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Assemblée nationale

commission Élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission des affaires culturelles et de l’éducation

Commission des affaires économiques

Commission du développement durable
et de l’aménagement du territoire

(Application de l’article 120 du Règlement)

Mardi 23 octobre 2012

Présidence de Mme Valérie Rabault,
vice-présidente de la Commission des finances,
de M. Patrick Bloche, président
de la Commission des affaires culturelles,
de M. François Brottes, président
de la Commission des affaires économiques,
et de M. Jean-Paul Chanteguet, président
de la Commission du développement durable

La réunion de la commission élargie commence à neuf heures trente.

projet de loi de finances pour 2013

Recherche et enseignement supérieur

Mme Valérie Rabault, présidente. Madame la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, je suis très heureuse de vous accueillir aujourd’hui, avec M. Patrick Bloche, président de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation, M. François Brottes, président de la Commission des affaires économiques, et M. Jean-Paul Chanteguet, président de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour examiner en commission élargie les crédits consacrés à la mission « Recherche et enseignement supérieur » dans le projet de loi de finances pour 2013.

Le président de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire étant retenu, il m’a demandé de vous prier de l’excuser et de le remplacer.

La Conférence des présidents du 31 juillet dernier a reconduit la procédure des commissions élargies, qui ont pour but de favoriser les échanges entre les ministres et les députés. Dans ce cadre, seront d’abord entendus les rapporteurs qui poseront des questions à Mme la ministre pendant cinq minutes, puis les porte-parole des groupes pour la même durée, enfin tous les députés qui le souhaitent pourront interroger la ministre, leur temps de parole étant limité à deux minutes.

M. le président Patrick Bloche. Madame la ministre, chère Geneviève Fioraso, j’insiste sur l’importance de cette réunion qui sera pour nous la seule occasion de débattre avec vous de vos crédits pour 2013. Pour éclairer nos échanges, vous disposerez, chers collègues, de nombreux rapports, dont le contenu, fort intéressant, vous sera dévoilé progressivement. Pour travailler au mieux, nous devrons faire preuve d’autodiscipline en respectant nos temps de parole respectifs.

M. le président François Brottes. La recherche est le moteur de l’innovation, de la compétitivité et de l’amélioration de la qualité de la vie de nos concitoyens. Je tiens à commencer en saluant Geneviève Fioraso qui, avant d’être ministre, a été députée et un membre assidu de la Commission des affaires économiques. N’ayant donc aucun doute sur son attachement à l’indépendance de la recherche et à l’importance des liens qu’elle doit tisser avec la vie économique, j’attends avec impatience qu’elle nous expose les perspectives de la politique qu’elle devra mener dans un contexte difficile.

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Nous écouterons avec intérêt tant les questions des rapporteurs que la réponse que Mme la ministre leur apportera. Le budget de la recherche et de l’enseignement supérieur est important non seulement pour la Commission des finances, mais aussi pour celle des affaires culturelles, celle des affaires économiques et celle du développement durable. Nous aurons donc des questions à poser à la ministre, et je fais confiance à Charles-Ange Ginesy et à Philippe Plisson pour l’interroger.

M. Alain Claeys, rapporteur spécial de la Commission des finances, de l’économie générale et le contrôle budgétaire pour la recherche. Madame la ministre, avec le budget que vous nous présentez, vous préservez l’essentiel dans une conjoncture difficile. Je commencerai en vous posant trois questions.

La première porte sur le crédit d’impôt recherche, rattaché au programme 172 « Recherche », qui connaît une croissance exponentielle. Alors qu’il devait représenter une dépense fiscale de 2,7 milliards d’euros en régime de croisière, c’est 3,35 milliards qui sont inscrits à ce titre en 2013. La Cour des comptes considère même que la créance fiscale annuelle engendrée par le dispositif est désormais supérieure à 5 milliards d’euros. Ne craignez-vous pas, dans le cadre budgétaire durablement contraint que nous connaissons, que le crédit d’impôt recherche ne finisse par peser sur les dotations budgétaires publiques consacrées à la recherche ? Un volume de croisière annuel de la créance fiscale ne devrait-il pas être recherché ? Si oui, quel montant lui fixer ?

Ma deuxième question concerne l’organisation de l’État stratège. Aujourd'hui, le pilotage de la recherche est assuré pour l’essentiel par l’Agence nationale de la recherche – l’ANR –, à travers la définition des projets et l’attribution des crédits correspondants, ainsi que par la maîtrise et la gestion des programmes d’investissements d’avenir. Quel que soit le sérieux avec lequel l’ANR remplit cette tâche, elle ne dispose ni des moyens ni de toute la légitimité qui lui seraient nécessaires. Parallèlement, depuis 2009, les acteurs de la recherche ont entrepris à la satisfaction générale des acteurs impliqués une structuration en alliances sectorielles. Au-delà de la restauration des crédits récurrents dont nous nous réjouissons, le ministère travaille-t-il à une nouvelle organisation de la gouvernance de la recherche ? Si oui, quelles sont les pistes envisagées ? Quelle serait alors la place respective de l’ANR et des alliances ?

Enfin, le développement du financement par projet a engendré un effet pervers : la précarisation des chercheurs. En effet, si les crédits associés à chaque projet permettent de recruter, ils n’ont aucun caractère pérenne. Aussi les chercheurs travaillant dans ce cadre se trouvent-ils employés sous des régimes de contrat à durée déterminée. Quelles mesures le Gouvernement entend-il prendre pour limiter la précarisation, parfois massive, créée par ce mode d’organisation ?

M. Thierry Mandon, rapporteur spécial de la Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire pour l’enseignement supérieur et la vie étudiante. Madame la ministre, permettez-moi de commencer par un coup de chapeau. Il est agréable de défendre votre budget, en particulier les programmes 150 et 231, qui, malgré le contexte que nous connaissons, enregistrent chacun une progression significative. Le programme 150 consacré à la formation supérieure et à la recherche universitaire augmente de 2 % avec environ 250 millions d’euros de plus et le programme 231 « Vie étudiante » de 7,5 %, ce qui représente un accroissement de 150 millions d’euros. Peu de programmes bénéficieront d’une telle évolution.

Ce budget comporte dès cette année la création de 1 000 postes pour l’enseignement supérieur et la recherche, conformément à l’engagement du Gouvernement. Comment seront ciblés ces crédits destinés à aider les étudiants à réussir ? Comment s’assurer que ces postes ne seront pas finalement noyés au milieu des autres, à l’instar de ce qui s’est passé pour le plan Licence aux résultats très mitigés ? Quels types de postes seront-ils créés dès cette année ?

Autre sujet de préoccupation, qui nous occupera pendant plusieurs années : l’immobilier universitaire, car les bâtiments universitaires doivent être remis à niveau. Vous avez dégagé 47 millions d’euros supplémentaires pour accélérer les chantiers en cours mais, en même temps, les autorisations d’engagement baissent alors que les besoins sont considérables, ne serait-ce que pour mettre les bâtiments aux normes de sécurité ou les rendre accessibles aux handicapés. Or les contrats de projet État-région touchent à leur fin. Quelle stratégie envisagez-vous pour financer ces travaux sur plusieurs années ? Le Gouvernement prévoit-il une nouvelle génération de contrats pour les années 2014-2020 ?

Les moyens de fonctionnement des universités sont attribués, au moins théoriquement, selon un système d’allocation des moyens, appelé SYMPA, mais qui ne l’est pas vraiment, dans la mesure où il ne permet pas d’équilibrer les dotations entre établissements, ni de clarifier la répartition des moyens. Ne faudrait-il pas le faire évoluer, voire y renoncer, au profit d’une négociation contractuelle ?

Les investissements des universités sont financés à la fois sur crédits budgétaires et sur crédits extrabudgétaires, notamment ceux du Grand emprunt qui consacre 22 milliards à l’enseignement supérieur et à la recherche. Or il n’en est pas question aujourd'hui, ce qui biaise un peu la connaissance réelle des moyens à la disposition de chaque université. Vous avez vous-même évoqué, madame la ministre, un contrat de site qui, en les agrégeant, les rendrait plus lisibles. Quelle serait la vocation de tels contrats ? Qui seraient les signataires ? Et quelle serait leur portée ?

Le Président de la République s’est engagé à regrouper les aides aux étudiants, qui sont trop éclatées, en une seule allocation d’études supérieures, de façon à simplifier le système. Quelles sont les aides concernées ? Selon quels critères cette allocation sera-t-elle calculée et quels en seront les bénéficiaires ? La réforme se fera-t-elle à moyens constants ? Enfin et surtout, selon quel calendrier ?

M. Patrick Hetzel, rapporteur pour avis de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation pour la recherche. Madame la présidente, madame la ministre, mon intervention se concentrera sur trois questions : le crédit d’impôt recherche – CIR –, l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur – AERES – et l’Agence nationale de la recherche – ANR. Vous le voyez, nos interrogations révèlent une certaine cohérence.

La compétitivité de notre économie est un enjeu essentiel et le crédit d’impôt recherche en est un outil fondamental. Depuis sa création en 1983, le CIR a connu plusieurs étapes dans son développement, la dernière remontant à 2008, au cours de la précédente législature. Cette réforme a clairement joué un rôle central dans le maintien des dépenses de recherche du secteur privé face à la crise majeure des financements.

En matière fiscale, ce qui ressort très nettement des auditions, c’est la nécessité d’assurer une continuité des mesures adoptées et de les sécuriser. Dans le projet de loi de finances pour 2013, vous n’avez pas cédé, madame la ministre, à la tentation de réduire le crédit d’impôt recherche, et c’est une excellente nouvelle pour notre économie compte tenu de l’effet de levier qu’il exerce et qui est très largement salué. Mais l’article 55 du projet de loi en modifie certaines modalités.

Constatant que seule une partie des dépenses de développement des entreprises est prise en compte actuellement dans l’assiette du CIR, alors que celles-ci sont décisives pour transformer une découverte technologique en un produit commercialisable, l’article 55 propose de rendre éligibles à ce régime certaines dépenses d’innovation réalisées en aval de la R&D par les PME, et portant sur des activités de conception de prototypes ou d’installations pilotes de même nature. Ces dépenses entreraient dans la base du CIR dans la limite de 400 000 euros par an et bénéficieraient d’un taux d’aide de 20 %, qui est réduit par rapport à ce qui existait précédemment. La notion de prototype étant en fait déjà partiellement prise en compte, la mesure ne risque-t-elle pas de se traduire par une baisse de la créance, dès lors ramenée à 20 % des dépenses éligibles ? Que comptez-vous faire pour définir clairement la nouvelle assiette ? Il s’agit d’une question centrale et qui inquiète beaucoup les entreprises que nous avons interrogées.

L’article 55 prévoit également d’améliorer le dispositif du rescrit fiscal en permettant aux entreprises d’y recourir même lorsque leur projet de R&D a déjà débuté. C’est une mesure intéressante, mais qui ne règle pas une question cruciale : celle de l’expertise. L’éligibilité des dépenses de recherche au CIR est décidée par les experts du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, sans possibilité d’un débat contradictoire. Celle-ci doit être introduite par un décret annoncé dans le texte. Comment comptez-vous vous y prendre pour renforcer une sécurité indispensable à la compétitivité de nos entreprises ? L’importance croissante du CIR comme l’extension annoncée du dispositif de rescrit fiscal rendent nécessaire le renforcement de l’expertise. Outre OSEO et l’ANR, déjà habilités à délivrer des rescrits, le rôle d’expertise ne devrait-il pas être étendu à une autorité administrative indépendante, à savoir l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur ?

Or, loin d’envisager de nouveaux développements pour l’activité de l’Agence, l’Académie des sciences, dans son rapport adopté le 25 septembre sur les structures de la recherche publique en France, propose purement et simplement sa suppression. Ce rapport constituant la contribution de l’Académie aux Assises de la recherche, une telle proposition est pour le moins surprenante. L’AERES, comme l’ont clairement montré les auditions, est un acteur maintenant reconnu du dispositif de la recherche publique, en particulier par les organismes de recherche qui se réfèrent maintenant couramment à ses évaluations, les derniers en date étant le CNRS et l’ANR, et qui s’en félicitent... Quelle est la place aujourd'hui attribuée par la ministre à l’AERES dans le dispositif français de recherche et d’enseignement supérieur ?

L’Agence nationale de la recherche est le principal acteur des appels à projet du programme des investissements d’avenir pour le ministère le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, et l’un des vecteurs essentiels de la nouvelle politique de la recherche définie par la loi de programme de 2006. Alors que la culture de la recherche par projet s’est bien installée dans notre pays grâce à l’Agence, et que ce mode de financement prévaut dans la plupart des pays actifs en matière de recherche, il serait nécessaire que vous nous éclairiez sur la place que vous entendez faire au financement par projet, qui peut contribuer à notre excellence. Le projet de loi de finances présente des crédits en baisse pour l’ANR, de l’ordre de 10 %, qu’il s’agisse des autorisations d’engagement ou des crédits de paiement. Les crédits ainsi dégagés sont certes partiellement redéployés au profit des organismes de recherche mais il s’agit manifestement d’un saupoudrage qui ne règle pas la question de la stagnation des crédits récurrents. Tous les grands pays performants privilégiant aujourd’hui le financement par projet, je considère comme très risqué de baisser les financements de l’ANR, tout simplement parce qu’il existe des effets de seuil et de taille.

Ces trois questions méritent une réponse dans la mesure où il y va de l’avenir de la science et de l’économie dans notre pays.

Mme Isabelle Attard, rapporteure pour avis de la Commission des affaires culturelles et de l’éducation pour l’enseignement supérieur et la vie étudiante. Je tiens d’abord à saluer le maintien de l’effort budgétaire consenti par le Gouvernement en faveur de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante. Les crédits des deux programmes 150 et 231 connaissent une hausse respective de 249 et de 156 millions d’euros. Les évolutions prévues par la programmation triennale soumise à une contrainte d’austérité laissent toutefois craindre que cette hausse soit la dernière avant longtemps.

Les crédits supplémentaires accordés financent la création des 1 000 nouveaux postes d’enseignant en licence promis par le Président de la République pendant la dernière campagne. Ils rétablissent enfin un budget crédible des bourses sur critères sociaux alors qu’il avait été sous-évalué pendant plusieurs années, au point de perdre toute sincérité, de l’aveu même de la Cour des comptes et de Mme la ministre.

Pour les années à venir, je m’interroge sur la possibilité de tirer tous les fruits des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, sachant que la contrainte stricte à laquelle nous sommes soumis permettra au mieux de stabiliser le montant des budgets. Les changements d’organisation et de gouvernance des établissements attendus par la communauté universitaire, le financement de nouveaux projets de recherche, le rééquilibrage territorial des dotations d’investissement consenties aux établissements devront se faire par redéploiement. Qu’en sera-t-il de la politique immobilière ? J’attends avec intérêt les conclusions de la mission d’évaluation des partenariats public-privé confiée à M. Rolland Pellet. Je veux croire que des procédures moins onéreuses et plus soucieuses du contrôle parlementaire des deniers publics que celles privilégiées par la précédente majorité permettront de dégager des économies qui pourront être redéployées en faveur de sites oubliés par la politique précédente.

