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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 25 octobre 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Denis Baupin

1. Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 (suite)

Troisième partie (suite)

Article 21

Mme Chaynesse Khirouni

Mme Martine Carrillon-Couvreur

M. Bernard Accoyer

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

M. Gérard Sebaoun

M. Arnaud Robinet

M. Francis Vercamer

Après l’article 21

Amendement no 506 rectifié

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les recettes et l’équilibre général

Amendement no 650

M. Christian Paul, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance maladie et les accidents du travail

Amendements nos 675 rectifié, 401, 526, 628, 679 rectifié

Suspension et reprise de la séance

Rappel au règlement

Mme Bérengère Poletti

Après l’article 21 (suite)

Amendements nos 518 rectifié, 114 rectifié

Article 22

Mme Fanélie Carrey-Conte

M. Gérard Sebaoun

M. Denis Jacquat

Mme Bérengère Poletti

M. Bernard Accoyer

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales

M. Gérard Bapt, rapporteur

Amendements nos 367, 598, 547

Article 23

Mme Véronique Louwagie

M. Jean-Pierre Decool

M. Gérard Sebaoun

M. Denis Jacquat

Mme Martine Carrillon-Couvreur

M. Patrick Hetzel

M. André Schneider

M. Marc Dolez

Mme Isabelle Le Callennec

M. Bernard Accoyer

M. Christian Hutin

M. Francis Vercamer

M. Dominique Tian

M. Jean-Marc Germain

M. Michel Lefait

M. Paul Molac

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales

M. Michel Issindou

Amendements nos 281, 282, 284, 285, 294, 295, 296, 297, 307, 326, 368, 386, 629, 729, 327, 323, 472, 545, 630, 448, 766 (sous-amendement), 772 (sous-amendement), 770 (sous-amendement), 771 (sous-amendement), 773 (sous-amendement), 398, 631, 328

Suspension et reprise de la séance

Après l’article 23

Amendements nos 603, 473, 778 (sous-amendement), 746 (sous-amendement), 541, 780 (sous-amendement), 581

Article 24

Après l’article 24

Amendements nos 752, 652 rectifié, 479 troisième rectification, 774 (sous-amendement) rectifié, 649 rectifié

Article 25

Après l’article 20 (Amendements précédemment réservés)

Amendements nos 653 rectifié, 682 rectifié, 651, 658 rectifié, 672  rectifié

Articles 26, 27 et annexe C, 28.

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Denis Baupin,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 (nos 287, 302, 301).

Ce matin, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant aux amendements portant articles additionnels après l’article 20.

À la demande du Gouvernement, ces amendements sont réservés. La réserve est de droit.

Troisième partie (suite)

Article 21

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 21.

La parole est à Mme Chaynesse Khirouni.

Mme Chaynesse Khirouni. Monsieur le président, madame la ministre des affaires sociales et de la santé, mes chers collèges, le fonds CMU a été institué en 1999 par notre majorité, confirmant ainsi le souci de justice permanent de la gauche. Ce fonds a pour seule ressource la taxe collectée, à un taux de 6,27 %, par les organismes complémentaires sur les contrats d’assurance maladie complémentaire, et qui ne couvre que partiellement les dépenses engagées par les bénéficiaires de la CMU complémentaire.

Il est proposé de compléter ce financement par l’affectation au fonds du produit de la taxe sur les boissons à sucre ajouté ainsi que celui de la taxe sur les boissons contenant des édulcorants.

Je précise que le nombre de bénéficiaires de la CMU est en augmentation : il s’élevait en 2011 à plus de 4 millions, soit une hausse de 3 % par rapport à 2010. L’intégration dans le dispositif d’un plus grand nombre de chômeurs arrivés en fin de droits explique cette progression. Je rappelle que la CMU est accessible aux demandeurs dont le revenu annuel ne dépasse pas 7 934 euros pour une personne seule. Il est de notre devoir d’assurer d’un financement soutenable et durable du fonds CMU.

La diversification des ressources apparaît d’autant plus nécessaire que nous avons souhaité plus de justice et plus de transparence dans le financement de nos comptes sociaux. La CMU mérite que nous la soutenions pour toutes celles et tous ceux qui ne peuvent pas s’offrir une complémentaire santé.

M. le président. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. En tant que membre du conseil de surveillance du fonds CMU, je me félicite des mesures prévues à l’article 21.

Au fil du temps, le sigle CMU est devenu un nom commun et le symbole d’un système de protection sociale ayant pour ambition de garantir la solidarité devant la maladie. Comme l’a dit l’oratrice précédente, cette réforme politique a marqué l’évolution de notre pacte social. Le présent article permet de franchir un nouveau pas.

Chaque année, l’examen du PLFSS nous donne l’occasion de faire le point sur le sujet. Dans le cadre des débats sur les dépassements d’honoraires, la question du reste à charge a été en 2011, et demeure cette année, une question majeure.

Je voudrais évoquer ici la question du plafond de ressources. Le seuil de pauvreté est défini par l’INSEE par rapport au revenu médian, dont il représente généralement 60 %. À la création de la loi, en 2000, on a retenu le niveau de 50 %, et le plafond finalement retenu ne représentait que 88 % de ces 50 %. Douze années plus tard, on constate que, comme dans beaucoup d’autres domaines, la situation s’est aggravée, pour la simple raison que le plafond est revalorisé en fonction des prix, dont l’évolution est, en moyenne, inférieure de deux points à celle des revenus. Le problème du décrochage du plafond de la CMU par rapport au seuil de pauvreté est donc posé.

Je me félicite de la revalorisation du forfait de remboursement, qui, fixé en 2009 à 370 euros par bénéficiaire, passerait à 400 euros. Il faut souligner aussi l’indexation annuelle prévue sur l’inflation.

Enfin, je rappelle que ce remboursement majoré inscrit à l’article 21 s’explique par la situation particulière de la CNAMTS par rapport aux autres mécanismes gestionnaires, la CNAMTS étant l’assureur en dernier ressort et couvrant ainsi 80 % de la population concernée.

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Sans revenir sur le financement d’un dispositif qui concerne ceux de nos compatriotes qui ont besoin d’être aidés pour accéder à des soins dans des conditions satisfaisantes, je ferai remarquer à la représentation nationale et à vous-même, madame la ministre, que nous sommes en train de glisser vers une fiscalité dite diététique. Ce choix peut certes s’expliquer, mais, au pays de l’agriculture, au pays de l’agroalimentaire, au pays de la gastronomie, nous ferions bien de comprendre qu’après les boissons sucrées et les boissons énergisantes viennent les substances grasses, les substances salées, etc.

Nous sommes face à une dérive étonnante qui me paraît procéder de cette mécanique terrible qui consiste à taxer tout ce qui peut l’être. C’est une spécificité nationale, qui fait que la vie est plus chère en France qu’ailleurs pour le consommateur, pour le salarié, pour le retraité. De même, la production y est plus chère qu’ailleurs, tout cela se traduisant par des charges supplémentaires ou des parts de marchés moindres pour les entreprises. En réalité, il vaudrait mieux faire des économies dans des secteurs bien ciblés.

Vous avez fait le choix de fixer un ONDAM de 10 % plus élevé que ne le recommandait la Cour des comptes. Au passage, je vous signale que, ces deux dernières années, l’ONDAM a été respecté. Pour financer ce supplément, il vous faut évidemment recourir à toute une série de nouvelles taxations qui ont un effet contre-productif sur la création de richesse comme sur la consommation, et qui sèment la confusion sur les sources de financement des dépenses de l’État, de l’assurance maladie et de la solidarité.

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur Accoyer, l’article 21 vise à sécuriser le financement des organismes gestionnaires du dispositif de la CMU complémentaire. Je crois donc votre intervention totalement inopportune, cet article n’envisageant aucune taxation supplémentaire.

M. Dominique Tian. Ce doit être un oubli !

M. Bernard Accoyer. Je dis ce que je pense !

Mme Marisol Touraine, ministre. Il ne prévoit rien d’autre que l’affectation d’une ressource pérenne permettant de garantir durablement un meilleur financement de la CMU complémentaire et la rémunération des organismes gestionnaires de cette prestation à hauteur de ce qu’ils versent pour chaque bénéficiaire.

Mesdames et messieurs les députés de l’opposition, vous avez tort de toujours nous chanter, dans cet article qui concerne la CMU, c’est-à-dire les personnes les plus fragiles, la même antienne qui consiste à dire que nous ne cessons de taxer.

M. Dominique Tian. C’est pourtant vrai !

Mme Marisol Touraine, ministre. Vous avez doublement tort : d’abord parce que cet article ne prévoit pas de prélèvement supplémentaire, ensuite parce qu’il s’agit de ceux qui ont le plus besoin de la solidarité. Vous auriez pu faire preuve d’un peu de dignité ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Bernard Accoyer. Nous n’avons pas de leçon à recevoir !

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Un mot pour répondre à M. Accoyer et exprimer un point de désaccord. Il a en effet opposé la qualité française, la gastronomie, notre agriculture, aux taxes instaurées sur les sucres ajoutés et les édulcorants.

Il ne s’agit pas du tout d’adopter une posture négative à l’encontre de l’agriculture, mais d’utiliser le produit d’une taxe que vous aviez instaurée pour permettre à certains de nos concitoyens d’être couverts. Je ne comprends pas comment vous osez appréhender ce sujet en défendant, somme toute, ces produits délétères qui font des ravages sur la santé publique.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Madame la ministre, souffrez et comprenez, s’il vous plaît, que nous ayons des positions différentes des vôtres ! En aucun cas Bernard Accoyer n’a remis en cause le principe de solidarité. Il vous a simplement mise en garde contre les taxes frappant certains produits alimentaires, les boissons sucrées, les boissons énergisantes, contre une déviance qui pourrait vous amener, par exemple, à taxer le foie gras parce qu’il est trop gras, le champagne parce qu’il fait trop de bulles… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Arrêtez, s’il vous plaît, de caricaturer les propos de l’opposition ! Nous sommes là pour débattre de façon constructive ! Ce n’est pas ainsi, madame le ministre, que vous réussirez à nous clouer le bec. Nous resterons dans l’hémicycle pour débattre de ce PLFSS. Vous arrivez peut-être à faire partir certains membres de votre cabinet (Protestations sur les bancs du groupe SRC), mais les députés de l’opposition resteront présents malgré vos attaques constantes.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je n’interviendrai pas sur le fond de l’article 21, qui me paraît tout à fait intéressant puisqu’il porte sur la pérennisation du financement de la CMUC, mais sur les grands oubliés que sont les travailleurs pauvres, qui n’ont pas les moyens de couvrir leur reste à charge ni de prendre une complémentaire ou une mutuelle.

Tout à l’heure, quelqu’un a dit que le dispositif permettait d’aider « toutes celles et tous ceux qui n’ont pas de complémentaire ». Non : on ne parle pas, hélas, des 15 à 20 % de Français qui sont des travailleurs pauvres, qui sont en difficulté, qui n’arrivent pas à financer leur reste à charge. Le Président de la République a annoncé qu’il voudrait la mutuelle pour tous : j’aurais bien aimé entendre le Gouvernement pour savoir comment il allait faire, car cela va coûter extrêmement cher. J’ai déposé, un peu plus loin, un amendement consistant à créer un bouclier sanitaire : je ne doute pas un seul instant, madame la ministre, que vous allez nous expliquer comment vous allez faire pour que chaque Français puisse se soigner et payer ses soins proportionnellement à ses revenus.

(L’article 21 est adopté.)

Après l’article 21

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 21.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 506 rectifié.

Mme Jacqueline Fraysse. Nous avons déposé trois amendements concernant la taxe sur les complémentaires. L’amendement n° 506 rectifié vise à supprimer cette taxe pour les contrats solidaires et responsables.

Jusqu’en 2010, ces contrats étaient exonérés de la taxe sur les conventions d’assurance, afin d’inciter les assurés sociaux d’une part à souscrire une complémentaire santé tout en faisant respecter un certain nombre de conditions : suivre le parcours de soins coordonnés et le dispositif du médecin traitant, effectuer un certain nombre d’actes de prévention… Quant aux mutuelles, elles s’engageaient à ne pas sélectionner les risques, en ne recueillant aucune information médicale auprès de l’assuré. Cette mesure a été utile puisque, avant l’augmentation de la taxe, 90 % des contrats complémentaires étaient des contrats solidaires et responsables. Mais aujourd’hui cette taxe, répercutée sur le montant des cotisations, restreint l’accès aux soins et à la prévention. C’est la raison pour laquelle nous proposons de la supprimer.

M. le président. La parole est à M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les recettes et l’équilibre général, pour donner l’avis de la commission sur cet amendement.

M. Gérard Bapt, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les recettes et l’équilibre général. La commission n’a pas examiné cet amendement. Néanmoins, nous en comprenons la finalité : il faut rappeler que, l’an dernier, la précédente majorité a doublé la taxe sur les complémentaires, ainsi passée de 1 à 2 milliards.

Cette année, vous nous dites qu’il faut revenir sur cette taxation. Malheureusement, nous considérons que l’état des finances publiques telles que nous les avons trouvées ne nous permet pas, dans l’immédiat, de le faire. Il y a tout de même un changement cette année, madame la députée, c’est qu’il n’y aura pas d’augmentation. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’est pourquoi, étant donné l’intention exprimée par Mme la ministre d’engager une réforme améliorant l’accès de nos compatriotes à une assurance complémentaire, notamment en faisant bénéficier d’avantages fiscaux les contrats solidaires suffisamment larges, je propose à l’Assemblée de repousser cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour donner l’avis du Gouvernement.

Mme Marisol Touraine, ministre. Le sujet que vous avez abordé, madame la députée, est un sujet essentiel. Il est vrai qu’au cours des années passées la taxe connue sous le nom de « taxe sur les mutuelles » a augmenté de façon importante, à telle enseigne qu’on peut s’interroger sur son impact sur l’accès aux soins.

D’un autre côté, on ne peut pas ne pas se préoccuper, comme le soulignait à l’instant M. Vercamer, de la situation de ces millions de Français qui ne disposent pas d’une couverture complémentaire, ce qui les place dans une position de plus grande fragilité puisqu’ils sont amenés à renoncer à certains soins.

Pour autant, la solution proposée est-elle la bonne ? Dans l’état actuel des choses, il faudrait au moins avoir des garanties quant à la répercussion de la baisse des taxes sur le tarif des contrats. L’enjeu est celui de l’accès de tous aux soins, ni plus ni moins. La moindre des choses serait donc de disposer d’un certain nombre de garanties à cet égard.

J’ajoute, le Président l’ayant lui-même rappelé dans un discours qu’il a prononcé devant le congrès de la Mutualité française, que nous souhaitons engager des discussions avec l’ensemble des organismes complémentaires pour déterminer le contenu de ce qu’on appelle aujourd’hui les contrats responsables, et qui se sont quelque peu banalisés, au point que certains contrats labellisés ainsi ne nous paraissent pas répondre exactement aux critères.

Nous souhaitons donc engager cette concertation pour définir clairement le contenu de ce qu’est un contrat responsable et, à partir de là, adapter ou revoir les critères de taxation de sorte que cette taxation soit incitative envers les contrats vraiment responsables et dissuasive envers les autres.

L’objectif que nous nous sommes fixé, c’est d’engager cette concertation dans les prochaines semaines pour aboutir dans des délais permettant d’inscrire dans le prochain PLFSS des mesures allant dans le sens souhaité. C’est la raison pour laquelle, madame la députée, je vous demande de retirer votre amendement. Si tel n’était pas le cas, je serais obligée de lui donner un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. J’accepte de le retirer au bénéfice de ces informations, et m’attacherai à défendre le suivant, qui est de repli.

(L’amendement n° 506 rectifié est retiré.)

M. le président. Vous avez donc la parole, ma chère collègue, pour soutenir l’amendement n° 650.

Mme Jacqueline Fraysse. Il s’agit de ramener de 7 à 3,5 % la taxe sur les conventions d’assurance applicable aux contrats d’assurance solidaires, qui a été doublée l’an dernier. Je me permets de rappeler à mes collègues du groupe socialiste qu’ils ont bataillé très fortement contre ce doublement : je pense à Michel Issindou, mais aussi à vous, madame la ministre, qui déclariez : « Beaucoup ne pourront plus adhérer aux mutuelles et rejoindront le quart de nos concitoyens qui n’accèdent plus correctement aux soins dentaires et d’optique. » Vous ajoutiez même : « Cette augmentation vient compliquer davantage, pour nos concitoyens, l’accès aux soins et à la santé. » Ces observations étaient profondément justes l’an dernier, et elles n’ont nullement perdu de leur pertinence ; celle-ci s’est même accentuée car la situation s’est encore dégradée avec l’augmentation du chômage.

J’ai accepté de retirer l’amendement précédent, qui pouvait être perçu comme maximaliste, mais celui-ci est plus facile à mettre en œuvre car plus modéré, et en tout point conforme à l’opinion que vous aviez émise l’année dernière.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Celui-ci a bien été examiné par la commission, qui l’a repoussé car il présente l’inconvénient de coûter un milliard d’euros, puisqu’il tend à revenir sur le doublement de la taxation qu’avait voté la précédente majorité l’an dernier. Las, madame Fraysse, l’état de nos finances, telles que nous les avons trouvées, ne nous permet pas de répondre favorablement à votre vœu dès 2012.

Quant à M. Accoyer, je lui répondrai qu’il a parlé de taxes à propos d’un article qui n’en crée pas de nouvelle, mais qu’il y a eu l’an dernier, en revanche, augmentation et même doublement de celle concernée par cet amendement. Par ailleurs, je ne trouve pas incohérent que, pour financer le fonds CMU, on ait recours à des taxations de type comportemental, c’est-à-dire ayant des dimensions de santé publique, qu’il s’agisse des boissons sucrées ou du tabac. Je juge même très cohérente la façon dont le Gouvernement envisage de prendre des mesures de justice en ce qui concerne la prise en charge de la plus grande partie des bénéficiaires – si l’on peut parler de « bénéficiaires » à ce niveau de ressources.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Oui, j’assume parfaitement les propos que je tenais dans cet hémicycle, à une place proche de la vôtre, madame Fraysse, l’année dernière. Je les assume et je les tiendrais encore aujourd’hui si nous étions dans la situation d’avoir à proposer une hausse des taxes. Je crois qu’aujourd’hui nous avons à revoir l’ensemble du dispositif : il s’agit de déterminer, non pas le niveau auquel ramener la taxation d’ensemble, mais la façon dont correspondre tel type de contrat avec tel niveau de taxation.

Vous vous situez dans le cadre existant, et vous ne pouvez pas faire autrement : vous prenez donc les contrats responsables tels qu’ils existent aujourd’hui et qui, pour certains, ne nous paraissent pas mériter ce vocable. On constate en effet que certains de ces contrats financent de façon inconsidérée les dépassements d’honoraires, pour prendre un sujet qui nous a beaucoup occupés, ou pratiquent des sélections de risques, des sélections de patients qui ne peuvent pas être acceptées.

Il est donc nécessaire, au préalable, de remettre sur la table la question de la taxation, de redéfinir le contenu même des contrats. C’est pourquoi votre amendement, même s’il est financièrement mieux ajusté, même si, encore une fois, votre réflexion coïncide évidemment avec celle du Gouvernement qui a engagé le processus sur lequel je vous ai donné des précisions, ne peut recueillir un écho favorable.

Je souhaite donc que vous le retiriez, faute de quoi, j’y insiste, le Gouvernement devra émettre un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance maladie et les accidents du travail.

M. Christian Paul, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Dans le droit fil de l’intervention de Mme la ministre, je précise à Mme Fraysse que nous allons tenter de répondre dès cette année et, probablement, tout au long de la législature à la question essentielle qu’elle soulève.

Nous serons jugés par les Français, non dans cinq ans,…

M. Patrick Hetzel. Ça, c’est sûr !

M. Christian Paul, rapporteur. …mais dans un, deux ou trois ans…

M. Patrick Hetzel. C’est déjà fait !

M. Christian Paul, rapporteur. Permettez, en attendant que j’en vienne à votre cas (Sourires), que je réponde un instant à Mme Fraysse.

Vous savez bien, madame Fraysse, que nous ne serons pas tant jugés sur tel ou tel prélèvement, sur telle ou telle mesure, que sur ce qui reste réellement à charge pour les Français quand ils doivent se soigner, avoir recours à des médecins, aller à hôpital.

Au cours des années récentes, à cause des franchises, à cause de ce type de taxation dont nous discutons, la protection collective s’est rétrécie. Pas plus que Marisol Touraine, je ne retranche un mot de ce que j’ai dit lorsque la majorité de l’époque prenait les décisions injustes que nous avons dénoncées et qu’il faut dénoncer encore. Mais la question est aujourd’hui de savoir comment parvenir à reconstruire les protections collectives et faire en sorte que le reste à charge diminue, notamment pour les plus modestes.

La majorité, fidèle en cela à ce qu’a récemment indiqué le Président de la République au congrès de la Mutualité, est totalement mobilisée sur cette question. Le Président de la République a annoncé l’ouverture de discussions ; la ministre l’a confirmé à l’instant. Dans quelque temps, notre collègue Fanélie Carrey-Conte déposera une proposition de loi visant à favoriser les relations entre les mutuelles et des réseaux de professionnels ou de soins, de façon à diminuer, pour les patients, le coût d’un certain nombre d’interventions, de soins – je pense naturellement aux soins optiques et dentaires, qui sont les plus coûteux et les moins bien couverts.

Plus généralement, il faut travailler à la régulation – c’est-à-dire au renforcement de l’égalité – dans le secteur de la protection complémentaire, de manière à réduire le reste à charge. Enfin, il faut renforcer le système du tiers payant, qui rend d’éminents services à nos concitoyens confrontés à de nombreuses difficultés pour avancer les frais lorsqu’ils ont recours à des professionnels de santé.

Voilà quelques éléments montrant que tout ne se résume pas à la taxe sur les contrats d’assurance. Loin d’être indifférents à cette question, nous avons au contraire de nombreuses idées pour porter remède aux choix injustes opérés ces dix dernières années.

Mme Bérengère Poletti. Mais vous ne changez rien !

(L’amendement n° 650 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 675 rectifié.

Mme Jacqueline Fraysse. Il s’agit d’un nouvel amendement de repli, visant à ramener à 3,5 % le taux de la taxe souscrite par les bénéficiaires de l’ACS pour les contrats solidaires et responsables.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement n’a pas été présenté à temps en commission pour bénéficier des dispositions de l’article 88 du règlement. Néanmoins, au vu des observations formulées au sujet des amendements précédents, dans le droit fil desquels celui-ci semble s’inscrire, j’émettrai, à titre personnel et sans doute à regret, un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Si vous ne retirez pas cet amendement, madame Fraysse, le Gouvernement se verra contraint d’émettre un avis défavorable. L’accès aux complémentaires des personnes que leurs revenus, bien que modestes, placent au-dessus du seuil permettant de bénéficier de la CMU complémentaire, est un enjeu majeur.

On voit bien que l’ACS, ce dispositif d’aide à la complémentaire santé, qui, dans son principe, se révèle plutôt positif, n’a pas atteint ses objectifs. On doit par conséquent s’interroger sur les raisons pour lesquelles le mécanisme mis en place ne permet pas de faire adhérer davantage de nos concitoyens aux revenus modestes à des complémentaires, et réfléchir à la façon de permettre à ces personnes et, au-delà, à tous les Français – M. Vercamer l’a évoqué tout à l’heure – d’adhérer à une couverture complémentaire.

C’est la démarche que nous engageons. Je ne crois pas que le niveau de taxation suffise à expliquer les difficultés rencontrées par certains de nos concitoyens pour adhérer à une assurance complémentaire. Nous souhaitons mener une réflexion plus vaste, concernant l’accès aux soins de tous nos concitoyens.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. J’ai bien entendu toutes ces explications. Il est cependant dommage de donner un tel avis, dans la mesure où le fonds qui permet le financement de cette aide à la complémentaire santé est abondé par les complémentaires elles-mêmes. On peut penser que la mesure que je propose aurait permis à la fois de favoriser l’accès à une complémentaire et de réduire la participation des complémentaires santé, autrement dit de leurs assurés, au financement de cette aide. Cette proposition positive me semblait pouvoir être adoptée sans crainte de changements fondamentaux. Je maintiens mon amendement.

(L’amendement n° 675 rectifié n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements, nos 401, 526, 628 et 679 rectifié, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 401 et 526 sont identiques.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 401.

M. Gérard Bapt, rapporteur. L’amendement n° 401, adopté par la commission à l’initiative du groupe socialiste, vise à exonérer du taux de la taxe spéciale sur les contrats d’assurance les contrats d’assurance maladie complémentaires couvrant les ressortissants du régime étudiant de sécurité sociale.

Nous partons du constat qu’il existe de gros problèmes d’accès aux soins pour les étudiants. Les retards de soins, ou le fait que les étudiants ne consultent pas, pèsent globalement sur leur état de santé comme sur la réussite de leurs études. Aussi avons-nous pensé que cette proposition pouvait bénéficier d’une oreille attentive du Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme Barbara Romagnan, pour soutenir l’amendement n° 526.

Mme Barbara Romagnan. J’ai bien entendu les réponses de Mme Touraine aux amendements de Mme Fraysse, et je me réjouis de l’engagement du Gouvernement dans le combat pour l’amélioration de la santé des jeunes, des étudiants notamment, même si je n’en doutais pas. Reste qu’en attendant les effets positifs de ces mesures, dans la droite ligne de la proposition de Mme Fraysse, en cohérence avec les combats menés par le groupe socialiste au cours de la législature précédente en faveur de la santé des étudiants, en cohérence aussi avec le vote de la commission des affaires sociales qui a adopté cet amendement, je propose l’exonération de cette taxe pour les ressortissants du régime étudiant.

