SOMMAIRE
Présidence de M. Marc Le Fur
. Projet de loi de finances rectificative pour 2012 (suite)
Amendement no 69
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget
Amendements nos 491, 389, 68, 492, 67, 63, 153, 390
Amendement no 18
Amendement no 173 deuxième rectification
Amendements nos 194, 154, 170 rectifié, 195 rectifié, 511, 196, 155, 520 (sous-amendement), 523 (sous-amendement), 519 (sous-amendement), 512
Amendement no 395
Amendement no 156
Amendements nos 481, 157, 158, 172, 177 rectifié, 330
Amendement no 374
Présidence de Mme Sandrine Mazetier
Amendements nos 49, 331, 469, 472, 474, 159, 81, 160 rectifié, 82
Amendements nos 50, 73, 485, 448, 213, 52
Suspension et reprise de la séance
Amendement no 161
Amendements nos 84, 114, 129, 130
Amendements nos 131, 534 (sous-amendement)
Suspension et reprise de la séance
Amendements nos 162, 543 (sous-amendement), 544 (sous-amendement)
Suspension et reprise de la séance
Amendements nos 379 rectifié, 72, deuxième rectification, 126, 440 rectifié, 442 rectifié, 444 rectifié, 446 rectifié, 409 rectifié, 411, 475, 476, 204 rectifié
M. Denys Robiliard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à quinze heures.)
M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2012 (n°s 71, 79, 77, 78).
M. le président. Ce matin, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 69 à l’article 4.
M. le président. L’amendement n° 69 est défendu.
La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire pour donner l’avis de la commission.
M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie général et du contrôle budgétaire. Avis défavorable.
M. le président. La parole est M. le ministre délégué chargé du budget pour donner l’avis du Gouvernement.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Même avis, défavorable.
(L’amendement n° 69 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Alain Chrétien, pour soutenir l’amendement n° 491.
M. Alain Chrétien. Nous avons déjà évoqué le sujet ce matin. Vous parlez souvent de pouvoir d’achat. Comme il y aura toujours de l’inflation, une actualisation permettrait au moins de le conserver. Nous souhaitons donc rétablir l’actualisation annuelle sur le barème de l’impôt sur le revenu du tarif et des abattements et des limites applicables en matière de droits de mutation.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. Nous nous sommes exprimés ce matin sur la question du barème de l’impôt sur le revenu pour les droits de mutation à titre gratuit. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Défavorable, pour les raisons déjà exposées ce matin.
(L’amendement n° 491 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Alain Chrétien, pour soutenir l’amendement n° 389.
M. Alain Chrétien. Nous avons beaucoup parlé de l’allongement de dix à quinze ans du délai de rappel fiscal entre deux donations. Nous souhaitons appeler l’attention du Gouvernement sur ce qu’on appelle les dons manuels, qui sont aussi une manière de transférer un patrimoine d’une génération à l’autre. Vous avez été très rigide durant ces dernières heures, monsieur le ministre. Une durée de quinze ans pour les dons manuels nous paraît vraiment excessive. Vous pourriez donc, dans votre mansuétude, faire un geste sur cet amendement.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. Le montant est déjà de 30 000 euros. Il est sage d’en rester à ce niveau. Défavorable.
(L’amendement n° 389, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 68 et 492.
L’amendement n° 68 est défendu.
La parole est à M. Patrick Ollier, pour défendre l’amendement n° 492.
M. Patrick Ollier. Nous voudrions convaincre le Gouvernement et sa majorité de mettre fin au cumul des mesures prises depuis plusieurs jours. À l’article 4, en essayant de rétablir l’actualisation du barème sur l’impôt sur le revenu du tarif et des abattements et des limites applicables aux droits de mutation à titre gratuit, nous voudrions aider la majorité à prendre conscience du caractère négatif de l’effet cumulatif de telles mesures, qui les rend punitives et confiscatoires.
M. Jacques Myard. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. Nous nous sommes déjà exprimés ce matin sur ce point. Ce sont nos prédécesseurs qui ont figé le barème. Du reste, si l’article est adopté, la situation restera plus favorable qu’avant la loi TEPA, pour les deux raisons majeures qui ont été évoquées ce matin : le régime applicable au conjoint survivant et le passage du plafond de 50 000 à 100 000 euros. Défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Défavorable, pour l’intelligibilité de l’impôt. Vous avez vous-même proposé, en tant que membre du gouvernement précédent, la non-indexation du barème de l’impôt sur le revenu sur l’inflation. Il y a donc une certaine cohérence à ce que le Gouvernement veuille maintenir ces dispositions. Il est rare qu’il y ait de la cohérence dans le cas d’une alternance. Je suis certain de pouvoir compter sur votre compréhension pour tenter de préserver au moins celle-ci.
(Les amendements identiques nos 68 et 492 ne sont pas adoptés.)
M. le président. L’amendement n° 67 est défendu.
(L’amendement n° 67, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 63 est défendu.
(L’amendement n° 63, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. Je vous annonce d’ores et déjà que, sur l’article 4, je suis saisi par le groupe UMP d’une demande de scrutin public.
Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 153.
M. Christian Eckert, rapporteur général. Il s’agit de supprimer une disposition inconstitutionnelle permettant de faire une distinction entre les dons nécessitant un passage devant notaire et les autres dons. Certes, les cas sont peu nombreux mais il nous paraît prudent d’introduire une telle mesure de façon à éviter une éventuelle QPC.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Favorable, et je remercie les membres de la commission des finances, notamment le rapporteur général et le président, pour le travail très utile qui a été effectué. Il n’y aura sans doute pas de conséquences immédiates, effectivement, mais cela préviendra tout risque de contestation ou de contentieux et contribuera donc à la stabilité fiscale à laquelle nous sommes tous attachés.
Je lève le gage.
(L’amendement n° 153, modifié par la suppression du gage, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 390.
M. Lionel Tardy. Le Gouvernement porte de dix à quinze ans le délai du rappel fiscal des donations et successions en ligne directe en supprimant le dispositif de lissage que nous avions voté lorsque nous avions décidé de porter ce délai de rappel de six à dix ans en juillet 2011.
Le présent amendement a pour but de rétablir ce dispositif de lissage, indispensable pour éviter toute forme de rétroactivité de la loi fiscale.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. Le dispositif de lissage auquel il est fait référence n’a plus lieu d’être compte tenu du reformatage du délai de rappel. Défavorable.
(L’amendement n° 390, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)
M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’article 4, tel qu’il a été amendé.
(Il est procédé au scrutin.)
M. le président. Voici le résultat du scrutin :
Nombre de votants 64
Nombre de suffrages exprimés 61
Majorité absolue 31
Pour l’adoption 44
contre 17
(L’article n° 4, amendé, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement n° 18, portant article additionnel après l’article 4.
M. Thierry Mariani. La fraction de la part nette taxable applicable entre collatéraux est au moins de 35 %. Cette disposition conduit à une inégalité des Français devant l’impôt selon qu’ils ont une descendance ou qu’ils n’en ont pas.
Les personnes sans héritier direct qui souhaitent, comme cela se produit de plus en plus souvent, organiser leur succession de leur vivant, se trouvent donc confrontées à une fiscalité qui ne leur serait pas appliquée en ligne directe. Elles qui n’ont, le plus souvent, comme bien que leur seul logement et de petits revenus voient ainsi leur patrimoine lourdement taxé. En milieu rural, bon nombre d’exploitants qui n’ont pas de descendant voient la transmission de leur entreprise assujettie à une fiscalité pénalisante.
Dans un esprit d’équité, pour que la réforme des droits de succession puisse s’appliquer également aux personnes seules, conformément à l’engagement du Président de la République, il convient d’étendre l’exonération des droits de succession aux collatéraux.
M. Jacques Myard. Très bien !
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. Cet amendement est assez surprenant. La loi TEPA avait triplé l’abattement applicable aux frères et sœurs en le portant de 5 000 à 15 000 euros. Ce triplement a coûté 230 millions d’euros par an de dépenses fiscales. Il n’est pas remis en cause par le présent collectif. Il serait contraire au principe d’égalité d’exonérer totalement de droits de succession les frères et sœurs alors même que les enfants et les petits-enfants ne sont pas exonérés. Vous invoquez le principe d’équité, je crois qu’il serait totalement inéquitable d’adopter votre amendement. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. L’avis est défavorable. Cela reviendrait à adopter une fiscalisation des droits de succession plus favorable aux collatéraux qu’aux descendants en ligne directe. Avouez que cela ne serait pas très raisonnable ni même bien compris par le public auquel vous avez fait référence dans votre exposé.
M. Jacques Myard. Il est contre les tontons d’Amérique !
(L’amendement n° 18 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Alain Chrétien, inscrit sur l’article.
M. Alain Chrétien. À la lecture de cet article, nous avons bien compris que vous souhaitez répondre à un arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne du 10 mai 2012 sur la libre circulation des capitaux.
Notre premier étonnement – sans faire du Jacques Myard, car il le fera sans doute mieux que moi – tient à un premier renoncement : le Président de la République a toujours affirmé qu’il lutterait contre l’économie financière et qu’il imposerait aux autres membres de l’Union européenne de nouvelles règles de circulation des capitaux. Sans faire appel ou contester cette décision de justice, vous souhaitez la mettre en œuvre quelques semaines seulement après qu’elle a été rendue. Il s’agit donc d’un renoncement à vos engagements en faveur d’une réorientation complète de l’économie dite financière au sein de l’Union européenne.
Deuxième point, mes chers collègues, vous ne pouvez pas vous empêcher de créer de nouveaux impôts. Dès que la justice vous demande d’en supprimer un, vous vous empressez d’en créer un autre pour le compenser. Vous auriez pourtant pu prendre argument de cette décision pour réduire le déficit de compétitivité et aussi l’imposition sur les sociétés. Malheureusement, c’est congénital chez vous, vous remplacez un impôt par un autre impôt. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Régis Juanico. Cela ne relève pas de la mise en cause ça ?
M. Patrick Ollier. C’est un constat !
M. Alain Chrétien. Vous comprendrez donc que nous n’accepterons pas l’article 5.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire pour soutenir l’amendement n° 173 deuxième rectification.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Le contentieux relatif à la retenue à la source pratiquée sur les organismes de placement collectif non français, organismes qui détiennent des actions d’entreprises, a été perdu. Je ne veux pas, monsieur le rapporteur général, recommencer le débat que nous avons eu. Nous avons provisionné, pour couvrir les risques du contentieux, en autorisations d’engagement mais insuffisamment en crédits de paiement, soit !
Le sujet me paraît ailleurs. Je voudrais vraiment que nous réfléchissions ensemble. La solution proposée, M. Chrétien l’a évoqué dans son propos, consiste à créer une taxe de 3 % sur tous les bénéfices distribués sous forme de dividendes par des entreprises résidentes fiscales françaises. En contrepartie, et c’est cela qui me choque profondément, sera supprimée la retenue à la source de 30 % pour les dividendes versés au titre d’entreprises françaises à l’étranger. L’étranger, cela désigne d’abord l’Union européenne. Qu’il y ait réciprocité au nom de la liberté de circulation des capitaux dans l’Union économique et que, par exemple, on traite de la même manière un organisme de placement collectif résident fiscal français qui détient des actions françaises et un même organisme résident fiscal allemand, cela ne me pose aucun problème.
En revanche, ce qui est proposé, c’est de supprimer également la retenue à la source de 30 % pour les organismes de placement qui détiennent des entreprises françaises mais ne sont pas européens. Là se pose un problème.
M. Jacques Myard. Les paradis fiscaux !
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je vais prendre un exemple : un fonds de pension américain, qui détient tout ou partie d’une entreprise française et dont on sait qu’il est motivé avant tout par des rentabilités de court terme, aura tendance à rapatrier aux États-Unis un maximum de dividendes. Avec la solution que propose le Gouvernement, ce fonds de pension échappera à tout prélèvement : il n’y aura ni prélèvement social, puisque les dividendes ne sont pas destinés à des particuliers mais à des organismes collectifs, ni prélèvement à la source de 30 %, qui est supprimé. Autrement dit, la solution apportée par le Gouvernement va avantager énormément les organismes de placement ou les fonds de pension non européens. J’avoue que cela me choque.
Cela pose le problème de la protection aux frontières européennes. Si la réciprocité existait, si dans les conventions fiscales, entre l’Europe et l’Amérique du Nord, par exemple, elle s’appliquait aux investissements réalisés par les pays européens aux États-Unis ou au Canada, nous pourrions admettre la suppression de ce prélèvement, mais ce n’est pas le cas.
Nous sommes vraiment au cœur de cette problématique qui a été omniprésente dans la campagne présidentielle, celle d’une meilleure réciprocité et d’un plus grand équilibre dans les échanges. Cette question appliquée aux dividendes et aux transferts financiers est exactement de même nature que pour les sujets industriels, à propos desquels on affirme que l’Europe devrait mieux se protéger contre des produits fabriqués sans contraintes environnementales ou sociales.
Je reconnais que nous avons manqué de temps. Je ne veux surtout pas jeter la pierre au Gouvernement. Le contentieux a été perdu définitivement au mois de mai et il nous faut trouver une solution.
Je ne suis pas sûr que la solution que propose mon amendement soit parfaitement compatible avec l’article 63 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne ; la question mérite néanmoins d’être posée et il faudra qu’elle le soit à l’occasion d’une réunion des ministres de l’Union européenne. Ma solution consiste à maintenir la suppression du prélèvement à la source de 30 % pour les organismes de placement au sein de l’Union européenne au nom de la liberté de circulation des capitaux. En revanche, on conserve le prélèvement de 30 % à l’égard des investisseurs hors Union européenne.
M. Jacques Myard. Il a raison !
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Nous avons là un exemple presque emblématique, avec à la clé des milliards d’euros, de la nécessité, le plus rapidement possible, de protéger davantage l’Europe, l’économie et les entreprises européennes aux frontières.
C’est le sujet de cet amendement, qui est peut-être un amendement d’appel et que je pourrai retirer, monsieur le ministre.
M. Jacques Myard. Non !
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Le cas échéant, M. Myard le reprendra. Je souhaite vraiment que le Gouvernement apporte une réponse à ce qui me paraît être un sujet de fond.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. Je vais essayer de répondre sur tous les aspects, qui sont, vous avez raison, monsieur le président, extrêmement importants.
Le contentieux porte sur des volumes financiers non négligeables puisque les sommes concernées représentent, en flux, 1 milliard d’euros par an et, en stock, 5 milliards dont presque 1 milliard pour les seuls intérêts de retard.
Nous l’avons évoqué au début de l’examen du texte, ce contentieux n’a pas vraiment été porté à la connaissance de la représentation nationale, notamment, et les provisions nécessaires n’ont pas été faites.
M. Jacques Myard. Oui, oui, cela a été dit !
M. Christian Eckert, rapporteur général. Je tiens à le redire quand même ! Il faut dire les choses puisque nous ne parlons pas là de 50 millions mais de 5 milliards de stock. Plus nous attendons, plus les intérêts moratoires courent. Le contentieux a été perdu, les réclamations ont été faites par l’ensemble des OPCVM, il va bien falloir payer !
Je reviens rapidement sur les questions générales posées par M. Carrez. Monsieur le président, vous ne pouvez pas décemment défendre votre amendement n° 173 en disant – et c’est un euphémisme – que vous n’êtes pas sûr de sa compatibilité avec l’article 63 du traité européen. On est sûr d’être en contradiction avec l’article 63 ! Le fait d’avoir perdu le contentieux en est un élément de preuve. Permettez-moi de vous le rappeler, l’article 63 pose le principe de la liberté de circulation des capitaux, qu’il s’agisse de mouvements financiers internes à l’Union européenne mais aussi de mouvements en provenance de l’extérieur. C’est bien là tout le problème.
Je vous rejoins sur le fond : la législation européenne doit progresser sur ce point. Nous sommes d’accord mais il se trouve que, la législation étant ce qu’elle est, votre amendement est, malheureusement, en contradiction totale – c’est mon analyse et je l’assume – avec l’article 63.
Le gouvernement précédent était, lui, pleinement averti à la fois de l’existence et de l’ampleur du contentieux mais aussi du risque avéré de le perdre. La France est allée jusqu’au bout de la démarche mais l’existence de provisions, certes non budgétaires, est bien la preuve que le Gouvernement avait conscience qu’il allait perdre ces contentieux.
Il y a lieu de réfléchir aux moyens de faire évoluer la législation européenne. Le Président de la République et le ministre de l’économie et des finances travaillent à faire avancer ces questions. Nous pouvons tous convenir que la réciprocité des accords fiscaux doit être pleine et entière, mais il se trouve qu’elle ne l’est pas dans l’état actuel du droit et que la législation européenne ne permet pas d’éviter ce genre de contentieux.
Je veux bien que nous adoptions votre amendement mais cela signifie que nous allons rouvrir des contentieux qui sont perdus d’avance avec une quasi-certitude. Nous aurons à payer le prix de ces contentieux avec, en plus, des intérêts moratoires.
S’il s’agit bien d’un amendement d’appel, je fais confiance au Gouvernement pour faire valoir dans sa réponse qu’il a entendu votre interrogation sur ce problème dont il a lui-même découvert l’ampleur. Je sais qu’il aura à cœur de faire évoluer les choses pour que cette situation ne se reproduise pas. L’adoption de votre amendement conduirait à voir se reproduire immanquablement une situation identique, très, très coûteuse pour l’État. Votre amendement, s’il est maintenu, recevra un avis défavorable de votre rapporteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Cet amendement du président de la commission des finances est l’occasion de s’expliquer sur ce contentieux. Avant d’en dire quelques mots, je souhaite donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement lui-même.
Première remarque : le jugement défavorable dont la France a été l’objet ne limite pas les conséquences de la décision au seul territoire européen et pas davantage à la zone euro. D’autant que, parmi les fonds ayant porté l’affaire devant la Cour, figure un fonds américain dont l’action a été jugée recevable. C’est donc l’acception la plus large de la libre circulation des biens et des personnes qui doit être retenue. Je peux admettre les regrets que cela suscite chez certains, peut-être même les partager, mais, quoi qu’il en soit, cette décision de justice s’impose. C’est la raison pour laquelle nous avons dû nous adapter en proposant une mesure qui est l’objet de cet article.
Cela permet, par la même occasion, de mettre en œuvre l’une des promesses du candidat François Hollande qui a toujours indiqué vouloir privilégier l’investissement sur la distribution. En taxant à 3 % la distribution de dividendes, c’est-à-dire avec un taux faible et une assiette large, cet engagement commence à être mis en œuvre. Il est vrai que l’investissement sera ainsi mieux traité que la distribution puisque celle-ci pâtira d’une taxation de 3 %.
Quant au contentieux lui-même, le sujet a été évoqué dans la discussion générale. Une confusion involontaire a pu être faite entre un contentieux connu, sur le précompte mobilier, et un autre qui ne l’était pas, sur les OPCVM. Tous les membres du Gouvernement n’étaient pas informés de l’existence de ce dernier, si certains ministres du budget en avaient connaissance. Ce contentieux a été repoussé dans le temps alors même que son issue était quasi certaine : la France courait à l’échec. Cette manœuvre dilatoire a permis d’éviter de poser le problème, notamment dans cette enceinte, mais a eu comme inconvénient de majorer la facture des intérêts moratoires, qui s’élèveront au total à près d’un milliard d’euros. Cela fait beaucoup ; nous le devons aux précédents gouvernements qui n’ont pas voulu traiter la question et l’assumer en responsabilité.
M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.
M. Jacques Myard. Je vous ai écouté avec beaucoup d’intérêt, monsieur le rapporteur général, et je vais vous dire une chose : en matière européenne, on ne baisse pas pavillon tout de suite. J’ai compris vos arguments juridiques ; c’est bien la preuve, une nouvelle fois, que l’Union européenne est devenue une passoire et que ce qui règne à Bruxelles, mesdames et messieurs de la gauche, c’est le laissez-faire total, y compris en matière de capitaux. Car cette disposition bénéficiera aussi à des OPCVM situés dans des paradis fiscaux, sur lesquels nous ne pourrons rien.
M. Nicolas Sansu. Absolument !
M. Jacques Myard. Je l’ai, excusez-moi, en travers de la gorge, et je suis convaincu que, sur les bancs de gauche, un certain nombre de personnes sont dans le même état que moi.
Il est vrai que, sur le plan juridique, une faute a été commise ab initio. La Cour applique le droit, même si elle prend de temps à autre des arrêts prétoriens. Si vous voulez que le Gouvernement soit en position de force pour négocier à Bruxelles une modification du droit, il faut que le Parlement ait le courage de dire que la situation actuelle n’est pas acceptable. Il ne s’agit donc pas d’un amendement d’appel mais d’un amendement de négociation, qui envoie le signal suivant : « Le Parlement est derrière moi pour remettre en cause des règles iniques. » Ces règles vont à l’encontre de la justice fiscale dont vous vous prévalez à longueur de temps. Ayez donc un peu de courage ! Je voterai l’amendement.
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. L’amendement de Gilles Carrez est intellectuellement séduisant mais je partage, hélas, l’analyse du ministre délégué, à savoir qu’il est euro-incompatible.
M. Jacques Myard. Et alors ?
M. Charles de Courson. D’ailleurs, son auteur l’a lui-même reconnu.
J’ajouterai un argument auquel n’a pas recouru le ministre délégué. Il suffit d’utiliser des « fonds de fonds », c’est-à-dire de créer un fonds extra-européen qui détienne un fonds dans un pays de l’Union, lequel aura des participations en France, pour contourner le dispositif. L’amendement peut être vidé de sa substance par le recours à des fonds interposés.
En revanche, je suis plus critique encore que Gilles Carrez s’agissant de la solution trouvée par le Gouvernement. Tout le monde reconnaît qu’il faut une solution neutre budgétairement, c’est-à-dire qu’il convient de trouver 1 milliard d’euros. La solution du Gouvernement consiste à taxer de 3 % les dividendes distribués dans les grandes entreprises : le CAC 40 distribuant entre 35 et 40 milliards par an, une taxe de 3 % permet de dégager le milliard manquant. Or, comme l’étude d’impact le montre elle-même, cette solution n’est pas bonne du point de vue de l’accès de ces entreprises au marché. De plus, comment justifier l’application de ces 3 % aux dividendes des grandes entreprises et non à ceux des petites et moyennes entreprises ? Il y a là, me semble-t-il, une rupture de l’égalité difficilement justifiable.
Je propose une solution beaucoup plus simple. Pourquoi, monsieur le ministre délégué, n’augmentez-vous pas le taux de l’IS d’un point,…
M. Jacques Myard. Matraqueur !
M. Charles de Courson. …ou de 0,5 ou 0,6 point, pour atteindre le milliard ? Pourquoi ne portez-vous pas ce taux à 33,3 % ou 33,5 % pour tout le monde ?
Comme on le verra avec des amendements que j’ai déposés, vous créez des problèmes d’une complexité extrême à l’intérieur des groupes, sur l’économie sociale, par exemple. Avec le 3 %, on entre dans une usine à gaz !
Enfin, je me tue à le dire à M. Cahuzac depuis le temps où il était dans l’opposition, la différence de taxation entre les revenus distribués et les revenus mis en réserve n’a aucun fondement économique. Il vaudrait mieux augmenter d’un demi-point ou d’un point le taux de l’IS sur tout le monde, du moins au-delà des 15 % des petites et moyennes entreprises. Cela permettrait de dégager un milliard d’une manière euro compatible et qui n’induise pas des problèmes d’une extrême complexité au sein des groupes.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.
M. Pierre-Alain Muet. Les deux sujets sont différents et ils ne sont joints que pour des raisons d’équilibre financier. Une taxation différenciée des dividendes distribués et des profits réinvestis, je suis désolé, monsieur de Courson, cela a un sens économique, sauf dans un univers idéal, qui est peut-être celui auquel vous croyez, où il existerait une totale neutralité de toutes les politiques économiques. Cette différenciation de taxation a souvent été utilisée, chez nous comme à l’étranger. Elle est particulièrement pertinente dans une situation où nous avons besoin de renforcer les fonds propres des entreprises pour qu’elles investissent. Il y a donc même une parfaite cohérence entre cet article et le suivant, qui propose une taxation des transactions financières.
M. Charles de Courson. Vous allez justement dissuader les entreprises d’investir !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je souhaite vous poser une question, monsieur le ministre délégué. Dans l’étude d’impact jointe à cet article, il est mentionné que vous attendez de la mesure un produit en année pleine d’un peu plus d’un milliard d’euros, fondé exclusivement sur les distributions de dividendes des entreprises du CAC 40. Or l’article prévoit la taxation de toutes les entreprises qui réalisent plus de 250 millions d’euros de chiffre d’affaires. Il me semble que le rendement sera très supérieur à 1,1 milliard, c’est-à-dire à la suppression de la retenue à la source de 30 %. Le confirmez-vous ?
Je vais maintenir l’amendement, car j’estime que nous devons absolument engager une discussion sur l’article 63 du traité, qui relève de ce qu’on appelle le désarmement unilatéral de l’Union européenne par rapport au reste du monde.
