efficience, qui permette une meilleure réactivité du service public, un chemin plus rapide vers le droit commun et, au final, une réduction du nombre des personnes vivant dans la rue. Il suppose une action conjointe de l’État et des conseils généraux.

Les rapporteurs identifient précisément les outils de cette politique coordonnée.

Il s’agit des commissions de coordination des actions de prévention des expulsions locatives, pour mieux les prévenir.

Il s’agit également des services intégrés d’accueil et d’orientation, ainsi que des plans départementaux d’accueil, d’hébergement et d’insertion pour mettre en relation et en adéquation l’offre et la demande d’hébergement et de logement.

Enfin, pour réussir le « logement d’abord », les rapporteurs proposent de créer des logements sociaux, notamment des logements très sociaux, de développer l’intermédiation locative et les maisons relais, de sortir de l’hébergement conventionnel toute personne apte à habiter un logement et d’accompagner socialement les personnes qui en intègrent un.

Cette politique volontariste de production de logements doit trouver écho auprès de l’État, mais elle ne saurait se limiter à la seule France métropolitaine, car la question du logement est centrale outre-mer, particulièrement en Nouvelle-Calédonie, d’où je viens et où les pouvoirs publics se contentent de légaliser les squats plutôt que de construire. On peut le déplorer.

Les opérateurs associatifs doivent occuper une place majeure dans cette refondation aussi sera-t-il important que le monde des travailleurs sociaux étende son activité au-delà des murs des centres d’hébergement, en direction des personnes qui ont besoin d’être accompagnées socialement dans leur logement.

Rappelons, pour conclure, que la pauvreté frappe aujourd’hui 8,6 millions de personnes. Nous ne pouvons rester immobiles face à des chiffres qui explosent. La crise de plus en plus aiguë n’épargne personne car les hausses conjuguées du chômage et du coût de la vie ne cessent d’aggraver l’exclusion.

La représentation nationale a le devoir d’agir et d’agir rapidement.

Vous l’avez compris, le groupe UDI est favorable à l’ensemble des propositions des rapporteurs. Il est évident que beaucoup reste à faire en matière de lutte contre la pauvreté, mais l’Abbé Pierre disait : « On ne peut pas, sous prétexte qu’il est impossible de tout faire en un jour, ne rien faire du tout. » (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Barbara Pompili.

Mme Barbara Pompili. La crise du logement touche chacun d’entre nous, de près ou de loin. Nous connaissons tous des familles, des proches, qui, à un moment ou un autre, ont été confrontés au problème du mal-logement ou d’une expulsion.

À ma permanence, à Amiens, des habitants viennent régulièrement me faire part de leurs difficultés et de leur détresse à ce propos.

Aujourd’hui, à la demande du groupe UDI, nous pouvons nous exprimer sur cet enjeu et sur les obstacles auxquels sont confrontés nos concitoyens pour se loger dignement ou, tout simplement, pour ne pas être à la rue, en débattant des suites données au rapport d’information du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques relatif à la politique de l’hébergement d’urgence.

Par ses nombreux constats, ce rapport du 26 janvier 2012 témoigne des insuffisances de la politique menée par la précédente majorité face à l’urgence que représente l’hébergement et à la situation de détresse de milliers de personnes.

M. Arnaud Richard, rapporteur. C’est un peu excessif !

Mme Barbara Pompili. Certes, le fait que la situation se soit dégradée ces dernières années a des causes multiples, mais l’ancien gouvernement porte sa part de responsabilité.

M. Arnaud Richard, rapporteur. Heureusement que vous êtes là ! (Sourires.)

Mme Barbara Pompili. Si le gouvernement de l’époque s’est préoccupé du problème du logement, il a en effet délaissé celui de l’hébergement d’urgence.

Derrière un discours affichant une volonté de réforme, c’est en fait une politique restrictive, y compris sur le plan budgétaire, qui a été menée, sans considération des besoins réels et de leur aggravation.

Afin de remédier à la crise du logement qui touche de façon dramatique les plus démunis d’entre nous, l’excellent rapport de Danièle Hoffman-Rispal et d’Arnaud Richard comporte de nombreuses et très opportunes propositions.

Là est l’intérêt de ce débat : s’intéresser, à partir du douloureux bilan de la situation de l’hébergement d’urgence, aux propositions d’actions contenues dans ce rapport et mesurer combien la crise du logement à laquelle nous sommes confrontés exige des réponses fortes, un changement d’approche et un profond volontarisme.

C’est justement ce à quoi s’emploie le nouveau gouvernement. J’y reviendrai plus tard.

À quelle situation la nouvelle majorité doit-elle faire face ? Il manque encore aujourd’hui en France plus de 900 000 logements et pas moins de 3,6 millions de personnes sont mal logées ou sans abri, parmi lesquelles 600 000 enfants.

L’habitat est devenu un facteur déterminant, sans doute le facteur majeur, de la précarisation accrue d’une partie de la population, du fait de la hausse incontrôlée des prix du foncier et des loyers, mais également du renchérissement du coût de l’énergie.

Du fait de l’aggravation de la crise économique, la situation s’est encore dégradée pour les familles pauvres, les demandeurs d’asile, les jeunes sans ressources. En France, 23 % des jeunes sont pauvres.

Ces personnes se trouvent souvent, par défaut, dans des structures inadaptées à leur situation et en sortent avec beaucoup de difficultés, faute d’alternatives.

Selon le dernier baromètre du 115, rendu public le 14 janvier dernier, les demandes d’hébergement ont augmenté et certains territoires, jusque-là préservés, rencontrent aujourd’hui des difficultés, comme la Dordogne, le Jura, le Morbihan, la Drôme ou encore les départements d’outre-mer.

La sociologie de ces appelants fait apparaître que les demandeurs d’hébergement sont majoritairement des familles. Or, ce sont elles qui essuient le plus de refus, les structures adaptées susceptibles de les recevoir étant nettement moins nombreuses.

Faute de places, certains départements doivent faire jouer l’alternance pour répondre au plus de demandes possible.

De plus en plus de territoires sont aujourd’hui en flux tendu et les travailleurs sociaux ont d’énormes difficultés à faire face à ce raz-de-marée de pauvreté et de précarité. C’est pourquoi la territorialisation des politiques est nécessaire.

À cet égard, la mission de suivi, d’évaluation et de déclinaison territoriale du plan de lutte contre la pauvreté va dans le bon sens.

La bonne coordination de l’ensemble des acteurs concernés au niveau local est également un impératif : État, collectivités territoriales et associations doivent travailler main dans la main pour relever le défi de la lutte contre la pauvreté et de la crise du logement.

La participation de tous est nécessaire car la nouvelle majorité a bel et bien hérité d’une situation de crise en matière de logement.

La logique du « tous propriétaires » promue par la précédente majorité était très dangereuse, représentant un leurre prompt à endetter les ménages, creuser les inégalités et aggraver l’étalement urbain, sans pour autant permettre aux plus modestes d’accéder à la propriété.

Le chantier est titanesque et la refondation, telle que plaidée dans le rapport, urgente et nécessaire.

Le logement est devenu, avec l’emploi, l’une des préoccupations principales des Français et une question fondamentale pour nous, écologistes.

D’ailleurs, face à la crise, le logement est devenu un élément constitutif de l’attractivité et du dynamisme de notre économie. Selon une récente étude de l’OCDE, une hausse de 10 % du prix des logements fait ainsi baisser de 1,5 % les exportations, entraîne un gel de l’épargne et bloque la mobilité professionnelle.

Nous pouvons donc nous réjouir que le ministère du logement ait été confié à une écologiste. Ministre de plein exercice et numéro six dans l’ordre protocolaire gouvernemental, voilà qui témoigne de la priorité accordée par la majorité à la politique du logement.

Ce nouveau gouvernement a relevé le défi de la crise du logement et a su tenir compte des préconisations de ce rapport.

Des mesures fortes ont d’ores et déjà été prises ou annoncées, qu’il s’agisse de la loi sur le logement social et la mobilisation du foncier, qui a été votée, du futur projet de loi cadre sur l’urbanisme et le logement pour tous, ou des différentes mesures annoncées sur le volet logement dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale.

Le rapport dont nous débattons aujourd’hui appelle à une « refondation » de la politique de l’État en matière d’hébergement et d’accès au logement. C’est exactement en ce sens que travaille la majorité !

La politique que vous menez, madame la ministre, reprend d’ailleurs la plupart des propositions de ce rapport.

Je prendrai un seul exemple, celui du déficit du nombre de places d’accueil d’urgence.

Pourquoi ce rapport préconise-t-il de mettre en place rapidement un service public efficace de l’hébergement et de l’accès au logement des plus démunis ? Parce qu’en France des dizaines de milliers de personnes dorment chaque nuit dans la rue.

En 2011, lorsque les auditions pour ce rapport ont été réalisées, le nombre de places d’hébergement était évalué à 80 000 pour 150 000 personnes sans domicile ! Et ce déficit n’est pas que saisonnier, ce qui explique que le rapport appelle à la pérennisation tout au long de l’année des places d’hébergement supplémentaires ouvertes l’hiver.

Pour répondre aux défis de l’hébergement d’urgence, le Premier ministre a fait plusieurs annonces, le 11 décembre dernier, en clôture de la Conférence nationale contre la pauvreté.

En 2013, 4 000 places d’hébergement d’urgence et 4 000 places en centre d’accueil pour demandeur d’asile seront créées, soit 8 000 places au total, lesquelles s’ajoutent aux 1 000 places déjà budgétées en 2013.

Au final, 9 000 places d’hébergement supplémentaires seront créées, en parallèle d’une réflexion sur la pérennisation de l’hébergement tout au long de l’année.

C’est là un enjeu de taille : ne plus gérer sur la seule période hivernale et dans l’urgence le problème des hébergements afin de ne plus voir se multiplier les expulsions au printemps et retrouver les mêmes problèmes, aggravés, l’hiver suivant.

Au-delà des solutions ponctuelles, la réflexion sur la pérennisation doit aussi être comprise plus globalement afin de proposer des logements dignes et dans la durée à ceux qui se retrouvent soudainement à la rue.

Par ailleurs, pour accompagner les sans-abri vers le logement, le Premier ministre s’est également engagé à créer 9 000 places en logement adapté, c’est-à-dire en maison-relais ou grâce au système d’intermédiation locative.

