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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 28 mars 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Sandrine Mazetier

1. Circonscription unique pour l’élection des représentants français au Parlement européen

Discussion d'une proposition de loi adoptée par le Sénat

Présentation

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes

M. Alain Tourret, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes

Discussion générale

M. Roger-Gérard Schwartzenberg

M. Marc Dolez

M. Pascal Popelin

M. Guillaume Larrivé

M. Arnaud Richard

M. François de Rugy

M. Pierre Lequiller

M. Jacques Bompard

M. Pierre-Yves Le Borgn

M. Thierry Mariani

Motion de rejet préalable

M. Xavier Breton

M. Thierry Repentin, ministre délégué, M. Alain Tourret, rapporteur, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, M. Marc Dolez, M. Pascal Popelin, M. Guillaume Larrivé, M. François de Rugy

Rappel au règlement

M. Guillaume Larrivé

Suspension et reprise de la séance

Rappels au règlement

M. Pascal Popelin

M. Joël Giraud

M. Marc Le Fur

M. François de Rugy

Motion de renvoi en commission

M. Marc Le Fur

M. Thierry Repentin, ministre délégué, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, M. Marc Dolez, Mme Anne-Yvonne Le Dain, M. Philippe Gosselin, M. Arnaud Richard, M. François de Rugy

Rappel au règlement

M. Guillaume Larrivé

Suspension et reprise de la séance

Rappel au règlement

M. Marc Le Fur

Discussion des articles

Avant l’article 1er

Amendements nos 41, 53, 54

2. Fait personnel

M. Marc Le Fur

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Sandrine Mazetier
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Circonscription unique pour l’élection des représentants français au Parlement européen

Discussion d’une proposition de loi adoptée par le Sénat

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, rétablissant une circonscription unique pour l’élection des représentants français au Parlement européen (nos 44, 826).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, madame la présidente de la commission des affaires européennes, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les députés, je tiens tout d’abord à vous faire part du regret de mon collègue Manuel Valls, ministre de l’intérieur, de ne pouvoir être présent ce matin afin de débattre de la proposition de loi inscrite à l’ordre du jour par le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste. Cependant, en raison de ma responsabilité ministérielle, qui est au cœur du sujet traité, et de mon engagement personnel, depuis des années, sur la question européenne, c’est avec plaisir que je suis devant vous ce matin.

Cette proposition de loi visant à rétablir une circonscription unique pour l’élection des représentants français au Parlement européen a été adoptée par le Sénat en juin 2010. Elle a été rejetée par la commission des lois de votre assemblée le 20 mars dernier.

Ce texte s’inscrit dans une discussion amorcée il y a de nombreuses années sur le cadre d’organisation des élections européennes – je ne citerai pas les multiples propositions de loi qui ont été déposées sur le sujet.

À ce jour, deux dispositifs ont été appliqués. De 1979 à 2003, les représentants français au Parlement européen étaient élus à la représentation proportionnelle appliquée à l’échelle nationale. Depuis 2004, c’est le cadre interrégional qui prévaut. Aujourd’hui, par cette proposition de loi, le groupe radical nous propose de revenir au système antérieur. C’est sans doute une réponse insatisfaisante à une question légitime, celle de la participation électorale.

Je ne peux que vous rejoindre, monsieur le rapporteur, quand vous pointez le fait que l’abstention reste forte – trop forte – et que l’espace européen semble encore éloigné du champ de perception des Français.

Voilà bien le paradoxe européen : un désintérêt croissant des citoyens alors que, dans le même temps, l’impact réel des décisions européennes sur leur vie quotidienne se développe considérablement.

Je pense à toutes les mesures directement utiles aux citoyens européens, qui les concernent lorsqu’ils font leurs courses alimentaires, quand ils prennent des médicaments, quand ils paient leur facture énergétique après avoir procédé à la rénovation thermique de leur logement ou encore lorsqu’ils se déplacent pour leur travail ou leurs loisirs. Je pense aussi – beaucoup d’entre vous sont des élus locaux – à tous les équipements publics qui ont vu le jour sur le territoire national grâce à l’accompagnement de l’Europe ; aux activités associatives qui sont possibles aujourd’hui parce qu’elles sont, elles aussi, cofinancées par des fonds européens ; aux programmes d’insertion bénéficiant du fonds social européen ; à la présence d’activités économiques qui ont été rendues possibles grâce à des aides des fonds structurels sur l’aménagement du territoire. Dans tous ces gestes qui constituent la matière brute de nos existences, l’Europe est présente.

Nous partageons le constat de ce paradoxe, mais il n’est pas établi que le cadre du scrutin soit déterminant quant au taux de participation.

M. Thierry Braillard. Le résultat est pourtant là !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Certes, le taux d’abstention a frôlé les 60 % lors des élections de 2009.

M. Thierry Braillard. Un record !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Je note cependant, comme le fait M. Tourret dans son rapport, que ce mouvement est hélas ! commun à l’ensemble de l’Union européenne. Or chaque État ou presque a ses propres modalités d’organisation des élections européennes.

L’intérêt limité de nos concitoyens pour les questions européennes n’a en réalité que peu à voir avec le mode de scrutin. Le mal me semble plus profond et, par conséquent, plus inquiétant aussi.

Mme Annick Girardin. C’est bien là le problème !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Nous sommes donc quelque peu dubitatifs quant à l’efficacité de cette proposition de loi. Nous le sommes d’autant plus dans le contexte actuel : faut-il ouvrir une telle discussion aujourd’hui ?

Malgré cela, le mérite de texte est sans doute de nous amener à nous projeter au-delà du prochain renouvellement du Parlement européen. À l’approche des élections, la clarté et la stabilité s’imposent à nous. Comme vous le savez, en matière électorale, il faut agir avec mesure, discernement et prévisibilité.

Les élections de 2014 approchent et les attentes des Français ne se portent pas sur le mode de scrutin. Il en va tout autrement du scrutin départemental – vous discutez actuellement de sa réforme –, dont l’échéance est plus éloignée, car il doit avoir lieu en 2015.

En outre, cette dernière réforme découle d’un engagement pris pendant la campagne pour les élections présidentielles et vise à modifier une autre réforme du même scrutin, portée par la majorité d’alors et qui avait donné lieu à beaucoup moins de concertation – c’est là une vraie rupture de méthode.

Comment garantir la proximité et le pluralisme tout en éveillant l’appétit pour l’Europe ?

Ce que nous voulons tous, c’est une Europe plus proche des citoyens. La territorialisation du scrutin a un avantage indéniable : elle crée les conditions favorables à une campagne concrète sur l’impact de la politique européenne, avec des candidats et des candidates identifiées au territoire.

Pourquoi soustraire le débat européen aux réalités de terrain ? Les députés Axelle Lemaire et Matthias Fekl ont justement soulevé cette question en commission. Souhaite-t-on, par exemple, revenir sur la reconnaissance européenne des territoires ultramarins ? Je ne le pense pas. D’ailleurs, l’Europe elle-même raisonne en termes de régions, notamment en ce qui concerne les fonds de cohésion. Je pense par exemple – nous l’avons vu ici, la semaine dernière, à l’occasion du débat organisé à l’initiative de la commission des affaires européennes – au dispositif d’accompagnement des jeunes en matière de formation et d’emploi, doté de 6 milliards d’euros, qui sera mis en place prochainement et sera distribué au niveau régional.

Ce n’est pas une réforme électorale qui redonnera confiance en l’Europe. Ce qui le fera, ce sont des politiques européennes répondant aux aspirations des citoyens. Ce sont des mesures ambitieuses qui feront sortir l’Union de la crise économique et sociale qu’elle traverse. Il faut une Union européenne plus intégrée, plus solidaire, plus prospère et plus juste. Voilà ce qui doit nous permettre de mobiliser les Français pour la construction de l’Europe de demain.

C’est à cela que le président de la République s’est attelé dès juin 2012 en engageant la réorientation de la construction européenne vers la croissance et l’emploi ; c’est ce pour quoi nous nous battons en mettant en œuvre le pacte pour la croissance, la taxe sur les transactions financières et la supervision bancaire et en lançant notamment le grand chantier de l’approfondissement de l’Union économique et monétaire. Il faut cesser de diaboliser l’Europe et d’en faire le bouc émissaire des maux nationaux, comme ce fut le cas sous la précédente majorité. Si nous parvenons à montrer que, dans la crise actuelle, l’Europe est, non pas un problème, mais bien une solution, alors un grand pas aura été accompli.

La solution est aussi, évidemment, de faire en sorte que les citoyens eux-mêmes s’emparent de la question européenne. Les élections de 2014 doivent être l’occasion d’un débat contradictoire entre projets politiques.

J’entends pour ma part y contribuer, aller à la rencontre de ceux qui réfléchissent au projet européen et rendre les enjeux de ce scrutin plus lisibles. Je me déplacerai dans les régions de France pour sensibiliser les Français à toutes les réalisations de l’Europe qui améliorent notre quotidien sans qu’on en ait conscience. J’irai à la rencontre de nos concitoyens pour leur faire connaître le rôle du Parlement européen et de ses élus, qui n’ont cessé de gagner en importance ces dernières années, mais auxquels les Européens se sentent encore trop peu liés.

Si l’on souhaite que l’Europe soit incarnée, les citoyens doivent connaître les candidats – et les élus. À cet égard, le cadre régional permet une meilleure connaissance des candidats sur le territoire que ne le fait une tête de liste nationale. J’ai connu, pour avoir moi-même été candidat il y a quelques années au scrutin de liste nationale, le total anonymat dans lequel on est plongé dès lors que l’on n’est pas dans les premières places.

M. Alain Tourret, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Cela vous a peut-être permis d’être là aujourd’hui !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Le mode d’organisation actuel de l’élection européenne cherche à concilier la proximité entre les électeurs et les élus et la représentation des divers courants d’idées et d’opinions.

Le découpage des huit circonscriptions a permis la constitution d’ensembles somme toute cohérents, en s’efforçant de respecter une certaine logique géographique – le grand Sud-Ouest, le grand Sud-Est ou encore l’Île-de-France –, administrative – elles regroupent des régions entières – et démographique.

Il aurait été très difficile, pour ne pas dire impossible, de mettre en place des circonscriptions de plus petite taille. C’est le pluralisme qui aurait alors été mis en cause. Je rappelle que les articles 1er et 2 de l’acte modifié du 20 septembre 1976 portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct stipulent que les États membres peuvent, dans le cadre d’un scrutin « de type proportionnel », constituer des circonscriptions pour l’élection au Parlement européen ou prévoir d’autres subdivisions électorales « sans porter globalement atteinte au caractère proportionnel du mode de scrutin ». Il n’aurait pas été possible de créer des circonscriptions régionales ou départementales, dotées d’un ou deux sièges, sans porter atteinte à ce principe. Enfin, la représentation des partis les plus modestes a été facilitée par l’abaissement du seuil de remboursement des frais de campagne, ramené de 5 % à 3 % des suffrages exprimés afin de ne pas dissuader les candidatures. Ce système présente donc des avantages indéniables.

Vous l’aurez compris, le Gouvernement n’est donc pas convaincu de l’urgence et de la nécessité de réformer aujourd’hui le mode d’élection des représentants français au Parlement européen. C’est la raison pour laquelle il fait le choix de la stabilité. Nous n’en sommes pas moins persuadés de l’importance des enjeux soulevés aujourd’hui. À cet égard, soyez certains que nous mettrons tout en œuvre pour faire des élections européennes de 2014 une belle réussite démocratique, au service de l’Europe et des Européens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Tourret, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. Alain Tourret, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Permettez-moi tout d’abord de vous dire, monsieur le ministre, que nous sommes très heureux que le ministre délégué chargé des affaires européennes vienne en personne pour la discussion de cette proposition de loi particulièrement importante.

Les prochaines élections européennes auront lieu dans environ un an, au mois de mai 2014. La proposition de loi que nous examinons ce matin vise à faire en sorte que les citoyens élisent leurs représentants au Parlement européen dans le cadre d’une seule circonscription nationale.

Cette proposition de loi a été déposée au Sénat par l’un des nôtres, Yvon Collin, et par plusieurs de ses collègues du groupe du Rassemblement démocratique et social européen.

Le Sénat l’a adoptée le 23 juin 2010, contre l’avis défavorable de la commission – j’espère que nous suivrons le même schéma aujourd’hui –, mais avec, je tiens à vous le dire, monsieur le ministre, les voix du groupe socialiste,…

M. Thierry Braillard. Ce sont des sages !

M. Alain Tourret, rapporteur. …celles du groupe communiste, républicain et citoyen et l’essentiel des voix centristes. Les seuls à s’y être opposés sont les sénateurs du groupe UMP et le Gouvernement, alors représenté par M. Alain Marleix.

M. Jean-Luc Laurent. Tout à fait !

M. Alain Tourret, rapporteur. Cette proposition de loi vise à revenir, ni plus ni moins, à la situation applicable aux cinq premières élections européennes : en 1979, quand François Mitterrand était favorable à la circonscription unique – voyez sous quels auspices je me place, monsieur le ministre, moi qui ai fait toutes mes classes politiques avec le président Mitterrand ! –…

M. Thierry Repentin, ministre délégué. C’est une belle référence !

M. Alain Tourret, rapporteur. …puis en 1984, 1989, 1994 et 1999, lorsque les plus grands d’entre les socialistes – MM. Fabius, Rocard, avec toutefois moins de succès, et le Président de la République actuel – ont mené les listes nationales.

M. Jean-Luc Laurent. Eh oui !

M. Alain Tourret, rapporteur. En rupture avec la règle qui voulait que les hommes politiques se retrouvent face à l’ensemble du peuple français, un projet de loi a été déposé par le gouvernement Raffarin pour découper le territoire national en huit circonscriptions.

À l’époque, les groupes qui composent aujourd’hui la majorité s’y étaient opposés avec force, d’aucuns le qualifiant même d’« inique ». L’actuel Président de la République, l’actuel Premier ministre et l’actuel président du groupe SRC étaient tous trois signataires de la motion de censure alors déposée.

Ce projet de loi, finalement adopté le 11 avril 2003, était censé lutter contre l’abstention et favoriser le rapprochement entre députés européens et électeurs. Ces deux objectifs ont-ils été atteints ?

L’abstention n’a cessé de progresser. Elle a atteint le taux de 59,4 % lors des élections européennes de juin 2009, un record absolu depuis l’instauration du suffrage universel ! Quel échec ! Certes, les autres pays européens connaissent aussi ce phénomène, mais la France est le pays où la hausse de l’abstention a été la plus forte. Or les représentants du peuple souverain que nous sommes doivent tout faire pour empêcher l’abstention, qui vicie la démocratie.

C’est une douce rigolade que de dire que les circonscriptions interrégionales ont renforcé la proximité avec les électeurs. Connaissez-vous, chers collègues, le nom de vos députés européens ? Je connaissais celui de M. Repentin, lorsque le ministre s’est présenté, mais j’ignore qui a été élu dans ma région. On me souffle le nom de M. Gilles Pargneaux. (Exclamations sur divers bancs.) C’est tout ce que je peux vous dire, car je ne l’ai jamais rencontré, alors que j’assume un certain nombre de responsabilités politiques…

M. Philippe Gosselin. Nous allons vous faire rencontrer des députés européens !

M. Alain Tourret, rapporteur. En guise de lien de proximité, c’est le tourisme électoral qui s’est renforcé, certains, soi-disant particulièrement attachés à leur circonscription, n’hésitant pas à la quitter pour en rejoindre une autre distante de 500 ou 1 000 kilomètres. Ce lien n’existe pas.

Et que dire de la nécessaire représentation des petits partis, qui sont, au même titre que les grands partis, des éléments fondamentaux de la démocratie ? Autrefois, le seuil de représentativité était fixé à 5 % des suffrages exprimés. Mais aujourd’hui, dans les grandes circonscriptions comme l’Île-de-France ou le Sud-Est, c’est un score de 8 % qu’il faut réaliser pour pouvoir prétendre à un siège. Dans les circonscriptions plus petites, comme Massif central-Centre, il faut réunir 15 % des suffrages pour obtenir un représentant.

M. François de Rugy. Eh oui ! Scandaleux !

M. Alain Tourret, rapporteur. Ce mode de scrutin, qui n’a de proportionnel que le nom, s’oppose à l’idée européenne qui veut que l’ensemble des grandes idéologies soient représentées.

Il ne peut y avoir de convictions ou d’enjeux européens qu’avec une circonscription nationale unique. C’est le cas ailleurs en Europe, puisque, parmi les Vingt-Sept, seuls cinq États disposent de plusieurs circonscriptions, et encore ces circonscriptions multiples correspondent-elles parfois, comme en Belgique, aux différences linguistiques.

J’ai consulté les représentants de l’ensemble des partis, grands et petits. Les dix qui m’ont répondu ont toutes affirmé qu’elles étaient favorables au retour de la circonscription nationale unique.

Vous avez fait preuve de beaucoup de prudence, monsieur le ministre,...

M. Thierry Braillard. De sagesse !

M. Alain Tourret, rapporteur. …et je vois bien que votre opposition n’est pas frontale, mais d’opportunité.

Mais je ne peux pas vous suivre. Actuellement, nous soutenons la majorité et l’action du Président de la République. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Actuellement !

M. Alain Tourret, rapporteur. Il n’y a aucune raison que cela change, étant donné les engagements pris par lui, en particulier sur le plan européen.

Monsieur le ministre, nous voulons porter le message du Président de la République dans le cadre de la prochaine campagne électorale européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Très bien !

M. Alain Tourret, rapporteur. Nous sommes, fondamentalement, des fédéralistes européens. Nous voulons mener ce combat et discuter de ce qui peut être transféré au niveau européen. Nous voulons soutenir la politique du Président de la République dans le cadre de la relance européenne. Nous voulons porter l’idée d’un impôt européen. Nous voulons voir ce qui peut être obtenu dans cette rencontre fondamentale entre les Français et l’Europe.

Mais comment le faire, monsieur le ministre, si l’élection européenne est dépourvue de cette dimension nationale ? Pensez à ceux qui, au sein du groupe SRC, ont toujours défendu cette position. Pensez au Président de la République qui, chacun le sait, nous a encouragés en décembre d’un « Allez-y, je vous suis ! » (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Pensez également à ceux des dirigeants du parti socialiste, et au premier d’entre eux, qui soutiennent – soutenaient, devrais-je dire – la position qui est aujourd’hui la nôtre.

Ce qui compte, c’est de rencontrer les Français lors des élections européennes et de faire passer le grand message européen. L’Europe, c’est fondamental ! Chez les radicaux, nous y croyons de toutes nos fibres : c’est l’un des nôtres, Maurice Faure, qui a signé le Traité de Rome.

M. Paul Giacobbi. Tout à fait !

M. Alain Tourret, rapporteur. Nous voulons pouvoir porter notre message au niveau européen et convaincre de la justesse de nos opinions. Voilà ce qui nous importe ! Certains, comme les souverainistes, défendront d’autres convictions. Mais au moins en aurons-nous tous la capacité.

Enfin, comment ne pas considérer qu’avec huit circonscriptions, il n’y aura pas de leaders de premier plan ?

M. Philippe Gosselin. Choisissez mieux vos candidats !

M. Alain Tourret, rapporteur. Le message européen doit encore porter, et nous voulons le relayer dans toute la France. Tous nos engagements politiques sont fondés sur l’Europe. C’est parce que nous sommes des Européens viscéralement convaincus de la nécessité de l’Europe que nous avons déposé, au nom du groupe RRDP, cette proposition de loi, que je vous demande d’adopter. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires européennes, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’élection au Parlement européen est un acte essentiel quand on souhaite que l’Europe soit aussi un espace citoyen.

Vous avez choisi, monsieur le rapporteur, de reprendre une proposition sénatoriale votée il y a près de trois ans, le 23 juin 2010, nous donnant ainsi l’occasion de confronter, sur un sujet important, nos points de vue.

Vous proposez donc de revenir à un scrutin à la proportionnelle intégrale, sur une circonscription unique, au motif notamment que la participation n’a cessé de baisser et qu’il faudrait trouver le moyen de rétablir la confiance des citoyens envers l’Union européenne, au travers du Parlement européen.

En commission, à la page 12 de votre rapport, et à l’instant à la tribune, vous vous êtes référé au soutien des actuels Président de la République, Premier ministre et président du groupe SRC, qui auraient à l’époque qualifié d’« inique » le mode de scrutin européen.

Connaissant votre souci de la précision et sachant la force de vos arguments, j’ai alors douté : pouvais-je voter contre votre proposition, alors que le Président de la République avait lui aussi condamné ce mode de scrutin ? Je me suis donc mis en quête des documents que vous citez à l’appui de votre thèse.

Vous avez eu l’habileté de reprendre une phrase issue d’une motion de censure déposée le 13 février 2003 par les trois signataires cités plus haut, sauf qu’elle ne concerne pas le mode de scrutin des européennes.