M. Jacques Myard. Tout à fait ! C’est un coup des Anglais !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le rendement, monsieur le président de la commission, ne sera pas supérieur dans les proportions que vous indiquez, car il faut exclure de l’estimation les entreprises liées par le régime « mère-fille ».
Toutes les entreprises ne sont pas concernées, monsieur de Courson : les PME, dans l’acception européenne du terme, ne le sont pas.
M. Charles de Courson. C’est ce que j’ai dit !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Ces définitions européennes peuvent parfois avoir du bon.
L’invitation du président de la commission des finances à engager une discussion sur l’article 63 est sympathique. Si la chose était possible rapidement, cela serait certainement apprécié par tous, d’autant plus que cette discussion se conclurait favorablement.
Convenez, toutefois, que la France aurait été en meilleure position pour entamer des négociations à l’époque où le contentieux n’était pas jugé. Nous sommes, désormais, dans une position objectivement peu favorable, la France ayant été condamnée. Cette affaire est tout de même connue du ministère du budget depuis 2006 : la première note des services au ministre date de cette année-là. La France n’ayant pas jugé bon d’engager des négociations tant que le contentieux n’était pas purgé, nous ne sommes guère en position favorable aujourd’hui.
M. Nicolas Sansu. C’est pour cela aussi que les Français ont voté à gauche !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Imaginez quelle facilité s’offrira à ceux qui s’opposeraient à cette renégociation : ils n’auront qu’à montrer que, pendant près de six ans, la France n’en a rien dit, notamment à son parlement et à certains membres de son gouvernement, pour, une fois le contentieux perdu, demander à tous de s’en préoccuper afin de modifier les causes de fond ayant abouti à cette conclusion. Si une telle démarche française pourrait être sympathique, elle aurait tout de même peu de chance de se conclure favorablement.
Je retiens ce que vous avez dit, monsieur le président de la commission, et j’en ferai part au ministre des affaires européennes, mais je crains qu’il ne m’oppose ce que je viens de vous dire.
(L’amendement n° 173, deuxième rectification, n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement rédactionnel, n° 194, de M. le rapporteur général.
(L’amendement n° 194, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 154 de M. le rapporteur général. Il s’agit d’un amendement de simplification.
(L’amendement n° 154, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, pour soutenir l’amendement n° 170 rectifié.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Me doutant de la réponse du Gouvernement au précédent amendement, j’ai souhaité proposer, avec le présent amendement de repli, une autre solution. Il s’agit de préserver une retenue à la source à un niveau inférieur – non plus 30 % mais 8 % – applicable à tous les organismes de placement collectif, y compris français. Cela nous permettrait de préserver un minimum de retenue fiscale sur des transferts de bénéfices à des organismes étrangers.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. Défavorable, pour deux raisons. Tout d’abord, l’amendement, s’il était adopté, remettrait en cause le principe de transparence fiscale des OPCVM. Il défavoriserait ainsi l’épargne intermédiée. De surcroît, les investisseurs risqueraient de se détourner des OPCVM, qui seraient de fait taxés deux fois : d’abord, lorsqu’une société verse des dividendes à l’organisme de placement, ensuite, lorsque celui-ci redistribue ces mêmes dividendes.
Par ailleurs, ces OPCVM seraient encouragés à investir à l’étranger plutôt qu’en France, de façon à échapper à la double taxation. Cela n’est pas souhaitable pour notre économie, surtout dans le contexte financier actuel. La solution retenue par le Gouvernement nous paraît beaucoup plus intelligente.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Là encore, la proposition du président de la commission est éminemment sympathique, mais elle se heurte à quelques principes. Dès lors qu’il existe une neutralité à l’égard des porteurs de parts, soit celle-ci est générale, et l’amendement ne sert à rien, soit elle préserve les seuls porteurs de parts françaises pour ne taxer que les autres, et nous tomberions alors sous le coup de la même sentence ou jurisprudence. Cela compromettrait durablement, sinon définitivement, nos chances d’obtenir une réforme de l’article 63 du traité.
J’ajoute que l’argument du rapporteur général est excellent. Si l’amendement est adopté, je crains qu’il ne nuise à notre compétitivité. Avec ces arguments, monsieur le président de la commission, vous voyez que j’entends toucher et votre cœur et votre raison.
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. L’argument que vous utilisez, monsieur le ministre délégué, peut l’être aussi à l’égard de votre prélèvement de 3 %. N’allez-vous pas pousser les grandes entreprises du CAC 40 à établir leurs sièges à l’étranger, comme cela commence, d’ailleurs, à être le cas pour certaines d’entre elles ? Les 3 % s’appliqueront-ils alors quand elles distribueront en France des dividendes à partir des Pays-Bas, du Luxembourg ou de la Suisse ? Je persiste à penser que la solution préconisée n’est absolument pas opérationnelle.
M. le président. Le ministre délégué vous répondra tout à l’heure.
(L’amendement n° 170 rectifié n’est pas adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement de coordination, n° 195 rectifié, présenté par M. le rapporteur général.
(L’amendement n° 195 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, pour soutenir l’amendement n° 511.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Cet amendement étant la conséquence des précédents, je le retire car il est devenu sans objet.
(L’amendement n° 511 est retiré.)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement de codification, n° 196, présenté par M. le rapporteur général.
(L’amendement n° 196, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 155, qui fait l’objet de quatre sous-amendements, dont trois peuvent être soumis à une discussion commune.
M. Christian Eckert, rapporteur général. L’amendement n° 155 est important. En effet, le projet de loi propose d’exonérer les dividendes distribués par une filiale à sa société mère dès lors que celle-ci la détient à plus de 10 %. Cette exonération est une transposition du régime mère-fille qui retient, lui, un taux de 5 % de détention du capital de la filiale, mais qui ne concerne que la mère. Celle-ci est alors exonérée d’IS sur les dividendes qu’elle reçoit. Dès lors que la nouvelle contribution taxe la société distributrice et non le bénéficiaire de la distribution, ce régime n’est pas pertinent, car il fait dépendre le niveau de la taxe de la structure capitalistique de la filiale. À ce titre, par exemple, il défavorise la détention par l’État. Il est donc proposé de supprimer cette exonération.
En revanche, dans le cadre d’un groupe fiscal intégré avec détention directe ou indirecte à 95 %, l’imposition globale serait à la charge de la tête de groupe, de sorte que la taxe additionnelle à l’IS ne soit perçue que pour les distributions à ce niveau.
Par ailleurs, si la société prévoit une distribution sous forme d’actions, elle renforce les fonds propres, ce qui est un des objectifs de la nouvelle taxe. Cette forme de distribution doit donc, elle aussi, être exonérée.
Au total, la substitution de ces deux exonérations ciblées – intégration fiscale et distribution d’actions – à la disposition initialement envisagée constitue une exonération large qui permettra de sécuriser le rendement de la taxe. Pour ceux qui auraient des craintes, je rappelle que les PME dont le chiffre d’affaires est inférieur à 50 millions d’euros demeureront exonérées.
Cet amendement est le fruit d’un long travail et a fait l’objet d’un consensus au sein de la commission des finances. Il permettra de résoudre un certain nombre de problèmes et sécurisera le rendement tout en étant tout à fait juste. En outre, il évitera les effets pervers que la disposition initiale pouvait engendrer.
M. le président. Monsieur le rapporteur général, puis-je considérer que vous avez défendu le sous-amendement n° 520 ?
M. Christian Eckert. Le sous-amendement n° 520 vise à apporter une précision technique pour tenir compte de la sortie en cours d’exercice d’un groupe fiscal intégré.
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir le sous- amendement n° 523.
M. Charles de Courson. On voit bien que l’extrême difficulté de cette taxe de 3 % provient du fait qu’elle ne s’applique qu’en France et à l’intérieur des groupes, lesquels peuvent avoir plusieurs formes. Mon sous-amendement soulève le problème des groupes bancaires mutualistes puisque certaines distributions de dividendes entre affiliés à un même organe central non membres d’un groupe d’intégration fiscal ne sont pas couvertes par le texte gouvernemental, donc par l’exonération spécifique prévue pour les sociétés intégrées fiscalement. C’est le cas de certaines distributions de dividendes entre affiliés à un même organe central mais qui ne sont pas ou ne peuvent pas être membres du groupe d’intégration fiscale constitué par celui-ci, notamment s’agissant des distributions afférentes aux parts sociales entre caisses régionales et caisses locales, ainsi qu’à certains titres de capital entre affiliés. L’amendement de notre rapporteur général couvre-t-il aussi ces organisations spécifiques que sont les banques mutualistes ?
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, pour soutenir le sous-amendement n° 528.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Avec mon sous-amendement, je prolonge la question de Charles de Courson. Nous nous inscrivons dans l’amendement qu’a présenté le rapporteur général. Le texte du Gouvernement prévoyait de couvrir les distributions à l’intérieur du régime mère-fille, en cas de détention d’une participation de plus de 5 %, et le rapporteur général propose de basculer dans le régime de l’intégration fiscale qui requiert de posséder la filiale à plus de 95 %. Mais il y a un problème avec les groupes mutualistes parce qu’ils sont en pyramide inversée : ce sont les filles qui possèdent la mère.
M. Philippe Vigier. Eh oui !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Tout un programme ! (Sourires.)
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. À l’évidence, comme il y a plusieurs filles, elles ne peuvent chacune posséder plus de 95 % du capital. Elles ne sont donc pas correctement couvertes par l’amendement d’intégration fiscale. Mon sous-amendement prolonge un article du code monétaire et financier qui prend déjà en compte la particularité des groupes mutualistes sans toutefois couvrir, me semble-t-il, cette nouvelle taxe de 3 %. Le but, on est tous d’accord là-dessus, c’est évidemment de ne pas taxer des distributions de dividendes intra-groupes, par exemple les dividendes versés par la mère aux filiales d’un groupe mutualiste qui détiennent la société de tête.
Monsieur le ministre, vous voyez que nous sommes parfaitement d’accord sur l’objectif, mais nous soulevons une question à laquelle il faut apporter une réponse.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général pour présenter le sous-amendement n° 519 et donner l’avis de la commission sur les sous- amendements n°s 523 et 528.
M. Christian Eckert, rapporteur général. Le sous-amendement n° 519 tend à traiter le cas des sociétés coopératives qui distribuent des certificats d’investissement ou d’associés. Il a été admis de façon relativement unanime qu’il serait bon d’exonérer de la taxe ce que l’on peut assimiler à des fonds propres.
S’agissant des sous-amendements n°s 523 et 528, mon avis est défavorable. Certes, la question de la pyramide inversée peut se poser. À cet égard, je remercie les services de la commission, qui ont un fait un très gros travail sur ce sujet techniquement complexe. Les banques mutualistes ou coopératives sont couvertes, via l’article 223 A du code général des impôts, par le régime de l’intégration fiscale. Si l’un de ces sous-amendements était adopté, il risquerait de vider complètement de sa substance le dispositif imaginé par la commission puisqu’il n’y aurait plus de distinction entre les systèmes de pyramide inversée et l’intégration fiscale classique. Je vous confirme, monsieur le président de la commission, puisque cela peut servir en cas de contentieux, que nous estimons que les banques mutualistes ou coopératives sont expressément couvertes via, je le répète, l’article 223 A du code général des impôts au titre de l’intégration fiscale.
Vos sous-amendements sont donc satisfaits et je vous invite à les retirer.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 155 et sur les quatre sous-amendements ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je vais d’abord répondre à la question posée par Charles de Courson. Il craint que cette taxation de 3 % sur les dividendes n’entraîne un flux hors de nos frontières, mais il propose d’augmenter l’impôt sur les sociétés alors que nous avons déjà en nominal un des impôts les plus élevés d’Europe.
M. Jacques Myard. Merci de le reconnaître !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je ne suis pas certain que le sens de l’histoire soit d’aller vers l’augmentation de ce taux nominal, mais plutôt de l’abaisser tout en en consolidant l’assiette. Bref, monsieur de Courson, le Gouvernement ne retient pas votre suggestion. Le taux est facialement déjà beaucoup trop élevé au regard de la compétitivité des entreprises à laquelle je vous sais extrêmement sensible.
Les sous-amendements de M. de Courson et de M. Carrez puisent à une bonne source d’inspiration : il s’agit d’éviter des effets qui seraient tout à fait néfastes dans des structures inversées d’un point de vue capitalistique puisque l’organe central est possédé en tout ou partie par les éléments de son réseau. Je suis d’accord que cela peut poser un problème, mais le régime de l’intégration fiscale tient déjà compte de ces spécificités en prévoyant une dérogation à la condition de détention des sociétés membres par la tête de groupe. Les groupes bancaires mutualistes peuvent ainsi intégrer dans un même groupe fiscal l’ensemble des caisses qui composent leur réseau, à condition soit d’être membres affiliés à l’organe central ou de bénéficier d’un même agrément collectif, soit d’être une société dont cet organe et ses membres détiennent directement ou indirectement au moins 95 % du capital. L’ensemble de ces critères couvre le secteur qui préoccupe les auteurs des deux sous-amendements.
Si des distributions interviennent entre entités d’un même groupe économique mais en dehors du périmètre de l’intégration fiscale, et ce alors même que le régime de l’intégration a été assoupli pour tenir compte des spécificités des réseaux bancaires mutualistes, il n’y a aucune raison que lesdites entités échappent à la contribution additionnelle de 3 %. Ces sous-amendements sont satisfaits par le texte du Gouvernement. Je vous propose, monsieur de Courson, monsieur le président de la commission, de les retirer. À défaut, le Gouvernement serait obligé d’en demander le rejet.
Avis favorable à l’amendement et aux sous-amendements de M. rapporteur général
M. le président. Monsieur le président de la commission des finances, maintenez-vous votre sous- amendement n° 528 ?
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Au vu de la réponse très précise du rapporteur général et du ministre, je le retire.
(Le sous-amendement n° 528 est retiré.)
M. le président. Monsieur de Courson ?...
M. Charles de Courson. Je suis prêt, moi aussi, à retirer mon sous-amendement, qui avait le même objet que celui du président de la commission des finances.
J’ai une question pour le rapporteur général : son sous- amendement n° 519 est-il équivalent à mon amendement n° 123 ? Il est beaucoup plus précis puisqu’il vise l’article 19 vicies de la loi du 10 septembre 1947 alors que le mien se réfère globalement au titre II quater parce qu’il y a plusieurs formes dans le statut de la coopération en fonction de la rémunération, en parts sociales ou autres.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Christian Eckert, rapporteur général. Mon cher collègue, je vous dois des excuses puisque nous avons construit ensemble cette disposition…
M. Jacques Myard. Embrassons-nous, Folleville !
M. Christian Eckert, rapporteur général. …et nous avions convenu que je ferai allusion à votre amendement n° 123. Je vous confirme par avance qu’il est satisfait par l’amendement n° 155.
(Le sous-amendement n° 523 est retiré.)
(Les sous-amendements n°s 520 et 519 sont successivement adoptés.)
(L’amendement n° 155, sous-amendé, est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 80, 94, 125, 399.
La parole est à M. Dominique Tian, pour présenter l’amendement n° 80.
M. Christian Eckert, rapporteur général. Ces amendements tombent !
M. Dominique Tian. Le projet de loi de finances rectificative prévoit une contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés de 3 % sur les montants de dividendes distribués.
D’après l’exposé des motifs, les sommes non distribuées et en particulier celles réinvesties dans l’entreprise ne seront pas soumises à la contribution additionnelle. Le présent amendement propose d’étendre l’exonération de la contribution additionnelle aux dividendes versés en actions.
En effet, les sociétés peuvent proposer aux actionnaires le paiement de leurs dividendes en actions : au lieu de verser le dividende en espèces, la société va proposer la souscription de nouvelles actions. Les actionnaires peuvent donc opter pour un règlement en espèces ou bien choisir de réinvestir leurs dividendes en actions nouvelles de la société.
Les avantages de cette option sont évidents pour l’entreprise : elles n’ont pas à décaisser d’argent et augmentent donc mécaniquement leur capital.
Puisque le Gouvernement veut favoriser l’investissement dans les entreprises, il est proposé d’exonérer les dividendes versés non pas en numéraire mais en actions.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Ces amendements tombent, monsieur le président, du fait de l’adoption de l’amendement précédent.
M. Christian Eckert, rapporteur général. Je ne cesse de le dire !
M. le président. En effet, l’adoption de l’amendement n° 155 du rapporteur général a fait tomber les amendements identiques nos 80, 94, 125 et 399, de même que les amendements nos 123, 124, 95, 128, et 398.
La parole est à M. Gilles Carrez, pour soutenir l’amendement n° 512.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Il est retiré car lié au débat que nous avons eu tout à l’heure et qui a été tranché.
(L’amendement n° 512 est retiré.)
(L’article 5, amendé, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, premier orateur inscrit sur l’article 6.
M. Charles de Courson. Nous n’avons pas de problème de principe sur cet article 6 puisque c’est nous qui avons créé cette taxe. Le seul problème est le doublement du taux – de 0,1 % à 0,2 % – décidé par le Gouvernement en raison d’une surestimation de la recette.
Dans cette affaire, je crains que l’on ne dégrade la compétitivité de la place de Paris. De ce point de vue, l’analyse de l’étude d’impact est très budgétaire et revient à dire : nous n’avons encaissé que 100 millions au lieu des 200 millions escomptés, nous doublons donc le taux pour atteindre l’objectif.
Monsieur le ministre, l’étude d’impact devrait évaluer le risque de délocalisation des transactions vers d’autres places boursières telles que Londres, Francfort et d’autres. Pourriez-vous nous éclairer sur cette question ?
M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu. La précédente majorité avait créé cette taxe dans un but d’affichage politique après l’avoir supprimée en 2008, ne l’oublions pas : il s’agit, en effet, ni plus ni moins que du rétablissement de l’impôt de bourse.
La taxe n’aurait représenté que 1,1 milliard d’euros en année pleine, moins de 500 millions d’euros cette année. La mesure proposée dans ce nouveau projet de loi de finances rectificative est plus consistante. L’assiette nette de la taxe devrait permettre d’atteindre un rendement de 1,6 milliard d’euros en année pleine et 800 millions d’euros cette année, en ne modifiant que le taux.
Or il faudra bientôt regarder l’assiette et se poser, par exemple, la question suivante : limiter cette taxe aux entreprises dont la capitalisation boursière dépasse un milliard d’euros est-il le bon choix ? Je n’en suis pas sûr et j’approuve l’amendement de notre collègue Laurent Grandguillaume qui vise à abaisser le seuil de cette taxe.
Si l’on admet que la taxe sur les transactions financières doit avoir vocation à freiner les mouvements de capitaux, à permettre aux États ou à la zone euro de gagner en autonomie dans la fixation des taux d’intérêt sur le marché intérieur, à limiter la dépendance des entreprises et du secteur public à l’égard des marchés et à doter les acteurs publics des marges de manœuvre nécessaire, nous devons nourrir l’ambition d’une taxe sur les transactions financières plus efficace et pertinente économiquement.
Cela ne pourra se faire qu’à l’échelle européenne. Cela ne pourra se faire non plus sans reconsidérer le rôle de la Banque centrale européenne ni s’interdire de valider une création monétaire qui nourrit le gonflement de la sphère financière. Monsieur le ministre, je sais que cela fera partie du débat passionnant qui nous attend sur le Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance.
En attendant, nous voterons, bien évidemment, pour la mesure de doublement de la taxe que vous proposez.
M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.
M. Pascal Terrasse. Mon intervention sera brève pour ne pas répéter les propos de mon prédécesseur. Nous reconnaissons que cette taxe a été créée par le Gouvernement précédent, mais que de temps perdu après la loi que nous avions nous-mêmes adoptée en 2001 !
M. Charles de Courson et M. Philippe Vigier. À taux zéro !
M. Pascal Terrasse. Pendant ce temps perdu, les sommes importantes qui auraient dû rentrer dans les caisses de l’État se sont évaporées. Nous doublons le taux de cette taxe dont le rendement est très faible.
En accord avec l’intervention de mon prédécesseur, je m’adresse directement à vous monsieur le ministre. Dans quelques semaines, nous aurons à nous prononcer sur l’évolution de l’accord européen qui a été débattu au cours des dernières semaines et qui nous oblige en particulier à instaurer cette taxe sur les transactions financières. C’est grâce à cette taxe que nous pourrons définir les projets européens et les engagements de notre pays en matière de ressources complémentaires. Je vous invite, monsieur le ministre, à entendre la parole de votre majorité.
Laurent Grandguillaume, qui est à mes côtés, a présenté un amendement par lequel il propose d’abaisser le plafond d’un milliard à 500 millions d’euros. Honnêtement, je ne pense pas que ce soit le moment de le faire. Néanmoins, monsieur le ministre, il faudra que vous entendiez ce souhait des parlementaires d’avoir une assiette de taxation sur les transactions financières la plus large possible, tout en assurant la compétitivité financière de nos entreprises et en préservant le rôle de la place financière de Paris et sa capacité à intervenir sur les marchés financiers de notre continent.
M. le président. La parole est à M. Jean Launay.
M. Jean Launay. Dans cet article, nous doublons le taux de la taxe créée par la première loi de finances rectificative de l’année 2012 et qui doit entrer en vigueur au 1er août. C’est un surplus de recettes de 170 millions d’euros qui est attendu de cette mesure en 2012 et un produit global estimé à 1,6 milliard d’euros en année pleine.
Il ne s’agit pas d’une réelle mise à contribution du secteur financier à l’effort de redressement de nos finances publiques, mais plus d’une simple remise à jour de l’ancien impôt sur les opérations de bourse. Il faut rappeler que la marche vers une véritable taxe européenne sur les transactions financières est longue et que nous n’en sommes qu’à des aménagements techniques et financiers des prémices.
Le vote par l’Assemblée nationale, le 14 juin 2011, d’une résolution relative à l’introduction d’une taxe sur les transactions financières en Europe s’est effectué en même temps au Bundestag allemand, suite à une initiative coordonnée des parlementaires socialistes. La suite, c’est une proposition de directive adoptée par le Parlement européen le 23 mai 2012, c’est le constat établi le 22 juin dernier de la difficulté à avancer à l’unanimité des Vingt-sept sur le sujet et donc celui de la nécessité d’une mise en œuvre de la taxe dans le cadre d’une coopération renforcée. Le Président de la République l’a rappelé lors du Conseil européen des 28 et 29 juin derniers.
La vraie taxe, celle que nous appelons de nos vœux, aurait pu permettre de régler la crise grecque sans demander tant d’efforts aux peuples d’Europe, y compris en Angleterre, un pays qui viendra demain, compte tenu de sa dette totale qui dépasse 900 % de son PIB, supplier l’Europe de l’aider à sauver ses banques. Nos efforts conjoints, mes chers collègues, devraient donc tendre à faire comprendre aux Anglais que l’intérêt de tous, c’est la solidarité : en l’espèce, mettre en place une véritable taxe Tobin et pas seulement au niveau de la zone euro.
Tous nos États ont besoin de dégager des ressources nouvelles, même la Chine, car la crise n’épargne aucun pays. Les dirigeants du G 20 devraient, c’est ma conviction, mettre en œuvre cette taxe sur les transactions financières sans tarder.
M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.
M. Pierre-Alain Muet. L’expression « taxation des transactions financières » est sans doute clairement excessive pour qualifier cette taxe instituée peu de temps avant les élections et qui est, en fait, une sorte d’impôt de bourse amélioré.
Le fait de doubler le taux de cette taxe est complètement pertinent eu égard à nos objectifs européens puisque la directive européenne vise à taxer les deux parties à 0,1 %. Avec le doublement du taux de 0,1 %, la taxe nationale atteint le niveau de la future taxe européenne.
Pour avoir été rapporteur de la résolution européenne adoptée à la quasi-unanimité de l’Assemblée nationale – il n’y avait que deux voix contre –, je me réjouis de ce qui s’est passé à l’échelle européenne depuis l’élection de François Hollande à la présidence de la République. Il fallait constater le désaccord sur la mise en place d’une taxation à l’échelle des Vingt-sept pour pouvoir, enfin, instaurer une coopération renforcée.
Je vous rappelle, mes chers collègues, que dans la proposition adoptée à l’unanimité de cette assemblée, à l’initiative du SPD allemand et du Parti socialiste français mais réunissant des positions partagées dans les parlements de nos deux pays, l’idée était de créer si possible une taxe européenne, à défaut à l’échelle de la zone euro, sinon dans le cadre d’une coopération renforcée.
J’observe que cette coopération renforcée est en train de se mettre en place. C’est une grande avancée qui permettra de faire en sorte que cet embryon de taxe se retrouve dans une vraie taxation des transactions financières dont nous avons clairement besoin en Europe et même au-delà. Je me réjouis donc de ce qui s’est passé depuis un mois et demi à l’échelle européenne.
M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.
M. Jacques Myard. Monsieur le ministre, c’est encore un coup de Trafalgar ! Les Anglais, une nouvelle fois, vont bénéficier du système que nous sommes en train de mettre en place. Monsieur Muet, je suis d’accord avec vous : pourquoi pas une coopération renforcée ? Soit dit en passant, la coopération renforcée était quand même prévue pour des projets un peu plus substantiels.