Lundi dernier, le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale a été adopté et de nombreuses mesures complètent celles annoncées courant décembre.

Ce plan s’articule autour de trois axes principaux : réduire les inégalités et prévenir les ruptures, venir en aide et accompagner vers l’insertion, coordonner l’action sociale et valoriser ses acteurs.

Le Gouvernement a annoncé la création de 7 000 places d’intermédiation locative, en alternative à l’hébergement, en 2013, et le renforcement des actions du fonds national de l’accompagnement vers et dans le logement.

Il a également été indiqué combien il était prioritaire de prévenir les expulsions afin d’éviter de nombreuses situations d’urgence qui pourraient être réglées différemment.

Votre ministère doit par ailleurs financer un appel à projets « innovants » visant à favoriser l’accès au logement et la prise en charge adaptée des personnes en situation de rupture.

Trois publics spécifiques sont particulièrement concernés : les femmes victimes de violences, les personnes sortant de prison, les jeunes en grande difficulté ou les grands exclus.

La question de l’hébergement des mineurs isolés étrangers est particulièrement préoccupante, notamment chez moi, dans la Somme, où le manque de places d’accueil spécifiques pour ce public conduit parfois à des drames.

Le conseil général fait son possible, mais nous aurions besoin d’une approche plus globale, qui tiendrait compte des différences territoriales avec un système de péréquation, y compris financière.

Il en est de même pour l’accueil des femmes victimes de violences. À Amiens, l’UDAUS – union départementale d’accueil d’urgence sociale – refuse régulièrement, faute de place, des femmes victimes de violences.

Nous savons combien cet enjeu préoccupe le Gouvernement mais il y a urgence : 2 millions de femmes sont victimes de violences conjugales chaque année.

Je le sais, le Gouvernement est attentif à ces situations spécifiques. Toutes les mesures annoncées vont d’ailleurs dans le bon sens. Elles attestent d’une volonté politique de changement et témoignent d’un effort certain en cette période de vache maigre budgétaire.

Des associations, comme la Fondation Abbé-Pierre, reconnaissent que ces mesures vont dans le bon sens, notamment les annonces de réquisition des immeubles vacants. Face à la gravité de la situation, face aux dizaines de milliers de personnes à la rue, il est plus que temps d’agir, et tous les moyens doivent être utilisés, y compris la réquisition.

La nécessaire « refondation » en termes de politique d’hébergement, nous y sommes !

Mme Danièle Hoffman-Rispal et M. Arnaud Richard, rapporteurs. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Girardin.

Mme Annick Girardin. Nous sommes donc réunis aujourd’hui, dans le cadre de cette « semaine de contrôle », pour débattre ensemble de l’hébergement d’urgence et en particulier des suites de l’excellent rapport de nos collègues Danièle Hoffman-Rispal et Arnaud Richard pour le Comité d’évaluation et de contrôle.

Je salue le travail républicain réalisé par les rapporteurs. Plus globalement, il est heureux que, sur certains sujets, nous puissions nous rassembler.

Je suis convaincue que chaque chute des températures, encore constatée ces derniers jours, nous interpelle, nous indigne et nous révolte tous, intimement, sur le sort des plus fragiles qui vivent dans la rue, et qui parfois y meurent tragiquement.

Alors, il ne s’agit pas de faire de l’émotionnel, mais de prendre conscience de l’impérieuse nécessité de chercher sans cesse des réponses efficaces. Espérons que notre débat participera modestement à ce travail.

Ce sujet majeur a été récemment aggravé par la crise économique et sociale.

L’hébergement d’urgence, c’est l’exigence d’apporter une assistance à une personne en danger, à assurer à toute personne en détresse, dans l’urgence, un hébergement et, le plus tôt possible, une aide à l’insertion.

C’est la mission quotidienne de tous les acteurs impliqués au quotidien dans cette problématique, je pense en particulier aux associations qui font un travail exceptionnel, et je tiens à les féliciter toutes chaleureusement.

Les dispositifs mis en œuvre pour faire face au défi de l’exclusion, pour améliorer le pilotage par les départements ou pour accroître l’offre d’hébergement, se limitent trop souvent à une mise à l’abri temporaire des bénéficiaires. Notre responsabilité d’élus est de rechercher des solutions ensemble en nous mobilisant chacun à notre niveau.

Cette mobilisation est d’autant plus indispensable que la crise économique et sociale a aggravé les difficultés des sans-abri et des personnes mal logées proches de la rue. Et nous savons aujourd’hui que les accidents de la vie déclenchent plus rapidement qu’avant la perte du logement.

Depuis une dizaine d’années, le constat est clair : non seulement nous ne construisons pas assez de logements en général, mais nous ne construisons pas assez de logements sociaux ou très sociaux, ni de logements adaptés aux populations les plus défavorisées.

Concernant l’hébergement d’extrême urgence, selon le dernier baromètre du 115, dévoilé le 5 décembre dernier, la prise en charge des sans-abri s’est encore détériorée depuis un an. Dans les trente-sept départements étudiés, les demandes d’hébergement ont augmenté de 37 % par rapport au mois de novembre 2011.

Le dispositif actuel ne parvient plus à répondre aux besoins : le taux de réponses négatives atteint 78 % et cette situation se propage jusque dans des territoires épargnés, touchant de plus en plus de familles et de jeunes – on note une hausse de 60 %.

Le Gouvernement a choisi cette année de faire face à cet afflux important en mobilisant le maximum de places supplémentaires sans attendre la baisse des températures.

Madame la ministre, vous avez décidé de ne pas agir « uniquement en fonction du thermomètre », et cela donne, concrètement, 3 000 places supplémentaires. Bravo !

Enfin, un plan de 50 millions d’euros pour l’hébergement d’urgence a été débloqué dès septembre et consacré à l’ouverture de nouveaux lieux d’accueil et à l’accompagnement social des familles vers un logement pérenne.

Vous avez affiné le fléchage géographique des crédits : la moitié pour l’Île-de-France, où la situation est critique, l’autre moitié pour les régions, là où les besoins sont les plus forts.

C’est un problème qui revêt un caractère saisonnier, car c’est l’hiver, pendant les grands froids, que l’hébergement d’urgence est une nécessité littéralement vitale.

Si les statistiques montrent que les sans-abri meurent plus l’été que l’hiver, c’est peut-être aussi parce que c’est au cours de la période hivernale qu’ils sont le mieux accompagnés.

Mais la logique saisonnière a ses limites, et je salue la volonté du Gouvernement d’en sortir. Le rapport de nos collègues montre en effet qu’il s’agit aujourd’hui de dépasser cette logique qui a des effets pervers et n’offre pas de solutions pérennes.

Pour la prévention, les préfets de région devront mettre en place d’ici à la fin du mois des projets territoriaux, destinés à renforcer la prévention des expulsions locatives, à pérenniser si nécessaire certaines places d’hébergement et à éviter que soient remis à la rue, à la fin de l’hiver, les personnes sans abri.

Pour lutter de manière pérenne contre les phénomènes d’exclusion, l’offre de logements doit être clairement renforcée et adaptée aux besoins. Le budget 2013 est une première réponse, avec une augmentation de 13 % consacrée à l’hébergement d’urgence. La récente loi sur la cession de foncier au profit du logement social est aussi une partie de la réponse.

Mais cela ne suffit pas.

Les dispositifs et les modes de prise en charge de l’hébergement d’urgence se sont accumulés et diversifiés au cours du temps. Le rapport montre bien que, sans politiques publiques cohérentes, les écarts se sont creusés, en termes d’efficacité et de coût des interventions, selon les territoires et selon les associations.

La loi du 29 juillet 1998 a tenté de pallier ce défaut en créant un dispositif global de veille sociale, mais il s’avère insuffisant. Il reste des situations sans réponses adaptées. Un exemple souvent cité est le manque de places pour accueillir les femmes ou les familles.

On observe aussi un manque de coordination des associations pour les maraudes. On sait qu’un SDF, à Paris, peut recevoir jusqu’à cinq visites des équipes des associations au cours d’une seule nuit, alors que, deux rues plus loin, d’autres ne voient personne.

Concernant l’encadrement législatif, la loi sur le droit au logement opposable, dite DALO, du 5 mars 2007 et la loi du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion améliorent l’accompagnement personnalisé. Mais ces dispositifs nécessaires, qui partent d’une bonne intention, ont montré leurs limites et leurs effets indésirables.

Concernant le DALO, madame la ministre, votre circulaire en date du 26 octobre dernier, qui oblige les préfets à mettre en œuvre le relogement effectif des ménages reconnus prioritaires avant la date à laquelle leur expulsion pourrait avoir lieu, et qui instaure des aides supplémentaires permettant de réduire le délai de relogement des ménages ayant accumulé des dettes locatives, est certes une avancée louable. Mais les associations s’inquiètent des moyens dont vous allez disposer pour assurer la mise en œuvre de cette circulaire. Nous comptons sur la hausse de la taxation des logements vacants pour répondre en partie au problème, sachant que deux à trois millions de logements vacants sont disponibles.

Pour répondre à ces exemples d’insuffisances que souligne le rapport, les auteurs formulent quatorze propositions. Certaines sont déjà mises en œuvre par le Gouvernement et je voudrais, sans prétendre hiérarchiser leur importance, insister dans mon propos sur certaines d’entre elles.

D’abord, de façon temporaire, nous l’espérons, poursuivre la pérennisation engagée des places supplémentaires ouvertes chaque hiver dans les zones les plus tendues me semble essentiel, notamment pour éviter les polémiques stériles sur les réquisitions. Mais si elles doivent rester la solution, qu’on y ait recours !

Pour améliorer la prévention en période de crise, la proposition numéro 4 est excellente : elle vise à orienter l’activité des commissions départementales de coordination des actions de prévention des expulsions locatives vers l’étude des dossiers individuels d’impayés de loyer, notamment les plus complexes et les plus susceptibles de provoquer la mise à la rue des ménages concernés.

Pour perfectionner la gouvernance, il fau qu’à brève échéance une seule direction d’administration centrale soit chargée de la conception et de la mise en œuvre de la politique d’hébergement et d’accès au logement des personnes sans domicile ou mal logées.

