Accueil > Projet de loi de finances pour 2015 > Les comptes rendus des commissions élargies (plf 2015) > Compte rendu intégral

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Assemblée nationale

commission élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission des affaires sociales

(Application de l’article 120 du Règlement)

Mardi 28 octobre 2014

Présidence de M. Pierre-Alain Muet,
vice-président de la Commission des finances,
et de Mme Martine Carrillon-Couvreur,
vice-présidente de la Commission
des affaires sociales.

La réunion de la commission élargie commence à dix-sept heures quinze.

projet de loi de finances pour 2015

Travail et emploi ;
financement national du développement
et de la modernisation de l’apprentissage.

M. Pierre-Alain Muet, président. Monsieur le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, nous sommes réunis en commission élargie afin de vous entendre sur le projet de loi de finances pour 2015 et plus particulièrement sur la mission « Travail et emploi ».

En matière de politique de l’emploi, la France s’est dotée depuis deux ans de dispositifs importants – emplois d’avenir, contrats de génération, allègements sur les bas salaires – qui porteront leurs effets à des horizons différents. Or, depuis trois ans, l’Europe traverse une récession majeure qui, pour de nombreux pays, n’a de précédent que la situation qu’ils avaient connue au cours des années 1930 : elle explique une très faible croissance en France, voire une croissance quasi nulle. Aussi l’équilibre entre les dispositifs mentionnés mérite-t-il d’être repensé en fonction de cette conjoncture. Tant que la croissance n’est pas suffisante pour créer des emplois, la politique pertinente, alors que la demande est faible, consiste bien à mettre l’accent sur les emplois aidés, notamment dans le secteur non marchand. En effet, quand on crée des emplois comme les emplois d’avenir, on donne du revenu et de la confiance. Tant que la croissance ne permet pas le retournement de la courbe du chômage, c’est la création volontariste d’emplois qui contribue au retour de la croissance. Je sais que cette préoccupation vous est chère, monsieur le ministre, et je tenais à la rappeler.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente. La question de l’emploi est au cœur de nos préoccupations et nous savons que vous aussi, monsieur le ministre, êtes mobilisé pour lutter contre les difficultés très importantes d’accès à l’emploi. Même si vous avez prévu un certain nombre de dispositions, je reviendrai tout à l’heure sur le cas de personnes plus éloignées encore de l’emploi que d’autres.

M. Christophe Castaner, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. M. Muet vient d’évoquer le contexte de récession majeure dans lequel nous évoluons et nous ne cachons pas que la situation du marché de l’emploi est difficile. Les dispositions prévues dans le cadre de la mission « Travail et emploi » ont un rôle-clef à jouer pour contenir les effets de la progression du chômage. Depuis le printemps 2008, les chiffres n’ont cessé de croître. Mais, si cette hausse est moins forte aujourd’hui, nous restons confrontés à un risque très important pour le bon équilibre de la société.

Alors que le chômage ne cessait d’augmenter, le budget du ministère du travail, pour sa part, baissait. Dès 2012, nous avons fait le choix d’inverser cette tendance et d’accompagner, par des moyens nouveaux, le combat contre le chômage qui passe par une politique économique destinée, certes, à la création d’emplois, mais aussi au rôle d’amortisseur de la crise. C’est pourquoi je me réjouis que les crédits de la mission « Travail et emploi » demeurent à un niveau élevé, avec 11,1 milliards d’euros hors compte d’affectation spéciale – celui des pensions.

Il convient toutefois de préciser qu’il n’est jamais simple de comparer les données d’une année à celle qui précède, tant le périmètre budgétaire, notamment celui de votre mission, monsieur le ministre, est évolutif. Nous aurons l’occasion d’entrer dans le détail de votre budget au cours du débat en séance ; qu’il me soit néanmoins permis d’évoquer la montée en puissance d’un dispositif tel que la garantie jeunes, qui profitera à 50 000 jeunes d’ici à la fin de l’année 2015, et le renforcement de certaines politiques, comme celle de l’insertion par l’activité économique. Si ces mesures doivent produire leurs effets prochainement, il est également nécessaire que nous répondions dès à présent à cette situation d’urgence. Cela passe aussi par une politique volontariste en faveur de certains dispositifs d’emplois aidés. C’est pourquoi le groupe SRC a présenté un amendement visant à accroître de 50 000 le nombre de contrats aidés : 35 000 contrats d’accompagnement dans l’emploi (CAE) et 15 000 emplois d’avenir. Je suis certain, monsieur le ministre, que vous appuierez cette démarche.

Afin d’éclairer le vote de la mission « Travail et emploi », je vous poserai quatre questions. La première porte sur la création de postes en entreprise adaptée. Pour la seconde année consécutive, le Gouvernement ne respecte pas l’engagement pris en 2011 de créer 1 000 postes par an sur trois ans. Pourriez-vous nous en donner les raisons et nous préciser la stratégie du Gouvernement en la matière ?

Ma deuxième question est un peu technique et concerne le niveau de la réserve qui sera imposé à Pôle emploi. L’année dernière, 30 millions d’euros ont été mis en réserve, calculés par rapport à la dotation initiale de 1 537 millions d’euros, avant que celle-ci ne soit légèrement réduite par la loi de finances initiale (LFI) à 1 519 millions d’euros, si bien que la dotation réelle de Pôle emploi a été de 1 507 millions d’euros pour 2014. Or, cette année, si la dotation présentée en projet de loi de finances (PLF) est bien de 1 519 millions d’euros, si l’on devait enlever à nouveau 30 millions d’euros au titre de la réserve, la dotation à Pôle emploi passerait sous la barre de 1,5 milliard d’euros pour s’établir à 1,489 milliard d’euros, avec une baisse de 18 millions d’euros des capacités d’intervention de Pôle emploi. Cette question ne porte pas sur une somme particulièrement importante, mais, au moment où Pôle emploi fait l’objet de transformations profondes dans sa façon d’accompagner les demandeurs d’emploi, il paraît important de lui garantir une dotation au moins égale à celle de 2014.

J’en viens au programme 103 avec une question relative à l’ouverture du contrat de sécurisation professionnelle aux personnes ayant eu des contrats à durée déterminée. L’année dernière, Véronique Louwagie et moi-même, au sein de la mission d’évaluation et de contrôle, dans le cadre de nos travaux sur l’accompagnement de la prévention des plans sociaux, nous sommes rendus compte que les personnes en contrat à durée déterminée ou en intérim étaient toujours les premières victimes des plans sociaux, car elles servent de variable d’ajustement en matière d’effectifs ; or ce sont précisément les personnes les moins pourvues d’outils accompagnés. Pourriez-vous nous faire part des résultats obtenus grâce à ces dispositifs et des réflexions en cours autour de ce projet à la suite de l’expérimentation menée ?

Enfin, je me réjouis que la refonte et la simplification du mécanisme d’activité partielle prévu par la loi de sécurisation de l’emploi soit une vraie réussite avec plus de 20 % d’heures chômées compensées en plus par rapport à l’année dernière. Il est toutefois important, monsieur le ministre, de savoir de quelle manière vous anticipez la future montée en charge de ce dispositif, notamment dans le cadre de la programmation triennale.

Je conclurai en rappelant que, au-delà du texte de loi, il y a le volontarisme politique. Je tiens à souligner l’importance des engagements que vous avez pris hier sur la lutte contre la fraude des travailleurs détachés. Le Parlement s’est emparé de cette question en votant, l’été dernier, une proposition de loi condamnant le dumping social, mais qui, pour être efficace, implique la mise en œuvre des moyens forts que vous avez défendus hier avec détermination.

Mme Monique Iborra, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, pour l’emploi. Les programmes 101 et 102 participent à l’effort financier global du budget de l’État pour 2015 tout en dégageant des moyens pour répondre aux priorités, en particulier au chômage des jeunes. Vous nous proposez un dispositif concret visant à rendre l’insertion professionnelle efficace. Le rythme de croisière des créations d’emplois d’avenir est maintenu, tandis que la garantie jeunes entre dans une phase d’extension après une première phase d’expérimentation. À ce titre, monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser les conditions dans lesquelles se développera la garantie jeunes afin que 50 000 jeunes se trouvent en accompagnement à la fin de 2015 ? Quelles sont, en particulier, les modalités de sélection des territoires qui feront partie de la troisième vague de l’expérimentation du dispositif ? Quel sera le niveau de l’accompagnement financier communautaire et qui assumera l’avance de ces sommes ?

Les missions locales bénéficient de crédits d’accompagnement pour la mise en œuvre de ce mécanisme à hauteur de 1 600 euros par jeune. Est-il normal que certaines d’entre elles soient amenées à financer la location de locaux sur les crédits affectés à l’accompagnement, alors que les collectivités locales, les écoles de la deuxième chance, les maisons de l’emploi présentes sur ces territoires pourraient mettre à disposition les locaux nécessaires ?

Le programme 102 prévoit également les dotations aux principaux opérateurs du service public de l’emploi : Pôle emploi, les missions locales, mais aussi les maisons de l’emploi. Pour ce qui est de ces dernières, pouvez-vous dresser un premier bilan des sommes qui leur ont été allouées et qui ont été consacrées aux appels à projets « Gestion prévisionnelle des emplois et des compétences territoriales » à hauteur de 10 millions d’euros ? Sous quelle forme ont-ils été passés et y a-t-il eu une première évaluation des actions menées ?

Le programme 102 finance l’ensemble des contrats aidés et, dans le cadre de l’anticipation d’une amélioration du contexte économique en 2015 et, en particulier, de l’effet positif des mesures du pacte de responsabilité et du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) sur les créations d’emplois, le PLF pour 2015 réduit la taille des enveloppes de contrats aidés dans le secteur non marchand. Or ne doit-on pas envisager l’année 2015 comme une année de transition et donc consolider l’enveloppe des contrats aidés dans l’attente d’une confirmation de la reprise réelle et durable de l’emploi ? J’ai déposé, avec le groupe SRC, un amendement visant à renforcer les contrats aidés dans le secteur non marchand et les emplois d’avenir. Le soutiendrez-vous ?

En ce qui concerne les mesures en faveur de l’emploi des personnes handicapées, je m’interroge sur la stricte reconduction du volume des aides au poste dans les entreprises adaptées. Dans le cadre du pacte pour l’emploi des personnes handicapées, il est prévu que 1 000 aides au poste supplémentaires seront financées, à terme, en 2016, pour atteindre plus de 22 000 aides au total. Nous estimons qu’un effort doit être fait en faveur de l’emploi des personnes handicapées au moment où l’Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées (AGEFIPH) est mise à contribution pour financer les contrats aidés bénéficiant aux personnes handicapées. Quel est votre sentiment concernant l’idée d’une majoration de 500 aides au poste en faveur des entreprises adaptées ?

Enfin, mon rapport est essentiellement consacré à la politique de l’apprentissage. J’ai organisé plus de trente auditions sur le sujet : les acteurs entendus semblent se satisfaire des mesures récemment annoncées par le Président de la République. Je m’en réjouis moi-même. Quelles conditions précises encadreront le bénéfice de la prime de 1 000 euros dont le chef de l’État a annoncé l’élargissement à toutes les entreprises de moins de 250 salariés et pour tout recrutement ? Pour ce qui est de la condition de couverture par un accord de branches, quel sera le régime applicable aux entreprises qui ne relèvent d’aucune branche ? Il me semble qu’un problème peut se poser ici pour certaines entreprises artisanales.

