Accueil > Projet de loi de finances pour 2015 > Les comptes rendus des commissions élargies (plf 2015) > Compte rendu intégral

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Assemblée nationale

commission élargie

Commission des finances,
de l’économie générale
et du contrôle budgétaire

Commission des lois constitutionnelles, de la législation
et de l’administration générale de la République

(Application de l’article 120 du Règlement)

Mardi 4 novembre 2014

Présidence de M. Gilles Carrez,
président de la Commission des finances,
puis de M. Dominique Lefebvre,
vice-président de la Commission des finances,
et de M. Jean-Jacques Urvoas,
président de la Commission des lois

La réunion de la commission élargie commence à seize heures vingt.

projet de loi de finances pour 2015

Relations avec les collectivités territoriales

M. le président Gilles Carrez. Madame la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, monsieur le secrétaire d'État à la réforme territoriale, nous sommes heureux de vous accueillir pour vous entendre sur les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » dans le projet de loi de finances pour 2015. Ces crédits sont chers aux élus locaux, qui ne sommeillent pas derrière les élus nationaux que nous sommes… Ils seront examinés en séance publique vendredi matin.

Nous donnerons d’abord la parole aux rapporteurs de nos deux commissions, qui interviendront pour une durée de cinq minutes. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, vous pourrez naturellement leur répondre.

S’exprimeront ensuite, pour deux minutes chacun, les porte-parole des groupes. Enfin tous les députés qui le souhaitent pourront interroger les membres du gouvernement, leur intervention étant limitée à deux minutes.

M. le président Jean-Jacques Urvoas. Je suis, moi aussi, très heureux d’accueillir la ministre de la décentralisation et de la fonction publique et le secrétaire d'État à la réforme territoriale. Il ne pourra pas être dit que les collectivités territoriales ne constitueront pas un sujet important en 2015. J’ai cru comprendre que l’État s’engageait dans une baisse progressive, mais durable, des dotations aux collectivités territoriales.

Conformément à l’approche retenue par la commission des lois, notre rapporteur pour avis Olivier Dussopt s’est penché sur un thème particulier, à savoir la clause générale de compétence dont jouissent les collectivités territoriales. Il est question de la supprimer dans la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRE), texte dont notre collègue sera précisément le rapporteur. Anticipant sur l’étude d’impact, il s’est interrogé sur les conséquences financières de cette suppression et formulera déjà quelques questions.

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure spéciale de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Le 29 avril dernier, à l'occasion de la présentation au Parlement du pacte de stabilité 2014-2017, le Gouvernement a annoncé son intention de réaliser 50 milliards d'euros d'économies sur la période 2015-2017.

La volonté du Gouvernement d'associer l'ensemble des administrations publiques à cet effort se traduit, pour le secteur local, par un effort de 11 milliards d'euros sur la durée du budget triennal 2015-2017. En 2015, la contribution des collectivités territoriales s'élèvera ainsi à 3,67 milliards d'euros. Pour mémoire, en 2014, leur participation au redressement des finances publiques était déjà de 1,5 milliard et j'espérais alors, comme beaucoup, qu'elle serait exceptionnelle. Las, il n’en aura rien été.

Je partage évidemment avec vous, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État la conviction que tous les acteurs de la sphère publique –État, collectivités locales, opérateurs publics– doivent être mobilisés pour atteindre cet objectif primordial qu'est la réduction des déficits.

Cependant, je dois vous avouer que je partage les inquiétudes des élus locaux quant aux les conséquences de cet effort sans précédent, jugé trop brutal par beaucoup. En effet, la réduction des dotations de l'État fait craindre l'accentuation du repli des investissements habituellement constaté au lendemain des élections locales. J'estime tout à fait indispensable de préserver, autant que possible, les capacités des collectivités territoriales à investir.

Il y va de l'avenir et de la qualité des services publics territoriaux, mais aussi, plus globalement, de la santé de notre économie nationale. Aussi indispensables soient-elles, les mesures envisagées pour l'assainissement des comptes publics ne sauraient en aucun cas se traduire par un affaiblissement des services que nos concitoyens sont en droit d'attendre sur chacun des territoires de notre pays.

À ce titre, je mesure à sa juste valeur l'effort constant en faveur de la péréquation mis en œuvre par le gouvernement. En 2015, la progression de la péréquation « verticale » devrait doubler, 208 millions d’euros de plus étant transférés aux communes et 20 millions de plus aux départements, soit le double de la progression opérée en 2014. Quant au Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC), il poursuit sa montée en puissance, fidèle à la trajectoire inscrite dans la loi de finances pour 2010, ce dont je me félicite tout en mesurant les efforts demandés aux collectivités contributrices. L'ensemble des transferts financiers de l'État en faveur des collectivités territoriales devrait représenter en 2015 près de 101 milliards d'euros à périmètre courant, soit un montant en diminution de 2,4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2014.

La mission « Relations avec les collectivités territoriales », dont je rapporte les crédits, représente seulement 2,7 % des transferts financiers de l'État en faveur des collectivités territoriales, soit environ 2,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement sur un total de 101 milliards d'euros, et un peu plus de 5 % des concours de l'État aux collectivités, dont le montant global est de 53,2 milliards d'euros. Elle ne retrace donc qu'une partie minime de l'effort financier de l'État.

J'en viens à quelques questions. Tout d'abord, je m'interroge sur les conséquences de l'amendement voté en première partie de la loi de finances pour 2015 visant à accroître encore plus la péréquation au bénéfice des communes-cibles de la dotation de solidarité rurale (DSR) et de la dotation de solidarité urbaine (DSU). Si j'en crois les éléments qui m'ont été fournis, cela reviendrait à majorer de 5 % en moyenne la minoration déjà prévue de la dotation globale de fonctionnement (DGF) au titre du redressement. Est-ce soutenable, madame la ministre ?