M. Alain Tourret, rapporteur. Si !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Vous avez, comme moi, relu les débats. Cette expression, employée le 13 février par Jean-Marc Ayrault lorsqu’il a indiqué son intention de déposer motion de censure, visait la modification du mode de scrutin des régionales,…

M. Alain Tourret, rapporteur. Il visait les deux !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. …texte sur lequel le groupe socialiste avait d’ailleurs déposé 12 000 amendements. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Nous jouons petit bras, à côté de vous ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. J’ai relu aussi les débats du 15 février, jour où Jean-Marc Ayrault a défendu la motion de censure. Je n’y ai trouvé aucune phrase condamnant le mode de scrutin des élections européennes.

Je comprends la rhétorique et je vois votre habileté, mais je me dois de rappeler que ce n’était pas le mode de scrutin des européennes qui était visé. Comment d’ailleurs cela aurait-il été possible, alors que le gouvernement de Lionel Jospin avait déposé le 10 juin 1998 un projet de loi qui visait justement à créer des grandes circonscriptions pour les élections européennes ? La commission des lois avait même adopté, le 10 juillet 1998, un rapport en faveur de son adoption.

M. Alain Tourret, rapporteur. J’y étais. Le texte a été retiré !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Le rapporteur en était Marc Dolez.

M. Marc Dolez. C’est vrai !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Comme vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, la démarche n’avait pas été à son terme, mais le groupe socialiste avait montré à cette occasion son intérêt pour un tel mode de scrutin.

Cinq ans plus tard, en 2003, c’est un autre gouvernement qui le faisait adopter. Là encore, ce n’est pas sur ce sujet qu’il y avait eu débat et je crois même pouvoir dire, sans crainte d’être démenti, que le consensus était assez large.

Vous avez tenté, avec l’habileté qui vous caractérise, de soulever une contradiction. Mais elle n’est qu’apparente. Ce point d’histoire fait, revenons au sujet, puisqu’il mérite débat.

Nous connaissons bien ce mode de scrutin. Voté en 1977, il a été appliqué en 1979 pour la première fois. Nous l’avons vu à l’œuvre cinq fois et vous en avez rappelé les travers : une participation toujours plus faible, tombée à 50 % en 1999, lorsque a été utilisé ce mode de scrutin pour la dernière fois ; des élus trop lointains ; le morcellement de la représentation française au sein du Parlement.

Mais nous connaissons tout autant les travers du mode de scrutin actuel, et il n’est donc pas évident de choisir entre l’un et l’autre. Aucune thèse n’emporte véritablement la conviction, et tous les arguments sont réversibles.

Ce que je crois, en revanche, c’est qu’il faut que cette élection retrouve son sens. Nous sommes tous responsables du fait que les citoyens se détournent des élections européennes Songeons ici à l’image que donnent de notre représentation les députés que nous y avons élus. Faut-il rappeler que, dès le lendemain des élections de juin 2009, trois parlementaires nouvellement élus ont immédiatement décidé de ne pas siéger et que, sur les 72 élus français, douze ont déjà abandonné leur mandat – comme sous la précédente législature ?

Trop de députés français ne siègent pas au Parlement européen ; quant aux autres, il n’y font pas montre d’une très grande activité. Ce n’est d’ailleurs pas les plus grands défenseurs de l’Europe qui sont les plus assidus, ni d’ailleurs ses plus grands contempteurs. Je pense notamment à un député adepte du parler « cru et dru », élu dans la circonscription du Sud-Ouest, dont le taux de présence aux réunions du Parlement n’est que de 61 % ; à une élue du Nord-Ouest, dont le taux de participation n’est que de 58 % ; à cette élue d’Île-de-France enfin, dont le taux de participation ne dépasse pas 57 %.

Cette faible assiduité se traduit par le fait qu’il n’y a aucun Français parmi les dix-neuf membres du Bureau du Parlement européen et que nous n’avons que onze coordonnateurs, là où l’Allemagne en compte trente et le Royaume-Uni trente-quatre.

Je veux donc bien discuter du changement de mode de scrutin, mais je ne crois pas que telle la réponse à la désaffection des Français pour l’Union européenne, laquelle a davantage à voir avec notre comportement politique au sein du Parlement.

Mme Françoise Descamps-Crosnier et M. Pascal Popelin. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires européennes.

Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le débat que nous avons eu hier, au sein de la commission, sur le sujet qui nous occupe fut extrêmement riche ; je tenterai d’en faire ici la synthèse.

La proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui marque le lancement du débat électoral de l’année prochaine, mais j’aimerais inscrire aussi ces échanges dans l’année de la citoyenneté européenne.

Il ne s’agit pas seulement de garantir que les peuples pèsent directement sur le destin de l’Union, mais il faut aussi s’assurer que ces élections portent sur les vrais sujets d’avenir et ne dégénèrent pas en un énième débat franco-français – ce qui est malheureusement une tendance nationale !

Cette proposition de loi est-elle de nature à nous aider à réussir ce double défi ? Permettez-moi, chers collègues, de me poser quelques questions préalables sur la capacité de l’ingénierie électorale nationale à faire naître un véritable débat européen, et ce quel que soit le découpage adopté.

La loi de 2003, qui a introduit le scrutin régional aujourd’hui en vigueur, n’a pas répondu aux attentes de ses rédacteurs – nous pouvons, je crois, tous l’admettre. Elle n’a pas empêché l’abstention, qui a progressé, détournant désormais six Français sur dix du destin européen, et a échoué à tisser un lien de proximité entre les eurodéputés et leurs électeurs. Elle n’a pas non plus évité les parachutages, et rien ne prouve que les grandes régions artificiellement dessinées aient raffermi l’ancrage local.

Gardons-nous, cela étant, de parer de toutes les vertus la circonscription unique, pratiquée en France pendant vingt-cinq ans. Plus respectueuse des principes de représentation proportionnelle – ce qui, convenons-en, est un luxe dans notre pays –, elle n’est pas non plus idéale. Elle n’a pas empêché les partis les plus hostiles à la construction européenne d’engager la campagne sur des chemins qui n’avaient que bien peu de rapport avec ce dont on débat à Strasbourg ou à Bruxelles.

Car, et c’est l’essentiel, j’ai bien peur que le choix entre liste nationale et listes régionales ne soit, en dernière analyse, guère décisif pour la qualité des prochaines élections.

Le scrutin régional de 2009 n’a pas empêché, par exemple, quelques listes audacieuses de se trouver des leaders aptes à incarner l’élection et à imposer des thèmes européens au cœur des débats, et peut-être songez-vous ici au même exemple que moi… (Sourires.) Inversement, l’avant-2004 ne manque pas de rendez-vous manqués entre les Français et l’Europe.

Compte tenu de l’impact de l’Union européenne sur la vie de nos concitoyens et de l’ampleur des attentes qu’elle doit satisfaire pour sortir des crises multiples que nous traversons, nous devons faire des élections de 2014 un rendez-vous fort entre les peuples et leur avenir. Là est l’essentiel.

L’austérité, le fétichisme de la compétitivité comme seul ressort de l’Union ne relèvent pas d’une pseudo-fatalité mais bien de choix politiques clairs.

Or, 2014 peut donner un souffle nouveau au projet européen. Si la solidarité et la justice sociale ne sont pas là, nombre de nos concitoyens risquent de se détourner encore plus de l’Europe et de s’abandonner aux extrêmes.

Quelle que soit la circonscription retenue, nous ne parviendrons à mobiliser les électeurs qu’en incarnant clairement la démocratie européenne. Cela impose que les partis préparent et animent la campagne à l’échelon européen, expriment leur vision de l’Europe et se dotent de programmes précis sur tous les enjeux.

Cela suppose aussi que chaque parti désigne son candidat, ou sa candidate, à la présidence de la Commission européenne et lui donne une place prépondérante dans les débats.

Les chefs d’État et de gouvernement pourraient également s’engager dès à présent à proposer à l’investiture du Parlement européen le candidat, ou la candidate, de la majorité arrivée en tête aux élections, comme le suggère – mais, il est vrai, sans l’imposer – le traité de Lisbonne.

Il faudrait enfin que, au lieu d’être le résultat de tractations secrètes entre gouvernements, les équilibres politiques entre les commissaires et les autres acteurs européens, comme le président du Conseil européen, soient conformes à ce que les peuples ont exprimé à travers les élections.

Je pense donc que notre débat d’aujourd’hui, à plus longue échéance, nous invite à repenser en profondeur l’ancrage démocratique européen. L’opacité, la précipitation et l’absence de contrôle parlementaire qui caractérisent tant de décisions prises dans l’enceinte du Conseil sont de moins en moins acceptées par les peuples, et ils ont raison !

Je le redis, liste nationale ou régionale, la forme du scrutin n’est qu’un élément, certes intéressant, de la réforme que nous devons promouvoir.

J’espère qu’un jour une fraction des eurodéputés sera élue sur une base transnationale, avec une représentation équilibrée au Parlement européen. Rappelons qu’aujourd’hui un député maltais peut représenter 65 000 habitants, tandis qu’un Français ou un Allemand en représente 850 000 !

Rappelons aussi la nécessité d’une association plus étroite des parlements nationaux à la prise de décision européenne, sur les politiques économiques et budgétaires dont nous, élus nationaux, demeurons comptables auprès de nos peuples.

L’année qui s’ouvre est une occasion exceptionnelle pour faire émerger dans notre pays un véritable élan citoyen pour l’Union. Encore faut-il que nous, ici, en soyons les porteurs les plus convaincus, quelle que soit la décision que nous prendrons sur la forme. Car notre Assemblée, en se saisissant avec conviction de ces sujets européens, permettra à nos concitoyennes et à nos concitoyens de se réapproprier cet avenir commun, ce qui aura réellement du sens.

M. François de Rugy. Très bien !

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le premier devoir des républicains est de veiller au bon fonctionnement de la démocratie. Or le système actuel d’élection des représentants français au Parlement européen fonctionne mal, et même très mal, surtout depuis la loi du 11 avril 2003, votée à l’initiative du gouvernement Raffarin.

Jusque là, nos représentants au Parlement européen étaient élus dans une seule circonscription, une circonscription unique formée par l’ensemble du territoire de la République. La loi de 2003 a remplacé cette circonscription unique par huit circonscriptions, spécialement conçues pour les élections européennes, établies dans ce seul but et cessant ensuite d’avoir toute existence réelle pendant cinq ans. Bref, des circonscriptions à éclipses, qui apparaissent et disparaissent par intermittence. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.) Cette situation fait exception dans l’Union européenne, dont vingt et un États sur vingt-sept disposent d’une circonscription nationale unique, à l’instar de la France avant la réforme de 2003.

Soyons objectifs et pragmatiques, et constatons les faits : notre nouveau mode de scrutin a déjà été appliqué deux fois, en 2004 et en 2009, et il a mal fonctionné. Il faut savoir tirer les conclusions de cet échec et renoncer au système de 2003, qui n’a pas répondu aux objectifs qu’il était supposé poursuivre.

Ce système visait, disait-on, à rapprocher les électeurs et leurs représentants au Parlement européen. Ce lien ne s’est pas renforcé ; il ne pouvait pas l’être par la création de huit circonscriptions, trop vastes et trop peuplées pour que puisse s’établir une telle proximité.

Excepté l’Île-de-France, chacune de ces circonscriptions a une superficie très importante et regroupe plusieurs régions. La circonscription Sud-Est, par exemple, s’étend de Bourg-en-Bresse à Bonifacio, la circonscription Nord-Ouest va de Cherbourg à la Belgique, la circonscription Est va de Charleville-Mézières à Mâcon, et l’on pourrait continuer ainsi. Ces méga-circonscriptions recouvrent une superficie et une population d’une importance telle qu’elles ne peuvent nullement être le cadre d’une véritable proximité entre électeurs et élus.

De plus, excepté encore l’Île-de-France, ces circonscriptions ont été spécialement et exclusivement conçues pour les élections européennes. En fait, elles apparaissent hétérogènes et hétéroclites. Elles ne correspondent à aucune réalité humaine, historique, géographique ou économique. On a le sentiment, au contraire, de découpages artificiels, de tracés arbitraires sans rapport avec les réalités vécues.

M. Jean-Luc Laurent. Très juste !

M. Paul Giacobbi. Elles sont une injure à l’histoire et à la géographie !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Cette carte électorale, dépourvue de véritable cohérence, manque de clarté pour nos concitoyens. Ceux-ci se retrouvent face à un système électoral peu intelligible et peu lisible, un système complexe et dissuasif qui ne les incite pas à aller voter.

La réforme de 2003 comporte un inconvénient supplémentaire : avec le scrutin de liste nationale, étaient candidats des personnalités politiques de premier plan. C’était généralement les leaders des partis qui conduisaient eux-mêmes les listes, ce qui contribuait à susciter l’intérêt des électeurs. On observe d’ailleurs que les cinq derniers présidents de la République ont tous été têtes de liste aux élections européennes à un moment ou l’autre de leur carrière.

Avec la réforme de 2003 en revanche, il n’y a plus une tête de liste nationale mais huit têtes de liste interrégionales. Et, naturellement, ces huit têtes de liste ont une plus faible notoriété et donc moins d’aptitude à mobiliser les électeurs sur leur nom.

Autre inconvénient : en s’inscrivant dans le cadre de huit circonscriptions particulières, le débat européen risque de se segmenter, de se parcelliser et d’interférer avec la défense d’intérêts territoriaux ou locaux, ce qu’il faut à tout prix éviter. L’enjeu du débat électoral européen doit être : « Quelle Europe voulons-nous, et comment la France peut-elle concourir à la construire l’Europe ? » En aucun cas il ne doit se confondre avec la défense ou la promotion des intérêts locaux propres à l’Ouest, à l’Est, au Sud-Ouest ou au Sud-Est. Le débat européen n’a pas vocation à se disperser aux quatre points cardinaux, à se fragmenter, à se compartimenter.

Dernier inconvénient du système actuel : il joue comme un frein au pluralisme, comme un obstacle à la représentation de la diversité des forces politiques.

M. Paul Giacobbi. Il a d’ailleurs été fait pour ça !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Ce mode de scrutin favorise mécaniquement les formations dominantes, qui disposent des moyens humains et matériels nécessaires pour mener campagne dans l’ensemble des circonscriptions. En revanche, il désavantage les autres formations, qui ne peuvent mobiliser autant de moyens.

Avant la réforme de 2003, les partis de dimension moyenne et les formations émergentes avaient plus de facilité à mener une campagne nationale unique qu’une campagne démultipliée dans huit circonscriptions.

M. Marc Dolez. C’est vrai !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Par ailleurs, dans le cadre territorial national, il suffisait qu’une liste obtienne 5 % des voix pour avoir un élu. Cela reste théoriquement la règle mais, en pratique, ce seuil est désormais sensiblement plus élevé dans le cadre de huit circonscriptions. Ainsi, même en Île-de-France, où le nombre de sièges est le plus important – quatorze –, le seuil à atteindre pour avoir un élu est désormais d’environ 7,5 %.

Ces atteintes au pluralisme sont d’autant plus regrettables qu’elles sont désormais clairement en discordance avec nos règles constitutionnelles.

En effet, depuis la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008, l’article 4, alinéa 3, de la Constitution dispose que : « La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation. »

Il en découle un réel paradoxe, auquel il importe de mettre fin. Alors que les pouvoirs du Parlement européen s’étendent, tant sur le plan législatif que budgétaire, la participation au scrutin européen régresse très sensiblement. On en vient à voter de moins en moins pour élire un Parlement qui a de plus en plus de pouvoir.

Les taux d’abstention aux deux derniers scrutins européens ont ainsi battu tous les records : 57,24 % en 2004, 59,35 % en 2009.

Certes les élections européennes n’ont jamais connu un taux très élevé de participation, mais pas à ce point-là. Rappelons que le taux d’abstention à la première élection du Parlement européen au suffrage universel s’élevait à 39,30 %, contre 59,35 % en 2009, soit vingt points de plus ! Vingt points de plus !

M. Gérard Charasse. C’est énorme !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Alors que le système électoral antérieur, avec ses listes nationales, était simple et clair, le nouveau est complexe et artificiel. Il en devient démotivant et démobilisateur pour les électeurs et accentue encore la désaffection populaire pour les élections européennes.

C’est pourquoi le groupe Rassemblement démocratique et social européen du Sénat a déposé une proposition de loi revenant sur le texte de 2003 et rétablissant une circonscription unique.

Ce texte a été adopté par le Sénat le 23 juin 2010 à une large majorité, avec les voix du groupe socialiste auquel, je crois, appartenait à l’époque le ministre des affaires européennes. Si je ne m’abuse, sauf erreur de ma part car chacun peut se tromper et moi plutôt qu’un autre, j’ai le sentiment qu’il a dû voter cette proposition de loi qu’il semble récuser aujourd’hui…

M. Thierry Braillard. On peut le vérifier !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Ce texte a donc été adopté avec les voix du groupe socialiste, du groupe communiste, du groupe RDSE et de plusieurs élus centristes.

C’est cette proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui dans notre niche. Le rapporteur Alain Tourret, dont je salue le travail, a, avec sagesse et efficacité, consulté l’ensemble des formations politiques dont la quasi-totalité a répondu favorablement à notre texte. Alors que trois des quatre groupes parlementaires de gauche de notre Assemblée s’y sont déclarés favorables, cela n’a pas été le cas du principal groupe de gauche en commission,…

M. Jean-Luc Laurent. Mais il ne sera pas unanime !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. …ce qui est difficilement explicable par rapport au vote de 2010 des sénateurs socialistes ou aux récentes prises de position du premier secrétaire du parti socialiste, qui s’est publiquement prononcé il y a quelques semaines en faveur de cette réforme, tout comme de très éminentes personnalités du même parti socialiste.

Cette réforme vise à améliorer la démocratie, renforcer la participation des citoyens aux élections et les remobiliser autour des grands débats. Face à un tel enjeu, peut-on vraiment hésiter ? (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et écologiste.)

M. Jean-Luc Laurent et M. François Loncle. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Cette proposition de loi établissant une circonscription unique pour l’élection des représentants français au Parlement européen est pertinente et opportune, ….

M. François Loncle. Très bien !

M. Marc Dolez. …notamment parce qu’elle tire les leçons de l’échec de la réforme de 2003, adoptée au forceps par le groupe UMP contre l’avis de tous les autres.

Contrairement aux objectifs qu’elle s’était fixés, cette réforme n’a permis, ni de réduire l’abstention, ni de rapprocher les électeurs de leurs élus. Notre rapporteur l’a très justement souligné, le découpage artificiel du territoire en huit circonscriptions n’a eu aucun effet positif sur la participation électorale. Le taux d’abstention à l’élection de 2009 a au contraire battu le record absolu de la non participation à une élection au suffrage universel en France.

Pour autant, le problème de l’abstention ne saurait se résumer à celui du mode de scrutin. Il témoigne aussi du déficit démocratique inhérent à la construction européenne comme, nous le croyons profondément, du rejet de choix politique désastreux fondés sur une logique de compétition et de mise en concurrence.

À ce sujet, j’ai cru comprendre en vous écoutant ce matin, monsieur le ministre, que vous rangiez d’un côté ceux qui sont pour l’Europe, et de l’autre ceux qui sont contre. Or, nous ne cessons de le répéter depuis de longues années, le débat n’est pas de savoir si l’on est pour ou contre l’Europe, mais de déterminer quelle Europe nous voulons construire.

M. Jean-Luc Laurent. Parfaitement !

M. Marc Dolez. Le deuxième objectif de la réforme de 2003, qui était de rapprocher les électeurs de leurs représentants au Parlement européen, s’est également révélé illusoire. Les eurorégions mises en place en 2003 sont des constructions artificielles, sans assise réelle d’ordre géographique, historique, social ou culturel. Elles constituent de vastes ensembles hétérogènes qui n’ont de véritable existence qu’une fois tous les cinq ans, le temps d’un scrutin.

La seule circonscription du Nord-Ouest, pour ne citer qu’elle puisque c’est celle de notre rapporteur, s’étend ainsi de la Belgique au mont Saint-Michel. En pratique, le fossé séparant les élus de leurs électeurs n’a donc pas été comblé et le prétendu ancrage territorial des députés européens, grâce à la régionalisation du scrutin, a été démenti dans les faits. Les parachutages de candidats sont là pour en témoigner.

M. Paul Giacobbi. Ce sont des circonscriptions hors sol !

M. Marc Dolez. Enfin, la réforme de 2003 avantage la représentation des grandes formations politiques, favorise la bipolarisation et ne permet pas une véritable représentation proportionnelle. Notre rapporteur l’a justement rappelé, dès sa première application lors des élections européennes : la réforme, présentée par le gouvernement Raffarin comme un texte technique, a eu des effets sensibles sur le paysage politique puisqu’elle a contribué à resserrer la représentation au Parlement européen autour des principales forces politiques, au détriment des autres qui, soit ont vu leur nombre d’élus diminuer, soit ont été exclues de toute représentation. En effet, le découpage du territoire en huit circonscriptions a conduit à réduire le caractère proportionnel de la répartition des sièges. Le seuil de représentativité de 5 % n’a ainsi plus aucun sens depuis la réforme de 2003, puisque celui à atteindre pour obtenir un siège est sensiblement plus élevé en pratique.