Cela étant, compte tenu des propos de M. Cameron à M. Hollande, et pour avoir participé à quelques débats avec les Saxons, je peux vous dire qu’ils sont en train de se frotter les mains. J’aimerais que l’on aille au-delà de la coopération renforcée et que l’on fasse peser toute la pression nécessaire, au besoin en prenant des mesures de rétorsion vis-à-vis de la finance anglaise, pour essayer de les bloquer. Sinon, nous sommes en train de leur donner un sacré avantage comparatif. Même si le taux reste très modeste, nous sommes en train de nous mettre en position de faiblesse vis-à-vis de la City qui s’en frotte les mains.
M. le président. La parole est à M. Laurent Grandguillaume, pour soutenir l’amendement n° 395.
M. Laurent Grandguillaume. Conscient de la volonté du Gouvernement de réguler la finance et d’appliquer une fiscalité juste, conscient de sa capacité à être dans l’écoute, le dialogue et la concertation, je suis très optimiste pour le futur. C’est pourquoi je retire mon amendement.
(L’amendement n° 395 est retiré.)
(L’article 6 est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, premier orateur inscrit sur l’article 7.
M. Charles de Courson. C’est une erreur que de doubler la taxe et de l’affecter aux recettes de l’État. Cette taxe se justifie par l’idée qu’en cas de nouveau sinistre bancaire, c’est un fonds dit systémique qui interviendrait, comme il en existe dans plusieurs pays. Mais, pour la deuxième année consécutive, elle devient une recette budgétaire. J’avais déjà demandé à l’ancienne majorité que les 500 millions d’alors, qui vont passer à un milliard, aillent dans un tel fonds systémique. Ainsi, le cas échéant, on n’aurait plus besoin de faire appel à l’État, c’est-à-dire aux contribuables, pour sauver les banques.
Par ailleurs, j’avais demandé en commission si le mécanisme était déductible. Le rapporteur général m’a répondu que oui, en l’absence de disposition contraire. Nous aurons donc 500 millions de recettes supplémentaires, mais grosso modo 150 millions de moins d’impôt sur les sociétés, ce qui ne fait plus que 350 millions de recette au total puisque les estimations de rendement de l’impôt sur les sociétés n’ont pas été réajustées.
Seriez-vous favorable, monsieur le ministre, à ce que ce milliard profite à un fonds systémique géré par des autorités indépendantes, avec des règles prudentielles fortes ? On ne peut pas continuer à fonctionner comme maintenant. Nos jeunes collègues ne savent pas ce qu’a coûté Dexia au peuple français !
M. Pascal Terrasse. On ne le sait pas encore !
M. Charles de Courson. Mais on sait ce que cela nous a déjà coûté, et ce n’est pas fini ! Cela pourrait se terminer à 5 ou 6 milliards, pour donner un ordre de grandeur. Ce n’est pas normal. Avec un fonds systémique doté d’un milliard par an, l’affaire serait réglée en cinq ans sans avoir besoin de faire appel à l’État. Qu’en pensez-vous, monsieur le ministre ?
M. le président. La parole est à M. Gabriel Serville.
M. Gabriel Serville. L’instauration par le gouvernement précédent de la taxe de risque systémique et, au préalable, d’une taxe sur les frais de contrôle n’aura été, au final, qu’un moyen de botter en touche. Alors que la politique de liquidités faciles menée par les banques centrales avantage particulièrement les établissements de crédit, il nous paraît toujours d’actualité de soumettre les banques à des taxes spécifiques, compte tenu à la fois du transfert de la charge de la crise des banques vers les Français dans leur ensemble et de la situation corollaire de nos finances publiques.
La proposition de doubler cette taxe de risque systémique va dans le bon sens. Nous avions, en outre, suggéré à plusieurs reprises d’assujettir les établissements bancaires à une taxe additionnelle à l’impôt sur les sociétés, au taux de 15 %. Nous porterons de nouveau cette proposition lors du prochain projet de loi de finances.
S’il importe de taxer les profits indus de la finance, nous ne saurions cependant nous satisfaire de quelques rentrées budgétaires qui laisseraient perdurer par ailleurs des pratiques dangereuses pour l’économie réelle. Il faut nous prémunir collectivement des dérives qui ont conduit à la crise que nous connaissons, définir des règles de non-présence dans les paradis fiscaux, mettre en place le contrôle des rémunérations, garantir la séparation des banques de détail et d’investissement, interdire certains produits financiers. C’est un débat que nous devrons avoir rapidement. Dans l’attente, nous donnons un avis favorable à l’article 7.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 156.
M. Christian Eckert, rapporteur général. Je profite de cet amendement pour répondre à Charles de Courson. Il serait trop facile pour les banques de se déresponsabiliser en s’acquittant de cette taxe, qui s’apparenterait à une sorte d’assurance obligatoire, et de n’avoir, en cas de pépin, qu’à puiser dans le fonds pour éponger les conséquences de leur imprudence. Voilà pourquoi je ne suis pas favorable à cette option. Mais le débat se poursuivra sur la question, y compris à d’autres niveaux que le nôtre.
L’amendement n° 156 propose d’appliquer le doublement de la taxe à compter du 1er janvier 2013. C’est une façon de la pérenniser, le temps que les choses s’assainissent un peu dans le secteur.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Favorable.
Monsieur de Courson, je vous ai dit, lors de la discussion générale, ce qu’il en était en réalité : nous ne changeons rien à ce que la majorité précédente a pu voter.
M. Charles de Courson. Hélas !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Certains peuvent, en effet, nous en faire reproche. Nous ne faisons que doubler le taux, afin de garantir que le rendement qui nous fut annoncé l’année dernière par le Gouvernement soit atteint. Toutes les questions que vous posez par ailleurs ont donc reçu réponse l’année dernière par la majorité à laquelle vous apparteniez.
M. Charles de Courson. De mauvaises réponses !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je me souviens que nous nous étions tous interrogés, à l’époque, sur les risques de délocalisation qu’implique cette mesure. Ce risque existe, et c’est pourquoi Mme Pécresse y était très hostile, jusqu’à ce qu’elle y devienne favorable dans les conditions et pour les raisons que l’on connaît. En doublant le taux, nous nous efforçons seulement de garantir le rendement dont les finances publiques ont besoin.
La taxe porte sur trois assiettes distinctes. L’une concerne les taxations sur la haute fréquence, pratique dont le ministre, à l’époque, nous avait dit qu’elle n’existait pas, ou très peu, en France. La deuxième est relative au commerce des crédits d’assurance sur les dettes souveraines, dont une directive européenne interdira l’échange à compter de l’automne prochain. La troisième, qui produira donc quasiment l’intégralité de la recette, porte sur les échanges de titres de sociétés, avec un critère de capitalisation d’un milliard sans dérogation. L’impôt de bourse que vous avez supprimé avait un critère d’éligibilité plus large, mais avec de telles dérogations que cela revenait à peu près au même. C’est en fait au rétablissement d’un impôt de bourse que le gouvernement précédent a procédé l’année dernière, pas à une réforme structurelle. Le taux en est simplement doublé afin d’en garantir le rendement.
M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.
M. Jacques Myard. Je profite de cet amendement pour demander au Gouvernement s’il a commencé à réfléchir à la différenciation entre les banques d’affaires et les banques d’investissement, débat récurrent en cas de risque systémique. On a beaucoup décrié les banques françaises qui avaient pris des risques d’investissement. On peut, par ailleurs, observer que, aux États-Unis, le nombre de banques d’investissement s’est fortement réduit parce que, en définitive, toutes les banques assument en gros les mêmes risques. Pouvez-vous nous dire un mot à ce propos ?
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Je voudrais faire deux remarques sur l’amendement. Tout d’abord, il faut supprimer le terme de contribution « exceptionnelle » dans le titre de l’article, puisque le rapporteur général veut la rendre permanente.
Ensuite, si j’ai bien compris, l’amendement porte la taxe de 550 millions, proposition du Gouvernement, à 800 millions. Comme il est confirmé que ce sera déductible, l’impôt sur les sociétés va se trouver réduit d’environ un tiers de cette somme, soit en gros 280 millions. Mais l’estimation du produit de l’IS n’a pas été réajustée pour en tenir compte ! Je redis donc au ministre que, du point de vue des finances publiques, il eût été plus astucieux de créer un fonds systémique avec des dotations non déductibles copropriétés des banques. C’est ce qu’ont fait, par exemple, les États-Unis. Vous l’évoquez, d’ailleurs, dans l’étude d’impact : les systèmes retenus sont plus fréquemment des fonds de lutte contre le risque systémique que des recettes générales. Le jour où une banque baissera le rideau, une nouvelle fois, nous aurons une dépense sur le budget de l’État au lieu de tirer sur le fonds systémique.
(L’amendement n° 156 est adopté.)
(L’article 7, amendé, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, premier orateur inscrit sur l’article 8.
M. Charles de Courson. Il s’agit de la taxe sur la valeur des stocks de produits pétroliers. Je voudrais savoir quel en est le fondement. Il ne s’agit pas là, en effet, de ne taxer que les compagnies pétrolières, mais aussi tous les distributeurs, c’est-à-dire surtout les grandes surfaces puisque les stocks pétroliers sont majoritairement aujourd’hui détenus par la grande distribution et que, en outre, on a imposé aux distributeurs de maintenir une réserve de trois mois.
Autre problème : l’impact sur le prix du carburant, car les distributeurs vont, bien entendu, se faire un plaisir de répercuter la taxe sur les prix à la consommation. Le Gouvernement pourrait-il nous éclairer sur ces problèmes ?
M. le président. La parole est à M. Jean Launay.
M. Jean Launay. Il est courant qu’un gouvernement propose d’instaurer une contribution exceptionnelle sur le secteur pétrolier. Nous l’avions fait en 2001 et 2002, et, en 2007, Frédéric Lefebvre avait créé par amendement l’article 67 de la loi de finances rectificative pour 2007. On appelait alors prime à la cuve cette taxe sur la provision pour hausse des prix, qui a généré une recette de 163 millions, versée par neuf entreprises, et qui avait été reconduite en 2008 et 2009.
En 2011, la majorité précédente a souhaité, toujours dans une loi de finances rectificative, instaurer une autre contribution destinée à financer la revalorisation de 4,6 % du barème kilométrique applicable aux salariés, BIC et BNC au titre de 2010. Le produit s’en était élevé à 115 millions.
Le dispositif d’aujourd’hui est différent. Avec une assiette plus large, il générera un produit plus important, que nous estimons à 550 millions en appliquant le taux de 4 % à la valeur monétaire des stocks moyens des produits pétroliers.
Mais gardons à l’esprit le poids du secteur de l’énergie dans le budget des ménages, l’importance du plein d’essence pour le porte-monnaie de nos compatriotes. Gardons encore à l’esprit que l’inflation provient essentiellement de l’augmentation des prix du pétrole, passé en quelques années de 25 à 100 dollars le baril.
C’est pourquoi j’émets l’idée, pour lutter contre la hausse des prix de l’énergie et contre le dérèglement climatique tout en créant massivement des emplois, que la Banque centrale européenne mette à la disposition de la Banque européenne d’investissement, à des taux proches de zéro, de quoi financer un vaste plan européen d’économies d’énergie.
M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu. Comme l’a dit notre collègue Launay, l’idée d’une contribution exceptionnelle acquittée par le secteur pétrolier n’est pas neuve. Des contributions de ce type ont, d’ailleurs, été mises en place en 2008, 2009 et 2010, avec un rendement modeste. Le rendement de la contribution sur les provisions pour hausse de prix a ainsi été estimé en 2009 et 2010, à 115 millions d’euros. On ne peut s’empêcher de mettre ce montant en regard de celui des bénéfices colossaux que réalisent certaines compagnies pétrolières. Vous aurez évidemment compris que je veux parler de Total, qui a réalisé, l’an dernier, 12 milliards d’euros de bénéfices mais n’a acquitté qu’un peu plus d’un milliard d’impôt sur les sociétés.
M. Charles de Courson. En France !
M. Nicolas Sansu. Oui, en France. Ce n’est quand même pas beaucoup si l’on considère ce qui devrait vraiment être payé.
Nous voterons, évidemment, cette taxe, mais nous souhaitons que le Gouvernement soit très vigilant quant aux conséquences que son instauration pourrait avoir sur les consommateurs. Il s’agit bien d’un prélèvement sur des bénéfices indécents, cela ne doit pas être une taxe payée par les consommateurs finaux.
M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.
M. Hervé Mariton. Le Gouvernement mobilise une recette assez classique sur les stocks pétroliers. Nous l’interrogerons tout à l’heure, à travers un amendement, sur les conséquences que la mesure aura sur les prix et sur le pouvoir d’achat des automobilistes, et donc des Français.
L’occasion nous est donnée, monsieur le ministre délégué, de vous interroger sur la mise en œuvre de l’engagement présidentiel de rétablir la TIPP flottante. Si vous m’expliquez que les prix des carburants ont récemment baissé et que le sujet n’est pas d’une actualité immédiate, je peux le comprendre, mais chacun sait que les marchés pétroliers sont relativement volatils et que la baisse dont nous bénéficiions ces dernières semaines n’est pas éternelle, elle ne s’inscrit pas dans la durée. Il serait donc de bonne pratique que le Gouvernement nous dise quelles sont ses intentions pour l’avenir. À l’UMP, nous n’avons jamais été des partisans enthousiastes de la TIPP flottante, mais, puisque cet engagement a été pris, et quand bien même rien ne commande d’agir immédiatement, tout suggère que nos concitoyens devraient être éclairés sur la manière dont on répondrait à un retournement de conjoncture.
La taxe que vous nous proposez de voter n’a rien de structurel, chacun le sait, mais cela ne vous dispense pas de mener une réflexion structurelle à propos des prix pétroliers. Un engagement a été pris, vous pouvez jouer sur les délais pour ne pas le tenir tout de suite car il n’y a pas d’urgence en termes de pouvoir d’achat, mais il serait bon que nous ne fussions point obligés d’attendre trop longtemps le fruit de vos réflexions et vos propos si l’urgence se faisait jour. Aujourd’hui me paraît le bon moment pour réfléchir et proposer.
M. le président. La parole est à M. Yves Jégo, pour soutenir l’amendement n° 481.
M. Yves Jégo. Cet amendement vise à préserver une industrie importante de notre pays, celle du raffinage. Si la volonté gouvernementale de taxer les stocks pétroliers n’épargne pas les stocks détenus par les industriels du raffinage, cela crée une vraie distorsion par rapport aux simples importateurs. Par cet amendement, je veux essayer de préserver au maximum les emplois dans un secteur dont les derniers mois ont montré, notamment avec l’exemple de Pétroplus, qu’il était un secteur à la fois porteur en termes d’emploi et en proie à des difficultés.
Il me semblerait raisonnable d’épargner les activités productrices d’emplois qui ont besoin de stocks pétroliers. Je vous propose donc d’extraire trois millions de tonnes de produits pétroliers de l’assiette de vingt-deux millions de tonnes que vous envisagez. Ces trois millions de tonnes correspondent aux stocks détenus par les raffineries.
Lors de la discussion en commission, vous aviez, monsieur le rapporteur général, laissé une porte ouverte en déclarant que ces stocks, dits stocks-outils, vous semblaient ne pas être taxés. Je m’aperçois qu’ils le sont. J’aimerais vraiment, non pas seulement en tant que député de Grandpuits mais aussi parce que j’ai pu être confronté en d’autres temps, dans l’exercice d’autres fonctions, à cette question des raffineries, que la raison prévale.
L’amendement que je propose ne diminuerait guère le rendement de la taxe. En revanche, il préserverait des centaines, voire des milliers, d’emplois dans cette activité industrielle stratégique du raffinage. Je souhaite donc que le Gouvernement examine avec la plus grande bienveillance cet amendement raisonnable à un projet de taxe dont, pour ma part, je ne conteste pas la nécessité.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. Votre amendement aurait l’inconvénient, mon cher collègue, de concentrer la quasi-totalité de la taxe sur la Société anonyme de gestion des stocks stratégiques, et les informations dont je dispose me donnent à penser que l’assiette de la taxe serait amputée de bien plus de trois millions de tonnes de stocks pétroliers.
Cette contribution exceptionnelle, comme les précédentes, vise à corriger une très faible imposition. Je réponds également, en l’occurrence, aux points soulevés par notre collègue Mariton et d’autres, qui s’inquiétaient de l’impact de cette mesure sur les consommateurs. Pardonnez-moi, mes chers collègues, de devoir le rappeler systématiquement, mais l’entreprise Total réalise environ – êtes-vous tous assis ? – un milliard d’euros de bénéfices par mois.
M. Patrick Ollier et M. Lionel Tardy. Pas en France !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Et alors ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. Le produit total de la taxe proposée représente, pour sa part, environ 550 millions d’euros par an, c’est-à-dire environ un demi-mois de bénéfices de la seule entreprise pétrolière Total, dont je vous rappelle qu’elle paie, au titre de l’impôt sur les sociétés, un montant très facile à retenir : zéro euro. Zéro euro, mes chers collègues !
Nous pouvons donc, très sereinement, considérer que l’on n’étrangle pas le secteur avec une telle disposition. Ce type d’entreprise – je pense toujours à la même – maîtrise l’ensemble de la filière et est donc capable de déplacer ses bénéfices là où elle le souhaite. Aussi peut-elle supporter cette taxation sans impact sur le consommateur, à moins de lui donner le sentiment d’être cocufié.
M. Jacques Myard. On va voir !
M. Christian Eckert, rapporteur général. J’émets donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je ne peux qu’émettre un avis défavorable, monsieur Jégo. Le coût d’une telle réduction d’assiette serait trop élevé : 120 millions d’euros. De surcroît, les raffineurs ne sont concernés qu’à hauteur du tiers du produit de la taxe. Surtout, tel qu’il est conçu, ce prélèvement permet de taxer les traders, ce que d’autres assiettes ne permettraient pas ; reconnaissez que ce serait extrêmement regrettable.
S’agissant des raffineurs, il me semble que vous étiez présent lorsque nous avons récusé la suppression de l’exonération pour la consommation intérieure. Les spécificités de l’industrie que vous avez évoquées me paraissent donc avoir été prises en considération, et aller au-delà ne serait peut-être pas raisonnable.
S’agissant du prix, puisque vous m’avez interrogé à ce propos, c’est, comme vous le savez, le comité professionnel des stocks stratégiques pétroliers qui fait une proposition à la SAGESS, laquelle la répercute sur les opérateurs. Ensuite, ceux-ci peuvent éventuellement remonter jusqu’au comité professionnel des stocks stratégiques pétroliers, dans lequel l’État est présent. Bref, il existe de nombreux garde-fous pour éviter une quelconque répercussion sur le consommateur ; je ne crois donc pas que cela soit à craindre.
Quant au risque d’une éventuelle mise en danger de l’industrie pétrolière, auquel certains parlementaires sont sensibles, je ne crains pas une seconde que le siège social soit délocalisé. Obtenir des permis de prospection et d’exploration suppose le concours actif de la diplomatie du pays dans lequel le siège social est installé, et j’ai la faiblesse de penser que la diplomatie française n’est pas forcément la plus maladroite en la matière en Europe.
M. Jacques Myard. Attention, il y a de la concurrence !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Outre cela, j’appelle votre attention sur les très récentes déclarations de M. de Margerie. Voici ce qu’il a déclaré aujourd’hui même : « Les taxes, ça ne me fait évidemment pas plaisir, mais, en même temps, il faut bien équilibrer le budget et mon entreprise y pourvoira et le supportera. »
Je vous suggère donc de ne pas être plus royaliste que le roi.
M. le président. La parole est à M. Yves Jégo.
M. Yves Jégo. Je crois que personne ne met en cause l’esprit de responsabilité du patron de Total, M. de Margerie. Si quelqu’un l’a fait dans cet hémicycle au cours de ces derniers mois, ce n’était sûrement pas sur nos bancs.
M. Pouria Amirshahi. Ça, c’est vrai !
M. Yves Jégo. Chers collègues de la majorité, vous ne teniez pas, hier, les mêmes propos à l’égard de celui que vous trouvez particulièrement responsable aujourd’hui. Je suis heureux que vous ayez progressé sur la voie de la sagesse et que vous commenciez à considérer que cette grande entreprise française est utile à notre pays.
Vos avis, monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre délégué, sortaient quelque peu du champ de cet amendement, car vous avez voulu répondre à d’autres questions qui vous avaient été posées. Cela dit, je ne comprends pas pourquoi vous changez de position, monsieur le rapporteur général. En commission des finances, vous avez effectivement déclaré que, pour vous, en raison de leur utilité propre, les stocks-outils n’étaient pas taxés. Pourquoi ce changement ?
Par ailleurs, je maintiens, monsieur le ministre délégué, les chiffres que j’ai avancés. Je souhaite donc vivement que vous ayez à cœur de ne pas refermer cette porte. Ma proposition me semble vraiment raisonnable, et il s’agit d’une activité économique importante, source d’emplois et stratégique de plusieurs points de vue. Il n’est pas raisonnable de taxer ainsi les stocks des raffineries – je ne parle pas des stocks pétroliers en général, je n’ai pas de blocage sur cette question. Je crois qu’il faut envoyer un message positif, montrer que nous tenons à cette industrie. Or, si le montant de cette taxe n’est pas, en lui-même, si important que cela, il s’ajoute tout de même à beaucoup d’autres.
Puisse le Gouvernement entendre ces arguments, qui n’ont pas vocation à être clivants, qui sont des arguments de bon sens pour défendre l’emploi. Sinon, on taxera de la même manière ceux qui créent des emplois et ont une activité propre et ceux qui ne font qu’importer de l’essence pour la revendre, souvent par l’intermédiaire des grandes surfaces, où elle devient un produit d’appel pour attirer les consommateurs.
(L’amendement n° 481 n’est pas adopté.)
M. le président. L’amendement n° 157 de la commission des finances est rédactionnel.
(L’amendement n° 157, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 158.
M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est un amendement de précision important. La précision « hors droits, taxes et redevances » ôte toute ambiguïté.
(L’amendement n° 158, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. L’amendement n° 172 de la commission des finances est rédactionnel.
(L’amendement n° 172, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 177 rectifié.
M. Christian Eckert, rapporteur général. Il s’agit d’assurer la non-déductibilité de cette charge. Cela rassurera M. de Courson dont nous avons entendu les arguments tout à l’heure.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Favorable.
M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Je ferai une observation : si la société qui détient les stocks stratégiques est bien assujettie à la taxe ad valorem et qu’elle refacture en intégrant dans les prix le coût de la taxe, cela devient bien entendu déductible pour ceux qui les rachètent. Avez-vous bien mesuré la portée de cet amendement ?
(L’amendement n° 177 rectifié est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 330.
M. Hervé Mariton. Comme je l’ai dit tout à l’heure, cette taxe n’est ni originale ni scandaleuse en tant que telle. Elle peut, cependant, emporter des conséquences sur le prix des carburants. Notre groupe souhaite donc que le Gouvernement remette au Parlement un rapport qui évalue l’impact de la contribution exceptionnelle sur les prix des carburants pour les consommateurs. Il y a, dans ce collectif budgétaire, une addition de mesures défavorables au pouvoir d’achat de nos concitoyens. Celle-ci n’est probablement pas la plus grave, mais il n’y a aucune raison pour qu’elle se révèle finalement favorable.
Par ailleurs, je crois que la représentation nationale serait heureuse que le Gouvernement m’éclaire et réponde à la question que je me suis permis de poser tout à l’heure, à propos du destin du dispositif d’évolution des prix des carburants, qui est un des engagements du nouveau Président de la République.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. Avis défavorable. Le gouvernement aura à cœur de vous éclairer lors de la discussion de la loi de finances initiale pour 2013.
M. Pascal Terrasse. Absolument ! Un peu de patience !
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable pour une raison très simple : ce rapport serait remis quinze jours après l’entrée en vigueur de la taxe, laquelle aura donc disparu au moment où le Parlement pourra prendre connaissance du rapport. Je suggère, bien que cela n’ait pas été prévu par le Grenelle de l’environnement, que nous ne rédigions pas de rapports inutiles et ne contribuions pas de la sorte à la déforestation de la planète.
Monsieur Mariton, je n’ai pas d’élément à vous communiquer pour l’instant concernant le sujet que vous évoquiez, ce que l’on appelle la « TIPP flottante ». Il va de soi que lorsque le Gouvernement aura défini les modalités de son action en la matière, le Parlement en sera le premier informé. Comme je vous sais particulièrement assidu dans cette maison, vous serez parmi les premiers à savoir ce qu’il en est.
Quant à M. Jégo, je lui répondrai à propos de l’exonération dont les raffineurs pourraient éventuellement bénéficier. Lorsque la majorité précédente, dont il faisait partie, a instauré une taxe, personne – en tout cas pas lui – n’a proposé d’en exonérer les raffineurs.
M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier.