J’ai consacré l’essentiel de mon avis budgétaire à la politique de l’Etat en faveur du logement étudiant. L’Etat, dans ce domaine, utilise tous les instruments à sa disposition : aides directes aux étudiants ou à leurs familles, dépenses fiscales pour la construction de résidences ou subventions accordées au Centre national des œuvres universitaires et scolaires – le CNOUS – pour rénover et étendre le parc des résidences universitaires. Le Gouvernement vient d’annoncer le relèvement des objectifs de construction retenus jusqu’à présent par le plan Anciaux, qui passeront de 5 000 à 8 000 nouveaux logements par an. Une dotation supplémentaire de 20 millions d’euros est accordée au CNOUS pour atteindre cet objectif, sans ralentir le rythme des rénovations de ses anciennes résidences.

Ce nouveau plan peut être l’occasion non seulement de compenser la pénurie de logements étudiants dans quelques grandes agglomérations mais aussi de développer en France un modèle de logement collectif à basse consommation d’énergie. Toutefois, ce nouveau plan pourrait, comme le précédent, être une occasion à demi manquée. J’ai, le concernant, quatre questions, madame la ministre.

Les 20 millions d’euros supplémentaires alloués au CNOUS seront-ils reconduits chaque année sans que la dotation destinée au logement étudiant dans les nouveaux contrats de projet État-région s’en trouve réduite ?

Les 40 000 nouveaux logements sont-ils uniquement attendus dans le parc des CROUS ou bien une partie se retrouvera-t-elle dans les programmes des bailleurs sociaux, voire des investisseurs privés ?

Pourquoi la mission nationale de pilotage du nouveau plan, qui devait être confiée à un haut fonctionnaire s’appuyant sur les directions concernées de votre ministère et de celui du logement, ainsi que sur le CNOUS, n’a-t-elle pas vu le jour depuis que l’idée en a été lancée en juin dernier ?

En l’absence de cette mission nationale qui devait piloter l’implantation et le mode de financement des nouvelles résidences, comment comptez-vous encourager la construction et la gestion par les CROUS de logements étudiants collectifs qui soient à la fois économes en énergie, loués à moindre prix que les studios actuellement construits, et plus adaptés que le logement cellulaire à la socialisation comme à l’épanouissement des étudiants ?

En laissant les bailleurs sociaux et les CROUS construire dans leur coin des cellules individuelles dans les casiers en béton qui sont ancrés dans les habitudes des bâtisseurs depuis soixante ans, le nouveau plan de construction perdrait l’occasion de répondre sans surcoûts à la préoccupation du logement social, à celle de l’accompagnement vers l’autonomie des étudiants les plus jeunes, et à celle de la réduction des loyers payés par les étudiants les plus modestes.

Vous avez vous-même fait référence le 24 juillet dernier, madame la ministre, au modèle des colocations de Montréal. Ce type de logement a besoin d’un médiateur public qui évite les abus et veille à ce que l’animation collective reste orientée vers les meilleures pratiques pédagogiques en échange de services offerts aux étudiants ainsi que d’une caution solidaire qui réduisent les frais d’entrée en location. La médiation locative sera sans doute le métier à venir des CROUS, mais c’est un métier qu’ils doivent apprendre, d’abord dans leurs propres résidences en veillant à ce qu’elles soient conçues dans ce but. Sans une forte incitation de votre part et de la part de la ministre de l’égalité des territoires et du logement, les CROUS, comme les autres bailleurs, qui sont très réticents à l’égard du logement collectif, feront de votre nouveau plan de construction ce qu’ils savent faire pour le moment, même si nombre d’exemples étrangers, au premier rang desquels celui des kots organisés par les universités belges, prouvent que le logement collectif est adapté à la vie étudiante : avantageux pour les étudiants les plus modestes et les plus jeunes, et en même temps rentable pour leurs gestionnaires. L’expérimentation pourrait le prouver en acclimatant ce modèle.

M. Franck Reynier, rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques pour les grands organismes de recherche. « Retrouver la croissance suppose un effort volontariste et cohérent en faveur de la recherche et de l’innovation » : tels sont les mots que vous avez employés, madame la ministre, au congrès du réseau français de l’innovation en juillet dernier. Si l’on ne peut que partager ce constat, force est de reconnaître, à la lecture du projet de loi de finances pour 2013, que vous n’avez pas été en mesure de concrétiser votre ambition.

Non seulement la hausse des crédits de paiement dédiés à la recherche est limitée à 1,2 %, après avoir atteint 19,1 % sur la période 2007-2012, mais ce budget risque de désorganiser le système de financement sur projet, puisque la subvention de l’Agence nationale de la recherche subit une baisse de près de 10 %. Autant dire qu’il perd 73,2 millions.

Si l’objectif de rééquilibrage des financements peut être partagé, il n’en va pas de même de la méthode retenue. Vous baissez le financement sur projet, pourtant plus faible en France que chez nos partenaires étrangers. Notre pays évolue à rebours de ses voisins, puisque, malgré ses difficultés budgétaires, l’Espagne a créé une agence de la recherche sur le modèle de l’ANR, qui disposera d’attributions plus étendues.

Vous placez celle-ci devant une alternative douloureuse. Soit elle réduira la part des programmes blancs, ce qui pénalisera des organismes tels que l’INSERM ou le CNRS, soit elle resserrera la programmation thématique, ce qui baissera le taux de sélection, en deçà de 20 %, et suspendra les programmes de recherche, notamment dans le cadre de partenariats public-privé. Quels seront les contours de la nouvelle programmation de l’ANR ? Plus précisément, quels programmes sacrifierez-vous ?

Cette évolution budgétaire s’accompagne de difficultés liées aux modalités de calcul des coûts de gestion induits par les contrats conclus avec l’ANR. Pour financer les projets, les établissements doivent prélever une partie des sommes nécessaires sur la subvention de l’État. Augmenterez-vous les frais de gestion et du préciput ? Avez-vous engagé une réflexion sur un passage en coûts complets du système de recherche français ?

J’appelle votre attention sur une difficulté récurrente pour les organismes de recherche : la réserve de précaution. Alors que des efforts substantiels sont demandés aux établissements, le retour aux taux de 0,5 % de la masse salariale et de 6 % des dépenses de fonctionnement et d’investissement les contraindra à réduire la dotation affectée à leurs unités de recherche. Les établissements publics scientifiques et technologiques (EPST) continueront-ils à bénéficier du taux réduit de mise en réserve ? Envisagez-vous d’en faire bénéficier l’ANR ?

Pour 2013, le montant de la subvention civile du CEA, qui assumera 55 millions de charges nouvelles en 2013, est inférieur de 25,8 millions à celui prévu dans le contrat d’objectifs signé avec l’État, ce qui représente une baisse de 2,4 %. Si le budget en reste là, le CEA devra réduire de 6 % le financement de ses unités de recherche. Quelles mesures prendrez-vous pour pérenniser ses activités ? Envisagez-vous un dégel de crédits courant 2013 ?

Pour la recherche spatiale, des choix cruciaux interviendront lors de la réunion ministérielle de l’Agence spatiale européenne, qui se tiendra le mois prochain en Italie. Dans un contexte de concurrence croissante, il est vital que l’industrie française et européenne réussisse le passage au lanceur de nouvelle génération. Proposerez-vous à nos partenaires européens de financer un programme de développement permettant d’assurer la transition entre Ariane 5-ME et Ariane-6 ?

M. Christophe Borgel, rapporteur pour avis de la Commission des affaires économiques pour la recherche industrielle. Les crédits dévolus à la recherche économique et industrielle sont globalement préservés dans un contexte budgétaire contraint, car le programme 192 vise à permettre une politique fondée sur l’innovation, élément moteur de la compétitivité de nos entreprises.

Même si ce programme doit participer à l’effort budgétaire général, je m’étonne que le fonds unique interministériel portant le financement des pôles de compétitivité n’ait pas été maintenu au même niveau. Sur le plan budgétaire, ce serait un effort minime qui délivrerait un signal politique de grande ampleur.

Pour accélérer la phase de transfert, qui sépare la découverte de la mise d’un nouveau produit sur le marché, le soutien à l’innovation technologique porté par OSEO et le projet des pôles de compétitivité ont beaucoup contribué à mettre les acteurs en synergie et à favoriser le partenariat entre recherche privée et recherche publique. Pourtant, il faut encore accompagner les TPE et les PME, et les aider à mettre sur le marché de nouveaux produits qui créent de l’emploi et de la valeur.

En cas de litige, l’utilisation du crédit d’impôt recherche par une PME doit donner lieu à une expertise contradictoire, car lorsqu’une petite entreprise est contrainte de rembourser une somme sans pouvoir défendre la validité de son projet auprès d’un expert, sa pérennité est mise en cause.

Un rapport rédigé cet été émet un jugement globalement positif sur les pôles de compétitivité. Alors que nous entrons sont les pistes envisagées par l’État ? Nous pourrions les faire évoluer selon une logique stratégique, en considérant que les enjeux industriels sont les plus lourds, ou selon une logique territoriale, en privilégiant le développement économique. Nous pourrions aussi simplifier les appels à projets, dans l’articulation entre OSEO et la Direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services (DGCIS), et réduire le temps d’instruction des dossiers, pour favoriser la réactivité économique, c’est-à-dire l’articulation entre la R&D et la commercialisation.

M. Charles-Ange Ginésy, rapporteur pour avis de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, pour la recherche dans les domaines de la gestion des milieux et des ressources. Les programmes 187 « Recherche dans les domaines de la gestion des milieux et des ressources » et 193 « Recherche spatiale » sont mis en œuvre par sept organismes de recherche opérateurs de l’État : l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA, ancien CEMAGREF), l’Institut de recherche pour le développement (IRD), l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER), le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) et le Centre national d’études spatiales (CNES).

Le projet de loi de finances propose que les crédits de ces programmes, qui représentent 10,5 % la mission « Recherche et enseignement supérieur » augmentent de 2,52 %, soit 1,281 milliard d’euros pour le programme 187 et 1,413 milliard d’euros pour le programme 193.

Une partie de cette évolution est mécanique. Elle tient à l’augmentation des taux de cotisations employeur aux pensions civiles de l’INRA, de l’IRSTEA, de l’IRD et de l’IFREMER, et au redéploiement des crédits de l’ANR, précédemment consacrés aux financements sur projet, vers le financement récurrent des organismes de recherche opérateurs des programmes.

L’augmentation des crédits du programme 193 est le fait d’une majoration du budget consacré à la contribution de la France à l’Agence spatiale européenne (ESA), qui s’élève à 799 millions, soit une hausse de 3,8 %. Compte tenu de cette évolution, la dette relative à la contribution de la France à l’Agence, estimée à 350 millions fin 2012, s’élèverait à 360 millions fin 2013, notre objectif étant de la rembourser en totalité fin 2015.

Le nombre d’emplois sous plafond des organismes de recherche rattachés aux deux programmes, stable par rapport à 2012, permet le remplacement de tous les départs à la retraite, mais le nombre d’emplois hors plafond du programme 187 diminue de 100 ETP.

Je vous poserai trois questions sur chaque programme.

Dans le programme 187, qui se caractérise par la diversité des opérateurs, le champ très large des thématiques de recherche, l’interdisciplinarité et la coopération entre organisme sont des enjeux essentiels. Comment ferez-vous évoluer le rôle des alliances de recherche, en particulier d’AllEnvi, dans laquelle les opérateurs du programme sont fortement impliqués ?

À l’égard du financement sur projet, qui favorise l’excellence et l’émergence de nouvelles thématiques de recherche, notamment à travers les projets blancs, le nouveau Gouvernement a opéré un changement de cap. Quelles conséquences attendez-vous du redéploiement des crédits de l’ANR précédemment consacrés au financement sur projet vers le financement récurrent des organismes de recherche ? Cette évolution a-t-elle fait l’objet d’une étude d’impact ?

Lors du lancement des assises de la recherche et de l’enseignement supérieur, le 11 juillet, vous avez dit vouloir encourager la recherche technologique en lançant des filières innovantes, notamment dans la lutte contre le réchauffement climatique ou dans les biotechnologies. Quelles sont les pistes envisagées, et comment les opérateurs du programme 187 seront-ils impliqués dans ces filières ? Avez-vous prévu un plan de recherche sur les techniques d’extraction propres du gaz de schiste ? Il serait dommage de s’en passer, puisqu’il s’agit d’une importante réserve énergétique. En outre, il est important d’éclairer le débat.

L’IFREMER a-t-il été associé aux études préparatoires de la réforme de la politique commune de la pêche ?

La France pourra-t-elle rembourser avant 2015 la dette qu’elle a contractée envers l’Agence spatiale européenne (ESA) ? Lors de la réunion du Conseil interministériel de l’ESA, les 20 et 21 novembre, une décision doit intervenir sur le lanceur européen de nouvelle génération qui succédera à Ariane 5. Le développement européen est un enjeu considérable pour la compétitivité du secteur spatial. Deux hypothèses sont à étudier : le développement et l’amélioration d’Ariane 5, et un nouveau système de lancement d’Ariane 6. Quels sont le coût et le calendrier de chaque scénario ? Quelle position la France défendra-t-elle et quelle sera celle de nos partenaires ?

M. Philippe Plisson, rapporteur pour avis de la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire pour le budget de la recherche dans les domaines du développement durable. Je rapporte sur le programme 190 « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de l’aménagement durable », rattaché à la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES).

Dans le contexte budgétaire contraint que nous connaissons, je ne peux que me réjouir du sort favorable réservé à la MIRES, dont le budget augmente tant en CP qu’en AE, ce qui m’amènera à proposer tout à l’heure à la Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire d’émettre un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission.

Pour le programme 190, le PLF prévoit en 2013 une baisse des AE de 0,3 %, et une augmentation des CP de 2,1 %, ce qui est satisfaisant dans le contexte actuel.

Néanmoins, le secteur aéronautique est confronté à une baisse des crédits. En ce qui concerne les subventions finançant la recherche en amont, les CP diminuent de 6 %, soit une baisse de 4,2 millions. Pour les avances remboursables destinées aux équipementiers, les AE diminuent de 21,6 %, soit une baisse de 6,9 millions, et les CP de 40,3 %, soit une baisse de 18,9 millions. Cette baisse ne risque-t-elle pas de fragiliser l’industrie aéronautique française et, à terme, de menacer son positionnement international ?