Il y a là un véritable détournement de l’esprit du scrutin proportionnel. Il est de surcroît souvent difficile, pour les petits partis, de mener campagne dans l’ensemble des huit circonscriptions. Le mode de scrutin actuel conduit en réalité à écarter de toute représentation une partie substantielle des électeurs, en favorisant le bipartisme. Nous y voyons là une atteinte au pluralisme politique, contraire à l’article 4 de la Constitution, aux termes duquel la loi garantit l’expression pluraliste des opinions.

Pour toutes ces raisons, le rétablissement d’une circonscription unique nous paraît être une exigence démocratique pour assurer le respect du pluralisme et garantir le respect de la parité.

Enfin, et aujourd’hui plus qu’hier, l’élection européenne doit donner lieu à un véritable débat national sur l’évolution de la construction européenne et la réorientation que, pour notre part, nous appelons de nos vœux. Seule la circonscription unique peut véritablement permettre à un tel débat de se dérouler.

Les députés du Front de gauche, vous l’aurez compris, voteront cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. Jean-Luc Laurent et M. François Loncle. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Popelin.

M. Pascal Popelin. La matière électorale est souvent inflammable dans le cadre de nos débats parlementaires.

M. François de Rugy. Vous en savez quelque chose !

M. Pascal Popelin. Ayant l’honneur d’être le rapporteur du projet de loi portant réforme des modes de scrutins locaux, j’ai eu l’occasion de le vérifier et je demeure en mesure de le vérifier.

Avec le talent et la force de conviction que nous lui connaissons tous, avec un enthousiasme auquel les yeux de Chimène n’auraient rien à envier, notre collègue Alain Tourret vient de nous dire tout le bien qu’il pensait du rétablissement d’une circonscription unique pour l’élection des représentants français au Parlement européen.

Pour ma part, comme je l’ai déjà souligné lors de l’examen de cette proposition de loi en commission, j’ai l’enthousiasme plus contenu, s’agissant des modes de scrutins et de leurs effets.

Je suis tout d’abord convaincu qu’aucun système électoral, aucune modalité de vote, ne peut prétendre à la perfection. Tout comme il est convenu de dire que la démocratie est le pire des systèmes à l’exception de tous les autres, l’idée d’un mode de scrutin idéal est une illusion. Dans le même esprit, j’ai pu observer à de multiples reprises que la recherche du consensus sur l’opportunité de tel ou tel procédé de désignation était toujours une entreprise vouée à l’échec. Chaque solution présente en effet autant d’atouts que d’inconvénients, répond à autant de préoccupations qu’elle en exclut. Et ce qui peut satisfaire telle formation politique, ou à tel instant, parce que le mode de scrutin semble alors conforme aux enjeux qui lui tiennent à cœur, finit par contrarier les aspirations d’une autre, ou des mêmes, à un moment différent.

Dans ce contexte, je respecte la démarche de nos collègues du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, mais je voudrais leur dire qu’une prédiction n’a pas valeur d’argument. Les espoirs qu’ils fondent sur la modification du mode de désignation des députés européens ne peuvent à eux seuls suffire à produire les effets qu’ils en espèrent.

Aucun élément ne permet de prétendre que le rétablissement d’une circonscription unique sera mécaniquement de nature, par exemple, à faire grimper le taux de participation aux élections européennes. La comparaison que l’on peut établir entre les deux formules de vote que nous avons connues en France, par la mise en perspective des scrutins de 1999 et de 2009 par exemple, tendrait même à invalider, ou à tout le moins affaiblir, cet argument. Le taux d’abstention, qui ne cesse malheureusement de progresser, semble plutôt correspondre à une tendance générale, qui a frappé l’ensemble des pays membres de l’Union européenne, indépendamment du procédé de désignation retenu pour choisir les parlementaires européens.

M. Gérard Charasse. Cela compte aussi !

M. Pascal Popelin. La cause de cette désaffection me semble plutôt devoir être recherchée dans l’appréciation que les citoyens européens portent sur les institutions de l’Union, dans leurs doutes à l’égard de leur fonctionnement, dans leur rejet de certaines décisions ou non-décisions. L’absence ou le manque récurrent de débat réel sur les enjeux européens dans notre débat public national, la difficulté pour les formations politiques françaises à se regrouper à l’échelle européenne pour proposer un projet et se mettre en situation de constituer des majorités politiquement identifiées et éventuellement alternatives au sein du Parlement européen, sont de mon point de vue, bien davantage que le mode de scrutin, la raison de la motivation de plus en plus faible des électrices et des électeurs pour se rendre aux urnes tous les cinq ans au mois de juin. Tel est l’enjeu auquel chacune et chacun d’entre nous devrait prioritairement consacrer son énergie, si nous voulons revoir des citoyens en nombre dans les bureaux de vote en juin 2014 !

L’argument du pluralisme a aussi été avancé. Sur ce point – n’y voyez aucun manque de considération de ma part –, je veux rappeler que, dans l’hypothèse d’une circonscription nationale unique, il demeure tout de même nécessaire d’obtenir au moins 5 % des suffrages exprimés au plan national pour participer à la répartition des sièges. Chacun le sait, cet horizon n’est pas aisément atteignable, a fortiori en cas de multiplication du nombre de listes.

Je veux redire ici que la multiplication des modifications des modes de scrutin n’est pas souhaitable (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), à l’heure où nos compatriotes sont dans l’attente d’une action résolue – et, pour ce qui nous concerne, d’une action législative – de nature à contribuer au redressement des finances publiques, et plus généralement de la situation économique et sociale, ainsi qu’à la restauration de l’autorité de l’État.

Améliorer la vie quotidienne des Français doit être notre priorité. Il va de soi que la modernisation de notre démocratie en est l’un des éléments. Elle ne peut cependant se réduire à modifier tous les modes de scrutin.

C’est la raison pour laquelle, parmi les soixante propositions du Président de la République, nous nous en sommes tenus en la matière à des engagements précis, dont le périmètre a été clairement énoncé. Nous nous étions engagés à abroger le conseiller territorial, parce que nous considérons que cet élu, appelé à siéger en même temps dans les assemblées départementale et régionale, aurait porté un coup d’arrêt brutal à trente années de construction de la décentralisation dans nos territoires, en même temps qu’il aurait constitué un recul après une décennie de progrès en matière de parité. C’est fait !

Nous nous étions engagés à ce que le principe constitutionnel de parité gagne enfin les dernières assemblées territoriales où elle n’a pas encore droit de cité, sans remettre en cause l’ancrage territorial qui sied aux missions des élus départementaux. Nous sommes à l’œuvre, avec la création du binôme paritaire.

Nous nous sommes enfin engagés à proposer des évolutions du mode de désignation des parlementaires, tant pour améliorer le respect du principe constitutionnel de l’égalité du suffrage, en particulier au Sénat, que pour rechercher les voies d’une meilleure représentation de la diversité de l’opinion à l’Assemblée nationale. Des propositions permettant de remplir cet objectif viendront en leur temps.

Telle était la feuille de route proposée aux Françaises et aux Français pour la durée de ce quinquennat. En revanche, si imparfait soit-il, nous n’avons pas souhaité rouvrir le chantier du mode de scrutin régional, mis en place par une autre majorité en 2003.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. C’est sûr !

M. Pascal Popelin. De la même manière, et pour les mêmes raisons, sans pour autant le parer de vertus que, personnellement, j’aurais bien du mal à lui trouver, il nous semble non prioritaire, et donc inopportun, de modifier aujourd’hui le mode de désignation de nos représentants au Parlement européen.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. En effet !

M. Pascal Popelin. J’aurais donc souhaité que nos estimés collègues du groupe RRDP utilisent le temps d’ordre du jour dont ils disposent, autrement qu’à l’examen de cette proposition de loi, comme je les y avais invités la semaine dernière, à l’occasion de notre discussion en commission. Je ne crois pas, d’ailleurs, avoir été le seul à leur avoir soufflé cette suggestion. (Exclamations sur les bancs du groupe RRDP.)

Néanmoins, ils sont libres de souhaiter que ce débat ait lieu. C’est la raison pour laquelle le groupe socialiste, républicain et citoyen, dans sa large majorité,…

M. Paul Giacobbi. On verra !

M. Pascal Popelin. …ne s’associera pas aux motions de procédure déposées par nos collègues de droite afin de permettre la tenue de ce débat.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Absolument !

M. Pascal Popelin. En revanche, nous ne pourrons, une fois le débat mené à son terme, voter en faveur de cette proposition.

Mme Françoise Descamps-Crosnier. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Madame la présidente, qui veillez jour et nuit sur les modes de scrutin locaux et européens (Sourires), monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi présentée par le sénateur Yvon Collin et défendue ici avec éloquence par nos collègues Roger-Gérard Schwartzenberg et Alain Tourret, a l’intérêt de permettre à la représentation nationale de débattre du lien entre les Français et le Parlement européen.

Ce lien, nous devons le renforcer. Car, dans les trente dernières années, le Parlement européen a connu une véritable mutation : il est passé du statut de forum à celui d’institution et c’est désormais un véritable pouvoir. On perçoit son influence majeure lorsqu’il s’agit de voter le budget de l’Union européenne ou de procéder à la désignation du président de la Commission européenne : le Parlement européen compte alors autant, ou presque autant, que les gouvernements des États membres.

Influent, le Parlement européen n’est toutefois légitime que s’il est pleinement représentatif des peuples européens.

Est-ce aujourd’hui le cas ? Je n’en suis pas sûr.

La très forte abstention de nos compatriotes lors de l’élection des représentants français au Parlement européen est préoccupante : en 2009, moins de 41 % des électeurs inscrits ont voté aux élections européennes en France, soit une participation plus faible que dans la plupart des pays européens.

Cette relative indifférence de six Français sur dix à l’égard du Parlement européen me semble directement liée au scepticisme de nos concitoyens à l’endroit de l’Union européenne elle-même.

Une récente étude d’opinion, publiée en décembre dernier, est très éclairante à cet égard. Lorsqu’il s’agit de qualifier l’Union européenne, les Français, pour 46 % d’entre eux, la reconnaissent d’abord, de manière descriptive, comme une zone économique ; 39 % la voient comme une nécessité pour l’avenir des pays qui la composent ; et seulement 15 % la considèrent comme une opportunité pour développer la richesse et le bien-être des Européens. L’Union européenne n’est plus du tout perçue, hélas, comme un facteur de progrès économique et social.

Il faut regarder la réalité en face : un fossé s’est creusé entre les citoyens français et les institutions européennes. Ce fossé pourrait-il être comblé, demain, par la proposition de loi qui nous est soumise ?

M. Gérard Charasse. Oui !

M. Guillaume Larrivé. Nous ne le pensons pas.

Ce n’est pas en supprimant les circonscriptions régionales et en recréant une circonscription nationale unique que l’on réaffirmera l’intérêt des Français pour le Parlement européen.

Une seule circonscription nationale, c’est l’assurance de listes composées d’abord de candidats sélectionnés par les partis politiques, sans lien direct avec les territoires et sans légitimité personnelle autre que celle d’une implication active dans les appareils partisans.

Une seule circonscription nationale, c’est aussi la certitude d’un débat limité à quelques têtes d’affiche : seuls les candidats en première position sur les listes sont à peu près identifiés par les électeurs. La campagne ressemble alors à une consultation quasi référendaire, non pas sur l’Europe, mais sur la politique conduite par le gouvernement du moment et sur la popularité respective des différentes têtes de liste.

M. Jean-Luc Laurent. Vous êtes contre le référendum ?

M. Guillaume Larrivé. Au contraire, le mode de scrutin actuel – qui a déjà été appliqué à deux reprises, en 2004 et 2009 – présente plusieurs avantages.

La pratique d’un scrutin proportionnel dans huit circonscriptions régionales s’efforce en effet de combiner trois exigences : le pluralisme, la parité et l’ancrage territorial.

Le pluralisme est respecté : treize partis politiques français sont aujourd’hui représentés au Parlement européen par nos soixante-douze députés. En Espagne, au contraire, qui pratique la circonscription unique, ce ne sont que quatre partis politiques qui sont représentés par cinquante-quatre députés. La circonscription unique n’est pas, en elle-même, la garantie d’un plus grand pluralisme.

Quant à la parité, elle a progressé.

M. Jean-Luc Laurent. Ce n’est pas vrai !

M. Guillaume Larrivé. Trente-trois députés européens français sur 72, soit 45 %, sont aujourd’hui des femmes, contre 35 sur 87 il y a dix ans.

Surtout, le mode de scrutin régionalisé permet un meilleur ancrage territorial qu’un scrutin ne comportant qu’une seule circonscription nationale.

M. Jean-Luc Laurent. Mais non !

M. Guillaume Larrivé. Certes, l’élection dans huit grandes circonscriptions régionales ne permet pas un ancrage territorial aussi intense que celui des députés à l’Assemblée nationale, élus dans 577 circonscriptions.

L’idéal aurait sans doute été que l’élection au Parlement européen se fasse dans 26 circonscriptions reprenant les contours de chacune de nos régions. Cette hypothèse avait été envisagée, au tournant des années 2000. On se souvient que certains partis politiques s’y étaient opposés.

Les huit grandes circonscriptions régionales constituent, par conséquent, un point d’équilibre. Cela ne fait pas des députés européens des élus de proximité, mais cela les conduit nécessairement à faire œuvre de pédagogie et à travailler, plus que par le passé, en liaison avec les acteurs territoriaux.

La composition des listes tient compte, le plus souvent, de l’appartenance des candidats à tel ou tel territoire ; la campagne elle-même conduit à exposer l’impact des politiques européennes sur le terrain, à expliquer quel a été l’apport de l’Union européenne dans telle ou telle région, quel est le projet d’aménagement et d’infrastructures auquel l’Union européenne a contribué. Il y a bien là une dimension pédagogique qui est autorisée par la circonscription régionale.

M. Thierry Braillard. L’ancien mode de scrutin le permettait aussi !

M. Guillaume Larrivé. Les députés du Parlement européen, une fois élus, s’attachent, pour la plupart, à maintenir et à développer des liens avec les territoires, en tenant des permanences, en organisant des réunions de travail avec les parlementaires nationaux et les différents acteurs locaux. Chacun connaît, par exemple, l’implication très forte de Brice Hortefeux en Auvergne (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC) ou celle d’Arnaud Danjean en Bourgogne : les députés européens, lorsqu’ils sont actifs et travaillent avec ardeur, sont devenus un trait d’union entre les territoires et l’Europe.

J’ajoute que le mode de scrutin actuellement pratiqué en France est parfaitement conforme, au plan juridique, aux préconisations des instances européennes elles-mêmes. Je rappelle à cet égard que l’Acte du 20 septembre 1976 portant élection au suffrage universel des représentants au Parlement européen donne aux États membres la faculté de constituer des circonscriptions en leur sein, à condition que ce système ne porte pas globalement atteinte au caractère proportionnel du mode de scrutin. Surtout, le Parlement européen lui-même préconise la création de circonscriptions régionales dans tous les États membres dont la population est supérieure à 20 millions d’habitants : quatre des sept États concernés ont opté, de façon consensuelle, pour une telle régionalisation.

Il y aurait aujourd’hui, en France, quelque paradoxe à prétendre vouloir renforcer les liens entre les citoyens et l’Europe, tout en supprimant un mode de scrutin permettant un certain ancrage territorial des députés européens.

Aussi, convaincus que l’ancrage territorial des députés européens doit être maintenu et renforcé, les députés du groupe UMP voteront contre cette proposition de loi créant une circonscription unique.

Permettez-moi, pour conclure, d’exposer un dernier motif d’opposition à ce texte.

J’ai la conviction que, dans une démocratie apaisée, il ne faut pas modifier les règles du jeu électoral à chaque alternance. Si la majorité du moment modifie les modes de scrutin, comme elle le fait déjà pour les élections départementales et les élections municipales, comme elle le fera demain pour les élections sénatoriales et comme elle le fera peut-être pour les législatives, elle alimente un soupçon de manipulation qui n’est plus supportable pour nos concitoyens.

Les élections doivent venir à leur rythme, selon les règles en vigueur, sans que le calendrier et les règles du jeu démocratique soient modifiés à chaque alternance.

M. François Loncle. Cela ne vous a pas empêchés de le faire !

M. Guillaume Larrivé. Cette stabilité et cette transparence sont nécessaires. Et d’autres majorités, monsieur Loncle, ont en leur temps modifié les modes de scrutin, mais je m’autorise à dire que ces pratiques doivent appartenir au passé. J’ai la conviction sincère et profonde que nous ne devons pas modifier les modes de scrutin à tout bout de champ et je m’associe à la proposition du groupe UDI, notamment de François Sauvadet, qui consiste à dire que les modifications des modes de scrutin ne devraient être possibles que si une très large majorité, des deux tiers ou des trois cinquièmes du Parlement, en étaient d’accord. Cette stabilité est nécessaire pour tenter de restaurer la confiance de nos concitoyens dans les institutions de notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Monsieur le ministre, je connais votre engagement réel et ancien pour l’Europe et je suis heureux de vous voir exercer des responsabilités importantes au sein du Gouvernement, même si l’on peut regretter que la fonction relative à la formation professionnelle n’ait pas eu de successeur.

Le groupe UDI s’oppose à ce texte, d’abord pour des raisons de forme.

Je ne serai pas nuancé s’agissant des modifications des modes de scrutin à un an des échéances, comme l’a dit à l’instant notre collègue.

Le Gouvernement, depuis son arrivée aux responsabilités il y a maintenant dix mois, a apparemment décidé de consacrer une grande part de son énergie au remaniement intégral de tous les modes de scrutin. Guillaume Larrivé vient d’en parler, les règles relatives aux élections cantonales, municipales, sénatoriales, voire législatives, seront profondément remaniées.

Si l’on ajoute la modification des élections au Parlement européen, aucune élection n’aura été épargnée par la patte de l’actuelle majorité en un temps record.

Cette proposition de loi n’est qu’un énième exemple de proposition électoraliste. Pourquoi mettre en place, mes chers collègues, une telle manipulation de tous les modes de scrutin, sinon pour tenter de masquer le désaveu d’une majorité aux abois et d’une opinion publique désillusionnée ? Cela ne fait qu’aggraver la défiance des Français à l’égard de la classe politique dont ils ont le sentiment qu’elle modifie les règles à sa convenance au lieu de se préoccuper de leurs vraies inquiétudes.

Mes collègues François Sauvadet et Jean-Louis Borloo ont donc déposé hier, au nom du groupe UDI, une proposition de loi constitutionnelle visant à empêcher qu’un parti politique majoritaire puisse à lui seul modifier les modes de scrutin et à conditionner une telle mesure à l’obtention de la majorité qualifiée des trois cinquièmes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Cela garantira l’existence d’un consensus entre les partis sur les règles de fonctionnement de notre démocratie. Nous formons le vœu que tous les partis politiques attachés aux valeurs démocratiques soutiennent notre démarche.

M. Guillaume Larrivé. Très bien !

M. Arnaud Richard. Vous l’avez rappelé vous-même, monsieur le ministre, le bon fonctionnement de notre République suppose la stabilité des calendriers et des modes de scrutin. En outre, il va de soi que ce type de texte est loin d’être une priorité dans le contexte actuel. Vous savez ce qu’il en est, monsieur le ministre. Le nombre de chômeurs ne cesse d’augmenter et a frôlé il y a quelques jours le chiffre historique de 1997. La France et l’Europe doivent faire face à une crise politique et économique sans précédent.

M. Paul Giacobbi. Laissez là le chômage et tenez vous-en au mode de scrutin !

M. Arnaud Richard. L’emploi, la compétitivité de nos entreprises et le pouvoir d’achat des Français devraient être les seules préoccupations du Gouvernement et de sa majorité.

Le Groupe UDI vous demande donc solennellement d’abandonner les textes de tripatouillage des modes de scrutin, qui ne servent que les intérêts de votre majorité et qui sont loin des préoccupations urgentes auxquelles les Français souhaiteraient que vous vous attachiez. Différent entre les groupes socialiste et RRDP sur les modes de scrutin européen aujourd’hui, sur la sécurisation de l’emploi hier, hier soir encore entre socialistes et verts sur le binôme électoral : nous avons l’impression d’assister à des scènes de ménage permanentes au sein de la majorité. La majorité absolue du groupe socialiste ne tient d’ailleurs qu’à quelques voix.

Par ailleurs, les députés du groupe UDI, profondément européens, ne peuvent que s’opposer à un texte qui affaiblirait la démocratie en Europe. (Exclamations sur les bancs du groupe RRDP.)

Nous sommes là en désaccord avec nos voisins radicaux de gauche. Les circonscriptions interrégionales ont indiscutablement ancré les élus au Parlement européen dans leur réalité régionale. Leur suppression constituerait un retour en arrière particulièrement dommageable. L’un des objectifs de la loi de 2003 était précisément de rapprocher les candidats aux élections européennes du terrain en leur donnant un ancrage territorial stable. J’approuve sans réserve cet objectif.