M. Patrick Ollier. Je reviens sur la nécessité pour le Parlement, monsieur le ministre et monsieur le rapporteur général, d’être informé. J’ai entendu tout à l’heure, sur plusieurs bancs, des inquiétudes très vives quant aux conséquences d’un tel dispositif sur les prix, c’est-à-dire pour les consommateurs. Le ministre a dit qu’il ne croit pas que ces conséquences seront lourdes. Vous avez dit, monsieur le rapporteur général – je reprends vos mots – que le consommateur ne doit pas être « cocufié ».
Vos intentions sont donc très positives, je vous en remercie. Mais effectivement, rien ne vaudrait un rapport qui serait remis au Parlement et qui permettrait d’évaluer les conséquences de cette taxe, d’une part sur les stocks, d’autre part sur les prix, de telle sorte que nous soyons parfaitement informés.
Une taxe, pour quoi faire ? Quelles en seront les conséquences ? Il paraît là aussi tout à fait normal que nous en soyons parfaitement informés. À tout le moins, si vous ne voulez pas de rapport, vous pourriez organiser un débat. Il faut dans tous les cas un retour au Parlement sur cette initiative à laquelle nous ne sommes pas forcément défavorables, mais dont nous voulons savoir avec précision la pertinence et les résultats.
(L’amendement n° 330 n’est pas adopté.)
(L’article 8, amendé, est adopté.)
M. le président. Je suis saisi d’un amendement n° 374 portant article additionnel après l’article 8. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen, pour le soutenir.
Mme Marion Maréchal-Le Pen. Je suis surprise que l’UMP s’intéresse soudain à un éventuel rétablissement de la TIPP flottante et je ne puis donc qu’inviter les membres de ce groupe à voter en faveur de notre amendement. En effet, nous souhaiterions que soit mis à l’étude le rétablissement de cette TIPP flottante, mécanisme créé en 2000 par le gouvernement Jospin, et supprimé, un peu rapidement sans doute, en 2002.
Nous aimerions donc que l’impact du rétablissement de ce mécanisme soit présenté au Parlement à l’occasion de la discussion de la loi de finances pour 2013. L’initiative de cette remise au goût du jour est d’ailleurs le fait du candidat François Hollande, qui l’a évoquée le 15 mars dernier par l’intermédiaire de son porte-parole sur les questions économiques, M. Michel Sapin. Une telle mesure vise à amortir l’impact des variations du prix du brut, qui sont amplifiées par le levier de la TVA. De nombreux professionnels, routiers, chauffeurs de taxi, artisans, appellent de leurs vœux cette modulation de la TIPP, rebaptisée d’ailleurs TICPE en 2011. Un retour à la stabilité des prix à la pompe est indispensable à la gestion prévisionnelle des usagers de véhicules utilitaires.
Vous pourriez, certes, m’opposer le phénomène de l’érosion des recettes fiscales en cas de hausse continue du prix du brut. Mais tel n’est plus nécessairement le cas désormais. Le lissage du prix des produits énergétiques pourrait donc, à l’horizon 2013, être partagé entre l’État, les consommateurs et les sociétés pétrolières.
M. Jacques Myard. Vous ne vous attendiez pas à un pareil soutien, chers collègues de la majorité !
Mme Marion Maréchal-Le Pen. Voilà, brièvement exposé, le sens de notre amendement. Réfléchissons sereinement à une formule abandonnée en 2002 et relancée en 2012 par le programme même du candidat élu.
M. le président. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. Je ferai la même réponse qu’au sujet de l’amendement précédent : les rapports s’accumulent sur les bureaux du Parlement. Je ne peux que vous renvoyer à la discussion sur la loi de finances initiale pour 2013. Je pense que vous aurez à cœur d’être à nos côtés à l’automne pour étudier ce texte. L’avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Madame la députée, le gouvernement ne peut donner qu’un avis défavorable, au nom d’un principe simple : avant de s’inquiéter des conséquences, il faut s’assurer des causes. Or vous demandez un rapport sur une mesure dont le Gouvernement n’a pas encore défini les modalités, comme je l’ai indiqué tout à l’heure à votre collègue Hervé Mariton. Dans l’hypothèse où, dès cette année, le Gouvernement déciderait, pour des raisons qui tiendraient notamment à la hausse du prix du baril de pétrole, de mettre en œuvre des mesures de cette nature, alors votre demande pourrait prendre toute sa place. Mais tant que cela n’est pas le cas, il me semble que votre amendement est à tout le moins prématuré. Si vous n’acceptez pas de le retirer, je serai obligé d’en demander le rejet.
M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.
M. Hervé Mariton. Je rappelle simplement notre analyse : nous n’avons jamais été convaincus de la rationalité ni de l’efficacité de la TIPP flottante.
M. Pascal Terrasse. C’est le moins qu’on puisse dire !
M. Hervé Mariton. Mon interpellation, tout à l’heure, avait pour objectif de savoir quelles sont les intentions du gouvernement. Je rappelle notre analyse du principe même de ce type de dispositif, qui est constante et – je crois – assez solidement établie : cela n’est pas un bon moyen de protéger nos concitoyens. Le coût de cette mesure, en termes de finances publiques, serait sans rapport avec son efficacité, qui n’est d’ailleurs guère démontrée.
(L’amendement n° 374 n’est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier. Cet article prévoit le versement anticipé de la contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés. Depuis quelques jours, nous avons – je crois – tout essayé pour préserver et renforcer la compétitivité de nos entreprises, alors même que chacun voit que la croissance sera nulle cette année, et que la récession guette.
Si nous insistons sur cet article, c’est parce que c’est nous qui avions décidé de mettre en place cette contribution exceptionnelle, contre laquelle vous aviez voté à l’époque – je dis cela pour M. Terrasse. Mais elle ne devait s’appliquer qu’en 2013. Chacun peut mesurer les conséquences de cette différence de calendrier : 800 millions d’euros supplémentaires seront prélevés su les entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre 250 000 et 1 milliard d’euros, alors que les trésoreries n’ont jamais été aussi faibles et alors que l’on a besoin que les entreprises investissent, car ce sont elles qui permettent de tirer encore un peu la croissance. Amputer leurs trésoreries de 800 millions d’euros n’est pas, me semble-t-il, la meilleure solution, car leur capacité d’investissement s’en trouvera affectée.
Pendant la campagne présidentielle, François Hollande a souvent dit qu’il fallait de la stabilité fiscale, législative et réglementaire. Or que voit-on ?
M. Lionel Tardy. Tout l’inverse !
M. Philippe Vigier. Ce n’est pas la stabilité fiscale, mais l’instabilité fiscale ! Voilà un second mauvais coup porté à ces entreprises dont nous avons besoin. Vous prévoyez pour l’année 2013 une croissance supérieure d’environ 1 % à la croissance actuelle. Il sera grand temps de demander à ce moment-là cette contribution.
Ce problème de calendrier pose une vraie difficulté. Après la TVA anti-délocalisation que nous avons portée et que vous avez rejetée, après la défiscalisation et l’exonération de charges sociales patronales des heures supplémentaires à laquelle vous mettez fin, voici un troisième coup de canif à la compétitivité de nos entreprises. Reprenez-vous, monsieur le ministre : c’est important !
M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Cet article vise à transférer une partie de la trésorerie des entreprises vers celle de l’État. J’en comprends parfaitement la logique, mais je ne peux pas y souscrire. Vous déshabillez les entreprises – Philippe Vigier l’a dit – pour pouvoir afficher, au moyen d’artifices comptables, des chiffres flatteurs.
Les entreprises ont un besoin vital de leur trésorerie. Le défaut de paiement, je le rappelle, est la principale cause de mortalité des entreprises – alors même, parfois, que tout le reste va bien et que les carnets de commande sont pleins. Il suffit alors que le banquier ferme la ligne de trésorerie, et c’est fini !
Au début de la crise, en 2008, notre majorité a sauvé bien des emplois en soutenant les trésoreries des entreprises. Nous avons, par exemple, accéléré les récupérations de TVA pour les entreprises.
M. Jacques Myard. C’est exact !
M. Lionel Tardy. Alors que vous vous activez beaucoup sur quelques grands dossiers pour sauver des emplois qui sont de toute manière très menacés, vous allez par cette mesure asphyxier les entreprises et provoquer une foule de petits licenciements silencieux. Il n’y a pas que PSA ou Doux qui sont en difficulté, mais, visiblement, seuls les dossiers qui passent au journal de vingt heures qui vous intéressent ! Encore une fois, c’est la compétitivité des entreprises, et plus encore, leur survie, qui est en jeu.
Nous avons reçu hier après-midi, en commission des affaires économiques, le ministre du redressement productif. Il a beaucoup parlé de la compétitivité, qui, au-delà des critères déjà énumérés, soutient l’innovation et garantit le bon fonctionnement de l’économie. J’ai ajouté un critère qui n’avait pas été cité : la modération fiscale. Il est encore un autre critère, majeur, qui n’a pas été cité hier après-midi : la création et le maintien d’un environnement administratif et fiscal propice au développement des entreprises. Oui, c’est bien là le critère majeur. Or ce qui se passe en ce moment dans l’hémicycle, avec le débat sur les heures supplémentaires et sur la hausse du forfait social – dont nous parlerons bientôt – aboutit au contraire.
Je pense donc qu’il s’agit là d’une mauvaise idée.
M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
M. Jean-Christophe Lagarde. C’est le groupe Nouveau Centre qui avait permis, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative de 2011, l’adoption de cette contribution exceptionnelle, parce qu’elle nous paraissait à la fois juste et proportionnée. Cela avait donné lieu à de nombreux débats.
Cette contribution devait s’appliquer à l’année 2012 et être payée en 2013. Or, quel sera l’effet de votre mesure ? Au lieu de payer cette contribution en 2013, les entreprises devront l’imputer sur un exercice budgétaire antérieur, c’est-à-dire celui de 2012. Comme Philippe Vigier vient de le dire, on ne peut donc pas parler de stabilité fiscale.
Nous avions laissé aux entreprises le temps de savoir, de comprendre, de calculer et de prévoir les sommes nécessaires pour payer cette contribution exceptionnelle. Mais vous, pour renflouer la trésorerie de l’État, vous pompez dans la trésorerie des entreprises, alors que cela n’est pas prévu dans leurs budgets.
De plus, vous faites cela au moment même où la croissance s’avère plus faible que prévu. Vous le regrettiez vous-même l’autre jour, nous le regrettons tous. Or si la croissance est plus faible que ce qui était prévu, cela signifie qu’il y a moins de rentrées pour les entreprises. Et c’est à ce moment que vous les taxez par avance de 800 millions d’euros et affaiblissez leur trésorerie !
Je trouve cela vraiment incohérent. Je ne peux pas croire, monsieur le ministre, que la trésorerie de la France soit dans un tel état que ces 800 millions d’euros ne puissent attendre le premier trimestre 2013, et que vous ayez absolument besoin de les faire rentrer d’ici la fin de cette année.
D’autant plus que vous annoncez des dépenses nouvelles : c’est donc que vous avez parfaitement la possibilité, comme vous le disiez, de les financer sur l’année 2012, sans prendre l’argent qui était prévu pour l’année 2013. Ou alors vous utilisez des expédients pour remplir les caisses de l’État !
Cette contribution était programmée pour 2013 ; en la déprogrammant, vous causez des difficultés à de nombreuses entreprises. 800 millions d’euros, ce n’est pas rien, vu le nombre relativement faible de sociétés auquel cette mesure s’applique.
Il est possible, à cette heure, de dresser un bilan de nos débats. Vous avez remis le coût de la politique familiale sur le dos des entreprises ; vous avez augmenté les charges salariales et patronales sur les heures supplémentaires ; et vous prenez 800 millions d’euros aux entreprises alors que cela n’était pas prévu cette année.
Il me semble, monsieur le ministre, qu’il y a d’autres moyens de faire que d’anticiper ce versement, qui, du coup, vous échappera en 2013. Le problème de ces 800 millions d’euros se posera donc à nouveau en 2013.
M. le président. La parole est à M. Gilbert Collard.
M. Gilbert Collard. Nous voterons contre la mesure proposée, qui se résume pour nous à une avance de trésorerie de 800 millions d’euros sur 2012, avec une baisse des recettes corrélatives pour l’année 2013. Cela vient d’être dit, je vous prie de m’excuser de le répéter. Cette somme est totalement dérisoire par rapport aux déficits publics successifs, mécaniques, et à la dette cumulée qui en est la résultante – sans qu’on sache bien, dans le méli-mélo qui nous encercle, à qui l’imputer.
Votre argument principal, et on peut l’entendre, est de dire que cette loi de finances rectificative ne pénalisera que les grandes entreprises. C’est, pour moi, veuillez m’en excuser, un effet d’annonce qui est, de plus, partiellement inexact. Les firmes concernées vont mécaniquement répercuter votre ponction fiscale – qui n’est pas une ponction médicale, car vous tuez à petit feu le malade – sur leurs prix de vente ou, si la concurrence euromondialiste féroce leur interdit de majorer leurs tarifs, vous allez les inciter à délocaliser ou encore à bloquer, ce qui est tout aussi grave, les salaires.
La facture finale – ce n’est plus la lutte finale… – sera payée par les consommateurs ou par les salariés. À force d’assurer la trésorerie de l’État en faisant les poches des entreprises, vous risquez de compromettre notre redressement. On vous entend souvent parler de redressement mais on se demande si la France n’a pas une sacrée scoliose économique !
Mme Marion Maréchal-Le Pen. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier.
M. Patrick Ollier. Les mesures, comme on l’a déjà souligné, se cumulent et s’accumulent. Je ne sais pas si vous l’avez apprécié, mais un problème d’économie générale évident se pose, au regard de la fragilité de nos petites et moyennes entreprises dans le contexte économique actuel. S’agissant de la trésorerie, vous anticipez, avec les 800 millions en 2012, sur ce que vous devrez prélever en 2013. Non seulement vous touchez les entreprises dans leur fragilité, mais vous allez aussi déséquilibrer les comptes de 2013. Comment envisagez-vous, monsieur le ministre, selon le principe des vases communicants que vous allez certainement nous expliquer, de boucher ce trou de 800 millions d’euros en 2013 ? Le problème se posera, en effet, forcément. Y aura-t-il une nouvelle contribution ? Avez-vous imaginé un système particulier ?
Enfin, je parlerai de vache à lait. Depuis l’examen de l’article 1er, nous constatons que les cibles sont très clairement identifiées : il s’agit, entre autres, de la politique familiale supportée par les entreprises, cela a été dit également, et de la réintégration de la taxe sur les heures supplémentaires. Nous assistons à une accumulation de mesures, ce qui ne peut que porter atteinte à l’équilibre des finances de nos entreprises. Vous attaquez les riches, mais ce sont, en vérité, les classes moyennes qui sont concernées, et maintenant vous tapez sur les entreprises. Avez-vous mesuré les conséquences sur l’emploi, sur les prix ? On ne peut pas, en effet, opérer de tels prélèvements sans que cela ait des conséquences sur l’un ou sur l’autre.
(Mme Sandrine Mazetier remplace M. Marc Le Fur au fauteuil de la présidence.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Myard.
M. Jacques Myard. Monsieur le ministre, je vous trouve, finalement, un peu pusillanime ! Pourquoi ne demander qu’une avance sur 2013 ? Allez plus loin et demandez-la sur plusieurs années ! Quand vous ferez les poches, cela aura au moins un sens ! Vous devez être plus audacieux !
Franchement, je trouve la méthode très étonnante. Je me demande même, d’ailleurs, s’il n’y a pas un problème constitutionnel quelque part ! Après la rétroactivité, vous passez aux anticipations ! Alors, allez-y ! Prévoyez pour 2013, 2014, 2015, ce sera plus logique ! Allez au bout de la logique !
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements identiques, nos 49, 331, 469, 472 et 474, tendant à supprimer l’article 9.
La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 49.
M. Lionel Tardy. Chacun en convient et cela a été souligné lors de cette courte discussion, les entreprises rencontrent, d’une façon générale, des difficultés pour se financer. Or vous allez, de plus, taxer leur trésorerie. C’est pourquoi je demande, par cet amendement, la suppression de cet article, même s’il ne concerne que les grosses entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 250 millions.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour présenter l’amendement n° 331.
M. Hervé Mariton. Nous démarrons une nouvelle législature. Ce genre de recettes n’est pas la caractéristique de ce seul gouvernement, car il faut sans doute imaginer que d’autres gouvernements ont aussi, en leur temps, failli et recouru à des méthodes de ce type,…
M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est pertinent !
M. Hervé Mariton. …mais on pouvait imaginer que cette manière de faire s’arrête là. Vous avez, dans votre intervention de l’autre jour, monsieur le ministre, parlé de la parole de la France. À ce stade déjà avancé de notre débat, on peut sourire et s’amuser d’un dispositif de ce type, voir même le critiquer. Jacques Myard a ainsi eu raison de suggérer d’anticiper – pourquoi pas sur 300 ans ?
Mais, en réalité, de telles méthodes ne contribuent pas à la solidité de la parole de la France à l’étranger. D’autres majorités ont-elles été faillibles sur ce terrain ? La réponse est oui. Alors que démarre une législature et à un moment où il est, en effet, essentiel de renforcer la parole de la France, est-il judicieux d’arrêter de procéder ainsi ? Je le crois, monsieur le ministre. Alors, un peu de vertu, pour une fois, renoncez à cette recette et proposez les économies correspondantes !
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour défendre l’amendement n° 469.
M. Charles de Courson. Anticiper une recette exceptionnelle aboutira, l’étude d’impact le montre, à ce qu’il vous manquera 800 millions l’année prochaine. Ce n’est franchement pas de bonne politique. On l’a remarqué tout à l’heure quand, suite à un amendement de M. le rapporteur général, vous avez transformé un prélèvement exceptionnel en prélèvement permanent. On sait parfaitement que vous serez condamné à multiplier ce genre d’artifices. Je le répète, ce n’est pas de bonne politique. C’est pourquoi nous avons déposé un amendement de suppression de l’article. Laissez cette recette pour 2013 et ne proposez rien d’autre !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n° 472.
M. Jean-Christophe Lagarde. Ce n’est malheureusement pas très original : Hervé Mariton vient de le rappeler, il est arrivé à nombre de gouvernements d’utiliser de tels expédients. Nous croyions que le changement c’était maintenant et que c’en était fini des expédients. Il n’y a malheureusement pas de changement et vous utilisez, comme vient de le souligner mon collègue de Courson, un expédient qui vous manquera en 2013. Ainsi, au moment même où vous préparez le projet de loi de finances pour 2013, vous vous permettez – certes, vous n’êtes pas le premier – de faire de la cavalerie budgétaire, ce que la loi interdit, d’ailleurs, en règle générale, aux collectivités locales et à un certain nombre d’organismes.
Je suis déçu, monsieur le ministre, parce que, lorsque vous étiez président de la commission des finances je vous ai entendu souvent stigmatiser, à juste titre, ce genre d’expédients, souvent stigmatiser la cavalerie budgétaire et aussi stigmatiser le recours tantôt aux particuliers, tantôt aux entreprises pour faire la trésorerie de l’État. Je ne crois pas, pour ma part, que les entreprises sont là pour régler vos problèmes de trésorerie. Je pensais que Bercy avait plus d’imagination que cela ! En dépit des changements politiques, on continue avec les mêmes expédients. Vous ne pouvez pas nous empêcher de le regretter et d’essayer de convaincre le ministre de retrouver l’âme, l’esprit, l’imagination de l’ancien président de la commission des finances qu’il était qui, effectivement, condamnait alors ce genre d’expédient. Comme quoi, en passant d’un banc à l’autre, d’une travée à l’autre, monsieur le ministre, on peut parfois changer d’idée. C’est regrettable pour la France.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n° 474.
M. Philippe Vigier. Nous assistons, depuis quelques jours, à un détricotage des mesures que nous avions proposées et votées. C’est le cas de ce versement qui devait donc être réalisé en 2013. Nous l’avions proposé et voté à l’époque et, aujourd’hui, vous le faites vôtre et, pire que cela, vous l’anticipez, comme l’a très bien dit mon collègue Jean-Christophe Lagarde. Vous faites de la trésorerie sur le dos des entreprises. Je vous rappellerai un chiffre, mes chers collègues. En France, dans les très grands groupes, 63 % des investissements sont effectués en autofinancement…
M. Jean-Christophe Lagarde. C’est vrai !
M. Philippe Vigier. …contre 90 % en Allemagne. Cela représente dix points de moins que dans la zone euro. De grâce, au moment où la récession est devant nous, arrêtez de casser les capacités d’investissement des entreprises ! L’investissement d’aujourd’hui, c’est l’emploi de demain !
M. Jacques Myard. Bravo !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous l’avez compris, la commission a rejeté ces amendements. Permettez, mes chers collègues, comme beaucoup l’ont souhaité, que nous ayons un souci de cohérence. Cette mesure a été décidée, alors même que l’opposition était majoritaire. Dans un souci de clarté, nous l’intégrons donc dans notre exercice budgétaire qui est un exercice budgétaire partagé. Nous assumerons, bien entendu, en 2013, après reformatage de l’impôt sur les sociétés, une éventuelle disparition de la recette. N’ayez donc pas peur, il s’agit d’une mise en cohérence de ce que vous avez décidé dans un même exercice budgétaire, qui sera partagé.
M. Jean-Christophe Lagarde. La cavalerie, c’est de la cohérence ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. Ne me provoquez pas !
M. Jean-Christophe Lagarde. Je vous interroge !
M. Christian Eckert, rapporteur général. On a longtemps parlé de l’héritage. Nous voulons le solder. Donc, nous soldons vos décisions en les intégrant dans l’exercice en cours. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je ne suis pas certain que cette disposition mérite autant d’honneur et d’attention ! Mais vous êtes seuls juges ! La question a été posée et la réponse quasiment donnée. Cette mesure est-elle originale ? Non ! A-t-elle déjà été pratiquée ? Oui : une année sur deux depuis 2006 !
M. Jean-Christophe Lagarde. Vous l’avez condamnée !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Certainement, comme vous condamnez aujourd’hui ce que nous faisons et que vous avez voté ces années-là ! Autrement dit, vous nous demandez d’avoir la vertu dont vous n’avez pas fait preuve ! C’est votre droit...
M. Lionel Tardy. C’est cela l’opposition !
M. Jean-Christophe Lagarde. Le changement, c’est ça ! (Sourires.)
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je me répète : cette mesure est-elle originale ? Non ! A-t-elle déjà été mise en œuvre ? Oui ! M. Mariton a d’ailleurs eu l’élégance de le signaler, peut-être pour m’éviter de le dire avant lui. Je reconnais là sa finesse... S’agit-il d’une avance sur trésorerie ? Naturellement. J’ai la faiblesse de penser que, quels qu’aient été les résultats des élections ces dernières semaines, le gouvernement issu de ces élections aurait procédé de même…
M. Jean-Christophe Lagarde. Jamais ! (Sourires.)
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …mais vous n’êtes naturellement pas obligés de me croire !
M. Jacques Myard. Insolent ! (Sourires.)
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Avis défavorable à l’ensemble des amendements.
M. Jean-Christophe Lagarde. Alors, le changement, c’est fini ! (Rires sur les bancs du groupe UMP.)
(Les amendements identiques, nos 49, 331, 469, 472 et 474, ne sont pas adoptés.)
M. Jean-Christophe Lagarde. Quel dommage !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 159.
M. Christian Eckert, rapporteur général. Rédactionnel !
(L’amendement n° 159, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 81.
M. Christian Eckert, rapporteur général. Toujours rédactionnel.
(L’amendement n° 81, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 160 rectifié.
M. Christian Eckert, rapporteur général. Cet amendement pourrait presque être qualifié d’amendement de précision. Il consiste à prévoir les conditions de remboursement en cas de trop-perçu.
M. Jacques Myard. Il est bon ! (Sourires.)
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Quelle faiblesse ! (Sourires.)
M. Christian Eckert, rapporteur général. Puisque le remboursement du trop-perçu est prévu en matière d’impôt sur les sociétés, il doit parallèlement l’être en cas de contribution exceptionnelle.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Favorable.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
M. Jean-Christophe Lagarde. Je poserai une question très courte à M. le ministre. Si cet amendement est adopté et que le remboursement n’a pas lieu dans les trente jours, que se passera-t-il ?
M. Jacques Myard. Des agios !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. C’est une hypothèse que je me refuse d’envisager : l’État tient toujours sa parole ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
(L’amendement n° 160 rectifié est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 82.
M. Christian Eckert, rapporteur général. Amendement de clarification rédactionnelle !
(L’amendement n° 82, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L’article 9, amendé, est adopté.)
Mme la présidente. Sur l’article 10, je suis saisie de trois amendements identiques de suppression, nos 50, 73 et 485.
La parole est à M. Lionel Tardy, pour défendre l’amendement n° 50.
