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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session extraordinaire de 2011-2012

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 25 juillet 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Denis Baupin

1. Abrogation de la loi relative à la majoration des droits à construire

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement

Discussion des articles

Article 1er

M. François de Mazières

M. Daniel Fasquelle

M. Germinal Peiro

Amendements nos 8, 10, 15

M. Daniel Goldberg, rapporteur de la commission des affaires économiques

Amendements nos 11, 12, 13, 14

Article 2

Mme Isabelle Le Callennec

Amendement no 9

Explications de vote

Mme Annick Lepetit, M. Daniel Fasquelle, M. François de Rugy

Vote sur l'ensemble

2. Recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires

Présentation

Mme Hélène Conway, ministre déléguée chargée des Français de l’étranger

M. Noël Mamère, rapporteur

Discussion générale

M. André Chassaigne

M. Jean-Paul Chanteguet

M. Pierre Lequiller

M. Philippe Gomes

Mme Danielle Auroi

M. Arnaud Leroy

M. Philippe Folliot

M. Jean-Paul Bacquet

Mme Chantal Guittet

Mme Hélène Conway, ministre déléguée

Article unique

Vote sur l'ensemble

3. Protection physique des matières nucléaires

Présentation

Mme Hélène Conway, ministre déléguée chargée des Français de l’étranger

M. Guy-Michel Chauveau, rapporteur de la commission des affaires étrangères

Discussion générale

M. Jean-Paul Chanteguet

Présidence de Mme Laurence Dumont

M. Pierre Lequiller

M. Philippe Gomes

M. Denis Baupin

M. André Chassaigne

Présidence de M. Denis Baupin

M. Christian Bataille

Mme Marie-Line Reynaud

Mme Hélène Conway, ministre déléguée

Article unique

Vote sur l'ensemble

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Denis Baupin,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Abrogation de la loi relative à la majoration des droits à construire

Suite de la discussion d’une proposition de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, après engagement de la procédure accélérée, visant à abroger la loi n° 2012-376 du 20 mars 2012 relative à la majoration des droits à construire. (nos 76, 84)

La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, je vais répondre aux orateurs en m’adressant d’abord à M. Apparu qui a revendiqué avec beaucoup d’ardeur la paternité de cette loi.

Monsieur Apparu, votre intervention, qui était très intéressante puisque vous avez longuement expliqué à quel point il était indispensable de ne pas avoir une vision uniforme du territoire, à quel point il fallait construire là où c’était nécessaire, à Paris et pas en Auvergne – Paris qui, je le rappelle, a réalisé 170 % de son objectif de construction de logements sociaux.

M. Benoist Apparu. Je me suis contenté de dire qu’on n’y atteignait pas les 20 %.

Mme Cécile Duflot, ministre. Il y a des villes en constat de carence, et le Gouvernement va s’en occuper, mais ce n’est pas le cas de Paris.

M. François Pupponi. À Neuilly aussi, il faut construire !

Mme Cécile Duflot, ministre. Vous avez dit, à juste titre, à quel point il était nécessaire d’avoir une vision différenciée, vous avez salué la portée du décret qui s’attache à l’encadrement des loyers dans les zones où les dérives les plus importantes ont été constatées, et donc je m’étonne que vous défendiez une loi qui avait pour vocation d’être totalement uniforme en permettant de construire autant en Auvergne qu’à Paris.

M. Benoist Apparu. Mais non !

Mme Cécile Duflot, ministre. C’est totalement illogique, et là réside la faute essentielle et la faillite de cette loi. Il s’agissait bien d’imposer une règle uniforme à l’ensemble du territoire alors même, plusieurs intervenants l’ont rappelé, que trois autres dispositifs de densification existaient déjà.

L’urgence de l’abrogation est justifiée par l’obligation faite aux collectivités locales de délibérer avant le 20 septembre. Plusieurs députés ont rappelé la position des collectivités à ce sujet, et je tiens à signaler devant l’hémicycle la position unanime du Bureau de l’Association des maires de France, qui salue l’abrogation de ce texte que les communes se voyaient dans l’obligation de mettre en œuvre. Elles auraient dû dépenser des sommes parfois importantes pour l’enquête en vue d’une délibération pour pouvoir s’exonérer de la mise en application de cette loi d’obligation.

Voilà ma réponse à l’esprit dans lequel ce texte avait été adopté. Pour faire bien, il faut prendre du temps et surtout regarder ce qui existe déjà : …

M. Benoist Apparu. Cette loi !

Mme Cécile Duflot, ministre. …Mais c’est un dispositif de densification qui s’applique de manière uniforme, monsieur Apparu, alors qu’il en existe déjà trois dont on voit bien qu’ils n’ont pas forcément permis d’intervenir utilement pour les collectivités locales.

Monsieur le président Brottes, vous avez appelé mon attention sur trois sujets, qui ont un lien, même s’il n’est pas direct, avec la question qui nous réunit notamment les SCOT. On voit bien que ces SCOT sont aujourd’hui l’outil le plus utile pour une appropriation du territoire et pour un projet territorial vraiment partagé. Ils couvrent environ un tiers du territoire français. Pour les deux tiers restants, il est certain qu’il faut faire de la pédagogie mais aussi améliorer l’outil SCOT, notamment en le rendant juridiquement plus robuste car il reste encore aujourd’hui très vulnérable. Vous avez souhaité qu’une pédagogie active soit mise en œuvre : la fédération des SCOT va publier un guide pratique très bien conçu, qui sera mis à disposition de l’ensemble des élus locaux, et nous travaillerons sur ce sujet.

Votre deuxième question, sur les unités touristiques nouvelles, m’amène à vous dire qu’un audit du CGEDD – le Conseil général de l’environnement et du développement durable – est en cours, ce qui nous amènera à faire une analyse exhaustive de la situation pour éventuellement apporter des éléments de correction.

Enfin, s’agissant des lotissements, la question est délicate puisqu’on peut difficilement expliquer aux colotis qu’ils sont privés de ce qui constituait le sens de leur engagement, en l’occurrence le cahier des charges. En revanche, la règle de l’unanimité, totalement bloquante, pourra utilement évoluer. Nous allons travailler sur ce dispositif dans le cadre de la clarification des règles d’urbanisme à laquelle nous allons nous employer.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Très bien ! C’est déjà une avancée !

Mme Cécile Duflot, ministre. Madame Linkenheld, vous avez souligné de manière très pertinente la nécessité d’avoir une vision globale car la réponse à la crise du logement doit intervenir sur plusieurs domaines à la fois. Je reviendrai sur ces questions mais, évidemment, l’action doit à la fois s’articuler avec ce que font les collectivités locales, qui ont pris largement leur part dans la réponse à la crise du logement, mais aussi porter sur différents axes – le montant du loyer, le foncier et évidemment l’aide à la construction, en particulier celle des logements locatifs sociaux à tarif accessible.

M. Carvalho a évoqué à juste titre l’effet sur les prix que provoquait cette loi, à savoir un renchérissement très significatif pour les opérateurs, du coût des charges foncières notamment, ce qui a contribué à bloquer des projets de construction. Son abrogation va donc permettre de libérer certains projets qui donnaient lieu à surenchère de la part des vendeurs.

M. Mathis a évoqué la plongée du nombre de mises en chantier entre mars et mai malgré l’adoption de la loi… ce qui prouve bien que la question du marché de la construction, notamment de la construction de logements, n’est pas directement liée à ce type de dispositif. C’est bien par une mobilisation de l’ensemble des acteurs que nous arriverons à apporter une réponse.

M. de Rugy a fait le lien entre l’ensemble des questions relatives au logement, notamment celle, cruciale, de l’urbanisme, qui touche directement à la vie de nos concitoyens. J’appelle l’attention de l’ensemble de l’Assemblée sur l’importance qu’auront nos débats de ce point de vue précis.

Monsieur Alexis Bachelay, vous avez indiqué qu’un quart des Français consacraient plus de 30 % de leur budget au logement, mais 20 % de nos concitoyens y consacrent même plus de 40 %, dans des situations de plus en plus délicates quelquefois. L’action sur le logement ne concerne donc pas uniquement l’urbanisme, mais la vie des tous nos concitoyens.

Madame Massat, comme Mme Abeille, vous avez évoqué les logements vacants. Nous avons eu l’occasion d’échanger en commission sur ce sujet et il est vrai que c’est une question centrale. Leur identification – vous avez évoqué le chiffre de un million à 2,2 millions d’unités – n’est pas encore précise, mais il est certain qu’il faut répondre au problème des logements vacants en ville, avec un dispositif à la fois coercitif pour pousser les propriétaires à les remettre sur le marché, et incitatif à travers des mesures du type « Louez solidaire » ou Solibail, plus précisément pour les remettre en location. Mais vous avez raison : un tel dispositif devra prendre en compte la question des logements en centre-bourg des zones rurales, où on constate une artificialisation des terres et une consommation de l’espace agricole, alors même que le bâti se dégrade, ce qui donne aux centres-bourgs un aspect peu agréable.

M. Benoist Apparu. Très juste !

Mme Cécile Duflot, ministre. Nous allons travailler de manière très active, en lien avec les élus qui connaissent bien le dossier.

M. Benoist Apparu. C’est bien.

Mme Cécile Duflot, ministre. Enfin, sur le foncier public, monsieur Laurent, vous avez parfaitement raison.

Monsieur Apparu, oui, vous avez fait un très gros travail : recenser les propriétés de l’État… Joli travail, mais vous n’avez pas agi sur un sujet extrêmement douloureux pour beaucoup de collectivités locales, à savoir la fixation du prix en fonction du projet à venir, donc une logique de renchérissement du coût du foncier, y compris le foncier public. Le Président de la République et le Premier ministre ont exprimé d’une manière très nette leur volonté à ce sujet : évidemment, en cas de contractualisation et de projets qui donnent une large part au logement social, la cession des terrains publics fera l’objet d’une décote qui pourra aller jusqu’à la gratuité. Cela permettra d’équilibrer beaucoup plus facilement ces opérations et de rendre à l’État le rôle qui est le sien, c’est-à-dire travailler à l’intérêt général et ne pas se comporter comme n’importe quel spéculateur propriétaire de biens fonciers. Soyez certain de notre engagement.

Je conclurai en reprenant une formule de M. Dufau : « abroger, c’est réparer ». C’est exactement ce que nous allons faire. En abrogeant cette loi, nous allons réparer et nous poursuivrons le travail. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Discussion des articles

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

Article 1er

M. le président. La parole est à M. François de Mazières, premier inscrit sur l’article.

M. François de Mazières. Madame la ministre, vous avez annoncé la création de 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux. On peut se retrouver sur ces objectifs ambitieux, qui ne sont pas très loin d’ailleurs, Benoist Apparu pourrait le confirmer, des 435 000 logements construits en 2011, dont 120 000 logements sociaux. Mais en même temps, je m’interroge parce qu’il y a un paradoxe : les premières décisions envisagées par le Gouvernement ne vont absolument pas dans le sens d’un effort collectif : l’abandon de la possibilité de majoration de 30 % des droits à construire, les déclarations du ministre délégué au budget privant Action logement de 1,6 milliard d’euros ou encore le blocage des loyers qui dissuade les investisseurs, autant de signes vraiment négatifs.

Sur le terrain, les élus, qui rejoignent en ce sens les professionnels de l’immobilier, savent bien que les blocages à la construction proviennent en premier lieu des retards liés à la multiplication des recours et à la multiplication des normes.

M. François Pupponi. Ça, c’est vrai.

M. François de Mazières. En ce domaine, vous n’avez pris aucun engagement, fait aucune proposition. Au contraire, hier, lors des questions d’actualité, vous avez, madame la ministre, insisté sur la création de nouvelles dispositions plus contraignantes en matière d’économies d’énergie. Certes, nous partageons le souci de préserver de l’environnement. Mais prenons garde à la création de nouvelles normes qui alourdissent considérablement les frais de construction. Les architectes et les urbanistes le savent parfaitement : les conditions à imposer ne sont pas les mêmes selon les lieux. L’intelligence humaine résout souvent beaucoup mieux que la norme les questions environnementales

Madame la ministre, je vous pose donc deux questions : Que comptez-vous donc faire pour alléger ces normes et accélérer les délais de construction ? Prendrez-vous l’engagement de supprimer des normes à partir du moment où vous en créerez d’autres ?

Par ailleurs, vous savez que le premier vecteur de développement, notamment en région parisienne, c’est la desserte en transports en commun. En retardant la mise en place de la boucle verte du métro du Grand Paris, vous handicapez gravement le vrai et principal moteur de la construction, qu’est le dynamisme économique !

M. Alexis Bachelay. La main invisible du marché !

M. François de Mazières. Madame la ministre, j’attends de votre part des engagements sur la ligne verte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Annick Lepetit. Quel culot !

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Monsieur le président, cette intervention sur l’article vaut défense de mon amendement n° 15.

Je suis stupéfait par ce que j’entends ce soir. La France vit une crise économique majeure, les plans sociaux se multiplient, l’emploi est la préoccupation majeure de nos concitoyens, et le seul texte que le Gouvernement a trouvé à soumettre à la commission des affaires économiques – le président Brottes n’y est bien évidemment pour rien –, et qui vient ce soir, un 24 juillet, en session extraordinaire, c’est un texte de deux articles pour supprimer, une fois de plus, une loi que nous avions votée sous le mandat précédent.

Le décalage est également extraordinaire entre la crise majeure du logement que nous traversons et la seule chose que vous nous proposez, à savoir un texte de suppression d’une loi adoptée sous la précédente mandature. C’est affligeant ! Vous êtes quand même aux affaires depuis deux mois (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.), et vous auriez pu, madame la ministre, préparer un projet de loi.

M. François Pupponi. Ça va venir !

M. Daniel Fasquelle. La majorité sénatoriale, avait le temps, depuis l’automne, de préparer autre chose qu’une proposition de loi visant à abroger un texte voté par la majorité précédente. C’est bien mal démarrer les choses en matière de logement que de commencer par ce type de texte. Il est bien dommage qu’en cette session extraordinaire vous n’ayez rien de mieux à nous proposer, et les Français qui nous regardent doivent être affligés par le spectacle que nous offrons ce soir. (Mêmes mouvements.)

M. le président. Merci de conclure, monsieur Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. J’en termine par deux remarques. La première est que l’on ne cesse de nous parler de dialogue mais qu’en réalité nous avons bien compris qu’il s’agissait d’adopter ce texte par un vote conforme, puisque la majorité n’a pas déposé d’amendements et que nos amendements ont tous reçu un avis défavorable. Je le regrette car on ne peut prôner en permanence la concertation et le dialogue, tout en le refusant dans cette enceinte. D’autant que ce texte – certains d’entre vous l’ont dit – aurait pu être amélioré. Malheureusement, nous n’en aurons pas l’occasion puisque, systématiquement, le rapporteur – mais il avait des ordres (Protestations sur les bancs du groupe SRC) – a émis un avis défavorable sur nos amendements.

Je regrette, en second lieu, que l’on ne fasse pas confiance aux collectivités territoriales, que vous privez ce soir de la liberté que leur octroyait le texte que vous abrogez.

M. le président. La parole est à M. Germinal Peiro.

M. Germinal Peiro. Madame la ministre, chacun ici souscrit à l’idée de créer 500 000 logements par an, car notre pays a en effet besoin de logements pour faire face à l’accroissement de la population.

Nous en avons besoin en milieu urbain mais également en milieu rural. Or, pour les petites communes rurales, les procédures de mise en place de carte communale ou de PLU sont bien trop longues. Ils faut au minimum trois ans pour obtenir la mise en place d’une carte communale ou d’un PLU.

Sans attendre la loi foncière de 2013, vous avez la possibilité, madame la ministre, de relancer la construction dans les prochaines semaines. Des milliers de projets sont aujourd’hui bloqués. Dans un premier cas de figure, ce sont les services de l’État qui refusent les permis de construire et les certificats d’urbanisme, arguant du fait que le document d’urbanisme n’est pas prêt ; dans un second cas de figure, tout le monde a beau s’accorder sur un projet, il reste bloqué dans l’attente de la carte communale ou du PLU.

Aujourd’hui, le Règlement national d’urbanisme n’est pas respecté par les agents de l’État, qui considèrent qu’en l’absence de documents d’urbanisme, il faut refuser les permis. Si nous avions le temps, il faudrait traduire tous ces refus devant le tribunal administratif, car les communes gagneraient.

Aujourd’hui la situation est bloquée, madame la ministre, mais vous avez la possibilité, si vous le voulez, de donner des consignes aux préfets et aux DDT pour que des milliers de dossiers soient débloqués. Nous connaissons une crise majeure ; le chômage est là ; les entreprises n’ont pas de travail à proposer : il est temps d’agir !

M. le président. Sur l’article 1er, je suis saisi de trois amendements identiques, nos 8, 10 et 15.

La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour défendre l’amendement n° 8.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cet amendement vise à supprimer l’article 1er de cette proposition de loi, qui abroge la loi 2012-376 du 20 mars 2012, relative à la majoration des droits à construire.

Cette loi avait à l’origine vocation à apporter un début de solution – je dis bien un début de solution – au problème du logement et notamment du logement social, en particulier dans les zones dites tendues, en utilisant au mieux le foncier existant et en permettant à terme une régulation du prix des logements.

M. François Pupponi. Au bout de dix ans, il était temps !

Mme Marie-Christine Dalloz. L’abroger est donc une erreur fondamentale.

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu, pour défendre l’amendement n° 10.

M. Benoist Apparu. On nous a expliqué tout à l’heure que le texte qu’il est question d’abroger comportait une obligation de mise en œuvre partout sur le territoire. Non ! Vous n’êtes jamais obligés de saturer un COS. Vous pouvez aller jusqu’à 30 % au-delà du COS, mais vous n’avez jamais l’obligation de le faire. La loi pouvait donc être appliquée de manière différenciée selon les territoires. J’ajoute que la liberté laissée aux collectivités locales de zoner de 0 à 30 % l’application de la disposition en question permettait à chaque territoire d’adopter ou non la mesure, en fonction de ses besoins.

M. Patrice Carvalho. Après toute une procédure !

M. Benoist Apparu. Vous nous dites ensuite qu’il existe déjà trois dispositifs permettant la majoration. Vous avez raison. Je vous rappelle que lorsque ces trois dispositifs ont été présentés devant le Parlement, c’était chaque fois dans le même esprit, à savoir avec la possibilité pour les communes de ne pas les appliquer, mais obligation de le faire sans délibération contraire. Le Parlement a toujours renversé la charge de la preuve, en laissant la possibilité aux collectivités locales de pratiquer la majoration. Personne ne l’a fait. On a voulu aller un peu plus loin, et passer du pouvoir de dire oui au pouvoir de dire non. C’était ça l’esprit de la loi.

Enfin, vous nous parlez de la gratuité des terrains de l’État. Cela s’applique-t-il aussi aux collectivités locales ? En d’autres termes, les collectivités locales auront-elles aussi l’obligation de la décote pour leurs terrains ? Auront-elles la possibilité d’appliquer la gratuité, puisque vous dénoncez à juste titre la surenchère de l’État ?

Je connais en effet quelques grandes collectivités locales qui mettent aux enchères sur internet leurs terrains à vendre ! Il n’y a donc pas que l’État qui se livre à la spéculation foncière.

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour défendre l’amendement n° 15.

M. Daniel Fasquelle. Je l’ai déjà défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Daniel Goldberg, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur Apparu a insisté dans la discussion générale sur la crise de l’offre. Oui, il y a bien une crise de l’offre, qui exige que l’on réponde à la demande correctement. Je suis donc entièrement d’accord avec l’assertion qui consiste à dire qu’il faut construire là où c’est nécessaire. Mais cela ne signifie pas majorer les droits à construire uniformément sur tout le territoire.

Trois dispositifs existent déjà, qui figurent dans le rapport que j’ai présenté en commission des affaires économiques la semaine dernière. Je les rappellerai brièvement ici, car il faut savoir de quoi l’on parle quand on discute de majoration des droits à construire.

Le premier consiste en une majoration de 20 % au-dessus de l’obligation légale actuelle, uniforme pour les zones urbaines, majoration que vous avez porté à 30 % pour les zones urbaines avec le texte que vous avez fait voter lorsque vous étiez ministre, cher collègue, avec l’objectif de densifier les zones où existe un besoin particulier. Le second autorise une majoration de 30 % pour des bâtiments à hautes performances énergétiques. Le troisième enfin porte à 50 % la majoration des droits à construire pour les programmes de construction de logements locatifs sociaux.