Compte tenu des difficultés financières récurrentes que rencontrent les départements, est-il envisageable, voire envisagé, de reconduire en 2015 le fonds de solidarité alimenté par un prélèvement sur les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), et mis en œuvre en 2014 ? J'y suis personnellement favorable, sous réserve que l’on veille bien à exclure du bénéfice de ce fonds de solidarité les départements qui n'auraient pas utilisé la faculté d'augmenter leur taux de DMTO.

J'ai rappelé mes inquiétudes sur le niveau prévisible des investissements en 2015. Quels sont les dispositifs d'alerte que prévoit de mettre en place le Gouvernement, lui permettant, en tant que de besoin, de réagir en cas de chute plus sévère qu’attendu des investissements des collectivités territoriales ?

Par ailleurs, je me dois de faire remarquer que le projet de loi « NOTRE », qui prévoit de modifier significativement les compétences des collectivités locales, ne dit rien des moyens financiers qui leur seront affectés. Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet ?

Pouvez-vous enfin nous dire quelques mots de la réforme annoncée de la DGF ? J'ai pu mesurer hier dans la Meuse, aux Assises de la ruralité, combien elle était attendue.

M. Olivier Dussopt, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Comme l’a rappelé le président de la commission des lois, le programme de stabilité présenté par le Gouvernement va le conduire à engager une baisse progressive mais durable des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales, à hauteur de 11 milliards d’euros sur trois ans.

Cette contraction inédite des transferts financiers, nécessaire à l'assainissement de nos finances publiques, aura lieu en même temps que les efforts effectués par l'État et les régimes de sécurité sociale. Cependant, je tiens à souligner que les collectivités supporteront 22 % de l'effort total fourni, alors que leur dette ne représente que 9,5 % du volume de l'endettement des administrations publiques et ne peut servir qu'à l'investissement public, dont elles ont réalisé 70 % en 2013.

Comme les auditions des associations d’élus locaux l'ont montré, les exercices budgétaires 2015 et 2016, et peut-être surtout ce dernier, vont obliger les collectivités à effectuer des choix et des économies dépassant le simple ajustement conjoncturel.

La plus lourde des conséquences sera très certainement une baisse de l'investissement public, alors que c'est un levier majeur de la relance et du soutien à la croissance économique.

En fait, cette compression des crédits transférés aux collectivités par l'État pourra avoir trois répercussions, entre lesquelles chaque collectivité territoriale devra arbitrer : faire des économies dans le champ de ses dépenses de fonctionnement, sachant que beaucoup le font déjà et depuis longtemps ; recourir à l'impôt ou à l'emprunt, mais nous savons que ce n'est une perspective bienvenue pour aucune collectivité, sauf peut-être celles qui n’ont jamais consenti un effort fiscal conforme à la moyenne ; renoncer, enfin, à dégager l’épargne brute nécessaire pour investir. Les réponses varieront d'une collectivité à l'autre, mais les enjeux sont d'importance car ils concernent la cohésion et l'avenir de nos territoires.

C'est pourquoi il me semble que notre débat doit contribuer à conforter deux solutions esquissées par le Gouvernement dans le projet de loi de finances : garantir la montée en puissance des dispositifs de péréquation prévue par la précédente majorité en 2010, en augmentant leurs enveloppes de 228 millions d'euros, afin que les territoires les plus fragiles voient compenser une grande partie de la baisse programmée des dotations ; limiter le plus possible l'impact de cette mesure sur l'investissement des collectivités territoriales en général.

Dans le cadre de la première partie du projet de loi de finances, l'Assemblée nationale a adopté plusieurs amendements pour aider les collectivités à maintenir leur effort d'investissement, mais il faut souligner que leur mise en œuvre pourrait poser d'autres difficultés. Ainsi, le taux du Fonds de compensation de la TVA (FCTVA) a été revalorisé. Les enveloppes de la DSU et de la DSR ont été encore abondées de 89 millions d'euros. Enfin, une dotation de soutien à l'investissement local s’élevant à 423 millions d’euros a été créée.

Cependant, le financement de ces mesures a été assuré en ponctionnant des crédits d'ores et déjà destinés aux collectivités, comme les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP), alors que ceux-ci sont généralement utilisés par les départements pour financer leurs politiques d’aide aux communes, ou comme la DGF des communes et des intercommunalités qui n'étaient pas encore au plafond de leur écrêtement de dotation forfaitaire.

Aussi, même si j'estime que l'intention est bonne, puis-je seulement constater que le financement de ces mesures n'est pas assuré par des ressources nouvelles et pérennes. Gardons aussi en tête le fait que les variables d'ajustement vont rapidement s'épuiser et que la nouvelle redistribution de DGF ainsi mise en place –avec une forte augmentation de la DSU-cible et de la DSR-cible– a pour conséquence une minoration supplémentaire pour les communes non éligibles à ces dispositifs de péréquation « verticale ».

Madame la ministre, c'est là ma première série de questions. Le Gouvernement a-t-il ainsi l'intention de dégager de réelles nouvelles ressources destinées spécifiquement à l'investissement local à l'avenir ? Va-t-il entériner la hausse des dotations de péréquation verticale prévue en première partie par l'amendement de notre collègue François Pupponi ?

Dans un second temps, je veux saisir l'occasion qui m'est donnée de rappeler que le deuxième volet de la réforme territoriale va prochainement être examiné par le Parlement. Dans le cadre du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRE), le Gouvernement propose de revenir sur la clause de compétence générale reconnue aujourd'hui aux régions et aux départements.

En l'absence d'étude générale ou de cas particuliers permettant de juger sur pièces de la nature et des montants de ces dépenses engagées sur le seul fondement juridique de la compétence générale, je ne peux que rester interrogatif quant à l'évaluation des conséquences précises de cette réforme, pouvant potentiellement concerner 15 % à 20 % du budget de ces collectivités, soit 6 à 7 milliards d'euros, mais aussi le financement de secteurs entiers d'activité. Aussi, madame la ministre, souhaité-je vous demander si le Gouvernement fera procéder à une telle étude avant l'examen du prochain projet de loi « NOTRE ».

