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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session extraordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 16 juillet 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Laurence Dumont

1. Modernisation de l’action publique territoriale et affirmation des métropoles

Suite de la discussion d'un projet de loi

Motion de rejet préalable

M. Hervé Gaymard

M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, M. Paul Molac, M. Thierry Braillard, M. Marc Dolez, M. Philippe Doucet, M. Étienne Blanc, M. Michel Piron

Motion de renvoi en commission

M. Alain Chrétien

M. Olivier Dussopt, rapporteur, Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation, M. François-Michel Lambert, M. Thierry Braillard, Mme Anne-Yvonne Le Dain, M. Jean-Frédéric Poisson, M. Jean-Christophe Fromantin, M. Gaby Charroux

Discussion générale

M. Paul Molac

M. Thierry Braillard

M. André Chassaigne

Mme Nathalie Appéré

M. Patrick Devedjian

M. Michel Piron

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Laurence Dumont
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt-deux heures.)

1

Modernisation de l’action publique territoriale
et affirmation des métropoles

Suite de la discussion d’un projet de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat, de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (nos 1120, 1216, 1177, 1178, 1205, 1207).

La Conférence des présidents a décidé d’appliquer à cette discussion la procédure du temps législatif programmé, sur la base d’un temps attribué aux groupes de trente heures. Chaque groupe dispose des temps de parole suivant : le groupe SRC de 8 heures 20, le groupe UMP de 12 heures 25, le groupe UDI de 3 heures 35, le groupe écologiste de 1 heure 55, le groupe RRDP de 1 heure 55, le groupe GDR de 1 heure 50. Les députés non inscrits disposent de 40 minutes.

Motion de rejet préalable

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Hervé Gaymard.

M. Hervé Gaymard. Madame la présidente, madame la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique, madame la ministre déléguée chargée de la décentralisation, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, avant d’engager peut-être l’examen de ce texte étrange…

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. Non, il n’est pas étrange !

M. Hervé Gaymard. …– si d’aventure cette évidente motion de rejet préalable n’était pas adoptée –, je veux tout simplement vous dire que nous sommes partagés entre la compassion, l’indignation et peut-être la tristesse devant une formidable occasion gâchée.

M. Philippe Cochet. Exactement !

M. Jacques Myard. Bravo !

M. Hervé Gaymard. La compassion, parce que vous avez bien du mérite, madame la ministre, de feindre défendre un véritable objet juridique non identifié.

M. Jacques Myard. Un « OJNI » ! (Sourires.)

M. Hervé Gaymard. Il a fallu près d’un an de concertation et de longs conciliabules derrière le rideau avant l’adoption en conseil des ministres d’un magma juridique proprement illisible, qui ressemblait davantage à une involontaire œuvre d’art brut sortie d’un concassage d’automobiles qu’à la loi claire que nous aimons quand nous savons écrire en français.

M. Philippe Cochet. Bravo !

M. Hervé Gaymard. Mes chers collègues, nous vivons un moment historique : c’est la première fois que Dubuffet fait irruption dans l’hémicycle. (Sourires.) Curieusement, ce n’est pas le Gouvernement mais le président du Sénat qui, quelques jours plus tard, annonçait que l’étrange magma serait tronçonné en trois textes de loi, sans doute pour aider à la digestion. (Sourires.)

M. Michel Terrot. Très bien !

M. Hervé Gaymard. Madame la ministre, j’imagine le désarroi de vos collaborateurs pour trouver des intitulés à ces textes protéiformes et sans unité. Le premier s’intitulera donc « modernisation de l’action publique territoriale et affirmation des métropoles », comme s’il fallait s’en convaincre. Encore un effort, camarades, pour être révolutionnaires, puisqu’il n’y a pas si longtemps, en 2010, vous aviez voté contre la loi créant les métropoles.

M. Marc Dolez. C’est vrai !

M. Philippe Cochet. Ça, c’est le summum !

M. Hervé Gaymard. Le second traitera de la « mobilisation des régions pour la croissance et l’emploi et la promotion de l’égalité des territoires », et le troisième du « développement des solidarités territoriales » et de la « démocratie locale ». Je pense sincèrement qu’en matière de logomachie creuse, il sera difficile de faire mieux ! Il faudra nous expliquer quelle est la différence entre la solidarité territoriale et l’égalité territoriale, ou plutôt comment la seconde n’est pas le résultat de la première. Ces deux notions figurent pourtant dans des textes qui seront sans doute discutés à une année d’intervalle, vu l’engorgement législatif dû à l’accumulation de lois inutiles et bavardes qui provoque, paraît-il, des thromboses chez les députés socialistes qui se plaignent des cadences infernales.

M. Stéphane Travert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Ça, ce sont les députés radicaux ! (Sourires.)

M. Philippe Cochet. Ne faisons pas de généralités !

M. Hervé Gaymard. La première lecture au Sénat du premier texte qui nous réunit aujourd’hui fut édifiante. Vos amis, il est vrai parfois aidés par les nôtres, ont réécrit et amendé le texte, ce qui est l’honneur de la démocratie parlementaire qu’il nous revient de faire vivre. Mais ils ont aussi supprimé certaines dispositions, en abondance, si bien que le texte examiné en commission avait éliminé le pacte de cohérence territoriale, dont nous avions pourtant compris qu’il était au firmament du texte initial, ainsi que toute disposition concernant Paris, sa métropole et l’Île-de-France. Il nous semblait pourtant que le président du Sénat était socialiste, que le maire de Paris était socialiste,…

M. Christian Jacob. Plus pour longtemps !

M. Stéphane Travert, rapporteur pour avis. Cela va continuer !

M. Hervé Gaymard. …que le président du conseil régional d’Île-de-France était socialiste, que le président de l’association des régions de France était socialiste,…

M. Patrick Mennucci. Et ce n’est pas fini !

M. Hervé Gaymard. …que le président de l’association des départements de France était socialiste...

M. Philippe Cochet. Mais où est la démocratie ?

M. Patrick Mennucci. Dans les urnes !

M. Hervé Gaymard. Et que croyez vous qu’il advint ? Ces socialistes n’étaient d’accord sur rien ! C’est pourquoi, madame la ministre, nous sommes très admiratifs devant votre abnégation dans ce périple parlementaire qui est loin d’être terminé.

L’indignation doit bien sûr être maniée avec beaucoup de précaution. Quand elle est feinte, elle est inopérante et contribue à transformer en théâtre d’ombres nos débats parlementaires qui devraient garder cette rigueur qui fait leur noblesse. Mais aujourd’hui, madame la ministre, je sais que je traduis le sentiment de beaucoup d’entre nous qui siégeons sur tous les bancs de notre hémicycle.

Nous sommes indignés devant le caractère illisible et protéiforme de ce projet de loi.

M. Gérald Darmanin. C’est clair !

M. Hervé Gaymard. La démocratie ne peut s’exercer que dans la clarté, et non dans un brumeux entrelacs juridique sans souffle et sans vision.

Nous sommes indignés devant la désinvolture du Gouvernement pour ce qui concerne Paris et la région parisienne. Le texte initial était mal conçu : c’est pourquoi, grâce aux sénateurs de gauche – et seulement grâce à eux, car je vous rappelle qu’au Sénat l’UMP et le centre sont minoritaires –,…

M. Thierry Braillard. Eh oui !

M. Hervé Gaymard. …il n’a pas passé le cap de la première lecture dans la haute assemblée.

M. Gilles Carrez. C’est incroyable !

M. Hervé Gaymard. La page était à nouveau blanche quand nous avons entamé l’examen en commission, il y a deux semaines. Nous attendions tous avec hâte les propositions du Gouvernement.

M. Alexis Bachelay. Avez-vous été déçus ?

M. Hervé Gaymard. Le lundi, rien. Le mardi, rien. Si, quand même : un peu avant minuit, avant de nous séparer, une liasse d’amendement nous était jetée, avec des exposés sommaires très sommaires, trop sommaires. Nous n’avons eu qu’un pauvre mercredi matin pour les examiner dans la confusion. Ce n’est pas sérieux, comme Valérie Pécresse, Patrick Devedjian et Patrick Ollier le démontreront au cours de nos débats.

M. Alexis Bachelay. Cela va voler haut !

M. Hervé Gaymard. C’est une désinvolture rare sur un sujet aussi important. Nous revient en mémoire cette sentence du cardinal de Retz : « Tel est le sort de l’irrésolution : elle n’a jamais plus d’incertitude que dans la conclusion. »

M. Patrick Devedjian. Très bien !

M. Hervé Gaymard. La tristesse est peut-être le sentiment le plus envahissant qui nous étreint lors de l’examen de ce projet de loi. Bien sûr, nous pourrions ricaner à l’envi et manier l’ironie, tant vous nous en offrez d’occasions. Nous ne le ferons pas.

M. Alexis Bachelay. Ah !

M. Patrick Mennucci. Nous avons l’impression que vous le faites quand même !

M. Hervé Gaymard. J’ai toujours pensé que le ricanement permanent et la dérision généralisée qui marquent notre société et impriment désormais tous les débats publics pavent, subrepticement, le chemin vers le cimetière de la démocratie.

M. Patrick Mennucci. Quelle formule !

M. Hervé Gaymard. Notre tristesse est grande et sincère, car vous, les socialistes, n’avez pas du tout pris la mesure de la nécessité de réformer profondément l’organisation territoriale de notre pays.

M. Alexis Bachelay. Ah bon ?

M. Hervé Gaymard. En 1969, vous avez voté non au référendum sur la décentralisation qui faisait suite au discours de Quimper du général de Gaulle, madame la ministre finistérienne. (Sourires.) En 1982, pourtant, vous avez su faire preuve d’audace en reprenant et en amplifiant les projets de notre collègue finistérien Marc Becam.

M. Alexis Bachelay. Bonne référence !

M. Hervé Gaymard. Mais depuis ce souffle initial impulsé par François Mitterrand et Gaston Defferre, mis en musique par Éric Giuily, vous avez sans cesse joué petit bras.

Vous vous êtes opposés aux transferts de compétences voulus par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin. Non seulement vous ne les remettez pas en cause, ce qui vaut validation, mais vous allez les amplifier.

Vous n’avez cessé, jusqu’au mois de mai 2012, avec des trémolos dans la voix, d’invoquer les charges indues des transferts de compétences non compensés. M. Montebourg, alors président de conseil général, voulait mener une croisade girondine contre l’État centralisateur et impécunieux : il l’attaquait même devant la juridiction administrative, avant d’être débouté. Aujourd’hui, les charges indues semblent avoir disparu ; on promène les maires, les présidents de conseils généraux et les présidents de conseils régionaux comme des badauds, de commissions en rapports et en vagues promesses.

Pendant ce temps-là, on inflige aux collectivités un coup de rabot sans précédent sur leurs moyens de fonctionnement, comme le dira Gilles Carrez : on diminue leurs dotations de 4,5 milliards d’euros pour les années 2014 et 2015, soit une baisse de plus de 10 %.

Plus subrepticement, on attribue aux départements la charge complète de l’informatique des collèges, sous prétexte de clarification des compétences, mais en réalité dans un transfert de charges qui ne dit pas son nom. Où sont les cris d’orfraie ? Où sont les pétitions, les vœux, les vertueuses indignations des élus républicains maltraités par le Gouvernement dont vous nous avez abreuvés lors du quinquennat précédent,…

M. Jacques Myard. Eh oui !

M. Philippe Cochet. Quel silence !

M. Hervé Gaymard. …alors même que les dotations aux collectivités locales avaient été garanties ?

M. Thierry Braillard. Entre temps, le déficit s’est accru !

M. Hervé Gaymard. Vous avez voté contre la loi de 2010 qui, pour la première fois, établissait un cadre législatif cohérent pour les métropoles. Bien sûr, ce texte n’était pas parfait,…

M. Alexis Bachelay. Il n’était pas suffisant !

M. Hervé Gaymard. …mais pourquoi ne pas faire, un instant seulement, le pari de l’intelligence collective plutôt que de toujours tout récuser en bloc ?

Vous avez voté contre la loi créant le conseiller territorial, et vous l’avez défaite immédiatement après l’alternance, alors que c’était le seul moyen de rationaliser les niveaux de responsabilité territoriale.

M. Alexis Bachelay. Non, c’était une réformette !

M. Hervé Gaymard. Ce faisant, vous avez fait une très grave erreur, et vous le savez. Beaucoup d’élus, y compris socialistes, compte tenu de l’incompréhensible mode de scrutin binominal que vous avez concocté pour les élections départementales de 2015,…

M. Patrick Mennucci. Il n’est pourtant pas difficile à comprendre !

M. Hervé Gaymard. …en viennent à regretter le conseiller territorial, pourtant naguère voué par les mêmes aux gémonies !

En réalité, votre texte ne répond pas aux deux questions majeures qui nous sont posées : comment clarifier les compétences et rationaliser les interventions publiques ? Comment prendre en compte l’équation nouvelle des finances publiques pour rendre le meilleur service au meilleur coût ? Croyez-moi, mesdames les ministres, il ne s’agit pas d’un débat entre initiés. Les citoyens contribuables électeurs se posent des questions. Ils nous les posent, et vos textes ne répondent pas à leurs attentes : pire, vous les ignorez.

Mais comme nous croyons aux vertus de l’action publique et que nous ne baissons pas les bras face à cette formidable occasion manquée, je veux, mes chers collègues, vous faire part de quelques remarques et propositions pour guider les réformes futures que nous devrons mettre en œuvre.

Tout d’abord, le débat sur le département et la région est mal posé, car on confond le niveau pertinent d’exercice des compétences avec le niveau de décision politique. Certaines compétences doivent être exercées au niveau régional, tandis que d’autres ne peuvent l’être, pour des raisons de proximité, qu’au niveau départemental. Mais il est impératif de mettre davantage de cohérence dans les compétences facultatives et de faire des économies sur les services centraux d’état-major. Pour éviter que les collectivités poursuivent leur dérisoire concurrence, source de gaspillage d’argent public, la seule solution est de rétablir le conseiller territorial, qui siège à la fois au département et à la région. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) C’est le bon sens même ! Chacun reconnaît, le plus souvent en privé, qu’il y a aujourd’hui trop d’élus territoriaux, ce qui deviendra encore plus criant avec la montée en puissance des intercommunalités.

II faut, ensuite, aborder de front la question des compétences obligatoires des régions. Depuis 1982, personne n’a osé traiter cette question – nous pas davantage et, je le reconnais bien volontiers, ce fut une erreur. C’est parce que leurs compétences obligatoires ne sont pas assez identifiées que les élus régionaux, de tous bords politiques, se sont lancés dans une dispersion coûteuse et souvent inefficace de leurs interventions…

M. Jacques Myard. C’est aussi parce que leurs compétences sont limitées !

M. Hervé Gaymard. …et que, bien souvent, les régions ont mené la politique du coucou : elles subventionnent peu, saupoudrent toujours…

M. Alain Chrétien. Comme partout !

M. Hervé Gaymard. …et se rattrapent par une communication à tout-va, variante moderne de la tentation d’exister. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mes chers collègues, il faut renforcer les régions, par exemple en leur donnant la responsabilité des collèges, et parfaire ainsi le continuum éducation-emploi-formation professionnelle.

Mme Valérie Boyer. Bravo !

M. Hervé Gaymard. Il faut, ensuite, remettre sur le métier la loi d’orientation des transports intérieurs de 1982 et faire de la région l’autorité organisatrice de droit commun sauf, bien sûr, dans les aires urbaines et métropolitaines. S’agissant de la couverture numérique du territoire, l’amendement voté en commission va assurément dans le bon sens en renforçant les compétences obligatoires des régions.

L’unité de la République, à laquelle nous tenons tant, n’est pas incompatible avec des modes particuliers d’organisation. Cela vaut pour les compétences facultatives, comme le tourisme par exemple. Sans doute en Alsace, en Corse ou en Bretagne, l’échelon régional est-il le plus pertinent car ces régions historiques ont une identité. En revanche, dans les régions dont le périmètre ne tient pas à l’histoire mais à des découpages technocratiques, il est évident que le niveau infrarégional est plus pertinent pour la promotion du tourisme.

Enfin, l’État doit être conforté dans sa responsabilité en matière de sécurité civile. Le système des services départementaux d’incendie et de secours est aujourd’hui inégalitaire et boiteux. Il est inégalitaire car, dans certains départements, c’est l’État qui les finance, alors que partout ailleurs le financement revient aux départements et aux communes ou leurs groupements. Il est boiteux car, dans cette dernière hypothèse, c’est l’État qui commande et les collectivités locales qui paient.

M. Alain Chrétien. En effet !

M. Hervé Gaymard. Mettons de la cohérence : qui commande doit payer. Les élus locaux n’ont vocation ni à diriger, ni à financer une fonction régalienne.

Mme Valérie Boyer. Bravo !

M. Hervé Gaymard. Enfin, il n’est pas possible de légiférer sur les compétences des collectivités territoriales, sans prendre en compte l’environnement législatif et budgétaire. De ce point de vue, ce texte, comme ceux qui vont suivre, sont examinés en état d’apesanteur budgétaire. Ou plutôt de déni budgétaire. Aucune étude d’impact, aucune évaluation des dépenses supplémentaires, aucune coordination avec d’autres réformes en cours, comme celle de la dépendance des personnes âgées, ne vient les accompagner.

M. Philippe Cochet. Incroyable !

M. Hervé Gaymard. Il n’est pas possible de légiférer utilement sans vision globale.

Mes chers collègues, je crois qu’il n’est guère besoin d’insister pour vous convaincre d’adopter cette question préalable. Jamais sans doute cette motion de procédure n’a-t-elle été autant justifiée pour un texte soumis à notre examen.

M. Christian Jacob. Il a raison !

M. Hervé Gaymard. S’il y avait une seule raison d’adopter cette question préalable, je m’en remettrais à la sagesse populaire qui dit tout. Le maire d’une petite commune de mon département, que j’avais lesté de vos trois textes, madame la ministre, après les avoir examinés, m’a dit tout simplement : « Cela n’est ni fait, ni à faire ».

M. François Rochebloine. Très juste !

M. Gérald Darmanin. Le bon sens paysan !

M. Hervé Gaymard. Ni fait, ni à faire, car pas plus votre projet initial de pacte de cohérence territoriale que le système complexe de gouvernance tel qu’il est ressorti de l’examen en commission ne sera lisible pour le citoyen et l’élu local. Avec le rétablissement de la clause de compétence générale, la question des citoyens « qui fait quoi ? » n’est pas près de trouver une réponse.

Ni fait, ni à faire, s’agissant de la cohérence interne du texte, comme le dira mieux que moi Alain Chrétien tout à l’heure. Que l’on parle des métropoles, c’est évident : c’est dans l’intitulé du texte. Que l’on parle de gouvernance hors métropole est étrange, avant même d’examiner les textes qui concerneront les régions, les départements et les communes.

Mais ce qui est complètement hors sujet, c’est que l’on traite de certaines compétences des régions, ce qui par ricochet a un impact sur celles des départements, alors que nous croyions de bonne foi qu’un texte était prévu à cet effet. Cet embrouillamini relève soit de l’amateurisme, soit de la volonté de brouiller les perspectives pour que la représentation nationale n’ait à se prononcer que sur des chimères. Dans les deux hypothèses, c’est inacceptable.

Ni fait, ni à faire, car comme le relève notre collègue Serge Grouard, avec le seuil de création des métropoles tel qu’il a été retenu, aucune ville du Centre et du Massif Central ne sera concernée.

M. François Rochebloine. Excellente remarque !

M. Hervé Gaymard. Ni fait, ni à faire, car à se concentrer exclusivement sur les métropoles, sans avoir de vision d’ensemble sur l’immense majorité du reste de notre territoire, on accroît la fracture avec les territoires ruraux.

Ni fait, ni à faire, du point de vue du consentement démocratique. La présente loi va créer des métropoles de droit commun ou d’exception sans le consentement des populations intéressées, alors que pour regrouper des communes, des départements ou des régions, il faut un référendum encadré par des règles vétilleuses. Il faut que la règle soit la même pour toutes les recompositions territoriales. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Ollier. C’est inconstitutionnel !

M. Hervé Gaymard. Ni fait, ni à faire, à Paris et en Île-de-France. Vos tardives propositions méritent à l’évidence d’être mûries. Mais au fur et à mesure que les élus en découvrent la portée, et que vous-mêmes en découvrez sans doute la portée, la voix du bon sens nous dit qu’il faut remettre l’ouvrage sur le métier et se fixer un horizon moins précipité pour décider. Car décider, il le faut mais pas dans l’improvisation, pas en jouant à colin-maillard au bord du gouffre.

Ni fait ni à faire, à Lyon. Deux élus éminents ont travaillé dans leur coin, soit. Observons que leurs collègues au Grand Lyon tout comme au conseil général l’ont appris par le journal, ainsi que le président du conseil régional Rhône-Alpes qui, par ricochet, est quand même un peu concerné. La présente loi bénit donc un arrangement entre amis. Il n’est évidemment pas absurde d’unifier les compétences du département et de la communauté urbaine dans une nouvelle entité. Et il faut dire que cette idée court depuis quelques lustres. Mais tout de même ! Il n’y a pas de réflexion sur l’aire géographique optimale concernée, puisque l’est lyonnais, notamment l’aéroport international et sa zone d’activités, sont exclus alors qu’ils sont économiquement intriqués dans le Grand Lyon.

