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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Troisième séance du samedi 6 avril 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Christophe Sirugue

1. Sécurisation de l’emploi

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion des articles (suite)

Article 10

M. André Chassaigne

M. Jean-Jacques Candelier

M. Gérard Sebaoun

M. Christophe Cavard

M. Arnaud Richard

M. Jean-Patrick Gille

Amendements nos 2297, 2306

M. Jean-Marc Germain, rapporteur de la commission des affaires sociales

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Amendements nos 1009, 1014, 1018, 1897, 4772, 4777, 4781, 1448, 1898, 4345, 5204, 5614, 4327, 2479 rectifié, 1040, 1039, 1030, 4658, 5227, 1899, 1900, 5238, 1025, 1901, 5078, 2644, 1060, 1101, 4647 rectifié, 3661, 5616, 5618 (sous-amendement)

Rappels au règlement

M. Christophe Cavard

M. le président

M. Arnaud Richard

Suspension et reprise de la séance

Article 10 (suite)

Amendements nos 5619 (sous-amendement), 5172, 5436, 1433, 1913 rectifié

Article 11

M. Jean-Jacques Candelier

M. François Asensi

M. Jean-Patrick Gille

Amendements nos 2330, 2230, 2265, 2323, 2471, 5066

Avant l’article 12

Amendement no 4102

Article 12

M. François Asensi

M. Jean-Jacques Candelier

M. Jérôme Guedj

M. Christophe Cavard

Amendements nos 2367, 1914, 2348, 4381, 1925, 5412, 1449 rectifié, 977, 1161, 1163, 2543, 2511, 4382, 2373

Suspension et reprise de la séance

Article 12 (suite)

Amendements nos 5405, 4523 rectifié, 5283 rectifié, 5367, 5425, 2464, 1450, 2480, 2399, 2424, 2439, 2783, 2391, 5528, 5406, 5311 rectifié, 1936, 2493, 5284, 3926, 1447, 1181 rectifié, 2571, 4501, 2591, 5348, 2614, 5508, 4114, 4357, 2647, 5460, 4380, 2531, 4535, 4537, 4544, 5329, 2777, 2666, 5498, 4587, 4796, 4795, 3967, 2681, 4627, 2705, 2719, 2726, 4444 rectifié

Suspension et reprise de la séance

Avant l’article 13

Amendements nos 2347, 4170 rectifié

Article 13

M. François Asensi

M. André Chassaigne

M. Jérôme Guedj

Amendements nos 2409, 2418, 2936, 2945

Rappel au règlement

M. Gérard Cherpion

Article 13 (suite)

Suspension et reprise de la séance

Article 13 (suite)

Amendements nos 2438, 4192 rectifié, 2749, 2793, 1451, 2835, 2192, 4850, 2852, 1203, 1204, 1233, 978, 1236, 5416 deuxième rectification, 5621, 1417, 2905, 2946, 2975

M. Michel Sapin, ministre

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Christophe Sirugue
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Sécurisation de l’emploi

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi (nos 774, 847 et 839).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 10.

Article 10

M. le président. Sur l’article 10, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, monsieur le rapporteur de la commission des affaires sociales, cet article est l’un des plus graves du présent projet de loi. En effet, fidèle à l’accord du 11 janvier, il met en cause la hiérarchie des sources de droit. Cette hiérarchie est simple : les lois priment sur les ANI, qui priment sur les accords de branche, qui eux-mêmes priment sur les accords d’entreprise. L’ordre public social se diffuse donc de haut en bas, avec le principe de faveur : le meilleur texte s’applique au salarié.

Cette hiérarchie avait subi une première entaille avec la loi Fillon du 4 mai 2004. Un accord d’entreprise peut, en effet, déroger à un accord de branche qui peut déroger à un accord interprofessionnel, qui peut lui-même déroger à une loi, si celle-ci le prévoit. Cette inversion de la hiérarchie est donc défavorable au salarié, mais celui-ci peut encore invoquer son contrat de travail pour refuser les dispositions défavorables. L’employeur peut alors le licencier pour motif économique, en respectant ses droits. Désormais, le salarié ne pourra plus invoquer son contrat pour refuser une mutation. Je cite l’article 10 : « Les clauses du contrat de travail contraires à l’accord sont suspendues ». Le seul droit qui restera au salarié en cas d’adoption d’un accord sera de se démettre, c’est-à-dire d’être licencié. L’ordre public social se trouve donc bouleversé, pour le plus grand bénéfice des employeurs. Ce bouleversement n’a, évidemment, qu’un seul but : rendre les licenciements plus aisés et moins facilement contestables.

C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. L’article 10, qui porte sur la mobilité interne, est une véritable conquête pour le patronat.

Rappelons, tout d’abord, que les accords de mobilité existent déjà. Mais il s’agit, ici, d’en faire un moyen d’imposer la mobilité et de licencier à l’abri des regards. Cet article impose en effet, dans les entreprises d’au moins 300 salariés, une négociation triennale sur la mobilité interne, professionnelle ou géographique et de permettre ainsi à l’employeur, sur la base de cet accord collectif, de muter tel ou tel salarié sur tel ou tel poste ou dans telle ou telle région avec, pour seule limite, l’obligation de respecter son niveau de rémunération et sa classification professionnelle. Le salarié malléable et corvéable à merci, quel rêve pour le MEDEF ! Time to move, comme on dit à France Télécom ! On connaît les ravages psychologiques et les risques de telles pratiques.

Cette mobilité peut donc entraîner une modification du contrat de travail, notamment lorsqu’elle porte sur la nature des fonctions ou le lieu de travail en cas de changement de secteur géographique. Actuellement, une telle modification ne peut pas intervenir sans le consentement du salarié. En cas de refus de ce dernier, le licenciement qui s’ensuit est considéré comme économique, ce qui oblige l’employeur à justifier devant le juge le motif économique de la modification et, si plusieurs salariés refusent, d’élaborer un PSE et d’engager le débat avec les élus du personnel.

Avec cet article, le licenciement d’un salarié ayant refusé la mobilité sera soumis au droit de licenciement pour motif économique individuel.

En outre, à la différence des accords de maintien de l’emploi, ce type d’accord collectif n’a pas à être majoritaire. La signature de syndicats représentant au moins 30 % des salariés suffit, en l’absence d’opposition. J’ajoute qu’à la différence, là encore, des accords de maintien de l’emploi, ces accords de mobilité ne concernent pas les entreprises en difficulté économique.

L’article 10 est l’un des plus graves du texte. Il constitue, avec la rupture conventionnelle et les plans de départ volontaire, l’un des moyens permettant de contourner la procédure de licenciement collectif pour motif économique.

Chers collègues, je tenais à rappeler cet état de fait avant la présentation de nos nombreux amendements.

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. L’article 10, tel qu’il est aujourd’hui construit, est une espèce de pièce d’horlogerie : il ne faut pas y toucher, car l’équilibre est atteint. Si la mobilité peut être une chance pour un salarié, elle peut être aussi totalement dévastatrice. En tout état de cause, elle ne doit pas être diabolisée. L’idée de travailler en amont, à l’échelon de la GPEC, pendant trois ans, pour permettre aux salariés d’avoir une perspective dans l’entreprise est, à mon avis, excellente. Quand on étudie la mobilité telle qu’elle se pratique actuellement dans les entreprises, on constate, et toutes les études le montrent, des différences considérables entre les entreprises de province et celles de la région parisienne, en matière de temps de transport domicile-travail notamment. Nous devons les prendre en compte. C’est pourquoi il convient de ne pas inscrire dans le texte, comme le proposent certains amendements qui n’ont pas été retenus par la commission, une limite en termes de distance ou de temps de trajet.

Il est préférable, ainsi que le prévoit le texte tel qu’il résulte des travaux de la commission, de parler de mesures visant à concilier la vie professionnelle et la vie familiale et personnelle des salariés concernés. Ainsi le texte est, comme je le disais au début de propos, une pièce d’horlogerie qu’il ne faut pas toucher. Je n’imagine pas que des amendements puissent modifier, si ce n’est à la marge, cet article 10 qui, ainsi rédigé, pourrait nous permettre d’avancer très significativement sur le principe de mobilité.

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. L’article 10 présente effectivement un intérêt particulier, s’agissant des enjeux de la mobilité interne et de la façon de la traiter. Néanmoins, sur ce point, l’accord du 11 janvier dernier peut donner lieu à un certain nombre d’interprétations. Dès lors, contrairement à ce que vient de dire mon collègue du groupe SRC, nous allons devoir, tout en respectant l’esprit de l’accord, améliorer, donc amender le texte.

Les amendements doivent porter, tout d’abord, sur le cadre de la mobilité elle-même. Il ne faut pas que celle-ci puisse mettre en péril l’équilibre du salarié dans sa vie personnelle et sociale ou sa situation financière pour la personne concernée.

Ensuite, nous devons nous pencher sur les conséquences du refus de la mobilité. Il nous faudra ainsi débattre de la notion particulière de licenciement économique individuel. D’autres personnes, à l’extérieur, ont déjà lancé ce débat et ont mis en avant l’interprétation du droit et, notamment, du droit européen.

Je terminerai mon propos en disant que nous voterons cet article 10 si lui sont apportées des améliorations qui, tout en restant fidèles à l’esprit de l’accord, évitent les mauvaises interprétations.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Comme vient de le préciser mon collègue, l’article 10 reprend l’article 15 de l’ANI et vise à faire de la mobilité interne dans l’entreprise un instrument négocié et articulé avec la GPEC pour mettre en place des mesures collectives d’organisation du travail et d’évaluation des salariés en dehors de tout projet de licenciement.

Nous proposerons, pour notre part, des amendements qui visent à transcrire fidèlement l’accord du 11 janvier dernier.

En effet, le texte ne retient pas la rédaction à laquelle ont abouti les partenaires sociaux dans l’ANI. Il prévoit, en cas de refus de la mobilité interne, un licenciement pour motif économique. On nous a expliqué que cette modification avait été apportée dans un souci de conformité avec une directive de l’OIT. Cependant, la rédaction initiale de l’ANI ne constitue pas, à notre sens, une infraction au code du travail et au droit international. Il n’existe donc aucune raison valable de dénaturer l’accord signé par les partenaires sociaux sur ce point. Nous aurons l’occasion d’en débattre lorsque notre amendement n° 5401 sera examiné, amendement dont nous espérons qu’il sera voté par cette assemblée.

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Mon intervention sera très brève : je me limiterai à poser une question.

À l’article 9, nous avons revisité la GPEC. Il s’agit, ici, de prévoir une négociation triennale, comme pour la GPEC. J’ai relu plusieurs fois le texte et l’exposé des motifs du projet de loi. Il y est précisé que l’article 10 vise à faire de la mobilité interne dans l’entreprise un instrument articulé avec la GPEC. Pourrait-on nous apporter quelques précisions sur la manière dont est conçue cette articulation ?

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements tendant à supprimer l’article 10.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 2297.

Mme Jacqueline Fraysse. L’article 10, tel qu’il est écrit, nous préoccupe beaucoup et nous en demandons la suppression.

Les accords de mobilité existent déjà dans notre droit. Il s’agit, ici, d’en faire un moyen d’imposer la mobilité et de licencier à l’abri des regards. Par cet article, on impose en effet, dans les entreprises d’au moins 300 salariés, une négociation triennale sur la mobilité interne, professionnelle ou géographique. Ainsi l’employeur pourra, sur la base de l’accord collectif résultant de cette négociation, muter tel ou tel salarié sur tel ou tel poste ou dans telle ou telle région avec, pour seule limite, l’obligation de respecter son niveau de rémunération et sa classification professionnelle.

Cette mobilité peut donc entraîner une modification du contrat de travail, notamment lorsqu’elle porte sur la nature des fonctions ou le lieu de travail en cas de changement de secteur géographique.

Actuellement, une telle modification ne peut intervenir sans le consentement du salarié et, en cas de refus de ce dernier, le licenciement qui s’ensuit est considéré comme économique, ce qui oblige l’employeur à justifier devant le juge le motif économique de la modification et, si plusieurs salariés refusent, à élaborer un PSE et à engager le débat avec les institutions représentatives du personnel.

Selon le nouveau dispositif, le licenciement d’un salarié ayant refusé la mobilité sera soumis au droit des licenciements pour motif économique individuel. Il s’agit d’un licenciement pré-causé, dont le contrôle se réduira à la conformité de la mobilité à l’accord, sans prise en compte du motif économique de cette mobilité.

L’article 10 consacre donc une fragilisation de la norme contractuelle. Comme le souligne parfaitement le Syndicat de la magistrature, il en résultera un éclatement du droit du travail et la naissance d’un droit d’entreprise hétérogène, dont le contenu dépendra pour une large part du niveau de la représentation syndicale qui fera face à l’employeur.

Pour toutes ces raisons, nous souhaitons la suppression de l’article 10.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour défendre l’amendement n° 2306.

M. André Chassaigne. Le dispositif prévu à l’article 10 est éminemment inquiétant ; nous sommes à un tournant, s’agissant du droit des salariés dans notre pays.

D’une part, sur la base d’un accord-cadre résultant d’une négociation triennale, l’employeur pourra passer outre l’absence de clause de mobilité dans les contrats de travail pour imposer aux salariés un changement d’affectation géographique ou fonctionnelle.

Le lieu d’exécution du contrat et les fonctions occupées par le salarié, qui sont dans la majorité des cas des éléments essentiels, contractualisés, pourront donc être remis en cause à tout moment, ce qui aboutit à fragiliser le contrat de travail au profit d’un accord d’entreprise. Rappelons que ce type d’accord collectif, à la différence des accords de maintien de l’emploi, n’a pas à être majoritaire. Comme le prévoit l’article L. 2232-12 du code du travail, la signature de syndicats représentant au moins 30 % des salariés suffit, en l’absence d’opposition.

D’autre part, le salarié refusant de voir modifier son contrat pourra être licencié pour motif économique individuel. Le juge n’aura pas à se prononcer sur le bien-fondé de ce licenciement individuel, présumé reposer sur un motif économique, contrairement aux dispositions de la convention n° 158 de l’OIT, dont l’article 8 prévoit qu’un travailleur « qui estime avoir fait l’objet d’une mesure de licenciement injustifiée aura le droit de recourir contre cette mesure devant un organisme impartial tel qu’un tribunal », et dont l’article 9 prévoit surtout que ces organismes impartiaux « devront être habilités à examiner les motifs invoqués pour justifier le licenciement ainsi que les autres circonstances du cas et à décider si le licenciement était justifié ».

Ce contournement du juge est d’une extrême gravité. En lui interdisant de se prononcer sur la qualification du licenciement, ce dispositif l’empêche de vérifier la validité et l’équilibre interne de l’accord sur la base duquel la mobilité est imposée.

L’article 10 constitue, avec la rupture conventionnelle et les plans de départ volontaire, l’un des moyens permettant de contourner la procédure de licenciement collectif pour motif économique. Nous en demandons donc la suppression, laquelle ferait honneur à la gauche.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Germain, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements identiques.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur de la commission des affaires sociales. Nous abordons un point important. La commission a émis un avis défavorable à ces amendements. Le débat doit avoir lieu pour enrichir le texte, qui, sur ce point, a un seul objectif, au fond : que la négociation collective évite au salarié d’être seul dans sa relation avec l’employeur, comme c’est le cas au moment de l’embauche. En effet, si vous cherchez un emploi depuis longtemps et que vous avez des difficultés à accéder à l’emploi, vous serez incapable, au moment de votre embauche, de refuser la clause de votre contrat dans laquelle le patron ou le DRH prévoit que la zone géographique dans laquelle vous exercerez votre activité est de 100 kilomètres autour de votre domicile.

En commission, nous avons souhaité, pour protéger les salariés, que ces négociations aient lieu à un moment où ils sont en position de force, c’est-à-dire à froid.

Je n’en dis pas plus à ce stade de nos discussions, mais vous verrez, à travers nos amendements et la lecture du texte, que l’article 10 atteint cet objectif.

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Nous aurons, bien entendu l’occasion, de préciser les éléments du débat lors de l’examen des amendements suivants. En effet, mais il ne faut pas supprimer l’article 10, sinon on en resterait à la situation actuelle, laquelle n’est certes pas bouleversée, mais améliorée par les dispositions qui vous sont proposées.

Aujourd’hui, comme l’a très bien expliqué le rapporteur, le salarié est seul, en situation de faiblesse par rapport à son employeur : soit au moment où il est embauché et où son contrat de travail est très largement écrit, soit au moment où se pose la difficulté elle-même, tout à fait à la fin, à chaud.

Nous proposons donc qu’à froid, alors que la question n’est pas posée individuellement et ne concerne pas un salarié particulier, les conditions de la mobilité dans l’entreprise soient négociées et donc encadrées au préalable, pour que chacun les connaisse à l’avance. C’est donc un élément de protection.

Votre argument, monsieur Chassaigne, consiste à dire que l’accord peut être signé par une organisation syndicale représentant 30 % de salariés, mais c’est la règle au niveau d’une entreprise ou d’une branche comme au niveau national désormais, et nous connaissons depuis longtemps les résultats des organisations syndicales au niveau national comme au niveau des branches ou des entreprises. Toutefois, et vous y avez fait très rapidement allusion, l’accord ne s’appliquera qu’en l’absence de l’opposition d’une ou plusieurs organisations syndicales représentant plus de 50 % des salariés. J’imagine que ces organisations syndicales ne laisseront pas passer un accord de mobilité profondément défavorable aux salariés.

Vous voyez bien que, par ce biais, le texte prévoit une deuxième protection.

Certains ont annoncé qu’ils défendraient des amendements visant à revenir au texte de l’ANI. S’il est un point sur lequel j’ai cru pouvoir prendre la responsabilité de modifier le texte de l’accord, c’est sur celui-ci. Le texte de l’accord prévoyait, en cas de refus par le salarié, un licenciement individuel personnel ; j’ai souhaité, après concertation, en toute transparence, avec l’ensemble des organisations signataires, que ce licenciement se fasse pour motif économique, avec les caractéristiques qui sont celles de cette procédure.

Si j’ai pris cette décision, ce n’est pas par volonté de ne pas respecter l’accord, ni – j’aurais pu – pour faire un clin d’œil aux organisations non-signataires, qui critiquaient ce point de manière précise. J’ai pris cette décision pour une raison juridique, qui est le respect, non pas de nos textes internes, mais des engagements de la France au niveau international, d’une convention de l’OIT.

J’ai en effet considéré, après que le Conseil d’État a rendu un avis extrêmement précis sur ce point, qu’il convenait de sécuriser l’accord. Si l’on avait introduit dans la loi la disposition de l’accord et que celle-ci avait été portée devant les tribunaux parce qu’elle contrevient au document cadre de l’OIT, il lui serait arrivé ce qui est arrivé à une autre disposition que, les uns ou les autres, nous aimons bien citer, le contrat nouvelles embauches, qui s’est trouvé en contradiction avec les textes internationaux. Personne ne peut souhaiter que nous nous retrouvions dans une telle situation.

M. Arnaud Richard. Nous le savions à l’époque !

M. Michel Sapin, ministre. Eh bien, moi, je ne veux pas faire comme vous ! Je veux que les mécanismes soient stables. C’est pourquoi, je l’ai dit clairement et je le revendique, pour la sécurité juridique globale du dispositif, le projet diffère du texte de l’accord. Je ne veux donc pas modifier le texte sur ce point. Je ne veux pas faire comme vous, car nous avons vu ce que cela a donné : des annulations et des contentieux dans tous les sens.

Bref, j’ai souhaité que soit appliqué, pour la mobilité, le dispositif prévu en cas de refus d’un salarié de se voir appliquer un accord collectif concernant le maintien de l’emploi.

Comme pour chaque article du texte, on peut dire qu’il améliore un peu la situation mais que l’on pourrait l’améliorer davantage ; il y a d’ailleurs des propositions qui améliorent encore le texte. Certains voudraient aller encore plus loin. C’est déjà une étape, qui apporte de la sécurité aux salariés, lesquels étaient placés jusqu’à présent dans une situation de dépendance, de faiblesse par rapport à l’employeur. Les organisations syndicales sont là pour défendre les salariés, pas pour les enfoncer. Cet accord collectif, négocié à froid, sera donc un élément de sécurité pour l’ensemble des salariés de l’entreprise.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je voulais souligner deux éléments majeurs de l’article 10, qui constituent selon moi un progrès.

Tout d’abord, nous n’avons eu de cesse dans la précédente législature de contester l’atomisation des rapports de travail voulue par le précédent gouvernement, qui tentait de les ramener à la seule confrontation entre le salarié et l’employeur, ce qui avait pour effet de placer le premier en situation de fragilité. Inscrire la mobilité, qui a été un élément extrêmement fort des discussions et notamment de contentieux, dans un processus collectif est par nature une protection du salarié.

Ensuite, la plupart du temps, lorsque le salarié refusait la mobilité, pesait sur lui la menace de la faute caractérisée engageant, aux dires de l’employeur, sa responsabilité. C’est devant les prud’hommes que le salarié devait prouver le caractère légitime de son refus de la mobilité, qui représentait une modification substantielle de son contrat de travail.

Le dispositif pose un certain nombre de conditions, qui sont d’ailleurs celles que retient la jurisprudence, notamment la nécessité de concilier vie professionnelle et vie personnelle. Ces éléments vont protéger le salarié, de sorte que l’article 10 représente, à mes yeux, un progrès. Le supprimer serait une atteinte à toute la réflexion menée sur la mobilité du salarié.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. D’abord, je voudrais saluer la souplesse du ministre. Hier, l nous a expliqué que, dans cet accord national interprofessionnel, il y avait tout et son contraire ; aujourd’hui, il nous dit que les signataires ont conclu un accord qui comporte des dispositions qui ne sont pas juridiquement tenables et qu’il a donc pris ses responsabilités – c’est tout à son honneur – en le modifiant.

Il y a deux poids, deux mesures, et le rapporteur fait montre de la même souplesse. Il ne faut pas non plus nous prendre pour des cons ! (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Sapin, ministre. Pardon ?

M. Arnaud Richard. La rhétorique, à un moment, ça va ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Chacun doit mesurer ses propos, cher collègue.

M. Arnaud Richard. Je mesure mon propos monsieur le président. Honnêtement, ce coup, tantôt l’ANI, tantôt pas l’ANI, c’est un peu énervant !

M. le président. Peut-être, mais je vous engage, dans cette enceinte, à surveiller votre expression.

Poursuivez.

M. Arnaud Richard. Il y a quelques semaines, monsieur le président, ont été tenus des propos qui sont aujourd’hui démentis : vous voyez de quoi je parle. Je n’ai pas le sentiment que mes paroles aient été plus choquantes que ce qui s’est passé alors.

M. le président. Votre temps de parole s’écoule, monsieur Richard.

M. Arnaud Richard. Au plan national, la Cour de cassation a eu à se prononcer sur ce sujet. Elle n’a pas jugé, me semble-t-il, à votre manière, monsieur le ministre. Il faudra donc que vous nous expliquiez très précisément pourquoi vous avez considéré que l’accord n’était pas conforme à la convention n° 158 de l’OIT.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. « De quoi s’agit-il ? Sur le fond, du rapport entre la loi et le contrat. Une jurisprudence issue d’un arrêt de la Cour de cassation de juin 2010 a précisé ce qu’était l’état du droit en France, à savoir que, s’il existe des accords collectifs, le contrat de travail, par nature, puisque c’est un lien de subordination, est un contrat individuel entre le salarié et l’employeur. Tout notre dispositif juridique est organisé autour de ces deux principes. L’article a pour objectif de faire prévaloir l’accord collectif sur le contrat de travail individuel sans que l’employeur soit obligé de solliciter l’avis du salarié. Mais comment ignorer les conséquences d’une telle décision au plan humain ? L’accord collectif peut être bon, favorable aux salariés, mais incompatible, pour tel ou tel d’entre eux, avec ses obligations familiales, par exemple. De telles situations individuelles justifient la jurisprudence de la Cour de cassation. Vous voulez l’ignorer et nous voilà donc à front renversé confrontés à d’affreux collectivistes qui ne respectent pas ce qui est pourtant dans la loi, c’est-à-dire le caractère individuel du contrat qu’au nom des principes républicains qui guidaient notre droit jusqu’à présent nous défendons, nous. »

Ces propos ont été tenus en janvier 2012 par M. Alain Vidalies, à l’occasion de la discussion de la loi Warsmann, de son l’article 40 exactement. Ainsi, « vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà » !

(Les amendements identiques nos 2297 et 2306 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 1009.

Mme Jacqueline Fraysse. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement n° 1014.

M. Jean-Jacques Candelier. Il est également défendu.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 1018.

M. André Chassaigne. Défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Chers collègues, c’est exactement le contraire de ce que vous proposez qu’il faut faire. J’ai argumenté de la même manière sur vos amendements de suppression. À quel moment l’accord d’entreprise est-il protecteur pour le contrat de travail ? Quand il n’y a pas sur la tempe le pistolet du licenciement. Or vous écrivez le contraire…

M. André Chassaigne. Ce n’étaient pas mes paroles, mais celles de M. Vidalies !

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Je ne parle pas de cela, monsieur Chassaigne, mais des présents amendements.

Vous écrivez le contraire puisque vous introduisez une condition de graves difficultés conjoncturelles. La réalité est plus complexe que vous ne la décrivez. L’accord d’entreprise peut protéger le contrat de travail, à condition que les syndicats soient en position de force au moment de le négocier.

M. André Chassaigne. 30 % !

M. Jean-Marc Germain. Sinon, il vaut mieux remonter à la branche, comme nous l’avons fait pour le temps partiel.

Les amendements que nous avons adoptés, avec votre soutien, et je vous en remercie, visaient précisément à écrire que cette négociation doit se passer à froid, avec deux idées : mesures de gestion courante de l’entreprise, sans réduction d’effectifs. Nous sommes bien là dans une situation où les syndicats se trouvent en position de force au niveau de l’entreprise pour pouvoir protéger des salariés qui, tant que le chômage restera aussi élevé, seront individuellement en position de faiblesse. C’est pourquoi je ne peux être d’accord avec vous sur le fait de réserver la négociation aux cas de graves difficultés conjoncturelles, car dans ces cas-là ce n’est pas l’accord d’entreprise qui est protecteur. L’avis est donc défavorable.

M. André Chassaigne. Le peuple de France jugera !

M. Arnaud Richard. Dès mardi !

(Les amendements identiques nos 1009, 1014 et 1018, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 1897.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Le texte prévoit actuellement que la négociation sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences comporte obligatoirement une partie concernant la mobilité. Après avoir longuement réfléchi à cette question, deux idées nous sont apparues, qui font l’objet de cet amendement et d’autres encore.

Tout d’abord, il n’y a pas de raison, dans les entreprises où le lieu de travail est connu et où aucune nécessité de mobilité ne se justifie, d’obliger à négocier sur la question de la mobilité. Il nous a donc semblé préférable d’écrire que l’entreprise « peut engager », et non plus qu’elle « engage », cette négociation.

En revanche, quand cette négociation a lieu – et je pense être fidèle à l’intention des partenaires sociaux et au texte –, elle doit être liée à une négociation sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, parce que c’est dans ce cadre que peut être conduite une réflexion stratégique avec toute la palette d’outils que nous avons évoqués à l’article 9. Ce sera l’objet d’amendements ultérieurs qui font explicitement le lien avec cette gestion prévisionnelle, y compris dans les entreprises de moins de 300 salariés, où elle n’est pas obligatoire.

Avec ces amendements, nous créons les conditions pour que les syndicats soient en position de force, dans des négociations sur la mobilité qui soient protectrices des salariés. Les meilleures solutions seront trouvées, conformément aux prescriptions du droit international et de notre code du travail sur la protection de la vie personnelle.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Favorable. Cet amendement représente un enrichissement : comme quoi, nous pouvons enrichir les choses tout en restant dans le cadre de l’équilibre général de l’accord et du texte.

J’insiste sur un point. Pourquoi ces accords de mobilité se placent-ils sous le chapeau de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ? Je répéterai les paroles du rapporteur car c’est l’élément clé. Je sais ce qui se dit à l’extérieur, et je l’entends même parfois à l’intérieur de cette enceinte, mais ce n’est pas le texte ! Je ne prétends pas convaincre tout le monde, certains ne souhaitent pas être convaincus, mais nous aurons aussi à nous expliquer à l’extérieur. C’est l’objectif.

M. André Chassaigne. Cela nous permettra d’expertiser !

Mme Jacqueline Fraysse. Il y a des évidences !

M. Michel Sapin, ministre. Les évidences du texte, oui !

Que cette négociation soit liée à la GPEC, c’est ce qu’ont voulu les organisations syndicales signataires de l’accord : liée à une vraie GPEC, pas celle qui a trop souvent été utilisée, une GPEC d’urgence, au dernier moment, une GPEC mal adaptée de plans collectifs de licenciement, mais celle qui anticipe, qui se fait à froid, qui permet de déterminer les évolutions nécessaires dans l’entreprise, dans le secteur, sur le territoire, qui permet de prévoir les mobilités à l’avance et donc d’anticiper les parcours de chacun des salariés. Ce lien avec la GPEC, que vous renforcerez encore, monsieur le rapporteur, est très important. Votre amendement est de grande qualité, il préconise une négociation à froid, c’est-à-dire au moment où les salariés ne sont pas individuellement en situation de faiblesse mais où, collectivement, à travers leurs organisations syndicales, ils sont en position de force.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Si j’ai bien compris l’amendement du rapporteur, on passerait de : « l’employeur engage tous les trois ans » à : « l’employeur peut engager », la mention des trois ans disparaissant. Pourquoi ne pas écrire : « l’employeur peut engager tous les trois ans », puisque je ne crois pas que vous souhaitiez mettre à mal la périodicité de la GPEC ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Soyons clairs : une négociation est obligatoire tous les trois ans sur la GPEC, avec un certain nombre d’items que nous avons enrichis : plan de formation, négociation sur la réduction des emplois précaires, contrats de génération. Dans ce cadre, l’employeur pourra, s’il le souhaite, ajouter la négociation sur la mobilité, mais il ne sera pas obligé de le faire, car ce n’est pas nécessaire dans toutes les entreprises. On crée dans le code du travail des obligations de négocier quand il s’agit de pousser les employeurs à augmenter les salaires ou à améliorer la formation ; ce n’est pas la logique ici.

M. Arnaud Richard. Merci, monsieur le rapporteur.

(L’amendement n° 1897 est adopté et les amendements nos 5170 et 5363 tombent.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 4772.

Mme Jacqueline Fraysse. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement n° 4777.

M. Jean-Jacques Candelier. Défendu.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 4781.

M. André Chassaigne. Défendu.

(Les amendements identiques nos 4772, 4777 et 4781, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement n° 1448.

M. Gérard Cherpion. Cet amendement vise à préciser que les accords de maintien dans l’emploi peuvent également s’appliquer aux salariés à temps partiel et à ceux ayant signé une convention de forfait. Il faut avoir une vision très large, et insérer après l’alinéa 6 un alinéa permettant ainsi de couvrir l’ensemble des personnes susceptibles d’être concernées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Défavorable. Je propose que nous parlions des accords de maintien dans l’emploi à l’article 12.

(L’amendement n° 1448, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 1898.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Il s’agit de préciser que les discussions ont lieu dans les entreprises, et non à d’autres niveaux.

(L’amendement n° 1898, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 4345, 5204 et 5614, qui peuvent faire l’objet d’une présentation commune.

Les amendements nos 4345 et 5204 sont identiques.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 4345.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Je laisse M. Robiliard le soin de présenter ces deux amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l’amendement n° 5204.

M. Denys Robiliard. Cet amendement a en réalité déjà été défendu par M. le rapporteur et M. le ministre puisqu’il s’agit d’intégrer la négociation sur la mobilité interne dans une discussion sur la GPEC. Comme cette dernière n’est prévue que dans les entreprises à partir de 300 salariés, il convient de prévoir ce qui se passe pour celles qui n’atteignent pas ce seuil. Lorsqu’il sera discuté de mobilité interne dans ces dernières entreprises, il conviendra alors d’ouvrir toute la palette de la GPEC, au-delà de la seule question de la mobilité interne.

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n° 5614.

M. Michel Sapin, ministre. Le rapporteur ne s’exprime-t-il pas sur son amendement ?

M. le président. Son amendement est identique à celui de M. Robiliard, qui s’est exprimé pour les deux.

M. Michel Sapin, ministre. J’ai toujours eu beaucoup de prévenance pour les parlementaires, et plus encore quand ils sont rapporteurs ; quand, en outre, ils sont rapporteurs d’un texte historique, ils deviennent par là même des rapporteurs historiques. (Sourires.)

Je suis tout à fait en ligne avec l’objectif de ces amendements, qui visent à inscrire la négociation sur la mobilité interne dans les entreprises de moins de 300 salariés, dans un cadre élargi, cohérent, qui englobe le sujet de l’évolution des emplois et des compétences.

Je suis convaincu qu’il faut apporter certaines précisions pour ne pas laisser penser que l’on va contraindre toutes les petites entreprises souhaitant se doter d’un corps de mobilité interne à négocier sur tous les thèmes. C’est pourquoi je propose au rapporteur et à l’auteur de l’amendement de le retirer au profit de celui que je viens de présenter.

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. Je m’exprime sous réserve de l’avis du rapporteur. L’amendement du Gouvernement offre l’avantage d’être à la fois plus large et plus précis puisqu’il vise non seulement les autres entreprises mais également les groupes d’entreprises. De plus, même s’il ne fait pas référence à l’article L. 2242-15 du code du travail, il porte clairement sur la gestion prévisionnelle des emplois et la prévention des conséquences des mutations économiques. C’est pourquoi j’accepte de retirer mon amendement au profit de celui du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. L’amendement du Gouvernement est de fait mieux rédigé que le nôtre. Ainsi ramenés à notre modeste condition de parlementaires (Sourires), nous sommes prêts à retirer nos amendements en sa faveur.

(Les amendements identiques nos 4345 et 5204 sont retirés.)

(L’amendement n° 5614 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement n° 4327.

