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Première séance du lundi 4 février 2013

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

Ouverture du mariage
aux couples de personnes de même sexe

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe (n°s 344, 628, 581).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a poursuivi la discussion des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 33 à l’article 2.

Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, je suis très heureux de vous retrouver depuis tout à l’heure. (Sourires.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Nous aussi !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour un rappel au règlement.

M. Marc Le Fur. Je tiens tout d’abord à vous présenter mes respects de l’après-midi, monsieur le président, et à saluer l’ensemble des personnes présentes. Nous apprécions le retour de la ministre de la famille. Je constate que ceux qui sont là étaient également présents ce matin à huit heures…

Mon rappel au règlement a trait au respect de l’article 40.

À la suite de l’adoption d’un amendement de notre rapporteur, l’article 2 contient une disposition qui change assez fondamentalement l’état civil et va donner du travail aux services d’état civil des mairies, mais ce n’est pas comptabilisable et ce n’est pas l’objet de mon intervention.

Par contre, vous en êtes convenus, les noms vont devenir beaucoup plus longs puisque l’on associera dans bien des cas le nom du père et celui de la mère, et il va falloir changer tous les formulaires. L’amendement du rapporteur crée donc une charge et je ne comprends pas qu’il ait pu passer le filtre de l’article 40.

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, pour un rappel au règlement.

M. Alain Tourret. Je n’ai pas l’habitude de faire des rappels au règlement,…

M. le président. C’est vrai !

M. Alain Tourret. …j’ai dû en faire deux ou trois tout au plus dans ma carrière de député, mais, sur le fondement de l’article 58, qui concerne le déroulement de la séance, je voudrais dire solennellement à mes collègues de l’opposition qu’il était insupportable hier de les entendre mettre en cause des personnes de façon permanente, le rapporteur, d’abord, traité de tous les noms d’oiseau,…

Plusieurs députés du groupe UMP. Non !

M. Alain Tourret. …et les deux ministres, avec leurs allusions à Mme la ministre de la famille.

M. Patrick Hetzel. Elle n’était pas là !

M. Alain Tourret. J’aimerais que cela cesse. Sur un sujet aussi important, qui met en cause un certain nombre de valeurs, je le reconnais, il est insupportable que l’on attaque ainsi les gens, y compris, pratiquement, sur leur vie privée.

Je ne voudrais pas, monsieur le président, que cela continue comme hier. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

M. le président. Je vous remercie de votre intervention, monsieur Tourret. Je pense que chacun tirera les leçons du travail que nous avons effectué. Les conditions étaient peut-être un peu difficiles physiquement mais il y a eu de véritables échanges.

Je tiens de nouveau à féliciter le rapporteur pour le travail qu’il a réalisé. Au moment où nous examinons le contrat de génération, il serait bon que ceux qui ont plus d’heures de vol aident les nouveaux parlementaires pleins de talents potentiels à occuper leur poste dans les meilleures conditions possibles. Vous avez été nombreux à souhaiter avoir des réponses précises des membres du Gouvernement. Ils sont ici chez nous et le moins que nous puissions faire, c’est d’écouter leurs réponses pour être à même de mieux réagir à leurs différentes interventions.

Nous en resterons là pour les rappels au règlement. Vous vous êtes fait « avoir », monsieur Mariton. Vous étiez légèrement en retard, en dépit de votre présence assidue, et M. Le Fur vous a grillé la politesse. (Sourires.)

M. Hervé Mariton. Je voulais simplement dire que le contrat de génération n’est pas davantage financé !

Article 2 (suite)

M. le président. Nous commençons par une série d’amendements identiques.

La parole est à M. Marc Le Fur pour soutenir l’amendement n° 81.

M. Marc Le Fur. Le nom de l’enfant sera automatiquement l’association du nom du père et de celui de la mère. Cela concerne l’ensemble des enfants, ceux des familles homoparentales mais aussi, et ce seront les plus nombreux, ceux des familles hétérosexuelles. Cela va bouleverser la vie des familles.

Il sera toutefois possible de déroger à cette disposition par accord conjoint des parents, qui pourront faire une démarche commune pour dire qu’ils veulent le seul nom du père, le seul nom de la mère, ou les deux noms dans un ordre différent.

Soit, mais vous comprenez bien qu’une démarche d’état civil, c’est long et pénible. On a autre chose à faire au moment de la naissance d’un enfant, et la maman peut avoir elle-même des difficultés.

Je vous propose donc que la démarche d’un seul parent suffise. Il s’agit en l’occurrence de personnes mariées et l’on peut considérer qu’elles se font confiance.

Arrêtons de compliquer la vie des familles. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Elle est assez compliquée comme ça.

M. Patrick Hetzel. Eh oui !

M. Marc Le Fur. Il faut s’occuper des enfants, les inscrire ici ou là. Si, à chaque fois, les deux parents doivent être là, nous allons énormément compliquer la vie de nos concitoyens, qui est déjà difficile.

Partons donc d’un principe simple. La démarche pourrait être effectuée par une seule personne, l’un des membres du couple, marié. C’est du bon sens.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton pour soutenir l’amendement n° 404.

M. Hervé Mariton. L’idée, dans le fil de nos discussions de ce matin, est qu’il faut s’éloigner le moins possible du dispositif actuel et que, sauf décision explicite contraire, c’est le nom du père qui est transmis. C’est un schéma qui nous paraît juste. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) C’est tout simplement celui qui correspond à la culture de notre pays.