M. Philippe Cochet. Incroyable !

M. Hervé Gaymard. Pas d’étude d’impact sur la viabilité budgétaire du futur département résiduel du Beaujolais et alentour.

M. Jacques Myard. Il y a le pinard !

M. Hervé Gaymard. Pas de perspectives d’économies car aucune structure ne disparaît et des services devront être dédoublés comme ceux qui gèrent les routes départementales.

M. Patrick Ollier. Ce sera horriblement cher !

M. Hervé Gaymard. Pas d’indications sur les aspects financiers, les reprises de dettes, le devenir des emprunts toxiques.

Et la question démocratique n’est pas la moindre : pas d’élections directes par le peuple pour la nouvelle collectivité avant 2020, et entre-temps que de questions sans réponses : que deviendront les conseillers généraux en fin de mandat ? Les nouveaux élus du scrutin binominal de 2015 se superposeront-ils ou non aux représentants des communes, élus eux en 2014 ? Quant aux communes hors Lyon, que deviendront-elles ? De nouveaux arrondissements de Lyon ? Ce sont toutes ces questions et bien d’autres que se posent les Lyonnais et les Rhodaniens.

M. Alexis Bachelay. Ils auront l’occasion de s’exprimer l’année prochaine !

M. Hervé Gaymard. Ce sont toutes ces questions que nous nous posons. Elles sont légitimes. Il ne faut pas les éluder.

Ni fait, ni à faire, à Marseille. Le Sénat a beaucoup modifié le texte initial, sous l’impulsion notamment de Jean-Claude Gaudin. Sans doute, l’organisation ou plutôt l’inorganisation métropolitaine ne peut-elle rester en l’état. Mais la position de presque tous les maires démocratiquement élus, ne doit-elle pas être écoutée, puis entendue, pour améliorer encore le texte ?

M. Patrick Mennucci. Et la position de l’Assemblée nationale ?

M. Hervé Gaymard. La métropole envisagée ressemblera furieusement au département des Bouches-du-Rhône, sans que le sort de ce dernier soit précisé. Ce département a-t-il vocation à concentrer son action – et avec quels moyens ? – sur Arles, la Camargue et les Alpilles, qui ne sont pas dans la métropole ?

M. Patrick Mennucci. Vous étiez meilleur sur Lyon !

M. Hervé Gaymard. Ni fait, ni à faire, vraiment. Ce n’est pas ainsi que nous y arriverons. L’approfondissement de la décentralisation ne passe ni par l’adoption de vingt-sept pactes territoriaux d’une complexité inouïe, ni par le marchandage de nouveaux transferts de compétence, ou de transferts au profit des uns et au détriment des autres. Les collectivités sont à la fois trop nombreuses et exercent à des échelons eux-mêmes trop nombreux. Leurs compétences forment un écheveau devenu inextricable.

Édouard Balladur affirmait dans son rapport, auquel je veux rendre hommage, que « la clarification des compétences est appelée à demeurer un vœu pieux tant qu’elle ne procédera pas d’une redéfinition des structures mêmes de l’organisation territoriale de notre pays ».

M. Serge Grouard. C’est le fond du problème, absolument !

M. Hervé Gaymard. Il faut remettre le travail sur le métier au-delà des logiques partisanes et que le bon sens l’emporte. Il ne faut pas temporiser. Il faut décider, mais ni à l’aveugle, ni à l’estime. Nous ne voulons pas de ce puzzle dont il faudrait reconstituer le motif, ni d’un jeu de go dont la stratégie combinatoire nous serait cachée, ni d’un Mikado où il faudra retirer le plus grand nombre de baguettes sans faire bouger les autres, ni d’un jeu de rôles, ni d’un jeu de hasard. L’enjeu est trop important.

C’est pourquoi, mesdames les ministres, l’Assemblée nationale va vous rendre un immense service en adoptant cette question préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Ce ne sera pas un désaveu personnel, car nous savons que vous êtes de bonne volonté. Ce sera un encouragement à plus d’ambition et à davantage de cohérence pour construire la France de demain. Notre main est tendue pour travailler ensemble. Mais ce ne peut être sur la base de ce texte de guingois, tout en insuffisances et en arrière-pensées.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous invite à adopter la question préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Dussopt, rapporteur au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Olivier Dussopt, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Monsieur Gaymard, j’ai été surpris, surpris parce que je sais la connaissance que vous avez de ces sujets et la qualité que vous pouvez apporter à une argumentation. Je dois vous avouer que je suis resté un peu sur ma faim dans la mesure où je n’ai entendu aucun argument de nature constitutionnelle qui puisse justifier le rejet de ce projet de loi comme vous nous le proposez.

M. Patrick Ollier. Vous n’avez pas écouté !

M. Olivier Dussopt, rapporteur. De votre intervention, j’ai retenu trois arguments principaux.

Premier argument : il y aurait une contradiction dans notre attitude entre le fait que nous ayons rejeté la loi de 2010 tendant à la création des métropoles, telle que vous l’avez présentée, et le fait qu’aujourd’hui nous défendions une loi d’affirmation du fait métropolitain. Je dois vous rappeler, à ce stade de nos débats, que si nous nous sommes opposés à cette loi, en 2010, ce n’est pas parce qu’elle créait des métropoles mais parce qu’elle créait le conseiller territorial, parce qu’elle donnait des pouvoirs exorbitants aux préfets en matière de dessin de la carte intercommunale et parce qu’elle supprimait la clause générale de compétence que nous allons rétablir dans ce texte conformément aux engagements du Président de la République.

M. Jacques Myard. Hélas ! Hélas !

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Votre deuxième argument tient à la lisibilité des politiques publiques. Je me dois là encore de vous renvoyer au texte que nous défendons. Avec la conférence territoriale de l’action publique, avec la définition d’un chef de filat, auquel nous donnons une véritable portée alors qu’il en était dépourvu depuis son introduction dans la Constitution en 2003, nous contribuons à la clarification et à la lisibilité de l’action publique. Le caractère pluriannuel des conventions d’exercice partagé des compétences permettra en outre de gagner en lisibilité puisque, au-delà de la clarification et de la réponse apportée à la fameuse question « qui fait quoi ? », nous allons pouvoir l’inscrire dans le temps en nous appuyant sur la responsabilité et l’intelligence des élus territoire par territoire.

Votre troisième argument concerne la nature de la réforme : pour vous, il ne s’agirait pas véritablement d’une réforme de décentralisation. Pourtant, ce que nous faisons en matière de chef de filat, en matière de confiance, de responsabilité, ce que nous faisons pour permettre aux territoires d’organiser comme ils le souhaitent et comme il le faut, l’exercice des compétences partagées région par région est l’illustration que cette réforme va dans le bon sens.

Je passerai rapidement sur certains éléments qui montrent que vous trouvez, malgré tout, des qualités au texte. J’ai noté ainsi ce que vous avez dit sur le choix fait par la commission des lois de notre assemblée de confier l’aménagement numérique aux régions. Je retiens encore que, selon vous, l’organisation à géométrie variable – nous parlerions plutôt d’adaptation aux circonstances et aux besoins des territoires – ne remettait pas en cause l’unité de la République. Vous avez également reconnu l’originalité et l’audace du projet lyonnais…

M. Michel Terrot. On ne peut pas vraiment parler d’audace.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. …même si vous avez regretté les conditions dans lesquelles il a pu être élaboré – je pense au tête-à-tête que vous avez décrit.

J’appelle nos collègues à rejeter votre motion de rejet préalable en formulant trois observations. Adopter cette motion nous ferait perdre du temps ; or il y a une nécessité absolue d’aller vite.

Aller vite pour mieux structurer le fait urbain et lui donner les statuts qu’il mérite pour répondre aux nouveaux enjeux.

Aller vite pour répondre aux enjeux du logement à Paris (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP), mais plus globalement à Paris, Lyon et Marseille. Vous avez eu l’honnêteté de souligner combien il était important que la métropole marseillaise trouve une structuration et mette en place des outils de coopération pour répondre aux enjeux du développement économique, de l’assainissement ou encore de la gestion portuaire.

Aller vite pour donner plus de lisibilité, notamment à travers le chef de filat.

Rien ne serait pire que le statu quo et c’est ce à quoi conduirait l’adoption de votre motion. C’est pourquoi nous ne pouvons l’accepter. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Alain Chrétien. Quel tonnerre d’applaudissements !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la réforme de l’État, de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur Gaymard, après des mots fort sympathiques comme « logomachie creuse » – je vous félicite à cet égard pour la richesse de votre vocabulaire –, vous avez parlé des difficultés à mettre tout le monde d’accord.

M. Jacques Myard. Au PS !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Il me semble que vous auriez pu suivre avec profit les débats au Sénat.

M. Hervé Gaymard. C’est ce que j’ai fait !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Car entre la proposition de l’un, ami de l’UMP, et la proposition des autres, vous auriez constaté qu’il aurait été impossible de mettre votre famille politique d’accord. C’est d’ailleurs pour cette raison, en particulier concernant Paris, que nous avions proposé, dans un texte que vous qualifiez de « plein de désinvolture »…

M. Christian Jacob. Nous avions dit : « vite fait, bien fait » !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je vous en prie, monsieur Jacob !

M. Guy Geoffroy. Cela veut bien dire ce que ça veut dire !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Nous avions proposé de remédier au problème posé par Paris et l’Île-de-France, en choisissant la solution de Paris Métropole et de ses élus, qui sont totalement transpartisans. Ce texte s’appuyait sur leur travail ; la façon dont vous l’avez qualifié est d’ailleurs assez surprenante.

C’est en effet parce que le débat à l’intérieur de l’UMP a été extrêmement dur – la métropole correspondrait à la région, ou bien résulterait d’une fusion obligatoire des quatre départements, ou encore on ne proposerait rien du tout, ou en tout cas pas la solution de Paris Métropole – que le texte n’a pas été voté. Ainsi, si le but était de mettre tout le monde d’accord, il aurait fallu commencer par une réunion des sénateurs UMP sur ce sujet !

Quelques remarques encore : concernant le budget des conseils généraux, dont vous avez parlé, je suis ravie de vous informer que ce matin, lors de la réunion des présidents de conseils généraux, dont vous n’avez pas eu le temps de lire le compte rendu, une belle unanimité a salué l’effort fourni pour répondre à la demande des conseils généraux…

M. Hervé Gaymard. C’est-à-dire conseiller d’augmenter les impôts !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. …et répondre aux difficultés rencontrées par les départements. Si vous estimez que c’est une faute, alors dites aux présidents des conseils généraux de votre famille politique qu’ils ont eu tort d’accepter et de trouver cette solution intéressante.

M. François Rochebloine. Quelle solution ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Vous auriez souhaité que l’on en revienne au conseiller territorial. Je n’y reviens pas moi-même.

M. Hervé Gaymard. C’est pourtant la meilleure solution !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est vous qui le dites ! Pour ma part, je ne le crois pas !

M. Christian Jacob. Vous avez le mérite de la cohérence !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je vais répondre un peu plus rapidement concernant le pacte de confiance, ce pacte de gouvernance que vous avez fustigé. Un accord peut aujourd’hui être trouvé entre une région et un département pour savoir s’il faut réunir les lycées et les collèges – vous avez en effet proposé de donner les collèges aux régions.

M. Hervé Gaymard. En compétence obligatoire !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Les régions et départements sont parfaitement capables, dans le cadre d’un accord concernant les lycées et les collèges, de décider par exemple de construire des cités scolaires à la charge des uns ou à la charge des autres.

M. Hervé Gaymard. Ce n’est pas le sujet ! Cela existe déjà !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ce n’est peut-être pas le sujet, monsieur Gaymard, mais c’est vous qui l’avez lancé !

L’accord est donc possible à ce niveau, alors qu’il ne l’était pas auparavant. Je fais confiance aux élus – à leur intelligence, comme le disait M. le rapporteur –, et je crois également à la société du contrat, en particulier au XXIe siècle : les élus sont parfaitement capables d’établir des contrats de gouvernance. Si vous n’y croyez, moi j’y crois !

M. Serge Grouard. Tout cela existe déjà !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Ce progrès est intéressant, après celui évoqué par le rapporteur concernant le chef de filat. Pourtant, j’ai retenu que vous ne reconnaissiez aucun mérite à ce texte.

Plusieurs députés du groupe UMP. Aucun !

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je trouve votre absence totale de doute extraordinaire ! Au fond, ce qui nous différencie, c’est que nous avons parfois des doutes ; mais ce soir, j’ai beaucoup de certitudes en affirmant que nous allons avancer.

Lorsque Paris, Aix-Marseille-Provence ou le Grand Lyon fonctionneront, nous nous retrouverons peut-être pour reconnaître que, finalement, nous avions raison. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Mme la présidente. Nous en venons aux explications de vote. La parole est à M. Paul Molac pour le groupe écologiste.

M. Paul Molac. Ce texte n’est pas forcément celui que nous aurions proposé ; cependant, nous ne voyons aucun intérêt à le rejeter dans l’immédiat, car la confrontation et le débat parlementaire doivent avoir lieu.

Nous comptons sur ce débat pour améliorer le texte et l’orienter dans le bon sens, en particulier dans la clarification des compétences, dans l’émergence de l’échelon régional, dans la définition d’une place pour les métropoles. Nous voulons donc y contribuer, dans l’esprit de compromis qui nous caractérise. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et divers bancs du groupe SRC.)

M. Bruno Le Roux. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Braillard pour le groupe RRDP.

M. Thierry Braillard. J’apprécie beaucoup Hervé Gaymard : lorsque, en 2008, nous avons travaillé ensemble auprès d’Edouard Balladur, venu en région Rhône-Alpes dans le cadre du comité qu’il présidait, nous étions en accord sur de nombreux points – j’aurai l’occasion d’y revenir lors de la discussion générale. J’ai donc du mal à comprendre les propos tenus par Hervé Gaymard, en dépit de leur intelligence.

M. Alexis Bachelay. Il a changé d’avis !

M. Thierry Braillard. Incontestablement, l’histoire a rendu son verdict. Si l’on retrace l’histoire de la décentralisation en France, les textes majeurs en sont les lois Defferre de 1982-1983, puis les lois Raffarin en 2003-2004, plus limitées en termes de décentralisation et qui ont posé des problèmes à certaines collectivités, le transfert de compétences n’étant pas compensé par un transfert de charges à l’euro près et amenant par conséquent les collectivités à faire l’avance. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Des études ont été faites sur ce sujet, et vous avez beau utiliser la méthode Coué en répétant le contraire, telle est la vérité !

Pour conclure, je répondrai à M. Gaymard, qui parlait d’un texte « ni fait, ni à faire », que les grandes intentions affichées lors de la publication du rapport Balladur n’ont finalement débouché, après cinq années, que sur la loi du 16 décembre 2010, limitée au conseiller territorial et à la compétence exclusive : voilà un texte qui n’était pas à faire ! C’est la raison pour laquelle cette loi a été abrogée.

Parler de décentralisation sans avoir mené une grande réforme alors que vous aviez le pouvoir de la faire, je trouve cela un peu fort de café !

Nous rejetterons donc cette motion de rejet, afin d’en venir rapidement au débat. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Sur la motion de rejet préalable, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Marc Dolez pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Marc Dolez. Personne ne sera surpris si j’indique que notre groupe considère que le projet de loi dont nous avons entamé l’examen cet après-midi est d’une extrême gravité, et que son adoption serait lourde de conséquences.

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est vrai !

M. Marc Dolez. En effet, le bouleversement institutionnel proposé remettra en cause l’organisation territoriale de la République, qui repose aujourd’hui sur l’égalité de tous et l’équilibre des territoires.

En prenant les choses à l’envers, vous nous proposez avec ce texte de faire des métropoles la clé de voûte de l’organisation territoriale de la République. Ces métropoles seront des monstres juridiques et technocratiques qui, là où elles seront mises en place, seront synonymes d’effacement des communes et des départements, et confineront les régions dans la subsidiarité.

Nous craignons très fortement que la mise en place de ces métropoles ne fasse qu’aggraver la fracture territoriale, et de fait n’induise une France des territoires à plusieurs vitesses. Notre opposition à ce texte, mesdames les ministres, est donc sans concession, et nous dirons dans la discussion générale que cela concerne les métropoles de droit commun comme les métropoles d’exception, à Paris, Lyon et Marseille, considérant qu’elles remettent en cause l’organisation territoriale que nous a légué la Révolution française.

M. Alexis Bachelay. Avec un tel raisonnement, on ne pourrait toucher à rien !

M. Marc Dolez. Cela étant, nous préférerions que la discussion de ce texte s’arrête à ce stade, pour plusieurs raisons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Premièrement, nous ne pensons pas, pour les raisons indiquées, que la discussion de ce texte soit opportune. De plus, compte tenu de sa philosophie, nous ne considérons pas non plus qu’il soit améliorable.

Deuxièmement, nous pensons que ce texte porte atteinte à des principes tout à fait importants, comme le principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales de la République.

Troisièmement, nous voulons, mesdames les ministres, vous offrir la possibilité de revoir votre copie,…

M. Jacques Myard. Bonne idée !

M. Marc Dolez. …et de la reprendre en concertation avec les élus locaux, avec leurs associations, avec les citoyens également, parce qu’il ne peut être question de réforme de la démocratie locale sans démocratie.

Nous voulons vous offrir l’occasion de réécrire votre copie dans le respect des conclusions des états généraux organisés il y a quelques mois par le Sénat, où quelque 20 000 élus locaux se sont exprimés très clairement pour réaffirmer leur attachement viscéral à la commune.

M. François Rochebloine. Très bien !

M. Marc Dolez. Par ailleurs, nous voulons également vous permettre de renouer avec les principes fondateurs des lois Defferre de 1982-1983.

Pour toutes ces raisons, propres à notre groupe, et qui traduisent ce que nous pensons depuis longtemps de tous ces sujets, notre groupe votera pour la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, UMP et UDI.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Doucet pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Philippe Doucet. Je vais vous faire une confidence : j’aime la droite ! Elle use encore une fois de la procédure parlementaire pour tenter de faire échouer le projet de loi relatif à la modernisation de l’action publique territoriale et à l’affirmation des métropoles.

M. Christian Jacob. C’est notre droit : nous sommes en démocratie !

M. Philippe Doucet. Elle joue encore une fois avec les conservatismes. La droite est contre : c’est son habitude !

Je vais vous faire une autre confidence : je préfère la gauche ! Ce texte et l’engagement des ministres, Mmes Lebranchu et Escoffier, sont la preuve que nous assumons notre devoir. Je préfère la gauche qui pense de nouvelles organisations territoriales, qui parie sur la responsabilité et l’efficacité des élus locaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Confiance mutuelle, efficacité, démocratie : tels sont les maîtres mots de ce projet de loi !

M. Jacques Myard. C’est un diktat !

M. Philippe Doucet. La décentralisation était jusqu’à très récemment subie, dévoyée de son esprit de 1982 ; renouons avec ! Ce projet de loi relance la confiance mutuelle entre le Gouvernement et les élus locaux. Il a été discuté, partagé comme une œuvre collective, pour reprendre les mots de Gaston Defferre. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Dans les années 1980, les transferts de compétences aux collectivités s’accompagnaient des ressources correspondantes. Quelques gouvernements de droite plus tard, les collectivités recevaient de manière imprévisible et désordonnée des compétences que l’État refusait d’assumer pour diminuer son budget. Ce projet de loi met fin à cette perversion.

M. Guy Geoffroy. C’est inadmissible ! Ce n’est pas possible d’entendre une chose pareille !

M. Philippe Doucet. La décentralisation regagne en cohérence puisque les chefs de filat sont organisés et que la répartition des compétences est clarifiée. Des outils de coordination garantissent une meilleure efficacité de la dépense publique et de l’action politique, pour mieux servir le bien public.

M. Philippe Cochet. Pour ce qui est de la dépense, on peut compter sur vous !

M. Philippe Doucet. Enfin, penser et agir pour une nouvelle étape de la décentralisation est un gage de vitalité démocratique permettant au pays de progresser, tout comme la reconnaissance du fait urbain, l’organisation du monde rural, le respect des spécificités des territoires.

La commission des lois a travaillé. Elle a initié la partie francilienne : création de la métropole du Grand Paris, afin que notre capitale puisse se positionner dans l’économie mondiale de manière compétitive et sans relégation de la grande couronne ; renforcement des moyens au service de l’habitat et du développement durable ; achèvement de la carte intercommunale.

Il est temps d’en débattre ici, et de prendre nos responsabilités. C’est pourquoi le groupe SRC votera contre cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Étienne Blanc pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Étienne Blanc. Le groupe UMP votera naturellement cette motion de renvoi. Il la votera pour quatre raisons.

La première raison tient à ce que les élus sur l’ensemble du territoire de la République demandent aujourd’hui de la clarté. Ce qui les gêne, qu’ils soient maires, présidents de communautés de communes, conseillers généraux ou régionaux, c’est cet empilement, cet enchevêtrement au fil du temps qui a créé une vaste confusion qui n’affecte pas seulement les élus, mais aussi tous les partenaires, tous ceux qui, au quotidien, doivent travailler avec des collectivités territoriales. Bref, les Français ne comprennent plus aujourd’hui une architecture devenue complexe au fil du temps.