Je rappelle que l’accès aux soins et la protection sociale se sont fortement dégradés chez les étudiants, en particulier au cours des dernières années. Cette évolution a d’ores et déjà un impact sur leur santé. Le renoncement aux soins a sensiblement augmenté : 34 % des étudiants, soit plus du tiers, renoncent à consulter un médecin ; c’est bien plus que dans le reste de la population, et bien plus qu’il y a six ans où cette proportion était de 23 %.

Sur la même période, de 2005 à 2011, la part des étudiants dépourvus de mutuelle est passée de 13 à 19 %, contre seulement 10 % dans le reste de la population. Ce constat paraît d’autant plus inquiétant que s’y ajoute le recul de la couverture obligatoire par l’assurance maladie, décidé par la majorité précédente. Autrement dit, aujourd’hui, avec cette nouvelle taxe, une complémentaire santé de 100 euros pour un étudiant est taxée de près de 14 euros, ce qui est énorme pour ceux qui doivent la payer car ce sont bien les étudiants qui la paient. Il ne s’agit pas d’octroyer une faveur aux mutuelles, mais de favoriser la santé des étudiants.

Enfin, le Gouvernement a placé la jeunesse au premier rang de ses priorités, ce qu’on peut déjà constater à travers de nombreuses mesures du PLFSS, comme la prise en charge à 100 % de la contraception des quinze à dix-huit ans. Il me semble néanmoins que cette exonération constitue un complément utile à cet engagement pour la santé des jeunes, engagement qui ne peut évidemment pas se résumer aux taxes comportementales sur l’alcool et le tabac, même si, évidemment, elles y prennent une part utile.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements identiques ?

Mme Marisol Touraine, ministre. J’entends bien votre préoccupation concernant les étudiants, madame Romagnan. Nous avons à déplorer une situation plus difficile pour les étudiants, en matière d’accès aux soins, que pour le reste de la population. La proportion d’étudiants qui ne peuvent adhérer à une assurance complémentaire est significativement supérieure à ce qu’elle est pour le reste de la population. Cela signifie que les jeunes ne disposant que de revenus limités doivent opérer dans leur budget des choix défavorables à leur santé, puisque les besoins primaires comme l’alimentation et le logement ont tendance à absorber l’intégralité de leurs ressources.

Faut-il pour autant séparer les mutuelles étudiantes des autres ? Il serait sans doute peu efficace de réserver un traitement particulier aux mutuelles étudiantes, si l’on suit les réflexions que nous avons engagées sur la manière de valoriser certains types de contrats et de revoir la taxation sur l’intégralité des contrats en fonction de ce qu’ils apportent à ceux qui les souscrivent.

Dans le cadre dans ce qui est du reste davantage qu’une réflexion – une concertation, engagée avec les organismes complémentaires et avec les mutuelles –, il faudra définir des dispositifs particuliers pour les étudiants, faire en sorte que les contrats des mutuelles pour les étudiants soient particulièrement bien pensés et adaptés. J’appelle votre attention sur le fait que, si les mutuelles étudiantes sont celles qui ciblent plus spécifiquement les étudiants, ceux-ci ont la possibilité d’adhérer à d’autres types de mutuelles, et sur le fait que tous les jeunes qui rencontrent des difficultés de santé ne sont pas étudiants. Le problème dépasse donc celui des seules mutuelles étudiantes.

Nous pourrions réfléchir à d’autres types de dispositifs, marqués par notre volonté de prendre plus spécifiquement en compte la démarche des étudiants. Reste que je vous demande, à ce stade, de retirer votre amendement afin que nous puissions engager la concertation que j’ai évoquée.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement n° 628.

M. Arnaud Richard. Nous avons eu en commission, sur ce sujet assez grave qu’est l’état sanitaire de la population étudiante, déjà évoqué par le président Jean-Michel Dubernard en son temps, une discussion d’assez bonne qualité. Pour nous, l’exonération totale de TSA n’est pas la meilleure manière de procéder. Qu’un chantier doive être ouvert sur la question est une évidence. Reste qu’il ne nous paraît pas pédagogique d’exonérer totalement les étudiants, même si nous sommes bien conscients que leur situation sanitaire est très inquiétante.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 679 rectifié.

Mme Jacqueline Fraysse. Même s’il concerne plus particulièrement les étudiants, l’amendement n° 679 rectifié peut être, lui aussi, considéré comme un amendement de repli par rapport aux précédents.

Je vous ai bien entendue, madame la ministre, expliquer qu’il n’est pas judicieux de séparer le régime étudiant des autres régimes. Je me permettrai cependant de vous faire remarquer que j’avais proposé que cette disposition s’applique à tous les régimes. C’est parce que vous avez refusé cette proposition que je me suis vue contrainte de proposer des amendements de moindre envergure…

M. Dominique Tian. Il ne reste plus rien !

Mme Jacqueline Fraysse. …limités aux bénéficiaires de la CMUC, aux bénéficiaires – si l’on peut dire – de l’allocation d’aide à la complémentaire, et maintenant aux étudiants.

Pourquoi aux étudiants ? Parce que, comme ma collègue vient à l’instant de le rappeler, ce sont 19 % des étudiants qui n’ont pas de complémentaire – contre 6 % en moyenne pour l’ensemble de la population – et ce pourcentage ne cesse d’augmenter.

Par ailleurs, 20 % des étudiants jugent que leur état de santé s’est dégradé par rapport à l’année précédente. Plus grave : comme cela vient d’être rappelé, plus du tiers d’entre eux déclare avoir renoncé à aller consulter un médecin au cours des douze derniers mois, ce qui est vraiment préoccupant.

Cette enquête montre aussi que 72 % des jeunes de 18 à 25 ans estiment que la société qui les entoure n’est pas favorable à leur génération. Je regrette beaucoup, naturellement, qu’ils puissent avoir ce sentiment, mais je les comprends, étant donné le sort que leur ont réservé les choix politiques précédents.

Je voudrais vraiment que le nouveau gouvernement fasse la démonstration concrète que la jeunesse, c’est l’avenir. C’est extrêmement important : cette génération a vraiment besoin de recevoir des signes forts et concrets dans tous les domaines, et notamment dans celui de la santé, qui nous occupe aujourd’hui.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements nos 628 et 679 rectifié ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission a accueilli favorablement ces amendements, mais elle a également tenu compte de la proposition de M. Jean-Marc Germain de mettre en place un groupe de travail. Celui-ci devrait mener un travail de fond et de grande ampleur, et examiner, notamment, les problèmes juridiques susceptibles de se présenter si nous faisons une distinction entre allocataires, en matière de couverture complémentaire.

Je vous propose donc, pour l’heure, de retirer cet amendement, sous réserve que Mme la ministre nous présente des perspectives pouvant à la fois cadrer et prolonger les propositions faites par M. Germain en commission des affaires sociales.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Patrick Hetzel. La ministre ne sait pas !

Plusieurs députés du groupe UMP. Ça flotte !

Mme Marisol Touraine, ministre. Non, ça ne flotte pas !

Il me semble, monsieur le président, que j’ai déjà donné l’avis du Gouvernement.

M. le président. Vous vous êtes exprimée sur les amendements nos 401 et 526.

Mme Marisol Touraine, ministre. Oui, et ce sont les mêmes amendements, donc mon avis est le même.

Je veux bien reprendre toute mon argumentation, mais je me contenterai d’exposer à nouveau la cohérence de ma position. Comme je vous l’ai déjà dit, madame Fraysse, je ne crois pas qu’il faille procéder à une diminution de la taxation, indépendamment d’une réflexion globale sur la définition des contrats responsables. Dans ce cadre général, je ne vois pas de raison de faire un sort particulier aux étudiants.

Pour autant, comme vous, et comme Mme Romagnan, je suis sensible à la situation des étudiants et à celle des personnes les plus fragiles, notamment celles qui sont accueillies dans des centres de santé ou dans des maisons pluridisciplinaires par des médecins généralistes. Il est nécessaire de mettre en œuvre des dispositifs mieux adaptés à la situation financière de ces personnes fragiles, pour leur permettre d’accéder aux soins auxquels elles ont droit.

Le Gouvernement et moi-même avons la volonté de travailler à cela, mais je vous demande de retirer vos amendements ; à défaut, je devrai leur donner un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Je voudrais revenir sur quelques points qui ont été abordés par les uns et les autres au cours de la discussion de ces quatre amendements.

Je veux d’abord rappeler que l’ancien gouvernement n’a pas tout mal fait. Que je sache, l’aide à la complémentaire santé est née sous la précédente majorité ; elle a augmenté chaque année et il est indispensable de la maintenir. S’agissant des taxes sur les mutuelles, je voudrais dire qu’il s’agissait simplement de mettre les contrats responsables et solidaires au même niveau que les autres contrats – c’est-à-dire à un taux de l’ordre de 7 % – après quelques années, dès lors que ce dispositif aurait rempli son rôle, avec les parcours de soins. Le rapport de l’IGAS et de l’IGF était éloquent sur la gestion des complémentaires, qu’il s’agisse des mutuelles ou des instituts de prévoyance. Souvenez-vous aussi des rapports de notre excellent collègue Yves Bur, qui démontraient que la chose était tout à fait faisable.

Tout au long de la campagne, vous avez dit que vous alliez supprimer ces taxes. Pour l’instant, vous ne les avez pas supprimées. J’ai entendu le Président de la République, au congrès de la Mutualité, dire qu’il allait peut-être le faire : ce sont des paroles, pas des actes. Vous auriez pu les supprimer dès ce PLFSS, et vous ne le faites pas : j’en prends acte.

M. Paul a parlé des restes à charge : je tiens à rappeler que les restes à charge, en France, sont parmi les plus faibles du monde. Cela a été prouvé par tous les instituts.

M. Christian Paul, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l’assurance maladie et les accidents du travail. Mais ils ont terriblement augmenté !

M. Jean-Pierre Door. Il faut donc rappeler qu’en France, d’une manière générale, la population est assez bien protégée.

Enfin, en ce qui concerne le régime étudiant, je suis d’accord avec Mme la ministre. Cela n’arrive pas tous les jours, mais je suis content de le dire. Elle a raison de reporter cette discussion, car il est nécessaire de faire quelque chose pour les mutuelles des étudiants. Comme nous, madame la ministre, vous avez probablement reçu des courriers de certaines mutuelles étudiantes, qui ne veulent pas qu’on touche à leur fonctionnement. Le problème est bien réel.

Je crois qu’il faut, madame la ministre, revoir ensemble la question des mutuelles étudiantes à tête reposée, et nous vous suivrons dans cette voie.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau.

Mme Véronique Massonneau. Le groupe écologiste avait défendu le même amendement en commission des affaires sociales. Nous estimions important de maintenir cet amendement parce que, comme plusieurs des députés de la majorité l’ont dit, beaucoup d’étudiants n’ont pas accès à la complémentaire santé. Aujourd’hui, l’automédication est malheureusement devenue une habitude.

Mme Jacqueline Fraysse. Un fléau !

Mme Véronique Massonneau. À nos yeux, l’exonération de la TSCA était une mesure qui devait permettre à cette population d’accéder aux soins. Nous pensions néanmoins que cette mesure ne devait être que temporaire, car elle ne doit pas occulter la nécessité d’un chantier ambitieux sur l’accès à la santé des étudiants, et plus largement, des jeunes.

Des rapports récents ont mis au jour les difficultés de gestion que rencontrent les mutuelles étudiantes.

M. Dominique Tian. Le mot est faible !

Mme Véronique Massonneau. Cela nécessite une grande réforme sociale autour de ces questions.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je reviens sur l’amendement n° 628, déposé par notre groupe, qui vise à ramener la taxe sur les mutuelles étudiantes à son taux antérieur.

De nombreux étudiants sont en difficulté, avec un reste à charge élevé. Il est très important de leur permettre d’accéder à une complémentaire, pour qu’ils puissent se soigner correctement. Certes, le monde étudiant est comme la société française : en son sein, certains ont plus de moyens que d’autres. Il reste cependant que nombre d’étudiants sont obligés de travailler le week-end pour payer leurs études et faire face à leurs frais de logement, ainsi qu’à toutes les autres dépenses de la vie quotidienne. Si nous pouvions au moins les aider en diminuant la taxe sur la mutuelle, ce serait un premier signal fort dans leur direction.

Sur cet amendement, notre groupe demande un scrutin public.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. S’agissant de la santé des étudiants, tout le monde s’accorde sur le constat, comme sur les causes. Cependant, comme notre collègue Jean-Pierre Door y a fait allusion, nous avons reçu un certain nombre de courriers, émanant d’organismes gestionnaires, venant eux-mêmes de mutuelles étudiantes, voire d’organismes de sécurité sociale, nous indiquant que le coût des régimes étudiants était vraiment excessif.

Arnaud Richard a parlé d’un chantier ouvert ; il a été question aussi d’une mission qui pourrait se mettre en place. Pour y voir clair, et dans un souci d’objectivité, je trouve qu’une mise à plat s’impose en effet, et je suis, personnellement, tout à fait d’accord avec ce que propose la ministre.

M. Michel Issindou. Ah ! La sagesse de M. Jacquat ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Germain.

M. Jean-Marc Germain. Par cet amendement, nous avons tout d’abord voulu honorer la promesse de François Hollande, qui s’est engagé à faire de la jeunesse la priorité de son mandat. Et c’est ce qu’il fait.

Il l’a fait de très belle manière dans le domaine de l’emploi, avec les 150 000 emplois d’avenir et les 500 000 contrats de génération. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il l’a fait aussi en matière de logement…

M. Dominique Tian. Vous oubliez l’électricité ! Et la bière !

M. Jean-Marc Germain. …et, si la loi sur le logement social a été annulée, nous la remettrons sur la table, car il faut absolument construire des logements. Les jeunes sont les premières victimes des prix très élevés et du manque de logements sociaux.

Nous souhaitons aussi, comme l’a dit Mme Fraysse, faire de la jeunesse une priorité dans d’autres domaines, et notamment en matière de santé. Ce n’est pas – Mme la ministre l’a bien dit – que l’état de santé de notre jeunesse soit mauvais, mais l’accès à la santé se dégrade, notamment pour des raisons financières. En terme de générations, les jeunes sont un peu les nouveaux pauvres de notre époque, alors que, dans les années 1980, c’étaient les personnes âgées.

À travers cet amendement, nous souhaitions réfléchir aux moyens d’améliorer l’accès des jeunes au système de santé, puisque ceux-ci accèdent deux fois moins que le reste de la population à des complémentaires de santé.

Nous souhaitions aussi poser, et nous l’assumons, la question de la taxe spéciale sur les contrats d’assurance. Nous avons critiqué cette taxe, et nous avons bien fait de le faire, mais nous n’allons pas passer ce quinquennat à défaire systématiquement tout ce que vous avez fait. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Hetzel. Jusqu’à présent, vous n’avez fait que ça !

M. Jean-Marc Germain. Il y a deux manières de progresser d’un quinquennat à l’autre. La première, c’est la stricte marche arrière ; l’autre consiste à emprunter un chemin différent. Ce chemin, c’est celui que propose le Président de la République, et qu’a rappelé la ministre des affaires sociales : il s’agit de réfléchir à une réforme plus profonde des contrats d’assurance et de l’accès à la santé, réforme qui concerna les jeunes, mais qui ira bien au-delà.

Nous sommes tout à fait prêts à nous inscrire dans cette réflexion. Nous le serons encore plus si nous arrivons, dès ce PLFSS, à faire adopter des avancées en faveur de la jeunesse. Nous avons débattu entre nous d’une possible suppression du tiers payant pour les étudiants : si nous pouvions faire accepter cette avancée-là, nous en serions très heureux.

En accord avec ma collègue Barbara Romagnan et avec l’ensemble des membres du groupe qui ont déposé cet amendement, nous le retirons.

(L’amendement n° 526 est retiré.)

M. le président. Sur l’amendement n° 628, je suis saisi par le groupe Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Bernard Accoyer, puis à Mme la ministre.

M. Bernard Accoyer. Nous avons du temps, puisqu’il y a un scrutin public : ne soyez pas stressé, monsieur le président.

M. Christian Paul, rapporteur. Il n’y a pas de privilèges !

M. Bernard Accoyer. Nous travaillons pour la protection sociale de nos compatriotes, et il faut prendre le temps du débat.

En réponse à M. Germain, je tiens à dire qu’il ne faut tout de même pas donner une image trop négative de ce qu’est notre pays…

M. Christian Paul, rapporteur. En effet, tout va bien !

M. Bernard Accoyer. …ni de son état de santé. Bien entendu, il faut tout faire pour que chacun puisse accéder aux soins, mais on peut aussi considérer que les Français ne sont pas les plus mal lotis en ce domaine.

Tous ces messages sur l’accès aux soins contrastent sérieusement avec les déclarations de certains membres de votre Gouvernement, concernant en particulier la dépénalisation du cannabis dont on connaît les dégâts dans la jeunesse, notamment dans les milieux étudiants. Certains jeunes réussissent des concours puis, tout à coup, ne suivent même plus leur scolarité du fait d’un décrochage psychosocial.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. La bière, par contre, ça ne vous dérange pas !

M. André Schneider. Ça n’est pas la même chose !

M. Bernard Accoyer. Cet amendement concerne, bien entendu, les mutuelles étudiantes. Il est vrai que le parti socialiste connaît bien ce sujet : la mutuelle LMDE, qui était jadis la MNEF, a été explorée de l’intérieur par nombre de membres du Parti socialiste (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) qui cherchent de cette façon à apporter un prolongement à ce que l’on appellera un partenariat…

M. Christian Paul, rapporteur. Cela ne m’étonne pas de vous !

M. Bernard Accoyer. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’il y a toujours des coûts derrière ces mesures. Et ces coûts, quelqu’un doit les payer, ce qui va se solder par des emplois en moins.

Cet amendement tend à faire contribuer davantage l’industrie pharmaceutique. Le résultat est clair : ce sera de la compétitivité et de l’emploi en moins.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Je veux bien entendre les promesses du Gouvernement, mais les étudiants avaient demandé deux mesures au titre de l’aide à la complémentaire santé.

L’une portait sur l’accès à l’aide pour les étudiants boursiers. Elle avait été écartée d’emblée car, paraît-il, elle n’était pas financée. Il existait pourtant des propositions de financement, et elle aurait pu être modulée en fonction du niveau de bourse.

Aujourd’hui, sous prétexte de réfléchir plus globalement, on nous demande d’écarter la deuxième mesure, beaucoup moins onéreuse, qu’est l’exonération de la taxe sur les conventions d’assurances.

Par conséquent nous n’apportons dans l’immédiat aucune réponse aux demandes des étudiants. Je veux bien entendre le message du Gouvernement, mais il faut que la représentation parlementaire qui a voté ces mesures en commission soit claire : le Gouvernement doit nous répondre rapidement. Il y a vraiment une attente, la situation des étudiants est catastrophique.

M. Marc Dolez. Absolument !

M. Jean-Louis Roumegas. J’ai reçu les témoignages d’associations qui traitent des situations d’urgence, telle que Médecins du monde. Elles reçoivent aujourd’hui des étudiants qui n’ont plus accès aux soins parce qu’ils ne peuvent plus avancer les frais médicaux, et qu’ils ne veulent plus payer le reste à charge.

M. Marc Dolez. C’est vrai !

M. Jean-Louis Roumegas. Nous sommes en train de leur demander d’attendre. Nous pouvons le faire au titre de la confiance que nous voulons porter au Gouvernement, mais il doit apporter une réponse claire et rapide.

M. Marc Dolez. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. J’entends chez les députés qui se sont exprimés, M. Roumegas et, de façon plus explicite encore, Mme Romagnan et M. Germain, la volonté d’une avancée en direction des étudiants.

J’ai compris que vous acceptiez de retirer vos amendements. Je vous propose de présenter dans la partie consacrée aux dépenses un amendement permettant des expérimentations de tiers payant pour les étudiants. Elles pourraient d’ailleurs ne pas se limiter à eux, et concerner également les populations accueillies dans certains centres, par exemple les maisons pluridisciplinaires de santé ou les centres de santé, nous aurons le temps d’y réfléchir. Ainsi, des personnes plus susceptibles de rencontrer des difficultés pourront en bénéficier immédiatement.

Il faudrait rédiger cet amendement et le déposer assez rapidement pour qu’il soit étudié lors de la partie consacrée aux dépenses, après l’article 43. Je le ferais, avec votre accord, pourvu que vous retiriez vos amendements.

(L’amendement n° 401 est retiré.)

Mme Bérengère Poletti. Monsieur le président, je demande la parole.

M. le président. Madame Poletti, nous avons déjà entendu beaucoup d’intervenants de votre groupe. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Je mets aux voix l’amendement n° 628.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 103

Nombre de suffrages exprimés 88

Majorité absolue 45

(L’amendement n° 628 n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 679 rectifié n’est pas adopté.)

Mme Bérengère Poletti. Rappel au règlement !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Monsieur le président, le groupe UMP demande une suspension de séance de deux minutes afin de réguler certaines choses, et vous pourrez ainsi donner la parole à celles et ceux qui vous le demandent.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti, pour un rappel au règlement.

Mme Bérengère Poletti. Monsieur le président, je regrette que vous n’ayez pas jugé bon de me donner la parole. Il ne faut pas empêcher l’opposition de s’exprimer dans cet hémicycle (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), d’autant qu’il nous a été demandé en commission d’abréger nos commentaires et de réserver nos questions aux ministres lors des débats dans l’hémicycle. Maintenant que Mme la ministre vient de s’exprimer sur le sujet, nous sommes en droit de réagir.

La remarque que je souhaitais faire ne me semblait pas idiote, au vu des propos de la ministre sur les expérimentations : certaines régions ont proposé des aides à l’acquisition des mutuelles étudiantes. Il serait intéressant, avant de lancer quoi que ce soit d’autre, de faire le point sur ce qui a été fait dans ce cadre. D’autres régions expérimentent également le tiers payant pour les étudiants. Je souhaitais simplement proposer de faire le point sur ces initiatives avant de mettre en place une usine à gaz au niveau national.

M. le président. Il me semble que l’opposition a largement eu l’occasion de s’exprimer au cours de ce débat, et notamment sur cet article.

Mme Bérengère Poletti. C’est simplement normal !

M. le président. C’est tout à fait normal, en effet mais il faut bien, à un moment donné, passer au vote.

Après l’article 21 (suite)

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 518 rectifié.

M. Patrick Hetzel. Monsieur le président, j’avais demandé la parole pour répondre à Mme la ministre.

M. le président. Nous en sommes maintenant à l’amendement n° 518 rectifié. Il n’est pas possible de multiplier les intervenants du même groupe sur le même amendement. Vous avez souhaité une suspension de séance pour une régulation interne à votre groupe, c’est à vous d’organiser vos prises de parole.

M. Dominique Tian. Je vais laisser le temps à la ministre de s’installer. On ne sait jamais si vos suspensions de séance de deux minutes vont durer une minute trente ou cinq minutes. Cela commence à poser des problèmes, y compris à Mme la présidente de la commission qui s’en est plainte hier.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. De quoi me suis-je plainte ?

M. Dominique Tian. Vous devriez vous en souvenir : vous aviez demandé une pause technique qui n’a pas été accordée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. On appelle cela un besoin impérieux !

M. Dominique Tian. Nous avons tous ce genre de problèmes, monsieur le président, aussi dites-nous si les suspensions sont de deux minutes ou de cinq minutes.

Pour en revenir aux mutuelles, et en particulier aux mutuelles étudiantes, nous avons peut-être le système le plus évolué au monde, le plus efficace, celui qui soigne le mieux les personnes, et aussi, d’ailleurs, le plus coûteux.

Le système de santé français est le plus coûteux du monde, et en principe le plus efficace. Comment se fait-il, alors, que des étudiants se trouvent dans une situation aussi précaire, presque alarmante ? Il doit y avoir une explication ! Soit cette affirmation n’est pas tout à fait exacte, soit vos statistiques sont plus ou moins fausses, soit certaines associations ont intérêt à enjoliver leur action en expliquant qu’elles accueillent des publics dont la situation sanitaire est très dégradée, ce qui exige à l’évidence de leur attribuer beaucoup de subventions.

Il faut peut-être parler de la médecine scolaire : si celle-ci est l’une des plus mauvaises d’Europe, nous devons sans doute nous poser quelques questions. J’aurais aimé que les ministres y répondent : pourquoi notre médecine scolaire se caractérise-t-elle par sa médiocrité absolue ? Il faudra peut-être se demander pourquoi notre pays connaît malheureusement des taux de suicide des jeunes parmi les plus importants du monde, pourquoi il n’y a pas assez de médecins et d’infirmières scolaires, et pourquoi on arrive à la faculté de manière extrêmement dégradée (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) sans avoir jamais rencontré, pendant les années de lycée ou de collège, les personnels de santé qu’on aurait dû rencontrer.

Si la politique de prévention n’est pas appliquée dans notre pays, il faut peut-être répondre aujourd’hui à ces questions.

M. le président. Monsieur Tian, votre temps de parole est écoulé.

M. Dominique Tian. Ah non ! Sur les mutuelles…

M. le président. Vous êtes très scrupuleux à propos des durées, puisque vous faisiez des remarques sur les deux minutes de suspension que votre groupe avait demandées. Je vous prierai donc de conclure : votre temps de parole est écoulé.

M. Dominique Tian. Je conclus en évoquant les mutuelles, si vous me le permettez. Une étude de l’association UFC-Que choisir, dont chacun connaît et loue l’indépendance, montre que la gestion des mutuelles étudiantes est scandaleuse et opaque,…

M. Bernard Accoyer. Oui !

M. Dominique Tian. …et que le montant des frais de gestion représente 13 % de la somme des prestations versées, ce qui est trois fois plus cher qu’à la sécurité sociale elle-même,…

M. Bernard Accoyer. C’est parce qu’elles ont beaucoup d’emplois !

Mme Bérengère Poletti. C’est une bonne question !