Je félicite le rapporteur et la commission des lois d’avoir assez remarquablement réussi, ces dernières heures, à faire passer dans la presse l’idée que ce que nous avons voté ce matin ne concernerait que les enfants adoptés. Ce qui a été voté ce matin, avec toutefois une attention pertinente du Gouvernement à l’évolution du processus législatif, c’est bien l’inversion de la désignation patronymique pour tous les enfants. Vous avez entretenu assez remarquablement le brouillard pour faire croire que seuls les enfants adoptés étaient concernés par le dispositif. C’est faux. Plusieurs centaines de milliers d’enfants qui naissent chaque année en France sont concernés par cette inversion de logique. Désormais, on aura le nom accolé Durand-Martin si le père s’appelle Durand et la mère Martin, à moins de demander explicitement que l’enfant s’appelle Durand.

M. Bernard Roman. Cela ne concerne que les cas de désaccord entre parents !

M. le président. La parole est à M. François de Mazières pour soutenir l’amendement n° 470.

M. François de Mazières. Marc Le Fur l’a extrêmement bien expliqué, et cela a été confirmé par Hervé Mariton : nous essayons logiquement de revenir à des choses simples que tout le monde comprend.

Le nom patronymique du père permet d’intégrer l’enfant dans une généalogie, et nous sommes revenus plusieurs fois sur l’importance pour l’enfant de s’intégrer dans une histoire familiale. Lors de son audition, le professeur Flavigny nous a expliqué combien il était essentiel pour un enfant d’arriver à s’intégrer dans une histoire patronymique.

Dans cette logique, nous essayons d’éviter toute confusion et toute complexité. Nous voyons bien dans nos mairies combien ce sont parfois les choses simples qui permettent de donner les meilleurs cadres à nos concitoyens.

Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le président Patrick Ollier pour soutenir l’amendement n° 529.

M. Patrick Ollier. Sur le fond, le texte crée des complications évidentes et cet amendement tend à simplifier les choses.

L’inversion de la désignation patronymique est grave, et je voudrais revenir comme M. de Mazières sur le besoin pour l’enfant de se retrouver dans son histoire familiale.

Je ne sais pas si certains d’entre vous se sont lancés dans des recherches généalogiques sur leur famille. Moi, j’ai essayé d’en faire sur le nom de mon père.

M. Jean-Marc Germain. J’ai abandonné !

M. Patrick Ollier. Je le comprends mais, demain, vous n’essaierez même pas, car la confusion des noms que vous prônez entraînera une perte de repères supplémentaire en plus de toutes celles qui ont été induites dans ce texte, ce qui brouillera l’histoire familiale pour l’enfant. Nous ne pouvons pas l’accepter.

Sur la forme, c’est un amendement de simplification car les complications de la vie actuelle rendent les déclarations difficiles. Je vois les queues qu’il y a le soir dans ma mairie, à Rueil-Malmaison, quand on fait des nocturnes jusqu’à vingt-deux heures pour que des personnes travaillant dans la journée puissent faire des démarches.

Las, vous compliquez encore les choses. Nous voulons simplement faciliter la vie de nos concitoyens en proposant qu’il ne faille qu’une simple déclaration en mairie, comme cela se faisait avant, sans qu’il soit nécessaire d’entreprendre des démarches inacceptables.

C’est donc dans un souci de simplification, un souci d’économie, parce que cela coûte de l’argent aux mairies, et, surtout, le souci de préserver l’histoire familiale à travers la généalogie que nous vous proposons cet amendement.

Mme Marie-George Buffet. L’histoire n’est-elle donc que masculine ?

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin pour soutenir l’amendement n° 606.

M. Philippe Gosselin. Je salue la présence de nos ministres, Mme la garde des sceaux, Mme la ministre de la famille, que je suis ravi de retrouver. Nous vous parlerons de nos péripéties de cette nuit. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marcel Rogemont. Ça suffit !

M. Philippe Gosselin. Mon ton est badin et léger. Je suis content de voir que, comme pour La Pérouse, nous avons des nouvelles.

M. le président. Monsieur Gosselin, je vous ai connu mieux inspiré !

M. Philippe Gosselin. Nous sommes en décalage horaire, il y a un jet lag redoutable entre le 101 rue de l’Université et le 126. (Sourires sur quelques bancs.)

L’article 2 concerne les patronymes, les noms de famille, dont nous avons longuement débattu ce matin entre sept et huit heures. Sur ce sujet d’importance, nous avons été pour une part, je le crois, entendus. Il y a une vraie difficulté dont chacun a pu juger les éléments. C’est ce qui nous amène demander la suppression, à l’alinéa 3, du mot « conjointe ».

Afin d’éviter qu’un acte volontaire et écrit soit nécessaire pour que seul le patronyme paternel soit transmis, c’est un amendement de repli que nous avons formulé, qui permet au parent venant déclarer un enfant en mairie de dire à l’officier d’état civil s’il souhaite qu’un seul nom patronymique soit retenu pour l’enfant, alors que le principe du double nom est plutôt mis en avant dans des conditions posant un grand nombre de difficultés comme nous l’avons vu ce matin à la levée du soleil.

Cela permettra également de ne pas augmenter le nombre de formalités administratives nécessaires ni la charge du fonctionnaire d’état civil.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss pour soutenir l’amendement n° 718.