Si ce dispositif-là nous satisfait mieux que ce que vous nous proposiez, c’est que répondre à la crise de l’offre, ce n’est pas seulement construire là où c’est nécessaire, c’est aussi répondre à l’attente de familles qui sont dans l’attente d’un logement dans certains endroits.

J’ai dit dans mon intervention liminaire qu’il fallait créer des logements socialement accessibles et équitablement répartis sur le territoire national. C’est là le défi qu’il nous faut relever, et la solution que vous nous proposiez au mois de mars, cher collègue, nous paraît pour le moins insatisfaisante et inadaptée.

Je ne m’attarderai guère, cher Daniel Fasquelle, sur l’idée selon laquelle le rapporteur est aux ordres…

M. François Pupponi. Fait personnel !

M. Daniel Goldberg, rapporteur. Parlons plutôt du choix fait par le rapporteur, mais également par la majorité, de ne pas mettre les collectivités territoriales en difficulté au mois de septembre. S’il était justifié que nous examinions ce texte ici et maintenant, au cours de cette session extraordinaire, c’est que, si les collectivités ne délibéraient pas et ne lançaient pas la procédure d’information avant le 20 septembre, elles étaient tenues d’accepter cette majoration des droits à construire.

Si nous mettons fin à ce dispositif, c’est pour pouvoir mettre en place une régulation du foncier par la puissance publique. C’est à quoi nous travaillerons à l’automne. Cela étant dit, j’appelle, au nom de la commission, à repousser ces amendements. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Cécile Duflot, ministre. Je répondrai à M. Peiro sur les PLU. Les durées d’obtention sont en réalité très variables, souvent imposées par les dispositifs réglementaires, qu’il s’agisse des dispositifs de concertation ou des dispositifs propres aux organes délibérants. Il est donc difficile d’intervenir au niveau réglementaire, car il s’agit surtout d’un problème politique lié au fonctionnement des procédures. Je pense en revanche que le travail sur les SCOT est très utile, car le fait d’avoir une vision territoriale élargie facilite le débat sur les PLU et a fortiori sur les cartes communales.

La vision à l’échelle du territoire facilite selon moi l’exercice des compétences en matière d’urbanisme au niveau local, et nous aurons à travailler ensemble sur la carte définitive des SCOT ainsi que sur les démarches inter-SCOT. Ce document a beau ne pas être prescriptif pour l’instant, il constitue de fait un cadrage efficace et pertinent, dans la mesure où il associe l’ensemble des collectivités.

Je sens, monsieur Apparu, que la question du foncier public vous chatouille. L’État ne peut bien évidemment pas décider pour un autre propriétaire ni, en l’occurrence, appliquer ses propres règles aux collectivités locales. En revanche, notre démarche sur le foncier public a pour objectif de permettre la contractualisation avec les collectivités locales, notamment dans des opérations portant sur des terrains d’ampleur, afin qu’elles participent à due proportion et en engageant leur foncier, notamment quand il est disponible et à proximité.

Le dispositif que nous allons mettre en œuvre et que le Gouvernement vous soumettra dès cet automne permettra d’aller beaucoup plus vite. Il permettra juridiquement la décote totale et facilitera la contractualisation pour que l’effort soit partagé, notamment lorsqu’il s’agit de logements sociaux. Cela répondra à vos deux arguments, dans l’esprit de concorde, de conciliation et de coopération que vous semblez appeler de vos vœux.

Enfin, monsieur Fasquelle, vous vous êtes dit consterné par l’exercice obligé auquel se livraient les uns et les autres ; mais vous-même n’avez pas dérogé à la règle.

Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

(Les amendements identiques nos 8, 10 et 15 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Benoist Apparu, pour soutenir l'amendement n° 11.

M. Benoist Apparu. Si vous m’y autorisez, monsieur le président, je vais présenter en même temps les amendements n° 12, 13 et 14.

M. le président. Je vous en prie.

M. Benoist Apparu. Il s’agit de quatre amendements de repli.

Le premier vise à restreindre le champ d’application de la loi de mars 2012 à l’agrandissement de constructions existantes, notamment pour permettre à ceux qui souhaitent agrandir une maison ou surélever un immeuble de pouvoir le faire hors COS.

Le second, à l’inverse, vise à limiter ces dispositions aux seules constructions neuves.

Le troisième, plus fin, me semble-t-il, a pour objectif d’essayer de contraindre par un COS supplémentaire les collectivités locales qui n’ont toujours pas engagé les démarches d’élaboration d’un PLU et qui sont restées en POS.

Le quatrième, enfin, sur lequel je m’arrêterai un peu plus, répond à l’argumentaire que vient de développer le rapporteur.

Monsieur Goldberg, vous m’avez convaincu.

M. Daniel Goldberg, rapporteur. Enfin !

M. Benoist Apparu. Vous avez raison, il fallait restreindre le champ d’application de cette loi aux zones les plus tendues. C’est ce que vous propose cet amendement en limitant l’application du texte à la zone A, c’est-à-dire, si mes souvenirs sont bons, une partie de l’Île-de-France, une zone qui va de Menton à Marseille et le Genevois français. Cela répondra sans doute à votre principale critique contre ce texte.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Daniel Goldberg, rapporteur. La commission a repoussé ces quatre amendements.

Concernant le premier amendement, n°11, qui vise à majorer les droits à construire uniquement pour les bâtiments à usage d’habitation, il y a un risque de renchérissement du foncier. Je n’y reviens pas, car cela a été largement évoqué tout à l’heure.

L’amendement n° 12, qui vise à majorer les droits à construire uniquement pour les opérations d’agrandissement, m’a surpris, car il tend à supprimer toute la phase de consultation du public et ses modalités. Mais ce doit être une erreur de rédaction et je ne vous en fais pas trop grief.

M. Benoist Apparu. Ce n’est pas une erreur de rédaction.

M. Daniel Goldberg, rapporteur. En revanche, comme je l’ai écrit dans mon rapport, le fait de limiter la majoration de la surface d’un logement aux seules opérations d’agrandissement va à l’encontre de tout ce que vous avez pu déclarer, mesdames et messieurs de l’actuelle opposition, sur la nécessité de créer des logements supplémentaires.

J’en viens à l’amendement n° 14 qui vise à restreindre l’application du dispositif du mois de mars 2012 aux seules communes qui n’auraient pas engagé l’élaboration d’un nouveau PLU ou d’un nouveau PLH.

M. Benoist Apparu. Celles qui sont toujours en POS.

M. Daniel Goldberg, rapporteur. Cela reviendrait à limiter fortement, pour nombre de communes choisies uniquement parce que n’ayant pas engagé une réforme de leur droit du sol, un dispositif qui vise à améliorer la réponse à la demande de logements. Pour le coup, ce serait un dispositif complètement bancal !

Enfin, c’est une première satisfaction depuis cinq ans que je siège dans cet hémicycle, j’ai visiblement réussi à convaincre Benoist Apparu…

M. Benoist Apparu. C’était de l’humour !

M. Daniel Goldberg, rapporteur. J’aurais toutefois préféré vous convaincre quand vous étiez ministre, cher collègue ! Nous aurions sans doute avancé sur certains sujets. Cela étant, nous avons fait un bout de chemin ensemble et j’espère que nous pourrons continuer dans ce sens. Cela fait partie des échanges que nous avons actuellement avec le Gouvernement sur les questions d’urbanisme.

Pour ce qui est de réserver le seul dispositif aux zones les plus tendues, je pense que la rédaction de votre amendement comporte une subtilité : quand vous parlez de la zone A, il ne s’agit pas de la zone A du droit des sols, c’est-à-dire les terres agricoles, mais de la zone A type loi Scellier.

M. Benoist Apparu. Oui.

M. Daniel Goldberg, rapporteur. Cela méritait d’être précisé.

Pour ce qui concerne la zone tendue, je l’ai dit tout à l’heure, des dispositifs existent déjà. Sur les zones les plus tendues, on peut étendre à 20 %, 30 % ou 50 % suivant l’objectif de construction que l’on a. De mon point de vue, il ne suffit pas de construire. Lors des débats que nous avons eus quand vous étiez majoritaires dans cet hémicycle, vous disiez : « On construit ! On construit ! ». La question est de construire des logements accessibles suivant les revenus des habitants et accessibles en termes de répartition géographique.

Aller vers une majoration des droits à construire dans une zone tendue comme l’ensemble de l’Île-de-France, sans flécher le type de construction que nous voudrions – je pense à la règle des trois tiers bâtis que nous voulons mettre en avant, avec un tiers de logement locatif social, un tiers de locatif libre et un tiers d’accession à la propriété – irait à l’encontre ce que je considère comme une avancée et du plaisir que j’ai à vous avoir convaincu tout à l’heure !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Cécile Duflot, ministre. Je remercie M. le rapporteur qui a été extrêmement clair et pédagogique, selon son habitude, et qui a travaillé de manière très approfondie sur chacun des amendements de M. Apparu, lesquels ont, me semble-t-il, un aspect facétieux.

Monsieur Apparu, vous disiez tout à l’heure dans votre intervention qu’il était absolument nécessaire d’avoir un dispositif général permettant de s’adapter à chaque cas. Or par le biais de vos amendements, vous voulez changer ce dispositif et le flécher de manière parfois extrêmement fermée. J’apprécie leur dimension facétieuse…

M. Daniel Fasquelle. Il essaie de vous convaincre !

Mme Cécile Duflot, ministre. …mais, comme je l’ai dit tout à l’heure sur la question de la densification, cela mérite un travail plus approfondi.

Vous l’avez dit, monsieur Apparu, trois dispositifs existent déjà, qui ne sont pas forcément appliqués. Ce que vous proposez, c’est que, si les collectivités locales n’appliquent pas volontairement ces dispositifs, on les oblige à le faire. C’est une logique particulière, légèrement infantilisante à l’égard des collectivités locales, que de croire que si elles n’appliquent pas un dispositif, il suffirait de les y forcer pour qu’elles le mettent en œuvre.

M. Benoist Apparu. Et que faites-vous d’autre avec la loi SRU ?

Mme Cécile Duflot, ministre. Je vais vous répondre, monsieur Apparu, sur la question de la loi SRU. Je pense que nous allons employer cette méthode. Le Gouvernement et sa nouvelle majorité ont un objectif : aller dans le sens de l’intérêt général et notamment du développement d’une offre locative accessible, selon la règle des trois tiers, avec une dimension extrêmement volontariste.

S’agissant de la densification, il faut reprendre l’ensemble des dispositifs existants et observer ceux qui ont marché, à quel endroit ils ont fonctionné, reprendre un élément pertinent, pouvoir le flécher de préférence sur les zones tendues ou sur les zones rurales où le problème est plutôt la vacance en centre-bourg et la dégradation du patrimoine bâti ancien. Je voudrais d’ailleurs, monsieur de Mazières, vous indiquer que, sur la question de la rénovation thermique et de la production de normes, nous ne ferons jamais aussi bien que ce qu’a fait le précédent gouvernement avec le nombre de normes issues du processus du Grenelle… Personne ne peut aller aussi vite, aussi loin, de manière aussi complexe. C’est inatteignable !

La question des normes a été largement traitée. Le vrai sujet désormais, c’est celui de l’efficacité. Et s’inquiéter de l’efficacité énergétique, contrairement à ce que vous pouvez croire, ce n’est pas seulement, même si c’est essentiel, lutter contre la dégradation climatique et les émissions de gaz à effet de serre – le bâtiment étant la première cause d’émissions de gaz à effet de serre dans notre pays –, c’est aussi lutter contre les charges. Quand on s’inquiète du coût du logement, on s’inquiète du montant du loyer. Aussi est-il absolument nécessaire aujourd’hui de s’attaquer à la question des charges qui, dans certains cas, représentent des montants supérieurs au montant du loyer dans le cas de logements qui sont de véritables passoires énergétiques, et du fait de l’augmentation du coût de l’énergie.

Le plan de transition énergétique dont j’ai parlé hier et sur lequel nous travaillons avec Delphine Batho, a un objectif social majeur, un objectif environnemental et un objectif majeur en termes d’emploi puisqu’on sait bien qu’un euro investi dans la rénovation thermique, c’est sept fois plus d’emplois qu’un euro investi dans les grands projets d’infrastructures.

L’ensemble de ces éléments me conduit à penser que tout le monde peut considérer qu’il s’agit d’un sujet majeur pour l’avenir de notre pays, pour les locataires, pour les propriétaires occupants, et notamment les personnes âgées qui sont les premières à souffrir de la précarité énergétique.

Je reviens au sujet qui nous occupe. La densification, les nouvelles règles de l’urbanisme, la clarification des modes d’intervention, un urbanisme différent qui se soucie des zones rurales comme de la ville, les zones tendues et les zones littorales, voilà autant de sujet centraux dans la période qui vient. La volonté du Gouvernement n’est pas de créer une nouvelle strate, mais de reprendre ce qui existe, de clarifier les responsabilités, de permettre aux collectivités locales d’intervenir plus rapidement, comme vous l’avez dit, monsieur Peiro, pour mettre en œuvre cette orientation que nous sommes très nombreux à partager.

L’avis du Gouvernement sur vos amendements facétieux, monsieur Apparu, est donc défavorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur les bancs du groupe écologiste.)

(Les amendements nos 11, 12, 13, 14, successivement mis aux voix,ne sont pas adoptés.)

(L'article 1er est adopté.)

Article 2

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, inscrite sur l’article 2.

Mme Isabelle Le Callennec. Ce gouvernement dit avoir l’objectif de construire plus, plus écologique, plus accessible : nous partageons cet objectif.

Les besoins sont exprimés à 500 000 logements par an. Reconnaissez, s’il vous plaît, que le précédent gouvernement a beaucoup fait en la matière. Depuis 2007, ce sont 2 millions de logements qui ont été construits, 600 000 logements sociaux financés, un doublement par rapport à la période 1997-2000.

Le consensus existe aujourd’hui pour affirmer que la question du logement ne se pose absolument pas dans les mêmes termes partout en France et que la politique du logement mérite d’être territorialisée.

La majoration des droits à construire était une réponse, une parmi tant d’autres, pour contribuer à atteindre cet objectif de construction, par exemple en zone A, comme l’évoquait à l’instant notre collègue Benoist Apparu.

Le texte de loi avait le mérite de laisser toute liberté aux maires de l’appliquer ou non, sur tout ou partie de la commune. Le conseil municipal pouvait, en dernier ressort, adopter une délibération mettant fin à l’application de la majoration des droits à construire, et ce dans un délai de trois ans de validité de la loi – soit entre mars 2012 et mars 2015.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est compliqué…

Mme Isabelle Le Callennec. La semaine dernière, vous avez abrogé la TVA antidélocalisation qui devait entrer en vigueur en octobre. Cette semaine, vous abrogez la majoration des droits à construire…

Plusieurs députés du groupe SRC. Et ce n’est pas fini !

Mme Isabelle Le Callennec. … sans même attendre qu’elle produise ses effets et soit évaluée.

Le texte a été adopté il y a moins de cinq mois et semblait tout de même intéresser un certain nombre de communes…

M. Daniel Goldberg, rapporteur. Combien ? Lesquelles ?

Mme Isabelle Le Callennec. …à en juger par la nécessité de rédiger cet article 2.

Vous le savez, c’est particulièrement vrai en matière de logements, les élus locaux comme les candidats à l’accession ont besoin de stabilité, de simplification et de pragmatisme. Où vous arrêterez-vous dans ce détricotage systématique de tout ce qui a été imaginé avant vous parce que c’était avant vous ?

M. François Pupponi. On s’arrêtera quand il n’y aura plus rien à détricoter !

Mme Isabelle Le Callennec. Vous avez déclaré faire confiance aux élus a priori. Cette abrogation s’apparente plutôt à une pétition de principe et à une défiance à leur égard. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Tetart, pour soutenir l'amendement n° 9.

M. Jean-Marie Tetart. Je voudrais, avec cet amendement, faire la vérification suivante : une commune qui aurait pris un peu de temps pour décider si elle appliquait ou non les dispositions de la loi de mars 2012, qui aurait, par exemple, créé un groupe de travail pour déterminer le quartier ou la zone dans lesquels elle pourrait éventuellement l’appliquer, qui ne produirait la note d’information que maintenant et qui la soumettrait au public à la fin du mois ou au début de septembre, qui délibérerait ensuite dans les délais présentés par la loi, quel est le sort réservé à ce type de commune dont ma commune fait partie ? Les dispositions de l’article 2 n’ont sans doute pas envisagé cette situation.

M. Daniel Fasquelle. Excellent amendement !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Daniel Goldberg, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement.

Je vais en exposer les raisons, mais permettez-moi de répondre d’abord à votre collègue du groupe UMP qui est intervenue précédemment.

En effet, notre majorité ne va pas suivre ce qu’a voté la précédente majorité.

M. Daniel Fasquelle. Vous n’êtes pas obligés de tout défaire !

M. Daniel Goldberg, rapporteur. Nous n’avons pas la même vision que celle développée précédemment sur toute une série de sujets, et en particulier sur le logement.

Je vous ferai remarquer que vous n’êtes pas intervenue sur le fond de cet article qui prévoit, chère collègue, un dispositif transitoire permettant aux communes entrées dans le dispositif de la loi du 20 mars 2012 de pouvoir, si elles le souhaitent, continuer de l’appliquer jusqu’à la fin de l’année 2015. Tel est l’objet de l’article 2 sur lequel, chère collègue, vous étiez inscrite.

Sur l’amendement n° 9 de nos collègues Tétart et Fasquelle, je serai peut-être un peu moins intransigeant. Les communes qui ont engagé une réflexion sur la majoration de 30 % des droits à construire l’ont fait dans le but de préparer une note d’information destinée au public sur les conséquences de son application.

Je siège moi-même dans un conseil municipal qui a lancé la procédure, sans aller jusqu’à rédiger la note d’information, tout simplement parce que la loi l’y obligeait avant le 20 septembre.

Le dispositif transitoire prévu à cet article 2 de la proposition de loi, né du débat au Sénat, a prévu de prendre en compte le cas des communes qui seront allées jusqu’au bout du processus, c’est-à-dire qui ne se seront pas prononcées contre la majoration des droits à construire au moment où la présente proposition de loi sera promulguée.

Si donc nous allions plus loin, c’est-à-dire dans le sens que vous désirez, nous nous trouverions dans une situation complètement inextricable vis-à-vis du message que cette assemblée, d’un point de vue législatif, donnerait aux communes. Des communes qui n’auraient pas délibéré du tout se trouveraient en effet dans une situation de ne pas savoir dans quel cadre elles seraient par rapport à ce dispositif.

Je maintiens donc que cet article 2, article transitoire, permet aux communes qui le veulent de s’engager dans ce dispositif durant les quelques jours qui nous séparent de la promulgation de la loi. Celles qui n’ont pas fait, à ce jour, ces démarches ne sont sans doute pas très pressées de le faire.

M. Jean-Marie Tetart. Non, elles n’ont pas eu le temps !

M. Daniel Fasquelle. Il faut repousser le décret d’application de la loi !

M. Daniel Goldberg, rapporteur. Ce n’est pas moi qui ai décidé qu’il y avait un délai d’application de six mois, chers collègues, mais l’Assemblée dans laquelle vous étiez majoritaires.

Quant aux communes qui ne sont pas entrées complètement dans le dispositif et qui ont entamé un travail, très bien ! Ce travail pourra complètement être utilisé dans les trois dispositifs qui existent déjà dans le code de l’urbanisme. Je ne vais pas les rappeler à nouveau, mais il y a bien trois dispositifs qui permettent d’augmenter les droits à construire dans un certain nombre de quartiers, notamment dans votre commune.

M. Benoist Apparu. Sans consultation !

M. Daniel Goldberg, rapporteur. Si, avec une consultation ; je n’imagine pas que dans la commune de notre collègue il n’y ait aucune consultation, il l’a d’ailleurs dit tout à l’heure.

Je remarque en revanche que, notamment dans le département en cause, selon la note d’impact qui à l’époque était jointe à votre projet de loi, monsieur Apparu, très peu de communes s’étaient saisies de ces possibilités.

J’entends bien qu’entre le mois de mars et le mois de juillet, des communes se sont lancées et veulent absolument appliquer ce dispositif ; elles ont encore quelques jours pour le faire. Si elles ne le font pas, la réflexion qu’elles ont entamée peut très bien servir à l’application dans les trois dispositifs qui figurent déjà dans le code de l’urbanisme.

M. Daniel Fasquelle. C’est laborieux !

M. Daniel Goldberg, rapporteur. À défaut, une modification du droit de l’urbanisme dans ces communes peut toujours être envisagée et, pour moi, le débat sur ces questions ne s’arrête pas ce soir. Nous le reprendrons plus largement à l’automne pour mobiliser le foncier disponible.