Dans le même esprit d’amélioration de la gouvernance, la création de lieux de dialogue et d’échange rassemblant, aux niveaux national et déconcentré, les opérateurs associatifs et l’État, afin d’envisager les meilleures modalités d’organisation et de mise en œuvre du service public de l’hébergement et de l’accès au logement des personnes sans domicile ou mal logées, serait un progrès considérable, qui ne coûterait rien ou presque et ne serait guère compliqué à mettre en œuvre.

Enfin, procéder à la création de « plateaux techniques » constitués notamment de travailleurs sociaux des actuels centres d’hébergement afin d’assurer l’accompagnement social dans le logement des personnes bénéficiaires de la stratégie du « logement d’abord » est une proposition novatrice, que les associations compétentes appuient à juste titre.

Mes chers collègues, une société juste, c’est d’abord une société dans laquelle les plus défavorisés le sont le moins possible.

Comme l’a écrit il y a quarante ans John Rawls dans son essai Théorie de la justice,un des critères fondamentaux pour évaluer le degré de justice sociale d’une société est le fameux principe du « maximum ». Autrement dit, une société juste se reconnaît à la façon dont elle traite les plus fragiles, les plus démunis.

Depuis quelques années, plusieurs rapports auront été consacrés aux questions d’hébergement d’urgence et nous disposons d’une meilleure connaissance des problématiques et de beaucoup de propositions.

Nous avons le devoir collectif de les mettre en œuvre. Mobilisons-nous tous sur l’hébergement d’urgence qui est, en métropole comme en outre-mer, vous l’avez dit, ma chère collègue, plus que jamais, un devoir de solidarité nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, permettez-moi d’abord de saluer le sérieux et l’intérêt du travail de Danièle Hoffman-Rispal et d’Arnaud Richard que nous avons eu l’honneur et l’avantage de recevoir au centre d’accueil et de soins hospitaliers de Nanterre.

Le rapport dont nous débattons chiffre le manque de places d’hébergement d’urgence à 70 000 et appelle à l’ouverture d’« un certain nombre de places nouvelles dans les zones tendues ».

L’hébergement d’urgence a particulièrement souffert des dix dernières années de politique libérale menée par la droite, au point de conduire Xavier Emmanuelli, fondateur du SAMU social, à démissionner en juillet 2011 pour dénoncer les conditions dramatiques d’exercice des travailleurs sociaux du 115.

Aujourd’hui, ce ne sont pas seulement les zones tendues qui souffrent d’une pénurie de places d’hébergement, car le mal-logement est tel que même les départements ruraux sont touchés.

Cet afflux est bien évidemment le résultat d’une crise qui dure et qui s’approfondit, faute d’y apporter les bons remèdes. Le chômage galopant et l’extension de la pauvreté ne peuvent avoir d’autres conséquences que l’impossibilité, pour des milliers de personnes, de familles, de garder ou de s’offrir un toit.

Dans un tout récent article du Monde, le responsable de la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale de l’Isère – la FNARS – relevait le désarroi des responsables de ces centres d’hébergement, « au bord de l’implosion ». Je le cite : « Le 115 est souvent porté responsable de la non-réponse, car c’est lui qui est en bout de chaîne et gère l’attribution des places. Mais dans une telle pénurie ! Imaginez le découragement des écoutants du 115 qui répondent négativement, faute de places disponibles, à plus de 95 % des demandeurs ! »

Voilà la réalité de l’hébergement d’urgence dans notre pays, dans la période que nous traversons.

Face à ce contexte grave, les députés du Front de gauche prennent acte de la volonté de Mme la ministre d’« en finir avec la gestion au thermomètre ». Votre phrase, madame la ministre, a, semble-t-il, marqué les esprits ! (Sourires.)

Lors de la Conférence nationale contre la pauvreté, vous avez pris des engagements forts pour le quinquennat : construire 8 000 nouvelles places d’hébergement et 150 000 logements sociaux par an. Toutefois, cette annonce restera sans effet si les crédits nécessaires à sa réalisation ne sont pas débloqués – je ne fais qu’énoncer une évidence…

Je rappelle, à ce titre, que les 50 millions d’euros supplémentaires alloués à la politique d’hébergement d’urgence dans la loi de finance 2013 correspondent au total finalement dépensé par cette action à l’échéance 2011.

Ce problème de financement se pose d’autant plus qu’il est également urgent de procéder à la réhabilitation des centres d’hébergement existants pour qu’ils répondent enfin aux conditions de dignité humaine.

À ce titre, je voudrais m’attarder un instant sur la situation du Centre d’accueil et de soins hospitaliers de Nanterre, qui regroupe en un même lieu 769 lits d’hébergement.

Malgré les travaux pour améliorer les conditions d’accueil et le dévouement des personnels du secteur social du CASH, il n’est pas possible, vous l’imaginez, de recevoir dignement et d’aider comme il convient un si grand nombre de personnes désocialisées et en grande détresse.

Il faut en finir avec ces lieux d’hébergement disproportionnés et inhumains, indignes de notre époque et de notre pays.

Nanterre n’a pas vocation à accueillir toute la misère de l’Île-de-France. La solidarité et le sens des responsabilités impliquent de construire sur l’ensemble des communes et des départements de la région des lieux d’accueil à taille humaine et en nombre suffisant.

Mais comment y parvenir, alors que le Gouvernement ferme les robinets ?

Pour réussir à construire les 15 000 nouvelles places demandées par la FNARS – chiffre qu’il faudrait d’ailleurs, selon nous, au moins doubler, vu le déficit actuel –, d’autres leviers doivent être actionnés. Car, pour l’essentiel, les familles qui appellent le 115 sont celles qui ont subi une expulsion locative sans relogement.

En 2012, presque 13 000 expulsions ont nécessité le concours de la force publique, soit une augmentation de 9 % sur un an et un doublement en dix ans. Et encore, ces chiffres rendent insuffisamment compte de la réalité : Patrick Doutreligne, délégué général de la Fondation Abbé-Pierre, estime à 50 000 le nombre de familles expulsées, « car beaucoup partent sous la pression des huissiers ou de gros bras ou bien quittent leur logement en catimini par honte ».

Au regard de la brutalité de la crise que nous traversons et en tenant compte du fait que toute personne non mise à la rue sera une personne en moins à reloger ou à héberger, pourquoi ne pas procéder à l’interdiction des expulsions sans relogement pour les familles de bonne foi ?

Il suffirait pour cela d’abonder le fonds d’indemnisation des propriétaires, car les impayés concernent moins de 3 % des locataires. Notre groupe a déposé à de nombreuses reprises des propositions de loi et des amendements en ce sens, notamment lors de la discussion de la loi dite « Duflot 1 » cet automne. Il est temps de les mettre en discussion et d’agir en ce sens.

Cela m’amène à un autre aspect du problème : la question des logements vacants. Au cours de nos débats sur le projet de loi de mobilisation du foncier public en faveur du logement, les députés au nom desquels je m’exprime ont tenu à faciliter la procédure de réquisition des logements vacants. À la suite d’amendements déposés par le Front de gauche, vous avez pris un engagement fort en affirmant que « permettre au plus grand nombre de nos concitoyens, notamment aux plus démunis, d’accéder à un logement passe aussi, quand c’est nécessaire, par la réquisition. Faites-moi confiance : compte tenu de la situation dans laquelle nous nous trouvons à la date du 20 novembre, je peux vous dire que nous réquisitionnerons dès cet hiver ».

Vous avez renouvelé cette annonce plusieurs fois, en ajoutant que ces réquisitions interviendraient « avant fin 2012 ». Aujourd’hui, qu’en est-il ? Nous sommes fin janvier, il a neigé et fait très froid en région parisienne, mais à ma connaissance, aucune réquisition n’a eu lieu.

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. C’est faux !

Mme Jacqueline Fraysse. Pourtant, 4,5 millions de mètres carrés de bureaux sont inoccupés, dont plus d’un million à Paris, et des milliers de logements sont vides.

Face à ces atermoiements, je tiens à rappeler que cette procédure d’urgence qu’est la réquisition respecte le droit de propriété et concerne uniquement les personnes morales. Elle est temporaire et donne lieu à l’indemnisation des bailleurs, auxquels elle offre la possibilité de recours rapides et efficaces. Elle n’est applicable que dans les zones tendues et laisse enfin au préfet la marge d’arbitrage nécessaire au respect des droits des uns et des autres.

Les conditions sont donc réunies pour que les engagements pris soient tenus. Qu’est-ce qui bloque ? Peut-être allez-vous nous éclairer, madame la ministre. Nous souhaitons que ces réquisitions soient mises en œuvre. J’ajoute qu’en tout état de cause, le seul moyen de faire réellement bouger les lignes en matière d’hébergement, c’est de rompre avec le dogme de l’austérité et d’enclencher des investissements concrets, notamment en matière de construction de logements. Multiplier les débats, les lois budgétairement neutres et les déclarations d’intention ne permettra pas de sortir de la crise. Il faut se donner les moyens d’agir !

Afin de permettre aux 150 000 sans-abri de retrouver un toit et aux huit millions de mal-logés d’en finir avec la grande précarité, des décisions audacieuses et urgentes doivent être prises. Il est possible, comme nous le proposons, de construire 35 000 nouvelles places d’hébergement, d’interdire l’expulsion des familles de bonne foi ne pouvant plus faire face à leur loyer, d’abroger la loi Boutin et ses surloyers, véritable machine de guerre contre la mixité sociale dans nos HLM, de supprimer le mois de carence des aides personnalisées au logement et rétablir leur rétroactivité, de mettre en place un encadrement réel des loyers afin de mettre un terme à la spéculation immobilière et de permettre à tous de se loger à des prix décents.

Madame la ministre, mes chers collègues, avoir un toit, se loger, ce n’est pas un luxe ni un caprice, mais une exigence incontournable pour tout être humain. Aucun de nos concitoyens ne devrait en être privé, sous quelque prétexte que ce soit. Je pense sincèrement que c’est le rôle de notre majorité de gauche et du Gouvernement de prendre avec détermination les mesures audacieuses qu’exige la gravité de la situation. Trop de femmes, d’enfants et de familles souffrent du mal-logement et de ses conséquences sur tous les aspects de leur vie. Il est de notre devoir d’y remédier. C’est ce que nos concitoyens attendent de nous. Je vous y invite.

Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Lacroute.