Votre texte ajoute-t-il de la clarté ? Non, bien au contraire ! La conférence territoriale, le pacte de gouvernance, tout cela sous l’autorité de chefs de file, ne répondent en rien à ce besoin de clarté. Et il réussit cet exploit extraordinaire de rendre plus confuse la définition du chef de file après l’examen par la commission des lois qu’elle ne l’était dans le projet du Gouvernement !

En second lieu, il ne répond pas à la profonde inquiétude sur le financement, suite à l’effondrement des dotations de l’État aux collectivités territoriales. Sur ce sujet, aucune étude d’impact, aucune prévision n’ont été faites, il n’y a rien de solide. Et je peux vous assurer que, partout en France, ce sujet inquiète les élus locaux.

En troisième lieu, vous faites surgir au milieu de ce texte les métropoles. Nous l’avions voulu, nous majorité de l’époque, mais lorsque vous avez mis en place le système dans ce texte confus, vous n’avez pas pensé à l’articulation entre les métropoles et les régions. La grande inquiétude, sur l’ensemble du territoire national, c’est aujourd’hui de créer au sein des régions des métropoles puissantes. En Rhône-Alpes notamment, plus de la moitié de la valeur ajoutée sera produite sur le périmètre de la grande métropole. Quelle articulation avez-vous prévue avec les hinterlands, ces pays qui seront constitués entre deux métropoles ? Sur ce sujet, votre texte est absolument muet. Et ce ne sont pas les pôles ruraux qui apportent une réponse.

Enfin, madame la ministre, sur ces questions comme sur bien d’autres, le Gouvernement manque cruellement de courage. En politique, sur ce sujet-là, il fallait faire des choix, il fallait clarifier, spécifier les compétences, il fallait encadrer une décentralisation. En réalité, votre texte ouvre à la confusion, à l’éparpillement, à l’imprécision.

Mme Bérengère Poletti. Tout à fait !

M. Étienne Blanc. Si nous n’adoptons pas cette motion de rejet préalable, nous sortirons de ce débat avec encore plus de confusion qu’il n’y en avait avant ce texte. C’est la raison pour laquelle l’UMP votera cette motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

50 000 et 500 000la présidente. La parole est à M. Michel Piron, pour le groupe UDI.

M. Michel Piron. Où est la vision d’ensemble de ce texte ?

Mme Bérengère Poletti. Nulle part !

M. Michel Piron. Où est la cohérence ?

M. Patrick Ollier. Il n’y en a pas !

M. Michel Piron. Où est le principe directeur ?

M. Guy Geoffroy. On aimerait bien le savoir !

M. Michel Piron. Vous nous proposez, au mieux, une loi qui répond à quelques exigences locales, importantes certes, mais avec quelle perspective nationale ? Vous ne traitez rien au fond, mais, j’en conviens, vous y mettez les formes, beaucoup de formes. Qu’en reste-t-il après l’examen de votre texte au Sénat ? Là où l’on pouvait, là où l’on était en droit d’attendre une véritable réforme des territoires, une clarification, il reste, certes, des territoires, mais où est la réforme ? Faute de l’avoir, de l’entrevoir même, nous adopterons sans hésitation la motion de rejet préalable si bien argumentée, je dis bien argumentée, par M. Hervé Gaymard. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Mme la présidente. Je mets aux voix la motion de rejet préalable.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin sur la motion de rejet préalable :

Nombre de votants 238

Nombre de suffrages exprimés 232

Majorité absolue 117

(La motion de rejet préalable n’est pas adoptée.)

M. Bruno Le Roux. Il y en a qui devraient y réfléchir à deux fois avant de voter !

M. Christian Jacob. Il y en a qui votent mal !

Motion de renvoi en commission

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Alain Chrétien.

M. Alain Chrétien. Mesdames les ministres, à défaut d’avoir obtenu le rejet de ce texte, nous allons essayer de vous convaincre de le renvoyer en commission.

Pour bien comprendre ce texte, il faut faire l’effort de lire les trois projets de loi. Ça commence par là, et c’est très dur, mais j’ai fait cet effort…

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Bravo !

M. Alain Chrétien. …en espérant pouvoir trouver la vision socialiste de la décentralisation au XXIe siècle. Mais malgré tous ces efforts, je n’ai pas réussi à trouver la moindre cohérence, parce je n’ai vu dans ces trois textes que l’addition de dispositions qui s’intercalent les unes aux autres, sans aucun lien. J’y ai vu des dispositions sur le tourisme, sur le transport, sur l’exercice des mandats locaux, sur la DGF, sur l’ensemble des compétences des régions, des départements et des communes, mais le tout mélangé dans ces trois projets de loi. Comprenez donc ma déception lorsque j’ai voulu faire comprendre à mes collègues qu’il y avait une vraie vision de l’avenir du côté des territoires : nous ne sommes pas parvenus à trouver cette cohérence.

Madame la ministre, ces trois projets de loi sont issus d’un seul projet, d’un mastodonte qui avait été présenté par le Gouvernement en début d’année et que vous vous êtes résolue à diviser en trois pour diminuer encore cette fameuse cohérence qui manque tant à ce texte.

Pourtant, les socialistes nous avaient habitués à des textes fondateurs. Les textes de 1982, de 1983 et de 1984 sont d’une bonne facture.

M. Jean Launay. Il est temps de le reconnaître !

M. Alexis Bachelay. Il ne faut pas oublier le texte de 1999 de Jean-Pierre Chevènement !

M. Alain Chrétien. Bien que je sois un jeune député, j’ai malgré tout fait de l’archéologie juridique pour comprendre d’où venait cette vision décentralisatrice. Vous auriez pu vous inspirer de ces textes qui datent des trois premières années du premier mandat de François Mitterrand pour continuer à progresser dans la décentralisation.

Ces textes ont été suivis d’une autre loi importante issue de votre majorité, la loi ATR, administration territoriale de la République, de 1992 qui, elle aussi, méritait qu’on s’y intéresse. Elle a créé notamment les communautés de communes et les communautés de ville, lesquelles ont ensuite disparu.

Si l’on continue la recherche, car il faut bien comprendre d’où l’on vient pour comprendre où vous voulez aller, on constate qu’une loi de droite a aussi marqué l’histoire de la décentralisation de notre pays : la loi d’orientation pour l’aménagement du territoire qui a créé notamment les pays, le rapporteur de cette loi étant Patrick Ollier, ici présent.

Madame la ministre, vous me pardonnerez de revenir longuement sur l’historique, mais il est indispensable de comprendre comment une loi peu être créée et quelle est son histoire.

Enfin, je citerai la loi Chevènement de 1999…

M. Christian Hutin et M. Jean-Luc Laurent. Excellente loi !

M. Alain Chrétien. …dont j’ose dire effectivement qu’elle était excellente.

Cette loi avait le mérite de la cohérence et de la lisibilité. Elle créait trois étages intercommunaux : les communautés de communes pour les communes de moins de 50 000 habitants, les communautés d’agglomération qui comptent entre 50 000 et 500 000 habitants, enfin les communautés urbaines pour les communes de plus de 500 000 habitants.

Telle est encore, actuellement, l’architecture principale de l’intercommunalité.

C’est une belle loi et, même si je fais partie de l’UMP, je sais reconnaître quand des textes ont des conséquences positives sur l’architecture territoriale.

M. Jean-Luc Laurent. Merci pour cet éloge !

M. Alain Chrétien. Si je poursuis l’historique, je citerai encore la réforme importante de Jean-Pierre Raffarin de 2004 qui a achevé le dispositif qui avait été mis en place par Gaston Defferre en 1983 en achevant les transferts de compétences qui avaient été stoppés à un moment donné en raison de certains conservatismes.

La réforme de Jean-Pierre Raffarin est souvent dénommée l’acte II de la décentralisation. C’est dire si elle avait, elle aussi, une vision cohérente de l’action territoriale. Or, madame la ministre, vous avez judicieusement, et avec beaucoup d’humilité, transformé votre acte III en un simple projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est déjà pas mal !

M. Alain Chrétien. J’y vois la marque d’une humilité bien connue parce que nous sommes très loin de ce fameux acte III que le candidat Hollande appelait de ses vœux lors de sa campagne. Cet acte III, nous ne le verrons pas cette année, parce que lorsque l’on établit des comparaisons avec toutes les lois qui ont été votées depuis 1982, ces trois textes n’arrivent à la cheville d’aucun de ses prédécesseurs.

M. Guy Geoffroy. Très bien !

M. Alain Chrétien. Madame la ministre, je me suis arrêté aux réformes de Jean-Pierre Raffarin car il y a une dernière loi que nous considérons comme étant fondatrice de la décentralisation du XXIe siècle, la loi du 16 décembre 2010.

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bonne loi !

M. Alain Chrétien. Pour ma part je ne l’ai pas votée puisque je n’étais pas député. Mais en tant qu’élu local, j’ai pu suivre la confection de cette loi, j’ai pu comprendre quelle était l’envie du législateur et j’ai pu la mettre en œuvre. D’où l’importance, quand on est parlementaire, d’être aussi élu local, si l’on veut comprendre comment ça fonctionne dans les communes, dans les départements et les régions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Je pense que je ne tiendrais pas ce discours si je n’étais pas un cumulant, si je ne savais pas ce qu’est l’exercice des fonctions locales.

La loi du 16 décembre 2010 comportait deux grandes orientations : la première renforçait le couple commune-intercommunalité et la seconde le couple département-région pour éviter le sacrosaint et très vieux débat entre les départementalistes et les régionalistes, un débat sans fin que personne n’avait jamais osé trancher. Le président Sarkozy avait eu l’intelligence de ne pas mettre les deux face à face mais de rapprocher les deux collectivités pour qu’elles continuent d’exister et que le lundi nous débattions des affaires du département à la préfecture de département, que le mardi nous débattions des affaires de la région à la préfecture de région, mais que nous ne débattions pas des mêmes affaires que le lundi parce que chacun savait ce qu’il avait à faire dans chacun de ces hémicycles.

Mais cela, mes chers collègues, vous n’avez pas pu l’accepter non par bon sens mais par anti-sarkozisme primaire parce qu’il fallait trouver des marqueurs pour se différencier de la majorité sortante. La critique du conseiller territorial n’est pas un argument de bon sens, mais contre Sarkozy !

La preuve que la loi de 2010 n’était pas si mauvaise que cela : vous avez conservé le premier pôle qui concerne le rapprochement entre les communes et l’intercommunalité. D’ailleurs, vous avez tous, y compris sur les bancs de la gauche, approuvé la rationalisation des intercommunalités et la réduction de leur nombre dans les schémas départementaux de coopération intercommunale élaborés par les commissions départementales.

Cela a pu être parfois sanglant, compliqué, mais l’objectif était atteint : plus de simplification, moins d’entités juridiques et plus d’efficacité. Là aussi, vous vous y êtes soumis et vous êtes très heureux d’avoir, dans vos départements, des communautés de communes plus fortes, plus efficaces et moins nombreuses.

C’est la preuve que l’on peut parvenir à rédiger une loi qui soit ambitieuse, courageuse et visionnaire. C’était le cas de la loi de 2010 que nous rétablirons si nous redevenons majoritaires dans les années qui viennent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Mennucci. C’est du pipeau !

M. Alexis Bachelay. Vous n’aurez pas le courage !

M. Alain Chrétien. Si ! Nous aurons le courage !

M. Alexis Bachelay. Non, vous ne connaissez que l’immobilisme !

M. Alain Chrétien. J’en viens au projet de loi.

Vous vivez, mes chers collègues, dans un monde idéal où les collectivités négocient les unes avec les autres en toute bonne foi, sans arrière-pensées, pour le bien-être de nos concitoyens. Eh bien, je pense que c’est un peu plus compliqué.

Mes chers collègues de la majorité, il vous faudrait un peu plus de réalisme, un peu moins d’idéologie, pour comprendre ce que sont les négociations entre collectivités territoriales.

M. Patrick Mennucci. Donnez-nous la leçon, allez-y !

M. Alain Chrétien. Penser que les collectivités vont négocier entre elles la répartition des compétences, sans que ce soit le plus fort qui impose au plus faible ses obligations, c’est faire un doux rêve, mes chers collègues et madame la ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Vous rêvez quand vous pensez que ces négociations vont se passer dans un climat de grande sérénité. On le sait déjà : quand on négocie entre collectivités, c’est le plus fort qui impose ses vues aux autres.

M. Patrick Devedjian. C’est ce que fait Paris avec la banlieue !

M. Alain Chrétien. Madame la ministre, vous dites souvent que vous préférez le contrat à l’ordre…

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Non.

M. Alain Chrétien. Vous l’avez dit en commission : vous préférez le contrat à l’ordre. On pourra ressortir les minutes.

Eh bien nous, nous pensons que l’ordre et le contrat sont compatibles. C’est ce que nous souhaitons : pour qu’une loi soit bonne, il faut qu’elle puisse allier le contrat à l’organisation rationnelle des territoires. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Madame la ministre, c’est donc une tutelle organisée que vous allez installer avec ce pacte territorial et nous ne sommes pas dupes.

Deuxième point concernant les métropoles : c’est la première fois que, sur le territoire de la République, on crée des métropoles sur mesure à la demande de certains élus locaux. Là non plus, nous ne sommes pas dupes : des négociations ont eu lieu à Lyon et à Marseille. D’ailleurs, je me demande pourquoi une grande métropole régionale, frontalière d’un pays de l’Union européenne, n’a pas mené de telles négociations. Pourquoi Lille ne bénéficie-t-il pas d’un statut de métropole d’exception, vu sa taille et son importance démographique ?

M. Jacques Myard. Parce que Martine ne le voulait pas !

M. Alain Chrétien. Vous vous appuyez sur la loi PLM, qui est une loi fondatrice, mais qui n’est pas non plus l’alpha et l’oméga de l’organisation territoriale. Pourquoi ne pas organiser la métropole de Lille comme la métropole de Marseille ou comme la métropole de Lyon ? Il faudra nous expliquer pourquoi Martine Aubry ne nous a pas demandé pour Lille le même système que Gérard Collomb pour Lyon.

M. Patrick Mennucci. Parce qu’il y a moins d’habitants !

M. Alain Chrétien. Nous sommes contre le principe des métropoles d’exception. Nous sommes contre la création d’un droit spécial qui ne se justifie pas.

M. Patrick Mennucci. Tout le monde sous la toise !

M. Christian Paul. Conservateur !

M. Patrick Mennucci. Vous savez les problèmes qu’il y a chez nous ?

M. Alain Chrétien. D’ailleurs, vous l’avez avoué : vous avez accepté le principe des métropoles. Vous l’aviez refusé en 2010 et vous le défendez en 2013, c’est là aussi un beau paradoxe qui témoigne d’une belle hypocrisie devant la représentation nationale.

Ce qui était mauvais en 2010, vous en faites un projet en 2013 : on ne comprend pas votre incohérence et votre hypocrisie.

M. Guillaume Bachelay. Vous brûlez ce que vous avez adoré !

M. Alain Chrétien. J’essaie de vous convaincre de renvoyer ce texte en commission, parce que la plus grande aberration, c’est tout de même de découvrir un dispositif pour la région capitale – quelque chose qui va déterminer l’avenir de la plus grande région d’Europe – un soir à 23 heures 30, en deux heures d’examen. Les commissaires ont découvert le dispositif, y compris les socialistes, et n’ont même pas le temps de l’examiner, même pas le temps de le critiquer : ils devaient l’avaler tout cru, sans avoir pu le lire jusqu’au bout. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Là aussi, madame le ministre, c’est un exercice de style particulièrement dégradant, y compris pour votre majorité, que de créer une métropole de Paris en deux heures, en pleine nuit, en commission ! Vous avez donné beaucoup de leçons à l’ancienne majorité, je pense je vous pouvez vous appliquer vos critiques à vous-mêmes. (Mêmes mouvements.)

M. Guillaume Bachelay. Vous ne savez rien sur rien !

M. Alain Chrétien. Madame le ministre, certains chez vous ont trouvé que vos textes faisaient la part trop belle au fait urbain.

Mme Colette Capdevielle. Qui ?

M. Alain Chrétien. François Sauvadet n’est pas ici, mais il vous dirait que dans les rangs socialistes, on pense beaucoup à l’urbain, on pense beaucoup moins à la campagne.

Vous avez donc essayé de rajouter, pour compléter et rééquilibrer le projet de loi, un chapitre sur les pôles ruraux.

M. Christian Paul. Bon chapitre !

M. Alain Chrétien. Vous allez me dire : « Ce n’est pas moi, ce sont les sénateurs. » Il va falloir m’expliquer quelle est la valeur ajoutée de ce pôle rural d’aménagement et de coopération, quand on sait que les pays, organisés pendant dix ans, couvrent maintenant 80 % du territoire de la France rural et qui sont devenus de vrais outils de coopération territoriale.

M. Patrick Mennucci. Vous avez voulu les supprimer !

M. Alain Chrétien. Lorsqu’on lit les objectifs du pôle rural d’aménagement et de coopération, on retrouve mot pour mot ceux des pays créés par Patrick Ollier et par Charles Pasqua en 1995. Ce n’est qu’une redondance, pour faire croire que vous vous préoccupez aussi du monde rural et pas seulement de vos copains des métropoles !

M. Christian Paul. Un peu d’humilité : vous avez tenté de les supprimer.

M. Alain Chrétien. Vous avez essayé d’introduire un autre système, le pôle de développement économique, avec notre collègue de la commission des affaires économiques, qui a été repoussé par la commission des finances, et vous revenez avec ce pôle rural d’aménagement et de coopération.

Je vous le répète, madame le ministre, je demande une réponse sur la valeur ajoutée de ce nouveau dispositif. Je n’ai jamais pu trouver de réponse, si ce n’est du pur affichage : on change le nom. Croyez-vous que les élus locaux, déjà submergés par les dispositions complexes, par les changements de procédure, par le droit de l’urbanisme, vont essayer de changer leur pays en pôle rural d’aménagement et de coopération ?

Madame le ministre, en quelques mots, j’ai essayé dans un style différent d’Hervé Gaymard de vous convaincre.

M. Patrick Mennucci. Vous n’avez pas réussi.

M. Alain Chrétien. Je n’en sais rien ; j’ai voulu vous convaincre de renvoyer ce texte en commission, parce qu’il est mal ficelé, parce que les trois projets ne sont pas cohérents et parce qu’il faut que vous dialoguiez avec la minorité pour essayer de trouver certains accords. Je suis sûr qu’on pourrait en trouver et voter ensemble des articles utiles au pays.

En conclusion, madame le ministre, je crois qu’aujourd’hui, avec ces trois projets, nous allons mettre en place le désordre territorial institutionnalisé. Vous souhaitiez mettre de l’ordre dans les compétences des collectivités, vous allez au contraire créer le désordre, parce que d’une région à l’autre, on ne fera pas la même chose.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Eh bien oui !

M. Alain Chrétien. Parce que les départements n’auront pas les mêmes compétences. Comment voulez-vous que les Français s’y retrouvent, si chacun fait sa petite soupe dans son coin, pour paraphraser humblement le général de Gaulle ? Madame la ministre, nous ne voulons pas que les acteurs locaux fassent leur petite soupe dans leur coin : nous voulons une vraie, une belle, une grande réforme territoriale. Celle de 2010 nous convenait, et c’est vers celle-là que nous reviendrons quand nous redeviendrons majoritaires. (Applaudissements soutenus sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Monsieur le député, comme notre règlement ne prévoit pas qu’on puisse défendre deux motions de rejet préalable, vous avez intitulé la vôtre « motion de renvoi en commission », mais je n’ai pas trouvé d’arguments pour revenir en commission.

M. Jacques Myard. Mais si !

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Vous avez simplement évoqué une série de points sur lesquels je vais essayer de vous répondre, au moins partiellement.

Sur les pôles ruraux d’aménagement et de coopération que vous voulez absolument mettre en concurrence avec les pays, il faut rappeler que la loi de 2010 que vous vantez tant a prévu de supprimer les pays. Avec les pôles ruraux d’aménagement et de coopération, nous donnons la possibilité à des pays au sens de la loi d’orientation sur l’aménagement durable du territoire de continuer à exister et de se structurer, notamment dans le cas des pays qui existent sous forme associative.

Sur la région parisienne, le dispositif que le Gouvernement soutient à l’initiative d’un collectif de parlementaires semble vous heurter, ou du moins vous regrettez que nous l’ayons examiné en commission. En réalité, le mal-être est plus profond. Après le rejet au Sénat de la partie du texte relative à Paris, un certain nombre de parlementaires, plutôt dans les rangs de l’opposition, n’entretenaient qu’un souhait, celui d’un échec à l’Assemblée : soit que nous sortions du débat avec une page blanche, pour pouvoir nous reprocher de ne pas avoir agi, soit que nous sortions avec un dispositif prévoyant une strate supplémentaire, pour nous reprocher d’ajouter à la complexité. Or, avec le dispositif que le Gouvernement propose et que les parlementaires socialistes et autres soutiennent, nous aboutissons à un dispositif intégré qui n’ajoute pas une couche au millefeuille et qui permettra d’être plus efficace en matière de logement. Il n’est nul besoin de retourner en commission pour voir l’intérêt qu’il y a à l’adopter.