M. Francis Vercamer, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour le travail. Pour la sixième année consécutive, j’ai l’honneur d’avoir été nommé rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour les programmes 111 et 155 de la mission « Travail et emploi ». En ce qui concerne l’examen du budget, je présenterai trois remarques préalables.

Tout d’abord, je ne peux que constater et regretter la diminution globale des crédits consacrés à la santé au travail : depuis 2010, ces crédits ont baissé d’environ 5 millions d’euros, alors qu’il s’agit d’un domaine d’intervention crucial pour l’avenir du marché du travail. Ensuite, en termes de présentation budgétaire, j’observe que, de nouveau, le Gouvernement n’a communiqué que l’évolution prévisionnelle globale de la mission pour 2016 et 2017, alors que le précédent Gouvernement avait toujours transmis l’évolution prévisionnelle par programme. Enfin, les documents budgétaires n’indiquent pas clairement où en est la mise en place du Fonds paritaire de financement des organisations syndicales et patronales, lequel doit pourtant être opérationnel à partir du 1er janvier prochain.

Je souhaite à présent partager avec vous quelques réflexions sur le thème que j’ai choisi cette année pour mon rapport : le bilan du deuxième plan « Santé au travail 2010-2014 » (PST 2). Dans un premier temps, je me réjouis des avancées qu’a produites ce plan, élaboré d’ailleurs sous l’ancienne majorité. On peut citer parmi ses réussites : une réduction nette du nombre d’accidents du travail et de maladies professionnelles ; la diffusion d’une culture de santé au travail, avec un réel développement de la recherche et l’intégration de la santé au travail dans la formation initiale et continue ; la mise en place de partenariats entre les différents acteurs du secteur ; enfin, surtout, la conclusion de plans régionaux de santé au travail dans toute la France, qui ont lancé une vraie dynamique territoriale. Toutefois, certains problèmes subsistent et l’un d’eux, en particulier, me préoccupe : la situation critique dans laquelle se trouvent les services de santé au travail au regard de la démographie de la profession de médecin du travail. Quelles mesures comptez-vous prendre pour y remédier ?

Le troisième plan « Santé au travail » se trouve en cours d’élaboration. Au niveau national, l’un des principaux problèmes du PST 2 a été l’absence d’articulation temporelle entre le plan, les conventions d’objectifs et de gestion (COG) et les contrats d’objectifs et de performances (COP) des opérateurs responsables de son application. Dans ce contexte, ne faudrait-il pas prévoir une durée plus courte pour le PST 3, afin de remettre l’architecture opérationnelle dans le bon sens ?

Enfin, en lien avec la négociation actuelle sur le dialogue social, quelles sont les pistes de réforme du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ?

M. Bernard Perrut, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour le financement national du développement et de la modernisation de l’apprentissage. Au cours de ces deux dernières années, la politique de l’apprentissage a fait l’objet d’une réforme, qui a notamment concerné son financement. La réforme de la taxe d’apprentissage conduit à revoir en profondeur la configuration du compte spécial qui ne retrace plus désormais en recettes que la fraction de 51 % de la taxe d’apprentissage dédiée aux régions.

Pouvez-vous détailler les montants précédemment affectés aux régions – y compris ceux destinés à compenser les primes d’apprentissage – et les montants qui leur seront affectés demain à l’issue de la réforme ? Y aura-t-il bien maintien voire renforcement des moyens des régions en faveur de l’apprentissage ?

En ce qui concerne l’exécution budgétaire du compte d’affectation spéciale pour 2014, les recettes initialement prévues de la contribution supplémentaire à l’apprentissage ne seront pas au rendez-vous : il devrait manquer, in fine, près de 80 millions d’euros. Logiquement, ce sont donc les dépenses du compte qui doivent faire l’objet d’une révision à la baisse. Pouvez-vous nous indiquer sur quelles dépenses imputer ces diminutions dans la mesure où il s’agit précisément de dépenses engagées par les régions ?

Pour ce qui est des primes d’apprentissage, il semblerait que le coût de l’élargissement de la prime de 1 000 euros aux entreprises de moins de 250 salariés et pour toute embauche d’un apprenti, annoncé par le Président de la République lors des assises de l’apprentissage, soit estimé à 70 millions d’euros pour 2015. Pouvez-vous préciser comment cette prime sera financée ? Certains des acteurs de l’apprentissage qui ont été auditionnés, comme les représentants de l’association des apprentis de France, pensent que le développement de l’apprentissage au sein des PME passe au moins autant par un meilleur accompagnement par les centres de formation d’apprentis (CFA) que par les primes, accompagnement qui permettrait également de diminuer le nombre de ruptures de contrats. Cette approche me semblant pertinente, que comptez-vous faire dans ce sens ?

À l’issue des assises de l’apprentissage, on a annoncé l’objectif d’une augmentation de 10 000 apprentis au sein de la fonction publique d’ici à 2017, avec, à cet effet, une enveloppe de 20 millions d’euros pour 2015. Comment sera-t-elle financée ?

Enfin, au cours de nos travaux, de nombreux interlocuteurs se sont inquiétés de la nouvelle réglementation qui encadre les dérogations à l’interdiction d’accès aux machines dangereuses pour les apprentis mineurs. D’après les représentants des employeurs, unanimes sur le sujet, les dispositions du décret du 11 octobre 2013 sont restrictives et constituent un frein à l’embauche des apprentis mineurs. Vous avez annoncé que cette réglementation serait revue. Pouvez-vous nous indiquer les modifications envisagées ?

Depuis 2013, le recul des entrées en apprentissage est très net, ce qui n’est pas sans lien avec la réforme des incitations financières engagée par le Gouvernement et, surtout, avec un manque de volonté du Gouvernement et de vous-même, monsieur le ministre, ou de votre prédécesseur. Le revirement opéré à l’été 2014 et réitéré lors des assises de l’apprentissage du 19 septembre dernier suffira-t-il à rétablir, à court terme, la confiance des employeurs ? Je le souhaite vivement. Encore faut-il une véritable ambition, à la hauteur des enjeux. L’apprentissage doit être conforté, car on mesure, sur le terrain, son utilité pour conduire des jeunes à l’emploi.

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Je suis sensible à vos propos, monsieur Muet, mais je m’abstiendrai de les commenter. Je remercie par ailleurs les rapporteurs pour leurs interventions.

Je commencerai par évoquer cet acteur majeur qu’est Pôle emploi. En effet, monsieur Castaner, en 2015, la subvention pour charges de service public sera de 1 519 millions d’euros, soit 49 422 équivalents temps plein. Ces données intègrent le recrutement de 4 000 conseillers supplémentaires en 2012 et 2013. La subvention est stable par rapport à la loi de finances pour 2014 et tient compte d’une minoration de 18 millions d’euros. Bien qu’un montant de produits constatés d’avance, en 2013, ait permis de limiter l’impact de cette minoration, la mise en réserve de 30 millions d’euros en 2014, en début de gestion, a conduit à l’inscription de 1 507 millions d’euros dans le budget 2014 de Pôle emploi. Pour me résumer : on ajoute aux 1 519 millions d’euros les produits constatés d’avance pour 18 millions d’euros, somme à laquelle il faut retrancher 30 millions d’euros de crédits mis en réserve.

Dans un contexte de progression du nombre de demandeurs d’emploi, cet objectif de stabilisation est ambitieux et implique un traitement spécifique de Pôle emploi parmi les opérateurs de l’État. Le Premier ministre l’a mis en évidence en avril dernier : Pôle emploi doit faire plus et mieux – c’est l’un des enjeux de la négociation de la convention tripartite État-UNEDIC-Pôle emploi. Il s’agit de mieux outiller les conseillers pour qu’ils affinent leur diagnostic et améliorent l’accompagnement aux personnes en en anticipant le déclenchement effectif. Il convient de faire plus pour les personnes qui en ont le plus besoin en augmentant le public bénéficiant de cet accompagnement et en renforçant les liens avec les départements – le but étant d’en impliquer soixante d’ici à juillet 2015. Pôle emploi doit en outre développer les services à distance, sa capacité à identifier les publics qui décrochent, enrichir son offre de services aux entreprises, accroître la transparence du marché du travail et le pilotage par la performance.

À budget constant, atteindre ces objectifs nécessitera une mise en œuvre progressive, mais surtout des gains d’efficience et une meilleure utilisation des effectifs – qui entraînera donc des redéploiements. Telles sont les recommandations dont j’ai fait part, au nom du Gouvernement, à Jean Bassères, directeur général de Pôle emploi.

J’en viens au financement des aides au poste dans les entreprises adaptées (EA). Certains amendements visent à créer 500 postes pour un montant estimé à 7 millions d’euros. Charles de Courson souhaite pour sa part majorer la ponction sur l’AGEFIPH afin de financer les entreprises adaptées. Pour l’heure, elles le sont au titre de l’aide au poste pour 316 millions d’euros – pour un total de 21 535 aides – et par le biais d’une subvention spécifique locale versée par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE). Nous nous sommes engagés à permettre aux EA de créer des emplois, de favoriser la professionnalisation, d’accompagner la croissance par la modernisation. Pour cela, l’État a prévu de financer 3 000 aides au poste supplémentaires sur la durée du pacte pour l’emploi en entreprises adaptées 2012-2014, à raison de 1 000 aides supplémentaires par an. En 2012-2013, les 1 000 postes prévus ont vraiment été budgétés. Fin 2013, dans la mesure où seules 1 760 des 2 000 aides au poste ont été consommées, la loi de finances pour 2014 a maintenu le niveau des crédits affectés au financement des aides au poste à hauteur de 290 millions d’euros, ce qui a permis la poursuite de la progression effective du nombre d’aides. Même si l’on a pu constater une amélioration par rapport à l’année dernière, il convient de vérifier le taux de consommation des aides avant de procéder à une nouvelle augmentation de leur nombre. Ainsi, les 21 535 aides au poste dont il vient d’être question n’ont toujours pas été consommées en totalité. Si 1 000 aides semblent difficilement consommables, un accroissement de moindre ampleur, de l’ordre de 250 aides pour un montant de 3,5 millions d’euros, pourrait être envisagé pour ne pas freiner les entreprises adaptées dans leur développement au cours de l’année 2015.

Le troisième point abordé par M. Castaner concerne l’expérimentation du contrat de sécurisation professionnelle (CSP), le bilan de son adaptation aux contrats courts et les perspectives de sa généralisation. L’expérimentation de l’extension du CSP à d’anciens titulaires de contrats à durée déterminée (CDD) ou de contrats d’intérim et de chantier a produit des résultats assez mitigés, laissant penser que ce dispositif n’était pas particulièrement adapté à ce type de population. Il est difficile de trouver des adhérents à un dispositif grâce auquel, certes, ils bénéficient de l’accompagnement renforcé, mais pas du niveau d’indemnisation majoré du CSP. Les chiffres sont très décevants : seulement 8 450 salariés se sont inscrits dans les trente et un territoires expérimentaux, et le taux d’abandon, de près de 17 %, est élevé. Une grande part des adhérents profitent d’une période de formation et le CSP permet l’accès au CDI à 28 % des concernés à l’issue du dispositif.

Cependant, la majeure partie des salariés continuent d’avoir recours à des contrats courts pendant le dispositif, ce qui rend leur suivi encore plus compliqué. Il semble donc plus opportun de recentrer les moyens du CSP sur les licenciés économiques. Toutefois, les suites données à cette expérimentation dépendent de la négociation que les partenaires sociaux doivent conduire d’ici à la fin de l’année. En l’absence de certitude sur l’avenir de ce dispositif, aucun crédit spécifique pour le CSP n’est budgété pour 2015. Je vous rappelle que le coût total du CSP, pour l’État, est évalué à 125 millions d’euros sur la base d’une hypothèse de 144 000 entrées, soit un peu plus que prévu par la LFI pour 2014.