Mme Valérie Lacroute. Madame la présidente, madame la ministre, madame et monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, il y a tout juste un an, nos collègues Danièle Hoffman-Rispal et Arnaud Richard déposaient le rapport réalisé au nom du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur la politique de l’hébergement d’urgence. Permettez-moi tout d’abord de souligner le rôle fondamental du CEC, né de la révision constitutionnelle de 2008.

Mme Danièle Hoffman-Rispal, rapporteur. C’est vrai !

Mme Valérie Lacroute. Le CEC permet une évaluation des politiques publiques objective et non politicienne, puisque ce sont toujours un député de la majorité et un député de l’opposition qui s’emparent d’un sujet et travaillent de concert. Fait nouveau, la mission conduite par Danièle Hoffman-Rispal et Arnaud Richard a été enrichie d’un rapport de la Cour des Comptes, bénéficiant ainsi d’une expertise technique supplémentaire dont nous ne pouvons que nous féliciter.

Quelle que soit la place que nous occupons sur ces bancs, nous partageons tous le même constat alarmant : trop de personnes restent en attente d’un hébergement adapté à leur situation. Au cours de la décennie écoulée, la politique d’hébergement d’urgence a connu des améliorations significatives. Le rapport reconnaît que les capacités d’accueil ont sensiblement augmenté entre 2004 et 2010, et plus particulièrement entre 2007 et 2009 : 32 000 places supplémentaires ont été ouvertes, soit une croissance de 62,2 %. À la fin de la législature précédente, ce sont 116 000 places qui ont été ouvertes.

En outre, la Cour des comptes a justement observé que l’augmentation du nombre des places s’est accompagnée, en particulier dans le cadre du plan de relance de l’économie, d’un plan d’humanisation des centres d’hébergement existants. Entre 2008 et 2010, ce ne sont pas moins de 175 millions d’euros qui ont été consacrés à la rénovation, la réhabilitation ou la construction de 23 % du parc, soit un total de 15 348 places ou logements. Ces initiatives concrètes ont été rendues possibles grâce à un substantiel effort budgétaire de l’État, en particulier du programme 177.

Au-delà de ces réponses chiffrées, bien évidemment attendues par nos concitoyens, le gouvernement précédent, sous l’impulsion de Benoist Apparu, secrétaire d’État puis ministre délégué au logement, a rénové l’organisation et la coordination en matière d’hébergement d’urgence et de logement social. La stratégie nationale 2009-2012 de prise en charge des personnes sans abri ou mal logées a mis en avant le « logement d’abord », avec l’objectif d’améliorer le service rendu aux personnes privées de logement en favorisant l’accès direct à un logement pérenne et en offrant un accompagnement social si nécessaire.

La circulaire du 8 avril 2010 a ainsi mis en place dans chaque département un service intégré d’accueil et d’orientation. Les rapporteurs constatent qu’il s’agit là d’une « réforme fondamentale pour la régulation de l’offre et de la demande d’hébergement d’urgence et d’orientation ». Ils ajoutent que « le SIAO doit constituer le premier maillon d’une chaîne rénovée de l’hébergement et de l’insertion des personnes sans domicile, dans le contexte de la stratégie du « logement d’abord » ». La Cour des Comptes précise que les SIAO « assurent la régulation des orientations car ils disposent d’une vision exhaustive du parc d’hébergement d’urgence, de stabilisation et d’insertion ainsi que de tout ou partie du parc de logement de transition. Ils reçoivent toutes les demandes de prise en charge et orientent les personnes vers la solution la plus adaptée à leur situation ». Les SIAO ont donc pour vocation de coordonner et de simplifier le travail effectué par les associations, les bailleurs sociaux et les différents services publics afin de proposer une offre d’hébergement et d’accès au logement plus structurée et plus efficace.

Ainsi, la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion du 25 mars 2009 a prévu la planification de l’offre au moyen de plans départementaux d’accueil, d’hébergement et d’insertion des personnes sans domicile. Très concrètement, ces plans ont permis de réunir autour d’une même table les acteurs locaux – collectivités territoriales, associations, bailleurs sociaux, CAF et usagers – afin de définir pour cinq ans un état des lieux et des objectifs à atteindre. Il s’agit là encore de rationaliser les initiatives et de favoriser une action concertée au bénéfice de la prise en charge des personnes sans domicile.

Nous entendons les critiques ici ou là. Nous constatons les retards et certaines insuffisances. Mais ces outils sont neufs. Les acteurs locaux doivent bien évidemment se les approprier et les intégrer dans leurs missions quotidiennes. Les élus du groupe UMP sont donc très attentifs à la bonne utilisation de ces outils que vous piloterez, madame la ministre, nous n’en doutons pas.

Naturellement, ces outils ne sont pas opérationnels uniquement l’hiver. Ils ne se contentent pas de permettre un hébergement d’urgence par grand froid. Ils s’inscrivent dans une politique plus globale, celle du « logement d’abord ». Nous pensons en effet que la politique d’hébergement d’urgence passe par une politique de logement durable.

C’est d’ailleurs tout au long de l’année que le 115 enregistre des appels et c’est malheureusement aussi tout au long de l’année qu’il ne peut répondre à toutes les demandes. Il serait donc nécessaire, comme le préconisent les rapporteurs, d’une part de pérenniser les places d’hébergement, d’autre part de favoriser l’accès au logement durable, ce qui conduirait à une plus grande rotation dans l’hébergement d’urgence. Les personnes accueillies dans un hébergement d’urgence ne devraient donc y rester que le temps nécessaire et accéder ensuite à un logement dans les meilleurs délais. Je pense tout particulièrement aux femmes victimes de violences conjugales qui quittent leur domicile.

La clé de cette politique réside dans la construction de logements. C’est ce que nous avons fait lorsque nous avions la majorité, puisqu’en cinq ans nous avons permis la construction de deux millions de logements, contre 1,6 million entre 1997 et 2001, dont 600 000 logements sociaux. Le Gouvernement annonce vouloir aller encore plus loin puisque vous ambitionnez, madame la ministre, la construction de 500 000 logements par an dont 150 000 logements sociaux. Cette ambition est louable mais est-elle réalisable ?

Permettez-moi d’en douter. En effet, les mesures adoptées depuis huit mois vont à l’encontre de ces objectifs. Je vous en donnerai simplement quelques illustrations.

La loi sur le logement social prévoit la mise à disposition gratuite des terrains de l’État aux collectivités territoriales pour libérer du foncier. Tout au long des débats parlementaires, nous vous avons alertée sur le caractère potentiellement contre-productif de cette mesure. En effet, dans un contexte de baisse des dépenses de l’État, des personnes publiques pourraient souhaiter augmenter leur budget en vendant des terrains inutilisés. Or, avec une décote allant jusqu’à 100 %, il n’y a plus aucun intérêt à vendre ces terrains.

De même, dans le cadre de la loi de finances rectificatives adoptée fin décembre, le taux de TVA passe de 7 % à 10 %. Le secteur du bâtiment est une des premières victimes de cette mesure. Selon les estimations de la Fédération française du bâtiment, ce secteur devrait enregistrer en 2013 un recul de 3,5 % de son activité et une perte de 40 000 emplois.

Ces deux exemples illustrent à quel point vos objectifs en matière de construction de logement semblent difficiles à atteindre.

Enfin, depuis plusieurs semaines, nous vous entendons beaucoup parler de réquisitions de logements, comme si cette mesure était la solution miracle. Pour notre part, madame la ministre, nous pensons que cela ne peut constituer la clé de voûte d’une politique du logement efficace et durable. Non seulement la réquisition va à l’encontre du droit constitutionnel de propriété, mais surtout, elle n’est pas efficace.

Certes, en 1995, Jacques Chirac l’avait utilisée mais elle n’a concerné que 1 000 logements qui ont été rendus à leurs propriétaires au bout de cinq ans. En 2001, Marie-Noëlle Lienemann, secrétaire d’État au logement du gouvernement Jospin, avait repéré 4 000 logements vides. Or, la réquisition a concerné 147 logements à Paris et seulement 70 à 80 en province. Un bilan bien maigre au regard des enjeux actuels !

La procédure de réquisition avec attributaire que vous souhaitez appliquer concernerait des locaux appartenant à une personne morale. Contrairement à ce que vous envisagiez en octobre dernier, une telle procédure ne peut être mise en œuvre en quelques semaines. Il faut d’abord, vous le savez, repérer les logements vacants susceptibles d’être réquisitionnés. Du fait que nous sommes dans un État de droit, il y a ensuite des délais légaux à respecter. Enfin, une fois réquisitionnés, les locaux doivent être mis aux normes d’habitation, notamment en termes de sécurité. Cela peut durer plusieurs mois, uniquement pour quelques dizaines de logements.

Une telle solution est bien insuffisante face aux 3,6 millions de personnes mal logées, dont 85 000 vivent dans des mobile homes, caravanes et cabanes de fortune,…

Mme Catherine Beaubatie. À qui la faute ?

Mme Valérie Lacroute. …face au 1,3 million de personnes vivant dans des logements non conformes aux normes sanitaires et sociales en vigueur ; aux 411 000 personnes hébergées chez des tiers dans des logements exigus. La réquisition n’est donc une réponse adaptée ni à l’hébergement d’urgence ni aux besoins en matière de logement.

Madame la ministre, mes chers collègues, telles sont les réflexions que je souhaitais vous livrer au nom du groupe UMP. Sachez que, sur ce sujet ô combien humain et sérieux, nous souhaitons nous inscrire dans une logique d’opposition constructive et réfléchir, comme cela est le cas au CEC, à des mesures de bon sens et consensuelles.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Lepetit.

Mme Annick Lepetit. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous parlons souvent de « chaîne du logement » pour illustrer le lien fort qui unit les différentes strates de ce secteur. L’hébergement constitue, à n’en pas douter, le dernier maillon de cette chaîne, le plus fragile. Plus encore que dans d’autres domaines, la dimension profondément humaine du sujet est évidente : on parle ici de personnes sans domicile, de familles expulsées qui évitent la rue en s’entassant dans un foyer, de leurs doutes mais aussi de leur espoir de voir leur situation s’améliorer un jour.

Tirer un bilan de notre politique d’hébergement c’est aussi, d’une certaine manière, observer comment notre société considère et prend en charge les plus précaires et les plus fragiles de ses membres. La lecture de l’excellent rapport de nos collègues Danièle Hoffman-Rispal et Arnaud Richard montre qu’il reste beaucoup de travail.