En effet, force est de constater que le système de la liste nationale mettait une certaine distance, c’est le moins que l’on puisse dire, entre les membres du Parlement européen et leurs électeurs, comme en témoignait notamment la surreprésentation des Franciliens. S’il est vrai que le taux d’abstention aux élections européennes a largement augmenté depuis 1999, il n’en demeure pas moins que la mise en place des circonscriptions interrégionales a permis aux députés européens élus en 2009 d’être relativement mieux connus que leurs homologues de 1999, sauf peut-être de notre collègue Alain Tourret. (Sourires.)

M. Thierry Braillard. C’est faux !

M. Arnaud Richard. Le groupe UDI plaide pour une Europe des peuples, des territoires et des régions, une Europe concrète et humaine dans laquelle les peuples se reconnaissent, s’identifient et s’impliquent. L’élection au Parlement européen doit impérativement prendre en compte la richesse territoriale de la France et la diversité de ses territoires. À l’évidence, la circonscription nationale unique qui nous est proposée aujourd’hui ne le fait pas. Au contraire, les circonscriptions interrégionales sont les plus susceptibles, selon nous, de favoriser le développement d’une vision concrète et quotidienne des problématiques européennes. L’actuel mode de scrutin est donc le plus proche de la réalité, même si notre débat a pour objet d’en discuter.

À l’heure où la crise touche chaque foyer européen, tous peuvent en venir à douter de l’Europe et du bien-fondé de l’appartenance à celle-ci. Il est vrai que le discours européen consistant à la prendre comme bouc émissaire commode n’est pas étranger à ce phénomène, et le Gouvernement français porte à mon sens une lourde responsabilité à cet égard.

Tout d’abord, le discours sur l’Europe profondément anxiogène tenu par le candidat François Hollande tout au long de sa campagne était selon nous une erreur politique fondamentale.

M. Thierry Braillard. Il est bien plus européen que Sarkozy !

M. Arnaud Richard. Sa promesse, rapidement abandonnée, de renégocier le traité européen, qualifié à l’époque de « carcan budgétaire », a non seulement suscité un grand sentiment d’incompréhension parmi nos partenaires européens mais a également répandu l’idée que l’Europe pouvait être un danger pour les Français.

Le Président de la République a également renoncé à défendre un budget européen ambitieux et protecteur. Pour la première fois de l’histoire européenne, le budget est en effet en baisse, malgré les promesses de croissance qu’a fait miroiter le président Hollande.

M. Paul Giacobbi. L’UMP ne connaît que la dépense !

M. Arnaud Richard. Loin de relever les défis de la croissance, de l’amélioration de la compétitivité et de la nécessaire solidarité, ce budget a laissé les Français face à l’austérité en Europe, qui s’additionne à l’austérité mise en place par le Gouvernement français. Quant au fameux pacte de croissance de 120 milliards d’euros, il n’a en réalité de croissance que le nom. Plus récemment, le soutien du ministre français de l’économie au plan chypriote, véritable violation de la démocratie, a donné l’impression aux Français que le Gouvernement démissionnait totalement face à une Europe qui aurait échappé à ses fondateurs.

Tout cela s’inscrit, monsieur le ministre, dans le contexte d’une France affaiblie et isolée au sein de l’Union européenne. Le couple franco-allemand, historique mais tant décrié par le parti socialiste, a finalement été remplacé par un axe Londres-Berlin dont il faut souhaiter qu’il soit provisoire, car rien ne s’est fait, ne se fait et ne se fera en Europe sans l’incontournable axe franco-allemand, non parce que ce sont les principales économies européennes, mais parce que, lorsque la France et l’Allemagne s’accordent, l’Europe avance. On attend de la France, membre fondateur de l’Europe, un sursaut, une perspective et des propositions. Vous y êtes attaché, monsieur le ministre, ce qui fait certainement de vous l’homme le plus capable de mettre en œuvre une telle vision au sein d’une majorité composite.

Dans ce contexte, notre devoir à tous est de savoir réenchanter l’Europe. Un ancrage dans les territoires par les élections nous paraît essentiel pour redonner confiance aux citoyens. Pour toutes ces raisons, au nom du groupe UDI, certainement l’un des groupes les plus européens de cette Assemblée, je suis au regret, mes chers collègues, de vous faire de notre opposition à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, lorsque Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, avait présenté en janvier 2003 son projet de loi relatif à la création de ce que l’on a appelé « eurorégions », bien improprement d’ailleurs, il avait déclaré viser trois objectifs : lutter contre l’abstention, renforcer le lien entre les élus européens et les électeurs et clarifier le débat européen. La loi sarkozyste selon laquelle il ne faut se priver d’aucun argument était déjà respectée, variante du dicton bien connu : « Plus c’est gros, plus ça marche ». Nous pouvons maintenant, avec dix ans de recul, considérer concrètement la situation et dresser le constat d’un échec des trois arguments invoqués et donc sur toute la ligne.

Parlons d’abord de l’abstention. Elle ne cesse d’augmenter aux élections européennes et a culminé à près de 60 % lors de la dernière élection en 2009. Le mode de scrutin de liste par grandes régions a donc conduit à un sommet jamais atteint depuis 1979. Remarquons d’ailleurs que d’autres élections subissent le même sort. Le mode de scrutin n’a donc strictement rien à voir avec la participation. Certes, il est de bon ton, sur certains bancs, d’affirmer que les scrutins de liste favorisent l’abstention. Notre collègue Larrivé du groupe UMP disait encore tout à l’heure que l’ancrage et le lien entre les électeurs et un élu au scrutin majoritaire sont plus forts. Mais les élections cantonales, tenues dans des circonscriptions aussi petites que possible au mode de scrutin majoritaire et, pour quelques mois encore, uninominal, n’en atteignent pas moins des sommets d’abstention, n’en déplaise à notre collègue Popelin. Le mode de scrutin ne change donc rien à la participation.

Si l’on veut vraiment s’attaquer à l’abstention et cesser de la déplorer élection après élection, il faut selon moi rendre le vote obligatoire, ce qui clarifie les choses. Sinon, reconnaissons tout simplement que l’abstention est une forme d’expression, et non pas un argument en faveur d’un type de scrutin.

Le deuxième argument avancé par l’ancien ministre de l’intérieur était certainement plus ambitieux – je ne parle pas ici du ministre... (Sourires.) Il s’agissait de renforcer le lien toujours plus fragile entre les représentants européens et leurs électeurs. Mais le passage d’une circonscription nationale unique à huit grandes régions, dont l’incohérence des tracés a été unanimement reconnue, a conduit au contraire à une forme d’éloignement et à un effet de brouillage, d’écran entre les citoyens et leurs eurodéputés.

Et pour cause ! Ce mode de scrutin a trop souvent servi à favoriser le parachutage de personnalités politiques recalées par le suffrage universel. On nous dit d’ailleurs que cela pourrait se reproduire, et justifierait certains revirements pour les prochaines élections européennes. N’oublions pas les arrangements internes aux partis, auxquels aucun n’échappe, pas même le mien. Je dis donc cela très tranquillement, mais souvenez-vous du transfert, un peu ridicule, de l’actuel et excellent ministre de l’éducation nationale,…

M. Guillaume Larrivé. Funeste ministre !

M. François de Rugy. …qui avait dû, à la suite d’un congrès interne et d’accords entre courants de son parti, quitter la région Nord, à moins que ce ne soit Nord-Ouest, pour la région Sud-Est. Tout cela n’était pas très clair. Le leader d’un autre parti, qui prétend parler « cru et dru », s’est bien gardé d’expliquer pourquoi il allait dans le Sud-Ouest alors qu’il était jusqu’alors élu de l’Essonne.

M. Olivier Falorni. Très bien !

M. Sylvain Berrios. Vous en savez quelque chose, à La Rochelle ! (Sourires.)

M. François de Rugy. Tout cela n’est pas clair et n’a fait que distendre le lien entre les électeurs et leurs représentants.

M. Paul Giacobbi. « Cette obscure clarté qui tombe des étoiles »…

M. François de Rugy. L’argument de la clarté politique avancé par Nicolas Sarkozy en 2003 mérite que l’on s’y attarde quelques instants. La clarté prenait alors le sens, que pour notre part nous réfutons, de simplification de la représentation par minoration du pluralisme et des performances des « petits partis », selon une terminologie un peu méprisante. Là aussi, c’est l’échec, et heureusement ! Il y a toujours dans notre pays une diversité de sensibilités politiques. On ne vole pas comme cela aux Français leur liberté d’expression !

Certes, l’objectif de l’UMP a en partie été atteint. En effet, aux dernières élections européennes, si mes calculs sont bons, l’UMP a obtenu environ 29 % des voix en moyenne nationale mais 40 % des sièges. Il ne s’agit pas là de clarté, mais d’intérêt électoral et de déformation de la représentation de la volonté populaire exprimée au suffrage universel.

M. Guillaume Larrivé. Où vous n’atteignez pas même 2 % !

M. François de Rugy. J’aimerais m’attarder quelques instants sur une situation ubuesque que je connais car elle est survenue dans ma région. Une liste, « Libertas », que tout le monde a d’ailleurs heureusement oubliée, prônait l’Europe des nations et s’était présentée partout en France. Elle n’a finalement eu qu’un seul élu dans la région Ouest : M. de Villiers, qui en était le chef de file. Partisan de l’Europe des nations, il n’a dû son élection qu’à un score très élevé dans son département – pas même dans sa région. C’est dire à quel point les listes par région sont ubuesques !

Ce que je dis là, je pourrais le dire au sujet d’autres régions, qu’il s’agisse de la région Bretagne ou de la région Savoie – que vous connaissez bien, monsieur le ministre. Mais on nous a créé une région de toutes pièces, composée de départements bretons et d’autres issus des régions Pays-de-la-Loire et Poitou-Charentes, un assemblage fait sans aucune cohérence, baptisé « Grand Ouest » et ne comprenant même pas la Normandie – pour ma part, je ne dis jamais « la Basse-Normandie », cette désignation me paraissant inutilement méprisante –, contrairement à ce qui est communément admis.

M. Alain Tourret, rapporteur. Très bien !

M. François de Rugy. En revanche, si, par « clarté », nous faisons référence au besoin des citoyennes et des citoyens de prendre la pleine mesure des enjeux européens de demain et du rôle que devront y tenir les députés européens, c’est un échec total. En effet, en répartissant le débat européen en huit circonscriptions, on l’a parcellisé, éclaté et même, disons-le, en quelque sorte empêché. Aujourd’hui, faute de tout support, aucun débat ne peut avoir lieu dans certaines régions n’ayant pas d’existence propre. Ainsi, les chaînes régionales de télévision ne sont pas organisées selon le même découpage que celui ayant conduit à la création de ces régions bidon que sont les eurorégions – pas plus que les journaux locaux.

M. Sylvain Berrios. Et les chaînes nationales ?

M. François de Rugy. Il faut donc trouver autre chose.

On nous dit que la question des débats n’est pas une question de fond, mais de forme. Peut-être, mais si l’on commence par éclater les possibilités de débat sur la forme, on nuit forcément au débat de fond.

Je pourrais également parler de la parité hommes-femmes. Chacun sait qu’en présence d’une multiplicité de listes, chacune des listes n’obtient souvient qu’un seul siège : difficile, dans ces conditions, de parvenir à la parité. Mon propos n’est pas de conclure à une surreprésentation systématique des hommes, mais c’est tout de même souvent le cas, nombre de partis préférant présenter des têtes de liste exclusivement masculines – nos collègues de l’UMP voient très bien de quoi je parle. Sur ce point, des listes nationales favoriseraient davantage la parité.

Ne faisant pas partie de la commission des lois, j’ai relu les débats ayant eu lieu au sein de cette commission, lors desquels M. Devedjian a agité la peur de l’« émiettement de la représentation au détriment de l’action ». Si une telle réticence au pluralisme démocratique ne nous étonne pas de la part de l’UMP, je dois avouer qu’elle nous étonne un peu plus quand elle est manifestée par nos collègues du groupe SRC, dont nous comprenons mal ce qu’il faut bien appeler le revirement sur cette question du mode de scrutin aux élections européennes.

M. Sylvain Berrios. La majorité ne se comprend pas !

M. François de Rugy. En 2010, une proposition de loi similaire à celle que nous examinons aujourd’hui avait été votée au Sénat par l’ensemble des groupes de la majorité, pas une voix n’ayant manqué à gauche, me semble-t-il, pour soutenir le retour à une liste nationale.

Le groupe écologiste pense que l’avenir de l’Europe passe par un renforcement des pouvoirs du Parlement européen, qui constitue le seul cœur démocratique de l’Europe.

M. Thierry Braillard. Très bien !

M. François de Rugy. Ne prenant pas les élections européennes à la légère, nous pensons que les listes nationales, qui pourraient accueillir beaucoup plus facilement des candidats d’autres pays de l’Union européenne – ce qui rejoint notre souhait de voir des listes transnationales européennes –,…

Mme la présidente. Il faut conclure, cher collègue.

M. François de Rugy. …nous pensons, disais-je, que les listes nationales sont un facteur de clarification du débat. C’est pourquoi nous voterons cette proposition et proposerons un amendement visant à ce que les listes fassent apparaître à quel parti européen elles se rattachent, et quel est leur candidat pour la présidence de la Commission européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Lequiller.

M. Pierre Lequiller. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, la circonscription unique a été conçue à l’origine pour une assemblée consultative, mais non pas pour une institution parlementaire telle qu’elle existe aujourd’hui.

Or, le Parlement européen a vu ses pouvoirs s’accroître depuis 1979 : désormais, pratiquement tous les actes législatifs sont adoptés en codécision et, depuis le traité de Lisbonne, le Parlement se trouve placé sur un pied d’égalité avec le Conseil pour adopter le budget. Il exerce un contrôle de plus en plus fort sur l’exécutif européen, auditionnant chaque membre de la Commission européenne – une prérogative dont les députés européens ont fait usage à diverses reprises au cours des dernières législatures. Aujourd’hui, il est évident, comme le montre, par exemple, son opposition récente aux perspectives financières arrêtées par le Conseil européen, que le Parlement s’impose en acteur incontournable dans l’Union. Il a acquis un rôle à part entière et indispensable dans le triangle institutionnel.

Qui dit accroissement de pouvoirs dit nécessaire renforcement de légitimité démocratique. La circonscription unique, unanimement décriée en France il y a dix ans, devait en conséquence être modifiée, ce que nous avons fait. Je rappelle, comme l’a fait M. Urvoas, qu’en 1998 M. Jospin lui-même avait exprimé le souhait de la réformer. Nous nous accordions alors tous à dire qu’elle entraînait inévitablement une distanciation de la relation entre l’élu et les citoyens.

Le Parlement européen a d’ailleurs lui-même recommandé aux États membres, dans des résolutions de 1998 et de 2002, d’adopter des circonscriptions régionales européennes quand ils comptaient plus de 20 millions d’habitants. À l’heure actuelle, la très grande majorité des grands pays de l’Union européenne dont la population est supérieure à 20 millions d’habitants ont recours à des circonscriptions régionales. Parmi les sept pays concernés, seules l’Espagne – pour éviter de laisser trop de place dans sa représentation à Strasbourg aux séparatistes régionaux – et la Roumanie ont gardé un scrutin national, l’Allemagne ayant adopté un système mixte.

Les circonscriptions régionales ont apporté un peu plus de cette légitimité qui manquait aux listes nationales avant 2003. Quand vous élisez un député d’une grande région européenne, vous pouvez lui demander des comptes, pas seulement parce que vous êtes Français, mais aussi parce qu’il a été élu dans votre région et que, par définition, il doit connaître ses problèmes spécifiques.

Il est aussi, à mon sens, d’une importance majeure d’avoir institutionnellement des représentants de la diversité de notre territoire, dont les problématiques sont complètement différentes selon que l’on habite Paris, une région transfrontalière, une région de montagne, une région agricole ou l’outre-mer. De nombreux États montrent aussi ce besoin de diversité en utilisant les régions administratives en dépit du scrutin par liste nationale.

Ensuite, le scrutin par liste nationale participait de l’émiettement de nos députés au sein de différentes formations politiques au Parlement européen. Il est important que nos délégations aient un véritable poids numérique et politique au sein de chaque groupe, notamment dans les grands groupes. Loin de vouloir empêcher l’expression de la diversité des courants politiques, il s’agit d’éviter l’excès inverse, qui conduit à affaiblir l’influence française au sein du Parlement européen, à l’instar de ce que font les Allemands. À ma connaissance, la majorité des députés européens français actuels ne sont pas favorables à ce retour à la circonscription unique : ils savent qu’ils y perdraient en proximité, en influence et en légitimité.

Vous me direz que les députés européens sont encore mal connus de leurs concitoyens – c’est ce qu’a dit le rapporteur –, une critique qui pourrait également être faite aux conseillers régionaux, élus dans des circonscriptions moins importantes. En fait, s’ils sont mal connus, c’est à cause de la proportionnelle. Vous tirez aussi argument du fait que le taux de participation aux élections européennes a régressé. Mais soyons lucides : le taux de participation s’était déjà dégradé avec le scrutin à la proportionnelle au niveau national.

Je crois surtout que nous avons notre part de responsabilité. Associons-nous souvent les députés européens de notre région aux événements auxquels nous sommes invités ? Nous, députés nationaux, parlons-nous suffisamment de l’Europe dans nos discours sur le terrain ? Concrétisons-nous quotidiennement l’Europe dans nos circonscriptions ? Pour faire aimer l’Europe, il faut en parler sur le terrain et, de ce point de vue, nous avons une large part de responsabilité dans la perception que nos concitoyens ont des députés européens.

M. Xavier Breton. Eh oui !

M. Pierre Lequiller. Nous ne parlons pas suffisamment de l’Europe, si ce n’est dans les moments de crise, où, évidemment, elle est largement critiquée, utilisée comme bouc émissaire, souvent par manque de courage, tant il est facile de se défausser sur elle de nos responsabilités nationales. Or, l’Europe, ce n’est pas eux, c’est nous !

Les eurorégions auront eu pour mérite de donner la possibilité aux partis qui le souhaitaient de mener des campagnes véritablement européennes, avec une dimension régionale, alors qu’avant 2004, le scrutin national n’avait pu éviter l’écueil de campagnes très « franco-françaises ».

En conclusion, je m’opposerai à cette proposition de loi rejetée en commission des lois et qui, selon moi, n’apporte aucune plus-value et cache mal son caractère circonstanciel à un an à peine des élections européennes. Elle me paraît caricaturale, exclusivement motivée par des considérations politiciennes, et ne répond ni aux recommandations européennes ni à l’intérêt des Français. À cet égard, notez qu’à l’UMP, nous sommes constants sur ce sujet, puisque nous avons rejeté cette proposition de loi en commission des lois.

Mme la présidente. Il faut conclure, cher collègue.

M. Pierre Lequiller. Ne trafiquez pas ! Cessez de vouloir, à un an de l’élection, faire un changement de commodité politique ! Ce n’est sûrement pas la solution pour faire aimer l’Europe, pour la servir et raccrocher les citoyens à l’idée européenne. Faisons en sorte de préparer des programmes audacieux et imaginatifs…

M. Gérard Charasse. Pourquoi ne commencez-vous pas par appliquer ces principes à vous-mêmes ?

M. Pierre Lequiller. …et proposons même que les partis européens désignent, avant la campagne, leurs candidats respectifs à la Commission européenne, afin de permettre une personnalisation du débat. Cessons de reporter la responsabilité des problèmes sur l’Europe, alors que ceux-ci relèvent souvent de la responsabilité gouvernementale. Si nous voulons plus d’intérêt des citoyens, c’est en confrontant les visions européennes que nous y parviendrons, et non par un changement de scrutin. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Arnaud Richard. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bompard.

M. Jacques Bompard. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nos collègues radicaux souhaitent revenir, pour les élections européennes, au mode de scrutin qui a prévalu jusqu’en 2003. Cet ancien système de circonscription unique, avec des listes nationales de 74 candidats, favorisait pourtant le pire de ce que peut donner le système politique français.

Souvenez-vous : des listes constituées selon le bon plaisir des hiérarques, des chefs de parti têtes de liste, qui démissionnaient sitôt élus ou conservaient leur mandat en siégeant rarement.

M. Thierry Braillard. Parlez pour vous !

M. Jacques Bompard. Cette politisation extrême ne se faisait pas au bénéfice de la qualité du débat. Elle favorisait plutôt les intrigues en tout genre, visant à obtenir des places éligibles, et les querelles internes strictement politiciennes.

La circonscription nationale unique renforcerait encore la prééminence des partis sur cette élection. Il n’est d’ailleurs pas anodin que ce texte soit présenté par un parti qui flirte dangereusement avec un taux de 0,5 % d’intentions de vote dans les sondages, mais qui bénéficie d’un groupe à l’Assemblée nationale et au Sénat grâce à des tractations dans lesquelles l’électeur n’intervient pas.