Reprenant les principes de l’accord national interprofessionnel (ANI) de janvier 2013, la réforme de juin 2013 a jeté les bases d’une simplification des dispositifs d’activité partielle. Cette réforme poursuivait un triple objectif : favoriser le recours à l’activité partielle comme alternative au licenciement ; viser davantage les PME et les TPE ainsi que les secteurs d’activité qui y ont peu recours ; enfin, simplifier le dispositif et le rendre par là plus attractif pour les salariés et les entreprises.

Les résultats de la simplification des différents dispositifs antérieurs pour les regrouper au sein d’un dispositif unique d’activité partielle apparaissent, cette fois-ci, clairement satisfaisants. L’outil est plus attractif pour les employeurs, grâce à l’indemnisation des heures, et pour les salariés, grâce à leur niveau d’indemnisation. Par ailleurs, autoriser la mise en œuvre de tous les types de formation professionnelle pendant les périodes de sous-activité pour améliorer les compétences des salariés, renforce la compétitivité des entreprises et sécurise davantage les emplois. Entre juillet 2013 et mai 2014, le nombre des heures autorisées à être chômées a augmenté de 20 % par rapport à la même période de l’année précédente. Le montant global des heures facturées est, lui, en hausse de 35 % sur la même période. Ces données montrent bien une nette croissance du recours à l’activité partielle, qui dépend de l’évolution du contexte économique des entreprises. Ce dispositif mobilisera pour 2015 quelque 120 millions d’euros, soit le même montant que celui prévu par la LFI pour 2014. Les fonds de concours de l’UNEDIC permettent de couvrir le différentiel par rapport à la dotation budgétaire de l’État.

Mme Iborra et M. Castaner m’ont interrogé sur la garantie jeunes. Le Gouvernement a décidé d’accélérer le déploiement de ce dispositif pour atteindre l’objectif de 50 000 jeunes dès 2015. Plus de 160 millions d’euros, soit une augmentation de 100 millions d’euros par rapport à 2014, seront mobilisés, dont 30 millions d’euros de crédits européens. Je rappelle que la France est le premier pays à avoir mis en œuvre la garantie jeunes. Elle s’adresse aux jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans en situation de grande précarité qui ne sont ni étudiants, ni en emploi, ni en stage, ni en formation, qui ont donc ce que les Anglo-Saxons appellent le profil « NEET » (Not in Education, Employment or Training). La garantie jeunes a donc vocation à les rendre autonomes grâce à un accompagnement intensif, une allocation de ressources et de nombreuses mises en situation professionnelle. C’était d’ailleurs une des propositions de la fondation Agir contre l’exclusion. L’expérimentation est en cours depuis novembre 2013 sur dix territoires et sera élargie à dix nouveaux territoires à partir du 1er janvier 2015.

Nous avons lancé un appel à candidatures auprès des préfets de région et des missions locales qui souhaiteraient que leur territoire participe à cette expérimentation en 2015. Plus d’une cinquantaine de territoires ont transmis leur candidature. La garantie jeunes répond en effet à une réelle demande de la part des acteurs qui prennent en charge les jeunes en grande difficulté – c’est le cas des missions locales. J’ai rencontré des bénéficiaires de cette mesure, qui s’en montrent très satisfaits.

À la mi-novembre, une réunion interministérielle aura lieu pour sélectionner les territoires de la troisième vague. Ils seront choisis en fonction de plusieurs critères : éligibilité aux crédits communautaires, à travers le financement par l’initiative européenne pour la jeunesse (IEJ), dynamique partenariale, volonté des missions locales ou implication du conseil général. Ceux qui appliquent déjà la garantie jeunes seront privilégiés, mais pas exclusivement. Les régions initialement choisies étaient celles où le taux de chômage des jeunes dépassait 25 %. Quant aux quartiers bénéficiaires de la politique de la ville, ils feront l’objet d’une attention particulière.

Le budget de la garantie jeunes comprend un volet allocation qui est de 445 euros par mois pour un an, et un volet crédits d’accompagnement de 1 600 euros par jeune, versés aux missions locales. Un cofinancement européen de l’allocation et de l’accompagnement sera mis en place à partir de 2015 sur la base d’un forfait de 3 100 euros par jeune dès lors qu’il répond aux critères de cofinancement évoqués : zone éligible à l’IEJ, profil « NEET », respect des obligations de communication de données, objectifs atteints en termes de « sorties positives ». Les crédits européens prennent en charge 92 % de ce forfait de 3 100 euros par jeune. Selon les premières hypothèses de montée en charge, les montants des cofinancements s’élèveraient donc à 30 millions d’euros. C’est l’État qui, en France, avancera cette somme. L’État espagnol financera 1,350 milliard d’euros sur 6,4 milliards d’euros ; ce pays subit une sorte de double peine puisque non seulement 48 % de ses jeunes sont au chômage, mais l’avance de l’État est imputée aux déficits tels que définis par le traité de Maastricht. Nous tâchons, avec l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie d’obtenir des forfaits au niveau européen.

Vous avez ensuite évoqué le financement des locaux par des crédits d’accompagnement. Nous avons eu connaissance de deux territoires qui ont utilisé les crédits de la garantie jeunes pour obtenir des locaux supplémentaires afin de pouvoir accueillir les cohortes de jeunes en garantie jeunes. Je souhaite que ce phénomène reste isolé. Vos propositions me semblent du reste très intéressantes : les collectivités territoriales peuvent prêter des locaux.

Mme Iborra m’a interrogé sur les maisons de l’emploi. C’est M. Borloo qui avait pris l’excellente initiative de leur création et des territoires entiers s’en sont dotés. Le Gouvernement suivant n’en a pas moins changé de politique en fusionnant les ASSEDIC et l’ANPE pour former Pôle emploi. Cette fusion a mis en péril les maisons de l’emploi, dont les crédits sont passés, entre 2009 et 2012, de 100 à 60 millions d’euros. Je l’ai subi, comme d’autres, au niveau local. Il n’empêche que la diminution des crédits s’est poursuivie. Leur volume a toutefois été contenu en 2014 grâce à un amendement d’origine parlementaire complétant cette enveloppe de 10 millions d’euros destinés à des projets relatifs à la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences territoriale (GPEC) défendus, à l’époque, par les maisons de l’emploi sous forme d’appels à projets. Cette enveloppe n’est pas reconduite, le Gouvernement souhaitant financer les maisons de l’emploi par le biais des dispositifs de droit commun de la politique de l’emploi.

Nous avons essayé d’agir avec discernement en nous interrogeant, dès 2013, sur la plus-value des maisons de l’emploi. Nous avons constaté que c’était bien sûr à propos des enjeux de la GPEC territoriale et du développement de l’emploi local que leur impact se révélait le plus positif. Nous avons par conséquent réduit le périmètre de leur cahier des charges autour de ces deux axes, le volume de financement tenant compte de ce choix.

Afin de préparer l’avenir, un bilan partagé a été établi en 2014 avec Alliance villes emploi, les collectivités, les acteurs du service public de l’emploi. Il se trouve que j’en partage les constats concernant l’utilité de certaines maisons de l’emploi, mais également leur hétérogénéité et la pertinence de leur couverture territoriale, sans oublier le besoin de diversification de leur financement et la stabilité de leurs objectifs. C’est pourquoi je m’engage à garantir, avec la reconduction du cahier des charges en 2015, comme cela est recommandé par le rapport Bouillaguet, le maintien de leurs crédits à hauteur de 26 millions d’euros, et cela malgré le contexte budgétaire contraint et alors même que leurs interventions sont recentrées sur deux axes et non plus sur quatre.

Pour en revenir à l’enveloppe exceptionnelle de 10 millions d’euros, elle a bien été consommée et toutes les maisons de l’emploi qui ont exprimé un besoin nouveau ont pu obtenir un financement. Cette dynamique valide nos choix, mais nous ne pouvons pas nous satisfaire de ces modalités : réserver une enveloppe spécifique aux maisons de l’emploi a été contraignant, et un certain retard a été pris. Cette pratique s’est révélée peu lisible et assez injuste, puisque les maisons de l’emploi ne couvrent environ qu’un tiers de la population. Surtout, à certains endroits, on constate une redondance avec les projets locaux financés sur les crédits d’accompagnement des mutations économiques et du développement de l’emploi du programme 103. Nous ne pouvons plus nous offrir le luxe de deux sources de financement parallèles, car ce serait mettre en danger des budgets d’anticipation des mutations économiques qui ont déjà été réduits ces dernières années, puisque nous en sommes à 40 millions d’euros en autorisations d’engagement et que, en crédits de paiement, nous sommes passés de 80 millions d’euros en 2014 à 54 millions pour 2015. Aussi, je souhaite que les maisons de l’emploi, lorsqu’elles défendent un projet à forte plus-value, accèdent pleinement à ces crédits d’accompagnement des mutations économiques. Nous ouvrirons les dispositifs de GPEC territoriale, d’études prospectives territoriales ou de plates-formes d’appui aux mutations économiques. Je demanderai à mes services de faire appliquer cette décision dans les territoires.

L’urgence du chômage implique que nous nous montrions capables de concentrer les efforts de l’État sur les solutions qui ont un véritable impact sur la situation de l’emploi à court et à moyen terme. C’est pourquoi il faut accroître encore notre capacité à ventiler les budgets selon le service rendu par les maisons de l’emploi, tout en restant bien conscients qu’elles sont très différentes les unes des autres. Il n’a pas été possible de prendre en considération les maisons de l’emploi les plus petites, dispersées et qui n’ont pas nécessairement les moyens d’engager des démarches d’une certaine importance. Aussi faudra-t-il amplifier les recherches de mutualisation et de regroupement des structures dans les bassins d’emploi afin de permettre aux maisons de l’emploi d’acquérir une taille cohérente avec la conduite de projets locaux structurants.

Je réponds à présent aux questions posées par M. Vercamer et commencerai par celle portant sur la mise en place du fonds paritaire de financement des organisations syndicales et patronales. Nous avons laissé le temps nécessaire à la poursuite de la négociation avec les partenaires sociaux, eux-mêmes ayant souhaité aboutir à une solution concertée avec l’État. La dernière phase est en cours et doit aboutir à la publication du décret précisant les modalités de financement de ce fonds et qui sera pris avant la fin de l’année, pour une application dès le 1er janvier prochain.

Pour ce qui concerne la santé au travail, on pourrait concevoir idéalement que les COP, qui sont des documents quadriennaux, soient systématiquement négociés dans l’année suivant l’adoption du plan de santé au travail, plan quinquennal pour sa part, afin que les objectifs stratégiques de ce dernier soient immédiatement intégrés. Cependant, cet ajustement systématique de la durée du PST sur celle des COP et des COG poserait des difficultés pratiques, notamment parce que certains opérateurs – on peut penser à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) – couvrent des champs dépassant celui de la seule santé au travail ou relevant d’autres plans de santé publique qui ont leur propre temporalité. Cet ajustement n’est par conséquent pas indispensable ni même souhaitable s’il devait conduire à un raccourcissement du PST. Or le PST est le fruit d’une large concertation, il couvre un domaine plus large que les COP et les COG. Il est par conséquent souhaitable que le PST se déploie dans un temps long, et la durée de cinq ans semble appropriée, surtout si sont prévues des révisions à mi-parcours.