À défaut d’un retrait de votre amendement, j’émettrai donc un avis défavorable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Daniel Fasquelle. On a bien compris que vous ne voulez rien accepter !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Cécile Duflot, ministre. Le rapporteur a été très clair. L’avis du gouvernement est défavorable, vous l’avez compris : s’il souhaite abroger une loi, c’est pour qu’elle s’applique pas, c’est aussi simple que cela.

La réponse technique et immédiate à votre demande, monsieur Tetart, c’est effectivement de procéder à une révision du PLU. Mais la réponse plus constructive, c’est d’apporter l’état de vos réflexions au travail qui va être fait sur cette réforme de la densification, pour voir pourquoi vous avez dû prendre le temps de cette réflexion…

M. Jean-Marie Tetart. On a beaucoup réfléchi ! Dialogué, soliloqué…

Mme Cécile Duflot, ministre. … et quels ont été les éléments qui, dans votre collectivité locale, ont conduit ou pas à souhaiter la densification sur telle ou telle zone. Ce sera un apport utile au travail futur sur cette clarification des règles d’urbanisme.

M. Daniel Fasquelle. C’est vraiment dommage !

M. Pierre Lequiller. Drôle de dialogue !

(L'amendement n° 9 n'est pas adopté.)

(L'article 2 est adopté.)

Explications de vote

M. le président. Dans les explications de vote, la parole est à Mme Annick Lepetit, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Annick Lepetit. Le débat que nous venons d’avoir a démontré la nécessité d’abroger cette loi du 20 mars 2012. Ce texte, à l’époque, a été totalement improvisé ; il a été annoncé par l’ancien Président de la République la veille de la présentation du dix-septième rapport annuel de la Fondation abbé Pierre sur le mal logement ; il a, enfin, été particulièrement mal accueilli par la plupart des acteurs du logement, par la quasi-totalité des maires et même par des parlementaires de la majorité d’alors.

Je ne peux ainsi m’empêcher de citer notre éminent collègue, Michel Piron, qui la semaine dernière, en commission, nous faisait part de sa perplexité sur l’efficacité de cette loi.

Les députés de notre groupe ont démontré, à travers leurs interventions, l’inutilité d’un tel dispositif, son effet inflationniste ainsi que son aspect contre-productif pour libérer le foncier, sans compter les risques de contentieux.

Il est donc urgent d’abroger cette loi avant qu’elle ne soit appliquée, comme l’a fort bien souligné notre rapporteur, Daniel Goldberg. C’est le sens de la proposition de loi adoptée par le Sénat et que nous voterons.

Madame la ministre, ce texte n’est qu’une première étape dans la nécessaire refondation de notre politique du logement. Vous avez annoncé une loi pour l’automne prochain, afin de concrétiser les engagements du Président de la République ; vous pourrez alors compter sur les députés de la majorité. (Applaudissements sur les bancs des groupe SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Daniel Fasquelle. Le groupe UMP regrette évidemment cette volonté de supprimer ce texte. Franchement, il y avait des façons plus utiles d’utiliser le temps de cette session extraordinaire pour traiter de véritables urgences.

On aurait d’ailleurs parfaitement pu, si la majorité l’avait voulu, repousser la date du 20 septembre, présentée comme impérative, pour laisser un peu de temps à la réflexion et aux collectivités.

En réalité, la majorité n’aime pas la liberté, en particulier celle de l’Assemblée nationale qui ne peut pas débattre sereinement. (Exclamations sur les bancs des groupe SRC et écologiste.) Vous parlez de dialogue mais il n’y a pas de dialogue, ni de concertation. Tous les amendements ont été systématiquement repoussés, y compris ceux qui étaient particulièrement pertinents comme celui de mon collègue Tetart.

On a bien compris, comme on nous l’a dit en commission, qu’on voulait un vote conforme : bel aveu ! D’ailleurs, la majorité a été aux ordres.

Mme Marie-Christine Dalloz. Et silencieuse ! Les godillots, on voit dans quel camp ils sont !

M. Daniel Fasquelle. Elle s’est bien gardée de déposer des amendements. Certains ont essayé de le faire en commission, on les a vite découragés. Il n’y avait donc malheureusement pas d’amendements de la majorité ce soir et il n’y a pas eu de débat sur ce texte.

M. François Pupponi. Vous avez fait ça pendant dix ans !

M. Daniel Fasquelle. Vous n’aimez pas la liberté de l’Assemblée nationale, ni le débat et la concertation dont vous ne cessez pourtant de parler. Vous n’aimez pas non plus la liberté des collectivités locales, car c’est en réalité le fond de l’affaire : il fallait laisser à chaque collectivité la liberté d’appliquer ou non cette majoration, tout simplement.

Il y a eu des débats à l’Assemblée sur ce sujet. Le ministre Apparu avait accepté un certain nombre d’amendements, qui avaient permis d’améliorer ce texte, notamment en laissant la possibilité aux collectivités qui le souhaitaient de n’appliquer cette majoration des droits à construire que sur certaines parties de leur territoire.

Il y avait donc là une liberté et un outil, certes pas l’outil unique, mais un outil qui permettait aux collectivités qui le souhaitaient d’apporter une vraie réponse aux problèmes de logement de nos concitoyens.

Vous balayez cela d’un revers de main ! Comme l’a très bien dit Isabelle Le Callennec, vous n’avez pas d’autre programme que démonter systématiquement ce que nous avons mis en place depuis cinq ans !

Mme Audrey Linkenheld. Mais si !

M. Daniel Fasquelle. Eh bien ! Ce n’est pas ce que les Français attendaient à l’occasion de cette session extraordinaire en ce mois de juillet. Bien évidemment, le groupe UMP s’oppose à la suppression de la loi de mars 2012, qui était pourtant une loi utile pour le logement des Français (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.).

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.

M. François de Rugy. Naturellement, mes collègues du groupe écologiste et moi-même, nous voterons cette loi d’abrogation. Celles et ceux qui étaient présents dans cet hémicycle lorsque le débat a eu lieu, en février dernier, se souviennent des conditions d’adoption de cette loi. C’était la précipitation la plus grande, décrétée par le Président de la République de l’époque, comme toujours avec lui d’ailleurs.

Je constate que, ce soir, on se précipite beaucoup moins, sur les bancs de l’UMP, pour venir défendre ce texte et soutenir l’ancien ministre du logement, qui s’est retrouvé bien seul pour défendre quelques amendements. (Protestations sur quelques bancs du groupe UMP. - Applaudissements sur quelques bancs des groupes écologiste et SRC.)

M. François Pupponi. Eh oui !

M. François de Rugy. Je voudrais dire un mot sur la question de la densité urbaine, puisque certains y ont fait référence dans leurs interventions. Nous, les écologistes, avons toujours été favorables au renouvellement urbain, au « renouvellement de la ville sur elle-même », comme on le disait au moment de la loi SRU. Cela concerne les petites comme les grandes villes, ce n’est pas une question de taille.

C’est bien sûr encore plus vrai là où il y a une forte demande de logement, qu’il faut satisfaire. Il faut donc construire et il faut le faire là où il y a des transports en commun. Il faut faire ce lien avec les questions de déplacement et leurs infrastructures, avec les services publics et commerciaux, avec l’urbanisme commercial dont François Brottes a parlé tout à l’heure.

Tout cela ne peut pas se faire quand on prend des mesures d’une telle brutalité, dans une telle précipitation et dans un tel esprit d’uniformité. J’ai été quand même amusé d’entendre mes collègues de l’UMP parler des libertés alors qu’on avait là, vraiment, la négation des libertés, locales notamment, puisque cette mesure avait vocation à s’appliquer de façon uniforme sur tout le territoire !

M. Daniel Fasquelle. Mais pas du tout !

M. François de Rugy. Toucher à l’urbanisme, c’est en quelque sorte faire de la dentelle. Tous les élus qui ont un ancrage local, qui sont aux côtés des habitants, qui se préoccupent de ces questions et qui ne sont pas uniquement, monsieur Fasquelle, dans la logique de spéculation immobilière, notamment sur les zones côtières, parce qu’à un moment donné il faut quand même dire les choses…

M. Daniel Fasquelle. Je ne vous permets pas, monsieur de Rugy ! Renseignez-vous avant de donner des leçons !

M. François de Rugy. … qui sont là pour construire de la ville durable, qui sont là pour le faire avec les habitants car on ne peut pas le faire sans les habitants, ceux-là ne veulent pas de ce type de mesure. Les habitants, qu’ils soient d’ailleurs de gauche ou de droite, ne voulaient pas de ce type de mesure, nous sommes donc très heureux de voter aujourd’hui son abrogation. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi sur l’abrogation de la loi n° 2012-376 relative à la majoration des droits à construire.

(La proposition de loi est adoptée.)

2

Recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires

Discussion d'un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant la ratification de la convention de Hong Kong pour le recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires (nos 8, 87)

Présentation

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des Français de l’étranger.

Mme Hélène Conway, ministre déléguée chargée des Français de l’étranger. Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission des affaires étrangères, mesdames et messieurs les députés, est soumis aujourd’hui à votre approbation le projet de loi autorisant la ratification de la convention internationale pour le recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires, adoptée à Hong Kong le 15 mai 2009.

À ce jour, aucun instrument international juridiquement contraignant ne réglemente de manière spécifique le démantèlement des navires. C’est pour combler ce vide que les États ont négocié et adopté cette convention, dans le cadre de l’OMI, l’organisation maritime internationale, qui siège à Londres. Son objectif est d’améliorer les conditions dans lesquelles la majorité des navires sont démantelés car la situation actuelle n’est pas acceptable.

La grande majorité des navires est démantelée dans des conditions peu respectueuses de la santé des travailleurs et de la protection de l’environnement, en particulier en Inde, au Bangladesh et au Pakistan.

La nécessité de déconstruire les navires en toute sécurité pour ceux qui travaillent sur les sites de démantèlement est d’autant plus urgente que le contexte actuel est marqué par le vieillissement de la flotte mondiale et la sortie de flotte des pétroliers à simple coque.

Assurément, l’adoption de cette convention constitue une étape majeure vers de meilleures conditions de démantèlement.

Pour atteindre cet objectif, elle entend réglementer à la fois la conception et l’exploitation des navires soumis à ses dispositions – les navires de plus de cinq cents tonneaux de jauge brute – ainsi que l’activité des chantiers de démantèlement. C’est donc tout le cycle de vie du navire qui est envisagé par la convention, depuis sa naissance jusqu’à sa fin de vie.

On peut citer quelques dispositions clés de la convention.

Dès la conception des navires soumis aux dispositions de la convention, l’utilisation des matières dangereuses devra être limitée ou proscrite.

Les navires devront disposer à bord d’un inventaire des matières potentiellement dangereuses. L’État du pavillon du navire délivrera, après la visite du bâtiment, un certificat international attestant que le navire possède bien cet inventaire.

Les navires subiront plusieurs visites au cours de leur exploitation : une visite « initiale » avant la mise en service des navires neufs, une visite « de renouvellement » tous les cinq ans au minimum, une visite « supplémentaire » à la suite d’un aménagement sur le navire, et une visite « finale » juste avant l’opération de recyclage.

Un plan de recyclage devra être élaboré par le site de démantèlement pour chaque navire, qui devra disposer d’un certificat international attestant qu’il est prêt pour le recyclage. Les navires ne pourront être démantelés que dans des installations autorisées à procéder au recyclage par les États où elles sont situées.

Ces installations de recyclage devront être exploitées d’une manière sûre et écologique. Elles devront mettre en place des systèmes, procédures et techniques de gestion ne présentant pas de risques pour la santé des travailleurs et limitant les effets nocifs pour l’environnement. Elles devront élaborer un plan de préparation et d’intervention en cas de situation d’urgence. Elles devront prendre un certain nombre de mesures pour assurer la sécurité et la formation des travailleurs. Elles devront enfin signaler aux autorités nationales tout incident, accident, maladie professionnelle ou effet chronique.

En conclusion, la convention internationale de Hong Kong pour le recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires constitue à n’en pas douter un pas important pour que le secteur du démantèlement devienne plus respectueux des travailleurs et de l’environnement.

Les conditions dans lesquelles les navires sont aujourd’hui démantelés sont souvent mauvaises et justifient une meilleure réglementation de cette activité.

La France a été très active dans la négociation de cette convention. Elle fut même le premier État à la signer.

Un projet de règlement, anticipant l’entrée en vigueur de la convention et la transcrivant en droit européen, a été proposé par la Commission européenne. Il est en cours de discussion au Conseil.

En ratifiant cette convention, la France enverra un signal aux autres États pour accélérer leurs efforts et permettre ainsi son entrée en vigueur le plus rapidement possible.

Telles sont les principales observations qu’appelle la Convention internationale de Hong Kong pour le recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires, qui fait l’objet du projet de loi de ratification aujourd’hui proposé à votre approbation.

M. le président. La parole est à M. Noël Mamère, rapporteur de la commission des affaires étrangères.

M. Noël Mamère, rapporteur de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pourquoi la convention de Hong Kong a-t-elle été signée en 2009 ?

Les événements de triste mémoire de 2003 illustrent parfaitement la nécessité de moraliser le démantèlement des opérations en fin de vie. Cette année-là, le porte-avions Clemenceau a parcouru des mers pendant plus de six mois sur les côtes d’Europe, d’Asie et d’Afrique avant d’être enfin démantelé sur le site d’Able UK à Hartlepool, le seul grand chantier européen.

En mars 1989, le navire américain Exxon Valdez a provoqué une terrible marée noire sur les côtes de l’Alaska incitant la Chambres des représentants et le Sénat des États-unis à adopter en 1990 l’Oil Pollution Act qui interdit la construction de pétroliers à simple coque. Un an plus tard, l’OMI a pris la même décision. Aujourd’hui, la convention de Honk Kong est donc devenue d’autant plus nécessaire que de très nombreux pétroliers et vraquiers à simple coque en fin de vie sont démantelés.

Ce nombre est encore accru par le fait que les armateurs font plus facilement le choix du démantèlement que celui du respect des consignes pour éviter que la structure des bateaux ne contienne des matières toxiques et dangereuses.

Selon l’OMI, en 2011, les navires démantelés ont représenté quelque huit millions de tonnes de métal recyclé. Où le démantèlement a-t-il lieu ? Principalement en Asie et d’abord en Inde qui a traité, en 2011, 45 % du total mondial des coques à démanteler. Viennent ensuite le Bengladesh, la Chine, le Pakistan, et la Turquie. Pourquoi l’Inde et le Bengladesh sont-ils en tête de ce palmarès ?

Il y a à cela des raisons naturelles : les fortes amplitudes des marées sur les côtes permettant l’échouage sur le haut des plages des navires de gros tonnage, de plus de deux cents mètres. Sur les plages de Chittagong, au Bengladesh, ou celle de la baie d’Alang, en Inde, ces bateaux, à la barre desquelles se trouvent des marins, ne sont pas considérés comme des déchets. Ils sont alors démantelés par des ouvriers qui travaillent dans des conditions abominables. Pour les pays concernés, c’est donc la double peine : d’une part, il est porté atteinte à leur environnement avec des coques de bateaux qui contiennent des matières très dangereuses – amiante, PVC ou PCB, sans parler des eaux de ballast et des hydrocarbures, et, d’autre part, les ouvriers qui travaillent sur place connaissent des conditions de travail insupportables.

Pour s’en convaincre, il suffit de regarder les photos publiées dans notre rapport, préparé par M. Alain Delmas. En Inde comme au Bengladesh, l’emploi dans les chantiers de démantèlement est celui qui est à l’origine de la plus forte mortalité au travail. En Inde, le taux d’accidents mortels serait six fois plus élevé dans les chantiers navals que dans l’industrie minière. Le problème c’est que lorsque les chiffres officiels annoncent huit cents victimes sur les chantiers du Bengladesh, les organisations non gouvernementales – en particulier l’ONG française Robin des bois qui suit la question de très près – l’OIT et la FIDH en dénombrent plus de deux mille.

Ces pays en profitent pour s’approvisionner à bon compte en métaux ferreux et non ferreux. Le recyclage depuis les navires démantelés permet ainsi la production, par « relaminage », de quelque 80 % de l’acier que produit le Bengladesh.

Il reste que le prix à payer en termes environnemental et social est toutefois plus qu’excessif : il est inacceptable.

Pourquoi démanteler ces bateaux dans des pays qui ne respectent ni l’environnement ni les conditions de travail ? Pourquoi ne pas le faire en Europe ? C’est que notre continent est petit et n’a qu’un chantier de grande envergure. Par ailleurs, pour les armateurs il est beaucoup moins coûteux de faire démanteler leurs bateaux en Inde ou au Bengladesh.

Aujourd’hui, nous voulons faire en sorte que l’Inde, le Bengladesh et la Chine s’alignent sur des normes sociales et environnementales communes à un marché mondial extrêmement lucratif. Il faut savoir que le prix de la ferraille a très nettement augmenté depuis trois ou quatre ans puisqu’il est passé de 200 dollars à 1 100 dollars la tonne.

Alors que, pendant longtemps, quelque 500 unités en moyenne étaient détruites tous les ans, depuis 2009, ce sont plus de mille unités qui sont envoyées chaque année à la casse. Il y en aurait eu 1 022 en 2011. Il y a manifestement une surcapacité de la flotte internationale.

Malgré cette situation, le cadre juridique existant est défaillant.

Il existe plusieurs conventions relatives à la pollution maritime : celle pour la protection du milieu marin de l’Atlantique nord-est, OSPAR ; la convention de Barcelone ou celle de Londres, cette dernière excluant par principe depuis le protocole datant de 1996 l’immersion des épaves.

Quant à la convention de Bâle sur le contrôle des mouvements transfrontières des déchets dangereux et de leur élimination, si elle ne traite pas directement du recyclage des bateaux, elle est à l’origine de la polémique qui a eu lieu au moment de l’odyssée du Clemenceau. En effet, ce navire a fini son périple en Grande-Bretagne avec dans ses entrailles sept cents tonnes d’amiante. Aujourd’hui seuls trente-six pays ont édicté une interdiction concernant cette matière dangereuse – un certain nombre l’ont fait sous l’impulsion de l’Union européenne. Et les cinq pays démantelant le plus grand nombre de navires en fin de vie n’ont pas interdit l’amiante. Certaines années, à eux seuls, ils traitent 97 % de la flotte à démanteler.

On voit bien que le cadre juridique est insuffisant. C’est d’ailleurs pourquoi l’OMI et l’OIT ont décidé en collaboration de proposer la convention de Hong Kong finalement signée en 2009. Son entrée en vigueur est cependant encore lointaine puisque nous serons parmi les premières nations à la ratifier – avec les Pays-Bas, l’Italie, Saint-Christophe-et-Niévès et la Turquie.

Lorsqu’on examine en détail les vingt-cinq articles de la convention de Hong Kong, qui est très largement inspirée par le principe de précaution, il en est un qui doit susciter notre inquiétude et notre scepticisme. Il s’agit de l’article 17, qui dispose que la convention entrera en vigueur vingt-quatre mois après que quinze États au moins dont les flottes marchandes représentent au moins 40 % de la flotte mondiale de commerce et dont les propres capacités de recyclage s’élèvent au moins à 3 % de leurs flottes l’auront ratifiée. Vous voyez donc qu’avant que la convention de Hong Kong soit appliquée, il y aura encore beaucoup de débats et de discussions sur la question du démantèlement des bateaux en fin de vie.

Bien entendu, il n’est pas question pour autant d’annoncer ce soir que nous refusons de ratifier cette convention, au motif qu’elle est encore trop floue et comporte trop d’incertitudes ; elle représente un pas en avant, notamment parce que l’Union européenne s’est montrée extrêmement offensive en la matière et que même des pays comme le Bangladesh ou l’Inde ont essayé, par l’intermédiaire de leurs hautes cours, de moraliser, d’une certaine manière, le traitement de ces bateaux. Mais du rêve à la réalité, le chemin restera long. Néanmoins, notre pays s’honorerait de ratifier cette convention.