M. Jean-Jacques Candelier. Cet amendement de repli est très simple. Il propose que ce ne soit pas la négociation qui traite les points relatifs aux mesures d’accompagnement à la mobilité, aux limites géographiques et aux mesures de conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle, mais bien le texte de l’accord lui-même. Ce dernier ne pourrait être valable si ces trois points ne sont pas clairement délimités – il va sans dire que notre amendement établit un minimum dans chaque cas. Nous ne saurions approuver ces accords de mobilité qui sont d’une extrême gravité.

Le refus des salariés en effet est considéré dans le projet de loi comme valant un licenciement économique. Or traiter un tel licenciement comme un licenciement économique individuel pose problème, car le salarié ne bénéficierait que des mesures d’accompagnement de la mobilité prévues dans l’accord. En faisant dépendre les règles de mobilité d’un accord d’entreprise, on augmente les inégalités entre les salariés : ceux dont les délégués n’auront pas signé d’accord seront mieux protégés que ceux dont les délégués auront signé un mauvais accord.

Voilà les conséquences de cette tartufferie qui fait primer les accords sur la loi. D’ailleurs, pourquoi les plus radicaux des ultra-libéraux – droite et patronat – louent-ils à l’envi cette prévalence de l’accord sur la loi, si ce n’est parce qu’il permet de supprimer le code du travail, d’instaurer un régime d’inégalités entre les salariés et de sanctuariser la position de force de l’employeur à l’égard du salarié ?

C’est pourquoi notre amendement est nécessaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. J’ai cosigné un amendement semblable avec Mme Fraysse ; il s’agit de l’amendement n° 1479 rectifié, que nous allons examiner juste après ceux-ci. M. Chassaigne s’évertue à créer des convergences autour de lui depuis quelques jours, tout comme moi, puisque j’ai défendu un amendement avec M. Vercamer et que j’en défendrai un autre avec M. Cavard. Ce doit être le propre des êtres humains, depuis qu’ils ont un nombril, d’essayer de susciter ces convergences autour d’eux.

Notre amendement respecte l’idée défendue par M. Candelier, tout en étant plus synthétique. De plus, il évitera de faire tomber les amendements suivants. Il prévoit bien que ce n’est pas seulement la négociation qui doit porter sur les sujets cités, mais que l’accord ne saurait être valable s’il y manque un de ces sujets.

C’est pourquoi j’émets un avis défavorable sur ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis que la commission.

(L’amendement no  4327 n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 2479 rectifié a été défendu.

(L’amendement n° 2479 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 1040.

Mme Jacqueline Fraysse. Il est retiré.

(L’amendement n° 1040 et les amendements identiques sont retirés.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à M. André Chassaigne pour présenter l’amendement n° 1039.

M. André Chassaigne. Le rapporteur parlait du nombril et d’autres quelquefois du balai pour faire le ménage dans le monde politique. Cela me rappelle une très belle phrase d’Alexandre Vialatte qui disait que « l’homme n’est que poussière, c’est dire l’importance du plumeau ». (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 1030.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement revêt une grande importance, puisqu’il introduit une limite géographique dans la mobilité exigible par l’employeur à l’occasion des plans de mobilité.

Lors des négociations sur l’ANI, ceux que vous appelez les partenaires sociaux se sont interrogés sur la définition d’une bonne limite géographique. Le MEDEF, dans sa grande clémence, a suggéré des chiffres rocambolesques : 100 kilomètres, 300 kilomètres, 500 kilomètres, voire 700 kilomètres ! L’ANI a retenu une solution encore plus catastrophique, qui se retrouve dans le projet de loi : aucune limite.

M. Michel Sapin, ministre. C’est l’accord !

Mme Jacqueline Fraysse. Les chiffres du MEDEF nous donnent une idée des éventuelles conséquences de cette absence de limite. Cela souligne combien il serait grave de ne fixer aucune limite dans la loi. Les salariés pourront être envoyés à l’autre bout de la France, sur décision de leur employeur, au mépris de leur vie familiale.

Vous me répondrez que l’accord mentionnera une limite, même si celle-ci est fixée à 700 kilomètres. Notre devoir, monsieur le ministre, est de fixer dans la loi un plancher, et cela est possible. Il y en a d’ailleurs des exemples dans le projet, notamment ce « 1,2 SMIC » mentionné dans l’article 12 relatif aux accords de maintien dans l’emploi.

Dans la conjoncture actuelle et face au chantage patronal à l’emploi, il faut fixer une limite géographique. Cet amendement l’établit à cinquante kilomètres ou une heure de trajet, afin de ne pas porter atteinte à la vie personnelle des salariés. Je suis stupéfaite de constater que l’accord ne soit pas retouché sur ce point. Notre responsabilité est grande : il faut adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Ce débat est important. Nous avons longuement débattu en commission avant de trouver une solution qui nous semble juste. Mme Fraysse nous proposait comme limite une distance correspondant à une journée à cheval, M. Cavard à une journée à pied, soit cinquante kilomètres. Fixer une limite dans la loi comporte un risque. Les salariés qui habitent à dix ou vingt minutes de leur lieu de travail, ce qui est le lot de la majorité, …

M. André Chassaigne. Pas en région parisienne !

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. …ne se sentiront pas protégés et craindront que leur employeur ne leur impose, à la prochaine négociation, une mobilité de 200 kilomètres, par exemple.

Vous avez raison, monsieur Chassaigne, de dire qu’en région parisienne la distance moyenne d’un trajet domicile-travail est de 45 minutes, mais pas en province. Fixer un maximum dans la loi risque d’inciter l’employeur à se régler sur ce maximum.

Cette question est assurément difficile. Vous avez vous-même évoqué ce qui est dans l’ANI, ces 45 minutes de plus que le trajet actuel du salarié. Les Franciliens seraient donc conduits à faire une heure et demie de trajet matin et soir, soit trois heures.

La solution retenue, qui fait l’objet d’un amendement de M. Robiliard, consiste à coller au plus près de chaque entreprise, en demandant à ce que la négociation prenne en compte la conciliation entre la vie familiale et la vie professionnelle, non pas de façon vague, mais précise puisque nous renvoyons à l’article L. 1121-1 du code du travail : « Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. » Et je vous invite à lire les quinze pages suivantes qui présentent les protections apportées par la jurisprudence.

Cette solution est celle qui protégera le mieux les salariés. C’est pourquoi je vous propose de retirer cet amendement, comme je suggérerai également à M. Cavard de retirer le sien.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Mon avis est identique à celui du rapporteur. Sans le vouloir, Mme Fraysse propose un amendement plus dangereux pour les salariés que la solution que nous avons retenue.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement !

M. Michel Sapin, ministre. Madame Fraysse, vous citiez les limites géographiques suggérées par le MEDEF. Mais il faut bien voir qu’il s’agissait de propositions formulées à un certain moment de la négociation.

Mme Jacqueline Fraysse. Cela donne une idée !

M. Michel Sapin, ministre. Une idée de la manière dont la négociation a évolué et s’est conclue à la demande des organisations syndicales. C’était en effet le point de départ, qui a semblé dangereux aux organisations syndicales, car il leur a semblé que, si l’on inscrivait des chiffres, même plus faibles que ceux que vous citiez, ils apparaîtraient, non pas comme des plafonds, mais comme des planchers. Cela n’était donc pas protecteur.

Les organisations syndicales elles-mêmes ont estimé qu’un accord dans l’entreprise est plus protecteur que des limites fixées par la loi.

M. André Chassaigne. Quelles organisations syndicales ?

Mme Jacqueline Fraysse. Le MEDEF !

M. Michel Sapin, ministre. Mais elles étaient toutes autour de la table et elles ont toutes débattu, même si elles n’ont pas toutes conclu.

M. André Chassaigne. Ah ! Dans ce cas, il ne faut pas dire « les » mais « des ».

M. Michel Sapin, ministre. Soyons très clairs. Les organisations majoritaires qui ont signé cet accord,…

Mme Jacqueline Fraysse. Voilà !

M. Michel Sapin, ministre. …et qui sont largement majoritaires, comme les résultats des votes l’ont démontré, ont obtenu et signé qu’on puisse fixer par un accord des limites adaptées aux situations et aux lieux.

Quelqu’un avançait que les trajets étaient plus longs en région parisienne qu’à Argenton-sur-Creuse, par exemple : c’est exact. Quand j’allais travailler à la mairie, je mettais sept minutes, huit quand il pleuvait. Cette situation est plus rare en région parisienne.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. À pied ou à cheval, monsieur le ministre ?

M. Michel Sapin, ministre. C’était à pied.

Chacun voit bien que les limites ne peuvent être identiques dans tous les cas : en montagne ou en plaine, à la ville ou à la campagne. Il faut s’adapter ; or cette adaptation ne peut se faire dans un texte qui sera identique pour tous les cas et qui finira par fixer le point depuis lequel on se place, quand les accords peuvent envisager des limites bien inférieures. L’accord collectif est donc, en l’espèce, plus protecteur qu’un mécanisme législatif. C’est pourquoi je vous propose de retirer cet amendement qui est beaucoup moins protecteur que le texte de la loi.

Mme Jacqueline Fraysse. Non ! Nous allons demander un scrutin public.

M. le président. Sur le vote des amendements identiques nos 1030 et 1039, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Pour compléter les propos de M. le rapporteur et de M. le ministre, je vais donner quelques éléments factuels tirés des études faites sur le sujet, dont l’une assez récente : en province, 80 % des salariés qui doivent utiliser un moyen de transport utilisent leur voiture, et leur trajet moyen est d’environ quinze kilomètres ou vingt-trois minutes ; en région parisienne, il en va bien sûr très différemment, d’où la disparité des situations sur le plan national, puisqu’un Francilien sur deux prend sa voiture, l’autre moitié utilisant les transports en commun. J’ajoute qu’un quart des salariés en grande couronne est à plus de soixante minutes de son lieu de travail, soit deux heures et trois minutes dans le Val d’Oise, deux heures trente-cinq en Seine-et-Marne, deux heures vingt-quatre en Essonne, deux heures vingt-quatre dans les Yvelines et environ deux heures en Seine-Saint-Denis et dans le Val-de-Marne, du fait des différents modes de transport successivement utilisés. La réalité est donc tellement différente entre la région parisienne et la province qu’il ne faut pas fixer des bornes qui n’auraient pas de sens.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Au début de la discussion sur cet article, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, vous avez expliqué qu’il constituait une avancée par rapport à la situation actuelle.

M. Michel Sapin, ministre. Oui.

M. André Chassaigne. Vous l’avez dit et répéter. Permettez-moi de dire que c’est faux. Je vais faire le point rapidement. Aujourd’hui, si un employeur veut imposer une mobilité géographique ou professionnelle entraînant une modification du contrat de travail, il doit soit recueillir l’accord du salarié, soit, si celui-ci refuse, engager une procédure de licenciement, mais si un litige survient dans le cadre de cette procédure, il devra prouver la justification économique de la mobilité. Si plus de dix salariés refusent, il doit consulter le comité d’entreprise sur un projet de plan social, sous le contrôle du juge et, en toute hypothèse, il devra justifier l’existence d’un motif.

Avec votre texte, une entreprise qui aura négocié « à froid » selon votre expression, monsieur le rapporteur, pourra, en l’absence de toute difficulté, imposer la modification contractuelle : si le salarié refuse, il sera licencié, mais pour un motif économique que vous refusez de rattacher à la définition de l’article L. 1233-3. Nous aimerions bien savoir quel sera donc ce motif économique. Et si plus de dix salariés refusent cette fameuse mobilité, l’employeur sera dispensé de toute procédure de consultation du comité d’entreprise et de tout contrôle du juge sur ladite consultation.

Je vous pose donc deux questions : quel sera le motif économique et, surtout, où est le progrès pour les salariés ?

Mme Jacqueline Fraysse. Absolument !

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Cela fait toujours plaisir de voir l’état des relations entre les différentes composantes de la majorité… Cela étant, je trouve que le Gouvernement a été très sage en ne faisant qu’inscrire dans la loi ce qui est la jurisprudence de la chambre sociale de la Cour de cassation. C’est une meilleure manière de faire que d’inscrire dans la loi « cinquante kilomètres », « une heure de marche » ou « trois heures de calèche ». Cela développera de nouveaux contentieux mais, je le répète, c’est une position très sage de la part du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je souhaite ramener le débat à la réalité de l’article parce que notre collègue Chassaigne s’en est totalement éloigné dans son argumentation. L’article dispose que la négociation fixe : premièrement, la zone géographique d’emploi ; deuxièmement, les conditions dans lesquelles les limites imposées peuvent justifier une mobilité ; troisièmement, et c’est un sacré progrès, « les mesures visant à concilier la vie professionnelle et la vie personnelle », ce qui n’était auparavant que dans la jurisprudence.

M. Arnaud Richard. Exactement ! C’est le droit !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Je considère que la réalité de la conciliation va s’imposer dans la négociation, et ce sera, mes chers collègues du groupe GDR, l’instrument permettant de contester les effets de la mobilité, y compris devant les juridictions, si ceux-ci devenaient par trop incompatibles avec la vie personnelle. C’est pourquoi le dispositif est important. Il y aurait danger à fixer une limite dont les conséquences sur les salariés seraient totalement différentes selon les territoires, et qui pourraient s’avérer éminemment défavorables pour eux.

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 1030 et 1039.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 47

Nombre de suffrages exprimés 45

Majorité absolue 23

(Les amendements identiques nos 1030 et 1039 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement n° 4658.

M. Christophe Cavard. Je ne suis pas sûr qu’une heure de trajet correspond à une journée de cheval, monsieur le rapporteur (Sourires), mais il faut faire attention à ce que la mobilité ne soit pas mal utilisée par certains employeurs, car même si on est dans le cadre d’accords, il y a tout de même un lien de subordination et le salarié pourrait en pâtir. C’est pourquoi cet amendement proposait un moyen d’encadrer le dispositif. Toutefois, comme les amendements qui suivent, ceux du rapporteur et de députés SRC, vont le faire en prenant en compte notamment la question familiale et en prévoyant des compensations, je suis prêt à retirer l’amendement n° 4658 si le Gouvernement est favorable à ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Je vous confirme, monsieur Cavard, que M. le ministre a lu favorablement l’amendement suivant.

M. le président. Monsieur Cavard, retirez-vous votre amendement ?

M. Christophe Cavard. Je retire l’amendement n° 4658, monsieur le président.

(L’amendement n° 4658 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 5227 et 1899, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Guillaume Bachelay, pour soutenir l’amendement n° 5227.

M. Guillaume Bachelay. Cet amendement, soutenu, je le rappelle, par l’ensemble des collègues du groupe SRC, prévoit que la négociation portant sur les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique concilie la vie professionnelle avec la vie personnelle et familiale, notamment pour tout ce qui relève des charges de famille des salariés concernés. Il s’inscrit dans l’approche de l’article 10 qu’a rappelée M. le ministre : la mobilité interne encadrée. Je souligne que les dispositions de cet article ont été placées dans l’ANI au chapitre consacré à l’information des salariés.

M. Michel Sapin, ministre. Absolument.

M. Guillaume Bachelay. Cet amendement est important à la fois pour les salariés et pour les entreprises parce que le travail a une valeur et pas seulement un coût ; il a une valeur pour les salariés, dont la vie personnelle doit être respectée dans la définition de leur poste de travail et de ses obligations, et puis une valeur pour les entreprises, qui gagnent évidemment en productivité, en compétitivité et en performance à avoir des salariés associés à la décision et qui se sentent bien dans leur travail.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 1899.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Mon amendement n’apporte qu’une amélioration rédactionnelle par rapport à celui de M. Bachelay, auquel je suis favorable sur le fond. Mais je voudrais, en deux mots, essayé d’achever de convaincre M. Chassaigne, que je sens hésitant en relisant ses amendements précédents, notamment celui proposant une limite de 200 kilomètres autour du domicile. Je ne sais pas si les habitants de Saint-Amant-Roche-Savine considèrent que c’est beaucoup, mais je pense tout de même que leurs déplacements domicile-travail sont tout de même un peu plus courts.

M. Christian Paul. Ils arrivent au travail à neuf heures ! (Sourires.)

Mme Jacqueline Fraysse. On peut abaisser le seuil à deux kilomètres et cinq minutes si vous voulez, monsieur le rapporteur ! Il ne faut pas se foutre du monde !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

M. Michel Sapin, ministre. Le Gouvernement est favorable. Les amendements reprennent la jurisprudence en affirmant l’importance de la vie personnelle et familiale ; l’accord collectif doit évidemment en tenir compte. Mais la rédaction proposée par le rapporteur est techniquement encore plus parfaite.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Cette rédaction ne doit rien au rapporteur, monsieur le ministre, mais à la qualité de nos administrateurs qui ont ajouté les mots : « du salarié ». Nous avons, monsieur Bachelay, été surpassés par l’administration de notre noble maison. (Sourires.)

M. le président. Monsieur Bachelay, acceptez-vous de retirer votre amendement au bénéfice de celui de M. le rapporteur.

M. Guillaume Bachelay. Oui, monsieur le président.

(L’amendement n° 5227 est retiré.)

(L’amendement n° 1899 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Germain, pour soutenir l’amendement n° 1900.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. J’ai déposé cet amendement, car il m’apparaît important de préciser que les mesures mentionnées à l’alinéa 10 sont bien des mesures de protection.

(L’amendement n° 1900, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun., pour soutenir l’amendement n° 5238.

M. Gérard Sebaoun. Cet amendement va au-delà de la notion de vie personnelle et familiale en proposant de prendre aussi en compte la situation des salariés qui ont des contraintes de handicap ou de santé. Il serait utile de le préciser dans la loi.

(L’amendement n° 5238, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement n° 1025.

M. Jean-Jacques Candelier. Cet amendement de repli propose que, dès lors que les salariés sont contraints à la mobilité, les frais induits par celle-ci – trajets, éventuel déménagement, surcoûts éventuels de loyers – soient intégralement pris en charge par l’employeur. Comment la majorité peut-elle entériner un projet de loi qui ne prévoit aucune limite à ces déplacements géographiques forcés, puisqu’ils s’effectuent sous peine de licenciements, et qui, en plus, ne contraint en aucune façon l’employeur à payer les frais considérables induits par ce « bougisme » ?

Ici encore, nous revendiquons un épanouissement des humains en dehors de cette mobilité forcée, toile de fond d’une l’idéologie néolibérale que nous sommes bien seuls à combattre. Sommes-nous les seuls à entrevoir les dangers considérables, en termes de civilisation, que contient en germe cette disposition de mobilité permanente et obligatoire des salariés sur tout le territoire ? Nous ne le pensons pas ; c’est pourquoi nous proposons cet amendement qui constituerait, ici encore, un minimum. Car si la mobilité forcée devient la nouvelle norme du salariat en France, et qu’en plus cette transformation historique – inédite dans l’histoire économique mondiale – se fait aux frais du salarié et sans aucun coût collatéral pour le patron, c’est encore plus grave !

Je vous remercie par avance, monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, de nous donner des réponses précises sur ces points.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. La commission a déjà complété le texte du Gouvernement dans le sens voulu par les auteurs de ces amendements, même si elle n’est pas allée aussi loin que ce qu’ils souhaitent, c’est-à-dire la compensation intégrale des frais induits par les déplacements. Néanmoins, je vous indique, monsieur le député, nous allons bientôt examiner un amendement, n° 5078, que j’ai cosigné avec M. Cavard, qui élargit le texte de la commission puisqu’il propose la compensation d’une éventuelle perte de pouvoir d’achat et des frais de transport. Vous et vos collègues seront presque satisfaits sur le fond.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Nous retirons l’amendement, monsieur le président.

(L’amendement n° 1025 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun, pour soutenir l’amendement n° 1901.

M. Gérard Sebaoun. Je rappelle que la commission a précisé dans son texte que les mesures d’accompagnement à la mobilité « comprennent la participation de l’employeur à la prise en charge d’éventuels frais de déménagement et frais de transport supplémentaires ».

Nous proposons d’ajouter le mot « notamment », afin que la participation de l’employeur ne se limite pas aux frais de déménagement, mais puisse comprendre, en province, l’aide à l’achat d’un véhicule – ce n’est qu’un exemple.

M. le président. Le rapporteur est forcément favorable à cet amendement, puisqu’il en est signataire.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Favorable.

(L’amendement n° 1901 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement n° 5078.

M. Christophe Cavard. Comme l’a dit M. le rapporteur, depuis le début, nous cherchons à faire en sorte que le salarié ne pâtisse pas de la mobilité interne, qui doit rester utile. Ainsi, l’amendement n° 5078 prévoit que les mesures d’accompagnement à la mobilité comprennent la participation de l’employeur « à la compensation d’une éventuelle perte de pouvoir d’achat et aux frais de transport. » Je me réjouis à l’avance de l’unanimité que notre amendement va, je n’en doute pas, recueillir sur l’ensemble des bancs de la majorité, voire sur tous les bancs de notre assemblée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Favorable.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Nous votons tous les amendements présentés par le rapporteur, car ils nous paraissent aller dans le bon sens.

Cependant, je veux tout de même rappeler quelques réalités. Les grands groupes qui licencient ou concluent des accords de mobilité – ils sont nombreux à le faire en ce moment – sont disposés à investir des sommes d’argent considérables afin de pouvoir déplacer leur personnel.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Bien sûr !

M. André Chassaigne. Je ne dis pas pour autant qu’il ne faille pas adopter les mesures contenues dans ce projet de loi.

Pour prendre l’exemple de Sanofi, des sommes colossales sont en jeu. Dans la mesure où la loi va permettre de mettre en œuvre la mobilité après la signature d’accords collectifs, il n’y aura plus d’obstacles à la mise en œuvre de cette mobilité. Ne croyez pas, par exemple, qu’il y aura un obstacle financier quelconque : ils mettront le paquet pour parvenir à leurs fins ! Près de la commune dont je suis maire, Saint-Amant-Roche-Savine, se trouve un établissement de l’entreprise Sanofi qui, à l’heure actuelle, ne supprime pas d’emplois, mais accueille des salariés qui viennent de Toulouse, Bordeaux, Romainville ou Neuville-sur-Saône, dans le Rhône. Des sommes considérables sont dépensées par cette entreprise pour satisfaire ses orientations stratégiques en fermant des sites et dégager ainsi des profits de l’ordre de 25 %.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Après l’exemple de France Télécom, que nous avons évoqué hier, M. Chassaigne évoque aujourd’hui le cas de Sanofi. Les partenaires sociaux avaient également ces exemples en tête lorsqu’ils ont négocié l’accord. Nous venons d’adopter un amendement visant à ce que ces discussions se passent au niveau de l’entreprise, et non du groupe, ce qui constitue une réponse partielle au cas que vous venez de décrire, monsieur Chassaigne.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Si nous avons salué l’avancée votée tout à l’heure, notamment par le groupe de M. Chassaigne, je ne peux m’empêcher de penser que, pour respectueuse qu’elle soit des salariés, la mesure qui nous est maintenant proposée est assez fumeuse : pour moi, l’expression « une éventuelle perte de pouvoir d’achat » ne signifie pas grand-chose.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Pour les salariés, cela signifie quelque chose !

M. Arnaud Richard. Je vous l’accorde, monsieur le rapporteur. Pour autant, cette avancée respectueuse des droits des salariés risque de susciter des contentieux.

(L’amendement n° 5078 est adopté et les amendements nos 1050 à 1059 tombent.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 2644.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Rédactionnel.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Favorable.

(L’amendement n° 2644 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse pour présenter l’amendement no 1060.

Mme Jacqueline Fraysse. Il est retiré, monsieur le président.

(L’amendement no 1060 et les amendements identiques sont retirés.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements pouvant être soumis à une discussion commune : l’amendement n° 4647 rectifié et une série d’amendements identiques.

Je donne d’abord la parole à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir, dans la série d’amendements identiques, l’amendement n° 1101.

Mme Jacqueline Fraysse. Par cet amendement, nous proposons de corriger ce que j’appelle une malfaçon législative, en ajoutant, après l’alinéa 12 de l’article 10, un alinéa faisant entrer dans le circuit le CHSCT, qui semble avoir été oublié. Cet alinéa est ainsi rédigé : « Le projet d’accord collectif issu de la négociation mentionnée par le présent article fait l’objet d’un avis conforme du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. L’absence d’avis ou l’avis contraire du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail fait obstacle à la signature définitive de l’accord. »

En effet, vous n’avez pas intégré le CHSCT dans la boucle de ces accords, dont l’intervention nous paraît pourtant requise, compte tenu de l’importance des modifications des conditions de travail impliquées par la mobilité telle que prévue à l’article 11. Le CHSCT, qui a pour mission de contribuer à la protection de la santé et de la sécurité des travailleurs ainsi qu’à l’amélioration de leurs conditions de travail, doit pouvoir examiner les situations et donner un avis. Il est tout à fait qualifié pour analyser et contrôler les plans de mobilité forcée, leurs conséquences sur les conditions de travail, mais aussi sur les conditions de vie et les éventuels risques psychosociaux qu’ils comportent. Dans un texte censé valoriser les instances représentatives du personnel, je ne doute pas que notre amendement sera retenu.

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement n° 4647 rectifié.

M. Christophe Cavard. Notre amendement a le même objet que celui présenté par nos collègues du groupe GDR, c’est-à-dire prévoir l’intervention du CHSCT, qui nous paraît nécessaire compte tenu du fait que les conditions de travail du salarié risquent de se trouver bousculées en raison de la mobilité interne. Il en diffère toutefois par le fait qu’il ne subordonne pas la signature définitive de l’accord à l’existence d’un avis conforme du comité, mais j’espère que cela n’empêchera pas Mme Fraysse et les collègues de son groupe de se joindre à nous pour voter cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Si je peux comprendre le sens de ces amendements, ils me semblent constituer la réponse à des accords de mobilité que nous ne souhaitons pas. Les accords que nous souhaitons voir intervenir seront conclus à froid, tous les trois ans, par adjonction optionnelle à une négociation sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Ces accords à froid auront pour objet de définir des règles générales, pas de fermer un établissement ou de demander à 150 salariés de se déplacer d’un établissement à un autre. Vos amendements font plutôt référence à une situation où la mobilité se déciderait à chaud et comporterait des plans de départ massifs.

Par ailleurs, je rappelle que le comité d’entreprise, consulté dans le cadre de tout accord collectif, a lui-même la possibilité de saisir le CHSCT si les conditions de travail sont susceptibles d’être modifiées. Si l’accord collectif prévoit que le lieu de travail des salariés reste à l’adresse de l’entreprise, je ne vois pas l’intérêt de faire intervenir le CHSCT. Il ne me paraît donc pas souhaitable de systématiser son intervention. Aussi le dispositif actuel me semble-t-il répondre à votre préoccupation, monsieur Cavard – c’est un peu moins vrai en ce qui concerne Mme Fraysse, qui souhaitait un avis conforme.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements en discussion commune ?

M. Michel Sapin, ministre. L’avis du CHSCT peut être utile. Toute la question est de savoir s’il est systématiquement utile, comme tendent à l’affirmer ces deux amendements – avec une exigence supplémentaire, celle d’un avis conforme, pour l’amendement de Mme Fraysse.

C’est en privilégiant les accords à froid, comme nous le faisons, que nous préserverons l’emploi : cette logique d’anticipation sous-tend l’ensemble de notre projet de loi. Tout accord collectif doit, avant d’être ratifié, faire l’objet d’un avis du comité d’entreprise qui peut, s’il l’estime nécessaire pour être éclairé, saisir le CHSCT. Ce dispositif, plus souple que celui que vous proposez, répond toutefois à votre préoccupation de voir intervenir le CHSCT dans les cas où son éclairage peut être utile.

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Carpentier.

M. Jean-Noël Carpentier. Je ne pense pas que nos collègues aient la volonté d’alourdir la procédure et, pour ma part, je veux souligner la nécessité de tenir compte d’une réalité, celle de la souffrance au travail. Or, chacun sait que certaines mobilités vont constituer un facteur de modification majeure des conditions de travail, ainsi que de la vie personnelle.

Il me semble que cela ne coûte rien de prévoir l’intervention du CHSCT pour s’assurer qu’il n’y a rien à redire au projet d’accord collectif. Une précaution supplémentaire est toujours la bienvenue pour garantir que les choses se font normalement et dans des conditions humaines.

(L’amendement no 1101 n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 4647 rectifié n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement n° 3661.

M. Gérard Cherpion. Je retire cet amendement, monsieur le président.

(L’amendement n° 3661 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l’amendement n° 5616 du Gouvernement, qui fait l’objet d’un sous-amendement.

M. Michel Sapin, ministre. J’ai été très attentif aux débats en commission et aux amendements qui ont été déposés, témoignant de vos préoccupations, en vue de préciser, d’améliorer, de faire bouger le curseur de l’accord, pourrait-on dire, en faveur d’une meilleure protection des salariés susceptibles de se voir imposer une mobilité dans le cadre d’un accord collectif. Il m’a paru nécessaire de retenir la quasi-totalité des propositions émises.

Je rappelle toutefois qu’en ma qualité de ministre, je suis le garant de l’équilibre de l’accord et de la transparence vis-à-vis des organisations patronales et syndicales ayant négocié et conclu cet accord. À cet égard, j’ai souhaité prendre leur avis sur les propositions visant à modifier l’accord. Les syndicats ont accueilli ma démarche de façon plutôt positive, tandis que du côté patronal, on sentait une certaine réticence.

Le dispositif que je vous propose, et qui est considéré comme respectant l’équilibre global de l’accord, comporte trois éléments. Le premier reprend et réécrit vos propositions, mesdames et messieurs les députés : l’accord collectif est porté à la connaissance de chacun des salariés concernés ; il est prévu la mise en œuvre d’une concertation préalable ayant vocation à permettre à tout salarié potentiellement concerné par une mesure individuelle de mobilité interne, en application de l’alinéa 1 de l’article L. 224-21, de faire valoir auprès de son employeur ses contraintes personnelles et familiales – des contraintes qui varient, naturellement, en fonction du profil des salariés : une femme seule avec des enfants n’a pas les mêmes qu’un jeune homme célibataire.

La procédure impose ensuite à l’employeur, dont l’intention de mettre en œuvre cette mesure de mobilité se confirmerait, de satisfaire aux obligations de proposition et d’information du salarié prévues pour toute modification d’un contrat de travail pour motif économique. Il est ici tenu compte de remarques provenant de tous les bancs, en particulier de la gauche de l’hémicycle.

Le deuxième élément consiste à préciser le champ d’application du régime spécifique de licenciement économique – car il s’agit d’un licenciement économique : c’est le point qui a été modifié par rapport à l’ANI, comme je l’ai dit en toute transparence – prévu par le présent article 10. Il permet de s’assurer que ce régime ne s’appliquera qu’aux cas de refus par les salariés de l’application à leur contrat de travail des stipulations de l’accord mentionnées à l’alinéa 1° de l’article L. 2242-21, c’est-à-dire aux stipulations relatives à la mobilité interne, et non des stipulations liées à la gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences – il n’est pas question de mélanger les deux procédures.

Enfin, dans un souci de simplicité de la procédure, cet amendement a pour objet d’éviter que la qualification de licenciement économique – que j’ai retenue, contrairement à l’accord – de la rupture du contrat de travail des salariés ayant refusé l’application à leur situation des stipulations de l’accord mentionnées à l’alinéa 1er de l’article L. 2242-21 du code du travail n’aboutisse à l’application de mesures peu pertinentes, l’amendement précise que l’accord sur la mobilité interne prévoit des mesures d’accompagnement et de reclassement de ces salariés – ce qui est normal – pour éviter les licenciements et pour favoriser leur reclassement en cas de licenciement, en permettant à l’accord, uniquement si les signataires le souhaitent, de préciser et d’adapter dans ce cas particulier le champ et les modalités de mise en œuvre des obligations générales du code du travail.

Cet amendement prend en compte toutes vos préoccupations en matière de protection. Il permet de clarifier les conséquences du licenciement économique, en maintenant l’ensemble des garanties, en particulier en termes de reclassement, puisqu’il devra y avoir des mesures ayant cet objet, et permet de faire en sorte que les choses soient équilibrées – j’insiste sur ce terme.

Je me permets de vous dire que cet amendement a fait l’objet d’un travail approfondi de ma part avec le rapporteur, un certain nombre d’entre vous et l’ensemble des partenaires signataires de l’accord.

M. le président. Sur l’amendement n° 5616, je suis saisi d’un sous-amendement n° 5618.

La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Ce sous-amendement vise à revenir à l’article 15 de l’ANI, et en particulier aux dispositions suivantes : « Le refus par un salarié d’une modification de son contrat proposé dans les conditions définies au présent article n’entraîne pas son licenciement pour motif économique. Il s’agit d’un licenciement pour motif personnel. »

Le ministre nous répondra certainement que le Conseil d’État a estimé que ces dispositions sont en contradiction avec la convention n° 158 de l’OIT. Toutefois, la Cour de cassation, dans un arrêt de 2009, a jugé que le refus par un salarié d’appliquer des mesures prévues à un accord collectif constitue un motif réel et sérieux de licenciement, c’est-à-dire un motif personnel. La Cour de cassation s’appuie, entre autres bases juridiques, sur les accords de l’OIT.

Vous estimez, monsieur le ministre, que les dispositions précitées de l’ANI ne sont pas en accord avec la convention n° 158 de l’OIT. Je l’ai relue tout à l’heure et je ne vois pas en quoi la reconnaissance du motif personnel du licenciement est contraire à cette convention internationale.

Je dirai même que la situation est pratiquement inverse. En effet, l’employeur procédant à un licenciement économique doit appliquer un certain nombre de mesures obligatoires : je ne vise pas ici les mesures de reclassement, de formation et d’adaptation, mais le respect d’une hiérarchie de critères à respecter. De ce fait, si un salarié refuse l’accord de mobilité, quelqu’un d’autre peut être licencié à sa place. Il faut le savoir. En effet, l’ordre des critères est établi par la loi et fait apparaître en premier lieu des éléments relatifs à la famille. On va donc se trouver dans un système où le refus de l’accord de mobilité par un salarié va conduire à la mise en œuvre d’une procédure de licenciement économique dans l’entreprise, ce qui fait courir le risque qu’un autre salarié soit licencié à sa place.