Vous souhaitez avec raison un renforcement de la cohérence de tous ces outils de programmation stratégique, et cet objectif devra être pris en compte dans les modalités de pilotage et dans la structuration du PST.

Vous avez également posé, monsieur Vercamer, une question concernant le CHSCT, dont l’évolution est actuellement entre les mains des partenaires sociaux dans le cadre de la négociation ouverte sur la qualité et l’efficacité du dialogue social dans les entreprises et sur l’amélioration de la représentation des salariés. L’objectif est notamment de rendre plus cohérente l’organisation des obligations de consultation des différentes instances représentatives du personnel (IRP) et plus généralement de conforter, de simplifier leurs missions respectives en tâchant de veiller à une meilleure articulation de leurs interventions, notamment en cas de pluralité d’établissements. Le lien entre le comité d’entreprise et le CHSCT a vocation à être traité dans le cadre de cette négociation, et j’attends beaucoup des partenaires sociaux, même s’il est trop tôt pour identifier les pistes de réformes concrètes.

Pour ce qui concerne la médecine du travail, l’évolution de la démographie médicale pose divers problèmes. La réalité sur le terrain oblige à composer au quotidien ; elle amoindrit la capacité des services de santé au travail à faire face à leurs tâches et, surtout, n’est pas de nature à rassurer les entreprises. J’ai donc souhaité renforcer une des dispositions issues de la réforme des services de santé au travail engagée en 2011 : celle relative aux collaborateurs médecins. Ce statut innovant a été créé pour permettre aux médecins qualifiés dans une autre spécialité de se reconvertir en seconde partie de carrière dans la médecine du travail en ayant la possibilité d’être embauché dans un service de santé au travail sous la direction d’un médecin du travail tuteur. Étant médecin lui-même, ce collaborateur médecin peut réaliser tout examen médical requis par le code du travail. Il ne peut toutefois, en l’état actuel des textes, tirer de conclusions et rendre un avis relatif, notamment, à l’aptitude du salarié, ce qui peut expliquer le faible succès du dispositif. Ce dernier doit par conséquent évoluer pour permettre au service de santé au travail de disposer d’une ressource médicale complémentaire qui serait très utile. Ainsi, le projet de loi de santé défendu par Mme Touraine comprend une disposition qui permet au collaborateur de médecin de rendre des avis d’aptitude.

Les partenaires sociaux se sont interrogés sur la pertinence de cette notion, eu égard à la protection de la santé des travailleurs, à la sécurisation juridique des parties prenantes et au fonctionnement des services de santé au travail. Nous allons lancer une mission de réflexion sur le sujet à partir de leurs interrogations, afin que nous soient soumises des propositions opérationnelles d’évolution du dispositif.

Avant de répondre aux questions de M. Perrut sur l’apprentissage, je tiens à souligner que l’apprentissage doit devenir une grande cause nationale. C’est d’abord dans les esprits que cela se passe, et depuis fort longtemps : je rappelle que mes prédécesseurs s’étaient fixé l’objectif d’orienter 500 000 jeunes vers l’apprentissage. Or, aujourd’hui encore, trop peu d’entreprises embauchent des jeunes en apprentissage.

M. François Rochebloine. Il y a des raisons à cela !

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. En effet, mais j’évoque d’abord la question psychologique et le refus de l’apprentissage comme voie d’excellence pouvant mener à l’emploi.

M. François Rochebloine. Réformez l’éducation nationale en conséquence !

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Je ne remettrai pas en cause l’éducation nationale. Reste que nous devons engager une véritable révolution intellectuelle de valorisation du travail manuel. Et nous sommes tous responsables de la situation actuelle. Dans certains secteurs en tension, les effectifs font défaut. Or l’apprentissage permet la transmission, la survie des petites entreprises, notamment dans le secteur de l’artisanat. Nous devons faire évoluer les mentalités.

J’en viens aux recettes des régions. La consolidation des ressources de l’apprentissage est au cœur de la réforme du financement de l’apprentissage, qui entrera en vigueur le 1er janvier 2015. Le Gouvernement dégagera au total plus de 150 millions d’euros de ressources supplémentaires d’ici à 2017 à destination des CFA, initiative prise dès le projet de loi de finances rectificative pour 2014. La réforme consolidera les ressources des régions et, surtout, garantira leur dynamisme, en les indexant sur la masse salariale – elles vont donc évoluer dans le bon sens. Dès 2015, ces ressources augmenteront ainsi mécaniquement. Pour 2014, les financements affectés aux régions au titre de l’apprentissage, prévus par la LFI, étaient les suivants : compensation de l’ex-indemnité compensatrice forfaitaire (ICF), pour environ 431 millions d’euros, financement des contrats d’objectifs et de moyens (COM) pour 356 millions d’euros, péréquation pour 200 millions d’euros, 240 millions d’euros au titre du développement de l’apprentissage dans l’attente de la réforme de la taxe d’apprentissage, et enfin 776 millions d’euros de contribution au développement de l’apprentissage, qui est une recette fiscale directement affectée aux régions. Nous avons là un total de 2 milliards d’euros pour financer l’apprentissage, dont 1,572 milliard d’euros hors compensation de l’ex-ICF et de la prime d’apprentissage.

Dans le PLF pour 2015, compte tenu de la réforme, les ressources affectées aux régions pour le financement de l’apprentissage sont les suivantes : 280 millions d’euros pour compenser l’ex-ICF et la prime à l’apprentissage, financés majoritairement par le produit de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) – le montant à compenser aux régions est en baisse par rapport à 2014 du fait de l’extinction du dispositif transitoire de sortie de l’ICF –, 1 491 millions d’euros représentant 51 % du produit de la taxe d’apprentissage, 146 millions d’euros d’affectation supplémentaire de la TICPE et 60 millions d’euros pour compenser la nouvelle aide de recrutement d’apprentis supplémentaires. Au total, 1 977 millions d’euros seront affectés aux régions pour le financement de l’apprentissage, dont 1 637 hors compensation de l’ICF et des primes versées aux employeurs, soit une croissance des ressources des régions de 65 millions d’euros. Je rappelle que, à partir de 2015, les ressources affectées aux régions pour le financement de l’apprentissage seront dynamiques puisque la fraction de la taxe d’apprentissage, comme la fraction de TICPE, sera indexée sur l’évolution de la masse salariale.

Quant à l’exécution du compte d’affectation spéciale (CAS), les recettes de la contribution supplémentaire à l’apprentissage devraient être inférieures aux prévisions de la LFI, s’établissant à 224 millions d’euros contre 314. Les prévisions en la matière sont très complexes à réaliser en raison des incertitudes sur le comportement des entreprises qui détermine les recettes. Cette sous-exécution est à l’origine d’un déficit de 60 millions d’euros en 2014. Or, un CAS ne pouvant pas être déficitaire, des mesures de rééquilibrage s’imposent. L’examen des différentes dépenses du CAS conduit à envisager un éventuel ajustement – dont le montant reste à préciser – sur la ligne budgétaire consacrée au financement de l’apprentissage par les régions et qui ne correspond ni à la compensation de charges transférées ni à des engagements contractuels. Des négociations sont en cours avec l’Association des régions de France afin d’apprécier le niveau d’emploi de cette ressource par les régions en 2014 dans un contexte de fin de gestion contrainte pour l’État. L’État honorera les engagements constitutionnels et contractuels vis-à-vis des régions au titre de la compensation des primes à l’apprentissage, ainsi que du financement des COM et de la péréquation entre les régions. Cette difficulté d’exécution budgétaire ne pourra pas se reproduire en 2015, puisque la réforme du financement de l’apprentissage et l’affectation d’une fraction de la taxe d’apprentissage aux régions les mettent à l’abri de ce type de fluctuations conjoncturelles en leur garantissant des recettes plus dynamiques.

S’agissant de l’accompagnement des apprentis, selon l’Association nationale des apprentis de France, le développement de l’apprentissage au sein des PME passe autant par un meilleur accompagnement par les CFA que par des primes. L’accompagnement permettrait aussi de diminuer le nombre de ruptures de contrats d’apprentissage. Il n’est pour autant pas question de supprimer les primes existantes.

Au-delà de la réforme, nous devons désormais mener un travail plus qualitatif pour lever les freins non financiers au développement de l’apprentissage. Partout sur le territoire, l’employeur, l’apprenti ou le maître d’apprentissage doivent pouvoir bénéficier de services qui apportent, au premier, un appui administratif et technique, au deuxième, une aide tout au long du parcours d’apprentissage, et au dernier, du conseil méthodologique ainsi qu’un accès à des formations à cette fonction.

La loi du 5 mars 2014 confie aux CFA une mission d’accompagnement du jeune qui doit s’exercer en collaboration avec les gestionnaires de CFA et les partenaires du monde du travail et du logement. Compte tenu du foisonnement des initiatives locales, nous avons entrepris un recensement des bonnes pratiques qui nous permettra d’établir une offre de service socle qui sera déclinée au niveau territorial.

La fonction publique d’État compte actuellement 700 apprentis. Pour démentir ceux qui considèrent qu’elle n’est pas le lieu de l’apprentissage, une enveloppe de 20 millions d’euros est prévue dans le budget pour atteindre le chiffre de 10 000 apprentis supplémentaires.

Les collectivités locales se sont lancées dans l’apprentissage. Pour soutenir leur démarche, dans un premier temps, les apprentis ont été sortis du décompte des plafonds d’emploi des administrations d’État, puisque cette difficulté était identifiée. Une mission a également été confiée à M. Jacky Richard pour recenser dans la fonction publique les freins au développement de l’apprentissage.

La réglementation sur les machines dangereuses fait partie des freins au développement de l’apprentissage. La réforme de 2013 est perfectible, tout en préservant la sécurité des apprentis. Des aménagements sont envisagés pour adapter la procédure d’autorisation actuelle afin d’alléger les contraintes de gestion qui pèsent sur les entreprises en responsabilisant davantage les employeurs. Ces évolutions sont soumises à la concertation. J’ai pris l’engagement le 19 septembre dernier de présenter en novembre des propositions de modification au Conseil d’orientation sur les conditions de travail en vue de la publication d’un nouveau décret avant la fin de l’année.

Quant aux emplois aidés, les crédits pour 2015, d’un montant de 2,98 milliards d’euros en crédits de paiement, sont quasi stables par rapport à l’année dernière. En volume, les prescriptions prévues sont toutefois en léger recul, avec 400 000 contrats cette année.

Dans le détail, l’enveloppe pour le secteur marchand s’élève à 200 millions d’euros pour 80 000 contrats initiative emploi. Ces derniers sont un élément clé du plan de Pôle emploi pour l’insertion des seniors. Le nombre de ces contrats, dont les résultats pour l’insertion dans l’emploi sont très positifs, augmente de 40 000 en 2015. Ils seront destinés prioritairement aux chômeurs de très longue durée, aux seniors et aux personnes handicapées pour accroître leur impact sur le retour à l’emploi et limiter les effets d’aubaine.

Dans le secteur non marchand, les contrats aidés seront au nombre de 270 000, représentant 1,8 milliard d’euros en crédits de paiement, dont 90 000 ateliers et chantiers d’insertion qui ne seront plus des contrats aidés, mais des aides au poste d’insertion. Le recul du nombre de contrats de 70 000 par rapport à l’année précédente est compensé par l’allongement toujours plus important de la durée des contrats, qui atteint désormais onze mois, conformément aux engagements du Gouvernement.