Enfin, et j'en terminerai par ce troisième point, la montée en puissance du FPIC pose de manière toujours plus aiguë la question de la méthode de définition des contributeurs et des bénéficiaires. Je souhaite rappeler que les versements et prélèvements du FPIC sont déterminés en fonction du potentiel financier agrégé de l'ensemble intercommunal, puis répartis entre établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et communes. Parfois certaines communes fragiles situées sur le territoire d’EPCI relativement favorisés sont amenées à contribuer, tandis que des communes plutôt favorisées situées sur le territoire d’EPCI fragiles sont exonérées de cet effort de solidarité.

J'ai donc déposé des amendements qui visent à améliorer ce dispositif, afin de prendre en compte le cas des communes aux ressources disparates, en rendant plus attractif le dispositif de répartition sur critères objectifs et en facilitant le recours à la répartition libre, tout en conservant le principe d'unanimité des communes. Le Gouvernement les soutiendra-t-il ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Mesdames et messieurs les députés, c’est toujours une grande difficulté que d’avoir à diminuer la dépense, et la baisse de 11 milliards d’euros des crédits n’a pas constitué une bonne nouvelle pour les ministres en charge. Même s’il s’agit d’une nécessité absolue, partagée par le Premier ministre et par le Président de la République, les conséquences seront difficiles et demanderont un examen de détail.

La répartition de cette baisse s’effectuera au prorata de la part de chaque strate dans les recettes totales, soit 2,071 milliards d’euros pour le bloc communal, 1,148 milliard pour les départements et 451 millions pour les régions. Le Gouvernement a ainsi repris les règles proposées par le Comité des finances locales (CFL). Sans être nécessairement parfaites, elles ont fait l’unanimité au cours de nos discussions.

Au sein des catégories de collectivités, cet effort sera réparti au prorata des recettes réelles de fonctionnement pour le bloc communal, de façon péréquée pour les départements, et au prorata des recettes totales pour les régions.

Bien sûr, le Gouvernement ne nie pas les difficultés que cela peut engendrer, mais il faut nuancer notre inquiétude collective. Les efforts demandés représentent une baisse des ressources des collectivités locales de l’ordre de 1,6 % de leurs recettes totales et de 1,9 % de leurs recettes de fonctionnement. Dans le même temps, cependant, les recettes fiscales continueront de progresser. Représentant 60 % des recettes de fonctionnement, elles augmenteront non du fait d’une hausse des taux, mais grâce à une progression de leur base.

Par ailleurs, le Gouvernement a souhaité atténuer les effets de cette baisse pour les collectivités les plus pauvres. L’amendement adopté en première partie de la loi de finances à l’initiative de M. François Pupponi a encore accentué le doublement des transferts au titre du fonds de péréquation, accroissant les garanties pour les communes-cibles de la DSU et de la DSR. Mais cet amendement, répondant à l’urgence du débat, n’a pu faire l’objet d’une étude d’impact. Des simulations ont dû vous être diffusées aujourd’hui. En accord avec le Premier ministre et avec mon collègue André Vallini, la proposition cheminera à l’Assemblée nationale et au Sénat. Selon les effets attendus, la position du Gouvernement pourra évoluer.

Le Premier ministre, qui a tenu à se rendre devant toutes les associations nationales d’élus, a pu se rendre compte de l’inquiétude qui entoure la baisse des dotations sur l’investissement local. Il a pris, en réponse à cette inquiétude, des engagements qui ont été tenus, puisque le FCTVA a finalement été exclu de l’enveloppe normée globale, progressant ainsi de 166 millions d’euros en faveur des collectivités. De même, le taux de remboursement du FCTVA supporte une réfaction de 0,905 points qui apportera aux collectivités 25 millions d’euros dès 2015, et près de 300 millions d’euros en régime de croisière. Certes, le rapporteur pour avis et quelques autres estiment que l’on pourrait aller encore plus loin, mais cette proposition reste à préciser.

Au cours de l’examen de la première partie de la loi de finances, un amendement a été adopté qui vise à ventiler autrement les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) au profit de dotations qui servent l’investissement des collectivités, à savoir la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation de développement urbain (DDU) et la DGE des départements.

Le débat n’est pas encore tranché par le Gouvernement. Car cet accord trouvé en première partie ne comble pas toutes les attentes, puisqu’il ne s’agit pas d’argent supplémentaire, mais seulement d’une ventilation différente. La volonté de l’Assemblée nationale, qui veut privilégier le logement, le développement durable et les centres-bourgs, peut susciter des difficultés, mais va dans le même sens que les ambitions des ministres successives du logement, Cécile Duflot et Sylvia Pinel, en leur donnant peut-être une chance de se réaliser enfin : des dotations aux maires bâtisseurs ne sont pas envisageables, puisqu’il convient de lutter contre l’étalement urbain en cessant de faire obstacle à la densification des bourgs et des villages ; le moyen peut cependant être trouvé d’accompagner les maires désireux de construire des logements sur le territoire de leur commune.

J’insiste sur le fait qu’il n’y a ni fatalité ni évidence à répercuter sur les investissements la totalité de la baisse des dotations. Globalement, nos collectivités sont en bonne santé. (Exclamations sur plusieurs bancs.) Leur contribution à l’effort de redressement des finances publiques est supportable, même s’il faut s’attendre à une dégradation temporaire de leur épargne brute. Lorsque j’ai pris mes fonctions, une ancienne ministre du budget, que je ne nommerai pas mais que vous reconnaîtrez, préconisait déjà de la faire baisser de 2 milliards d’euros par an. Nous sommes donc tous d’accord, toutes familles politiques confondues, sur la nécessaire participation des collectivités locales à la réduction des déficits.