M. Frédéric Reiss. L’article 2 est un modèle du genre, et j’emploie le mot « genre » à dessein. (Rires sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Les actuelles dispositions relatives au patronyme et au nom de famille sont tout à fait suffisantes et satisfaisantes. Tous les Français sont concernés par ce dispositif, qui est, je l’ai déjà dit, une véritable usine à gaz compliquant tout. Mme la garde des sceaux l’a d’ailleurs parfaitement compris, invitant, au petit matin, la majorité à revoir sa copie. Nous pensons, quant à nous, que cette copie n’a aucune raison d’être. M. Le Bouillonnec a déployé de grands efforts pour nous expliquer que l’on pourrait choisir le nom du père, celui de la mère ou celui des deux, dans la limite du premier nom de famille pour chacun d’eux, accolés dans l’ordre de son choix. Or je lis : « accolés dans l’ordre alphabétique ». Ce n’est pas tout à fait la même chose !

M. Christian Assaf. En cas de désaccord !

M. Marcel Rogemont. Il ne sait pas lire !

M. Frédéric Reiss. Cela signifie qu’à long terme tous les noms commenceront par A.

Que veut réellement la majorité ? Une société égalitaire, égalitariste qui, sous prétexte de légaliser l’adoption pour les couples homosexuels, stigmatise l’ensemble des familles normales ou classiques ? D’ailleurs, où est la normalité dans tout cela ? En ce qui concerne la filiation, la présomption de paternité ne pouvant pas s’appliquer aux couples de même sexe, quelle place restera-t-il pour le tiers, c’est-à-dire le parent biologique, qu’il soit connu ou anonyme ? Chers collègues, si vous pensez que les Français ont élu François Hollande et vous-mêmes pour cela, vous vous trompez.

M. André Schneider. Et comment !

M. Frédéric Reiss. Je suis persuadé que nombre de Français qui ont voté François Hollande à l’élection présidentielle le regrettent amèrement en voyant la majorité faire passer en force ce projet qu’ils ne souhaitent pas. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Daniel Gibbes pour soutenir l’amendement n° 1236.

M. Daniel Gibbes. Tout comme nous avons terminé la séance précédente, nous ouvrons celle-ci dans un esprit de simplification, et je m’inscris naturellement dans la même démarche que mes collègues. Il s’agit de simplifier une formalité administrative. Comme cela a très bien été expliqué, ces amendements identiques ont pour objet d’éviter qu’un acte écrit et volontaire soit nécessaire pour que le seul nom du père soit transmis. Ces amendements de repli permettent de ne pas alourdir les formalités administratives de déclaration d’un enfant en mairie. Je vous appelle, chers collègues de la majorité, à nous rejoindre en les votant.

M. le président. La parole est à M. David Douillet pour soutenir l’amendement n° 1380.

M. David Douillet. Alourdir, compliquer les choses est souvent source d’erreur. Il y a dans les actes civils beaucoup d’erreurs qui portent préjudice aux gens quand ils prennent pied dans la vie, notamment au moment de la majorité. Ces sources d’erreur alourdiront le travail des tribunaux, déjà saturés de tels dossiers. Le bon sens doit prévaloir, et c’est pourquoi il faut adopter la simplification que nous proposons, afin d’éviter que tout le monde, les tribunaux, les familles, perdent du temps, et de prévenir les risques d’erreur.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour soutenir l’amendement n° 1591.

M. Jean-Frédéric Poisson. Avant de présenter cet amendement, je voudrais revenir sur le rappel au règlement de notre collègue Marc Le Fur et le filtre de l’article 40. Il serait souhaitable qu’un réexamen ait lieu. Nous serions très intéressés de connaître le cheminement de cet amendement devenu article 2 en commission.

M. Bernard Roman. C’est le président de la commission qui décide !

M. Marc Le Fur. Il n’a pas signé !

M. Bernard Roman. Vous ne connaissez pas le règlement !

M. Jean-Frédéric Poisson. Le président de la commission n’a pas été interrogé, monsieur Roman ! Je comprends que vous soyez un peu fébrile puisque vous avez apparemment subi un petit coup de froid, comme M. Philippe Martin, d’ailleurs, et nous vous souhaitons à tous deux un prompt rétablissement.

Nous avons vu, entre sept et huit heures ce matin, que cet amendement adopté par la commission aurait un fort impact et nous avons compris que Mme la garde des sceaux souhaitait que sa formulation évolue au cours de la navette parlementaire. Notre collègue Jean-Marc Germain défendra quant à lui un amendement parce que le système retenu n’est pas idéal selon lui. Décidément, les critiques sont nombreuses sur cet article.

Il nous paraît nécessaire de faire évoluer le texte, de revenir à l’essentiel, de faire en sorte que cette habitude ancienne dans notre pays et à présent en cause continue d’avoir cours et que les noms de famille continuent de se transmettre selon les modalités actuelles. Cela nous semble important pour préserver l’intégralité des communautés familiales, le sentiment d’appartenance à une famille, qui est aussi assuré par le fait que l’on porte le même nom même sans être ascendants en ligne directe.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier pour soutenir l’amendement n° 1747.

M. Guillaume Chevrollier. Cet amendement tente de prévenir les lourdeurs que produira l’article 2. Lourdeurs pour les parents, au moment de la naissance, un moment de fatigue, d’émotion qui n’incite guère aux déclarations administratives. Lourdeurs des états civils des futurs Français, qui se verront souvent accoler deux patronymes qu’ils devront assumer toute leur vie. Pensez à ce que seront les formalités administratives des futurs époux qui auront à retranscrire quatre noms sur tous les documents. La présentation des documents administratifs devra être révisée car l’espace manquera. Pensez également à la charge des officiers d’état civil. À l’heure où chacun réclame la réduction des dépenses publiques, où tout le monde sait que la France a une fonction publique très importante, il convient de ne pas augmenter la charge de nos agents territoriaux.