Par ailleurs, sur un plan environnemental, ces décisions n’entrent-elles pas en contradiction avec la nécessité de compenser par des avancées technologiques la forte augmentation des émissions de C02 générées par le trafic aérien international, qui a augmenté de 88 % depuis 1990, à moins qu’on ne prenne des mesures de régulation fortes, par exemple en supprimant les lignes aériennes intérieures qui font doublon avec les lignes de TGV ?

Je m’inquiète également de la diminution de 6,6 % de la dotation budgétaire allouée à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). Certes, les subventions versées au titre du programme 190 ne correspondent qu’à une partie des activités de recherche, puisque le fonds démonstrateur et les investissements d’avenir financent de nombreux programmes. Néanmoins, ce resserrement budgétaire ne risque-t-il pas d’affaiblir la capacité de l’ADEME à impulser les programmes de recherche et d’innovation nécessaires à la mise en œuvre de la transition écologique ?

Confronté à une forte augmentation de sa charge de travail depuis l’accident de Fukushima et à une diminution de la dotation budgétaire qui lui est allouée au titre du programme 190, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) se voit obligé d’engager un travail de priorisation de ses activités. À vos yeux, quelles orientations doit-il privilégier ?

Les subventions des autres opérateurs demeurent stables, à l’exception de celle du CEA, en forte augmentation.

Les difficultés de l’heure et l’obligation de résorber un déficit budgétaire abyssal nous imposent de faire des choix. Compte tenu de l’état de la planète et de la volonté du Président de la République de faire de la France la nation de l’excellence environnementale, le budget de la MIRES, en hausse, est une exception budgétaire. Je me réjouis qu’il bénéficie du label « priorité gouvernementale », et je resterai attentif à son évolution.

Mme. Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Cette commission élargie n’incluant pas de présentation globale du budget, j’ai souhaité que l’on vous remette un document récapitulant ses chiffres essentiels.

En premier lieu, vous m’avez interrogée sur le crédit d’impôt recherche, l’ANR et la façon dont sa stratégie sera définie à l’issue des assises de la recherche et de l’enseignement supérieur.

Le Président de la République a décidé que l’ANR devait bénéficier d’une sécurité juridique et d’une certaine constance, puisqu’elle constitue un atout pour la compétitivité. Cela dit, la part de la recherche privée qui entre dans le PIB n’a pas augmenté, et reste inférieure à celle de l’Allemagne, même si ce chiffre doit être rapporté à l’importance de notre appareil industriel, plus faible que celui de nos voisins, puisque, dans notre pays, ce secteur a perdu 750 000 emplois en dix ans.

Si nous avons décidé de maintenir notre effort, c’est parce que les avantages nous ont paru supérieurs au risque d’une fuite en avant et d’une augmentation exponentielle. Le plafond de 5 milliards paraît réaliste pour réorienter le crédit d’impôt recherche vers les PMI-PME et les ETI. Malgré nos efforts, il bénéficie pour plus de deux tiers aux grands groupes. Les PMI-PME et les ETI, particulièrement réactifs et créatifs, bénéficieront d’un crédit innovation. Ce dispositif avait été demandé par le comité Richelieu regroupant l’ensemble des entreprises innovantes à fort potentiel de croissance. Celui-ci avait même demandé la création d’un crédit d’impôt recherche innovation et partenariat (CIRIP). Un montant 300 millions est dévolu à l’innovation pour les PMI-PME.

Reste à donner une nouvelle définition de l’innovation, qui échappe au Manuel de Frascati. Il ne s’agit pas de substituer de nouveaux critères à ceux qui s’appliquent actuellement, mais de procéder à des ajouts, en faveur des PMI-PME et des ETI. Je souhaite notamment qu’on ajoute aux lignes pilotes toutes les questions liées à la brevetabilité, et à la propriété intellectuelle et industrielle, qui empêchent que les PMI-PME ne valorisent leur recherche. Le précédent gouvernement, et plus globalement l’ensemble des acteurs économiques et ceux de la recherche, n’y ont sans doute pas été assez sensibles. En outre, le brevet européen, qui coûterait moins cher et permettrait à l’Europe d’être plus forte dans la compétition internationale, tarde à venir. Une nouvelle difficulté surgit chaque fois qu’on croit toucher au but.

Même s’il est rattaché au programme 172, le brevet n’apparaît pas sur le plan budgétaire, puisqu’il s’agit d’une dépense fiscale. Il a nourri une réflexion collective. Dans un souci de sincérité, je n’ai pas souhaité additionner dans ce budget des postes différents, alors que mes prédécesseurs avaient additionné crédit d’impôt recherche et dépenses liées aux investissements d’avenir, c’est-à-dire des dépenses fiscales et des crédits extrabudgétaires. Ils mélangeaient aussi fonds consomptibles et non consomptibles. C’est donc au prix d’un tour de passe-passe qu’ils ont pu afficher un taux d’augmentation de 19 %. Celui de 2,2 % a l’avantage d’être réel. Le Président de la République a été convaincu que la lettre de cadrage de juin, qui prévoyait une baisse de 3,5 % devait évoluer, parce que la recherche, tout comme l’élévation du niveau de qualification, est déterminante pour notre compétitivité et pour la création d’emplois à valeur ajoutée.

Vous m’avez interrogé ensuite sur l’organisation de l’État stratège par rapport aux prérogatives précédemment exercées par l’ANR. Créée avec un budget inférieur à 600 millions, celle-ci dispose de plus de 700 millions. Pourtant, certains programmes de recherche prévus en 2006 n’ont toujours pas été engagés. Il faut donc les considérer comme caducs.

Avec la nouvelle directrice de l’ANR, nous avons passé en revue l’ensemble des appels à projets. Aucun n’est pénalisé. Le taux de sélection reste le même. Seule la méthode change. Si les engagements ont diminué de 75 millions, c’est dans le souci d’assurer une aide légitime aux organismes de recherche et de mettre fin au déséquilibre constaté lorsqu’un laboratoire en aidait un autre dans le cadre d’un appel à projet dont il n’était pas titulaire.

En matière d’aide à la recherche, l’idéologie est mauvaise conseillère. Il faut assurer un arbitrage équilibré, sans changer de balancier, comme cela s’est produit sous le précédent quinquennat, et être pragmatique. La constance est nécessaire, particulièrement pour la recherche fondamentale, qui impose de dépasser le cadre du budget annuel, voire du quinquennat.

N’imposons pas de définir l’application d’un projet de recherche fondamentale. Si l’ANR avait existé lorsque le prix Nobel Albert Fert poursuivait ses travaux, elle n’aurait pas financé ses recherches. L’industrie lui doit pourtant certaines applications, qu’une ETI de la circonscription dont j’étais l’élue intègre dans des consoles de jeu ou des ordinateurs. C’est dire qu’il faut adopter une perspective large, sans cloisonner systématiquement recherche sur projet et recherche récurrente. Seul compte le souci de la qualité, qui nous permettra d’être compétitifs et d’exister dans le paysage de l’innovation européen et international.

Un autre effet pervers est lié à la multiplication des appels d’offres et des investissements d’avenir. Aucun appel d’offres n’étant formaté de manière homogène, les chercheurs perdent un temps précieux à remplir des dossiers administratifs en français et en anglais, ce qui n’est pas leur cœur de métier. En outre, pour présenter le même projet de manière différente, ils doivent parfois sacrifier l’intégrité qui est leur apanage. Replaçons les chercheurs au cœur de la recherche. Leur tâche est d’animer des équipes et de nouer des partenariats européens, en vue d’être plus forts à l’international.

Paradoxalement, les chercheurs soumis à la frénésie des appels d’offres nationaux sollicitent moins les crédits européens. La France, seconde contributrice au programme cadre de recherche et développement technologique (PCRDT), auquel elle participe à hauteur de 16 % à 17 %, n’en bénéficie plus que pour 11 %. Autant dire qu’elle ne retrouve plus sa mise, ce qui ne nous permet ni d’équilibrer nos finances ni de contribuer à une Europe de la recherche.

Pour soutenir une concurrence internationale de plus en plus vive, notamment des pays émergents, nous avons besoin de développer l’Europe de la recherche. Étant moins présents en Europe, nous pesons moins sur les décisions européennes et la définition des programmes. Nous sommes le pays dont le retour sur l’investissement dans ce programme a le plus reculé. Pour un euro investi, la Suisse a reçu trois euros du dernier PCRDT : on ne peut pas dire que la Suisse est plus européenne que la France ! L’État doit reprendre la main qu’il a perdue ces dernières années et assumer son rôle de stratège, en indiquant les grandes orientations de la recherche, en dialogue avec les organismes de recherche. L’ANR met en œuvre la programmation, mais ce n’est pas à elle de la définir.

Quant aux organismes de recherche, nous leur avons demandé de collaborer dans le cadre des alliances thématiques de recherche. l’Alliance nationale de recherche pour l’environnement, l’AllEnvi, a été évoquée. Je voudrais dire aux députés qui ont exprimé leur inquiétude à ce sujet qu’il n’est pas question de freiner la recherche en matière d’écotechnologie ou de lutte contre le réchauffement climatique. Même la recherche en matière d’extraction du gaz de schiste pourra être poursuivie, indépendamment de la décision politique de maintenir l’interdiction d’exploitation, que nous assumons tous. Ce programme de recherche doit nous permettre également de favoriser la promotion de filières bien malmenées sous le précédent mandat, telles que le solaire photovoltaïque. Nous devons aussi progresser en matière d’exploitation de la biomasse ou de capture du CO2.

Ces alliances thématiques ne seront cependant pas institutionnalisées, afin de préserver la fluidité nécessaire à la recherche, qui a été mise à mal ces dernières années par la multiplication de labels. Nous privilégions, nous, la simplicité et l’efficacité, en en revenant à la base, à savoir les unités et les organismes de recherche. Leurs actions de recherche seront regroupées sous de grandes entrées thématiques correspondant à de grands enjeux sociétaux, tels que l’environnement, la santé ou l’énergie. Il s’agit aussi de coïncider avec les objectifs du programme européen « horizon 2020 » et aux priorités énoncées par l’Europe au titre des Key enabling technologies, les technologies clés génériques. Cette cohérence permettra à l’État d’afficher des orientations de recherche claires, qui seront définies en toute transparence démocratique, en dialogue avec les organismes de recherche. Les Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche devraient conforter cette méthode nouvelle, qui nous permettra d’être plus forts sur le plan national, européen et dans la compétition mondiale, dans laquelle la recherche et l’enseignement supérieur s’inscrivent désormais.

Nous comptons en revanche renoncer à la compétition stérile qui avait été organisée entre les différents pôles français de recherche. Vous avez raison, monsieur Borgel : on peut se demander si notre pays peut s’offrir le luxe de soixante-seize pôles de compétitivité. L’externalisation doit cesser, et les services du ministère, qui sont très compétents, doivent reprendre toute leur place dans l’élaboration d’une stratégie de recherche. Je ne nie pas que ces pôles de compétitivité contribuent, voire suscitent, le dynamisme des écosystèmes. Il n’est pas question de supprimer l’un de ces pôles, mais il semblerait cependant qu’il faille là aussi réaliser des regroupements et inciter au travail en réseaux, sans pour autant ajouter une nouvelle strate institutionnelle au détriment de l’agilité et de la fluidité. C’est pourquoi nous comptons privilégier le principe de la coopération plutôt qu’une compétition frontale, qui se traduit par une perte d’énergie et in fine de compétitivité. Et c’est cette compétition qui a conduit Albert Fert à refuser de cautionner un projet d’Equipex pour un laboratoire lorrain auquel son unité de recherche participait sous prétexte que ce projet pouvait entrer en concurrence avec un autre pour lequel soumissionnait sa propre université. Bien entendu, la coopération n’exclut pas une émulation bénéfique.

Il ne s’agit pas non plus de faire un quelconque procès à l’ANR : c’est faute d’État stratège et en l’absence d’une stratégie de recherche lisible que les missions de l’Agence se sont excessivement étendues, tout en étant concurrencées par l’action d’organismes extrabudgétaires. La stratégie doit être recentrée, tenir compte des écosystèmes et donner une visibilité à l’ensemble de notre recherche.

Je l’ai dit, les alliances ne seront pas institutionnalisées, mais elles seront confortées et davantage lisibles.

Vous avez évoqué avec raison, monsieur Claeys, le risque de précarisation des chercheurs comme un effet pervers de la procédure des appels à projet. Cette précarisation touche également les techniciens et ingénieurs de recherche. Ces personnels travaillent à ces projets dans le cadre de contrats à durée déterminée, ce qui nuit à la pérennité tant de la recherche elle-même que des équipes de recherche. Les actions de recherche des petits laboratoires notamment en sont fragilisées. Ces appels à projet n’ont pas non plus faciliter l’insertion des doctorants, dont elle a au contraire accentué la précarité : aujourd’hui, on peut attendre jusqu’à cinq ans, voire plus, après son doctorat avant de pouvoir s’insérer dans la recherche publique. C’est une des raisons pour laquelle nous peinons à convaincre notamment les élèves ingénieurs à soutenir une thèse. Or la France manque de docteurs, notamment en comparaison de l’Allemagne, alors même que 41 % de ses docteurs sont étrangers – nous les accueillons d’autant mieux depuis l’abrogation de la circulaire Guéant.

La budgétisation des 1 000 créations de postes, monsieur Mandon, ne sera pas une budgétisation pour une année pleine, leur définition et leur mise en route occupant une partie de l’année. C’est la raison pour laquelle elles apparaissent à hauteur de 27 millions d’euros dans le budget, alors qu’elles représenteront 60,9 millions d’euros en année pleine. Sachant que je disposerai d’un contingent de 5 000 postes pour l’ensemble du quinquennat, cela constitue une aide extrêmement importante, dans un budget contraint, pour des universités dont la moitié connaît des difficultés après quatre ou cinq années d’autonomie. Les raisons en sont diverses : autonomie faite hâtivement, transferts mal évalués, absence de formation et d’accompagnement – on ne passe pas impunément de la gestion de 10 millions d’euros à celle de 100 millions d’euros. Là encore, l’État n’a pas suffisamment joué son rôle. Résultat : 50 % des universités connaissent des difficultés. En outre, le système SYMPA défavorise les sciences humaines et sociales, dans des proportions parfois inacceptables. Nous avons d’ores et déjà engagé un rééquilibrage de ce dispositif, mais ce travail prendra du temps.