Deuxième remarque : vous vous exposez à une forme d’insécurité juridique. En effet, vous qualifiez ce licenciement d’individuel économique, mais que se passera-t-il si dix salariés refusent ? Le licenciement sera alors collectif économique. En tout état de cause, lorsque ce précédent surviendra, on s’exposera à un contentieux. Il faudra donc attendre la jurisprudence de la Cour de cassation pour savoir si le licenciement est individuel ou collectif.

Je souhaite donc que, sur ce point, on s’en tienne à l’ANI, qui me paraît constituer la bonne formule, puisqu’il est conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation, sans être, me semble-t-il, contraire à la convention de l’OIT, et nous prémunit contre l’insécurité juridique.

M. Yves Jégo. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 5618 et l’amendement n° 5616 ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Je laisserai M. le ministre répondre à la question relative à la nature individuelle ou non du licenciement. Nous avons beaucoup apprécié le choix qui a été fait par le Gouvernement, au-delà du respect des conventions internationales. Je me suis posé pour règle, dans ce débat, de réfléchir à des mesures favorables aux salariés et aux entreprises. Monsieur Vercamer, je vous entends réagir quand je parle des salariés !

M. Francis Vercamer. On tue le texte !

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. On ne tue pas du tout le texte. On réfléchit simplement à ce qui est dans l’intérêt général et, bien sûr conforme à nos convictions – mais cela, monsieur Vercamer, vous nous avez interdit d’en parler il y a quelques heures (Sourires).

Il me paraît sain que notre droit du travail comporte des motifs inhérents à la personne et d’autres qui ne soient pas inhérents à la personne. La complexité vient du fait qu’en cas de motifs non inhérents à la personne, on est confronté au vaste ensemble qu’est le motif économique, dont on sait qu’il recouvre des difficultés graves, des restructurations et des mobilités à froid. Il s’agit là, au fond, de toutes les difficultés auxquelles on peut être exposé dans le cadre de l’application de notre droit du travail.

Pour répondre à l’observation de M. Chassaigne, ce n’est pas parce que le motif du licenciement est réputé économique que le juge ne pourra pas apprécier l’existence d’une cause réelle et sérieuse. Le texte ne préjuge pas de la cause réelle et sérieuse et laisse la plénitude de ses pouvoirs au juge. Il s’agit donc de mesures protectrices des salariés.

Nous avons eu également un débat sur la nature individuelle ou collective du licenciement. Nous l’avions déjà eu lors de la discussion générale et le tiendrons à nouveau lors de l’examen de l’article 12. Je le résume ainsi. Au regard du droit européen, qui concerne également des pays qui ne connaissent pas le double niveau de représentation français – délégués du personnel et délégués syndicaux –, on peut considérer que la procédure française de l’accord collectif vaut information et consultation des salariés. En effet, conclu à l’issue d’une négociation, il a nécessairement fait l’objet d’une information et d’une consultation des salariés – et non pas seulement des délégués du personnel et des délégués syndicaux.

Par ailleurs, sur le fond de l’amendement – et je vous laisserai expliquer, monsieur le ministre, comment vous avez opéré votre choix –, non sans vous avoir remercié au préalable pour notre travail commun, j’observerai d’abord que nous avons amélioré le texte, puisque nous avons défini une règle, me semble-t-il, satisfaisante pour établir la règle géographique au plus près des besoins des entreprises, qui préserve l’équilibre entre la vie familiale et la vie professionnelle.

Toutefois, il manquait à ce texte des précisions sur les modalités d’application de l’accord collectif à un salarié considéré individuellement. Nous avions donc déposé, avec M. Bachelay et les membres du groupe socialiste, un amendement qui, précisant ces modalités, avait pour objet d’établir une phase de concertation préalable, au cours de laquelle le salarié pouvait faire valoir les contraintes de sa vie professionnelle et le chef d’entreprise devait rechercher si d’autres salariés n’étaient pas plus aptes à occuper le poste.

Cela me paraît fondamental pour assurer la traduction concrète de ce que nous sommes en train d’écrire dans la loi. Or, votre amendement, monsieur le ministre, reprend l’idée de la phase de concertation au cours de laquelle seront prises en compte les contraintes personnelles de chacun, recueillies au cours des échanges, et où seront recherchées les personnes les plus aptes à occuper le poste concerné.

En faisant référence à la procédure prévue à l’article L. 1222-6 du code du travail, il satisfait également un amendement de Mme Fraysse, qui souhaitait que cette procédure, au cours de laquelle doit être recueilli l’accord du salarié, soit très encadrée.

Enfin, il permet de préciser – c’est un grand débat que nous avons eu en commission – la manière dont s’appliquent les clauses de reclassement. On voit bien que chaque cas est particulier : on ne va pas proposer un poste encore plus éloigné à quelqu’un qui, par exemple, travaille à Lyon et qui a déjà de grandes difficultés pour aller occuper un poste à Metz. Une adaptation des solutions de reclassement se révélera donc nécessaire pour offrir au salarié un poste plus proche de chez lui.

Nous nous retrouvons donc totalement, au regard des amendements que nous avions déposé, dans le texte que vous nous proposez, qui est très complet et décrit de manière très précise l’ensemble du dispositif. Mon avis est donc favorable sur l’amendement n° 5616 et défavorable sur le sous-amendement n° 5618.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 5618 ?

M. Michel Sapin, ministre. Merci, monsieur le rapporteur, d’avoir éclairé encore davantage les membres de l’Assemblée sur le contenu de cet amendement, qui a véritablement pour objectif de tenir compte de la volonté exprimée par les uns et par les autres tout en préservant l’équilibre global de l’ANI. Il s’agit de faire en sorte que les partenaires sociaux signataires de cet accord trouvent là des dispositions qui ne remettent pas en cause leur volonté.

Monsieur Vercamer, oui, il y a une différence entre nous.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !

M. Michel Sapin, ministre. Si vous demandez à l’Assemblée de revenir au motif personnel alors que, de l’autre côté de l’hémicycle, on lui préfère le motif économique, alors il y a bien une différence. Vous vouliez une différence, eh bien vous pouvez la constater. Vous vouliez un vote marquant cette différence, vous l’aurez sur ce sous-amendement !

J’irai au-delà car, le rapporteur l’a dit, comme moi-même d’ailleurs, on recherche ce qu’il y a de plus favorable, de plus adapté au salarié, et c’est là une démarche bien légitime. Mais je suis également garant, sans que mon rôle se borne à cela, de la sécurité juridique du dispositif. Je veux donc dire à M. Vercamer – mais cela peut également intéresser d’autres personnes dans cet hémicycle qui ont connu, par le passé, quelques petites difficultés de cette nature…

M. Arnaud Richard. Non, non !

M. Michel Sapin, ministre. …même s’ils n’étaient pas députés à l’époque mais travaillaient par exemple auprès d’un grand ministre du travail sur ces sujets. (Sourires.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. C’était un excellent collaborateur !

M. Hervé Morin. Vous avez demandé à Martine Aubry ce qu’elle pensait de l’accord ?

M. Francis Vercamer. C’est moi qui ai soulevé la question de la conformité avec la convention de l’OIT, et ce n’était pas sur ce point-là !

M. Michel Sapin, ministre. Je veux vous donner lecture de deux ou trois éléments issus de l’avis du Conseil d’État car, comme vous le voyez, je fais les choses en toute transparence.

Le Conseil d’État saisi, entre autres, de ce sujet, a estimé que la qualification du motif personnel du licenciement soulevait une difficulté. Il cite la convention n° 158 de l’OIT, affirmant que « ce texte ne recourt pas à la notion de licenciement pour motif personnel et pour motif économique : son article 4 distingue le licenciement lié à l’aptitude ou à la conduite du travailleur de ceux fondés sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise. Dans ce cadre, les licenciements consécutifs au refus d’application d’un accord de mobilité interne semblent davantage relever des nécessités du fonctionnement de l’entreprise – cela me paraît assez évident – que d’un motif personnel ».

« Compte tenu de ces éléments, et afin de sécuriser le dispositif sur le plan juridique », le Conseil d’État recommande de « considérer que les licenciements de salariés refusant l’application de l’accord de mobilité interne à leur contrat de travail reposent sur un motif économique. »

Voilà exactement le raisonnement de la Haute assemblée, qui a conseillé l’État, en l’occurrence le Gouvernement, qui a retenu ce dispositif, en faisant en sorte, bien entendu, qu’il soit adapté à la situation particulière du licenciement individuel, puisque c’est bien de cela qu’il s’agit. La dimension collective, comme cela a été très bien décrit, vient du recours à un accord collectif, avec une procédure de consultation du comité d’entreprise et éventuellement du CHSCT.

L’avis du Gouvernement est très défavorable au sous-amendement et, bien entendu, je demande à l’Assemblée nationale d’adopter l’amendement que je vous ai présenté.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Je veux d’abord remercier le garant de l’équilibre de nous avoir répondu sur le fond. Cela étant dit, le Conseil d’État n’a jamais dit que le motif personnel était contraire à la convention n° 158 de l’OIT.

M. Gérard Cherpion. Tout à fait !

M. Arnaud Richard. Vous l’avez dit, mais je le répète pour que cela soit bien clair. Le Conseil d’État a simplement dit que le dispositif serait plus sécurisé par le choix du motif économique que par le choix du motif personnel. Mais ce n’est pas tout noir ou tout blanc. Vous avez fait un choix. Les partenaires sociaux en ont fait un autre. On est dans la gradation. Vous avez fait un choix, vous l’assumez. Vous êtes dans votre rôle, vous vous y employez très bien, je respecte cela. Mais à notre sens, vous avez fait un choix extrêmement politique : ne laissez pas entendre que votre seul objectif est d’assurer la sécurité juridique du dispositif au regard de la convention n° 158 de l’OIT…

Mme Monique Iborra. C’était pour les deux !

M. Arnaud Richard. …comme, à l’époque, effectivement, il eût été préférable de faire les choses s’agissant du CNE.

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Pour notre part, nous nous interrogeons. Je me permettrai donc de proposer un sous-amendement à l’amendement du ministre, et voterai la nouvelle rédaction des alinéas 13 et 14 sous réserve de cette modification.

Je viens d’entendre les commentaires à propos de l’avis du Conseil d’État sur la question du licenciement pour motif économique, et je me réjouis de son contenu. Toutefois, si j’ai bien compris, intervient également la notion de licenciement individuel pour motif économique, une notion à nos yeux assez surprenante. N’étant pas un spécialiste du droit, je souhaite vous interroger, monsieur le ministre, sur la directive européenne 98/59/CE du Conseil du 20 juillet 1998 concernant le rapprochement des législations des États membres relatives aux licenciements collectifs.

Je ne vous lirai pas l’intégralité de la directive ; j’imagine d’ailleurs que vous la connaissez par cœur, tant vous avez eu l’occasion de la consulter. Mais cette directive, qui requalifie les licenciements en fonction du nombre de salariés concernés, elle estime que, dès lors qu’au moins dix salariés ont exprimé un refus, il s’agit bien d’un licenciement collectif, avec toutes les mesures que cela implique en droit français.

Permettez-moi d’y insister, car si on conserve cette notion de licenciement individuel pour motif économique, cela signifie que le refus de cinquante, quatre-vingts ou cent salariés – je ne veux pas le croire, mais c’est une hypothèse – conduira à autant de licenciements individuels. Cela correspond donc à un contournement des règles de droit actuelles. En outre, la directive européenne 98/59/CE pourrait être opposée au présent texte de loi, ce qui n’est pas le but recherché.

Puisque je souhaite que les alinéas 13 et 14 soient adoptés, je pense qu’il serait souhaitable de supprimer de l’amendement du Gouvernement le mot « individuel ».

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Le motif personnel n’est pas du tout contraire à la convention n° 158 de l’OIT. J’ai eu une lecture différente de celle du ministre et beaucoup plus proche de celle de M. Richard. Le Conseil d’État le confirme d’ailleurs, et on peut s’en apercevoir en lisant attentivement le texte.

En revanche, le Conseil d’État laisse entendre que le motif économique est plus sécurisant et sécurisé que le motif personnel. En fait, le système ne consiste pas à opposer un motif à l’autre, mais à donner une vision progressive de l’ensemble de ce secteur. C’est pourquoi je voterai la proposition de M. Vercamer, qui me semble être la bonne.

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard.

M. Denys Robiliard. L’amendement est très long ; il comprend plusieurs rubriques. Je souscris à l’ensemble de ses dispositions, à un détail près, qui est important : le mot « individuel ».

Tout d’abord, je partage l’analyse du ministre et du rapporteur en ce qui concerne le caractère économique du licenciement. Je rappelle que les salariés dont il est question ne sont pas liés dans leur contrat de travail par une clause de mobilité. Ils ne sont donc pas obligés, par leur contrat de travail, d’accepter une mobilité qu’ils ont acceptée ab initio lors de la signature de leur contrat de travail et qui est sous le contrôle d’ailleurs assez précis de la chambre sociale de la Cour de cassation.

D’ailleurs, lorsque l’employeur souhaite la mobilité d’un salarié pour les nécessités de l’entreprise, le motif du licenciement de ce salarié, s’il refuse la mobilité, n’est pas inhérent à sa personne. Il s’agit donc d’un licenciement économique, tant au regard de l’article 4 de la convention n° 158 de l’OIT, même si cette terminologie ne relève pas de cette organisation, qu’au regard du droit communautaire, qui connaît la notion de licenciement collectif dans la directive 98/59/CE évoquée par M. Cavard. Comme vous le savez, cette directive oblige à une information et à une consultation du comité d’entreprise, soit à une procédure collective qui est évidemment mise de côté par la rédaction actuelle.

Ce sujet me paraît important, avant tout parce qu’il est de notre responsabilité de législateur de nous assurer que les textes que nous votons sont en conformité avec les ordres juridiques supérieurs à l’ordre national, en particulier avec l’ordre juridique communautaire, dont les dispositions sont d’application immédiate. Ensuite, ce n’est pas parce que la loi appelle un chat une souris que le chat est devenu souris et qu’il le sera à la fois pour les juridictions françaises et, éventuellement, pour la Cour de justice de l’Union européenne si celle-ci devait être saisie.

Enfin, je citerai mes sources : deux professeurs de droit, un de Paris I-Panthéon-Sorbonne, l’autre de Paris II-Assas, l’un à La Semaine sociale du Lamy, l’autre à La Semaine juridique Social, concluent que, et sur l’article 10 et sur l’article 12, il y a un problème de compatibilité avec la directive.

Je n’ai pas le temps de donner lecture de ces commentaires, mais je souhaite entendre le Gouvernement donner une explication juridique approfondie qui permettrait de dépasser ce que ces deux professeurs de droit, issus de facultés certes proches mais pas moins prestigieuses, affirment quant à la compatibilité du texte avec l’ordre juridique communautaire.

M. le président. Avant de poursuivre le débat, je vous informe que sur le vote du sous-amendement n° 5618, je suis saisi par le groupe Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. J’entends bien les arguments, mais c’est encore la Cour de cassation qui juge, et non les professeurs d’Assas. La Cour de cassation l’a exprimé : le refus pour un salarié d’appliquer les mesures de l’accord collectif constitue un motif réel et sérieux ; c’est un motif non pas économique mais personnel. Il s’agit d’un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation, ce qui n’est pas rien.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Mais nous changeons la loi !

M. Francis Vercamer. Tout le monde peut donner son avis ; je préfère pour ma part m’appuyer sur la Cour de cassation. Quant au Conseil d’État, il ne dit pas que c’est illégal, mais simplement que c’est plus sécurisant ; ce n’est pas mon avis. J’ai été conseiller prud’homal, et je peux vous dire qu’il y aura des litiges. Parce qu’il s’agira d’un licenciement économique, on viendra contester les décisions prises, la licéité du licenciement ou le fait que celui-ci concerne telle ou telle personne, alors que, dans le cas d’un licenciement personnel, pour motif réel et sérieux, il n’y a pas de contestation possible. C’est alors bien la personne qui refuse qui est concernée. Je vous explique cela en me fondant sur mon expérience personnelle de dix années.

M. le président. Je vous informe également que sur le vote de l’amendement n° 5616, je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le ministre, pour ma part, j’ai perçu votre explication comme une forme d’enfumage,…

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Ce mot n’est pas utile au débat !

M. André Chassaigne. …mais sans doute est-ce parce que je ne suis pas un grand spécialiste de ces questions.

Tel qu’il est écrit, le texte semble répondre essentiellement à deux objectifs, qui sont sans aucun doute voulus par le MEDEF.

Le premier objectif est de s’opposer aux conséquences de la jurisprudence de la Cour de cassation dans l’arrêt rendu le 28 septembre 2010. La Cour a en effet estimé que même lorsqu’une modulation résultait d’un accord collectif, le salarié devait donner son accord à sa mise en œuvre parce que son contrat de travail s’en trouvait modifié. Comme le maintien d’une telle jurisprudence bloquerait les licenciements pour mobilité, le premier objectif du MEDEF est de s’opposer à ce principe, de faire en sorte qu’un texte de loi permette de revenir sur cette décision afin de faire sauter le verrou et de faciliter la mobilité.

Nous avions eu l’occasion de dénoncer les tentatives que le gouvernement précédent avait faites dans ce sens. D’ailleurs, j’ai sous les yeux une intervention prononcée le 12 octobre 2011 par M. Vidalies, qui était alors député, et qui fait une démonstration fulgurante, magistrale.

M. Hervé Morin. Lisez-la !

M. André Chassaigne. Je ne pourrai pas vous la lire dans sa totalité mais elle correspond tout à fait à mon propos : « Sur le plan juridique, sur le plan humain, c’est très important : le résultat d’une nouvelle organisation du travail doit être compatible avec la vie personnelle de chaque salarié ; parfois, il ne l’est pas. La Cour de cassation donne à tout salarié la liberté de refuser cette modification de son contrat ; c’est une liberté que vous voulez lui retirer. Ce n’est donc pas une simplification ; c’est une régression. »

M. Yves Jégo. Oui, mais c’était avant !

M. André Chassaigne. Mais justement ! Je peux vous lire l’intervention en totalité, si vous voulez !

M. Hervé Morin. Allez-y !

M. André Chassaigne. Cette démonstration consistait précisément à dénoncer le fait que l’accord collectif permettait de contourner l’arrêt de la Cour de cassation. Tel est donc le premier objectif visé. On peut enfumer comme on veut, on peut dire ce qu’on veut : l’objectif du MEDEF est de faire sauter le verrou.

Le deuxième verrou qu’il faut faire sauter est celui des licenciements collectifs. Cet article ouvre la possibilité de cumuler les licenciements économiques individuels : on pourra en avoir dix, quinze, vingt, trente, cinquante, cent et ne pas mettre en œuvre les procédures de licenciement collectif. C’était le deuxième but recherché par le MEDEF quand il a imposé cet article dans les négociations ; telle est la réalité.

Depuis le début, vous répétez qu’il faut avoir confiance en la capacité des organisations syndicales à imposer des accords respectueux des droits des salariés. Mais n’oubliez pas que si les organisations syndicales représentent seulement 30 % des salariés, elles pourront signer avec 30 % des salariés.

M. Michel Sapin, ministre. Mais 50 % peuvent s’y opposer !

M. André Chassaigne. Encore faut-il une organisation syndicale en face qui dépasse les 50 % !

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Monsieur le ministre, l’article 10 instaure une vraie novation, et je suis d’accord sur ce point avec le président du groupe GDR : il fait primer l’intérêt général – en l’espèce, l’accord entre partenaires sociaux – sur l’intérêt individuel. C’est bien de cela qu’il s’agit. Je regrette toutefois que vous ayez décidé, pour tenter de satisfaire votre majorité, de nous « enfumer », comme l’a dit M. Chassaigne, ou d’embellir les dispositions de l’article.

Je ferai à cet égard deux observations.

Premièrement, vous n’avez pas répondu à Francis Vercamer, qui soulignait qu’il pourrait désormais y avoir plusieurs licenciements pour motif économique du fait qu’un certain nombre de salariés refusent l’accord de mobilité. Personne ne sait aujourd’hui s’ils seront considérés et qualifiés par la chambre sociale de la Cour de cassation comme des licenciements collectifs de moins de dix salariés dans une même période de trente jours ou comme des licenciements collectifs de dix salariés ou plus. On crée donc une première incertitude juridique.

Deuxièmement, je comprends bien pourquoi la majorité affirme que le licenciement économique apporte plus de protection que le licenciement individuel – je me souviens de la teneur des débats que nous avons eus en commission sur le sujet. L’intérêt de l’accord signé par les partenaires sociaux résidait dans l’ajout au licenciement individuel d’un certain nombre de protections accordées en général dans le cadre des licenciements économiques : le reclassement, etc. Avec votre amendement, qui tente de rendre la mariée un peu plus belle, vous allez compliquer les choses de façon considérable.

Je relisais un certain nombre de dispositions du code du travail. On peut considérer que vous proposez un licenciement sui generis, situé à mi-chemin entre le licenciement individuel et le licenciement économique. Mais je vous rappelle que, dès lors que la rupture du contrat de travail est considérée comme un licenciement économique, l’article L. 1233-4 – je m’appuierai sur un seul exemple afin de ne pas être trop long – dispose que « le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés ». En d’autres termes, on risque d’introduire des obligations supplémentaires qui vont progressivement vider de leur sens les dispositions de cet article 10.

Autre obligation liée au licenciement économique, prévue par l’article L. 1233-4-1 : « Lorsque l’entreprise ou le groupe auquel elle appartient est implanté hors du territoire national, l’employeur demande au salarié, préalablement au licenciement, s’il accepte de recevoir des offres de reclassement hors de ce territoire ». Il existe aussi toute une série de dispositions liées à la consultation des salariés.

On va donc se retrouver avec un article 10 qui rendra obligatoire une phase de concertation, comme le prévoit le troisième alinéa de votre amendement, mais qui induira également l’application de l’ensemble des dispositifs et des procédures liés au licenciement économique. En voulant rendre la mariée plus belle, vous viderez de son sens une disposition qui était intéressante, car elle faisait primer l’intérêt général sur les intérêts individuels.

M. le président. La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Je suis, avec Denys Robiliard et d’autres collègues, signataire d’un amendement qui tombera avec l’adoption probable de l’amendement du Gouvernement. Nous proposons donc un sous-amendement à l’amendement n° 5616, qui vise à supprimer, à l’alinéa 5, le mot : « individuel ».

D’une part, nous ne sommes pas convaincus de la compatibilité du dispositif avec la directive européenne. D’autre part, le fait que le refus par un salarié de voir son contrat de travail modifié par un accord de mobilité puisse avoir pour corollaire l’exonération pour l’entreprise de ses obligations liées à un plan de sauvegarde de l’emploi fait l’objet de débats.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard, pour un rappel au règlement.

M. Christophe Cavard. Sur le fondement de l’article 58, alinéa 1 du règlement et pour le bon déroulement de nos travaux, je souhaiterais que le sous-amendement que j’ai proposé, visant à supprimer à l’alinéa 5 le mot « individuel », soit repris par le Gouvernement – ce qui est fort peu probable –, tout du moins débattu et mis aux voix. Il est en effet bien compliqué de travailler lorsque l’on découvre en séance, et à la dernière minute, un amendement du Gouvernement !

M. le président. J’avais annoncé un scrutin public sur l’amendement du Gouvernement avant que vous n’exprimiez votre souhait de le sous-amender. Or la procédure est telle qu’un amendement dont le vote a été annoncé ne peut recevoir de correctif, de quelque nature qu’il soit.

La parole est à M. Arnaud Richard, pour un rappel au règlement.

M. Arnaud Richard. J’irai dans le sens de notre collègue Christophe Cavard : nous avons pris connaissance de l’amendement du Gouvernement il y a environ une demi-heure. Son adoption fera tomber toute une série d’amendements, ce qui explique que nous ayons déposé dans la précipitation un sous-amendement.

Ce genre de procédure obère quelque peu la discussion, alors que tous les groupes avaient déposé de nombreux amendements sur le sujet. Le Gouvernement en avait déjà fait usage à l’article 8, faisant tomber une cinquantaine d’amendements, en particulier ceux qui nous tenaient à cœur parce qu’ils portaient sur les services à la personne. C’est une procédure que je connais, que j’ai déjà pratiquée et qui ne sert pas la qualité de nos débats.

Concernant la rupture du contrat, le projet de loi a retenu l’inverse de l’ANI. L’ANI précisait explicitement que le refus n’entraînait pas le licenciement économique et qu’il s’agissait d’un licenciement pour motif personnel. Le projet de loi retient justement le caractère économique du licenciement, mais il exonère les employeurs de la procédure collective en cas de licenciements multiples.

Sur la forme, je me permettrai de citer le Président de la République, qui, dans son intervention télévisée la semaine dernière, a déclaré solennellement qu’il demanderait l’avis des partenaires sociaux sur toutes les modifications de l’équilibre de l’accord.

M. le président. Cette partie de votre intervention ne relève plus d’un rappel au règlement, monsieur Richard. Je vous demande donc de bien vouloir conclure.

M. Arnaud Richard. Monsieur le ministre, vous vous dites garant de l’équilibre, mais ce ne sont pas les mêmes échos qui nous parviennent des partenaires sociaux – nous ne devons pas avoir les mêmes contacts. Il serait donc souhaitable que vous nous transmettiez, d’ici l’examen du texte au Sénat, leur accord formel – et non simplement oral – sur ce changement de l’ANI.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures trente-cinq, est reprise à vingt-trois heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 10 (suite)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, je souhaite retirer ma demande de scrutin public.

M. le président. Très bien, monsieur Chassaigne.

Sur l’amendement n° 5616, je suis donc saisi d’un second sous-amendement, n° 5619, de M. Cavard, sur lequel le groupe écologiste a demandé un scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Le groupe SRC votera contre les sous-amendements n° 5618 de M. Morin et n° 5619 de M. Cavard, et pour l’amendement n° 5616 du Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous avons quelque peu perdu de vue le sens de l’amendement du Gouvernement lorsque nous avons évoqué les interprétations jurisprudentielles de la Cour de cassation, notamment celle commentée par M. Vidalies lorsqu’il était député.

Sur ce sujet, les juridictions étaient saisies de deux questions : quelle est la nature du refus du salarié ? Le licenciement est-il de nature économique ? L’enjeu était d’obtenir que le refus du salarié ne puisse être considéré comme pouvant lui être imputé.

Le dispositif qui nous est proposé règle cette question : lorsqu’un accord a été négocié, le salarié qui a vu les clauses de son contrat de travail contraires à l’accord suspendues et qui a invoqué auprès de l’employeur sa situation personnelle est protégé juridiquement.

En effet, son refus est légitime puisqu’il ne repose pas sur des motifs personnels mais sur un motif économique. Je rappelle la phrase : « Le licenciement repose sur un motif économique. » Cette formulation va écarter tous les contentieux que nous connaissions, dont ceux que vous avez évoqués.

Nous sommes ici dans une procédure de licenciement individuel pour motif économique, ce qui me paraît être la situation la plus protectrice pour le salarié.

Cet amendement permet donc de résoudre les difficultés qui surgissaient lorsqu’un salarié refusait la modification des clauses de son contrat, modification dont l’employeur alléguait qu’elle avait un motif économique. Ces difficultés donnaient lieu à des contentieux extrêmement lourds, dans lesquels l’employeur cherchait en particulier à imputer le refus du salarié à d’autres causes que le motif économique.

M. le président. Avant de passer au vote sur les sous-amendements, j’annonce que, sur le vote de l’amendement n° 5616, je suis saisi par le groupe Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vais maintenant mettre aux voix le sous-amendement n° 5618.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 65

Nombre de suffrages exprimés 65

Majorité absolue 33

(Le sous-amendement n° 5618 n’est pas adopté.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix le sous-amendement n° 5619.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 63

Nombre de suffrages exprimés 63

Majorité absolue 32

(Le sous-amendement n° 5619 n’est pas adopté.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 5616.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 63

Nombre de suffrages exprimés 53

Majorité absolue 27

(L’amendement n° 5616 est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 4555, 5261, 1121 à 1130, 4502, 958 rectifié, 1141 à 1150, 3389 à 3398, 1434 rectifié, 3854, 1131 à 1140, 1912, 5401 deuxième rectification, 1151 à 1160, 59, 80, 4443, 4358 à 4367, 1171 à 1180, 47, 1214 à 1223, 5239 à 5248, 1315 à 1324, 3596, 4480, 1584 à 1593, 4468 rectifié et 5183 à 5192 tombent.

Nous en venons à une série d’amendements identiques sur lesquels je suis saisi par le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse pour soutenir l’amendement no 5172.

Mme Jacqueline Fraysse. Avec cet amendement, nous voulons clarifier les choses. Elles ne sont en effet toujours pas claires et il est temps de cesser de tourner autour du pot.

Monsieur le ministre, vous refusez de rattacher le motif économique prévu à l’article 10 de votre projet de loi à la définition légale de l’article 1233-3 du code du travail, et vous n’avez pas répondu aux questions que nous avons posées sur ce point. Nous n’avons donc aucune garantie, et ce d’autant moins que nous sommes en train de parler d’entreprises qui ne connaissent pas de difficultés.

Ne sachant toujours pas de quel motif économique il s’agit, nous voulons que soit précisé que ce motif ne peut en aucun cas résulter de l’existence de l’accord de mobilité et du refus du salarié, ce qui reviendrait à faire rentrer par la fenêtre le motif personnel que vous indiquez avoir fait sortir par la porte.

Nous insistons pour lever toute ambiguïté : quel est, monsieur le ministre, ce motif économique, s’agissant d’une entreprise qui ne connaît pas de difficultés ? Vous ouvrez ici la voie au licenciement collectif sans procédure collective, et nous ne pouvons obtenir de votre part de réponse claire. Pourquoi refusez-vous de rattacher ce motif à l’article 1233-3, sinon parce que vous savez qu’un licenciement prononcé dans ce contexte ne répondra pas à cette définition ?

Nous attendons une réponse et avons demandé un scrutin public, car il s’agit d’un point essentiel pour la protection des salariés.

M. André Chassaigne. Bravo !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.

Vous confondez, madame la députée, le motif du licenciement et le caractère réel et sérieux de sa cause ; c’est au juge qu’il reviendra de décider s’il y a une cause réelle et sérieuse au licenciement.

M. André Chassaigne. La jurisprudence apportera la réponse : c’est ce qu’on voulait entendre !

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Monsieur Chassaigne, vous ne vous êtes pas privé tout à l’heure de nous citer des arrêts de la Cour de cassation ! Sans parler forcément de jurisprudence, je répète que ce sera au juge, au conseil des prud’hommes et, le cas échéant, en appel au juge judiciaire de décider du caractère réel et sérieux de la cause du licenciement. Le motif est économique parce qu’il est non inhérent à la personne ; cela découle de notre ordre juridique comme de la convention 158 de l’OIT.

Enfin, monsieur Chassaigne, vous avez cité, à propos de la loi Warsmann, qui concerne les horaires de travail, les propos de M. Vidalies. Il faut vraiment avoir conscience des clauses dont on parle et de la jurisprudence qui y est associée. Aujourd’hui, combien de contrats de travail comprennent des clauses de mobilité ? Très peu. Au reste, selon la jurisprudence, le fait que votre contrat de travail mentionne que vous devez travailler au 126, rue de l’Université n’empêche pas que l’on vous demande de travailler ailleurs. S’il n’est pas expressément écrit dans votre contrat de travail que vous ne pouvez pas exercer votre activité ailleurs qu’à l’Assemblée nationale, pour prendre cet exemple, on peut vous appliquer une clause de mobilité. La jurisprudence a d’ailleurs estimé que refuser une mobilité au sein de l’Île-de-France constituait une faute.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement !

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Nous partons de là, monsieur Chassaigne ! C’est pourquoi nous essayons, à travers des accords collectifs, de créer en faveur des salariés des protections contre la mobilité, dans un pays où il n’en existe quasiment pas.

M. André Chassaigne. Tous les juristes disent le contraire !

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Non, pas tous, et nous avons auditionné autant de juristes que vous ; nos débats sont là pour éclairer tous ceux qui se pencheront sur le sujet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Le rapporteur a été parfait. Même avis.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Nous n’avons pas eu de réponse sur un point extrêmement important : comment peut-on arguer d’un motif économique dans une entreprise qui ne connaît pas de difficultés économiques ?

Vous avez vous-même parlé d’accords collectifs qui pouvaient s’écrire « à froid », hors de tout contexte de crise, et vous inventez aujourd’hui un motif économique qui ne s’appuie sur aucune justification économique. Voilà qui est exceptionnel et qui va marquer l’histoire de notre pays !

Mme Jacqueline Fraysse. C’est incroyable !

M. André Chassaigne. Vous pensez peut-être avoir convaincu quelqu’un avec vos arguments, mais je ne vois pas quel plaisir vous pouvez prendre à vous persuader ainsi d’avoir convaincu tout le monde.

M. Michel Sapin, ministre. Tout le monde, c’est très difficile !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Monsieur le député, il y a deux possibilités : le licenciement pour motif personnel ou le licenciement pour motif économique. Lequel est plus protecteur pour les salariés ? Le motif économique, parce que les indemnités sont supérieures et les mesures de reclassement interne que nous avons voulues plus protectrices.

M. Hervé Morin. Mais non ! On pouvait imaginer un licenciement pour motif personnel avec des protections !

M. Jean-Marc Germain, rapporteur, On comprend bien d’ailleurs pourquoi cela a suscité des protestations sur les bancs de la droite et une demande de scrutin public. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Hervé Morin. Et les communistes, pourquoi ils sont contre ? On vous sert d’alibi !

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. À présent que j’ai répondu à la dernière de vos questions, j’espère que vous vous sentirez à l’aise pour voter l’article 10.

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Bouillonnec.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Revenons-en aux fondements du débat. Le motif du licenciement est soit personnel, soit économique. En qualifiant de licenciement pour motif économique le licenciement d’un salarié consécutif au refus qu’il a opposé à une modification de son contrat découlant d’une négociation collective, on le protège.

Ensuite, il ne faut pas se méprendre sur la notion de motif économique, qui doit être comprise par opposition à la notion de motif personnel et qui exonère de ce fait le salarié de toute responsabilité, en le protégeant.