M. Dominique Tian. …qui ne se caractérise pourtant pas par une bonne gestion. L’UFC-Que choisir indique qu’une gestion normale permettrait d’économiser facilement plus de 90 millions d’euros.

M. Bernard Accoyer. C’est très intéressant !

M. Dominique Tian. Le moment est peut-être venu de s’en expliquer.

M. Michel Issindou. Vous nous dites la même chose tous les ans…

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement n’a pas été examiné par la commission.

M. Tian, qui se plaint toujours des taxes et des augmentations de taxes, propose assez curieusement d’en instituer une nouvelle sur les mutuelles et les organismes complémentaires. Monsieur Tian, vous faites référence à une réflexion que j’ai eue en commission et qui est exacte : les frais de gestion des organismes complémentaires sont plus importants que ceux de l’assurance maladie,…

M. Bernard Accoyer. Justement !

M. Gérard Bapt, rapporteur. …ce que vous venez de confirmer. Mais de là à vouloir instituer une taxe sur ces frais de gestion, il y a un monde ! D’article en article, vos positions apparaissent complètement contradictoires. Je propose que l’Assemblée rejette cet amendement.

M. Bernard Accoyer. Quand on voit le nombre de personnes employées par les organismes complémentaires !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable. Les rires qui se sont propagés jusque sur les bancs de l’opposition sont la meilleure réponse à M. Tian.

M. Dominique Tian. Oh ! Ce n’est pas correct !

M. Patrick Hetzel. Voilà ce qu’on appelle le respect !

(L’amendement n° 518 rectifié n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 114 rectifié.

M. Patrick Hetzel. L’article 10 de la loi du 21 décembre 2011 de financement de la sécurité sociale pour 2012 prévoyait la communication annuelle aux assurés des frais de gestion et d’acquisition des organismes complémentaires, selon des modalités à préciser par arrêté. Or un arrêté publié le 5 octobre dernier a reporté cette obligation de transparence à l’égard des assurés (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) du 1er janvier 2013, et même du 1er octobre 2012 pour les contrats individuels renouvelés à compter de cette date, au 1er janvier 2014, alors qu’aucune difficulté technique ne justifiait un tel report.

M. André Schneider. C’est incroyable !

M. Patrick Hetzel. Lorsque l’Assemblée nationale a proposé cette disposition l’année dernière, le rapporteur général du PLFSS 2012 au Sénat, Yves Daudigny, a indiqué que la commission des affaires sociales n’était « pas opposée à une plus grande transparence dans l’appréciation des coûts respectifs de la protection complémentaire et de l’assurance obligatoire en matière de santé ».

Selon l’argus de l’assurance, ce serait la Mutualité française et elle seule qui aurait obtenu ce report de manière bilatérale…

M. Bernard Accoyer. Il faut démentir cela, madame la ministre !

M. Patrick Hetzel. …sur décision de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Nous sommes en droit de nous interroger sur les raisons pour lesquelles le Gouvernement accepte que l’opacité persiste dans ce domaine. Le présent amendement rend donc cette disposition d’application immédiate au 1er janvier 2013 : nous le devons à nos concitoyens.

Vous n’arrêtez pas de nous parler de transparence : vous avez là l’occasion de passer des paroles aux actes. Vous avez la possibilité de montrer à nos concitoyens que la transparence, ce n’est pas que des paroles, mais aussi de l’action. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Paul, rapporteur. Il ne suffit pas d’être vindicatif pour avoir raison…

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement,…

M. André Schneider. Expliquez-nous !

M. Gérard Bapt, rapporteur. …considérant qu’il est déjà satisfait sur le plan du droit, et que les reports visent à répondre à des objections sur la faisabilité technique de la part d’un certain nombre d’organismes.

Plusieurs députés du groupe UMP. Lesquels ?

M. Dominique Tian. On veut les connaître !

M. Patrick Hetzel. Appliquez la loi !

M. André Schneider. C’est incroyable !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je vous propose de rejeter cet amendement. Il faudrait en effet transmettre, pour chaque assuré et chaque année, des informations qui sont effectivement souhaitables, mais qui ne peuvent pas être communiquées du jour au lendemain. En adoptant un amendement rendant cette disposition impérative dès le 1er janvier 2013, vous placeriez les organismes en difficulté et vous aggraveriez les frais de certains d’entre eux.

M. Bernard Accoyer. C’est un peu gros !

M. Patrick Hetzel. On s’assoit sur la loi qu’on a votée !

(L’amendement n° 114 rectifié, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Article 22

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 22.

La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte.

Mme Fanélie Carrey-Conte. Depuis que nous avons commencé à débattre sur la partie recettes du PLFSS, notre fil conducteur est le suivant : trouver des recettes nouvelles pour équilibrer nos comptes sociaux par le biais de mesures justes n’ayant pas de conséquences néfastes sur nos concitoyens en termes d’accès aux soins ou de santé publique, contrairement à ce qui prévalait ces dernières années.

C’est là qu’intervient la question de la fiscalité du tabac. Je voudrais revenir sur deux principales dispositions de l’article 22. La première vise à opérer une harmonisation fiscale en appliquant aux produits de tabac – tabac à rouler et cigarillos – la même structure de fiscalité que les cigarettes. En les taxant de la même manière, nous éviterons ainsi des comportements de détournement des cigarettes vers ces produits.

Il est important de freiner ces comportements de substitution, pour deux raisons principales. D’une part, cela permet de s’assurer que les hausses de prix profitent bien aux comptes sociaux, et non aux industriels. D’autre part, il y a une raison de santé publique : nous savons que le tabac à rouler est plus nocif que les cigarettes, dans la mesure où il ne comporte pas de filtre.

La deuxième mesure principale de cet article 22 est évidemment l’augmentation au 1er juillet 2013 du taux du droit à consommation sur les cigarettes et le tabac à rouler. Nous assumons le fait de chercher ici des marges de manœuvre, et de faire contribuer encore davantage l’industrie du tabac au redressement des comptes sociaux. Avec cette mesure, 125 millions d’euros de recettes supplémentaires sont attendus en 2013. Nous assumons d’autant plus ces augmentations qu’elles profitent directement aux comptes de l’assurance maladie, car l’essentiel du produit des droits à consommation est affecté aux régimes d’assurance maladie.

Nous discutons évidemment d’une question prioritaire de santé publique. Est-il utile de rappeler que le tabac cause 73 000 décès par an par mort prématurée, et qu’il est devenu la deuxième cause de mortalité par cancer chez les femmes ? Nous agissons dans un contexte d’augmentation de la prévalence du tabagisme ces dernières années.

Enfin, si ces politiques de hausse tarifaire sont justes et nécessaires pour lutter contre le tabagisme, elles ne se substituent pas pour autant à une nécessaire politique de prévention. Mme la ministre l’a très bien rappelé à plusieurs reprises, en disant vouloir faire de la lutte contre le tabagisme l’un des axes majeurs de la grande loi de santé publique qui sera présentée prochainement, avec une dimension spécifique en direction des jeunes.

Il s’agit donc bien d’appuyer sur tous les leviers dans la lutte contre le tabagisme : le levier fiscal, afin de dégager des recettes supplémentaires pour les comptes sociaux, et le levier éducatif, qui est celui de la prévention. C’est pourquoi je vous demande d’approuver l’article 22.

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Nous sommes évidemment tous d’accord : le tabac a des effets délétères considérables. Il cause non seulement 73 000 décès par an, mais aussi et surtout – nous en parlions au cours de la discussion générale – des maladies chroniques sévères, des maladies respiratoires, des troubles cardiovasculaires, avec les dépenses de santé et d’assurance maladie absolument majeures qu’elles entraînent.

La prévention n’est malheureusement pas au rendez-vous dans notre pays, et nous avons du chemin à faire pour gérer cette addiction. Néanmoins, je ne suis pas persuadé qu’il faille considérer que tel ou tel type de tabac soit plus ou moins dangereux. En réalité, le tabac est dangereux en lui-même, qu’il soit sniffé, sucé ou fumé, que les cigarettes soient manufacturées ou roulées, qu’il s’agisse de cigares, de tabac à priser, de tabac à chiquer, de tabac à sucer, ou même de narguilé. Il est aujourd’hui confirmé que toutes les sortes de tabac sont dangereuses. Heureusement, le tabac à usage oral n’est pas autorisé dans notre pays.

Pour conforter cette démonstration, je veux citer une étude de l’Office français des toxicomanies à l’échelle européenne…

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas un office français, s’il est à l’échelle européenne !

M. Gérard Sebaoun. Vous êtes très désagréable, monsieur Accoyer !

M. Bernard Accoyer. J’écoute !

M. Gérard Sebaoun. Évidemment. Mais je trouve tout à fait anormal qu’un ancien président de cette assemblée interrompe les orateurs qui essaient d’aller jusqu’au bout de leur intervention… (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Une étude annuelle régulière menée en France, donc, par l’Office français des toxicomanies sur 2 500 collégiens et lycéens montre une augmentation très significative de la consommation de cigarettes chez nos adolescents, notamment chez les jeunes filles. La France est actuellement sixième sur trente-six pays étudiés en Europe.

Je soutiens naturellement l’alourdissement des taxes, tout en souhaitant à terme un rapprochement de celles-ci sur l’ensemble des formes de consommation de tabac. Je me souviens que le ministre délégué chargé du budget avait évoqué un tel rapprochement lorsque nous l’avions interrogé en commission. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Depuis des années, nous demandons ici même une grande loi sur la santé publique.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ouh là !

M. Denis Jacquat. Avec la nouvelle majorité, j’avais l’impression que Zorro était arrivé : je pensais donc que nous allions voir ce que nous allions voir !

Mme Bérengère Poletti. On ne voit rien du tout !

M. Denis Jacquat. Finalement, on ne voit rien du tout.

Il est vrai qu’en cas d’abus de consommation tabagique, comme en cas d’abus d’alcool, des pathologies vont apparaître : ce n’est pas bon pour la population, et il est de notre devoir de les éradiquer. Nous sommes tous d’accord sur ces constats. Nous savons d’une part que la prohibition ne marche pas, et d’autre part qu’une politique basée sur la modération peut fonctionner, comme dans certains pays. Avant de taxer, il fallait réfléchir à ce qu’on pouvait faire, puis étudier combien cela pouvait coûter.

Nous menons une politique d’augmentation des coûts depuis un certain nombre d’années, mais qu’avons-nous vu apparaître ? Des marchés parallèles, qui mettent parfois même en danger les frontaliers ! Dans le département de la Moselle où je réside, tout le monde achète ses cigarettes au Luxembourg où le prix des cigarettes les plus vendues s’élève actuellement à 2,20 euros par paquet. Il en est de même pour les riverains de la frontière espagnole. Si l’augmentation des coûts rapporte de l’argent à l’État, nous savons qu’elle ne fonctionne pas en termes de santé publique.

À ce constat il faut maintenant ajouter la pression de plus en plus forte des contrefaçons, qui présentent des produits nocifs entraînant des pathologies pires encore.

Une mission a été désignée par l’Assemblée nationale. En son temps, Bernard Accoyer avait demandé à la Cour des comptes de réaliser une étude sur l’efficience…

M. Bernard Accoyer. À la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie !

M. Denis Jacquat. À la MILDT et à la Cour des comptes : à ces deux institutions !

Cette mission est en cours : je pense que l’on aurait pu attendre ses conclusions avant de voter une taxation.

M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. En matière de lutte contre le tabac, l’ancienne majorité n’a absolument pas à rougir de ce qu’elle a fait.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ah bon ?

Mme Bérengère Poletti. Ce qui a été dit tout à l’heure est absolument inacceptable. L’ancienne majorité a pris des décisions courageuses, en matière de prix mais aussi d’interdiction de fumer dans les lieux publics, au nom de la lutte contre le tabagisme passif notamment.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. C’est vrai !

Mme Bérengère Poletti. En dépit des tumultes suscités à l’Assemblée nationale et à l’extérieur sur ces sujets,…

M. André Schneider. L’Alsace a connu de nombreuses manifestations !

Mme Bérengère Poletti. …le précédent gouvernement a tenu bon et a fait valoir le bon droit au nom de la santé publique. Il faut remettre les choses au bon endroit à ce propos !

Deuxièmement, je souhaite attirer l’attention, comme chaque année lorsque nous abordons ces sujets – je l’ai fait avec l’ancienne majorité, je le fais également maintenant –, sur la nécessité de tout mettre en œuvre pour que cette problématique devienne européenne.

Les augmentations de prix marchent pour les clientèles captives. Cela fonctionne en Australie, mais pas en France.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cela ne marche pas.

Mme Bérengère Poletti. Peut-être au centre de l’Europe, mais en bordure des frontières, vous constatez des trafics et des déplacements de clientèles.

Comme vient de le dire mon collègue Denis Jacquat à propos du département des Ardennes, à chaque fois que l’on augmente le prix du tabac, les Ardennais vont en Belgique pour acheter leurs cigarettes avec pour conséquence la fermeture des commerces de proximité, notamment en milieu rural.

M. Patrick Hetzel. C’est vrai !

Mme Bérengère Poletti. Il est urgent que cette question devienne une affaire européenne et que nos ministres s’emparent de ces sujets au niveau de l’Europe.

M. Bernard Accoyer et M. Patrick Hetzel. Très bien !

M. Francis Vercamer. Excellente intervention !

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Comme cela vient, à juste titre, d’être rappelé, beaucoup a été fait pour lutter contre le tabagisme, notamment en 2010 avec l’interdiction de fumer dans les lieux publics. Une augmentation des droits sur les tabacs a également été arrêtée à un niveau permettant que la mesure ne soit pas contre-productive. En plus de la contrebande se pose le problème des contrefaçons. Ces tabacs frelatés contenant d’importantes quantités de goudron sont très dangereux pour la santé.

L’article 22 ferait franchir à cette politique de prévention du tabagisme – qui est également une politique de recettes pour l’assurance maladie – un cap qui transformerait une mesure positive en une mesure aux effets négatifs.

Il est étrange d’entendre deux discours pour le moins contradictoires. D’une part, un discours de lutte contre tabagisme et, d’autre part, des déclarations émanant de certains élus de la majorité et relayées par au moins deux membres du Gouvernement en faveur d’une dépénalisation du cannabis (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),…

M. André Schneider. Contradictoire, en effet !

M. Bernard Accoyer. …ce qui impliquerait que l’on vende du cannabis dans les bureaux de tabac car je ne veux pas imaginer que l’on puisse en trouver en pharmacie ! (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Il faudrait un message unique : un message de santé publique sur lequel nous nous retrouverions tous.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur Accoyer, l’un de vos collègues vient lui-même de reconnaître que la prohibition ne servait à rien.

M. Bernard Accoyer. Vous êtes donc pour la dépénalisation ! Il faut que cela soit noté au compte rendu !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est M. Jacquat qui l’a dit !

M. Denis Jacquat. Cela ne marche pas, et c’est connu dans le monde entier. Il faut être aveugle pour ne pas le reconnaître.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Monsieur Accoyer, c’est un de vos collègues, issu de vos rangs, qui a reconnu que la prohibition ne servait à rien.

M. Denis Jacquat. C’est vrai !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Mais, en l’occurrence, il ne s’agit pas de parler de la taxation du cannabis, mais du tabac.

M. Denis Jacquat. Oui !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je souhaite pour ma part rendre hommage aux efforts accomplis sous la législature précédente en matière de lutte contre le tabagisme.

Mme Bérengère Poletti. Merci de le reconnaître !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Rappelez-vous, madame Poletti, que l’opposition de l’époque avait accompagné ce processus, notamment dans des moments difficiles...

Mme Bérengère Poletti. C’est vrai !

M. Gérard Bapt, rapporteur. …où il s’est agi d’interdire le tabac dans les lieux publics.

M. Denis Jacquat. Sur les terrasses !

M. Gérard Bapt, rapporteur. À cet égard, je souhaite rendre hommage à mon prédécesseur Yves Bur…

M. André Schneider. Absolument !

M. Gérard Bapt, rapporteur. …qui a présenté des amendements concourant à la lutte contre le tabac, que nous votions, mais que vous repoussiez.

Mme Bérengère Poletti. Pas tout le monde !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Aujourd’hui, nous reparlons de taxes. Lorsque nos prédécesseurs augmentaient, assez régulièrement, le prix du tabac, cela servait aussi de recettes de poche, monsieur Accoyer.

M. Bernard Accoyer. C’est vrai.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Or, les augmentations de taxe s’accompagnaient d’une augmentation des bénéfices, le prix du tabac et le prix de vente augmentant en même temps. L’industrie de la cigarette a donc été largement bénéficiaire,...

Mme Bérengère Poletti. Pas partout !

M. Gérard Bapt, rapporteur. …et c’est cela que nous critiquions.

La réforme qui nous est présentée vise à empêcher que l’augmentation des taxes entraîne celle des bénéfices de l’industrie de la cigarette.

Qu’en est-il de la lutte contre le tabagisme dans notre pays ? Au sein des pays de l’OCDE, notre pays connaît, hélas, le taux le plus élevé de tabagisme chez les jeunes. Nonobstant ce niveau élevé, la consommation des jeunes continue d’augmenter. C’est la raison pour laquelle il faut réaffirmer une politique globale. À cet égard, Mme la ministre a rappelé son intention, d’où la nécessité de voter cet article, qui prévoit la convergence des prix des différents types de consommation de tabac puisque les jeunes vont vers les produits les moins chers de manière systématique, et de modifier les modalités d’application de la fiscalité sur le tabac.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat, pour soutenir l’amendement n° 367.

M. Denis Jacquat. Il est défendu.

(L’amendement n° 367, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour soutenir l’amendement n° 598.

M. Jean-Pierre Door. Je remercie le rapporteur d’avoir rappelé que la bataille contre le tabagisme remonte à quelques années et que d’importants efforts ont été accomplis. Je le remercie également de son hommage à Yves Bur qui a été un pionnier dans ce domaine.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il a été courageux !

M. Jean-Pierre Door. S’agissant de la fiscalité des produits du tabac, il apparaît que votre choix de relever la part spécifique plutôt que la part proportionnelle serait porteuse de contradictions par rapport à votre objectif initial.

Le relèvement de la part spécifique aurait pour conséquence de diminuer la charge fiscale sur les produits « haut de gamme », alors que ce segment représente à lui seul près de la moitié des cigarettes vendues en France, avec des marques très attractives.

L’amendement que je présente avec Marianne Dubois vise à maintenir en l’état le niveau actuel de la part spécifique et de n’augmenter que le taux global. Nous proposons une taxation proportionnelle et uniforme de l’ensemble des produits du tabac, et donc aussi des produits « haut de gamme », particulièrement attractifs, tout en dégageant un complément de ressources supplémentaires de l’ordre de 33 millions d’euros par an. Tel est le sens de notre amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement. J’avoue que mon niveau de technicité en matière de fiscalité des tabacs ne me permet pas de dire si cet amendement rapporterait vraiment 33 millions d’euros par an à la sécurité sociale. Je propose à l’assemblée de s’en remettre à l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Le Gouvernement est défavorable à votre amendement, monsieur Door, pour deux raisons. La première est que vous envisagez une hausse du prix du tabac au 1er janvier alors que la dernière vient d’intervenir au 1er octobre. Il semble au Gouvernement qu’une hausse au 1er juillet est suffisante, tant au regard des objectifs de santé publique que pour garantir un minimum de stabilité aux débits de tabac. Le délai entre le 1er octobre et le 1er janvier paraît trop court et n’est pas raisonnable pour des structures qui sont souvent fragiles, notamment dans les territoires ruraux.

M. Patrick Hetzel. C’est juste !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Beaucoup de parlementaires pourraient être sensibles à cet argument.

Seconde raison : votre proposition, monsieur Door, va à l’encontre de ce que souhaite le Gouvernement, qui entend rééquilibrer la fiscalité sur les droits au profit des droits spécifiques et au détriment des droits proportionnels. L’harmonisation de la structure de la fiscalité est nécessaire dans notre pays. Je crains qu’il n’y ait pas d’harmonisation des prix en Europe tant qu’il n’y aura pas une forme de cohérence entre la structure de la fiscalité sur les droits du tabac en France et ce qu’elle est à l’étranger.

La question de l’harmonisation des prix est fondamentale, notamment dans les zones frontalières,…

M. André Schneider. Oui !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …mais nous ne pourrons pas l’obtenir de nos partenaires tant que nous n’aurons pas fait l’effort d’harmoniser la structure de notre propre fiscalité du tabac. La France présente en effet cette caractéristique d’avoir des droits proportionnels nettement plus élevés que les droits spécifiques, avec deux conséquences en cas de hausse des prix. La première se manifeste par un déport de la consommation des produits les plus chers vers les moins chers, car les premiers augmentent davantage. L’effet de santé publique est donc moindre et ne s’accompagne pas d’une réduction de la consommation.

La seconde, c’est que, en raison de ce déport vers les produits les moins chers, les recettes espérées à chaque hausse des prix du tabac ne sont pas au rendez-vous.

Nous vous proposons une réforme de structure, ou du moins une première étape. Cette hausse aboutira à un gain de 250 millions d’euros au 1er juillet pour les finances de l’État. Ce calendrier est le bon. La démarche pour rééquilibrer la structure des droits du tabac en France et l’harmoniser avec ce qu’elle est à l’étranger est la bonne.

C’est pourquoi, je vous invite, monsieur Door, à retirer votre amendement. À défaut, j’appellerai la représentation nationale à voter contre.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Monsieur le ministre, je vous ai entendu. Le sujet est en effet complexe et très technique. Nous devons y réfléchir car nous sommes tous mobilisés dans la lutte contre le tabagisme, et je rejoins Mme Poletti sur la nécessité d’harmoniser la fiscalité au plan européen.

Pour ces raisons, je retire mon amendement.

(L’amendement n° 598 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 547.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je présente cet amendement au nom de M. Jean-Louis Touraine, qui n’a pu être parmi nous cet après-midi. Il anime un groupe de travail sur les questions du tabagisme...

M. Denis Jacquat. Il le co-anime !

M. Gérard Bapt, rapporteur. …et est très motivé par la lutte contre le tabagisme.

Par cet amendement, nous proposons d’accompagner l’augmentation des droits de consommation d’une hausse des minima de perception, seule de nature à contraindre les industriels du tabac à augmenter leurs prix.

Au cours des dernières années, nous avons observé que parallèlement à l’augmentation des taxes, les industriels baissaient leurs prix, ce qui prouve que leur niveau de rentabilité est suffisant pour se le permettre.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Nous en avons déjà parlé, monsieur le rapporteur. Le Gouvernement n’est pas favorable à cet amendement pour la raison que je viens d’indiquer à M. Door.

M. Door a accepté de retirer son amendement et je l’en remercie, car une hausse au 1er janvier serait prématurée par rapport à la hausse déjà opérée le 1er octobre. Je ne peux qu’objecter les mêmes arguments à votre propre amendement, monsieur le rapporteur.

Je viens d’indiquer ce qu’était la politique du Gouvernement : 1er juillet. Vous indiquez les modalités pour obtenir cette augmentation du prix du tabac, c’est-à-dire une modification de la structure de la fiscalité des droits. Il ne me semble pas qu’augmenter le minimum à percevoir soit forcément la meilleure des politiques, d’autant que le calendrier me paraît prématuré.

À vous de décider, mais si vous retiriez cet amendement, ce serait probablement une bonne chose.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. J’ai présenté cet amendement à titre personnel avec M. Touraine. Retenant votre argument relatif à la date d’application, j’accepte de le retirer.

(L’amendement n° 547 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Je précise à M. le rapporteur que M. Touraine co-anime la mission avec une personnalité de l’opposition.

La mission sur le tabagisme, mise en place par le gouvernement actuel, rendra sa copie en janvier. Attendons ses conclusions pour juger. La proposition du ministre est donc tout à fait judicieuse.

(L’article 22 est adopté.)

Article 23

M. le président. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 23.

La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Après le tabac, nous en venons à la bière avec cet article 23 qui prévoit d’augmenter les droits d’accise auxquels elle est assujettie. Il s’agit pour nous d’une mauvaise mesure, pour plusieurs raisons.

Le Gouvernement la justifie en affirmant qu’une augmentation de taxe aura un impact direct sur la consommation d’alcool. Or de tels effets ne sont pas du tout établis. Si l’on veut mener une politique efficace en matière de santé publique, mieux vaut passer par des mesures de prévention. Nous avons eu ce débat à propos du tabac il y a quelques instants.

En revanche, cette mesure aura un impact substantiel en matière économique puisqu’elle propose une multiplication par 2,6 du taux actuel, soit une augmentation de 160 %.

M. Bernard Accoyer. C’est incroyable !

Mme Véronique Louwagie. Ce n’est pas d’instabilité qu’il s’agit, mais véritablement de brutalité.

Cette mesure affectera un secteur qui représente 2,6 milliards d’euros par an de chiffres d’affaires, sachant par ailleurs – élément à rappeler à l’heure où certains veulent promouvoir le Made in France – que 70 % des bières consommées en France y sont produites.

Cette mesure aura, en outre, une répercussion en termes de pouvoir d’achat puisque le consommateur va devoir subir une augmentation du prix, TVA comprise, de l’ordre de 8 centimes par demi.

De surcroît, la majorité ne semble pas très sereine à propos de cette mesure. Ces dernières semaines, on a pu déceler une certaine fébrilité chez elle. Des doutes la traversent.

Voilà deux semaines, aucun seuil n’était prévu. Puis, il y a une semaine, a été instauré un seuil de 10 000 hectolitres. Cette semaine, nous sommes passés à 200 000 hectolitres. Dommage que notre débat n’ait pas eu lieu plus tard : les brasseurs auraient peut-être bénéficié d’une augmentation du seuil à 300 000 hectolitres et une semaine plus tard, pourquoi pas ? à 400 000 hectolitres.