Quant à la réforme de la DGF, des parlementaires devraient être prochainement missionnés pour mener à terme la réflexion. La réponse du président du Sénat est encore attendue, car des membres des deux assemblées seraient sollicités.

Au sujet de la péréquation, l’Assemblée nationale souhaite accentuer les garanties accordées aux communes qui perçoivent la DSU ou la DSR. Les amendements adoptés pourraient cependant amener des communes non riches à contribuer davantage. Une étude d’impact précise est donc nécessaire. Il faut veiller à ne pas étrangler ce qu’on peut appeler la « classe moyenne » des collectivités.

Les économies apportées par la fin de la clause générale de compétence sont difficiles à chiffrer. Lors de la première proposition de suppression, l’étude d’impact ne s’engageait pas sur le terrain d’une telle évaluation. Il conviendrait de l’envisager au terme d’une stabilisation des financements à un horizon de dix ans. Le président de l’Association des départements de France (ADF) relève cependant que 20 % des dépenses des départements sortent du champ des dépenses obligatoires, ce taux s’élevant à 25 % pour les régions. Il n’en reste pas moins que ces dépenses sont également des dépenses utiles ; elles échoiront nécessairement, in fine, au bloc communal.

Aussi est-il nécessaire que le projet de loi « NOTRE » réaffirme la solidarité territoriale. Après la fin de la clause générale de compétences, comment une commune pourra-t-elle être aidée si elle est incapable, même dans le cadre élargi de l’intercommunalité, de développer déjà par elle-même un projet ? La clause de solidarité inscrite dans le projet de loi devrait répondre à l’inquiétude que vous exprimez. Le texte nous donnera par ailleurs l’occasion de concrétiser, en matière d’étude d’impact, les progrès que vous êtes nombreux à attendre.

M. André Vallini, secrétaire d'État à la réforme territoriale. Je voudrais replacer dans le contexte général l’effort demandé aux collectivités territoriales, effort qui n’est certes pas à sous-estimer. Les dépenses annuelles des collectivités s’élèvent à 243 milliards d’euros. Leur mise à contribution à hauteur de 11 milliards d’euros correspond à un taux d’effort de 5 % environ, proche de celui exigé de l’ensemble des pouvoirs publics, dont les dépenses totales s’établissent à 1151 milliards d’euros. Encore la péréquation permettra-t-elle d’atténuer les efforts demandés aux communes les plus pauvres.

Quant au fonds de solidarité en faveur des départements évoqué par la rapporteure spéciale, il sera en effet reconduit. Il en ira de même de la possibilité de porter de 3,8 % à 4,5 % le taux de leurs DMTO qui, d’abord accordée pour un an, pourrait même être pérennisée. Avec les services de Bercy, un dispositif d’alerte sur l’investissement local s’est également mis en place. Des réunions trimestrielles sont prévues sur l’exécution budgétaire.

Pour les transferts de compétences et la compensation des charges, la Commission consultative d’évaluation des charges (CCEC) est saisie. Mais le chiffrage exact, et la compensation correspondante, relèvent de la loi de finances.

En matière de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), les régions veulent obtenir davantage, car leurs responsabilités seront bientôt très importantes dans le domaine du développement économique. Mais les départements sont très attachés à cette recette. Pour trancher, mieux vaut, à mon sens, attendre le résultat des travaux législatifs sur le projet de loi « NOTRE », qui ne sera peut-être pas adopté en l’état.

Pour atténuer l’effort demandé aux collectivités territoriales, nous nous sommes attaqués à la question des normes plutôt que de nous arrêter à celle du financement. Les élus sont très mobilisés contre l’inflation normative, qui rend l’action des collectivités de plus en plus onéreuse. Sur ce sujet, j’ai pris le taureau par les cornes. La Commission consultative des normes a été récemment transformée en Conseil national d’évaluation des normes (CNEN). Présidé par Alain Lambert, le Conseil formule des propositions s’inspirant des réflexions d’élus de terrain.

Par une circulaire de fin septembre ou début octobre, le premier ministre a indiqué que chaque ministère devra dorénavant proposer une norme à supprimer, chaque fois qu’il voudra en instituer une nouvelle. Le gouvernement s’est fixé comme objectif un coût zéro en termes de normes supplémentaires pour les collectivités locales à partir de la fin de 2015. Des ministères ont déjà avancé des propositions d’allégement et de suppression, car il faudra prendre en compte aussi bien le stock des normes existantes que le flux des normes nouvelles.

M. le président Gilles Carrez. Madame la ministre, monsieur le ministre, je vous remercie et donne maintenant la parole aux représentants des groupes, en commençant par Mme Karamanli, pour le groupe SRC.

Mme Marietta Karamanli. En l’état, la dotation de soutien à l’investissement local, qui est un recyclage de crédits, ne tient pas compte de la part respective des différentes catégories de collectivités dans l’investissement. Ne craignez-vous pas un effet d’aubaine ? Ne faudrait-il pas envisager un mécanisme liant le soutien de l’État à l’augmentation ou au maintien de l’effort d’investissement des collectivités ?

L’autonomie financière des collectivités s’effrite. Les diminutions de dotations, les rendements fiscaux inégaux et les subventions augmentées pour certains types d’investissement donnent à voir des évolutions contrastées, sans que l’on arrive à bien comprendre comment l’effort se répartit en réalité, malgré la définition d’un objectif national d’évolution de la dépense publique locale. Les collectivités demandent que leurs ressources fiscales existantes soient préservées et que toute ressource fiscale remise en cause soit dûment remplacée par une imposition pour laquelle la collectivité a un pouvoir sur l’assiette, sur le taux ou le tarif.