L’élu, quel que soit le cénacle, doit pourtant représenter les citoyens. Il doit servir d’abord et avant tout les citoyens, et non les partis politiques, d’où l’intérêt du localisme. Le drame actuel, c’est que nous vivons sous l’omertà des partis, qui décident de tout en oubliant les citoyens. Pour lutter contre cette distorsion, il convient de tout faire pour favoriser l’ancrage territorial des élus, y compris lors des élections nationales ou européennes.

Il est d’ailleurs évident que le système actuellement en vigueur pour les élections européennes, avec un territoire découpé en huit grandes circonscriptions, ne rapproche en rien le député européen de ses électeurs. Il est malheureusement difficile de faire mieux pour l’instant, puisque les décisions du Conseil de 2002 imposent le scrutin proportionnel pour les élections européennes.

Car enfin, pour que les élus soient proches de leurs électeurs et responsables devant eux, quoi de mieux que le scrutin uninominal ? Pour éviter les combines entre partis, quoi de mieux que le scrutin uninominal à un seul tour ? Plutôt que de vouloir éloigner encore plus l’élu de ses électeurs, nous ferions mieux de défendre, dans les institutions européennes, la liberté de chaque État de choisir le mode le scrutin le plus démocratique possible.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Le Borgn’.

M. Pierre-Yves Le Borgn’. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, je souhaite avant toute chose remercier le groupe RRDP et notre ami Alain Tourret d’avoir permis que ce débat sur le mode de scrutin pour l’élection des représentants français au Parlement européen puisse être porté devant l’Assemblée nationale.

Voilà en effet dix années, presque jour pour jour, qu’a été adoptée la loi du 11 avril 2003 qui a substitué huit circonscriptions interrégionales à la circonscription nationale unique dans laquelle les élections européennes avaient été organisées depuis le premier scrutin en 1979.

Que recherchait le législateur en 2003 ? Un moyen de lutter contre l’abstention et de rapprocher le député européen de l’électeur.

Sur le front de l’abstention, force est d’avouer que l’échec est là. Depuis 1979, sans discontinuer, le taux de participation aux élections européennes a chuté, en France comme dans le reste de l’Union.

M. Paul Giacobbi. Mais plus encore !

M. Pierre-Yves Le Borgn’. Mais est-ce bien la vocation d’un mode de scrutin de prévenir ou de réduire l’abstention ? Je ne le crois pas. Aucun mode de scrutin ne possède ce pouvoir. C’est la richesse du débat public et elle seule qui entraîne l’adhésion ou, au contraire, le détachement populaires.

Les Français se déplacent en faible nombre au bureau de vote le jour des élections européennes. Leur abstention traduit un défaut d’identification à l’enjeu parlementaire européen, vécu comme abscons, lointain, peu ou pas en prise avec la réalité de leur vie quotidienne. Les politiques et institutions européennes ne font pas rêver, on s’en défie.

Cette conclusion est d’autant plus paradoxale que le Parlement européen dispose de pouvoirs importants et croissants, et a su en faire usage, comme le rejet récent du cadre financier pluriannuel de l’Union européenne a pu opportunément nous le rappeler.

Faute d’un débat public européen clair, en phase avec les préoccupations des électeurs, les élections européennes sont devenues, de loin en loin, de simples élections de mi-mandat, qui sanctionnent les gouvernements en place et font éclater le jeu politique traditionnel par la dispersion de l’offre électorale. Il manque la passion, il manque l’enjeu, il manque surtout la dimension locale, sans laquelle aucune élection ne peut rassembler. Je n’oppose pas l’Europe au local. Au contraire : je crois précisément que c’est dans la capacité à traduire le débat européen à l’échelle de nos territoires et de leurs attentes que réside une large part de ce qui pourra susciter un rebond.

Voilà pourquoi je soutiens l’actuel mode de scrutin. Il est certes présomptueux d’affirmer – et je m’en garderai bien – que l’élection d’une dizaine de députés européens dans une circonscription interrégionale correspondant peu ou prou à 20 % du territoire de notre République et représentant peut-être aussi 20 % de sa population rapprocherait les élus des électeurs,…

M. Paul Giacobbi. Absolument !

M. Gérard Charasse. Tout à fait !

M. Pierre-Yves Le Borgn’. …mais il est juste de reconnaître que ces circonscriptions fixent un cadre géographique au sein duquel un travail de terrain doit être conduit.

Le mandat parlementaire européen ne peut être hors sol. C’est au contact régulier et fidèle des chambres de commerce, des investisseurs, des partenaires sociaux, des associations, des universités, des pôles de compétitivité qu’il faut le faire vivre. C’est la condition de l’efficacité de l’action publique et donc de la prise en compte de l’enjeu des élections européennes.

Je n’ignore pas que l’application de la proportionnelle dans les huit circonscriptions interrégionales tend à favoriser plutôt les grands partis que les formations moins dotées. J’entends cette critique, mais je n’y souscris pas. Je connais des députés européens, dans mon parti mais aussi dans d’autres formations, qui font un remarquable travail à l’échelle locale. C’est cette réalité-là, c’est cette volonté-là que l’actuel mode de scrutin encourage et qu’il faut protéger. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous sommes actuellement en train de changer le mode de scrutin aux élections municipales et aux élections départementales, et nous allons bientôt changer celui des élections législatives et des élections à l’Assemblée des Français de l’étranger. Nous allons modifier le découpage des départements, des circonscriptions législatives et même les dispositions relatives à la désignation des membres du Conseil de Paris. À part les élections des délégués de classe, les élections européennes sont les seules pour lesquelles le mode de scrutin, proportionnel au sein de circonscriptions interrégionales, n’ait pas changé. Je pense sincèrement que s’il y avait une loi à voter, ce serait une loi visant à préserver les espèces à protéger ! Et cette dernière loi électorale à laquelle vous n’avez pas encore touché depuis sept mois, je souhaite qu’on la préserve.

La présente proposition de loi vise à revenir à une circonscription unique pour l’élection des représentants français au Parlement européen. Or, mes chers collègues, le retour à une circonscription unique nous renverrait inévitablement aux critiques – encore pertinentes aujourd’hui – dont celle-ci avait fait l’objet avant la loi du 11 avril 2003 qui a découpé le territoire national en huit circonscriptions regroupant plusieurs régions.

Je suis, pour ma part, opposé à tout scrutin proportionnel et je souhaiterais que les élections européennes aient lieu dans 74 circonscriptions, et que dans chacune d’elles les électeurs puissent désigner leur parlementaire européen.

M. Bernard Roman. Déposez donc une proposition de loi !

M. Thierry Mariani. Mais au moins, grâce à la réforme de 2003, nous avons aujourd’hui, dans toutes les formations politiques, des élus dont la légitimité territoriale, bien qu’imparfaite, est néanmoins plus importante qu’auparavant et qui sont moins dispersés entre les groupes politiques du Parlement de Strasbourg, où l’influence française est trop souvent complètement diluée.

La loi de 2003 a donc permis d’avoir des élus plus efficaces, même si, je le répète, elle n’est pas parfaite. J’en avais relevé un point faible qui me tenait particulièrement à cœur : elle avait en effet privé les Français de l’étranger de la possibilité de voter dans les centres de vote consulaires lors des élections européennes. Nos deux millions de concitoyens expatriés ne pouvaient plus voter que dans une commune française ou, le cas échéant, dans l’un des États membres de l’Union européenne, en l’espèce pour désigner les représentants de cet État membre.

Afin de remédier à cette situation, j’avais présenté en décembre 2009 avec mon collègue Jean-Jacques Urvoas – il était plutôt original à l’époque qu’une proposition émane d’un député de la majorité et d’un député de l’opposition – la proposition de loi n° 1346 pour leur permettre à nouveau de pouvoir voter dans les bureaux de vote consulaires.

J’ai observé que la loi du 26 mai 2011 relative à l’élection des représentants au Parlement européen, s’inspirant de notre initiative commune, a rétabli la possibilité pour les Français de l’étranger de participer au scrutin européen dans les bureaux de vote consulaires, en les rattachant à la circonscription d’Île-de-France. Nous pouvons donc nous réjouir aujourd’hui que les Français établis hors de France pourront, dans quelques mois, voter à nouveau aux élections européennes, pour la première fois depuis 1999.

Bien que certains des objectifs de la loi du 11 avril 2003 n’aient pas été parfaitement atteints, les critiques qui justifiaient en 2003 l’abandon de la circonscription unique restent parfaitement valables aujourd’hui. Elles avaient été à l’époque clairement recensées dans le rapport présenté au Sénat par M. Patrice Gélard à l’occasion de l’examen du projet de loi puis confirmées par la délégation de l’Assemblée nationale pour l’Union européenne. Ces critiques étaient consensuelles et fondées sur l’expérience de cinq élections européennes intervenues dans le cadre de la circonscription unique – en 1979, en 1984, en 1989, en 1994 et en 1999.

L’un des effets pervers évidents de la circonscription unique vient du fait que les représentants sont moins dépendants de leurs électeurs que de leur formation politique.

M. Alain Tourret, rapporteur. Tu parles !

M. Thierry Mariani. Monsieur le rapporteur, nous savonx très bien qu’une liste unique est faite par les appareils politiques et que les électeurs ne pèsent pas du tout sur les décisions.

M. Thierry Braillard. Ce ne sont pas les appareils politiques qui font les listes régionales !

M. Thierry Mariani. La circonscription unique entraîne donc l’absence de tout contrôle de l’électeur sur l’action de ses représentants au Parlement européen. Faute de pouvoir les identifier à un territoire – à l’exception de quelques têtes de liste –, l’électeur ne connaît pas leur action et ne peut donc les interpeller sur leurs votes à Strasbourg, par exemple.

Une autre conséquence de ce mode de scrutin est le poids excessif des enjeux purement hexagonaux dans les élections européennes.

La circonscription unique donne donc une légitimité démocratique insuffisante au Parlement européen, et ce, paradoxalement, au moment même où les pouvoirs de cette assemblée augmentent dans le domaine budgétaire et dans celui du contrôle des institutions européennes.

La création par la loi du 11 avril 2003 des circonscriptions interrégionales n’a certainement pas permis de réaliser toutes les ambitions que le législateur de l’époque avait mises en elle. Il paraît évident qu’à ce jour aucun système n’offre de solution parfaite ; aucun système n’a permis de lutter efficacement contre le fléau de l’abstention qui touche les élections européennes.

Surtout, la volonté de revenir à une circonscription unique à un an des prochaines élections relève, une fois encore, davantage du tripatouillage électoral que d’autre chose.

M. Thierry Braillard. Qu’avez-vous fait en 2003 ?

M. Thierry Mariani. Si une réforme devait être envisagée, elle devrait s’inscrire dans le cadre d’une réflexion plus large sur le mode de scrutin, une réflexion qui, en tout cas, ne s’engagerait pas à moins d’un an du scrutin.

Voilà pourquoi, à l’instar de mes collègues du groupe UMP, je voterai évidemment contre cette proposition de loi, qui me semble être une régression au moment où il faudrait rapprocher chaque élu du Parlement européen de ses électeurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Paul Giacobbi. Quelle participation, venant d’un représentant des Français résidant à l’étranger !

Mme la présidente. La discussion générale est close.

Motion de rejet préalable

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Xavier Breton, pour une durée ne pouvant excéder quinze minutes.

M. Xavier Breton. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi rétablissant une circonscription unique pour l’élection des représentants français au Parlement européen.

Par cette motion de rejet préalable, le groupe UMP entend exprimer clairement son refus de cette proposition de loi, et ce pour plusieurs raisons.

Ce texte est issu de la proposition de loi présentée par M. Yvon Collin, sénateur du Tarn-et-Garonne, et signée par plusieurs de ses collègues du groupe RDSE, Rassemblement démocratique et social européen. Elle a été adoptée il y a près de trois ans – le 23 juin 2010 exactement – par la Haute assemblée. Elle a été votée principalement par les sénateurs de gauche – ceux du groupe RDSE, du groupe socialiste et du groupe communiste, républicain et citoyen – et par quelques sénateurs centristes.

Que dit ce texte ? Il vise à supprimer les huit circonscriptions établies par la loi n° 2003-327 du 11 avril 2003 et à revenir au système en vigueur qui a prévalu de 1979 à 1999, date des dernières élections européennes s’étant déroulées, en France, dans une circonscription unique. Cette formule a donc été appliquée lors des cinq premières élections européennes, comme nous le rappelait le rapporteur tout à l’heure : celles de 1979, de 1984, de 1989, de 1994 et de 1999.

Les auteurs de cette proposition de loi veulent donc revenir sur la réforme de 2003. Ils soutiennent que cette réforme, qui visait, d’une part, à augmenter la participation électorale en donnant aux candidats aux élections européennes un ancrage territorial susceptible de permettre aux électeurs de mieux les identifier, et, d’autre part, à améliorer la représentation de la diversité géographique de notre pays, n’aurait pas atteint ce double objectif.

Selon vous, l’ancrage territorial n’est pas assuré et la diversité géographique de notre pays ne serait pas valorisée. Vous contestez également la délimitation des circonscriptions établies pour l’élection des représentants de la France car elle serait dénuée de cohérence et de pertinence.

Vous estimez en outre que la mise en place de plusieurs circonscriptions désavantage les « petites » formations politiques, qui n’ont parfois pas suffisamment de moyens humains, financiers et matériels pour mener campagne dans des circonscriptions à la fois nombreuses et étendues.

Enfin, et surtout, vous défendez l’idée que les députés européens élus dans un État membre doivent représenter le peuple de cet État dans son intégralité et qu’ils ne devraient pas représenter les citoyens d’une partie du territoire national. La création de circonscriptions ne serait donc pas légitime dans son principe.

Rappelons tout d’abord que le mode de scrutin pour les élections européennes est très largement déterminé par l’Europe elle-même, et plus précisément par l’acte du 20 septembre 1976 portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct.

Cet acte fixe en effet un certain nombre de principes communs, que chaque État membre doit respecter. Il prévoit notamment que les députés européens sont désignés selon un scrutin de liste de type proportionnel et qu’un seuil minimal pour l’attribution de sièges peut être fixé tant qu’il reste inférieur à 5 % des suffrages exprimés. Naturellement, le mode de scrutin retenu par notre pays, tel qu’il résulte de la loi du 7 juillet 1977, respecte parfaitement ces prescriptions.

Surtout, il faut noter que l’acte de 1976 permet à chaque État membre de constituer des circonscriptions en son sein,…

M. Marc Le Fur. Tout à fait !

M. Xavier Breton. …sous réserve que ce système ne porte pas globalement atteinte au caractère proportionnel du mode de scrutin. En d’autres termes, les États membres peuvent créer des circonscriptions dès lors que celles-ci sont assez larges pour avoir un nombre significatif de représentants et, en conséquence, permettre à toutes les sensibilités politiques nationales de s’exprimer.

Le mode de scrutin choisi par le législateur en 2003 est conforme aux recommandations du Parlement européen lui-même, qui incite tous les États membres dont la population est supérieure à 20 millions d’habitants à mettre en place plusieurs circonscriptions afin de resserrer les liens entre les députés européens et les citoyens qui les ont désignés.

La plupart des États membres dont la population atteint ce seuil de 20 millions ont d’ailleurs suivi cette préconisation. Sur les sept États membres de plus de 20 millions d’habitants, seuls deux ont opté pour une circonscription unique : l’Espagne et la Roumanie. Quatre États disposent de plusieurs circonscriptions : l’Italie, qui en compte cinq ; la Pologne, qui en compte treize ; le Royaume-Uni, qui en compte douze dont une spécifique, l’Irlande du Nord ; et la France, donc, qui en compte huit. Il faut, enfin, noter le cas particulier de l’Allemagne, qui pratique un système mixte puisque les listes peuvent être constituées soit au niveau fédéral, soit au niveau des Länder.

On le voit, le retour au mode de scrutin de liste nationale serait un retour en arrière extrêmement préjudiciable. Il représenterait un recul en termes de proximité, de visibilité, de déploiement sur le terrain, et donc de démocratie. Une circonscription nationale éloignerait encore plus les citoyens de l’Europe, alors qu’une élection dans un cadre plus local permettrait de montrer aux Français ce que l’Union européenne leur apporte au quotidien, la campagne électorale étant en effet l’occasion de mettre en avant les nombreuses réalisations concrètes de l’Europe dans nos régions.

Une circonscription nationale éloignerait encore plus les élus des citoyens. Ne tenant plus leur mandat d’un territoire précis, les élus seraient moins tenus à un engagement politique concret sur le terrain. Elle marquerait un coup d’arrêt à la représentation des sensibilités territoriales.

Une circonscription nationale éloignerait encore plus les citoyens de leurs élus. Aucune règle n’imposant de tenir compte de l’origine géographique des candidats, rien ne viendrait garantir une juste représentation de tous les territoires. Ce serait un signal très négatif à une époque où, au contraire, nous devrions plutôt chercher à consolider les repères territoriaux. Le risque serait grand, alors, de voir surreprésentées les régions les plus peuplées, les plus urbanisées, les plus « métropolisées ».

M. Marc Le Fur. C’est vrai !

M. Xavier Breton. Seraient ainsi laissées de côté les régions plus rurales, qui pourtant ont aujourd’hui particulièrement besoin d’être défendues.

Par ailleurs, la montée des extrémismes et de l’euroscepticisme, en cette période de crise, éloigne dangereusement les citoyens des préoccupations européennes. Une circonscription unique renforcerait cette défiance désastreuse.

Une circonscription nationale affaiblirait considérablement l’influence de la France. Au Parlement européen, les responsabilités sont très fortement corrélées à l’importance numérique des groupes politiques, et, au sein de chaque groupe à l’importance des différentes délégations nationales les composant.

Au niveau du résultat électoral, un mode de scrutin proportionnel associé à une circonscription unique favoriserait la dispersion des élus dans une multitude de groupes parlementaires au Parlement européen de moindre influence. Les élections d’avant 2004 en avaient d’ailleurs fait la preuve.

M. Thierry Braillard. Aucune logique !

M. Xavier Breton. À l’heure où le Parlement européen est amené à prendre des décisions déterminantes pour l’avenir de l’Europe et pour celui des États membres, nous devons plus que jamais éviter tout ce qui pourrait affaiblir l’influence de notre pays. C’est un point que nous devons prendre en compte, sur lequel nous devons être particulièrement vigilants.

Vous dites vouloir combattre l’abstentionnisme pour justifier votre proposition. Ce faisant, vous vous appuyez sur la baisse continue de la participation électorale aux élections européennes. Or il s’est, malheureusement, dégradé sensiblement au même rythme que celui des autres élections. Nous le déplorons tous, mais la montée de l’abstentionnisme n’est pas réservée au seul scrutin européen.

Ce constat ne doit pas cependant nous empêcher de mener une réflexion particulière sur l’attachement – ou le détachement – de nos compatriotes à la construction européenne. Mais force est malheureusement de constater que l’Europe est trop souvent considérée comme un bouc émissaire, comme le disait tout à l’heure notre collègue Pierre Lequiller.

Dans ces conditions, comment mobiliser les électeurs une fois tous les cinq ans lorsque les citoyens attribuent tous les maux de la terre, ou du moins de leur pays, à l’Union européenne ? À cet égard, permettez-moi de citer les propos que notre collègue Mme Marie-Jo Zimmermann a tenus en commission. Elle décrit mieux que je ne pourrais le faire cette réalité : « Cette proposition de loi montre surtout que l’on ne se pose pas la question de l’Europe. Si les gens ne vont pas voter à l’élection européenne, ce n’est pas parce qu’ils ne connaissent pas les candidats, c’est parce que nous, les politiques, nous n’avons jamais fait de pédagogie sur ce sujet. Croyons-nous vraiment à l’Europe ? Et n’allons pas imaginer que les députés européens seront mieux connus s’ils sont élus dans une circonscription unique. Soyons clairs : on y retrouvera beaucoup de gens qui n’ont pas pu se faire élire ou réélire à la députation nationale. Gardons-nous donc de poser la question du mode de scrutin quand il conviendrait de poser des questions majeures, d’autant que dans les prochaines années les députés européens joueront un rôle éminent. C’est à l’évidence le mode actuel qui défend le mieux la proximité. »

Les enjeux européens actuels sont trop importants et nécessitent de réels débats lors des élections. La circonscription unique favoriserait trop les débats électoraux purement franco-français et contribuerait à éloigner encore plus nos concitoyens des questions européennes.

Contrairement à ce que vous indiquez, les circonscriptions régionales ne comportent pas que des avantages. Ainsi, la création de plusieurs circonscriptions n’a pas remis en cause le caractère pluraliste des élections européennes. Elle a, à l’inverse, permis de rationaliser la représentation française.

Je voudrais, à cet égard, citer les propos d’Olivier Costa, professeur à l’Institut d’études politiques de Bordeaux. Il indiquait que la représentation de la France au Parlement européen se caractérisait, avant la réforme de 2003, par un émiettement délétère…

M. Thierry Braillard. Cela s’appelle le pluralisme !

M. Xavier Breton. …qui nuisait à son efficacité et à sa crédibilité et qui, de ce fait, limitait l’influence française au sein des institutions européennes. Il a donc estimé que la mise en place de plusieurs circonscriptions avait contribué à améliorer concrètement la représentation des intérêts de notre pays.