Cet amendement cherche donc à éviter tous les effets secondaires de cet article, effets que vous n’avez, semble-t-il, pas assez mesurés. Cela me permet de dénoncer une nouvelle fois l’absence d’étude d’impact sérieuse sur un projet gouvernemental. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. André Schneider pour soutenir l’amendement n° 2227.

M. André Schneider. Cet amendement est vraiment un amendement de bon sens. J’ai entendu il y a quelques mois : « Le changement c’est maintenant. » Aujourd’hui, le changement c’est tout le temps : vous voulez tout changer ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yann Galut. Elle est très bonne !

M. André Schneider. Oui, elle est très bonne, mais ce n’est pas le cas de l’interprétation que vous en faites !

Il tombe sous le sens que nos familles, qu’elles soient célèbres ou non, se retrouvent grâce au nom patronymique, qui est jusqu’à présent celui du père, en effet. Je sais que cela peut heurter, et l’on peut en discuter, mais de grâce n’avancez pas sur ce terrain en affirmant que c’est uniquement pour les enfants adoptés, car, comme l’a excellemment souligné Hervé Mariton, ce n’est pas vrai : cela concerne tous les enfants, avec toutes les conséquences que nous avons évoquées. Laissez chacun reconnaître sa filiation et retrouver ses ancêtres. Revenez un peu au bon sens et adoptez nos amendements ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel pour soutenir l’amendement n° 3063.

M. Patrick Hetzel. Nous avons eu l’occasion, au cours de la nuit, de mettre l’accent sur le fait que cet article 2 était un modèle du genre, pour ne pas dire un modèle de genre. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Il est clair que cet article nous amène dans une direction que nous ne souhaitons pas. Nous avons eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises. D’ailleurs, nos concitoyens n’ont pas conscience qu’à travers ce projet vous souhaitez modifier l’usage patronymique tel qu’il existe dans notre pays depuis plusieurs centaines d’années. La question est centrale, et j’ai noté avec beaucoup d’intérêt que Mme la garde des sceaux, au petit matin, a indiqué que le point méritait une attention particulière et serait revu au moment de la navette. Cela montre que nous avions raison d’insister sur ce point essentiel et de chercher à changer le texte. C’est pourquoi ces amendements de bon sens et de cohérence méritent de recevoir l’adhésion de tous. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le président Bernard Accoyer pour soutenir l’amendement n° 3156.

M. Bernard Accoyer. Ces amendements de repli sont de bon sens et de simplification. Ils n’occultent pas le fait que cet article, sans le dire, revient sur l’essentiel, sur des dispositions majeures du code civil, mais aussi sur toute l’organisation des registres d’état civil, qu’il reflète la révolution en matière de filiation qui sous-tend ce projet de loi.

Ce point, les Français le méconnaissent. Alors qu’ils s’expriment clairement en faveur de l’union entre deux personnes de même sexe, ils refusent ce qui est derrière ce texte : que l’on révolutionne la filiation et le patronyme. Ces amendements visent à éviter de complexifier la démarche patronymique, dont il faut au passage souligner que sa réforme entraînera des changements majeurs dans tout ce qui touche à l’état civil, dans les mairies, dans les services publics, les collectivités locales et les administrations centrales.

Nous constatons l’improvisation. Nous avons d’ailleurs pu la constater tout au long de la journée d’hier quant aux retombées du texte en matière de procréation médicalement assistée. Nous avons en effet assisté hier aux recadrages successifs de Mme la ministre de la famille, qui reste d’ailleurs toujours assez distante de ce texte puisqu’elle continue à cet instant même à twitter ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. C’est la preuve qu’il y a des membres du Gouvernement branchés ! (Sourires.)

La parole est à Mme Virginie Duby-Muller pour soutenir l’amendement n° 5151.

Mme Virginie Duby-Muller. Je reprendrai les arguments avancés par mes collègues en vous parlant de mon cas personnel. Mon nom d’usage est Duby-Muller, je suis mariée et j’ai une petite fille, qui fête d’ailleurs ses quinze mois aujourd’hui. (Applaudissements et « Bravo ! » sur les bancs du groupe UMP.) Elle porte le nom de son père, Duby, et je ne trouve pas que ce soit un stigmate de la société patriarcale ou un recul, au contraire. Il faut simplifier les démarches pour les actes d’état civil. L’article 2 ne va pas dans le sens de l’égalité. C’est pourquoi je soutiens cet amendement. Changer le nom d’usage n’apportera rien à l’égalité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Vous en êtes la démonstration !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Louise Fort pour soutenir l’amendement n° 4197.

Mme Marie-Louise Fort. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? De plus en plus, il est question de la nécessité de connaître son histoire, au sujet d’enfants qui, pour des raisons diverses, ont du mal à le faire. Je ne crois pas que ce que vous proposez aille dans ce sens. Je vous recommande donc, chers collègues de la majorité, de voter avec nous ces amendements de bon sens qui plaident pour une simplification.

Je ne sais pas, madame la ministre de la famille, s’il faut twitter, mais je pense qu’il faut réfléchir, vu le nombre d’e-mails que nous recevons et qui nous enjoignent de faire attention à ces choses excessivement importantes. Vous avez voulu le changement, et les Français aussi, mais je crois qu’il ne faut pas faire de ce changement une révolution, qui, en l’occurrence, rime avec improvisation ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth pour soutenir l’amendement n° 3881.

M. Éric Woerth. C’est une énorme usine à gaz que vous êtes en train de monter. En essayant de répondre à une situation en proportion minoritaire – il y aura, on peut le penser, moins de mariages homosexuels qu’hétérosexuels –, vous étendez une certaine conception du nom à l’ensemble de la population française. Cette conception ne correspond à notre culture ; dans d’autres pays, on accole ainsi les noms, mais pas dans notre culture.