S’agissant de la répartition de ces postes, il n’est pas question de faire du saupoudrage : tout sera contractualisé avec les établissements sur la base d’avenants aux contrats existants, dans un dialogue partenarial, respectueux de l’autonomie. Cela se fera sur la base d’un partenariat gagnant-gagnant et il y aura une traçabilité. Ces postes se répartiront en 450 postes d’enseignants chercheurs, 230 PRAG, 320 postes administratifs et techniques. L’essentiel de l’effort portera sur la réussite dans le premier cycle. Nous avons besoin de redonner de la visibilité à l’offre de formation dispensée par les universités et à la qualité de cette formation. Aujourd’hui, il y a trop de chemins détournés pour parvenir à l’Université : cela porte atteinte à la démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur. Ainsi, les titulaires de bac pro ou de bac techno, qui sont formés pour intégrer des filières STS et des IUT, vont à l’Université par défaut car, dans ces filières, on préfère accueillir des titulaires d’un bac généraliste – qui, eux, préfèrent rejoindre les sections de techniciens supérieures et les IUT, en raison de l’image un peu floue de la formation dispensée en premier cycle à l’Université. Avec 3 300 intitulés de licence différents, quelle vision les étudiants et les familles peuvent-il avoir de l’université, surtout ceux qui manquent des réseaux institutionnels leur permettant de décoder l’information ? C’est pourquoi les Assises proposeront d’accentuer l’effort d’accueil individualisé et d’information – certaines universités le font déjà –, de simplifier l’offre et d’accentuer la pluridisciplinarité des deux premières années d’université. Tout cela, ainsi que le développement de l’université numérique et de nouvelles méthodes pédagogiques, nous permettra de requalifier en profondeur l’offre de formation en premier cycle et d’améliorer l’orientation – c’est un sujet sur lequel je me penche avec Vincent Peillon. J’ai d’ores et déjà demandé aux présidents d’université, aux directeurs d’IUT et aux proviseurs des lycées accueillant des STS d’attribuer à des bacheliers professionnels et à des bacheliers techniques les 20 000 places vacantes dans ces filières.

Cette action n’est pas seulement une mesure de réussite étudiante : elle répond également à un souci de justice sociale. En effet un bachelier professionnel a sept fois plus de risque qu’un bachelier généraliste d’échouer en premier cycle d’université. Or ces élèves sont le plus souvent issus des classes sociales les plus modestes.

Le mode de répartition de ces 1 000 créations de postes permettra de donner la priorité aux universités aujourd’hui sous-dotées. Dans le même esprit, nous engagerons en 2013 d’une remise à plat du système SYMPA – dont le nom pourra changer – de façon à ce qu’il gagne en équité, notamment en tenant compte de l’ensemble des éléments qui constituent le budget de l’université. Un nouveau modèle sera renégocié avec les présidents d’université pour être proposé en 2014.

J’en viens aux conventions de site. C’est une idée dont nous avons souhaité qu’elle fasse l’objet de discussions dans le cadre des Assises territoriales de la recherche. Les Assises nationales de la recherche – je rappelle que celles-ci se tiendront les 26 et 27 novembre prochains et feront l’objet d’un rapport qui sera remis fin décembre – aborderont également ce thème. Ces conventions de sites doivent permettre de mettre en œuvre les plans Campus. Si en effet le principe de l’autonomie n’était pas mauvais en soi, il n’a pas forcément été suivi d’effets. Ainsi l’annonce il y a quatre ans et demi des treize plans Campus n’a pas été suivi de la pose d’une seule pierre, ni d’un seul permis de construire, et une seule convention de partenariat public-privé a été signée. C’est que les collectivités locales, notamment les régions et les métropoles, ont été les grandes oubliées de ces procédures : elles devaient se contenter de signer un chèque, sans avoir voix au chapitre – au reste, Bordeaux et Lyon ne l’ont pas accepté. Or quand les collectivités locales sont exclues des projets d’aménagement, ceux-ci ne se font pas. C’est pourquoi nous voulons développer des dispositifs autres que celui des PPP et intégrant davantage les collectivités territoriales – le report de la dette à plus tard par des procédures extrabudgétaires ne fait pas partie de notre philosophie, même si, dans certains cas, nous maintiendrons les PPP parce qu’ils ont déjà été engagés. D’ores et déjà un décret en Conseil d’État va permettre aux universités de déléguer à des sociétés de réalisation, regroupant notamment des collectivités locales et la Caisse des dépôts, le droit de mettre en œuvre les plans Campus.

Une convention de site, c’est une convention qui n’oublie pas non plus les acteurs socio-économiques, l’offre de formation d’une université coupée de son écosystème socio-économique n’étant pas susceptible de satisfaire aux besoins présents et à venir. C’est pourquoi ces conventions intégreront également le rôle de l’Université comme acteur de l’innovation, en articulation avec l’acte III de la décentralisation.

L’allocation d’études supérieures, délivrée sous condition de ressources, comptait au nombre des engagements du candidat Hollande. Le système actuel de bourses concerne plus de 20 % d’étudiants – je souligne à ce propos que, pour la première fois depuis sa mise en place, le dixième mois de bourse est intégralement budgété pour 2013, soit près de 160 millions d’euros supplémentaires. Le système en vigueur ne suffit pas à inciter un plus grand nombre de jeunes de milieux modestes à s’engager dans des études. Or leur part parmi les étudiants recule. En outre, cette part décroît à proportion du niveau d’études : alors qu’ils constituent 23 % de la population active, ils ne représentent que 5 % des doctorants, 9 % des mastères, et moins de 15 % des étudiants de première année d’université.

C’est dans ce contexte que s’inscrit cette proposition d’allocation d’études supérieures. Elle sera négociée avec les associations d’étudiants, après une remise à plat de l’ensemble des aides sociales à destination de ce public. Rien ne se fera sans Bercy et le ministère du logement, car cela concerne la demi part fiscal, l’allocation logement, toutes les aides sociales et l’ensemble des bourses. Notre objectif est de favoriser l’accès aux études supérieures pour les étudiants issus des catégories les plus modestes et d’assurer les conditions de leur réussite. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, où 13 % des étudiants sont contraints d’exercer un emploi à temps plein, et où 17 % assurent entre trois heures de « petit boulot » et un véritable mi-temps par semaine.

Autre initiative allant dans le même sens, l’attribution d’une bourse dès la deuxième année de licence à ceux qui se destinent à l’enseignement et le prérecrutement des enseignants contribuera à diversifier la sociologie des enseignants, ainsi qu’à la réussite scolaire dans des quartiers défavorisés ou dans des zones très éloignées des centres de ressources ou des villes. On sait en effet l’importance de l’exemplarité, en matière d’éducation peut-être plus que partout ailleurs. Cet effort contribuera à la démocratisation de l’enseignement supérieur, dont la sociologie ressemblera davantage à celle de la population.

Il faudra aussi développer la formation en alternance dans l’enseignement supérieur, notamment dans le cadre du congé individuel de formation. Le taux de formation en alternance n’est que de 4 % dans les universités, pour un taux général de 8 %. L’université de Cergy-Pontoise, qui a le plus fort taux d’alternance, a un taux de 7,5 %. Développer l’apprentissage dans les universités permettra de lui rendre toute sa noblesse de formation à part entière. Si on l’avait fait plus tôt, on aurait peut-être préservé notre industrie – en cette matière, l’exemple de nos voisins allemands est édifiant. Développer l’alternance passe aussi par l’entreprise, et c’est la raison pour laquelle j’ai demandé à Henri Lachmann, président du conseil de surveillance de Schneider Electric et qui se bat depuis vingt-cinq ans pour l’alternance, de m’accompagner lors de ma visite de l’université de Cergy-Pontoise. Ce sera un des éléments qui contribuera à la réussite dans le premier cycle, à la démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur, à l’insertion professionnelle des étudiants et à une meilleure adéquation entre l’offre de formation et les demandes du milieu socio-économique – aujourd’hui 680 000 offres d’emplois ne sont pas honorées faute des qualifications correspondantes. C’est la raison pour laquelle nous comptons, avec Thierry Repentin, mettre en place une mission destinée à définir une nouvelle vision de l’alternance, qui aille jusqu’au doctorat – les conventions CIF sont un doctorat en alternance en entreprise. Mais il faut aussi que les entreprises jouent le jeu.

Le budget consacré à l’immobilier s’ajoute et ne se substitue pas aux crédits dévolus aux contrats de projets État-région – les CPER –qui ont été maintenus. La légère baisse des autorisations d’engagement est liée au fait que 2013 sera la dernière année des CPER. Une nouvelle génération de CPER entraînera la reprise de ces engagements. Les AE diminuent également du fait de l’achèvement du programme de réalisation de Jussieu et des partenariats public-privé non liés au plan Campus et conclus les années précédentes. Des moyens nouveaux ont été dégagés pour la sécurité et l’accessibilité des bâtiments : 10 millions d’euros en 2013, 15 en 2014 et 30 en 2015 ainsi qu’un chapitre dans le CPER de Mayotte.

Est-ce utile de disposer d’une agence d’évaluation indépendante ? Dans le principe, pourquoi pas ? Cependant, le bilan de l’Agence d’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur n’a pas été établi. Beaucoup de jugements négatifs ont été exprimés au sujet des actions qu’elle a conduites : des institutions aussi sérieuses et impartiales que l’Académie des sciences ont recommandé sa suppression de même que des syndicats de chercheurs. Cette agence pose donc un problème. Des représentants de disciplines comme les sciences économiques ont estimé que l’AERS n’a pas instauré les conditions d’une évaluation partagée. L’AERS rencontre des difficultés à maîtriser des sujets comme l’interdisciplinarité dont l’importance va s’accroître. En effet, la formation de l’AERS la conduit à mener des évaluations disciplinaires traditionnelles – même si des insuffisances sont relevées dans certaines sciences humaines et sociales comme l’économie et le droit – davantage que des appréciations sur des projets interdisciplinaires ou intégrant des organismes ou des laboratoires. Des améliorations et des changements profonds doivent donc être mis en œuvre dans le fonctionnement de cette agence, y compris dans sa composition qui doit intégrer plus d’experts issus des organismes de recherche et des grands laboratoires. Le dialogue étant notre méthode de travail, les préconisations émises dans la cadre des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche serviront à conduire cette réforme.

Le déblocage de 300 millions d’euros pour l’accès à l’innovation des PME et des ETI constitue une excellente nouvelle. Néanmoins, ce montant ne suffira pas à aider l’ensemble des prototypes et des lignes pilotes. La « vallée de la mort » est l’endroit dangereux où se déroule le transfert entre la recherche finalisée dans les laboratoires et l’industrialisation. Les lignes pilotes permettent d’améliorer les conditions dans lesquelles se réalise ce transfert. Si elles ne suffisent pas, les entreprises et les laboratoires de recherche doivent être incités à participer davantage à la procédure européenne des key enabling technologies chargée de mettre en œuvre, grâce à des budgets communautaires, des lignes pilotes à l’échelle de l’Union européenne. En donnant une impulsion au crédit impôt recherche nous initions un mouvement qui doit être démultiplié grâce à l’Europe. Là encore, il s’agit de procéder non à une substitution d’engagement mais à l’ouverture d’une voie qui permette le renforcement des PME et des PMI. L’Europe possède la taille critique nécessaire pour que nos entreprises figurent bien dans la compétition internationale ; elles doivent donc développer le réflexe de se projeter à son échelle.

S’agissant de l’expertise et de la définition précise de l’innovation, les discussions sont en cours. Le ministère que je dirige participe à ce processus – alors que seul Bercy le conduisait auparavant – afin d’apporter une connaissance précise des métiers et, notamment, de l’étape du transfert entre la recherche et l’industrialisation, qui constitue une difficulté sur laquelle bute le système français. Les dispositifs existants ne permettront pas de résoudre ce problème, d’où la mise en place, avec Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des PME, de l’innovation et de l’économie numérique, d’un groupe de travail sur le transfert, piloté par M. Pierre Tambourin, directeur général du Genopole d’Evry, et M. Jean-Luc Beylat, président d’un des meilleurs pôles de compétitivité français – Systematic – et composé de membres qui sont des acteurs opérationnels. Dès la fin du mois de février 2013, ce groupe proposera un ensemble de bonnes pratiques et d’initiatives à mettre en place afin de supprimer la « vallée de la mort ». Du fait de cette dernière, de nombreuses recherches finalisées ne trouvent pas de débouchés industriels et ne créent donc pas d’emplois malgré leur qualité.

S’agissant de la politique immobilière, il n’est pas procédé à une substitution mais bien à un cumul de crédits. Un accent est mis sur la sécurité des logements. Un groupe de travail, présidé par M. Roland Pellet, est chargé de déterminer, site par site, les causes de l’absence de démarrage du plan Campus et, notamment, le rôle joué dans ce blocage par les PPP – qui constituent l’obstacle décelé à ce jour. Ses conclusions seront rendues publiques à la fin du mois mais des solutions ont déjà été préconisées. L’objectif est d’accélérer la réalisation du plan Campus.

Ce plan prévoit la construction de 13 000 logements étudiants dont pas un n’a débuté. La mission que je conduis avec Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement, est en train de se mettre en place ; nous allons nommer une personne qui travaillera dans l’année voire les deux années qui viennent à la programmation et au suivi de la livraison de ces logements étudiants. Le plan Anciaux prévoyait l’édification de 5 000 logements par an ainsi que la requalification de 50 000 logements étudiants se trouvant en mauvais état et qui suscitaient une certaine honte à l’occasion de l’accueil d’étudiants étrangers du fait des conditions confortables dans lesquelles étaient reçus nos étudiants dans certains pays émergents comme la Corée du Sud ou la Chine. Au bout de huit ans d’application de ce plan, moins de 3 000 logements ont été construits chaque année et moins de 25 000 logements ont été réhabilités. Le fait que les collectivités territoriales n’aient pas été suffisamment impliquées est, là encore, l’un des facteurs expliquant le retard pris dans la mise en œuvre de ce plan. Elles, notamment les régions et les métropoles, vont donc être de nouveau associées à cette politique. La société de réalisation, au sein du plans Campus, va permettre de construire plus rapidement ces 13 000 logements étudiants. Dans les deux prochaines années, nous souhaitons que 19 000 logements soient livrés. À chaque inauguration de résidence étudiante à laquelle j’assiste, les collectivités territoriales ont joué un rôle moteur dans la conduite du projet.

L’opérateur national, le Centre national des œuvres universitaires et scolaires, remplit également une fonction essentielle. Sa dotation est augmentée de 20 millions d’euros. Cet effort sera répété si l’évaluation de son action, notamment en termes de constructions, est positive. Aux côtés des bailleurs sociaux auxquels il sera d’autant plus associé que les collectivités locales seront davantage incluses dans cette politique, le CNOUS devra faire preuve de créativité. À Angers, à Poitiers, les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires ont conçu des réalisations innovantes permettant notamment des colocations. À Paris-Diderot, dans une résidence que nous avons récemment inaugurée, des systèmes de locaux communs, intégralement accessibles aux personnes à mobilité réduite, permettent, à l’image de ceux existants à Montréal ou à Louvain-La-Neuve en Belgique, de mutualiser les espaces de travail, d’accès à internet et de convivialité. Les CROUS ont donc entamé une révolution que les bailleurs sociaux et les collectivités territoriales sont invités à achever. En effet, ce mouvement a été conduit de manière disparate selon les régions. Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche soutiendra cet esprit d’innovation qui doit souffler dans tous les CROUS.