Quant au FPIC, nonobstant sa progression attendue, force est de constater, à l’instar de la Cour des comptes, que les mécanismes de péréquation entre communes de plus de 100 000 habitants ont un rôle encore limité. Au regard de leurs ressources fiscales, le niveau de richesse des 41 communes de plus de 100 000 habitants est très inégal. Je ne pourrai finalement pas présenter en commission élargie l’amendement par lequel je souhaitais traiter l’écart entre les quatre communes dont les ressources fiscales sont inférieures de plus de 25 % à la médiane et celles où ces mêmes ressources y sont supérieures du même montant, mais j’envisage d’en présenter un en séance publique.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ainsi, ni le président Hollande, qui l’avait affirmé dans son engagement n° 54, ni Manuel Valls, qui l’avait promis dans son discours de politique générale du printemps dernier, n’auront respecté leur engagement de maintenir en l’état les dotations aux collectivités territoriales. Ainsi, comme l’écrit Charles Baudelaire dans Au lecteur, nous descendons d’un pas à travers les ténèbres, puisqu’à l’incohérence de votre politique vis-à-vis des collectivités, madame la ministre, monsieur le ministre, s’ajoute désormais la réduction insupportable de leurs moyens de fonctionnement. Chez les élus, la colère se mêle à l’inquiétude. Comment pourrait-il en être autrement ? Des centaines de communes afficheront un budget d’investissement nul en 2015, des dizaines de communes, voire davantage, seront incapables d’équilibrer leurs comptes à la fin de l’exercice ! Qui plus est, en tarissant la source, vous avez privé les élus de la possibilité de recourir à la fiscalité, qui était leur dernière variable d’ajustement. Les moyens d’investissement des collectivités sont ainsi réduits à néant. Et lorsqu’on sait que c’est dans les domaines de la construction, des travaux publics et des services qu’elles interviennent le plus souvent, et qu’on connaît la situation actuelle de ces secteurs, on ne peut qu’être inquiet pour leur pérennité.

Le groupe UMP est déterminé à trouver les moyens de réduire les dépenses publiques, mais il juge insupportable que l’on esquinte les collectivités territoriales, après avoir esquinté les familles et les entreprises !

M. Thierry Benoit. Il est loin le temps où j’entendais les représentants de l’opposition, aujourd’hui dans la majorité, dénoncer le désengagement de l’État et l’asphyxie des collectivités territoriales ! Comme nombre de mes collègues du groupe UDI, je considère que nous allons désormais devoir faire mieux avec moins, et ce n’est pas une mauvaise chose en soi.

J’en viens à mes questions. Tout d’abord, selon quelle trajectoire la péréquation verticale, dont je rappelle qu’elle s’élève à 228 millions d’euros pour 2015, évoluera-t-elle ? Ensuite, les préfets de région ont été mandatés pour négocier les contrats de plan État-régions (CPER) avec les présidents de conseil régional. Le Gouvernement envisage-t-il d'articuler ces contrats avec la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et le Fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT) afin d’améliorer l’équité entre les territoires ? Par ailleurs, qu’en est-il du financement des dispositifs concernant les centres-bourgs et du développement des maisons de services prévu dans le Pacte rural pour l’égalité des territoires, annoncé lors de l’Assemblée des maires de France en novembre 2013 ? Enfin, les préfets ont-ils reçu instruction d’accompagner les territoires ruraux dans la mise en œuvre des dispositions de la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) relatives à l’application du droit des sols, prévue à compter du 1er juillet 2015 ?

M. Éric Alauzet. Madame la ministre, monsieur le ministre, je souhaiterais vous poser, au nom du groupe écologiste, plusieurs questions qui ont trait à l’importante baisse des dotations aux collectivités territoriales. Je commencerai par une remarque concernant le bloc communal. Vous avez annoncé que, dès 2015, l’ajout de toute nouvelle norme applicable aux collectivités serait compensé par la suppression d’une autre norme. Il est vrai que celles-ci acceptent moins facilement la baisse de leurs dotations lorsque l’État prend par ailleurs des mesures qui induisent une augmentation de leurs dépenses, telle la réforme des rythmes scolaires, ou un manque à gagner – je pense à la cotisation foncière des entreprises (CFE) ou à la tentative avortée d’instaurer un prélèvement sur les ressources forestières des communes. Le discours du Gouvernement ne me paraît donc pas très cohérent.

Par ailleurs, les départements sont les collectivités qui rencontrent le plus de difficultés, en raison des charges liées aux allocations individuelles universelles qu’ils assument. Dès lors, le dispositif de compensation péréquée (DCP), assis sur le transfert aux départements de la ressource fiscale liée aux frais de gestion de la taxe sur le foncier bâti, ainsi que ses modalités de répartition, d’une part, et le fonds de solidarité en faveur des départements, d’autre part, seront-ils maintenus en 2015 ?

Ensuite, quelle sera, dans le cadre d’une éventuelle réforme des compétences des collectivités territoriales attribuant aux régions la compétence pleine et entière en matière d’économie, la ventilation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) entre ces dernières et les communautés d’agglomération ?

Ma dernière question porte sur la dotation de soutien à l’investissement local, que nous avons créée par amendement lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances. Comment le Gouvernement envisage-t-il de traduire juridiquement le fléchage des fonds vers le développement des énergies renouvelables et les économies d’énergie, l’accueil des populations nouvelles et la revitalisation des centres-bourgs ?

M. Joël Giraud. Madame la ministre, monsieur le ministre, je souhaite vous interroger, au nom du groupe RRDP, sur trois sujets. Tout d’abord, les dépenses sociales des départements, assises principalement sur le nombre des bénéficiaires du RSA, ont tendance, dans les circonstances actuelles, à augmenter continuellement, tandis que les dotations de l’État baissent. Or, contrairement à ce dernier, les collectivités sont dans l’obligation de clore leur section de fonctionnement à l’équilibre. Les dépenses d’investissement des départements sont donc menacées. Certes, trois amendements visant à soutenir ces dépenses ont été adoptés à l’article 9 du projet de loi de finances (PLF) pour 2015, mais les crédits prévus sont insuffisants. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il donc prendre pour respecter le principe de la compensation à l’euro près des dépenses sociales ?