Le projet de loi de finances initiale prévoit également 50 000 emplois d’avenir pour un montant de 1,2 milliard d’euros en crédits de paiement. Alors que l’objectif de 150 000 emplois d’avenir prescrits a été atteint en septembre, les crédits pour 2015 permettent de stabiliser le stock d’emplois sur l’année. Les résultats sont très positifs pour l’accès à l’emploi des jeunes. La première qualification stable qu’offrent les emplois d’avenir constitue bien souvent une passerelle vers le monde du travail.

Je ne peux que me féliciter de l’initiative parlementaire qui prévoit d’augmenter respectivement de 35 000 et de 15 000 le nombre de contrats aidés dans le secteur non marchand et celui des emplois d’avenir, pour un montant de près de 200 millions d’euros.

Mme Martine Pinville. Je tiens à saluer l’action du Gouvernement en faveur de l’insertion professionnelle des jeunes grâce à laquelle le chômage des jeunes a reculé. Dans le PLF 2015, 50 000 emplois d’avenir viendront s’ajouter aux 150 000 déjà signés pour poursuivre le combat contre le chômage des jeunes. Je me félicite aussi de l’initiative du groupe socialiste qui a permis d’inscrire dans le budget 35 000 contrats aidés dans le secteur marchand et 15 000 emplois d’avenir supplémentaires.

Autre bonne nouvelle, l’augmentation des crédits de la garantie jeunes. L’objectif est d’atteindre 50 000 jeunes accompagnés fin 2015. Je rappelle que ce dispositif est expérimenté depuis octobre 2013 dans dix territoires pilotes couverts par quarante et une missions locales. Il propose un accompagnement renforcé aux jeunes de dix-huit à vingt-cinq ans qui connaissent des difficultés particulières d’insertion, pour une durée de un an renouvelable une fois. Assorti d’une allocation de 433 euros, il comprend six à huit semaines de formation et des périodes d’immersion en entreprise ou d’actions de formation qualifiante.

Comment peut-on réussir à mobiliser les fonds européens destinés à l’emploi des jeunes et lever les freins à leur consommation ?

M. Gérard Cherpion. Monsieur le ministre, si l’on additionne les chiffres que vous venez de citer, on est très au-delà des 11,5 milliards d’euros de crédits. Pourtant, votre budget est en baisse de 3 %, démontrant malheureusement que l’emploi, la formation professionnelle et l’apprentissage ne sont pas des priorités pour l’État. S’il y a un chiffre à retenir, c’est celui des 5,13 millions de chômeurs. De surcroît, le chômage des jeunes, qui a baissé de 1,2 % sur un an, augmente à nouveau en septembre de 0,4 %. Le chômage des seniors continue sa hausse, de plus de 1 % en septembre.

Face à cette dégradation de la situation de l’emploi, le Gouvernement devrait adopter un budget de combat. Ce n’est pas le cas, comme le montreront quelques exemples. Dans le programme 103, la dotation de 515,6 millions d’euros – correspondant à la compensation par voie budgétaire du dispositif modifié d’allégement de cotisations sociales créé par la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat (TEPA) – masque la baisse des crédits des autres actions du programme. Le budget prend acte de l’échec du contrat de génération en réduisant les crédits qui lui sont dédiés, ces derniers passant de 1,2 milliard à 480 millions d’euros.

Quelles solutions proposez-vous pour les seniors ? Le nombre de contrats de professionnalisation pour les plus de quarante-cinq ans continue de diminuer. Les crédits prévus permettent de financer 500 contrats de professionnalisation senior, ce qui est notoirement insuffisant.

Pour la jeunesse, la garantie jeunes, qui est au demeurant un bon dispositif, est mise en place aux dépens du contrat d’insertion dans la vie sociale.

Sur l’apprentissage, les chiffres parlent d’eux-mêmes : vous avez prélevé 380 millions d’euros sur les entreprises et le nombre d’entrées en contrat d’apprentissage a diminué de 14 %.

M. Arnaud Richard. Si votre récent aveu d’échec peut sembler courageux, la diminution des crédits de 500 millions d’euros dans ce contexte est incompréhensible. Elle témoigne de l’absence d’engagement du Gouvernement en matière de lutte contre le chômage que confirme la baisse de 14 % du budget depuis trois ans. Vous comprendrez donc que le volontarisme, le dynamisme et l’ambition que vous revendiquez nous laissent perplexes.

Les dispositifs de soutien à l’emploi, que, pour certains, nous avons votés, ne font pas une politique pour l’emploi. Ils permettent de préserver temporairement la cohésion sociale, mais n’apportent pas une réponse globale à l’augmentation du chômage. La diminution programmée du volume des contrats aidés va progressivement lever le voile sur l’absence de politique volontariste en faveur de l’accès à l’emploi des jeunes.

Il nous semble impératif de diminuer les charges et de garantir une stabilité des prélèvements obligatoires afin de renouer avec la confiance qui soutient les secteurs des services à la personne ou du bâtiment dont le dynamisme est un des moteurs du redressement économique et social du pays.

En outre, nous appelons de nos vœux un plan d’ampleur en faveur de l’apprentissage, afin de doubler le nombre d’apprentis. Enfin, nous plaidons pour une véritable réforme de la formation professionnelle.

Pour conclure, je regrette que le maire de Dijon devenu ministre de l’emploi ne défende plus la même position sur les maisons de l’emploi. J’espère néanmoins qu’il apportera son soutien aux amendements portés par de nombreux collègues sur ce sujet.

M. Christophe Cavard. Votre constat d’échec sur la politique de l’emploi devrait nous conduire à explorer des pistes nouvelles. Je pense notamment aux contreparties attendues des aides accordées aux entreprises ou à une réorientation d’une partie de ces aides vers les différents services de l’emploi.

Vous soulignez l’augmentation de 4 000 du nombre d’agents des services de l’emploi depuis 2012. Mais vous n’ignorez pas que, dans le même temps, leur charge de travail augmente corrélativement à la hausse du nombre de demandeurs d’emploi et aux nouvelles missions qui leur sont confiées, comme le RSA.

Comment traduire la priorité donnée aux demandeurs d’emploi dans la loi relative à la formation professionnelle ?

Je me réjouis de l’augmentation du nombre de contrats aidés pour lesquels, à l’exception des emplois d’avenir, la question de la formation professionnelle reste néanmoins posée.

En matière d’insertion par l’activité économique, je salue la réforme importante de l’aide au poste. Mais le nouveau contrat d’aide au poste, baptisé contrat à durée déterminée d’insertion (CDDI) suscite des interrogations. Dans un certain nombre de secteurs, les entreprises solidaires d’utilité sociale rencontrent des difficultés pour bénéficier de la part modulable de l’aide. Êtes-vous sûrs que les DIRECCTE auront assez de moyens pour attribuer ces aides afin d’éviter que ces entreprises ne disparaissent du territoire ?

M. Jean-Jacques Candelier. Vous avez reconnu récemment l’échec de la politique de lutte contre le chômage. Alors que le chômage atteint un niveau alarmant, vous décidez de diminuer les crédits de la mission, de l’ordre de 13,8 %. Pour obéir aux injonctions de Bruxelles et complaire aux marchés financiers, la France doit renforcer sa politique d’austérité et engager une réforme structurelle du marché du travail. Il s’agit d’une régression sans précédent alors que les richesses produites par les salariés n’ont jamais été aussi importantes.

Le pacte de responsabilité et le CICE, présentés comme créateurs d’emplois, coûtent 41 milliards d’euros sans qu’aucune contrepartie ne soit exigée des entreprises. À l’heure où les dividendes versés aux actionnaires ont bondi de 30 % au deuxième trimestre par rapport à l’an dernier, est-ce la bonne marche à suivre ? Les banques françaises ont reçu 300 millions d’euros au titre du CICE : on marche sur la tête !

Pour les jeunes, le Gouvernement propose de pérenniser des dispositifs temporaires et précaires – contrats de génération, emplois d’avenir et garantie jeunes – qui sont insuffisants. Quant aux seniors, ils sont les grands absents de votre politique. Vous remettez en cause le mode de désignation des conseillers prud’homaux en économisant 100 millions d’euros sur cinq ans sur la démocratie sociale. Le renforcement des accords d’entreprise autorise des dérogations au droit commun du travail qui s’accompagneront de chantages sur l’emploi.

Enfin, le budget se contente de prévoir une stabilisation des moyens alloués au service public de l’emploi, feignant d’ignorer que la catastrophe se poursuit pour les agents de Pôle emploi et pour les chômeurs qui attendent, non pas un renforcement des contrôles, mais des réponses et de l’accompagnement. Pour ces raisons, les députés communistes et Front de gauche voteront contre les crédits de la mission « Travail et emploi ».

M. Jean-Patrick Gille. Votre budget reste à un haut niveau en volume, en dépit d’une modification des périmètres qui rend l’appréciation difficile. La baisse de 400 millions d’euros devrait être compensée de moitié par l’adoption de l’amendement du groupe socialiste.

Je me félicite du maintien de la priorité donnée à l’emploi des jeunes dont témoignent la poursuite des emplois d’avenir, l’accélération de la garantie jeunes, la relance de l’apprentissage et le soutien aux écoles de la deuxième chance. Je souligne également le maintien du volume des contrats aidés, les mesures pour les personnes handicapées ainsi que l’accompagnement de la réforme de l’insertion par l’activité économique qui est une réussite.

Je souhaite vous interroger sur la mise en œuvre du compte personnel de formation (CPF) créé par la loi relative à la formation professionnelle. Avez-vous prévu un budget pour promouvoir ce droit quasi universel ? Envisagez-vous de promouvoir et d’accroître les moyens de la validation des acquis de l’expérience que la loi renforce en en faisant un droit opposable ? Les sommes en jeu sont modestes, mais le signal est important pour nos concitoyens.

Rebondissant sur la question de M. Cherpion, je vous soumets une piste qui mérite selon moi d’être creusée, celle d’une négociation sur le contrat de professionnalisation afin de l’étendre à l’ensemble des demandeurs d’emploi.

M. Gérard Cherpion. Je ne suis pas sûr de vous avoir compris sur l’apprentissage. La prime de 1 000 euros est rétablie, mais un mystère demeure sur les 70 millions d’euros nécessaires à son financement. D’où proviennent-ils ? D’un redéploiement des crédits au sein de la mission dont nous ignorons tout ou de la TICPE, mais aux dépens de quels autres postes ? En un an, cinq projets de loi différents ont traité du financement de l’apprentissage. Avouez que cela ne contribue pas à la stabilité que réclament les chefs d’entreprise.

En matière de handicap, la ponction opérée sur l’AGEFIPH devrait être l’occasion de mettre l’accent sur l’accès à l’emploi des jeunes handicapés. Or les crédits pour l’aide au poste des entreprises adaptées et l’apprentissage diminuent. Quelles mesures comptez-vous prendre en faveur des personnes handicapées ?

M. Thierry Benoit. Les maisons de l’emploi sont un outil des territoires au service de l’emploi qui permet de fédérer les différents acteurs. Depuis un an, leurs missions ont été recentrées sur les mutations économiques et le développement de l’emploi local. Vous affirmez que les crédits ne diminuent pas. Or, vous les privez de 10 millions d’euros de crédits par rapport aux années précédentes. Monsieur le ministre, croyez-vous aux maisons de l’emploi ? Pensez-vous que 26 millions d’euros suffisent à les faire vivre ?

Dans les contrats de plan État-région qui sont en cours de négociation, il semble qu’aucun abondement financier pour les maisons de l’emploi ne soit prévu. Avec quels crédits seront-elles financées à l’avenir ?