En conclusion, la France seule ne réussira pas à résoudre ce problème grave en termes d’environnement et de conditions sociales ; il faut que l’Union européenne se montre très offensive et soit à la pointe du combat. C’est une dette que nous avons vis-à-vis de ces pays que nous avons colonisés, pillés et que nous polluons maintenant et aux peuples desquels nous imposons des conditions insupportables. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC et GDR.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, l’examen du projet de loi autorisant la ratification de la convention de Hong Kong pour le recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires est l’occasion pour nous de nous pencher sur cet important enjeu écologique. Le recyclage des navires est inévitable : chaque navire en fin de vie renferme quelque 50 000 tonnes de métal, de substances chimiques toxiques et d’amiante. Même vides, ces bâtiments contiennent des milliers de litres de boues d’hydrocarbures. Leurs systèmes électriques renferment des tonnes de PCB cancérogènes, ainsi que des métaux lourds toxiques, comme le plomb, le cadmium, le mercure et le zinc. Leur coque est également recouverte de substances chimiques potentiellement nuisibles.

Or, les évolutions de la flotte marchande engendrent une forte augmentation du nombre des navires à recycler. En effet, le remplacement progressif des pétroliers à coque simple par des bâtiments à double coque augmente le nombre de bateaux se présentant à la casse. Les chantiers de démantèlement accueillent annuellement environ un millier de navires à traiter, soit un volume près de quatre fois supérieur à celui de 2006. Force est de constater que la grande majorité des sites de recyclage se situent dans des pays où les normes sociales et environnementales sont faibles : Inde, Bangladesh, Pakistan. Cet état de fait a plusieurs conséquences.

Tout d’abord, la mise en danger de milliers de vies humaines. Les chantiers de recyclage de navires sont en effet des zones de grande dangerosité. Les chantiers asiatiques de démantèlement des navires en fin de vie sont un exemple de la dérive imposée par le capitalisme à des populations soumises aux pires conditions de travail. Comment expliquer autrement que par l’appât du gain la stratégie de sous-traitance des firmes multinationales, qui ont choisi de transférer ces chantiers des pays européens vers l’Asie, là où l’exploitation forcenée d’une main-d’œuvre sous-payée et exposée à une multitude de produits toxiques est rendue possible par l’inexistence de toute protection sociale ? Les groupes industriels peuvent ainsi se soustraire à toutes les contraintes sociales et environnementales des pays développés. Peu importe que, dès l’âge de dix-sept ans, les jeunes y travaillent quinze à seize heures par jour pour un salaire quotidien variant de un à deux euros. Peu importe que les femmes y transportent, le plus souvent sans aucune protection, des objets amiantés extraits des épaves. Peu importe que des dizaines, voire des centaines de morts y soient recensés chaque année, sans compter les victimes de maladies contractées sur ces chantiers, l’amiante étant présent partout sur les navires – dans les cloisons, les plafonds – pour assurer notamment l’isolation phonique et thermique.

Devons-nous continuer à accepter que les populations pauvres de la planète paient le prix du productivisme occidental ? Près de la moitié des navires à démanteler battent pavillon européen ou appartiennent à des armateurs établis dans l’Union européenne. L’immense majorité va finir leur carrière en Asie. Nous sommes là en face d’un nouvel exemple de l’irrationalité de l’hypermondialisation des flux de marchandises. En effet, le coût économique et écologique de ces gigantesques mouvements intercontinentaux n’incombe pas aux pollueurs ; il est transféré aux populations dans leur ensemble. Quant à la responsabilité de cette situation, elle incombe moins aux pays de l’Asie du sud-est qu’à l’incurie totale des grandes puissances occidentales qui, bien que pourvoyeuses de bâtiments polluants, n’entreprennent rien pour leur recyclage. Bien entendu, le marché du traitement des déchets dangereux que sont les bateaux obsolescents n’est pas suffisamment rentable pour que les multinationales acceptent de se préoccuper de la question.

L’autre problème majeur du retraitement tel qu’il s’opère à l’heure actuelle, c’est que les sites accueillant les bâtiments sont bien souvent des plages. Cette localisation entraîne une dissémination accélérée des pollutions dans les écosystèmes et dans les mers concernées. Ainsi, selon une étude menée en 2000 par une société de classification norvégienne spécialisée dans l’évaluation des risques, des traces de pétrole ont été retrouvées dans la mer autour des plages de démantèlement du Bangladesh. Des quantités significatives de substances chimiques nocives et de métaux lourds ont également été détectées dans le sol et dans l’air. Mais il est encore difficile de mesurer l’étendue des dégâts occasionnés par ces chantiers, car ils n’ont pas tous été mis au jour.

Observons que ce sont une nouvelle fois le système économique et ses excès qui alourdissent le tribut payé par la planète. Ceci doit nous renforcer dans la conviction, défendue avec force notamment par le Front de gauche, que la première dette que nous devons solder est la dette écologique.

Le dossier du recyclage des navires nous en apporte une nouvelle preuve : l’écologie des petits gestes n’est pas à la hauteur du traumatisme subi par la planète. Seule une remise en cause profonde du cadre économique permettra véritablement d’empêcher ce que le poète Michel Deguy appelle « le géocide ». Cependant, la gravité de la situation a permis une prise de conscience internationale ; nous nous en félicitons. C’est dans cette perspective que notre assemblée est amenée, aujourd’hui, à autoriser la ratification de la convention de Hong Kong.

Cette convention permet d’initier une coopération internationale en faveur d’une rationalisation du recyclage des navires. Son texte confère notamment à tout État partie le droit d’inspecter tout navire transitant par un de ses ports afin de vérifier qu’il dispose bien d’un inventaire des matières potentiellement dangereuses ou d’un certificat international attestant que le navire est prêt pour le recyclage. Ces dispositions, quoique faiblement contraignantes, constituent un premier pas qu’encouragent les députés du front de gauche et l’ensemble du groupe GDR. Mais ce n’est qu’un premier pas.

Permettez-moi, en effet, de citer une note du Comité économique et social européen : « La convention de Hong Kong a été adoptée en 2009, mais ce n’est que lorsqu’elle aura été ratifiée par un nombre suffisant de grands États du pavillon et de grands pays recycleurs qu’elle pourra entrer en vigueur et commencer à produire ses effets, ce qui ne devrait pas avoir lieu avant 2020, dans le meilleur des cas. » L’échéance est, hélas ! bien lointaine. Car, pendant que les parlements nationaux ratifient le texte, les vieux pétroliers, chimiquiers et autres cargos continuent de gagner les plages du sud-est asiatique.

En outre, certains opérateurs, plutôt que d’envoyer leurs bâtiments à la casse, exploitent les vides juridiques pour continuer d’utiliser ces navires pollués et polluants, soit pour transporter d’autres types de cargaisons moins lourdes, soit pour le stockage à quai. Comme c’est souvent le cas pour les enjeux écologiques, le temps de la décision internationale est sans rapport avec l’imminence des dangers et l’importance des pollutions. Raison de plus pour ne pas retarder l’indispensable ratification de cette convention.

En parallèle à cette intensification de la coopération internationale, d’autres solutions concrètes doivent être envisagées. Dans un premier temps, il serait sans doute nécessaire de refondre les normes qui régissent la fabrication des navires, concernant notamment les composants métalliques et chimiques utilisés. Comment expliquer, si ce n’est par une insuffisance des réglementations, que tant de navires soient encore massivement amiantés ?

Les députés du Front de gauche militent, par ailleurs, pour l’institution d’une taxe kilométrique, de manière à diminuer les transports de marchandise évitables. Un tel dispositif aurait le double avantage de réduire la flotte mondiale des transporteurs et de « désinciter » les opérateurs à se débarrasser de leurs épaves dangereuses sur les chantiers asiatiques. Il obligerait les entreprises à intégrer les coûts du traitement des bâtiments dès leur mise à flot. Cet outil de rationalisation des échanges internationaux serait un complément utile à la convention dont nous discutons. Le produit de cette taxe pourrait abonder un fonds pour le co-développement permettant de financer des politiques de développement social et environnemental. C’est un moyen d’agir sur les conditions de travail des travailleurs du sud qui risquent leur santé sur les épaves des firmes occidentales. D’une façon générale, il nous faut sortir du modèle économique qui fait supporter aux usagers, sur leurs factures, l’essentiel des défis environnementaux et des investissements nécessités par les pratiques des multinationales.

C’est dans cet esprit que les députés du groupe de la gauche démocrate et républicaine veulent agir au cours de cette nouvelle législature sur les questions environnementales. Nous défendrons dans l’hémicycle une approche constructive, tâchant de concilier l’urgence d’agir avec l’ampleur des changements nécessaires. Tout naturellement, dans un premier temps, les députés du Front de gauche et l’ensemble du groupe GDR voteront des deux mains ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Chanteguet.

M. Jean-Paul Chanteguet. Monsieur le président, madame la ministre déléguée, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous discutons aujourd’hui du projet de loi autorisant la ratification de la convention de Hong Kong pour le recyclage sûr et économiquement rationnel des navires. Le démantèlement a été abandonné au cours de la décennie 1980 par les nations occidentales pour se concentrer dans les pays où la main-d’œuvre est la moins coûteuse, tant et si bien que le sous-continent indien – Inde, Pakistan et Bangladesh – concentre désormais 80 % du marché international.

Cette situation n’est pas satisfaisante. Elle se révèle même honteuse sur le plan humain, social et environnemental. En effet, elle méprise tout autant la sécurité des travailleurs sur les chantiers de démantèlement que la préservation minimale de l’environnement, en privilégiant des conditions rudimentaires parce que peu chères, au bénéfice d’armateurs plus soucieux de rentabilité que d’exemplarité. Dans un passé récent, la France a éprouvé l’immense embarras de se retrouver du côté de quelques détestables profiteurs lorsque le ministère de la défense tenta d’oublier le porte-avions Clemenceau sur le chantier indien d’Alang. Fort heureusement, la justice administrative a empêché la conclusion de cette opération déshonorante. Certes, on me rétorquera que cet exemple n’est pas pertinent, car le projet dont nous débattons concerne les navires civils et non les bâtiments militaires. Mais il a l’avantage de résonner encore dans la mémoire collective. Oui, il fallait mettre fin au hiatus qui subsistait dans la convention de Bâle et dans le règlement européen du 14 juin 2006, car on ne peut pleinement assimiler un navire en voie de démantèlement à un déchet. Il nous manquait une règle spécifique : la voici.

M. le rapporteur a déjà largement évoqué les détails techniques et juridiques. Je n’y reviendrai donc que fort brièvement. La France aura trois fois son mot à dire. Comme État recycleur, cela restera négligeable au vu de notre faible activité dans ce domaine. En revanche, quand notre pays sera l’État du pavillon ou l’État du port, il reviendra aux centres de sécurité des navires de procéder aux contrôles et aux inventaires adéquats. Nous avons acquis une expérience dans le domaine militaire qui ne demande qu’à trouver une valorisation économique dans le secteur civil. Par ailleurs, je note avec satisfaction que notre législation est déjà suffisamment stricte pour que nous n’ayons pas à la renforcer.

Mes chers collègues, si j’ai tenu à prendre la parole sur ce texte en qualité de président de la commission du développement durable, c’est pour affirmer la validité d’une démarche coopérative, conjointe, commune, entre les différents États de la planète. Certains, nous le savons, se gaussent encore ostensiblement lorsqu’on leur parle des enjeux du développement durable, de la lutte contre le changement climatique ou du nécessaire combat global contre la pollution.

Je sais aussi que, pour novatrice qu’elle soit, cette convention est vouée à entrer en vigueur dans un futur relativement lointain, soit deux ans après la ratification par quinze États représentant 40 % du tonnage mondial et recyclant 3 % de leurs flottes au cours de la décennie précédente. Quand on sait que la France sera la première à procéder à une ratification, on se dit que la traversée sera longue avant de toucher la terre promise !

Alors, pourquoi agir ? Parce que l’histoire nous apprend l’inertie du droit de la mer et la culture du consensus sur laquelle il repose, aussi bien que l’acceptabilité parfaite de ses normes une fois celles-ci régulièrement adoptées. Dans cette optique, il est important que l’Europe soit à l’avant-garde du monde, et la France à l’avant-garde de l’Europe. Il faudra encore convaincre pour généraliser cette convention à l’ensemble de la planète, et plus particulièrement aux États du sous-continent indien. Nous nous y emploierons avec d’autant plus d’ardeur.

C’est un signal fort que nous allons envoyer avec cette loi de ratification : celui de l’exemplarité. Je vous invite donc à l’approuver comme je vais le faire moi-même. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller.

M. Pierre Lequiller. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, nous avons tous en mémoire, comme notre rapporteur l’a rappelé, le triste démantèlement de notre ex-porte-avion Clemenceau en 2003, ce navire autrefois symbole de la marine nationale, voguant à travers les océans de la planète en cherchant vainement un lieu où être démantelé, avant d’être finalement ramené à son port d’attache, puis confié au seul chantier en Europe capable de le traiter, à savoir le site d’Able UK à Hartlepool.

Cet épisode a permis de jeter un éclairage sur les difficultés et les enjeux du démantèlement des navires. Nous avons tous vu des reportages sur ces chantiers en Inde, au Bangladesh ou au Pakistan, où apparaissent les carcasses d’immenses bateaux parfois échoués à même la plage, autour desquelles s’affaire une multitude d’hommes souvent pieds nus et sans le moindre équipement, dans des conditions de travail déplorables, alors que la plupart de ces bateaux regorgent encore de matériaux dangereux.

Certes, la convention de Hong Kong, dont nous nous apprêtons à autoriser la ratification, ne concerne pas les navires militaires, mais le tragique destin du Clemenceau a grandement joué dans notre prise de conscience collective. Si je ne souhaite pas revenir sur les différents aspects techniques et les avancées que comporte cette convention signée à Hong Kong en 2009, notre rapporteur l’ayant déjà fort bien fait, je veux cependant insister sur quelques points.

Tout d’abord, comme l’a fait Mme la ministre, je me félicite du rôle très actif joué par la France et par l’Union européenne dans ce domaine. Durement touché par divers accidents ayant provoqué des catastrophes écologiques majeures, notre continent a renforcé sa législation afin de faire en sorte que les navires à simple coque ne puissent plus naviguer dans nos eaux territoriales, ni entrer dans nos ports ou nos terminaux en mer.

Ce renforcement de la législation, mené de concert avec les États-Unis, est aujourd’hui l’une des principales causes de démantèlement des navires. Dès 2007, la Commission européenne a publié un livre vert sur l’amélioration des pratiques de démantèlement des navires. En mai 2008, le Parlement européen a adopté une résolution appelant les institutions européennes et les États membres à prendre sans délai des mesures en matière de démantèlement des navires. Enfin, il y a quelque mois, la Commission a déposé une proposition de résolution exigeant des États membres qu’ils ratifient la convention de Hong Kong ou adhèrent, au moins, à cette convention dans l’intérêt de l’Union. Comme on le voit, l’Union a été à la pointe de ce combat.

De ce fait, il me paraît souhaitable qu’une réflexion soit menée au niveau européen, et que les États membres s’accordent pour mettre en place une véritable filière de démantèlement des navires sur le sol européen – filière dont l’existence fait cruellement défaut pour le moment. Je sais que nos collègues de la commission de la défense appellent de leurs vœux la création d’une telle filière de démantèlement au niveau militaire.

Cette convention est une bonne chose parce qu’elle concerne l’ensemble du cycle de vie des navires, mais aussi parce qu’elle concerne à la fois la sécurité des travailleurs, la protection de l’environnement, la sécurité de la navigation et le développement durable. Le groupe UMP votera donc cette autorisation de ratification. Il est important que nous soyons le premier pays à procéder à la ratification, pour donner l’exemple aux autres États et les entraîner – comme cela a été le cas pour la négociation de la convention.

Si la convention représente un pas en avant, elle n’épuise évidemment pas le sujet. Cependant, elle constitue en elle-même un progrès important, c’est pourquoi le groupe UMP votera, sans aucune réticence, le projet de loi autorisant sa ratification. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur quelques bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le traitement des navires en fin de vie est un sujet primordial qui concerne un secteur clé de l’économie mondiale, et dont l’importance devrait encore s’accroître dans les prochaines années, du fait de l’augmentation des exigences en matière de respect de l’environnement, d’une part, et des flux considérables des navires à traiter, d’autre part. Ainsi, le chiffre actuel de 1 020 démantèlements annuels pourrait atteindre 1 200 dans un prochain avenir.

Le traitement des navires en fin de vie est également un sujet vaste, qui aborde des problématiques à la fois environnementales, sociales et économiques. Les orateurs qui m’ont précédé ont cité les exemples tristement célèbres de l’ex-porte-avions Clemenceau et de l’Exxon Valdez – à l’origine de l’une des plus grandes catastrophes qu’aient connus les États-Unis, avec le déversement de 42 000 tonnes de pétrole brut dans l’océan arctique et la pollution de plus de 800 km de côtes.

En France ou à l’étranger, les exemples sont nombreux qui démontrent que les dangers humains et environnementaux sont inhérents à la démolition des navires. Ainsi, avec un volume de substances potentiellement nuisibles pour l’environnement de l’ordre de 5,5 millions de tonnes par an, les navires en fin de vie sont, à juste titre, considérés comme l’un des principaux flux de déchets dangereux entre pays industrialisés et pays en développement.

La législation internationale en matière de démantèlement des navires est actuellement insatisfaisante. Facilement contournables et difficilement applicables à l’ensemble des territoires, la convention de Bâle et la réglementation européenne ne permettent pas d’assurer véritablement un recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires.

La convention de Hong Kong se révèle bien plus protectrice que ne l’est la convention de Bâle, qui ne contient pas de dispositions particulières aux navires. En vertu de cette convention internationale spécifique, les navires devront disposer d’un certificat international sur l’inventaire des matériaux dangereux et seront, par ailleurs, soumis à de nombreux contrôles. Ces contrôles seront effectués par les États parties qui s’engagent, par la convention, à interdire ou à limiter l’utilisation de matières potentiellement dangereuses lors de la construction ou de la réparation des navires. Il s’agit là d’éléments constituant une réelle avancée en matière de législation internationale applicable aux activités de démantèlement des navires.

Ensuite, fait nouveau par rapport à la convention de Bâle, la convention de Hong Kong prend en compte la dimension sociale de l’opération de démantèlement des navires, en abordant la question de la sécurité des travailleurs et celle des populations alentour. Cet aspect de la convention est primordial, puisque nous savons que 80 % des navires sont aujourd’hui démantelés au Bangladesh, au Pakistan et en Inde, dans des conditions peu respectueuses de la santé des travailleurs et de la protection de l’environnement. Ces conditions ont d’ailleurs été dénoncées par plusieurs rapports, notamment par l’Organisation internationale du travail.

Les grands démolisseurs de navire en Inde et au Bangladesh sont considérés comme les chantiers navals où les conditions de travail sont les plus déplorables. Les travailleurs sont confrontés à des problèmes très divers, touchant aussi bien aux conditions de travail qu’aux relations professionnelles et aux possibilités d’action collective, qui sont inexistantes. Plus préoccupant, le travail de démantèlement peut causer la mort par accident du travail ainsi que de graves problèmes de santé, liés en particulier à l’exposition à des substances dangereuses telles que l’amiante.

La Convention de Hong Kong prend en compte ces situations et prévoit, à ce titre, l’établissement d’un inventaire des matériaux dangereux et d’un plan de gestion des installations de recyclage. Ainsi, cette convention met en place des mécanismes contraignants et dissuasifs, à même de réduire les effets néfastes des opérations de recyclage des navires, tant d’un point de vue environnemental que d’un point de vue sanitaire et social.

Le groupe UDI soutiendra la ratification de la convention de Hong Kong, qui marque un net progrès sur le droit international en vigueur en matière de démantèlement des navires.

M. le président. La parole est à Mme Danielle Auroi.

Mme Danielle Auroi. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la fin de vie des navires est restée longtemps un sujet tabou. La tonalité du débat qui a lieu ce soir dans notre hémicycle montre, et je m’en félicite, que ce sujet est enfin pris en compte, et de manière beaucoup plus large qu’auparavant.

Comme l’a rappelé tout à l’heure Noël Mamère, le démantèlement des navires constitue une activité extrêmement dangereuse pour l’homme et la nature, dans laquelle les pratiques honteuses sont encore légion – des pratiques qui, pour nous écologistes, sont insupportables. Se débarrasser des navires en fin de vie représente une dépense importante pour les armateurs. De plus, les bâtiments concernés ont été construits avec des matériaux extrêmement nocifs. Aussi les armateurs ont-ils développé une logique de « décharge » environnementale et sociale vers des pays où la main-d’œuvre est peu coûteuse, et les mesures de protection de la santé et de l’environnement inexistantes.

On estime ainsi que 60 % des ouvriers du démantèlement en Asie sont exposés à l’amiante. Des explosions se produisent régulièrement dans les cales et les fonds, provoquant des morts dont personne ne se préoccupe. L’air, l’eau et les sols sont saturés de produits toxiques et de substances chimiques et de polluants – PCB, plomb, arsenic et j’en passe.