Par ailleurs, le Gouvernement a annoncé, lors de l’examen de la première partie du PLF pour 2015, qu’une partie de la dotation de soutien à l’investissement local nouvellement créée serait fléchée vers des domaines d’investissement précis : projets de rénovation thermique, d’accessibilité, de mise aux normes des équipements publics et de développement des énergies renouvelables, revitalisation des centres-bourgs et des bassins de vie ruraux et accueil des populations nouvelles. De quelle manière, réglementaire ou législative, envisagez-vous de permettre un soutien à l’investissement local des communes nouvelles ? Le groupe RRDP serait favorable à un fléchage et à une majoration de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), afin d’encourager la fusion des petites communes. Le secrétariat d’État au budget nous a donné son accord sur ce point. En revanche, nous n’avons pas encore pu avoir d’échanges avec vos services, madame la ministre. En attendant de les rencontrer, nous réservons notre vote sur cette mission budgétaire.

Ma troisième question concerne la réforme de la DGF, entamée dans le PLF pour 2015 et rendue nécessaire par l’obsolescence de ses modalités de calcul – je vous sais gré, madame la ministre, d’avoir confié à Mme Pires Beaune une mission sur ce sujet. Quelles sont les prochaines étapes de cette réforme ? Enfin, qu’en est-il de l’engagement pris par le Gouvernement lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative (PLFR) de juillet 2014 lorsque le groupe RRDP a retiré son amendement visant à revoir, conformément aux recommandations du Comité des finances locales, les bases de calcul de la dotation forfaitaire de la Corse, dont la spécificité n'avait, par erreur, pas été prise en compte dans le PLF pour 2014 ?

M. Gabriel Serville. Compte tenu de la baisse de 3,7 milliards d’euros des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales, le groupe GDR considère que la sanctuarisation des crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » est une bonne nouvelle. Elle est cependant symbolique, dans la mesure où ces crédits ne représentent que 3 % des transferts de financements de l’État vers les collectivités, mais ne boudons pas notre plaisir !

En revanche, les crédits en faveur des collectivités ultramarines diminuent de 6 % en un an, et même de 8 % pour la Guyane. Une telle baisse est particulièrement sévère, les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » représentant 13,3 % de l’effort en faveur des outre-mer. Certes, nos collectivités bénéficient de fonds spécifiques, mais il est indéniable qu’elles souffrent d’inégalités et de handicaps particulièrement lourds du fait de leurs spécificités géographiques et structurelles. Il aurait donc été appréciable que les crédits qui leur sont réservés au titre de cette mission soient au moins préservés. Pouvez-vous m’indiquer quel accompagnement vous envisagez de mettre en place pour les communes de l’intérieur guyanais notamment, qui comptent parmi les plus pauvres de France ?

J’ajoute que le groupe GDR s’étonne que la baisse des dotations aux collectivités ait été décidée de manière unilatérale, sans discussion préalable, pour s’appliquer ensuite uniformément sur l’ensemble du territoire national, l’objectif avoué étant de contraindre les collectivités à réduire coûte que coûte leurs dépenses, notamment leurs dépenses d’investissement. Or, si ces dépenses diminuent, l’emploi en sera affecté. C’est pourquoi le groupe GDR ne votera pas ces crédits.

M. le président Gilles Carrez. Nous en venons aux questions.

M. Pascal Terrasse. Quelques remarques préalables. Oui, il faut, premièrement, clarifier les missions de chaque collectivité et la répartition des compétences, deuxièmement, rechercher le meilleur rapport qualité-coût du service rendu, troisièmement, simplifier l’organisation territoriale et, quatrièmement, réaffirmer le rôle des conseils généraux dans les structures d’aide à la personne. Pour ma part, j’ai toujours affirmé la nécessité de revoir les compétences de chaque collectivité, y compris lorsque l’Association des départements de France (ADF) et ma propre formation politique y étaient opposées.

Par ailleurs, une question me taraude depuis le vote de l’amendement créant la dotation de soutien à l’investissement local, issue des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP), lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2015. Ces fonds ont été créés pour répartir le produit de la taxe professionnelle de grands établissements, notamment des centrales nucléaires. On connaît le coût de telles installations pour les collectivités, que ce soit en matière de sécurité, d’accès ou de financement des commissions locales d’information. Lorsque la majorité précédente a supprimé la taxe professionnelle, les FDPTP ont permis aux départements de garantir des ressources aux communes. Or, à cause de cet amendement, le département de l’Ardèche perdra la moitié des 6 millions d’euros dont il disposait jusqu’à présent, soit six points d’impôt. C’est totalement inadmissible ! Je souhaite que des départements pauvres tels que le mien, qui a en outre été victime à quatre reprises d’aléas climatiques ces deux derniers mois, ne soient pas pénalisés une fois de plus.

M. Éric Woerth. Je ne suis pas de ceux qui pensent qu’il faut augmenter les dotations aux collectivités ; celles-ci doivent fournir un effort. Encore faut-il que l’on ne fasse pas peser sur elles de charges supplémentaires et qu’elles ne soient pas soumises à des prélèvements excessifs. Or, s’agissant du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC), qui a pour mission d’assurer une solidarité de bon aloi, on constate un véritable dérapage. Ainsi, ma communauté de communes, qui compte 50 000 habitants, voit augmenter de façon considérable sa contribution à ce fonds, si bien qu’elle est quasiment privée de ses moyens d’autofinancement. Elle est donc contrainte de réduire progressivement ses investissements pour payer ce qu’il faut bien appeler un impôt sur les collectivités territoriales.