Vous avez développé deux autres arguments. D’abord vous nous reprochez une absence de cohérence. Je tiens à vous rassurer : nous savons où nous allons.

M. Laurent Furst. Droit dans le mur !

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Nous savons où nous allons avec les conférences territoriales de l’action publique et la confiance que nous faisons aux élus locaux pour organiser au mieux le partage des compétences sur leur territoire.

Nous savons ce que nous faisons au sujet des métropoles, je l’ai dit tout à l’heure à M. Gaymard, parce que nous pensons qu’il faut doter ces zones urbaines d’un statut adapté aux enjeux auxquels elles doivent faire face.

Nous savons aussi où nous allons, malgré le découpage de la réforme en trois textes, puisque, après la définition des chefs de file et des conditions de la gouvernance, nous aurons l’occasion d’examiner deux textes : l’un qui précisera encore plus la répartition des compétences entre les régions et les départements, l’autre qui s’intéressera au partage des compétences au sein du bloc local entre communes et intercommunalités.

Je finis sur une remarque qui m’a frappé car elle est révélatrice. A propos des conférences territoriales d’action publique et des conventions d’exercice partagé des compétences, vous avez dit que la négociation, par principe, finissait toujours par la victoire du plus fort. Je dois vous faire un aveu : la loi du plus fort n’est pas notre philosophie. Nous considérons qu’avec le système du chef de file, tel qu’il a été inscrit en 2003 dans la Constitution, en permettant au chef de file de proposer des conventions et de les piloter, nous faisons justement en sorte de permettre aux collectivités, quelle que soit leur taille, quels que soient leurs moyens, de faire valoir leurs compétences et leurs prérogatives en sortant de ce rapport de force et de cette loi du plus fort qui semble caractériser votre manière d’appréhender la décentralisation.

Je l’ai dit, il n’y a aucun argument dans votre démonstration qui nous permette de penser une minute que nous devions renvoyer ce texte en commission : c’est pourquoi j’appelle à rejeter votre motion. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée chargée de la décentralisation. J’ai bien entendu l’ensemble de votre démonstration pour défendre cette motion de renvoi en commission. Nous sommes tous ici des élus locaux.

Mme Isabelle Le Callennec. Pour l’instant !

M. Hervé Gaymard. C’est bientôt fini !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Nous avons l’habitude de parler à nos concitoyens et de les entendre. L’objectif qui est le nôtre, à quelque niveau que ce soit, est de toujours apporter une réponse à leurs attentes.

Et c’est bien l’objectif de notre texte. Vous avez relevé le titre du projet, « modernisation de l’action publique territoriale ». Eh bien oui, nous en sommes fiers : depuis le vote de la loi de 1982 sur la décentralisation, nous avons vu se succéder des textes sur les collectivités territoriales et des textes sur l’État, mais jamais de projet sur les liens entre les deux. Nous sommes arrivés, vous l’avez noté, à cette complexification que nous combattons, du fait que les positions de l’État et des collectivités territoriales ne sont pas coordonnées.

Notre fierté aujourd’hui, avec Mme Lebranchu, c’est d’arriver à un texte qui a justement cette cohérence que nous voulons forte, solide, entre ce que l’État peut faire au niveau local et ce que feront les collectivités territoriales pour répondre aux attentes de nos concitoyens.

Peut-être que ce qui nous différencie le plus, c’est la confiance que le Gouvernement entend faire aux élus locaux. Confiance, parce que nous savons que les élus locaux sont des gens responsables, parce que nous savons que leur objectif est la solidarité entre les territoires et parce que nous savons qu’ils ont à cœur l’intelligence des territoires. Celle-ci oublie, que nous invoquons bien souvent, consiste à rassembler ce qui est épars : c’est tout l’objectif de notre dispositif.

J’ajoute qu’au cœur de notre démarche se trouve toujours ce principe que je rappelle lors de mes déplacements : celui de l’unité de la République, une unité – vous l’avez souligné vous-même – à laquelle nous tenons par-dessus tout.

M. Marc Dolez. Unité que vous mettez à mal !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. Mais, au-delà de l’unité, il y a la diversité des territoires. Nous sommes bien obligés, les uns et les autres, en conscience, d’admettre que nos territoires ne vivent pas de la même façon, qu’ils ne sont pas les mêmes et qu’il nous faut prévoir des dispositifs adaptés à leurs spécificités.

Cela, nous devons le faire dans le cadre de cette vraie proximité que nous voulons établir avec le citoyen, pour pouvoir non seulement être à ses côtés, mais encore être là pour l’écouter, pour l’entendre ou encore pour apporter de véritables réponses à ses questions. Voilà le sens de notre projet de loi de modernisation de l’action publique.

J’en viens aux conditions d’examen du texte. Vous avez soulevé le problème des trois métropoles, issues d’ailleurs de la loi PLM. L’ensemble du Gouvernement a longuement travaillé pour faire en sorte qu’elles puissent bénéficier des meilleurs dispositifs afin de répondre aux problématiques d’aujourd’hui et, en particulier, afin de garantir cet équilibre, cette solidarité entre des territoires riches et d’autres qui le seraient moins.

Au-delà de ces métropoles, j’insisterai sur le pôle rural, dispositif introduit par un amendement sénatorial. Il s’agit de mettre en place un véritable équilibre entre les territoires : il n’y a pas, d’un côté, un fait urbain et, de l’autre, un fait rural ; il y a en réalité des villes, des métropoles et des zones interstitielles dans lesquelles on constate une véritable dynamique, une véritable vie. Nos petites villes, nos villes moyennes, représentent 60 % de notre économie. Nous ne pouvons donc pas considérer qu’elles ne valent rien. Ce pôle de coordination au niveau rural aura donc cet objectif d’équilibre territorial.

Tout cela, mesdames et messieurs les députés, nous l’avons voulu, ressenti, travaillé. Je souhaite que pendant ce débat nous puissions vous faire comprendre un texte…

M. Serge Grouard. Eh bien, ce n’est pas gagné !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée. …qui n’est pas si complexe que l’on veut bien le dire et qui, en vérité, peut très facilement être expliqué aux uns et aux autres.

Enfin, je soulignerai combien le rapporteur et les rapporteurs pour avis ont travaillé avec la volonté d’améliorer et de clarifier le texte plus encore que ne l’avait fait le Sénat. Cela dans le but d’apporter une vraie réponse aux attentes et aux besoins des uns et des autres. Voilà pourquoi le Gouvernement ne peut pas donner un avis favorable au renvoi du texte en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Nous en venons aux explications de vote sur la motion de renvoi en commission.

La parole est à M. François-Michel Lambert, pour le groupe écologiste.

M. François-Michel Lambert. Je surprendrai peut-être certains d’entre vous, mais nous sommes entrés dans le XXIe siècle. Cette motion de renvoi proposée par l’UMP sent terriblement la naphtaline, le conservatisme.

M. Hervé Gaymard. Vous êtes bien présomptueux !

M. François-Michel Lambert. On voit que l’opposition s’est mise dans une posture de blocage de toute avancée pour nos territoires et cherche par tous les moyens à éliminer le moindre risque de progrès.

Le XXIe siècle, cela veut dire modernité,…

M. Jacques Myard. Elle est belle, votre modernité !

M. François-Michel Lambert. …idées novatrices, renouvellement de nos propositions politiques. Pour entrer dans ce XXIe siècle, nous devons innover pour mettre nos territoires en dynamique. Eh bien, le Gouvernement propose une innovation.

Il en avait déjà proposé une toute première qui était la concertation à laquelle nombre d’entre vous ont refusé de participer. Nous reconnaissons, pour notre part, le travail du Gouvernement qui propose des innovations. Je prendrai l’exemple de mon territoire – Aix-Marseille-Provence – qui a inauguré une nouvelle forme de travail en réseau pour environ quatre-vingts communes non seulement urbaines – Marseille, Aix – mais aussi plus rurales. Elles ont besoin de sortir du cercle négatif dans lequel elles sont pour entamer une nouvelle dynamique. En ce sens, nous devons suivre le Gouvernement quand il soumet à notre examen l’idée de métropole.

Alors, chers collègues de l’opposition, quand j’entends que vous ne croyez pas aux hommes et aux femmes de ce siècle (Rires sur les bancs du groupe UMP), quand vous nous dites, à propos des conseils de territoire, que les plus forts mangeront les plus faibles (Exclamations et sourires sur les bancs du groupe UMP), je vous répondrai que le XXIe siècle, c’est celui d’une nouvelle gouvernance, celui d’une nouvelle façon de travailler ensemble ; ce n’est pas votre façon de faire, mais c’est celle que nous défendons, nous, à gauche, et c’est pour cela que le groupe écologiste repoussera votre motion de renvoi. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Braillard, pour le groupe RRDP.

M. Thierry Braillard. Le groupe des radicaux de gauche rejettera cette motion de renvoi en commission. J’adresserai quelques mots à M. Chrétien qui a rappelé…

M. Christian Jacob. Avec talent !

M. Thierry Braillard. …que, lors du vote de la loi de 2010, les élus de l’opposition étaient aveuglés par un anti-sarkozysme primaire.

M. Guy Geoffroy. Ça, c’est vrai !

M. Thierry Braillard. Selon ses propres mots, il s’agissait d’un texte visionnaire. J’avoue que je me pose la question de savoir quelle pouvait bien être la vision de Nicolas Sarkozy au sujet des collectivités et il me souvient que, pendant la campagne électorale de 2012, il avait décidé, s’il était réélu, d’infliger des pénalités aux collectivités trop dépensières, qu’il s’agisse des départements ou des régions, en les montrant du doigt et en dénonçant une gabegie gestionnaire (« Exactement ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP) alors que, dans le même temps, force était de constater que le déficit de l’État était devenu abyssal.

M. Alexis Bachelay. Selon le bon vieux principe de l’arroseur arrosé !

M. Thierry Braillard. Aussi la vision de M. Sarkozy, selon nous, aurait-elle dû d’abord consister à se montrer exemplaire en matière de gestion des comptes publics avant de donner des leçons aux collectivités territoriales.

Ensuite, Étienne Blanc a regretté l’absence d’étude d’impact, suivant en cela la fameuse maxime : « Faites ce que je dis mais pas ce que je fais. » Il se trouve en effet que, lors du vote de la loi de 2004, prévoyant en particulier le transfert de la gestion des agents des lycées aux régions, il n’y a pas eu d’étude d’impact, mon cher collègue, si bien que les régions se sont trouvées dans la situation de devoir financer, entre autres, les dépenses liées aux comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Et l’État n’ayant rien remboursé, les dépenses ont dû être prises en charge directement par les collectivités.

M. Patrick Ollier. Oh, cela suffit !

M. Thierry Braillard. Plutôt que de vitupérer, monsieur Ollier, vous feriez mieux de lire les courtes études que je vous communiquerai et vous verrez qu’il n’y a pas eu transfert de compétences avec compensation à l’euro près. Les études d’impact sont prévues par la Constitution sans jamais pourtant avoir été mises en application.

Pour ces raisons, le groupe RRDP, je le répète, ne votera pas cette motion de rejet. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Yvonne Le Dain, pour le groupe SRC.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Ce texte est la reconnaissance d’un fait : la France change, elle a toujours changé au fil de son histoire parce que les Français changent. Ils bougent dans leur tête, dans leur corps, dans leur vie et dans leur vision de la France et du monde.

M. Christian Jacob. L’Assemblée aussi va changer !

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Ainsi, moi qui suis bretonne, cent pour cent pur beurre, eh bien, j’ai changé : j’ai fait souche à Montpellier et j’en suis même devenue députée. La France change dans sa tête et le rôle du politique est de capter ces évolutions et donc d’assumer que la loi change pour ne pas être gravée dans le marbre pour l’éternité, celui des tombes peut-être, (Sourires sur de nombreux bancs du groupe UMP) évoqué par Hervé Gaymard tout à l’heure.

Notre pays est vivant et mouvant, actif et remuant, il demande une puissance d’action au plus près du réel, cela pour être acteur de son propre développement dans un monde qui change vite et qui change bien. Ne réchauffons pas ici la vieille querelle des Girondins et des Jacobins longtemps déclinée entre ruralité et centralité. Paris aurait été la France et le reste serait la province : non ! Nous n’en sommes plus là, fort heureusement.

Eh oui, nous, nous assumons cette France métropolitaine et cette France des territoires, cette France urbaine qui accueille 80 % de la population et cette France rurale qui d’ailleurs se repeuple et qui porte une agriculture garante de notre indépendance alimentaire, de notre biodiversité et de nos paysages. C’est sur cette réalité qu’est fondé le texte. Oui, nous sommes tous de quelque part et nous avons tous un avenir là où ailleurs. Et c’est cette liberté, cette force qu’assume ce texte qui consacre des réalités et les affirme : le fait métropolitain est un fait qui ne se cantonne plus à Paris, Lyon, Marseille, évidence qu’il convient d’articuler enfin politiquement et administrativement à l’aune de la démographie. Et ce texte dit aussi que d’autres métropoles sont nées, se sont développées, et doivent disposer des leviers de leur croissance et de leurs solidarités internes.

M. Guy Geoffroy. Des mots, des mots !

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Je pourrais également évoquer la création du Haut conseil des territoires, vraie nouveauté, et bien d’autres dispositions. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mais ce que je retiens, c’est qu’elle bouscule et c’est tant mieux ! Un pays qui somnole et ne veut rien changer est un pays qui s’éteint. (Mêmes mouvements.)

M. Christian Jacob. Vous rendez-vous compte que c’est des Français que vous parlez ainsi ?

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Ce projet est une avancée forte. Il suscite des inquiétudes : c’est la preuve qu’il va changer les choses et les pratiques, y compris politiques. Tant mieux. Plus tard, d’autres que nous le changeront encore. Ainsi va la loi car ainsi va la vie. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. C’est beau, ça !

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Faisons-nous confiance à nous-mêmes, à nous les politiques. Ne parions pas, comme l’a fait Alain Chrétien tout à l’heure, sur l’inaptitude du politique, des politiques, faisons-nous confiance à nous-mêmes, je le répète, nous apprendrons vite.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Mme la présidente. Sur la motion de renvoi en commission, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

M. Laurent Furst. Si vous pouviez rappeler par la même occasion qu’on ne peut voter qu’une fois !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour le groupe UMP.

M. Jean-Frédéric Poisson. Je commencerai par deux remarques à l’attention de nos collègues de la majorité. D’abord, les orateurs des groupes socialiste et écologiste nous ont reproché de vouloir renvoyer ce texte en commission ; je me permets de leur rappeler qu’ainsi est prévu le fonctionnement des institutions, qu’il s’agit d’un droit fondamental de tous les groupes et qu’il ferait beau nous reprocher d’en user.

M. Guy Teissier. Mme le Dain vient de nous dire qu’elle voulait apprendre…

M. Jean-Frédéric Poisson. Ensuite, j’exprime un désaccord formel avec ce que vient de dire Anne-Yvonne Le Dain : les territoires ne somnolent pas, ma chère collègue ! Les trésors d’énergie que les élus et les autres acteurs déploient tous les jours pour essayer de développer une activité, nous rendent justement des plus craintifs vis-à-vis de dispositifs d’une lourdeur qui n’a pas de précédent, d’une lisibilité que personne ne comprend, d’une mise en œuvre qui sera certainement beaucoup plus difficile que les beaux jours que nous annoncent les deux ministres ici présentes et le rapporteur.

En ce qui concerne le renvoi en commission, je reviens sur les modalités d’examen du texte. Nous avons découvert plus que tardivement, on l’a dit, les dispositions pourtant essentielles portant sur la métropole de Paris. Certains se souviennent qu’à la fin d’une longue journée de débats en commission, on nous a obligeamment – et je remercie les services de l’Assemblée, au passage, de l’avoir fait – distribué les amendements un peu avant vingt-trois heures avec prière de revenir le lendemain matin.

Ces amendements ne concernaient pas moins de six ou sept millions de personnes, sans doute une bagatelle dans l’économie du texte, mais, pour un dispositif de cette importance pour l’ensemble du pays, être prévenus, grosso modo, un quart d’heure avant le début de la discussion, même s’il y avait la nuit entre-temps, convenons, cher président de la commission, que c’est insuffisant.

Lors de la réunion au titre de l’article 88, le Gouvernement a déposé quarante amendements obligeamment présentés par le rapporteur – courtois à l’égard du Gouvernement –, cela dès la séance initiale de la commission, le rapporteur lui-même présentant autant d’amendements. Madame le ministre, j’avoue ne pas bien comprendre cette démarche. La plupart du temps, dans cette maison, lorsque le Gouvernement veut amender son propre texte, il vient en séance, prenant le risque de devoir passer un peu de temps à expliquer à sa propre majorité les raisons pour lesquelles il souhaite amender un texte adopté par la commission.

Nous avons débattu au titre de l’article 88 dans des conditions qui font encore mon admiration.

M. Guy Geoffroy. Dans des conditions qui ne sont pas normales !

M. Patrick Ollier. Et même scandaleuses !

M. Jean-Frédéric Poisson. Le président de la commission a en effet démontré une capacité à égrener des chiffres que je ne lui connaissais pas.

Il a ensuite fait preuve, pendant une demi-heure, d’un mélange de stakhanovisme et de taylorisme appliqué dont je ne connais pas d’équivalent (sourires) – j’ai pourtant passé quelques années dans l’industrie. Il a enfin fait preuve d’une égalité d’âme qui force l’admiration : franchement, monsieur le président de la commission des lois, je ne suis pas certain que vous-même acceptiez le cœur léger de faire travailler votre commission dans de telles conditions. Je comprends en revanche que vous ne puissiez pas exprimer votre mécontentement avec toute l’énergie dont nous vous savons capable en d’autres circonstances, et que je me souviens d’avoir vue à l’œuvre au cours de la législature précédente pour des raisons similaires.

291 amendements ont été adoptés cet après-midi par la commission des lois réunie au titre de l’article 88 du règlement, dont certains représentent une page et demie de texte.

M. Guy Geoffroy. Ils ont été adoptés au pas de charge !

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce ne sont pas des amendements rédactionnels, monsieur le rapporteur : l’un de ceux que vous avez qualifiés de rédactionnels a remplacé une occurrence du mot « département » par le mot « région » ! C’est sans doute, pour vous, une bagatelle, mais enfin admettez, tout de même, que nous avons travaillé dans des conditions tout simplement incompatibles avec un texte de cette importance.

M. Pierre Lequiller et M. Patrick Ollier. Des conditions scandaleuses !

M. Guy Geoffroy. Il faut que le texte revienne en commission !

M. Jean-Frédéric Poisson. Surtout quand on nous annonce enfin le grand soir, les lendemains merveilleux, la libération de toutes les énergies territoriales qui dorment dans ce pays ! Très franchement, notre travail n’est pas au niveau d’un texte de cette importance. Monsieur le rapporteur, vous savez que je ne remets pas en cause votre travail. Il est réel : cela se voit. Je ne remets pas plus en cause celui que les rapporteurs pour avis des autres commissions ont fourni : ce n’est pas cela qui est en jeu.

Ce qui est en jeu, c’est l’ensemble des conditions dans lesquelles notre commission des lois a travaillé sur un texte d’une telle importance. Ces conditions ne sont pas satisfaisantes ! M. le président de la commission des lois ne m’a pas désavoué sur ce point : je n’en dirai pas plus pour ne pas le mettre mal à l’aise.

Très franchement, sans même considérer le fond du texte, de telles conditions d’examen justifieraient à elles seules le renvoi de ce texte en commission. Je ne parlerai pas de tout le reste car madame la présidente nous permettra sans doute d’évoquer le fond un peu plus en détail au cours de la discussion générale. Quoi qu’il en soit, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues – je n’oublie pas Mmes les ministres, mais ce que je vais dire les concerne moins – je demande, simplement par respect pour la commission des lois, que notre Assemblée adopte cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin pour le groupe UDI.

M. Jean-Christophe Fromantin. Madame la présidente, mesdames les ministres, chers collègues, je trouve assez stupéfiant, pour ma part, qu’on évoque les termes de « modernité » et de « progrès » à propos d’un simple changement de statut. Comme si la création d’un statut de métropole pour quelques villes françaises et d’un statut de pôle d’excellence rurale pour quelques régions à faible densité était un motif suffisant pour se réjouir ! Comme si l’on pouvait s’émerveiller d’un geste de modernité et de progrès !

M. Hervé Gaymard. Très bien !

M. Jean-Christophe Fromantin. Le jour où l’on considérera la complexification des statuts, de l’administration et de la gouvernance comme un élément de progrès, il faudra s’inquiéter.

Je pense pour ma part que le progrès, dans une matière telle que celle-ci, nécessite un peu plus de débat, de profondeur, de recul. Le monde a changé, la France n’est plus qu’un territoire au milieu du monde : il faut donc qu’elle s’adapte à de nouveaux rythmes, à de nouvelles échelles, à de nouveaux enjeux. Isoler dans ce projet de loi les dispositions concernant les métropoles et quelques pôles d’excellence rurale, et reporter les dispositions concernant les régions à un texte qui sera examiné dans quelques mois, cela n’est pas une manière efficace de prendre en compte les impératifs de la modernité. Cela ne permet pas de mener un grand débat national sur les territoires.