Dans cette période de réorganisation territoriale et de modernisation de l’action publique, êtes-vous ouverts à des propositions émanant des territoires pour étendre la couverture territoriale des maisons de l’emploi ?

Enfin, existe-t-il dans le pacte d’avenir pour la Bretagne des dispositions spécifiques sur les maisons de l’emploi ?

Mme Kheira Bouziane. Vous avez évoqué la nécessité de lever les freins non financiers au développement de l’apprentissage. De mes entretiens avec des entreprises ou des CFA, je retiens la suggestion d’une réduction à deux ans au lieu de trois du bac professionnel pour les jeunes ayant un niveau bac, et dont on pourrait valider les connaissances en enseignement général. Cette piste est-elle à l’étude ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas affirmer que la baisse des crédits des maisons de l’emploi est le résultat de la fusion de l’ANPE et des ASSEDIC. Les maisons de l’emploi, qui ont été créées par la loi relative à la cohésion sociale, se sont toujours inscrites dans une stratégie territoriale pour l’emploi. Je regrette que ceux-là mêmes qui, hier dans l’opposition, réclamaient chaque année une hausse des crédits des maisons de l’emploi acceptent, dans la majorité, une baisse drastique de ces crédits. Soit vous souhaitez supprimer les maisons de l’emploi et vous avez l’honnêteté de le dire, soit vous considérez que ce dispositif a fait ses preuves dans certains cas.

Si j’ai par le passé critiqué la maison de l’emploi de Dijon à laquelle vous n’hésitiez pas à faire appel en tant que maire, c’est parce qu’elle travaillait en lieu et place de Pôle emploi, ce qui n’est pas le cas de toutes les autres maisons de l’emploi de France.

M. François Rochebloine. Force est de reconnaître le grave échec de la lutte contre le chômage. Les emplois aidés ne sont pas une réponse adaptée. Pourtant, 132 000 postes ne trouvent pas preneurs en raison de l’inadéquation entre les besoins des entreprises et l’offre de formation.

Trop d’arbitrages ont été défavorables à l’apprentissage : la France ne s’est pas donné les moyens de l’encourager. L’entrée dans l’apprentissage est ainsi trop tardive – le groupe UDI a fait des propositions en ce sens. De nombreuses entreprises hésitent à s’engager dans cette voie parce qu’elles sont préoccupées par leur compétitivité. Il faut absolument assouplir les contraintes qui pèsent sur les entreprises pour l’embauche. Seul le contrat d’apprentissage permettra d’apporter une solution durable au chômage des jeunes, contrairement aux différents contrats aidés.

Je déplore que le Gouvernement ne s’inspire pas de ce qui fonctionne. Les maisons familiales rurales réussissent à former des milliers de jeunes chaque année. Les taux de réussite aux examens sont excellents et 90 % des jeunes qui sont passés par ces structures trouvent un emploi dans les six mois qui suivent leur formation. En outre, le coût de ces formations est inférieur à celui d’autres filières d’enseignement professionnel. Le groupe d’études sur la formation en alternance en milieu rural que j’ai l’honneur de présider s’efforce de sensibiliser le Gouvernement, mais avec peu de succès.

Allez-vous libérer les initiatives et permettre de développer la formation en alternance et l’apprentissage ? L’éducation nationale doit s’adapter aux besoins de l’économie et de notre époque. Il y a urgence !

M. Jean-René Marsac. Ce débat récurrent sur les maisons de l’emploi montre que nous n’avons pas trouvé les termes de la coopération entre le service public de l’emploi et les acteurs locaux. Le sujet est ancien. Apparu lors de la création des missions locales, il a traversé avec beaucoup de tensions les comités locaux de l’emploi et les comités de bassin d’emploi qui se sont succédé avant la création des maisons de l’emploi.

Peut-on traiter le retour à l’emploi de tous sans une mobilisation partenariale et coopérative dans les territoires ? Peut-on administrer par des mesures nationales et des circulaires les dynamiques personnelles et collectives nécessaires pour l’accès de tous à la formation et à l’emploi ? La question se pose avec plus d’acuité pour les moins qualifiés et les chômeurs de longue durée. Après plus de trente ans de contribution professionnelle et militante aux politiques de l’emploi, je constate malheureusement que le service public de l’emploi ne reconnaît toujours pas la nécessité de ces partenariats actifs dans les territoires et qu’il a du mal à soutenir l’innovation sociale pourtant indispensable dans ces domaines.

Comptez-vous redonner de l’espace aux initiatives territoriales pour l’emploi, pour la lutte contre le chômage de longue durée, l’accès de tous à la formation et pour l’innovation en matière d’insertion ? Si le cadre de ces coopérations n’est plus celui des maisons de l’emploi, dans quel cadre ce partenariat territorial doit-il s’organiser ?

M. Michel Heinrich. L’an dernier, j’avais déploré la baisse des aides à l’apprentissage et la limitation de l’indemnité compensatrice aux seules entreprises de moins de onze salariés. Le ministre avait balayé mes arguments en affirmant que les grandes entreprises n’avaient pas besoin d’aide pour l’embauche des apprentis. On a vu le résultat : une chute historique du nombre d’apprentis. Certes, vous annoncez cette année une prime de 1 000 euros pour le recrutement d’un apprenti dans les entreprises de moins de 250 salariés. Hélas, ce geste intervient tard, après la campagne de recrutement pour 2015. Que de temps perdu ! Quand le Gouvernement se décidera-t-il à mener une politique claire, lisible et surtout pérenne pour favoriser l’apprentissage ?

S’agissant des conseillers de Pôle emploi, vous avez éludé la question en rappelant que près de 4 000 personnes avaient été embauchées ces deux dernières années, ce qui est une bonne chose. Qu’en est-il pour 2015, alors que vous confiez à l’établissement public des missions nouvelles ?

Pourquoi le contrat de professionnalisation ne pourrait-il pas être ouvert aux collectivités territoriales ?

En raison de la baisse considérable de ses moyens, la maison de l’emploi des Vosges centrales a dû, cette année, licencier du personnel alors qu’elle effectue un travail remarquable.

M. Charles de Courson. Où en est la réflexion du Gouvernement sur la réforme de la prime pour l’emploi ? Je rappelle qu’elle représente une dépense fiscale de 3,9 milliards d’euros et que ses effets pervers, notamment son caractère dissuasif pour la reprise de l’emploi, ont été mis en évidence ?

Ma deuxième question porte sur le contrat vendanges en vertu duquel les vendangeurs sont exonérés de cotisations salariales – soir en moyenne 52 euros pour chacun des 330 000 contrats annuels. Le Gouvernement envisage la suppression de ce contrat au motif qu’il est contraire à la Constitution au regard de la dernière décision du Conseil. J’ai quelques doutes sur cette argumentation, dans la mesure où le contrat n’ouvre aucun droit. Cette suppression est antisociale et antiéconomique : vous supprimez un complément de revenus pour les gens modestes et les étudiants qui peut atteindre 1 200 euros nets ; vous encouragez la mécanisation et favorisez les travailleurs étrangers qui ne sont pas concernés par la mesure. Fort de votre sensibilité viticole, monsieur le ministre, vous parviendrez sans doute à persuader vos collègues de l’inanité de la mesure.

Mme Martine Carrillon-Couvreur, présidente. Monsieur le ministre, vous justifiez l’absence d’augmentation des crédits pour les entreprises adaptées par la non-consommation des crédits. L’argument nous est répété chaque année, mais ce choix pénalise les entreprises adaptées, car la non-consommation est liée à l’absentéisme des salariés, qui ont des difficultés à tenir leur poste à temps complet. La non-consommation ne peut pas être une variable d’ajustement. Ces entreprises, qui permettent à de nombreuses personnes de trouver le chemin de l’emploi tout en ayant fait leurs preuves sur le plan économique, méritent un fort soutien.

Pouvez-vous confirmer le nombre d’aides au poste supplémentaires ?

Je salue la décision du Gouvernement, qui prévoit 15 000 emplois d’avenir supplémentaires. L’accès des jeunes en situation de handicap à ces emplois a été facilité, la limite d’âge pour en bénéficier ayant été repoussée de vingt-cinq à trente ans. J’espère que cette dérogation sera maintenue.

Enfin, en matière d’apprentissage, les jeunes en situation de handicap doivent aussi bénéficier d’un accompagnement.

Mme Véronique Louwagie. Dans le domaine de la santé au travail, je m’interroge sur la pertinence de la mesure permettant aux collaborateurs de médecin d’émettre un avis sur l’aptitude au travail. Pouvez-vous préciser ce que recouvrent la notion de collaborateurs de médecin et le statut qui est le leur ?

Quelles mesures comptez-vous prendre pour diminuer le taux de rupture des contrats d’apprentissage qui avoisine les 25 % ? Je souligne en outre une contradiction entre vos ambitions et celle de la mission « Enseignement scolaire » dans laquelle la réaffirmation péremptoire du principe du collège unique conduit à supprimer le dispositif d’apprentissage junior. On prive ainsi nos jeunes d’une initiation au monde professionnel pourtant indispensable.

Comment comptez-vous développer l’apprentissage dans le secteur de l’intérim, qui est autorisé depuis la fin de 2012, mais qui peine à séduire ?

S’agissant du décret relatif aux machines dangereuses, les entreprises attendent qu’une protection équivalente soit offerte aux mineurs et aux majeurs.

Mme Monique Orphé. Cette commission élargie me donne l’occasion d’évoquer la réalité à laquelle sont confrontés nos concitoyens ultramarins les plus fragiles. Certes, la politique de l’emploi menée depuis deux ans, à travers le soutien au secteur marchand et le traitement social du chômage, mérite d’être saluée. À la Réunion, le taux de chômage avoisine les 30 %. Appliqué à la métropole, ce taux représenterait plus de 10 millions de demandeurs d’emploi à gérer. Vous comprenez pourquoi la population et les élus des territoires ultramarins vivent très mal cette situation qui perdure depuis trop d’années.

Le Président de la République a fait de la lutte contre le chômage son cheval de bataille. Je vous encourage à persévérer, même si les résultats ne sont pas au rendez-vous. Mon ambition pour la Réunion est d’atteindre un taux de chômage qui soit le double du taux national. Est-ce trop demander ? Nous avons besoin pour cela d’un secteur marchand mieux accompagné, mais aussi d’un traitement social à la hauteur du défi à relever.

Les mesures exceptionnelles pour lever les freins à la consommation des contrats aidés pour les jeunes et les seniors sont insuffisantes. Nous attendons les conclusions d’une mission de l’IGAS sur la pertinence des dispositifs en faveur de l’emploi et de l’insertion des chômeurs. Le rapport vous a-t-il été remis ?

Afin d’améliorer la consommation des contrats aidés, êtes-vous favorable à la création d’un fonds de solidarité dédié aux collectivités et aux associations ? Enfin, je souhaite une révision des modalités de gestion des contrats aidés au profit exclusif de Pôle emploi, afin de rendre le dispositif plus transparent et de préserver le rôle de l’État en tant que garant de l’égalité de tous les chômeurs devant l’accès au travail.