Le premier constat, le plus symbolique, est le doublement en dix ans du nombre estimé de personnes sans domicile. Elles seraient environ 150 000 aujourd’hui, alors que la capacité d’hébergement ne s’élève qu’à 83 000 places. On en retrouve la conséquence dans le baromètre du 115 : une demande d’hébergement sur deux ne trouve pas de solution, et cette situation commence à s’étendre à des territoires jusqu’à présent épargnés.

Mais lorsque l’on arrive au stade de l’hébergement, c’est qu’il y a déjà eu un échec à l’étape précédente, c’est que les mécanismes de prévention n’ont pas fonctionné. Cette donnée que les rapporteurs soulèvent dans leur rapport est fondamentale : permettre aux personnes en difficulté de rester dans leur logement, éviter qu’une difficulté conjoncturelle ne se transforme en véritable descente aux enfers, voilà la priorité. Le plus souvent, ce sont des accidents de la vie – chômage, maladie, séparation – qui plongent les personnes dans une situation difficile, que la rue aggrave considérablement. Je me souviens qu’au moment du débat sur la loi Boutin en 2009, j’avais prévenu le Gouvernement qu’en réduisant les délais d’expulsion les difficultés seraient encore plus grandes pour les locataires d’abord, mais aussi pour l’ensemble de la collectivité.

Si des dispositifs tels que les CCAPEX – commissions de coordination des actions de prévention des expulsions – existent, la Cour des comptes indique qu’ils n’ont pas encore totalement fait leurs preuves. Depuis six mois, le gouvernement que vous représentez, madame la ministre, a pris la mesure de la situation en décidant et en annonçant un certain nombre de mesures allant dans le bon sens. En exposant le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, le Premier ministre a rappelé l’importance de la prévention des expulsions. La mise en œuvre de la garantie universelle et solidaire des risques locatifs participera grandement à la prévention et à la gestion des situations d’impayés. Je ne doute pas que nous aurons l’occasion, cet été, de nous pencher longuement sur cette question. L’objectif affiché de rompre avec la « logique du thermomètre » est une nécessité : les gens ne dorment pas dans la rue qu’en hiver. La création annoncée de 8 000 places d’hébergement, cette année, pour les sans-abri et les demandeurs d’asile, est une première étape qui, je l’espère, en appellera d’autres.

L’examen du projet de loi de finances a également été l’occasion de montrer que ce sujet était bien une priorité pour ce gouvernement et sa majorité. Dans un contexte extrêmement contraint, les crédits consacrés à l’accès au logement des plus démunis ont augmenté de 4 % et ceux de l’hébergement d’urgence de 13 %, atteignant 275 millions d’euros.

Enfin, je note que, parmi les recommandations du rapport, figurait l’augmentation du taux de logements sociaux à atteindre dans les zones les plus tendues. C’est justement ce que nous avons voté en urgence, dès la rentrée, en portant ce taux de 20 % à 25 % dans la loi de mobilisation du foncier. La proportion de logements sociaux accessibles aux plus modestes va également augmenter puisque, par exemple, les villes dépourvues de PLH – programmes locaux de l’habitat – devront construire au moins 30 % de PLAI – prêts locatifs aidés d’intégration. Je suis heureuse, madame la ministre, que la loi ait été publiée au Journal officiel samedi dernier.

Il ressort de ce débat que la politique d’hébergement a autant besoin de moyens que de réorganisation pour gagner en efficacité. Je ne doute pas que nous nous retrouverons dans cet hémicycle, dans les mois et années qui viennent, pour lui permettre de répondre enfin efficacement et humainement aux milliers de personnes qui en ont besoin. Nous devons retrouver le sens de l’humain, le sens de l’intérêt général. Chacun de nous ayant à cœur d’y parvenir, je suis convaincue que nous arriverons à avancer sur ce chemin difficile. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Mathieu Hanotin.

M. Mathieu Hanotin. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je souhaite profiter des débats organisés dans le cadre de la semaine de contrôle de notre assemblée pour évoquer la question de l’hébergement, au-delà même de l’excellent rapport rédigé par nos deux collègues.

Les chiffres montrent, s’il en est besoin, l’importance du problème – 80 000 places d’hébergement pour environ 150 000 personnes sans domicile –, un problème dont la nature est double. D’une part, il faut trouver des solutions pérennes pour l’avenir, ce qui renvoie à la politique de construction de logements ; d’autre part, au dernier maillon de la chaîne, comme le disait Annick Lepetit, c’est la question de l’hébergement d’urgence qui se pose, avec celle de la mise en œuvre de la solidarité nationale, ayant vocation à venir en aide aux personnes ayant été victimes d’un accident de la vie.

Je centrerai mon propos sur l’année 2013 et l’urgence qu’il y a à agir dès maintenant, sans attendre les constructions destinées à rattraper le retard que nous avons pris et dont, en tout état de cause, la réalisation prendra mécaniquement plusieurs années – car construire 1 000 places d’urgence prend forcément du temps. La situation actuelle est celle de squats mettant en danger leurs occupants. Je rappelle que des incendies survenus dans des immeubles vétustes ont récemment causé le décès de plusieurs personnes dans le département de Seine-Saint-Denis, dans ma ville de Saint-Denis, mais aussi à Pantin, où des immigrés tunisiens, réfugiés en France à la suite des événements qui ont secoué leur pays, ont malheureusement trouvé la mort.

Durant l’hiver 1954, l’Abbé Pierre s’insurgeait du fait que les animaux soient parfois mieux traités que les hommes, abandonnés à leur propre sort dans la rue. Si nous n’en sommes plus là, force est de constater que nous n’en sommes tout de même pas loin, avec le retour des bidonvilles en région parisienne. Ces bidonvilles n’ont d’ailleurs plus rien d’exceptionnel : il s’agit désormais d’un phénomène de masse, contre lequel il faut trouver des solutions d’urgence.

Je veux donc soumettre une idée à votre réflexion, madame la ministre : nous devrions nous inspirer de la loi SRU, qui a fixé un taux de 25 % de logements sociaux, pour faire également progresser la situation en matière d’hébergement en mettant en œuvre une politique de quotas de places d’accueil, ville par ville. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, nous pourrions commencer en fixant un quota d’une place pour mille habitants – ce qui représenterait, à l’échelle de la région parisienne, un doublement des capacités d’accueil par rapport à la situation actuelle –, tout en essayant de cibler les différentes catégories d’hébergement.

Pour agir dès maintenant, nous devons avoir le courage de réquisitionner, s’il le faut, un certain nombre de terrains. Nous devons également mettre en place des hébergements mobiles : certes, cette solution n’est pas idéale, notamment en raison des risques qu’elle comporte, mais rien n’est pire que la situation que nous connaissons aujourd’hui. Si nous voulons agir rapidement, dès 2013 nous devons donc en passer par là, quitte à ce que cela constitue un constat d’échec des politiques mises en œuvre au cours des années précédentes. Il suffit, pour se rendre compte de la gravité et de l’urgence de la situation, d’emprunter l’autoroute A1 et de circuler à proximité du Stade de France, où plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de personnes vivent entassées sous les ponts d’autoroute et les quelques bouts de terrain qu’elles ont pu trouver.

Cette situation est insupportable pour la République, et nous devons absolument trouver une solution pour y remédier – une solution qui, je le répète, ne peut se limiter à l’échelon local et reposer uniquement sur les collectivités locales, qui n’ont pas la capacité d’assumer seules le dilemme auquel elles doivent faire face : soit laisser perdurer des situations inacceptables, tant pour les communes concernées que pour les personnes trouvant refuge dans les bidonvilles, soit se résoudre à expulser les sans-abri – c’est-à-dire à les repousser un peu plus loin. Face à de telles situations, l’État doit absolument intervenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Beaubatie.

Mme Catherine Beaubatie. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, notre pays est touché par une crise qui est sans doute la plus grave qu’il ait connue depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Cette crise et la spéculation ont abouti à un doublement des prix de l’immobilier en dix ans, entraînant les loyers dans la même spirale. Les ménages consacrent, en moyenne, un quart de leurs revenus mensuels au logement, et 1,2 million de personnes attendent un logement social, souvent depuis au moins six ans.

Cette situation ne permet plus à nos concitoyens en situation de précarité de se loger décemment et aux plus démunis d’avoir un toit. Nombre d’entre eux sont dans l’obligation de faire appel aux dispositifs de logements temporaires ou d’hébergement d’urgence. En Haute-Vienne, comme partout en France, des dispositifs d’urgence et d’accompagnement ont été mis en place. Ceux-ci – maisons-relais, hébergements d’insertion, résidences sociales – sont renforcés, comme dans tous les départements, par des mesures complémentaires en période hivernale.

Durant tout l’hiver, la capacité totale d’hébergement et de logement temporaire en Haute-Vienne est de 660 places, dont 63 places d’hébergement d’urgence à l’année, auxquelles s’ajoutent 28 places d’urgence supplémentaires en période hivernale. La majorité de ces places d’hébergement d’urgence est gérée par le 115, créé en 2001 et piloté par une association de réinsertion sociale.

Afin d’accompagner les demandeurs et de répondre aux situations d’urgence, une équipe de médiation de rue a été mise en place à Limoges en 1997. Elle a pour objet de créer un lien de confiance avec les personnes dans la rue pour permettre la mise en place d’un accompagnement social.

L’équipe de rue effectue des maraudes, trois à quatre fois par semaine, dans le centre ville ainsi que dans les lieux fréquentés par les « personnes à la rue ». Il ne s’agit pas d’un SAMU social, mais les membres de cette équipe ont des publics et des « lieux de vie » des personnes sans domicile une connaissance qui fait d’eux des interlocuteurs privilégiés en cas de demande d’aide de la part de ces dernières. Ce sont également des acteurs vigilants quant à l’état de santé de ce public, très souvent affecté par les conditions de vie dans la rue.

En période hivernale, l’équipe de rue intensifie ses maraudes en journée et en soirée et peut être amenée à réaliser des interventions particulières pour répondre à des signalements.

En période de grand froid, l’action concertée des centres sociaux communaux et des associations est essentielle. Les équipes de la Croix-Rouge renforcent les interventions des équipes de rue et l’action des bénévoles, notamment du Secours catholique.

Des dispositifs existent donc, en particulier en milieu urbain. Cependant, ils peuvent apparaître insuffisamment adaptés aux besoins réels et, surtout, au monde rural.