Imposer des modifications de cet ordre dans le débat ne me paraît pas très sérieux.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

M. Jean-Pierre Decool. Le Gouvernement propose par l’article 23 d’augmenter dans des proportions insupportables les droits d’accise sur la bière en prévoyant une hausse de 160 %. Je ne résiste pas, en tant qu’homme du Nord, à citer le général de Gaulle : « Lorsque l’on presse les états-majors de faire des économies, il faut empêcher de les faire sur les haricots du soldat ».

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Que c’est original : M. Robinet a fait exactement la même citation en commission !

M. Jean-Pierre Decool. La bière est également un élément de culture populaire.

L’alourdissement déraisonnable de ses droits d’accise pourrait avoir des conséquences graves, allant à l’encontre des intérêts de toute la filière brassicole française qui regroupe tant les agriculteurs que les brasseries et les distributeurs. Ce secteur contribue à l’économie française avec 71 000 emplois directs et indirects et un chiffre d’affaires de 2 milliards d’euros. Faire subir aux seuls brasseurs un doublement des taxes constitue pour la filière un coût économique fatal.

En outre, le relèvement des taxes pourrait affecter la consommation des bières françaises en encourageant l’achat à l’étranger, notamment dans les régions frontalières, hypothèse que vous avez vous-même admise sur une chaîne de radio nationale, monsieur le ministre.

La bière est aussi un produit apprécié par toutes les catégories de la population et la répercussion de cette mesure entraînera une nouvelle atteinte au pouvoir d’achat des ménages avec une augmentation du prix de vente estimée à 20 %.

Nous ne pouvons ignorer les difficultés de ce secteur déjà très affecté par une baisse d’environ 30 % de la consommation depuis trente ans.

Madame et monsieur les ministres, sachez que nous sommes près de cent députés, sur tous les bancs de cet hémicycle, à vous demander l’abandon de cette mesure par des amendements de suppression pure et simple. À défaut, nous soutiendrons un autre amendement visant à restreindre la hausse des droits d’accise à 75 % au lieu des 160 % prévus.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Decool !

M. Jean-Pierre Decool. Vous me mettez la pression, monsieur le président. (Sourires.)

La dernière augmentation des droits d’accises avait entraîné une baisse de 7 % des ventes de bière et une diminution de 20 % du chiffre d’affaires des cafés et bistrots.

Dans ces conditions, nous espérons que les débats que nous aurons sur cet article pourront conduire à un positionnement plus modéré de la représentation nationale et du Gouvernement sur cette mesure inique.

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Je ne crois pas qu’ici il y ait ceux qui stigmatisent les brasseurs et les consommateurs, d’un côté, et les autres, d’un autre côté. Nous ne stigmatisons ni les brasseurs, ni les consommateurs. Simplement, nous prenons acte d’une réalité.

La consommation de bière en France est aujourd’hui relativement stable et la fiscalité à laquelle elle est soumise n’a pas augmenté depuis environ quinze ans. On évoque le taux de 160 %. En valeur absolue, cela représente 5 centimes environ par demi !

M. Bernard Accoyer. 160 %, c’est 160 % !

M. Gérard Sebaoun. Monsieur Accoyer, cessez d’interrompre, c’est très désagréable. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Monsieur le président, je souhaite que vous interveniez auprès de notre ancien président.

M. le président. La parole est à M. Sebaoun et à personne d’autre.

M. Gérard Sebaoun. J’aimerais insister sur trois points.

Premièrement, si la consommation de bière est stable en volume, l’augmentation du chiffre d’affaires des brasseurs est liée à la commercialisation de bières spéciales, plus riches en alcool, élément important à prendre en compte.

Deuxièmement, on observe un déplacement de la consommation vers le domicile au détriment des bars, hôtels et restaurants puisque 72 % des achats se font dans la grande distribution. C’est un point important car la consommation massive des plus jeunes allant jusqu’à l’ivresse passe par l’achat de packs, notamment dans les grandes surfaces. Or cette consommation peut – je dis bien qu’il s’agit d’une possibilité et non d’une certitude – constituer une porte d’entrée vers une addiction à l’alcool, loin d’une consommation strictement festive.

Troisièmement enfin, je reprendrai, pour appuyer mon propos, les conclusions de l’excellent rapport de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies que l’on devrait lire plus souvent. Il ressort des entretiens menés auprès de 32 000 jeunes pendant la Journée défense et citoyenneté que 15 % d’entre eux – 6 % des jeunes femmes – déclarent plus de dix ivresses importantes par an, avec des distorsions importantes selon les régions.

M. Patrick Hetzel. Ce n’est pas la bière qui est en cause !

M. Gérard Sebaoun. Je n’ai jamais dit que la consommation de bière était en cause. Je dis que la consommation de bière, simple et peu chère, est une porte d’entrée à risques et je le maintiens.

Je considère donc que nous sommes confrontés à un problème de santé publique et que l’augmentation proposée, qui est faible, peut être utile.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Une chose me surprend, et je suis obligé d’insister sur ce point : nous entamons la discussion de l’article 23 alors que nous nous venons seulement de prendre connaissance de nouveaux amendements.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est la marche normale de nos débats !

M. Denis Jacquat. Il me semble très important, lorsque l’on examine un article, non seulement d’être en possession de tous les amendements qui portent sur cet article, mais également d’avoir le temps de les consulter.

Comme cela a été dit à l’instant, en particulier par Mme Louwagie, le problème du tabac et celui de l’alcool se posent en des termes identiques dans la mesure où ils relèvent tous deux d’une politique de santé publique, mais si ce qui vaut pour la bière vaut pour les alcools en général, le problème dans notre pays est celui de la polytoxicomanie, qui mêle tabac, alcool et drogues illicites.

Je trouve vraiment extrêmement désagréable, je le répète, monsieur le président, de travailler dans ces conditions, d’autant que les changements ont affecté le seuil. Dans un premier temps, il était question que tous les brasseurs soient concernés ; ensuite, il a été envisagé de n’appliquer la mesure qu’aux brasseries produisant plus de 10 000 hectolitres par an. Hier, si je ne me trompe pas, parce que les débats sont allés très vite, il a été décidé dans le cadre de l’article 88 de fixer le seuil à 200 000 hectolitres – j’aurais bien aimé d’ailleurs avoir l’amendement sous les yeux.

Pourquoi le Gouvernement change-t-il donc sans cesse d’avis ? Pourquoi procède-t-il une fois de plus un rétropédalage ? Tout cela manque de cohérence.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Jacquat.

M. Denis Jacquat. Ce que je demande, une fois encore, c’est que ces différents problèmes soient pris en compte dans une véritable politique de santé publique.

Enfin, si c’est le seuil de 200 000 hectolitres qui est retenu, il est évident que les grandes brasseries vont payer encore plus de taxes que ce qui était prévu au départ puisque le montant de la recette globale prévue n’a pas été modifié, alors qu’il s’agit d’un secteur qui perd de plus en plus d’emplois.

Dans ce pays, veut-on vraiment une politique de santé publique ? Veut-on vraiment une politique de l’emploi ?

M. le président. La parole est à Mme Martine Carrillon-Couvreur.

Mme Martine Carrillon-Couvreur. Nous avons débattu ces dernières semaines de ces questions en commission comme nous l’avons régulièrement fait chaque année lors de l’examen du PLFSS. Cependant, qu’il s’agisse du tabac ou de l’alcool, nous touchons aujourd’hui à des limites qui rendent difficile de trouver la bonne approche en la matière.

Il nous paraît légitime de taxer les produits dont nous savons tous ici les dégâts que certains produisent, notamment auprès des jeunes. Toutefois, si l’on ne prend pas le temps de réfléchir à ce que nous voulons en termes de santé publique, nous ne pourrons pas aller très loin.

La première des questions à se poser est de savoir quelle éducation nous voulons donner aux jeunes. Des chiffres ont été rappelés par l’un de nos collègues. Nous devons être ambitieux d’autant que le commerce qui se développe autour de certains produits devient aussi dangereux que les produits eux-mêmes.

En matière d’éducation, peut-être faudrait-il d’ailleurs intégrer la question des produits du terroir, quels qu’ils soient, pour en faire des sujets d’éducation et de découverte pour les jeunes.

On ne peut ignorer quelles sont les pratiques et les habitudes de nos concitoyens. Tout cela fait partie d’un tout. Nous devons être à la fois très exigeants en matière de sanctions – et des taxes sont peut-être nécessaires – et ambitieux en matière d’éducation et de santé publique.

Je sais que le Gouvernement va prochainement nous soumettre un texte sur le sujet et je soutiens cette initiative car nous avons besoin d’aller plus loin.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. L’article 23 envisage une hausse de 160 % des droits d’accise sur la bière.

Avec un chiffre d’affaires de 2 milliards d’euros hors taxes, le secteur est déjà fortement contributeur grâce aux recettes fiscales et sociales qu’il génère tant directement qu’indirectement du fait de la place qu’occupe la bière dans la distribution alimentaire et le secteur des cafés, hôtels, restaurants.

Le projet du Gouvernement visant un accroissement de 480 millions d’euros ferait passer la recette prévisionnelle globale à plus de 800 millions d’euros, chiffre à mettre en perspective avec les 2 milliards de chiffre d’affaires du secteur. Or nous savons que l’élasticité prix-volume est beaucoup plus forte que ne le suppose l’hypothèse retenue par le Gouvernement.

La recette supplémentaire ainsi attendue se traduira en fait par une perte nette non seulement pour les finances publiques, mais aussi pour la vitalité de nos territoires. Or on semble faire fi de cette dimension.

En France, dans un marché de la bière qui reste fragile, avec une baisse structurelle profonde de la consommation – 40 % en moins depuis trente-huit ans – et une position d’avant-dernier pays consommateur en Europe – les Français consomment moins de 30 litres par an et par habitant –, la brasserie française ne pourra pas supporter une augmentation d’une telle ampleur sans que son activité ne subisse des dégâts considérables.

Les emplois directs de la brasserie se trouvent menacés alors que les entreprises brassicoles sont pourvoyeuses d’emplois. La multiplication récente des petites brasseries sur l’ensemble du territoire est porteuse de créations d’emplois, mais il s’agit de très petites entreprises.

C’est donc l’ensemble de la filière qui est menacée, y compris dans sa partie agricole ; je l’ai constaté dans ma circonscription.

Je suis très surpris que le ministre de l’agriculture ne se préoccupe pas de ce problème, qui aura des incidences négatives sur l’ensemble de la filière brassicole.

En outre, la hausse des droits d’accise affectera aussi le secteur des cafés, des hôtels et des restaurants : la bière représente en effet plus du tiers du chiffre d’affaires des petits cafés et de nos brasseries, qui contribuent eux aussi à animer nos territoires.

Enfin, on ne peut s’empêcher de penser que l’un des objectifs poursuivis est de punir les Alsaciens – sans doute parce qu’ils ont voté massivement pour Nicolas Sarkozy ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme Jacqueline Fraysse. C’est petit !

M. le président. La parole est à M. André Schneider.

M. André Schneider. Je souhaite faire quelques observations.

Tout d’abord, 60 % de la bière produite en France est brassée en Alsace, 54 % l’étant dans ma propre circonscription : cela permet de planter le décor.

Si vous lisez des livres scientifiques, vous constaterez que la bière est une boisson saine, lorsqu’elle est consommée bien entendu avec modération, et qu’elle remonte à la nuit des temps. C’est une boisson populaire, traditionnelle, faite pour les gens qui ont le goût du champagne mais le porte-monnaie de la bière : c’est donc une boisson pour les gens modestes.

La profession de brasseur est sinistrée : diminution de 38 % en quarante ans, mes collègues l’ont rappelée – je l’avais pour ma part estimée à moins 30 % en trente ans : nos chiffres concordent donc –, et hausse vertigineuse du prix des produits de base tels que les céréales, le houblon, l’eau et l’énergie.

Par ailleurs, la bière des ménages dont nous avons déjà parlé, c’est-à-dire celle vendue dans les hypermarchés, titre un taux d’alcool nettement inférieur à celui d’autres bières. Or, comme vous le savez, les hypermarchés n’ont pas pour première préoccupation la situation du fournisseur. Les brasseurs produisent ainsi souvent au seuil de la rentabilité, lequel est juste suffisant pour pouvoir préserver l’emploi et, si j’ose dire, pour maintenir la pression dans leurs brasseries.

Il faut souligner les efforts consentis par la profession – laquelle, je le rappelle, emploie 71 000 personnes – dans la réduction du taux d’alcool : de nombreux brasseurs produisent en effet d’excellentes bières sans alcool. Il faut donc arrêter de tirer sur le pianiste.

Les brasseurs en France sont des gens sérieux, qui cherchent à participer à l’effort tout à fait légitime de lutte contre l’alcoolisme. Permettez d’ailleurs à l’ancien principal de collège que je fus pendant dix-sept ans en zone franche à Strasbourg de vous dire que la bière n’est pas la boisson favorite des jeunes aujourd’hui : ils préfèrent, permettez-moi l’expression, se shooter.

Il nous faut donc raison garder, partager les responsabilités et débattre entre nous. M. le ministre a fait tout à l’heure une ouverture en faveur d’un débat concernant d’autres produits comme le tabac. Je souhaite donc que notre proposition de suppression de l’article 23 soit acceptée et que nous puissions débattre à l’avenir sérieusement et ouvertement sur le sujet des produits dangereux pour la jeunesse.

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez.

M. Marc Dolez. Avec mes collègues Alain Bocquet et Jean-Jacques Candelier, j’ai cosigné un amendement de suppression de cet article,…

Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

M. Marc Dolez. …amendement en outre cosigné par des collègues de l’ensemble des groupes politiques de cette assemblée.

Il s’agit d’une démarche d’alerte et d’interpellation du Gouvernement concernant une mesure que nous jugeons néfaste, d’une part parce qu’elle alourdit brutalement les droits d’accise sur la bière, et d’autre part parce qu’elle aurait des conséquences graves pour cette filière d’excellence, ainsi que pour la consommation et le pouvoir d’achat de nos concitoyens.

Je ferai deux remarques, si vous me le permettez.

En premier lieu, une telle démarche dans cette assemblée, pour n’être pas courante, n’en est pas moins légitime. C’est une excellente chose que des parlementaires de sensibilités politiques différentes puissent attirer l’attention du Gouvernement sur un problème particulier, en se faisant ainsi les défenseurs de leurs régions et des populations qu’ils représentent.

En second lieu, j’affirme avec force que les signataires de cet amendement ne sont pas moins préoccupés que les autres par les problèmes de santé publique.

M. André Schneider et M. Patrick Hetzel. Bien entendu !

M. Marc Dolez. Nous aussi, nous voulons trouver les voies et moyens de renforcer la lutte contre l’alcoolisme dans ce pays. Mais, certains de nos collègues ont d’ailleurs eu l’honnêteté de le reconnaître, la bière n’est pas la boisson favorite des jeunes : le problème n’est donc pas là.

Il existe en revanche un problème de prévention et d’éducation, dont nous tenons également à discuter. Mais nous demandons au préalable que soient tirées les conséquences de notre démarche en supprimant l’article 23.

Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Avec l’article 23, le Gouvernement augmente les droits d’accise sur la bière de façon très significative. Personnellement, j’aurais pu laisser « couler » à la faveur de votre amendement, monsieur le rapporteur, qui relève le seuil d’éligibilité de la taxe à une production supérieure à 200 000 hectolitres. La brasserie Sainte Colombe, seule brasserie de ma circonscription, sera donc finalement épargnée alors que la première mouture du texte lui infligeait une augmentation de taxe de 22 000 euros.

La mousse est donc retombée, mais ce n’est pas le cas pour toutes les brasseries, et assurément pas pour l’activité des cafetiers qui manifestent leurs inquiétudes.

Nous vous avons demandé en commission que soit évalué l’impact de cette mesure, avec remise d’un rapport au Parlement. J’ai cru comprendre que cette demande était acceptée, ce dont je vous remercie.

Il faudra également mesurer l’impact sur la consommation de bière, notamment chez les jeunes, car vous n’avez pas le monopole du souci de la santé publique, chers collègues de la majorité. Je dirais même que vous l’avez moins que nous, si l’on en juge par l’attitude de votre ministre de l’éducation nationale qui relance l’idée dangereuse de la dépénalisation de la consommation de cannabis.

M. André Schneider. C’est scandaleux !

Mme Isabelle Le Callennec. Benjamin Franklin affirmait : « la bière est la preuve vivante que Dieu nous aime et veut que nous soyons heureux ». J’ajouterai « à condition qu’elle soit consommée avec modération » ; et la modération, ça s’apprend !

Il ne faudrait pas, chers collègues de la majorité, que l’augmentation continue des taxes vous exonère – et nous exonère collectivement – d’un soutien appuyé aux multiples actions de prévention conduites dans notre pays contre l’usage des substances psychoactives,…

M. André Schneider. Très bien !

Mme Isabelle Le Callennec. …pour reprendre l’expression que Mme la présidente de la commission des affaires sociales nous a enseignée lors d’une précédente réunion. Je pense ainsi aux appels à projets présentés par M. Martin Hirsch, ancien Haut-commissaire à la jeunesse : les poursuivrez-vous, madame la ministre ? (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Avec cet article, le Gouvernement voudrait faire adopter une décision que l’on peut qualifier de violente.

M. Christian Paul, rapporteur pour avis. Si elle était vraiment si violente, vous seriez plus nombreux sur vos bancs !

M. Bernard Accoyer. Augmenter une taxe de 160 %, monsieur Paul, c’est violent ! Passer d’un rendement de 300 millions d’euros à un produit qui sera de près de 800 millions d’euros, c’est violent !

M. Christian Paul, rapporteur pour avis. Nous parlons de centimes d’euros !

M. Bernard Accoyer. Je sais que cela ne vous gêne pas d’augmenter les impôts et les taxes ! Je sais que vous ne vous sentez pas concernés par les problèmes des brasseurs, des cultivateurs et de l’ensemble de la filière brassicole – il n’est que de constater votre hilarité, monsieur Paul, pour comprendre que vous êtes très éloigné des soucis de cette catégorie de nos compatriotes.

M. Christian Paul, rapporteur pour avis. C’est une attaque personnelle, monsieur le président !

M. Bernard Accoyer. En réalité, il convient de comprendre que la lutte contre l’alcoolisme vise surtout à prévenir la consommation d’alcools forts, qui pose véritablement problème. Elle consiste également à mener une politique de prévention et d’éducation sanitaires.

Mme Le Callennec a admirablement dénoncé les signaux contradictoires que la majorité et son gouvernement assènent à longueur de journée concernant les salles de shoot, la dépénalisation de la consommation du cannabis et sa vente en pharmacie ou dans les bureaux de tabac. Quand on tient pareilles déclarations, il faut savoir rester modeste !

La mesure proposée mettra en tout cas en difficulté toute une filière, et aura surtout pour effet d’augmenter la contrebande, ce que l’on ne peut que regretter. Il est donc nécessaire de supprimer l’article 23.

M. le président. La parole est à M. Christian Hutin.

M. Christian Hutin. Si certains, dans cet hémicycle, connaissent les qualités de la bière, d’autres connaissent ses nombreux défauts : consommation itérative et excessive, qui touche toutes les tranches d’âge – peut-être plus spécialement les jeunes, mais à y regarder de plus près, je pense sincèrement que cela concerne toutes les tranches d’âge.

M. Dominique Tian. Et le cannabis, alors ?

M. Christian Hutin. La bière a ceci d’intéressant qu’elle illustre la dichotomie qui règne dans notre assemblée : membres de la représentation nationale, nous sommes également élus de territoires. Nous les connaissons et ils nous connaissent, sinon nous ne serions pas ici aujourd’hui.

Il me semble donc naturel que certains élus, notamment ceux originaires du Nord, comme moi, proposent des amendements d’alerte afin d’attirer l’attention du Gouvernement sur les conséquences potentielles pour certaines fabrications artisanales ancrées dans des traditions régionales.

Cela ne signifie pas que le travail législatif a été mal fait : l’un des amendements qui seront examinés tout à l’heure nous semble à cet égard satisfaisant. La présidente de la commission des affaires sociales et le rapporteur ont en effet pris acte de nos demandes : un seuil sera voté.

Le problème ne vient pas d’éventuels atermoiements ou hésitations, mais de décisions européennes en contradiction avec les idées qui avaient initialement germé de nos protestations. Ces décisions empêchent le rapporteur de continuer sur son idée initiale et nous interdisent d’aller plus loin dans les exonérations ; mais c’est là un autre problème.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je voudrais tordre le cou à une idée que j’entends régulièrement : l’augmentation serait limitée à cinq centimes par demi.

M. André Schneider. C’est faux !

M. Francis Vercamer. Si on fait le calcul, 480 millions d’euros de taxes supplémentaires pour deux milliards d’euros de chiffre d’affaires cela fait 24 %. Or, ces 24 % à la production seront répercutés immédiatement au comptoir : les demis augmenteront donc de 24 %, et non de cinq centimes ! Il fallait rappeler ce point une bonne fois pour toutes.

Inutile en effet d’avancer des chiffres faux, car celui qui achètera un demi s’en rendra rapidement compte : il vaut donc mieux le prévenir à l’avance.

Je suis issu d’une région brassicole – comme beaucoup d’autres sur ces bancs : Jean-Pierre Decool, Christian Hutin, Marc Dolez, et bien d’autres encore – qui a payé un lourd tribut en matière d’emplois, et ce dans divers secteurs de production. Le Nord a ainsi perdu nombre d’emplois dans la sidérurgie, les houillères et le textile ; voilà maintenant qu’on veut nous tuer notre secteur brassicole !

Augmenter de 24 % les taxes – 480 millions d’euros pour deux milliards d’euros de chiffre d’affaires, je le rappelle – revient en effet à tuer une filière fortement porteuse dans notre région, et qui a notamment permis la création de petites brasseries artisanales gérées par des fermes écologiques et produisant des bières biologiques.

Loin de moi l’idée de m’opposer à une politique de santé publique qui cherche à lutter contre l’ivresse, notamment des plus jeunes. Mais je ne pense pas que la bière en soit la première responsable : bien d’autres alcools peuvent malheureusement en être la cause.

Avec cette mesure, on veut tuer non seulement la filière brassicole, mais également les petits cafés de quartier, derniers lieux de convivialité où les gens peuvent encore se retrouver.

Nous sommes donc en train de tuer toute une filière, et ces lieux de convivialité vont ainsi disparaître. Or c’est ce qui manque malheureusement de plus dans nos communes.

M. le président. Je vous remercie de bien vouloir conclure, mon cher collègue.

M. Francis Vercamer. Je termine, monsieur le président, en défendant dès maintenant mes deux amendements, ce qui m’évitera de reprendre la parole.

Un premier amendement tend à ce que soit définie une politique cohérente s’agissant des taxes comportementales sur les alcools. En effet, elles sont créées d’année en année et il n’existe, de ce fait, aucune homogénéité.

Le second amendement vise à exonérer les 10 000 premiers hectolitres produits afin d’exonérer les petites brasseries.

J’ajouterai, enfin, qu’une politique de santé publique et de prévention doit être véritablement conduite dans ce pays.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Il convient, bien évidemment, de supprimer cet article. Je suis solidaire de mes collègues, qu’ils soient ou non de l’UMP, en ce qu’ils ont parlé du côté convivial de la bière. Dire que la bière est un produit dangereux serait même une erreur philosophique. Il suffit d’avoir lu le livre de Philippe Delerm La Première Gorgée de bière et autres plaisirs minuscules pour savoir qu’un petit verre de bière est aussi un petit moment de bonheur.

M. Christian Paul, rapporteur. Comme c’est mignon ! (Sourires.)

M. Dominique Tian. Or, pour vous, ce moment de bonheur est, malheureusement, populaire, donc suspect ! Le peuple aime la bière, mais, dans certains lieux, on préfère d’autres mélanges, d’autres cocktails ! On préfère allumer de temps en temps un petit joint ! Et on se permet même de dire qu’il serait bien de le dépénaliser !

Parler de santé publique quand il s’agit de la bière et prôner en même temps la dépénalisation du cannabis, comme le fait le ministre de l’éducation, c’est tout de même pousser le bouchon un petit peu loin !

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Germain.

M. Jean-Marc Germain. Je ne vous comprends pas trop, chers collègues. Lors de notre débat en commission, vous vous êtes vous-mêmes posé la question de l’augmentation des taxes sur les tabacs et alcools, partageant, nous avez-vous dit, une telle évolution avec nous.

Plusieurs députés du groupe UMP. Qui a dit cela ?

M. Jean-Marc Germain. Vous avez critiqué notre collègue, mais elle ne vous a pas dit que ce que vous aviez arrêté en matière de tabac et d’alcool était injuste. Elle a simplement fait remarquer que les prélèvements fiscaux décidés lors de la précédente législature étaient, eux, injustes.

Vous avez soulevé le problème des petits brasseurs – je pense en particulier à Mme Le Callenec. Nous avons travaillé sur ce point avec le Gouvernement et nous vous proposons un amendement qui va au maximum de ce que nous permet la Commission européenne, puisqu’il propose de ramener au seuil de 50 % du taux moyen tous les brasseurs dont la production ne dépasse pas 200 000 hectolitres. Nous avons rejoint vos préoccupations s’agissant des producteurs. Vous pourriez, en conséquence, nous suivre s’agissant de la mesure en question.