Or, les pavillons de complaisance autorisent tous les abus. Rappelons-le ici, 40 % de la flotte mondiale appartient à des compagnies européennes. Pourtant, en 2011, les deux tiers des navires européens en fin de vie battaient un autre pavillon. Cette réalité entrave la mise en place de la nécessaire logique pollueur-payeur.

La convention de Bâle aurait dû contraindre les armateurs peu scrupuleux à « nettoyer » de leurs substances les plus dangereuses les navires envoyés à la casse. Force est de constater que cette convention ne s’est pas révélée suffisamment adaptée à l’industrie navale. C’est pourquoi la convention de Hong Kong a vu le jour. Elle représente, à nos yeux, un espoir et une chance – même si, comme cela a été dit à plusieurs reprises, elle n’est pas suffisante.

Premier outil international dédié au recyclage des navires, elle concerne l’ensemble du cycle de vie des navires, du berceau à la tombe – rien que pour cette raison, elle est d’une importance fondamentale. Cette convention prolonge et complète utilement la convention de Bâle, qui ne concernait que les navires en fin de vie.

Parmi les avancées proposées, soulignons la création d’un certificat international sur l’inventaire des matériaux dangereux, qui doit accompagner le navire tout au long de sa vie, ainsi que la nécessité pour le chantier de démantèlement d’établir un plan de recyclage.

Par ailleurs, la convention impose aux États de mettre en place des contrôles et des inspections et s’est dotée de mesures contraignantes afin d’infliger des sanctions en cas de manquements aux dispositions prévues. Or, nous le savons tous, manier la carotte et le bâton est ce qu’il y a de plus efficace.

Il faut cependant souligner la nécessité d’articuler la Convention de Hong Kong avec celle de Bâle, puisque la définition du recyclage retenue ne couvre ni l’interdiction de mouvements transfrontaliers de matières dangereuses, ni le traitement de ces matières après le démantèlement du navire.

Selon la plate-forme des ONG mobilisée sur ce sujet, la convention « n'empêchera pas les déchets dangereux tels que l'amiante, les PCB, les hydrocarbures et les métaux lourds d’être exportés vers des pays en voie de développement où les communautés les plus pauvres et les travailleurs les plus désespérés en seront victimes. »

En effet, la Convention de Hong Kong ne condamne pas la méthode de l’échouage sur plages, où les navires sont découpés au chalumeau sur le sable. Pratiquée sur toutes les côtes d’Asie du Sud, là où les marées connaissent une grande amplitude, cette technique ne permet ni d’utiliser des grues, ni de faire intervenir facilement des équipes de sauvetage lorsque des travailleurs se retrouvent bloqués sous les immenses plaques de tôle qu’ils sont amenés à découper. Elle expose également les ouvriers à des substances toxiques relâchées à l’air libre. Aussi l’Organisation internationale du travail considère-t-elle qu’il s’agit de l’un des métiers les plus dangereux du monde.

Sur le plan environnemental également, cette technique se révèle extrêmement nocive, puisque les polluants se déversent directement dans le biotope marin. Les dommages sanitaires et environnementaux commis ne sont pas chiffrables et ils sont pour la plupart irréversibles. Pourtant, cet échouage restera autorisé dans le cadre de la convention, sacrifiant hommes et environnement sur l’autel du profit.

À cet égard, on lit dans une note des Armateurs de France : « Inclure des mesures d’interdiction du démantèlement sur les plages dans la Convention de Hong Kong aurait voué celle-ci à l’échec : une large majorité du tonnage mondial est actuellement démolie de cette manière. Le principe de réalité a conduit les participants à ne pas prendre de mesures explicites sur ce thème. »

C’est vous dire ce que pèse la vie d’un homme pour ces armateurs ! En effet, 80 % des navires sont ainsi démantelés. Face au principe de réalité des armateurs, le principe pollueur-payeur ne fait toujours pas le poids et ce sont des vies humaines qui en paient le prix.

Certes, nous mesurons bien les limites de la Convention de Hong Kong, qui, par ailleurs, ne règle pas la question des épaves – je pense à l’Erika et plus récemment au Costa Concordia – et ne s’applique ni aux navires de guerre ni aux navires utilisés uniquement à l’intérieur des États.

M. André Chassaigne. Très juste !

Mme Danielle Auroi. Pour aller plus loin, l’Union européenne a donc souhaité mettre en œuvre une série de mesures, détaillées dans le texte dont vous disposez, au titre de l’article 86, alinéa 7, du règlement.

En 2007 déjà était paru un Livre vert, suivi d’une résolution du Parlement européen appelant à prendre des mesures sans délai. En 2008, la Commission européenne avait présenté une communication spécifique. Enfin, en mars 2012, elle a déposé deux propositions d’actes importants, visant à ouvrir deux fronts législatifs pour donner une impulsion communautaire au dossier : une proposition de décision du Conseil « exigeant des États membres qu’ils ratifient la convention de Hong Kong » et une proposition de règlement européen destinée à anticiper cette ratification et son entrée en vigueur.

Ces propositions européennes constituent de réelles avancées, notamment dans leur condamnation de la pratique de l’échouage sur plages. L’Union européenne propose également de fournir une assistance technique et un soutien aux pays en développement.

Concernant la relocalisation des activités de démantèlement en Europe, une mission parlementaire datée de 2010 a souligné que la déconstruction ne créerait pas de grands besoins de main-d’œuvre. En revanche, les activités de dépollution peuvent quant à elles être fortement créatrices d’emplois en Europe, si tant est, bien sûr, qu’ils soient protégés du point de vue sanitaire.

Les armateurs doivent être incités plus fermement à débarrasser les navires des substances toxiques avant de les envoyer à la casse, et il faut développer une filière de construction propre qui évite à l’avenir de faire assumer par d’autres des coûts sociaux et environnementaux non pris en compte lors de la conception.

Pour nous, écologistes, l’engagement de l’Union européenne pour le recyclage des navires est un bon moyen pour parvenir à une concrétisation car, comme le soulignait notre rapporteur, la Convention de Hong Kong doit être ratifiée par quinze États pour être appliquée.

La France, et nous pouvons tous ici en être fiers, a été le premier pays à signer cette convention. On peut espérer qu’elle soit aussi le premier à la ratifier, donnant ainsi un signe fort de son engagement pour mettre fin à des pratiques dont nous avons tous souligné qu’elles étaient indignes et dangereuses.

Oui, quelles qu’en soient les limites, cette convention constitue une première avancée. Elle ne suffira pas à sauver la vie des ouvriers indiens, bengladeshis, pakistanais ou vietnamiens, qui, depuis leur enfance, travaillent sans protection sur des chantiers de démantèlement. Elle ne suffira pas non plus à restaurer les écosystèmes détruits par les métaux lourds, mais elle permettra de limiter les abus et d’encourager la mise en œuvre de meilleures pratiques sociales et environnementales.

Cependant, les États qui pratiquent les pavillons de complaisance ne verront pas l’intérêt de signer cette Convention. Aussi, permettez-moi, chers collègues, d’être un peu pessimiste.

En effet, la situation risque de se dégrader encore. Du fait de la surcapacité de la pêche mondiale, de nombreux navires vont être envoyés au démantèlement dans les prochaines années. La date butoir pour les pétroliers à coque simple est fixée seulement à 2015 ; il est donc à craindre que les installations qui ne répondent pas aux normes aient encore des carnets de commande bien remplis, au détriment de la santé humaine et des écosystèmes.

Pour conclure, signer et ratifier cette convention est un signe positif, d’autant que la France est en pointe sur ce sujet. C’est un premier pas, mais ce n’est qu’un petit pas. Il me semble que la responsabilité sociale et environnementale de tous les acteurs économiques ne progressera que sous la pression citoyenne et politique, que nous sommes là pour représenter. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC, GDR et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Leroy.

M. Arnaud Leroy. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, beaucoup ayant déjà été dit sur cette convention, je m’attacherai dans mon allocution à parler un peu du secteur du transport maritime, qui est de moins en connu, reconnu et soutenu dans notre pays.

À l’échelle internationale, cela représente 80 000 à 100 000 unités. Pour vous donner un ordre de grandeur de ce que nous devrons un jour démanteler, 40 % de cette flotte sont aux mains d’intérêts européens, ce qui nous oblige. Je suis particulièrement heureux, à cet égard, que la présidente de la commission des affaires européennes ait souligné le travail effectué au niveau européen sur ce dossier du démantèlement des navires.

Quelques chiffres ont été rappelés tout à l’heure par Noël Mamère. Nous sommes partis de 500 unités à démanteler chaque année pour en arriver à 1 000. Les prévisions en annoncent 1 200, voire plus. L’état de surcapacité de la flotte mondiale, lié à des commandes très optimistes au cours des dernières années, fait que l’on peut attendre le démantèlement de navires neufs, donc complexes, dans les années à venir.

Nous avons parlé aussi de la mise en œuvre du règlement européen et de la disparition, à terme, des pétroliers à simple coque, qui étaient du même modèle que l’Erika et le Prestige. Ces navires seront démantelés s’ils ne peuvent être transformés en pétroliers à double coque ou en bâtiments d’un autre type.

Je voudrais surtout souligner pour ma part la responsabilité de l’Europe. Lors des négociations, la France – entre autres – a joué un rôle dominant. On a parlé en début de séance de l’affaire du Clemenceau. Or il faut insister sur une « dent creuse » de la convention. Il est certes classique, en droit international, d’exclure des conventions les navires de guerre et les navires opérant pour des États. À mes yeux, toutefois, il est aussi de notre responsabilité, en tant que parlementaires, de souligner la nécessité de trouver des solutions pour de tels navires, notamment ceux des marines nationales ; c’est ce que prouvent non seulement le cas du Clemenceau, mais aussi celui des ghost ships, cette partie de la flotte américaine des années quarante et cinquante qui a traversé l’Atlantique pour être démantelée en Grande-Bretagne, ce qui avait provoqué un grand émoi.

L’opinion publique a été plus sensible dans les dernières années au démantèlement des navires de guerre, parce que les États s’en sont désintéressés. J’insiste donc sur ce point : il faudrait que nous puissions, à terme, développer une réponse pour ces cas particuliers.

Par ailleurs, les navires démantelés offrent une partie non négligeable de l’acier utilisé au Bangladesh comme en Inde : cela concerne 8 millions de tonnes de produits qui, chaque année, servent à alimenter le marché du BTP.

Le volume des déchets contenus dans ces navires est également très important, sachant que ces navires eux-mêmes peuvent parfois être considérés comme de réels déchets. Au total, cela représente 5 millions de tonnes par an de déchets potentiellement dangereux pour l’homme et pour l’environnement, composés d’amiante, d’huiles et de boues d’hydrocarbures. C’est ce qui a amené de nombreuses ONG et des experts à considérer ces navires comme l’essentiel du flux de déchets envoyés vers les pays en voie de développement ou vers les pays les moins avancés.

Nous avons évoqué à plusieurs reprises la Convention de Bâle. Je voudrais, à cet égard, revenir sur un élément important qui n’a pas été mentionné, à savoir la tentative de renforcement de cette convention, qui a échoué. Je partage un peu, de ce point de vue, le pessimisme de Danielle Auroi sur la ratification rapide, ou du moins à court terme, de cette convention. Nous aurons des efforts à faire. J’appelle moi aussi à un effort conséquent de l’Union européenne. Nous avons développé des outils communs, par exemple l’Agence européenne pour la sécurité maritime, qui a beaucoup travaillé sur ce dossier, mais il nous faut définir une stratégie.

Deux propositions de règlement ont été déposées ; les outils juridiques existent. À nous de nous en saisir et de les faire avancer. Nous ne devons pas nous cacher derrière le problème du budget, même si celui-ci se posera. Nous évoquions tout à l’heure les installations de recyclage : il faudra pouvoir les inspecter en Inde, au Bangladesh ou encore en Turquie. J’appelle d’ailleurs à ce que l’on pousse nos navires vers ce pays, qui essaye depuis des années de mettre en place un régime de démantèlement des navires, de manière propre et responsable. De plus, il est notre voisin. Ce pays a pris lui aussi une part importante dans les négociations pour élever le niveau d’exigence en matière de recyclage. Je pense donc que nous devons travailler avec lui en vue de la ratification, qui s’avère assez difficile.

Je rappelle également que l’Union européenne, lors des négociations, s’est retrouvée assez seule à défendre sa position. Même si nous représentons vingt-sept pays et si nous avons quelques alliés, nous avons du mal à faire avancer certaines causes, dont celle-ci, au sein de l’OMI.

J’appelle aussi à la vigilance à l’égard des évolutions du secteur. Le ship recycling a en effet vu apparaître un nouvel acteur, le cash buyer, c’est-à-dire la personne qui achète le bateau pour le conduire vers sa destination finale. Nous avons un mal fou à réguler cette activité et à lui faire prendre ses responsabilités – parfois même, à identifier ces acteurs. Malgré ces difficultés, nous ne devons pas abandonner le combat.

Je finirai sur une note optimiste concernant le futur, car cette convention nous offre aussi l’occasion de nous intéresser à la conception des navires et de nous interroger sur cette question. Nous savons que les matières premières deviennent de plus en plus chères ; c’est le cas, par exemple, du minerai de fer. Nous avons d’ailleurs du mal, pour certains produits, à nous approvisionner. Nous devons donc pousser en faveur de l’éco-conception des navires. Cela fait partie des éléments de réflexion du Grenelle de la mer ; il faut que nous poursuivions dans cette direction. Nous avons, en la matière, un savoir-faire en France et en Europe. Il est d’autant plus important de le défendre et de le valoriser qu’il est soumis à une compétition internationale forte et parfois faussée, car la concurrence déloyale existe aussi dans le domaine de la construction navale. Il faudrait donc que nous valorisions nos atouts et notre savoir-faire en favorisant l’éco-conception des navires, ce qui, je l’espère, donnera une bouffée d’oxygène aux chantiers navals qui résistent encore en Europe.

Pour conclure, je serai constructif : moi aussi, je voterai l’article unique de ce projet de loi de ratification de cette convention, mais en restant vigilant. Comme l’ont dit plusieurs orateurs, ce n’est là que la première brique d’un édifice dont la construction sera longue. Nous avons été patients et nous devrons l’être encore, mais nous ne devons pas être naïfs : il existe des difficultés pour la ratification et nous devons développer une stratégie au niveau européen. Il faut s’en donner les moyens et j’espère que nous y parviendrons. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, selon Éric Tabarly, la mer, pour les Français, c’est ce qu’ils ont dans le dos lorsqu’ils regardent la plage…

Ce texte nous donne l’occasion de débattre d’un des enjeux majeurs du XXIe siècle, car celui-ci se caractérisera par une forme de « maritimisation3 du monde. Trois des défis majeurs que l’humanité aura à relever ne trouveront en effet de réponses que grâce à une exploitation raisonnable et raisonnée des océans.

C’est d’abord le défi de l’alimentation. L’augmentation de la productivité dans l’agriculture ne suffira pas à répondre aux besoins d’une population qui atteindra bientôt 10 milliards d’êtres humains. Il nous faudra exploiter les ressources en protéines des océans, que ce soit par la pêche ou par l’aquaculture.

C’est ensuite le défi de l’énergie. Les mers recèlent d’importantes potentialités en matière d’exploitation des énergies marines renouvelables.

C’est enfin le défi de l’accès à l’eau potable, qui pourra être amélioré grâce aux techniques de désalinisation. C’est, là encore, une ressource importante : songez que, sur 70 métropoles de plus d’un million d’habitants qui connaissent des problèmes d’accès à l’eau potable, 41 se trouvent au bord d’une mer ou d’un océan.

Mais c’est aussi sur un plan géostratégique que le monde sera de plus en plus tourné vers les mers ; c’est ce que montre déjà ce qui se passe au large des côtes somaliennes. La France est directement concernée puisqu’elle est engagée dans l’opération Atalante, dont le but est d’assurer la sécurité des bateaux et du transit au large de la corne de l’Afrique.

Il faut savoir qu’à un instant T, 90 % des produits manufacturés se trouvent, non pas dans des usines ou dans les rayons des magasins, mais sur des porte-conteneurs ! On mesure l’ampleur de l’enjeu.

L’explosion des échanges internationaux justifie que nous nous préoccupions des outils permettant le transport des produits manufacturés et des matières premières. Songeons que le contenu des plus gros vraquiers permettrait de nourrir trois millions de personnes pendant un mois.

Le fait que la France joue un rôle pilote dans la signature et la ratification de cette convention est particulièrement important. Avec 11 millions de kilomètres carrés, elle possède le deuxième domaine maritime mondial. Elle est une grande nation maritime même si elle l’ignore parfois.

Je ne reviendrai pas sur les propos tenus précédemment.

M. André Chassaigne. Qui étaient dans le sujet !

M. Philippe Folliot. Notre pays s’honore quand il est en pointe dans ce domaine. Je pense notamment au rôle qui est le nôtre au sein de l’OMI, basée à Londres, et auprès de laquelle nous avons pris la sage décision de désigner un ambassadeur permanent.

C’est vrai, on peut toujours se poser un certain nombre de questions.

M. André Chassaigne. Vous ramez, monsieur Folliot ! (Sourires.)

M. Philippe Folliot. Notamment sur le temps qui s’écoulera avant que cette convention n’entre en application, eu égard au nombre nécessaire de pays signataires, qui doivent représenter au moins 40 % du tonnage brut de la flotte mondiale des navires de commerce.

Mais tout ce qui va dans le sens d’une pratique écologiquement et économiquement responsable est quelque chose de très positif. Pour cette raison, et dans le droit fil de ce qu’a dit mon collègue Philippe Gomès, le groupe UDI votera ce texte.

M. Philippe Gomes. Bravo !

M. André Chassaigne. Vous nous avez convaincus…

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Bacquet.

M. Jean-Paul Bacquet. Madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, chers collègues, l’image de bateaux rouillés pourrissants en bord de mer est devenue banale. De même, dans nombre de pays en voie de développement, de véritables épaves sont abandonnées et encombrent des quais déserts. Et combien de navires sont aujourd’hui dans des ports, voire échoués sur des plages, démantelés dans des conditions inacceptables sur le plan sanitaire et révoltantes sur le plan humain ? Des hommes, sans aucune protection, quelquefois pieds et mains nus, démontent des épaves en prenant des risques inconsidérés et en gaspillant leurs vies en raison de la toxicité des matériaux démontés. Pire, ce sont des enfants qui s’épuisent à transporter pièces et résidus, pour que d’autres en tirent profit.

Nous avons tous vu ces images intolérables, à la télévision, dans des revues, lors de voyages que nous avons effectués. Cette situation est préoccupante puisque 80 % des navires sont démantelés au Bangladesh, au Pakistan ou en Inde, dans des conditions détestables pour l’environnement et destructrices pour la santé humaine.

Alors, lorsque l’on sait combien la flotte mondiale vieillit et que les pétroliers à coque simple sont voués à disparaître, on mesure la nécessité d’intervenir pour définir des normes, des obligations en matière de protection de la santé et de l’environnement.

Le 15 mai 2009, dans le cadre de l’OMI, une convention a été signée à Hong Kong pour assurer un recyclage sûr et écologiquement rationnel des navires. Comment ne pas s’en réjouir ?

Mais si nous pouvons nous satisfaire de cette démarche internationale, il nous faut, hélas, en mesurer les limites. Selon l’article 2 de la convention, « le recyclage consiste à démanteler en totalité ou en partie un navire, tout en prenant soin des matières potentiellement dangereuses et en assurant le traitement ultérieur de ces matières ». On mesure, avec cette définition, la limite de la convention, puisque certains navires en sont exclus.

L’article 4 montre la fragilité de la convention, puisqu’il impose à chaque État de « veiller à ce que les navires autorisés à battre son pavillon ou exploités sous son autorité, ainsi que les installations de recyclage satisfont aux conditions de la convention ».

Lorsque l’on sait ce que représentent les pavillons de complaisance, on peut douter du respect de la convention et de la fiabilité des contrôles dans ces pays d’accueil bienveillants.

Il est rassurant, certes, de noter qu’un État signataire de la convention peut inspecter tout navire, dès lors qu’il se trouve dans l’un de ses ports, et vérifier l’existence d’un certificat international. Mais une grande liberté est laissée aux États pour déterminer les sanctions qui doivent décourager les infractions, et l’on peut craindre le laxisme de certains signataires. Parfois, le dédale administratif et réglementaire est tel que les procédures de contestation perdureront encore des décennies. Un plan de recyclage doit être établi pour chaque navire, mais on se doit de mesurer la fragilité de cette règle, la rigueur pouvant varier d’un État à l’autre. Il en est de même pour la pratique des visites initiales, de renouvellement ou finales.