Nous sommes confrontés à des enjeux économiques incroyables : les enjeux numériques sont tout particulièrement impressionnants. Et l’on résoudrait le problème de la modernité, de l’adaptation de notre territoire à la mondialisation, simplement en créant un statut de métropole et de pôle d’excellence rurale ? C’est une vue de l’esprit !

C’est la raison pour laquelle il me paraît fondamental de revoir ce projet de loi. Cela se justifie par la complexité des mécanismes territoriaux, mais aussi par l’idée que j’évoquais à l’instant : la modernité, dans un texte comme celui-ci, serait de renforcer la capacité des métropoles à créer de la valeur ajoutée et celle des zones à faible densité à retrouver une vocation productive. C’est parce que l’on n’a pas fait cela que la France connaît actuellement une désindustrialisation dramatique.

Enfin, ce texte mérite davantage d’ambition pour une autre raison, liée à la confiance de nos concitoyens. Vu la complexité de cet enchevêtrement de strates territoriales, complexité qui sera encore accrue par ce projet de loi, comment voulez-vous que nos concitoyens fassent confiance à ces institutions ? Comment voulez-vous qu’ils puissent adhérer aux politiques qui sont menées dans les domaines économique, social et territorial ?

Je crois que ce texte souffre de deux failles essentielles : sa structuration d’ensemble, et son effet négatif sur la confiance des Français. C’est la raison pour laquelle le groupe UDI votera pour cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gaby Charroux, pour le groupe GDR.

M. Gaby Charroux. Madame la présidente, mesdames, messieurs, chers collègues, notre groupe considère que ce projet de loi serait, s’il était adopté, lourd de conséquences. Plusieurs raisons nous poussent à vous demander son renvoi en commission. D’abord, les amendements concernant la métropole parisienne ont été présentés trop tard à la commission des lois : ils ont été transmis le mardi dans la nuit pour examen le mercredi matin – cela a déjà été dit. Il n’y a pas eu de concertation avec les élus pour cette même métropole parisienne. Ensuite, une large opposition s’est fait jour dans le département des Bouches-du-Rhône contre le projet de métropole Aix-Marseille-Provence, au bénéfice de propositions alternatives constructives et modernes. Enfin, le fondement même de la coopération intercommunale doit rester la libre volonté des communes d’élaborer des projets communs de développement au sein de périmètres de solidarité.

Pour ces raisons, les députés du groupe GDR souhaitent renvoyer ce projet de loi en commission pour en poursuivre l’étude. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et quelques bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Je mets aux voix la motion de renvoi en commission.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin sur la motion de renvoi en commission :

Nombre de votants 224

Nombre de suffrages exprimés 222

Majorité absolue 112

(La motion de renvoi en commission n’est pas adoptée.)

Discussion générale

Mme la présidente. Nous en venons à la discussion générale.

La parole est à M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Madame la présidente, mesdames les ministres, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce texte n’est pas celui que nous attendions. Tout d’abord, à vrai dire, nous n’en attentions pas trois ! De fait, le découpage du texte initial en trois parties ne permet pas de faire émerger une vision globale de la réforme territoriale que nous devons mener.

Nous référant au discours prononcé à Dijon par celui qui n’était pas encore Président de la République, François Hollande, nous attendions une réforme portant sur la régionalisation. Nous attendions un texte dans lequel la région deviendrait la pierre angulaire de notre architecture administrative. Nous devons vous dire que, de ce point de vue, nous sommes déçus. À notre avis en effet, aucun véritable choix n’est fait entre une architecture administrative issue du XVIIIe siècle, basée sur la commune et le département, et une autre, moderne, datant de la fin du XXe siècle, basée sur les communautés de communes et les régions, face aux défis de l’action territoriale.

Le millefeuille que nous connaissons ne sera donc pas simplifié par ce texte, à notre grand regret. On ne retrouve pas l’audace des lois Defferre de 1982. Ce projet de loi n’emprunte pas suffisamment la voie entrouverte par la révision constitutionnelle de 2003, consacrant le caractère décentralisé de l’organisation de la République.

Nous ne sommes donc pas surpris par les dernières déclarations publiques du Gouvernement sur le sujet. Elles nous ont alertés : il ne s’agit plus de l’« acte III de la décentralisation », qui avait été dans un premier temps présenté comme la « mère des réformes ». Toujours au cours du même discours, à Dijon, le futur Président de la République estimait pourtant qu’il fallait « accepter notre diversité territoriale » et faire en sorte que « les régions puissent disposer d’un pouvoir réglementaire leur permettant d’adapter la loi nationale aux réalités du territoire ». Au lieu de cela, nous avons droit à un projet de loi dont nous avons vite compris la véritable ambition lorsqu’on nous a dit que l’innovation, c’est la création des métropoles. C’est aussi ce que voulait faire Sarkozy !

M. Serge Grouard et M. Laurent Furst. Monsieur Sarkozy !

M. Alain Chrétien. Un peu de respect !

M. Paul Molac. M. Sarkozy, si vous y tenez.

En réalité, en créant les métropoles, nous alourdissons encore le millefeuille territorial, sans clarifier les compétences là où c’est pourtant nécessaire. Je le dis également pour nos collègues de droite : il semble bien que ce soit un mal français. La réforme lancée par M. Nicolas Sarkozy en 2010 opérait un vaste mouvement de recentralisation. Elle avait inventé un conseiller territorial hybride, censé réaliser la synthèse que le législateur n’avait su trouver entre le département et la région. La réforme fiscale qui l’accompagnait a en outre placé les collectivités locales sous la tutelle de l’État, en réduisant considérablement leur autonomie budgétaire. Certaines régions riches se retrouvaient traitées comme des régions pauvres, et des régions pauvres contribuaient à soutenir des régions riches.

Enfin, en guise de simplification, un nouvel échelon avait été créé au profit des grandes agglomérations : les métropoles. Avec ce projet de loi, c’est aujourd’hui cet échelon que l’on nous demande de sanctuariser, alors qu’en tant que défenseurs d’un fédéralisme différencié nous attendions que cela fût la région.

M. Gérald Darmanin. Que de mots compliqués !

M. Paul Molac. Du tout, camarade : je vous expliquerai cela.

Un constat s’impose pourtant : tous les États d’Europe de l’ouest de taille comparable à la France ont adopté un système fédéral, soit en donnant à toutes les régions la possibilité de participer au processus normatif dans son entier, comme c’est le cas en Allemagne, soit au moyen d’un système différencié d’autonomie régionale qui peut s’appliquer à l’ensemble du territoire, comme c’est le cas en Espagne et en Italie, soit encore en donnant à des collectivités des pouvoirs particuliers, comme c’est le cas en Écosse et au Pays de Galle dans le cadre du Royaume-Uni.

Il est bon de rappeler ce qui est à l’œuvre chez nos voisins : la région y partage avec l’État le pouvoir normatif, et les assemblées ou parlements régionaux s’imposent en droit et en fait aux autres niveaux de collectivités, y compris les métropoles, sans que cela ne soulève de contestation. Munich, capitale de la Bavière, ne conteste aucunement la prééminence du Land. De même Barcelone ne conteste pas l’autorité de la Generalitat de Catalogne. Qu’en est-il à Lyon ou à Paris ? Ces comparaisons permettent de mesurer à quel point l’épouvantail du régionalisme ne peut effrayer que ceux qui y ont intérêt, souvent au nom de la défense du pré carré des notables ou d’ambitions métropolitaines qui confondent intérêts particuliers et intérêt général.

Notre position fédéraliste comprend le renforcement des outils de péréquation fiscale et de solidarité, à l’image de ce qui se passe dans les États fédéraux où les régions riches participent au développement des régions pauvres. Le grand problème de la France d’aujourd’hui, c’est son incapacité à assurer une répartition équilibrée des activités et des services publics – et donc des hommes – sur son territoire. L’État donne quatre fois plus de dotations par habitant à Paris ou à Marseille qu’à une commune de 500 habitants.

M. Patrick Mennucci. Heureusement !

M. Paul Molac. C’est la vraie cause de la désunion française. Si l’État doit, plus que jamais, retrouver son rôle de garant de l’égalité et de la justice sociale, la sortie de crise impose aussi de libérer les capacités d’initiative régionales et locales. Il s’agit d’aboutir à une relocalisation de l’économie, intégrant la dimension écologique et refusant la mise en concurrence libérale des territoires dans laquelle s’inscrivait la métropolisation.

Cependant, être contre une certaine forme de métropolisation ne veut pas dire être contre les métropoles. En effet, nous ne nous reconnaissons pas dans cette politique qui confond d’un côté la métropolisation, c’est-à-dire la concentration géographique des populations, des fonctions de commandement, des richesses et des emplois les plus qualifiés, et d’un autre côté le développement des fonctions métropolitaines. Pour nous, les fonctions métropolitaines doivent être pensées et organisées au niveau de la région, afin qu’elles irriguent l’ensemble du territoire. Le fait métropolitain doit permettre d’organiser des fonctions essentielles pour l’attractivité économique tandis que le fait régional doit assurer une juste répartition des richesses et des services publics sur le territoire.

Ce que nous défendons, c’est que ces fonctions doivent servir l’ensemble du territoire : toutes les collectivités locales doivent y participer et en bénéficier. Nous ne voyons pas de place pour ce qui pourrait s’apparenter à du darwinisme territorial, à l’échelle mondiale ou nationale, comme le voulait l’ancienne majorité. C’est pourquoi nous accueillons favorablement la réactivation des pays sous la forme des pôles ruraux d’aménagement et de coopération. Ils constitueront un socle structurant pour l’aménagement du territoire par les régions. Mais pour nous, il n’est pas question d’opposer d’un côté les régions et de l’autre les villes et métropoles. Il s’agit au contraire d’affirmer que les régions ont besoin de leurs grandes villes, comme les grandes villes ont besoin de leur région. C’est tout simplement ce que nous appelons l’aménagement du territoire.

Nous serons toutefois vigilants à ce que ce statut de métropole n’autorise pas les agglomérations concernées à piloter leurs propres politiques sans être tenues de prendre en compte les schémas régionaux, notamment en matière d’aides aux entreprises, d’aménagement du territoire et de soutien à la recherche et à l’enseignement supérieur. Nous aurions donc été très sensibles à la reconnaissance de l’opposabilité juridique des schémas régionaux sur l’ensemble du territoire régional, y compris les grandes agglomérations. Nous veillerons sinon à ce que les politiques publiques mises en œuvre par les métropoles prennent en compte a minima les schémas régionaux lors de leur élaboration.

C’est dans la même logique que nous demanderons, par voie d’amendement, la suppression de toute possibilité de délégation des régions vers les métropoles, la suppression de la participation des métropoles au copilotage État-région des pôles de compétitivité et, surtout, la suppression de la prise en compte par les régions de la stratégie de développement économique et d’innovation arrêtée par les métropoles car il s’agirait là d’un retournement : une région se trouverait alors sous la dépendance directe des métropoles.

Par ailleurs, la création d’un statut de collectivité particulière – aujourd’hui pour Lyon, sans doute demain pour Paris et Marseille – nous interpelle. Pourquoi les régions dotées, pour celles qui le demandent, d’un statut particulier ne sont-elles pas considérées comme majeures et prêtes à relever ces mêmes défis ? En effet, ce qui a été rendu possible pour Lyon doit l’être pour la Bretagne, le Pays Basque ou l’Alsace, là où des expressions citoyennes et politiques fortes se sont exprimées. Nous regrettons que rien ne soit proposé par le Gouvernement pour faire reconnaître le principe de différenciation, permettant ainsi de créer des collectivités locales à statut particulier aux compétences spécifiques pérennes et sécurisées sur le plan juridique.

Je tiens, d’ailleurs, à exprimer très clairement notre opposition a l’amendement du Gouvernement visant à supprimer la liste des compétences pouvant faire l’objet d’une délégation de la part de l’État aux collectivités territoriales en ayant fait la demande. Il s’agit des domaines liés à l’organisation et au soutien aux politiques culturelles, au développement de l’audiovisuel, à la gestion de la politique de l’eau, à l’orientation professionnelle et la santé scolaire : autant de sujets auxquels la gestion par les régions apportera une réelle plus-value. Dans le domaine de l’audiovisuel, la chaîne publique régionalisée Via Stella en Corse est une réussite. Si cet amendement de suppression du Gouvernement était voté, cela rendrait les possibilités de délégations inopérantes. Pourquoi nier, aujourd’hui, cette possibilité aux régions, alors que la demande existe et que les expériences menées actuellement sont très positives ? Les mêmes conseils de prudence ont naguère été entendus s’agissant des demandes d’expérimentation et de différenciation. L’expérience a montré qu’avec le transfert de compétences à la région, cela marchait et même très bien ! Je veux, bien évidemment, parler de la gestion des trains express régionaux, des lycées ou encore de la formation professionnelle qui donne toute satisfaction. Les résultats sont les mêmes concernant la gestion des fonds européens : la région Alsace les gère en direct depuis des années et l’expérimentation est concluante. C’est pourquoi nous nous félicitons que soit prévu dans ce projet de loi un début de régionalisation de la gestion des fonds européen. Toutes ces expériences ont, au final, donné de bons résultats. C’est sur ces constats objectifs que s’appuie notre conviction que décentraliser revient aujourd’hui à régionaliser.

C’est mus par ces convictions, que nous souhaitons renforcer le rôle de chef de file de la région bien que les chefs de filat consistent en un palliatif à une réelle délégation de compétences. Il est vrai que le rétablissement des clauses de compétences générales pour les départements, que nous souhaitons, à terme, voir disparaître, ainsi que pour les régions, n’a pas permis d’entrevoir une réelle clarification des compétences. C’est ainsi qu’après avoir fait, en commission, de la région le chef de file en matière d’enseignement supérieur et de recherche, nous demanderons à ce qu’elle le devienne pour les langues et cultures régionales, le tourisme ainsi que pour le climat et les énergies renouvelables.

S’agissant du rôle du département, ne voyez pas dans mes propos un désaveu des hommes qui portent et font vivre cette collectivité territoriale. Néanmoins, nombreux sont les élus locaux, en particulier dans ma région, qui conviennent que le département né à la fin du XVIIIe siècle n’est aujourd’hui pas assez proche pour faire du local et pas assez grand pour avoir la hauteur de vue lui permettant de faire de la stratégie et de la prospective. Les compétences du département pourraient être avantageusement redistribuées pour une meilleure efficience de l’action publique entre, d’un côté, les EPCI basés sur les bassins de vie et, d’un autre côté, la région. Nous aurions là une véritable simplification, une rationalisation, une source d’économies en ces temps de difficultés. Pourquoi ne pas commencer en région Bretagne, par exemple ?

Toutefois, pour clarifier l’architecture, un énorme effort de transparence et de démocratie doit être consenti. Je tiens à vous le préciser de la manière la plus solennelle possible : il s’agit pour nous d’un point essentiel. Comment admettre que des institutions telles que les métropoles aussi puissantes et maniant des budgets colossaux ne soient pas soumises aux mêmes principes de contrôle démocratique que les autres collectivités territoriales ? La métropole est organisée selon un modèle présidentiel fort avec une absence de séparation des pouvoirs. Le conseil de métropole, instance à la fois exécutive et délibérative, élit en son sein le président de la métropole qui, assisté de ses nombreux vice-présidents, a toute latitude pour organiser la politique métropolitaine. En l’absence de proportionnelle, le fait majoritaire sera amplifié et les contre-pouvoirs quasi inexistants. Le schéma prédominant est l’entente politique entre chefs de l’exécutif sous le contrôle bienveillant du président de métropole. L’accumulation de couches aux pouvoirs importants, mais sans légitimité démocratique suffisante, est un mauvais signal.

Nous avons étudié pendant plusieurs semaines le mode d’élection des conseils départementaux, lesquels auront moins de marges de manœuvre et d’influence que les métropoles. Comment ne pas comprendre que les citoyens s’éloignent de la vie politique quand ils n’entendent rien à nos institutions et à la façon dont sont nommés ceux qui les dirigent ? C’est ainsi que l’on sape la démocratie et que l’on crée l’abstention et le vote extrême. Il est indispensable que l’élection au sein des communautés urbaines et des conseils métropolitains se fasse au suffrage universel direct le plus rapidement possible. Nous défendrons de nombreux amendements portant sur la démocratie, le mode de scrutin, le cumul, la gouvernance et la parité femmes-hommes. Au moment où la parité femmes-hommes sera établie dans les conseils généraux, elle restera exclue des métropoles, notamment de la métropole du Grand Paris.

Le nécessaire renforcement de la démocratie et l’absence de régionalisation sont les deux grandes raisons pour lesquelles ce texte ne nous satisfait pas dans l’esprit. Il est trop loin de ce que nous avons toujours défendu. Nous ne vous en faisons pas grief, mesdames les ministres, car ce n’était pas la commande que vous avez reçue. Quant à nous, avec l’esprit d’initiative et parfois d’audace qui nous caractérise, nous ferons le nécessaire pour tenter d’améliorer ce texte que nous ne pourrions voter dans son état actuel.

M. Alain Rousset. Enfin un régionaliste ! Nous sommes deux !

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Braillard.

M. Thierry Braillard. Madame la présidente, mesdames les ministres, chers collègues, dans leur histoire, les radicaux de gauche ont souvent démontré qu’il n’était pas bon d’avoir toujours une vision politique bipolaire, limitée au blanc ou au noir, si bien que tout ce qui viendrait de droite serait mauvais et tout ce qui viendrait de gauche serait toujours et automatiquement bon. Aussi, le rapport rendu le 5 mars 2009 par le Comité pour la réforme des collectivités locales présidé par Édouard Balladur contenait-il des recommandations de bon sens et des perspectives intéressantes. Ces préconisations allaient de l’achèvement de l’intercommunalité à la création de métropoles, du regroupement des régions ou des départements sur la base du volontariat à la création de la collectivité territoriale du Grand Paris. Elles traitaient également des clarifications concernant la gestion locale. L’objectif était bien que l’on clarifie les compétences et qu’on allège le processus de décision. Malheureusement, le gouvernement de l’époque a tiré peu de profit de ce rapport, à l’exception d’objectifs politiciens avec le fameux conseiller territorial, le découpage électoral qui s’en serait suivi, partial comme d’habitude et la suppression de la clause générale de compétence. Vous me direz, mes chers collègues, que la trouvaille du binôme de candidature pour les futures élections départementales nous semble aller dans le même sens surtout dans les départements ruraux.

M. Gérald Darmanin. Pire !

M. Thierry Braillard. Faisons compliqué et politicien quand les élus locaux demandent simplification et efficacité !

M. Laurent Furst. Très bien !

M. Thierry Braillard. C’est pourquoi le projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale va selon nous dans le bon sens avec l’affirmation des métropoles. Il a l’ambition de permettre aux collectivités d’organiser une action concertée autour de chefs de file et de pouvoir décider ensemble comment s’organiser et mieux coordonner leurs interventions. Il prévoit la création des métropoles en tenant compte de l’évolution urbaine de notre pays et, surtout, une organisation propre pour Lyon, Paris et Marseille, à l’instar de ce qui s’est fait en 1982 avec la loi dite PLM. Il permet également aux autres intercommunalités de renforcer leur intégration, ce qui facilitera de facto le développement de ces territoires en matière de transport, d’essor économique et de services publics.

Le risque d’un tel texte, c’est qu’il ne se cantonne pas qu’au niveau des bonnes intentions qu’il dégage. Ce serait un nouveau rendez-vous raté et un mauvais signe pour les citoyens. Le débat parlementaire doit donc traduire ces intentions en futures réalités concrètes avec, à l’esprit, les quatre grands principes dégagés par le Président de la République et qui nous conviennent : clarté entre l’État et les collectivités et entre les collectivités elles-mêmes dans l’exercice de leurs compétences ; confiance entre les partenaires de l’action publique ; cohérence pour conforter la logique des blocs de compétences ; démocratie.

Compte tenu de ce besoin de simplification et de clarification des compétences, la navette parlementaire a permis de bien préciser les choses, notamment pour les compétences faisant l’objet d’un chef de filat.

La conférence territoriale de l’action publique aura un rôle de coordination de l’exercice des compétences des collectivités territoriales et c’est déjà bien comme cela. Elle aura à discuter principalement des conventions territoriales qui ne seront pas imposées aux collectivités, mais suggérées après débat et approbation. L’idée est simple : éviter les doublons et faire en sorte que chacun agisse dans son rôle pour rendre l’intervention publique décentralisée encore plus efficace. Il convient toutefois, mesdames les ministres, de veiller à ce que les élus ne consacrent pas trop de temps aux réunions de concertation. Il faut, en effet, éviter le risque de réunionite aiguë, ce qui serait contraire à l’efficacité recherchée.

Le texte prévoit également, avec la création du Haut Conseil des territoires, une instance qui aura pour but d’améliorer le dialogue entre l’État et les collectivités territoriales à condition de trouver une bonne articulation entre le Haut Conseil des territoires et le suivi des contrats de projet État-région.

Ce texte est innovant. Vous permettrez à cet égard à un député lyonnais de dire tout le bien qu’il pense de la future métropole de Lyon qui sera créée le 1er janvier 2015. J’entends dire, depuis des semaines, que la métropole lyonnaise ne pose pas de problème. C’est un fait entendu, une réalité qui s’impose. Permettez-moi, mes chers collègues, de rappeler qu’il s’agit surtout d’un dialogue fécond entre Gérard Collomb, président de la communauté urbaine de Lyon, et Michel Mercier, président du conseil général du Rhône, qui ont su privilégier l’intérêt général à l’intérêt partisan,…

Mme Pascale Crozon. Tous les deux !