M. Accoyer a attaqué à plusieurs reprises le ministre de l’éducation nationale. Je ne lui répondrai pas personnellement puisqu’il semble déteindre sur ses collègues de l’UMP. Mme Le Callenec, nouvelle parlementaire, prend, en effet, ses mauvaises habitudes. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

En la matière, ma position est claire. Je fais d’ailleurs souvent ce jeu de mots, bien que le sujet soit sérieux : il ne faut pas « mégoter » avec le cannabis. Je pense, en effet, que la jeunesse a besoin d’un signal et d’un interdit clairs. Vous le savez fort bien, ce débat a été posé pour de multiples raisons techniques. Le premier à l’avoir fait, c’est Nicolas Sarkozy en 2003, et ce non en tant que simple citoyen ou homme politique, mais en tant que ministre de l’intérieur. Il l’a fait parce que les affaires en la matière encombraient les services de police et parce qu’il pensait que cela nourrissait le trafic dans les banlieues. Il a récidivé le 17 mars 2007, cette fois comme candidat à l’élection présidentielle.

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas vrai !

M. Jean-Marc Germain. Il y a donc un vrai débat, et je partage d’ailleurs la position du Premier ministre en la matière. Aussi, arrêtez d’attaquer le ministre de l’éducation nationale qui accomplit un excellent travail ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Paul, rapporteur. C’est vrai qu’il est attaqué !

M. Jean-Marc Germain. Envoyez plutôt, avec nous, des messages clairs à la jeunesse et admettez que ce débat existe dans tous les groupes, donc dans le vôtre comme dans le nôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Michel Lefait.

M. Michel Lefait. Je m’associe totalement aux propos qui ont été tenus aussi bien par Marc Dolez que par Christian Hutin pour réaffirmer que ce n’est pas parce que nous défendons la filière brassicole que nous sommes moins préoccupés que d’autres par la santé publique et que nous ne sommes pas moins persuadés que d’autres que la prévention est nécessaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Je me réjouis qu’on ait prévu d’aider, en les exonérant, les petites brasseries. Je tiens toutefois à évoquer un cas d’espèce : celui des brasseries de Saint-Omer, ville de ma circonscription. Elles ont la particularité de brasser un million d’hectolitres par an et d’exporter en Grande-Bretagne plus de 70 % de leur production.

M. André Schneider et M. Arnaud Robinet. Très bien !

M. Michel Lefait. Des dizaines et des dizaines de camions quittent Saint-Omer pour la Grande-Bretagne parce que cette bière est appréciée pour sa qualité, mais aussi pour la modicité de son prix.

M. Bernard Accoyer. Cela s’appelle la compétitivité !

M. Michel Lefait. Avec une augmentation aussi importante des droits d’accise, il y aura, bien entendu, un renchérissement très important des prix pratiqués. Nous pouvons, par conséquent, redouter que nos amis britanniques ne se tournent vers des bières belges…

Plusieurs députés du groupe UMP. Ou allemandes !

M. Michel Lefait. …presque voisines, dont les prix sont comparables, avec toutes les conséquences que cela aura sur cette entreprise (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) qui emploie plus de 300 personnes et qui contribue au rééquilibrage de notre commerce extérieur déjà si mal en point !

M. Bernard Accoyer. Il faut supprimer cet article !

M. Michel Lefait. Je pense qu’il convient absolument de tenir compte de ces réalités et de veiller à ce que les droits d’accise ne s’appliquent pas à de telles entreprises exportatrices. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marc Dolez et M. Francis Vercamer. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Paul Molac.

M. Paul Molac. J’ai fait un petit calcul rapide. L’augmentation envisagée sera de 0,07 centime par litre. Ce n’est donc pas a priori énorme. Cela représente tout de même une augmentation de 160 % (« Et voilà ! » sur les bancs du groupe UMP), ce qui est, à mon sens, quelque peu excessif. En effet, un certain nombre de petites brasseries ont été créées assez récemment et leurs investissements ne sont pas rentabilisés. En Bretagne, par exemple, une première microbrasserie a été créée en 1985 et de nombreuses autres ont suivi depuis, sachant que l’on en compte à peu près 500 en France. D’ailleurs, si je comprends nos brasseurs alsaciens, je veux toutefois leur dire qu’à la fin du XIXsiècle et au début du XXe siècle, ils ont acheté toutes les brasseries pour les fermer et délocaliser la production en Alsace.

M. Patrick Hetzel. L’Alsace, c’est la France, ne l’oubliez jamais !

M. Paul Molac. Les microbrasseries créent en tout cas de l’emploi et développent les territoires, ce qui permet d’avoir des produits de qualité que l’on ne trouve pas ailleurs – le blé noir, les algues, entre autres – donc participent à la gastronomie française. C’est pourquoi j’ai déposé un amendement sur les microbrasseries, que je défendrai tout à l’heure.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. J’aurais pu comprendre cette émotion si le Gouvernement avait augmenté autant les légumes et les fruits frais qui, pour le coup, participent vraiment à la santé publique.

M. Bernard Accoyer. Il faut supprimer les exonérations !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je tiens juste à vous expliquer dans quelle situation ubuesque nous nous sommes trouvés, alors que vous défendiez les brasseurs et la bière. Vous avez en effet dit devant des jeunes collégiens et lycéens présents dans les tribunes au moment où vous parliez, j’ai regardé qui y était – que seul l’alcool fort était responsable de l’alcoolisme des jeunes.

M. André Schneider. Ce n’est pas ce que l’on a dit !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je m’adresse à tous, quels que soient vos bancs : n’est-ce pas Saveur Bière qui a profité de l’autorisation de la publicité sur Internet pour les produits alcoolisés ?

Je voudrais donc vous ramener un petit peu à la raison. Que vous défendiez les brasseries et les territoires, oui ! Mais faites attention à ceux qui vous écoutent lorsque vous parlez ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. André Schneider. On est dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, madame ! Nous avons quand même le droit de nous exprimer !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je vous demande simplement de faire attention à vos propos. Ne dites pas que la bière est un produit anodin. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Francis Vercamer. Ce n’est pas ce que l’on a dit, madame !

M. le président. Seule Mme la présidente a la parole !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. L’usage d’une substance psychoactive, comme l’a parfaitement souligné Mme Le Callenec, naît de la rencontre entre un individu et un produit, lequel n’a pas les mêmes effets selon l’individu. À cet égard, une personne fragile peut devenir alcoolique en buvant de la bière.

M. André Schneider. Nous n’en doutons pas, madame !

M. le président. La parole est à M. Michel Issindou.

M. Michel Issindou. Je peux, à la limite, comprendre que l’on défende les territoires. Nous sommes effectivement aussi des élus territoriaux, même si nous devrions parfois dépasser ce niveau. Nous avons tous des brasseries diverses et variées dans nos circonscriptions et, aussi surprenant que cela puisse paraître, il en existe également dans l’Isère.

Je ferai surtout une remarque sur le prix. Il est bien de s’amuser à se faire peur – je fais notamment allusion à Francis Vercamer qui a fait des divisions, mais qui a dû se tromper quelque part en oubliant une virgule. Mais s’il y a une répercussion de 5 centimes pour un demi de bière, que va-t-il se passer ? Nous connaissons tous le mécanisme. Le brasseur vendra le produit 5 centimes plus cher et vous paierez donc la bière au bistrot 3,05 euros, voire 3,10 euros. Je suis même sûr que certains en profiteront, comme Francis Vercamer, pour expliquer que la hausse du droit a été telle qu’il leur a bien fallu augmenter le prix du demi beaucoup plus que de raison !

On ne peut non plus oublier l’objectif de santé publique. Quand je vous entends tous défendre avec acharnement la consommation de bière, j’ai, comme la présidente de la commission, le réflexe de dire qu’il faut faire attention. Nous devons être raisonnables.

Nous sommes presque tous encore, malheureusement, élus locaux. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Dominique Tian. Cela ne va pas durer !

M. Michel Issindou. Nous avons tous pu constater dans nos communes respectives les dégâts que la bière pouvait causer lors de soirées arrosées – je pense à la conduite des voitures. N’allez pas dire que les jeunes ne consomment pas de bière. Ils consomment de la bière par packs entiers qu’ils laissent d’ailleurs le plus souvent à côté de nos poubelles.

Si l’augmentation du prix pouvait donc limiter la consommation de bière chez les jeunes, ce serait plutôt une réussite. Cela aurait ainsi le double avantage de renflouer nos finances publiques et de limiter la consommation d’alcool chez les jeunes.

La modération, pour l’instant, ne porte pas, il est vrai, sur la consommation, mais sur l’application des taxes. En effet, après réflexion, nous sommes parvenus à exonérer les petits brasseurs, ce qui est une bonne mesure. Mais je peux vous garantir qu’il n’y aura pas de conséquences majeures sur la consommation. On l’a constaté pour le tabac. Sa forte augmentation, à savoir 60 centimes par paquet, ne fait malheureusement pas baisser la consommation. Donc, je peux vous garantir que vous ne verrez pas la différence de consommation avec la hausse de 5 centimes par demi. Et quand bien même il y en aurait une, pourquoi, après tout, ne pas l’accepter ?

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements tendant à supprimer l’article 23.

La parole est à M. Denis Jacquat, pour soutenir l’amendement n° 281.

M. Denis Jacquat. Une fois de plus, monsieur le président, il serait souhaitable qu’à l’avenir tous les amendements portant sur un article soient disponibles quand celui-ci arrive en discussion. Quant à la présence de jeunes dans les tribunes, nous savions, madame Lemorton, que le débat était public.

Nous demandons la suppression de l’article 23 parce que c’est une véritable loi de santé publique que nous voulons en ce domaine, une politique de prévention, une politique qui passe par la modération.

Voilà quelques années, ici même, nous avons débattu de l’alcoolisme des jeunes, notamment de l’alcoolisme du samedi soir. Hélène Mignon, avec l’aide des Brasseurs de France, a essayé de mieux comprendre ce problème et a remis un rapport sur le sujet. Je vous renvoie donc, mes chers collègues, à ce rapport très bien rédigé par une députée émanant de vos rangs.

Ce qui est le plus agaçant, plus généralement, c’est que des changements interviennent sans cesse. Dans le texte qui nous a été présenté en commission, tous les brasseurs étaient taxés. Ensuite, la mesure n’a plus concerné que ceux qui produisent annuellement plus de 10 000 hectolitres et, maintenant, cela touche ceux qui produisent plus de 200 000 hectolitres.

Le problème, comme l’a souligné excellemment notre collègue de Saint-Omer, c’est que c’est toujours la même somme qu’il faut trouver. Ce sont donc les grands brasseurs installés dans notre pays qui devront payer, et notre collègue a expliqué ce qui allait alors se passer. Les très grands brasseurs ayant des usines en France tout en étant présents à l’international, ils diminueront la production dans notre pays et y feront venir les mêmes bières, mais fabriquées à l’étranger.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet, pour défendre l’amendement n° 282.

M. Arnaud Robinet. Je remercie M. Issindou de sa démonstration qui nous conforte dans notre position. Selon vous, mon cher collègue, il n’y aurait pas lieu de s’inquiéter car la taxation n’aura aucun impact sur la consommation.

M. Michel Issindou. Chez les jeunes !

M. Arnaud Robinet. Vos propos montrent donc bien que l’argument de santé publique ne tient pas.

Si nous demandons également la suppression de l’article 23, c’est parce que nous préférerions avoir un véritable projet de loi de santé publique. Aujourd’hui, avec cet article, ce sont des métiers, des emplois, toute une filière qui sont en jeu – je pense notamment à la malterie. J’ai dans ma circonscription l’un des plus grands producteurs de malt, Malteurop, qui, après l’augmentation du prix des matières premières, devra subir celle de la fiscalité sur les bières. Je ne sais quelle mousse vous a piqués, mes chers collègues, (Sourires), mais cet article ne va pas dans le bon sens.

Concernant la santé publique, vous n’avez pas de leçon à nous donner. Vous proposez de dépénaliser le cannabis et d’ouvrir des salles de shoot, et vous venez nous parler de santé publique pour augmenter la taxe sur la bière ! Votre politique est vraiment incohérente.

Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Philippe Vitel, pour défendre l’amendement n° 284.

M. Philippe Vitel. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer, pour défendre l’amendement n° 285.

M. Bernard Accoyer. Nous voyons bien qu’il y a sur tous les bancs des préoccupations majeures. Il est d’ailleurs tout à fait normal qu’une hausse des droits d’accise de 160 % provoque de l’émotion car, si le prix du pack de bière va augmenter de pratiquement 30 %, passant en grande surface de 10 à 12 euros,…

M. Christian Paul, rapporteur. C’est l’amendement Kronenbourg !

M. Bernard Accoyer. …il y a surtout une menace sur les emplois. La filière brassicole compte 100 000 emplois. Avec la hausse que vous proposez, déraisonnable, d’une violence jusqu’à présent inconnue – 160 % ! –,…

M. Christian Paul, rapporteur. Vous n’avez pas honte ?

M. Bernard Accoyer. …les taxes et les droits représenteraient 2 milliards d’euros, c’est-à-dire 40 % de son chiffre d’affaires. Voilà où ce dérapage pourrait conduire.

Madame et monsieur les ministres, vous êtes des responsables gouvernementaux capables de mesurer les conséquences de telles décisions. Nous comptons sur vous pour que vous acceptiez cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Christian Kert, pour défendre l’amendement n° 294.

M. Christian Kert. Pour un chiffre d’affaires de 2 milliards, les brasseurs paient aujourd’hui 337 millions de taxes directes. L’article 23 a pour conséquence de porter ce taux, sans transition, à 800 millions d’euros, soit une augmentation de 150 %.

Après des années de restructuration difficiles, les brasseurs ont adapté la capacité de production à la taille du marché, passant de 12 200 salariés en 1983 à 3 500 aujourd’hui. Les emplois indirects sont passés de 71 500 en 2009 à 65 400 en 2001, en raison notamment des difficultés du secteur des cafés-brasseries, pour lesquels la bière représente plus du tiers des revenus.

Dans ces conditions, une telle augmentation des droits aura des conséquences dramatiques sur l’emploi dans ce secteur, qui produit pourtant sur notre territoire 70 % de la bière consommée, dont 54 % dans la circonscription de M. Schneider.

M. le président. J’indique d’ores et déjà que, sur le vote des amendements de suppression de l’article 23, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour défendre l’amendement n° 295.

M. Guillaume Larrivé. Je suis le député d’Irancy, de Coulanges-la-Vineuse, de Saint-Bris-le-Vineux, non loin de Chablis et des coteaux du Vézelien, que vous connaissez bien, madame la ministre de la santé. Je ne suis donc pas un buveur de bière, et je prie mes collègues du Nord et d’Alsace notamment de m’en excuser. Si je souhaite ardemment la suppression de l’article 23, c’est pour une raison très simple.

Depuis six mois, mesdames, messieurs de la majorité, vous créez tous les jours une ou deux taxes.

M. Michel Issindou. C’est normal, c’est le PLFSS !

M. Guillaume Larrivé. Ce matin, vous en avez créé une sur les retraités et, cet après-midi, vous souhaitez augmenter de façon hallucinante, 160 %, la taxation des bières, ce qui entraînera une hausse de 30 % du prix du pack de bière dans les supermarchés. Cessez d’importuner nos compatriotes ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Pourquoi ne pas proposer demain, tant qu’on y est, une taxe sur les cafés, sur les pizzas, sur les raquettes de tennis ou sur les patins à roulettes ?

Votre créativité fiscale n’a plus de limites et il est temps de revenir à la raison. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Levy, pour défendre l’amendement n° 296.

Mme Geneviève Levy. Il est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour défendre l’amendement n° 297.

Mme Véronique Louwagie. M. Issindou a reconnu que, si les taxes ont des conséquences sur les prix, elles n’ont aucun effet sur les consommations. L’argument présenté par la commission et le Gouvernement ne tient donc pas et le dispositif ne peut être retenu.

L’article 23 aura un impact économique sur l’intégralité de la filière avec cette augmentation d’une brutalité sans nom, 160 %. Pensons à notre production. Nous avons eu un exemple intéressant de brasseries qui exportent. À un moment où l’on devrait aider les entreprises, nos PME comme nos TPE, à exporter, on fait tout le contraire.

Ce n’est donc pas un bon article. Il affecte toute une filière, qui représente un grand nombre d’emplois.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour défendre l’amendement n° 307.

M. Jean-Pierre Decool. Il y a un point qui n’a pas encore été soulevé, et je me fais l’interprète des salariés des brasseries, en particulier de celles du Nord-Pas-de-Calais, que je connais particulièrement.

Si les taxes sont honteusement augmentées, les distributeurs de bière feront des stocks avant que la mesure ne soit mise en application. Certaines brasseries n’auront plus qu’à fermer,…

M. Michel Issindou. Le pire n’est jamais certain !

M. Jean-Pierre Decool. …et il y aura des chômeurs dans des milieux modestes.

Je vous invite donc à prendre vos responsabilités.

Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour défendre l’amendement n° 326.

M. Patrick Hetzel. Étonnamment, l’étude d’impact annexée au projet de loi de financement de la sécurité sociale est muette sur les conséquences économiques de la mesure sur le secteur. Faut-il en déduire que les aspects économiques n’intéressent pas nos collègues ?

M. Arnaud Robinet. Cela traduit du mépris de leur part !

M. Patrick Hetzel. La dernière augmentation des droits d’accise de la bière avait entraîné une baisse de 7 % des ventes de bière et de 20 % du chiffre d’affaires des petits cafés et des bistros.

En fait, cette mesure frappera de plein fouet les cafetiers des zones rurales, qui ont fait l’effort de diversifier leur métier en vendant du pain, des billets de train, ou en faisant office de bureau de poste pour pouvoir se maintenir. C’est la revitalisation du territoire qui est mise en danger.

La bière est un produit populaire. Elle fait partie de notre patrimoine régional, au moins pour deux régions françaises, en l’occurrence le Nord et l’Alsace.

M. Christian Paul, rapporteur. Les amendements Kronenbourg, cela suffit !

M. Patrick Hetzel. Comment pouvez-vous autant vous acharner contre un produit populaire ? Considérez-vous que les produits populaires sont à négliger ? Nous, en tout cas, nous ne le pouvons pas.

M. Christian Paul, rapporteur. Même vous, vous ne croyez pas à ce que vous dites !

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Moudenc, pour défendre l’amendement n° 368.

M. Jean-Luc Moudenc. Nous le répétons comme un leitmotiv depuis plusieurs semaines, l’effort de redressement vient non de la réduction des dépenses publiques mais de l’augmentation de toutes sortes de taxes et d’impôts, en l’occurrence particulièrement symboliques.

Mme Lemorton se préoccupait du sort des jeunes. Toulouse, notre ville d’élection, est une ville jeune, où il y a un grand nombre d’étudiants, et si la question de la consommation excessive d’alcool se pose parfois, ce n’est pas la bière qui est en cause. Le problème, c’est qu’il y a des épiceries de nuit qui vendent de l’alcool après vingt-deux heures de manière illicite et illégale.

C’est contre de tels agissements qu’il faut agir au lieu d’augmenter les taxes de manière excessive.

Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour défendre l’amendement n° 386.

Mme Isabelle Le Callennec. Après l’intervention de M. Issindou en particulier, je me permets de réitérer ma demande, madame la ministre. Compte tenu de nos débats très animés de part et d’autre de l’hémicycle, une évaluation de l’impact de cette hausse de la taxe sur la bière s’impose, avec rapport au Parlement, impact sur les brasseries et sur l’emploi et impact sur la consommation de bière, y compris chez les jeunes.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour défendre l’amendement n° 629.

M. Francis Vercamer. Selon M. Issindou, nous ne verrons même pas la différence sur la consommation. L’objectif de la disposition en question est donc bien uniquement d’augmenter les taxes et non d’essayer de lutter contre l’ivresse publique et les addictions à l’alcool. On va ainsi pénaliser une filière sans qu’il y ait derrière une politique de santé publique.

Je demande donc à mes collègues de voter ces amendements de suppression, ne serait-ce que pour éviter que le Nord-Pas-de-Calais subisse un nouveau choc économique.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il convient de faire « baisser la pression » sur le sujet (Sourires), ce à quoi je m’attacherai en rappelant quelques données de base.

Je tiens tout d’abord à rassurer M. Hetzel et M. Schneider : personne ici n’a rien contre cette belle région qu’est l’Alsace.

M. Patrick Hetzel. Nous voilà rassurés !

M. André Schneider. C’est un bon début !

M. Gérard Bapt, rapporteur. En Midi-Pyrénées aussi, on trouve des brasseries – de petites brasseries artisanales ; ce n’est pas le cas seulement dans deux régions ou deux départements.

M. Patrick Hetzel. On est d’accord !

M. Gérard Bapt, rapporteur. J’ai lu, dans le Figaro, le président de l’ANIA s’exclamer que nous allions tuer un secteur.

M. Bernard Accoyer. C’est vrai !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il donne le chiffre d’affaires de la production française, mais la taxe est une taxe à la consommation.

M. Bernard Accoyer. Non !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Bien sûr que si ! C’est un droit d’accise !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Elle portera sur l’ensemble de la bière consommée. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Il est vraiment nécessaire d’établir les données de base !

Les chiffres que nous avons reçus des services du ministère évoquent une augmentation de 5 centimes par canette.

M. Larrivé, qui est parti (Rires sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – « Non ! Il est là ! » sur les bancs du groupe UMP), en tout cas de sa place initiale, est l’élu d’une prestigieuse région viticole. Je l’invite à relire la déclaration du président de l’ANIA, représentant de l’industrie agroalimentaire, qui demande pourquoi on ne s’en prend pas au champagne et au vin. (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Door. Pourquoi pas au cassoulet ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il ne faut donc pas forcément, mes chers collègues, reprendre les arguments de l’industrie agroalimentaire.

Monsieur Lefait, vous avez sur votre territoire une brasserie qui produit un million d’hectolitres de bière et l’exporte notamment vers la Grande-Bretagne.

M. Michel Lefait. Oui, 70 % de sa production !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Je tiens à vous rassurer : la taxation que subit la quantité de bière exportée en Grande-Bretagne est déjà plus élevée qu’elle ne le sera en France après l’augmentation proposée par le Gouvernement. La taxation dans ce pays est en effet beaucoup plus forte que celle existant en France. Notre pays est au vingtième rang de l’Union européenne pour la taxation des bières. Après l’augmentation, nous passerons au dixième rang,…

M. Jean-Pierre Door. Non, au sixième !

M. Gérard Bapt, rapporteur. …mais nous serons encore derrière la Grande-Bretagne ou les Pays-Bas. Souvenez-vous : le port d’Amsterdam, Jacques Brel ! (Sourires.) Ce niveau de taxation n’empêche pourtant pas les Pays-Bas de boire de la bonne bière ! (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Patrick Hetzel. Le niveau des revenus moyens y est beaucoup plus élevé !

M. le président. On écoute le rapporteur, s’il vous plaît !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Voilà pourquoi, en soutien à cette augmentation de 5 centimes qui, quoi que l’on en pense, a un intérêt de santé publique, j’invite l’Assemblée à repousser ces amendements de suppression. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. C’est un débat passionné qui rappelle à ceux qui ont pu y assister les fameux débats sur la loi Évin relative à l’alcool et au tabac. Beaucoup d’outrances avaient été énoncées à l’époque ; elles sont peut-être un peu moins nombreuses aujourd’hui, mais je crois néanmoins que des corrections méritent d’être apportées.

Je ferai tout d’abord remarquer que la quantité d’alcool pur consommée par habitant sous forme de vin a été divisée par trois depuis cinquante ans – tout le monde y a contribué. La consommation de bière, en revanche, est restée rigoureusement stable. Il me semble donc que la finalité de santé publique se défend parfaitement, quand on constate sur le très long terme l’évolution de la consommation d’alcool dans notre pays. Cette évolution légitime la mesure que nous proposons, portant sur la bière et non sur d’autres formes de boissons alcooliques.

Je souhaite ensuite corriger un malentendu. Il ne s’agit pas, monsieur Accoyer, d’une taxe à la production : c’est un droit d’accise, donc, par définition, une taxe sur la consommation. Si je comprends la préoccupation de parlementaires dont certaines brasseries jouent un rôle très important dans leurs circonscriptions, je répète que la production n’est pas touchée. Dès lors, les arguments que j’ai entendus sur la compétitivité ne sont pas, quelle que soit la légitimité du souci exprimé sur ce point, adaptés au présent débat.

M. Denis Jacquat. La production est touchée : cela ressort des amendements !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur Lefait, dès lors que 60 % de la production de la brasserie située dans votre circonscription est exportée vers la Grande-Bretagne, elle est frappée dans ce pays d’un droit d’accise bien supérieur à celui que nous nous proposons d’établir en France ; il est, je crois, trois fois supérieur au nôtre, et restera nettement plus élevé après l’adoption de cette mesure. Les risques que cette dernière pourrait faire peser sur les capacités d’exportation de la brasserie vers la Grande-Bretagne sont donc nuls. La chose est catégorique.

L’ancien président de l’Assemblée nationale a cru qu’un droit d’accise était une taxe sur la production.

M. Denis Jacquat. Cela ressort des amendements !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. C’est une taxe sur la consommation, ce qui est fondamentalement différent. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Francis Vercamer. C’est faux !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le droit d’accise fait l’objet d’une définition communautaire. Il est perçu sur le lieu de consommation. Aucun risque ne pèse donc sur les exportations des brasseries réalisant une part notable de leur chiffre d’affaires à l’exportation.

On a le droit de ne pas être d’accord avec la mesure, pour des raisons que je peux comprendre, mais celle-ci n’est pas une raison, même si certains peuvent en faire un prétexte ; c’est là une question, je me permets de le dire, d’honnêteté intellectuelle. Ce que je vous ai dit, monsieur Lefait, ne souffre pas, je crois, de contestation juridique.

Puisqu’il s’agit d’un droit sur la consommation, l’effort sera supporté par le consommateur. Il est de 1,1 centime par vingt-cinq centilitres – par demi – et par degré d’alcool. Cela signifie que plus la bière titrera en alcool, plus la taxation sera importante. Nous retrouvons donc à la fois la préoccupation de santé publique – la taxe dissuade la consommation de bière forte – et celle de restauration de nos finances publiques, car plus la consommation portera sur les bières fortes, plus les recettes de la protection sociale seront importantes.