Le motif économique n’a pas de lien avec le fait que l’entreprise soit ou non difficulté. Lorsqu’une réorganisation de la production impose à une entreprise de transférer une activité d’un lieu vers un autre, la jurisprudence a admis que les salariés qui refusaient la mobilité pouvaient être licenciés pour motif économique, et ce alors même que la réorganisation n’était pas motivée par des difficultés économiques. Cela montre bien que le motif économique du licenciement ne se limite pas aux difficultés économiques que connaît l’entreprise mais qu’il recouvre également les questions de réorganisation de l’activité.

L’intérêt de l’alternative entre licenciement pour motif personnel et licenciement pour motif économique, c’est que, dans le premier cas, la responsabilité du salarié peut être mise en cause, jusqu’à faire de son refus une faute grave, tandis que, dans le second cas, il est totalement exonéré de ce risque. L’inscrire dans la loi évite les aléas d’un jugement, ce qui est très protecteur.

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Je voulais simplement dire au rapporteur qu’on pouvait parfaitement qualifier ce licenciement de licenciement individuel, pour éviter en effet la confusion qu’évoque M. Chassaigne, tout en accordant aux salariés, ainsi que le souhaitaient les partenaires sociaux, un certain nombre de protections en termes de formation, de qualification et de reclassement. Je trouve dommage qu’on ait, au contraire, procédé à une confusion des genres.

M. Jean-Luc Laurent. Petit malin !

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 5172.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 50

Nombre de suffrages exprimés 50

Majorité absolue 26

(L’amendement no 5172 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Bachelay, pour soutenir l’amendement n° 5436.

M. Guillaume Bachelay. Cet amendement, que j’ai déposé avec cinq autres collègues de Seine-Maritime, Christophe Bouillon, Dominique Chauvel, Estelle Grelier, Sandrine Hurel et Catherine Trallic, doit permettre aux salariés concernés par la mobilité d’anticiper les conséquences du changement de leur lieu de travail, qui peut entraîner un déménagement ou un changement d’établissement scolaire pour les enfants.

Un délai de douze mois prolongé le cas échéant de la durée du congé maladie ou du congé maternité permettrait en particulier aux enfants de ces salariés de terminer leur année scolaire. Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. J’ai déjà évoqué le travail que nous avions mené avec M. Bachelay et nos collègues du groupe socialiste. Nous avons largement débattu de cette question. Son amendement, tout à l’heure, n’a pas pu être retenu car, même si sa plume a une renommée internationale, il a trouvé son maître en notre administratrice, Christelle Thomas, qui a rédigé l’amendement que nous lui avons préféré. L’amendement qu’il vient de présenter procède du même esprit mais est satisfait par celui que nous avons adopté précédemment. Je lui propose par conséquent de le retirer.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même hommage à la rédactrice de l’autre amendement. (Sourires)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Bachelay.

M. Guillaume Bachelay. Moi aussi, je rends tous les hommages de la terre, dans ce bel unanimisme. Je remercie notamment, pour sa réponse et son travail, notre rapporteur ainsi que M. le ministre. L’on sait que nos débats peuvent éclairer l’application concrète des lois votées ; j’espère que les négociations autour de la mobilité interne intégreront la notion de délai raisonnable entre l’annonce de la mobilité et la prise de poste effective. C’est vrai que l’on invente une nouvelle façon de concevoir la démocratie. La démocratie politique doit être loyale à l’égard de la démocratie sociale, mais la réciproque doit être vraie aussi. Sur cette base, nous retirons notre amendement.

(L'amendement n° 5436 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement n° 1433.

M. Gérard Cherpion. Suite à ces discussions, il est opportun de préciser si les dispositions de l’article L. 1222-6 en matière de modification du contrat de travail pour motif économique s’appliquent. Rien ne l’indiquant, il apparaît important de pallier cette lacune.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Monsieur Cherpion, cet amendement est satisfait par l’amendement n° 5616 du Gouvernement, ce qui témoigne de la qualité du travail que celui-ci a pu réaliser puisqu’il a pris en compte à la fois votre amendement et celui de Mme Fraysse. Je vous renvoie par conséquent à la rédaction de l’amendement du Gouvernement : « Lorsque, après une phase de concertation permettant à l’employeur de prendre en compte les contraintes personnelles et familiales de chacun des salariés potentiellement concernés, l’employeur souhaite mettre en œuvre une mesure individuelle de mobilité prévue par l’accord conclu au titre du présent article, il recueille l’accord du salarié selon la procédure prévue par les dispositions de l’article L. 1222-6 du code du travail. »

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis. Il est en effet satisfait par l’amendement n° 5616.

M. le président. Monsieur Cherpion, maintenez-vous votre amendement ?

M. Gérard Cherpion . Je le retire, monsieur le président.

(L'amendement n° 1433 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 1913 rectifié.

M. Jean-Marc Germain. Dans un certain nombre de domaines sur lesquels nous sommes amenés à délibérer, j’ai souhaité que des rapports très précis puissent être remis par le Gouvernement au Parlement. Les dispositions relatives à la mobilité font légitimement débat et il est utile que les accords de mobilité puissent être suivis avec précision pour, le cas échéant, apporter les corrections nécessaires. C’est ainsi que le droit de suite, comme je l’appelle, peut s’appliquer. C’est également une manière de concilier les différences qui ont pu s’exprimer sur ces dispositions.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Excellent amendement !

(L'amendement n° 1913 rectifié est adopté.)

(L'article 10, amendé, est adopté.)

Article 11

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits à l’article 11.

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. L’article 11 pose les bases d’un nouveau régime d’activité partielle, fusionnant et simplifiant les régimes antérieurs de chômage partiel, notamment l’allocation spécifique et l’allocation pour activité partielle de longue durée. Les entreprises qui se trouveront en activité partielle dans le cadre de ce nouveau dispositif bénéficieront d’une allocation financée à la fois par l’État et l’UNEDIC.

Les paramètres, les contreparties s’imposant aux entreprises et le taux de remplacement pour les salariés seront fixés dans les textes d’application : un décret en Conseil d’État et une convention financière entre l’État et l’UNEDIC.

Nous exigeons, en préalable à toute discussion, de connaître la teneur des décrets d’application.

Sur le fond, autant le dire tout de suite, cet article, qui rebaptise hypocritement le chômage partiel en « activité partielle » est entièrement favorable aux grandes entreprises. Les mots sont comme des poignards qui transpercent les cœurs. Oui, le patronat nous fend le cœur ! Et le monde du travail, en plus, perd la bataille des mots !

Quant à la lutte des classes, jugez plutôt : il est prévu que l’État et Pôle Emploi augmentent les aides financières qu’ils accordent à l’employeur pour cette « activité partielle », alors que, dans certains cas, l’indemnisation du salarié en chômage partiel sera diminuée par rapport à ce qu’il perçoit aujourd’hui.

De surcroît, l’article supprime de fait le contrôle de l’inspection du travail sur la réalité des heures chômées indemnisées et introduit une possible obligation de formation pendant les périodes dites d’« activité partielle ».

Nous le disons avec force, ce n’est pas au monde du travail de régler la facture du capitalisme ! Les salariés ne peuvent être la variable d’ajustement d’un système uniquement soucieux de ses profits. Nos vies valent mieux que leurs profits !

Notre collègue Alain Bocquet, il y a peu, proposait une loi toute simple. Il s’agissait d’agir en faveur des salariés privés d’activité durant des périodes imposées de chômage partiel, en garantissant l’intégralité de leur rémunération en y affectant en priorité des dividendes.

Voilà comment nous pourrions concrètement préférer le travail à la rente !

Voilà comment nous pourrions refuser que ce soit le travail qui alimente la rente, et progresser dans un juste partage des richesses, dont les salariés sont les seuls producteurs.

M. le président. La parole est à M. François Asensi.

M. François Asensi. Dans son rapport, le rapporteur nous précise que le chômage partiel est un dispositif qui permet à une entreprise confrontée à une baisse temporaire d’activité de suspendre, sans les rompre, les contrats de travail conclus avec ses salariés.

L’article 11, qui reprend l’article 19 de l’accord, pose les bases d’un nouveau régime de chômage partiel pour faciliter le recours à celui-ci.

L’ensemble de ce texte comporte des dispositions permettant d’échapper à la procédure de licenciement économique : facilitation des mobilités internes, accords dits de maintien dans l’emploi et simplification – grâce à l’article 11 – des dispositifs de chômage partiel. Tous permettent de réduire les effectifs de manière plus ou moins discrète, progressive, et sans contestation parce que sans licenciement économique collectif.

Le recours à l’activité partielle est utilisé d’ailleurs depuis quarante ans comme alternative aux licenciements. Aussi le patronat se réjouit-il de cet article.

Pourquoi d’ailleurs se réjouit-il ? Il suffit de lire les travaux consacrés au sujet pour prendre conscience qu’en pratique, il est fort probable qu’un salarié au chômage partiel, à l’issue de la suspension de son contrat, soit licencié pour un motif économique. Le chômage partiel est, en fait, un amortisseur social qui dissuade souvent les salariés de contester la rupture de leur contrat.

Cet article, facilitateur du recours au chômage partiel, est très certainement l’une des principales raisons qui explique que le patronat, la droite, l’OCDE, et le Wall Street Journal saluent cet accord.

Vous l’aurez compris, c’est un motif de grande réjouissance pour le MEDEF.

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Je voudrais contrebalancer les propos de nos amis du groupe GDR. Cet article vise à fusionner les différents dispositifs d’activité partielle et ainsi à les simplifier. Pour avoir suivi plus particulièrement toutes les dispositions relatives à la formation professionnelle, je puis vous affirmer que les salariés en activité partielle pourront bénéficier des activités de formation et percevoir, dans ce cadre, une majoration de l’indemnisation prévue au titre du chômage partiel. C’est une avancée et une bonne nouvelle.

M. le président. Nous en arrivons à une série d’amendements visant à supprimer l’article 11.

La parole est à M. François Asensi pour soutenir l’amendement n° 2330.

M. François Asensi. Le MEDEF présente à ses adhérents l’article 11 avec beaucoup d’enthousiasme. Voici ce qu’il en dit : « Cet article est une simplification du mécanisme du chômage partiel qui permet de surmonter les deux obstacles à son recours : unification des deux dispositifs actuels et obligation pour l’administration de répondre sous quinze jours faute de quoi son autorisation est validée ». Par ailleurs, l’obligation imposée à l’employeur de maintenir dans l’emploi les salariés concernés pendant une période équivalente au double de celle du bénéfice du chômage partiel ne sera plus systématique.

« Surmonter les deux obstacles du recours au chômage partiel » : tout est dit.

Cet article ne facilite rien d’autre que la réduction forcée du temps de travail avec, pour corollaire, la baisse du salaire qui peut aller de 25 % à 40 %. Le chômage partiel n’a bien évidemment aucun effet contre le chômage, puisqu’il est une forme de chômage aménagé, alimenté, masqué, au détriment des salariés. Ces observations m’amènent à vous livrer les réflexions de Pascal Lokiec, professeur de droit à l’université Paris Ouest Nanterre La Défense, qui déplore l’écart entre l’habillage et le contenu : « Non seulement on n’a absolument rien ou alors quelque chose de mou mais l’accord va en sens inverse. Il offre un recul du contrôle des licenciements pour motif économique.

M. Michel Sapin, ministre. N’importe quoi !

M. François Asensi. Nous attendions en effet autre chose en matière de sécurisation de l’emploi. »

Pour toutes ces raisons, nous demandons que cet article soit supprimé.

(L’amendement n2330, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier pour soutenir l’amendement n° 2230.

M. Jean-Jacques Candelier. Cet amendement tend à compléter l’alinéa 6 en prévoyant une autorisation expresse de l’autorité administrative.

En effet, le texte dispose que cette autorisation serait tacite. Le rapport est clair, sur ce point : « La mobilisation de l’activité partielle est logiquement le fait d’entreprises qui se trouvent dans une situation difficile et qui se heurtent à des contraintes spécifiques et à une relative urgence. C’est pourquoi, dans le cadre des réformes successives du dispositif qui ont été proposées après la crise de 2008 pour le rendre plus efficace, les partenaires sociaux ont, dans un premier temps, souhaité dans le cadre de l’accord national interprofessionnel du 8 juillet 2009 sur la gestion sociale des conséquences de la crise économique sur l’emploi, que l’administration puisse réduire son délai de réponse de vingt à dix jours….

M. Michel Sapin, ministre. Eh oui.

M. Jean-Jacques Candelier. …puis ont, dans un second temps, dans le cadre de l’accord du 13 janvier 2012, réitéré cette demande tout en proposant la suppression de l’autorisation préalable de l’administration pour toute entreprise qui connaîtrait une dégradation forte et subite de son activité ».

La question a finalement été tranchée ainsi : « Afin de ne pas pénaliser les entreprises qui doivent pouvoir placer rapidement, mais en toute sécurité, tout ou partie de leurs salariés en chômage partiel, et qui seraient bloquées par les délais de traitement de l’administration, une procédure d’acceptation tacite a été mise en place : elle permet à une entreprise de procéder au placement en chômage partiel passé un délai de quinze jours ouvrés, contre vingt jours antérieurement, sans réponse des services de l’État ».

L’autorisation de l’autorité administrative de recourir au chômage partiel ne peut être tacite. Ce serait inacceptable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. S’agissant du remplacement des termes de « chômage partiel » par ceux d’« activité partielle », je vous ai déjà dit combien il me semblait important que l’on essaie d’inverser la vapeur dans ce pays où l’on considère un licenciement comme un gain financier alors qu’en Allemagne, il est vu comme une perte de compétence. Nous allons donc en renchérir le coup et renforcer les pouvoirs de l’administration pour diminuer le nombre des licenciements et favoriser les solutions alternatives, c’est-à-dire, notamment, le chômage partiel, rebaptisé en activité partielle. Ce n’est pas seulement un changement de mot, puisque l’on permettra d’alterner entre les différents salariés, ligne de production par ligne de production. Sur ce plan, j’y suis plutôt favorable.

Vous avez tenu, monsieur Candelier, des propos très durs contre l’activité partielle, mais reprenons les chiffres. En 2009, en Allemagne, 1 600 000 salariés ont été mis en activité partielle plutôt que licenciés, contre 200 000 en France. Ne nous étonnons pas ensuite que le chômage soit passé de 7,5 à 10 % de la population active en France tandis qu’il baissait en Allemagne. Je suis profondément convaincu que nous tenons là la raison principale de cet écart. Nous avions d’ailleurs vigoureusement protesté à l’époque contre la sous-utilisation de l’activité partielle.

La deuxième chose, c’est l’autorisation de l’administration. Doit-elle être expresse ou peut-on admettre qu’elle soit implicite ? C’est une question de fond. Mais là encore, nous sommes face à des entreprises en difficulté. Le moins qu’on puisse exiger des services de l’État – nous avons toute confiance dans les services du ministre –, c’est qu’ils prennent leurs décisions rapidement. Je ne vois pas qu’il puisse y avoir des situations où il y aura des autorisations implicites, en tout cas pas sous cette majorité.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Je suis tout à fait convaincu par les propos du rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. François Asensi.

M. François Asensi. Vous dites, monsieur le rapporteur, que le chômage partiel est une solution aux difficultés économiques des entreprises. Il se trouve que je suis député de la Seine-Saint-Denis et que, dans une autre vie, j’ai été député d’Aulnay-sous-Bois. Je connais donc parfaitement l’entreprise PSA à Aulnay.

Que s’est-il passé ? On a commencé par mettre à la porte les intérimaires, puis il y a eu du chômage partiel. Maintenant, on est arrivé à la suppression d’un site, ce qui est un drame pour les salariés. Je ne fais pas dans le misérabilisme, c’est la vérité. Je connais certains d’entre eux qui habitent dans la ville dont j’ai l’honneur d’être le maire.

Le chômage partiel est pour le patronat une solution pour trouver des réorganisations d’entreprises à seule fin d’augmenter les bénéfices, et surtout les dividendes pour les actionnaires. Voilà pourquoi nous considérons que l’article 11 facilite grandement le licenciement pour les entreprises.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Il est très tard et je sais que chacun d’entre nous a envie que nous puissions avancer dans le débat, et particulièrement vous, monsieur le président. Je ne me lancerai donc pas dans une grande diatribe sur ces questions.

Dans mon intervention liminaire, je disais qu’il fallait en finir avec la préférence française pour le licenciement. Or quand je vous entends, j’entends cette préférence pour le licenciement. Le chômage partiel, c’est mauvais, dites-vous. Le licenciement serait donc meilleur ? Car telle est l’alternative. Ce n’est pas pour aider l’entreprise, c’est pour éviter que le salarié se voie coupé de l’entreprise, sorti de l’entreprise !

Je n’irai pas plus loin, mais nous avons vraiment sur ce point une vision extrêmement contrastée. Je ne comprends pas, car moi qui ai discuté avec toutes les organisations syndicales, je n’ai jamais entendu une position de cette nature.

Croyez-vous que les propositions qui ont été faites pour faciliter l’utilisation du chômage partiel venaient d’une, deux ou trois organisations syndicales ? Non, c’étaient des propositions beaucoup plus larges. Il vaut mieux, lorsqu’une entreprise traverse une période difficile, utiliser le chômage partiel que le licenciement. Cela me semble être une évidence !

Ensuite, c’est toujours le même débat, il est légitime d’éviter les abus dans l’utilisation. Mais vous prenez l’abus comme étant le modèle. Moi, je prends le système avec ce qu’il apporte de bon, de fondamental pour les salariés et je mets les bornes pour éviter les abus, d’où la nécessité d’une autorisation de l’administration.

M. le président. La parole est à Mme Monique Iborra.

Mme Monique Iborra. Notre collègue Asensi a fait état d’une expérience personnelle.

Je peux, moi aussi, vous parler d’une expérience personnelle en région Midi-Pyrénées. Pendant un an et demi, nous avons mis en place avec la région, l’État, les organisations syndicales, les salariés et les chefs d’entreprise, un dispositif où les entreprises qui avaient opté pour le chômage partiel étaient contrôlées par le contrôleur du travail, et l’État y participait, comité de pilotage après comité de pilotage. Je peux vous dire, mon cher collègue, que toutes les organisations syndicales qui étaient présentes ont approuvé ce dispositif. Des salariés ont pu avoir des formations qualifiantes pendant leur temps de chômage partiel, formations qu’ils n’auraient pas eues dans d’autres circonstances.

Franchement, monsieur Asensi, votre exemple dogmatique est un peu abusif !

(L’amendement no 2230 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 2265.

M. André Chassaigne. Je remercie M. le ministre pour ses réponses. Comme il a fondé de nombreuses affirmations sur les propos qu’auraient tenus les organisations syndicales, cela nous permettra de vérifier avec elles ce qu’il en est, car certaines d’entre ont dit devant nous des choses différentes.

J’en viens à l’amendement n° 2265.

L’article 11 pose les bases du nouveau régime d’activité partielle. Il officialise un choix linguistique opéré par le précédent gouvernement en remplaçant systématiquement l’ensemble des mentions au chômage partiel par des mentions à l’activité partielle dans le code du travail.

Monsieur le rapporteur, vous n’étiez pas élu à l’époque, mais je me rappelle que nous avions tous ici, sur les bancs de la gauche, relevé ce que nous avions qualifié de « sémantique idéologique ». Là aussi, Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà…

La mise en activité partielle, comme la mise au chômage partiel aujourd’hui, devrait être autorisée expressément ou implicitement par l’administration. Soulignons que cette autorisation n’existe pas dans le cadre de l’actuelle activité partielle de longue durée – l’APLD – puisqu’elle est mise en place par convention avec l’administration.

Par ailleurs, le combat des salariés concernés serait toujours suspendu en cas d’activité partielle. Les cas de recours à l’activité partielle, à savoir la fermeture de l’établissement ou d’une partie de l’établissement, ainsi que la réduction de l’horaire de travail en deçà de la durée légale de travail seraient maintenus.

De même, le projet de loi reprend la possibilité de recourir à l’activité partielle de manière individuelle et alternative en cas de réduction de l’horaire collectif de travail.

Le projet de loi prend acte de la prochaine fusion des dispositifs existants et prévoit de créer un nouveau régime d’indemnisation. Il supprime les mentions de l’allocation spécifique de chômage partiel financée par l’État et de l’allocation complémentaire de chômage partiel dont la prise en charge partielle peut faire l’objet de conventions avec les pouvoirs publics. Mais peut-être ne sont-ce pas là des évolutions sémantiques à objectif idéologique !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Défavorable.

Vous oubliez une chose dans votre raisonnement, c’est que l’activité partielle intervient simultanément avec une intervention financière des pouvoirs publics et de l’Unédic pour prendre en charge une partie des salaires.

Je n’étais pas député quand vous avez été élu en 2002, monsieur Chassaigne, mais avant 2002, j’étais directeur adjoint du cabinet de Martine Aubry et je me rappelle qu’une de vos grandes voix, Maxime Gremetz, et d’autres députés communistes venaient nous voir en nous demandant d’aider les salariés et de débloquer des crédits d’État pour leur permettre de surmonter des difficultés passagères.

Comme M. le ministre, j’ai beaucoup de mal à comprendre votre position, même si personne ne souhaite se retrouver au chômage partiel. Par ce biais, nous aidons les entreprises et nous aidons les salariés.

Nous avons adopté ensemble, dans un autre dispositif que sont les accords de maintien dans l’emploi, forme de chômage partiel négocié, d’autres amendements pour protéger les salaires d’une autre manière, par exemple, en empêchant que les salaires inférieurs à 1 200 euros ne puissent baisser.

(L’amendement no 2265, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement n° 2323.

M. Jean-Jacques Candelier. Perrine Fréhaut, dans un article dans la revue Trésor-Éco – numéro 107 du mois de novembre 2012 – se pose à la page 8 la question : « L’activité partielle, un dispositif de crise sur la voie de la pérennisation ? » L’auteur dresse le constat suivant : « Le recours au chômage partiel doit permettre aux entreprises de restaurer rapidement les niveaux de production après une crise conjoncturelle et d’éviter de coûteux processus de licenciement, de recrutement et de formation.

En revanche, si la crise reflète des changements structurels dans l’économie, le chômage partiel peut encourager une rétention excessive de main-d’œuvre et décaler les ajustements nécessaires face à un environnement économique changeant.

Le maintien du dispositif à un niveau supérieur au niveau pré-crise pourrait toutefois signaler que certaines entreprises peuvent être tentées d’utiliser le dispositif de chômage partiel pour retarder des plans sociaux inévitables, dans des secteurs devenus insuffisamment compétitifs.

Le recours au chômage partiel, il convient de l’admettre, peut être utilisé dans un autre dessein que celui de la sauvegarde de l’emploi. Force est de constater qu’il n’a pas l’effet stabilisateur escompté et pousse même au démantèlement de l’emploi, comme cela a été dit tout à l’heure. Je l’ai dit également, les dividendes pourraient être affectés à la compensation du CAC 40 qui a dégagé en 2012 40 milliards de dividendes pour les actionnaires.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Défavorable.

La commission a considéré que suspendre le contrat de travail permettait aux salariés de ne pas être présents sur le lieu de l’entreprise sans risquer aucune pénalisation liée à cela. C’est une disposition qui existe depuis très longtemps et qui est protectrice pour le salarié.

(L’amendement identique n° 2323, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à M. François Asensi, pour soutenir l’amendement n° 2471.

M. François Asensi. S’agissant des engagements spécifiques pouvant être requis de la part de l’employeur, il est simplement renvoyé à un décret en Conseil d’État pour fixer les modalités de souscription de ces engagements.

Il convient tout d’abord d’avoir à l’esprit que la Cour des comptes a notamment pointé l’absence totale d’évaluation des résultats du chômage partiel en matière de sauvegarde de l’emploi, en indiquant qu’aucun suivi du maintien de l’emploi des salariés aidés dans le cadre de l’APLD n’a jamais été instauré.

Ensuite, selon le rapporteur, les contreparties qui pourraient être demandées aux employeurs dans le cadre du nouveau dispositif pourraient dépendre de l’importance du recours à l’activité partielle. Ces potentielles contreparties de l’employeur sont loin de nous rassurer.

C’est la raison pour laquelle, dans un souci de protection des salariés, nous proposons de remplacer la faculté de l’administration de définir des engagements spécifiques des employeurs en contrepartie de l’allocation qui lui sera versée pour compenser les pertes de salaire de ces salariés subissant une période de chômage partiel par une obligation de définir ces engagements.

(L’amendement no 2471, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Germain, pour soutenir l’amendement n° 5066.

M. Jean-Marc Germain. C’est un amendement destiné à permettre à l’administration de discuter des engagements qu’elle va imposer ensuite à l’entreprise et à faciliter le recours à l’activité partielle lorsque c’est strictement nécessaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Favorable.

(L’amendement n° 5066 est adopté.)

(L’article 11, amendé, est adopté.)

Avant l’article 12

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques portant articles additionnels avant l’article 12.

La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 4102.

M. André Chassaigne. Il est défendu.

(L’amendement no 4102, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Article 12

M. le président. La parole est à M. François Asensi, inscrit sur l’article 12.

M. François Asensi. Comme dans le cas de l’accord de mobilité, que nous avons vu à l’article 10, je voudrais illustrer les conséquences de l’article 12 en prenant le cas de l’entreprise La Poste.

Comme pour l’accord de mobilité, si un accord de maintien dans l’emploi est proposé à La Poste, il concernera aussi bien les fonctionnaires que les contractuels. Cet accord pourra aussi bien se faire sur l’ensemble de l’entreprise que sur un site, ce qui permettra de passer des accords avec la représentativité locale ou de faire pression sur les salariés puisqu’ils seront isolés.

Aujourd’hui, par exemple, La Poste répète sans arrêt qu’elle a de graves difficultés avec la baisse du trafic du courrier et le coût de son importante main-d’œuvre. On peut facilement imaginer que, dans les sites courrier, à chaque réorganisation, La Poste prétexte la baisse du trafic pour justifier de graves difficultés de conjoncture et proposer aux facteurs qui, jusqu’ici, travaillent souvent sur un site de travail de trente-huit heures, avec des repos de cycle de trois jours toutes les six semaines, de travailler toujours sur trente-huit heures, mais sans repos de cycle, ce qui permet de distribuer le courrier six jours sur sept en supprimant des emplois, en gagnant en productivité sur le dos des salariés et en augmentant un peu plus la pénibilité de ce métier – métier que nous aimons bien.

Ainsi, dans un bureau comptant actuellement dix facteurs effectuant chacun une tournée fixe et deux facteurs pour les remplacer, ces accords permettraient de supprimer deux emplois, soit 20 % de la productivité.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.

M. Jean-Jacques Candelier. Les accords de maintien dans l’emploi créés par l’article 12 sont totalement en défaveur des salariés.

M. Michel Sapin, ministre. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Jacques Candelier. La flexibilité qui est mise en avant ne se fait qu’aux dépens des salariés et jamais des dirigeants, des mandataires sociaux ni des actionnaires.

Loin de sécuriser l’emploi, la flexibilité est l’ennemie et le fossoyeur de l’emploi, contrairement à ce que voudrait faire croire le MEDEF auquel le Gouvernement emboîte le pas en affirmant que les chômeurs d’aujourd’hui sont les salariés de demain. En réalité, avec ce texte, les travailleurs d’aujourd’hui sont les précaires de demain. Plus il y a de flexibilité, plus il y a de chômage et de travailleurs pauvres, l’un va toujours avec l’autre. À chaque fois que les licenciements ont été facilités en France, le chômage y a augmenté.

Partout où la flexibilité a augmenté, le chômage a progressé, y compris dans les pays scandinaves pris à tort comme modèles. La mise en place de la prétendue « flexisécurité » a fait passer le Danemark d’un taux de chômage de 3 % à 7,8 %, la Finlande à 7,9 % et la Suède à 8,1 %, soit une augmentation moyenne de 3 % à 8 % du taux de chômage. C’est quand les salariés sont bien formés, bien traités et bien payés qu’ils sont plus compétitifs, pas quand ils sont flexibles !

Il existe une alternative, reconstruire le droit du travail pour garantir l’emploi, les salaires, l’état de droit dans les entreprises, la santé, l’hygiène, la sécurité sociale, les droits syndicaux et ceux des institutions représentatives du personnel.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Guedj.

M. Jérôme Guedj. À cette heure avancée, je serai bref et dirai, dans l’entre soi et la confidence de la nuit profonde, que cet article 12 est peut-être celui qui a fait le plus couler d’encre, probablement à tort. En effet, ce n’est peut-être pas le plus fondamental, mais c’est celui dont la symbolique soulevait le plus d’interrogations tant il venait bousculer un réel attachement à une certaine hiérarchie des normes.

Au cours des débats que nous avons eus, monsieur le ministre, aussi bien en tête-à-tête que devant le groupe et la commission, j’ai entendu l’argument selon lequel des garde-fous sont mis à des accords actuels qui ne sont pas encadrés. Certaines organisations syndicales en ont encore récemment signés. De fait, mieux vaut recueillir l’accord majoritaire et le cadrer pour deux ans ; mieux vaut exiger l’absence de diminution de rémunération en dessous d’1,2 fois le SMIC et même, grâce aux amendements adoptés, non pas 1,2 fois le SMIC horaire mais 1,2 fois le SMIC mensuel. Mieux vaut aussi ne pas toucher explicitement à la durée légale du travail et donc se tenir très éloigné des « accords compétitivité emploi » voulus à l’époque par M. Sarkozy comme cheval de Troie de la remise en question des trente-cinq heures.

Vous le voyez, on peut avoir une lecture lucide et honnête tout en conservant un sentiment de scepticisme et d’inquiétude. Le débat contribuera peut-être à nous éclairer. Pour ma part, j’espère qu’avec ce que nous allons faire ce soir et avec l’adoption de ce texte, ces accords seront tellement vidés de la substance originelle que certains pouvaient leur prêter qu’ils ne seront que très peu appliqués.

M. Michel Sapin, ministre. En effet, cela voudrait dire que les entreprises se portent bien !

M. Jérôme Guedj. Formons donc le vœu qu’ils soient très peu appliqués et, quand ils le seront, fixons des garde-fous, par exemple en matière d’effort contributif des dirigeants. Nous défendrons des amendements en ce sens. J’aurais préféré qu’on interdise le versement de dividendes dans les entreprises qui recourent aux accords de maintien dans l’emploi, cela ne s’avérera peut-être pas tout à fait possible. Il faut en tout cas que l’effort soit justement partagé, faute de quoi on manquerait l’objectif d’équité et même d’égalité.

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Comme vient de le dire notre collègue Jérôme Guedj, tout le monde a bien conscience que l’article 12 est très important. Sans être l’alpha et l’oméga de la loi telle que nous sommes en train de la discuter, il traite d’un sujet sensible. En effet, si cet article existe, c’est essentiellement en raison d’évidentes difficultés économiques et d’une conjoncture difficile dans laquelle des salariés prennent de plein fouet, si vous me passez l’expression, un certain nombre de situations graves qui les voient malheureusement raccompagnés à la sortie de l’entreprise. Sans emploi, ils sont contraints de faire des choix de vie difficiles, en particulier en matière de rémunération et de temps de travail, qui sont en permanence rediscutés, des exemples récents l’ont montré.

L’article 12 ne nous laisse donc pas indifférents. Nous pourrions presque imaginer qu’il soit le moins utilisé possible et je crois, monsieur le ministre, que vous œuvrez en ce sens avec le Gouvernement. En effet, si des jours meilleurs arrivent enfin, et notre majorité y travaille depuis maintenant plusieurs mois, il faudra faire en sorte que les salariés restent là où ils sont afin de ne pas avoir en permanence à réguler les situations.

Le groupe écologiste reconnaît enfin que l’article 12 permet aussi de cadrer un certain nombre de choses qui de fait sont traitées aujourd’hui un peu à la légère selon les entreprises. Le grand nombre d’amendements qui suivent la discussion générale nous donnerons aussi les moyens d’améliorer l’article 12 tout en respectant l’équilibre de l’accord initial.

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements de suppression de l’article.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 2367.

M. André Chassaigne. Les accords de maintien dans l’emploi sont strictement identiques à la mesure promue sous le nom d’« accords compétitivité emploi » par M. Nicolas Sarkozy au cours de sa campagne présidentielle et combattue alors par le parti socialiste.

M. Michel Sapin, ministre. Non !

M. André Chassaigne. En cas de « graves difficultés conjoncturelles », un employeur pourra négocier, en échange d’un maintien dans l’emploi, un accord à durée limitée aménageant à sa guise la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition ainsi que la rémunération.

Que l’accord puisse être négocié sur la base d’un diagnostic établissant des difficultés économiques conjoncturelles laisse grande ouverte la porte à une motivation fondée sur la sauvegarde par anticipation de la compétitivité de l’entreprise ou de son secteur d’activité, donc à un chantage patronal généralisé. Énormément de plans sociaux sont déclenchés dans des entreprises qui réalisent de coquets bénéfices tout en affirmant que leur compétitivité est en péril. L’exemple de Renault, qui menace actuellement de fermer un ou plusieurs sites en France si un accord de ce type n’est pas signé avec les organisations syndicales, est à cet égard symptomatique.

La grande innovation réside néanmoins dans le licenciement automatique pour motif économique de tout salarié refusant une modification de son contrat de travail résultant de l’accord ainsi signé. Formellement, le salarié peut certes toujours refuser, mais sous peine d’être viré. On conviendra qu’il s’agit d’une curieuse manière de garantir la prééminence des clauses du contrat de travail, plus favorables que celles d’un accord collectif. De fait, on a là une nouvelle atteinte à la hiérarchie des normes et au principe de faveur déjà largement remis en cause par la loi Fillon de 2004 et la loi sur le temps de travail de 2008.

On peut donc dire sans ambages qu’accepter le mandat du MEDEF que l’on retrouve dans cet article retranscrivant fidèlement l’accord du 11 janvier vous inscrit, quoi que vous puissiez dire pour vous en défendre, dans la droite ligne de ce qui a été mis en œuvre par le gouvernement précédent.