M. Thierry Braillard. …non pas sur un coin de table, mais grâce à l’organisation d’un débat local. Ils ont pu également nouer cette relation, car la ville centre, Lyon, et la communauté urbaine de Lyon forte de cinquante-huit communes ont une gestion rigoureuse et dynamique. Ce n’est pas le cas de Marseille, permettez-moi de le dire !

M. Patrick Mennucci. C’est vrai !

M. Thierry Braillard. Que ce soit pour les compétences et la gouvernance, les choses sont claires. La question du transfert des dépenses et recettes du département du Rhône vers la métropole et celle des ressources humaines – 4 000 agents – font l’objet d’un groupe de travail et j’ai la certitude que les choses iront dans le bon sens. Le débat a lieu et une commission travaille localement, car nous sommes en mesure d’anticiper. Quant à la question financière, il ne sert à rien de jouer à se faire peur. En effet, le texte de loi prévoit bien que tout accroissement net de charges qui résultera, pour la métropole de Lyon, des transferts de compétences, aujourd’hui dévolues au département du Rhône, sera, en vertu du nouvel article L. 3663-1 du code général des collectivités territoriales, accompagné du transfert concomitant des ressources nécessaires à l’exercice normal des compétences concernées. Il y aura donc bien compensation intégrale des charges nettes transférées. Une évaluation préalable sera établie par une commission d’évaluation. C’est un processus normal.

J’en viens à l’organisation de l’agglomération autour du Grand Paris avec la capitale et les départements de la petite couronne. Celle-ci deviendra donc un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ou chacun des maires des 124 communes aura sa place. Cette nouvelle métropole permettra de régler les problèmes de logement, de transport, d’énergie et de climat qui se posent de façon aiguë au Grand Paris. Pour conduire les investissements nécessaires à la mise en œuvre de ces actions, le texte prévoit surtout la création d’un fonds d’investissement métropolitain affecté et géré par la métropole, qui permettra notamment la construction de logements et l’attribution d’aides en faveur de la transition énergétique.

Quelques mots enfin de la métropole Aix-Marseille-Provence qui n’a pas su unir ses composantes territoriales pour construire une puissance économique et sociale et qui devient un EPCI se substituant aux EPCI existants.

Si j’ai beaucoup apprécié, comme d’habitude d’ailleurs, la qualité de l’important travail du rapporteur, il existe un point de divergence entre nous. Le groupe RRDP ne souhaite pas que la ville de Marseille profite de la création de cet EPCI pour socialiser les pertes comme l’on dit, c’est-à-dire pour noyer son déficit en s’associant à des communes périphériques qui, elles, ne connaissent pas autant de difficultés financières.

La singularité de l’organisation territoriale dans les Bouches-du-Rhône et les clivages institutionnels profonds qui perdurent nous amènent à penser que le fruit marseillais n’est pas assez mûr et qu’il aurait mieux valu procéder par étapes, ce qui n’est pas le cas avec l’article 30 du projet de loi. C’est la raison pour laquelle les radicaux de gauche soutiendront les amendements visant à créer une première étape avec une union métropolitaine d’Aix-Marseille-Provence, qui permettraient de créer les conditions d’un dialogue nécessaire pour aboutir par la suite à l’avènement d’une métropole à l’instar de la métropole lyonnaise.

Vous l’avez compris, le groupe RRDP votera ce texte. Encore une fois, mesdames les ministres, il y aura pour ce texte une majorité socialiste et radicale, et je tiens à le souligner. Nous souhaitons toutefois mettre l’accent sur deux questions qui ne manqueront pas de revenir.

La première concerne le découpage territorial et la fusion, essentielle, de départements ou de régions. Ce qui a eu lieu en Alsace est éclairant et toute idée d’harmoniser le découpage territorial ne doit pas être bloquée. Peut-on comparer la région Rhône-Alpes, qui a la superficie de la Suisse et la population du Danemark avec, par exemple, la région Limousin ? Avec la dimension européenne et le rôle accru des régions, c’est une question légitime, que le rapport Balladur avait parfaitement bien posée. Il faudra avoir le courage de dépasser certains conservatismes.

La seconde question a trait au décalage que l’on ne peut mettre qu’en évidence entre le projet de loi sur le non-cumul du mandat d’un parlementaire avec un mandat électif local, qui vient d’être voté à l’Assemblée en dépit de l’opposition des radicaux de gauche, et le fait que dans les territoires un élu puisse cumuler les fonctions de vice-président de région, de président d’une communauté de communes, de maire d’une commune de 8 000 habitants et, en plus, de président d’un syndicat mixte d’eau potable : quatre mandats pour un seul homme, mais cela ne gêne pas le législateur ! Le cumul des mandats méritait un débat bien plus large lié à un véritable statut de l’élu, véritable monstre du loch Ness de la vie politique française.

M. André Chassaigne. C’est bien vrai !

M. Thierry Braillard. M. Tourret a parfaitement expliqué notre position sur cette question.

Nous serons donc à vos côtés ces prochains jours pour l’examen de ce texte par des amendements qui se veulent constructifs et chargés de donner encore plus d’efficacité à l’action locale. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, c’est avec gravité et préoccupation que je prends la parole sur ce projet de loi d’affirmation des métropoles.

Vous l’avez compris, mesdames les ministres, notre désaccord est majeur.

M. Hervé Gaymard. Très bien !

M. André Chassaigne. Je veux tout d’abord élever une protestation solennelle contre les conditions d’examen de ce projet de loi. Alors que ce texte porte un bouleversement institutionnel inédit de l’organisation de notre République,…

M. Marc Dolez. C’est vrai !

M. André Chassaigne. …nous sommes sommés de l’examiner dans les pires conditions,…

M. Marc Dolez. Eh oui !

M. André Chassaigne. …en trois jours, en session extraordinaire, à la veille de la trêve estivale, sans préparation et sans concertation.

Le texte a en effet été modifié du tout au tout en commission, avec un mépris non dissimulé pour le travail des sénateurs. L’article 24 de la Constitution dispose pourtant que le Sénat assure la représentation des collectivités territoriales de la République. Qu’importe, rien ou presque rien de ce que nos collègues ont voté n’a été maintenu. Nous avons au final, comme sorti d’une boutique à un sou de l’Histoire, un projet qui tourne le dos aux débats des états généraux lancés par le Sénat et, au mieux, pour citer Alexandre Vialatte, le détail perdu d’un ensemble tronqué. (« Très bien ! » et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

À la dernière minute, en catimini, le Gouvernement, avec la complicité d’une poignée de députés, a réécrit intégralement le texte pour y réintroduire la métropole du Grand Paris. Il en résulte une copie particulièrement indigeste. Remodeler de fond en comble la République par voie d’amendement, en commission, c’est une insulte au Parlement, aux élus et aux citoyens.

Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

M. Marc Dolez. Bravo !

Un député du groupe UMP. Quelle majorité !

M. André Chassaigne. Cela achève de nous démontrer que, sur ce texte comme sur tant d’autres, les conditions d’un travail parlementaire de qualité ne sont pas réunies. À titre d’exemple, le rapport a été rendu public trente minutes avant la clôture du délai de dépôt des amendements. Pour une réforme de cette ampleur, c’est d’une extrême gravité.

M. Marc Dolez. Il fallait le dire !

M. André Chassaigne. Je joins par conséquent ma voix à celles, nombreuses, qui se sont déjà élevées sur tous les bancs de notre assemblée pour dénoncer l’irrespect avec lequel le Parlement est traité. Il est regrettable qu’en la matière, aucun changement n’ait pu être constaté par rapport au précédent quinquennat.

Agenda surchargé, délais procéduraux foulés aux pieds, niches parlementaires vidées de tout sens, utilisation du vote bloqué et des secondes délibérations, recours au temps législatif programmé, tout est fait pour priver la représentation nationale de ses facultés et de sa légitimité.

Aucun de nous ne peut accepter que le Parlement soit abaissé de cette façon, mais la caporalisation des députés est-elle un hasard, à l’heure où nous débattons d’un texte qui prive justement les élus territoriaux de leurs marges de manœuvre ? La défiance pour les parlementaires, sommés de légiférer dans l’urgence et dans la soumission, s’abreuve à la même source que la défiance pour les élus locaux. L’irrespect pour les élus, le pluralisme, la libre expression des divergences est général. En cela, ce projet de loi est un symptôme de l’ensemble des dysfonctionnements actuels.

Certes, madame la ministre, vous avez la conviction, très bien portée dans votre exposé préliminaire de cet après-midi, que ce texte fera le bonheur des élus et populations qui le rejettent aujourd’hui. Vous vous éloignez ainsi du siècle des lumières et de Condorcet…

M. Thierry Braillard. Bonne référence !

M. André Chassaigne. …écrivant que la puissance publique « n’a pas le droit de décider où réside la vérité, où se trouve l’erreur ». Aussi faut-il bien aujourd’hui que certains se fassent les porte-parole des élus locaux, c’est-à-dire de ceux qui participent à l’enracinement de la République sur chaque parcelle du territoire. Parmi eux, nombreux sont ceux qui se sont mobilisés cet après-midi par exemple devant notre assemblée. Au-delà des appartenances politiques, ces hommes et ces femmes engagés pour leurs concitoyens dénoncent la mise au pas des territoires.

Il s’agit bien de cela lorsqu’on entend donner tant de pouvoirs à l’instance métropolitaine, lorsqu’on vide les communes de leur capacité d’action, lorsqu’on programme la disparition des départements, lorsqu’on fait reculer à ce point la mission d’égalité de l’État.

M. Marc Dolez. Très bien !

M. André Chassaigne. Quel que soit l’avis que l’on peut avoir sur ces transformations, elles sont tellement lourdes de conséquences, et d’abord pour la vie quotidienne de nos concitoyens, qu’une seule question se pose : où sont les citoyens dans tout cela ?

M. Marc Dolez. C’est la bonne question !

M. André Chassaigne. Où sont les citoyens, alors que ces trois jours de discussion auraient pu être précédés dans le pays d’un vaste débat démocratique ? Où sont les citoyens, alors que le Gouvernement aurait pu être animé de la volonté d’informer, de faire réagir les populations et de les impliquer ? Où sont les citoyens lorsque ce projet de loi, au lieu de s’adresser à leur intelligence, orchestre dans l’ombre une véritable reprise en main des instances locales ?

Si les citoyens avaient été associés à ce projet de loi, alors les termes du débat en seraient bouleversés, et nous discuterions sous l’égide de l’intérêt général et du bien commun.

Cette indispensable consultation a-t-elle eu lieu ? Interrogez aujourd’hui n’importe quel habitant sur l’ensemble du territoire national, demandez-lui s’il sait que les députés sont sur le point de prendre des décisions d’une telle importance pour les institutions de notre pays. Saura-t-il qu’ils vont peut-être créer des métropoles impactant la vie de 30 millions d’habitants ? Saura-t-il qu’ils ne pourront plus intervenir dans leur commune, comme c’est leur droit de citoyen, sur les plans locaux d’urbanisme, mais qu’ils devront s’adresser à la communauté de communes, d’agglomération, voire à la métropole ?

Parce que cette réforme s’est orchestrée à bas bruit, seule une infime minorité de nos concitoyens savent ce qui se trame.

Quant aux agents de la fonction publique, qu’elle soit d’État ou territoriale, que savent-ils des bouleversements en préparation, des mises à disposition de services entiers d’une institution à l’autre ? Rien ou presque. Il y a de fortes chances que ces hommes et ces femmes tombent de l’armoire en apprenant les nouveaux objectifs de rationalisation de la dépense publique contenus explicitement dans le projet de loi, qui se traduiront encore par des déménagements contraints, des regroupements technocratiques et des suppressions de postes.

Nul doute qu’un tel mépris pour l’avis des citoyens forcera ceux-ci à se mettre encore plus en retrait de la chose publique. Ce mépris est malheureusement conforme à l’état d’esprit dominant, qui renvoie les décisions importantes à quelques-uns, aux experts, à ceux qui savent. C’est cet état d’esprit qui est au cœur du projet, en particulier en transformant les communes en coquilles vides, en réduisant à presque rien ces espaces qui restent pourtant des foyers de démocratie, des espaces de proximité sans égal, ces espaces qui sont pour des millions de gens les lieux principaux et familiers de la République, des lieux où les habitants de tous âges et de toutes conditions se reconnaissent, parce qu’ils sont un maillon essentiel de l’accès aux services publics et à la vie de citoyen et de salarié.

Bien évidemment, vous essayez de convaincre les élus locaux et de nous convaincre, mais vous faites comme l’empereur Heliogabale, qui servait à certains convives de très beaux plats, en fait des dessins figurant les mets au menu, et chaque convive devait être content.

M. Michel Piron. Quelle horreur !

M. André Chassaigne. C’est à ce genre de festin auquel vous nous conviez.

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

M. André Chassaigne. Ce projet d’affirmation des métropoles aurait pu tout aussi bien s’appeler projet d’affirmation de l’effacement des communes, tant ces superstructures qui vont disposer de pouvoirs considérables aspirent leurs compétences.

Prenons les derniers amendements du Gouvernement concernant la métropole du Grand Paris. Celle-ci exercerait de plein droit, en lieu et place des communes membres, les compétences suivantes : le développement et l’aménagement économique, social et culturel ; la création, l’aménagement et la gestion des zones d’activité industrielles, commerciales, tertiaires, artisanales, touristiques, portuaires et aéroportuaires ;…

M. Gaby Charroux. Tout !

M. André Chassaigne. …les plans locaux d’urbanisme ; les ZAC – zones d’aménagement concerté ; les réserves foncières ; le programme local de l’habitat ; le logement ; la politique de la ville ; le développement urbain ; l’environnement et le soutien à la maîtrise de l’énergie.

Ce n’est pas tout. Si l’intérêt métropolitain est jugé manifeste par le Conseil de la métropole, la métropole du Grand Paris prendrait aux communes l’organisation des transports urbains, la voirie, les plans de déplacement, l’eau et l’assainissement.

M. Philippe Meunier. C’est scandaleux !

M. André Chassaigne. La boucle est bouclée. Alléluia, résonnez hautbois, claironnez trompettes !

M. Michel Piron. C’est le goupillon avec la faucille !

M. André Chassaigne. La même musique est entendue s’agissant de Marseille, de Lyon et des autres concentrations urbaines visées, superbe oraison accompagnant l’enterrement de la démocratie locale.

M. Philippe Meunier. Très bien !

M. André Chassaigne. C’est là une logique d’hyper-concentration, de recentralisation des pouvoirs, une logique descendante qui porte en elle la négation des projets locaux, le mépris des besoins s’exprimant au plus près des réalités et de la parole des citoyens. C’est la porte fermée aux coopérations fructueuses entre collectivités. Une telle concentration des pouvoirs s’oppose à l’intérêt métropolitain lui-même, dans sa conception solidaire, et à l’exigence de se définir dans un mouvement démocratique, dans la capacité à fabriquer de l’acteur, à faire que les gens soient actifs et existent en tant que citoyens.

On prétend que c’est la crise qui commande de prendre ces décisions. Mais la crise ne pourra trouver d’issue par l’étouffement des revendications, par l’éloignement des citoyens, ni par des solutions autoritaires. On ne s’en sortira pas en écoutant ceux qui prônent comme seule solution l’austérité à tous les étages, et ceux, souvent les mêmes, qui voient dans la concentration des pouvoirs un gage d’efficacité. Avec le miroir aux alouettes de cette nouvelle organisation territoriale, s’agit-il bien de lutter contre la crise ?

Je cite l’exposé des motifs du projet de loi : « Notre pays a plus que jamais besoin d’une action publique efficace pour améliorer la compétitivité de ses entreprises. » Compétitivité : mot magique du bêtisier contemporain, qui figure ouvertement dans le texte, repris maintes fois, mot qui constitue la logique profonde de ce projet, sa seule logique, une logique de fer qui prétend guider toutes les transformations institutionnelles. La quintessence de la pensée unique. Sur ce point encore, comment ne pas voir que ce projet est le symptôme du mal qui ronge l’ensemble de ce quinquennat ?

Le terme de décentralisation, qui était en bonne place il y a encore quelques semaines – puisqu’on parlait d’acte III de la décentralisation –, a été abandonné en rase campagne.

M. Alexis Bachelay. Tout en finesse !

M. André Chassaigne. Il n’était pas tenable au vu du contenu des différentes versions de l’avant-projet de loi. La décentralisation a donc été sacrifiée sur l’autel du maître mot : la compétitivité.

M. Michel Piron. C’est un marxiste qui parle !

M. André Chassaigne. Avec cette philosophie, l’action publique n’a plus pour vocation l’intérêt général et la maîtrise citoyenne. Elle n’a plus pour vocation de répondre aux besoins humains, sociaux, économiques, environnementaux, démocratiques. Elle doit être mise au service de la rentabilité maximale, de la baisse du coût du travail, des largesses faites au capital, de la financiarisation. Avec cette conception, c’est la fonction même des collectivités territoriales qui est interrogée.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai !

M. André Chassaigne. Ce projet, c’est la mise en coupe réglée de l’action publique locale pour qu’elle ne soit plus que la réplique de la politique menée au plan national. Ainsi, nos communes, nos départements, nos régions, de boucliers anti-crise qu’ils étaient, auraient vocation à devenir des relais de la compétition mondialisée.

J’étais sur ces bancs lors de la réforme territoriale menée par la droite en 2010, sous la férule de Nicolas Sarkozy, d’Édouard Balladur, de Brice Hortefeux. Chers collègues socialistes, vous n’aviez pas, alors, de mots assez durs pour critiquer la « recentralisation » dont ce texte était le nom.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est vrai !

M. André Chassaigne. Je dois faire une nouvelle fois le constat amer que vous ne vous sentez nullement engagés par les propos que vous avez tenus avant les élections de 2012. Vérité en deçà des élections, erreur au-delà ! Nous autres, élus du Front de gauche, nous efforçons souvent, modestement, de vous rappeler vos engagements d’hier, vos prises de position, nos combats communs, mais c’est trop souvent en pure perte.

Dans le cas présent, l’organisation institutionnelle et territoriale qui nous est proposée reprend la même clé de voûte que la réforme de la droite ultralibérale : la métropole.

M. Marc Dolez. Eh oui, hélas !

M. André Chassaigne. Je cite à nouveau l’exposé des motifs : « Cette nouvelle catégorie est destinée à regrouper plusieurs communes d’un seul tenant et sans enclave et qui s’associent au sein d’un espace de solidarité pour élaborer et conduire ensemble un projet d’aménagement et de développement économique, écologique, éducatif, culturel et social de leur territoire afin d’en améliorer la compétitivité et la cohésion à l’échelle nationale et européenne. » Le dernier bout de phrase apporte la vraie lumière : améliorer la compétitivité à l’échelle nationale et européenne.

M. Alexis Bachelay. Et mondiale ! Paris est mondial !

M. André Chassaigne. Car s’agit-il vraiment, dans cette volonté de créer cette nouvelle catégorie, de tenir compte du fait métropolitain ? S’agit-il de réduire les fractures terribles qui se creusent dans les grandes concentrations urbaines ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Oui, il s’agit de cela !

M. André Chassaigne. Bien au contraire, ce projet affiche une volonté affirmée de réduction de la dépense publique à tous les niveaux.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Non !

M. André Chassaigne. Il répond en cela aux injonctions de la commission européenne, dans le droit fil de la stratégie de Lisbonne, de la charte européenne, du livre blanc de la gouvernance et du traité européen de stabilité que François Hollande avait promis de renégocier.

M. Gérald Darmanin. Il ne l’a pas fait !

M. André Chassaigne. Le fil rouge…

M. Michel Piron. Vous avez dit « rouge » ! (Sourires.)

M. André Chassaigne. …de ces différentes injonctions, c’est en effet de favoriser les fusions entre collectivités afin de réduire considérablement leur nombre, ce qui représente la solution la plus simple pour comprimer le volume des budgets et des emplois publics. Ainsi le Danemark a-t-il porté le nombre de ses communes de 1 388 à 98 seulement. La même logique a prévalu aussi brutalement au Portugal, en Suède, en Grande-Bretagne et en Grèce. Ces pays vont-ils mieux ? Sont-ils renforcés contre la crise ?

En ce qui nous concerne, nos 36000 communes représentent un maillage serré construit sur un principe de liberté et de présence républicaine sur tout le territoire. Il est fertile aux coopérations et projets communs, comme l’histoire récente de la décentralisation l’a montré. Mais c’est un obstacle pour le libéralisme.