M. Lionel Tardy. Par cet article sur la suppression de l’avantage fiscal lié à la provision pour investissement, nous changeons une fois de plus les règles fiscales. En fait, nous passons notre temps à faire du yo-yo fiscal et réglementaire, ce qui nuit grandement aux entreprises, qui ont besoin de stabilité juridique. Je le disais déjà lors de mon précédent mandat, je continuerai à le dire, même si je sais que, sur ce point, il n’y a pas de changement à attendre ni maintenant ni plus tard !
On supprime ici, de manière brutale, un avantage fiscal. Je ne préjuge pas de son efficacité – on peut effectivement s’interroger sur l’impact réel de bien des niches fiscales –, mon propos ne porte d’ailleurs pas sur le fond mais sur la méthode.
En procédant de cette manière en loi de finances rectificative, avec effet à la date de l’annonce, on crée un climat d’incertitude. Avant chaque annonce de loi de finances, on se demande qui va monter dans la charrette. Il faut en finir avec ces annonces surprise, qui minent la confiance non seulement des entreprises mais aussi, en l’occurrence, des particuliers. Il faut une loi fiscale stable et prévisible ; on n’en prend pas le chemin avec ce type de mesure.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour défendre l’amendement n° 73.
M. Dominique Tian. On n’aime décidément sur les bancs de la gauche ni la participation ni l’intéressement, puisqu’on parle ici de la participation et que, dans quelques instants, vous aller taxer l’intéressement à hauteur de 20 %. C’est pourtant la grande idée du général de Gaulle, selon qui il fallait associer les salariés à la vie de l’entreprise.
Jusqu’à présent, les entreprises qui versent à leurs salariés des sommes au titre de la participation sans y être astreintes ou pour des montants supérieurs à ceux prévus par l’obligation légale bénéficiaient d’une déduction fiscale sur leurs provisions pour investissement.
Tout comme l’augmentation du forfait social, la suppression de ce dispositif pénalisera les entreprises concernées – 2 500 d’après les évaluations. Les principales touchées seront des PME, notamment de moins de cinquante salariés, qui ont conclu des accords volontaires. C’est donc encore un mauvais coup porté au pouvoir d’achat des salariés des petites entreprises.
Mme la présidente. La parole est à M. Alain Chrétien, pour présenter l’amendement n° 485.
M. Alain Chrétien. Ce dispositif de provision pour investissement a été mis en place en 1986. Il avait pour objectif d’inciter à l’intéressement – objectif déjà défendu, comme l’a rappelé mon collègue, par le général de Gaulle –, donc de favoriser le pouvoir d’achat des salariés, mais également de soutenir l’investissement du tissu productif local.
Vouloir supprimer l’avantage fiscal dont bénéficie ce dispositif en évoquant un effet d’aubaine par l’étendue du champ des investissements concernés est une erreur. Où est l’effet d’aubaine ? Les choix d’investissement des PME ne sont en effet pas dictés par cet avantage fiscal, son montant étant justement considéré comme faible dans les évaluations de votre collectif budgétaire.
Ensuite, vous indiquez que le coût de ce dispositif est excessif au regard des objectifs qui lui sont assignés, en soulignant que son impact réel sur l’investissement est difficilement évaluable. Pourtant ce dispositif a permis aux PME françaises d’épargner 220 millions d’euros en 2009, si j’en crois le rapport de la commission des finances. Ce n’est déjà pas mal, à l’heure où il est nécessaire de laisser des marges de manœuvre à celles de nos PME qui investissent encore et qui embauchent.
Je note d’ailleurs que le comité d’évaluation n’avait pas évalué l’impact de ce dispositif sur le développement de la participation dans des entreprises de taille modeste, alors que cet objectif a toujours été défendu par les gouvernements successifs.
Enfin, vous partez du principe qu’une entreprise ayant constitué une provision mais qui ne respecte pas ses engagements d’investissement bénéficie quand même de l’avantage en trésorerie lié au report de deux ans de l’imposition d’une partie de son résultat imposable. Mais vous semblez soudain ignorer combien ce dispositif est réglementé. Il ne s’agit pas en effet de provisions pour risques, au sens de l’article 39 du CGI, mais de provisions réglementées, car en réalité le fisc regarde toutes les déclarations de provisions.
En cessant d’admettre ces provisions pour investissement en déduction des résultats imposables, vous allez donc empêcher près de 2 600 PME françaises qui mettaient en œuvre un régime de participation plus favorable que le régime de droit commun, de conserver des marges de manœuvre destinées à la réalisation d’investissements. Vous allez donc les pénaliser.
Tout ça pour 60 millions d’euros en 2013 et 31 millions d’euros en 2014 ! En abrogeant cet avantage fiscal, vous leur adressez un mauvais signal, dans un contexte économique déjà peu propice aux investissements.
M. Gérald Darmanin. Très juste !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. L’avis de la commission est défavorable. Pour reprendre une expression de mon prédécesseur à ce poste, dans chaque niche, il y a un chien qui mord…
Or nous sommes bien ici dans le cadre d’une niche, dont toutes les évaluations ont estimé que son opportunité était voisine de zéro. Il s’agit de montants faibles et de dispositions complexes, mais certains amendements que nous allons examiner permettront peut-être de réduire la taille de la niche plutôt que de la faire complètement disparaître.
M. Dominique Tian. Lesquels ?
M. Hervé Mariton. Cela s’appelle une niche dans la niche !
M. Christian Eckert, rapporteur général. Non, cela s’appelle une petite niche à la place d’une grosse niche !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable. En premier lieu, l’Inspection générale des finances a effectué, à la demande du gouvernement précédent, une revue générale des niches fiscales. Il se trouve que, pour une notation comprise entre zéro et quatre – zéro étant la note la plus mauvaise, quatre la meilleure – cette niche a été évaluée à zéro.
Nous savons tous qu’il y a trop de niches fiscales, que chaque année la dépense fiscale est de l’ordre de 75 milliards d’euros et qu’entre 2002 et 2007 cette dépense a progressé de 50 %. La majorité précédente a d’ailleurs tenté de réduire le coût de ces niches. Si de temps en temps, sur la base d’un rapport objectif comme celui de l’Inspection générale des finances un consensus pouvait se faire sur les suppressions de niches fiscales, les finances publiques ne s’en porteraient que mieux.
Quant à l’argument sur les PME, je ne crois pas qu’il soit tout à fait recevable. En vérité ce ne sont pas les PME qui bénéficient majoritairement de cette niche et, quand elles le font, elles parviennent difficilement à utiliser ladite provision pour investir. Elles sont obligées de faire une reprise sur provision au bout de deux ans et sont taxées au moment de cette reprise. Je ne crois donc pas qu’il soit raisonnable de continuer à défendre ce dispositif.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérald Darmanin.
M. Gérald Darmanin. Autant je comprends les propos du ministre sur la suppression des niches fiscales, autant je voudrais m’arrêter sur les dividendes du travail et l’idée gaullienne de la participation. Le Gouvernement pourrait-il s’engager, monsieur le ministre, à réfléchir d’ici la fin du quinquennat à la participation ? Les gouvernements précédents auraient certes pu en faire davantage, mais nous sommes là pour réfléchir, et l’association capital-travail est une manière moderne et intelligente d’associer les ouvriers et les employés au devenir de l’entreprise, en leur donnant l’envie d’y travailler. Il s’agit d’un débat très intéressant, que nous pourrions avoir à l’occasion de cet amendement.
(Les amendements identiques nos 50, 73 et 485 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour soutenir l’amendement n° 448.
M. Jean-Louis Dumont. Nous en arrivons à une série d’amendements qui traitent du sort réservé aux sociétés coopératives de production. En effet, dans le cadre général de l’économie sociale et solidaire, celles-ci mettent en œuvre des accords de participation dérogatoires, qui leur permettent la constitution en franchise d’IS d’un montant identique à celui affecté à la participation. La participation et la PPI sont constituées par l’affectation du résultat des SCOP. Les réserves des SCOP tiennent lieu de PPI ; elles constituent l’essentiel de leurs capitaux propres. Les SCOP emploient les sommes affectées à la PPI à la création ou à l’acquisition d’immobilisations.
Le statut particulier des SCOP fait que cette provision pour investissement est un mécanisme très incitatif, et les sociétés coopératives de production y ont recours de façon quasi systématique. Si elle devait être supprimée, cela entraînerait une diminution de leur capacité d’investissement. Or, dans un certain nombre de métiers, les SCOP sont leaders – je pense notamment au taillage d’engrenages, pour les éoliennes, si cela peut en convaincre certains d’entre nous de soutenir cet amendement…
Les taux sont indiqués dans notre exposé des motifs, mais je voudrais insister sur le fait que les sociétés coopératives de production, dans la diversité des métiers qu’elles mettent en œuvre, sont des sociétés de personnes, avec une constitution de haut de bilan tout à fait particulière. Remettre en cause cette ingénierie financière pourrait remettre en cause leur capacité d’investissement.
M. Dominique Tian. On est bien d’accord !
M. Jean-Louis Dumont. Cet amendement a donc pour objet d’ajouter les mots « en franchise d’impôt » dans l’article 237 bis A du code général des impôts. Il s’agit de conserver cette franchise d’impôt pour que les SCOP puissent continuer à investir et à développer l’emploi.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. La commission est favorable à cet amendement, excellemment présenté par notre collègue Jean-Louis Dumont.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Même avis.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.
M. Hervé Mariton. Mais c’est injuste ! Si je comprends bien, nous venons de supprimer une niche fiscale, et vous proposez de la rouvrir ! La moindre des choses serait donc que l’on connaisse les coûts du dispositif qui nous est soumis.
S’agissant de l’observation fort intéressante qu’a faite le ministre à propos des appréciations portées par l’Inspection générale des finances sur la niche que nous venons de supprimer, j’aimerais savoir si l’IGF a considéré qu’il fallait faire une exception du type de celle que nous propose notre collègue…
M. Jean-Louis Dumont. C’est le Parlement qui décide !
M. Hervé Mariton. Je ne sous-estime pas l’intérêt et la vertu des SCOP dans notre économie. Elles y ont leur place et il n’y a rien d’hostile à leur encontre dans mon propos. Mais je ne vois pas pourquoi une niche fiscale qu’il faudrait supprimer pour les uns devrait être maintenue pour les autres au seul motif qu’elles ont le statut de SCOP. Il y a là une inégalité, manifestement sous-tendue par une vision très idéologique de ce qu’est l’économiquement correct. Je résume : c’est injuste ! Mais surtout, dites-nous combien ça coûte !
(L’amendement n° 448 est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour soutenir l’amendement n° 213.
M. Jean-Louis Dumont. Je voudrais insister sur les contraintes du statut particulier des coopératives. La constitution de réserves est un élément essentiel. Les règles qui régissent la constitution de SCOP ne relèvent pas d’une SA généraliste. C’est pourquoi il n’est pas normal d’utiliser l’expression « niche fiscale ». Dans notre pays qui a besoin d’investissements pour créer des emplois, particulièrement dans le domaine productif si l’on veut obtenir quelques pourcentages d’augmentation de la production, il est nécessaire que ces constitutions de provisions pour investissements dans la formule des SCOP puissent bénéficier, non pas d’une aide, mais de la poursuite de leur mode de fonctionnement sur le plan financier.
L’amendement n° 213, cosigné par mon collègue Jean-René Marsac, doit nous permettre de pallier les inconvénients du statut des SCOP et de préserver la capacité d’investissement, sans toutefois atteindre celle des sociétés classiques. Ce n’est donc pas un régime dérogatoire ; il s’agit simplement de prendre en compte la réglementation draconienne – c’est aussi ce qui garantit leur qualité – pour le mode de fonctionnement financier des coopératives ouvrières de production.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. J’invite notre collègue Dumont à retirer l’amendement n° 213 qui est satisfait par l’amendement suivant, n° 52.
Je suppose d’ailleurs, monsieur Dumont, que votre défense de l’amendement n° 213 vaut aussi pour l’amendement n° 52 dont le champ est légèrement plus large et dont je crois savoir que le Gouvernement serait prêt à l’accepter. Il recevrait également de ma part un avis favorable – je le dis par anticipation, madame la présidente – pour les raisons qui viennent d’être invoquées.
Mme la présidente Je suis en effet saisie d’un amendement n° 52.
Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le coût de cette micro-niche est de 1 à 2 millions d’euros l’an. Il nous a donc semblé que, pour douloureuse que soit cette dépense, elle était supportable.
L’amendement n° 213 de M. Dumont ne recueille pas l’avis favorable du Gouvernement.
S’agissant de l’amendement n° 52, j’appelle l’attention du rapporteur général sur le fait que son objet est sensiblement le même que celui de l’amendement nos 448. Il me semble que l’amendement n° 52 aurait été préférable, mais il devient inutile dès lors que l’amendement n° 448 a été adopté. Le préférer pour des raisons de rédaction n’a pas un énorme intérêt.
Par conséquent, si le rapporteur général en est d’accord, pourriez-vous, monsieur Dumont, retirer l’amendement n° 52 au bénéfice de l’amendement n° 448, déjà adopté ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.
M. Jean-Louis Dumont. Je n’hypothèque pas l’avenir, monsieur le ministre. Nous sommes attentifs aux explications qui viennent d’être fournies et nous dirons à nos collègues sénateurs de l’être également au moment où l’architecture générale sera présentée devant la Haute assemblée.
Je retire ces deux amendements.
(Les amendements nos 213 et 52 sont retirés.)
Mme la présidente. Nos collègues Chrétien et Tian avaient précédemment souhaité prendre la parole. Par gentillesse, je vais donc la leur donner, bien que les amendements aient été retirés.
La parole est à M. Alain Chrétien.
M. Alain Chrétien. Merci, madame la présidente, c’est trop d’honneur que vous nous faites…
Hervé Mariton a parlé d’exception, moi, je parle de discrimination. Vous avez inventé une nouvelle notion, celle de micro-niche, en évoquant un montant de 1 ou 2 millions d’euros. J’ai l’impression d’être au Soviet suprême et d’examiner un projet de loi sur la création des kolkhozes ou des sovkhozes ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
M. Jean Launay. Caricature !
M. Alain Chrétien. Cette proposition cavalière va créer une discrimination et, dans les mois qui viennent, vous verrez la CGPME et l’UPA revenir vers vous pour pointer cette discrimination incompréhensible, faite au pied levé, en pleine improvisation. Cette mesure est idéologique, elle crée une rupture d’égalité et elle est discriminatoire par rapport aux PME de nos territoires qui ne comprendront pas pourquoi elles sont traitées différemment de quelques unités économiques qui ne relèvent pas des dispositions qui nous sont proposées aujourd’hui.
Mme la présidente. Monsieur Tian, si la teneur de votre intervention est la même que celle de M. Chrétien, alors qu’il n’y a plus de support puisque les amendements ont été retirés, j’hésite à vous donner la parole. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Mes chers collègues, M. Chrétien aurait pu dire exactement la même chose lors de la discussion générale.
M. Alain Chrétien. Rappel au règlement !
Mme la présidente. Vous voulez me rappeler le règlement, monsieur Chrétien ? Pourtant, je vous ai donné la parole sur un amendement qui a été retiré et qui, donc, n’est plus soumis au vote. C’est la présidence qui décide !
Monsieur Tian, je vous propose de prendre la parole un peu plus tard, pour dire à peu près la même chose ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Alain Chrétien. Votre gentillesse, madame la présidente, votre gentillesse !
Mme la présidente. Il ne faut jamais abuser de la gentillesse de la présidence.
M. Hervé Mariton. Rappel au règlement !
Mme la présidente. Il n’y a plus lieu de voter sur les amendements nos 213 et 52.
(L’article 10, amendé, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.
M. Hervé Mariton. Madame la présidente, j’avais demandé la parole pour un rappel au règlement avant l’annonce du vote précédent. La conduite du débat pose donc problème.
Je vous donne acte, madame la présidente, de votre bienveillance, qui vous a conduite à proposer la parole à nos collègues. Cette bienveillance, à ce moment-là, n’était pas en cause.
Je me permets tout de même de faire une observation. Lorsque vous dites, ensuite, que vous leur donnerez ou non la parole selon le contenu de leur propos, cela pose un problème assez grave.
M. Philippe Vigier. On a connu mieux !
M. Hervé Mariton. La présidence ne peut pas accorder la parole, me semble-t-il, selon que le propos est aimable, ou en accord ou non avec ce qui est présenté.
Mme la présidente. Monsieur Mariton, sur quel article se fonde votre rappel au règlement ?
M. Hervé Mariton. L’article 58-1
Mme la présidente. Je vous rappelle pour ma part encore une fois l’article 56-2. Je n’ai même pas à donner la parole en réponse : ce n’est pas de droit, a fortiori, quand les amendements dont nous discutons ont été retirés par leurs auteurs ! M. Tian aura la parole quand il le souhaitera, à toute autre occasion.
Vous me rappelez le règlement, à mon tour, je vous le rappelle. Il me semble que le rappel au règlement est terminé.
Nous passons maintenant à l’examen de l’article 11.
M. Hervé Mariton. Je demande une suspension de séance de cinq minutes.
Mme la présidente. Elle est de droit, monsieur Mariton. Je vous accorde une suspension une minute.
Mme la présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-huit, est reprise à dix-sept heures quarante et une.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, inscrit sur l’article 11.
M. Nicolas Sansu. Mon intervention sur l’article 11 vaudra pour les articles qui concernent toutes les dispositions anti-abus, toutes les optimisations fiscales abusives ou frauduleuses.
Dans ses travaux actuels, le Sénat chiffre entre 30 et 50 milliards le coût global de l’évasion et de la fraude fiscale. Les plus coûteuses des techniques d’optimisation fiscales intéressent les grandes entreprises.
Les cinq articles que vous nous proposez se penchent sur des pratiques comptables que la gauche dénonce depuis des années, en particulier celles relatives aux transferts de bénéfices et aux transferts de déficits.
Les transferts de bénéfices à l’étranger, permis notamment par les prix de transfert et un certain nombre de techniques, revêtent ainsi plusieurs formes : achat à prix majorés ou minorés, selon le cas, prêts consentis à des conditions différentes de celles du marché, prêts accordés par une société française à une société étrangère à un taux anormalement bas ou prêt accordé par une société établie à l’étranger à une société française à un taux anormalement élevé, versement de redevances excessives ou prise en charge de frais sans contrepartie, caution accordée gratuitement à des filiales sans rémunération du service rendu, commissions excessives, abandon de créance…
Ces pratiques, en théorie encadrées par le droit, font fréquemment l’objet de manipulations qui se traduisent par une fraude fiscale. Sachant que plus de la moitié du commerce mondial procède de transactions intra-groupes, il est aisé de mesurer l’enjeu financier que représentent les prix de transfert et les techniques de transferts de bénéfices à l’étranger.
L’optimisation fiscale a atteint désormais un poids qui met en question la légitimité des mesures fiscales. Rétablir l’équilibre au sein de l’IS comme, par ailleurs, au sein de l’impôt sur le revenu, qui représente les mêmes travers en termes de poids et de coût des niches fiscales et de la fraude, est une impérieuse nécessité. Nous nous réjouissons que le PLFR, monsieur le ministre, s’attaque enfin à ce maquis des dispositions, source d’opacité et de fraude pour une recette globale attendue en année pleine de près de 1 milliard d’euros.
Nous nous permettons simplement d’insister sur le fait que ces mesures gagneront en efficacité par le renforcement des moyens alloués à l’administration fiscale pour la détection de la fraude fiscale et à son contrôle.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.
M. Hervé Mariton. Notre collègue vient de dire « enfin ! ». En effet, le travail fait dans ce domaine remonte à plusieurs années et a été poursuivi avec un certain sens de la continuité. N’était cette observation, nous pourrions faire preuve de plus d’enthousiasme. Toutefois, la proposition du Gouvernement à l’article 11 étant bonne et justifiée, nous disons simplement que nous l’approuvons.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 161.
M. Christian Eckert. C’est un amendement extrêmement complexe. Je ne vais pas demander au Parlement de nous faire confiance, ce serait malsain ! Mais la commission a examiné cet amendement qui consiste à durcir les conditions permettant de lutter contre les abus et qui aligne le traitement d’un certain nombre d’États sur le traitement actuel des États et territoires non coopératifs – les ETNC.
Il s’agit de remplacer la notion d’« effet » par la notion d’« effet plus objet », ce qui permet de durcir les dispositions. Si l’Assemblée souhaite des précisions, j’essaierai de répondre à toutes les questions. Cela étant, tout le monde aura compris que l’on peut avoir un objet sans pour autant obtenir l’effet ; aussi est-il plus prudent de mettre les deux sujets dans la loi.
(L’amendement n° 161, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L’article 11, amendé, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy.
M. Lionel Tardy. Monsieur le ministre, j’ai un doute quant à la solidité du mécanisme que vous mettez en place dans cet article, qui durcit les conditions d’obtention de l’agrément pour les transferts de bénéfices en cas d’opérations de restructuration.
Vous introduisez dans l’article 223-I du Code général des impôts une disposition calquée sur celle de l’article 209, alors même que le régime de l’article 223-I dépend de l’article 210-A. On étend donc une règle générale fixée pour l’impôt sur les bénéfices des sociétés au cas particulier du régime des déficits subis par une société avant son entrée dans un groupe de sociétés.
Que fait-on, avec ce nouveau régime, dans le cas d’une société mère d’un groupe absorbée par une autre société du même groupe ? On va, à mon avis, compliquer inutilement un dispositif qui fonctionnait plutôt bien.
Les opérations se feront à l’étranger et on aura finalement perdu de la recette fiscale. Alors que votre objectif semble être de diminuer l’optimisation fiscale, on risque au contraire de l’accroître, elle qui se nourrit de la complexité et des incohérences de notre droit fiscal.
Mme la présidente. L’amendement n° 84 du rapporteur général est rédactionnel.
(L’amendement n° 84, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n° 114.
M. Charles de Courson. Pour permettre de faciliter les opérations de restructuration, je propose, à l’alinéa 20, de remplacer le mot « et » par le mot « ou ».
Outre que, dans la mesure où ces opérations sont soumises à un agrément du ministère du budget, il n’y a pas de risque de dérive, il n’est jamais possible de prévoir des textes qui s’adaptent à toutes les situations.
Dès lors qu’il existe deux critères, qui ne se cumulent pas forcément – à la différence de ce que laisse entendre le texte du Gouvernement – écrire simplement « ou » permettra de retenir l’un ou l’autre ou les deux, dans le cadre d’un agrément.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. En remplaçant « et » par « ou », on accroît la possibilité d’abus, puisque l’exception concerne uniquement le cumul de la poursuite de l’activité et de la pérennité de l’emploi.
M. Charles de Courson. Mais il y a agrément !
M. Christian Eckert, rapporteur général. Je suis donc formellement défavorable à cet amendement, qui est loin d’être rédactionnel et qui permettrait dans un certain nombre de cas la poursuite d’abus, ce qui n’est pas souhaitable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement : « et » est évidemment plus restrictif que « ou ».
Il faut des critères pour pouvoir justifier d’un agrément, à défaut ce sont des risques contentieux qui surviennent et avec eux une fragilité des opérations menées par les entreprises elles-mêmes.
Au nom de l’intérêt des entreprises elles-mêmes, mieux vaut donc, naturellement, des critères précis que la loi dicte et qui conditionnent, d’une certaine manière, l’agrément donné par le ministre du budget.
Je confirme, monsieur de Courson, que le Gouvernement est défavorable à votre amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Le laxisme, ce n’est pas le genre de la maison ! Je dis simplement que les situations peuvent être extrêmement variées lors des restructurations d’entreprises.
Comme il y a le verrou de l’agrément, remplacer « ou » par « et » permettrait une adaptation au cas par cas. Et je répète qu’il n’y a pas de risque de dérive, puisqu’il y a le verrou de l’agrément.
(L’amendement n° 114 n’est pas adopté.)
M. Michel Vergnier. Eh oui ! C’est comme ça !
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour présenter l’amendement n° 129.
M. Charles de Courson. L’article 12 durcit les conditions d’obtention de l’agrément autorisant le transfert de déficits en cas d’opérations de restructuration et définit plus largement le changement d’activité réelle, provoquant une déchéance des déficits antérieurement accumulés.
Cela aura des conséquences sur les opérations de restructuration en cours. Afin de ne pas remettre en cause celles qui ont été engagées avant le 4 juillet 2012 et même de les sécuriser, je propose de modifier la date d’entrée en vigueur du dispositif.
Cela n’empêchera pas que les entreprises qui auront connaissance de l’état législatif depuis le 4 juillet pourront procéder aux opérations en connaissance de cause.
à moins que le ministre nous dise qu’il réglera cela dans ce sens, par exemple par voie d’instruction, il me paraît donc utile de prévoir un tel dispositif transitoire pour les opérations en cours.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. Surtout pas, monsieur de Courson, surtout pas ! Je rappelle qu’il s’agit là d’un dispositif anti-abus. Vous dites que « le laxisme n’est pas le genre de la maison », mais si nous adoptions votre amendement, des opérations seraient bien évidemment conduites par opportunité.