Ces évolutions inciteront les étudiants à privilégier les résidences aux colocations privées ; pour ces dernières, certains propriétaires de logements dans les centres des villes universitaires adoptent un comportement condamnable en intégrant dans le calcul du loyer les allocations que les étudiants reçoivent pour se loger. Ainsi, le loyer d’un appartement sera supérieur s’il est occupé par six ou sept étudiants à ce qu’il serait s’il était habité par une famille. Cela élève les loyers et vide les centres-villes des familles qui pourraient y résider.

Plus favorables à la réussite des études, notamment au premier cycle, les résidences universitaires ne doivent plus être hors sol mais insérées dans la ville ; c’est le cas de la résidence que j’ai visitée à Paris-Diderot qui est située à côté de l’université et à proximité de commerces et d’entreprises dans ce quartier que l’on nomme le « nouveau quartier latin ». Ces lieux de vie contribuent à l’amélioration des conditions de vie des étudiants et à leur succès.

Tous ces paramètres seront pris en compte pour les 40 000 nouveaux logements qui constituent ma feuille de route dans les cinq années à venir. Quant à la mise en œuvre de cette politique, elle s’inscrira dans l’acte III de la décentralisation qui confèrera aux régions et aux métropoles des responsabilités nouvelles en matière de vie et de logements étudiants. Elles pourraient disposer de nouvelles compétences en la matière sur le modèle de l’aide à la pierre pour le logement social. Les associations d’élus que j’ai rencontrées souhaitent une telle évolution.

Les régions et les métropoles ne doivent pas être des concurrentes mais des partenaires dans le règlement de cette question importante du logement étudiant. Dans les villes universitaires de province, un étudiant issu de la classe moyenne consacre 40 % à 50 % de son budget au logement ; cette proportion s’élève à 70 % en région parisienne. Comment voulez-vous qu’un étudiant se soigne et s’alimente correctement dans ces conditions ? Comment voulez-vous qu’il n’ait pas recours à un travail qui l’empêche de suivre ses cours et d’étudier efficacement ? Il nous faut – dans ce domaine également – rétablir la justice sociale pour favoriser la réussite des étudiants.

Les programmes blancs sont souhaitables, en particulier pour la santé, et seront donc maintenus. Des rééquilibrages doivent être – sans a priori – effectués. Jusqu’à présent, il n’était pas tenu compte, aux dires de leurs directeurs, du fonctionnement des laboratoires. L’Espagne ne peut constituer un modèle car les investissements dans la recherche et l’enseignement supérieur ont été diminués de moitié. Ce pays limite ainsi sa capacité future de rebond par l’innovation et la formation et voit nombre de ses étudiants le quitter.

La programmation de l’Agence nationale de la recherche sera connue à l’issue de son conseil d’administration qui se tiendra le 14 novembre prochain. Je respecte la démocratie interne de cet organisme : c’est bien à l’issue d’une discussion en conseil d’administration, elle-même précédée de rencontres de travail en commun dans lesquelles l’État stratège joue tout son rôle, que cette programmation sera dévoilée. L’ANR pourra engager plus de 600 millions d’euros l’an prochain et ne subira donc aucun tort. En revanche, nous ferons en sorte que soit mis en œuvre ce qui a été prévu, ce qui n’a pas été le cas jusqu’à présent. Des programmes non réalisés depuis 2006 sont considérés comme caducs, puisqu’un programme de recherche cesse d’être innovant six ans après sa conception.

Le ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur et celui des affaires européennes ont remporté une victoire européenne sur le sujet du préciput. Les programmes européens vont devoir être simplifiés, ce qui facilitera leur accès aux laboratoires de recherche publics, aux PME et aux PMI. L’ensemble des frais réels et une partie des frais de structures seront pris en compte dans ces programmes. Il serait souhaitable que tous les programmes – y compris ceux dépendant de crédits extra budgétaires – prennent en compte ces préciputs. Nous souhaitons que les investissements d’avenir, gérés par le Premier ministre, les intègrent également. Il a ainsi été mis fin, à notre avantage, au contentieux qui opposait le CNRS à la Commission européenne. Ce combat n’a pas été facile mais ma collègue allemande s’est ralliée à la proposition française. D’apparence technocratique, cette question a des implications concrètes si bien qu’il s’agit d’un grand succès pour les laboratoires et les organismes de recherche publics qui se sont félicités de cette simplification des aides car ils en seront, avec les PME et les ETI, les principaux bénéficiaires.

Le budget alloué au CEA pour l’année 2013 est de 618 millions d’euros alors qu’il n’était que de 588 millions d’euros en 2012. Cette augmentation peut paraître insuffisante mais tous les organismes mériteraient une hausse de leurs crédits si cela était possible.

La recherche est le budget qui devrait être prioritaire – je suis persuadée que vous partagez mon point de vue. La situation budgétaire est contrainte et des programmes structurants sont gérés par le CEA. Ces derniers – notamment le programme ITER – ont fait l’objet de ce que mes prédécesseurs ont pudiquement nommé des « ressauts ». Ils représentaient plus de 30 millions d’euros et n’étaient donc pas anodins. Ces évolutions n’avaient pas été budgétisées, d’où la progression des crédits du CEA. Pour ce qui est des perspectives d’avenir, le CEA doit prendre en compte la nécessité de la transition énergétique et doit ainsi accroître le financement de la recherche technologique et de la recherche fondamentale – la seconde nourrissant la première.

La direction des sciences du vivant, la DSV, et la direction des sciences de la matière, la DSM, alimentent la direction de la recherche technologique, la DRT.

La DRT compte trois laboratoires : le List, situé à Saclay, pour les systèmes intégrés ; le Liten pour les énergies nouvelles et la lutte contre le réchauffement climatique ; le Leti, installé à Grenoble, pour les technologies de l’information, des logiciels embarqués jusqu’à la nanoélectronique.

La DSV voit ses crédits croître de 1 % – ce qui n’avait pas été le cas lors des précédents budgets – mais nous avons conscience que cela pourrait ne pas être suffisant et nous réfléchissons à aider davantage ces directions à l’avenir.

Le Premier ministre a confié à la DRT, lors d’un déplacement à Nantes le 15 octobre dernier, une mission de diffusion de la recherche à partir de plateformes technologiques installées de manière expérimentale à Nantes, à Bordeaux et à Toulouse, villes qui disposent déjà d’un fort noyau technologique. La DRT, seule direction du CEA dont le siège est situé en région – en l’occurrence à Grenoble –, a prouvé l’efficacité de son action en Rhône-Alpes comme à Saclay. Cette expérimentation sera évaluée au bout d’un ou deux ans par le ministère du redressement productif, le ministère délégué aux PME, à l’innovation et à l’économie numérique et le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ; elle intègrera l’ensemble des acteurs de la recherche provenant d’autres organismes et présents dans l’écosystème de ces plateformes. L’objectif sera de diffuser dans les PME et les PMI les innovations développées par la DRT. Le dessein de cette politique est de créer de l’emploi par l’innovation et par la compétitivité reposant sur la qualité. Tel est le credo de l’action de notre ministère. À l’issue de l’évaluation, une décision sera prise quant à la pérennisation de ce dispositif ; compte tenu des succès constatés dans la passé, la généralisation de ce système est envisagée. Cette expérimentation permet également de rééquilibrer notre action au profit de territoires oubliés comme la Lorraine, l’Ouest et le Nord de la France.

Comme lorsque j’ai décidé de conforter l’établissement autonome de l’école normale supérieure de Cachan à Rennes, il s’agit de mieux répartir la dynamique de l’enseignement supérieur, de la recherche et du transfert de technologie. Sans que cela soit assimilable à de l’aménagement du territoire, cette politique se rapproche de ce qui est mis en place dans les Länder allemands qui sont d’autant plus forts en Europe qu’ils reposent sur des écosystèmes dynamiques et sur les instituts Fraunhofer – équivalents des instituts Carnot – qui permettent le transfert des technologies. Cette expérimentation ne crée pas de strates supplémentaires et sera conduite par la DRT grâce à un déplafonnement d’emplois dont le niveau est en cours de négociation.

La diminution de 1 million d’euros du montant des crédits alloués au fonds unique interministériel – le FUI – est modeste alors que certains redoutaient sa disparition. Le fonds, géré par la direction générale de la compétitivité, de l’industrie et des services – la DGCIS – au sein d’un comité interministériel, est donc maintenu car les pôles de compétitivité s’appuient sur lui. En outre, le FUI joue un rôle dans la création et le maintien d’emplois industriels grâce à la montée en gamme des produits et des services industriels – la moitié des emplois industriels relevant de la production, l’autre moitié découlant des services à l’industrie. Le FUI peut également intervenir dans le moment charnière que constitue la « vallée de la mort ».

OSEO et les systèmes d’aide à l’innovation vont être regroupés autour de la BPI à l’échelon régional qui, dans le cadre de l’acte III de la décentralisation, verra probablement sa compétence confortée et élargie en matière d’aide à l’innovation – en lien toutefois avec un État-stratège garant de l’équilibre et de l’efficacité des actions régionales.

Nous souhaitons en outre développer le recours aux alliances – même s’il ne faut surtout pas les institutionnaliser. Il s’agit en effet de l’un des rares lieux où l’ensemble des organismes et des laboratoires travaillant sur des thématiques, telles que l’environnement et les écotechnologies, se retrouvent pour définir des orientations. Ces alliances doivent donc nous guider dans l’élaboration d’une stratégie nationale de recherche qui devra être plus en harmonie avec la stratégie européenne et qu’il faudra ensuite communiquer à l’ANR. En effet, c’était auparavant l’Agence qui, faute de communication sur cette stratégie nationale, la définissait elle-même, alors qu’elle était déconnectée des organismes de recherche. Sans être menacée, l’ANR sera recentrée sur ses missions. Les alliances retrouveront ainsi leur rôle en lien avec les organismes de recherche et les laboratoires universitaires, tels que ceux du CNRS.

L’interdisciplinarité sera privilégiée, d’autant plus qu’elle s’impose à nous. En effet, les enjeux ne sont jamais d’ordre strictement technologique mais doivent intégrer les sciences humaines et sociales, qui ne se sont actuellement sollicitées qu’en fin de parcours, comme un supplément d’âme, alors qu’elles sont fondées sur une méthodologie et une philosophie propres et qu’elles garantissent l’acceptabilité et la confiance retrouvée en la science. Le débat sur l’efficacité énergétique, qui suppose l’intégration de la question cruciale de l’usage des bâtiments, ou encore la biologie de synthèse – thème d’un rapport que j’ai rendu – et les grands thèmes du XXIe siècle illustrent la nécessité de cette pluridisciplinarité, qu’il nous faut donc développer dès la formation.

L’infléchissement du budget du ministère se fera sans brutalité et dans le cadre d’un dialogue – comme nous l’a appris a contrario le quinquennat précédent – car les 25 milliards d’euros qu’il représente sont gérés à 92 % par des opérateurs extérieurs – universités et grands organismes.

Comme l’illustrent les crédits inscrits dans le PLF 2013, l’agenda initialement défini en matière de recherche spatiale n’a pas été remis en cause. Ainsi, bien qu’un certain retard ait été accumulé au cours des années précédentes, nous souhaitons cependant honorer nos engagements, notamment afin d’être crédibles au niveau européen. Or, comme l’illustrent la cryogénie ou d’autres matériaux élaborés pour les conditions extrêmes de l’espace, tout investissement dans le domaine de la recherche spatiale contribue à renforcer la compétitivité de notre industrie, secteur pour l’instant encore trop centré sur la production de bas de gamme ou du moyen de gamme, face au haut de gamme allemand.

Le projet de nouveaux lanceurs constitue un sujet extrêmement sensible, passionnant les élus et mobilisant plusieurs ministères, en particulier ceux de la défense et de la recherche qui mènent depuis juin un travail d’autant plus acharné qu’il n’avait pas été anticipé. En effet, étonnamment, bien que le CNES ait travaillé au projet qu’il s’est vu confier dès son lancement en 2008, il n’a pas véritablement préparé les décisions qui devront être prises fin novembre avec l’ensemble de nos partenaires – au premier rang desquels figurent l’Allemagne, mais aussi l’Italie ou encore l’Espagne. Or, l’avis des industriels français et allemands divergeant de celui du CNES, je leur ai tous demandé de s’accorder sur une feuille de route assurant une cohérence entre le cahier des charges des emplois industriels et des bureaux d’étude, d’une part, et l’objectif de conception d’un nouveau lanceur de plus petite taille qu’auparavant – conformément à la demande des utilisateurs – d’autre part. Nous sommes donc désormais en mesure de négocier avec l’Allemagne, avec laquelle nous avons également organisé beaucoup de rencontres. Le secteur étant soumis à une compétition mondiale, notamment de la Russie et des États-Unis mais aussi des pays émergents comme l’Inde et la Chine, nous ne souhaitons pas reporter notre décision en la matière.

M. Émeric Bréhier. Madame la ministre, je vous remercie pour l’exhaustivité de vos propos et de vos réponses. Votre budget fait indéniablement partie de ceux qu’il est plus aisé de défendre que d’autres – preuve que les priorités budgétaires annoncées par le Président de la République lors de sa campagne puis après son élection ont été respectées. Bien évidemment, au sein de cette hausse de crédits, la vie étudiante se voit accorder un poids plus important que d’autres , et c’étai nécessaire.

Ce budget semble à maints égards un budget de transition. En effet, avant que les autorités politiques ne puissent prendre de décision et ne mettent en œuvre les réformes structurelles pendantes – à l’instar de celle du système d’attribution des bourses ou de celle du système d’allocation des moyens, le SYMPA – les concertations en cours aux Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche doivent être menées à leur terme. Nous remercions donc non seulement votre ministère mais également l’ensemble du Gouvernement d’avoir retenu cette méthode de concertation préalable à toute réforme de structure.

Nous nous félicitons par ailleurs de la modification apportée au régime du crédit d’impôt recherche, conformément à nos engagements : en effet, on ne peut à la fois défendre les crédits de l’ANR – alors qu’un certain nombre des projets scientifiques qu’elle est censée porter depuis plus de cinq ou six ans n’ont toujours pas vu le jour – et insister, comme certains ne cessent de le faire, sur la nécessité que les agences de l’État participent à l’effort de redressement des comptes. Ce qui vaut pour les uns doit valoir pour les autres !

Enfin, l’actuel contrat de plan État-région devant s’achever l’an prochain, que prévoira le suivant en matière d’immobilier universitaire ?

Mme Dominique Nachury. Je remercie les rapporteurs pour leurs présentations et analyses d’un budget suscitant de nombreuses interrogations. La ministre leur ayant répondu très précisément, je crains que nous ne disposions que de peu de temps pour nos propres interventions et questions. Je suis cependant sûre qu’il ne s’agit nullement d’une tactique pour ne pas y répondre. Dans la mesure où je dispose de cinq minutes pour évoquer un budget de 25 milliards d’euros, mon intervention sera nécessairement limitée.