Certaines contrevérités ont été énoncées, non dans cet hémicycle – les députés s’expriment avec sérieux –, mais ailleurs. J’ai ainsi pu lire que des hausses de 40 centimes pourraient avoir lieu pour un demi. La chose est totalement absurde.

M. Patrick Hetzel. Non !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. C’est une totale désinformation, comme souvent, malheureusement, quand il s’agit de promouvoir des politiques de santé publique. J’ai rappelé ce qu’il en a été en 1990 ; beaucoup d’outrances sont constatées sur ces sujets.

La mesure en question ne mérite ni excès d’honneur ni indignité. Elle est d’ordre plutôt classique dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui poursuit à la fois des finalités de santé publique et de restauration de nos finances publiques.

L’amendement qui sera porté par le rapporteur et qui exonère de la mesure la production de quelques brasseries locales dès lors que cette production n’excède pas 200 000 hectolitres, correspond à un louable souci d’aménagement du territoire. Aussi, trois groupes principaux seront en réalité concernés par d’éventuels déports de consommation vers des bières de production locale : les groupes Carlsberg, Heineken et InBev, c’est-à-dire un groupe danois, un groupe hollandais et un groupe belge. Je comprends le souci que l’on peut avoir de la bonne santé financière de ces grands groupes agroalimentaires internationaux mais, dès lors que, grâce à l’amendement de la majorité, les consommateurs des produits de brasseries locales – et non de ces grands groupes agroalimentaires internationaux – seront épargnés, il me semble que la santé publique, nos finances ainsi que le respect – non la protection – d’industries locales auxquelles nous sommes attachés justifient une mesure qui ne mérite pas l’indignité dont certains parlementaires ont cru devoir la frapper.

J’appelle la majorité à rejeter les amendements de suppression et à voter l’article.

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Jean-Marc Germain. Encore ? On a compris !

M. Christian Jacob. Monsieur le ministre, je suis très ennuyé par votre démonstration. Je ne peux pas imaginer que vous soyez de mauvaise foi. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) Non, personne ne peut l’imaginer, mais je ne peux pas non plus imaginer que vous méconnaissiez le fonctionnement de nos modèles économiques.

Vous expliquez que les droits d’accise sont des taxes sur la consommation, payées sur le lieu de consommation. C’est vrai. Cependant, comme l’a dit à juste titre M. Accoyer, ils ont une répercussion immédiate sur la production. Quel secteur, quelle filière peut supporter une augmentation de 160 % de ces droits ? C’est énorme ! Cela aura de fait des conséquences importantes sur la consommation, qui baissera. Les entreprises ayant des charges fixes qu’elles ne peuvent réduire, le coût de production sera donc renchéri, ce qui se traduira par des licenciements. Cela faisait tout à l’heure sourire M. Paul. Il ne faut pas sourire, monsieur Paul, quand on parle de licenciements dans une filière telle que la filière agroalimentaire !

M. Christian Paul, rapporteur. C’est vous qui me faites rire avec votre mauvaise foi !

M. Christian Jacob. C’est une filière importante. De fait, l’augmentation de la taxe conduira à une baisse de la consommation, elle fragilisera ainsi les entreprises, et cela se traduira inévitablement par des restructurations dans la filière, qui était plutôt solide jusqu’à présent.

Les conséquences seront importantes aussi dans un autre domaine. L’Alsace et le Nord sont certes les grandes régions de production, mais toutes les régions françaises seront touchées.

M. Christian Paul, rapporteur. C’est faux !

M. Christian Jacob. Savez-vous avec quoi on fabrique de la bière, monsieur Paul ? Avec de l’orge et du houblon. Cela vous avait-il échappé ? (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Si la consommation, la production diminuent, cela aura des conséquences sur l’assolement.

M. le président. Merci, monsieur Jacob.

M. Christian Jacob. Les terrains servant aujourd’hui à la production d’orge passeront à d’autres secteurs. On déstabilise donc des secteurs agricoles très fragiles, les secteurs du poulet, du porc (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste), parce que, dans les régions de grande culture, la reconversion se fait par l’alimentation du bétail. On va désorganiser les deux secteurs ! Je prends ces deux exemples mais je pourrai en prendre d’autres.

M. le président. Monsieur Jacob, votre temps de parole est largement écoulé. En tant que président de groupe, vous devriez être attaché à donner l’exemple.

M. Christian Jacob. Je conclus d’un mot, monsieur le président.

Cela montre l’impréparation de cette mesure. En ce qui concerne la santé publique, je rappelle les propos qui ont été tenus sur la consommation de cannabis. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) La mesure aura des conséquences sur la production agricole, la filière agroalimentaire, la consommation. C’est une taxation irresponsable. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements de suppression de l’article 23.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 139

Nombre de suffrages exprimés 139

Majorité absolue 70

(Les amendements nos 281, 282, 284, 285, 294, 295, 296, 297, 307, 326, 368, 386 et 629 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Paul Molac, pour soutenir l’amendement n° 729.

M. Paul Molac. Cet amendement vise à protéger les petites brasseries en les imposant moins que les grandes. Il provoquerait une augmentation de la fiscalité spécifique moins importante pour elles que ce qui est proposé par le Gouvernement puisque je prévois un taux réduit de 2,76 euros par degré alcoométrique pour les petites brasseries indépendantes. Nombre d’entre elles ont été créées il y a peu de temps et ont donc des investissements à financer. Elles n’ont pas besoin de supporter la taxe en question.

Nous avons parlé tout à l’heure de revitalisation du tissu rural, et c’est dans ce cadre que s’inscrit mon amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. L’amendement n’a pas été examiné par la commission. Je suggère à M. Molac de le retirer car je vais en présenter un au nom de la commission qui poursuit le même objectif.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Défavorable.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Molac ?

M. Paul Molac. Je le maintiens, monsieur le président.

(L’amendement n° 729 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 327 et 323, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. André Schneider, pour soutenir l’amendement n° 327.

M. André Schneider. Nous proposons de diminuer l’augmentation des droits d’accise de 150 % à 75 %. L’industrie brassicole, je l’ai déjà expliqué, traverse de graves difficultés : baisse importante de la consommation en trente ans, augmentation du prix des denrées alimentaires de base – le président Jacob vient de l’évoquer –, accroissement du prix de l’eau et de l’énergie, et surtout, beaucoup d’entreprises travaillent au seuil de rentabilité. Si vous taxez davantage, la répercussion risque d’être forte sur la consommation, ce qui mettra en péril nombre de brasseries, quelle que soit leur taille, lorsque leur production est égale ou inférieure à 200 000 hectolitres.

Madame et monsieur les ministres, personne ici n’est contre la lutte nécessaire contre l’abus de consommation d’alcool. De nombreux brasseurs participent même énormément à des actions de prévention en matière d’addiction à l’alcool, même dans le domaine de la prévention routière – je vous invite à suivre cela de près.

Enfin, je tiens à vous dire qu’il ne faut pas taxer une fois de plus le petit bistrot du village, que chacun d’entre nous essaie de défendre pour maintenir ce lieu de convivialité et de rencontre.

À défaut de supprimer totalement l’article, je vous invite à au moins donner un avis favorable à notre demande raisonnable de réduction de 50 % de l’augmentation que vous proposez.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Decool, pour soutenir l’amendement n° 323.

M. Jean-Pierre Decool. Cet amendement a le même objectif que celui défendu par M. Schneider puisqu’il vise à diminuer la hausse des droits d’accise de 160 % à 75 %. C’est un amendement de sagesse qui appelle un avis également de sagesse de la part du rapporteur et du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission n’a examiné qu’un seul des deux amendements et l’a rejeté. Je propose leur rejet pour les mêmes raisons que pour l’amendement n° 729 : je vais présenter un amendement de la commission qui les satisfait.

(Les amendements nos 327 et 323, repoussés par le Gouvernement, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 472.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement avait été voté par la commission en première intention pour geler toute augmentation pour les brasseries artisanales, c’est-à-dire celles dont la production annuelle est inférieure ou égale à 10 000 hectolitres. Mais il s’est révélé contraire à la réglementation européenne. Voilà pourquoi je le retire pour exposer le suivant, monsieur le président.

(L’amendement n° 472 est retiré.)

M. le président. Sur l’amendement n° 545 que va maintenant défendre M. le rapporteur, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Vous avez la parole, monsieur le rapporteur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement a été adopté au titre de l’article 88 et est, lui, compatible avec la réglementation européenne puisqu’il respecte l’écart maximum autorisé par le droit communautaire, soit un écart de 50 % entre le tarif du droit de consommation pour les petites brasseries indépendantes et celui applicable aux autres, c’est-à-dire aux brasseries industrielles.

Je tiens à rappeler une donnée importante : les brasseries industrielles pèsent pour plus de 95 % dans la production et dans la consommation de bière en France.

M. André Schneider. C’est vrai !

M. Gérard Bapt, rapporteur. En revanche, les sites concernés par notre amendement sont au nombre de 442, dont 52 brasseries artisanales, 227 microbrasseries, 73 dites CHR – intégrées à un café, à un hôtel ou à un restaurant. L’amendement implique donc que l’augmentation soit limitée pour les productions en dessous ou égales à 200 000 hectolitres, donc l’ensemble des brasseries artisanales, des brasseries régionales, de celles dont on nous a très bien dit qu’elles faisaient partie du terroir, seront épargnées. L’augmentation concernera les productions qui excèdent les 200 000 hectolitres, c’est-à-dire l’essentiel de ce qui est consommé dans notre pays.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je remercie d’abord Gérard Bapt d’avoir retiré l’amendement n° 472 qui prévoyait une disposition en effet incompatible avec nos engagements européens. Puis je voudrais remercier M. Germain, à l’initiative de ce nouvel amendement auquel le Gouvernement est favorable.

C’est une bonne mesure, que j’ai évoquée en réponse aux députés qui défendaient des amendements de suppression, car, complétée par un amendement ultérieur qui sera présenté par des députés de la majorité, elle ne fera pas perdre de recettes. Surtout, elle tient parfaitement compte de ces petites entreprises locales que sont les brasseurs produisant moins de 200 000 hectolitres par an. Il s’agit bien d’éviter de les pénaliser. Seuls les grands groupes le seront, et on peut donc penser qu’elles profiteront de cette disposition.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Germain.

M. Jean-Marc Germain. Je sais gré au Gouvernement d’émettre un avis favorable, et je ne désespère pas de convaincre nos collègues de l’opposition de voter cet amendement.

Dans le projet de loi, le droit de consommation prévu était de 3,60 euros pour les brasseries produisant 10 000 hectolitres ou moins, de 4,32 euros entre 10 000 et 50 000 hectolitres, de 5,40 euros entre 50 000 et 200 000 hectolitres, et de 7,20 euros au-delà. Nous proposons un tarif de 3,60 euros jusqu’à 200 000 hectolitres. C’est donc un amendement qui baissera les droits d’accise pour cette catégorie de production, ce qui fera un centime d’euro de plus pour un demi – soit vingt-cinq centilitres.

Nous pouvons tous nous retrouver sur cette proposition. Lors du débat en commission, nous sommes convenus, je le répète, que le problème tenait aux petits brasseurs. Nous avons travaillé pour le régler. Aussi, après avoir voté cet amendement, vous pourrez nous rejoindre, chers collègues, sur le vote de l’article.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Le débat a été assez long et enrichissant,…

M. Christian Hutin. Une petite promenade de santé ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Door. …et tout le monde a pu s’exprimer. On ne peut que s’en féliciter car, que ce soit en commission ou dans l’hémicycle, force est de constater que cette augmentation de 160 % n’allait pas sans perturber les esprits.

M. le rapporteur a dit que nous allions nous trouver dans la moyenne des pays européens. C’est archifaux. Nous allons passer de la vingtième position à la sixième, laissant très loin derrière des pays voisins tels que l’Allemagne, la Belgique ou le Luxembourg. Dans ces conditions, ce qui risque de se passer c’est que la grande distribution tire profit de cette disposition en se fournissant dans les pays étrangers pour éviter la hausse de taxation.

Si je comprends le principe de l’amendement, pourquoi le Gouvernement n’a-t-il pas proposé un lissage de l’augmentation sur plusieurs années afin que la filière brassicole puisse s’organiser ? Tout le problème est là en effet : la filière devra s’adapter, qu’il s’agisse de ses emplois ou de sa production. Entre les petits et les grands, qui « bouffera » alors l’autre ? On n’en sait rien.

Alors que nous avions proposé un lissage sur plusieurs années, on sent bien qu’il ne s’agit ici que de prémices, ce qui n’est pas suffisant. Nous ne voterons donc pas cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Le groupe UDI votera cet amendement.

M. Christian Hutin. Très bien !

M. Francis Vercamer. Nous reconnaissons en effet qu’il constitue un effort significatif, même si on augmente encore les droits sur la bière. Celle-ci va ainsi participer à l’effort de redressement…

M. Christian Hutin. National ! (Sourires.)

M. Francis Vercamer. … des finances de la sécurité sociale. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Le groupe écologiste votera également cet amendement qui va dans le bon sens. Il s’inscrit dans la même ligne que le mien même s’il propose des droits d’accise un petit peu plus élevés.

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 545.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 124

Nombre de suffrages exprimés 100

Majorité absolue 51

(L’amendement n° 545 est adopté.)

De très nombreux députés du groupe SRC. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n° 630.

M. Francis Vercamer. Je retire cet amendement qui vise à exonérer les 10 000 premiers hectolitres produits, car le vote de l’amendement n° 545 représente déjà une avancée.

(L’amendement n° 630 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 448, qui fait l’objet de plusieurs sous-amendements.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de clarification et de simplification de l’affectation de l’ensemble de la fiscalité pesant sur les boissons, sans rien changer à l’imposition globale.

M. le président. Monsieur le rapporteur, peut-être pourriez-vous présenter également vos cinq sous-amendements dès à présent ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Ils visent à préciser et à compléter l’amendement de la commission, en tirant les conséquences sur la répartition du produit du droit de consommation sur les tabacs de l’amendement adopté à l’article 3 sur la répartition du produit du nouveau prélèvement de solidarité sur les revenus du patrimoine et les produits de placements.

Toutes les recettes issues de la taxation des boissons sont dirigées vers le régime agricole, mais subséquemment certaines recettes provenant d’autres types de taxation qui allaient à ce régime sont réaffectées à d’autres branches de la sécurité sociale.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 448 et les cinq sous-amendements ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Favorable.

(Les sous-amendements nos 766, 772, 770, 771, 773 sont successivement adoptés.)

(L’amendement n° 448 est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 398 et 631.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 398.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Monsieur le président, je suggère à M. Vercamer de le présenter puisque c’est son amendement qui a été repris par la commission.

M. le président. Vous avez la parole, M. Vercamer, pour soutenir votre amendement n° 631.

M. Francis Vercamer. Cet amendement vise à harmoniser les taxes parafiscales créées au fur et à mesure des projets de loi de financement de la sécurité sociale qui ne sont pas forcément cohérentes entre elles alors qu’elles sont toutes destinées à lutter contre certaines addictions. Il s’agit de demander au Gouvernement un rapport afin que toutes ces taxes parafiscales s’insèrent dans un dispositif cohérent.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements identiques ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Dans le cadre de la loi de santé publique que nous présenterons l’année prochaine, nous aurons l’occasion d’aborder son aspect fiscal qui ne la résume pas. La politique de santé publique, qu’elle concerne le tabac, l’alcool ou autre chose peut comporter des éléments de prix et de coût, mais elle doit évidemment aussi inclure des politiques d’accompagnement, de prévention et d’information.

Dans le cadre de la préparation de ce texte de loi, nous aurons l’occasion d’examiner les éléments que vous souhaitez. Il ne me semble donc pas utile ou nécessaire d’avoir un tel rapport avant l’examen de ce texte de loi.

Néanmoins, si cette mesure vous tient particulièrement à cœur, je m’en remettrai à la sagesse de l’Assemblée nationale.

(Les amendements identiques nos 398 et 631 sont adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 328.

M. Patrick Hetzel. L’article 23 aura des conséquences néfastes à l’encontre d’une filière traditionnelle d’excellence qui fait vivre 71 000 emplois directs et indirects, de l’agriculture d’orge brassicole aux brasseries en passant par différents distributeurs : cafetiers, hôteliers et restaurateurs.

Plus que jamais, et aussi par souci de transparence vis-à-vis de nos concitoyens, il est important que nous ayons une analyse de cet impact. Le Gouvernement prend une orientation ; il convient d’en mesurer l’impact par la remise d’un rapport au Parlement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable à cette proposition.

M. Patrick Hetzel. Vous n’aimez pas la transparence ni le contrôle parlementaire !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Nous avons jugé qu’il était superfétatoire de vouloir évaluer dans un an les conséquences de cette augmentation de 5 centimes par cannette sur l’emploi, qui dépend de tant d’autres facteurs, dans ce grand secteur brassicole comme dans celui des cafés, hôtels et restaurants.

Je vous propose donc de repousser cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Le Gouvernement est défavorable à votre amendement, monsieur le député.

Le texte que nous examinons aujourd’hui comporte une étude d’impact a priori que vous pouvez contester, mais qui donne les éléments nous permettant d’apprécier l’application de la mesure. Et l’année prochaine, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2014, vous aurez des éléments d’appréciation sur la manière dont la taxe contribue à l’équilibre du système et également sur ses conséquences économiques.

Il n’est pas de bonne politique de multiplier les rapports qui, par ailleurs, sont censés apporter des réponses qui existent dans d’autres documents gouvernementaux. Vous parliez de contrôle et de transparence. Si vous le souhaitez, vous aurez tout le loisir de vous pencher sur ces sujets dans le cadre de la Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale. Le Parlement est évidemment totalement libre dans le choix des sujets sur lesquels il souhaite exercer son contrôle.

Pour ce qui est du rapport demandé, il me semble participer d’une prolifération d’écrits qui n’apportent pas grand-chose à la décision politique et à l’éclairage du Parlement.

(L’amendement n° 328 n’est pas adopté.)

(L’article 23, amendé, est adopté.)

M. le président. L’Assemblée ayant bien travaillé, je propose de suspendre la séance quelques minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est reprise à dix-huit heures trente-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Après l’article 23

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, pour soutenir l’amendement n° 603.

M. Jean-Louis Roumegas. Cet amendement vise à augmenter de 50 % la taxe sur les boissons sucrées. Une étude récente démontre que leur consommation excessive chez les enfants et les jeunes participe au développement de l’obésité, et subséquemment du diabète et autres conséquences graves.

Le développement des maladies chroniques comme le diabète et des maladies cardio-vasculaires, dont les liens avec l’obésité ont été largement démontrés, a en outre des conséquences dévastatrices sur notre système de sécurité sociale. Une étude parlementaire a estimé le coût annuel de l’augmentation de l’obésité entre 10 et 15 milliards.

Il est donc établi que ces boissons posent des problèmes à la fois sanitaires et financiers. De ces deux points de vue donc, il est indispensable de relever la taxe sur les boissons sucrées dont la plupart des associations, au moment de son instauration, avaient relevé la faiblesse, même si elles la considéraient comme un signal positif.

Cette proposition est cohérente avec l’ensemble des mesures défendues par le Gouvernement dans ce PLFSS. J’avais déposé un autre amendement visant à encadrer la publicité, mais qui ne sera pas examiné car il a été considéré comme un cavalier. Je reviendrai dessus dans des débats ultérieurs de cette assemblée, mais l’objectif, là encore, est de donner un signal clair. On ne peut pas d’un côté demander aux médecins de faire de la pédagogie contre l’excès de boissons sucrées – et en l’occurrence, on peut vraiment parler d’excès : une étude a montré que certains enfants absorbaient ainsi 700 kilocalories supplémentaires par jour ! – et de l’autre persister à en encourager la consommation. Non seulement ces boissons sont en elles-mêmes particulièrement nocives, mais elles dissuadent les jeunes d’en consommer d’autres qui, elles, sont saines et nécessaires à leur équilibre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Tout le monde admettra que les boissons trop sucrées concourent à la prévalence de l’obésité, notamment chez les jeunes, et sont très certainement un des facteurs qui expliquent l’épidémie de diabète. Cela dit, vous l’aurez sans doute noté, la vente de boissons sucrées et sodas dans les grandes surfaces s’est orientée à la baisse depuis l’instauration de la taxe par la majorité précédente.

Je vous propose donc, pour le moment, de voir comment évoluent les choses. Ce qui ne vous empêchera pas d’adopter une proposition de loi qui sera très prochainement soumises à notre assemblée, visant à ce que les concentrations en sucre des produits notamment destinés à l’enfance dans les territoires d’outre-mer soit ramenées aux niveaux pratiqués dans l’hexagone. Pour des raisons de goût, paraît-il, ces concentrations sont en effet beaucoup plus élevées, ce qui explique sans doute, au moins pour une part, la fréquence des cas d’obésité et de diabète dans les outre-mer.

Pour ces raisons, et parce que la loi de santé publique annoncée par Mme la ministre contiendra sans doute des dispositions visant à relancer l’action de santé publique dans le domaine de la qualité de l’alimentation, de l’éducation nutritionnelle et de l’éducation au goût, je donne un avis défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Nous engager dans cette voie dès aujourd’hui nous placerait d’abord dans une situation quelque peu paradoxale, dans la mesure où des boissons avec édulcorants ajoutés se retrouveraient plus taxées que des boissons contenant des sucres ajoutés, ce qui ne se justifierait pas.

Ensuite, ces boissons sont fortement taxées depuis le PLFSS pour 2012. Il me semble nécessaire de disposer d’un peu de recul pour pouvoir apprécier l’impact de cette taxe, mise en œuvre depuis moins d’un an, avant de l’augmenter d’un coup de 50 %. Comme l’a indiqué M. le rapporteur, nous aurons l’occasion de faire ces évaluations dans le cadre de la loi de santé publique, avant même le prochain PLFSS. Je vous demande donc de bien vouloir attendre jusque-là. Je vous demande donc de retirer votre amendement, faute de quoi je serai amenée à lui donner un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. La remarque de Mme la ministre nous conduit à réfléchir aux conséquences de certaines mesures proposées par le Gouvernement ou d’amendements présentés avec un peu trop de légèreté, et qui donnent lieu à un débat parfois indigent. Au gré de nos séances, nous introduisons des dispositions qui complexifient terriblement la législation, la rendent quasiment ininterprétable, et nous écrasons tous les secteurs de taxes et surtaxes en tout genre.

Je l’avais dit lorsque la majorité précédente avait instauré la « fiscalité diététique » : je pense que seule l’éducation sanitaire peut conduire à des changements de conduite diététiques, alimentaires ou d’hygiène de vie. On connaît du reste les conséquences particulièrement graves qu’a eues la taxation instaurée dans le précédent PLFSS sur l’industrie des jus de fruits.

Nous devons vraiment prendre du recul. Nous devons comprendre que nos décisions peuvent avoir des conséquences sociales – en l’occurrence, les produits concernés sont souvent consommés dans des familles au budget extrêmement serré – alors que leurs résultats sanitaires demeurent négligeables : ce n’est pas par une taxe que l’on changera les comportements, mais par un message d’éducation diététique et sanitaire. Nous devons comprendre qu’elles peuvent aussi avoir des conséquences économiques extrêmement graves, et plonger des entreprises dans des situations précaires, voire les condamner à la disparition, tout simplement parce que l’on aura adopté une idée qui paraissait bonne sans y réfléchir plus avant.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Nous parlons depuis ce début d’après-midi de santé publique et la question des boissons sucrées en fait pleinement. Durant la dernière législature, l’Assemblée nationale avait un groupe d’études sur l’obésité, qui faisait un excellent travail, notamment pour ce qui touchait à l’enfant. Jean-Marie Le Guen en était un des piliers. Sur le fond, je suis donc entièrement d’accord avec l’exposé sommaire de cet amendement. Mais ce que je souhaite ardemment, c’est qu’on ne fasse pas du coup par coup. Quand aurons-nous une véritable loi de santé publique, madame la ministre ? Je suis en train de vivre ma troisième alternance et, comme sœur Anne, j’attends toujours !

M. Michel Issindou. Vous ne manquez pas d’air !

M. le président. Monsieur Roumegas, maintenez-vous votre amendement ?

M. Jean-Louis Roumegas. Oui, monsieur le président. J’insiste sur le signal important qu’il s’agit de donner.

M. Bernard Accoyer. Un signal n’est pas un texte de loi !

M. Jean-Louis Roumegas. Toutes proportions gardées et sans vouloir faire de comparaison, il y a un consensus dans ce pays pour donner des signaux très clairs sur les consommations d’alcool, on l’a vu tout à l’heure, et de tabac. Dans quelques années, vous verrez que ce qu’on appelle la malbouffe fera l’objet des mêmes mesures.

M. Bernard Accoyer. C’est ridicule !

M. Jean-Louis Roumegas. Les études scientifiques sont claires : on ne peut pas continuer à tenir pour négligeables les effets de ces boissons sur la santé. On sait qu’ils sont énormes, sans doute aussi énormes que ceux du tabac ou de l’alcool,…

M. Bernard Accoyer. Mais oui, c’est ça ! Et pourquoi pas arrêter de respirer, avec cet air plein de microbes !

M. Jean-Louis Roumegas. …même s’ils sont beaucoup plus dilués.

Nous appelons donc à un changement de modèle de santé. Il s’agit de mettre en place des mesures de prévention. Je vous ai entendu avec intérêt, madame la ministre, annoncer que ces thèmes seront traités dans une loi de santé publique. Permettez-moi cependant de vouloir donner ce signal, qui me paraît indispensable. On sait que le débat sur la question sera difficile. Il y a des lobbies importants.