Permettez-moi de citer les conclusions récentes du Conseil de l’Union européenne, reprenant les recommandations de la Commission présidée par José Manuel Barroso : « Compte tenu du niveau élevé de la dette, qui continue d’augmenter, et du nouveau report du délai de correction du déficit excessif [à 2015], il est particulièrement important que le budget 2013 soit rigoureusement exécuté et que des efforts d’assainissement substantiels soient résolument poursuivis les années suivantes. Il est impératif notamment que les dépenses publiques de la France croissent beaucoup moins vite que le PIB potentiel, dans la mesure où les améliorations du déficit structurel ont jusqu’à présent reposé principalement sur les recettes. À cet égard, l’examen en cours des dépenses publiques (« Modernisation de l’action publique ») qui concerne non seulement l’administration centrale mais aussi les administrations des collectivités locales et de la sécurité sociale, devrait indiquer comment améliorer encore l’efficacité des dépenses publiques. Il est également possible de rationaliser davantage les différents niveaux et compétences administratifs afin d’accroître encore les synergies, les gains d’efficacité et les économies. La nouvelle loi de décentralisation prévue devrait traiter cette question ». Je n’invente rien ; il s’agit des recommandations de la Commission européenne présidée par M. Barroso. Nous y voilà.

M. Alexis Bachelay. C’est un complot européiste !

M. André Chassaigne. Cher collègue, j’ignore votre nom,…

M. Gérald Darmanin. C’est l’un de vos camarades !

M. André Chassaigne. …en parlant de complot,…

M. Alexis Bachelay. Européiste !

M. André Chassaigne. …vous montrez l’étendue des connaissances que vous avez des orientations européennes ! Mais chacun peut tenir les propos de M. Personne transformé en Dimanche ! (Rires.)

Ce projet de loi est tout simplement le résultat concret, la mise en œuvre des diktats de Bruxelles.

M. Alexis Bachelay. Nous y voilà !

M. André Chassaigne. Son principal objectif est contenu dans ces lignes : l’austérité renforcée pour les collectivités et pour les EPCI. Et il faut réduire encore les financements provenant de l’État, opération qui a débuté avec la réduction de 4 milliards et demi sur trois ans de l’enveloppe attribuée aux collectivités. C’est sans doute un complot, cela aussi : j’ai inventé les 4 milliards de réduction de l’enveloppe des collectivités !

Cette coupe – le complot – est la contribution forcée des collectivités au cadeau fiscal de 20 milliards de crédit d’impôts accordés aux entreprises. Un cadeau que, nous l’avons dit, nous considérons scandaleux, parce que sans contrepartie, payé par le peuple via la TVA. Des voix de plus en plus nombreuses, y compris au sein des plus hautes instances du PS, le contestent d’ailleurs résolument.

Mais l’heure est désormais aux expérimentations avec les métropoles. La pression est forte, on en voit le résultat dans les derniers amendements gouvernementaux concernant Paris, qui testent le principe de communautés d’agglomération transformées en conseil de territoire, c’est-à-dire sans moyens propres, sans services administratifs. Quelle économie réalisée ! Mais quelle régression pour les habitants !

La France compte des milliers de communes, c’est un héritage de la Révolution française. Nous pensons que c’est là un atout historique.

M. Marc Dolez. Tout à fait !

M. André Chassaigne. Au lieu de le mettre à mal, il faut au contraire s’appuyer sur cet atout pour donner plus de souffle à la décentralisation, pour favoriser les coopérations et l’intervention de toutes et tous.

M. Marc Dolez. Parfaitement !

M. Marc Dolez. Que vaut la République si elle ne s’appuie pas sur les citoyens ? Que vaut-elle si elle ne cherche pas en permanence à construire de nouveaux droits d’intervention pour toutes et tous ?

Dans les Bouches-du-Rhône, 109 maires sur 119 et cinq intercommunalités sur six s’opposent au projet de métropole Aix-Marseille-Provence.

M. Patrick Mennucci. Elles se sont toujours opposées à tout !

M. Marc Dolez. Mon collègue Gaby Charroux prendra d’ailleurs la parole dans la suite de cette discussion pour exprimer la colère des élus. Ces 109 maires de toutes sensibilités politiques, avec des centaines d’élus du département, ne sont pas des gens qui ne savent que dire non, comme on a voulu les dépeindre. Ils ont élaboré un projet alternatif massivement soutenu par la population,…

M. Patrick Mennucci. Ils 50 dans les manifs !

M. André Chassaigne. …prenant en compte les enjeux métropolitains de leur territoire, ceux des transports en particulier.

M. Patrick Mennucci. Il ne fallait pas refuser le syndicat des transports !

M. Jean-David Ciot. C’est Jean-Claude Gaudin qui l’a refusé !

M. Jean-Pierre Maggi. C’est vrai.

M. Gérald Darmanin. Organisez des réunions intergroupes !

M. André Chassaigne. C’est la multiplication des pains à l’envers : vous n’êtes pas plus nombreux, vous n’êtes que la moitié ! Allez donc comprendre !

M. Patrick Mennucci. Vous ne connaissez pas l’histoire !

M. Jean-David Ciot. Il ne faut pas la refaire !

Mme la présidente. Mes chers collègues, seul M. Chassaigne a la parole.

M. André Chassaigne. Les propos que j’entends sont plus révélateurs que ceux que je tiens moi-même ! (Sourires.)

Ces élus proposaient un établissement public fondé sur la coopération et le respect des collectivités, du travail qu’elles ont mené année après année au service des populations. Que leur a-t-on répondu ?

M. Patrick Mennucci. Trop tard !

M. André Chassaigne. Que leur projet n’allait pas assez loin, autrement dit, qu’il ne faisait pas assez d’économies sur la dépense publique, qu’il donnait trop de place encore aux élus locaux, c’est-à-dire aux habitants ! Mon collègue Gaby Charroux y reviendra.

En Île-de-France, si cette loi est votée, ce sont toutes les communes des départements du Val-de-Marne, de la Seine-Saint-Denis et des Hauts-de-Seine, ainsi que leurs intercommunalités, qui seront dessaisies de leurs compétences stratégiques.

M. Jean-Luc Laurent. C’est vrai !

M. André Chassaigne. Ici comme ailleurs, les maires seront relégués au rang de simples exécutants des décisions prises, bien trop loin des enjeux et problématiques locales et citoyennes. Les communes deviendront des mairies d’arrondissement sans pouvoir de décision.

M. Patrick Mennucci. C’est très bien, une mairie d’arrondissement ! Qu’avez-vous contre ces maires ?

M. André Chassaigne. Mon collègue François Asensi prendra également la parole pour éclairer nos concitoyens franciliens sur ce qui se prépare.

Ici encore, plus d’une centaine de maires, d’élus associés au sein du syndicat mixte Paris Métropole, de toutes sensibilités, ont empoigné cet enjeu de la métropole. Ils l’ont fait à partir de leur connaissance du terrain, des besoins des habitants, pour une coopération entre collectivités. Ce sont deux ans de travail dans un esprit constructif pour sortir des égoïsmes locaux, deux ans de travail…

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Trois ans !

M. André Chassaigne. …pour lutter contre les inégalités, pour co-élaborer de nouvelles solidarités.

À l’opposé de ce mouvement ascendant, de cette construction par le bas, que leur impose-t-on à l’arrivée ? Un monstre technocratique…

M. Marc Dolez. Exactement !

M. André Chassaigne. …aux vastes pouvoirs, régnant sur huit millions d’habitants, éloigné des élus locaux et des citoyens, de leur parole et de leurs besoins, et niant même les intercommunalités qui seraient transformées en relais délocalisés des décisions prises en haut.

Que peut-on attendre d’une telle technostructure ? Peut-on attendre qu’elle réponde aux besoins ? Peut-on attendre qu’elle relève efficacement les défis ? Je parle bien de votre technostructure, pas de celle qui a été construite démocratiquement. Souvenons-nous du premier projet de métro en rocade dans l’Île-de-France. Il n’avait que quarante gares ! Il délaissait des territoires entiers, qui n’étaient pas desservis parce qu’on les jugeait non compétitifs, tant l’objectif était de relier au plus vite les pôles d’affaires. Il a fallu la mobilisation des élus, et surtout des habitants, pour que le projet se transforme dans le bon sens, avec davantage de gares et partant d’emplois.

On nous dit que la métropole de Paris permettra de gagner en cohérence…

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Oui !

M. André Chassaigne. …et d’arriver à l’objectif de 70 000 nouveaux logements par an. Mais avec quels moyens cela se fera-t-il ? L’aide à la pierre sera-t-elle plus élevée avec la métropole ? Nombreux sont les élus qui en doutent sérieusement et qui s’attendent plutôt à une nouvelle baisse. S’il suffisait de schémas impératifs et centralisés pour lever les obstacles de coûts des sols et de la construction, pour s’opposer à la spéculation et aux discriminations sociales et territoriales, cela se saurait.

M. Alexis Bachelay. On y est justement !

M. André Chassaigne. En Rhône-Alpes enfin, c’est l’égalité de traitement sur le territoire rhodanien qui est remise en cause, avec la partition programmée du département en deux. La métropole de Lyon se substituerait à la portion du département du Rhône concernée et serait une collectivité de plein exercice. À ce titre, non seulement elle prendrait des compétences aux communes, mais de plus elle exercerait une tutelle sur ces dernières, en les reléguant au rang de simples arrondissements.

Qu’adviendra-t-il des territoires ainsi relégués hors de la métropole ? Les zones rurales, notamment, qui pâtissent déjà largement de la mise en concurrence des territoires, seront encore plus abandonnées. L’Eau écarlate de votre projet de loi fera disparaître cette belle solidarité entre les urbains et les ruraux qui donne toute sa noblesse républicaine à nos départements. Cette inégalité voulue entre aires urbaines et aires rurales se doublera d’inégalités internes à ces aires. Lyon, c’est aussi près de 100 000 chômeurs et plus de 40 % de personnes non-imposables disposant de moins de 10 000 euros de revenus.

Personne ne peut se faire d’illusions sur les résultats futurs de ces superstructures en matière de lutte contre les inégalités. En dépit de tous les éléments de langage et des déclarations d’intention, leur action sera en effet dédiée au libéralisme et à l’accroissement de la compétitivité. Ces instances porteront en elles une logique d’assèchement, de consumérisme et de concurrence forcenée. Les conséquences pour l’emploi, pour la vie sociale, culturelle, associative, pour les services publics de proximité et pour les solidarités sont hélas appelées à être violentes.

M. Patrick Mennucci. C’est faux !

M. Alexis Bachelay. C’est votre théorie !

M. Michel Piron. C’est en tout cas très éclairant.

M. André Chassaigne. Au contraire, s’agissant des résultats en matière de progrès humain, on ne peut les escompter que par une mobilisation et un développement sans précédent de l’action publique sur tout le territoire pour répondre aux besoins, pour relancer la politique industrielle et pour trouver des issues concertées à la crise. Cela suppose a minima de ne pas affaiblir les collectivités locales qui représentent 20 % de l’activité économique du pays et 70 % de l’investissement public. De surcroît, cette activité échappe souvent, dans sa mise en œuvre, à la sphère financière, aux exigences féroces de rentabilité à l’origine de la crise du système.

Cela suppose également de ne pas continuer à affaiblir le rôle de l’État, mais au contraire de renforcer sa mission de garant de l’égalité des territoires et son rôle d’impulsion des politiques publiques nationales en faveur du développement, avec un vrai partenariat avec les collectivités.

Ce projet de loi, dit de modernisation, tourne complètement le dos à ces orientations, et mon collègue Marc Dolez reviendra lui aussi plus en détail sur ses funestes modalités générales. Ce projet prépare en effet un chambardement inédit pour les millions d’agents de la fonction publique – celle de l’État comme celle des collectivités territoriales. De nouvelles mutualisations sont annoncées, comme dans la réforme de la droite en 2010. Elles se traduiront en réalité par des services de proximité transformés en guichet à la personne, par des services transférés à des échelons éloignés de l’usager, par des réductions progressives d’effectifs à tous les niveaux et par des déménagements contraints pour les agents publics, à l’instar de ce qui s’est produit à France Télécom.

Mes chers collègues, cette république que nous préparons en est-elle vraiment une ?

M. Patrick Mennucci. C’est fini : il n’y a plus de République !

M. André Chassaigne. S’il s’agit de mettre en place un État réduit à ses missions régaliennes et cédant tout le reste aux métropoles, la réponse est non. Si tout va aux métropoles sur une partie du territoire, qu’advient-il de l’autre partie, de celle qui est à l’écart de la concentration du capital, celle à laquelle vous n’offrez qu’une hideuse perspective – la politique du chien crevé au fil de l’eau ? Pour ma part, vous le savez, je me range résolument aux côtés de l’immense majorité des élus ruraux indignés et inquiets pour l’avenir de leurs villages et de nos campagnes, arc-boutés contre la chronique d’une mort annoncée.

M. Patrick Mennucci. C’est le journal du parti communiste du coin qui dit ça !

M. André Chassaigne. C’est tellement intéressant pour le compte rendu, et c’est d’un tel niveau, qu’il est très important de laisser parler le représentant de la grande cité phocéenne. Vous pouvez prendre la parole quand vous le voulez, monsieur Mennucci.

M. Patrick Mennucci. J’attends surtout que vous finissiez.

M. André Chassaigne. Interrogeons-nous enfin sur l’ordonnancement de ces projets de loi. Le Gouvernement débute par les métropoles. Ce n’est pas un hasard. Il s’agit de les installer comme nouvelles clés de voûte de notre système institutionnel. Au lieu de mettre en débat une cohérence d’ensemble, à partir des besoins, de la vie des citoyens et des défis à relever, on nous impose d’emblée une vision sur laquelle doit se plier tout le reste. Dans ce scénario, nous aborderons à l’automne le rôle des régions et des départements. Dans ces conditions, ce rôle sera nécessairement rétréci, corseté par ce qui aura été décidé avant. Et que dire du troisième et dernier volet intitulé « développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale » ? Qu’en termes élégants ces choses-là sont dites ! Nous sommes profondément convaincus que nous prenons les choses à l’envers.

Dans tous les cas, il existe une contradiction profonde à voter un tel texte avant les élections municipales – moment privilégié de dynamiques et de confrontations citoyennes –, qui posera avec force la place des projets municipaux, et donc l’avenir et le rôle des communes alors que celles-ci sont promises à effacement.

À l’instar de la loi de 2010 dite Sarkozy, dont il est le prolongement, le processus amorcé avec ces trois projets de loi a tout du coup de force : coup de force parce qu’il est masqué aux citoyens et aux forces vives de ce pays ; coup de force parce qu’il est sourd au rejet grandissant qu’il suscite dans les territoires au fur et à mesure qu’il est connu des élus, des forces associatives et syndicales et des citoyens ; coup de force parce qu’il est sourd aux propositions alternatives présentées par les élus locaux…

M. Alexis Bachelay. Lesquelles ?

M. André Chassaigne. …coup de force enfin par la méthode même – trois jours seulement de débat au cœur du mois de juillet.

M. Patrick Mennucci. Il n’y a rien d’incroyable à travailler en juillet.

M. André Chassaigne. Pour notre part, nous défendons une seule exigence : celle de faire entrer les citoyens dans le jeu, de leur permettre de décider par référendum dans tous les territoires où une métropole est en passe d’être créée. Le PCF et le Front de gauche sont aujourd’hui les fers de lance de la défense de la libre administration des collectivités territoriales, principe de valeur constitutionnelle. Nous sommes fiers d’être à l’initiative partout en France pour contester les logiques de recentralisation et pour brandir l’exigence de la démocratie dans nos territoires !

Les députés du Front de gauche réclament que partout où le Gouvernement impose une caporalisation (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) des collectivités, il consulte les populations. Il faut recourir au vote des citoyens. Nous exigeons un référendum…

M. Alexis Bachelay. Sur quel sujet ?

M. Patrick Mennucci. À quoi servent alors les députés ?

M. Gaby Charroux. À rien !

M. André Chassaigne. …en Île-de-France, en Rhône-Alpes et dans les Bouches-du-Rhône. La démocratie locale ne saurait être confisquée.

Je veux m’adresser une dernière fois à mes collègues de gauche. Sur le terrain,…

M. Alexis Bachelay. Mais nous y sommes !

M. Patrick Mennucci. Tous mes électeurs sont favorables au projet.

M. André Chassaigne. …nous nous battons souvent ensemble, y compris contre l’arbitraire de ce projet de moi, exigez avec nous un référendum. Exigez que le peuple puisse s’exprimer. Refusez avec nous la fin de l’autonomie des communes et des départements. Alors que nous avons fait ensemble les clairs de lune si bien chantés par Aragon, alors que nous avons tant fait ensemble pour que les nuits tombent une à une, ne laissez pas disparaître cette si belle conquête républicaine qu’est la démocratie locale. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et quelques bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Appéré.

Mme Nathalie Appéré. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, trente ans de décentralisation, à l’initiative de la gauche, ont profondément modifié le visage de notre République. Acteurs majeurs de notre organisation politique et administrative, les collectivités locales ont su allier qualité du service public et rigueur de gestion, avec un contrôle démocratique renforcé et une participation accrue des citoyens.

Si le projet de loi que nous examinons n’est pas à proprement parler un texte de décentralisation, au sens traditionnel de transfert de compétences d’État, il n’en demeure pas moins porteur d’une réelle ambition pour les territoires et, de ce fait, d’un véritable élan décentralisateur et modernisateur.

Après l’abrogation du conseiller territorial et la mise en place de nouveaux modes de scrutin paritaires et démocratiques,…

M. Sylvain Berrios. À coups de décrets !

Mme Nathalie Appéré. …le projet de loi témoigne d’une confiance renouvelée dans les élus locaux et dans l’intelligence des territoires. Il reconnaît leur capacité à coopérer efficacement et à contractualiser pour s’organiser. Il consacre le principe de spécificité qui confirme, s’il en était besoin, que la réalité territoriale dans ce pays n’est pas uniforme. L’unité de la République n’est décidément pas l’uniformité. Ce projet de loi met un terme aux velléités de recentralisation et de régression territoriale incarnées par la loi du 16 décembre 2010. Plus qu’un big bang territorial imposé d’en haut, en contradiction avec les dynamiques en œuvre, il clarifie, simplifie et rend plus performante notre organisation, en faisant le pari du contrat et de la coopération.

M. Michel Piron. Eh bien !

Mme Nathalie Appéré. Le groupe socialiste veillera, pendant nos débats, à ce que les grandes orientations de ce texte soient pleinement confortées, ce à quoi la commission des lois de notre assemblée a déjà largement contribué.

Nous sommes ainsi très satisfaits que la commission ait introduit les dispositions relatives à la création du Haut conseil des territoires dans ce premier volet législatif. Il constituera un espace indispensable de discussion entre les pouvoirs publics nationaux et locaux. C’est le corollaire tout aussi indispensable des avancées déterminantes que nous nous apprêtons à faire en matière de non-cumul des mandats.

Nous sommes également convaincus que les amendements de notre excellent rapporteur, adoptés en commission des lois pour clarifier la composition des conférences territoriales de l’action publique et permettre l’élaboration en leur sein de conventions d’exercice concerté, sont une réponse utile aux attentes d’optimisation et de coordination des politiques publiques. La réintroduction des sanctions financières prononcées à l’encontre des collectivités récalcitrantes consacre aussi le principe de responsabilité qui accompagne d’ailleurs opportunément la réintroduction de la clause de compétence générale.

Grâce au titre II relatif à l’affirmation des métropoles, le fait urbain – et son rôle déterminant en matière de développement, de création de richesses mais aussi et surtout de cohésion sociale – est consacré. Loin de constituer un échelon supplémentaire, les métropoles ont vocation à favoriser une meilleure organisation des territoires concernés sans que ceux-ci ne se désolidarisent pour autant des schémas régionaux qui sont aussi des échelles importantes. Qui croit encore, à part peut-être M. Chassaigne, que le renforcement de l’intercommunalité fait perdre de la liberté et du pouvoir aux communes ?

M. Philippe Meunier. Mais bien sûr !

M. Gaby Charroux et M. Marc Dolez. Nous, nous le croyons également.

Mme Nathalie Appéré. Les élus ont compris depuis longtemps à quel point l’intercommunalité, au contraire, développe les moyens et les capacités à faire.

La métropole de Lyon, façonnée par une histoire territoriale ancienne et des volontés politiques fortes, ouvre la voie. Après la page blanche laissée par le Sénat, le travail déterminé et concerté du Gouvernement et des députés de la majorité, vraiment très loin de toute soi-disant caporalisation, nous permettra de franchir une étape décisive, historique, pour la métropole parisienne. Dépassons passéisme et égoïsme territoriaux. Le pays tout entier à besoin d’une métropole Grand Paris qui relève les défis du logement et de l’accessibilité, tout comme il a besoin d’une métropole marseillaise forte et qui rayonne sur la Méditerranée.

Concernant plus spécifiquement les métropoles consacrées par l’article 31, la commission des lois a fait droit à notre demande de ne pas cantonner leur création au seul critère démographique – méfions-nous des seuils, mes chers collègues ! Bien sûr, le maillage du territoire national par des villes systématiquement transformées en métropole n’aurait aucun sens, mais les fonctions et le positionnement de certains EPCI doivent leur permettre, s’ils le souhaitent, de poursuivre leur intégration en accédant au statut de métropole, comme il permettra d’ailleurs à d’autres EPCI de devenir communautés urbaines.

Pas de décentralisation sans démocratie, sans pouvoir des citoyens : l’élection au suffrage universel direct par fléchage des conseillers intercommunaux, telle que nous l’avons récemment adoptée, est bien sûr une première étape. Mais disons-le : elle est pour nous insuffisante s’agissant des métropoles. Le groupe SRC est attaché au principe de l’élection d’une partie des conseillers sur une circonscription métropolitaine unique à compter de 2020, tout comme il sera extrêmement attentif à la parité dans les exécutifs.