Le budget consacré à l’enseignement supérieur ne remet pas en cause les orientations de la loi relative aux libertés et responsabilités des universités du 10 août 2007, fondamentale pour faire entrer nos universités dans le XXIe siècle. Si, dans son rapport de 2011, le comité de suivi de la loi en préconise quelques ajustements, il constate également que « l’autonomie dévolue par la loi LRU a permis à la plupart des universités de s’emparer en quelques années des nouveaux leviers qui leur ont été offerts » et que « cette dynamique ne doit pas être brisée par une reprise en main de la part des services de l'État au prétexte de difficultés qui pourront apparaître. »

Par ailleurs, le Gouvernement a organisé des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, dont nous attendons avec impatience les conclusions. Nous espérons que des passerelles seront offertes entre l’Université et l’entreprise, afin de fournir aux étudiants des clefs leur permettant d’intégrer plus facilement le monde professionnel.

Nous regrettons en outre que les crédits destinés aux établissements d’enseignement privé diminuent – passant de 89,4 millions d’euros en 2012 à 84,4 millions d’euros en 2013 en autorisations d’engagement – alors que les crédits affectés aux formations universitaires – licence, mastère, doctorat – augmentent. Cette diminution nous paraît remettre en cause la liberté de choix des familles et des étudiants.

Enfin, s’agissant des aides directes aux étudiants, nous notons la baisse des aides et bourses au mérite : dans ces conditions, comment les étudiants vont-ils être motivés ?

En ce qui concerne le volet recherche, nous avons du mal à comprendre la politique du Gouvernement en matière d’énergie nucléaire. En effet, le Président de la République affirme vouloir baisser la part du nucléaire sur notre territoire et, afin de définir les contours de cette réforme, a annoncé la tenue d’un grand débat sur la transition énergétique. Or, en prévoyant une augmentation des dotations du CEA pour le démantèlement des installations dans le projet de loi de finances avant même que ce débat n’ait été organisé, le Gouvernement n’en préempte-t-il pas les conclusions ? En outre, dans le même temps, alors que la sûreté nucléaire est essentielle, vous proposez une baisse des crédits de l’IRSN de 5,5 millions d'euros tout en augmentant les crédits de l’Agence ITER-France : de 61,9 millions d'euros en 2012, ils passeront à 100 millions d’euros en 2013. Nous sommes donc un peu perdus ! Madame la ministre, pourriez-vous donc nous éclairer ?

Les députés du groupe UMP s'interrogent tout autant sur la cohérence des politiques menées en matière d’innovation. En effet, si la hausse des crédits consacrés aux pôles de compétitivité et au dispositif « Jeunes entreprises innovantes » est une bonne chose, elle est incohérente avec les dispositions de la première partie du budget qui entravent lourdement la capacité des entreprises à se développer et à investir. En effet, pour que les entreprises puissent innover, encore faut-il qu'elles puissent exister.

Enfin, bien que le crédit d’impôt recherche soit un instrument central des politiques publiques françaises en faveur de la recherche et de l’innovation, il ne couvre que 4 % des dépenses des entreprises de la santé et des sciences du vivant. Celles-ci consacrent pourtant à la recherche et au développement des sommes correspondant à un tiers des dépenses totales – publiques et privées confondues – du secteur. En outre, le CIR a permis de maintenir les efforts de recherche et développement sur le territoire français et de renforcer les partenariats avec la recherche publique, et par conséquent la recherche française et le développement de projets au service des patients. La pérennisation du CIR est d’autant plus indispensable au maintien de la recherche biomédicale que les entreprises françaises du médicament ont la fiscalité la plus pénalisante d’Europe. Les mécanismes d’incitation fiscale en vigueur – CIR et fiscalité des brevets – ne permettent pas d’inverser cette tendance. D’autres pays européens se dotent de mécanismes fiscaux d’incitation à l’innovation, tels que la patent box . Madame la ministre, avez-vous l’intention de pérenniser ces mécanismes d’incitation ? Comment comptez-vous assurer une visibilité et une lisibilité à long terme de votre politique fiscale en la matière, comme c’est le cas dans les autres grands États européens ?

Mme Valérie Rabault, présidente. Je précise que chaque rapporteur a disposé de cinq minutes pour présenter son rapport, à la suite de quoi la ministre a répondu en dix minutes sur chacun des sujets. Il ne me semble donc pas qu’il y ait eu d’abus de temps de parole. En revanche, la qualité et la précision des réponses qui nous ont été apportées contribuent à éclairer les propositions et les choix du Gouvernement ainsi que le vote des députés.

M. François-Michel Lambert. Je m’associe aux propos de la présidente quant à la qualité des réponses apportées par la ministre, que je remercie vivement. Les engagements gouvernementaux et le budget que vous nous avez présentés traduisent une volonté de penser autrement la recherche. Sur le plan structurel, nous notons la volonté affichée de renforcer l’esprit d’innovation dans les PME-PMI et dans les entreprises de taille intermédiaire (ETI), notamment grâce à la mise en place du crédit d’impôt recherche, innovation et partenariat, le CIRIP. La simplification administrative est également primordiale pour permettre aux chercheurs de se consacrer à la recherche.

Néanmoins, le groupe écologiste, très attaché à la décentralisation et à la territorialisation, ne peut s’empêcher de noter des budgets en contradiction. Ainsi, l’ADEME, structure la plus ancrée dans nos territoires, voit ses moyens contraints tandis que, à l’inverse, le CEA organisme plutôt centralisé, voit les siens augmenter, essentiellement du fait des enjeux nucléaires. D’ailleurs, comme il aura bientôt vendu toutes les parts qu’il détenait dans le capital d’Areva, il faudra mécaniquement lui consacrer encore plus de moyens à l’avenir.

Si le nucléaire – sujet de clivages politiques – requiert encore une fois toujours plus de moyens, c’est sans doute par contrainte plutôt que par choix. En effet, des enjeux tels que la sécurité et le démantèlement des centrales doivent être financés, le Président de la République et le Gouvernement ayant décidé pour la première fois l’abandon de la politique du « tout nucléaire » menée depuis cinquante ans et ayant pour ce faire programmé une réduction de 75 à 50 % de la part du nucléaire. Or, les divergences de fléchage des crédits accordés au nucléaire nuisent à la visibilité des choix gouvernementaux. Nous souhaiterions par conséquent qu’une réflexion soit menée afin que la nation sache au mieux à quels enjeux économiques ces cinquante ans de « tout nucléaire » nous confrontent aujourd’hui.

M. Gérard Charasse. Au nom du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, je remercie la ministre pour la qualité de ses réponses. Je concentrerai ma question sur les instituts universitaires technologiques, filière attractive pour les jeunes et pouvant contribuer aussi bien à atteindre l’objectif 50 % d’une classe d’âge au niveau de la licence qu’à favoriser l’insertion professionnelle à court ou plus long terme. En outre, les IUT restent des outils d’ascension sociale, comme en témoigne le nombre important de boursiers qui y sont inscrits. De plus, ces instituts œuvrent à assurer la même qualité d’enseignement sur tout le territoire, quels que soient leur lieu d’implantation et la renommée internationale de leur université. Enfin, ils contribuent à la réussite de tous les jeunes, qu’il soient bacheliers technologiques ou bacheliers généraux.

Or, comment pourront-ils encore y parvenir demain ? De fait, si la technologie requiert des moyens particuliers, l’égalité des chances sur les territoires implique, elle, une régulation de l’État, qui doit garantir l’apport de moyens adaptés aux besoins. En outre, la maîtrise de la capacité d’accueil des IUT ne doit pas se faire au détriment de la diversité des publics accueillis.

C’est pourquoi, depuis juin 2008, les IUT alertent les élus et les partenaires sur les conséquences de la loi LRU. Ils s’interrogent notamment quant au rôle dévolu au diplôme universitaire de technologie – DUT –, seul diplôme à définition nationale de l’université française au sein de l’université autonome. Ils ont également participé à la définition de moyens de régulation permettant de garantir l’autonomie de gestion des IUT et de concilier l’autonomie et l’équité des territoires. Madame la ministre, peut-on affirmer aujourd’hui que les instruments garantissant l’autonomie de gestion des IUT sont efficaces alors qu’ils ne me semblent pas correctement mis en place ?

Parallèlement, les IUT ont formulé des propositions afin de rénover leurs missions et de les adapter à la réforme des lycées ainsi qu’aux enjeux de l’enseignement supérieur et de la recherche. Le réseau des IUT et leurs conseils d’administration portent ainsi un projet construit autour de trois axes, qui, combiné à l’application des textes garantissant l’autonomie de gestion des IUT, peut permettre à ces instituts de continuer à jouer un rôle majeur dans l’accès aux études supérieures et à l'emploi ainsi que dans le transfert de technologie – et ce avec la même qualité sur tous les territoires. Ce projet trouve une nouvelle expression dans les 39 propositions que les IUT ont élaborées à l’occasion des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Quelle place entendez-vous réserver aux IUT dans le cadre de ces Assises ainsi que dans l’évolution de l'enseignement supérieur ? Quelles actions le Gouvernement va-t-il mettre en œuvre en faveur des IUT afin de tenir les engagements qu’il a pris en mars 2012 ? L’État peut-il accepter que la seule filière technologique universitaire du cycle de licence soit dévalorisée alors que la réindustrialisation de notre pays constitue un enjeu national et que la culture des IUT, fondée sur le triptyque université-entreprise-innovation technologique, et ce au service des PME-PMI, est un atout majeur pour y parvenir ?

M. le président Jean-Paul Chanteguet. Quel est le nouveau budget du programme ITER ? Comment ses crédits sont-ils répartis ?

Quel est le montant des crédits consacrés à la recherche dans le domaine de l’énergie nucléaire et dans celui des énergies renouvelable ?

Enfin, il a été précisé qu’un budget complémentaire de 60 millions d’euros avait été affecté au CEA pour financer les charges nucléaire des installations de long terme : quel en est le budget global ?

M. le président Patrick Bloche. Je me trouvais hier au Muséum national d’histoire naturelle : j’y ai évoqué avec mes interlocuteurs le projet de réouverture, d’ici à la fin 2015, du Musée de l’homme pour lequel 17 millions d’euros avaient été prévus en 2011, puis 16 millions en 2012. Les crédits sont-ils bien provisionnés en 2013 ?

M. le président François Brottes. Quelle part de la recherche consacrons-nous au stockage de l’énergie ? La grande difficulté de l’énergie renouvelable tient en effet à son intermittence.

M. Jean-Yves Le Déaut. Je vous remercie pour la précision de vos réponses, madame la ministre. Serait-il possible d’avoir la liste des entreprises qui bénéficient du crédit d’impôt recherche et de connaître le montant du crédit d’impôt pour chacune d’elles ? Je sais par exemple que celui-ci s’élève à 120 millions pour EADS, à 130 millions d’euros pour Thales et davantage pour Total. Les parlementaires devraient être informés des sommes ainsi octroyées, ce qui permettrait en outre de mesurer leurs effets sur le développement des PME.

Si votre budget est en augmentation, le programme 186, qui ne dépend pas de votre ministère et concerne la diffusion de la culture scientifique et technique, voit ses crédits diminuer de 4 %. Il s’agit pourtant d’un secteur prioritaire.

Comment envisagez-vous la valorisation du diplôme du doctorat ?

Certains laboratoires ont recruté des ingénieurs en contrat à durée ; ils sont même assez nombreux dans certaines villes. Comment allez-vous interpréter la loi Sauvadet, dont l’interprétation erronée empêche d’offrir une solution pérenne à un certain nombre de gens très bien formés dans nos laboratoires ?

J’informe enfin mes collègues que le Premier ministre m’a chargé d’une mission dans le cadre des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche. J’invite d’ores et déjà tous ceux qui le souhaiteront à participer à la réunion qui se tiendra ici même, le 4 décembre, pour évoquer la traduction législative de ces Assises.

M. Bernard Gérard. Dans le cadre des investissements d’avenir, le gouvernement précédent avait lancé le programme IDEX – initiatives d’excellence–, destiné à doter la France de cinq à dix pôles d’excellence universitaire capables d’assurer leur visibilité et leur attractivité à l’échelon international et doté de 7,7 milliards d’euros.

Rejeté une première fois, le projet nordiste porté par le PRES – pôle de recherche et d’enseignement supérieur – s’était recentré sur les universités lilloises regroupées en Université fédérale de Lille, tout en maintenant des coopérations avec d’autres universités de la région. Fort d’un ensemble unique en France, avec 150 000 étudiants et autant d’apprenants, et de l’excellence de sa recherche – il occupe le cinquième rang national pour le nombre de chercheurs –, le PRES entendait notamment s’appuyer sur des clusters d’excellence, tels celui du transport, créé en liaison avec le pôle de compétitivité I-Trans, ou celui des matériaux, créé en lien avec deux projets de recherche technologique sur les matériaux agro-sourcés et les ressources froid, sa particularité tenant à une forte approche partenariale public-privé. Huit projets d’IDEX – sur les dix envisagés – ont à ce jour été validés. L’Université de Lille Nord de France peut-elle encore espérer les rejoindre ?

Ma deuxième question porte sur l’enseignement supérieur associatif, qui accueille 74 000 étudiants par an. À la suite du protocole de contractualisation signé avec l’État en juillet 2010, il s’est engagé dans une démarche de progrès. J’attire donc votre attention sur les conséquences que pourrait avoir l’importante diminution des crédits en faveur de l’enseignement supérieur associatif – qui n’a pas de but lucratif – prévue par ce budget.

Mme Colette Langlade. Les assises territoriales, deuxième phase des Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche, auxquelles succédera la dernière, celle des assises nationales, sont en train de s’achever. Vous avez souhaité une grande phase de consultations, qui marque surtout un changement de méthode : vous entendez rénover en dialoguant et en faisant confiance à tous les acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche, pour la réussite de nos étudiants. Ces consultations ont permis de dégager de nombreuses pistes, parmi lesquelles un effort d’orientation des lycéens, le rapprochement entre classes préparatoires et sites universitaires, ou encore la valorisation des travaux des doctorants dans le secteur public et dans les PME innovantes. Comment entendez-vous concrétiser les réformes esquissées, et avec quels moyens ? Quelles en seront les conséquences sur le budget de votre ministère ?

M. Lionel Tardy. J’aimerais, madame la ministre, connaître votre position sur l'utilisation des ressources numériques pour la diffusion des publications scientifiques. Actuellement, la position des éditeurs de revues scientifiques est vigoureusement remise en question à travers le monde. En parallèle, des initiatives sont prises pour diffuser en direct, par le biais d'Internet, des publications scientifiques. Je pense en particulier au site revues.org, ou àla plateforme HAL, mais ils ne sont pas les seuls. Des revues de très bon niveau n'existent que sous format électronique en libre accès. En Grande-Bretagne, le gouvernement vient d'obliger toute la recherche financée sur fonds publics à publier en open access à partir de 2014. Pour l’anecdote, c'est cette semaine qu'a lieu l'open access week, événement annuel autour de la publication scientifique en open access.