C’est pourquoi j’ai déposé plusieurs amendements visant à limiter la hausse de cette taxe à 15 % ou 20 %, contre 50 % à 60 % actuellement, voire davantage : une collectivité comme la mienne a vu sa contribution multipliée par dix ces dernières années ! Au demeurant, si des communautés de communes comme la mienne doivent réduire leurs dépenses d’investissement pour payer cette taxe, que l’on s’assure au moins que celles qui en bénéficient s’en servent pour investir, et non pour financer leurs dépenses de fonctionnement. Enfin, on pourrait envisager que les intérêts des emprunts que nous serons obligés de contracter pour financer nos propres investissements soient déductibles.

M. Charles de Courson. Certes, madame la ministre, monsieur le ministre, le redressement des finances publiques passe par une réduction des transferts financiers de l’État vers les collectivités territoriales, et le débat devrait porter sur l’ampleur de cette réduction et sa répartition.

Mais, premièrement, avez-vous étudié l’impact de la suppression des FDPTP dans chaque département concerné ? La commission des finances, qui s’intéresse à cette question depuis des années, avait renoncé à la nationalisation du dispositif. Or, supprimer les FDPTP revient à nationaliser le dispositif, puisque leurs crédits, à hauteur de 423 millions d’euros, seront redéployés.

Deuxièmement, avez-vous réalisé des simulations qui permettent de connaître l’incidence du cumul de la baisse de la DGF et du développement de la péréquation, voire de la sur-péréquation en Île-de-France, dans chaque commune et chaque intercommunalité ? Ne faudrait-il pas créer un mécanisme de plafonnement de l’ensemble de ces mesures ?

Troisièmement, est-il normal que l’exonération temporaire des unités de méthanisation ne soit pas compensée ?

Quatrièmement, est-il raisonnable de limiter l’éligibilité au fonds d’amorçage pour la réforme des rythmes scolaires aux seules communes éligibles à la « DSU cible » et à la « DSR cible » à hauteur de 40 euros par élève ?

M. Pascal Popelin. Cela a été modifié en commission !

M. Charles de Courson. Enfin, pouvez-vous nous confirmer que les crédits de la réserve parlementaire sont définitivement ramenés de 112 millions d’euros en 2014 à 15,3 millions en 2015, comme cela semble ressortir du PLF pour 2015 ?

Mme Nathalie Appéré. Je souhaiterais revenir sur les conséquences de la suppression d’un certain nombre de taxes locales. Le Comité des finances locales (CFL) s’est clairement prononcé, en septembre dernier, sur la nécessité de sanctuariser les sources de recettes fiscales des collectivités. Or, à l’évidence, il n’en est rien. Je pense à la modification de la perception du versement transport, aux allégements de CFE ou à la suppression de trois taxes, dont la taxe sur les spectacles, le tout représentant une perte de recettes pour les collectivités estimée à environ 500 millions d’euros. Je me félicite que le Gouvernement ait souhaité compenser la suppression de la taxe sur les spectacles, mais le risque est grand de passer d’une logique fiscale à une logique de dotation, qui réduirait l’autonomie fiscale, donc les marges de manœuvre des collectivités locales.

Chacun reconnaît que ces dernières doivent participer au redressement des comptes publics, mais il leur est difficile d’absorber une telle diminution de leurs recettes, même si les dispositions de la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM) et du projet de loi relative à la nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRE) portent en germe l’optimisation des politiques publiques et certaines mutualisations qui permettront d’accroître l’efficacité de l’action publique locale. Comment peut-on garantir aux collectivités le maintien de ces taxes, et donc de leurs recettes fiscales ?

M. Patrice Verchère. Si les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » restent stables, l’ensemble des dotations à ces collectivités diminuent de façon considérable. Celles-ci seront soumises à un régime strict jusqu’en 2017. L’Association des maires de France (AMF) juge l’effort qui leur est demandé disproportionné, car le secteur local se voit imposer une diminution nette de ses recettes quand les autres administrations subissent une moindre progression de leurs dépenses. Pour nombre d’élus, toutes tendances confondues, ces mesures provoqueront un repli massif de l’investissement public local – dont une part importante est réalisée dans le secteur du BTP – préjudiciable à l’emploi. Le patronat des travaux publics s’en alarme depuis plusieurs semaines. Hier encore, la Fédération du bâtiment de Rhône-Alpes a proposé dix-sept mesures à prendre rapidement pour éviter des licenciements et la liquidation d’entreprises du BTP. Les élus réagissent à la baisse des dotations de l’État en réduisant les investissements, puisque nombre d’entre eux, en particulier les élus locaux de droite, se sont engagés à ne pas augmenter les impôts. Ainsi des collectivités remettent en cause de nombreuses opérations d’investissement, au détriment des entreprises du BTP.

Pour se justifier, le Gouvernement brandit le rapport de 2013 de la Cour des comptes, dans lequel celle-ci soulignait une hausse de 3,2 % des dépenses de fonctionnement des collectivités. Mais cette augmentation est en partie due à des décisions de l’État : revalorisation indiciaire des fonctionnaires de catégorie C, nombreux dans les collectivités ; normes nouvelles souvent coûteuses ; réforme des rythmes scolaires.

Jamais, depuis les premières lois de décentralisation, en 1982, nous n’avions vu les dotations aux collectivités diminuer trois années de suite. Si les communes peuvent faire des économies en mutualisant certains de leurs services au sein de communautés de communes ou d’agglomération, cela prendra du temps et, en tout état de cause, la réduction de leurs dépenses ne pourra compenser la baisse des dotations de l’État. Elles réduiront donc inévitablement leurs investissements. Madame la ministre, monsieur le ministre, il est de votre responsabilité de défendre le budget des collectivités territoriales pour mieux défendre l’emploi et l’activité économique. Or, force est de constater que vos propositions pour maintenir l’investissement local ne sont pas à la hauteur. Allez-vous enfin réagir et soutenir le BTP et l’emploi ?