M. Philippe Armand Martin. Déclarer que l’avenir des jeunes est une priorité, c’est bien ; mais passer de la parole aux actes, c’est mieux ! En 2013, votre majorité avait fait de l’emploi des jeunes une priorité. Or, avec les mauvais coups portés au financement de l’apprentissage, tels que la division par deux du crédit d’impôt d’apprentissage et la suppression de l’ICF, vous menez une politique qui va à l’encontre de votre objectif. Vous êtes en train de faire reculer ce mode particulièrement efficace d’insertion sur le marché du travail. En 2013, 273 000 jeunes sont entrés en contrat d’apprentissage, soit 8,1 % de moins qu’en 2012. Pour cette année, la baisse est déjà de 14 %, alors que cette formation assure 70 % de débouchés professionnels. Il est regrettable que vous choisissiez de concentrer les efforts budgétaires sur les contrats aidés dont les résultats en matière d’insertion professionnelle sont bien discutables.

En cette période économiquement difficile pour de nombreuses entreprises et face aux difficultés d’insertion des jeunes sur le marché du travail, l’apprentissage présente de nombreux avantages. Encore faut-il qu’une réelle volonté politique vienne soutenir la mise en œuvre de ce dispositif. Il serait bon d’arrêter de consacrer des moyens considérables à des contrats aidés et autres emplois d’avenir – qui n’ont d’avenir que le nom – et de les reporter vers l’apprentissage pour permettre aux jeunes d’augmenter leurs chances de s’insérer sur le marché du travail et leur offrir un avenir. Vous avez annoncé des crédits jusqu’en 2017 pour l’apprentissage. J’aurais préféré que vous précisiez les mesures et les moyens financiers pour 2015.

M. Michel Liebgott. En Lorraine, plus de 100 000 personnes travaillent actuellement hors du territoire français – 80 000 au Luxembourg, 20 000 en Allemagne et 5 000 en Belgique. Je souhaite attirer votre attention sur la nécessité de former les jeunes Français pour qu’ils puissent travailler en Allemagne, puisque, paradoxalement, celle-ci manque aujourd’hui de salariés.

Je me félicite de la mise en œuvre de la garantie jeunes. On oublie trop souvent que 7,5 millions d’Européens âgés de quinze à vingt-quatre ans sont sans emploi et ne suivent ni étude ni formation.

Il faut tordre le cou au cliché qui veut que l’Allemagne excellerait quand la France serait à la peine. Depuis 2000, la population a augmenté de 5 millions de personnes en France tandis qu’elle a baissé de 500 000 en Allemagne. Dans ce pays, 5 millions de personnes sont aujourd’hui payées moins de 400 euros par mois et 3 millions sont payées moins de 6 euros de l’heure. Il faut relativiser les échecs que nous subissons et ne pas surestimer les succès de notre voisin. Ne soyons pas toujours aussi négatifs sur nos propres résultats.

M. Jean-Luc Reitzer. Aux termes des articles 15 et 17 du projet de loi de finances, les crédits destinés aux chambres de commerce et d’industrie diminuent de 213 millions d’euros, auxquels s’ajoute un prélèvement de 500 millions d’euros sur leur fonds de roulement. Cette mesure fait peser une menace sur le devenir des personnels. Selon le syndicat national des personnels des chambres de commerce, près de 7 000 emplois pourraient être supprimés entre 2015 et 2017.

Il est à craindre que cette mesure ait également des répercussions sur l’apprentissage. Malgré vos grandes déclarations, en baissant le budget des chambres de commerce et d’industrie, vous vous attaquez à la formation de nos jeunes, en prenant le risque de la fermeture de CFA faute de moyens.

En dépit des mises en garde, qui ont été nombreuses et diverses, le Gouvernement confirme-t-il son intention de porter un coup fatal aux chambres de commerce et d’industrie et, par là même, à la formation des jeunes ?

Mme Isabelle Le Callennec. Votre budget est en baisse de 3 % alors que le Gouvernement prétendait faire de l’emploi sa priorité. Pour faire baisser la courbe du chômage, vous recourez toujours plus aux contrats aidés – CAE, emplois d’avenir, contrats de génération et même RSA jeunes, un dispositif qui vient s’ajouter aux nombreux autres dispositifs dédiés aux jeunes et le plus souvent malheureusement non fongibles.

Existe-t-il une réflexion sur la non-consommation des aides au poste ? Est-il envisagé d’assouplir le dispositif de répartition de ces aides au poste sur lequel la Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle et l’Union nationale des entreprises adaptées semblent travailler ?

Je suis très attachée aux maisons de l’emploi, car j’ai pu apprécier le service réel qu’elles rendent. Mais l’étude de l’IGAS montre que ce n’est pas toujours le cas. L’État a décidé de les recentrer sur deux axes majeurs d’intervention sous la forme d’un nouveau cahier des charges. Je vous ai entendu annoncer que les crédits seront ouverts largement à celles qui respectent leurs engagements. En attendant, certaines maisons de l’emploi licencient et quinze d’entre elles ont été supprimées.

J’espère que vous réserverez aux amendements sur les maisons de l’emploi, portés aussi bien par l’UMP et l’UDI que par le groupe socialiste, le même accueil que celui qu’a reçu l’amendement augmentant le volume des contrats aidés.

Enfin, la ministre des affaires sociales a annoncé la suppression de l’aide personnalisée de retour à l’emploi, dont le montant s’élève à 35 millions d’euros, au motif que Pôle emploi doit désormais s’occuper des freins à la reprise de l’emploi. Or, sans augmentation de ses crédits, comment Pôle emploi pourrait-il assurer cette mission ?

M. Jean-Louis Bricout. Les maisons de l’emploi, recentrées sur deux axes d’intervention, subissent une baisse continue de leurs crédits qui sont ainsi passés de 82 millions d’euros en 2010 à 26 millions aujourd’hui. Certes, leur bilan est mitigé. Malgré d’évidentes disparités, leur rôle et leur valeur ajoutée dans les territoires sont toutefois reconnus. Dans le Saint-Quentinois, leur bonne connaissance de leur environnement économique et institutionnel leur confère une expertise en matière de diagnostic, mais aussi de GPEC territoriale. Leur capacité d’ingénierie et de portage de projets, leur aptitude à travailler avec les structures d’insertion ne sont plus à démontrer. Dans le contexte actuel, leur rôle est plus que jamais essentiel dans nos territoires. La baisse prévue de 10 millions d’euros inquiète donc les différents acteurs. Je suis persuadé que votre expérience d’élu et votre engagement en faveur de l’emploi finiront par vous convaincre de la nécessité de ces plate-formes territoriales.

Mme Arlette Grosskost. En Alsace, avec la politique hasardeuse que vous avez menée jusqu’alors en matière d’apprentissage, 75 % des entreprises de moins de cinquante salariés sont désormais privées d’aide.

Le placement de personnes auprès des entreprises est un métier. Or, à la lecture du projet annuel de performance, je m’interroge sur la qualité de la formation offerte aux agents de Pôle emploi pour cette tâche bien spécifique. Trop souvent, les demandeurs d’emploi ont le sentiment que les agents ne gèrent que l’administratif.

En mai 2014, plus de 42 % des demandeurs d’emploi étaient inscrits depuis plus d’un an. La hausse des effectifs de Pôle emploi est certes utile pour faire face à l’afflux de chômeurs. Toutefois, une formation de qualité en matière de recrutement est essentielle pour sortir les demandeurs d’emploi du chômage en leur apportant un conseil adapté et en les accompagnant dans leurs recherches. Je m’inquiète que cela n’apparaisse pas clairement dans ce projet de budget.

M. Philip Cordery. La garantie jeunesse est une initiative européenne, lancée par le Président de la République et le Gouvernement depuis 2012 : nous agissons ainsi en France, mais aussi en Europe, pour l’emploi des jeunes. Avec François Hollande, les choses changent !

Les crédits alloués à la garantie jeunes, déclinaison française, augmentent de 30 millions d’euros en 2015, avec l’objectif de toucher 50 000 jeunes. Pour plus de lisibilité, ne serait-il pas meilleur de fusionner la garantie jeunes et la garantie jeunesse, c’est-à-dire l’initiative française et l’initiative européenne ? Les critères sont finalement proches, à l’exclusion du critère territorial, mais c’est un problème que nous pourrions surmonter.

Vous avez évoqué les 31,43 millions d’euros alloués au cofinancement de l’initiative européenne pour la jeunesse. Cette somme permet-elle d’absorber l’ensemble des 136 millions d’euros mis à la disposition de la France ? Les règles de préfinancement et de cofinancement, vous l’avez dit, sont extrêmement complexes : le sommet de Milan a-t-il permis de les assouplir ?

M. Lionel Tardy. En baisse de 3 % à 11,1 milliards d’euros, ce budget fait le pari de la reprise ; mais le Gouvernement n’y croit manifestement pas lui-même, puisque toutes les dépenses d’assistanat augmentent ou sont stabilisées. Le Gouvernement ne cesse de multiplier ces dispositifs emblématiques, qui permettent un traitement administratif du chômage des moins de vingt-cinq ans : emplois d’avenir, contrats de génération, garantie jeunes généralisée avant même la fin de son expérimentation… Cerise sur le gâteau : le Gouvernement met en place un prélèvement annuel de 29 millions par an sur trois ans, soit 87 millions, sur le fonds de roulement de l’AGEFIPH.

La mise en place du compte personnel de formation est source de complexité. Il constituera une dépense importante pour les entreprises, mais aussi pour l’État : si 3 millions sont prévus pour 2015, afin de construire le système d’information, vous estimez son coût à 32,5 millions d’euros entre 2014 et 2017. Il sera cofinancé par le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. Le financement de l’État sera-t-il maintenu pour les prochaines années ? Quel sera le coût total du compte personnel de formation pour l’État entre 2014 et 2017 ?

M. Patrick Lebreton. Ma collègue Monique Orphé a dressé un tableau dramatique de la situation réunionnaise, et nous ne pouvons qu’être favorables à la décision du Gouvernement de donner la priorité à la lutte contre le chômage des jeunes.

Ce combat pour l’emploi des jeunes devrait être partagé par tous. Mais, à la Réunion, ce n’est pas le cas : dans ce département comptant 850 000 habitants, 135 400 personnes sont sans emploi ; or, 17 600 contrats aidés ne sont pas utilisés. Cette sous-consommation est dramatique. Le Gouvernement fait son travail, allant jusqu’à prendre en charge 90 % du coût de certains contrats : les grandes collectivités pourraient donc, si elles le voulaient, faire baisser très rapidement de plus de 10 % le taux de chômage à la Réunion. Mais elles préfèrent sacrifier les jeunes sur l’autel de la tactique politique. Ce n’est pas admissible. Cette situation intolérable existe-t-elle dans d’autres territoires ?

Par ailleurs, ne serait-il pas possible d’élargir au secteur privé la possibilité d’utiliser des emplois d’avenir ?

M. Dino Cinieri. Dans une note de septembre 2014, l’Institut Montaigne analyse les dysfonctionnements du système de formation professionnelle des adultes, pointant notamment l’initiative limitée des individus dans le choix des formations, de fortes inégalités d’accès à la formation, la rigidité d’un système très administré et la faible efficacité des dépenses de formation. Elle présente la récente réforme et analyse les résultats de la loi du 5 mars 2014. Elle souligne surtout les grandes interrogations qui subsistent sur le nouveau compte personnel de formation : le besoin de financement de ce dernier serait de près de 6 milliards d’euros, alors que les financements mutualisés par les OPCA (organismes paritaires collecteurs agréés), sur la base des contributions minimales des entreprises, seront d’environ 1 milliard. Monsieur le ministre, que répondez-vous à ces doutes ?