J’attire également votre attention sur un contre-exemple qui suscite actuellement une bronca parmi les chercheurs. Le service Refdoc, géré par l'institut de l'information scientifique et technique, l’INIST, dépendant du CNRS, commercialise des articles scientifiques sans l'autorisation des auteurs, en faisant payer pour des ressources qui sont parfois en libre accès sur Internet. Ces pratiques ont fait l'objet d'une condamnation pour contrefaçon, qui a été confirmée en appel en mai 2011. Mais l'INIST persiste : non seulement cet organisme d'État viole ouvertement la loi mais, de plus, il fait concurrence à des plateformes d’open access qui sont l'avenir de la publication scientifique.

Que comptez-vous faire pour favoriser le libre accès aux publications scientifiques et mettre fin aux pratiques illicites de l'INIST ?

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Ma question porte sur la visibilité internationale de l’effort de recherche de nos scientifiques dans nos universités, grandes écoles et organismes de recherche. Du fait de sa dispersion dans les grands classements comme celui de Shangai, une grande partie de la réalité de notre effort scientifique n’apparaît pas, ce qui place la production française à un rang qui n’est pas le sien dans la réalité. Malgré la pression qu’ils ont subie ces dix dernières années pour se consacrer systématiquement à des appels d’offres, nos scientifiques ont en effet continué à travailler et à produire. Pourrait-on avoir une visibilité de site en ce qui concerne les signatures de nos scientifiques, afin que la production française soit clairement identifiée ? Je pense évidemment à l’entrée par les dispositifs d’enseignement supérieur.

M. Alain Marc. L’implantation de l’enseignement supérieur dans des départements qui ne sont pas le siège d’un chef-lieu d’académie se heurte souvent à des difficultés, notamment pour les premiers cycles.

Je n’évoquerai pas l’adéquation entre les formations qui existent en province et le marché du travail, mais les licences professionnelles sont souvent une bonne réponse à cette problématique. Que comptez-vous faire pour poursuivre l’implantation de l’enseignement supérieur en-dehors des villes étudiantes traditionnelles, notamment par une offre ciblée de formations professionnalisantes ? Comment faciliterez-vous la mise à disposition de professeurs compétents dans ces zones vers lesquelles certains rechignent à se déplacer ?

Mme Valérie Corre. J’aimerais revenir sur le logement étudiant et l’accueil des nouveaux étudiants en résidence universitaire. Pour les faire réussir, nous devons mieux les accompagner dans leur nouvelle vie et leur autonomie. Le risque de décrochage est en effet important, surtout en première année, pour nombre d’étudiants qui quittent tout juste leur famille et ne sont pas habitués à ce nouvel environnement. Un accompagnement individualisé à visée sociale et pédagogique permettrait de repérer et de soutenir les étudiants en difficulté, ainsi que de contribuer à leur intégration, afin de limiter les sorties de cursus prématurées.

À l’initiative du CROUS, le tutorat en résidence universitaire a été mis en place à titre expérimental, pendant trois ans, sur le campus d’Orléans. Un étudiant de niveau L3 minimum perçoit une rémunération en échange d’un travail de tutorat et d’accompagnement de nouveaux étudiants logés comme lui en résidence universitaire. Ce dispositif, qui fonctionne très bien, pourrait être généralisé à l’échelle nationale. Il permet de mener de front le combat pour la réussite en premier cycle, le combat pour l’amélioration de la condition étudiante et celui pour une certaine idée de la solidarité entre étudiants. Donnerez-vous au CNOUS les moyens d’encourager le développement de ce type de dispositifs ?

M. Jean-Marie Sermier. Grand centre universitaire français, le PRES Bourgogne Franche-Comté s’affirme comme le levier essentiel sur son territoire, avec un partenariat international fort, notamment avec la Suisse. Grâce à la loi relative aux libertés et responsabilités des universités, dite loi LRU, c’est une structure moderne, ouverte aux universités, aux établissements d’enseignement supérieur, au monde économique et aux collectivités locales, qui collabore activement avec les pôles de compétitivité présents sur nos deux régions, en particulier le pôle Vitagora, spécialisé dans l’agro-alimentaire. Les Assises de l’enseignement supérieur, lancées en juillet 2012, ont été organisées sur notre territoire conjointement entre les deux régions, ce qui constitue à ma connaissance un cas unique en France. Au cours de ces Assises a été affirmée la volonté de créer une structure unique, capable de gérer l’ensemble des établissements de Bourgogne et de Franche-Comté. Comment comptez-vous accompagner cette démarche, qui serait expérimentale mais pleine d’avenir ?

M. Mathieu Hanotin. Ce budget marque un tournant dans notre approche de l’enseignement supérieur. Il fait, me semble t-il, preuve de davantage d’honnêteté, notamment sur la mission « Vie étudiante », qui voit ses crédits augmenter à la hauteur des besoins. On évitera ainsi le traditionnel transfert comptable des bourses de décembre à janvier. L’inscription effective du dixième mois de bourse dans le budget est une bonne nouvelle pour les étudiants.

Je me félicite également de l’augmentation de près de 7,5 % des crédits de la mission « Vie étudiante ». Les conditions d’accueil et de logement sont déterminantes pour réussir le passage du lycée à l’enseignement supérieur.

Ma première question porte sur la réussite en licence. Pouvez-vous préciser le calendrier de votre réflexion sur les aides éventuelles en faveur des étudiants salariés ? Je rappelle qu’au-delà de huit heures hebdomadaires de travail salarié, le taux d’échec des étudiants double. En outre, il faut penser aux emplois qui pourraient ainsi être libérés au bénéfice de chômeurs.

Par ailleurs, envisagez-vous des mesures spécifiques pour améliorer l’orientation entre la terminale et le début des études universitaires ?

M. Gérald Darmanin. J’aimerais connaître votre position sur la gestion des instituts d’études politiques (IEP). Je pense en particulier à Sciences-Po Paris, dont la gestion a fait l’objet de critiques de la part de la Cour des comptes. L’école vous prend d’ailleurs de vitesse : si l’on en croit la presse, elle devrait annoncer le nom de son nouveau directeur avant le rapport définitif de la Cour, que le Gouvernement lui avait pourtant demandé d’attendre.

Mme Annie Genevard. L’Université souffre de son image et n’est pas perçue comme un lieu de qualité, avez-vous dit. Étant moi-même de formation universitaire, je me désole de cette situation. Je dois cependant dire que le discours des professionnels de l’orientation ne nous aide pas toujours : beaucoup d’entre eux détournent les jeunes de l’université en leur conseillant des filières plus courtes, plus efficaces ou mieux encadrées.

Je me réjouis des propos que vous avez tenus sur l’alternance. Vous avez notamment rappelé que 680 000 offres d’emplois ne sont pas satisfaites dans notre pays, ce qui est une réalité insupportable à l’heure où tant de personnes sont en recherche d’emploi.

Élue d’une région qui compte de nombreuses entreprises de petite taille dédiées à la micro-technique, je voudrais dire combien nous sommes heureux de travailler au sein d’un pôle de compétitivité. Même si ceux-ci n’ont pas encore produit tous leurs fruits, c’est une démarche très intéressante. Je voudrais néanmoins vous interroger sur la difficulté des PME-PMI à solliciter la recherche.

Vous avez évoqué la « death valley » pour dire que beaucoup de projets de recherche ne trouvaient pas d’application. Inversement, nombre de PME-PMI qui auraient besoin de l’aide de la recherche sont étrangères à cette culture, surtout dans les domaines où elle n’est pas habituelle. Je pense par exemple à l’agriculture. Le campagnol fait de terribles dégâts sur le volume des récoltes dans une bonne partie du territoire. On sait que les traitements chimiques et mécaniques ne suffisent pas, et que la recherche est à même de fournir des pistes ; or elle n’est pas ou peu sollicitée. Comment améliorer le lien entre les PME-PMI et la recherche et booster le transfert de recherche ?

M. Olivier Faure. Vous avez été l’élue d’un territoire que je connais bien, qui doit sa réussite à l’alliance entre enseignement supérieur, recherche et monde industriel, clé du succès grenoblois. Je suis pour ma part l’élu d’une ville nouvelle, dont l’absence de structures en nombre suffisant pénalise le développement et fragilise les étudiants. Le taux d’abandon post-baccalauréat y est l’un des plus élevés de France : plus de 40 % des lycéens ne poursuivent pas dans l’enseignement supérieur, pour des raisons qui tiennent principalement aux transports, au logement, voire à la nécessité de travailler pour financer leurs études. La stratégie que vous mettez en œuvre en faveur de la réussite étudiante passera t-elle aussi par l’implantation de structures dans des zones délaissées ?

M. Christophe Castaner. Pour atteindre les objectifs du mix énergétique fixés par le Président de la République, nous devons prendre en compte à la fois la modernisation et la recherche et le développement sur la stratégie nucléaire. Jean-Paul Chanteguet a évoqué le projet ITER, qui fait cette année l’objet d’une contribution supplémentaire de l’État dans le respect des accords internationaux qui nous lient. Il semble que la Commission européenne souhaite renvoyer dès l’année prochaine aux États membres la charge du financement d’ITER. De vraies inquiétudes subsistent donc.

J’en viens à la place du nucléaire et au budget du CEA. La direction de l’énergie nucléaire risque de voir son budget diminuer fortement dans le cadre des arbitrages internes au CEA. Le volet R&D pourrait ainsi être menacé. Deux sujets nous préoccupent tout particulièrement. La mise en œuvre du réacteur de quatrième génération Astrid prendrait deux ou trois années de retard, alors que l’Inde, la Chine et la Russie se révèlent assez performants. Nous attendions la mise en œuvre opérationnelle du réacteur de recherche Jules Horowitz – inscrit dans les investissements d’avenir et enjeu majeur pour l’industrie électro-nucléaire et la médecine nucléaire – pour 2016 ; plusieurs années de retard seraient là aussi annoncées. Comment atteindre nos objectifs en termes d’évolution de la part du nucléaire sans diminuer la R&D sur cette énergie qui reste nécessaire ?

M. Yves Censi. Le financement des établissements d’enseignement supérieur privé associatif a mobilisé un certain nombre d’entre nous sous les précédentes législatures. Nous avons abouti, le 19 juillet 2010, à la signature d’un protocole de contractualisation entre ces établissements et l’État. Il n’existe certes pas d’encadrement législatif au même titre que pour l’enseignement scolaire, avec la loi Debré, ou agricole, avec la loi Rocard, mais ce protocole engage les établissements concernés dans une démarche dite de progrès, à l’instar des établissements d’enseignement public, en matière d’enseignement et de recherche. L’accroissement des performances de ces types d’établissements sera évalué par l’AERES, comme cela est pratiqué dans les établissements publics. En face de cet engagement, l’État doit mettre en place des ressources supplémentaires : le protocole prévoit que « la contractualisation tendra (…) à rapprocher l’évolution des moyens par étudiant pour les établissements représentés par les fédérations signataires de celles dont bénéficient l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur public. » Nous ne trouvons hélas pas trace de cette dynamique dans le budget. Pouvez-vous nous apporter quelques informations à ce sujet ?

M. Pierre Léautey. Nous savons combien il est important pour les étudiants de pouvoir étudier à l’étranger. Les résultats sont en général satisfaisants, et favorisent l’insertion professionnelle des étudiants concernés. Votre ministère souhaite favoriser la mobilité des étudiants. Quel sera l’avenir du programme européen Erasmus, notamment dans le cadre des prochaines programmations budgétaires ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche souhaite que d’autres CPER succèdent à ceux en cours. Cela s’inscrirait d’ailleurs dans la logique de l’acte III de la décentralisation, qui donne davantage de compétences aux régions. Nous avons formalisé notre demande, qui est partagée par le ministre délégué aux transports. Cela fera partie des arbitrages à rendre dans les mois à venir.

Nous sommes en train de revoir avec l’ensemble des acteurs concernés la gouvernance du Muséum d’histoire naturelle, qui a connu quelques turbulences. C’est dans ce cadre que nous examinons l’ensemble des projets en cours, notamment la réouverture du Musée de l’homme – nous réfléchissons actuellement à ses modalités et à son calendrier. Donnons-nous le temps de la réflexion, en assurant tout de même une certaine stabilité par la prolongation de quelques mandats. Croyez bien que ce sujet nous tient à cœur, monsieur Bloche. Nous partageons d’ailleurs cette préoccupation avec Delphine Batho, puisque le Muséum d’histoire naturelle est placé sous la double tutelle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et de celui de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. La réflexion s’accélère ; elle devrait donc trouver une conclusion assez rapidement.

J’en viens à l’ADEME et au programme nucléaire. Il est vrai que les crédits dévolus à l’ADEME ont diminué, mais cette baisse pourra être compensée, puisqu’une partie des ressources de l’ADEME provient de la TGAP. Par ailleurs, de grands programmes ont été lancés dans le cadre des investissements d’avenir. Globalement, l’ADEME conserve donc ses moyens. Elle doit trouver sa place dans l’alliance AllEnvi – peut-être est-elle restée un peu à l’écart jusqu’à présent. Je m’en suis entretenue avec François Loos. L’engagement nouveau de l’ADEME au sein de l’alliance AllEnvi devrait lui redonner toute sa place et sa force de conviction. Nous ne ménageons donc pas notre soutien à l’ADEME, qui porte des thématiques qui nous tiennent particulièrement à cœur, cher monsieur Chanteguet.

Le budget du CEA est en hausse. Cela est dû en grande partie à l’augmentation des crédits du projet ITER, qui sont intégrés à ce budget. Le Gouvernement a fait le choix responsable de couvrir les charges inéluctables que sont les fonds dédiés – 60 millions d’euros –, l’étude de sûreté suite à l’accident de Fukushima – le Conseil énergie nucléaire auquel j’ai participé la semaine a confirmé cette étude pour 10 millions d’euros –, et enfin le budget ITER. Vous savez que ce dernier est financé par 17 pays. La France n’est qu’un partenaire, même si elle fait partie des plus importants, aux côtés du Japon et des États-Unis. La préoccupation de l’ensemble des partenaires du projet est d’éviter une multiplication par deux de son budget, comme cela a pratiquement été le cas depuis son lancement. Toutefois, on ne peut préjuger de rien dans les grands programmes de recherche, où le budget initial se voit souvent dépassé. Une recherche de très long terme rend les prédictions financières difficiles. La recherche en ce domaine est aussi un pari mais, parce qu’elle aura des retombées pour la société civile et des applications industrielles, ce ne sera pas, quoiqu’il advienne, « tout ou rien ». M. John Holdren, conseiller spécial du Président Obama pour la science et la technologie, m’a dit souhaiter que les coûts du projet soient maîtrisés ; tous les États parties au programme y travaillent mais, dans l’intervalle, la France se doit de respecter les engagements qu’elle a pris. En inscrivant au budget, à cet effet, 30 millions d’euros qui ne l’avaient pas été par nos prédécesseurs, nous assumons nos responsabilités.