Qu’entend-on par « garantir des installations de recyclage sûres et écologiques » ? Cette responsabilité est laissée aux États ; on peut se demander s’il n’aurait pas été préférable de la confier à une commission d’experts internationaux, comme l’Agence internationale de l’énergie atomique en matière nucléaire. Les accidents d’avions que l’on a connus devraient nous rendre plus exigeants et nous inciter à réprimer le laxisme dans l’évaluation ou le contrôle des compagnies dangereuses.

Enfin, s’agissant de l’évaluation des coûts induits par un recyclage de qualité, le recyclage des matériaux récupérés, la protection individuelle des travailleurs, la gestion des incidents, des accidents ou des maladies professionnelles, on mesure quels sont les États qui pourront appliquer dans les meilleures conditions cette convention. À coup sûr, les pays riches pourront protéger les travailleurs et l’environnement, mais on peut douter d’une application correcte de la convention dans les pays les plus faibles, qui recyclent 80 % des navires.

Malgré mes doutes et mes incertitudes, je souhaite que cette convention soit adoptée. C’est à partir d’une telle démarche que l’on obtiendra peut-être la rationalisation et la sécurité du démantèlement des navires. Il faut voter cette convention, car elle ne pourra être appliquée que si quinze États, dont les flottes marchandes représentent au moins 40 % du tonnage brut de la flotte mondiale des navires de commerce, et dont le volume annuel maximal de recyclage de navires au cours des dix dernières années représente au total au moins 3 % du tonnage brut de l’ensemble des flottes marchandes desdits États, ont ratifié la convention. Or, à ce jour, aucun État ne l’a ratifiée, et seuls cinq pays l’ont signée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Guittet, dernière oratrice, pour le groupe SRC.

Mme Chantal Guittet. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, chers collègues, prendre la parole en dernier et après de brillants orateurs est un exercice difficile. Je me réjouis d’avoir entendu déjà certains de mes arguments, car cela prouve une certaine unanimité dans notre assemblée.

Cette convention, même imparfaite, est le premier outil international dédié au recyclage des navires. Jusque-là, par défaut, c’est à la Convention de Bâle que l’on se référait. Cette dernière, régissant en réalité la circulation et le transfert des déchets entre États, s’avérait incomplète et non adaptée à cette activité. En effet, le navire ne répond pas à la définition du déchet dangereux et ne peut être traité comme tel. Sa dangerosité provient des matériaux polluants qu’il peut contenir.

Comme l’a rappelé le rapporteur, les mésaventures du Clemenceau – un navire militaire qui n’est pas concerné par la convention – ou de l’Otapan ont mobilisé les États autour de la question du régime juridique à appliquer lorsque des navires, arrivés au terme de leur exploitation, doivent être retirés de la navigation maritime.

Cette convention répond donc au souhait croissant des États industrialisés de faire démanteler les navires battant leur pavillon selon des méthodes compatibles avec les impératifs du droit international et de la protection de la santé humaine et de l’environnement. Elle a pour ambition de poser le cadre juridique nécessaire pour parvenir à éliminer tous les effets dommageables du recyclage.

J’ai choisi de m’attarder sur deux aspects de ce texte qui ont retenu mon attention. Le raisonnement que les Britanniques appellent cradle to grave – du berceau au tombeau – a été appliqué pour établir cette convention, afin d’appréhender l’ensemble de la problématique. Je regrette qu’il ne soit fait mention que d’une incitation à l’écoconstruction, et non pas d’une obligation, puisque le déchet le plus facile à éliminer est celui que l’on n’a pas produit. Mais on parle du contrôle des navires tout au long de leur vie et des sanctions applicables en cas de non-respect de cette convention.

En deuxième lieu, et c’est l’aspect qui me semble le plus important, la protection des travailleurs est l’une des priorités de la convention de Hong Kong alors que celle de Bâle était muette sur le sujet. La destruction de navires est loin d’être une activité sans risque, tout le monde l’a relevé. Les travailleurs mais aussi les riverains sont soumis à de multiples dangers : explosion, incendie, électrocution, exposition répétée à des produits dangereux. De plus, les conditions de travail sont particulièrement rudes : beaucoup de bruit et de vibrations, de hautes températures…

La convention prévoit des garanties pour protéger les travailleurs : un inventaire des matériaux dangereux à bord doit être établi par l’armateur ; un plan de gestion des installations de recyclage doit prévoir les procédures qui n’entraînent pas de risques pour la santé des travailleurs concernés ; un signalement des maladies professionnelles est enfin prévu.

L’entrée en vigueur de la convention devrait permettre d’améliorer de façon substantielle la sécurité des travailleurs impliqués dans les chantiers, sous réserve que les principaux États fassent évoluer leur pratique de démantèlement.

L’adoption d’une convention internationale ne suffira pas à elle seule à améliorer la situation, si les États concernés n’ont pas les moyens d’améliorer leurs installations de démantèlement. Si notre objectif est d’instaurer une industrie de recyclage maritime sûre, il faut soutenir les États qui ont une place importante dans cette filière : l’Inde, le Pakistan, le Bangladesh et la Turquie recyclent 97 % de ces navires.

La mise en place d’une coopération internationale, d’ailleurs prévue dans un article de la convention, devra prendre en compte les disparités entre les États. Des accords comme ceux qui existent entre le Japon et l’Inde permettent des transferts de technologie. Il faudra poursuivre dans ce sens et veiller au développement d’une coopération internationale.

La première étape pour garantir la sécurité des travailleurs passe par la signature de cette convention par le plus grand nombre de pays. Pour être applicable, elle doit être signée par au moins quinze États – ils ne sont encore que cinq – représentant 40 % de la flotte mondiale. Si vous l’acceptez, la France sera le premier pays à ratifier la convention et elle fera alors figure d’exemple, affirmant ainsi son attachement aux traités concernant le respect des droits de l’homme et l’encadrement des conditions de travail, dont elle est signataire. Sa position aura, je l’espère, un effet d’impulsion chez nos partenaires européens.

Pour toutes ses raisons le groupe socialiste, républicain et citoyen votera pour ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. le président. La discussion générale est close. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Hélène Conway, ministre déléguée. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, mesdames et messieurs les députés, je tiens à remercier les différents orateurs pour leurs interventions et tout particulièrement M. le rapporteur Noël Mamère, dont je salue le travail de qualité.

La convention de Hong Kong est un pas en avant – même s’il est petit comme vous l’avez dit, madame la députée Auroi – sur le chemin du démantèlement des navires dans des conditions respectueuses de l’environnement et de la santé des travailleurs. Madame la députée Guittet, vous avez tout à fait raison : nous devons rester vigilants sur ce point.

Comme l’a rappelé le rapporteur, les conditions d’entrée en vigueur sont assez lourdes. Par conséquent, il est peu réaliste d’espérer une entrée en vigueur de la convention avant 2020, ce qui paraît très loin, en effet, monsieur Chassaigne. Toutefois, en associant les États de pavillon et les États recycleurs, ces conditions garantissent qu’une fois entrée en vigueur, la convention de Hong Kong ne sera pas réservée à un petit club d’États mais aura un impact positif certain sur les pratiques actuelles de démantèlement, souvent inacceptables et intolérables, pour reprendre les termes utilisés par M. le député Bacquet.

Il fallait avoir le plus grand nombre d’États recycleurs comme parties à la convention pour réussir le parti d’introduire une culture de recyclage.

Monsieur le député Leroy, je vous précise que les navires de guerre sont couverts par le règlement européen 1013-2006 et sont déconstruits dans l’OCDE, voire dans l’Union européenne exclusivement en ce qui concerne les navires français.

Espérons que l’exemple de la France, première à signer cette convention, encouragera les autres États membres de l’Union européenne, comme l’ont appelé de leurs souhaits MM. les députés Chanteguet et Lequiller, à accélérer leur effort pour la ratifier également, et contribuera à son entrée en vigueur la plus rapide possible. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Article unique

(L’article unique est adopté à l’unanimité.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je ne suis saisi d’aucune demande d’explication de vote. En conséquence, je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté à l’unanimité.)

3

Protection physique des matières nucléaires

Discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l’approbation de l’amendement à la convention sur la protection physique des matières nucléaires (nos 11, 125).

Présentation

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée des Français de l’étranger.

Mme Hélène Conway, ministre déléguée chargée des Français de l’étranger. Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, la protection physique des matières nucléaires et des installations nucléaires contre tout acte de malveillance ou terroriste est une responsabilité de l’État.

Chaque État doit en effet procéder à une évaluation, qui lui est propre, des menaces dirigées contre lui, et appliquer ensuite des mesures spécifiques en vue de protéger ces matières et installations et d’empêcher par ailleurs l’accès à ces dernières de personnes non autorisées.

Le caractère sensible des informations justifie que cette responsabilité ne puisse être déléguée à une entité supranationale ni même soumise à son contrôle.

Pour autant, le développement de la coopération internationale dans le domaine du nucléaire civil, ainsi que les obligations qui découlent des engagements internationaux de non-prolifération, ont conduit les gouvernements à négocier, sous les auspices de l’Agence internationale de l’énergie atomique, une convention internationale sur cette question.

Cette convention sur la protection physique des matières nucléaires, adoptée le 26 octobre 1979 et entrée en vigueur en 1991 en France, prévoit des niveaux communs a minima de protection physique des matières nucléaires en cours de transport international. Elle instaure en outre une coopération entre les parties pour empêcher des infractions liées à des matières nucléaires ou, le cas échéant, récupérer des matières qui ne seraient plus sous leur contrôle. Elle leur fait également obligation de réprimer dans leur droit interne les infractions commises.

Dans le contexte particulier faisant suite aux attentats du 11 septembre 2001 et à l’émergence de nouvelles menaces, une modification des dispositions du texte est apparue nécessaire, afin de renforcer les niveaux de protection physique applicables aux matières et installations nucléaires. Tel est l’objet de l’amendement adopté par consensus le 8 juillet 2005 lors d’une conférence diplomatique des États parties, et qui fait l’objet du projet de loi aujourd’hui soumis à votre approbation.

Cet amendement à la CPPMN vise plus particulièrement à répondre à trois grands objectifs : définir des principes généraux que doivent mettre en œuvre, dans toute la mesure du possible, les États parties ; étendre la liste des infractions qui doivent être incriminées dans la législation nationale des États parties ; élargir aux installations nucléaires le dispositif de protection initialement prévu pour les seules matières nucléaires.

L’approbation de l’amendement à la CPPMN présente un intérêt majeur pour notre pays. La France possède en effet sur son territoire de nombreuses installations nucléaires dans lesquelles des quantités importantes de matières nucléaires sont mises en jeu. Elle coopère également avec de nombreux pays dans le domaine du nucléaire civil et met en œuvre, à ce titre, des transports internationaux de matières nucléaires par voies terrestre, maritime ou aérienne.

Une coopération étroite est donc indispensable dans le domaine de la protection physique, avec les pays de provenance ou de destination de ces matières nucléaires.

L’approbation de cet amendement par la France contribuera au renforcement de la sécurité des matières et des installations nucléaires au niveau international, ainsi qu’à la lutte contre la menace terroriste et la prolifération des armes de destruction massive.

Telles sont les principales observations qu’appelle l’amendement à la convention sur la protection physique des matières nucléaires qui fait l’objet du projet de loi aujourd’hui proposé à votre approbation. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires étrangères.

M. Guy-Michel Chauveau, rapporteur de la commission des affaires étrangères. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, mes chers collègues, ce projet de loi autorise l’approbation d’un amendement, adopté le 8 juillet 2005, à la convention sur la protection physique des matières nucléaires, datant elle-même de 1979 et entrée en vigueur en 1991 pour la France.

Je ne reviens pas sur les stipulations de cette convention déjà évoquées, sauf pour rappeler l’objet de la protection physique : elle vise à mettre les matières nucléaires à l’abri de tout acte de malveillance et de toute utilisation illégale. Sont concernées des matières fissiles permettant la fabrication d’armes nucléaires, notamment le plutonium, l’uranium 233 et l’uranium enrichi.

Une première conférence d’examen, réunie en 1992 pour évaluer l’application et la pertinence de cette convention, n’avait pas conclu à la nécessité d’apporter des modifications. Le contexte a toutefois changé dans des proportions considérables.

Tout d’abord, les années 1990 ont vu le développement d’un trafic illicite de matières radioactives qui témoigne de défaillances graves dans le domaine de la protection physique. Une partie des nombreux cas signalés à l’AIEA, dans le cadre de la base de données du trafic illicite, concerne des matières utilisées en médecine ou dans l’industrie, posant surtout des problèmes en termes de santé publique. D’autres cas sont encore plus inquiétants, car ils concernent des matières à usage militaire, voire de qualité militaire, posant un sérieux problème en termes de prolifération.

Depuis les attentats du 11 septembre 2001, les risques de terrorisme nucléaire sont également devenus un grave sujet de préoccupation pour la communauté internationale. Une convention relative à la répression des actes de terrorisme nucléaire a d’ailleurs été adoptée en 2005 et on ne peut que souhaiter sa ratification rapide.

Dans ce domaine, le risque principal n’est pas tant l’acquisition ou la fabrication d’armes nucléaires par des groupes terroristes, car il y faudrait la complicité d’un État, que la commission d’attentats au moyen de bombes dites sales, diffusant des matières radioactives.

À cela s’ajoutent les risques d’attaques contre des installations nucléaires, qui ont été étudiés par un groupe de travail constitué dans le cadre de l’Union européenne. Divers scénarios ont été envisagés, notamment le crash d’avions détournés, des intrusions dans les installations nucléaires ou encore des attaques informatiques.

C’est au regard de ces risques que nous devons apprécier la portée de l’amendement dont nous débattons ce soir.

Tout d’abord, il étend le champ d’application de la convention aux matières nucléaires en cours de stockage, d’utilisation et de transport au plan national. Les applications militaires demeurent exclues pour des raisons que l’on peut comprendre.

L’amendement consacre ensuite douze principes fondamentaux, issus d’un important travail normatif réalisé dans le cadre de l’AIEA et qui sont détaillés dans le rapport. En raison de divergences sur leur portée juridique et du souhait de certains États de conserver une grande flexibilité, ces principes doivent être appliqués « pour autant qu’il soit raisonnable et faisable », indique le texte. Ils n’ont donc pas de valeur contraignante, mais ils serviront de référence au plan international pour le renforcement des dispositifs de protection physique.

L’amendement introduit par ailleurs de nouvelles infractions à réprimer et il étend la coopération entre les parties, notamment en matière d’extradition. Vous me permettrez, mes chers collègues, de renvoyer à mon rapport sur ces points.

Pour toutes ces raisons, l’amendement constitue un progrès utile par rapport à la convention initiale, même s’il ne devrait pas avoir de conséquences dans notre droit : selon l’étude d’impact qui accompagne le projet de loi, ses exigences sont déjà satisfaites.

En effet, les infractions nouvelles sont déjà incriminées à l’identique dans notre droit ou couvertes de manière satisfaisante par un ensemble de textes. Par ailleurs, la France dispose d’un arsenal complet et éprouvé pour la protection physique des matières nucléaires, instauré en 1980 et régulièrement révisé. La France a d’ailleurs fait l’objet d’une évaluation dans le cadre de l’AIEA au second semestre 2011, qui a conclu à la robustesse de son dispositif.

Pour d’autres pays, dont le cadre législatif et réglementaire ne serait pas aussi développé, on peut espérer que l’amendement aura un impact positif. Néanmoins, nous ne disposons pas d’évaluations précises sur l’application de la convention à l’étranger. C’est mon premier regret : l’amendement ne permet en aucune façon d’avancer dans ce domaine. Il était sans doute nécessaire de ménager la souveraineté des États, mais des régimes de contrôle assez intrusifs ont été adoptés sur des sujets très proches et très sensibles tels que la lutte contre la prolifération des armes nucléaires et la sûreté. Il est dommage de ne pas avoir suivi ces exemples.

Autre regret : l’amendement ne concerne que les matières nucléaires et non les matières radioactives. Or, ces dernières peuvent être utilisées pour fabriquer les bombes radiologiques que j’évoquais tout à l’heure. D’ailleurs, la convention relative à la répression des actes de terrorisme nucléaire leur est applicable.

Enfin, seul un nombre limité des parties à la convention initiale a ratifié l’amendement : 56 États sur 145, soit beaucoup moins que le seuil des deux tiers prévu pour son entrée en vigueur.

Bien sûr, ces réserves ne me conduisent pas à vous demander de rejeter le projet de loi. Tout progrès est bon à prendre dans ce domaine. L’adoption de cet amendement constituera un signal politique vertueux qui soutiendra les efforts très nombreux déployés par l’AIEA, que ce soit par des recommandations pour l’établissement des régimes nationaux de protection physique, par des offres de formations pratiques, par la mise à disposition de services d’évaluation ou encore par la sécurisation de sources radioactives dans certains États.

Sous ces observations, la commission des affaires étrangères a adopté le projet de loi autorisant l’approbation de l’amendement à la Convention sur la protection physique des matières nucléaires et je vous invite, mes chers collègues, à faire de même (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Paul Chanteguet.

M. Jean-Paul Chanteguet. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, comme cela a déjà été rappelé, le présent projet de loi vise à permettre à la France d’approuver une série de modifications apportées par voie d’amendement à la Convention sur la protection physique des matières nucléaires conclue le 26 octobre 1979 et entrée en vigueur au plan international le 8 février 1987.

Si la France a de son côté signé cette convention le 13 juin 1980, elle n’a ensuite autorisé son approbation que par une loi du 30 juin 1989, pour une entrée en vigueur le 6 octobre 1991.

Dans le contexte faisant suite aux attentats du 11 septembre 2001, un renforcement des dispositions de la convention de 1979 est apparu nécessaire. C’est pourquoi, le 8 juillet 2005, sous l’égide de l’Agence internationale de l’énergie atomique, une conférence diplomatique a adopté par consensus à Vienne un amendement à la convention. Je rappelle ces dates pour montrer le chemin parcouru et surtout les difficultés à mettre en place un système efficace de contrôle de matières particulièrement dangereuses.

Le rapporteur de la commission des affaires étrangères a excellemment présenté chacune des modifications apportées. Je souhaiterais donc mettre l’accent sur quatre des principaux objectifs de l’amendement. D’abord, renforcer la protection physique des matières nucléaires par la définition des principes généraux que doivent mettre en œuvre, dans toute la mesure du possible, les États parties. Ensuite, étendre la liste des infractions qui doivent être incriminées dans leur législation nationale. Troisièmement, élargir aux installations nucléaires le dispositif de protection initialement prévue par la convention mère pour les seules matières nucléaires. Enfin, améliorer la coopération internationale entre les parties, ainsi qu’entre ces dernières et les organisations internationales, principalement pour ce qui est de l’échange d’informations.

Il ressort de l’étude d’impact présentée par le Gouvernement à l’appui de ce projet de loi que le droit existant permet d’ores et déjà de satisfaire aux obligations introduites par l’amendement.

Les principaux sujets sont en effet couverts tant par la loi du 25 juillet 1980 sur la protection et le contrôle des matières nucléaires, désormais codifiée aux articles L. 1333-1 et suivants du code de la défense, que par la loi du 14 mars 2011 relative à la lutte contre les armes de destruction massive et leurs vecteurs.

Je vous invite donc, mes chers collègues, à voter ce projet de loi comme je le ferai moi-même, sans hésitation et en faisant prévaloir un esprit de responsabilité sur toute autre considération. La France pourra ainsi ne plus tarder à joindre sa signature à celles des 56 États qui, à la date du 8 mai 2012, avaient ratifié ou approuvé l’amendement.

Une dernière remarque : la présente convention sur les matières nucléaires est complémentaire de la convention pour la répression des actes de terrorisme nucléaire, que la France a signée le 14 septembre 2005 mais pas encore ratifiée. Un projet de loi de ratification a bien été déposé sur le bureau du Sénat le 15 février 2012, mais il n’est pas encore inscrit à son ordre du jour. Il me semble important que cette inscription se fasse dès la reprise des travaux parlementaires, à l’automne prochain, de sorte que la France ait manifesté avant la fin de l’année la constance de son engagement international au niveau le plus élevé (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC et du groupe GDR.)

(Mme Laurence Dumont remplace M. Denis Baupin au fauteuil de la présidence.)

Présidence de Mme Laurence Dumont,
vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre Lequiller.