Ces circonscriptions permettent en effet de rapprocher un peu l’Europe du citoyen,…

M. François de Rugy. Un peu moins, vous voulez dire !

M. Xavier Breton. …avec une meilleure identification de l’eurodéputé auprès des électeurs et des relais d’opinion.

Par exemple, beaucoup de députés européens ont installé localement leur permanence parlementaire et assurent ainsi un maillage territorial équilibré.

Vous me permettrez de citer comme exemple l’action de nos députés européens du groupe PPE en Rhône-Alpes. Mais je suis certain que d’autres exemples ne manquent pas de députés européens venant d’autres régions et étant inscrits dans d’autres groupes. Il ne s’agit donc pas d’un choix partisan ni localiste, mais d’un choix qui vise à éclairer et à illustrer nos débats. Ces députés européens élus en Rhône-Alpes sont des acteurs reconnus par les administrations locales, par la préfecture de région, par le secrétariat général aux affaires régionales, par les préfectures des huit départements, par les acteurs économiques locaux et les chambres consulaires de nos départements – chambre de commerce et d’industrie, chambre d’agriculture, chambre de métiers et de l’artisanat.

En tant qu’élus, nous avons des échanges réguliers avec eux pour faire le point sur les différents sujets européens ayant des répercussions locales ou sur des sujets qui méritent un appui ou un soutien auprès des institutions européennes, et ainsi pour faire bouger les lignes. Je pense par exemple à la réforme de la PAC, dont on connaît l’importance pour l’agriculture et plus généralement pour notre pays.

Nous pouvons aussi parler de la gestion des fonds structurels européens. À l’occasion de son discours du 3 mars dernier à Dijon, le Président de la République a évoqué leur transfert aux conseils régionaux à partir de 2014. Si ce transfert devait se concrétiser, il faudrait veiller à ce qu’il ne nuise pas à une répartition impartiale, équitable et juste de ces fonds européens sur les territoires concernés.

Les députés européens élus dans des circonscriptions interrégionales pourront faire preuve d’une vigilance bien supérieure au niveau local. Ceux qui seraient élus sur une liste nationale unique risqueraient de suivre avec distance la gestion des fonds européens, depuis les couloirs des sièges de leur formation politique, à Paris, éloignés des réalités territoriales.

Un lien est donc nécessaire avec le terrain, lien qui avait été fort bien décrit par notre collègue Dominique Bussereau en commission.

Changeons à présent de continent…

Mme la présidente. Mon cher collègue, merci de vous acheminer vers votre conclusion.

M. Xavier Breton. …et préoccupons-nous de nos collègues des territoires ultramarins.

La suppression de la circonscription outre-mer aura des effets très négatifs sur la prise en compte et la défense des intérêts ultramarins au niveau européen. Or l’Union européenne alloue des financements importants à son outre-mer et notamment aux régions ultrapériphériques, via le FEDER, pour la politique de cohésion ou encore à travers le Programme d’option spécifique à l’éloignement et à l’insularité, en matière agricole. Pour des territoires aussi éloignés que le sont les territoires d’outre-mer, il est important, il est vital d’avoir un représentant au Parlement européen. Les spécificités de ces territoires sont telles qu’elles nécessitent une représentation directe au Parlement européen.

On le sait, dans nos huit euro-circonscriptions, nous travaillons avec des députés européens passionnés, dévoués et particulièrement efficaces.

Mme la présidente. Merci…

M. Xavier Breton. Nous avons impérativement besoin d’eurodéputés présents et influents à Strasbourg et à Bruxelles.

M. Olivier Falorni. Comme Rachida Dati, par exemple !

M. Thierry Braillard. Tout cela, c’est de la langue de bois !

M. Xavier Breton. Nous risquerions malheureusement de ne pas en prendre le chemin avec votre proposition de loi.

Mme la présidente. Pour toutes ces raisons,…

M. Xavier Breton. Nous ne pouvons accepter de voter cette proposition de loi, car elle ne répond ni à un besoin, ni à un progrès pour nos compatriotes. C’est tout le sens de cette motion de rejet préalable que le groupe UMP vous propose de voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Comme je me suis exprimé longuement à la tribune tout à l’heure, chacun aura compris que le Gouvernement est totalement défavorable à cette motion de rejet préalable.

Le Gouvernement a vraiment à cœur de respecter l’initiative parlementaire. J’y suis attaché en tant que membre du Gouvernement, comme j’y étais attaché, il y a quelques mois encore, en tant que membre d’une autre assemblée que la vôtre.

Votre assemblée est en semaine d’initiative parlementaire. Un travail important a été réalisé durant les quelques dernières semaines, notamment sous l’impulsion du rapporteur de la commission. Je pense donc que le débat doit aller à son terme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Luc Laurent. Enfin une parole sage !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Tourret, rapporteur. Aucun argument indiquant en quoi ce texte est contraire à la Constitution n’a été avancé.

On nous parle d’abstentionnisme. Or je constate que plus il est élevé, plus il y a de voix pour l’UMP. Je comprends donc parfaitement que vous soyez favorables à l’abstentionnisme le plus important.

En ce qui concerne les représentants qui ont pu être élus, vous nous dites que l’influence de la France est forte actuellement. Or elle n’a jamais été aussi faible.

M. Pierre Lequiller. Oh !

M. Xavier Breton. Le président du groupe PPE est un député français !

M. Alain Tourret, rapporteur. Et cette faiblesse est d’autant plus forte – et vous y êtes peut-être pour quelque chose – qu’il n’y a pas de représentants de premier plan au Parlement européen. Je note en effet que le président Giscard d’Estaing a été candidat et a présenté une liste, que le président Mitterrand a été candidat et a présenté une liste, que le président Chirac a été candidat et a présenté une liste, que le président Sarkozy a été candidat et a présenté une liste, que le président Hollande a été candidat et a présenté une liste. Actuellement, avec les huit circonscriptions, vous voulez nous envoyer huit seconds couteaux. Vous les garderez ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

Mme la présidente. Dans les explications de vote sur la motion de rejet préalable, la parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour le groupe RRDP.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Madame la présidente, je me rallie aux observations faites par M. Repentin et par M. le rapporteur pour repousser cette motion de rejet préalable, afin de pouvoir passer à l’examen du texte lui-même.

M. François Pupponi. Très bien ! On vote !

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe GDR.

M. Marc Dolez. Notre groupe ne va évidemment pas voter la motion de rejet préalable, puisque nous sommes partisans de voter ce texte, considérant qu’il traduit une exigence démocratique.

Je voudrais revenir sur un point. Notre collègue Breton a dit, au début de son propos, que le mode de scrutin actuel, avec les huit circonscriptions, était conforme à l’exigence de l’Europe, celle d’un scrutin à caractère proportionnel, avec un seuil de représentation qui ne puisse pas être supérieur à 5 %. C’est vrai sur le papier, mais ce n’est pas vrai dans la pratique.

M. Jean-Luc Laurent. Exact !

M. Marc Dolez. Dans la pratique, ce seuil de 5 % n’a plus aucun sens. Dans les grandes régions comme la région parisienne, il faut en réalité réunir entre 7,5 et 8 % des suffrages pour avoir un élu. Dans la grande région Nord-Ouest, c’est plus de 8 %. Et dans la région Centre, près de 15 % des suffrages sont nécessaires pour avoir un élu. Le caractère proportionnel du scrutin n’est donc absolument pas garanti. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. Jean-Luc Laurent. Très bien ! Bonne démystification !

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Popelin, pour le groupe SRC.

M. Pascal Popelin. Je partage totalement la philosophie qui a été exprimée par le Gouvernement : nous ne sommes pas favorables à l’adoption, au final, de ce texte, mais en revanche nous avons le plus grand respect pour le déroulement de la procédure parlementaire lorsqu’une proposition de loi est examinée dans le cadre de ces niches, à l’initiative d’un groupe,…

M. Marc Le Fur. Il y a eu quelques exceptions ! Pour l’UMP comme pour les écologistes !

M. Pascal Popelin. …qu’il s’agisse d’ailleurs d’un groupe de la majorité ou d’un groupe de l’opposition. Nous avons toujours eu, depuis le début de cette législature, une pratique qui a tranché avec celle que les groupes de l’opposition ont subie sous la législature précédente.

Par conséquent, le groupe SRC ne votera pas cette motion de rejet préalable.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour le groupe UMP.

M. Guillaume Larrivé. Mes chers collègues, Xavier Breton a présenté avec beaucoup de clarté les arguments puissants permettant d’exposer les raisons de fond pour lesquelles le groupe UMP ne votera pas cette proposition de loi.

La vraie question, en effet, c’est de savoir quels sont les moyens qui permettront, dans la durée, de reconquérir le cœur de nos concitoyens lorsqu’il s’agit d’évoquer les questions européennes. L’Union européenne est-elle capable, oui ou non, de mieux protéger nos compatriotes ? C’est cela, la question. Sur des sujets de fond aussi importants que les questions économiques, les questions de sécurité, de maîtrise des frontières, de lutte contre l’immigration illégale, l’Union européenne hélas, depuis des années, a plutôt démontré sa faiblesse que sa capacité à protéger nos compatriotes.

Nous pensons qu’un mode de scrutin régionalisé, qui permet de développer le contact entre nos concitoyens et leurs représentants au Parlement européen, est plutôt de nature à augmenter la confiance dans les institutions européennes. C’est la raison pour laquelle nous sommes contre cette proposition de loi.

Cependant, sur la forme, parce que nous souhaitons pleinement respecter les droits de l’opposition – ce qui va de soi de la part du premier groupe d’opposition –, mais aussi ceux des groupes minoritaires au sein de la majorité, nous croyons qu’il faut faire vivre le débat, et notamment respecter pleinement ces niches d’initiative parlementaire. C’est la raison pour laquelle notre groupe, après avoir exposé cette motion de rejet préalable, a néanmoins choisi de ne pas la voter. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. Alain Tourret, rapporteur. C’est un syllogisme de maître des requêtes !

Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.

M. François de Rugy. Je suis bien content d’intervenir après notre collègue de l’UMP. Évidemment, sa prise de position est un aveu. Ces motions de procédure sont en fait des manœuvres de procédure et la passion soudaine de M. Breton pour le mode de scrutin aux élections européennes a peu à voir avec les sujets qui l’ont jusqu’à présent passionné.

En revanche, et je pense qu’il est temps de le dire, l’utilisation des motions de procédure lors des séances d’initiative des groupes pose en soi un problème. Je suis ravi d’apprendre, de la bouche de M. Popelin, que la doctrine du groupe socialiste semble avoir évolué. J’espère qu’il exprimait bien la position de tout son groupe et qu’elle deviendra systématique pour toutes les séances d’initiative parlementaire. Cela n’a pas été le cas pour la nôtre, fin janvier. Mais surtout, nous constatons que le groupe UMP, par la voix de deux de ses membres, M. Breton d’abord et M. Le Fur ensuite, défend des motions de procédure qui ne sont même pas soutenues par le groupe qui les a déposées ! Car elles ont tout de même été déposées au nom du groupe UMP : vous avez bien dit tout à l’heure, madame la présidente, que vous aviez reçu la motion de rejet de préalable de M. Jacob, président du groupe UMP. Mais ensuite, le groupe ne la vote pas, et pour cause !

M. Marc Le Fur. Parce que nous sommes respectueux de la réforme du règlement !

M. François de Rugy. Vous faites cela pour que la proposition de loi suivante, que nos collègues radicaux de gauche ont souhaité inscrire à l’ordre du jour et relative à la recherche sur les embryons, ne puisse pas être adoptée, alors qu’elle ne comporte qu’un seul article et que vous avez déposé des centaines d’amendements ! (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, RRDP et SRC.)

Je considère que ces manœuvres de procédure sont inacceptables, car elles empiètent sur le droit qu’ont les groupes de déposer des propositions de loi qui soient ensuite discutées dans des conditions normales. Quand il n’y a qu’un seul article, il ne devrait pas y avoir 400 amendements. Ce ne sont que des manœuvres d’obstruction ! Alors, quand je disais à M. Copé, il y a quelques jours, lors du débat sur la motion de censure : « Arrêtez d’emmerder l’Assemblée avec vos manœuvres d’obstruction et de retardement ! », je ne croyais pas si bien dire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. - Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC et RRDP.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour un rappel au règlement.

M. Guillaume Larrivé. Ce rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 1. Les propos du président ou du co-président – on ne sait pas trop – du groupe écologiste sont assez étonnants. Je pense qu’en d’autres temps, mon cher collègue, vous auriez rêvé de revêtir d’autres habits, ceux d’un procureur au petit pied, d’une sorte de Fouquier-Tinville. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Vous mettez en cause les raisons pour lesquelles le groupe UMP souhaite débattre sérieusement et en profondeur de ces questions européennes. Vous nous prêtez des intentions malignes qui ne sont pas les nôtres. Je regrette vraiment le ton sur lequel vous prenez nos interventions. Je demande, madame la présidente, une suspension de séance d’un quart d’heure pour pouvoir réunir mon groupe.

Mme la présidente. La suspension est de droit, mais elle ne sera pas d’un quart d’heure.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à douze heures.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Rappels au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Popelin, pour un rappel au règlement.

M. Pascal Popelin. Ce rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 1, relatif au déroulement de la séance.

Nous venons d’assister à un moment assez baroque : un groupe politique dépose une motion de rejet préalable, en disserte pendant une quinzaine de minutes, pour dire ensuite qu’il ne la votera pas. On note bien là l’intention manifeste de ralentir le travail de l’Assemblée.

C’est pourquoi je me permets de suggérer, le président Jacob nous ayant rejoint, que, dans l’hypothèse où la motion de renvoi en commission devait elle aussi ne pas être votée par ceux qui l’ont déposée, nous entamions dans les meilleurs délais l’examen des articles, plutôt que de subir de nouveau une manœuvre dilatoire dont le seul but est de ralentir nos travaux.

M. Jean-Luc Laurent. Ce serait sage et cohérent !

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Mon intervention s’appuie elle aussi sur l’article 58, alinéa 1, du règlement et ira dans le même sens que celle de notre collègue Pascal Popelin.

Pour éviter d’ajouter du ridicule au ridicule, il serait bon, mon cher collègue Le Fur, si vous deviez ne pas voter votre motion de renvoi en commission, de ne pas la défendre. Ce serait une façon de gagner un peu de temps et de rendre un peu moins ridicule le déroulement de cette séance.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Je voudrais répondre à ce qui vient d’être dit. Mes chers collègues, les choses sont très claires. Nous appliquons un règlement que nous avons voulu. Il a été adopté à la suite de la réforme constitutionnelle de 2008. Ce règlement permet aux groupes de défendre des propositions de loi, de s’exprimer, et aux uns et aux autres de défendre des amendements. Nous y sommes d’autant plus attachés que nous sommes à l’origine de cette réforme qui constitue un vrai progrès pour le Parlement, et en particulier pour les groupes minoritaires.

Nous nous situons dans cette logique, et c’est le groupe socialiste qui l’a mise en cause. La première fois, c’était contre un texte présenté par le groupe écologiste. Nous étions contre et nous n’avons pas pour autant voté les motions de procédure, parce que nous estimions que nous devions aller au bout de la discussion. Le groupe socialiste a également voté, récemment, une motion de procédure pour interrompre la discussion d’une proposition de loi que nous avions déposée afin que la carte du combattant puisse être attribuée aux militaires qui ont servi en Algérie « à cheval », comme on dit, sur la date du 2 juillet 1962.

Nous estimons qu’il faut débattre. Ensuite, solennellement, le mardi suivant, chacun prend ses responsabilités et le groupe majoritaire fait prévaloir la position de la majorité, ce qui est dans l’ordre des choses. Mais la logique de ces séances du jeudi, c’est d’aller au bout du débat. Et si nous déposons des motions de procédure, c’est pour que notre assemblée puisse aller au bout du débat. Nous utilisons le temps qui nous est réservé de droit pour tenter de convaincre nos interlocuteurs du bien-fondé de nos positions, sans pour autant interdire aux groupes minoritaires de s’exprimer et sans leur interdire, ce faisant, de défendre leurs amendements. En l’occurrence, nous entendons bien évidemment défendre les cinquante-six amendements que nous avons déposés sur ce texte.

M. François de Rugy. Lamentable !

Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy, pour un rappel au règlement.

M. François de Rugy. Mon intervention concerne le déroulement de la séance.

Nous sommes en pleine manœuvre d’obstruction. Je pose une question simple à M. Le Fur – je vois que M. Jacob est déjà parti, c’est bien dommage : vous allez défendre une motion de renvoi en commission ; allez-vous au moins voter pour ?

M. Marc Le Fur. Eh bien, vous allez m’écouter !

M. François de Rugy. Car, tout à l’heure, non seulement votre groupe n’a pas voté la motion de rejet préalable qu’il avait déposée, ce qui est tout de même une nouveauté dans l’utilisation et, il faut bien le dire, le détournement du règlement,…

M. Philippe Gosselin. Je vous en prie, pas de grands mots !

M. François de Rugy. …mais même notre collègue Xavier Breton, qui l’a défendue, ne l’a pas votée non plus ! Il n’a pas levé la main lorsque la présidente a demandé qui votait pour cette motion.

M. Philippe Gosselin. Il n’a peut-être pas bien entendu…

M. François de Rugy. Vous ne pouviez pas faire pire démonstration de vos manœuvres d’obstruction. Je vous invite donc simplement, monsieur Le Fur, à retirer votre motion de procédure, puisque vous ne la voterez pas.

Motion de renvoi en commission

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour une durée ne pouvant excéder quinze minutes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Olivier Falorni. Ça devient ridicule, monsieur Le Fur !

M. Marc Le Fur. Madame la présidente, monsieur le ministre – dont je salue la promotion et pour lequel je forme des vœux de succès –, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis à l’initiative du groupe RRDP pour examiner un texte visant à modifier le mode d’élection des députés européens.

Nous sommes, pour notre part, attachés au mode d’élection actuel, qui divise la France…

M. Jean-Luc Laurent. Ça, c’est sûr !

M. Marc Le Fur. …en plusieurs grandes circonscriptions et qui permet un lien objectif entre la population et ses élus ; c’est le propre de toute logique élective et nous combattons le retour à un système funeste où les élus étaient en quelque sorte hors sol et donc très éloignés des préoccupations de la population.

Les enjeux sont donc simples : il s’agit soit de rétablir le système qu’a pratiqué la France entre 1979 et 1999, soit de conserver le mode de scrutin actuel que le Parlement a institué en 2003. Il ne s’agit cependant pas du seul enjeu, et nous ne pouvons nous empêcher de penser, au groupe UMP, qu’à un an des élections européennes, il n’est pas légitime de modifier le mode de scrutin.

M. Guillaume Larrivé. Très juste !

M. Marc Le Fur. Cette volonté de changement s’étend d’ailleurs à tous les systèmes électoraux. Les élections municipales : nous étions encore réunis cette nuit pour en changer les modalités. Les élections départementales : nous avions institué le conseiller territorial, qui était une très bonne chose, et vous êtes revenus l’espace d’un instant à l’ancien système dit du conseiller général avant de proposer un système binominal – un homme, une femme –dans de grands cantons. Et vous voulez aussi changer le mode de scrutin des élections législatives. Peut-être nous préparez-vous d’ailleurs à davantage de proportionnelle aux élections européennes pour justifier un peu mieux demain la modification du scrutin législatif. Toujours est-il que nous sommes en plein tripatouillage, et nous le regrettons.

Nous le regrettons parce que, ce faisant, vous faites le lit des extrémistes...

M. Xavier Breton. C’est le but !

M. Marc Le Fur. …qui seront bien plus à l’aise dans un système national. Vous faites également le lit de tous les eurosceptiques, dont le principal argument est que le Parlement européen est loin des réalités. Nous considérons au contraire qu’il faut l’ancrer, dans toute la mesure du possible, dans des réalités objectives et territoriales.

Ne prenez pas l’Europe en otage ! N’en faites pas l’otage de vos préoccupations essentiellement partisanes !

Premier constat, le système actuel est conforme aux normes européennes qui nous obligent à une part de proportionnelle – c’est l’acte du 20 septembre 1976 portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct. Nous y sommes. La part de proportionnelle ne nous contraint nullement à un scrutin à l’échelon national. Du reste, si ce texte funeste était adopté, nous serions bien loin de la règle qui prévaut dans une majorité de pays européens.

De surcroît, il convient de souligner que l’acte de 1976 permet à chaque État membre de constituer des circonscriptions en son sein, sous réserve que ce système ne porte pas « globalement atteinte au caractère proportionnel du mode de scrutin ». Nous avons donc trouvé une forme d’équilibre, d’harmonie qui devrait tous nous réunir.

En d’autres termes, les États membres peuvent créer des circonscriptions dès lors que celles-ci sont assez larges pour avoir un nombre significatif de représentants et, en conséquence, pour permettre à toutes les sensibilités politiques nationales de s’exprimer. Nous y sommes.

Le premier constat est donc que le mode de scrutin français est conforme aux normes européennes.