M. Michel Sapin, ministre. Arrêtez donc de dire cela ! Notre texte est fondamentalement différent !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Monsieur le député, nous avons combattu avec vous les « accords compétitivité emploi » de Nicolas Sarkozy en disant…

M. Arnaud Richard. « Camarades » ? (Sourires.)

M. Jean-Marc Germain, rapporteur.… qu’avec le pistolet du chômage sur la tempe ils faisaient travailler davantage les salariés et leur demandaient de renoncer à leurs droits, à leurs pauses et j’en passe et des meilleures.

L’article que vous avez sous les yeux ne correspond pas du tout à cette situation. Il suffit d’en lire la première ligne qui est ainsi rédigée : « en cas de grave difficulté conjoncturelle ». Nous ne sommes pas là en train d’imposer aux salariés des gains de productivité pour augmenter les profits, mais dans le cas de graves difficultés conjoncturelles allant même au-delà de la définition du motif économique au sens de l’article L. 1233-3 du code du travail. Et d’ailleurs, soyez attentif aux amendements déposés par des députés UMP, qui eux ont bien lu le texte. Faute d’y retrouver leurs petits, par exemple parce que la durée légale du travail est maintenue sans dérogation, ils ont déposé des amendements qui sont en fait les « accords compétitivité emploi » de Nicolas Sarkozy.

M. André Chassaigne. Ils ont une famille nombreuse, car des petits, ils en trouvent ailleurs !

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Je vous renvoie, aux amendements nos 42, 60 et 4444. D’ailleurs, une telle série d’amendements mérite en général une considération attentive. Que proposent-ils ? Pas la mise en place des accords de maintien dans l’emploi tels qu’ils sont dans le texte et qui sont au fond, à la lecture des articles les uns après les autres, des formes de chômage partiel négocié. Vous avez critiqué, monsieur le député, le chômage partiel rebaptisé activité partielle. Certes, il s’agit d’une décision unilatérale du chef d’entreprise, mais sous contrôle de l’administration et dans le cadre d’une négociation, que M. Guedj a si bien défendue qu’on aurait pu penser qu’il était l’auteur de cet article.

M. Michel Sapin, ministre. Je peux confirmer qu’il a participé à sa rédaction !

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Je vous invite, monsieur le député, à lire de manière très attentive les « accords compétitivité emploi » que l’UMP souhaiterait rétablir par amendement. Je ne vais pas énumérer les différentes protections, la discussion de l’article nous donnera l’occasion de le faire, mais enfin nous sommes tout de même dans le cadre de graves difficultés conjoncturelles, d’une protection des salaires et d’une réversibilité totale, c’est-à-dire qu’en moins de deux ans il faut que le point d’arrivée soit le point de départ.

M. Michel Sapin, ministre. Absolument !

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Et si par malheur survenait malgré tout cela un plan social, tout serait calculé sur la base du point de départ. Pourquoi les partenaires sociaux ont-ils intégré cela dans l’accord ? Parce qu’ils ont constaté qu’il existe aujourd’hui des accords de maintien dans l’emploi dépourvus de protection. Dès lors, en cas de difficultés, il faut mettre en place un plan social, sur la base d’un salaire réduit, donc avec des indemnités de chômage plus basses. Tout cela est corrigé dans le texte. Je souhaiterais donc vraiment, monsieur le député, que vous participiez à notre travail et lisiez ligne à ligne cet article.

M. Christian Paul. Et les amendements !

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. En effet, les amendements qui seront discutés amèneront un de ces grands débats dont nous avons le secret, par exemple sur les dividendes zéro. Et vous verrez que l’amendement défendu par notre collègue Jérôme Guedj va beaucoup plus loin. Il dit en effet très simplement qu’on doit faire des efforts d’autant plus importants qu’on est haut dans l’entreprise et que les mandataires sociaux et les actionnaires devront mettre la main à la poche de manière proportionnée à leurs moyens. J’ajouterai d’ailleurs, monsieur Guedj, les dividendes mais aussi les distributions d’actions gratuites et les stock options.

Je souhaiterais donc vraiment, monsieur le député, que vous retiriez votre amendement afin de contribuer avec nous à l’amélioration de ce texte.

M. Michel Sapin, ministre. À ce progrès !

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Je ne peux faire preuve d’une plus grande perspicacité que le rapporteur. Même avis.

(L’amendement no 2367 n’est pas adopté.)

M. le président. Nous examinons maintenant l’amendement n° 1914 dont les auteurs sont MM. Germain et Vercamer.

M. Jérôme Guedj. Belle synthèse !

M. Christian Paul. Vous faites la paix ? (Rires.)

M. Francis Vercamer. Qui aime bien châtie bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Germain.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Il s’agit simplement de préciser le texte, qui évoque de graves difficultés conjoncturelles sans préciser à quelle échelle.

Il est clair qu’il faut que ce soit des difficultés dans l’entreprise, sinon il n’y a pas de raison de mettre en place des accords de maintien dans l’emploi.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Cet amendement est excellent !

(L’amendement n° 1914 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements pouvant être soumis à une discussion commune : l’amendement n° 4381 et une série d’amendements identiques.

Je donne d’abord la parole à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir, dans la série d’amendements identiques, l’amendement n° 2348.

Mme Jacqueline Fraysse. Il s’agit d’un amendement de repli puisque nous aurions souhaité que cet article soit abrogé. Il vise à permettre au comité d’entreprise de mandater un expert pour accompagner les organisations syndicales non seulement dans l’analyse du diagnostic et dans la négociation, comme le prévoit déjà le texte, mais également après et pendant toute la durée de négociation de l’accord, dans le suivi de cet accord et des conditions de son application.

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement n° 4381.

M. Christophe Cavard. Cet amendement, plus léger mais bien relatif au dialogue social, propose de substituer aux mots « analysé avec » les mots « constaté par ». Cette formulation nous semble plus appropriée pour associer les représentants des salariés qui ont évidemment leur mot à dire, alors que les termes « analysé avec » traduisent davantage un processus qu’un constat final.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Nous avons eu un débat passionné avec les commissaires socialistes et nous comprenons d’autant plus vos interrogations que le mot « partagé » est dans l’ANI.

Après mûre réflexion, nous avons considéré que la solution retenue par le ministre était la meilleure : elle permet qu’une discussion soit engagée tout en laissant à l’entreprise la responsabilité de juger s’il y a un motif économique. Du coup, elle sera protectrice si jamais, in fine, le chef d’entreprise s’était placé à tort dans le cadre de cet article du code du travail qui implique de graves difficultés conjoncturelles.

Je vous propose donc d’en rester à la notion juridique très précise qu’a retenue le ministre.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Je suis évidemment du même avis que le rapporteur qui défend le Gouvernement ! (Sourires)

(L’amendement nos 2348 n’est pas adopté, non plus que l’amendement n° 4381.)

M. le président. L’amendement n° 1925 de M. Jean-Marc Germain est de conséquence.

(L’amendement n° 1925, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement n° 4424, qui fait l’objet d’un sous-amendement n° 5615.

M. Christophe Cavard. Il est proposé d’insérer à l’alinéa 6 les mots « et seulement une fois tous les autres moyens épuisés, notamment la suppression des contrats de travail temporaire ». Nous l’avons sous-amendé car l’insertion intervenait après la première occurrence du mot « entreprise » et que ce terme vient d’être supprimé par l’adoption de l’amendement du rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, pour soutenir le sous-amendement n° 5615.

M. Jean-Noël Carpentier. Comme M. Cavard et M. Guedj l’ont déjà expliqué, ces accords de maintien de l’emploi arrivent en cette période de crise où nombre de sociétés sont en difficulté. L’État, c’est de sa responsabilité, essaie de les soutenir en permettant un encadrement juridique pour maintenir l’emploi et faciliter les accords possibles.

Cependant, il y a un risque. Nous sommes d’accord pour mettre en place ce type de dispositif mais que se passera-t-il en cas de reprise économique ? Un dispositif qui, pour la première fois, organise des baisses de pouvoir d’achat va-t-il perdurer alors qu’une hausse du pouvoir d’achat sera nécessaire à la relance ?

Je propose donc de conditionner aussi le maintien de l’emploi en précisant : « si la prévision de croissance nationale de l’Institut national de la statistique et des études économiques est inférieure à 1 % », ce qui correspond à une situation économique dégradée.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ce sous-amendement et cet amendement ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Même si j’ai beaucoup d’affection pour cette noble institution dont j’étais administrateur dans ma précédente carrière professionnelle, et même si je comprends votre idée, monsieur le député, je ne crois pas que le droit du travail doive s’adapter à la situation conjoncturelle. Certaines entreprises peuvent en effet rencontrer de graves difficultés conjoncturelles alors que la croissance est de 1,1 %.

C’est la raison pour laquelle, tout en comprenant votre intention, nous pensons qu’il vaut mieux s’en tenir aux difficultés de l’entreprise. L’amendement de M. Vercamer, que nous avons adopté tout à l’heure, a le mérite d’apporter cette précision utile. Avis défavorable.

(Le sous-amendement n° 5615, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 4424, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n° 5412.

M. Arnaud Richard. Il est retiré.

(L’amendement n° 5412 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n° 5407, qui fait l’objet d’un sous-amendement n° 5617.

M. Arnaud Richard. Il s’agit de préciser que les difficultés conjoncturelles de l’entreprise s’apprécient dans le champ de l’accord.

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir le sous-amendement n° 5617.

M. Christophe Cavard. Défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Monsieur Richard, votre amendement est satisfait par l’amendement que j’ai signé avec votre collègue Vercamer.

M. Francis Vercamer. C’est pour ça que je n’ai pas signé celui-là !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement M. Richard ?

M. Arnaud Richard. Je le retire, monsieur le président.

(L’amendement n° 5407 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement n° 1449 rectifié.

M. Gérard Cherpion. Cet amendement vise à corriger une situation où un accord d’entreprise précédant l’accord de maintien dans l’emploi pourrait contenir des dispositions contraires. Dans ce cas les dispositions contraires devraient être suspendues.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Cela me semble poser une difficulté : comment des accords auraient-ils pu être conclus en vertu du nouvel article du code du travail qui n’existe pas ? La solution que vous proposez me paraît donc un peu audacieuse ou improbable.

(L’amendement n° 1449 rectifié, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, pour soutenir l’amendement n° 977.

M. Jean-Noël Carpentier. Dans le cadre de la mise en œuvre des accords de maintien de l’emploi, le projet de loi prévoit que le comité d’entreprise peut mandater un expert-comptable pour accompagner les organisations syndicales dans l’analyse du diagnostic et la négociation.

L’élaboration d’actes juridiques, tels que les accords collectifs, mettent en œuvre des compétences qui sont celles des avocats, professionnels du conseil juridique. Cet amendement propose que, s’agissant de l’assistance des organisations syndicales dans la phase de négociation qui précède l’élaboration de l’accord collectif, le comité d’entreprise puisse mandater un avocat et un expert-comptable.

Les honoraires des professionnels ainsi mandatés sont à la charge de l’entreprise. Dans certaines entreprises où les comités d’entreprise ont de faibles moyens logistiques, cela leur permet de bien vérifier quand même l’ensemble du dispositif, en toute indépendance.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Monsieur le député, votre amendement va être satisfait par une disposition prévue explicitement à cet effet à l’article 13. Ce sera pris en charge à 100 % par l’employeur.

(L’amendement n° 977, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 1161.

Mme Jacqueline Fraysse. Défendu.

M. le président. La parole est à M. François Asensi, pour soutenir l’amendement n° 1163.

M. François Asensi. Défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Ces amendements visent le même objet que le précédent, donc ils sont satisfaits.

(Les amendements identiques nos 1161 et 1163, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’une autre série d’amendements identiques.

La parole est à M. François Asensi, pour soutenir l’amendement n° 2543.

M. François Asensi. Cet amendement prévoit que le projet d’accord pour la compétitivité et l’emploi fasse l’objet d’un avis conforme du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. L’absence d’avis ou l’avis contraire fera obstacle à la signature définitive de l’accord.

En effet, ces accords ont pour objet de modifier « la durée du travail, ses modalités d’organisation et de répartition ainsi que la rémunération. » Ils peuvent ainsi conduire à des modifications substantielles des horaires, donc des rythmes de travail. Or selon l’article L. 4612-8 du code du travail : « Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail est consulté avant toute modification des cadences et des normes de productivité liées ou non à la rémunération du travail. » Le même article ajoute que la consultation du CHSCT est obligatoire avant la mise en place d’une organisation nouvelle ou la modification des cadences de production.

C’est pourquoi, en cohérence avec les textes existants, nous proposons que ces accords fassent l’objet d’un avis conforme des CHSCT.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. La commission a considéré, comme tout à l’heure, qu’il n’y a pas forcément des questions liées aux conditions de travail et à l’hygiène et à la sécurité. Même dispositif : le CE donnera son avis sur l’accord et pourra demander la consultation du CHSCT s’il le souhaite pour des raisons particulières. En revanche, l’avis conforme ne sera pas possible. Avis défavorable.

(L’amendement n° 2543, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis de nouveau saisi d’une série d’amendements identiques.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 2511.

Mme Jacqueline Fraysse. Retiré !

(L’amendement n° 2511 et les amendements identiques sont retirés.)

M. le président. Je suis saisi d’une autre série d’amendements identiques.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 4382.

Mme Jacqueline Fraysse. C’est un amendement important. Cet article prévoit dans son alinéa 8 que l’application de l’accord sur la compétitivité et l’emploi ne peut avoir pour effet : « ni de diminuer la rémunération, horaire ou mensuelle, des salariés lorsque le taux horaire de celle-ci, à la date de conclusion de cet accord, est égal ou inférieur au taux horaire du salaire minimum interprofessionnel de croissance majoré de 20 %, ni de ramener la rémunération des autres salariés en dessous de ces seuils. »

Cet amendement prévoit donc que, lorsqu’il existe une convention collective applicable, c’est le salaire minimum conventionnel majoré de 20 % et non pas le SMIC qui sert de plancher. Lorsque j’ai présenté cet amendement en commission, M. le rapporteur craignait qu’une telle référence au salaire conventionnel, qui ferait varier le plancher selon les branches, crée ainsi une inégalité entre les salariés. Mais je veux lui faire amicalement observer que c’est cet article, tel qu’il est rédigé, qui va créer une inégalité flagrante entre les salariés soumis à un tel accord et les autres. Quand il y a un SMIC conventionnel plus élevé que le SMIC majoré de 20 %, il faut qu’il s’applique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable pour deux raisons.

D’abord, cet amendement ferait tomber le bel amendement que nous avons adopté ensemble, qui protège non seulement contre une baisse du taux horaire du SMIC mais aussi de son taux mensuel, c’est la barrière de 1 200 euros dont j’ai parlé, puisqu’il se substitue à cette rédaction.

Ensuite, je maintiens mon analyse : nous sommes en train de fixer une norme sociale d’ordre public, qui doit être la même d’une entreprise à l’autre, quel que soit le secteur conventionnel de l’entreprise.

Je maintiens donc mon avis défavorable.

(L’amendement n° 4382, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement n° 2373.

M. Jean-Jacques Candelier. Cet amendement vise à assurer une rémunération décente des salariés ayant à subir un accord de maintien dans l’emploi. En l’état, la rédaction du projet envisage de ne pas faire baisser la rémunération des salariés lorsque son taux horaire est égal ou inférieur à 1,2 SMIC.

Outre l’inconstitutionnalité d’une telle atteinte au contrat de travail, cette disposition va avoir des conséquences désastreuses sur les salariés les moins bien rémunérés. Le projet de loi tente de limiter ces effets en préservant les salaires à 120 % du SMIC minimum, soit 1 716 euros bruts ou encore 1 346 euros nets. Mais la base de calcul retenue par le projet de loi peut être le salaire horaire. Ainsi, une personne rémunérée sur la base de 120 % du SMIC pour trente heures par mois, soit 1 151 euros nets par mois, pourra voir son salaire déjà modeste encore baisser.

C’est pourquoi nous proposons de ne prendre en compte que la rémunération mensuelle afin de préserver notamment les salariés à temps partiel et de ne pas augmenter la pauvreté laborieuse qui frappe déjà un grand nombre de nos concitoyens.

En commission, le rapporteur avait fait part de son intention de déposer un amendement similaire. En conséquence, j’ose imaginer qu’il donnera un avis favorable au nôtre.

M. le président. Quel est donc l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Le rapporteur étant soucieux de respecter sa parole, cela a été fait ! C’est dans le texte, votre amendement est satisfait.

(L’amendement no 2373, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je demande une suspension de séance pour réunir mon soviet. (Sourires.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le dimanche 7 avril 2013 à une heure, est reprise à une heure cinq.

M. le président. La séance est reprise.

Article 12 (suite)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n° 5405.

M. Francis Vercamer. Cet amendement vise à faciliter l’accès à tout type de formation pour les salariés ayant accepté que l’accord de maintien dans l’emploi leur soit applicable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Cet amendement a l’intérêt de rappeler que, pendant les périodes d’activité partielle ou de maintien dans l’emploi avec une durée du travail réduite, il est souhaitable que les salariés puissent se former. Mais il est superfétatoire, parce qu’ils ont accès au plan de formation. Avis défavorable.

(L’amendement n° 5405, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 4523 rectifié et 5283 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 4523 rectifié.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Je laisse M. Guedj le présenter.

M. le président. La parole est donc à M. Jérôme Guedj, pour présenter également l’amendement n° 5283 rectifié.

M. Jérôme Guedj. Merci de me laisser présenter cet amendement, dont le premier signataire est Denys Robiliard. Il concerne les accords de maintien dans l’emploi, que je n’aime pourtant guère : ils mettent le pied dans la porte, mais dans le mauvais sens…

L’accord interprofessionnel prévoyait que les dirigeants des entreprises devaient participer à l’effort des autres salariés. Déjà, l’avant-projet de loi indiquait qu’ils devaient « contribuer ». Avec cet amendement, on va encore plus loin en précisant que cette contribution, autrement dit la baisse de la rémunération des dirigeants, doit être proportionnelle.

Derrière ce terme se trouve un principe de progressivité : plus les revenus sont importants, plus la baisse de la rémunération doit être importante. Cet amendement veut assurer une réelle progressivité pour les dirigeants salariés exerçant dans le périmètre de l’accord, les mandataires sociaux et les actionnaires.

C’est une manière en fait de traiter la question du dividende. Idéalement, spontanément, on aurait envie d’interdire le versement de dividendes dans les entreprises qui signent des accords de maintien dans l’emploi. Une telle proposition a été déposée par d’autres et, après examen méticuleux, elle apparaît compliquée à mettre en œuvre. Nous pensons qu’il est plus efficace de mettre à contribution l’ensemble des dirigeants, actionnaires et dirigeants opérationnels, à travers ce principe de proportionnalité. Cet amendement permet donc de renforcer les garde-fous de l’article 12, que je continue cependant à ne pas aimer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. La commission a adopté l’amendement identique n° 4523 rectifié.

Il s’agit d’un principe fort : en cas de difficulté, chacun fait des efforts, d’autant plus importants que le sont ses moyens. Cela n’épargne ni les dirigeants salariés, ni les mandataires sociaux, ni les actionnaires, dans toutes leurs formes de rémunération. Mais, compte tenu de l’amendement que nous avons adopté sur le SMIC, ce n’est pas vrai à l’autre bout de l’échelle : chacun contribue, mais seulement du deuxième étage au plafond, pas en dessous !

J’en profite pour donner mon avis sur les amendements suivants, dont certains vont tomber, qui proposent un gel des dividendes. Je ne sais d’ailleurs pas bien ce qu’est un gel des dividendes : un dividende zéro ? Quoi qu’il en soit, nous avons beaucoup débattu, au sein de notre groupe, de cette question. Il en est ressorti, et c’est la deuxième innovation majeure – car il faut bien se rendre compte de ce que nous sommes en train de faire, à propos des accords de maintien dans l’emploi et du principe de progressivité ! – que tout ce qui concerne les dividendes et les actions gratuites sera défini dans l’accord signé par la majorité des syndicats. On soumet, et c’est peut-être une première, le montant du dividende qui sera versé à un accord collectif.

Mais faut-il aller jusqu’au dividende zéro ? Il s’agit d’accords majoritaires, qui seront très souvent signés avec les syndicats considérés comme les plus radicaux – même si la réalité est plus complexe – comme la CGT et Force ouvrière. C’est eux qui fixeront le dividende. Dans le cas d’un grand groupe qui aurait une difficulté dans une de ses filiales par exemple, ils auront à choisir entre ramener le dividende de quatre euros à un euro, afin de garder des financements et de continuer à investir, ou de quatre à zéro… Mon pronostic est que quand il s’agira d’une entreprise, ils refuseront évidemment de verser un dividende – je ne vois pas un seul syndicat, et encore moins une majorité signer pour – mais que quand il s’agira d’un groupe, ils apprécieront l’opportunité, ils évalueront les arguments de la direction en faveur d’un petit dividende, afin de ne pas se fermer tous les financements.

Le principe que nous fixons par cet amendement est très fort, sans doute sans précédent, et l’organisation assez souple du dispositif le rend efficace et éminemment juste.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Cet amendement est parfait !

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Carpentier.

M. Jean-Noël Carpentier. Je comprends tout à fait le sens de cet amendement. Je comprends aussi les réflexions de M. Guedj à qui il ne convient pas tout à fait.

M. Jérôme Guedj. Pas l’amendement, l’article 12 !

M. Jean-Noël Carpentier. Je comprends également les explications du rapporteur.

Cependant, si les choses sont si évidentes, monsieur le rapporteur, décidons du gel du versement des dividendes. Notre société, on le sait bien, traverse une crise difficile. On va demander aux salariés de se serrer la ceinture pendant deux ans. Dont acte. Mais, franchement, un versement de dividendes au cours de ces deux ans, ce serait quelque chose d’assez extraordinaire pour le commun des mortels !

Vous prétendez qu’il n’y aura bien évidemment pas de versement de dividendes, que les partenaires sociaux ne signeraient pas un accord qui en prévoirait. Peut-être, mais si c’est si simple, écrivons-le !

Je propose donc un sous-amendement, qui consisterait à ajouter, après le quatrième alinéa de l’amendement de M. Germain, les mots : « Il prévoit impérativement le gel du versement des dividendes. »

M. le président. Il n’est pas possible d’enregistrer ce sous-amendement, monsieur Carpentier, et vous le savez bien.

M. Jean-Noël Carpentier. Pourquoi ?

M. le président. Parce que vous ne pouvez pas proposer oralement un sous-amendement.

M. Jean-Noël Carpentier. Je le consigne donc de ce pas par écrit.

M. le président. Non, ce n’est pas recevable.

M. Jean-Noël Carpentier. Si !

Mme Jacqueline Fraysse. On peut sous-amender, quand même !

M. le président. Non, pas de manière orale, ce n’est pas possible. La règle est que les sous-amendements doivent être déposés par écrit et suffisamment tôt.

Votre proposition de sous-amendement n’est donc pas recevable, monsieur Carpentier.

(Les amendements identiques nos 4523 rectifié et 5283 rectifié sont adoptés et les amendements nos 970, 2012 et 5409 tombent.)

Mme Jacqueline Fraysse. C’est scandaleux, ce qui vient de se passer !

M. le président. Allons, madame Fraysse !

Mme Jacqueline Fraysse. C’est scandaleux, mais je vous comprends : vous êtes gêné !

M. le président. Allons !

Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. François Asensi, pour soutenir l’amendement n° 5367.

M. François Asensi. Cet amendement a pour objet de prévoir que le total des rémunérations, indemnités, dividendes et avantages de toute nature attribués annuellement aux dirigeants salariés, mandataires et actionnaires d’une entreprise mettant en œuvre un contrat de maintien dans l’emploi ne puisse excéder vingt fois le montant annuel du salaire minimal applicable dans l’entreprise considérée. Il s’agit là de la fourchette appliquée depuis cet été aux patrons des entreprises publiques.

Dernièrement, le Premier ministre lui-même a fait part de son intention de légiférer pour étendre ce dispositif aux entreprises privées. Nous proposons cette première étape, en l’appliquant aux entreprises qui imposent à leurs salariés des baisses de salaires. Il s’agit à la fois d’une mesure de justice sociale, les salariés ne pouvant être les seuls à faire des sacrifices, et d’une mesure qui contribuera à l’amélioration de la situation de l’entreprise.

C’est un bon amendement, ça ! (Sourires.)

Mme Jacqueline Fraysse. Oui, c’est un bon amendement !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Cet amendement aura permis de rappeler la mesure applicable aux entreprises publiques.

Vous le savez, un projet de loi relatif à la gouvernance des entreprises est prévu. Les mesures auxquelles faisait allusion le Premier ministre entrent dans ce cadre.

La commission émet donc un avis défavorable.

(L’amendement n° 5367, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. François Asensi, pour soutenir l’amendement n° 5425.

M. François Asensi. Cet amendement de repli a pour objet d’insérer un alinéa dont le texte serait : « Le total des rémunérations, indemnités, dividendes et avantages de toute nature attribués annuellement aux dirigeants salariés, mandataires et actionnaires mentionnés au précédent alinéa ne peut excéder douze fois le montant annuel du salaire minimal applicable dans l’entreprise considérée. »

Douze fois, c’est le rapport qui sera probablement proposé aux Suisses, lors d’une prochaine votation, après celle du mois dernier, par laquelle ils ont interdit les parachutes dorés – ces Suisses ont du bon sens ! Un sondage a été réalisé à la suite de cette première votation : 83 % des personnes interrogées se sont dites favorables à l’instauration d’un salaire maximum pour les dirigeants d’entreprises privées. Seules 16 % y étaient opposés.

Thomas Piketty, après avoir montré que le revenu moyen des 0,01 % les plus riches était de 108 SMIC à temps plein en 1998, avait demandé aux personnes interrogées quels devraient être, selon elles, les revenus mensuels respectifs d’un cadre supérieur de grande entreprise et d’une caissière de supermarché. Les réponses données dessinaient, en moyenne, un rapport de 1 à 3,6, alors que l’écart réel des salaires moyens de ces deux catégories était au moins de 1 à 9. Dans une enquête menée en 2004 par l’équipe du sociologue François Dubet, le montant au-dessus duquel les salaires mensuels étaient jugés indécents était de 6 000 euros selon les ouvriers interrogés et de 10 000 euros selon les chefs d’entreprise, soit 6,6 SMIC de l’époque selon les ouvriers et 11 SMIC selon les chefs d’entreprise.

On voit ainsi que nous sommes moins sévères que la majorité de nos concitoyens.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Il s’agit, plutôt que d’un amendement de repli, d’un amendement d’amplification. Je renvoie donc également au débat que nous aurons dans quelques semaines dans cet hémicycle.

(L’amendement n° 5425, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Nous en arrivons à une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement n° 2464.

M. Jean-Jacques Candelier. Cet amendement vise à limiter à une année la durée des accords de maintien dans l’emploi. Ces accords se traduisent par une baisse significative des salaires et une modulation du temps de travail en fonction de l’activité. Il s’agit de sacrifices considérables pour les salariés. De tels accords doivent donc rester exceptionnels et, surtout, ne pas s’appliquer trop longtemps, sous peine de gravement fragiliser les salariés.

Comment voulez-vous subvenir aux besoins de votre famille quand votre salaire est amputé de 20 % ? Comment accepter que les salariés soient les seuls à consentir des sacrifices alors que, dans le même temps, les actionnaires continuent d’engranger des dividendes ?

La durée légale du temps de travail est fixée à trente-cinq heures par semaine. Institutionnaliser le débat sur le temps de travail en le soumettant à la notion subjective de difficulté conjoncturelle remet véritablement en cause les droits des salariés. La durée de ce dispositif doit par conséquent être limitée à un an et non deux.

(L’amendement n° 2464, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements pouvant être soumis à une discussion commune : l’amendement n° 1450 et une série d’amendements identiques.

La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement n° 1450.

M. Gérard Cherpion. J’allais dire qu’il s’agit d’un amendement « de terrain ». On se rend parfois compte que, dans certaines entreprises, les difficultés ne s’arrêtent pas au bout de deux ans. Parfois, cela dure plus longtemps.

Cet amendement a donc pour objet de compléter l’alinéa 11 par le mot « reconductibles ». Ainsi, s’il se confirmait, après analyse, que des difficultés conjoncturelles persistent, l’accord pourrait être reconduit, ou prolongé.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir, dans la série d’amendements identiques, l’amendement n° 2480.

Mme Jacqueline Fraysse. Il s’agit de limiter à deux ans non renouvelables les accords de maintien dans l’emploi. Si on ne le fait pas, les employeurs pourront multiplier les accords dans le temps, plutôt que de chercher des solutions alternatives pérennes de développement de leur activité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Il est plutôt souhaitable que cette durée de deux ans ne soit pas renouvelable. Cependant, c’est un peu prévu par le texte : il n’est pas possible d’aller au-delà de deux ans sans se soumettre à nouveau aux règles édictées par cet article. Il faut donc analyser la situation conjoncturelle, étudier le diagnostic avec les représentants des salariés, juger de la gravité des difficultés avant de recourir au dispositif. Cela va donc dans le sens souhaité par Mme Fraysse, mais non dans celui voulu par M. Cherpion.

La commission est donc défavorable à ces deux amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Je profite de l’examen de ces amendements pour dire que nous avions déposé un amendement à l’alinéa 9 dont l’objet était de prévoir que l’accord pouvait être renouvelé si la situation économique de l’entreprise ne s’était pas améliorée au terme de ces deux années.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. M. le rapporteur dit estimer souhaitable que ces accords ne soient pas renouvelés. Cependant, il n’accepte pas que l’on introduise les mots « non renouvelables » dans le texte. Je ne comprends pas bien. Si vous êtes d’accord, monsieur le rapporteur, il faut l’écrire !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Je vous ai précisé, madame la députée, sous quelles conditions l’accord pouvait être renouvelé : il faut revenir à la case départ. On n’interdit pas en droit, mais il faut reprendre la procédure : on analyse les conditions économiques, on mesure leur gravité particulière, on le fait avec les syndicats, et, ensuite, on recourt au dispositif, qui est très protecteur. Les choses sont tout à fait claires ; d’ailleurs, certains députés souhaitent, comme M. Cherpion mais contrairement à nous, qu’il en aille différemment, et cette réécriture-ci aurait une réelle portée

Le texte répond donc à votre préoccupation, quoique nous ne retenions pas votre amendement.

Mme Jacqueline Fraysse. Je comprends.

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. La réponse de M. le rapporteur me satisfait.

M. Arnaud Richard. Oui, merci, monsieur le rapporteur !

M. Gérard Cherpion. Il s’agissait simplement de clarifier les choses pour ceux qui vont interpréter ce texte. La possibilité est offerte d’aller au-delà de deux ans, à la condition de rouvrir le dossier.

(Les amendements nos 1450 et 2480, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse pour présenter l’amendement n° 2399.

Mme Jacqueline Fraysse. Retiré.

(L’amendement n° 2399 et les amendements identiques sont retirés.)

M. le président. Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement n° 2424.

M. Jean-Jacques Candelier. Cet amendement, au cas où leur soif de compétitivité et de licenciements ne serait pas étanchée, vise à interdire aux employeurs de procéder à des ruptures conventionnelles durant toute la durée d’un accord de maintien dans l’emploi.

(L’amendement n° 2424, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 2439.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement s’inscrit dans la même logique que celui que vient de défendre M. Candelier. Nous sommes préoccupés par la possibilité que les employeurs contournent la loi, qui leur donne pourtant déjà beaucoup de latitude pour licencier.

Cet amendement vise donc à interdire aux employeurs de recourir à un moyen détourné pour rompre les contrats de travail d’un ou plusieurs salariés concernés pendant la durée de l’accord de maintien dans l’emploi.

Le scandale des Continental à Clairoix, dans l’Oise, est, à cet égard, riche d’enseignements. Un accord de compétitivité signé en 2007 n’a pas empêché la fermeture du site deux ans plus tard, au mépris des engagements pris par la direction. Cette affaire a révélé à la face des Français la morgue et le cynisme sans limites de certains dirigeants d’entreprise, pour qui la signature d’un accord de compétitivité ne les engage nullement à ne pas licencier ou fermer le site. À Clairoix, 1 173 salariés ont été jetés comme des malpropres.

Il faut rappeler un point central : à l’instar des ruptures conventionnelles, les plans de départ volontaire ont connu ces dernières années une véritable inflation, cette procédure présentant nombre d’avantages pour les employeurs par rapport à une procédure de licenciement pour motif économique. Aujourd’hui, près de 80 % des entreprises qui procèdent à des réductions d’effectifs engagent des plans de départ volontaire. Elles ont la possibilité, pour cela, de ne pas présenter de plan de sauvegarde de l’emploi et de ne faire reposer ces départs sur aucun motif économique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Nous avons beaucoup débattu de ces aspects quand nous nous sommes demandés s’il convient de mettre en place des accords de maintien des effectifs ou de maintien des emplois. Nous avions envisagé de retenir la formule des accords de maintien des effectifs.

M. Arnaud Richard. Ce n’est pas le sujet de cet amendement !

M. Jean-Marc Germain. Oui, mais cela s’en approche. Vous allez comprendre pourquoi.

Prenons le cas d’une entreprise faisant face à de graves difficultés conjoncturelles, où l’on demande aux salariés d’accomplir un effort et de réduire leur salaire en même temps que leur durée de travail. Si des salariés partent à la retraite, faut-il impérativement les remplacer, ou alors atténuer la baisse de salaire et la réduction du temps de travail que l’on a demandées aux autres salariés ? La réponse apparaît plus clairement quand le problème est posé de cette manière. Si des départs naturels ou volontaires se présentent, il vaut mieux les faciliter pour atténuer la réduction du temps de travail et la baisse de salaire des autres salariés. C’est la raison pour laquelle nous avons considéré que la notion de maintien dans l’emploi, pour ces accords-là, était la plus pertinente. Nous avons fait d’autres choix pour la mobilité.

L’avis de la commission est donc défavorable, pour la raison que je viens d’évoquer.

(L’amendement n° 2439, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement n° 2783.