Bien sûr, les mesures prises pour la période hivernale permettent de répondre à une partie de la demande, mais pouvons-nous nous en satisfaire ? Il est certes très important que personne ne se retrouve sans solution d’hébergement l’hiver, mais est-il acceptable que dans notre pays des personnes en situation de très grande précarité ne se voient pas proposer de logement décent à l’année ?

Une réforme structurelle à la hauteur de cette crise sociale doit voir le jour. Madame la ministre, vous avez annoncé que la « politique du thermomètre », c’était terminé. Nous devons donc nous donner les moyens de traduire cet engagement dans les faits.

Pour mettre en œuvre cette orientation, le ministère de l’égalité des territoires et du logement devra s’attacher à ouvrir un dialogue constructif avec les collectivités territoriales et les acteurs associatifs. C’est un prérequis pour mettre en œuvre les moyens nécessaires au développement d’une offre de logement diversifiée et adaptée aux besoins, qui non seulement réponde à l’urgence, mais propose également des solutions pérennes pour tous.

Ce défi sera relevé si nous nous engageons à voter ici une réforme d’ampleur. Celle-ci passera par la mise en place d’un service public de l’hébergement et de l’accès au logement. Nous devrons pour cela nous appuyer sur une analyse permanente des besoins.

Le logement est un des principes de base de l’insertion et de la sortie de la précarité ; des mécanismes doivent permettre demain à la fois le maintien dans leurs logements des ménages en difficulté financière et un accompagnement social vers le logement des personnes sans domicile.

Une politique globale, volontariste et concertée du logement visant notamment à augmenter l’offre de logements sociaux – en particulier de logements très sociaux – est nécessaire tant en milieu urbain qu’en milieu rural. Les territoires ruraux ne sont pas épargnés et des personnes en très grande difficulté y vivent. Contrairement aux grandes villes et aux agglomérations, les communes et les intercommunalités n’ont pas aujourd’hui les moyens financiers pour répondre à ces besoins.

Madame la ministre, je compte, nous comptons tous sur le Gouvernement pour mettre en œuvre une véritable politique en faveur des plus déshérités, un objectif qui, hélas, a été négligé pendant dix ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Maquet.

Mme Jacqueline Maquet. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le débat qui nous réunit aujourd’hui et qui porte sur les suites du rapport relatif à la politique de l’hébergement d’urgence présenté au nom du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques a lieu en pleine mise en œuvre du plan hivernal, quelques jours après l’adoption par le Comité interministériel de lutte contre les exclusions – il ne s’était pas réuni depuis 2006 – d’un plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion et quelques semaines après les annonces du Gouvernement en matière d’hébergement d’urgence.

Dans le contexte d’une crise du logement qui s’aggrave chaque jour un peu plus, 8 millions de personnes sont en situation de fragilité – copropriétés dégradées, loyers impayés, surpeuplement, surendettement –, plus de 3 millions de personnes sont très mal logées et 150 000 personnes sont sans domicile fixe.

Or chacun sait qu’on ne naît pas SDF, mais qu’on le devient : avant de se retrouver à la rue, les personnes sans domicile vivaient dans un logement.

La précédente majorité avait légiféré sur le logement et l’hébergement d’urgence en votant des mesures, mais le problème du logement n’a jamais été résolu. Il s’est même aggravé ces dernières années, et les financements publics de l’État n’ont cessé de diminuer de budget en budget.

Les politiques publiques de solidarité ont souffert ces dix dernières années de réorientations brutales, injustes et inefficaces et de la stigmatisation des ménages modestes.

À titre d’exemple, je me souviens, comme ma collègue Annick Lepetit, être intervenue ici même dans les débats sur la loi Boutin du 25 mars 2009 pour dénoncer le raccourcissement des délais d’expulsion de trois ans à un an. Cette disposition ayant pour conséquence, en période de crise et de pénurie de logement, de mettre toujours plus de personnes à la rue sans solution de relogement ou d’hébergement temporaire, j’avais insisté sur la nécessité de mettre en œuvre une politique de prévention des expulsions et de travailler sur la question du relogement de ces personnes en détresse.

Le secteur du logement, chacun de nous le sait, est essentiel non seulement en raison de ses implications économiques directes, mais aussi parce qu’il reflète la santé sociale d’un pays, sa propension à endiguer ou à creuser les inégalités. C’est pourquoi il doit être traité comme une grande cause nationale, ainsi que le préconise le gouvernement de Jean-Marc Ayrault. « Un toit est un droit ».

Un an après la publication du rapport de mes collègues Danièle Hoffman-Rispal et Arnaud Richard, nous pouvons faire ce seul constat : la situation évolue encore trop lentement quand on est à la rue. Mais le gouvernement de Jean-Marc Ayrault montre une réelle volonté de faire évoluer la situation. Des fonds ont d’ailleurs été débloqués à cette fin.

Le plan de lutte contre la pauvreté annoncé lundi va dans ce sens. Financé à hauteur de 2,5 milliards d’euros, il permettra d’investir massivement dans l’hébergement et l’accès au logement.

Il prévoit tout d’abord des mesures d’urgence : 9 000 places d’hébergement supplémentaires, à la fois pour l’hébergement classique et l’accueil des demandeurs d’asile. Il comporte ensuite des mesures structurelles d’accès au logement, qui bénéficieront d’un effort budgétaire équivalent. Ces aides devraient faciliter l’accès à un logement pour 9 000 ménages. La mise en œuvre prochaine d’une « garantie universelle des risques locatifs » ouvrira en outre l’accès au logement aux personnes défavorisées. Enfin, ce plan reconduit l’objectif de construction de 150 000 logements sociaux par an.

Depuis sept mois le Gouvernement agit. Dès sa prise de fonction, la ministre de l’égalité des territoires et du logement avait décidé de maintenir l’ouverture de plusieurs centres d’hébergement à Paris et en région parisienne au-delà de la période hivernale. L’objectif était de rompre avec le système saisonnier actuel et d’éviter le retour à la rue à la sortie de l’hiver.

Dans le cadre de la loi de finances de 2013, les crédits consacrés à l’hébergement et à l’accès au logement des plus démunis ont augmenté de 4 % par rapport à 2012 et les moyens dédiés à l’hébergement d’urgence ont connu une hausse de 13 %.

À ces crédits supplémentaires vient s’ajouter, dès cette année, une enveloppe de 50 millions d’euros, destinés pour 80 % à la veille sociale et à l’hébergement d’urgence.

En décembre 2012, le Gouvernement a demandé aux préfets de procéder à des réquisitions, en particulier dans les zones tendues, pour répondre aux besoins d’hébergement.

La loi Duflot a permis notamment le renforcement de l’obligation de construction de logement social – la proportion minimale passe de 20 % à 25 % des logements, ce qui était d’ailleurs une préconisation du rapport – et la mobilisation du foncier public par un mécanisme de cession pouvant aller jusqu’à la gratuité.

Le développement de l’offre de logement, la rénovation de l’existant, l’accès et le maintien de tous dans un logement digne – prévention des expulsions locatives, lutte contre l’habitat indigne et les marchands de sommeil, encadrement des loyers – sont aujourd’hui, entre autres objectifs, au cœur des priorités du Gouvernement et de la majorité.

Le prochain projet de loi sur le logement, dont la concertation est en cours et qui sera, je l’espère, discuté dans les prochains mois, répondra à ces nombreuses urgences.

En conclusion, on ne peut que saluer et soutenir ces mesures qui correspondent à des choix politiques du Gouvernement et qui, non seulement répondent à l’urgence sociale, mais contribuent aussi à structurer la politique de solidarité sur le long terme.

Il reste néanmoins encore beaucoup à faire. Je pense en particulier aux Roms, dont les bidonvilles aux portes des grandes agglomérations ne cessent de grandir et dont, je ne vous apprends rien, les conditions de vie sont indignes.

Certes, madame la ministre, en sept mois il y a eu des avancées significatives, c’est indéniable ; nous sommes cependant encore loin des objectifs fixés.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Kemel, dernier orateur inscrit.

M. Philippe Kemel. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, puisque je suis le dernier orateur à m’exprimer beaucoup a déjà été dit. Mon intervention tâchera donc de dégager deux ou trois lignes de force qui pourraient être approfondies.

La solidarité, c’est l’accompagnement des personnes et des familles, à la fois dans le logement et vers l’emploi. Comme cela a été indiqué, elle prend forme dans le dialogue avec les collectivités territoriales et demeure surtout une politique du conseil général. Par conséquent, madame la ministre, envisagez-vous dans l’acte III de la décentralisation de transférer davantage de compétences – et, bien sûr, de moyens – aux conseils généraux pour la mise en œuvre des politiques d’accompagnement vers le logement ? En effet, en la matière, la politique de proximité est une nécessité et devrait permettre de rompre avec les politiques d’urgence et de construire un véritable parcours résidentiel.

Les bailleurs sociaux peuvent de manière incontestable jouer un rôle pour qu’un tel parcours fonctionne vraiment et que personne ne soit à la rue. Il faudrait proposer non pas des hébergements d’urgence mais des logements de transition, dont la gestion serait confiée aux bailleurs sociaux, en lien avec les associations. L’accompagnement par le bail glissant permettrait ainsi de traiter la question du logement toute l’année et on ne se fierait plus au thermomètre, comme vous l’avez dit, madame la ministre, pour déclencher ou non un plan particulier.

Cependant la construction de tels logements nécessite des moyens. Ne pourrait-on pas, pour financer les logements de transition, sanctuariser une partie des droits de mutation perçus par les collectivités territoriales et l’État ?

Par ailleurs, les personnes en difficulté, souvent sans emploi, vivent un drame qui rend absolument nécessaire l’accompagnement social. Les structures d’accompagnement social existent, il est inutile d’en créer de nouvelles. Les structures d’accompagnement du RSA, par exemple, fonctionnent remarquablement au sein de nos territoires ; ne peut-on pas inclure dans les compétences de ces structures la gestion du parcours résidentiel ?

Bien sûr, à un moment où l’État cherche à se désendetter, et cela est normal, la question des moyens reste pleinement posée. Certains territoires connaissent toutefois plus d’inégalités que d’autres dans ce domaine. Ne pourrait-on pas faire en sorte que le calcul de l’éligibilité à la dotation de solidarité urbaine prenne en compte ce type d’inégalités afin de soutenir les territoires les plus touchés ?