M. Christian Paul, rapporteur. Ça, c’est sûr ! On est encerclés !

M. Jean-Louis Roumegas. Ils se battent et veulent défendre leurs boissons sucrées. Ils ont osé s’élever contre l’OMS elle-même. Vous pensez bien que, dans le débat national, ils ne vont pas se gêner. On sait comment ils vont agir.

Je tiens donc à ce signal, qui doit être absolument clair. Ce n’est pas aux lobbies industriels de dicter ce que les Français doivent manger.

(L’amendement n° 603 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 473 et 541, qui peuvent être soumis à une discussion commune.

L’amendement n° 473 est l’objet de deux sous-amendements, nos 778 et 746 ; l’amendement n° 541 est l’objet d’un sous-amendement, n° 780.

La parole est à M. le rapporteur pour les recettes et l’équilibre général, pour défendre l’amendement n° 473 de la commission.

M. Gérard Bapt, rapporteur. Nous en arrivons à la question des boissons énergisantes. Notre assemblée a déjà eu à en connaître, sans trouver de solution.

L’avant-dernière ministre de la santé, Mme Bachelot, s’était opposée à la commercialisation de ce type de boissons qui contiennent notamment de fortes concentrations de taurine. Malheureusement, Mme Bachelot a dû se plier à l’autorisation de mise sur le marché délivrée au niveau européen. Ces boissons ont donc pu être commercialisées, malgré la résistance, justifiée à mon sens, de Mme Bachelot.

Leur consommation progresse très nettement – plus 16 % l’an dernier – et le mouvement s’est encore accéléré. Cela représente 65 à 70 millions de litres, dont la majeure partie est produite par la marque Red Bull.

Or ces produits énergisants, qui contiennent une forte proportion de taurine, parfois additionnée de caféine, ont été mis sous surveillance par nos agences de sécurité sanitaire, depuis qu’un lien de causalité a été établi entre leur consommation et plusieurs accidents dont ont notamment été victimes des jeunes, qui mélangent ces breuvages avec des boissons alcoolisées dans le cadre de ce qu’on appelle les binge drinkings, c’est-à-dire des soirées très, très alcoolisées. On a relevé plusieurs accidents graves, dont deux mortels.

M. Bernard Accoyer. Les binge drinkings, c’est de l’alcoolisation rapide.

M. Gérard Bapt. Alcoolisation rapide, si vous voulez. M. Accoyer est plus compétent que moi sur ce thème.

M. Arnaud Robinet. Il participe !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Qui sait ? (Sourires.)

M. Bernard Accoyer. Je suis la société, monsieur le rapporteur, j’ai été élevé au bisphénol ! (Sourires.)

M. Gérard Bapt, rapporteur. Non, monsieur Accoyer, ce n’est pas votre génération qui a connu le bisphénol au berceau, c’est venu plus tard ! (Sourires.)

Cela dit, pour manifester notre préoccupation et pour signifier que ces boissons entrent dans le champ de ceux qui peuvent présenter un danger pour la santé, au même titre, donc, que les boissons alcoolisées, la commission des affaires sociales avait adopté, à mon initiative, cet amendement n° 473 qui vise à percevoir une contribution sur ces produits. J’ai finalement décidé de le retirer, et j’ai expliqué pourquoi lors d’une réunion de au titre de l’article 88, au profit de l’amendement n° 541 de M. Germain, qui propose le même dispositif avec un taux de contribution fixé à 50 euros par hectolitre.

Notre consommation de ces produits augmentant de manière considérable, il faudra, au-delà de la taxation, nous préoccuper de l’information et de l’éducation lors de l’examen de la future loi de santé publique, comme le disait M. Roumégas à propos des boissons sucrées.

(L’amendement n° 473 est retiré et les sous-amendements nos 778 et 746 deviennent sans objet.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Sebaoun, pour soutenir l’amendement n° 541.

M. Gérard Sebaoun. Nous vous proposons de mettre en place une taxe spécifique sur les boissons énergisantes contenant un seuil minimal de 220 milligrammes de caféine pour 1 000 millilitres ou un seuil minimal de 300 milligrammes de taurine pour 1 000 millilitres.

Je n’ajouterai pas grand-chose aux propos de Gérard Bapt. Je veux simplement citer Michel Lejoyeux, président de la Société française d’alcoologie : la publicité festive faite à ce type de boisson, dit-il, aide à l’addiction, et c’est bel et bien cette possibilité de déclencher une addiction qui est essentielle. L’idée est donc de taxer ces boissons dangereuses en ce qu’elles constituent une voie vers l’alcoolisme.

Rappelons la réalité à laquelle Gérard Bapt a fait allusion. La France a longtemps résisté – de 1995 à 2008 – à d’introduction de ce type de boissons.

M. Bernard Accoyer. Mais elles étaient autorisées en Europe.

M. Gérard Sebaoun. Effectivement, mais elles n’existaient pas en France jusqu’en 2008, où la pression sur le Gouvernement était telle que Mme Lagarde avait dû consentir à leur introduction. On nous menaçait d’une amende de 300 millions d’euros, ce qui avait fait bondir Mme Bachelot. Nous avons dû reculer, et nous soumettre. Aujourd’hui, la consommation de ces boissons est en expansion, et nous atteindrons bientôt les 130 millions de canettes. Je vous invite donc à soutenir cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé, pour donner l’avis du Gouvernement et soutenir le sous-amendement n° 780.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. La taxation des boissons dites énergisantes doit effectivement être examinée avec beaucoup d’intérêt. Ces boissons consommées seules ou en mélange avec de l’alcool ont des effets préoccupants sur la santé : à plusieurs reprises, vous l’avez rappelé, des avertissements ont été lancés, qui ont conduit les autorités françaises à interroger les spécialistes, à lancer des expertises de pharmacovigilance. Plusieurs éléments, sinon un faisceau d’indices nous amènent à penser que l’impact de ces boissons énergisantes sur la santé est plus qu’inquiétant, même si le lien entre la consommation de ces produits et un certain nombre d’accidents ne peut pas être formellement établi, qui amènerait à les retirer du marché.

Ces boissons énergisantes connaissent un réel succès : leur consommation connaît une croissance à deux chiffres. Cela montre l’engouement qu’elles suscitent, notamment chez les jeunes ou auprès d’un public soumis, à un moment donné, à des pressions ou contraintes importantes.

La proposition que vous faites, monsieur le député, doit donc être approuvée. Nous vous proposons un sous-amendement pour la modifier sur un point : il s’agit de pouvoir taxer ces boissons même lorsqu’elles sont « light », c’est-à-dire lorsqu’elles ne contiennent pas de sucre. Avec votre rédaction, la présence de sucre aux côtés de la caféine et de la taurine est nécessaire pour que la boisson puisse être taxée, ce qui ne devrait pas être les cas.

Sous réserve de l’adoption du sous-amendement n° 780, qui tend à supprimer son alinéa 4, le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 541.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission ne peut qu’être d’accord, puisque le sous-amendement présenté par Mme la ministre ne fait que consolider une mesure que nous appelons de nos vœux.

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Cet amendement pose une nouvelle fois le problème de notre attitude vis-à-vis de l’Europe. Nous le savons tous : si la France a été conduite à accepter la commercialisation de la boisson à laquelle vous faites allusion sans la nommer, c’est parce qu’elle était autorisée dans tous les pays de l’Union européenne.

Mais nous, les Français, on est plus intelligents que les autres ! Nous, les Français, on sait mieux ce qui va se passer ! Nous, les Français, on est tellement forts, on voit bien ce qu’il en est aujourd’hui avec nos résultats socio-économiques ! Cette attitude est extrêmement dangereuse, elle va exactement à l’encontre de la nécessaire convergence vers laquelle nous devons tendre en toutes choses. Et nous devons le faire pour les normes, car les normes françaises sont bien souvent plus sévères, plus lourdes, plus contraignantes que dans les autres pays de l’Union européenne et nous rendent moins compétitifs.

Cet amendement illustre une nouvelle fois cette spécificité française, cette arrogance française, alors que rien aujourd’hui, comme Mme la ministre vient de le dire…

M. Christian Paul, rapporteur. Cette arrogance française… Le Général apprécierait !

M. Bernard Accoyer. Je vous en prie, monsieur Paul, allez-y, vous avez toujours quelque chose à dire : il est vrai que vous avez des leçons à donner à la terre entière.

M. Jean-Patrick Gille. Et c’est vous qui parlez d’arrogance !

M. Christian Paul, rapporteur. C’est un expert qui parle !

M. Bernard Accoyer. Je conclus.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Oui, ce ne serait pas mal !

M. Bernard Accoyer. Cet amendement illustre une spécificité française, et le fait que le Gouvernement le soutienne et le sous-amende me paraît relativement grave : cela montre que la convergence européenne ne fait en rien partie des orientations du Gouvernement.

Compte tenu de la place que vous occupez désormais dans le Gouvernement, madame la ministre, comme votre collègue Cahuzac assis à vos côtés, compte tenu des légitimes ambitions que vous pouvez nourrir au vu du climat actuel, il serait heureux que vous adoptiez une attitude plus constructive vis-à-vis de l’Europe.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Germain.

M. Jean-Marc Germain. Je me réjouis que M. Accoyer voie des Premiers ministres partout dans le Gouvernement…

M. Bernard Accoyer. Je n’ai pas dit cela, monsieur Germain !

M. Jean-Marc Germain. Cela montre au moins qu’il en a une haute opinion.

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Jean-Marc Germain. C’est ce que j’ai compris, et je vous remercie de vos propos.

Cela dit, vous avez posé une question importante et sérieuse, celle de l’harmonisation. Simplement, notre vision est celle d’une harmonisation par le haut. Reconnaissez qu’en matière de santé publique, notre pays est doté d’un excellent système, et je crois que nous pouvons faire œuvre utile dans ce domaine. Nous sommes au sommet des classements mondiaux depuis des années, sous les gouvernements de droite comme sous les gouvernements de gauche. Nous pouvons donc montrer l’exemple.

Quel est donc l’enjeu de cet amendement ? Compte tenu des maigres recettes que cela procurerait, son but n’est pas financier : il s’agit d’adresser un signal, notamment à la jeunesse, de la mettre en garde car ces boissons peuvent conduire à des pratiques addictives qui, elles, sont dangereuses.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. Nous soutenons bien entendu cet amendement. Il va dans le sens de ce que nous défendons concernant les boissons sucrées.

Je suis d’accord avec Mme la ministre : il faut soumettre aussi les boissons qui contiennent des édulcorants à cette taxe. Je rappelle d’ailleurs, puisque la question a été posée tout à l’heure, que la loi sur les boissons sucrées incluait les boissons avec édulcorant, qui ont les mêmes effets perturbateurs sur la santé. On peut simplement regretter que l’amendement déposé aujourd’hui par les députés du groupe SRC soit en retrait par rapport à la disposition adoptée en commission. Il est dommage de réviser à la baisse ses ambitions. Je pense que le signal envoyé par le premier texte était plus fort. Nous voterons néanmoins pour cet amendement.

J’en profite pour annoncer un amendement allant dans le même sens qui sera défendu par ma collègue Véronique Massonneau. J’espère que la conduite de la majorité sera cohérente avec ses valeurs à l’occasion de l’examen de cet amendement que nous proposerons à propos des cocktails dits « prémix ».

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Monsieur le président, je reviens à ma demande d’une nouvelle la loi sur la santé publique. Nous avons parlé des boissons sucrées, nous abordons à présent le problème des boissons énergisantes.

Cette série d’amendements, c’est le bouquet ! Avez-vous remarqué qu’il y a trois sous-amendements pour deux amendements ? C’est un record !

Ce refus de mener une politique d’envergure de santé publique me rappelle les danses religieuses de ma région, la Moselle, et notamment la procession dansante d’Echternach : trois pas en avant, deux pas en arrière. C’est pareil ici : mise en route de la machine à taxer, puis rétropédalage ! Et le plus beau, si l’on peut dire, c’est cette discordance entre les amendements proposés par la commission, par Gérard Bapt ou par M. Germain, et les sous-amendements du Gouvernement ! J’ai l’impression qu’il n’y a aucune discussion préalable entre la majorité socialiste à la commission des affaires sociales et le Gouvernement. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Rassurez-vous : il n’y a aucune honte à cela !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Qu’est-ce que cela apporte au débat ?

M. Denis Jacquat. Vous faites à nouveau preuve d’impréparation. Il est évident que des questions se posent concernant les boissons énergisantes. Il est évident que l’on recherche de l’argent, et l’on se débrouille pour en trouver un peu partout !

M. Michel Issindou. Ça tourne en boucle !

M. Jean-Marc Germain. Ça n’est pas très énergisant !

M. Denis Jacquat. Je demande donc, une fois de plus, une nouvelle loi sur la santé publique.

Madame la ministre, je souhaiterais que vous organisiez une table ronde sur les boissons énergisantes quand votre loi sera discutée. Cela permettrait de poser les bonnes questions. Roselyne Bachelot les avait posées. Bernard Accoyer, quant à lui, a parlé du problème de l’Europe. Mettons tout cela sur la table ! De cette manière nous ne travaillerons pas avec des informations qui viennent de nulle part, mais avec des informations objectives qui nous permettront, dans un deuxième temps, de prendre de véritables décisions.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Très franchement, monsieur Jacquat, une table ronde sur les boissons énergisantes… Peut-être pourrions-nous éviter, justement, ce genre de démarche !

Nous préparons une loi. Vous avez mentionné vous-même le nombre d’alternances que vous avez vécues. La loi relative à la politique de santé publique, je vous le rappelle, date de 2004. Elle aurait dû être revue en 2009. Nous ne sommes au pouvoir que depuis cinq mois, bientôt six. Nous n’avons pas encore révisé cette loi, mais vous-même ne l’avez pas révisée depuis trois ans. Reconnaissez que votre critique en est un peu faible !

M. Denis Jacquat. Vous avez promis tant de choses !

Mme Bérengère Poletti. Mais ce sera pour quand ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Ce sera donc fait en juillet 2013.

Mme Bérengère Poletti. En 2013, c’est bien !

Mme Marisol Touraine, ministre. Vous m’accorderez, monsieur le député, qu’il m’était difficile d’engager en quelques jours ou en quelques semaines seulement la refonte de la loi relative à la politique de santé publique, d’autant plus que j’ai trouvé ce dossier vide à mon arrivée au ministère ! Si je l’avais fait, vous auriez à juste titre considéré que le Parlement n’aurait pas eu le temps de travailler de façon sereine sur cette affaire.

Je pense que ce sujet doit nous rassembler assez largement. J’ose espérer qu’en matière de santé publique vous ne ferez pas d’opposition idéologique…

M. Denis Jacquat. Jamais !

Mme Marisol Touraine, ministre. …alors que nous devons nous décider en fonction de l’intérêt de la santé de nos concitoyens.

Je rappellerai quelques données. Contrairement à ce que vous avez l’air d’indiquer, nos partenaires européens se préoccupent beaucoup de l’évolution de la consommation de boissons énergisantes par leurs ressortissants. Dans notre pays, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail a recueilli à ce jour 260 signalements d’effets indésirables, indépendamment d’ailleurs du niveau d’imputabilité de chacun des cas observés. L’ANSES a lancé une consultation afin de connaître les cas identifiés en Europe. Douze États membres de l’Union européenne ont d’ores et déjà répondu, en exprimant une inquiétude particulière au sujet des jeunes de seize à dix-huit ans. La Grèce publiera prochainement un rapport à ce sujet. La Belgique, l’Allemagne et l’Italie ont déjà publié des rapports sur la question des boissons énergisantes, marquant ainsi leur préoccupation à l’égard de certains comportements à risques liés à la consommation de ces boissons.

L’ANSES s’est saisie au mois d’août dernier de cette question. Vous souhaitez la création d’une commission, mais une agence spécialisée existe déjà : c’est largement suffisant ! Cette agence travaille en lien avec l’agence fédérale américaine des produits alimentaires et des médicaments, la Food and Drug Administration, qui elle-même enquête sur un certain nombre de décès qui pourraient être imputés à des boissons énergisantes.

M. Denis Jacquat. Les parlementaires pourraient y être associés !

Mme Marisol Touraine, ministre. Nous attendons un avis de l’ANSES pour le mois de février 2013, qui nous amènera peut-être à saisir les instances européennes compétentes et à voir comment une démarche commune peut être engagée. Pour le moment, nous considérons que la consommation de ces boissons fait courir un risque suffisant pour qu’une alerte soit lancée et qu’une politique de dissuasion soit engagée par la taxation – qui, au demeurant, reste limitée.

Les boissons énergisantes sont trop souvent utilisées par des jeunes mélangées à des alcools forts. Ces mélanges détonants sont très nocifs pour la santé des adolescents.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Germain.

M. Jean-Marc Germain. Je ne peux pas laisser M. Jacquat parler à notre sujet d’impréparation : il faut laisser au travail parlementaire le temps de se dérouler correctement, et je tiens à cet égard à remercier M. le ministre du budget et Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Nous avons évoqué hier le sujet des particuliers employeurs ; ce sujet en est un autre. Le problème des boissons énergisantes a été posé par nos deux Gérard, MM. Bapt et Sebaoun. Nous avons travaillé ensuite avec le Gouvernement pour fixer le bon niveau de la contribution demandée. Aujourd’hui, Mme la ministre dépose un amendement pour supprimer la mention du sucre parmi les composantes des boissons concernées, de manière à intégrer également les boissons dites lights. Tout cela n’est que la marche normale d’un bon travail parlementaire. Pour ma part, je me réjouis que les choses se déroulent de cette manière ! Quant aux différents amendements déposés, vous verrez qu’au final, avec leurs sous-amendements, ils sont identiques.

M. Denis Jacquat. Ça, c’est vrai !

M. Jean-Marc Germain. Notre proposition n’avait besoin que d’un sous-amendement, celle de la commission deux. Mais sur le fond, elles sont identiques. Nous nous réjouissons en tout cas de cette manière de travailler.

M. le président. La parole est à M. Jérôme Guedj.

M. Jérôme Guedj. Je répondrai brièvement à M. Accoyer que j’ai entendu parler tout à l’heure de « l’arrogance » que nous aurions à nous interroger et à nous inquiéter quant aux effets de ces boissons énergisantes.

Si M. Accoyer m’y autorise, je prendrai appui sur une expérience de ma vie antérieure. À la demande de Mme Bachelot, j’ai procédé à l’évaluation du programme national nutrition santé pour le compte de l’IGAS. Mais peut-être n’ai-je pas le droit, sous peine de créer un conflit d’intérêts, de parler des missions que j’ai eu l’honneur de réaliser pour des gouvernements de gauche comme de droite…

M. Bernard Accoyer. Tout à fait…

M. Jérôme Guedj. À l’occasion de l’évaluation du PNNS, nous avions constaté la justesse d’une décision prise dans ce cadre par Roselyne Bachelot et Xavier Darcos. Ces deux ministres ont en effet, par une circulaire du 11 juillet 2008, interdit la vente et la distribution de boissons énergisantes dans les établissements scolaires de France. Était-ce faire preuve d’arrogance, pour un ministre de la santé et un ministre de l’éducation nationale, de prendre une mesure de précaution dans le cadre d’objectifs de santé publics qui doivent être actualisés ?

Plusieurs députés du groupe UMP. Non ! C’était très bien !

M. Jérôme Guedj. Pour ma part, je me félicite que ce sujet fasse partie des priorités de l’indispensable actualisation de la loi relative à la politique de santé publique. Cette actualisation devra par ailleurs approfondir le PNNS que tous nos partenaires européens examinent avec intérêt. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

(Le sous-amendement n° 780 est adopté.)

(L’amendement n° 541, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau, pour soutenir l’amendement n° 581.

Mme Véronique Massonneau. Mon amendement vise à relever la taxe sur les boissons dites « prémix ». Il s’agit de boissons préparées avant la vente, et constituées d’un mélange d’alcool fort et d’un « soft », c’est-à-dire une boisson sucrée sans alcool. Ces produits, dont les jeunes sont très friands, ont un impact doublement négatif sur la santé. D’une part, ils sont souvent dosés de manière à ce que le consommateur n’ait pas l’impression de boire de l’alcool, boive ainsi davantage et se retrouve ainsi dans un état d’ivresse avancée. D’autre part, les boissons sucrées sont employées à haute dose dans la préparation de ces mélanges. Je ne reviendrai pas sur le point de vue des écologistes à l’égard des boissons sucrées : mon collègue Jean-Louis Roumegas l’a très bien exposé à l’instant. Ces cocktails sont particulièrement néfastes pour la santé : aux conséquences de la consommation d’alcool s’ajoutent les risques d’obésité.

Nous proposons donc de doubler la taxe sur ces boissons « prémix », en la faisant passer de 11 euros à 22 euros par décilitre d’alcool pur. Cet amendement vise donc la préservation de la santé publique, notamment celle des jeunes, tout en affectant de nouvelles recettes à la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs salariés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission n’est pas favorable à cet amendement, bien qu’il lui paraisse sympathique. Nous avons jugé que les mélanges avec un titre alcoométrique élevé d’alcool avaient été récemment taxés à un niveau suffisant.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. À la vérité, madame la députée, nous avons là l’exemple même d’une taxe, mise en place par les députés de l’ancienne majorité,….

M. Denis Jacquat. C’est exact ! Vous avez d’ailleurs, vous aussi, voté cette taxe.

Mme Marisol Touraine, ministre. En effet.

…qui a très significativement modifié les comportements : les « prémix » ne sont pratiquement plus consommés. On peut donc dire que le fait d’avoir taxé ces mélanges, tout à la fois de très mauvaise qualité et non recommandables pour la santé – il n’y a pas de divergence entre nous sur ce constat – a entraîné l’écroulement de leur consommation.

Je vous demande, madame, de retirer votre amendement. À défaut, je lui donnerai un avis défavorable, pour la simple et bonne raison qu’il n’a plus d’objet. La consommation de ces mélanges s’est déjà évaporée, comme vous le souhaitez, grâce à la mise en place d’une taxe comportementale. Ce qui prouve que les taxes comportementales ont une utilité.

M. Jérôme Guedj. En effet, cela marche très bien !

M. le président. Madame Massonneau, maintenez-vous votre amendement ?

Mme Bérengère Poletti. Elle réfléchit !

Mme Véronique Massonneau. Effectivement, je réfléchis…

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Il faut laisser à Mme Massonneau le temps de la réflexion !

Mme la ministre a parfaitement raison : je me souviens très bien qu’au moment où cette question a été examinée par la commission des affaires sociales, toute la commission a été d’avis de taxer très fort les « prémix » afin de tuer ce problème dans l’œuf. Ce qui fut fait.

Mme Marisol Touraine, ministre. Absolument !

M. Gérard Bapt, rapporteur. Il faudrait l’expliquer à M. Accoyer !

M. Denis Jacquat. C’est l’exemple même de ce que peut faire une volonté politique de protéger les jeunes.

M. le président. Madame Massonneau, maintenez-vous votre amendement ?

Mme Véronique Massonneau. Non, monsieur le président.

(L’amendement n° 581 est retiré.)

Article 24

(L’article 24, amendé, est adopté.)

Après l’article 24

M. le président. La parole est à Mme la ministre, pour soutenir l’amendement n° 752 du Gouvernement.

Mme Marisol Touraine, ministre. Il s’agit de supprimer une taxe…

Plusieurs députés du groupe UMP. Ah ! Bravo !

Mme Marisol Touraine, ministre. …instaurée par votre majorité l’an dernier dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, et destinée à financer l’évaluation médico-économique par la Haute autorité de santé.

Il ne s’agit pas du tout pour nous de mettre en cause le principe de ces études qui permettent d’apprécier la relation entre l’intérêt thérapeutique d’un traitement et son coût économique.

Le gouvernement précédent avait considéré que, pour financer ces évaluations, il fallait instaurer une taxe que la Haute autorité de santé demanderait aux entreprises concernées par ces évaluations. Mais ce dispositif revient à demander à la Haute autorité de santé de désigner elle-même les entreprises qui seront ou ne seront pas taxées, ce qui crée un problème juridique. Ce qui a totalement bloqué le dispositif : aucune évaluation n’a été réalisée.

Pour que ces évaluations puissent se poursuivre, nous proposons de supprimer tout lien entre le prélèvement de la taxe par la Haute autorité de santé et la réalisation des évaluations. En votant cet amendement, vous permettrez d’apprécier la relation entre l’intérêt thérapeutique d’un traitement et son coût économique. C’est ainsi que nous pourrons réaliser des économies structurelles dans notre système de santé.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Bien évidemment, je ne peux que souscrire à cet amendement pertinent qui permet de rompre le lien entre la Haute autorité de santé et les industries pharmaceutiques. Mais aura-t-elle désormais les moyens de mener ces études dès lors que la taxe n’existera plus ? Je souhaiterais la rassurer…

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Madame la présidente de la commission, je tiens à vous rassurer : le rendement de la taxe instaurée en vertu de l’article 47 de la loi de financement de la sécurité sociale de 2012 était très modique puisqu’il avait été évalué à 30 000 euros. Cette somme sera facilement couverte par le fonds de roulement de la Haute autorité de santé, qui reste tout à fait confortable.

J’ajoute que l’Assemblée examinera plus loin des amendements qui prévoient d’étendre l’assiette de la taxe promotion des médicaments mise en œuvre dans le cadre de ce texte et qui bénéficierait en partie à la Haute autorité de santé.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Gérard Bapt, rapporteur. À titre personnel, je ne peux qu’être favorable à cet amendement, tant la question de l’évaluation médico-économique est importante.

(L’amendement n° 752 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n° 652 rectifié.