Mme Sandrine Mazetier. Demandez à Mme Duby-Muller !

M. Éric Woerth. Que l’on puisse choisir, pourquoi pas ? Mais il vaudrait mieux que ce soit par exception.

Nos amendements, qui allaient en ce sens, étaient judicieux : cet amendement de repli nous permet de revenir au bon sens.

À la deuxième génération, qui plus est, lorsque les parents possèdent chacun deux noms, pourquoi préférer le premier au second ? Tout cela devient bien trop compliqué. Un jour, peut-être y aura-t-il trois voire quatre noms, quand il n’y a aucune raison que cela change !

Cette brèche que vous ouvrez (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) va considérablement compliquer l’état-civil et faire perdre une certaine profondeur historique aux familles.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Vos amendements visent à supprimer le caractère conjoint de la déclaration par laquelle les parents choisissent le ou les noms qu’ils veulent transmettre à leurs enfants. L’article 311-21 du code civil énonce la possibilité pour les deux parents de choisir le nom de leur famille, par une déclaration conjointe.

Depuis la loi du 4 juin 1970, en effet, la pleine égalité des conjoints est reconnue : « Les époux assurent ensemble la direction morale et matérielle de la famille. » En outre, l’article 372 réaffirme cette pleine égalité des parents : « Les père et mère exercent en commun l’autorité parentale ».

Dans ces conditions, il n’est pas imaginable de laisser l’un des deux parents seul décider du ou des noms dévolus à l’enfant. C’est pourquoi la commission a donné un avis défavorable.

Si vous voulez que je revienne une nouvelle fois sur le fond, je peux le faire. J’entends bien vos arguments – avancés parfois avec des termes excessifs : M. Woerth a parlé de « brèche », un autre de « révolution » –, mais je n’y trouve pas de justification pour laisser persister dans notre droit une survivance qui exclut le nom de famille de la mère en cas de désaccord ou de silence, ce que vous soutenez.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales.

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis de la commission des affaires sociales. On a semble-t-il oublié, dans ce débat, l’existence de la loi du 4 mars 2002, qui pose l’égalité entre le père et la mère dans la transmission du nom à leurs enfants. Depuis 2002, les parents peuvent choisir, à leur gré, le nom de leurs enfants : cela n’a rien d’une nouveauté, on ne découvre pas une loi plus de dix ans après sa promulgation ! Cette loi permet la transmission du nom du père, de la mère ou des deux parents aux enfants.

Elle a mis un terme à un régime discriminatoire vis-à-vis des femmes, qui traduisait une inégalité de fait entre les parents.

Vous vous réfugiez derrière un formulaire, sans doute pour mieux cacher vos véritables intentions : vous souhaitez que ce soit systématiquement le nom du père qui se transmette, alors que la loi autorise les deux possibilités.

M. Jean-Frédéric Poisson. Si vous lisiez les amendements avant de parler !

Mme Marie-Françoise Clergeau, rapporteure pour avis. Peut-être cette loi égalitaire n’est-elle pas suffisamment connue par les parents, mais rappelons qu’elle existe et que les enfants peuvent porter le nom de l’un ou de l’autre de leurs parents, voire les deux, accolés dans le sens souhaité. Nous nous situons donc dans la droite ligne de la proposition de loi votée en 2002, ce dont je me félicite.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Nous poursuivons sur ces amendements la discussion qui s’est ouverte au petit matin. Le président Accoyer a raison lorsqu’il précise d’emblée qu’il est question d’amendements de repli : il s’agit en effet de la poursuite de la demande de l’opposition, la nuit dernière, de supprimer l’article 2, qui résulte des dispositions adoptées en commission des lois relatives aux conditions d’attribution du nom de famille.

Rappelons tout de même que nous parlons des cas de désaccord ou de silence : dans la situation générale de droit commun, les parents s’entendent pour procéder aux déclarations ensemble.

La commission des lois a choisi cette formule en toute conscience : le Gouvernement sait combien ce sujet est sensible, ce qu’il véhicule. Nous entendons les inquiétudes…

M. Jean-Frédéric Poisson. Bien !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. …et les divergences d’opinion. Nous redisons toutefois, très formellement, que le Gouvernement émet un avis défavorable aux amendements de suppression de l’article 2 qui ont été défendus dans la nuit et ce matin, ainsi qu’à ces amendements qui sont dans la même logique : quand les premiers visaient à supprimer l’intégralité de l’article 2…

M. Jean-Frédéric Poisson. Mais non !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. …ceux-ci tentent de le défaire morceau par morceau l’article 2. Rien que de très normal, monsieur le député, selon la logique parlementaire : après l’échec du premier élan qui vous poussait à tout supprimer, vous essayez de grignoter les articles morceau par morceau.

Nous nous conformons à cette logique et prenons le temps de vous répondre dans le détail.

M. Jean-Frédéric Poisson. Merci !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Au cours de la navette parlementaire, le sujet sera mûri et retravaillé plus précisément.

Mme Marie-Louise Fort. Il fallait le faire avant !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Rappelons qu’il n’a rien d’anodin, ce qui justifie que vous y teniez tant. En revanche, il n’est pas anodin non plus de considérer la place réservée à la femme, y compris dans ces situations de désaccord ou de silence, au regard de l’interprétation de l’ONU relative à la convention pour la lutte contre toutes les discriminations faites aux femmes.