Ces propositions viennent s’ajouter aux excellentes préconisations des rapporteurs. Comme dernière intervention, c’était là une modeste contribution. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Le débat est clos.

La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Madame la présidente, madame la rapporteure, chère Danièle, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, je me réjouis que vous ayez souhaité consacrer un temps de la semaine de contrôle aux suites données au rapport sur l’évaluation de la politique de l’hébergement d’urgence et que la Conférence des présidents ait fait droit à cette demande.

Je souhaite à ce propos, chère Danièle, cher Arnaud, saluer l’excellente qualité et la richesse de ce document. Je ferai le lien avec le plan que nous mettons en œuvre et, comme vous l’avez indiqué, vous constaterez qu’un certain nombre de vos préconisations ont été prises en considération. Un an s’est écoulé depuis la présentation du rapport, mais je peux affirmer que les analyses développées par ses auteurs demeurent tout à fait pertinentes.

Je tiens également à vous remercier, mesdames, messieurs les députés – j’ai d’ailleurs remarqué que la plupart des orateurs sur ce sujet étaient des femmes – de vos interventions. Depuis mon arrivée au ministère de l’égalité des territoires et du logement, chacun a pu le constater, j’attache une importance très forte à l’amélioration de la politique d’accueil et d’hébergement des personnes sans abri ou mal logées. Plus qu’une priorité, c’est un devoir moral envers les personnes concernées. C’est, selon la formule de Mme Lepetit, que je trouve très juste, « retrouver le sens de l’humain ».

Je sais que nous partageons ce point de vue.

Dans votre rapport, vous appeliez de vos vœux l’adoption d’engagements traduisant une priorité collective accordée au sort des plus précarisés.

Je suis convaincue que le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, officiellement adopté il y a trois jours et qui engage le Gouvernement dans son ensemble et pour la durée du quinquennat, répond largement à cette demande.

Que ce soit dans les principes qu’il pose ou dans les mesures qu’il prévoit, ce plan représente l’engagement du Gouvernement pour une nouvelle politique en faveur d’une société inclusive. Les priorités que je porte pour le secteur de l’hébergement et de l’accès au logement des personnes sans abri ou mal logées s’inscrivent dans ce cadre.

C’est avec détermination, et dans le droit fil des propositions que vous avez formulées, que j’ai amorcé une réforme structurelle de la politique d’accueil et d’hébergement des personnes sans abri ou mal logées. Je suis résolue à la mener à bien.

M. Hanotin a fait référence à une obligation d’hébergement. Celle-ci figure dans la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion. Sans être assortie d’une quelconque sanction financière, elle porte sur les communes et est, dans le même temps, accompagnée d’un financement de l’État. M. Kemel a justement évoqué la question des compétences : il convient de les articuler au mieux.

Afin de répondre aux besoins identifiés par les acteurs les plus engagés, cette réforme structurelle doit avoir un double objectif : l’orientation vers le logement et l’ancrage dans les territoires.

Comme certains l’ont rappelé, les engagements pris par le Gouvernement en matière de construction de logements sont très ambitieux. Mais parallèlement, et tant que cela sera nécessaire, nous devons garantir l’accueil et l’hébergement des personnes qui en ont besoin, dans des conditions dignes et selon les trois critères de continuité de prise en charge, d’inconditionnalité d’accueil et d’égalité de traitement.

À cet égard, il nous faut faire montre d’une sensibilité particulière aux SDF « invisibles », non identifiés comme tels, à l’image de ces familles qui n’osent se signaler de peur que leurs enfants leur soient retirés ou de ces travailleurs pauvres qui refusent d’entrer dans un dispositif susceptible de les couper de l’emploi ou de les stigmatiser. M. Richard a eu parfaitement raison d’indiquer qu’aux côtés des personnes « sans abri », il existe toute une zone grise de personnes en grande fragilité, en grande précarité, qui peuvent basculer. Nous devons intervenir auprès de ces populations.

La politique de l’hébergement – et les personnes qu’elle concerne – ont trop longtemps souffert d’une approche segmentée et d’une gestion dans l’urgence, sans anticipation.

Le Premier ministre a acté très clairement la volonté de notre gouvernement de mettre fin à la « gestion au thermomètre », contre laquelle vous avez beaucoup plaidé, madame la rapporteure, rappelant qu’il était aussi pénible d’être à la rue lorsqu’il fait trois degrés que lorsqu’il fait moins dix. Il a ainsi fixé le cap de l’amélioration et de la réorganisation de l’offre d’hébergement et de la veille sociale.

Les projets territoriaux de sortie de l’hiver sont une première étape. Concrètement, il s’agit de permettre aux personnes sans abri ou mal logées d’accéder soit à un logement classique, soit à un logement d’insertion, soit à un lieu d’hébergement pérenne, avec un accompagnement adapté.

À ce stade de mon intervention, je voudrais faire un point sur les réquisitions, en réponse à Mme Fraysse et à Mme Lacroute, qui ont tenu l’une comme l’autre des propos contradictoires.

Madame Lacroute, vous dites m’avoir beaucoup écoutée, mais sans doute ne m’avez-vous pas bien entendue. À aucun moment je n’ai dit que la politique de réquisition était la clé de voûte ou le centre de ma politique. Vous pourrez relire l’intégralité de mes déclarations à l’Assemblée, dans les médias, devant les acteurs de ce secteur : j’ai affirmé systématiquement le contraire. La réquisition est un outil, légal, qui n’est pas contraire au droit de propriété. Vous avez d’ailleurs détaillé parfaitement les mécanismes prévus par les lois de 1998 ou de 1945, qui ont permis d’aboutir, plus largement que ce que vous pouvez croire, à des résultats.

Le processus de réquisition, madame Fraysse, a été lancé dès le début du mois de décembre, après un mois d’identification, selon le calendrier qui avait été fixé. Je peux vous dire que les propriétaires qui ont reçu un courrier n’ont pas eu le sentiment une seule seconde que nous prenions notre temps ! (Sourires.)

Cela a ouvert des espaces de négociation : un certain nombre d’entre eux ont mis à la disposition de personnes morales leur bâtiment, dans un cadre contractuel, de façon beaucoup plus rapide. L’outil de la réquisition ne sert donc pas seulement à réquisitionner : il permet de mobiliser, de « stimuler » des propriétaires de biens vacants qui, sans cela, se sentiraient un peu moins engagés.

M. Arnaud Richard, rapporteur. Exactement !

Mme Cécile Duflot, ministre. C’est pourquoi je continuerai, autant que nécessaire, à utiliser cet outil. Je tiens à dire que les amendements de votre groupe à la loi publiée au Journal officiel samedi permettront d’accélérer un processus, qui, pour autant, s’inscrit dans la durée. Je l’ai dit en souriant à certains de mes interlocuteurs : il ne m’apparaîtra jamais acceptable qu’une ministre réquisitionne des bâtiments au pied-de-biche ! (Sourires.) Le respect de la loi est fondamental pour les représentants de l’État.

Les bâtiments des logements réquisitionnés pourront être mis à disposition à l’issue de la période hivernale et seront donc intégrés dans les plans territoriaux de sortie de l’hiver.

Depuis le mois d’octobre, les préfets de région mènent des concertations sur leur territoire. Je souhaite que la volonté forte qui s’est exprimée lors de la réunion, mardi, du Comité interministériel de lutte contre l’exclusion soit traduite dans les faits au niveau local, dans les secteurs de l’hébergement et de l’accès au logement.

Ces concertations ont vocation à renouer le dialogue et à rétablir la confiance. Les projets territoriaux seront élaborés sur cette base, en lien, monsieur Kemel, avec les collectivités locales. La question de la prise en charge de l’hébergement se posera, je crois, lors du débat sur la décentralisation. Mais il s’agit d’un sujet si sensible et si délicat que le temps où l’État pourra se désengager d’une responsabilité dont les uns et les autres ne veulent pas spontanément est encore loin. Je peux le comprendre : l’hébergement est un sujet de solidarité et de mutualisation entre les territoires.

En revanche, il est tout à fait décisif de faire le lien entre la politique d’hébergement et la politique du logement. Nous nous y efforçons aujourd’hui, en mettant en relation l’ensemble des acteurs, pour favoriser le relogement dans de bonnes conditions des personnes accueillies en centres d’hébergement. Il ne faut pas songer que l’on puisse séparer la question de l’hébergement de celle du logement ni de celle du droit au logement opposable des personnes reconnues prioritaires.

Les projets territoriaux de sortie de l’hiver me seront remis très prochainement. Ils me permettront de veiller à l’élaboration de réponses durables et réellement adaptées aux territoires et aux ménages.

La réunion des acteurs – institutions, associations, bailleurs et personnes accueillies – doit permettre, en premier lieu, de réaliser un diagnostic partagé de la situation du territoire : état du parc, profils et besoins des personnes hébergées.

Je tiens à ce que nous saisissions cette occasion pour faire des services intégrés de l’accueil et de l’orientation – les SIAO – des instances pleinement opérationnelles, capables de remplir leurs missions d’observation sociale et de mise en réseau du dispositif d’accès au logement, au bénéfice notamment des publics les plus vulnérables. Elles seront dotées dès cette année de moyens de fonctionnement financiers et humains supplémentaires. Mais je tiens aussi à ce que s’accélère la convergence vers un SIAO unique – urgence et insertion –, que vous appelez de vos vœux dans votre rapport.

Mme Danièle Hoffman-Rispal, rapporteure. Très bien !

Mme Cécile Duflot, ministre. Le Gouvernement a décidé dès son arrivée de déployer les efforts nécessaires pour améliorer l’hébergement pérenne. Outre les 1 500 places pérennisées en juin et les moyens supplémentaires accordés à l’automne 2012, qui seront consolidés en 2013, nous pérenniserons ou créerons 9 000 places d’hébergement en 2013. C’est un événement significatif : cela faisait longtemps qu’autant de places d’hébergement n’avaient été créées.

Outre les places destinées à accueillir des demandeurs d’asile dans le dispositif spécialisé piloté par le ministère de l’intérieur – chacun sait, et vous l’avez pointé dans votre rapport, qu’une partie des places du dispositif d’hébergement classique sont actuellement occupées par des personnes qui sont du ressort des CADA, les centres d’accueil pour demandeurs d’asile – 5 000 places serviront à éviter la remise à la rue à la sortie de l’hiver des personnes hébergées, à faire face à l’afflux des demandes adressées au 115 et à répondre aux besoins spécifiques.