M. Marc Dolez. Cet amendement vise à élargir l’assiette de la contribution acquittée par les entreprises pharmaceutiques sur les dépenses de promotion des médicaments remboursables. L’industrie pharmaceutique consacre en effet, selon les estimations, entre 3 et 4 milliards d’euros à des actions de promotion : visites médicales, congrès, publicités dans la presse et les médias, etc. Il s’agit clairement de stratégies de marketing commercial destinées à gagner des parts de marché ou à maximiser le rendement d’un ou plusieurs produits, bien loin d’une information médicale objective délivrée dans l’intérêt général. Ce type de marketing agressif pose des problèmes car les dépenses promotionnelles engagées sont évidemment intégrées dans le prix de vente des spécialités produites par les laboratoires. Lorsqu’elles sont remboursables, elles ont un impact sur les comptes sociaux.

Telle est la raison d’être de cet amendement, dont je veux croire qu’il rencontrera un écho favorable de la part du Gouvernement comme du rapporteur, dans la mesure où l’année dernière, à pareille époque, toute la gauche dans cet hémicycle s’était retrouvée sur un amendement similaire.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Nous comprenons tout à fait le sens de votre amendement : tout comme vous, nous regrettons de voir que trop d’efforts sont consacrés par l’industrie à ces dépenses de marketing. Toutefois, je vais proposer à l’Assemblée de le rejeter car le PLFSS comporte des mesures très importantes concernant l’industrie pharmaceutique, qui sont mieux ciblées en ce qui concerne le prix des médicaments et la question de la substitution des médicaments princeps par les génériques. Votre contribution pourrait désorganiser l’approche équilibrée qu’entend adopter le Gouvernement vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique à laquelle le PLFSS pour 2013 demande plus de 1 milliard d’économies.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur Dolez, nous partageons votre préoccupation : nous savons que les dépenses de promotion engagées par certains laboratoires ont des effets préoccupants sur la consommation. C’est aussi une façon de garantir des liens avec ces laboratoires.

Pour autant, tel qu’il est rédigé, votre amendement ne permet pas de répondre à toutes les actions de promotion véritablement inquiétantes ; à l’inverse, il en écarte d’autres qui peuvent paraître légitimes. Je pense aux petits laboratoires qui produisent des médicaments visant à soigner des maladies orphelines et pour lesquels il peut être admis que la promotion soit maintenue. De même, vous excluez des promotions par le biais de repas et de visites ; tout à l’heure, M. Paul présentera un sous-amendement pour inclure les invitations dans les congrès.

La construction de votre amendement ne permet pas de répondre, me semble-t-il, à l’ensemble des difficultés auxquelles nous sommes confrontés. Dans la mesure où nous discuterons ultérieurement d’autres propositions qui nous paraissent mieux adaptées sur ce sujet et poursuivent le même objectif, je vous demande de retirer votre amendement. À défaut, le Gouvernement y est défavorable.

M. Marc Dolez. Je maintiens mon amendement !

(L’amendement n° 652 rectifié n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission, pour soutenir l’amendement n° 479 troisième rectification, qui fait l’objet d’un sous-amendement n° 774 rectifié.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Cet amendement vise à clarifier l’état du droit en matière de contribution sur les dépenses de promotion des médicaments et des dispositifs médicaux.

En lançant des promotions, les laboratoires pharmaceutiques utilisent une autre forme de publicité sans mentionner forcément le nom d’un médicament. Pas plus tard que ce matin, j’ai pu voir une information sur les troubles de l’érection où apparaissait seulement le nom du laboratoire. De tels dispositifs poussent à la consommation de médicaments, même si aucun nom de médicament n’est mentionné. Il faut donc élargir l’assiette à tout ce qui peut induire la prise de médicaments.

Lors de l’examen de la loi de décembre 2011 relative au renforcement de la sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé, nous avions évoqué le cas d’un laboratoire qui avait lancé une campagne en faveur de la vaccination contre le cancer du col de l’utérus, sauf que le logo du laboratoire apparaissait sur le prospectus. C’est donc bien une forme de publicité pour le vaccin de ce laboratoire.

Nous souhaitons également élargir l’assiette à la presse grand public. La publicité dans la presse professionnelle est taxée, mais les laboratoires profitent aussi d’une certaine presse grand public – celle que l’on ne lit que chez le coiffeur –, pour lancer des campagnes de vaccination sur lesquelles figure leur logo. On pourrait d’ailleurs en reparler dans le cadre du droit de la subsidiarité des États en termes de santé publique : est-ce à un laboratoire de lancer des campagnes de vaccination ? La question me paraît pertinente : il me semble que la santé publique de toute personne vivant sur le territoire fait partie du domaine régalien de l’État.

Avec cet amendement, je réponds à la question que j’ai posée tout à l’heure à Mme la ministre quant aux moyens donnés à la Haute autorité de santé.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour l’assurance-maladie et les accidents du travail, pour soutenir le sous-amendement n° 774 rectifié.

M. Christian Paul, rapporteur. Nous croyons beaucoup dans l’importance et dans la force pour notre pays d’une véritable démocratie sanitaire, c’est-à-dire dans la participation des patients, des usagers du système de santé afin de l’améliorer et de le faire vivre autrement que ce que nous avons connu dans les années récentes, c’est-à-dire sur un mode très autoritaire et souvent très brutal.

Mais la démocratie a un coût. En commission, nous avons proposé de financer la démocratie sanitaire grâce à un prélèvement supplémentaire sur le chiffre d’affaires de l’industrie pharmaceutique. Le sous-amendement n° 774 rectifié prévoit d’élargir à une partie des frais de congrès l’assiette de la contribution sur les dépenses de promotion des médicaments des dispositifs médicaux. Cela permettrait de financer le fonctionnement des associations de patients et d’usagers du système de santé, le déplacement de leurs membres parfois jusqu’au chef-lieu de région où se trouve l’Agence régionale de santé, parfois jusqu’au ministère de la santé ou dans des agences nationales où il est nécessaire que les patients et les citoyens puissent également faire entendre leur voix. Cela permettrait également de financer des événements ou des colloques nécessaires au débat sur l’avenir du système de santé en France. Or vous le savez, de tels événements sont parfois financés par des laboratoires pharmaceutiques, ce qui n’est pas interdit. Mais nous souhaitons que la démocratie sanitaire soit d’abord marquée par l’indépendance des associations. C’est donc à ce titre que nous mettons en place un financement qui s’appuiera comme précédemment sur l’industrie pharmaceutique mais avec des modalités garantissant une réelle indépendance.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission a adopté l’amendement n° 479 troisième rectification. En revanche, elle n’a pas examiné le sous-amendement de M. Paul. Toutefois, j’y souscris pleinement dans la mesure où il s’agit de mieux assumer la nécessité de la démocratie sanitaire au moment où le patient est de plus en plus au centre du système et l’interlocuteur de l’offre de soins.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis favorable. Mme la présidente de la commission des affaires sociales a montré l’intérêt de faire évoluer la taxation de la promotion, qui se fait par le recours à la sous-traitance.

Quant au sous-amendement de M. Paul, il me paraît utile : il s’agit bien pour nous de créer un financement qui ira à la Caisse nationale d’assurance maladie, qui elle-même apportera une contribution par l’intermédiaire du fonds d’intervention régional, laquelle sera utilisée selon mes instructions au financement de la démocratie sanitaire. Évidemment, il n’y aura pas de lien direct entre le prélèvement que nous proposons et le fonctionnement de la démocratie sanitaire puisque l’idée est de couper des liens qui ont pu s’établir et qui, même s’ils ne sont pas illégaux, sont de nature à créer un doute inutile dans l’esprit de nos concitoyens, à un moment où beaucoup de questions se posent sur les conflits d’intérêt.

La démocratie a un coût, elle doit être financée : je crois salutaires les dispositions proposées.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. Madame Lemorton, je respecte vos positions et nous connaissons tous ici le combat que vous avez mené lors du scandale du Mediator, mais j’ai du mal à comprendre votre argument. Nous allons élargir l’assiette de la taxation sur la promotion, dites-vous : quand un laboratoire fait de la publicité en mettant son nom, il incite le patient, le citoyen, à consommer le médicament de cette industrie pharmaceutique. Mais nous avons des professionnels de santé, des médecins, des pharmaciens : c’est à eux, que je sache, de délivrer le médicament, ce sont eux qui ont la responsabilité de prescrire telle ou telle molécule, un princeps ou un générique. L’argument que vous employez ne me satisfait donc pas.

Quant à votre sous-amendement, monsieur Paul, c’est le coup de grâce. Avez-vous vraiment conscience de l’état de l’industrie pharmaceutique en France ? Une décroissance d’au moins 2 %, des laboratoires de recherche qui ferment : dans ma ville de Reims, un laboratoire a fermé son centre de recherche. Dans le sud de la France, Sanofi licencie et ferme. Dans les douze dernières années, aucune molécule n’est sortie de France. Nous allons bientôt examiner un article sur la visite médicale, qui s’en prend encore une fois à l’industrie pharmaceutique. Elle vient d’échapper de peu à la compensation sur la suppression de la taxe sur les mutuelles étudiantes.

Il y a un moment où faut savoir ce qu’on veut. Veut-on une industrie pharmaceutique forte, une recherche performante ? Sinon, dites-le à l’ensemble de l’industrie pharmaceutique : « Nous n’avons plus besoin de vous en France, allez à l’étranger, délocalisez ! » Au moins, le discours sera clair et précis.

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. À cet instant j’ai conscience de prendre beaucoup de risques en défendant l’industrie pharmaceutique. J’entends déjà ce que Mme la présidente de la commission et peut-être Mme le ministre vont dire : que nous défendons un lobby.

Non, nous défendons simplement un des derniers fleurons de l’industrie française, qui connaît une période extrêmement inquiétante pour l’avenir. L’industrie pharmaceutique française, c’est 120 000 emplois, c’est le quatrième poste exportateur – encore un poste exportateur. Or, comme vient de le dire excellemment Arnaud Robinet, cette industrie est en crise, son secteur de recherche est beaucoup moins productif qu’il l’a été ; au bout du compte, sous les coups, qui d’ailleurs ont commencé sous la droite et que vous continuez méthodiquement à lui asséner, elle finira par partir. Nous vivons dans un monde ouvert, où les jeunes chercheurs, les investisseurs, sont dissuadés par votre politique de venir en France et de perpétuer ce qui est une vieille tradition : l’imagination, l’innovation, la recherche, les avancées thérapeutiques au pays de Pasteur.

En fait, cet amendement revient à instituer une sorte de censure. Les entreprises françaises ont-elles, oui ou non, le droit de communiquer ? Ont-elles seulement le droit d’expliquer, aux Françaises et aux Français, aux jeunes, qu’on fait de belles choses dans ces entreprises, qu’il y a des laboratoires, des salles blanches, que l’on va vers l’avant, que nous avons devant nous des perspectives fabuleuses avec les nouvelles technologies, la génomique, les anticorps monoclonaux ? Tenez-vous vraiment à éreinter tout cela ?

Il y a tout lieu de s’inquiéter de cette obsession qu’ont tous les gouvernements, et particulièrement le vôtre de s’en prendre à un secteur dont chacun sait qu’il est porteur des innovations et des avancées qui peuvent donner le plus d’emplois, plus de création de richesse, donc le plus de cotisations sociales.

Et là-dessus vient le sous-amendement de M. Paul : il y a une vache à lait, l’industrie pharmaceutique, et comme la démocratie sanitaire doit être financée, ce ne peut être que par l’industrie pharmaceutique.

M. le président. Merci, monsieur Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Excusez-moi, mais il s’agit tout de même du rayonnement de la francophonie, du rayonnement de la science française dans les congrès internationaux, que vous voudriez taxer par cet amendement. Ces mesures sont d’une extrême gravité, je voulais simplement vous le dire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. J’entends bien ces démonstrations et je n’ai guère envie de les commenter. Il s’agit de 5 millions d’euros et je veux dire à M. Robinet comme à M. Accoyer que ces sommes-là sont déjà dépensées en direct par l’industrie pharmaceutique quand elle finance les associations. Je vous renvoie, monsieur Accoyer, puisque vous semblez douter de mes propos, au rapport de la Haute Autorité de santé de 2011, qui portait sur les aides versées au titre de l’année civile 2010…

M. Bernard Accoyer. Laissez-les faire !

M. Christian Paul. Le financement en direct des associations de patients par l’industrie pharmaceutique ne préserve en rien l’indépendance, absolument nécessaire, de ces associations : c’est une façon de créer des liens qui pourraient être parfois – car je ne veux pas diaboliser quiconque – des liens d’influence et susciter des conflits d’intérêts.

Nous voulons l’indépendance des associations de patients et d’usagers ; c’est pourquoi nous nous contentons de transférer des sommes déjà engagées par l’industrie pharmaceutique dans un système qui garantit l’indépendance de ces associations. Très franchement, je ne vois pas ce que vous pourriez y redire.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas le seul fleuron : nous avons Airbus qui marche très bien. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Francis Vercamer. Vous pourriez peut-être le taxer !

M. Arnaud Robinet. Or oui, taxez Airbus !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ce sont des entreprises qui avancent beaucoup plus vite que nous, législateurs : il ne vous a pas échappé que Sanofi vient de nouer un partenariat avec Coca-Cola – c’est quand même un peu ubuesque – pour faire des produits d’allégation vendus dans les supermarchés. J’annonce donc d’emblée qu’il y aura sans doute une taxe dans le PLFSS de 2014.

(Le sous-amendement n° 774 rectifié est adopté.)

(L’amendement n° 479 troisième rectification, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 649 rectifié.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement va profondément déplaire à notre ancien président de l’Assemblée nationale, car il propose de porter à 3 %, contre 1,6 % à l’heure actuelle, le taux de la contribution des entreprises de préparation de médicaments au titre du chiffre d’affaires, qui finance la formation médicale continue.

Compte tenu du confort financier des laboratoires pharmaceutiques et de l’importance de la formation médicale continue, que vous ne contesterez pas, cette mesure serait très utile. Contrairement à mes collègues, je considère, moi, qu’elle est supportable par les laboratoires. Comme l’a très bien dit Marc Dolez, l’industrie pharmaceutique consacre entre 3 et 4 milliards d’euros à la promotion. Si elle met autant d’argent dans ce secteur, monsieur Robinet, c’est qu’elle y trouve un intérêt !

M. Arnaud Robinet. Et combien consacre-t-elle à la recherche et à l’innovation ? Entre 20 et 30 % !

Mme Jacqueline Fraysse. Les 5 millions dont nous parlions tout à l’heure, que sont-ils au regard des 3 à 4 milliards qui sont investis dans la publicité ? Tout de même, les laboratoires pharmaceutiques, qui se portent bien, tant mieux, peuvent apporter des moyens financiers à l’ensemble de notre collectivité. Il n’y a pas d’autre objet à ces propositions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement n’a pas été présenté à la commission. Il s’agit d’augmenter significativement la contribution de l’industrie pharmaceutique à la formation médicale continue qui est en train de se mettre en place. Je vous suggère, madame Fraysse, de le retirer : au vu de la façon dont la formation médicale continue va se déployer, nous pourrons dans les temps à venir adapter les financements à leur objectif. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Avis défavorable, sauf si Mme Fraysse acceptait de retirer son amendement. En effet, la taxe sur le chiffre d’affaires a un double objectif : d’une part elle contribue au redressement des comptes de l’assurance maladie et d’autre part, depuis l’année dernière, elle contribue au financement de la formation médicale continue : c’est la raison pour laquelle le taux de cette taxe est passé de 1 à 1,6 % l’année dernière, ce qui constitue une augmentation tout à fait significative : 60 %. Le niveau de la taxe actuelle est bien calibré pour répondre aux besoins de la formation continue ; aller au-delà mettrait à contribution de façon sans doute excessive des industries qui contribuent déjà fortement à l’ONDAM à travers les baisses de prix qui vont leur être demandées.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Merci monsieur le président, cela me permet de revenir sur les amendements précédents puisque je n’ai pas pu parler. Nous sommes dans un débat totalement surréaliste. Moi aussi, je trouve extrêmement grave qu’on s’attaque à l’industrie pharmaceutique en permanence, alors que beaucoup a été fait l’an dernier dans la loi Bertrand et sous l’égide de Mme Lemorton.

Veut-on des laboratoires asexués, anonymes ? Alors que les plus grands laboratoires sont en France, dites-le tout de suite !

Monsieur Paul, vous voulez en permanence faire les poches de l’industrie pharmaceutique. Qu’il s’agisse de la promotion des médicaments, ou des relations avec le corps médical, nous avons déjà tout voté. Toutes les règles de transparence existent. Que voulez-vous de plus ? Faire disparaître les congrès ? Il y en a de moins en moins, ils sont de moins en moins fréquentés et cela joue au détriment de la formation des professionnels de santé. Nous avons des chercheurs, des praticiens hospitaliers, qui vont parler à l’étranger, qui vont parler dans les congrès. Petit à petit, vous détruisez ce qui était très bien au plan national. Cela me fait mal au ventre de voir qu’on attaque en permanence une industrie fantastique qui est une industrie française.

M. Michel Issindou. Allons ! une bonne bière et ça repart !

M. le président. La parole est à M. Arnaud Robinet.

M. Arnaud Robinet. J’espère qu’un certain nombre de nos concitoyens suivent ce débat sur la chaîne parlementaire ou sur le site internet.

Le coup de grâce, c’est le dernier amendement de Mme Fraysse : il ne faut pas avoir peur des mots, on sacrifie, on anéantit tout un pan de notre économie. C’est ce que vous souhaitez ?

Mme Jacqueline Fraysse. Sanofi licencie !

M. Arnaud Robinet. Continuez ! Avec vos propositions, cela va continuer.

(L’amendement n° 649 rectifié n’est pas adopté.)

Article 25

(L’article 25 est adopté.)

Après l’article 20
(Amendements précédemment réservés)

M. le président. Nous en revenons aux amendements portant articles additionnels après l’article 20, précédemment réservés.

La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 653 rectifié.

Mme Jacqueline Fraysse. Dans le cadre des régimes de retraites à prestations définies, dites « retraites chapeaux », une contribution additionnelle de 30 % à la charge de l’employeur est exigible sur les rentes excédant huit fois le plafond annuel de la sécurité sociale, lui-même fixé à 36 000 euros par an, soit 288 000 euros par an.

L’amendement n° 653 rectifié propose d’abaisser ce seuil de déclenchement à non pas huit, mais trois fois le plafond annuel de la sécurité sociale, soit environ 109 000 euros par an, somme déjà conséquente. Certes, comme me l’a fait remarquer le rapporteur, Gérard Bapt, en commission, la contribution des employeurs sur les retraites-chapeaux a été portée à 32 % par le Gouvernement dans le projet de loi de finances – très bonne mesure que nous avons bien sûr votée. Si le présent amendement était adopté, leur contribution serait portée à 62 % sur la part excédant les 109 000 euros. Gérard Bapt a trouvé cette mesure excessive. Nous n’en assumons pas moins cet « excès » dans la mesure où notre objectif est certes de dégager des moyens pour la protection sociale mais aussi et surtout, je l’affirme avec force, de faire reculer le recours à ces dispositifs à nos yeux particulièrement nuisibles.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement. La contribution proposée par Mme Fraysse viendrait s’ajouter à celle de 30 % déjà acquittée par l’employeur et à celle de 21 % à laquelle sont d’ores et déjà soumises les rentes. Au bout du compte, nous aurions une contribution de plus de 80 % qui, dès lors, serait confiscatoire. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. La fiscalisation des retraites-chapeaux a été modifiée à de nombreuses reprises ces dernières années. On pourrait penser – c’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles la commission a rejeté cet amendement – qu’une forme de stabilité serait nécessaire. Cela étant, je comprends votre souhait, madame Fraysse ; l’Assemblée va donc devoir choisir entre ce qui paraît être une mesure de justice, qui d’ailleurs ne concerne pas le stock mais uniquement le flux – la mesure proposée ne serait donc pas, si j’ai bien compris, rétroactive –, et le vœu de la commission d’en rester à une forme de stabilité probablement souhaitable. Le Gouvernement s’en remet donc à la sagesse de l’Assemblée.

(L’amendement n° 653 rectifié n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 682 rectifié.

Mme Jacqueline Fraysse. Les retraites-chapeaux sont exonérées de la CSG. L’amendement n° 682 rectifié propose d’appliquer à ces formes de rémunération les mêmes dispositions que celles en vigueur pour les autres revenus, ce qui serait à nos yeux faire preuve de justice et d’équité. Cette mesure se justifie pleinement au regard des difficultés financières des régimes sociaux de la sécurité sociale et des efforts demandés à d’autres catégories de nos concitoyens beaucoup moins fortunés – les retraités, par exemple, puisque nous avons voté une taxe les concernant.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement n’a pas été examiné par la commission. Les retraites-chapeaux sont déjà assujetties à des contributions à la charge de l’employeur : 32 % sur les rentes et 30 % supplémentaires sur les rentes lorsqu’elles sont supérieures à 291 000 euros. Les bénéficiaires acquittent pour leur part une contribution spécifique de 7 à 21 % sur les rentes versées d’un montant supérieur à 400 euros. Ajouter à la part patronale des cotisations sociales, la CSG, la CRDS, soit environ 30 % de contribution supplémentaire, paraît d’autant moins nécessaire que cette mesure toucherait indistinctement les petites et les grosses retraites-chapeaux.

Or les entreprises de certains salariés modestes peuvent prévoir des retraites-chapeaux dont le montant est loin d’être exorbitant. À titre personnel, je propose de repousser cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur votre amendement, madame Fraysse, pour une raison à laquelle vous pourrez vous rendre. Vous proposez d’instaurer une CSG sur des primes versées par l’entreprise au profit de salariés n’ayant pas encore quitté l’entreprise et donc avant qu’ils ne touchent, le cas échéant, ladite retraite-chapeau. Vous souhaitez par conséquent que ce soit le salarié qui acquitte la CSG sur un revenu qu’il n’a pas encore perçu. Il serait donc sage de retirer votre amendement ; à défaut, je ne pourrai pas recommander à l’Assemblée de voter en sa faveur.

(L’amendement n° 682 rectifié n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement n° 651.

M. Marc Dolez. Dans le même esprit que les précédents, l’amendement n° 651 vise à relever le niveau des prélèvements sociaux sur les stock-options et les attributions gratuites d’actions. Il s’agit de faire contribuer davantage des formes de rémunération qui ne sont pas liées à la production de valeur et qui ne revêtent pas vraiment d’utilité économique, comme l’ont montré de nombreuses études mettant en doute l’efficacité des stock-options sur la qualité de la conduite des entreprises.

Certaines de ces études ont critiqué le fait que ces stock-options pouvaient inciter les dirigeants à ne rechercher que l’augmentation des cours des actions au détriment des dépenses permettant d’inscrire leur entreprise dans le long terme, tandis que d’autres ont vraiment montré que les stock-options distribuées n’étaient pas strictement corrélées avec les scores des entreprises intéressées.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Cet amendement, monsieur Dolez, a déjà été présenté au cours des années précédentes. Or le contexte a changé, puisque le taux des deux contributions que vous voulez augmenter a déjà été majoré dans le collectif budgétaire voté au mois de juillet dernier. Le taux de la contribution patronale a été triplé, passant de 10 à 30 %, et le taux de la contribution salariale a été quadruplé, passant de 2,5 à 10 %. Nous sommes parvenus à un niveau de prélèvement tel que ces revenus font partie de ceux du capital dont le régime fiscalo-social est aligné sur celui des revenus du travail. L’objectif d’ensemble poursuivi par les auteurs de l’amendement a donc déjà été atteint. C’est pourquoi je vous suggère de retirer cet amendement déjà satisfait, faute de quoi je proposerai, au nom de la commission, de le repousser.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Défavorable. Cette question a déjà été traitée de façon satisfaisante lors de l’examen du projet de loi de finances. Je ne crois pas opportun d’y revenir à l’occasion de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

(L’amendement n° 651 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 658 rectifié.

Mme Jacqueline Fraysse. Il est défendu.

(L’amendement n° 658 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement n° 672 rectifié.

Mme Jacqueline Fraysse. Cet amendement propose d’instaurer à la charge des employeurs une contribution de l’ordre de 40 % sur les bonus que perçoivent ceux qu’il est convenu d’appeler les traders. En effet, malgré les grandes déclarations faites à l’époque, nous n’avions pas d’illusion quant à l’effet de la crise et de l’affaire de la Société générale, dont on reparle d’ailleurs ces jours-ci, concernant le recours aux bonus qui non seulement font prendre à leurs bénéficiaires des risques inconsidérés mais menacent des pans entiers de l’économie. Aucune leçon, finalement, n’a été tirée de tous ces événements par les opérateurs, pas plus que par les donneurs d’ordres.

Actuellement, la rémunération des traders se compose d’une part fixe qui participe à la protection sociale et d’une part variable, exonérée de toute contribution sociale, qui peut atteindre des niveaux exorbitants. C’est donc pour dissuader le recours à ces rémunérations hors normes, dangereuses à tous points de vue, que nous avons déposé cet amendement qui vise à instaurer une cotisation patronale lourde – nous en avons conscience –, s’élevant à 40 % et qui, dans l’attente de la modification des comportements que nous espérons, apportera au moins des moyens à la protection sociale.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Gérard Bapt, rapporteur. Défavorable. Les revenus en question sont déjà assujettis aux cotisations et contributions sociales de droit commun. Quand les revenus d’un trader deviendraient exorbitants, avec la réforme de l’IRPP, ils seraient assujettis à la nouvelle taxe de 75 % pour ceux qui dépasseraient 1 million d’euros.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Défavorable.

(L’amendement n° 672 rectifié n’est pas adopté.)

Articles 26, 27 et annexe C, 28.

M. le président. Les articles 26 à 28 ne faisant l’objet d’aucun amendement, je vais les mettre successivement aux voix.

(L’article 26, l’article 27 et annexe C, et l’article 28 sont successivement adoptés.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures.)