Nous ne sommes pas indifférents à ces aspects et nous estimons fondées les préoccupations que vous avez montrées en tant que parlementaires, dans la majorité comme dans l’opposition. L’intérêt de la navette sera de permettre d’explorer un peu plus avant des sujets sur certains points, de les approfondir.

Cela dit, nous pouvons tout à fait poursuivre le débat autour d’autres amendements qui continuent de découper l’article 2 ; mais vous pouvez aussi, mesdames et messieurs de l’opposition, prendre acte de cette position du Gouvernement et considérer la perspective de la navette, que nous puissions reprendre nos travaux.

Ne voyez là qu’une suggestion de l’exécutif au législatif, car vous savez bien que mon respect absolu de la séparation des pouvoirs m’interdit de vous donner le moindre conseil. (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. La déclaration conjointe est importante. Elle signifie que les deux membres du couple ont la même responsabilité, à égalité. Votre amendement, comme le précédent, vise au maintien du seul nom du père, parce que, pour vous, la transmission par le père reste la normalité, selon l’idée d’une domination patriarcale qui conférerait à l’homme la responsabilité première.

Quand j’entends le président Ollier nous parler de ses recherches généalogiques, qui doivent être passionnantes, ces dernières ne se réduisent probablement pas à la branche paternelle. Il a envie aussi, j’imagine, d’examiner la branche maternelle, et je ne pense pas que le fait qu’il y ait plusieurs noms nuise à ses recherches.

De plus, à l’instar de l’une de nos collègues, je crois qu’il est important qu’existe une lisibilité de l’histoire au féminin : trop souvent, dans les mots ou dans la grammaire, le féminin se retrouve nié. Il a fallu se battre en effet pour pouvoir écrire « la députée » ou « la ministre ». Or cette visibilité du féminin est précieuse, de sorte que les filles aient envie d’exister en tant que telles et à l’égal des hommes.

Cet amendement reflète, une fois de plus, votre vision passéiste de la société. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes GDR et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Si je décrypte votre propos, madame la garde des sceaux, il est l’enterrement en première classe de l’initiative du rapporteur, ce qui me convient.

Mme Marie-Françoise Clergeau. Mais non, ce n’est pas ce qu’elle a dit !

M. Marc Le Fur. Reste que, si nos amendements ne sont pas adoptés, c’est l’article tel qu’il est qui sera transmis au Sénat, et c’est une perspective redoutable.

Quand le rapporteur nous dit qu’il faut dans tous les cas l’accord conjoint du père et de la mère, c’est faux. J’ai eu le bonheur d’avoir cinq enfants : c’est ma femme qui a déclaré l’ensemble des prénoms.

M. Bernard Roman. En quelle année ?

M. Marc Le Fur. Je lui ai fait confiance, et je ne vois pas pourquoi cette logique des prénoms ne vaudrait pas pour le nom. Le véritable sujet, c’est que nous débattons d’un projet de loi relatif à l’homosexualité et que, pour résoudre le problème des couples homosexuels, dans lesquels se trouvent deux pères ou deux mères, vous avez trouvé cette solution-là, mais qu’au lieu de la cantonner au groupe homosexuel vous l’appliquez à l’ensemble des familles françaises dont vous allez compliquer la vie.

Jamais, dans ma permanence, je n’ai vu quelqu’un me solliciter ni me demander de réforme à ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Nous allons compliquer la vie des gens, car nous allons casser les histoires familiales, rompre les liens de cousinage.

Une anecdote pour conclure. Il y a parmi nous un certain nombre de compatriotes d’origine portugaise – et vous savez que les noms portugais sont très longs : Pelé ne s’appelle pas Pelé, mais Edson Arantes do Nascimento. Imaginez que l’enfant du petit Pelé français rencontre une jeune femme issue de l’aristocratie française : ce n’est plus un nom qu’il faudra à leur descendance, c’est une valise ! (Rires sur divers bancs. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je ne suis pas sûr que cette intervention fasse un carton… (Sourires.)

Sur le vote des amendements identiques nos 81 à 5151, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Alain Tourret.

M. Alain Tourret. Cette loi est un moment important. L’article 311-21 relatif au nom de famille est l’un des articles essentiels de notre code civil puisque, à l’évidence, il concerne tous les Français. Nous devons donc légiférer avec une grande circonspection.

Pour avoir pris part à l’élaboration de la loi du 4 mars 2002, dont le dispositif, présenté par M. Gérard Gouzes, avait été très marqué par l’influence espagnole, je ne suis pas certain que tout cela ait été compris par les Français.

Nous avons écouté votre position, madame la garde des sceaux : une nouvelle discussion semble nécessaire.

S’agissant de la déclaration conjointe, nous ne voulons pas que deux personnes se présentent à l’état-civil. Je viens de consulter l’ordonnance sur l’état-civil : il suffit qu’il y ait un acte signé le même jour par les deux personnes, ou deux actes signés à des dates différentes par l’une et par l’autre.

M. Marc Le Fur. Tout à fait !

M. Alain Tourret. Renonçons donc à exiger que les deux personnes viennent en mairie.

Enfin, le maintien de la règle d’attribution patronymique pour les seuls cas de filiation par le sang serait susceptible d’introduire une véritable rupture d’égalité entre les couples. Notre rapporteur l’a bien dit et je soutiens cette position.

Je m’oppose donc à l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. Je souhaite revenir sur l’article 2. Je comprends bien la proposition de Mme la garde des sceaux de retravailler le texte, mais nous avons besoin d’un minimum de garanties car la discussion qui s’est poursuivie très longuement cette nuit a montré que cet article n’avait pas été suffisamment préparé et qu’il comportait de toute évidence une disposition de nature à semer le trouble parmi nos concitoyens. Nous avons besoin de clarté sur cette question. Le Gouvernement peut-il apporter des précisions supplémentaires ?