Deuxième constat : l’actuel mode de scrutin présente des avantages alors que les défauts de la circonscription unique sont nombreux et connus.

Le premier de ces défauts est la distance très nette créée entre le député européen et l’électeur. Deuxième défaut : en raison de cette distance, certains députés ne s’investissent plus. J’ai dans mon département un député européen, qui s’appelle Alain Cadec ; sa circonscription n’est pas à Paris, elle n’est même pas à Rennes, elle est à Saint-Brieuc. (Exclamations sur les bancs du groupe RRDP.) Eh oui, c’est ainsi. Je peux également citer Agnès Le Brun, qui est maire de Morlaix, où elle a sa permanence et où elle travaille. Et vous savez qu’ils sont députés du Grand Ouest.

M. Olivier Falorni. En tout cas, à La Rochelle, on ne les connaît pas !

M. Marc Le Fur. Le retour du scrutin national, c’est le retour des apparatchiks, c’est le retour des personnalités du spectacle qui viennent pour l’occasion, c’est le retour des gens qui viennent parce qu’ils ont vu de la lumière et que l’on met sur des listes parce que, à un moment donné, ils sont connus et bien vus. Mais ces gens-là ne s’investissent pas dans la politique.

M. Olivier Falorni. Vous pensez à Rachida Dati ?

M. Marc Le Fur. J’oserais dire que nous avons même eu des académiciennes qui ont certes des qualités et qui pourtant n’ont pas joué leur rôle de député européen une fois élues. Nous devons donc aller au bout des choses.

Je voudrais citer des gens qui ont trouvé là, à la suite d’un échec politique ou d’une incapacité à s’investir dans la politique, une forme de parachute doré. Parce qu’il s’agit bien de cela.

M. François de Rugy. À qui pensez-vous donc ?

M. Alain Tourret, rapporteur. Mme Dati est un bel exemple !

M. Marc Le Fur. Je pense à Harlem Désir, à Marie-Arlette Carlotti – dont on reparle en ce moment –, à Marie-Noëlle Lienemann, à Olivier Duhamel, tous élus en 1999, dans l’ancien système. Autant de gens qui n’ont fait que passer ou se sont révélés incapables, pour des raisons diverses et variées, d’être élus au suffrage universel direct.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Quel argument politique déplorable !

M. Marc Le Fur. Le deuxième défaut de la circonscription unique est qu’elle nationaliserait le débat. Je sais qu’il y a déjà une part de nationalisation du débat dans les scrutins organisés dans les grandes régions ; mais ce serait encore plus net dans le cadre d’une seule circonscription. Le débat national occulterait le débat européen.

Le propre d’une élection départementale, c’est de permettre un débat départemental ; le propre d’une bonne élection régionale, c’est de permettre un débat régional ; le propre d’une bonne élection européenne, ce devrait être de permettre un débat européen. Donc autorisez-le. La circonscription nationale oblige à parler de sujets uniquement nationaux.

M. Jean-Luc Laurent. La République est unitaire !

M. Marc Le Fur. Oui. Mais si je suis député de la nation, mon cher collègue, il n’empêche que je suis député de la troisième circonscription des Côtes-d’Armor. C’est précisément parce que j’ai cet enracinement que je suis raisonnablement capable d’assumer un mandat national.

M. Alain Tourret, rapporteur. Un Breton bretonnant.

M. Marc Le Fur. Et ce que je dis pour moi vaut pour chacun d’entre vous, mes chers collègues. Il n’y a pas de contradiction mais au contraire une cohérence entre l’extrême proximité et la légitimité qui est la nôtre au plan national. On peut imaginer exactement la même chose au niveau européen. Nous devons avoir cette dialectique – à laquelle certains d’entre nous se réfèrent d’ailleurs dans leur mode de pensée. Il faut que nous pratiquions cette dialectique entre le local et l’Europe, entre la grande région et l’Europe. C’est aussi une condition de démocratie.

Les auteurs de la proposition de loi avancent l’argument selon lequel les représentants de la France au Parlement européen doivent représenter l’ensemble de la nation. J’y ai répondu : ils représentent leurs électeurs parce qu’ils connaissent leurs préoccupations dans leur circonscription. Ainsi, Michel Dantin, très bon député européen,…

M. Xavier Breton. Il est excellent : c’est un Savoyard !

M. Marc Le Fur. …connaît très bien la région qui l’a élu et je puis affirmer qu’il connaît aussi parfaitement les problèmes agricoles, qu’il est capable d’en parler en région Île-de-France, en Picardie, en Bretagne. Donc, il fait son travail. C’est précisément parce qu’il a des origines solides dans la Savoie qui est la sienne, et qu’il a été élu dans le cadre de cette grande région Rhône-Alpes, qu’il peut faire des choses – je crois que nous devons être attentifs à cela.

M. Thierry Braillard. Une grande région Rhône-Alpes qui comprend la Corse !

M. Marc Le Fur. L’autre conséquence du scrutin national, c’est l’émiettement entre des listes multiples, quand nous devrions avoir une représentation nationale cohérente. Regardez comme ils sont organisés en face ! Les Allemands se partagent, pour l’essentiel, entre les deux groupes efficaces qui pèsent au Parlement européen.

Notre organisation est plus cohérente depuis la modification du mode de scrutin introduite en 2003, alors prenons garde de ne pas adopter un mode de scrutin qui entraînerait la dispersion de notre système de pensée. Il refléterait peut-être notre diversité théorique, mais il aboutirait à ce que nous ne pesions plus au niveau européen : ce serait, pour le coup, extrêmement contradictoire. Évitons, donc, un concours Lépine qui aboutira à la multiplication des petites listes. Rappelez-vous les listes Schwartzenberg, Touati, Gluckstein, qui ont vu le jour en leur temps : elles rassemblaient des gens qui ne voulaient que s’exprimer, et qui n’ont fait que disperser l’électorat. Cela n’est pas satisfaisant.

M. Alain Tourret, rapporteur. On a même eu la liste Sarkozy !

M. Marc Le Fur. Je voudrais dire également, parce que j’ai échangé avec eux, que nos collègues élus au Parlement européen, ceux de notre groupe du moins, sont très attachés au mode de scrutin actuel.

Par ailleurs – mon collègue Xavier Breton l’a déjà dit, mais je me permets d’y insister –, l’une des conséquences de l’adoption du texte serait l’abandon de l’outre-mer. L’outre-mer disparaîtrait de la représentation, alors qu’il existe aujourd’hui une circonscription de l’outre-mer qui, vous le savez, se divise en trois pôles, correspondant aux grands océans, l’Atlantique, avec les Antilles, l’océan Indien, avec la Réunion, et le Pacifique.

Chers amis socialistes, permettez-moi de vous dire que vous commencez à avoir un vrai problème avec l’outre-mer. On l’a vu avec la loi sur le mariage,…

M. François de Rugy. Ah ! Ça faisait longtemps !

M. Marc Le Fur. …puisque l’essentiel des députés d’outre-mer a voté contre cette loi.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Revenons au texte !

M. Marc Le Fur. Ils ont voté avec nous, parce qu’ils ont estimé que vous les embarquiez dans quelque chose qui ne leur convenait pas. On veut les museler ! On veut leur faire payer leur position singulière et courageuse. J’ai été témoin du discours de l’un de nos collègues des Antilles : ce fut un grand moment qui, je dois dire, m’a fait monter les larmes aux yeux…

M. Alain Tourret, rapporteur. N’exagérez pas ! C’étaient des larmes de crocodile.

M. Marc Le Fur. …tant ce qu’il disait était fort, riche et nourri de son expérience.

M. Pascal Popelin. Vous êtes attaché à l’outre-mer ?

M. Marc Le Fur. Oui, je suis attaché à l’outre-mer, et cela compte pour moi. Vous, vous moquez de l’outre-mer, pas moi ! Ce n’est pas pareil !

M. Pascal Popelin. Pas du tout ! Nous avons fait plus pour l’outre-mer en dix mois que vous en dix ans !

M. Marc Le Fur. Il faut que nous conservions cette représentation de l’outre-mer, car elle est tout à fait essentielle. Elle constitue un plus pour la France, une singularité ; et l’Europe doit, elle aussi, assumer ses responsabilités à l’égard de l’outre-mer.

M. Alain Tourret, rapporteur. Parlons de Gaston Flosse !

M. Marc Le Fur. Il faut que nous soyons très cohérents et que nous sachions défendre l’outre-mer.

Si je dis tout cela, c’est parce que nous sommes à un moment où le Parlement européen est de plus en plus présent dans de multiples décisions. La codécision, personne n’en a pas parlé : je n’ai pas entendu ce mot dans la bouche des orateurs socialistes ou radicaux, ni même dans la vôtre, monsieur le ministre.

M. François de Rugy. Parlez-nous de la Bretagne !

M. Marc Le Fur. La codécision, cela signifie que le Parlement pèse désormais et qu’il ne se contente pas de parler abstraitement. Il ne s’agit pas simplement d’enfiler des perles, au niveau du Parlement européen ; il s’agit de concourir à des décisions majeures, qui concernent notre agriculture, notre secteur de la pêche et quantité d’autres sujets tout à fait essentiels pour nous.

Je tiens à dire, en outre, que la liste nationale aboutirait à affaiblir la position de la France. C’est une vraie difficulté. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.) Mais si : nous nous disperserions et nous aurions des représentations massivement extrémistes. Il faut que nous sachions investir – car c’est une réalité européenne – les deux principaux groupes qui sont, de fait, des codécideurs au niveau du Parlement européen,…

M. François de Rugy. Ben voyons !

M. Marc Le Fur. …le groupe qui est aujourd’hui dominé par les chrétiens-démocrates allemands et le groupe socialiste. C’est cette ambition-là que vous devriez vous fixer, chers collègues socialistes : investir ces groupes, y peser, y exercer des responsabilités…

M. Xavier Breton. Exactement !

M. Marc Le Fur. …comme un Joseph Daul a su le faire. Mais Joseph Daul, c’est un Alsacien, c’est quelqu’un qui se bat sur un territoire qu’il connaît, qui l’identifie. Cela ne l’a pas empêché de prendre des responsabilités au niveau européen. C’est tout à son honneur et cela représente, pour nous, un avantage relatif, dont il faut que nous sachions tenir compte. Cela devrait nous inciter à combattre ce projet funeste.

Mon quatrième constat, c’est que le mandat de parlementaire européen nécessite un investissement personnel très important. Nous ne devons pas investir des gens qui feront autre chose demain ; nous ne devons pas investir des gens pour qui ce mandat est un lot de consolation.

M. Thierry Braillard. Vous pensez à Rachida Dati ?

M. Marc Le Fur. Nous devons investir des gens qui représenteront les intérêts généraux, mais aussi singuliers, de notre pays et de nos régions.

Il y a dans votre projet un paradoxe assez singulier, que m’a signalé Elisabeth Morin, élue du Poitou-Charentes : il semble que vous soyez, à gauche, partisans de la régionalisation des fonds européens, et vous prônez la nationalisation de l’élection. Il y a là une contradiction que je juge majeure !

M. Alain Tourret, rapporteur. Il y a vingt-deux régions !

M. Thierry Braillard. Ce sont des élections européennes !

M. Olivier Falorni. Ça n’a rien à voir !

M. Marc Le Fur. Il est peut-être contestable, à certains égards, de donner aux régions, qui peuvent parfois avoir une attitude clientéliste, la gestion des fonds européens. Mais en tout cas, il y a une contradiction majeure à dire, d’un côté, que l’on veut élire les députés au niveau national, et, de l’autre, que l’on veut régionaliser les fonds européens.

Je suis gestionnaire d’un programme européen extrêmement intéressant, Leader, qui est tout à fait adapté au monde rural, et que certains d’entre vous connaissent sans doute. Eh bien, sur ce programme, je m’efforce de travailler avec des députés européens qui, quand on les convie – c’est le cas notamment d’Alain Cadec –, viennent travailler avec nous et nous informent de ce qui se prépare. C’est extrêmement intéressant et positif, et nous aurions tort de nous priver de tout cela. Il faut aller au fond des choses.

Il y aurait encore tellement de choses à dire, madame la présidente, mais je suis très respectueux du règlement, donc je ne dirai pas tout.

Je voudrais tout de même noter que, dans le Grand Ouest, nous avons aujourd’hui neuf députés européens.

M. François de Rugy. Vous n’allez pas nous dire que vous êtes partisan du Grand Ouest !

M. Marc Le Fur. J’ai regardé ce qui s’était passé avant les élections de 1999, où nous avions globalement plus de députés : sur tous les députés européens nationaux, quatre pouvaient être rattachés à l’actuelle circonscription du Grand Ouest. Cela signifie que vous voulez faire élire des Parisiens ; cela signifie que les provinciaux doivent dire non à votre texte. ; cela signifie que si ce texte était adopté, nous n’aurions pas une représentation permettant d’irradier l’ensemble du territoire.

M. Alain Tourret, rapporteur. C’est charmant pour M. Cadec, tout cela !

Mme la présidente. Merci de conclure, cher collègue.

M. Marc Le Fur. Ce serait extrêmement préjudiciable, et c’est pour cette raison que ce texte est funeste.

Je tiens à dire que nous sommes attachés aux débats qui ont lieu dans le cadre des niches, car c’est une ouverture que nous avons nous-mêmes introduite, à l’occasion de la révision du règlement, mais si nous devions, madame la présidente, aller au terme de ce débat, nous devons savoir que l’adoption éventuelle d’une liste unique serait contre-productive pour nos territoires.

À un moment donné, il faut choisir entre les territoires et les lobbys. Nous, nous avons choisi les territoires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, j’ai déjà indiqué tout à l’heure que je serais défavorable aux mentions de procédure. Je suis donc défavorable à cette motion de renvoi en commission.

Vous dites, monsieur Le Fur, que vous n’avez pas tout dit, mais vous en avez dit beaucoup, en utilisant parfois des arguments assez éloignés de ce texte.

M. Pierre-Yves Le Borgn’. Exactement !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Je voudrais simplement revenir sur un mot que vous avez employé : le mot « tripatouillage ». Vous êtes le second à l’avoir employé ce matin. L’un des orateurs qui vous ont précédé, et qui n’est d’ailleurs plus là, a longuement développé l’idée selon laquelle le Gouvernement aurait la volonté de changer l’ensemble des lois électorales de notre pays…

M. Marc Le Fur. Vous touchez à toutes les circonscriptions !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. …à un moment où d’autres enjeux devraient l’occuper. Je voudrais simplement vous dire que lorsqu’on prend des engagements devant les Français, il faut les tenir. Et c’est ce que nous avons fait, avec deux textes.

Un débat a effectivement eu lieu ici, au sujet d’un projet de loi relatif à l’évolution du mode de scrutin aux élections locales et intercommunales, car nous avons la conviction que nous pouvons renforcer la sécurité de l’élection des conseillers municipaux, tout en faisant percevoir à nos concitoyens que la gouvernance intercommunale doit, elle aussi, être renforcée.

Pour ma part, je me réjouis que, y compris dans les petites communes, on sécurise le vote aux élections municipales en abaissant le seuil à un niveau qui permettra de lutter contre ce sport national que constitue, si vous me passez l’expression, le « tir au pigeon » des élus qui ont la responsabilité des exécutifs. Ceux-ci sont souvent rayés le jour de l’élection parce qu’ils ont bien fait leur travail et l’on constate, paradoxalement, que celui qui n’a pas eu de responsabilités obtient souvent plus de voix que celui qui a fait des choses.

Il y a un second engagement que nous avions pris devant les Français, celui de revenir sur le conseiller territorial, cet être hybride, situé entre l’échelon départemental et l’échelon régional.

M. Marc Le Fur. C’était pourtant une bonne chose !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Vous dites que c’était une bonne décision, mais moi j’ai le souvenir que toutes les associations d’élus se sont élevées contre cette disposition, depuis l’Association des régions de France jusqu’à l’Assemblée des départements de France, en passant par une association qui est présidée par un de vos collègues, député et maire, qui représente les maires de France.

Nous avions pris cet engagement et c’est l’honneur du Gouvernement de le tenir, par la création du conseiller départemental, qui confortera le lien entre le territoire et l’élu. Il est en effet incontestable que le conseiller territorial, tel que vous l’aviez imaginé, allait éloigner les élus de leur territoire. La mise en œuvre de votre réforme aurait eu pour conséquence une sous-représentation des territoires ruraux, et plus encore des territoires de montagne, dans les institutions territoriales. Cela aurait été un recul de la démocratie.

Je voulais y insister, parce que le terme « tripatouillage » me gêne un peu. Si l’on donne l’impression de donner une leçon de morale ou de vertu, il faut être sûr que, lorsqu’on était soi-même aux affaires, on a été irréprochable. Or je me souviens des conditions du débat de 2003, permettez-moi de vous le dire.

M. Joël Giraud. Très bien !

Mme la présidente. Dans les explications de vote sur la motion de renvoi en commission, la parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Madame la présidente, j’ai admiré l’ingéniosité dont ont fait preuve les représentants du groupe UMP pour la précédente motion, qu’ils ont déposée, mais qu’ils n’ont pas votée, ce qui est parfaitement leur droit. Cela permet de faire s’écouler le sablier du temps, mais, précisément, notre souci est que le sablier du temps ne s’écoule pas avec une lenteur extrême. Or, en allant de motion en motion…

M. Paul Giacobbi. À la recherche du temps perdu !

M. Marc Le Fur. C’est très proustien ! Il manque seulement les madeleines !

M. Philippe Gosselin. Et la tasse de thé !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Pour les madeleines, nous verrons un autre jour. Marcel Proust est un peu étranger à ce problème, vous en conviendrez.

J’ai été très attentif à ce qu’a dit Marc Le Fur, non seulement sur le sujet abordé à l’instant, mais aussi sur le fait que les droits de l’opposition et des groupes minoritaires doivent être respectés dans le cadre de ces niches. Or, il est bien évident que si chacune de ces niches subit pour ainsi dire l’intrusion d’éléments nombreux, qu’il s’agisse de motions ou d’amendements, qui n’ont pas toujours une place évidente dans ces débats…

M. Philippe Gosselin. Mais dans le cas présent, leur place est évidente !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. …quand ils sont répétitifs,…

M. Jean-Frédéric Poisson. Allons, allons !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. …cela risquerait, mais ce n’est pas votre intention – je ne veux pas vous prêter une intention qui ne serait pas la vôtre – de déborder sur le temps réservé à l’examen du deuxième texte, voire du troisième.

M. Philippe Gosselin. Oui, il y a encore le deuxième et le troisième !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Je sais bien. J’admire votre franchise, mais je ne peux pas pour autant l’approuver.

M. Philippe Gosselin. Ce n’est pas de la « franchise », c’est un simple constat.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Ne pouvant l’approuver, je suis pour le rejet de cette motion.

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la gauche démocrate et républicaine.

M. Marc Dolez. Je ferai deux remarques sur l’intervention de notre collègue Le Fur. Dans les critiques que vous adressez à la circonscription unique, vous dites, premièrement, que cela va favoriser l’émiettement ; ce que vous appelez « émiettement », nous, nous l’appelons « pluralisme ».

M. François de Rugy. Ils ont été traumatisés par le pluralisme !

M. Marc Dolez. Conformément à l’article 4 de la Constitution, c’est le mode de scrutin qui permet le mieux d’assurer le pluralisme et la représentation des différentes opinions. D’ailleurs, si je vous ai bien entendu, par souci d’efficacité, vous souhaiteriez presque vous en tenir au bipartisme dans la représentation des députés européens.

Le second reproche que vous faites à ce système, c’est de nationaliser le débat. Eh bien oui, nous avons besoin de nationaliser le débat. Nous avons besoin, dans ce pays, de débattre pour savoir quelle position les représentants de la France et de la République devront défendre au Parlement européen sur la construction européenne.

M. Philippe Gosselin. C’est une vraie question, en effet !

M. Marc Dolez. Pour ces raisons, et pour beaucoup d’autres que je n’ai pas le temps d’expliquer, nous allons rejeter cette motion de renvoi en commission.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je suis extrêmement étonnée par cette motion de renvoi en commission. Nous venons de rejeter – avec le groupe UMP – une motion de rejet préalable, et nous sommes maintenant saisis d’une motion de renvoi en commission dont l’adoption nous ferait recommencer à l’infini ce processus assez étrange.

Le dispositif actuel assure véritablement la territorialisation d’un débat important, celui de l’Europe. Les enjeux de l’Union européenne portent non seulement sur la PAC, mais aussi sur les fonds structurels, qui s’appliquent aux niveaux régional et territorial.

Pourquoi retourner en commission et discuter à l’infini d’un système alors qu’il est si simple, et si nécessaire, de décider aujourd’hui une fois pour toutes de maintenir en l’état le système actuel ?

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Philippe Gosselin. Le président Schwartzenberg s’étonne de constater qu’il y a une différence entre la motion soutenue par le groupe UMP et les votes qui peuvent s’exprimer au sein de ce même groupe.

Mme Émilienne Poumirol. C’est le groupe UMP qui a appelé à voter contre sa propre motion !