De même, nos engagements relatifs au réacteur de recherche Jules Horowitz sont financés ; ils seront donc honorés. La recherche relative au prototype de réacteur de 4ème génération ASTRID bénéficie en outre d’un financement extrabudgétaire dans le cadre du Grand emprunt national. Mais, vous le savez, le Gouvernement s’est engagé dans une politique de transition énergétique – qui n’est pas, amis écologistes, une politique de sortie du nucléaire – et cette politique doit aussi se traduire en termes budgétaires pour la recherche. C’est pourquoi il a été demandé un lissage, sur un an ou deux, des crédits budgétaires alloué au programme ASTRID. Ce lissage, qui n’empêchera pas ce programme de très longue durée de venir à bonne fin, n’est pas un renoncement : j’ai évoqué la question avec tous les acteurs impliqués dans ce dossier, notamment avec le président d’Areva, M. Luc Oursel, et il résulte de mes entretiens que ce lissage ne mettra aucunement le projet en péril.

Péril il pourrait y avoir, en revanche, si le CEA devait mener en parallèle de si nombreux projets qu’il serait en quelque sorte dépassé par sa tâche. L’ampleur du projet ITER est considérable ; il faut en maîtriser les coûts tout en maintenant la qualité des recherches menées ; l’administrateur général du CEA, représentant de la France au sein du consortium, en a toute la compétence. Il saura, de même, lisser comme il convient les phases du projet ASTRID en fonction des crédits alloués. Cela ne se fera pas, monsieur Lambert, au détriment des la recherche menée au sein de la direction de la recherche technologique, notamment du Laboratoire d’innovation pour les technologies des énergies nouvelles et les nanomatériaux, le Liten.

Nous avons repris une habitude abandonnée, celle des lettres de cadrage – rien que de normal puisqu’il s’agit d’établissements qui utilisent des fonds publics – et nous avons en particulier demandé au CEA d’intensifier la recherche fondamentale en sciences de la matière et en sciences du vivant, ainsi que la recherche technologique, au plus près de l’emploi. J’appelle votre attention, à ce sujet, sur le nouveau bâtiment des industries intégratives expressément construit par le CEA à Grenoble pour favoriser la rencontre entre la recherche et les industries – de la santé, des transports, de l’éducation, de la culture... La mise en valeur des technologies proposées, par grands domaines d’usage, a un impact puissant sur les représentants des PME-PMI qui visitent cet espace. Parce qu’il en a été convaincu, le Premier ministre a décidé que ce concept serait progressivement étendu à d’autres sites si l’évaluation se révèle positive.

En conclusion, le budget du CEA n’est ni pénalisé ni privilégié mais réorienté pour tenir compte de la politique de transition énergétique engagée. Le dialogue se poursuivra pour déterminer si cette réorientation devra se poursuivre au cours des années suivantes.

M. Jean-Yves Le Déaut aimerait connaître la liste des entreprises principales bénéficiaires du crédit d’impôt recherche. Le respect du secret fiscal ne permet pas d’établir une telle liste, mais il est facile à qui a lu la presse de se faire une idée : les dix premières sociétés bénéficiaires de la disposition sont vraisemblablement celles qui se sont prononcées avec la plus grande vigueur en faveur de son maintien ! Elles appartiennent à des secteurs divers : la santé, l’automobile, la microélectronique, l’énergie...

Il convient en effet de renforcer la culture scientifique et technique en France. Le sujet est d’une importance primordiale : pour revitaliser le tissu économique français, il faut accroître l’appétence des jeunes pour les études scientifiques – sciences humaines et sociales comprises – et pour cela montrer la science sous son meilleur jour. Les émissions scientifiques actuellement diffusées dans notre pays sont de grande qualité, mais il faut faire davantage, autant et aussi bien que ce qui est fait au Royaume-Uni, pays qui se distingue par des documentaires et des émissions d’information scientifique remarquables. Il nous revient de diffuser plus largement l’action de la Fondation La main à la pâte lancée par l’Académie des sciences dans le prolongement de l’initiative de Georges Charpak, Prix Nobel de physique. Notre soutien à universcience ne doit pas se démentir, et les régions doivent s’approprier plus encore la culture scientifique et technique. Le Président de la République a d’ailleurs proposé cette compétence aux régions, de manière que les débats relatifs aux analyses avantages/risques se fassent de manière nuancée, au plus près des citoyens et des établissements d’enseignement, sans sensationnalisme et dans une sérénité retrouvée.

Je me suis attelée à la tâche de longue haleine qu’est la revalorisation des doctorats. Je souhaite intégrer les titulaires de ces diplômes aux directions des administrations de l’État, ce qui suppose de négocier avec chacune. J’entends y parvenir car je vois là un gage de transversalité et de diversification en douceur des opinions ; trop souvent, les grands corps de l'État sont spécialisés dans un domaine, ce qui ne favorise pas toujours la créativité. Et, ce faisant, l'État donnera l’exemple car, à l’inverse de ce qui vaut ailleurs, les entreprises françaises n’offrent pas aux docteurs la place qu’ils devraient avoir. Les qualités qu’ils ont acquises au cours de ces années d’étude – motivation, autonomie –, mésestimées, sont pourtant indispensables à la compétitivité des entreprises. Cette ignorance s’explique notamment par la méconnaissance qu’ont les entreprises de l’offre universitaire. Les liens seront donc renforcés entre l’Université et les PME-PMI pour éviter que les entreprises françaises ne se privent indûment des services de docteurs qui leur seraient d’une grande utilité. Les moyens complémentaires données à la recherche nous permettront dans le même temps de proposer à nos docteurs une insertion professionnelle pérenne qui contribuera à réduire la précarité qui les frappe en bien trop grand nombre, au terme de onze années de difficiles études.

Les Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche – de 200 à 400 personnes étaient présentes à chaque session, sur plus d’une trentaine de sites – ont déjà permis de recueillir plus de mille contributions. Cela traduit l’intensité du besoin de dialogue. M. Jean-Yves le Déaut, dans le cadre de la mission que lui a confiée le Premier ministre, nous est d’une grande aide. Trois thèmes de discussion ont été retenus : la réussite de tous les étudiants ; la révision de la gouvernance des établissements et des politiques de sites ; l’organisation de la recherche en France, ses liens avec la recherche en Europe et son rayonnement international.

À ce sujet, nous devons en effet améliorer notre visibilité bibliographique ; certains sites l’ont déjà fait en utilisant une signature unique pour l’ensemble de leurs communications et j’encourage chaque établissement à procéder de la sorte. Le classement de Shanghai, outre qu’il privilégie des critères anglo-saxons, est fondé sur la consultation des moteurs de recherche. Le fait que l’attribution du Prix Nobel de médecine à Jules Hoffmann n’ait pas figuré, à l’époque de l’élaboration du classement, sur le site de l’Institut Karolinska, a défavorisé l’Université de Strasbourg ; de même, le fait que Cédric Villani, récipiendaire de la médaille Fields, ait été mal identifié, a défavorisé et son université parisienne et l’École normale supérieure de Lyon. Des rectifications ont été demandées. Au-delà, nous devons mettre au point une classification européenne valorisant la qualité de notre recherche, dont nous avons tout lieu d’être fiers. C’est l’objectif d’U-Multirank, classification européenne mise au point à l’initiative de l’Allemagne, qui tient compte des spécificités des universités européennes ; nous nous y associerons.

S’agissant du programme IDEX, je l’ai dit, un rééquilibrage, nécessaire, aura lieu, car certaines régions ont été oubliées, dont la région lilloise – c’est la raison pour laquelle nous avons débloqué la création, à Valenciennes, de l’Institut de recherche technologique Railenium, consacré au ferroviaire, jusqu’à présent entravée pour des raisons bureaucratiques. Il ne s’agit ni de procéder à un saupoudrage de moyens ni de faire droit à un lobbying territorial mais de récompenser les régions pour leurs efforts en faveur de l’intérêt général.

À monsieur Tardy, qui m’a interrogée sur la question complexe de la diffusion de l’information scientifique et technique, je ferai une réponse écrite circonstanciée. Je puis vous dire brièvement que le sujet ne fait pas consensus au niveau européen pour l’instant.

Je considère, messieurs Marc et Censi, qu’il n’y a pas d’un côté de « petites » universités dans de « petits » territoires et, de l’autre, des universités « prestigieuses », mais seulement des universités de qualité. Les filières professionnelles doivent être des filières d’excellence, et des passerelles doivent permettre à ceux qui en ont la volonté et les capacités de prolonger leurs études jusqu’au doctorat. Si notre pays se désindustrialise, c’est aussi parce que les enseignements professionnel et technologique n’ont pas été suffisamment valorisés. Dans ce contexte, monsieur Charasse, orienter davantage de bacheliers technologiques vers les IUT ne tend pas à dévaloriser ces établissements mais, au contraire, à valoriser l’enseignement technologique, en permettant aux jeunes gens de poursuivre leurs études au plus près de leurs familles, sans qu’elles soient contraintes d’engager des frais trop importants.

J’admire les modalités du regroupement de l’Université de Bourgogne et de l’Université de Franche-Comté et le travail en réseau qui les lie. Les projets de recherche, que m’a présentés le président de l’Université de Bourgogne, traitent de l’automobile, de mécanique de précision, de microtechnique… Je me félicite également que ce travail ait des ramifications en Lorraine mais aussi en Allemagne et en Suisse. Je souhaite une même démarche d’excellence et un même engagement dans tous les sites français, la démarche exemplaire accomplie consistant aussi à décliner l’offre par grands domaines, ce qui en renforce immédiatement la lisibilité et pour les familles et pour les employeurs.

Comme je vous l’ai indiqué, 20 millions d’euros supplémentaires seront consacrés à la création de logements pour étudiants, et nous accompagnons les efforts du CNOUS visant à mieux accueillir les étudiants. La politique à l’égard des universités est celle du « donnant-donnant » : il y aura abondement et rééquilibrage des ressources en faveur des universités les moins bien dotées et une aide à la réussite dans le premier cycle, mais, en contrepartie, les étudiants devront bénéficier d’un accompagnement plus personnalisé. Et si nous souhaitons promouvoir l’université numérique pour remplacer les cours magistraux en amphithéâtre par des cours en ligne, c’est pour faire porter l’effort sur les travaux dirigés, les exercices en laboratoire et, je le redis, l’accompagnement personnalisé.

Je reviens un instant sur les IUT pour dire toute la confiance que nous avons en ces établissements, auxquels la loi relative aux libertés et responsabilités des universités n’a pas donné la place qu’ils méritaient. Les IUT sont pourtant, je l’ai dit, un maillon essentiel de la revitalisation de notre tissu industriel. Nous avons appelé l’attention du comité de pilotage des Assises sur la nécessité de passerelles entre enseignement professionnel et université : les IUT font partie de notre système universitaire, ils doivent être respectés en tant que tels.

Sans doute pourrions-nous consacrer une séance complète à l’IEP de Paris… L’ensemble des IEP occupent une place importante dans notre système éducatif et leur renommée internationale est très grande. Imaginez ma surprise lorsque, m’entretenant au Japon avec le président de Toshiba, celui-ci m’a demandé quand serait nommé le prochain directeur de Sciences Po Paris – c’est que son fils y est inscrit en mastère ! Au cours des dernières années, le rayonnement international de l’IEP de Paris a été développé de manière magistrale et d’excellentes choses ont été faites : l’effectif a doublé, la réputation de l’école n’a fait que croître et les activités de recherche se sont amplifiées. Mais à côté de ces zones de lumière, il y a des zones d’ombre dont la Cour des comptes a fait état, et sans doute faudrait-il resserrer les liens entre Sciences Po Paris et les IEP de province.

Je ne fais pas de la question une affaire personnelle – le Gouvernement n’a pas de candidat caché à la direction de l’Institut –, mais il me paraissait préférable que la procédure de nomination du nouveau directeur soit suspendue jusqu’à la publication par la Cour des comptes de son rapport définitif, fin novembre. Il semble qu’en toute autonomie, le président de la Fondation nationale des sciences politiques et le conseil de direction de l'IEP aient fait un autre choix. J’en prends acte mais, quoi qu’il en soit, le décret de nomination ne sera pas publié avant que la Cour des comptes ait rendu son rapport définitif. Peut-être y a-t-il un risque à anticiper de la sorte cette nomination, mais je ne doute pas que ceux qui le prennent sauront les assumer. Ce qui m’importe, c’est que l’IEP de Paris préserve son excellente réputation, que la traçabilité des 62 millions d’euros de fonds publics qui lui sont alloués chaque année soit entière et que, à cette fin, les liens se resserrent entre Sciences Po Paris et le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Dans son relevé d’observations provisoires, la Cour des comptes a souligné à ce sujet, un dysfonctionnement. Le président de la Fondation nationale des sciences politiques et celui du conseil de direction de l’IEP sont d’accord sur la nécessité d’un dialogue resserré à ce propos entre le ministère et l’établissement. Les points de vue se rapprochent donc, et il est temps, dans l’intérêt même de Sciences Po Paris et des IEP régionaux, que l’on retrouve une atmosphère pacifiée, loin des feux de l’actualité. C’est ce à quoi nous travaillons, pour le bien d’un établissement qui suscite un égal intérêt dans les medias – car beaucoup de journalistes y ont été formés –, au sein du monde politique et à la présidence de Toshiba…

S’agissant enfin de l’enseignement supérieur associatif, que nous respectons au même titre que l’enseignement supérieur public, la diminution de 4 millions d’euros qui apparaît dans le budget n’a rien d’idéologique : il s’agit de rétablir la sincérité des comptes altérée par une manipulation budgétaire de mes prédécesseurs. Au demeurant, la faiblesse de cette diminution, qui participe des efforts demandés à tous, montre l’absence de tout dogmatisme.

M. Jean-Yves Le Déaut. J’apprécie les propos de Mme la ministre au sujet de Sciences Po Paris, mais, s’agissant de la nomination du nouveau directeur, on assiste à un passage en force. J’observe par ailleurs que l’Assemblée nationale a à connaître de toutes les nominations à la tête des conseils d’administration d’établissements publics qui reçoivent des fonds publics, excepté dans ce cas. Il n’y aura donc ni vote par les pairs, ni vote sur les candidatures au Parlement. Je partage l’opinion exprimée par mon collègue : cette situation est anormale.

Mme Valérie Rabault, présidente. Nous en avons terminé avec l’examen de ce budget par la commission élargie.

La réunion de la commission élargie s’achève à treize heures.

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