Enfin, reconnaissant le rôle des villes pour entraîner les dynamiques en même temps que pour protéger les populations les plus fragiles, le texte ne commet pas l’erreur d’opposer urbains et ruraux.

M. Jean-Frédéric Poisson. Mais si !

Mme Nathalie Appéré. Ériger des barrières et entretenir les crispations est un non-sens qui fait le lit de tous les populismes. Là encore, nous avons au contraire besoin de penser les coopérations, les coordinations. Les pôles ruraux d’aménagement et de coopération introduits par les sénateurs sont utiles à cet égard, notamment parce qu’ils permettront de renforcer les pays, que nos collègues de la droite encensaient tout à l’heure alors qu’ils les ont supprimés par la loi du 16 décembre 2010.

M. Alain Chrétien. C’est nous qui les avons créés en 1995 !

Mme Nathalie Appéré. Il nous revient de préciser les conditions dans lesquelles ces pôles seront créés et exerceront leurs compétences, en veillant à ce qu’ils participent, eux aussi, d’une logique de simplification et d’efficacité.

Pour conclure, ce texte, ambitieux dans ses objectifs, réussira, j’en suis convaincue, dans sa mise en œuvre parce qu’il est une réponse, un exact opposé peut-être, à l’échec de la réforme des collectivités de 2010. Au mépris des élus locaux, nous préférons la confiance ; à une réforme imposée, nous privilégions le dialogue et la concertation ; à un schéma uniforme et descendant, nous substituons la spécificité et la responsabilité ; à la rigidité dogmatique et à l’incapacité concrète de faire évoluer notre modèle, nous préférons des avancées ambitieuses, pragmatiques et adaptées ; face à l’immobilisme, nous choisissons le changement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Devedjian.

M. Patrick Devedjian. Madame la présidente, mesdames les ministres, c’est un étrange débat. Jamais on n’a connu, depuis 150 ans, un projet si important pour changer complètement l’organisation de la capitale et de sa banlieue. Pourquoi pas ? me dira-t-on : il y a suffisamment de problèmes en région parisienne pour qu’on puisse se poser la question d’une grande transformation et y réfléchir. Je ne le discute pas. Mais la méthode que vous employez, mesdames les ministres, est invraisemblable et d’une telle brutalité ! Même votre allié, M. Chassaigne, a dit que c’était « un coup de force ». (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. Alexis Bachelay. C’est votre allié, monsieur Devedjian !

M. Patrick Devedjian. Non, mon cher collègue, je me souviens qui a appelé à voter pour François Mitterrand au second tour et, plus tard, pour François Hollande. C’est votre allié traditionnel : depuis 1981, à chaque élection présidentielle, le parti communiste a soutenu le candidat socialiste. C’est donc bien sûr le vôtre, même s’il n’en reste pas moins vrai que les communistes ont été les alliés des gaullistes pendant la Résistance.

M. Alexis Bachelay et M. Patrick Mennucci. Même après !

M. Patrick Devedjian. Et si c’est au temps de la Résistance que vous faisiez allusion, nous n’en avons pas honte ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Je veux souligner les conditions dans lesquelles nous examinons ce texte, et que M. Chassaigne a d’ailleurs rappelées. Madame la ministre déléguée, non seulement vous n’êtes venue à la commission des lois qu’à partir du lundi 1er juillet, mais quand nous vous avons interrogé sur les intentions du Gouvernement après le vote du Sénat sur la métropole parisienne, vous avez répondu que vous ne pouviez rien nous dire encore et qu’il fallait attendre le mercredi : finalement, les commissaires ont eu connaissance mardi, aux alentours de minuit, de ce qu’il en était quand vous avez déposé vos amendements...

M. Patrick Mennucci. Et alors ? Elle a tenu sa promesse !

M. Patrick Devedjian. …alors que la commission était appelée à délibérer sur ces amendements le lendemain matin à neuf heures trente. Si vous considérez que c’est un délai favorisant la concertation et un examen normal, je vous en laisse la responsabilité.

M. Patrick Mennucci. C’est légal.

M. Patrick Devedjian. Ensuite, au titre de l’article 88, le Gouvernement a déposé une quarantaine d’amendements importants et, au cours de la demi-heure qui a porté sur les 1 200 amendements au total, 291 ont été adoptés : c’est dans ces conditions de concertation extrême et d’examen particulièrement attentif que le Parlement, que vous voulez à longueur de discours revaloriser, est appelé à travailler et ce, je le redis, sur un projet majeur !

Ce projet, vous avez commencé par nous expliquer que c’était le troisième acte de la décentralisation – j’ai encore le mot dans l’oreille parce que je me souviens bien du premier et du deuxième acte, et que je suis très favorable au principe –, et puis le mot « décentralisation » a disparu du texte du Gouvernement,…

M. Michel Piron. C’est vrai hélas !

M. Patrick Devedjian. …et pour que l’on soit vraiment dans l’incapacité de bien comprendre de quoi il s’agit, non seulement le projet a été tronçonné en trois morceaux, mais il n’y a pas eu la moindre concertation préalable.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Et les auditions ?

M. Patrick Devedjian. Je tiens à le rappeler, quand la droite a mis en œuvre le deuxième acte de la décentralisation, elle a organisé, pendant un an, les assises des libertés locales, et nous avons parcouru le pays entier, y compris les départements d’outre-mer,…

M. Michel Piron. Je me souviens ! C’était l’ancien temps !

M. Patrick Devedjian. …pour faire de la concertation autour du projet d’alors, quitte bien sûr à avoir quelques déconvenues. Aujourd’hui, pas la moindre concertation avec un gouvernement qui ne cesse pourtant de proclamer que son texte est une exigence démocratique majeure évidemment indispensable, et que l’attitude de la gauche est beaucoup plus exemplaire que celle de la droite qui, dans ce domaine, est bien entendu toujours en retard ! Vous nous donnez in concreto un exemple terrible.

Pas non plus la moindre évaluation, la moindre étude d’impact jointe au projet de loi. Vous avez un argument assez faible : le Sénat a annulé le projet du Gouvernement en première lecture. Mais, madame la ministre, vous n’êtes pas revenue, ce qu’on aurait pu comprendre, à votre projet initial,…

Mme Marylise Lebranchu, ministre. C’est vrai !

M. Patrick Devedjian. …que l’Assemblée était toute prête – le rapporteur n’aurait demandé que cela – à rétablir, mais, par voie d’amendements, vous avez déposé un projet nouveau.

M. Olivier Dussopt, rapporteur. Pas du tout !

M. Patrick Devedjian. Ne dites donc pas que c’est à cause du Sénat : c’est votre choix délibéré.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Je l’assume.

M. Patrick Devedjian. Je n’en doute pas, madame la ministre. Mais les Français doivent comprendre comment tout cela s’est passé pour bien mesurer vos intentions.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. J’en suis d’accord.

M. Patrick Devedjian. Finalement, je me suis demandé si vous aviez agi par improvisation ou par malice.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Malicieuse, moi ?

M. Patrick Devedjian. Je me suis en effet posé la question puisque nous avons été mis devant le fait accompli tout au long de l’examen de ce projet, et on peut donc penser que vous avez voulu ne pas nous laisser le temps d’en examiner toutes les conséquences.

J’ai fini par conclure que c’était de l’improvisation parce que j’ai regardé quelles étaient ses dispositions en matière fiscale et budgétaire : vous entendez les régler par voie d’ordonnances. Ainsi, la boucle sera bouclée : il n’y aura pas de débat non plus sur les dispositions fiscales et budgétaires du projet de métropole du Grand Paris !

M. Hervé Gaymard. Très juste !

M. Patrick Devedjian. Cela a fait l’objet d’un amendement du Gouvernement. Il est dès lors impossible d’avoir une évaluation, même financière, du coût.

Les choses sont néanmoins bien claires : il s’agit d’un acte de recentralisation. S’agissant de l’urbanisme, l’État est de retour puisque c’est lui qui va encadrer la politique de l’habitat. Devant la crise du logement en région Île-de-France, il entend la régler par un retour au centralisme. Or c’est le centralisme qui est responsable de la crise du logement. En effet, du fait que toute l’administration française est massivement concentrée dans la région Île-de-France, l’économie s’y coagule – cela a été expliqué bien des fois, en dernier lieu par Laurent Davezie. Ainsi, le centralisme créant la crise du logement, vous espérez pouvoir la résoudre par le centralisme en prônant la densification de la région parisienne. Or je tiens à rappeler que la petite couronne est le territoire d’ores et déjà le plus dense de toute l’Europe.

M. Alexis Bachelay. C’est faux ! Le plus dense est Paris intra-muros : 23 000 habitants au kilomètre carré !

M. Patrick Devedjian. La petite couronne est deux fois plus dense que son équivalent londonien, pourtant lui-même très dense. On construit aujourd’hui 37 000 logements par an en région Île-de-France, et vous espérez atteindre le chiffre de 70 000 en violant par votre centralisme les populations...

M. Alexis Bachelay. Carrément !

M. Patrick Devedjian. …qui ne veulent pas de cette densification car la région explose ! Elle est à saturation ! On ne peut plus circuler, les durées de trajet augmentent de dix minutes chaque année, et la révolte des habitants est déjà très profonde contre la densification.

Sous le quinquennat précédent, le chef de l’État avait voulu pratiquer la même politique et un texte prévoyait d’augmenter le COS,…

M. Alexis Bachelay. C’était de la poudre aux yeux !

M. Patrick Devedjian. …mais cela a été rejeté massivement par toutes les communes, y compris bien sûr par les communes de droite.

Le motif invoqué est donc désastreux : la crise du logement ne sera pas résolue par le centralisme, pas plus que vous n’allez régler les problèmes de la région parisienne en confiant l’essentiel des pouvoirs à Paris.

Il y a d’ailleurs un premier paradoxe dans la démarche du Gouvernement car Paris est la seule ville de France qui n’a jamais tenté la moindre intercommunalité. Aujourd’hui, c’est à Paris que vous voulez confier les pouvoirs sur la banlieue. L’histoire de Paris et de sa banlieue, qui n’est pas achevée, est douloureuse. Les villes de banlieue ont été revivifiées par la politique de Gaston Defferre et par l’octroi aux maires du pouvoir de délivrance des permis de construire. Vous voulez leur retirer cette compétence essentielle qui a permis un rééquilibrage.

Pour cela, vous avez inventé un système de recentralisation qui refera, immanquablement et pour les mêmes raisons, les erreurs commises dans le passé avant 1982 : ces constructions massives qui ont été rejetées par la population, qui nous ont créé tant de problèmes urbains, et que la loi ANRU à grands coûts a essayé, tant bien que mal mais plutôt bien que mal, de réparer. Le premier paradoxe est que vous mettez fin à cela.

Votre deuxième paradoxe est plus grave encore : c’est la gauche qui a lancé l’intercommunalité avec les EPCI. Aujourd’hui, en Île-de-France, vous interrompez le processus au milieu du gué en faisant des EPCI des conseils de territoire dont les compétences vont être absorbées par un EPCI des EPCI – ce qui fait bien, quoi qu’on en dise, une structure en plus.

M. Hervé Gaymard. C’est vrai !

M. Alexis Bachelay. Pas tout à fait, vous n’avez pas bien lu le projet !

M. Patrick Devedjian. Non seulement les conseils de territoire vont remplacer les EPCI, mais on crée à l’échelon de la métropole parisienne un EPCI des EPCI, donc une structure supplémentaire très coûteuse qui, après avoir absorbé les compétences que les communes ont délégué à un EPCI territorial beaucoup plus proche d’elles, pourra à son tour les redistribuer aux communes !

M. Hervé Gaymard. C’est le sapeur Camembert qui creuse un trou pour en reboucher un !

M. Patrick Devedjian. Oui, c’est l’histoire du trou cette possibilité de redéléguer aux communes !

M. Alexis Bachelay et M. Patrick Mennucci. Pas aux communes, aux territoires !

M. Patrick Devedjian. C’est d’une cohérence formidable : les communes ont délégué leurs compétences à un EPCI territorial, un établissement qu’elles connaissent et qui est proche d’elles, et celui-ci va être absorbé par un établissement qui va pouvoir restituer ces compétences à ces mêmes communes qui les avaient déléguées à l’EPCI local ! Quelle fabuleuse usine à gaz !

M. Alexis Bachelay. Il ne s’agit pas de cela : relisez le texte !

M. Patrick Devedjian. Vous interrompez complètement le processus d’intercommunalité que vous aviez lancé vous-mêmes et qui fonctionnait tant bien que mal. Vous le cassez, vous le brisez pour créer par la voie de la loi et du règlement…

M. Alexis Bachelay. C’est vous qui l’avez bloqué dans les Hauts-de-Seine !

M. Patrick Devedjian. Pas du tout, j’ai créé ma propre intercommunalité ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Vous n’êtes pas sérieux !

M. Patrick Mennucci. Et Balkany, il a fait quoi ? Il n’est pas très sérieux non plus !

M. Patrick Devedjian. C’est vous qui cassez légalement le dispositif et qui agissez par voie de délégation – un mot qui revient d’ailleurs tout le temps dans votre texte. Or la délégation est le contraire de la décentralisation : une compétence qui est délivrée de haut en bas, sous contrôle, qui est accompagnée d’une convention et qui peut être reprise.

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien ! Il a raison !

M. Patrick Devedjian. C’est donc bien un mouvement de recentralisation qui va coûter une fortune que vous ne voulez pas que l’on puisse évaluer. Pour cela, vous avez pris toutes les précautions : non seulement, il n’y a pas d’étude d’impact ou d’évaluation, mais en plus, pour régler les problèmes budgétaires, on le fera par voie d’ordonnances,…

M. Alexis Bachelay. C’est dans la Constitution.

M. Patrick Devedjian. …une méthode que la gauche n’a cessé de contester tout au long de son histoire…

M. Patrick Mennucci. Nous nous sommes ravisés !

M. Patrick Devedjian. …et dont elle fait un emploi régulier, de plus en plus développé. Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà : vous le démontrez tout les jours. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Piron.

M. Michel Piron. Madame la présidente, mesdames les ministres, mes chers collègues, nous devons nous rendre à l’évidence, l’acte III de la décentralisation et l’achèvement de la réforme territoriale, que laissait espérer le discours de Dijon du 5 mars 2012, ne se feront ni avec ce projet de loi ni avec les deux suivants. C’est pour nous, décentralisateurs assumés, une vraie déception.

Tant sur la forme que sur le fond, je voudrais vous faire part de ma perplexité.

Je suis perplexe devant un texte peu soucieux de cohérence. Vous avez, en effet, fait le choix de scinder votre projet de réforme territoriale et de l’action publique en trois phases, selon une logique ou une absence de logique qui est à l’opposé de notre conception de l’aménagement du territoire : sont traitées en premier lieu des métropoles et des grandes villes, puis viendront ensuite les régions, et enfin le reste – si j’ose dire – des territoires.

Ainsi, après avoir modifié les dates des élections et les modes de scrutins, lorsque vient enfin le moment de procéder à une véritable réforme décentralisatrice, vous préférez commencer par discuter des compétences des agglomérations, avant même celles des régions, plutôt que de procéder à une véritable remise en ordre et une redéfinition du rôle de nos différents échelons territoriaux.

En somme, vous construisez l’aménagement du territoire sur le seul fait métropolitain, en reléguant la question du maillage territorial – villes moyennes comprises – et des solidarités territoriales au second plan, voire en l’oubliant.

Autre inconvénient de ce découpage en trois phases : nous allons traiter ainsi la partie avant le tout, comme l’eût dit Aristote, sans aucune perspective de l’ensemble du projet, sans aucune vue d’ensemble du sujet.

Nous ne sommes d’ailleurs pas les seuls à nous en étonner. L’Assemblée des communautés de France n’a-t-elle pas, au lendemain de la présentation de ces textes, fait part de sa crainte d’un « enlisement du nouvel acte de décentralisation » considérant que, si l’examen séparé du volet spécifique aux aires métropolitaines peut être envisagé, les autres dispositions participent d’une architecture d’ensemble qui doit préserver sa cohérence.

Je suis aussi perplexe car le texte manque visiblement de cap et de ligne directrice.

Nous aurions pourtant pu souscrire aux objectifs énoncés par François Hollande en mars 2012, lorsqu’il annonçait dans son discours de Dijon sa volonté d’engager une nouvelle étape de la décentralisation. Il affirmait alors que la décentralisation était « un facteur de clarté, de responsabilité », « une source d’efficacité de la dépense publique », qui écarterait « les superpositions, les enchevêtrements, les confusions. »

Où en sommes-nous donc avec ce texte, alors que notre organisation territoriale perpétue, en l’accentuant même, l’insoutenable enchevêtrement des compétences, alors que la multiplication des structures, associée à la complexité des circuits de décision et de financement, pèse de plus en plus lourdement sur la compétitivité de notre pays ?

Quels remèdes apporter ? Avec ces trois projets de loi, on a perdu le fil de la question et le cap.

La réaction des élus est d’ailleurs révélatrice de ce manque de perspectives. Le texte que nous examinons aujourd’hui est certes un texte complexe dans lequel chacun peut trouver quelques motifs de satisfaction ou de mécontentement, mais il recueille finalement bien peu d’approbations.

Si le projet de loi ne visait qu’à améliorer le sort de quelques métropoles, il pourrait être, à la limite, acceptable. L’organisation de territoires en métropoles conçues comme pôles de développement est en effet un facteur de croissance économique. Et, à l’exception du projet de métropole en Île-de-France, les dispositions qui concernent la structuration de la métropole lyonnaise et la reconnaissance du fait métropolitain pourraient nous satisfaire. Nous en reparlerons au cours de la discussion. Je tiens d’ailleurs à saluer le travail réalisé dans la métropole lyonnaise par nos collègues sénateurs du groupe UDI-UC, notamment par Michel Mercier qui avait lancé l’idée dès 2012.

Néanmoins, il est regrettable de constater que cette partie du texte consacrée à la métropole lyonnaise, la plus réussie, est elle-même inaboutie. L’agglomération lyonnaise représente 74 % de la population départementale. Une ambition plus forte et plus claire n’aurait-elle pas pu en faire la première agglomération-département de France ? Il y a des villes-länder dans des pays voisins.

Quant à l’Île-de-France, nous n’y avons trouvé que superpositions et confusions, pour reprendre les termes présidentiels. Cette réforme reviendra à créer trois Grand Paris sur trois périmètres différents et conduira en outre à un affaiblissement de la démocratie locale – mon collègue Jean-Christophe Fromantin y reviendra demain.

Mes chers collègues, en réduisant ce projet de loi aux seules métropoles, n’affiche-t-on pas clairement ici un manque d’ambition ? Où est cette fameuse réforme territoriale dont chacun ici a reconnu, un jour ou l’autre, la nécessité ?

Dans le domaine des compétences, votre choix, madame la ministre, c’est le non-choix. Vous avez multiplié les instances et les schémas à travers les conférences territoriales de l’action publique, espérant sans doute trouver un consensus entre des collectivités dont le paysage se complexifie toujours davantage. Cette voie va rendre encore plus difficile, voire impossible dans certains cas, la prise de décision à de nombreux niveaux.

M. Étienne Blanc. Très bien !

M. Michel Piron. Elle va rendre encore plus illisibles pour nos concitoyens les politiques conduites par les collectivités.

Le rétablissement de la clause de compétence générale pour les départements et les régions est emblématique de ce refus de clarification. Cette clause n’est certainement pas un gage de rationalité ni d’efficacité ni de maîtrise des coûts. À coup sûr, le chef de filat que vous préconisez ne permettra en rien de mettre un peu d’ordre dans l’émiettement des politiques locales.

Mes chers collègues, plus de quarante ans après le rejet du référendum de 1969 qui voulait refondre notre organisation territoriale en l’appuyant sur les régions, plus de trente ans après les premières lois Defferre et plus de dix ans après les lois Raffarin, force est de constater que la décentralisation n’est toujours pas au rendez-vous dans notre pays.

Avec ce projet de loi, madame la ministre, vous n’avez donc pas saisi l’occasion qui vous était offerte de revoir l’architecture des pouvoirs de notre pays. Pire, je crains même qu’en renonçant à remédier au désordre institutionnel actuel, vous ne le consacriez.

Pour conclure, vous me permettrez, madame la ministre, d’évoquer un souvenir plus personnel. Il y a quelques années, Michel Vauzelle avait organisé à Marseille un débat portant sur la loi de 2010, qui avait notamment créé les conseillers territoriaux, auquel vous participiez. Avec votre collègue, vous m’aviez alors fait part de votre compassion. Aujourd’hui, je ne voudrais pas faire preuve d’ingratitude, madame la ministre, et je vous assure à mon tour de ma profonde compassion en voyant le texte que vous nous présentez. Vous avez choisi un chemin labyrinthique. L’UDI ne vous suivra pas sur cette voie. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La discussion générale – nous avons entendu un orateur par groupe – se poursuivra demain.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, mercredi 17 juillet à quinze heures :

Discussion sur le rapport de la commission mixte paritaire du projet de loi de séparation et de régulation des activités bancaires ;

Suite du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 17 juillet 2013, à une heure quinze.)