M. Gérard Cherpion. Il s’agit d’un amendement technique, de précision, qui reprend l’exigence de bonne foi posée par l’article L. 1134 du code civil. Nous proposons d’ajouter à la rédaction de l’alinéa 11 de l’article 12 la phrase suivante : « Il doit être exécuté de manière loyale. »

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. L’exigence de loyauté est déjà présente à l’alinéa 26 de l’article 12. Je pense donc, monsieur Cherpion, que votre amendement est satisfait. C’est pourquoi l’avis de la commission est défavorable.

(L’amendement n° 2783, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à M. François Asensi, pour soutenir l’amendement n° 2391.

M. François Asensi. Cet article contient peu de dispositions permettant d’assurer le respect par l’employeur de ses engagements. La principale est la clause pénale, prévue à l’alinéa 16, qui peut donner lieu au versement de dommages et intérêts dont le montant doit être prévu dans l’accord.

Cette disposition pose deux problèmes. Tout d’abord, elle prévoit la condamnation de l’employeur pour non-respect de l’accord, mais pas sans que le licenciement subi par le salarié soit annulé. Deuxièmement, la forfaitisation de la réparation de ce préjudice ne permet pas de l’adapter à la situation personnelle du salarié lésé, ce qui est contraire au principe général du droit, largement consacré par la jurisprudence européenne, qui exige la réparation intégrale et adéquate du préjudice subi.

C’est pourquoi nous vous proposons de préciser, tout simplement, que tout licenciement prononcé lors de la durée de l’accord de maintien de l’emploi est nul. Un dispositif similaire existe déjà dans le code du travail, puisque pendant les négociations annuelles sur le temps et l’organisation du travail, l’employeur ne peut prendre aucune mesure portant sur l’objet de la négociation en cours, sous peine de nullité. C’est le même mécanisme que nous vous proposons ici.

J’ajouterai que pour être de précision, cet amendement n’en est pas moins capital. En effet, la Cour de cassation répète inlassablement que la nullité ne peut être prononcée que si un texte le prévoit.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. La commission n’a pas retenu cet amendement, monsieur le président.

(L’amendement n° 2391, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 5528.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous proposons que, pendant la durée de l’accord, toute rupture du contrat de travail soit soumise à l’autorisation de l’inspection du travail.

La clause pénale prévue par le texte est totalement insuffisante, puisqu’elle se réduit à l’allocation de dommages et intérêts, ce qui permet à l’employeur de budgétiser en toute tranquillité la violation de ses engagements. Certaines entreprises ont beaucoup d’argent : elles n’ont pas de difficultés de ce point de vue.

Je rappelle par exemple que, pendant la période de la négociation annuelle obligatoire dans l’entreprise, le code du travail prévoit que l’employeur ne peut prendre de mesure unilatérale dans les domaines soumis à la négociation, ce qui revient à dire que tout acte contraire à cette interdiction est frappé de nullité. Nous proposons d’appliquer le même principe ici. Il ne s’agirait pas de sanctionner financièrement – au demeurant très modestement – mais d’interdire concrètement toute violation de l’engagement de maintien de l’emploi.

Deux méthodes sont possibles : soit permettre au salarié de saisir le juge des référés du tribunal de grande instance pour obtenir la suspension de l’accord, soit prévoir un contrôle en amont par une autorisation de l’inspection du travail chargée de veiller au respect de l’accord. Il faut bien comprendre que la question est d’empêcher un employeur qui a déjà réalisé de substantielles économies par la réduction des salaires de violer en plus les engagements qui lui ont permis d’obtenir cette réduction de salaire.

Nous serons très attentifs à ce qui nous sera répondu sur ce point. Cette réponse permettra de vérifier la réalité de votre volonté, que vous affichez, de garantir le respect par l’employeur de ses engagements et, par voie de conséquence, de sécuriser l’emploi des salariés qui auront accepté la réduction de leur salaire. Accepter de réduire son salaire, c’est quand même quelque chose de grave : il faut être sûr que les engagements pris seront tenus.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. La commission a considéré que les dispositifs encadrant les accords de maintien de l’emploi sont suffisamment protecteurs. D’une part, l’entreprise ne peut procéder à aucune rupture du contrat de travail pour motif économique. D’autre part, une clause pénale est prévue, comme vous l’avez rappelé. Enfin, des possibilités de saisine du juge sont ouvertes et les sanctions encourues sont fortes.

En conséquence, la commission n’a pas estimé nécessaire d’ajouter à cela la procédure que vous proposez. Son avis est donc défavorable.

(L’amendement n° 5528, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n° 5406.

M. Arnaud Richard. Cet amendement propose que l’accord prévoie des critères pour apprécier, à l’issue des deux années de son application, l’amélioration de la situation économique de l’entreprise. Sans cela, cette évaluation serait laissée au seul juge.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. La commission a jugé que l’amendement était satisfait par l’alinéa 10, aux termes duquel « l’accord prévoit les modalités de l’organisation du suivi de l’évolution de la situation économique de l’entreprise et de la mise en œuvre de l’accord, notamment auprès des organisations syndicales de salariés représentatives signataires et des institutions représentatives du personnel. »

(L’amendement n° 5406, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements pouvant être soumis à une discussion commune : l’amendement n° 1936 et une série d’amendements identiques.

Je donne d’abord la parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour défendre, dans la série d’amendements identiques, l’amendement n° 5311 rectifié.

M. Jean-Jacques Candelier. La modification du contrat de travail pour motif économique est soumise aux formalités prescrites par l’article L. 1222-6 du code du travail. Nous souhaitons préciser, à l’alinéa 13 de l’article 12 de ce projet de loi, que les modifications du contrat de travail rendues nécessaires par l’accord de maintien de l’emploi sont soumises aux dispositions de l’article L. 1222-6 du code du travail. Je rappelle à cet égard que la Cour de cassation a précisé que « le salarié devant disposer d’un mois entier pour se prononcer, il en résulte que le délai expire à minuit le jour du mois suivant qui porte le même quantième que le jour de la réception de la lettre recommandée contenant la proposition de modification. » Il s’agit d’un arrêt de la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 3 mars 2009, dont le numéro de dossier est le 07-4285.

Ainsi, l’employeur qui souhaite modifier un ou plusieurs éléments essentiels du contrat de travail est tenu d’en informer au préalable le salarié et de recueillir son accord exprès. La proposition de modification dudit contrat doit être transmise au salarié par lettre recommandée avec avis de réception, laquelle doit impérativement comporter deux séries de mentions obligatoires. Le courrier de l’employeur doit tout d’abord mentionner le motif économique qui justifie la proposition de modification du contrat de travail. Il doit également préciser le délai de réflexion accordé au salarié afin que ce dernier puisse prendre parti sur la proposition de modification du contrat de travail, en mesurant l’ensemble des conséquences de son choix.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour donner l’avis de la commission sur l’amendement n° 5523 et pour présenter l’amendement n° 1936.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Ces amendements visent le même objectif. Selon l’alinéa 13 du projet de loi, « l’accord détermine le délai et les modalités de l’acceptation ou du refus du salarié. »

L’amendement n° 1936 est proche de celui de M. Candelier. Il répond à la préoccupation exprimée par l’exposé sommaire de celui-ci, et propose d’ajouter à l’alinéa 13 la mention suivante : « à défaut, les dispositions de l’article L. 1222-6 s’appliquent. » Cela signifie que l’accord pourra comporter des dispositions plus favorables que le code du travail, mais pas de dispositions moins favorables. L’amendement n° 1936 propose ainsi de mettre en place un socle légal.

Je vous suggère donc à nos collègues du groupe GDR de retirer leurs amendements identiques au profit de celui-ci. En tout état de cause, sachez que vos demandes sont satisfaites par cet amendement !

M. le président. Madame Fraysse, le groupe GDR maintient-il ces amendements identiques ?

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le rapporteur, soyez rassuré : nous voterons toutes vos propositions dès lors qu’elles améliorent ce texte. Cependant, nous maintenons ces amendements.

(L’amendement n° 1936 est adopté et l’amendement n° 5311 rectifié tombe.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à M. François Asensi, pour soutenir l’amendement n° 2493.

M. François Asensi. Avec cet amendement, nous proposons d’inscrire dans la loi le principe selon lequel chaque salarié, y compris dans le périmètre de l’accord de maintien de l’emploi, est informé des conséquences de son acceptation ou de son refus de l’application des stipulations de l’accord à son contrat de travail, à commencer par l’impossibilité de saisir le juge en cas d’inexécution par l’employeur de ses engagements. En effet, l’alinéa 16 de l’article 12 prévoit que « l’accord peut être suspendu par décision du président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, à la demande de l’un de ses signataires, lorsque le juge estime que les engagements souscrits, notamment en matière de maintien de l’emploi, ne sont pas appliqués de manière loyale et sérieuse ou que la situation économique de l’entreprise a évolué de manière significative. »

Relevons, en premier lieu, la singulière rédaction de cet article qui veut que le juge soit saisi lorsqu’il estime que l’employeur n’a pas respecté l’accord. Le juge ne peut s’auto-saisir : nous supposons que vous aviez plutôt l’intention d’écrire « lorsque l’un des signataires de l’accord estime que l’employeur n’a pas respecté l’accord ».

Au-delà de cette difficulté rédactionnelle, le problème est là : pourquoi réserver aux seuls syndicats signataires de l’accord le droit de saisir le juge ? Pourquoi exclure les syndicats non signataires, et surtout les salariés ? Lorsque cette question a été posée en commission des affaires sociales, vous avez répondu, monsieur le rapporteur, que tout salarié pourra saisir le juge. C’est tout simplement une contrevérité : le salarié ne peut pas saisir le président du tribunal de grande instance. Il ne peut que saisir le conseil des prud’hommes, lequel ne peut ordonner la suspension de l’accord puisque ce pouvoir est réservé au seul président du tribunal de grande instance. Ceci est d’autant plus préoccupant que ce sont les salariés qui, à titre individuel, seront les premières victimes du non-respect par l’employeur de son engagement de maintien de l’emploi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. La commission a estimé que votre lecture de ces dispositions n’est pas exacte. Je vous confirme que le régime juridique de l’accord de maintien de l’emploi est calqué sur le régime de droit commun. Il peut être contesté à tout moment par toutes organisations syndicales, parce qu’elles ont intérêt à agir, mais aussi par les syndicats de salariés.

Donc, je crois que, même s’il existe une clause permettant aux signataires de contester leur signature en cas de non-respect, le régime de droit commun permet à tous de continuer à agir.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Je veux défendre, à mon tour, cet amendement parce qu’il est extrêmement important. Mon collègue vient de soulever la question du droit des salariés victimes du non-respect par l’employeur de son engagement au maintien de l’emploi de saisir le juge des référés du tribunal de grande instance. Vous ne l’avez pas prévu. En conséquence, le salarié concerné ne pourra que saisir le conseil des prud’hommes pour obtenir, plusieurs mois après, non pas la nullité de son licenciement, mais simplement des dommages et intérêts, puisque le conseil des prud’hommes n’a pas le pouvoir de suspendre un accord collectif.

Il ne s’agit donc pas d’un oubli, mais d’une volonté délibérée : celle de permettre à un employeur qui aura obtenu, par accord de maintien de l’emploi, le droit de réduire le salaire jusqu’à 120 % du SMIC, de budgétiser la violation de son engagement de maintien de l’emploi. La seule sanction à laquelle il s’expose est le versement de dommages et intérêts à titre de clause pénale et dans les limites, que l’on suppose très modestes, de l’accord.

Si votre volonté est véritablement de sécuriser l’emploi des salariés ayant accepté ce sacrifice sur leur salaire, vous devez leur donner les moyens soit de saisir le juge des référés du tribunal de grande instance pour obtenir la suspension de l’accord, s’ils sont menacés d’un licenciement en violation de celui-ci ; soit de pouvoir obtenir du conseil des prud’hommes la nullité de leur licenciement et leur réintégration.

Votre texte, maintenu en l’état, signifierait clairement que ce projet n’a pas vocation à sécuriser l’emploi, puisqu’il permettrait à l’employeur de violer ses engagements en matière de maintien de l’emploi sans risquer la réintégration des salariés licenciés en violation de l’accord et, ce qui est le plus fort, après avoir engrangé le bénéfice de la ponction sur les salaires, laquelle compensera largement la dérisoire clause pénale que vous prévoyez !

(L’amendement n° 2493 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 5284.

Mme Jacqueline Fraysse. Défendu !

(L’amendement n° 5284, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement n° 3926.

M. Gérard Cherpion. Il est retiré !

(L’amendement n° 3926 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement n° 1447.

M. Gérard Cherpion. Ce point, dont nous avons déjà discuté, me paraît tout à fait important.

L’article 4 de la convention 158 de l’OIT stipule qu’un licenciement peut être fondé sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service. La Cour de cassation a jugé conforme à l’OIT les dispositions de l’article L. 1 222-8 du code du travail qui dispose que le refus du salarié d’appliquer les mesures prévues par l’accord collectif entraîne un licenciement pour motif personnel.

Cet amendement propose donc, en accord avec la convention de l’OIT et la jurisprudence, de revenir sur la qualification du licenciement. Actuellement, en effet, certaines conventions sont régies par l’article L. 1 222-8, je pense, par exemple, à l’entreprise Poclain.

Cet article L. 1222-8 est tout de même plus simple à décliner pour les entreprises. On peut penser, à terme, qu’il s’imposera par rapport à la solution que vous proposez.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. La commission a souhaité maintenir les dispositifs actuels et a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Je sais qu’il est tard, toutefois, ce sujet est d’importance. Cela me rappelle ce qui s’est passé pour l’article 10. Les réponses liminaires du rapporteur et du ministre ne sont pas à la hauteur de l’enjeu d’autant qu’il y a une différence entre l’ANI et ce qui est proposé par le Gouvernement.

Je poserai une question très simple au ministre. Vous avez, comme à l’article 10, fait le choix tout à fait respectable de ne pas appliquer l’ANI. Est-ce, une fois encore, un choix très politique ou le Conseil d’État vous y a-t-il exhorté ? En tout cas, cet article ne reprend pas exactement l’ANI !

M. Michel Sapin, ministre. Si !

M. Arnaud Richard. Non, ce n’est pas l’ANI !

M. Michel Sapin, ministre. Comment, ce n’est pas l’ANI ?

M. Arnaud Richard. Je suis désolé. Ce qui figure dans le texte du Gouvernement et dans celui de la commission ne correspond pas à l’ANI.

M. Christian Paul. Il faut le démontrer !

M. Arnaud Richard. L’avant-dernier paragraphe de l’article 18 de l’ANI est strictement opposé au texte du Gouvernement.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Vous vous êtes absenté entre-temps : nous sommes passés à l’article 12 !

M. Arnaud Richard. Je ne remets pas en cause ce choix politique. Avant de nous prononcer sur cet article, nous voulons savoir si c’est le Conseil d’État qui vous a exhorté à faire ce choix ou si c’est un choix très politique comme tout à l’heure.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Monsieur Arnaud Richard, vous devez être très fatigué, même si vous avez l’occasion de faire des allers et retours dans les couloirs proches de notre hémicycle ! Vous avez sauté deux épisodes, depuis tout à l’heure. Nous examinons l’article 12, lequel reprend très précisément ce qu’avaient prévu les partenaires sociaux. Je ne peux que maintenir l’avis défavorable de la commission.

Quant aux explications, elles ont été données, mais peut-être n’étiez-vous pas là à ce moment. Je suis tout à fait prêt à les compléter. Nous avons encore de longues heures devant nous et de nombreux amendement à examiner, qui nous permettront de nous expliquer !

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Je ne crois pas me tromper, et mon collègue Cherpion pas davantage.

Je lis l’avant-dernier paragraphe de l’article 18 de l’ANI : « L’entreprise est exonérée de l’ensemble des obligations légales et conventionnelles qui auraient résulté d’un licenciement collectif pour motif économique. » Sauf erreur de ma part, ce n’est pas ce qui figure à l’alinéa 15 de l’article 12.

M. Denys Robiliard. C’est écrit !

(L’amendement n° 1447 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 1181 rectifié.

Mme Jacqueline Fraysse. Retiré !

(L’amendement n° 1181 rectifié et les amendements identiques sont retirés.)

M. le président. Je suis saisi d’une autre série d’amendements identiques.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 2571.

Mme Jacqueline Fraysse. Retiré !

(L’amendement n° 2571 et les amendements identiques sont retirés.)

M. le président. Je suis saisi d’une autre série d’amendements identiques.

La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 4501.

M. André Chassaigne. Aujourd’hui, les salariés peuvent refuser de se voir appliquer une baisse de leur salaire ou la modification de leur temps de travail, même si un accord collectif le prévoit. Dans ce cas, l’entreprise n’a pas le droit de licencier sauf si elle connaît des difficultés économiques importantes. Les salariés bénéficient alors de diverses garanties : plan de sauvegarde de l’emploi, reclassement, notamment. De plus, ils peuvent contester le motif de leur licenciement devant un juge.

L’employeur a plusieurs obligations avant d’en arriver au licenciement : premièrement, adapter les salariés, par la formation, à l’évolution de leur emploi qui est une obligation du contrat de travail ; deuxièmement, reclasser les salariés en interne ou dans le groupe avec maintien de la rémunération, droit acquis depuis 1989. Lorsque le licenciement économique est l’ultime solution avant d’en arriver au licenciement, démontré par l’employeur aux élus du personnel et ou aux juges – reclassement impossible et après recherche de toutes les solutions alternatives – il y a, pour les entreprises de plus de 1 000 salariés, l’obligation de proposer un congé de reclassement d’une durée de quatre à neuf mois, intégralement financé par l’employeur. Les entreprises de moins de 1 000 salariés ont l’obligation de proposer un contrat de sécurisation professionnelle pour permettre le retour à l’emploi. Durant cette période, le salarié est indemnisé par Pôle emploi à 80 % de son ancien salaire brut pendant douze mois. Si plus de dix salariés sont licenciés sur trente jours, il y a obligation d’établir un plan de sauvegarde de l’emploi comprenant des mesures pour éviter ou réduire les licenciements – reclassement interne et externe, créations d’activités nouvelles pour l’entreprise, formation et validation des acquis de l’expérience – pour faciliter le reclassement interne ou externe sur des emplois équivalents...

Demain, les salariés qui refuseront l’application d’un accord collectif « maintien dans l’emploi » seront licenciés pour motif économique individuel sans ces garanties et le motif du licenciement sera inattaquable. Économiquement, la baisse du pouvoir d’achat salarial amènera à une réduction de la consommation qui conduira à une baisse d’activité et à de nouvelles destructions d’emplois.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Nous avons eu ce même débat à propos de l’article 10, avec le renfort de notre excellent collègue Le Bouillonnec. Le fait qu’il y ait un accord ne dispense pas de savoir si le licenciement a une cause réelle et sérieuse. Par conséquent, toutes les protections dont bénéficient les salariés auprès des prud’hommes sont prévues. Il en existe même une de plus : la possibilité de contester le fait que l’employeur ait choisi de s’appliquer cet accord, s’il n’y a pas de graves difficultés conjoncturelles. Cette disposition est plus claire que la notion de motif économique et apporte toutes les protections aux salariés

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. J’aurais dû préciser que cet amendement proposait de supprimer le motif économique. Nous vous avons interrogé à plusieurs reprises et vous ne nous avez pas une seule fois donné la définition de ce motif économique. Vous êtes incapable de justifier le licenciement pour motif économique. Cette question vous sera de nouveau posée, notamment au Sénat. Vous devrez donc, un jour, expliquer ce que signifie le motif économique, lequel ne renvoie en rien au code du travail.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. En 2001, ceux qui nous ont précédés ont travaillé sur un texte qui s’appelait la loi de modernisation sociale. Ils ont essayé de redéfinir le motif économique dans une version beaucoup plus large que les graves difficultés conjoncturelles, puisqu’il existait tout de même des possibilités de restructurations. Mais le Conseil constitutionnel a jugé cette disposition trop restrictive et l’a annulée, considérant qu’elle était contraire à la liberté d’entreprendre.

Le débat que vous lancez sur la définition du motif économique est noble et nous le reprendrons. Mais si les « graves difficultés conjoncturelles » ne signifient pas qu’il existe un motif économique au licenciement, je me demande alors quel est le sens des mots !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Cela n’a rien à voir avec la loi de modernisation de 2001. En 2001, il s’agissait de donner une nouvelle définition du motif économique pour que l’on ne considère pas, par exemple, comme motif économique un licenciement boursier. Ce débat avait d’ailleurs eu lieu à la suite de l’affaire Michelin.

On ne vous demande pas de nous donner une nouvelle définition du motif économique, mais de nous indiquer à quoi correspond, dans le code du travail, le motif économique dont vous parlez. Or vous n’avez pas de réponse. En définitive, vous employez une expression dans votre projet de loi et aucun renvoi au code du travail permettant de savoir ce que représente ce motif économique. Cela se fait à froid, pour anticiper. Ce n’est pas un motif économique !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Je vais vous lire l’article L. 1233-3 du code du travail, mais je vous épargnerai le début parce que je vais au-delà de ce sur quoi vous aimeriez que nous retravaillions ensemble : « Constitue un licenciement pour motif économique… », un licenciement consécutif « …notamment à des difficultés économiques… » Les graves difficultés conjoncturelles sont des difficultés économiques, même si ce ne sont certainement pas des restructurations. Tout le monde est d’accord pour reconnaître qu’il y a des difficultés économiques en cas de graves difficultés conjoncturelles. On peut, par exemple, se poser la question pour Renault. Cette entreprise rencontre-t-elle de graves difficultés conjoncturelles ? Certainement non. A-t-elle un motif économique ? Là le débat est plus ouvert.

M. André Chassaigne. Dans ce cas, il faut une procédure collective !

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Le code du travail répond, pour l’instant, oui, parce que ce n’est pas inhérent aux personnes.

(L’amendement n° 4501 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 2591.

Mme Jacqueline Fraysse. Il est défendu.

(L’amendement n° 2591, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 5348.

Mme Jacqueline Fraysse. Retiré !

(L’amendement n° 5348 et les amendements identiques sont retirés.)

M. le président. Je suis saisi d’une autre série d’amendements identiques

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 2614.

Mme Jacqueline Fraysse. Retiré !

(L’amendement n° 2614 et les amendements identiques sont retirés.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 5508.

Mme Jacqueline Fraysse. Il est défendu.

(L’amendement n° 5508, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 4114 et 4357.

La parole est à M. Jérôme Guedj, pour défendre l’amendement n° 4114.

M. Jérôme Guedj. Il est dommage que M. Woerth ne soit pas là parce que son amendement n° 48 révélait la vraie nature du projet de la droite en la matière.

Nous avons eu un débat intense tout à l’heure, à l’article 10, sur la question de la comptabilité avec la convention de l’OIT. Denis Robiliard a déployé tous les arguments et je ne pense pas qu’il soit utile d’ouvrir à nouveau la discussion même si la question demeure.

Je retire donc mon amendement.

(L’amendement n° 4114 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard, pour défendre l’amendement n° 4357.

M. Christophe Cavard. Effectivement, nous n’allons pas refaire le débat. Si certains pensent comme nous que la directive européenne doit être opposée au texte, ils auront l’occasion de le faire valoir en leur âme et conscience.

Je retire moi aussi mon amendement.

(L’amendement n° 4357 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. François Asensi, pour soutenir l’amendement n° 2647.

M. François Asensi. L’article 12 instaure, pour les salariés refusant un accord de compétitivité, renommé accord de maintien dans l’emploi, la procédure de licenciement individuel pour motif économique.

Si cette procédure correspond à une procédure individuelle dans les cas où les salariés refusant l’accord n’excèdent pas le nombre de neuf sur une période de trente jours, il est en revanche opportun et légitime d’envisager les cas de figure où les licenciements concernent dix salariés ou plus sur une même période de trente jours.

Je cite notamment des extraits des articles L. 1233-61 et L. 1233-62 : « Dans les entreprises d’au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l’employeur établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. »

Ce plan intègre un plan de reclassement et prévoit des mesures telles que des actions en vue du reclassement interne des salariés, des créations d’activités par l’entreprise, des actions favorisant le reclassement externe à l’entreprise, des actions de soutien à la création d’activités nouvelles ou à la reprise d’activités existantes par les salariés, des actions de formation, de validation des acquis de l’expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents, ou bien encore des mesures de réduction ou d’aménagement du temps de travail ainsi que des mesures de réduction du volume des heures supplémentaires.

Dès lors, une interrogation centrale surgit. Pour quelles raisons les dispositions des articles L. 1235-10 et L. 1233-61 à L. 1233-64 ne s’appliqueraient-elles pas dans ce cas ? Quel raisonnement conduit à permettre à l’employeur de se soustraire à ses obligations prévues par la loi, à savoir la mise en œuvre d’un plan de sauvegarde ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. C’est le même débat que précédemment. Défavorable.

(L’amendement n° 2647, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement n° 5460.

M. Jean-Jacques Candelier. L’article 12, comme d’autres d’ailleurs dans ce texte, porte une atteinte manifeste à l’économie du contrat.

En effet, l’accord d’entreprise pourra prévoir des modifications qui touchent au temps de travail ou au salaire, soit des éléments substantiels du contrat de travail.

À ce titre, cette disposition apparaît contraire aux principes dégagés par le Conseil constitutionnel, qui prohibe les atteintes disproportionnées à l’économie générale des conventions – n° 2002-465 DC, 13 janvier 2002. Rien ne permet d’affirmer, en effet, que le motif d’intérêt général, qui peut, seul, légitimer une remise en cause de l’équilibre général du contrat, pourra résider dans l’objectif de maintien des emplois, dont la réalisation reste d’ailleurs hypothétique et aléatoire.

L’atteinte au principe apparaît d’autant plus caractérisée que l’équilibre des concessions réciproquement consenties par l’employeur en termes d’engagements de maintien dans l’emploi et par les salariés en termes de diminutions de salaires ou d’accroissement de la durée du travail ne pourra pas faire l’objet d’un contrôle juridictionnel.

Nous sommes en réalité avec ce texte face à l’aboutissement d’un processus dont les racines remontent à plus de trente ans, qui a consisté pour le patronat à anéantir l’ordre social, d’abord en cherchant à tout prix à individualiser les relations au travail, à atomiser la conscience de classe des travailleurs en faisant du contrat individuel la norme de la relation de subordination pour affaiblir tout ce qui relevait du collectif comme les accords et l’action syndicale – ce premier mouvement a contribué à renforcer temporairement le contrat, au point qu’il constitue, grâce à la construction jurisprudentielle, un pôle de résistance –, puis, mais, en fait, les deux mouvements étaient concomitants, en réinvestissant le collectif pour marginaliser le contrat et l’assujettir aux accords collectifs sur lesquels le patronat a désormais remis la main, ce qui nous laisse penser que les tenants du libéralisme n’ont d’autre chapelle que leur intérêt propre et que leur vertu se mesure à l’aune de leur cupidité.

Comment expliquer autrement que ces idolâtres du contrat encensent désormais des accords qui portent une atteinte manifeste à l’économie du contrat, reniant ainsi jusqu’aux principes philosophiques qui furent les leurs pendant des siècles ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Défavorable. Nous avons déjà eu ce débat. Votre analyse est erronée. Le juge pourra continuer à contrôler la cause réelle et sérieuse donc, le cas échéant, considérer qu’il n’y a pas eu motif économique.

(L’amendement n° 5460, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement n° 4380.

M. Christophe Cavard. Celui-ci, je vais tout de même le maintenir même s’il est un peu dans la même veine. Nous allons jusqu’au bout de notre logique en posant la question du seuil des dix salariés pour pouvoir prétendre à un licenciement collectif.

(L’amendement n° 4380, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 2531.

Mme Jacqueline Fraysse. Retiré !

(L’amendement n° 2531 et les amendements identiques sont retirés.)

M. le président. Je suis saisi d’une autre série d’amendements identiques.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 4535.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement propose une nouvelle rédaction de l’alinéa 16 de l’article 12

Il est évident que ces accords seront l’occasion d’un chantage à l’emploi. L’accord collectif obtenu va faire peser sur les représentants du personnel la responsabilité de la baisse de salaire et de l’augmentation du temps de travail.

Aux termes de l’article 12, les garanties pour les salariés sont inexistantes. Il est prévu que l’entreprise s’engagera à « maintenir dans l’emploi les salariés auxquels il s’applique, pour une durée au moins égale à celle de l’accord », qui ne peut excéder deux ans.

En bref, les salariés acceptent de baisser leurs salaires, de travailler plus pendant deux ans, et l’entreprise peut les licencier juste après. Elle peut par ailleurs supprimer les emplois sans attendre l’échéance des deux ans, ou de la durée inférieure fixée par l’accord, dès lors que la situation économique de l’entreprise se dégrade.

Il faut en outre noter qu’il est très difficile de sanctionner les manquements de l’employeur à ses engagements de maintien de l’emploi, tout simplement parce que ces engagements ont des contenus difficilement vérifiables. L’employeur pourra faire des plans de ruptures conventionnelles pour motif économique et prétendre que les salariés sont partis de leur propre chef. De même, quid en cas de non remplacement des personnels qui quittent l’entreprise par démission ou partent en retraite ?

Les promesses non tenues, comme un engagement à investir ou à confier un marché, ne seront pas sanctionnées.

C’est la raison pour laquelle nous proposons que soit nul et de nul effet tout acte de l’employeur contraire à son engagement de maintien de l’emploi contracté dans le cadre de l’accord.

M. le président. La parole est à M. François Asensi, pour soutenir l’amendement n° 4537.

M. François Asensi. Dans le cadre de ces accords, face aux sacrifices demandés aux salariés, la seule contrepartie obligatoire est l’engagement du maintien de l’emploi. Il n’y aura ni interdiction d’un versement de dividendes, ni réduction de la rémunération des mandataires sociaux, ni conséquences obligatoires d’un retour à meilleure fortune à l’issue de l’accord. Or le respect de cet engagement est peu crédible.

La durée peut n’être que celle de l’accord et même être réduite soit par révision avec les signataires initiaux, soit par une procédure judiciaire permettant à l’employeur de faire valoir la dégradation de la situation. L’accord peut s’appliquer à certains salariés pendant que d’autres sont soumis à un plan de licenciement et les bas salaires auxquels un accord de réduction de rémunération ne peut s’appliquer ne bénéficieront pas à l’emploi.

C’est pourquoi nous vous demandons de voter cet amendement, qui garantit le respect de l’engagement dans l’emploi en précisant qu’est nul et sans effet tout acte de l’employeur contraire à son engagement de maintien de l’emploi contracté dans le cadre de l’accord.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 4544.

M. André Chassaigne. Cet amendement propose effectivement de rédiger l’alinéa 16 de la façon suivante : « Tout acte de l’employeur contraire à son engagement de maintien de l’emploi contracté dans le cadre de l’accord est nul et de nul effet. »

Le projet de loi initial prévoit que l’accord de maintien dans l’emploi contient une clause pénale permettant d’indemniser un salarié lésé lorsque l’employeur n’a pas respecté ses engagements.

Nous exprimons un certain nombre de réserves quant à la pertinence de ce dispositif. En effet, la clause pénale a pour objet de prédéterminer le montant des dommages et intérêts censés réparer le préjudice subi par le salarié. Or ce dispositif ne permet pas d’adapter la réparation à la situation personnelle de chaque salarié, pas plus qu’à la nature du préjudice subi.

Aussi, il nous paraît essentiel de remplacer le texte du projet de loi par la disposition selon laquelle tout acte contraire à l’accord de maintien de l’emploi est nul et non avenu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Le juge peut suspendre l’accord dans le cadre de l’alinéa 26. Il n’est donc pas nécessaire de prévoir de telles dispositions. La commission est défavorable à ces amendements.

(Les amendements identiques nos 4535, 4537 et 4544, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. François Asensi, pour soutenir l’amendement n° 5329.

M. François Asensi. Il s’agit de prévoir qu’en cas d’accord de maintien dans l’emploi, le versement des dividendes aux actionnaires est suspendu pendant la durée d’application de l’accord.

C’est une mesure de justice sociale : on ne pourrait comprendre que des actionnaires se rémunèrent pendant que les travailleurs font des sacrifices, en termes de rémunération notamment.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Nous avons déjà eu le même débat. Défavorable.

(L’amendement n° 5329, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une autre série d’amendements identiques.

La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 2777.

M. André Chassaigne. C’est un amendement de précision.

Dans la droite ligne de nos précédents amendements sur l’alinéa 16 de l’article 12, nous souhaitons préciser les modalités de la clause pénale.

L’alinéa 16 vise à introduire, en cas de violation par l’employeur de son unique engagement, celui de ne pas procéder à un ou des licenciements durant la période où l’accord de compétitivité, renommé « de maintien dans l’emploi », court.

Je rappelle par ailleurs que la CFTC elle-même – je la cite rarement… – pourtant signataire de l’ANI, conteste la transposition restrictive de la clause pénale en cas de non-respect de l’accord par l’employeur.

Voici un extrait de l’audition de son vice-président : « Dans le projet de loi, tel qu’il est rédigé, cette clause se limite au non-respect du maintien des salariés dans l’emploi, donc au licenciement. Dans l’accord, en revanche, cette clause s’applique à tout manquement à l’accord de maintien dans l’emploi, par exemple à un changement d’horaires. Il faudrait corriger cet écart. »

Nous proposons donc, par cet amendement, que la clause pénale ne préjuge pas des sanctions et réparations prévues par l’accord et découlant de la violation de celui-ci, mais soient dissociées et indépendantes des sanctions et réparations que tout salarié lésé par la violation de l’accord par l’employeur sera en droit de demander.

Comme nous n’avons disposé que de quarante-huit heures pour écrire 4 500 amendements, il est possible que nous n’ayons pas toujours tenu compte d’évolutions ayant eu lieu en commission. Dans ce cas, c’est avec plaisir que nous en prendrons note.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. L’avantage d’avoir passé soixante-quinze heures ensemble, c’est que vous lisez dans mon regard la réponse avant que j’aie eu à la prononcer. (Sourires.) J’en profite d’ailleurs, monsieur Chassaigne, pour louer la qualité de votre travail. Ce que vous venez de lire nous le montre encore, vous êtes allé dans les moindres détails de ce texte, et vous avez, comme nous, écouté tout le monde.