M. Philippe Gosselin. Cher collègue, c’est tout simplement parce que chez nous, la liberté des votes s’exprime, contrairement à ce qui se passe dans certains groupes dont je tairai le nom ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Nous ne sommes pas des godillots. Le groupe a souhaité déposer des motions, mais un certain nombre d’entre nous estime qu’elles n’ont pas à être votées, voilà. Chacun l’exprime à sa façon.

M. Paul Giacobbi. Mais toujours très longuement…

M. Philippe Gosselin. C’est ainsi que la démocratie s’exprime au sein du groupe, et nous nous en réjouissons.

M. Pascal Popelin. C’est un numéro de trapèze volant !

M. Philippe Gosselin. Nous sommes des démocrates, je vois que certains s’en étonnent !

M. François Pupponi. Vous allez la voter, cette motion-ci ?

M. Philippe Gosselin. Vous le verrez dans quelques instants monsieur Pupponi. Le suspense est-il à ce point insoutenable que vous ayez besoin d’une réponse immédiate ?

Les débats de ce matin démontrent que c’est l’Europe que vous tentez de prendre en otage au détour d’une niche d’initiative parlementaire. Je ne remets évidemment pas en cause les propositions du groupe RRDP, mais il n’est pas convenable d’organiser un mini-débat sur l’Europe, sur les enjeux de la représentation et sur la place des partis politiques au détour d’une modification du mode de scrutin.

Comme l’a rappelé notre collègue Dolez, l’article 4 de la Constitution précise que les partis politiques concourent à l’expression du suffrage. Je m’y rallie évidemment, encore que l’on puisse discuter très longuement de cette place : en Allemagne la place des partis politiques est beaucoup plus forte, comme en Italie, où l’on parle même de partitocratie. En France, il est simplement prévu que les partis « concourent à l’expression du suffrage. » Mais n’en découle en aucun cas qu’une circonscription unique soit nécessaire.

Je crois que le mode de scrutin actuel organisé autour de grandes régions offre davantage d’intérêt et d’équilibre, et je tenterai de le démontrer au cours de nos débats.

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Richard, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Arnaud Richard. Il pourrait être tentant de voter cette motion de renvoi pour assister à nouveau aux tiraillements au sein de la majorité lors des débats en commission.

Nous ne le ferons pas, parce que beaucoup d’amendements déposés méritent d’être débattus. Surtout, il est important de rejeter cette proposition de loi et de donner corps à la proposition de loi constitutionnelle déposée par notre collègue Sauvadet afin que demain, ce type de mode de scrutin ne puisse être modifié qu’avec la majorité des trois cinquièmes de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.

M. François de Rugy. Madame la présidente, monsieur le ministre, la manœuvre de procédure est tellement énorme et tellement surréaliste que M. Le Fur avait du mal à s’y retrouver dans ses pseudo-arguments. J’en ai relevé quelques-uns qui valent quand même leur pesant d’or.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est donc qu’il y en avait !

M. François de Rugy. Ainsi, selon M. Le Fur, la liste nationale affaiblirait la représentation de la France. Mes chers collègues, un ancien président de l’Assemblée nationale avec lequel M. Le Fur a cheminé politiquement doit se retourner dans sa tombe. Si M. Séguin avait entendu une énormité pareille, il aurait sans doute vigoureusement protesté.

Mais peu importent vos contradictions, M. Le Fur a révélé en partie le fond de la pensée de l’UMP sur cette question du mode de scrutin : il faut le bipartisme, nous a-t-il dit, sinon nous aurions moins de poids au niveau du Parlement européen.

M. Paul Giacobbi. L’UMP a déjà réalisé le bipartisme en son sein ! (Rires.)

M. François de Rugy. Très juste, monsieur Giacobbi ! Et lorsque notre collègue Marc Dolez soulignait que ce que M. Le Fur appelle « l’émiettement », c’est tout simplement le pluralisme, il oubliait que nos collègues de l’UMP, un peu traumatisés, avaient peut-être peur qu’il y ait une liste Fillon et une liste Copé !

Mais pour ce qui est du bipartisme, monsieur Le Fur, je suis désolé de vous dire qu’aux dernières élections européennes, avec ce mode de scrutin complètement ridicule, l’UMP a recueilli 29 % des suffrages, le Parti socialiste 16 % et les écologistes 16 % également. Vous en êtes donc pour vos frais pour ce qui est du bipartisme.

M. Jean-Luc Laurent. Excellent rappel !

M. François de Rugy. En ce qui nous concerne, nous sommes très heureux que la représentation écologiste française soit allée renforcer le groupe Vert au Parlement européen et y créer d’ailleurs un axe franco-allemand très fort.

Enfin, permettez ce clin d’œil presque personnel à M. Le Fur, mais qu’il en vienne à défendre et glorifier le Grand Ouest à la tribune de l’Assemblée nationale, les bras m’en tombent ! Je tiens à y revenir parce que je souhaite que tous les Bretons sachent que M. Le Fur a défendu à la tribune de l’Assemblée nationale le Grand Ouest qu’il combat – en ayant raison de le faire, et je le fais parfois avec lui – en région Bretagne. Jamais je n’aurais imaginé, si vous me passez cette expression, monsieur Le Fur, que vous tomberiez à ce point cul par-dessus tête.

Finissons-en, et votons contre cette motion de procédure !

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour un rappel au règlement.

M. Guillaume Larrivé. Madame la présidente, je demande une suspension de séance afin de réunir mon groupe.

Mme la présidente. La suspension est de droit.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à douze heures quarante.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour un rappel au règlement.

M. Marc Le Fur. Madame la présidente, j’ai longuement développé la question de l’outre-mer dans mon propos, mais le ministre n’a pas répondu à cette question, dont chacun mesure l’extrême sensibilité. Je viens de recevoir un certain nombre de messages de personnes qui veulent une réponse.

Trois députés de l’outre-mer siègent aujourd’hui au Parlement européen. Et en plus, par le système actuel, ils représentent les différentes sections de la circonscription outre-mer : l’Atlantique, l’océan Indien et le Pacifique. Cela permet une représentation de ces territoires, qui sont des territoires singuliers. La France a une responsabilité outre-mer, il faut que nous sachions convaincre l’Europe qu’elle aussi doit nous accompagner dans cette responsabilité. Je souhaite donc que, sur cette question, le ministre nous apporte des réponses.

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte transmis par le Sénat, puisque la commission n’a pas adopté de texte.

Avant l’article 1er

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 41, 53 et 54, tendant à insérer un article additionnel avant l’article 1er.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 41.

M. Marc Le Fur. Je saisis l’occasion offerte par ce texte pour poser une question très particulière touchant au financement des campagnes européennes. Vous savez que, pour toute élection nationale, la règle est que le remboursement des frais de campagne intervient uniquement quand une liste ou un candidat franchit le seuil de 5 % des suffrages exprimés. Cette règle ne vaut pas pour les élections européennes – on ne sait pas pourquoi – car c’est un seuil de 3 % qui s’applique : la règle est donc plus favorable aux candidats, mais plus coûteuse pour nos finances publiques.

Nous sommes dans une période où les finances publiques doivent être regardées de près. Je souhaite donc, monsieur le ministre, que nous saisissions l’occasion de ce texte pour mettre au même niveau l’ensemble des dispositions relatives au financement des campagnes, qu’il s’agisse d’élections européennes ou nationales. Ce sujet est sensible, et un certain nombre de nos compatriotes ne comprennent pas toujours ce qui se passe. Nous devons pouvoir leur dire que la règle est toujours la même : une liste qui ne franchit pas le seuil de 5 % n’a pas droit au remboursement, et cette règle s’applique aussi bien dans le cadre d’élections européennes que dans le cadre d’élections nationales. Je pense que cette proposition devrait nous réunir.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 53.

M. Philippe Gosselin. Cet amendement poursuit la même logique que celui présenté par mon collègue Marc Le Fur. Nous devons défendre la cohérence et une forme d’harmonisation. Le seuil exigé pour le remboursement forfaitaire versé aux candidats est aujourd’hui fixé à 5 % pour l’ensemble des élections nationales. Ce seuil avait été discuté : il est aujourd’hui admis.

Il est vrai que les questions de seuil sont toujours très délicates : nous l’avons vu hier à propos des modes de scrutin, notamment du scrutin de liste pour les élections municipales. Nous avons un peu bataillé sur les seuils de 500 ou 1 000 habitants – certains souhaitaient même mettre en place des seuils à 1 500 ou 2 000 habitants.

Mais revenons au débat sur les remboursements forfaitaires. Vous savez – Marc Le Fur l’a rappelé – que le seuil est fixé à 3 % pour les élections européennes : ce seuil pose question. Il nous paraît important de pouvoir harmoniser le droit électoral, qui doit être cohérent et lisible – en tout cas, nous avons à cœur de travailler dans ce sens. Le Conseil d’État, dans son rapport de 1991, avait évoqué la « logorrhée législative et réglementaire ». Je conviens que nous en sommes loin, mais cette remarque manifestait le souci de la clarté de la loi. Nous avons ici le souci d’harmoniser le droit électoral : le présent amendement vise donc à mettre fin à la dérogation des 3 %, et à fixer un seuil de 5 % cohérent, applicable à l’ensemble des élections.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n° 54.

M. Guillaume Larrivé. Ce débat très utile, à l’initiative du groupe RRDP, nous permet de proposer la suppression du dernier aliéna de l’article 2 de la loi de 1977. La raison en est très simple : il est nécessaire d’harmoniser les conditions dans lesquelles les partis politiques peuvent obtenir un remboursement de leurs frais de campagne. Il n’est pas logique d’avoir des seuils différents selon qu’il s’agisse de scrutins municipaux, de scrutins régionaux ou d’un scrutin européen.

M. Philippe Gosselin. Il faut davantage de cohérence !

M. Guillaume Larrivé. La commission des lois devrait se pencher sur cette question importante, en créant peut-être une mission d’information…

M. Philippe Gosselin. Très bonne suggestion !

M. Guillaume Larrivé. …ou une instance de réflexion qui associerait l’ensemble des partis politiques et consulterait les associations d’élus afin de déterminer le seuil le plus pertinent pour chacune de ces élections. Sur cette question, il serait très intéressant d’avoir un avis ou un éclairage du Gouvernement.

M. Philippe Gosselin. Ainsi que l’avis du président de la commission des lois, s’il était présent !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Tourret, rapporteur. La commission a décidé ce matin de donner un avis défavorable à ces amendements, pour les raisons suivantes. En 1977, ce seuil était de 5 %. C’est vous, chers collègues de l’opposition, qui l’avez fait passer à 3 % en 2003.

M. Philippe Gosselin. Il faut peut-être le revoir !

M. Alain Tourret, rapporteur. À votre demande explicite, le seuil a été rapporté à 3 %.

M. Marc Le Fur. Nous sommes ouverts à des évolutions !

M. Alain Tourret, rapporteur. C’est vous qui l’avez fait : assumez au moins le seul élément positif de la loi de 2003 !

Je sais bien que vous êtes des spécialistes du remboursement des frais de campagne, vu ce qui arrive au président Sarkozy au sujet de la dernière élection présidentielle. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le rapporteur, vous vous égarez !

M. Philippe Gosselin. Cela mérite un rappel au règlement !

M. Alain Tourret, rapporteur. Mais nous vous laissons cette spécialité !

Voilà tout ce que je peux dire sur ces amendements : nous nous opposons à cette proposition.

M. Marc Le Fur. Rappel au règlement !

M. Philippe Gosselin. De telles attaques sont indignes du rapporteur !

M. Joël Giraud. Il a rappelé un fait, c’est tout.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Je commence par répondre à M. Le Fur au sujet des outre-mer, en lui confirmant que j’avais déjà évoqué cette question. Mais peut-être n’était-il pas présent lorsque je me suis exprimé à la tribune tout à l’heure : …

M. Marc Le Fur. Mais après mes propos, vous n’avez rien dit !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. …j’avais dit mon attachement à la représentation des outre-mer. Je le confirme.

D’ailleurs, l’outre-mer est actuellement représenté au Parlement européen par trois eurodéputés, élus dans une circonscription unique qui comporte trois sections : Atlantique, océan Indien et Pacifique.

M. Marc Le Fur. Tout à fait !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Le mode de scrutin actuel permet, donc, la représentation des outre-mer. Je ne fais que répéter ce que j’ai déjà dit tout à l’heure, monsieur Le Fur, mais peut-être vouliez-vous m’entendre une nouvelle fois. Dans la mesure où le Gouvernement n’entend pas revenir sur la loi telle qu’elle est aujourd’hui – vous l’avez bien compris –, il n’entend pas non plus revenir sur la représentation des outre-mer.

Quant à vos amendements identiques, le Gouvernement y est bien sûr totalement défavorable.

M. Philippe Gosselin. C’est dommage !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Il s’agit effectivement d’un hommage du vice à la vertu, puisque l’opposition était à l’origine de l’abaissement du seuil à 3 %.

M. Philippe Gosselin. C’était il y a dix ans, dans un contexte différent !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Pour ma part, je vois au seuil actuel une vertu : il favorise l’expression des formations politiques qui comptent le moins de contingents d’élus. Je suis très attaché à ce que ces partis que certains qualifient de petits – je ne l’ai pas dit à la tribune tout à l’heure –, plus modestes en termes de représentativité, puissent être sûrs de pouvoir déposer, dans chaque région, des listes en obtenant un remboursement de leurs frais électoraux dès lors qu’ils atteignent 3 % des voix.

M. Philippe Gosselin. Dans chaque région : c’est bien cela.

M. Marc Le Fur. Est-ce ce que vous voulez aussi pour les élections législatives ?

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Je ne souhaite pas remonter ce seuil à 5 %, afin de favoriser l’expression démocratique dont notre pays a bien besoin.

M. Jean-Luc Laurent. Merci, monsieur le ministre ! Voilà une bonne parole !

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Je ne peux pas laisser sans commentaires les propos de M. le rapporteur relatifs aux comptes de campagne de l’ancien Président de la République, M. Nicolas Sarkozy. Monsieur le rapporteur, vous êtes membre d’un groupe qui se dit – et qui est – républicain. Par conséquent, vous êtes attaché à l’état de droit et au respect des institutions. Il se trouve que le Président Nicolas Sarkozy a, ni plus ni moins que d’autres personnes, un droit de recours, qu’il exerce en ce moment même devant le Conseil constitutionnel sur cette affaire.

M. Thierry Braillard. Tout en y siégeant !

M. Guillaume Larrivé. Il appartient au Conseil constitutionnel, et à lui seul, de se prononcer. Il me semble que les commentaires à la fois acerbes et quelque peu agressifs – pardonnez-moi de le dire – venant de tel ou tel député de la majorité sur cette question délicate, qui est en cours d’examen par le Conseil constitutionnel,…

M. Thierry Braillard. Dans lequel siège Nicolas Sarkozy !

M. Guillaume Larrivé. …sont parfaitement déplacés. Monsieur le rapporteur, je vous demande de bien vouloir les retirer.

M. Alain Tourret, rapporteur. Il ne manquerait plus que ça !

Mme la présidente. Sur les amendements identiques nos 41, 53 et 54, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. On a dit que nous étions à l’origine du texte de 2003 fixant les modalités d’organisation des élections européennes. Mais les choses ont évolué ! En 2003, nous ne connaissions pas la situation économique et financière qui est la nôtre aujourd’hui ! Or il s’agit bien d’argent public. Faut-il multiplier les dépenses, alors que nous avons là une occasion très simple d’appliquer une règle finalement très banale, déjà en vigueur pour tous les autres scrutins, à savoir la règle des 5 % ?

M. Pascal Popelin. La défense des comptes publics a bon dos !

M. Marc Le Fur. L’économie permise est peut-être modeste, mais elle est réelle pour les finances publiques. Les petits ruisseaux font les grandes rivières : là encore, la démonstration en est faite.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Vous voulez empêcher la démocratie !

M. Marc Le Fur. Les choses ont fondamentalement changé depuis la crise ; je dirais même que les choses ont fondamentalement changé depuis ces derniers mois. Notre pays compte 1 500 chômeurs de plus par jour.

M. Pascal Popelin. Démagogue !

M. Marc Le Fur. Dans ces circonstances, on peut au moins avoir le réflexe de saisir les occasions offertes par chaque texte pour réduire la dépense publique. Ce n’est pas autre chose qui vous est proposé aujourd’hui.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Si, c’est autre chose !

M. Marc Le Fur. Nous devrions aboutir à une formule permettant de nous réunir sur ce sujet.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Quelle démagogie ! C’est incroyable !

Mme la présidente. Mes chers collègues, le délai de cinq minutes que nous devons respecter avant de procéder au scrutin public n’est pas encore écoulé.

Monsieur le ministre, souhaitez-vous prendre la parole ?

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Je n’ai rien à ajouter, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Popelin.

M. Pascal Popelin. Je veux bien ajouter un mot, madame la présidente, puisque je ne retarderai pas ainsi le déroulement de notre séance. Ce sont nos collègues de l’opposition qui utilisent tous les artifices permis par le règlement pour prolonger ce débat.

Mais cela me donne l’occasion de répondre à M. Le Fur. Mon cher collègue, il y a un décalage complet entre l’économie que vous proposez, le motif que vous donnez et votre motivation réelle. En réalité, vous voulez empêcher un certain nombre de formations politiques de participer au débat. Telle n’est pas notre position : c’est la raison pour laquelle nous ne sommes pas favorables à votre proposition.

Par ailleurs, j’entends dire que nous porterions depuis quelques semaines ou depuis quelques mois – depuis moins de dix mois –, la responsabilité de l’état des finances publiques de ce pays. Je me permets de vous rappeler les propos de M. Fillon lorsqu’il a pris possession de son poste de collaborateur à Matignon : lors d’un déplacement en Corse, il se déclarait à la tête d’un État en faillite. Cette situation n’est pas nouvelle.

M. Xavier Breton. Mais la situation est grave !

M. Pascal Popelin. Cela étant, un État qui a des difficultés financières ne doit pas pour autant brider la démocratie. Nous devrions tous admettre, dans cet hémicycle, que la démocratie a un coût. Ne pas le faire relèverait de la démagogie ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Puisque nous avons un peu de temps, mon intervention n’empiètera pas non plus sur la suite de nos débats. Certes, ce souci d’économie et de maîtrise des comptes publics est aujourd’hui particulièrement patent et normal. Mais il ne faut pas oublier la deuxième motivation de notre proposition : l’harmonisation. Les seuils applicables au remboursement des dépenses électorales sont aujourd’hui fixés à 3 % pour le scrutin européen, et à 5 % pour l’ensemble des autres scrutins : compte tenu de la contrainte budgétaire, comment peut-on justifier un traitement différent pour des scrutins régis par le même code électoral et se déroulant dans la même République, dans le même état de droit ? Je ne vois aujourd’hui aucune justification permettant d’expliquer que le seuil applicable aux élections européennes est de 3 % alors qu’il est fixé à 5 % pour tous les autres scrutins. Il s’agit donc d’un objectif d’harmonisation que nous devons poursuivre, au-delà même du souci de maîtrise des finances publiques.

Mme la présidente. Monsieur Le Fur, vous avez demandé la parole sur le fondement de l’article 58, alinéa 4 du règlement, pour un fait personnel. Vous aurez la parole après le scrutin, à la fin de la séance.

Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 41, 53 et 54.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 47

Nombre de suffrages exprimés 47

Majorité absolue 24

(Les amendements identiques nos 41, 53 et 54 ne sont pas adoptés.)

2

Fait personnel

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour un fait personnel.

M. Marc Le Fur. Notre collègue François de Rugy a eu un moment d’égarement. Je lui pardonne, car je suis philosophiquement attaché au pardon et je crois que les rapports humains exigent parfois une attitude de pardon.

Il n’empêche que, sur le fond, nos députés doivent être inscrits dans un territoire. Aujourd’hui, en Bretagne, nous avons la chance d’avoir deux députés européens, un homme et une femme :…

M. Philippe Gosselin. En plus, la parité est respectée !

M. Marc Le Fur. …Alain Cadec, un homme tout à fait remarquable et très investi sur les questions de pêche, et Agnès Le Brun, très investie notamment sur les questions agricoles.

Mme Martine Carrillon-Couvreur et M. Pascal Popelin. Il y en a d’autres !

M. Marc Le Fur. Je souhaite que M. de Rugy en tienne compte, et puisse constater de visu que les régions les plus excentrées de notre territoire – je pense à l’outre-mer, mais aussi à la région qui m’est chère – peuvent être représentées dans le cadre du mode de scrutin actuel.

Avec la magnanimité dont j’ai coutume de faire preuve,…

M. Philippe Gosselin. Vous êtes trop bon, monsieur Le Fur ! Il n’est pas sûr que M. de Rugy le mérite !

M. Marc Le Fur. …je pardonne à notre collègue François de Rugy. (Sourires.)

3

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite de la proposition de loi rétablissant une circonscription unique pour l’élection des représentants français au Parlement européen ;

Proposition de loi, adoptée par le Sénat, tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires ;

Proposition de loi relative au paiement des salaires et des loyers.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures.)