M. le président. La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

Mme Corinne Narassiguin. Nous avons déjà eu pendant deux bonnes heures, ce matin, cette discussion. Je tiens à rappeler que, lorsque j’ai présenté en commission, dans les délais, l’amendement qui est devenu l’alinéa 3 de l’article 2, il y a eu très peu de réactions de votre part, mes chers collègues. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Il s’agit tout simplement de placer sur un pied d’égalité la transmission de nom pour la filiation adoptive, telle que proposée dans le texte du Gouvernement, avec la filiation par le sang, pour ne pas établir de hiérarchie entre les deux types de filiation. C’est un sujet important. Par ailleurs, l’adoption de cette disposition permettra de mettre fin à une discrimination contre les femmes qui existe encore – malgré les avancées de la loi de 2002. Il s’agit, je le souligne, de l’utiliser uniquement en cas de désaccord entre les conjoints. Le nom du père ne disparaît aucunement, puisqu’on n’ajoutera celui de la mère que dans les cas de conflit.

M. Hervé Mariton. Non !

Mme Corinne Narassiguin. Je ne comprends donc pas pourquoi nous continuons à avoir cette discussion, sinon qu’il s’agit uniquement pour vous de faire durer les débats en y ajoutant un peu d’outrance pour nous réveiller cet après-midi, après la longue nuit que nous avons eue. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Hervé Mariton. Le Gouvernement reconnaît lui-même que c’est un vrai sujet !

M. le président. Monsieur Mariton, vous ne me semblez pas manquer de temps de parole.

Je mets maintenant aux voix les amendements identiques nos 81, 404, 470, 529, 606, 718, 1236, 1380, 1591, 1747, 2227, 3063, 3156, 3881, 4197 et 5151.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 181

Nombre de suffrages exprimés 179

Majorité absolue 90

(Les amendements identiques n°81, 404, 470, 529, 606, 718, 1236, 1380, 1591, 1747, 2227, 3063, 3156, 3881, 4197, et 5151 ne sont pas adoptés.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson pour un rappel au règlement. Un vrai rappel au règlement, je l’espère…

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le président, comment pourrait-il en être autrement ? (Sourires.)

Pour donner suite à votre invitation, madame la garde des sceaux, d’en reparler au cours de la navette en raison de la densité de l’article et des modifications qu’il introduit, j’ai pris note des réserves que vous formulez sur l’alinéa 3 issu d’un amendement voté en commission, et il faut absolument que la discussion continue sur cet article. Je n’ai pas dit que vous souhaitiez l’empêcher, j’ai toutefois compris que vous appeliez de vos vœux qu’elle se raccourcisse. Mais je suis ici pour vous indiquer, au nom de notre groupe, qu’elle va continuer.

Au passage, je vous remercie, madame Narassiguin, d’avoir bien noté qu’en commission nous étions tellement éberlués d’une telle audace que nous avons été pris de court. Depuis, nous avons pris le temps de la réflexion et nous venons avec des amendements très denses, susceptibles de répondre à votre besoin de disposer d’une argumentation profonde sur le sujet.

M. le président. Monsieur Poisson, ce rappel au règlement n’en était pas un…

M. Jean-Frédéric Poisson. Mais si, monsieur le président !

Article 2 (suite)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Germain pour soutenir l'amendement n° 4973.

M. Jean-Marc Germain. Avant d’en venir à mon amendement, je tiens à relever que ce à quoi nous assistons est de l’obstruction pure et simple. Je rappelle que ce qui a rendu effectives les nouvelles règles établies par la loi de 2002, qui ont donné du poids à la mère dans la transmission du nom, c’est une loi présentée par un ministre ici présent : M. Jacob. Sa loi a étendu les possibilités de donner le nom de la mère, il pourra en témoigner. Je regrette, chers collègues, que vous ne saisissiez pas cette opportunité historique de mettre vos noms au bas de cette nouvelle loi.

Au-delà de l’obstruction, vous n’avez qu’un seul argument : celui de la loi naturelle, qui en réalité est la loi divine. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Or cela fait longtemps que l’homme est un animal qui a trouvé d’autres moyens de se reproduire qu’en s’accouplant. Vous êtes ici dans la maison du peuple pour faire la loi du peuple, c’est-à-dire pour donner corps à la plus belle des libertés, celle d’aimer qui on veut (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP) ; la loi du peuple, c’est donner corps à la plus belles des égalités, celle de faire famille comme on l’entend (Mêmes mouvements) ; la loi du peuple, c’est donner corps à la plus belle des fraternités, celle de toutes et de tous à l’égard de tous les couples. (Mêmes mouvements.)

J’en viens à mon amendement. Parmi les arguments que vous avez présentés, un seul est sensé, et M. Le Fur est le premier d’entre vous à l’avoir exposé : puisque, en l’absence d’accord entre les parents, l’alinéa 3 privilégie l’ordre alphabétique, on privilégierait les noms les plus proches de la lettre A. Personne ici ne souhaite privilégier – en tout cas pas vous – les conjoints qui s’appelleraient Aubry, Ayrault ou Bartolone au détriment de ceux qui s’appelleraient Poisson ou Sarkozy. (Sourires.) Je propose donc qu’en cas d’absence d’accord des parents les noms soient accolés par ordre alphabétique les jours pairs, et selon l’ordre inverse les jours impairs. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ce serait un moyen de rétablir la diversité des noms de famille. Il ne s’agit pas de généalogie, mais de donner tout son sens à un aspect important de l’égalité entre tous les couples.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Erwann Binet, rapporteur. La règle édictée à l’article 2 est très claire : à défaut d’accord entre les parents ou en cas de silence, il est prévu d’accoler le nom de chacun d’eux dans l’ordre alphabétique. Il ne me semble pas nécessaire de la complexifier.