Cette remarque de la CFTC a été prise en compte à l’alinéa 16. Alors que seul le cas de non-respect des engagements de maintien de l’emploi était prévu, nous avons élargi le texte à tous les engagements pris par l’employeur. L’amendement est donc satisfait.

M. André Chassaigne. Monsieur le rapporteur, nous vous avons écouté religieusement ! (Sourires.)

M. Jérôme Guedj. Non laïquement ! (Sourires.)

(L’amendement n° 2777 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 2666.

Mme Jacqueline Fraysse. Il est défendu.

(L’amendement n° 2666, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à une autre série d’amendements identiques.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 5498.

Mme Jacqueline Fraysse. Il est défendu.

(L’amendement n° 5498, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une autre série d’amendements identiques.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 4587.

Mme Jacqueline Fraysse. Il est défendu.

(L’amendement n° 4587, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard, pour soutenir l’amendement n° 4796.

M. Christophe Cavard. Je défendrai ensemble les amendements nos 4796 et 4795, monsieur le président. Nous revenons sur un sujet sensible, même si ce n’est pas forcément évident à deux heures et quart un dimanche matin.

Nous cherchons à légitimer le dialogue social. Pour cela, il convient de donner aux mandataires qui auront à négocier toute la légitimité requise, et c’est pourquoi nous proposons qu’ils soient issus d’organisations ayant recueilli au moins 50 % des suffrages exprimés auprès des salariés. À défaut, nous devons nous appuyer sur les représentants des sections locales ou des unions départementales desdites organisations, qui signeraient ainsi les accords. Il s’agit de donner de la légitimité aux mandataires dans les entreprises où les organisations syndicales sont relativement moins bien représentées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Il convient tout d’abord de rappeler qu’aux termes de l’alinéa 22 l’accord signé par le représentant salarié doit avoir été approuvé à la majorité des suffrages. En pratique, vous proposez qu’il le soit en outre par plusieurs salariés mandatés, puisque la première organisation syndicale pèse quelque 27 % des voix. Alors qu’il est déjà difficile de trouver un salarié mandaté, il faudrait, avant d’obtenir l’accord majoritaire, en trouver trois.

Je pense qu’un tel sujet s’inscrit, au-delà de ce texte, dans une réflexion sur le mandatement. Je vous propose de retirer ces amendements ; nous mènerons cette réflexion ensemble.

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. Le rapporteur a bien exposé l’état d’esprit qui nous anime. Je retire ces amendements, dans l’attente d’une réflexion sur leur légitimité.

(Les amendements nos 4796 et 4795 sont retirés.)

M. le président. Sur le vote de l’article 12, je suis saisi par le groupe GDR d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement n° 3967.

M. Gérard Cherpion. Défendu.

(L’amendement n° 3967, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour soutenir l’amendement n° 2681.

M. Jean-Jacques Candelier. Cet amendement vise à réintroduire le contrôle du juge judiciaire sur le caractère réel et sérieux des motifs économiques invoqués par l’employeur souhaitant mettre en place un accord de maintien dans l’emploi. La notion de graves difficultés économiques conjoncturelles est à géométrie variable. Sur quels critères évaluer la situation économique d’une entreprise ? Le projet de loi nous laisse sur ce point dans le flou le plus total. L’intervention du juge judiciaire est de ce fait nécessaire afin de prévenir les possibles abus d’employeurs prétextant une situation économique difficile pour baisser le coût du travail.

Cette disposition permettrait d’apprécier de façon objective la situation économique de l’entreprise et de son secteur d’activité. Les conséquences de la crise économique se font sentir chaque jour et pèsent énormément sur les entreprises. Pour autant, la crise ne doit pas être l’alibi utilisé par les employeurs pour remettre en cause les acquis sociaux. Afin de protéger les salariés d’un recul des droits sociaux, nous appelons à adopter cet amendement permettant un meilleur contrôle de la légalité des accords de maintien dans l’emploi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Défavorable. Nous avons examiné des amendements strictement identiques un peu plus tôt. Mon argumentation sera exactement la même ; je vous épargne sa répétition, à cette heure avancée.

(L’amendement n° 2681, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 4627.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement pose à la fois une question de droit et une question d’équité. L’accord de maintien de l’emploi est un accord collectif. Or, en cas de violation par un employeur d’un accord collectif, tous les syndicats, et pas seulement les syndicats signataires, peuvent saisir le juge afin que celui-ci contraigne l’employeur à respecter les obligations contractées. Nous nous demandons pourquoi il en serait autrement pour un accord de maintien dans l’emploi.

Avec le texte tel qu’il est rédigé, vous établissez une discrimination d’autant plus injustifiable que, si violation de l’accord il y a, elle ne portera pas préjudice aux seuls syndicats signataires mais à tout le monde, aux syndicats non signataires comme à l’ensemble des salariés.

Rien n’est prévu pour permettre aux salariés, alors même qu’ils seront victimes de ces violations, de saisir le juge. Ils pourront bien sûr saisir les prud’hommes. Partant du principe qu’un accord de ce type est d’une durée maximale de deux ans, le temps qu’un conseil de prud’hommes puis éventuellement une cour d’appel se prononcent, l’accord sera arrivé à expiration. Et surtout, je l’ai déjà dit, le conseil des prud’hommes ne pourra qu’allouer des dommages et intérêts ; en aucun cas il ne rétablira le salarié licencié dans son emploi. Vous voyez combien il y a lieu d’améliorer ce texte.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Nous avons longuement débattu de cette question en commission. C’est le même sujet que la clause pénale. Le texte prévoit un certain nombre de dispositions ad hoc pour éviter les contentieux, dont la clause pénale. Or ni cette clause pénale, je l’ai dit tout à l’heure, ni les autres dispositions n’ôtent la possibilité de contester l’accord. Elles permettent de les régler d’une manière convenue conventionnellement. Cet alinéa 26, qui réserve aux signataires la possibilité de contester leur accord, est dans le même état d’esprit : une disposition spécifique de contestation est prévue, mais cela n’empêche pas de recourir aux voies de droit commun, qui restent ouvertes à tous ceux qui ont un intérêt à agir, les organisations syndicales, signataires ou non, comme les salariés. Ce ne sera alors pas la procédure de l’alinéa 26 qui s’appliquera mais une procédure de droit commun. Votre inquiétude devrait être levée par ce rappel.

(L’amendement n° 4627, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 2705.

M. André Chassaigne. Je lis l’alinéa 26 pour que l’on comprenne bien : « L’accord peut être suspendu par décision du président du tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, à la demande de l’un de ses signataires lorsque le juge estime que les engagements souscrits, notamment en matière de maintien de l’emploi, ne sont pas appliqués de manière loyale et sérieuse, ou que la situation économique de l’entreprise a évolué de manière significative. »

Notre amendement permet de rétablir le contrôle du juge judiciaire sur le caractère réel et sérieux des motifs économiques invoqués par l’employeur à l’appui de la mise en place d’un accord de maintien dans l’emploi. D’où la modification suivante, à l’alinéa 26 : « lorsque le juge estime que les graves difficultés conjoncturelles dont se prévaut l’employeur pour mettre en œuvre l’accord de maintien dans l’emploi ne reposent sur aucun motif réel et sérieux ou » que la situation économique de l’entreprise a évolué de manière significative.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. L’alinéa 26 prévoit la saisine du juge et, bien évidemment, la première chose dont celui-ci s’enquerra, ce sont les graves difficultés conjoncturelles. Vous êtes en quelque sorte en train d’écrire un guide de lecture pour le juge dans son travail. C’est absolument redondant.

M. Michel Sapin, ministre. Faites confiance au juge ! Défavorable.

M. André Chassaigne. M. le rapporteur aurait pu être plus précis. Il nous fait la réponse du berger à la bergère !

(L’amendement n° 2705 n’est pas adopté.)

M. le président. Nous abordons une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. François Asensi, pour soutenir l’amendement n° 2719.

M. François Asensi. Par cet amendement nous défendons l’idée selon laquelle le juge, en cas de violation de l’accord par l’employeur, prononce la nullité des licenciements des salariés n’ayant pas accepté les dispositions contenues dans l’accord de maintien dans l’emploi. Il s’agit d’un impératif de justice à l’égard des salariés, ainsi que d’un moyen de prévenir les situations de chantage à l’emploi. Cet amendement contribue à mieux sécuriser les salariés face aux possibles abus engendrés par le dispositif de maintien dans l’emploi.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 2726.

M. André Chassaigne. Nous nous sommes rendus compte que cela faisait plusieurs heures, voire une journée, que nous ne vous avions pas cité une personne de grande qualité. La personne à laquelle je pense s’est exprimée sur les accords de maintien dans l’emploi, ou accords de compétitivité : « Il s’agit officiellement de donner aux entreprises les moyens de s’adapter aux problèmes conjoncturels et de préserver l’emploi. » Il reprend tout simplement le titre II de l’ANI, ce qui va vous satisfaire. Je poursuis son analyse : « Il s’agit surtout de donner aux employeurs dont l’entreprise est en difficulté les moyens d’exiger des sacrifices de la part des salariés pour la redresser : chômage partiel, durée limitée dans le temps, deux ans maximum, nouvel équilibre dans l’arbitrage global temps de travail-salaire-emploi au bénéfice de l’emploi. »

À cette heure on ne peut citer qu’un socialiste ! (Rires.)

M. Jérôme Guedj. Ce n’est pas Mélenchon que vous citez ?

M. André Chassaigne. Il fut aussi socialiste, balayez devant votre porte !

Je poursuis. Il s’agissait, comme vous l’avez compris, d’une citation de Gérard Filoche. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Jacqueline Fraysse. Vous avez gagné !

M. André Chassaigne. Une analyse suit : « Il sera possible de faire varier les horaires et de baisser les salaires : c’est une généralisation d’accords qui avaient été signés et rendus célèbres à l’époque dans des entreprises comme Bosch, et Continental, ce qui ne les avait pas empêchées de fermer après avoir essoré leurs salariés ! »

Je continue… « Une façon de faire plier l’échine aux salariés en prévoyant que lorsque l’entreprise est mise en difficulté, ils sont contraints de s’incliner : l’ANI précise bien, “l’accord s’impose au contrat de travail”. Pas de contestation, pas de recours : en cas de refus du salarié, la rupture de son contrat “s’analyse en un licenciement économique dont la cause réelle et sérieuse est attestée par l’accord précité”. » Vous voyez à quel point tout est clair.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Je crains qu’avec votre intervention le débat ne s’effiloche (Rires), je vais donc en revenir à vos amendements : j’ai déjà largement répondu, avis défavorable.

(Les amendements identiques nos 2719 et 2726, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement n° 4444 rectifié.

M. Gérard Cherpion. Les amendements relatifs à cet article portent en réalité sur des accords de maintien dans l’emploi à vocation défensive, dans un contexte de crise économique. Nous souhaitons légitimement que cette crise se résorbe et laisse percevoir une reprise, qui ne sera pas nécessairement immédiate.

Notre amendement est symétriquement à vocation offensive, pour permettre la conclusion d’accords de développement de l’emploi. Je limite cette proposition à deux ans, monsieur le rapporteur, ce qui prouve ma bonne foi, quand vous sembliez précédemment la mettre en doute.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. L’UMP veut faire du Sarkozy sans Sarkozy, puisqu’il s’agit dans cet amendement des accords compétitivité emploi que souhaitait l’ancien président de la République.

M. Michel Sapin, ministre. On voit la différence !

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. D’ailleurs, le fait que ces amendements existent et qu’ils soient défendus par un certain nombre de députés de votre groupe prouve que ce texte n’a rien à voir avec les accords compétitivité emploi. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Je constate le peu de foi que vous avez dans le retour de la reprise économique et, partant, dans ce texte.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Au contraire, il n’y a pas besoin d’accords de maintien dans l’emploi, si une reprise se fait.

(L’amendement n° 4444 rectifié n’est pas adopté.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’article 12.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 43

Nombre de suffrages exprimés 36

Majorité absolue 19

(L’article n° 12 est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le dimanche 7 avril 2013 à deux heures trente-cinq, est reprise à deux heures quarante.)

M. le président. La séance est reprise.

Avant l’article 13

M. le président. Je suis saisi de deux séries d’amendements identiques, visant à insérer des articles additionnels avant l’article 13.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir, dans la première série d’amendements identiques, l’amendement n° 2347.

M. André Chassaigne. Cet amendement propose en premier lieu de modifier la définition du licenciement économique. La rédaction actuellement en vigueur de l’article L. 1233-3 du code du travail permet aux employeurs de fonder les licenciements qu’ils envisagent sur le motif économique, difficilement récusable, de la sauvegarde de la compétitivité – y compris par anticipation des évolutions hypothétiques du secteur. Ce prétexte sous-tend actuellement près de 80 % des licenciements pour motif économique, quand bien même l’entreprise ne rencontre aucune difficulté économique ou financière majeure.

Le texte proposé restreint à trois le nombre de cas dans lesquels un employeur peut légitimement envisager un licenciement pour motif économique : en cas de cessation d’activité, en cas de difficultés économiques dont l’employeur doit faire la preuve, ou en cas de mutations technologiques. Parallèlement, l’employeur devra justifier de manière précise les mesures qu’il aura prises pour limiter le nombre de suppressions d’emplois. On passe donc d’une situation de quasi-impunité à une obligation de sincérité et de loyauté de la part de l’employeur sur la situation économique et financière de l’entreprise, à l’égard tant de la justice que de ses employés, si ces derniers viennent à contester la procédure de licenciement ou les plans de suppression d’emploi, quelle que soit la forme qu’ils prennent – départs volontaires, non-remplacement ou autres.

La réponse du rapporteur sera aisée puisque notre amendement reprend pour l’essentiel les orientations définies dans la loi de modernisation de l’économie de 2001. Ce qu’il était possible d’intégrer dans la loi en 2001 peut tout autant l’être aujourd’hui, d’autant que nous avons tenu compte des refus formulés à l’époque.

Nous allons donc vivre, à trois heures moins le quart, un grand moment, puisqu’un amendement fondamental des députés du Front de gauche va finir par être adopté par la foule des députés présents en séance. (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Nous avons débattu jusqu’au bout de la nuit hier de ce motif économique et rappelé les grands débats qui s’étaient tenus en 2001 sur le même motif. Je ne veux donc pas rallonger notre discussion, en me répétant, c’est pourquoi je maintiens l’avis défavorable de la commission.

(L’amendement no 2347, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir, dans la seconde série d’amendements identiques, l’amendement n° 4170 rectifié.

M. André Chassaigne. L’amendement précédent était seulement un tour d’échauffement. Il était extrait d’une proposition qu’on a déposée et qui serait inscrite dans notre niche parlementaire du 16 mai. Elle tend à l’interdiction des licenciements boursiers et des suppressions d’emploi abusives.

Cet amendement propose de supprimer l’article L. 1233-21 du code du travail. Vous voyez qu’on n’y va pas avec le dos de la cuillère ! Je rappelle que cet article prévoit qu’un accord d’entreprise, de groupe ou de branche peut déroger aux règles de consultation des instances représentatives du personnel et fixer lui-même les modalités d’information et de consultation du comité d’entreprise lorsque l’employeur envisage de prononcer le licenciement économique d’au moins dix salariés dans une même période de trente jours. De dérogatoire, ce type de mesure menace, avec le texte qui nous est proposé, de devenir la règle. Cela signerait un recul historique des droits des salariés et des comités d’entreprise qui ont subi de plein fouet, ces vingt dernières années, les conséquences d’une gouvernance d’entreprise pour laquelle le salarié n’est pas une personne mais seulement un coût, une variable d’ajustement.

Vous prétendez renforcer dans ce texte les pouvoirs des comités d’entreprise. Cet amendement vous y invite. Comment en effet continuer à autoriser des dérogations aux règles de consultation des comités d’entreprise lorsque l’on sait que ceux-ci ont pour mission première d’assurer une expression collective des salariés, de permettre la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, à l’organisation du travail et à la formation professionnelle.

Toute dérogation aux règles de consultation au nom du principe de subsidiarité est une atteinte au droit du travail et aux droits des salariés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Votre amendement vise à supprimer les accords de méthode, mais nous pourrons en débattre lors de l’examen de l’article 13. Je vous propose donc de procéder avec méthode et de retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même discours sur la méthode : avis défavorable.

M. le président. Monsieur Chassaigne ?...

M. André Chassaigne. Je le maintiens, monsieur le président.

(L’amendement n° 4170 rectifié n’est pas adopté.)

Article 13

M. le président. La parole est à M. François Asensi, premier orateur inscrit sur l’article 13.

M. François Asensi. Cet article est très certainement l’un des plus importants du projet de loi,…

M. Michel Sapin, ministre. C’est vrai !

M. François Asensi. …celui qui concrétise la mise à l’écart du juge judiciaire et qui vise à sécuriser, non pas l’emploi comme l’indique faussement l’intitulé du projet, mais les licenciements. Il constitue le point d’orgue d’un dispositif destiné en effet à faciliter les licenciements sans avoir à affronter les représentants du personnel et le contrôle du juge.

Après l’article 10, qui permet de licencier dans le cadre de procédures individuelles les salariés ayant refusé la mobilité imposée et sans avoir à justifier d’un motif économique au sens de la définition légale de ce dernier ; après l’article 12, qui permet de parvenir au même résultat en direction des salariés qui refuseraient des baisses de salaire prévues par un accord certes majoritaire mais le plus souvent obtenu par le chantage à la fermeture ; après les plans de départs volontaires qui permettent aux entreprises florissantes de dégraisser en toute tranquillité et les ruptures conventionnelles dont le nombre a littéralement explosé ; voici le licenciement économique collectif nouvelle formule, passant, au choix, par un accord collectif, lui aussi majoritaire, ou par un plan élaboré unilatéralement par l’employeur sous le contrôle de l’administration.

On peut d’ores et déjà annoncer que le nombre de suppressions d’emploi passant par le régime institué à l’article 13 sera résiduel, tant les voies de contournement existantes sont préservées et de nouvelles voies créées. On peut aussi gager que le taux de validation et d’homologation rejoindra très rapidement celui de l’autorisation administrative ancienne formule, au moment de son abrogation : Il avait atteint, je le rappelle pour ceux qui l’auraient oublié, le taux de 85 %.

M. Gérard Cherpion. Là n’est pas le problème !

M. François Asensi. Tout a été conçu pour limiter les risques… pour les employeurs, bien évidemment. En effet, à la différence de l’ancienne autorisation administrative, le contrôle du motif échappera à l’administration. Il sera réservé, a posteriori, aux conseils de prud’hommes.

Cet article est aussi celui de toutes les inepties, qu’il s’agisse de la sanction du non-respect de la procédure – nous y reviendrons – ou de ce système hallucinant du dessaisissement automatique du juge administratif s’il n’a pas statué dans le délai qui lui est imparti.

Monsieur le ministre, force est de constater que, très loin de la lutte contre les licenciements boursiers,…

M. Michel Sapin, ministre. Si, nous y sommes totalement !

M. François Asensi. …nous sommes dans une logique social-libérale, et certainement pas dans une logique social-démocrate.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Cet article concrétise, nous dit-on, le grand retour de l’administration dans le contrôle des licenciements économiques. Ce n’est pas le moindre des paradoxes que de constater que le patronat, qui avait obtenu en 1986 du Gouvernement Chirac de la première cohabitation, l’abrogation de l’autorisation administrative, se soit ainsi battu pour obtenir son rétablissement.

Que s’est-il passé entre-temps pour expliquer une telle volte-face ?

La loi du 27 janvier 1993 qui, enrichie d’un amendement du groupe communiste, sanctionnait de nullité les plans de sauvegarde de l’emploi insuffisants, avait eu pour conséquence, depuis le célèbre arrêt Samaritaine du 13 février 1997, la nullité des licenciements, donc le droit à réintégration. Certaines juridictions, poussant jusqu’à son terme la logique de ce texte que nous avions voté ensemble, mes chers collègues de la majorité d’aujourd’hui, en étaient récemment arrivés, je pense à l’affaire Viveo, à annuler un plan social non pas à cause de l’insuffisance de son contenu mais en raison de l’inexistence d’un quelconque motif économique. Mais l’arrêt Viveo de la Cour de cassation a censuré cette tentative et, pour ce qui nous concerne, nous le regrettons. Mais chacun avait pu comprendre de cette décision de la Cour de cassation que celle-ci renvoyait la balle dans le camp du législateur. Le message que nous y voyions était le suivant : parlementaires, si vous voulez, parce qu’il est manifeste que l’entreprise n’a pas de réel motif économique, que les juges puissent annuler un plan social, donc les licenciements qui en résultent écrivez-le. !

C’était quelques semaines avant l’élection présidentielle. L’on était en droit d’attendre de la majorité de gauche qu’elle suive la voie ouverte par les juges de la Cour d’appel de Paris dans l’affaire Viveo.

C’est tout le contraire qui nous est proposé, avec ce retour de l’administration certes, mais sans contrôle du motif économique, dans un délai étriqué et dans le cadre d’une procédure qui n’offre aucune garantie aux salariés concernés. Le MEDEF et les marchés exigeaient de la sécurité juridique : elle leur est offerte sur un plateau d’argent. Les salariés, quant à eux, devront se résoudre à l’insécurité, bien assez bonne pour eux. Tout cela au nom d’une thèse que, mes chers collègues de la majorité, nous combattions ensemble il n’y a pas si longtemps, selon laquelle la libéralisation des licenciements est la condition d’une libération des embauches. La droite nous avait servi ce discours en 1986 au moment de l’abrogation de l’autorisation administrative de licenciement qui allait permettre de créer au moins 400 000 emplois... On a vu le résultat. Le problème de cette thèse, c’est qu’elle ne s’est jamais vérifiée !

Mme Jacqueline Fraysse. Très juste !

M. Michel Sapin, ministre. Ça tombe bien, ce n’est pas la nôtre !

M. le président. La parole est à M. Jérôme Guedj.

M. Jérôme Guedj. L’article 13 modifie très fortement notre code du travail dans sa partie qui concerne les licenciements collectifs en renforçant, c’est incontestable, les prérogatives des partenaires sociaux, mais aussi en affaiblissant le juge judiciaire puisqu’il substitue à son contrôle a priori un contrôle a posteriori de l’administration et, le cas échéant, du juge administratif. Nous ne sommes en cela pas loin d’une forme non pas de retour à l’autorisation administrative de licenciement mais, comme vous vous plaisez à le dire, monsieur le ministre, à un retour de l’État, et je ne peux que m’en féliciter. Je crois que l’idée selon laquelle le juge administratif se montrerait moins rigoureux dans son contrôle n’est pas avérée et qu’il ne faut pas se livrer à un procès d’intention. Nous apprécierons à l’usage. Il sera peut-être même plus rigoureux puisque, dans le cadre d’un contentieux relatif à une décision de validation ou d’homologation, il sera bien obligé de se prononcer, d’une manière ou d’une autre, sur le fond du motif économique du licenciement. Avec d’autres, j’aurais tout de même souhaité que l’analyse du motif économique soit expressément mentionnée, mais cette idée n’a pas été retenue au nom du fameux équilibre de l’accord.

Voilà un article qui permet aussi de mettre en œuvre l’engagement n° 35 de François Hollande sur les licenciements boursiers en les renchérissant suffisamment dans le cadre de la procédure d’homologation.

Comme d’autres, j’aurais souhaité que l’invitation de la Cour de cassation, à travers l’arrêt Viveo, soit pleinement prise en compte, mais l’important est de dissuader les licenciements boursiers de manière efficace.

Et puis nous aurons une discussion sur les délais dont disposera l’État, notamment la DIRRECTE, pour intervenir dans le cadre de la procédure d’homologation. Il faut tout de même qu’on puisse vérifier la validité de la procédure.

Enfin, ce sera l’occasion de revenir sur l’évaluation exprès de l’utilisation du CICE. Elle a été écartée à l’article 4 ; elle revient à l’article 13 et nous pourrons mettre en œuvre la promesse que vous nous aviez faite alors, monsieur le ministre.

M. le président. Je suis saisi de d’une série d’amendements tendant à supprimer l’article 13.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 2409.

Mme Jacqueline Fraysse. L’ANI a prévu, dans son article 20, que la procédure de licenciement collectif pour motif économique et le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi seraient fixés soit par un accord collectif majoritaire, soit par un document produit par l’employeur et homologué par la DIRRECTE. La rédaction de l’article 20 laissait en pratique le choix à l’employeur entre la négociation et la procédure d’homologation. Il était donc en mesure de choisir quel juge, de l’ordre judiciaire ou de l’ordre administratif, serait appelé à se prononcer en cas de contestation selon que celle-ci portait sur l’accord ou sur le document qu’il avait établi pour définir la procédure et le PSE. Le Syndicat de la magistrature a souligné que la transposition de l’article 20 de l’ANI dans l’article 13 du projet de loi reste ambiguë, mais semble toujours permettre à l’employeur de choisir entre deux voies pour engager une procédure de licenciement collectif. Selon le nouvel article L. 1333-24-1 du code du travail, l’employeur pourra négocier un accord majoritaire à 50 % ou, à défaut, établir un document fixant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi et les modalités de consultation du comité d’entreprise. Mais les nouvelles dispositions, en prévoyant que le contenu de l’accord devra être validé et le document homologué par l’administration compétente, transfèrent le contentieux de la procédure de licenciement collectif pour motif économique aux juridictions administratives – nouvel article L. 1235-7-1 du code du travail. Certes, le salarié pourra toujours contester son licenciement devant le juge judiciaire, mais cette nouvelle procédure a pour effet de priver celui-ci du contrôle de l’élément essentiel des licenciements collectifs.

Par ailleurs, les nouvelles dispositions enferment la procédure de licenciement collectif dans des délais contraints qui portent atteinte aux prérogatives des instances représentatives du personnel et aux missions du juge.

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous demandons la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 2418.

M. André Chassaigne. Le présent article porte réforme de la procédure de licenciement collectif pour motif économique en se fondant sur les principes arrêtés par l’article 20 de l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013. Il crée deux nouvelles voies pour fixer la procédure de licenciement et le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi : un accord majoritaire ou un document unilatéral de l’employeur soumis à une homologation de l’administration. Par ailleurs, il renforce les prérogatives de l’administration dans ces procédures et confie les contestations au juge administratif. C’est une des revendications de longue date du MEDEF, enfin satisfaite et que vous nous demandez aujourd’hui de voter.

Il met ainsi fin à vingt ans de compétence du juge judiciaire en matière de contrôle des plans sociaux, d’annulation de plans avec droit à réintégration. Il raye également d’un trait de plume vingt ans de jurisprudence. Cet article, outre la défiance qu’il révèle à l’égard des juridictions civiles, confirme, s’il en était besoin, que le seul pouvoir que le patronat soit prêt à partager – pour ne pas dire qu’il souhaite partager –, c’est celui de licencier.

Pour toutes ces raisons, nous demandons bien évidemment la suppression de l’article 13. J’espère que nos deux explications auront suffi à vous convaincre. À défaut, nous devrons vous en donner une troisième, en espérant être plus efficaces.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Si pas grand-chose ne vous échappe, monsieur Chassaigne, il est pourtant un élément que vous n’avez pas noté. M. Guaino, qui n’est pas là pour défendre son amendement n° 1, a indiqué très clairement qu’il ne voterait pas ce texte en raison de l’article 13 qui, selon lui, marque le retour de l’État en tant que garant des plans sociaux. À lui seul, ce fait devrait vous convaincre de retirer votre amendement.

Les arguments évoqués par M. Guaino sont parfaitement nobles, et sa lecture du texte tout à fait juste. S’il ne vote pas ce texte, c’est parce qu’il est de droite. Si nous allons le voter, c’est parce que nous sommes de gauche.

M. Michel Sapin, ministre. Eh oui, c’est un texte de progrès !

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Je vous invite par conséquent à retirer votre amendement afin que nous puissions passer à l’examen des autres amendements portant sur l’article 13.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. François Asensi.

M. François Asensi. Vos arguments sont spécieux, monsieur le rapporteur, car des deux côtés de l’hémicycle – je parle du groupe socialiste et des députés de droite –, vous allez voter ce texte.

M. Michel Sapin, ministre. Pas Guaino !

M. François Asensi. Mais Guaino ne compte pas !

M. Michel Sapin, ministre. Il sera ravi de l’apprendre !

M. François Asensi. En tout cas, l’UMP ne se résume pas à Guaino !

Les députés UMP vont voter avec les députés socialistes ce texte qui fait plaisir au MEDEF.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Allons ! Ne dites pas ça !

M. François Asensi. C’est pourtant vrai !

(Les amendements identiques nos 2409 et 2418 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à M. François Asensi, pour soutenir l’amendement n° 2936.

M. François Asensi. Cet amendement, qui complète l’article L. 1233-2 du code du travail de deux alinéas, est une reprise de notre proposition de loi visant à interdire les licenciements boursiers et les suppressions d’emplois abusives. Il a pour objet d’interdire les licenciements abusifs sans cause réelle et sérieuse. Il précise l’article L. 1233-2 du code du travail en indiquant que tout licenciement pour motif économique est dépourvu de cause réelle et sérieuse dès lors que l’entreprise a constitué des réserves ou réalisé un résultat net ou un résultat d’exploitation dont le solde a été positif au cours des deux derniers exercices comptables, a distribué des dividendes, des stock-options ou des actions gratuites, ou procédé à une opération de rachat d’actions.

Ne peut donc être considéré comme un licenciement pour motif économique celui prononcé dans une entreprise qui a distribué des dividendes à ses actionnaires dans l’exercice comptable de l’année écoulée. Je précise que notre amendement reprend également l’article 1er de la proposition de loi déposée par les sénateurs communistes et votée par l’ensemble de la gauche sénatoriale en février dernier – donc par les sénateurs socialistes. Nous ne pouvons imaginer que les députés socialistes aient changé d’avis depuis qu’ils sont passés du côté de la majorité. La logique intellectuelle veut que vous adoptiez cet amendement, et nous ne doutons donc pas que vous nous suiviez sur cette proposition.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 2945.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à plusieurs reprises lors de nos débats, le Gouvernement, par la voix de notre éminent ministre du travail, M. Michel Sapin, a réaffirmé avoir élaboré un projet de loi équilibré…

M. Michel Sapin, ministre. Et de progrès !

M. André Chassaigne. …et de progrès, dites-vous.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et d’équilibre…

M. André Chassaigne. Telle n’est pas notre conviction. Il me semble que nous avons fait, lors de nos interventions et de la défense de nos amendements, la démonstration que le projet de loi n’était pas équilibré, qu’il n’était pas de progrès et qu’il répondait davantage aux exigences du patronat qu’à celles des salariés. J’en veux pour preuve les demandes répétées par de très nombreuses organisations syndicales, que nous avons reçues – comme vous l’avez fait –, et même certains signataires de l’ANI, qui demandent à voir les capacités d’intervention des organisations syndicales renforcées, y compris au plein cœur de la crise, donc à chaud – même si vous avez tendance à dire « à froid ».

Or, en lieu et place d’un renforcement de leur rôle, nous avons un projet de loi réduisant le délai d’intervention des comités d’entreprise et prévoyant que le silence vaut approbation. Chacun aura mesuré que la négociation entre les employeurs et les comités d’entreprise se fera systématiquement avec le pistolet sur la tempe – pour reprendre une expression pas très élégante, mais que le rapporteur a utilisée à plusieurs reprises. En effet, en cas d’échec de la négociation, y compris provoqué par l’employeur, ce dernier sera autorisé à élaborer un plan unilatéral – il faut le faire ! Ce n’est pas l’idée que nous nous faisions du renforcement des droits d’intervention des salariés dans leur entreprise. Cela ne correspond pas non plus aux idées que vous avez portées pendant les dix années où j’ai siégé à côté de vous dans cet hémicycle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Je crois, monsieur Chassaigne, que ce projet va au-delà de ce que nous avons porté ensemble. Aujourd’hui, vous venez de le rappeler vous-même, la possibilité de mettre en place un plan social est une prérogative du chef d’entreprise, de manière unilatérale, avec une procédure d’information et de consultation. Demain, il faudra soit l’accord des salariés – vous parlez dans votre amendement d’un droit de veto, mais votre demande n’est-elle pas déjà satisfaite, avec l’exigence de l’accord des syndicats représentant plus de 50 % du personnel ? –, soit l’accord de l’administration. Je ne sais si vous mesurez bien la conséquence de la non-homologation administrative : c’est la nullité de la procédure, qui empêche tout licenciement !

Je comprends les inquiétudes de M. Guaino – j’en profite pour reconnaître, monsieur Cherpion, que j’ai un peu simplifié le débat tout à l’heure –, car un pouvoir très important est désormais conféré à l’administration. C’est pourquoi j’ai parlé d’un vrai changement en profondeur, qui va non seulement dans le même sens, mais plus loin que tout ce que nous avons défendu ensemble – même si ce n’est pas exactement le dispositif que vous défendez, monsieur Chassaigne.

On ne peut pas dire qu’il y aura moins de juges dans la procédure, ce qui était effectivement un objectif poursuivi par le MEDEF. La première version de l’accord, mise sur la table par le MEDEF le 14 octobre 2012, fait très clairement apparaître le souhait que l’administration donne son accord sur la procédure – pas sur le fond : il ne s’agit que d’une formalité administrative, un simple coup de tampon –, ce qui interdit ensuite tout recours. Dans notre projet, le juge des prud’hommes et judiciaire – sur le motif individuel après un licenciement – demeure, et ses pouvoirs restent entiers. Un deuxième juge, administratif, intervient ensuite : on ne peut pas parler d’un désengagement des juges, puisqu’il y en aura désormais deux au lieu d’un. Tout cela avec un seul objectif : agir le plus en amont possible, faire peser tout le poids de l’administration pour tenter de trouver des solutions de nature à éviter les licenciements, plutôt que de tenter de réparer après coup ce qui a été fait.

M. Michel Sapin, ministre. Voilà ! Il est là, le progrès !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. À vous écouter, nous serions en train de reculer. Pourtant, si vous regardez attentivement le texte, vous verrez que ce n’est absolument pas le cas. D’où partons-nous, si ce n’est du pire ? Actuellement, le chef d’entreprise peut décider, de manière unilatérale, de mettre en place un plan social, à l’issue d’une simple consultation. Ce n’est qu’ensuite que le plan est porté devant le juge, qui pourra éventuellement, mais souvent trop tard, annuler soit la procédure, soit le licenciement, et réparer ses conséquences.