Mme Monique Rabin. Le soutien aux entreprises adaptées est une question de citoyenneté et de solidarité. Les postes aidés sont sous-consommés, mais les entreprises ne demandent qu’à se mobiliser : il faudrait plutôt, je crois, nous interroger sur la répartition des postes, notamment entre régions. La procédure est aujourd’hui très complexe et son amélioration est, à mes yeux, une priorité. Cela peut se faire en discutant avec les différentes organisations – j’espère en tout cas que le budget que nous allons voter permettra d’ouvrir assez de postes pour leur donner satisfaction.

Nous avons adopté une loi sur les stages, ce qui était indispensable. Cependant tous les stages ne sont pas comparables, notamment ceux des formations en alternance. Je voudrais citer ici les maisons familiales rurales, qui jouent un rôle très important. Or les textes que nous avons votés ne sont pas adaptés à ces formations : pensez-vous revenir sur le dispositif actuel ?

Enfin, la durée minimale hebdomadaire de travail a été fixée à vingt-quatre heures, pour protéger nos concitoyens du temps partiel subi. Des dérogations existent : ont-elles été évaluées ? Ces procédures sont aujourd’hui trop complexes, notamment pour des organismes pourtant essentiels, comme les chantiers d’insertion.

M. Élie Aboud. S’agissant de la santé au travail, la mesure concernant les collaborateurs de médecins a-t-elle déjà été prise ? Il me semble de toute façon que ce n’est pas la démographie qui pose problème, mais le contenu des missions. La proposition de loi sur les lanceurs d’alerte, par exemple, met en place une véritable usine à gaz : les médecins n’y sont pas préparés. C’est un chantier que nous avons devant nous.

Monsieur le ministre, sur les maisons de l’emploi, vous jouez avec les chiffres. Vous prétendez stabiliser les budgets, mais vous savez bien qu’ils ont en réalité, par divers moyens, diminué de 50 %. Vous qui êtes attaché aux territoires, vous devriez sur ce point vous faire l’avocat des maisons de l’emploi auprès du Gouvernement.

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Chaque Gouvernement s’inscrit dans une continuité républicaine, même s’il veut réformer : on hérite toujours de la complexité laissée par ses prédécesseurs, pour des raisons diverses. Ensuite, on cherche à simplifier.

D’une manière plus générale, restons mesurés sur la baisse de ce budget : en 2012, le taux de chômage était déjà très élevé, et le budget de l’emploi était bien inférieur à ce qu’il est aujourd’hui…

En 1975, le taux de chômage était de 2,9 %, et le Premier ministre de l’époque annonçait la prochaine sortie du tunnel. Quarante ans plus tard, le PIB a été multiplié par deux, et le taux de chômage par quatre. C’est un échec collectif : le chômage a atteint 10,6 % en 1996, alors que M. Juppé était Premier ministre, et il est à 9,7 % aujourd’hui. Je souligne de surcroît que, en France, la pression démographique est forte, puisque plus de 130 000 personnes arrivent chaque année sur le marché du travail – ce qui n’est pas le cas, comme le soulignait M. Liebgott, de notre voisine, l’Allemagne.

J’ajoute que le taux de chômage dans la zone euro est de 11,5 %. Ce n’est pas le seul Gouvernement français actuel qui est en échec ! Nous connaissons un échec collectif à l’échelle de l’Europe. Il nous faut essayer de répondre à ce défi ensemble, et prendre des mesures permettant de lutter en particulier contre le chômage de longue durée – car, quand on est au chômage, que cette situation dure, il devient en effet de plus en plus difficile de revenir à l’emploi.

Ne dites pas que nous avons 5 millions de chômeurs ! Pourquoi charger la barque en additionnant allègrement les catégories A, B et C ? Il n’y a qu’en France que l’on considère des gens qui travaillent plus de 78 heures par mois comme des chômeurs. Le Bureau international du travail ne le fait pas. Regardons l’Allemagne et ses minijobs : cela fait bien longtemps que des gens qui travaillent plus de 78 heures par mois ne sont pas considérés comme des chômeurs. Nous pouvons aussi nous féliciter du fait que le taux d’emploi des femmes en France soit très supérieur à ce qu’il est en Allemagne, où 46 % des femmes sont hors du champ du travail, et où, quand elles reprennent un emploi, ce n’est presque jamais un emploi à temps plein… Tel n’est pas le cas dans notre pays. Les Allemands, eux, partagent le travail, grâce au temps partiel. La situation française est suffisamment difficile, ne la voyons pas plus noire qu’elle n’est !

Le taux de pauvreté des chômeurs en France est en outre très inférieur à ce qu’il est en Allemagne – 38 % contre 62 %. Notre assurance chômage est très protectrice, même si ce niveau de pauvreté demeure bien sûr trop élevé. Il faut donc protéger notre système, qui doit être parfait ; c’est pourquoi il faut contrôler les chômeurs, non pas parce que l’on soupçonnerait des fraudes, mais pour prévenir le découragement et les aider à revenir vers l’emploi.

Le Gouvernement a déposé un amendement relatif au financement de l’apprentissage. La somme de 60 millions, correspondant au total des primes, sera couverte par l’ouverture de crédits sur la mission « Travail et emploi », dépense qui sera compensée, à due concurrence, par des crédits budgétaires.

Je connais bien le dispositif des maisons de l’emploi. Celle que j’ai créée à Dijon avait été saluée par M. Borloo, quand il était au Gouvernement. Leur situation a quelque peu changé depuis que l’ANPE et les ASSEDIC ont fusionné, puisque les missions de Pôle emploi empiètent en partie sur les leurs. Cela dit, l’alchimie n’est pas la même sur tout le territoire. Dans mon département, le conseil général n’a jamais soutenu la maison de l’emploi. Le budget de chacune dépend de l’apport territorial et des contrats passés avec les collectivités.

L’un d’entre vous a indiqué que les crédits des maisons de l’emploi diminuent de 50 %. Ils sont cependant maintenus à 26 millions. Si nous avons renoncé au versement de 10 millions supplémentaires décidé l’an dernier par amendement, nous leur ouvrons les crédits de droit commun des politiques de l’emploi, notamment pour mener des mutations économiques sur les territoires.

Notre système étant constitué de l’empilement de divers dispositifs – plans locaux pour l’insertion et l’emploi, maisons de l’emploi, Pôle emploi –, il est indispensable de nouer des partenariats. Les contrats territoriaux préciseront la participation des acteurs. C’est aux maisons de l’emploi qu’incombe aujourd’hui l’évolution de la gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences territoriale. Toutes, cependant, n’assurent pas cette mission. L’idéal serait d’aider davantage les maisons très actives, ce qui reste difficile à apprécier.

Monsieur Cavard, le Gouvernement s’assurera du bon fonctionnement de l’insertion par l’activité économique et des contrats à durée déterminée d’insertion.

Né de la réunion des ASSEDIC, dont l’activité consistait à monter des dossiers personnels, et de l’ANPE, qui gérait les demandeurs d’emploi, Pôle emploi pouvait difficilement créer d’emblée sa culture propre. Il lui faut encore améliorer sa relation au monde du travail et l’accompagnement des demandeurs d’emploi. Pour l’y aider, nous avons créé 4 000 postes, en 2012 et 2013, en privilégiant le recrutement de conseillers, puisque la fusion a entraîné une rupture conventionnelle pour 483 cadres.

Nous allons lancer une campagne pour faire connaître le CPF. Il faut du temps pour familiariser les acteurs locaux avec les décisions nationales. Nous organisons donc des campagnes d’information pour promouvoir certaines mesures, même quand elles ne sont pas issues de notre majorité. C’est ainsi que nous mobilisons l’appui de grands chefs d’entreprise pour faire connaître le plan de relance de l’apprentissage.

Paradoxalement, celui-ci a plus reculé dans les secteurs qui ont continué à bénéficier de la prime que dans ceux où elle a été supprimée. On peut espérer que les nouvelles mesures stabiliseront cette diminution. La prime à l’apprentissage sera de 2 000 euros par année de formation dans les entreprises qui emploient moins de onze salariés ; la prime au recrutement du premier apprenti et des suivants sera de 1 000 euros pour les entreprises de moins de 250 salariés. Nous devons tous faire connaître ce dispositif, qui représente un effort national pour les jeunes.

Vous avez regretté que 132 000 postes ne trouvent pas preneurs. Je crains que le chiffre ne soit plus élevé : j’ai avancé moi-même celui de 350 000 postes, tiré d’une étude publiée en septembre 2013 par le Conseil d’orientation pour l’emploi (COE). Nous offrons 100 000 formations prioritaires afin d’améliorer l’adéquation de l’offre et de la demande, qui n’est pas, à mes yeux, un sujet tabou.

Le taux de rupture des contrats d’apprentissage est inquiétant. Nous prendrons sous peu un décret qui, je l’espère, vaincra les réticences liées à la lourdeur du dispositif ou au poids des mentalités. Certaines règles de sécurité méritent d’être révisées. J’espère ne choquer personne en affirmant qu’un jeune qui monte sur un escabeau n’a pas besoin d’être mieux protégé qu’un salarié de soixante-deux ans.

Madame Orphé et monsieur Lebreton, je suis prêt à discuter votre proposition sur le secteur marchand, qui souffre de certains blocages. Lors de la visite du Président de la République à la Réunion, j’ai signé le décret qui fait passer le taux de prise en charge des emplois d’avenir à 90 %. Cependant, la situation n’a guère changé. J’ai proposé à Mme Pau-Langevin de la rencontrer pour avancer sur ce problème.

Madame Le Callennec, je ne nie pas la sous-consommation des aides au poste, mais, dès lors qu’il y a suffisamment de postes pour répondre à la demande, il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Nous procéderons aux ajustements nécessaires si la situation change en cours d’année. En attendant, je suis intéressé par vos réflexions sur le sujet.

Monsieur Rochebloine, je me souviens des débats qui ont présidé à l’aménagement des maisons familiales rurales. Le dispositif fonctionne bien. J’entends qu’il continue à en être ainsi. Pour le reste, il ne m’appartient pas de corriger a posteriori un amendement parlementaire.

J’ai interrogé le ministre de l’agriculture sur le contrat vendanges. Selon lui, le recours intenté par l’opposition auprès du Conseil constitutionnel a fait tomber des dispositions particulières, dont ce contrat fait partie. Je ne dispose d’aucune autre information sur le sujet.

Nous devrons affiner, au fil des discussions, la situation des collaborateurs de médecins, qui exercent une fonction difficile.

M. Thierry Benoit. Les contrats de plan État-région abondaient le budget des maisons de l’emploi qui menaient certaines actions concertées. Qu’en sera-t-il pour la nouvelle génération des contrats de plan État-région, négociés par le préfet de région ?

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Je vous répondrai par écrit sur ce point.

Mme Monique Iborra, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales, pour l’emploi. Les maisons de l’emploi ne sont pas citées parmi les bénéficiaires des contrats de plan État-région de nouvelle génération, mais rien n’interdit aux régions de les financer sur des crédits de droit commun, comme le fait la région Midi-Pyrénées.

M. Thierry Benoit. Je vous remercie, mais j’attends la réponse du ministre.

M. François Rebsamen, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Vous la recevrez prochainement.

L’impact de la réforme sur les dépenses des chambres de commerce et d’industrie ne dépasse pas 2 %. Les CCI disposaient d’un fonds de roulement équivalant à 200 jours de fonctionnement, qui représentera désormais 60 à 125 jours. Comme les maisons de l’emploi, certaines CCI ont favorisé activement l’apprentissage, tandis que d’autres ont laissé les centres de formation d’apprentis se dégrader.

M. Pierre-Alain Muet, président. Monsieur le ministre, nous vous remercions.

La réunion de la commission élargie s’achève à vingt heures dix.

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