M. Pascal Terrasse. Absolument !

M. Erwann Binet, rapporteur. C’est pour cette raison que la commission a émis un avis défavorable.

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. J’ai cru voir dans la proposition de M. Germain un clin d’œil à la charge d’amendements de l’opposition. La dispersion des argumentaires de celle-ci, qui ne restent pas concentrés sur le sujet, à savoir les situations de désaccord ou de silence, a montré que l’opposition a constamment la volonté d’élargir le débat au lieu de discuter du cœur du texte.

Le Gouvernement estime que la disposition proposée à l’amendement n° 4973 ne faciliterait pas la vie des familles, qu’elle ne constituerait pas un progrès. L’avis est donc défavorable.

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. On a là atteint le summum. Heureusement, monsieur Germain, que le ridicule n’empêche pas de respirer, vous auriez de vrais problèmes de santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Balkany. Il serait tout bleu !

M. Christian Jacob. On est dans l’aberration avec votre proposition de prédisposer l’ordre d’accolement des noms. À ce propos, madame la garde des sceaux, une question : à partir du moment où, pour des raisons de santé découlant de son accouchement, la femme sera dans l’impossibilité de faire les démarches, est-ce donc l’ordre alphabétique qui s’imposera ?

M. Marc Le Fur. Eh oui !

M. Christian Jacob. Si, pour des raisons dramatiques, elle ne survit pas à son accouchement, elle ne pourra même pas laisser son nom à son enfant s’il n’est pas avant celui de son conjoint dans l’ordre alphabétique, et il disparaîtra. On est dans une aberration et dans une stupidité d’un niveau inimaginable : pourquoi aller modifier la loi de la République sur un tel sujet ? Sous l’emprise de quel dogme, avec quelles œillères regardez-vous la République ? Comment en êtes-vous arrivé là ? Le statu quo pose-t-il un problème aux Français ? Je me demande si un seul d’entre nous a rencontré dans sa circonscription des concitoyens qui lui disaient : « Modifiez d’urgence les règles d’attribution du nom de famille car nous ne pouvons plus survivre, c’est insupportable ! »

M. le président. Il faut conclure.

M. Christian Jacob. Les règles ne changent même plus selon que l’on est « puissant ou misérable », comme vous voulez le faire pour la GPA – qui sera possible pour ceux qui en auront les moyens, et interdite pour les autres –, mais en fonction du jour de naissance, avec un nom différent selon que l’enfant est né un jour pair ou un jour impair… On est dans une stupidité invraisemblable ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Germain.

M. Jean-Marc Germain. Monsieur Jacob, vous étiez ministre délégué à la famille quand la loi du 18 juin 2003 a été votée. Nous l’avions initiée mais vous l’avez rendue possible. Elle place la femme et l’homme dans la même situation dans 99,99 % des cas. Vous aviez même souhaité étendre le dispositif, jugeant que la dévolution du nom paternel dans la famille naturelle était limitée par le projet de loi que vous demandiez d’adopter. Vous avez également étendu la possibilité pour les mères de donner leur nom à leur enfant. Cessez donc de dire que mon amendement bouleverse l’ordre des choses !

Si je dis que vous faites de l’obstruction et rien d’autre, c’est parce qu’il y a dix ans vous défendiez exactement la position contraire de celle que vous défendez aujourd’hui dans l’hémicycle. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Jacob. Mais non ! C’était la possibilité d’accoler les noms, rien à voir avec les jours pairs et impairs !

M. Jean-Marc Germain. J’en reviens à mon amendement : après avoir entendu les explications du rapporteur et du Gouvernement, je le retire. Mais je souhaite que, dans le cadre des réflexions que vous allez entamer, madame la garde des sceaux, on voit comment préserver la diversité des noms.

(L'amendement n° 4973 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth pour soutenir l'amendement n° 3876.

M. Éric Woerth. S’agissant de la proposition de notre collègue relative aux jours pairs et impairs, cela ressemble assez curieusement à la question du stationnement, et on voit bien à quelle absurdité on peut arriver sur de tels sujets. Pourquoi vous embarquez-vous là-dedans, madame la garde des sceaux ? Le président de notre groupe l’a dit fort justement : on ne comprend pas pourquoi vous vous embarquez dans cette affaire de noms. La France compte 200 000 chômeurs de plus par an. Il y a d’autres priorités que de passer des heures à l’Assemblée nationale (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC) pour savoir si les enfants vont devoir porter le nom du père, de la mère, des deux, du cousin, de la cousine… Il y a des sujets plus sérieux aujourd’hui en France !

M. Christian Paul. On y passe des heures parce que vous faites de l’obstruction !

M. Éric Woerth. C’est le Gouvernement qui nous oblige à avoir ce type de débat totalement décalé par rapport aux préoccupations des Français. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Je tiens à ajouter que, si vous avez des problèmes avec les noms, vous devriez aussi en avoir avec les prénoms : celui qui va déclarer l’enfant à l’état civil n’a pas besoin d’une autorisation de l’autre pour déclarer le prénom de l’enfant. Bref, je suis surpris que vous n’ayez pas, tant qu’à faire, étendu le dispositif au prénom.