Ce que nous proposons, c’est de substituer au caractère unilatéral de la décision de la direction, soit l’accord d’un moins 50 % des salariés, soit l’homologation administrative. Il s’agit de conditions préalables, et non pas d’une réparation après coup. L’objectif est de fixer au meilleur niveau les conditions qui vont accompagner le licenciement, qu’il vaut évidemment toujours mieux éviter, d’un nombre toujours trop important de salariés – mais peut-être tout de même moins important que s’il s’était agi d’une décision unilatérale. Comment ne pas voir qu’il y a là un progrès indéniable ?

Par ailleurs, il est un argument qui revient souvent dans vos critiques – qui sont libres, je ne le conteste pas –, celui de la déjudiciarisation. Selon vous, on prive les salariés du juge. Mais pas du tout ! On donne aux salariés le pouvoir de donner leur accord ou non, on donne à l’administration le pouvoir de donner son accord ou non, puis il revient au juge – aux deux juges, devrais-je dire – de se prononcer. On peut dire qu’il y avait jusqu’à présent deux procédures : l’une collective, devant le tribunal de grande instance, l’autre individuelle, devant les prud’hommes. Dans notre projet, qu’il s’agisse de la procédure collective ou individuelle, les juges continuent à intervenir. La seule différence, c’est qu’ils arrivent après les salariés et l’administration, ce qui constitue une amélioration considérable. Je comprendrais que vous souhaitiez aller plus loin, mais reconnaissez au moins le progrès considérable qui est accompli ! J’accepte toutes les critiques, mais pas celle de la régression.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour un rappel au règlement.

M. Gérard Cherpion. Mon rappel au règlement est fondé sur l’article 58, alinéa 1 de notre règlement. Je trouve que notre rapporteur a eu une attitude inadmissible. On peut et on doit faire de la politique en respectant les idées et les gens. Sans doute la fatigue n’est-elle pas étrangère à ce qui s’est passé, mais ce n’est tout de même pas la première fois.

J’ai assisté à l’ensemble de ce débat depuis la première heure, et j’y serai encore à la dernière heure, et je n’accepte pas que l’on s’attaque à M. Guaino comme vous l’avez fait, monsieur le rapporteur. M. Guaino et ses idées sont tout à fait respectables et, même si l’on n’est pas d’accord avec lui, il est inadmissible que l’on puisse avoir ce type d’attitude. Je demande donc une suspension de séance de cinq minutes, monsieur le président.

M. le président. J’y ferai droit après avoir donné la parole à M. Chassaigne.

Article 13 (suite)

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Quand vous faites référence à l’administration, monsieur le ministre – en l’occurrence, ce sont les DIRECCTE qui seront chargées de l’homologation –, il faut savoir qu’aujourd’hui, avec les réductions de postes, 20 % seulement des ruptures conventionnelles qui devraient être soumises aux DIRECCTE sont effectivement étudiées, tout le reste étant traité automatiquement, par non-réponse, parce que l’administration n’a pas le temps de traiter le dossier.

Or, vous envisagez de conférer un pouvoir considérable à l’administration. Quand on pense à ce que représente une étude de rupture conventionnelle – même s’il s’agit d’étudier la forme plus que les motivations économiques –, l’administration n’aura jamais les moyens de faire face à ce travail. À moins que vous ne nous ayez pas tout dit, et qu’il faille se réjouir des concours et des créations de postes qui vont avoir lieu prochainement ? Si ça se trouve, les DIRECCTE vont s’étoffer de cellules spécialisées dans le domaine économique. Le MEDEF doit trembler !

Deuxième élément : on a réalisé une petite étude sur des entreprises menacées de fermeture il y a quelques mois ou quelques années. – il s’agit en fait d’une forme de travaux pratiques… On a pris en compte leur situation à un moment donné et on leur a appliqué par anticipation les dispositions du projet de loi en discussion. Résultat : ces entreprises, qui ont pu être sauvées, qui ont maintenu leurs emplois, auraient été liquidées en quelques semaines du fait de l’application de votre texte. Je souhaiterais les citer.

M. le président. Votre temps de parole a expiré, monsieur Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je cite rapidement ces entreprises : M-Real, dans l’Eure aurait été liquidée si votre texte avait été appliqué. Fralib, dans les Bouches-du-Rhône, aurait connu le même sort, comme la Chocolaterie de Dijon et Continentale Nutrition, dans le Vaucluse. Demain, il ne sera plus possible de sauver l’outil de travail de ces sociétés, comme cela était le cas jusqu’à présent grâce à l’intervention des salariés.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. C’est un débat intéressant. Monsieur Chassaigne, je crois comprendre – arrêtez-moi si je me trompe – que vous avez été relativement convaincu, pour ne pas dire davantage, par mes arguments, puisque vous me dites que c’est très bien, qu’il y a un progrès,…

Mme Jacqueline Fraysse. Il n’a pas parlé de « progrès » !

M. Michel Sapin, ministre. …mais qu’il existe une limite à ce progrès, tenant aux moyens des DIRECCTE. Je comprends cela fort bien. Vous nous dites que l’on n’aura pas les moyens nécessaires.

M. André Chassaigne. Il y avait une deuxième partie !

M. Michel Sapin, ministre. La deuxième partie, je ne vais pas l’aborder, parce qu’elle relève du procès d’intention, ou plutôt d’une forme de préjugement. En effet, par définition, vous ne pouvez pas savoir ce qu’aurait donné l’application de la législation en cours d’élaboration aux situations d’hier.

M. André Chassaigne. C’est une approche scientifique à partir de votre projet !

M. Michel Sapin, ministre. Vous nous dites donc qu’il y a un progrès mais que nous n’aurons pas les moyens de mettre en œuvre les mesures que nous proposons. S’il ne s’agit que de moyens, je vous donne rapidement deux chiffres, afin de ne pas prolonger le débat au-delà de l’heure où l’on conserve son entendement. Savez-vous combien il y a, annuellement, en France, de plans de sauvegarde de l’emploi ? Il y en a 1 390 ! C’est sans commune mesure avec le million de ruptures conventionnelles. On peut d’ailleurs le regretter et estimer, je pense que nous pouvons partager ce constat, que ce nombre est excessif : un million rapporté à 1 390. Vous me dites qu’on n’arrive pas à contrôler ce million de ruptures conventionnelles, et que, par conséquent, on ne pourra pas non plus contrôler les 1 390 PSE. Or, ce n’est pas tout à fait la même proportion !

Connaissez-vous le pourcentage de PSE qui font d’ores et déjà l’objet de contrôles ? Je parle ici d’examens extrêmement attentifs, qui se traduisent par des lettres d’observation des DIRECCTE sur des points particuliers. Eh bien, 85 % d’entre eux sont déjà méticuleusement « épluchés ». Les DIRECCTE ont les moyens de travailler, disposent des compétences, font le boulot. Il ne leur manque que le pouvoir : voilà précisément ce que nous ajoutons. Nous leur conférons le pouvoir de dire « oui » ou de dire « non ».

Ne me dites pas que l’obstacle réside dans le manque de moyens des DIRECCTE : ils existent bel et bien. Cela ne signifie pas qu’il ne faut pas les renforcer, monsieur Chassaigne. Mais l’enjeu ne porte pas sur le recrutement de milliers et de milliers d’agents par une multitude de concours. Non, nous avons besoin de renforcer leurs capacités d’organisation, de formation, de compétence, de mise en commun du réseau pour rendre leur action encore plus pertinente. Donc vous voyez, monsieur Chassaigne : c’est un progrès !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à trois heures vingt, est reprise à trois heures vingt-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Article 13 (suite)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 2938 et 2945.

(Les amendements identiques nos 2938 et 2945 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à M. André Chassaigne pour soutenir l’amendement n° 2438.

M. André Chassaigne. Eu égard à la complexité de ce débat, il n’aurait pas été sérieux de passer en revue 200 amendements à la vitesse grand V comme vous l’aviez un temps envisagé, monsieur le ministre.

Par cet amendement, qui constitue une véritable contre-proposition au projet imaginé par le MEDEF, les députés du Front de gauche entendent compléter l’actuel article L. 1233-2 du code du travail, afin d’interdire ce que nous appelons les licenciements boursiers.

Il est particulièrement difficile d’apporter une définition juridique de cette forme de licenciement, nous en convenons. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle cet amendement, tout comme la proposition de loi que les sénateurs socialistes ont votée au Sénat, ne cherche pas à le définir précisément.

Toutefois, nous sommes pour notre part conscients qu’il est urgent d’apporter une réponse juridique aux salariés qui, dans leurs entreprises, sont confrontés à une double réalité : la fermeture d’un site ou leur licenciement pour motif économique, alors que dans le même temps, l’entreprise ou le groupe auquel elle appartient réalise d’importants profits qu’elle prend grand soin de distribuer aux actionnaires plutôt qu’aux salariés.

Pour caractériser les faits que nous souhaitons interdire, dans l’intérêt évident des salariés et de la société dans son ensemble, nous proposons de donner au juge la possibilité de vérifier la cause réelle et sérieuse des licenciements économiques prononcés, non plus seulement au regard des difficultés ou des mutations technologiques auxquelles l’entreprise est confrontée, mais à sa politique et aux choix qu’elle opère en matière de redistribution des richesses créées en son sein. Serait ainsi frappé de nullité, pour absence de cause réelle et sérieuse, le licenciement pour motif économique qui surviendrait dans une entreprise qui aurait affecté une partie de son chiffre d’affaires à la constitution de réserves ou à la distribution aux actionnaires, sous la forme de dividendes, de stock-options, d’actions gratuites ou de rachats d’actions.

La logique de cet amendement est on ne peut plus claire : tant que des sommes colossales sont mobilisées pour rémunérer le capital ou alimenter la spéculation, c’est qu’en réalité le motif économique du licenciement n’existe pas.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain. La différence entre vos propositions et notre texte tient au fait que nous entendons confier cette responsabilité à l’administration, qui pourra désormais prononcer ses avis et peser sur le plan social pour l’améliorer, pour éviter autant que possible les licenciements et, le cas échéant, permettre les reclassements et la réindustrialisation, au regard des moyens dont dispose le groupe. Nous apprécions ces moyens d’une manière très large tandis que vous vous focalisez sur l’attribution de dividendes et d’actions gratuites.

Les conséquences prévues par le texte sont, à certains égards, en deçà de vos propositions, puisque la nullité du licenciement ne peut être prononcée. En revanche, les pouvoirs que nous conférons à l’administration sont beaucoup plus importants puisqu’elle pourra dorénavant jauger les moyens du groupe dans son ensemble.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission a donné un avis défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le rapporteur, la procédure accélérée a été engagée, ce qui nous empêchera de rediscuter du texte lors d’une deuxième lecture.

Par ailleurs, vous souhaitiez que l’on passe en revue, entre 3 heures et 5 heures du matin, la totalité d’un article aussi important que cet article 13. pour ma part, j’ai proposé que l’on arrête nos débats à 4 heures, afin de reprendre nos travaux lundi. Entre-temps, nous allons retravailler le texte, à partir des observations que vous avez faites. Nous allons étudier attentivement tous vos arguments, ce qui permettra d’alimenter le débat lundi matin. Il nous manque encore cette expertise, mais nous pourrons nous y livrer dimanche. (Sourires.)

(L’amendement n° 2438 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 4192 rectifié.

Mme Jacqueline Fraysse. Par cet amendement, nous proposons d’abroger l’article L. 1233-22 du code du travail. Il s’agit de réaffirmer le caractère d’ordre public des règles relatives à la consultation des institutions représentatives du personnel, en particulier s’agissant de leurs prérogatives en matière de licenciements économiques.

Nous devrions nous retrouver avec nos collègues socialistes sur ce point puisque, dans le programme pour 2012, intitulé « Le changement », vous proposiez de rétablir la hiérarchie des normes entre la loi et le contrat.

Il ne nous paraît pas possible, en effet, de livrer le domaine ultrasensible de la consultation du comité d’entreprise sur un projet de licenciement à la négociation d’entreprise, dont chacun sait qu’elle est, par nature, favorable aux employeurs.

Or, l’article L. 1233-22 du code du travail permet, par exemple, de réduire les délais de consultation, qui sont déjà trop courts dans la plupart des cas.

Par ailleurs, cet article permet également la négociation du PSE par accord d’entreprise, ce à quoi nous sommes totalement opposés, pour des raisons précédemment exposées.

Enfin, ce même article permet de négocier les conditions de la mobilité géographique et professionnelle à l’intérieur de l’entreprise ou du groupe, ce qui, au regard des dispositions votées dans le cadre de l’article 10 du projet de loi, ouvre la voie aux licenciements collectifs sans PSE et sans motif économique, au sens de l’article L. 1233-3, puisque la référence à cet article, que nous avions réclamée, a été rejetée.

(L’amendement n° 4192 rectifié, repoussé par la commission et par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.

M. le président. La parole est à M. François Asensi, pour soutenir l’amendement n° 2749.

M. François Asensi. Par cet amendement, nous proposons de supprimer l’allongement à douze mois du délai de contestation des accords déterminant ou anticipant le contenu du plan de sauvegarde de l’emploi. En effet, nous venons d’évoquer la question cruciale du contrôle de la loyauté de la négociation d’un accord aux enjeux aussi essentiels que ceux prévus par l’article 13 du projet de loi.

Qu’en est-il lorsque la négociation n’est pas conduite loyalement, par exemple lorsque l’expert dont l’intervention est prévue par l’alinéa 45 ne parvient pas à obtenir les informations qu’il estime indispensables à l’exercice de sa mission ?

Comme réponse à cette interrogation, on nous propose l’alinéa 106, qui prévoit la possibilité de saisir l’autorité administrative, laquelle n’est d’ailleurs pas identifiée dans ce texte. De quelle autorité parle-t-on ? Qui pourra la saisir ? Sous quelles modalités ?

La seule chose que l’on sait, c’est que l’autorité administrative en question dispose de cinq jours pour « se prononcer ». Cinq jours, n’est-ce pas encore trop ? Que signifie « se prononcer » ? Est-ce à dire que l’autorité administrative aurait le pouvoir, aujourd’hui dévolu au juge judiciaire, d’ordonner, au besoin sous astreinte, la communication de ces éléments ? J’en doute.

Quelle sera la conséquence concrète en cas de manquement manifeste de l’employeur en termes de transparence, de loyauté dans la négociation ? Aucune disposition ne permet – en tout cas dans ce texte – à l’autorité administrative de contraindre l’employeur à respecter ses obligations en la matière.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. Il conduirait en effet à restreindre le champ des accords de méthode et à ne pas permettre d’y inclure la discussion du projet de licenciement. Le délai de six mois lui a donc paru raisonnable.

(L’amendement n° 2749, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 2793.

M. André Chassaigne. En cohérence avec nos amendements précédents, cet amendement a pour objet de supprimer les alinéas 6 à 19, qui organisent la négociation des PSE.

Je ne reprendrai pas ici les raisons de notre hostilité de principe à ce type d’accords. Je veux en revanche souligner un point, un détail de nature à réduire à néant les déclarations de principe et les prétendus nouveaux droits prévus par ce projet de loi.

On nous dit que cet accord devra être majoritaire et qu’au surplus les organisations syndicales disposeront de l’assistance d’un expert dans l’exercice de cette nouvelle prérogative.

Regardons de plus près le texte qui nous est proposé. Comment sera mesurée la majorité ? Au vu des résultats des dernières élections du comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel ou, à défaut, des délégués du personnel. On envisage donc la possibilité de conclure ce type d’accords dans les entreprises dépourvues de comité d’entreprise.

C’est là que le bât blesse, car dans ce cas de figure, il n’est plus possible de consulter le comité d’entreprise sur le projet – c’est l’histoire du couteau sans manche qui aurait perdu sa lame – ou de bénéficier de l’assistance d’un expert, le comité et lui seul ayant la faculté de décider, en vertu de l’alinéa 45, de mandater un expert-comptable afin qu’il apporte toute analyse utile aux organisations syndicales pour mener la négociation.

Les organisations syndicales, déjà soumises en pareil cas à la pression aisément prévisible de l’employeur, se retrouveront ainsi contraintes de négocier sans le soutien ni l’assistance d’un expert, sans l’appui de la consultation préalable du comité et du débat devant cette instance, et sous le seul contrôle d’une autorité administrative qui aura cinq jours pour se prononcer en cas de négociation déloyale et huit jours sur le contenu de l’accord.

Comment peut-on continuer de soutenir qu’un accord conclu dans ces conditions sera l’expression de l’adhésion consciente des salariés aux solutions préconisées par l’employeur ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Monsieur le député, j’ai du mal à comprendre que vous vouliez supprimer l’accord majoritaire, puisque vous avez vous-même déposé un amendement ayant pour objet l’établissement d’un droit de veto. Or, qu’est-ce qu’un accord majoritaire, si ce n’est un droit de veto des syndicats ? J’ai donc du mal à comprendre.

Par ailleurs, mais vous l’avez dit vous-même, car dans votre argumentation vous faites souvent les questions et les réponses,…

M. André Chassaigne. Si j’attendais vos réponses, je pourrais attendre longtemps !

M. Gérard Cherpion. C’est vrai !

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. …les syndicats n’auront pas les moyens de le faire parce que c’est compliqué. Le comité d’entreprise peut toutefois permettre aux délégués syndicaux d’être assistés par un expert.

Si vous relisez bien vos propres arguments, vous n’y lirez que des raisons de voter ce texte avec les améliorations que nous allons lui apporter. La commission a ainsi émis un avis défavorable à ces amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. J’attendais le retour de M. Cherpion pour clore le petit incident qui a eu lieu entre le rapporteur et lui.

Monsieur Cherpion, en tant que député, je rends hommage à la fois à votre présence en commission et à la qualité de vos interventions dans l’hémicycle.

M. Gérard Cherpion. Ne vous fatiguez pas !

M. Gérard Sebaoun. M. Guaino a déposé un amendement ; le rapporteur – comme nous tous – l’a lu et la position qui y est défendue est parfaitement respectable. Le problème, c’est que M. Guaino n’a participé à aucune discussion en commission et n’a pas non plus défendu son amendement en séance. On peut citer M. Guaino sans que vous ne vous en offusquiez : son honorabilité n’est pas en cause. Je trouve que votre énervement n’était pas de mise.

M. Arnaud Richard. À cette heure, ce type de propos n’apporte pas grand-chose au débat !

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion.

M. Gérard Cherpion. Je ne peux pas laisser passer cette histoire. Vous avez bien sûr un droit de réponse, et vous pouvez tout à fait pointer que M. Guaino n’était pas présent, monsieur Sebaoun. Mais la façon dont M. le rapporteur s’est comporté ces derniers jours – on en trouvera trace dans le compte rendu –, que ce soit vis-à-vis de M. Guaino ou d’autres de nos collègues, est inadmissible. Monsieur le président, monsieur le ministre, nous avons tout de même pris l’habitude de travailler ensemble depuis un certain temps, et je ne pense pas avoir eu de mots désobligeants à l’égard des uns ou des autres. On peut faire de la politique autrement qu’en affirmant qu’un député de gauche est foncièrement bon et qu’un député de droite est foncièrement mauvais.

M. Denys Robiliard. Le rapporteur n’a pas dit cela !

M. Gérard Cherpion. Les bonnes comme les mauvaises idées viennent des deux côtés.

(L’amendement n° 2793 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement n° 1451.

M. Gérard Cherpion. N’étant pas de gauche, je crains que mon amendement ne soit repoussé, mais je vais quand même tenter de le faire adopter.

Il est destiné à limiter les possibilités du comité d’entreprise de s’opposer à un accord conclu par l’entreprise et les syndicats représentant 50 % des salariés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Monsieur Cherpion, je vois que vous êtes fatigué ; nous reprendrons donc cette discussion à tête reposée et je vous inviterai à lire les comptes rendus de nos débats. J’ai commencé mon intervention en disant que je respectais totalement les opinions de M. Guaino et que je trouvais que le choix qu’il faisait était en conformité avec celles-ci. Je peux néanmoins comprendre votre énervement. J’observe que quand M. Vercamer a émis des propos du même acabit à mon égard vous n’avez pas jugé utile de faire un tel rappel au règlement. Je propose que nous nous en tenions au fond du texte. Nous aurons l’occasion de reparler de cet incident quand nous serons tous revigorés et que nous aurons la quantité de glucose suffisante dans le sang…

Quant à votre amendement, qui vise à instaurer un droit d’opposition du CE à l’accord majoritaire sur le projet de licenciement, il a reçu un avis défavorable de la commission.

(L’amendement n° 1451, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une autre série d’amendements identiques.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 2835.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement vise à ce que l’accord collectif mentionné à l’article L. 1233-24-1 repose sur un motif économique. C’est un sujet qui nous tient à cœur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. La commission a repoussé l’amendement parce que c’est bien le projet de licenciement qui doit reposer sur un motif économique et non l’accord.

(L’amendement n° 2835, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 2192 M. Jean-Marc Germain est rédactionnel.

(L’amendement n° 2192, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Germain, pour soutenir l’amendement n° 4850.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Cet amendement a pour but d’aligner le régime des nouveaux accords majoritaires sur celui des accords de méthode, s’agissant des règles auxquelles ils ne peuvent pas déroger.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Après la vertu, c’est la méthode ; avis favorable.

(L’amendement n° 4850 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. François Asensi, pour soutenir l’amendement n° 2852.

M. François Asensi. Nous proposons de supprimer les alinéas 20 à 23 car nous nous opposons à la facilité ouverte à l’employeur d’élaborer, à défaut d’accord, un document unilatéral fixant le contenu du PSE, ainsi que son homologation par l’autorité administrative prévue par ce même article.

Puisque mon intervention a été courte, j’en profite pour dire qu’on parle beaucoup d’un absent, très célèbre. Je vois bien que vous cherchez absolument à trouver un opposant à droite sur ce texte, mesdames, messieurs les députés de la majorité.

M. Gérard Sebaoun. Vous dites n’importe quoi ! Vous me regardez : c’est moi que vous visez ?

M. François Asensi. Pas du tout ! Vous êtes un nerveux, vous !

M. Gérard Sebaoun. En tout cas, vous ne m’impressionnez pas !

M. le président. Chers collègues, l’heure avance et je vous prie de garder votre calme.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement. Les alinéas 20 à 23 jettent en effet les bases des procédures qui permettront au pouvoir administratif et à l’État d’intervenir.

(L’amendement n° 2852, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 1203.

M. André Chassaigne. Les délais dont il est question à l’article L. 1233-35 du code du travail et que nous proposons d’appliquer ici ne sont pas sans importance ; ils ne sont pas non plus le fruit de notre imagination. Ce sont ceux qui sont d’ores et déjà prévus dans le code du travail.

À cet égard, notre amendement atteste une nouvelle fois du recul que le projet de loi entérine par rapport au droit existant.

Or si c’est délais sont aussi importants pour les organisations syndicales, c’est que ce sont des outils leur permettant d’organiser la contestation des plans sociaux concoctés par les employeurs. Ce sont par ailleurs ces mêmes délais qui permettent aux salariés d’organiser la riposte juridique et d’obtenir tous les éléments permettant au juge judiciaire de casser les plans sociaux et de contraindre les employeurs à mieux compenser les licenciements, c’est-à-dire à augmenter le coût de ces derniers.

Nous avons préparé de nombreuses argumentations pour nos amendements et nous pourrions tenir longtemps. Je souhaite simplement ajouter que, contrairement à ce que vous avez dit, monsieur le ministre – ce n’est toutefois pas le moment de nous affronter car c’est bientôt l’heure des croissants (Sourires) – le projet de loi prévoit des délais d’homologation particulièrement courts qui, notamment, ne permettront pas à l’administration de vérifier si les licenciements économiques reposent effectivement sur des difficultés économiques.

M. le président. Veuillez conclure, cher collègue.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, mes collègues et moi pourrions défendre chacun un amendement identique mais nous choisissons de ne faire intervenir qu’un orateur par série d’amendements, alors laissez-nous quelques secondes supplémentaires…

M. le président. Monsieur Chassaigne, vous dépassez chaque fois très largement les deux minutes.

M. André Chassaigne. C’est pour éviter que nous n’intervenions trois fois sur le même amendement, monsieur le président.

M. le président. C’est la raison pour laquelle je vous laisse à chaque fois un temps supérieur à deux minutes !

M. André Chassaigne. Je voulais insister sur ce point, car il ne s’agit pas de rejeter a priori l’administration. Ce qui nous inquiète, c’est que celle-ci dispose de délais courts, qui ne lui permettront pas – c’est notre avis mais également celui des organisations syndicales que nous avons consultées – de vérifier si les licenciements reposent effectivement sur des difficultés économiques. Cet élément est déterminant pour nos discussions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Ce débat sur les délais est important, et votre amendement nous donne l’occasion de le traiter.

Pour un plan social ou un plan de sauvegarde de l’emploi concernant les entreprises de plus de 250 salariés, l’administration, qui sera saisie dès la première réunion du CE, aura un délai de quatre mois plus vingt et un jours. Considérez-vous qu’elle n’est pas en mesure de se prononcer dans ce délai ? Aujourd’hui, les cas les plus rapides sont deux réunions du CE séparées de quatorze jours.

Il faut évidemment considérer également les délais liés à l’expertise et à la saisine du juge.

M. André Chassaigne. Aujourd’hui, il n’y a pas de délai, c’est le juge qui doit rassembler tous les éléments !

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Nous avons déjà débattu des possibilités d’obtenir les informations, notamment par le juge. Il sera aussi possible de les obtenir par l’administration, sous le contrôle du juge administratif. Le délit d’entrave demeure, avec la possibilité de saisir le juge pénal.

Je voudrais que vous preniez conscience de la longueur de ces délais et de la capacité pour l’administration, en quatre mois et vingt et un jours, de se prononcer.

Un problème se posait dans le cadre de la validation, puisqu’une négociation s’engage. Nous avons adopté un amendement afin que l’administration soit saisie, à l’initiative de la plus diligente des parties, dès que la négociation s’engage. Toutefois, je vous proposerai, par un autre amendement, de porter ce délai de 8 à 15 jours, afin que l’on dispose du temps nécessaire à la négociation, alors même qu’il y a eu un accord d’entreprise. L’administration pourra ainsi faire pleinement son travail. Avis défavorable.

(L’amendement n° 1203, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 1204.

Mme Jacqueline Fraysse. Il s’agit de supprimer les alinéas 39 et 40, car nous sommes opposés à la présomption de consultation prévue par ces alinéas et nous considérons que le comité d’entreprise doit avoir rendu son avis pour que la procédure soit valide.

(L’amendement n° 1204, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une autre série d’amendements identiques.

La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 1233.

M. André Chassaigne. C’est un comble ! L’alinéa 40 prévoit qu’en l’absence d’avis du comité d’entreprise dans ces délais, celui-ci est réputé avoir été consulté. Nous sommes, pour notre part, opposés à la présomption d’accord que crée cette disposition.

Au-delà de la suppression de cet alinéa, il nous paraît important qu’il puisse exister, lorsque cela renforce les droits des salariés et de leurs représentants, une certaine forme de parallélisme des procédures entre celles appliquées aux salariés et celles appliquées aux employeurs. À défaut de permettre l’émergence de véritables contre-pouvoirs, on autorise les employeurs à se comporter comme bon leur semble.

Vous dites que le projet de loi est équilibré. Ce n’est pas notre conviction. Mais notre amendement, en prévoyant qu’« en l’absence de réponse de l’employeur, l’opération mentionnée au premier alinéa du I est suspendue, et le projet mentionné au deuxième alinéa du même I est réputé nul et de nul effet. », participe de l’équilibre des droits et des obligations.

(L’amendement n° 1233, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Carpentier, pour soutenir l’amendement n° 978.

M. Jean-Noël Carpentier. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Je le répète, car c’est une nouveauté importante : les syndicats ont la possibilité, à travers le comité d’entreprise, de faire appel, pour les assister, à un expert qui sera financé par l’employeur. Avis défavorable.

(L’amendement n° 978, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à M. François Asensi, pour soutenir l’amendement n° 1236.

M. François Asensi. Le texte proposé par l’article L. 1233-35 prévoit que l’expert désigné par le comité d’entreprise demande à l’employeur toutes les informations qu’il juge nécessaires dans les dix jours suivant sa désignation.

Avec cet amendement, qui vise à supprimer les mots « au plus tard dans les dix jours à compter de sa désignation, », nous proposons de supprimer cette limitation, car nous y voyons l’une des nombreuses traces de la volonté de certains patrons – ne généralisons pas – d’accélérer le processus et de gagner du temps sur le temps.

C’est faire un bien mauvais procès aux experts des comités d’entreprise que de les soupçonner de vouloir jouer la montre. Un PSE est un acte très complexe, qui nécessite une étude préalable approfondie, d’une durée au moins équivalente au temps mis par l’employeur pour l’élaborer. Sauf à nous soutenir qu’un employeur est capable d’élaborer un PSE en moins de dix jours – ce qui serait révélateur d’une certaine désinvolture – pourquoi réduire ainsi, puisqu’il s’agit hélas d’une régression, le temps alloué à l’expert ? L’examen du projet peut conduire l’expert à considérer qu’il a besoin de documents ou d’informations détenus par la société mère et auxquels la jurisprudence de la Cour de cassation lui donne accès.

(L’amendement n° 1236, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n° 5416 deuxième rectification.

M. Arnaud Richard. Il est défendu.

(L’amendement n° 5416 deuxième rectification, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 5621 du Gouvernement est rédactionnel

(L’amendement n° 2679, accepté par la commission, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Cherpion, pour soutenir l’amendement n° 1417.

M. Gérard Cherpion. Cet amendement concerne le délit d’entrave. Afin de permettre à la voie de l’accord collectif sur les plans de sauvegarde de l’emploi de prospérer et compte tenu de l’articulation entre la négociation d’un accord et l’information-consultation du comité d’entreprise, il est nécessaire d’apporter la sécurité juridique suffisante aux entreprises qui souhaitent privilégier cette voie.

Le présent amendement vise à préciser que l’employeur qui s’inscrit dans cette logique d’anticipation avec les délégués syndicaux en ouvrant une négociation en amont de l’information-consultation n’est pas, de ce seul fait, passible du délit d’entrave au fonctionnement du comité d’entreprise.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Pour sceller ma réconciliation avec M. Cherpion, j’émets un avis favorable à son amendement, de fait très pertinent.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Je suis prêt à apporter ma caution à cette réconciliation ! Même avis.

(L’amendement n° 1417 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une série d’amendements identiques.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 2905.

Mme Jacqueline Fraysse. C’est un amendement de cohérence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement qui propose de maintenir le constat de carence, alors qu’une procédure beaucoup plus forte – celle de l’homologation par l’administration – s’y substitue.

(L’amendement n° 2905, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi d’une autre série d’amendements identiques.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 2946.

Mme Jacqueline Fraysse. C’est également un amendement de cohérence.

(L’amendement n° 2946, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. M. le président. Je suis saisi d’une nouvelle série d’amendements identiques.

La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 2975.

M. André Chassaigne. L’amendement, fort simple, vise à supprimer l’alinéa 85 qui prévoit que les articles L. 1233-54 et L. 1233-55 sont abrogés.

Selon ces mêmes articles, l’autorité administrative dispose d’un délai pour procéder aux vérifications en cas de projet de licenciement économique.

En l’état actuel du code du travail, l’administration dispose de délais différents selon le nombre de suppressions d’emploi projetées : vingt et un jours lorsque le nombre des licenciements est inférieur à 100 ; vingt-huit jours lorsque le nombre des licenciements est compris entre 100 et 250 ; trente-cinq jours lorsque ce nombre est au moins égal à 250.

Le projet de loi prévoit de supprimer ces différences de délais et de les ramener, selon les cas, à une période allant de huit à vingt et un jours maximum.

Le présent amendement vise, en toute logique, à maintenir un délai proportionné au nombre de projets de licenciements et à rester en cohérence avec les moyens dont dispose réellement l’administration du travail, dont vous ne pouvez ignorer qu’ils se situent actuellement bien au-dessous des besoins réels.

En effet, l’administration doit vérifier le respect de l’information et de la consultation des représentants du personnel, la présence de mesures destinées à limiter ou à éviter certaines de ces suppressions. Pour ce faire, elle doit disposer de délais – et d’effectifs – suffisants.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Avis défavorable. Les délais prévus par l’article L. 1233-54, soit vingt et un jours, vingt-huit jours et trente-cinq jours, sont respectivement portés à cinquante et un jours, quatre-vingt-un jours et cent onze jours.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Encore un progrès ! Même avis.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je prends acte de votre réponse, mais elle signifie que nos collaborateurs, les organisations syndicales que nous avons rencontrées, les juristes qui nous ont conseillés et les avocats que nous avons reçus se sont tous trompés sur les délais. Votre texte a été, semble-t-il, mal étudié, puisque toutes les personnes que nous avons consultées aboutissent à des résultats différents ! Nous allons vérifier et nous en reparlerons lundi.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. La confusion vient de ce que certains ont envisagé que les délais courent à partir de la première réunion du CE. Or le code du travail dispose qu’ils courent à partir de la deuxième réunion du CE. Entre les deux, il y a un délai de deux, trois et quatre mois. Les argumentaires dont vous avez été les destinataires sont basés sur un texte proposé par le MEDEF, qui n’a pas été repris dans le projet de loi.

M. Michel Sapin, ministre. Vous restez toujours sur une idée, qui est fausse. Depuis, il y a eu négociation et progrès.

(L’amendement n° 2975 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Je remercie les députés qui ont participé avec tant de vigueur à ces débats. Compte tenu de l’avancement de nos travaux, je vous propose de ne pas siéger aujourd’hui – afin de respecter le repos dominical – et de reprendre l’examen de l’article 13 lundi, à 9 heures 30.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, lundi 8 avril à neuf heures trente :

Suite du projet de loi relatif à la sécurisation de l’emploi.

La séance est levée.

(La séance est levée à quatre heures.)