Pour améliorer l’accès au logement d’insertion et le retour au droit commun, un effort supplémentaire et de même hauteur sera engagé : 9 000 places de logement accompagné seront ainsi ouvertes. Mme Lagarde l’a souligné : le logement accompagné, qu’il s’agisse de l’accompagnement par des travailleurs sociaux dans un logement classique ou d’un logement spécifique intermédiaire entre les lieux d’hébergement et le logement autonome, favorise la réussite du parcours résidentiel et la libération progressive des places en centre d’hébergement.

Je ferai feu de tout bois, en veillant à utiliser tous les dispositifs qui permettront de reloger les personnes – encore nombreuses – reconnues prioritaires et devant être logées d’urgence au titre de la loi DALO. Nous avons la responsabilité d’appliquer cette disposition, qui constituait un progrès significatif mais qui ne peut nous satisfaire tant qu’elle ne permet pas le logement effectif des personnes concernées. Il faudra pour cela mobiliser les contingents réservataires de logement social, bien sûr, mais aussi le parc privé.

Mme Danièle Hoffman-Rispal, rapporteure. Nous sommes bien d’accord.

Mme Cécile Duflot, ministre. Je tiens à le préciser : faire sortir le plus rapidement possible les personnes de l’urgence, dans les meilleures conditions, demeure ma priorité. Les mesures d’accompagnement vers le logement et dans le logement seront donc renforcées.

Je souhaite avancer sur la mise en place de plates-formes d’accompagnement permettant de recenser, de rapprocher et d’organiser, au niveau départemental ou infradépartemental, les capacités d’accompagnement en sortie d’hébergement. Cela se fera en lien avec les dispositifs sociaux, tant il est nécessaire que les services de l’État et ceux des collectivités locales travaillent ensemble, monsieur Kemel.

Le renforcement des actions du Fonds national d’accompagnement vers et dans le logement, le FNAVDL, et une meilleure articulation des dispositifs existants doivent permettre de consolider une politique globale d’accompagnement favorisant l’insertion et le maintien dans le logement.

La finalisation de l’étude nationale des coûts objectivera les coûts d’investissement et de fonctionnement de ces opérations spécifiques. Des conventions pluriannuelles pourront être établies pour sécuriser les opérateurs et leur permettre d’inscrire leur action dans la durée.

Des diagnostics territoriaux, associant l’ensemble des acteurs, seront réalisés en 2013 pour mieux évaluer les besoins dans une perspective d’adaptation pluriannuelle de l’offre. Ils serviront de base à l’élaboration d’une meilleure programmation territoriale.

Dans un souci de cohérence et de simplification, je souhaite aller vers une fusion du plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées, le PDALPD, et du plan départemental d’accueil, d’hébergement et d’insertion, le PDAHI. Si nous voulons mener une politique coordonnée, lier la question de l’hébergement à celles de l’insertion et du logement est décisif.

M. Arnaud Richard, rapporteur. Oui, c’est déterminant !

Mme Cécile Duflot, ministre. Je veillerai également à ce qu’une politique globale de prévention favorisant l’insertion et le maintien dans le logement soit mise en œuvre. L’anticipation des ruptures apparaît bien comme une priorité du Gouvernement dans le plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale.

À ce titre, je suis très heureuse d’avoir entendu le Président de la République annoncer la création, d’ici la fin de l’année, d’une garantie universelle et solidaire des risques locatifs. Ce dispositif, aujourd’hui à l’étude, permettrait d’éviter les situations de rupture dues à des difficultés passagères et réduirait les phénomènes de discrimination dans l’accès au logement, tout en sécurisant les propriétaires.

D’une mise en œuvre très complexe, cette garantie serait à même de changer en profondeur l’accès au logement. Elle permettrait sans doute de remettre sur le marché une grande partie des quelque 2,5 millions de logements actuellement vacants dans notre pays.

Issue de la réflexion et de nombreux travaux, tels votre rapport sur la sécurisation et la facilitation d’accès au logement, la garantie universelle et solidaire reposerait sur la mutualisation des risques. Les 3 % d’impayés sont dus, pour 60 % d’entre eux, à des accidents de la vie. Les personnes concernées sont identifiées seulement lorsque le risque d’expulsion est manifeste, après des mois de loyers non payés. Ce dispositif permettrait à la fois de sécuriser les propriétaires redoutant de se trouver seuls face aux 40 % d’impayés dus à la mauvaise foi des locataires et de déployer, préventivement, tous les filets de sécurité existants en direction des locataires ayant connu des accidents de la vie et risquant de voir leur situation s’aggraver.

Je mesure à quel point il s’agit d’un changement significatif de nos pratiques et à quel point le chantier est vaste. Je sais que beaucoup, sur cette question, sont dubitatifs, mais, après avoir étudié l’ensemble de ces sujets et dressé le bilan de la GLI – garantie des loyers impayés –, de la GRL – garantie des risques locatifs –, de tous les dispositifs de prévention des expulsions, je suis convaincue que c’est un moyen à la fois très ambitieux et décisif pour sécuriser simultanément la situation des propriétaires et des locataires. J’espère pouvoir compter sur le soutien de tous les parlementaires qui connaissent bien la situation et veulent travailler à la fois pour la sécurisation des propriétaires et l’accès au logement.

Je crois que la lutte contre le risque d’exclusion sociale sera plus décisive si elle accompagne mieux les jeunes sortant de l’Aide sociale à l’enfance. C’est un objectif ministériel important. Ces moments de fragilité sont sensibles. Le plan prévoit qu’une expérimentation sera menée dès mars 2013 dans cinq départements afin de mobiliser spécifiquement pour ces publics les outils d’accès au logement ou à l’hébergement. Cette expérimentation sera évaluée et servira à terme de base à l’élaboration d’accords cadres nationaux de partenariat.

Enfin, permettez-moi de rappeler que la transformation structurelle du secteur de l’hébergement est indissociable de la réorientation de la politique du logement. Vous êtes tous bien au courant de ces dossiers et je ne rappellerai pas l’ensemble de nos réalisations ; Barbara Pompili et Annick Lepetit l’ont déjà fait, je les en remercie. Nous pourrons dans quelques semaines déjà vérifier l’effectivité du volet relatif à la cession du foncier public. Je le redis, madame Lacroute, la cession du foncier public est fondamentale : il s’agit d’une subvention en nature qui évite de mobiliser les services de l’État pour des subventions sur charges foncières en vue d’acheter des terrains de l’État, ce qui est beaucoup plus coûteux au final pour les finances publiques que de pratiquer une décote permettant de travailler très rapidement.

Je peux également vous annoncer que le Gouvernement travaille d’ores et déjà à la signature d’un pacte avec l’Union sociale pour l’habitat en vue de la construction de 150 000 logements locatifs sociaux par an. C’est un objectif très ambitieux, mais nécessaire. Nous avons mobilisé les moyens financiers, avec la cession du foncier public, l’augmentation de l’aide à la pierre ainsi que du budget de l’action pour le logement, et une mobilisation spécifique sur le moment présent. Nous devons travailler pour que cet objectif ambitieux soit porté par l’ensemble des acteurs et qu’il permette aussi de s’attaquer à d’autres problèmes, comme le logement des jeunes ou encore, Mme Pompili et Mme Lacroute l’ont évoqué, le logement des femmes victimes de violence, sujet très important sur lequel travaille le Gouvernement, et sur lequel je souhaite que les bailleurs sociaux s’engagent pour lui apporter une réponse rapide.

J’entends que l’objectif ne soit pas seulement quantitatif, mais aussi qualitatif. Il nous faut une diversité d’offre de logements, du logement accessible, du logement intermédiaire, un programme de soutien à la construction de logements adaptés, résidences sociales et résidences d’accueil, avec une augmentation et un renforcement de la gestion locative sociale, la GLS, outil qui permet une gestion fine de ces dispositifs.

Je souhaite également développer une offre de logements d’insertion dans le diffus. J’ai parlé des logements vacants : nous devons travailler sur la mobilisation de ces logements dans le cadre d’un partenariat entre les propriétaires et des associations ou des bailleurs qui pourraient jouer un rôle intermédiaire.

Toutes ces questions seront travaillées avec vous, j’ai déjà eu l’occasion de le dire, dans une deuxième étape structurante pour le quinquennat, cet été, lorsque nous présenterons le projet de loi « Logement et urbanisme », qui comportera de nombreuses dispositions visant à favoriser l’accès et le maintien de tous dans un logement digne et abordable. Ce sera un projet de loi vaste mais robuste et utile, qui s’appuiera sur des travaux tels que votre rapport ; il n’a en effet pas vocation à inventer l’eau tiède, mais à se fonder sur des travaux déjà réalisés, sur les expériences menées dans certaines collectivités locales, sur des besoins clairement identifiés.

Mathieu Hanotin a évoqué la question du logement indécent et des marchands de sommeil. Ces concepts, que chacun connaît et qui n’existent pas juridiquement, doivent trouver une traduction concrète pour que les maires puissent intervenir plus efficacement dans des situations qui mettent en péril la vie de familles et parfois de pompiers. Il s’agit de circonstances extrêmement douloureuses, que nous devons prévenir.

Nous travaillerons également de façon très active, madame Girardin, contre la vacance, au-delà même de la taxation, pour trouver les dispositifs qui favorisent la remise en location. Je pense, comme je l’ai dit, que la garantie universelle sera l’une des clés à cet égard.

De même, nous travaillerons à l’amélioration du parc de logements, avec le plan de rénovation énergétique sur lequel je m’implique avec ma collègue Delphine Batho.

J’ai entendu l’un de vous employer le qualificatif de « titanesque » pour caractériser l’ampleur de la réforme. C’est vrai qu’elle est titanesque mais, comme l’a indiqué Danièle Hoffman-Rispal, il doit y avoir un chemin. Chacun ici a pu le constater depuis quelques mois, la volonté du Gouvernement et la mienne en la matière sont inébranlables, et j’espère qu’elles trouveront auprès de vous, mesdames et messieurs les députés, un soutien indéfectible. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Le débat est clos.

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Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Débat sur la fiscalité écologique.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures cinq.)