Il est donc indispensable que la date d’application de cet article soit maintenue à la date de délibération du projet de loi de finances rectificative en conseil des ministres, c’est-à-dire le 4 juillet. À défaut, une armada de cabinets spécialisés en optimisation et en opportunisme prendraient un malin plaisir à contourner l’esprit de la loi. Avis défavorable.
M. Christian Paul. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Défavorable, avec mes regrets, monsieur de Courson. Au-delà des arguments développés par le rapporteur général et que je fais miens, il se trouve que, même si le coût est difficile à estimer, il semble que votre amendement aurait dû être gagé, ce qui n’est pas le cas.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Dominique Baert. Ah non !
M. Charles de Courson. C’est à la commission de juger si l’amendement est ou non gagé. Or, il a été déclaré recevable. Voilà pour la forme.
Sur le fond, là encore, comment allez-vous traiter les opérations déjà engagées ? Mon amendement ne revient pas sur la date du 4 juillet, il opère simplement une clarification pour les opérations en cours.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Votre amendement, monsieur de Courson, dégrade la recette espérée à l’occasion de cet article. C’est la raison pour laquelle je m’étais permis de faire référence au gage.
(L’amendement n° 129 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour défendre l’amendement n° 130.
M. Philippe Vigier. Je ne crois pas que l’on puisse imaginer que Charles de Courson voudrait que l’on laissât libre cours aux abus. Bien au contraire, il a toujours été à l’origine de propositions allant dans le sens opposé.
À l’occasion de cet article 12, nous souhaitons attirer votre attention, monsieur le ministre, sur le sort des PME, au sens de la définition qu’en donne la Commission européenne.
Durcir les conditions d’agrément autorisant le transfert de déficits peut leur poser de vraies difficultés, tant le soutien juridique dont elles disposent et l’environnement qui est le leur ne sont pas ceux dont jouissent les grands groupes. En outre, elles sont beaucoup plus en difficulté que ces derniers ne peuvent l’être.
Au moment où la croissance est à plat, où les restructurations sont en cours pour de nombreuses PME, où elles vont se développer au fil des mois, il nous paraît important, sans réduire sensiblement la portée de votre article ni imaginer que l’on puisse emprunter la voie du laxisme et de l’optimisation fiscale, de prévoir un traitement spécifique et individualisé. C’est le sens de ce qu’a dit Charles de Courson en proposant de remplacer « et » par « ou ».
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. À vous qui voulez laver plus blanc que blanc, sur ce point comme sur beaucoup d’autres, je dis que je ne comprends pas ni la portée ni le sens de votre amendement, auquel je donne donc un avis défavorable.
Cet article prévoit en effet un dispositif anti-abus, dont chacun aura compris la portée, en tout cas ceux qui s’intéressent à cette question, ce qui est votre cas. Il est prévu des exceptions, dans des cadres bien précis qui ont été évoqués précédemment, mais je ne vois pas pourquoi les PME seraient exclues d’un dispositif anti-abus !
Je ne comprends donc pas votre raisonnement : ou bien on adopte des dispositifs anti-abus qui valent pour les petites, les moyennes et les grandes entreprises, ou bien on n’en adopte pas.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Désolé, monsieur Vigier, mais le Gouvernement ne peut que donner un avis défavorable.
La taille de l’entreprise ou son chiffre d’affaires ne légitiment pas pour autant que des déficits y soient logés artificiellement sans que les pouvoirs publics considèrent qu’il s’agit d’abus.
Je crois donc qu’il serait préférable que vous retiriez votre amendement, à défaut je demanderai à l’Assemblée de voter contre.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier. Notre idée n’était pas d’exclure – je n’ai d’ailleurs jamais prononcé ce mot – les petites entreprises du dispositif. Je voulais simplement attirer votre attention sur le fait que, si vous renforcez les conditions d’agrément pour ces restructurations, cela posera un problème aux PME et aux PMI et pourra empêcher des restructurations dont on sait qu’elles sont indispensables.
Ces précisions apportées, je retire l’amendement.
(L’amendement n° 130 est retiré.)
(L’article 12, amendé, est adopté.)
M. Lionel Tardy. Je n’ai pas eu de réponse !
M. Hervé Mariton. Répondez à M. Tardy !
Mme la présidente. L’amendement n° 86 du rapporteur général est rédactionnel.
(L’amendement n° 86, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
Mme la présidente. L’amendement n° 85 du rapporteur général est également rédactionnel.
(L’amendement n° 85, accepté par le Gouvernement, est adopté.)
(L’article 13, amendé, est adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n° 131.
M. Charles de Courson. Cet amendement est destiné à ouvrir une réflexion sur la question suivante : peut-on considérer qu’il y a abus dès lors que l’entreprise qui consent l’aide démontre que l’entreprise bénéficiaire a inclus cette aide dans son résultat imposable ? En fait, il s’agit de parvenir à une certaine symétrie entre l’entreprise donatrice et l’entreprise bénéficiaire. Dans le cas où l’entreprise qui consent l’aide démontre que l’entreprise bénéficiaire a inclus sa dette dans son résultat imposable, l’abus semble difficile.
J’aimerais connaître la position, tant du Gouvernement que du rapporteur général, sur ce sujet.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour présenter le sous-amendement n° 534.
M. Jean-Christophe Lagarde. L’article 14 prévoit de rendre non déductibles du bénéfice imposable des entreprises les aides à caractère financier et non commercial qu’elles accordent à d’autres entreprises. Ce système pénalisera les PME en difficulté, pour lesquelles ces opérations constituent une voie d’amélioration de leur situation financière.
Aussi, le présent sous-amendement cible davantage la mesure afin d’atteindre l’objectif anti-abus visé par cet article, objectif que nous partageons, tout en évitant des conséquences économiques désastreuses pour les PME. À cette fin, nous pensons qu’il faut satisfaire à la définition des petites, moyennes et micro entreprises visée à l’annexe I du règlement de la Commission européenne.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement et l’amendement ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. La commission a rejeté l’amendement qui prévoit de maintenir la possibilité de déduire les abandons de créances dès lors que l’entreprise qui consent l’aide démontre que l’entreprise bénéficiaire a inclus cette aide dans son résultat imposable. Là où le bât blesse, c’est que l’entreprise bénéficiaire n’a aucun autre choix : l’abandon de créance est toujours regardé comme un profit imposable pour l’entreprise qui en bénéficie.
En pratique, l’adoption de l’amendement invaliderait l’ensemble de l’article 14. Cet amendement est totalement contraire à l’esprit de la mesure qui consiste, chacun s’accorde à le reconnaître, à lutter contre les abus.
Je ne comprends décidément pas l’amendement ; si nous le votions, l’article 14 ne s’appliquerait plus dans aucun cas. En conséquence, si vous ne le retiriez pas, je serais dans l’obligation d’émettre un avis défavorable. J’exprime le même avis sur le sous-amendement.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. La définition des PME communautaires est extrêmement large. C’est pourquoi le rapporteur général nous fait part de son hostilité à l’amendement. Pour ma part, j’estime qu’il a raison.
Si une aide quelconque, qu’elle soit financière ou commerciale par exemple, était apportée à ces PME, le bénéfice du régime qui prévaut aujourd’hui perdurerait. De même s’il y avait recapitalisation sous le régime de l’article 216 A du code général des impôts, les avantages seraient maintenus.
La rédaction du texte telle qu’elle est soumise au Parlement me semble être suffisamment précise pour éviter les abus tout en préservant les opérations objectivement nécessaires à la santé des entreprises qui vous sont chères.
Il me semble que M. Jean-Christophe Lagarde et M. Charles de Courson pourraient retirer le sous-amendement et l’amendement. À défaut, le Gouvernement appellera à voter contre l’un et l’autre.
M. Jean-Christophe Lagarde. Le sous-amendement est retiré.
(Le sous-amendement n° 534 est retiré.)
M. Charles de Courson. Je retire l’amendement.
(L’amendement n° 131 est retiré.)
Mme la présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures, est reprise à dix-huit heures vingt.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n° 132.
M. Philippe Vigier. Cet amendement a pour objet, à l’alinéa 7, de substituer aux mots : « exercices clos », les mots : « opérations engagées ». En effet, monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre, j’attire votre attention sur le fait qu’il ne faudrait pas que l’application rétroactive de la mesure au 4 juillet 2012 fasse échouer, avec toutes les conséquences que l’on peut imaginer, certaines opérations qui avaient débuté avant cette date. Peut-être pourrez-vous nous rassurer sur ce point. Quoi qu’il en soit, nous proposons d’assouplir le dispositif, sans pour autant ouvrir la voie aux abus, tant s’en faut.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. Votre amendement s’apparente à un autre amendement que nous avons déjà examiné et sur lequel j’avais émis un avis défavorable.
Avis défavorable, donc.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur le député, le Gouvernement ne peut pas donner un avis favorable à votre amendement. Quand des dispositions de cette nature sont votées par le Parlement, la tradition veut qu’elles prennent effet à la date de leur adoption en conseil des ministres, sauf si le dispositif lui-même ou ses modalités sont modifiés, car on peut alors comprendre qu’il serait déloyal de conserver la date initialement prévue. Tel n’est pas le cas en l’espèce. C’est pourquoi je vous propose que l’on respecte la tradition : la jurisprudence est, vous pourrez le vérifier, à peu près constante s’agissant de sujets de cette nature.
En conséquence, si vous ne retirez pas votre amendement, je serai obligé d’en demander le rejet.
Mme la présidente. Monsieur Vigier, maintenez-vous votre amendement ?
M. Philippe Vigier. Je le retire.
(L’amendement n° 132 est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n° 133.
M. Charles de Courson. Cet amendement a pour objet de tenter de résoudre le problème des apports en nature, car certaines sociétés mères ne peuvent apporter une aide à leur filiale en numéraire ou conversion de créance. Aussi proposons-nous de permettre aux sociétés mères de faire un apport en nature et de bénéficier des dispositions de l’article 216 A du code général des impôts en apportant des actifs.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. Il s’agirait, selon notre analyse, d’étendre les cas de non-imposition de l’abandon de créance chez la fille. Or, tel n’est pas l’objet de l’article 14. Vous comprendrez donc que je ne peux qu’émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Même avis que la commission.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Si j’ai bien compris, monsieur le rapporteur, votre argument ne porte pas sur le fond, puisque vous estimez que, l’article 14 ayant pour objet les abandons de créance, il ne faut pas étendre sa portée. Mais allons un peu plus loin. L’apport en nature est un moyen de sauver des entreprises. Le fait de faire bénéficier les sociétés mères qui réalisent des apports en nature du même dispositif que celles qui réalisent des apports en numéraire me paraît conforme à l’esprit même de l’article 14.
(L’amendement n° 133 n’est pas adopté.)
(L’article 14 est adopté.)
Mme la présidente. Nous en venons aux amendements déposés à l’article 15.
La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 162.
M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est d’un amendement essentiel, puisqu’il tend à réécrire l’article 15 de façon à le rendre plus opérant et à tenir compte de l’ensemble des situations. Il s’agit d’inverser la logique anti-abus prévue par le Gouvernement afin de ne pas mettre en péril un certain nombre de restructurations en cours. En effet, comme cela est expliqué en détail dans mon rapport, il nous a été signalé un certain nombre de dossiers extrêmement sensibles quant à la question de l’emploi, ce qui a conduit l’ensemble des membres de la commission, je crois, à adopter cet amendement. Le Gouvernement nous a donné, en tout cas de manière officieuse, son accord. J’ajoute que, bien entendu, la logique anti-abus est préservée, voire renforcée.
Cet amendement a pour objet d’empêcher la déductibilité des moins-values à court terme à l’origine des montages constatés.
Mme la présidente. Sur l’amendement n° 162, je suis saisie de deux sous-amendements du Gouvernement, nos 543 et 544
La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir le sous-amendement n° 543.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. En matière de dispositifs anti-abus, il faut s’efforcer de retenir les rédactions les moins ambiguës et les plus précises possibles, faute de quoi l’objectif risque d’être manqué, l’imprécision favorisant les contentieux, lesquels peuvent aboutir à des décisions qui ne correspondraient pas à la volonté du Gouvernement et du législateur.
C’est la raison pour laquelle je propose un premier sous-amendement, qui vise à remplacer le concept d’actif net par celui de valeur réelle. Il s’agit donc, après le mot : « réalisé » ; de rédiger ainsi la fin de l’alinéa 3 de l’amendement n° 162 : « et dont la valeur réelle à la date de leur émission est inférieure à leur valeur d’inscription en comptabilité n’est pas déductible dans la limite du montant résultant de la différence entre la valeur d’inscription en comptabilité desdits titres et de leur valeur réelle à la date de l’émission. »
Si vous le permettez, madame la présidente, je vais présenter également le sous-amendement n° 544.
Mme la présidente. Volontiers, monsieur le ministre. Poursuivez.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le sous-amendement n° 544 fait écho à la discussion que nous avons eue tout à l’heure avec M. Vigier. En effet, dès lors que la rédaction du texte est modifiée, il semble préférable au Gouvernement, dans le souci de loyauté qui nous a également animés lors du débat sur la refiscalisation des heures supplémentaires, de repousser l’entrée en vigueur de cette mesure au 19 juillet, c’est-à-dire à la date de l’adoption de l’amendement.
Ces deux sous-amendements ont donc pour objet de préciser la rédaction de l’amendement de la commission et, dès lors que l’économie du texte a été substantiellement modifiée, de repousser la date de son entrée en vigueur, de sorte qu’il ne puisse y avoir à aucun moment suspicion de déloyauté.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
M. Jean-Christophe Lagarde. Madame la présidente, les deux sous-amendements du Gouvernement ne nous ont pas été distribués. Si nous croyons volontiers en la loyauté du Gouvernement, nous avons tout de même besoin de prendre connaissance de ses sous-amendements. C’est pourquoi je vous demande une brève suspension de séance.
Mme la présidente. Les sous-amendements sont en cours de distribution. Je vais donc suspendre brièvement la séance, le temps que vous puissiez en prendre connaissance, mes chers collègues.
Mme la présidente. La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est reprise à dix-huit heures trente.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Quel est l’avis de la commission sur les sous-amendements nos 543 et 544 ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. Pour des raisons de délais, la commission n’a pas étudié ces sous-amendements. Cela étant, les explications du ministre ont pleinement convaincu le rapporteur général. (Sourires.) À titre personnel, j’émets donc un avis favorable à ces deux sous-amendements, tout en maintenant l’avis favorable de la commission à l’amendement n° 162. (« C’est l’essentiel ! » et applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Je ne comprends pas pourquoi la date du 4 juillet 2012, indiquée à l’alinéa 7 de l’article 15, devient la date du 19 juillet 2012 dans le sous-amendement n° 544.
M. le ministre peut-il m’éclairer sur ce point ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je pensais m’être expliqué sur ce point lors de la présentation des deux sous-amendements. Cela dit, dans la mesure où vous n’aviez pas le texte sous les yeux, je comprends que vous n’ayez pas retenu mon explication.
La modification de rédaction apportée par les sous-amendements, qui fait disparaître la notion d’actif net, ne modifie pas substantiellement le dispositif. Toutefois, dès lors qu’il y a un risque de modification substantielle, le principe de loyauté fiscale commande de mentionner la date d’aujourd’hui comme prise d’effet des nouvelles règles, afin de s’assurer que ces règles ont bien été portées à la connaissance d’éventuels intéressés.
M. Jean-Louis Dumont. C’est tout à fait pertinent !
(Les sous-amendements n°s 543 et 544 sont successivement adoptés.)
(L’amendement n° 162, sous-amendé, est adopté et les amendements nos 134, 113, 135 et 136 tombent.)
(L’article 15, amendé, est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements portant articles additionnels après l’article 15.
La parole est à M. Daniel Goldberg, pour soutenir l’amendement n° 379 rectifié.
M. Daniel Goldberg. Cet amendement vise à corriger un dispositif figurant dans le projet de loi de finances pour 2012, qui modifie les conditions d’éligibilité au PTZ+ à compter du 1er janvier 2012 et conditionne son octroi à compter du 1er janvier 2013 au respect de la réglementation thermique 2012, dite RT2012.
Plus de 2 000 ménages à revenus modestes ayant conclu, ces derniers mois, un contrat de location-accession PSLA pour devenir propriétaires à titre de résidence principale d’un logement neuf conçu avant la mise en œuvre de cette réglementation thermique, ne seront matériellement pas en situation de lever leur option d’achat avant le 31 décembre 2012.
Pour ne pas placer ces ménages – ainsi que les organismes de logement social concernés – en situation d’échec faute d’un financement adapté, notre amendement a pour objet de permettre une dérogation provisoire à la réglementation thermique 2012, à la condition que les logements faisant l’objet des contrats de location-accession aient obtenu leur agrément PSLA avant le 1er janvier 2012.
Si notre assemblée et le Gouvernement acceptent le principe de cet amendement, je demanderai à M. le ministre de bien vouloir lever le gage des alinéas 2 et 3.
M. Jean-Louis Dumont. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. La commission est favorable à l’amendement n° 379 rectifié, que notre collègue Daniel Goldberg vient d’exposer de façon très précise.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement est, par principe, favorable à cet amendement. Toutefois, avant d’en recommander l’adoption, il préférerait que le sous-amendement de la commission des finances soit examiné et, le cas échéant, adopté.
M. Jean-Louis Dumont. Il est redondant !
Mme la présidente. Monsieur le ministre, le sous-amendement auquel vous faites allusion a été retiré. Pouvez-vous, par conséquent, nous faire connaître l’avis du Gouvernement sur le seul amendement n° 379 rectifié ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je vous prie de m’excuser, madame la présidente, et vous aussi, monsieur Dumont : j’aurais dû me fier à votre expérience quand vous avez invoqué un risque de redondance. (Sourires.) Quoi qu’il en soit, je confirme l’avis favorable du Gouvernement à l’amendement n° 379 rectifié.
M. Jean-Louis Dumont. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
M. Jean-Christophe Lagarde. Je veux soutenir l’amendement n° 379 rectifié, qui va permettre de remédier à la situation de bon nombre de foyers.
Par ailleurs, monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer que vous levez le gage, et le cas échéant nous indiquer le montant global que cela représente pour les 2 000 logements concernés ? Je précise que je ne vous demande pas forcément une réponse immédiate : vous pourrez nous donner ce renseignement quand il vous aura été communiqué.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Votre remarque est tout à fait légitime, monsieur Lagarde. Toutefois, le sous-amendement que j’avais évoqué n’étant pas nécessaire pour que le coût de la mesure proposée soit nul, il n’y a pas de charge pour l’État, donc pas de gage à lever – cela étant, si la procédure exige que le Gouvernement lève le gage, je le fais, ce qui lèvera toute ambiguïté.
(L’amendement n° 379 rectifié, modifié par la suppression du gage, est adopté à l’unanimité.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 72, deuxième rectification, et 126.
La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 72, deuxième rectification.
M. Dominique Tian. Le crédit d’impôt recherche prévu à l’article 244 quater B du code général des impôts s’impute sur l’impôt sur les sociétés dû au titre de l’année au cours de laquelle les dépenses de recherche ont été engagées. Dans l’hypothèse où le montant du crédit d’impôt excède le montant de l’impôt dû, l’excédent constitue une créance sur l’État d’égal montant. Cette créance peut être cédée par l’entreprise à un établissement de crédit dans les conditions de la loi Dailly en échange d’un crédit.
Afin d’améliorer l’accès au crédit aux entreprises, notamment aux PME, il est proposé d’étendre la possibilité pour celles-ci de céder leur crédit d’impôt recherche à des fonds communs de titrisation, comme cela existe déjà, par exemple, pour les créances de TVA.
M. Philippe Vitel. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n° 126.
M. Charles de Courson. L’amendement n° 126, déposé par M. Vigier et moi-même, est identique à l’amendement que vient de défendre M. Tian.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. La commission est complètement défavorable à cet amendement…
M. Alain Chrétien. Quelle surprise !
M. Christian Eckert, rapporteur général. …qui vise à permettre une pratique, la titrisation, sans savoir où celle-ci va nous mener – or, il est permis de penser qu’elle pourrait coûter très cher. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Alain Chrétien. À qui pourrait-elle coûter ?
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement est, lui aussi, défavorable à l’amendement n° 72, deuxième rectification et à l’amendement identique n° 126.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Cet amendement ne coûte rien du tout ! Il vise simplement à élargir la possibilité, déjà existante, de mobiliser une créance.
Un crédit d’impôt recherche est imputable sur le montant de l’IS. Quand le montant du crédit d’impôt excède le montant de l’impôt dû, le différentiel constitue une créance sur l’État d’égal montant, qui peut être cédée dans les conditions de la loi dite loi « Dailly » en échange d’un crédit. L’amendement vise simplement à permettre que le crédit d’impôt soit cédé à des fonds communs de titrisation, afin d’améliorer les possibilités de financement des PME – et je peux vous assurer que cela ne coûtera rien à l’État, monsieur le ministre.
Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.
M. Dominique Tian. M. de Courson a tout à fait raison : la mesure proposée ne va pas coûter un sou à l’État – au contraire, elle pourrait même lui rapporter de l’argent. On vous a connu plus inspiré, monsieur le ministre, car en l’occurrence votre réponse est assez consternante. En constituant un avantage pour les entreprises, notre amendement ne peut avoir pour effet que de rapporter de l’argent à l’État. Cela paraît évident ! (« Reprenez-vous, monsieur le ministre ! » sur les bancs du groupe UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Rabault.
Mme Valérie Rabault. Je suis fondamentalement opposée à la proposition consistant à titriser du crédit d’impôt recherche. Si cette mesure est susceptible de procurer des liquidités à certaines PME, on a vu où pouvaient conduire les pratiques de titrisation. Il ne me paraît donc pas souhaitable d’instaurer ce type de pratiques. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
M. Philippe Vitel. Mais enfin, où voulez-vous que cela conduise ?
(Les amendements identiques nos 72, deuxième rectification et 126 ne sont pas adoptés.)
M. Philippe Vitel. Quand il s’agit des SCOP, vous ne faites pas tant d’histoires !
M. Christian Eckert, rapporteur général. Nous ne sommes pas favorables à la titrisation !
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques, nos 440 rectifié, 442 rectifié, 444 rectifié et 446 rectifié.
La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n° 440 rectifié.
M. Philippe Vigier. Je voudrais commencer par répondre à Mme Rabault que, dans un souci de cohérence, elle devrait proposer de supprimer la titrisation des excédents de TVA.
M. Jean-Christophe Lagarde. Eh oui !
M. Philippe Vigier. J’aurais bien aimé vous entendre sur ce sujet !
Pour en venir à l’amendement, vous constatez, monsieur le rapporteur général, que nous vous accompagnons dans la lutte contre les abus, puisque nous proposons d’encadrer la déductibilité des intérêts d’emprunts. Comme vous le savez, le système actuel permet à une entreprise de déduire de sa base imposable les intérêts des emprunts qu’elle contracte. Compte tenu du poids maximum de l’endettement dans la valeur ajoutée, cette pratique constitue, il faut le reconnaître, un avantage accordé aux grandes entreprises, beaucoup plus capitalistiques que les entreprises petites et moyennes.
Cet amendement vise donc à limiter les phénomènes d’optimisation fiscale liés à la sous-capitalisation et au financement des entreprises par l’endettement. Or le surendettement des entreprises est une dérive contre laquelle nous luttons car elle fait courir des risques à l’économie réelle.
La fiscalité française est, sur ce point, plus avantageuse que celle des pays européens. Je pense notamment à l’Allemagne, pays dont nous comparons souvent l’économie à la nôtre, qui a introduit dès 2008 un plafond général de déductibilité des intérêts d’emprunts.
M. Yves Jégo. Eh oui !
M. Philippe Vigier. On parle souvent de convergence fiscale franco-allemande. Eh bien, allons-y ! Nous proposons, à travers cet amendement, que le plafond soit fixé à 1 million d’euros. Il aurait vocation à s’appliquer aux prêts intragroupes. Une telle mesure permettrait évidemment de limiter les abus, mais elle a surtout un intérêt auquel, je l’espère, le rapporteur général sera sensible : le gain pour l’État est évalué à 11 milliards environ sur trois années. Cela m’étonnerait que vous ne nous suiviez pas !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n° 442 rectifié.
M. Jean-Christophe Lagarde. Je ne partage pas tout à fait l’optimisme de mon collègue Philippe Vigier quant aux chances que la majorité nous suive (Sourires), mais nous pouvons au moins essayer de la convaincre. Après tout, il arrive parfois qu’au fil du temps les esprits s’ouvrent… Or il s’agit là d’un combat que nous, centristes, menons depuis maintenant de nombreuses années.
Nous avions cru vous convaincre pendant la campagne présidentielle, en entendant les discours de votre candidat, devenu président de la République, mais aussi les vôtres, sur la nécessité de favoriser fiscalement les petites entreprises par rapport aux grosses.
On sait bien qu’il existe aujourd’hui une grande inégalité entre les unes et les autres, et que le système actuel favorise celles qui ont des filiales, grâce auxquelles elles s’endettent en accordant la garantie de la maison mère, et ce aux frais de l’État, puisqu’elles évitent par là même d’être taxées.