M. Pierre Lequiller. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, après la Convention sur le recyclage sûr des navires, nous abordons maintenant l’amendement à la Convention sur la protection physique des matières nucléaires. Si nous sommes réunis un 25 juillet pour cela, c’est bien que la communauté internationale a conscience des enjeux et essaye, avec les instruments dont elle dispose, de trouver des réponses aux défis du désarmement et de la non-prolifération nucléaire.

Dès 1979, la convention rédigée sous les auspices de l’AIEA sur la protection physique des matières nucléaires est conclue. Elle entrera en vigueur en février 1987. Cette convention prévoit, le rapporteur l’a rappelé, des niveaux communs a minima de protection physique des matières nucléaires en cours de transport international. Elle instaure aussi une coopération entre les parties pour empêcher les différentes infractions liées à des matières nucléaires. Elle établit, toujours sous l’égide de l’AIEA, un ensemble de recommandations en matière de protection physique des matières et installations nucléaires.

Dès 1999, la question du renforcement de la convention s’est posée. Les attentats du 11 septembre 2001 à New York ont définitivement convaincu les différentes parties et, le 8 juillet 2005, un amendement à la convention a été adopté à l’unanimité. Notre rapporteur a rappelé les objectifs de cet amendement, dont l’élargissement du champ d’application de la convention aux installations nucléaires.

À l’heure où le groupe UMP réaffirme avec vigueur, comme le président Sarkozy l’a toujours fait durant son mandat et sa campagne, son soutien déterminé à la filière nucléaire française, l’adoption de cet amendement nous paraît évidemment opportune. Il est une garantie supplémentaire donnée par notre pays sur sa volonté de transparence et de coopération en matière nucléaire civile.

Après le très grave accident survenu il y a un peu plus d’un an au Japon, après le terrible tremblement de terre et le tsunami qui ont ravagé le pays, tout ce qui peut améliorer la protection des matières et des installations nucléaires est un signal positif. Le groupe UMP votera donc sans état d’âme l’approbation de cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Gomes.

M. Philippe Gomes. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la coopération internationale pour l’utilisation à des fins pacifiques de l’énergie nucléaire est un thème qui laisse trop souvent prospérer des incompréhensions, quand ce n’est pas un profond malaise, au sein de l’opinion publique nationale et internationale. Il s’agit pourtant bien d’un enjeu majeur pour nos pays, porteur d’autant de chances que de risques que seule la mise en œuvre d’une régulation rigoureuse peut juguler.

La France est directement concernée par la question de la protection physique des matières nucléaires, puisqu’elle dispose sur son territoire de nombreuses installations dans lesquelles d’importantes quantités de matières nucléaires sont mises en jeu. Elle doit pouvoir se prémunir contre les menaces que représentent le terrorisme et la prolifération nucléaire. Tel est l’objet du texte que nous sommes invités à examiner.

Dans la situation mondiale actuelle, il est primordial que chacun des États puisse assurer la protection de ses matières et installations nucléaires contre tout acte de malveillance ou terroriste. Mais, si le domaine de la protection physique des matières nucléaires relève avant tout d’une mission régalienne de l’État, le développement de la coopération internationale dans le domaine nucléaire civil, et en particulier du transport international, peut faire l’objet d’une législation internationale.

Ainsi, dans les recommandations qu’elle a formulées en 2011, l’AIEA encourage clairement les États à coopérer et à se consulter ainsi qu’à échanger des informations sur les techniques et pratiques en matière de protection physique, directement ou par l’intermédiaire de l’Agence ou d’autres organisations concernées.

En outre, l’AIEA indique que tout régime national de sécurité nucléaire efficace doit reposer sur l’application des instruments juridiques internationaux pertinents, la protection de l’information, la protection physique, la comptabilité et le contrôle des matières, la détection et la répression du trafic de ces matières ou encore les plans nationaux d’intervention et les mesures d’urgence.

La protection physique contre l’enlèvement non autorisé des matières nucléaires et contre le sabotage d’installations ou de transports nucléaires n’est pas une préoccupation nouvelle. Elle est depuis longtemps l’objet d’une coopération au niveau international.

En 1979, le développement de la coopération internationale dans le domaine nucléaire civil, ainsi que les obligations qui découlent des engagements internationaux de non-prolifération, ont conduit les gouvernements à négocier une convention internationale sur cette question. Ainsi, 56 États ainsi que la Communauté européenne de l’énergie atomique ont adopté la convention sur la protection physique des matières nucléaires, entrée en vigueur pour la France en 1991.

Texte fondateur en la matière, la convention de 1979 régit encore aujourd’hui notre système de protection des matières nucléaires. Elle prévoit des niveaux communs a minima de protection physique des matières nucléaires en cours de transport international. Elle instaure une coopération entre les parties pour empêcher des infractions liées à des matières nucléaires ou, le cas échéant, récupérer des matières qui ne seraient plus sous leur contrôle. En outre, elle fait obligation aux États de réprimer en vertu de leur droit interne les infractions commises.

Une vingtaine d’année plus tard s’est posée la question d’un éventuel renforcement. Les attentats du 11 septembre 2001 ont convaincu les États parties d’opérer cette réforme.

C’est ainsi que, suivant les recommandations des experts nationaux et sous l’égide de l’AIEA, les États ont pris l’engagement collectif, le 8 juillet 2005 à Vienne, d’amender la convention sur la protection physique des matières nucléaires.

Premier apport de cet amendement : il étend le champ de la convention aux installations nucléaires utilisées à des fins pacifiques, qui n’étaient jusqu’à présent pas couvertes.

Deuxième apport : il permet de renforcer la coopération entre les parties et entre ces dernières et les organisations internationales.

Enfin, il étend la liste des infractions incriminées dans la législation nationale des parties en y intégrant le sabotage d’installations nucléaires, le trafic international de matières nucléaires, la menace ou la tentative de commettre de tels actes et enfin l’organisation ou la participation à un groupe de personnes commettant les infractions visées par la convention.

Ainsi, mes chers collègues, l’amendement à la convention de 1979 permet de renforcer une coopération étroite avec les pays de provenance ou de destination des matières nucléaires. Ce renforcement est nécessaire compte tenu de l’évolution des menaces qui pèsent sur l’ensemble des États parties en matière nucléaire. Pour cette raison, le groupe UDI soutiendra le projet de loi soumis au débat de ce jour.

M. Guy-Michel Chauveau, rapporteur. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Madame la présidente, madame la ministre déléguée, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur, il nous est proposé aujourd’hui de ratifier un amendement à la convention internationale sur la protection physique des matières nucléaires. Alors qu’il a été adopté par consensus en 2005, sa ratification ne nous est proposée que sept ans plus tard. Pourtant, tant son objet – la coopération internationale en matière de terrorisme et de lutte contre les criminalités après les attentats du 11 septembre 2001 – que le matériau particulier visé par le texte – le combustible nucléaire, qu’il s’agit de protéger – auraient justifié bien plus de célérité, tout particulièrement dans notre pays.

Il y a, en effet, beaucoup à dire.

Tout d’abord, l’existence même de cette convention internationale démontre à quel point l’industrie atomique dépasse très largement, en termes de dangerosité industrielle, toute autre technologie connue.

De fait, cet amendement confirme que les installations nucléaires constituent des cibles potentielles pour des attentats terroristes dont les conséquences seraient dévastatrices. Il confirme à quel point les territoires qui accueillent ces installations atomiques sont particulièrement vulnérables, a fortiori quand ces territoires eux-mêmes sont exposés à des risques sismiques ou à des risques d’inondation ou qu’ils sont le lieu d’une concentration impressionnante d’autres industries sensibles, notamment chimiques.

Je ne peux m’empêcher, lorsque j’examine ce texte et ses conséquences, de me demander si les populations qui vivent dans les environs de ces installations ne sont pas aujourd’hui des victimes collatérales potentielles, victimes d’intérêts financiers gigantesques, insensibles et incapables de contrôler la démesure des risques qu’ils font prendre à ces riverains.

Je ne peux m’empêcher de faire le parallèle avec d’autres habitants. Comment ne pas se demander s’ils ne pourraient pas se réveiller un jour, comme les riverains de Fukushima le 11 mars 2011, en ayant le sentiment d’avoir été sacrifiés sur l’autel d’un progrès bien illusoire, d’avoir été bernés, abandonnés, d’avoir vu ainsi leurs vies détruites « juste pour produire de l’électricité », pour reprendre les propos de l’un d’eux ?

Oui, à Fukushima, on le sait aujourd’hui par les rapports officiels japonais, la responsabilité de la catastrophe n’est pas seulement « naturelle ». La responsabilité est bien humaine. C’est bien l’homme qui a accumulé des risques inconsidérés qui font qu’aujourd’hui un territoire grand comme la Belgique, trois fois la Corse, est devenu inhabitable pour des décennies.

Le président de l’autorité de sûreté nucléaire française peut bien nous dire, comme il l’a fait ici en commission il y a quelques jours, qu’il savait depuis des années que la sûreté nucléaire japonaise n’était pas à la hauteur. Que ne l’a-t-il proclamé plus fort ! Que n’a-t-il multiplié les interviews, les tribunes, les conférences, pour alerter la population ! Que n’a-t-il proposé que la France stoppe toute coopération atomique, notamment ses exportations de MOX, ce combustible particulièrement dangereux à base de plutonium avec lequel fonctionnait le réacteur numéro 3 de Fukushima, qu’elle stoppe toute coopération avec un État qui mettait ainsi en danger la sécurité de sa population ! Quelle lourde responsabilité que celle de ne pas avoir tout fait alors pour faire connaître cette terrible réalité, quand on en voit les conséquences !

Quel type de collusion corporatiste, quel type de pression peut conduire des autorités supposées indépendantes à s’autocensurer ainsi et à minorer des informations aussi graves quand la sécurité de centaines de milliers de personnes est en jeu ?

Et la situation française est-elle si différente de la situation japonaise ? Hypothèse d’école : si le président de l’Autorité de sûreté portait aujourd’hui un regard aussi critique sur le système de sûreté nucléaire français, le ferait-il savoir ? Ou le tairait-il ? Ferait-il preuve du même silence complice ? Quelle crédibilité accorder aujourd’hui à ses communiqués anesthésiants sur la sûreté française, alors qu’il disait exactement la même chose du Japon il y a encore quelques années, tout en sachant que c’était parfaitement faux ?

On le sait donc aujourd’hui, la responsabilité de la catastrophe de Fukushima est humaine. Au moins peut-on penser, dans ce cas précis, qu’elle ne résulte pas d’une volonté délibérée. Qu’en serait-il demain si, en plus, c’étaient des terroristes qui décidaient de créer les conditions d’une telle catastrophe ? C’est la question que nous invite à nous poser cet amendement.

Déjà, au lendemain du 11 septembre, l’institut Wise avait tenté d’évaluer les dégâts qu’occasionnerait le crash d’un avion sur les piscines si vulnérables de La Hague. Son étude se concluait par un constat inquiétant : les conséquences d’une chute d’avion sur cette zone pourraient être comparées au drame de Tchernobyl. Le point critique se situerait au niveau des piscines de refroidissement qui concentrent 7 500 tonnes de combustibles usés. En prenant pour hypothèse la seule destruction de la plus petite piscine chargée de la moitié de sa capacité, il concluait que si un tel accident se produisait, la quantité de césium 137 relâchée serait soixante-sept fois supérieure à la quantité répandue lors de la catastrophe de Tchernobyl, à la suite de quoi le Gouvernement s’était empressé de déployer des missiles sol-air autour du site afin de dissuader toute attaque. Depuis lors, ces missiles ont été retirés en toute discrétion, sans, bien sûr, que rien ait été fait pour renforcer les toitures en tôle de ces piscines. Il faut dire que l’on s’est rendu compte entre-temps qu’il n’y a pas besoin d’un crash d’avion pour provoquer un tel accident et – comble de vulnérabilité – qu’un tir de bazooka pourrait suffire.

Sans doute serez-vous rassurés d’apprendre que le très sérieux institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l’IRSN, a estimé depuis lors que l’évaluation faite par Wise était erronée d’un facteur 10. Les habitants du Cotentin peuvent donc dormir tranquilles : ils ne seraient exposés qu’à un risque équivalent à sept fois Tchernobyl !

Las, les risques ne se limitent pas aux installations nucléaires. Pour corser le tout, nous avons ajouté sur notre territoire une spécificité bien française. Aux bombes fixes, nous avons ajouté des centaines de bombes mobiles qui traversent chaque jour notre pays, sur la route ou sur les rails, transportant des tonnes de matière radioactives, y compris en plein cœur des agglomérations les plus peuplées.

Aujourd’hui même, un train de déchets italiens a rejoint Valognes. Il l’aurait fait dans le plus grand secret sans la vigilance des associations et des syndicalistes ferroviaires.

J’étais présent ce matin à Versailles, comme j’y étais le 10 mai 2011, au passage du précédent convoi en provenance d’Italie. Sur son parcours, ce train avait transité six heures en Île-de-France. Il avait utilisé les voies du RER et traversé près de quarante gares, parmi lesquelles celles d’agglomérations importantes comme Melun, Villeneuve-Saint-Georges, Longjumeau, Massy, Versailles ou Mantes-la-Jolie.

J’étais présent à la gare de Versailles lorsque vers sept heures et demie du matin, en pleine heure de pointe, le train avait traversé cette gare à grande vitesse, à quelques centimètres des usagers des transports collectifs qui attendaient sur les quais et au milieu du va-et-vient des RER et trains de banlieue transitant par cette gare.

En dehors de celle diffusée par les militants anti-nucléaire présents, aucune information n’était donnée aux usagers ; aucune précaution particulière n’était prise pour leur protection et leur sécurité. Rien n’empêchait de possibles incursions sur les voies, sans parler d’atteintes malveillantes au chargement, alors même qu’une semaine plus tôt, à la suite à la mort de Ben Laden, les autorités françaises ne cessaient de nous alerter sur les risques terroristes menaçant la France, au nom desquels le plan Vigipirate était passé au niveau rouge renforcé.

Pourtant, le chargement de ce train était tout sauf inoffensif. Le combustible usé était composé majoritairement d’uranium, mais aussi de plutonium. Il dégageait de grandes quantités de chaleur et émettait des rayonnements radioactifs gamma se propageant à plusieurs dizaines de mètres autour des wagons, exposant à des radiations ionisantes les personnes situées à proximité, à des niveaux pouvant atteindre 20 000 fois la radioactivité naturelle.

Alors maire-adjoint de Paris, j’avais interpellé en conseil de Paris le préfet de police pour savoir quels dispositifs avaient été mis en place pour informer la population, pour informer les élus, pour prévenir un accident ou une attaque, et, plus important encore, pour protéger et évacuer la population dans une telle éventualité. Il s’était contenté de me dire, comme unique réponse, que ce transport était conforme aux textes en vigueur. Cela en disait surtout beaucoup sur la vacuité desdits « textes en vigueur ».

Précisons d’ailleurs que ces transports sont totalement inutiles pour la production électrique. Non seulement, ces milliers de kilomètres à haut risque ne contribuent pas à produire le moindre kilowattheure d’électricité, mais ils ne permettent même pas de réduire la quantité de déchets hautement radioactifs, ni de réduire leur radioactivité. Ces déchets italiens sont d’ailleurs supposés repartir en Italie entre 2020 et 2025, où rien n’est prévu pour les accueillir, et cela au titre d’un contrat, entre AREVA et son homologue italien, sur la légalité duquel l’autorité française de sûreté nucléaire avait tenu à rappeler publiquement ses réserves.

À la lumière de toutes ces informations, madame la ministre déléguée, et au vu du texte qui nous est proposé aujourd’hui, on aurait pu imaginer que, lorsqu’il y a un an, le commissaire européen à l’énergie Günther Œttinger, qui n’a rien d’un écologiste barbu et chevelu, a proposé que les évaluations complémentaires de sécurité à la suite de la catastrophe de Fukushima intègrent le risque terroriste, la France saute sur l’occasion pour améliorer sa sécurité. Au contraire, la France l’a refusé alors même que nos voisins belges et allemands, eux, ont intégré ce risque à leurs études.

Peut-être craignait-on d’avoir du mal, si on procédait à une telle évaluation, à continuer à faire croire à la population française que le nucléaire français est le plus sûr du monde, alors même qu’il est sans doute le plus vulnérable, tant par le nombre de ses installations, la concentration de matières hautement radioactives sur certains sites comme La Hague et la multitude des transports, qui multiplie les risques, que par le laxisme du contrôle.

On aurait pu imaginer que le vote du présent texte serait l’occasion rêvée de rattraper cette erreur. Las, vous nous dites déjà, comme l’a rappelé le rapporteur, que ce texte n’aura aucune conséquence directe sur le droit interne français, et cela alors même qu’il y aurait tant à redire – je crois l’avoir amplement démontré – aux « textes en vigueur », s’agissant tant de la sécurité que de la sûreté nucléaire.

En conséquence, pourquoi voterait-on un texte qui ne dit rien et ne change rien ?

Je vous le dis avec regret, madame la ministre, mais, parce que nous voulons le changement et que nous le voulons maintenant, nous ne voterons pas le présent texte. Nous nous abstiendrons, mais nous comptons beaucoup sur le débat à venir sur la transition énergétique pour mettre enfin un terme à la dangereuse exception française dont j’ai tenté de mettre en évidence certains aspects ce soir. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Madame la présidente, madame la ministre déléguée, monsieur le rapporteur, chers collègues, ce projet de loi d’approbation de l’amendement à la convention sur la protection physique des matières nucléaires nous permet de débattre à nouveau de la question de l’énergie nucléaire.

Bien évidemment, tout doit être fait pour assurer un niveau maximal de sûreté pour nos installations, qu’elles soient militaires ou civiles, sans oublier les convois de transport de matières nucléaires.

La catastrophe de Fukushima, provoquée par un séisme, a été révélatrice de graves carences. L’incapacité du gestionnaire privé, TEPCO, a rappelé l’exigence d’une amélioration drastique des processus de sûreté en vigueur sur les sites de production d’énergie nucléaire pour maîtriser cette technologie.

Mais les événements naturels exceptionnels – séismes, inondations, canicules – ne sont pas les seuls dangers. Tout l’objet de ce projet de loi est de prendre en compte d’autres formes de périls : les sabotages et les attentats dits terroristes. C’est bien la sécurisation des sites qui est en jeu.

Restaurer la confiance du public envers l’énergie nucléaire, tel est le défi auquel l’ensemble de la filière nucléaire doit s’atteler d’urgence, selon l’Agence internationale de l’énergie atomique, qui affirme vouloir « responsabiliser » les opérateurs industriels, censés tirer les premiers les conclusions de la catastrophe de Fukushima.

Quant à l’amendement à la convention de 1979, que nous examinons aujourd’hui, il trouve son origine dans les événements du 11 septembre 2001, qui ont suscité des inquiétudes fortes et qui lui ont donné toute sa pertinence. Force est de le constater : aucune de nos installations nucléaires n’est conçue pour résister à un attentat semblable à celui du 11 septembre.

Du reste, les stress tests de l’autorité de sûreté nucléaire ne prennent pas en compte ce cas de figure.

Cette insuffisance est d’autant plus regrettable que la chute d’un avion n’est pas nécessairement terroriste. Elle peut être purement accidentelle.

Certes, pour empêcher qu’un crash aérien se double d’un accident nucléaire, le survol des sites nucléaires les plus importants est aujourd’hui interdit en France, dans un rayon de 10 kilomètres et à une hauteur de 1 000 mètres, mais cette interdiction n’est que théorique. Les survols de sites censés être hautement sécurisés interviennent à intervalles réguliers. Ils sont le fait d’organisations non gouvernementales désireuses de prouver les failles des dispositifs de sécurité en vigueur sur les sites concernés. Ainsi, à la fin de l’année 2011, un engin est parvenu à survoler pendant plusieurs minutes, sans être inquiété, le site de La Hague où sont stockés des centaines de tonnes de déchets radioactifs en attente de retraitement. La centrale de Nogent-sur-Seine, qui a la particularité d’être la plus proche de la capitale, a également été le lieu d’une intrusion collective. Il y a moins de trois mois, en mai, c’est la centrale de Bugey qui était survolée grâce à un parapente à moteur avec atterrissage sans encombre sur le site.

D’autres actes, d’un tout autre ordre, parce que purement malveillants, sont à déplorer. On dénombre dans le monde, selon un expert indépendant, des centaines de cas de vol de matières radioactives, qui sont ensuite vendues sur le marché noir. Des malfaiteurs tentent parfois de faire passer leur butin, en général des déchets radioactifs, pour des matières utilisables dans la fabrication d’explosifs nucléaires. Il s’agit parfois même réellement d’uranium enrichi ou de plutonium.