Ce n’est pas très loin, finalement, du raisonnement que vous nous livriez sur les heures supplémentaires : si elles choisissent de s’endetter, il n’y a pas de raison que cela se fasse sur l’argent public. Pourquoi donc, monsieur Muet, que j’ai entendu tenir ce discours, l’argent public subventionnerait-il de telles pratiques ? Pourquoi accepterait-on que ce soient les impôts des sociétés et des citoyens qui viennent les subventionner ?
Le dispositif que nous proposons n’a pas été accepté par la précédente majorité, mais puisque le changement est intervenu et qu’il n’est pas tout à fait fini – du moins l’espéré-je, monsieur le ministre (Sourires) –, on pourrait au moins changer dans ce domaine.
J’insiste aussi sur ce que vient de dire Philippe Vigier : le collectif budgétaire qui nous occupe vise à dégager environ 7 milliards d’euros de recettes. Or, les sommes en jeu sont de l’ordre de 11 milliards.
J’espère donc que ma défense de cet amendement aura su vous convaincre, et ce d’autant plus qu’elle n’est pas partisane. Cette disposition va dans le sens de ce que vous défendez habituellement, au moins en paroles, c’est-à-dire la protection de la petite entreprise face à la grosse. Elle vise à rétablir un équilibre, car une petite entreprise n’a pas, elle, la capacité de faire la même chose ; elle ne se finance pas de cette façon, avec le soutien de l’État.
Si nous ne parvenons pas à convaincre l’Assemblée aujourd’hui, nous remettrons l’ouvrage sur le métier, mais je pense que le groupe socialiste serait bien inspiré d’écouter ces arguments, d’y travailler lui-même de son côté, voire, évidemment, d’adopter aujourd’hui notre amendement, à défaut de procéder autrement à un rééquilibrage entre les entreprises de différentes tailles. Il ne faut plus que l’argent public subventionne les grosses entreprises contre les petites.
M. Philippe Vigier. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Jégo, pour soutenir l’amendement n° 444 rectifié.
M. Yves Jégo. Comme Jean-Christophe Lagarde, j’aimerais arriver à vous convaincre. On voit bien que les grandes entreprises s’organisent savamment pour présenter un paysage juridiquement éclaté et échapper ainsi à toute une série de dispositifs. Leur organisation juridique permet en effet d’optimiser les avantages. Vous avez d’ailleurs dénoncé cet état de fait dans la campagne électorale en soulignant que les grandes entreprises payaient moins d’impôts que les PME et qu’il fallait rétablir un équilibre.
M. Philippe Vigier. C’est vrai.
M. Yves Jégo. Voilà un moyen simple et juste de donner un avantage aux PME. C’est, de plus, un moyen qui va rapporter de l’argent à l’État et qui permettra de moraliser quelque peu les pratiques des grands groupes. Sur le terrain, nous connaissons bien cette réalité : il existe des sociétés multiples, mère et filiales, qui n’ont pas d’objet économique, qui n’ont pas de réalité dans la vie de l’entreprise et n’ont pour but que d’échapper à l’impôt ou d’optimiser au maximum les avantages fiscaux.
M. Philippe Vigier. Exactement !
M. Yves Jégo. De grâce, mes chers collègues, je vous demande de vous rallier à cet amendement. Pas de sectarisme en cette affaire ; donnons un avantage aux PME, c’est-à-dire aux entreprises qui risquent, qui ne cherchent pas, par des moyens détournés, à frauder et obtenir des avantages indus. Nous avons là, je l’espère, l’occasion de trouver un consensus. Croyez-moi, au-delà des conséquences financières de cette mesure, son effet psychologique sera très important pour donner un coup d’arrêt à des pratiques que nous n’avons cessé, comme vous, de dénoncer.
M. Jean-Christophe Lagarde. C’est limpide ! Même la présidente est convaincue. Quel dommage qu’elle ne puisse pas voter ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n° 446 rectifié.
M. Charles de Courson. Vous savez que je défends depuis des années une thèse très simple : selon moi, il faut lier la réforme sur la déductibilité des intérêts à la structure des capitaux permanents.
M. Jean-Christophe Lagarde. C’est vrai !
M. Charles de Courson. C’est-à-dire que, au-delà d’un rapport de un à un entre les capitaux propres et les dettes à long et moyen termes, on estime qu’il y a abus et il n’est plus possible de déduire.
Quel est le but économique de cette mesure ? C’est d’aller dans le sens du renforcement des fonds propres des entreprises. Nous avions élaboré, avec l’actuel président de la commission des finances, des amendements tendant à cette fin. Je pense que nous sommes tous sensibles à la nécessité de renforcer les fonds propres et de limiter le recours à ce que l’on appelle le multiplicateur de bilan, et qui conduit les entreprises, notamment petites et moyennes, à s’endetter au-delà du raisonnable.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. Ce sont des amendements très intéressants sur le fond, mes chers collègues. Que ne les avez-vous défendus par le passé ! Quel dommage que vous n’ayez pas réussi à convaincre les gouvernements précédents et le précédent rapporteur général ! (Exclamations sur les bancs du groupe UDI.)
M. Charles de Courson et M. Philippe Vigier. Cela fait des années que les défendons !
M. Jean-Christophe Lagarde. Et nous espérons en vous !
M. Christian Eckert, rapporteur général. Une fois de plus, n’ayez pas peur : vous serez satisfaits lors de la prochaine loi de finances.
M. Philippe Vigier. Pourquoi pas maintenant ? Le changement, c’est maintenant, n’est-ce pas ?
M. Yves Jégo. Non, c’est plus tard ! Toujours plus tard !
M. Christian Eckert, rapporteur général. J’observerai attentivement votre vote sur des amendements similaires lorsque les choix définitifs seront faits.
Le collectif budgétaire avait pour but de trouver les moyens nécessaires pour atteindre l’objectif de 4,5 % de déficit en 2012. Cet objectif sera atteint lorsque nous aurons adopté le texte et qu’il aura été promulgué, mais je vous répète que vous ne serez pas déçus par la loi de finances pour 2013. J’espère que nous vous trouverons à nos côtés pour défendre ce type de dispositions.
M. Philippe Vigier. Vous avez toujours un temps de retard !
M. Jean-Christophe Lagarde. Vous pourriez au moins partager avec nous l’adoption de dispositions comme celles-ci, qui répondent à l’intérêt général !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Nous abordons, à travers ces amendements, un sujet extrêmement complexe et sur lequel il faut avancer prudemment. Il n’est pas exact, d’ailleurs, de dire que nous n’avons rien fait, car nous avons pris deux mesures.
D’une part, dans la loi de finances rectificative votée à la fin de 2010, nous avons lutté contre les abus en limitant la déductibilité des intérêts des emprunts consentis entre entreprises liées et garanties par la maison mère. Il serait bon d’examiner, avec un peu plus d’un an de recul, si cette mesure a commencé à porter ses fruits.
D’autre part, dans la loi de finances pour 2012, sur la base d’un amendement que j’avais rédigé et que le gouvernement d’alors avait accepté, nous avions limité la déductibilité des intérêts d’emprunts liés à des achats de participations dans des entreprises sur lesquelles l’acquéreur des titres n’exerce ni contrôle ni influence.
Dans le rapport que j’ai publié en juillet 2011, où je mettais en évidence tous ces problèmes d’optimisation d’impôt sur les sociétés – je parle évidemment des grands groupes, notamment ceux qui sont organisés au niveau international –, un ensemble de pistes sont évoquées. En même temps, il faut bien voir que c’est un sujet d’une très grande complexité, car il ne suffit pas de décréter que recourir à l’emprunt est une pure opération financière artificielle. Emprunter peut être aussi un moyen de développement des entreprises. Il faut donc trouver le bon équilibre.
L’ancien président de la commission des finances, devenu ministre, avait déposé un amendement qui me séduisait beaucoup en ma qualité de rapporteur général. Le Gouvernement avait hésité. Cet amendement visait à introduire un système, d’ailleurs inspiré de ce qui se pratique en Allemagne, de limitation de la déductibilité des intérêts en l’assortissant – si ma mémoire est bonne – d’une franchise. J’avais dit, à l’époque, que le mécanisme nécessitait davantage d’études et de réflexion.
Je me réjouis de ce qu’annonce le rapporteur général, à savoir que des mesures seront proposées dans la loi de finances pour 2013. Je vous mets en garde également – et je m’adresse là à mes collègues de l’UDI – car il faut veiller très attentivement à éviter des dispositifs brutaux et aveugles. Il me semble donc plus raisonnable de nous donner encore un peu de temps et d’attendre le débat sur la loi de finances pour 2013.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Ces amendements sont en effet très intéressants et vont dans le sens d’une politique que le Gouvernement s’efforcera de faire prévaloir – bien évidemment en consultant le Parlement.
Le président de la commission des finances vient de rappeler brièvement l’historique de propositions semblables qui ont été débattues dans cet hémicycle. Il est vrai qu’à plusieurs reprises, comme simple député puis comme président de la commission des finances, j’ai déposé des amendements allant dans ce sens.
Une année, j’avais déposé un amendement qui n’était pas identique au vôtre, mais qui puisait son esprit à la même source et que ni le Gouvernement ni le rapporteur général de l’époque n’avaient accepté. Le rapporteur général m’avait indiqué que le dispositif se devait d’être progressif pour être recevable.
Lors de la loi de finances suivante, j’avais présenté un nouvel amendement, qui avait une progressivité suffisante aux yeux du rapporteur général (Sourires), en espérant que, cette fois, il pourrait l’accepter et que, par un vote consensuel, nous parviendrions à avancer.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Il est vrai qu’il était nettement meilleur !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. À ce moment, il m’avait indiqué que la progressivité était une très bonne chose, mais qu’il fallait tout de même une franchise, car il était impensable que toutes les entreprises puissent être touchées par cette disposition.
Lors la loi de finances suivante, j’avais donc déposé un nouvel amendement reprenant le texte initial, complété d’un mécanisme progressif auquel j’avais ajouté une franchise, dont le montant m’avait d’ailleurs été suggéré la fois précédente par ledit rapporteur général. (Sourires.) Plein d’espoir en présentant cet amendement, j’ai entendu le rapporteur général me dire que cette fois l’amendement était parfait, mais que le sujet était trop compliqué pour qu’il puisse donner un avis favorable ! (Rires.)
Entre-temps, la législature s’est achevée et nous nous retrouvons, dans des rôles différents. Je pense que nous allons aboutir. Je remercie d’ailleurs beaucoup le rapporteur général de l’époque, aujourd’hui président de la commission des finances, des efforts qu’il a déployés pour m’aider à progresser dans la rédaction de ces amendements, et j’ose espérer d’ailleurs que les propositions que le Gouvernement pourrait vous faire bénéficieront à plein des suggestions régulières du rapporteur général de la présente législature.
Si je rappelle tout cela, c’est pour vous dire qu’il y a longtemps que chacun, sur nos bancs, sait la nécessité de légiférer en la matière.
M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Absolument !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. J’en suis profondément convaincu.
Je voudrais simplement vous indiquer, en vous demandant de retirer vos amendements, que j’ai de très bonnes raisons de penser que, dans la loi de finances pour 2013, une disposition vous sera présentée qui présentera plusieurs avantages par rapport à ce que vous proposez.
Ce nouveau dispositif, fruit du travail passé, sera étayé par des stimulations réalisées par les services des ministères de l’économie et du budget. Nous pourrons ainsi savoir exactement ce qu’il en est ; cette matière est complexe et il faut prendre garde à ne pas tuer des entreprises en voulant leur faire augmenter leurs fonds propres.
Ces mesures à venir s’inscrivent clairement dans l’orientation choisie par le Gouvernement. Je doute que le rapporteur général et le président de la commission des finances y trouveront à redire, et j’espère qu’elles seront votées aussi par les parlementaires de l’opposition, qui montreront ainsi une certaine cohérence avec leurs prises de position et leurs contributions passées.
Je suis donc défavorable aux amendements, et souhaite qu’ils soient retirés.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier. Vous avez fait une grande partie du chemin, monsieur le ministre. Certes, nous pouvons attendre, mais je ne comprends pas que vous retardiez encore l’échéance. D’une part, vous avez dit qu’il fallait trouver de l’argent pour lutter contre les déficits, et chacun s’accorde à dire qu’une telle disposition rapporterait beaucoup d’argent. D’autre part, vous n’avez pas attendu une seconde pour supprimer certaines mesures que nous avions mises en œuvre. Après quelques moments de tension en ce début de législature, nous trouvons là un terrain d’entente. Pourquoi donc attendre ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. J’aurais mauvaise grâce à ne pas comprendre votre insistance. Le Gouvernement proposera en loi de finances initiale un dispositif. Quelque peu différent de celui que vous avez imaginé, il sera davantage étayé car il aura bénéficié d’un certain nombre de simulations. Celles-ci seront portées à la connaissance des parlementaires afin que leur vote soit parfaitement éclairé. Par conséquent, si nous adoptions votre dispositif aujourd’hui, il serait modifié dans trois mois. Or j’ai cru comprendre que les uns et les autres étaient attachés à une forme de stabilité fiscale. Il serait préférable que vous retiriez vos amendements, sans quoi je demanderai à la représentation nationale de les repousser.
Mme la présidente. Monsieur Lagarde, retirez-vous votre amendement ?
M. Jean-Christophe Lagarde. J’ai demandé simplement la parole, madame la présidente.
J’ai du mal à croire, monsieur le ministre, qu’il était impossible, vu les délais, d’inscrire votre dispositif dans le PLFR. Celui-ci comporte pourtant des mesures qui ont été décidées très rapidement, notamment celle qui permet à l’État de percevoir dès 2012 quelque 800 millions d’impôts qui étaient prévus pour 2013.
Monsieur le rapporteur général, M. de Courson et moi portons ces idées depuis des années. Vous ne pouvez nous reprocher, vous qui siégez depuis longtemps à la commission des finances, de ne pas avoir fait preuve de constance.
Ce dispositif complexe mérite peut-être d’être affiné. Sous ce bénéfice, et en vous demandant, dès le projet de loi de finances, une évaluation très précise des montants et des entreprises concernées, nous attendrons encore quelques mois. Mais avançons, ne perdons pas une année de plus ! Cela représente beaucoup d’argent public, récupéré sur des entreprises qui pratiquent de façon indécente l’optimisation fiscale.
Sous cette réserve, et avec beaucoup de vigilance, je retire mon amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Jégo.
M. Yves Jégo. On vous sent un peu gênés…
M. Dominique Baert. Mais non !
M. Yves Jégo. Vous nous expliquez qu’après trois ans de travail assidu vous avez décidé de présenter un dispositif un peu différent. Est-ce une façon de reconnaître que le dispositif que vous souteniez alors n’était pas bon ? J’en doute. Est-ce parce que vous privilégiez un travail de fond ? Je l’espère. Je retirerai donc mon amendement.
Monsieur le rapporteur général, vous ne pouvez pas, à chaque fois qu’un sujet est évoqué, nous dire qu’il n’y a pas lieu d’en parler au motif que le collectif ne viserait qu’à trouver 8 milliards d’euros. Il n’est pas interdit de soulever de nouvelles questions et de remettre cent fois le budget de la nation sur le métier du Parlement.
Sous réserve que ce dispositif figure au projet de loi de finances et que nous ayons connaissance des éléments qui viendront l’étayer, et dans la mesure où il suivra la même orientation et mettra fin à cette injustice, je retire mon amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Je suis tout à fait ouvert au dialogue. Il sera certainement utile de former un groupe de réflexion pluraliste, début septembre, dès que vous aurez mûri votre position. L’idée, que nous avions longuement évoquée avec votre prédécesseur, monsieur le rapporteur général, est de lier ce dispositif au renforcement des fonds propres des entreprises.
Par ailleurs, il me semble important de protéger les PME, qui connaissent souvent des problèmes de garanties. Ce dispositif doit donc viser surtout les moyennes, les grandes et surtout les très grandes entreprises. Sous ces réserves, monsieur le ministre, je retire mon amendement.
(Les amendements nos 440 rectifié, 442 rectifié, 444 rectifié et 446 rectifié sont retirés.)
Mme la présidente. Je suis saisi de quatre amendements identiques, nos 409 rectifié, 411, 475 et 476.
La parole est à M. Charles de Courson pour soutenir l’amendement n° 409 rectifié.
M. Charles de Courson. Monsieur le ministre, la direction du trésor vous a certainement déjà informé, dans vos précédentes fonctions, de cette anomalie qui veut que le taux d’imposition des petites et moyennes entreprises soit de l’ordre de 22 % et que celui des grandes entreprises soit plus faible – calcul certes théorique, puisque Total, qui ne paie pas l’impôt sur les sociétés en France, est imposé à hauteur de 7 milliards dans les pays où il extrait le pétrole.
Nous vous proposons d’instaurer un taux minimum pour tous. Il n’y a aucune raison pour que les grandes entreprises paient moins de 15 %. En outre, l’assiette serait redressée, comme l’a été celle de l’impôt sur le revenu, de l’ensemble des niches fiscales.
Mme la présidente. La parole est à M. Yves Jégo, pour soutenir l’amendement n° 411.
M. Yves Jégo. La capacité des grandes entreprises à s’exonérer de ce qu’elles doivent au fisc est souvent dénoncée. La mesure que nous proposons est importante en termes de justice fiscale et de rendement pour l’État.
Dégager un consensus sur ce sujet, dont le Président de la République a fait un argument de campagne, nous honorerait et ferait de juillet un mois productif. Il serait bon que le systématisme ne l’emporte pas cette fois et que, dans un souci d’équilibre, le collectif prenne en compte quelques amendements de l’opposition. S’il ne devait y en avoir qu’un, que ce soit celui-là.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
M. Jean-Christophe Lagarde. Je ne vous surprendrai pas en disant que je partage l’avis de mes collègues. On dit souvent que le débat politique est inutile, tant il peut paraître caricatural lors des confrontations électorales. Mais c’est faux : l’échange permet à certaines idées de se diffuser d’un bord à l’autre de l’échiquier politique.
Que des entreprises importantes, dégageant des bénéfices très substantiels, puissent payer un impôt sur les sociétés bien inférieur à ce que l’on pourrait attendre, choque tout le monde. Alors que le taux facial est de 33,3 %, les grands groupes ont un taux réel moyen d’imposition de 22 % grâce aux professionnels qui les assistent dans ce qui pourrait bien s’appeler l’évasion fiscale.
Depuis des années, MM. de Courson et Vigier interviennent sur ce sujet et cherchent une solution équilibrée. Il ne s’agit pas d’étrangler les entreprises, mais de rendre l’impôt plus juste. Les grands groupes font tout pour y échapper ; notre travail est de faire en sorte que la fiscalité soit mieux équilibrée.
Cet amendement, en fixant un taux plancher à 15 % de l’assiette nette d’impôt sur les sociétés, majorée de l’incidence de l’ensemble des dépenses fiscales, participe de cet objectif. Si ce taux peut être revu à la baisse ou à la hausse – nous en débattrons sans doute –, je ne pense pas qu’il soit nécessaire d’attendre la loi de finances pour 2013. Nous saisissons l’occasion du collectif pour rétablir l’équité de l’impôt entre les sociétés.
M. Nicolas Sansu. Séduisant !
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.
M. Philippe Vigier. Mes collègues ont repris cet amendement, que je présente depuis au moins trois ans. Un certain nombre de travaux ont été conduits sur la fiscalité des entreprises, qui pose un problème majeur de compétitivité.
Notre attachement aux PME-PMI n’a jamais varié. Nous savons l’injustice que ressentent ces patrons qui prennent des risques, jouent leur capital, passent un temps fou dans leur entreprise, devant un taux d’imposition bien plus fort que celui de groupes qui, eux, disposent d’outils de défiscalisation. Nous ne pouvons les laisser dans cette situation.
Le rapporteur général citait tout à l’heure le cas d’une très belle entreprise, qui gagne 1 milliard d’euros par mois… Permettez-moi de rappeler quelques chiffres : en 2006, les entreprises du CAC 40, qui représentaient plus de 30 % des profits, rapportaient à peine 13 % de l’impôt sur les sociétés.
Les centristes ont tout fait pour maintenir le dispositif de la TVA emploi et celui des heures supplémentaires. Avec la même constance, nous défendrons ce dispositif-ci, dont nous espérons qu’il sera voté sans attendre la loi de finances pour 2013.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. J’ai peut-être été un peu brutal tout à l’heure, mais, si vous avez raison sur le fond dans vos discours, mes chers collègues, c’est dans les votes qu’on voit les actes, d’où ma réaction parfois un peu raide…
Si votre idée est assez largement partagée, y compris par nous, et nous avons eu l’occasion de déposer des amendements presque identiques lors de sessions précédentes, le vôtre est hélas assez mal rédigé. Vous venez de nous expliquer, et c’est vrai, que l’une des principales causes de l’anomalie que vous signalez est la déductibilité des charges, notamment financières. Or votre amendement ne remet pas ce système en cause, puisqu’il est uniquement question d’inclure dans l’assiette actuelle l’incidence de l’ensemble des dépenses fiscales visées dans l’annexe « Voies et moyens ».
Les principales de ces dépenses fiscales, qui aggravent le « mitage » de l’impôt sur les sociétés, sont les charges financières, le régime mère-fille, le régime de l’intégration fiscale et, bien sûr, les intérêts d’emprunt. Or votre amendement ne les réintègre pas dans l’assiette. Vous m’avez expliqué tout à l’heure que l’on pouvait discuter du taux ; non, c’est de l’assiette que nous devons discuter. Vous l’aviez d’ailleurs si bien compris que vous avez proposé tout à l’heure de la modifier.
C’est le même type de débat que sur l’amendement précédent. Le Gouvernement vous a longuement répondu tout à l’heure et a signifié très clairement son engagement de travailler sur le sujet. La recette produite par le dispositif sera, bien sûr, l’un des objectifs à rechercher, mais il y aura bien d’autres sujets à aborder. Vous avez évoqué les différences entre les très grandes entreprises, les entreprises de taille intermédiaire et les PME, pour lesquelles il faudra naturellement envisager des taux différents. Cela figure dans l’une des propositions de François Hollande, dont je ne sais plus le numéro, mais, comme vous êtes les notaires et les garants de la mise en œuvre de son programme, vous ne manquerez pas de nous le rappeler et nous aurons l’occasion d’en reparler lors de la loi de finances...
Bref, nous sommes d’accord sur le fond mais, à cause de la forme, nous ne pouvons qu’émettre qu’un avis défavorable à ces amendements. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le constat est partagé. Ces dernières années, les recettes de l’impôt sur les sociétés se sont considérablement affaiblies et certaines d’entre elles se sont effondrées. Sur 40 à 45 milliards d’euros de recettes, les entreprises du CAC 40 n’en fournissent que 3 ou 4, dont les deux tiers sont assurés par les entreprises publiques. Il y a donc des entreprises du CAC 40 qui ne paient plus d’impôt sur les sociétés, non parce que le taux qui les affecte est trop faible, parce que leur assiette s’est asséchée.
Si nous sommes d’accord sur le constat, vous conviendrez que les amendements que nous examinons seront sans effet car, si l’assiette est asséchée, on peut mettre le taux qu’on veut, le rendement ne sera celui espéré. Comme l’a souligné le rapporteur général, ce n’est pas une question de taux, c’est une question d’assiette.
Il faudra donc corriger le système. Je ne crois pas que les amendements que vous nous proposez le permettent, je suis même convaincu du contraire, ce qui m’amène à la conclusion que nous faisons le même constat, que nous avons le même objectif, mais que nous différerons dans les moyens utilisés.
Nous aurons ce débat à l’occasion de la loi de finances pour 2013. En attendant, je recommande le rejet de ces amendements.
Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.
M. Hervé Mariton. Dans toute réforme fiscale, il faut faire attention aux effets induits non désirés : nous en avons eu quelques exemples ce matin.
J’entends bien que l’essentiel des dépenses fiscales concerne les plus grandes entreprises, mais pas seulement, et il faut donc veiller, dans la rédaction telle qu’elle est proposée et dans tout processus que vous allez enclencher, monsieur le ministre, à éviter que la définition d’un taux minimum n’ait pour conséquence une augmentation de l’impôt des plus petites entreprises.
Nous avons eu il y a quelques années un débat sur l’impôt minimum pour les personnes physiques. L’idée paraît lumineuse pour limiter l’évasion fiscale, et l’on imagine volontiers que, pour rattraper ceux qui, indûment à nos yeux, ne paient pas d’impôt, il faille mettre en place un impôt minimum, mais, dans le cas qui nous occupe, des entreprises de taille plus modeste que celles que nous ciblons risquent fort d’avoir à payer un impôt plus élevé qu’aujourd’hui.
Je vous incite à tenir compte de cette observation dans les réflexions qui vont s’engager et à faire preuve d’une certaine prudence. L’objectif général, nous le partageons, mais veillons à bien définir les choses et prenons garde aux effets collatéraux qui pourraient ne pas être ceux que nous désirons.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
M. Jean-Christophe Lagarde. Je veux d’abord vous rassurer, monsieur le rapporteur général, nous ne cherchons pas à prendre votre place, ni à être les greffiers ou les notaires du programme de François Hollande. Nous aurions d’ailleurs bien du mal puisque, dès hier, vous avez commencé à oublier un certain nombre de ses propositions, notamment l’engagement n° 34 sur la fiscalisation des heures supplémentaires. Vous avez choisi de conclure ainsi votre propos, permettez que je commence sur le même thème !
Vous soulignez, monsieur le ministre, que c’est un problème d’assiette. Pour vous, monsieur le rapporteur général, c’est un problème d’assiette et de taux. Cela commence à faire beaucoup. Vous nous répondez que les charges financières ne sont pas prises en compte, mais, si l’amendement précédent avait été adopté, elles se seraient trouvées, par définition, réintroduites dans l’assiette. Ce n’est pas parce que nous sommes obligés, pour des raisons de technique parlementaire, de scinder nos amendements qu’il faut remettre en cause la cohérence ou même l’intelligence de notre proposition.
Vous avez raison sur un point, monsieur le ministre : nous différons quant aux moyens. Ou plutôt, nous n’avons pas les mêmes moyens, et c’est d’ailleurs heureux que le Gouvernement en ait d’autres, pour évaluer le dispositif. Charles de Courson, en défendant le précédent amendement, vous a fait une proposition ; je vous fais la même. Dans l’esprit qui a présidé, au moins dans les discours, à une partie de la campagne électorale, il me semblerait utile que, partageant les mêmes objectifs, nous puissions participer ensemble à un groupe de travail pluraliste afin de rechercher la meilleure solution. J’ai bien compris que vous souhaitiez en conserver la paternité exclusive ; soit, mais que le travail, au moins, soit commun !
On parle souvent de stabilité fiscale ; or, c’est justement lorsque l’on fait un tel travail que l’on aboutit à des lois stables. Puisque le constat est partagé, essayons de trouver ensemble la solution, avec les moyens dont vous disposez. Si elle est également partagée, ce sera bien mieux que si vous cherchez à l’imposer ou simplement à imposer votre signature – je parle naturellement, non pas seulement du Gouvernement, mais aussi de la majorité.
Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.
M. Nicolas Sansu. Je suis très reconnaissant à mes collègues de l’UDI d’avoir mis ce dossier sur la table. J’ai compris que tout le monde s’accordait pour considérer que la faiblesse du rendement de l’impôt sur les sociétés était très choquante. Lorsqu’un grand nombre d’entreprises du CAC 40 ne paient pas d’impôt sur les sociétés en France, cela pose problème ! Je rappelle qu’entre 2000 et 2010 les entreprises du CAC 40 ont fait 600 milliards de bénéfices et en ont utilisé plus de 400 en dividendes ou en rachat d’actions. C’est tout simplement scandaleux, et c’est l’un des problèmes qu’il faudra régler en travaillant sur le taux et sur l’assiette – car je comprends bien qu’il faut aussi travailler sur l’assiette.
Encore une fois, je suis très reconnaissant à mes collègues de l’UDI d’avoir mis sur la table ce dossier extrêmement important. Je manque un peu d’expérience dans cette maison, et je regrette de n’avoir pas pensé à présenter moi-même un article additionnel en ce sens.
(Les amendements identiques nos 409 rectifié, 411, 475 et 476 ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen, pour soutenir l’amendement n° 204 rectifié.
M. Jean-Marie Le Guen. Je vais présenter un amendement que vous connaissez bien, madame la présidente, puisque vous en êtes cosignataire. C’est un sujet sensible et important, une question de santé publique, de finances publiques et, d’une certaine façon, de morale publique. Je propose tout simplement de taxer les superbénéfices de l’industrie du tabac. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)
Sous le second mandat de Jacques Chirac, les taxes sur le tabac avaient augmenté de façon significative, ce qui avait entraîné une augmentation des prix sans toucher aux bénéfices des industriels du tabac.
Sous le mandat précédent, M. Sarkozy et M. Fillon ont mené une politique contraire, puisqu’ils ont décidé à quatre reprises une augmentation du prix du tabac, donc une augmentation du prix payé par le consommateur, mais cette augmentation à profité de façon quasi exclusive, déduction faite, bien sûr, de la part proportionnelle de la fiscalité, c’est-à-dire principalement de la TVA, aux industriels du tabac.
Sur les trois dernières années, ce sont plus de 300 millions d’euros qui sont venus augmenter les profits de l’industrie du tabac, et je ne parle évidemment pas des buralistes : il s’agit d’un enrichissement sans cause, et qui n’a profité ni à l’emploi, ni à la recherche, ni à l’investissement.
Cette année, et le ministre nous dira dans quelles conditions, le gouvernement précédent a engagé une nouvelle négociation avec les industriels pour leur accorder une nouvelle augmentation des prix, de plus de 6 % au mois d’octobre, qui leur rapportera plus de 125 millions supplémentaires.
On ne peut manquer d’être stupéfait devant le laxisme et la tolérance dont il a été fait preuve envers ces industriels, et ce sans aucun fondement économique. Cela pèsera lourd sur le pouvoir d’achat de ceux qui achètent des cigarettes, sans pour autant aller, c’est le moins que l’on puisse dire, dans le sens de la santé publique, car les moyens ainsi offerts à cette industrie lui permettront de continuer à mener de grandes actions d’influence et de désinformation. Un quotidien du soir a révélé voici quelques semaines la manière dont, dans notre pays, certains milieux scientifiques ont été influencés et financés par ces industriels pour alimenter des thèses totalement caduques au plan scientifique, à savoir que le tabagisme passif n’existerait pas ou serait sans conséquences.
Pendant les années 1970 et 1980, notamment aux États-Unis – et chacun se souvient des procès menés contre eux –, ils ont utilisé tous les moyens les plus frauduleux pour nier les conséquences de la consommation de tabac sur la santé, notamment ses effets cancérigènes. Depuis une quinzaine d’années, ils mènent un combat secondaire pour que le tabagisme passif ne soit pas mis en cause, alors que plus de 70 000 morts par an sont liées à la consommation de tabac.
Il semble donc évidemment nécessaire de ne pas donner de moyens supplémentaires à cette industrie. Comme cela a été fait pour l’industrie pétrolière, et parce qu’il est difficile de la taxer sur les bénéfices en tant que tels, nous proposons de tenir compte du chiffre d’affaires et de sa progression pour obtenir les sommes, une centaine de millions, peut-être plus, que nous souhaitons voir revenir dans le budget de l’État.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, qui me l’a demandée.
M. Denys Robiliard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Je souhaite en effet dire un mot. Il s’agit évidemment d’une problématique très importante, dont on ne peut pas se désintéresser. Reste que le dispositif proposé n’est pas au point, y compris sur le plan juridique, puisque les modalités de recouvrement sont renvoyées à un décret alors qu’elles devraient relever de la loi. Enfin, il faut tenir compte, dans notre réflexion, des effets sur la contrebande.
M. Michel Vergnier. Sur la contrefaçon !
M. Denys Robiliard, rapporteur pour avis. La contrebande existe aussi, il n’y a pas que la contrefaçon. C’est un sujet qu’il nous faut traiter : la prochaine loi de finances initiale pourrait en fournir le cadre. Je crois que l’amendement de M. Le Guen permet de poser les termes du débat et nous oblige à réfléchir dans un délai relativement bref. Mais, en l’état, même si la commission des affaires sociales n’a pas pu se prononcer faute de l’avoir examiné, je crois qu’on ne peut être favorable à l’amendement tel qu’il est proposé.
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des finances ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. La présentation de l’amendement par ses auteurs fait apparaître les trois problèmes posés : le premier est financier, le deuxième concerne la santé publique et le troisième, la morale publique.
La commission des finances n’a pas la prétention de donner un avis éclairé sur un problème de morale publique.
M. Charles de Courson. Si !
M. Christian Eckert, rapporteur général. Elle n’a pas vocation non plus à argumenter sur une question de santé publique. Elle peut émettre un avis en matière de finances publiques. Le rapporteur pour avis vient de signaler quelques problèmes techniques qui justifieraient que l’amendement soit réécrit afin d’être opérationnel sur le plan juridique. Je crois que l’objectif des auteurs de l’amendement était d’ouvrir le débat. C’est fait.
Sur le plan financier, vous avez parfaitement décrit les enjeux. Vous avez parfaitement retracé l’évolution des volumes concernés. Je laisserai le Gouvernement répondre sur des aspects plus généraux, prendre éventuellement des engagements quant à un examen de la problématique dans son ensemble. La commission des finances, qui s’est prononcée sur les aspects techniques de l’amendement, a soulevé en l’état des objections et a émis un avis défavorable, dans l’attente d’un débat plus large.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur le député, je souscris, malheureusement pour vous, aux remarques qui viennent d’être faites par le rapporteur pour avis et par le rapporteur général, et j’ajouterai trois autres arguments.
En premier lieu, s’il était adopté, l’amendement ne taxerait que les sociétés installées en France et pas les autres. Grâce à des mécanismes de prix de transfert, seules ces sociétés-là seraient malheureusement taxées. Je dis : malheureusement, car les autres sociétés doivent aussi naturellement contribuer.
Deuxièmement, tel qu’il est rédigé, l’amendement est contraire à la directive européenne 2008/118. Il est délicat pour le Gouvernement de recommander l’adoption d’un amendement qui est à ce point en contradiction avec une directive communautaire !
M. Charles de Courson. Cela s’est vu !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Feindre de l’oublier ne serait pas très sérieux de ma part…
Troisième argument, plus utilitaire : si votre amendement entrait en vigueur dans les conditions que vous souhaitez et avec le calendrier que vous espérez, le rendement pour l’État serait certes intéressant – 220 à 230 millions d’euros – mais n’interviendrait qu’en septembre 2013. Je pense que nous avons le temps, si vous le souhaitez, de regarder d’ici là ce qui peut être fait, sachant que le Gouvernement a engagé une réflexion sur la structure de la fiscalité des droits sur le tabac.
Vous avez très justement fait remarquer que les droits sur le tabac comportent une part proportionnelle et une part fixe. Vous savez, comme moi, que la fraction respective de chacune d’elles n’est pas la même chez nos voisins européens. Vous savez, enfin, que chaque augmentation des prix du tabac a frappé davantage les produits dits de haut de gamme que ceux dits de bas de gamme – à supposer qu’il faille faire une telle distinction en termes de santé publique : certains s’y risquent, pour ma part je m’en garderais. Il n’en demeure pas moins que les augmentations des droits du tabac frappent différemment les produits selon leur prix, précisément à cause de la structure de la fiscalité. Il faut réfléchir à une évolution de celle-ci. Je suggère que nous nous y attelions de façon conjointe. Nous avons le temps, puisque l’objet même de votre amendement n’est que de donner des subsides supplémentaires à l’État – je vous en remercie – à l’horizon de septembre 2013, ce qui nous laisse un peu de temps. Je vous suggère donc de retirer votre amendement au bénéfice des remarques que je viens de vous apporter, conjointement avec le rapporteur pour avis et le rapporteur général.
Mme la présidente. Je limiterai les interventions sur cet amendement à un orateur par groupe. Pour le groupe Union des démocrates et indépendants, la parole est à M. Charles de Courson.
M. Charles de Courson. Je souhaite faire quelques observations sur le fond. La lutte contre le tabagisme ne passe pas uniquement par l’augmentation des prix. J’ai dit pendant des années aux gouvernements successifs que la hausse continue des prix du tabac avait eu pour conséquence perverse de développer les importations plus ou moins clandestines. Je vous rappelle d’ailleurs qu’une partie d’entre elles ne sont pas clandestines, puisqu’elles sont autorisées – mon collègue Dumont le sait bien puisqu’il est frontalier du Luxembourg, qui est une source d’approvisionnement pour les consommateurs de ma circonscription. Environ 20 % de la consommation française provient aujourd’hui de ces voies-là et échappe à toute imposition.
Étant, comme mon groupe, profondément européen, je fais partie de ceux qui ont toujours défendu la nécessité d’une coordination européenne des prix du tabac. Sinon, nous subirons les effets de déport et de report aboutissant à assécher les recettes fiscales. Les pertes de recettes sur les 20 % précités, qui augmentent continûment, sont de l’ordre de 3,5 milliards, soit vingt fois le rendement attendu de l’amendement Le Guen. C’est énorme ! Sans une politique communautaire des prix du tabac, c’est-à-dire une vraie coordination des impôts et taxes sur le tabac, on n’y arrivera pas.
Deuxièmement, l’amendement pêche sur plusieurs points. L’idée d’une taxe de 6 % sur le chiffre d’affaires, à laquelle s’ajouterait une surtaxe de 45 % sur l’augmentation de celui-ci, est impraticable. Elle est d’abord anti-communautaire : elle est contraire à la sixième directive TVA car il s’agit d’un impôt ad valorem. Or, il ne peut y avoir qu’un impôt ad valorem, la TVA, les autres constituant des droits d’accise.
Mme la présidente. Concluez, cher collègue !
M. Charles de Courson. Je tiens le bon bout. Deuxième problème…
Mme la présidente. Vous n’avez plus la parole. (Protestations sur les bancs des groupes UDI et UMP.)
La parole est à M. Alain Chrétien pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.
M. Alain Chrétien. M. de Courson avait presque fini, c’est dommage qu’il n’ait pas pu terminer. L’amendement aborde un sujet trop grave pour être traité par un cavalier budgétaire dans une loi de finances rectificative. Je pense qu’il existe d’autres manières d’ouvrir le débat que cet amendement.
Cette mesure, nous la jugeons expéditive et contre-productive. Elle est expéditive parce qu’un sujet avec de tels impacts ne peut être traité comme cela en fin d’après-midi. Ensuite, je suis issu d’une circonscription frontalière. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Eh oui ! Vous ne pouvez pas savoir l’importance de la contrebande qui y a cours. En outre, un nouveau phénomène prend de l’ampleur et devra être analysé : la vente par internet, qui non seulement n’est pas maîtrisable, mais est en outre nocive pour la santé, car les produits sont de très mauvaise qualité.
M. Jean-Louis Dumont. C’est vrai !
M. Alain Chrétien. Le problème dépasse donc celui d’une simple mesure financière, d’une simple mesure punitive. Depuis le début de cette journée, on sous-entend qu’il faut punir ceux qui gagnent de l’argent et punir les bénéfices. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)
Ce qu’il faut surtout, en vérité, c’est lutter comme la précédente majorité l’a fait avec le plan cancer. (Mêmes mouvements.) C’est comme cela qu’on réglera le problème du tabagisme et non par une mesure financière et punitive. J’ajouterai qu’il existe en milieu rural un réseau de buralistes qui contribue à maintenir une présence de proximité, et qui représente un certain nombre d’emplois. Ne soyez pas manichéens, ne soyez pas dans l’économie financière pure, ne soyez pas les chevaliers blancs contre les bénéfices des entreprises !
M. Yann Galut. On voit qui vous défendez !
M. Alain Chrétien. Pensez global, pensez à long terme, et pensez surtout à la santé des gens avant de penser à faire la chasse aux bénéfices ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Christian Paul, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.
M. Christian Paul. Quand j’écoute les propos empreints de renoncement des membres de l’UMP, je comprends pourquoi les industries du tabac ont vu leur chiffre d’affaires progresser de 26 % ces dernières années. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)
En appeler au plan cancer pour lutter contre le tabagisme lorsque l’on sait que cette bataille se joue dès la cour d’école, je trouve cela, mon cher collègue, totalement incohérent.
M. Pascal Terrasse. C’est irresponsable !
M. Christian Paul. Je pense que les auteurs de l’amendement ont compris des propos du rapporteur, et certainement aussi de ceux du ministre, que la majorité voulait encourager leur démarche, dont les intentions sont louables et la portée importante. Il faut évidemment taxer davantage les profits de l’industrie du tabac. Il faut évidemment aussi – c’est pourquoi cela appelle une politique globale, qui est peut-être le seul mot utile dans ce que vous avez dit, mon cher collègue (Protestations sur les bancs du groupe UMP) – des éléments indispensables d’éducation à la santé, et pas simplement le plan cancer.
Nous souhaitons faire évoluer les prélèvements sur le tabac et les renforcer. En lançant cette discussion, nous souhaitons réellement réussir à faire aboutir les propositions de Jean-Marie Le Guen en faveur d’une taxation plus importante. Il faut sans doute éviter un certain nombre d’effets collatéraux qui ont été soulignés. Il faut aussi veiller à la constitutionnalité et à la dimension communautaire de nos propositions. Cela réclame sans doute quelques semaines de travail, mais il faut que nous prenions rendez-vous dès le débat budgétaire de cet automne pour prendre des décisions fortes.
M. Philippe Vigier. Cela fait beaucoup de rendez-vous !
M. Christian Paul. C’est en ce sens que le groupe SRC entend se prononcer sur cet amendement. Celui-ci est, mon cher collègue, probablement prématuré. Le dire n’est ni une manœuvre dilatoire, ni une façon de nier le problème.
M. Claude Goasguen. Pensez donc !
M. Christian Paul. Il s’agit d’un problème essentiel qui demande des décisions fortes et décisions très prochaines, mes chers collègues.
M. Claude Goasguen. On verra…
M. Christian Paul. Je suis d’ailleurs sûr qu’au sein du groupe UMP, à l’exception peut-être de quelques-uns qui nient le problème et font preuve d’un total renoncement, beaucoup voteront ces mesures.
M. Claude Goasguen. Cela s’appelle noyer le poisson !
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Le Guen.
M. Jean-Marie Le Guen. Ce débat illustre bien les positions qui peuvent être défendues dans cet hémicycle. Chacun a remarqué que ceux qui se sont exprimés l’ont fait pour défendre, au détriment des finances publiques, les superprofits d’une industrie qui ne rapporte rien à notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) On peut être techniquement en désaccord avec l’amendement, il n’en reste pas moins que sa finalité consiste à prélever de l’argent sur ces superprofits pour financer une politique de santé publique.
Personne ne peut nier, même si le fait est le plus souvent mis en avant pour des raisons qui ont peu à voir avec la cause défendue, qu’il existe des problèmes de contrebande et de contrefaçon. Sont-ils de nature à nous faire baisser la garde ?
M. Jean-Christophe Lagarde. Fait personnel ! (Sourires.)
M. Jean-Marie Le Guen. Je crois que ce serait, tant du point de vue de la santé publique que des finances publiques, une erreur.
Je demande au ministre délégué de réfléchir à ces questions. La situation des buralistes est souvent mise en avant par les industriels du tabac pour légitimer leur opposition à l’augmentation des prix, à toute possibilité d’agir sur leurs bénéfices. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Le ministère pourrait réfléchir à des moyens pour que la rémunération moyenne des buralistes, qui a augmenté très significativement ces dernières années. (Mêmes mouvements.)
M. Gérald Darmanin. On le leur dira !
M. Jean-Marie Le Guen. Soyez tolérants, chers collègues, on a l’impression qu’on vous frappe au portefeuille ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.) Je ne savais pas que je susciterais tant d’émoi !
Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur Le Guen !
M. Jean-Marie Le Guen. C’est un député de Paris qui pose la question : pourquoi les buralistes des zones frontalières ou rurales ont-ils le même taux de rémunération que les buralistes parisiens ? Il n’y a aucune raison à cela, et je serais tout à fait favorable à ce que les buralistes des zones fragilisées reçoivent une rémunération fixe qui leur soit avantageuse.
M. Claude Goasguen. Quel délire !
M. Jean-Marie Le Guen. Le Gouvernement prendrait cet argent sur les industriels du tabac, bien sûr, et non sur le budget de l’État.
Monsieur le ministre délégué, je veux bien retirer mon amendement (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI),…
M. Philippe Vigier. Tout ça pour ça !
M. Jean-Marie Le Guen. …mais je vous demande des engagements précis. Quelle sera la politique du Gouvernement en matière de santé publique et de lutte contre le tabagisme ?
M. Gérald Darmanin. Question orale !
M. Jean-Marie Le Guen. Avec 70 000 morts, si vous appelez cela une question orale, cher collègue, c’est que nous n’avons pas la même vision de l’intérêt général !
Ce gouvernement a-t-il l’intention de tourner la page des cinq dernières années et de renouer avec une véritable politique de santé publique ?
M. Philippe Vigier. Cela fait dix minutes que vous parlez !
M. Jean-Marie Le Guen. Je fais confiance aux services techniques du ministère, mais je ne ferai pas comme notre collègue le remarquable Yves Bur, rapporteur du budget de la Sécurité sociale sous la précédente législature, qui, pendant cinq ans, a défendu des positions érodées par sa majorité. Je ne souhaite pas devoir, comme lui, rappeler chaque année des impératifs de santé publique, de lutte contre l’influence considérable de cette industrie sur certains lieux de décision, et je voudrais que ce gouvernement s’engage à proposer des éléments de réforme lors du budget de l’automne prochain. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)
(L’amendement n° 204 rectifié est retiré.)
Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 37.
M. Lionel Tardy. Venant après les envolées de M. Le Guen, il s’agit d’un amendement beaucoup plus modeste, mais il aura au moins le mérite de ne pas être retiré…
Je souhaite obtenir une précision concernant le crédit d’impôt dont bénéficient les entreprises qui réservent des berceaux de crèche pour leurs salariés. Faut-il que les dépenses soient directement engagées par l’entreprise, à l’exclusion de toute autre structure, ou fait-on également entrer dans l’assiette les réservations effectuées par le comité d’entreprise ?
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. Cet amendement est satisfait par l’article 244 quater F du code général des impôts. Je suggère donc à son auteur de le retirer, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je crois cet amendement inutile, la loi prévoyant déjà ce qu’il propose. La loi bavarde est à proscrire.
J’en profite pour indiquer à M. Le Guen, qui m’a interpellé pour demander des indications, que c’est avec un très grand plaisir que je les lui donnerai à la fin du débat, quand tous les amendements auront été examinés, ce qui devrait avoir lieu vers six ou sept heures demain matin. J’espère que vous serez là, monsieur le député ! (Exclamations sur divers bancs.)
M. Claude Goasguen. Vous fumerez un cigare ensemble !
(L’amendement n° 37 n’est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 39.
M. Lionel Tardy. Monsieur le ministre, je souhaite, par cet amendement, connaître votre analyse et votre position sur le contentieux qui nous oppose à la Commission européenne concernant la fiscalité des télécoms. En 2009, nous avons voté une taxe sur les télécoms afin de compenser l’arrêt de la publicité après vingt heures sur France Télévisions. Un contentieux est en cours et nous avons toutes les chances de le perdre et de devoir rembourser. Lors de la dernière loi de finances, nous avons réformé la taxe COSIP qui alimente le Centre national du cinéma. Le dossier a été notifié à la Commission européenne, qui diffère, apparemment volontairement, sa réponse, ce qui retarde la mise en place du dispositif et provoque des pertes de ressources pour le CNC.
Alors que des réflexions nationales viennent d’être lancées sur la fiscalité du numérique, il faudrait songer à régler ce contentieux avec la Commission européenne. Nous risquons, autrement, de voir le dossier bloqué, et plus il y aura de textes en attente, plus l’enjeu sera lourd et sa résolution difficile. Tant que nous n’aurons pas purgé ce contentieux, nous n’avancerons pas. Monsieur le ministre, où en est-on sur ce sujet ? Comment sortir du bras de fer avec Bruxelles ?
Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?
M. Christian Eckert, rapporteur général. Défavorable. La Commission européenne a renvoyé en mars 2011 la France et l’Espagne devant la Cour de justice de l’Union européenne car ces pays refusaient d’abolir leurs taxes spécifiques sur le chiffre d’affaires des opérateurs télécoms. Je rappelle que c’est le gouvernement précédent qui a instauré cette taxe pour financer la suppression de la publicité sur les télévisions publiques. Elle rapportera environ 258 millions d’euros en 2012. La Cour de justice étant saisie et la France défendant ses arguments, je pense qu’il serait prématuré de supprimer cette taxe, surtout sans conduire une réflexion d’ensemble sur le financement de l’audiovisuel. C’est, je crois, ce à quoi s’est engagé le Gouvernement, notamment autour de la ministre de la culture, qui a fait récemment des déclarations sur ce thème.
Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. On sait que cette taxe a été créée pour compenser la perte de recettes pour France Télévisions…
M. Charles de Courson. Hélas !
M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …consécutive à la décision, un peu surprenante, en particulier pour les principaux intéressés, de supprimer la publicité après 20 heures sur les chaînes publiques.
La situation juridique de cette taxe est aujourd’hui délicate. Tout espoir n’est pas perdu, même si je crains, monsieur le député, que vous n’ayez raison et qu’il nous faille anticiper une condamnation. Mais anticiper ne veut pas dire précipiter. Je vous invite donc à retirer l’amendement, à défaut de quoi je demanderai à l’Assemblée de le repousser.
(L’amendement n° 39 n’est pas adopté.)
(L’article 16 est adopté.)
Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2012.
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-neuf heures cinquante-cinq.)
Le Directeur du service du compte rendu de la séance
de l’Assemblée nationale,
Nicolas Véron