À l’heure où la question de la sécurité des installations nucléaires fait régulièrement la une de l’actualité, en France comme ailleurs, les enjeux sont considérables.

L’amendement dont nous débattons contient plusieurs éléments visant à mieux protéger les matières nucléaires. Il définit les principes généraux que les États parties doivent mettre en œuvre, étend la liste des infractions qui doivent être incriminées dans la législation nationale des États parties, élargit à toutes les installations nucléaires le dispositif de protection initial, et améliore la coopération internationale aussi bien entre les parties qu’entre ces dernières et les organisations internationales, principalement en ce qui concerne les échanges d’information.

Bien entendu, ce programme est faiblement contraignant pour les États. Les susceptibilités des uns et des autres ont en effet été soigneusement ménagées, afin qu’un consensus international se dégage. Cela donne une idée des difficultés rencontrées par l’AIEA pour convaincre ses 151 membres de lui confier, en matière de sûreté des installations nucléaires, le même pouvoir coercitif qu’elle exerce en matière de lutte contre la prolifération. Elle pourrait ainsi forcer les États à coopérer, à suivre des recommandations strictes et à satisfaire aux critères de sécurité internationaux les plus rigoureux. L’AIEA n’a, à l’heure actuelle, toujours pas résolu ce problème.

La France, par rapport aux autres pays, se doit d’être doublement vigilante en matière de protection des matières nucléaires. Notre positionnement dominant en matière de retraitement des déchets nous expose en effet à plus de risques.

L’avance de la France sur le marché du retraitement des déchets nucléaires se traduit par de fréquents transports de combustible nucléaire usé, de matières recyclées et de déchets, en provenance et à destination des clients d’AREVA, qui traversent une partie de la France et d’autres pays. La protection de ces convois est d’ailleurs également visée par la convention.

Le site de La Hague lui-même a été survolé sans aucune difficulté, comme l’a rappelé Denis Beaupin il y a un instant. Selon un rapport – certes contesté – datant de la fin de l’année 2001, le crash d’un avion de ligne sur une seule des piscines de refroidissement de cette centrale pourrait conduire à un relâchement de césium dans l’atmosphère 60 fois supérieur à celui qu’a provoqué la catastrophe de Tchernobyl. On mesure dès lors l’importance des efforts à fournir pour garantir véritablement la sécurité du site.

À ce titre, la durée de vie des déchets nucléaires nécessite une sécurisation sur plusieurs dizaines d’années, et même sur des durées pouvant dépasser les centaines d’années. Comment envisager la protection physique des déchets radioactifs sans maîtrise publique de l’industrie nucléaire ?

La maîtrise publique est indispensable pour empêcher le captage par les appétits privés des ressources financières nécessaires à la recherche et au développement d’énergies nouvelles. Elle est aussi indispensable à la péréquation des tarifs, aux mutualisations et aux coopérations industrielles. Elle est seule à même de soutenir l’ambition des programmes de transition énergétique, en faisant prévaloir l’intérêt général et le droit de tous à l’énergie sur les logiques financières de rentabilité.

C’est précisément la logique court-termiste de la rentabilité qui conduit à l’abaissement des procédures de sécurité. Sous-traitance, filialisation, privatisation, réduction des coûts et des personnels : tout concourt, dans la logique du profit, à corroder l’exigence de sécurité. Ainsi, l’industrie nucléaire française fait appel à un nombre croissant de prestataires de service pour effectuer des opérations de maintenance aussi cruciales que dangereuses, en un temps toujours plus réduit, sous une pression toujours plus forte, et avec un personnel à la formation souvent insuffisante. Vingt mille personnes seraient employées par ces prestataires, dont 17 % d’intérimaires et de CDD sur lesquels se reporte désormais la responsabilité des dysfonctionnements. EDF se décharge en effet sur eux par le jeu de la sous-traitance.

Alors que la présente convention organise la coopération internationale en matière de protection physique des matières nucléaires, l’Union européenne, par le biais des directives sur l’énergie, organise concomitamment la mise à bas des normes de sécurité en promouvant la filialisation et la privatisation du secteur de l’énergie dans les pays membres.

Il y a quelque chose de paradoxal à autoriser, d’un côté, le dégagement de profits et de dividendes pour les actionnaires des grandes multinationales de l’énergie, et de l’autre, à vouloir renforcer la lutte contre les incursions, les sabotages ou les actes terroristes visant des installations nucléaires !

La recherche de la sécurité maximum pour l’industrie nucléaire exige la maîtrise publique à 100%, excluant ainsi tout critère de gestion de type privé. Vous l’avez compris, pour les députés que je représente, la seule réponse qui vaille aux défis de la sûreté et de la sécurité nucléaires est la création d’un véritable service public, à travers la constitution d’un pôle public de l’énergie émancipé des logiques financières.

Ce pôle serait doté des capacités d’investissement nécessaires pour soutenir la recherche, promouvoir un plan industriel de développement des énergies renouvelables, et développer de nouvelles capacités de production, tout en maintenant un coût d’accès à l’énergie acceptable pour tous les usagers.

Il s’agirait également de fédérer tous les acteurs de la filière énergétique, qu’ils relèvent de la recherche, de la production ou de la distribution de l’énergie – et en premier lieu EDF, GDF, le CEA et AREVA – pour aller vers une nouvelle forme de nationalisation. L’Autorité de sûreté nucléaire, et l’Institut de recherche en sûreté nucléaire qui lui apporte un soutien technique, doivent rester, en toute indépendance, les outils de contrôle de la sûreté et de la radioprotection.

L’ASN rappelle, à juste titre, que la sûreté ne dépend pas seulement de conditions technologiques, mais repose fondamentalement sur les hommes. Ainsi nous exigeons, à nouveau, le renforcement des effectifs qualifiés et un haut niveau de garanties sociales pour l’ensemble des salariés concernés par l’exploitation, la maintenance et la sécurité des centrales, comme pour les installations du cycle du combustible, de la mine au traitement des déchets.

Les députés du Front de Gauche voteront en faveur du présent texte, comme l’ensemble du groupe GDR. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

(M. Denis Baupin remplace Mme Laurence Dumont au fauteuil de la présidence.)

Présidence de M. Denis Baupin,
vice-président

M. le président. La parole est à M. Christian Bataille.

M. Christian Bataille. La production, la circulation et le commerce des matières nucléaires ne peuvent obéir aux règles ordinaires du commerce mondial, qui repose sur les principes du libre-échange.

La production et le transport des matières nucléaires ne peuvent être confiées à des entreprises sans être encadrées par des règles. Il en va de même au niveau international : chaque pays dirigé par un gouvernement indépendant est libre de déterminer sa conduite, mais pour ce qui est des matières nucléaires, la concertation internationale est incontournable.

Cette concertation doit déboucher sur des règles communes, discutées et acceptées par tous, pour organiser la sécurité des installations nucléaires et du transport des matières nucléaires, interdire la prolifération de ces matières, et prévenir les malveillances et le sabotage. Une action nationale isolée ne peut répondre à ces impératifs. Le droit international s’impose.

Les règles actuellement en vigueur sont issues d’une convention de 1979. Si l’action propre de chaque pays est indispensable, la concertation internationale et la fixation de règles communes ne le sont pas moins. Cette concertation s’est déroulée progressivement de 1979 à 2005. Plus d’un quart de siècle sépare en effet la signature de la convention sur la protection physique des matières nucléaires en 1979 et l’adoption en 2005 de l’amendement que nous examinons aujourd’hui.

Or, au cours de ce quart de siècle, la situation des matières et des installations nucléaires a considérablement évolué. Le contexte international s’est, lui aussi, profondément transformé. Le monde, autrefois organisé autour de deux grandes puissances, est devenu plus complexe, multiforme et dangereux.

L’amendement à la convention sur la protection physique des matières nucléaires, sur lequel nous devons nous prononcer, répond-il à ces nouveaux défis ? Incontestablement oui, malgré ses limites. En étendant le champ d’application de la convention, en renforçant les exigences en matière de protection physique, en élargissant le champ de la coopération internationale, cet amendement constitue un pas dans la bonne direction.

Toutefois, force est de constater la lenteur du processus d’élaboration et de ratification de cet amendement, d’autant plus que, comme l’a souligné le rapporteur Guy-Michel Chauveau, celui-ci n’entrera en vigueur que lorsqu’une quarantaine de pays supplémentaires l’auront ratifié, ce qui prendra encore du temps. Le récent sommet de Séoul a confirmé la difficulté de faire avancer la coordination internationale en matière de sécurité nucléaire, malgré l’engagement d’une poignée de pays – dont le nôtre – à renforcer la sécurité des sites contenant de l’uranium hautement enrichi.

Or j’estime que la sûreté nucléaire ne se conçoit que dans une logique de progrès permanent. Ne pas avancer dans ce domaine nous exposerait à des risques croissants et changeants auxquels nous ne serons pas prêts à faire face.

Alors, que faire ? La lente progression de la coopération internationale ne laisse pas entrevoir la possibilité d’une organisation supranationale ayant vocation, à terme, à prendre le relais des contrôles publics nationaux.

Tout accident nucléaire a des conséquences internationales, ce qui implique deux choses. D’une part, il convient d’établir des normes internationales de sécurité. D’autre part, il faut que le respect de ces normes soit garanti par une surveillance elle aussi internationale. Cette double exigence est intellectuellement satisfaisante, mais elle ne correspond pas à la réalité des relations diplomatiques.

Car la souveraineté des États constituera toujours un obstacle potentiel à l’efficacité des contrôles. Il faut, pour que des contrôles étrangers soient possibles, que les États les acceptent explicitement. D’autre part, le jeu des relations diplomatiques implique une recherche permanente d’équilibre entre des intérêts nationaux divergents. Cet état des choses est incompatible avec la rigueur absolue – j’insiste sur l’adjectif « absolue » – que suppose la sécurité nucléaire.

Si j’ai de sérieux doutes quant à la pertinence d’une centralisation mondiale de la gestion de la sécurité nucléaire, je suis en revanche convaincu qu’un renforcement de la coopération internationale, notamment au niveau européen, permettrait de progresser plus vite sur cette question. Cette coopération européenne serait très bénéfique : multiplier le nombre de regards indépendants sur les installations nucléaires ne peut qu’améliorer la détection des problèmes.

La France est un des acteurs principaux de l’industrie nucléaire au niveau mondial. Nous nous sommes dotés très tôt d’une législation et d’une organisation propres à assurer la sécurité et la sûreté de nos installations nucléaires. Cela explique que la mise en œuvre de cet amendement n’implique aucune adaptation de notre législation.

Cela explique également que notre pays exerce une influence certaine en matière de gestion des déchets nucléaires, au plan international et européen. En témoignent les réformes récemment engagées en Russie, les réflexions actuellement menées aux États-Unis – comme l’étude publiée en septembre 2010 par le Massachusetts Institute of Technology sur l’avenir du cycle de combustible – ou encore la directive européenne sur la gestion du combustible usé et des déchets radioactifs, qui est calquée sur la législation française.

Notre autorité de sûreté nucléaire indépendante, l’ASN, est reconnue comme l’une des deux plus solides au monde avec l’autorité américaine. Son statut a garanti, jusqu’à ce jour, la complète autonomie de ses analyses, la totale transparence de son fonctionnement, et la pleine autorité de ses décisions.

M. André Chassaigne. C’est vrai !

M. Christian Bataille. Après la catastrophe au Japon, au début de l’année dernière, les pays européens, au premier rang desquels la France, ont été les premiers à réagir. Cette réaction préventive a reposé sur deux initiatives : les stress tests et les contrôles de sûreté. La coopération entre les autorités nationales de sûreté des pays européens, regroupées au sein de la WENRA – l’association des régulateurs d’Europe de l’ouest –, sous l’impulsion de notre autorité de sûreté, a permis de définir très rapidement un cahier des charges commun. Ce cahier des charges est d’ailleurs basé sur les principes définis pour les contrôles français. Les stress tests ont été ensuite mis en œuvre simultanément dans tous les pays de l’Union européenne dotés d’installations nucléaires. Depuis, l’exemple européen a conduit d’autres pays, notamment la Suisse et l’Ukraine, à mettre en œuvre ces mêmes stress tests.

Si nous prenions, de la même façon, sous l’impulsion de la France, une initiative au niveau européen en matière de sécurité nucléaire qui permettrait d’aboutir dans un temps beaucoup plus court à des progrès réalisables, je suis persuadé que le même effet d’exemplarité pourrait agir au niveau de notre continent, mais aussi au-delà. Encore faut-il, bien entendu, que tous les pays concernés par ces problèmes de sécurité physique soient aussi dotés d’une structure législative adaptée, ce qui est, par exemple, indispensable pour mettre en œuvre un amendement à une convention tel que celui que nous examinons présentement. C’est aussi pourquoi la diffusion du savoir-faire en matière de nucléaire civil ne peut s’envisager dans tous les pays, indépendamment du niveau de développement de leur système législatif et de leur infrastructure technologique.

Je tiens à souligner que notre travail de législateur est essentiel en matière de sûreté et de sécurité nucléaires, car un État de droit solide constitue la pierre angulaire d’une application rigoureuse des procédures permettant de les garantir.

En conclusion, je veux affirmer que la France a, pour de multiples raisons, intérêt à l’exemplarité en matière de combustible nucléaire – qu’il s’agisse de son enrichissement, de son retraitement ou de son transport – et de gestion des déchets. Nous avons encore quelques atouts industriels majeurs dans le monde difficile qui est le nôtre. L’industrie nucléaire en est un. C’est une chance que nous ne devons pas oublier. L’approbation de ce texte, à laquelle je vous invite, relève de cette démarche. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Line Reynaud.

Mme Marie-Line Reynaud. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, notre assemblée examine ce soir le projet de loi autorisant l’approbation de l’amendement à la convention sur la protection physique des matières nucléaires. Les hasards du calendrier font que cet examen coïncide avec un récent transport de déchets nucléaires dans notre pays. En effet, comme l’a rappelé M. Baupin, un convoi ferroviaire transportant du combustible nucléaire italien usé a quitté l’Italie dans la nuit du 23 au 24 juillet pour rejoindre une usine de retraitement.

La convention multilatérale sur la protection physique des matières nucléaires, conclue le 26 octobre 1979 et ouverte à la signature à Vienne et à New York le 3 mars 1980, est entrée en vigueur le 8 février 1987. Elle compte aujourd’hui 111 États parties ainsi que la Communauté européenne de l’énergie atomique, Euratom. Elle est d’une durée illimitée et l’Agence internationale de l’énergie atomique en est le dépositaire. La convention oblige les États parties à protéger, pendant le transport international et conformément aux niveaux convenus, les matières nucléaires utilisées à des fins pacifiques. Les États parties ont l’interdiction d’exporter, d’importer ou d’autoriser le transit sur leur territoire de matières nucléaires à moins qu’ils n’aient reçu la garantie que ces matières seraient protégées conformément aux dispositions de la convention. Les États parties sont aussi tenus d’informer les autres États parties en cas de vol simple, de vol qualifié ou de détournement de matières nucléaires.

À l’initiative du directeur général de l’AIEA, un groupe d’experts nationaux avait été réuni en novembre 1999 afin d’étudier les possibilités de renforcer la convention sur la protection physique des matières nucléaires du 26 octobre 1979. Les attentats du 11 septembre 2001 à New York et à Washington ont convaincu les parties à la convention qu’un renforcement de cette dernière était devenu nécessaire dans le nouveau contexte international créé par cet attentat de grande ampleur. Un deuxième groupe de travail, représentant environ une cinquantaine d’États parties et présidé par la France a, alors, été constitué. Le projet d’amendement proposé est inspiré des recommandations du premier groupe d’experts et se révèle, aujourd’hui, consensuel pour l’essentiel après un processus très long et très difficile.

Après l’exposé de M. le rapporteur, je ne rappellerai que les quatre principaux objectifs de l’amendement du 8 juillet 2005. L’entrée en vigueur de ce dernier permettra de renforcer la protection physique des matières nucléaires par la définition de principes généraux que doivent mettre en œuvre, dans toute la mesure du possible, les États parties. La liste des infractions qui doivent être inscrites dans la législation nationale des États parties sera étendue. Le dispositif de protection initialement prévu par la convention mère pour les seules matières nucléaires sera étendu aux installations nucléaires. Enfin, cet amendement permettra d’améliorer la coopération internationale entre les parties et entre ces dernières et les organisations internationales, principalement en ce qui concerne les échanges d’informations.

Mes chers collègues, nous le savons, notre pays possède, sur son territoire métropolitain, de nombreuses installations nucléaires dans lesquelles des quantités importantes de matières nucléaires sont utilisées. Il coopère également avec de nombreux pays dans le domaine nucléaire civil. Enfin, il convient de noter la présence à La Hague, dans le département de la Manche, d’une usine de retraitement des déchets d’AREVA. Ces trois facteurs génèrent de nombreux transports internationaux de matières nucléaires et radioactives. Ces transports se font par voies ferroviaire ou routière avec nos pays voisins d’Europe continentale et par voie maritime ou aérienne avec des pays lointains à l’image, par exemple, des transports par bateaux de combustible usagé entre La Hague et l’archipel nippon. Une coopération étroite avec les pays de provenance ou de destination des matières nucléaires, dans le domaine de la protection physique de ces matières, est donc indispensable pour faire face à la menace terroriste et pour lutter contre la prolifération des armes nucléaires.

Je ne redirai pas les réserves de notre rapporteur, que je fais miennes. Toutefois, mes chers collègues, l’approbation de cet amendement permettra de renforcer la sécurité des matières nucléaires présentes sur notre sol ou en transit. À l’heure où les risques nucléaires sont nombreux au plan international, entre accident, sabotage d’une installation ou bien encore prolifération des armes nucléaires, l’adoption de cet amendement constituera un signal politique fort et vertueux en faveur d’une prise de conscience mondiale des enjeux considérables de la sécurité nucléaire.

Pour toutes ces raisons, je vous invite donc à adopter ce projet de loi et je forme le vœu que tous les pays ratifient rapidement l’amendement pour qu’il entre, enfin, en vigueur. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la ministre.

Mme Hélène Conway, ministre déléguée. Je tiens à remercier les différents orateurs et particulièrement M. le rapporteur, Guy-Michel Chauveau, pour le travail de qualité – je parlerai même de travail de pédagogie – qu’il a accompli sur un sujet aussi technique.

Monsieur le député Bataille, vous avez justement rappelé que sept années ont été nécessaires pour mettre pleinement en accord notre législation interne avec les exigences de ce texte. Mais la France n’aura pas attendu cette ratification pour montrer l’exemple. Ainsi, en 2011, nous avons demandé à l’Agence internationale de l’énergie atomique qu’elle procède, sur notre territoire, à l’évaluation des mesures nationales de sécurité. Les résultats sont probants et à l’honneur de notre dispositif national, ce qui peut, je le pense, rassurer M. le député Chassaigne.

Par ailleurs, dans tous les accords bilatéraux de coopération dans le domaine de l’utilisation pacifique de l’énergie nucléaire, la France demande à ses partenaires de respecter les plus hauts standards en matière de sécurité nucléaire. Je comprends que certains préféreraient un système international de surveillance de la mise en œuvre de ces mesures ; il existe même s’il n’est pas contraignant. Je pense, par exemple, aux deux sommets sur la sécurité nucléaire – Washington en 2010 et Séoul en 2012 – au cours desquels la France a plaidé pour une attention accrue à la sécurité des matières radiologiques. Je pense aussi au rapport annuel de l’AIEA sur la gestion de la sécurité nucléaire.

Grâce à cette ratification, la France pourra mener une politique active de promotion de cet outil et pourra aussi aider nos partenaires à mettre en œuvre les mesures de sécurité répondant aux plus hauts standards. Ce dispositif serait utilement complété par la ratification de la convention des Nations unies sur les actes de terrorisme nucléaire. Je ne peux que m’associer aux députés Chanteguet et Baupin pour souhaiter son examen rapide.

Notre pays bénéficiant d’une expertise reconnue dans le domaine du nucléaire civil, sa voix portera maintenant d’autant plus grâce à la ratification de ce texte.

Article unique

(L’article unique est adopté.)

Vote sur l'ensemble

M. le président. Je ne suis saisi d’aucune demande d’explication de vote. En conséquence, je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

4

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, mardi 31 juillet 2012 à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Navettes diverses.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 26 juillet 2012, à zéro heure cinquante-cinq.)