M. Philippe Vigier. Madame la ministre, monsieur le ministre, sur les fameux 50 milliards d’euros d’économies prévues – dont la Cour des comptes elle-même doute qu’elles seront intégralement réalisées –, il n’y a guère que les 11 milliards d’économies imposées aux collectivités qui soient certains. Ainsi la moitié de l’effort réellement consenti sera-t-elle assumée par ces dernières. Nous savons pourtant que les départements notamment sont déjà en grande difficulté, certaines de leurs dépenses, notamment celles liées au RSI et au RSA, n’étant pas contenues.

Premièrement, disposez-vous d’une étude d’impact qui permette d’évaluer la diminution de l’investissement provoquée par la baisse de 3,6 milliards d’euros des dotations aux collectivités en 2015 ?

Deuxièmement, nombre de nos collègues ont évoqué l’autonomie fiscale des collectivités territoriales. Dans la loi de programmation des finances publiques, qui a été transmise à Bruxelles, le Gouvernement a écrit noir sur blanc que l’augmentation des dépenses, de fonctionnement et d’investissement, des collectivités serait limitée à 0,9 % en 2015. Sachant que les dépenses de fonctionnement augmentent mécaniquement de 2 %, cela signifie que l’investissement baissera de 5 % !

Troisièmement, des syndicats intercommunaux à vocation scolaire situés en zone rurale, extrêmement pauvres, ne seront pas éligibles au fonds d’amorçage pour la réforme des rythmes scolaires. Quant aux communes qui en bénéficient, comment seront-elles aidées si le fonds n’est pas maintenu ?

Enfin, allez-vous réunir un groupe de travail consacré à la réforme de la DGF rassemblant l’ensemble des groupes politiques, à l’instar de ce qui a été fait au moment de la réforme de la taxe professionnelle ?

M. Jean Launay. Madame la ministre, monsieur le ministre, ma première question sera brève : l’hypothèse d’une intégration de la réserve parlementaire dans l’enveloppe globale de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) mérite-t-elle selon vous d’être étudiée ?

Par ailleurs, l’apparition de la péréquation horizontale est assez récente – et je ne suis pas loin de partager les arguments d’Éric Woerth à ce propos, même s’il n’est pas juste de dire que la contribution au FPIC est un impôt. La péréquation verticale, quant à elle, est bien plus ancienne, mais elle est figée. La dotation de péréquation, composante de la DGF, ne joue pas pleinement son rôle, d’autant que la dotation de base de la DGF est elle-même anti-péréquatrice. Comment justifier l’échelle logarithmique – allant de 1 pour les communes les moins peuplées à 2,5 pour les plus peuplées – qui commande la répartition de cette dotation ?

Enfin, je vous demande de vous faire l’écho de notre inquiétude quant à la situation de l’investissement local, qui joue un rôle irremplaçable. En tant que président du Comité national de l’eau, je mesure combien l’affaiblissement du niveau de ressources des collectivités locales ou des opérateurs de l’État pénalise la croissance et l’emploi.

Mme Sophie Rohfritsch. Si je suis d’accord avec ceux de mes collègues qui estiment que nous devrons faire mieux avec moins de ressources, il faut néanmoins que nous raisonnions à charges et à compétences constantes. À cet égard, je veux dénoncer les charges insidieuses transférées au bloc communal. Je pense notamment à la réforme des rythmes scolaires – le fonds d’amorçage devrait être pérennisé, mais nous ne savons pas dans quel cadre il le sera –, à la dématérialisation, qui a nécessité des investissements importants pour les petites communes – la mienne, qui compte 30 000 habitants, a dû dépenser 40 000 euros, sans compter les ressources humaines affectées à la numérisation des documents – ou à l’inflation normative, dont le coût est certain. Enfin, on demande aux collectivités territoriales de continuer à investir dans l’habitat ou les services publics, mais les investissements induisent forcément des charges de fonctionnement, une fois que des locaux ou des services ont été créés. Comment restaurer un climat de confiance propice à la résolution de ces problèmes ? J’ajoute que la réforme territoriale compliquera forcément davantage encore la tâche des élus de proximité, qui ne savent plus comment gérer au mieux leurs collectivités.

M. Pascal Popelin. Les collectivités territoriales sont naturellement appelées à participer au nécessaire effort de redressement des comptes publics. Pour que cet objectif soit pleinement compris par les élus locaux, l’effort doit être équitablement réparti entre chaque échelon territorial – mais, bien entendu, tous n’ont pas la même conception de l’équité. Le projet de loi de finances pour 2015 propose ainsi, dans le prolongement des choix opérés en 2014, une clé de répartition fondée sur le niveau de recettes perçues par chaque collectivité. Toutefois, ce critère comptable ne permet pas de prendre en compte les difficultés spécifiques que rencontrent depuis plusieurs années les conseils généraux en raison des transferts de compétences financièrement catastrophiques qui sont intervenus en 2004, sous le gouvernement Raffarin. Un correctif, qui pourrait se traduire par la non-prise en compte des ressources consacrées au financement des allocations individuelles de solidarité dans les recettes qui déterminent l’effort demandé, présenterait à cet égard un caractère plus juste et efficace. Que pensez-vous, madame la ministre, monsieur le ministre, d’un tel ajustement ?

J’ajoute que celui-ci serait cohérent avec les ressources nouvelles décidées dans le cadre de la loi de finances pour 2014 au profit des collectivités départementales pour leur permettre de faire face aux difficultés financières que je viens d’évoquer. Je pense au fonds de péréquation, issu du transfert de la ressource fiscale nette que percevait l’État au titre des frais de gestion de la taxe foncière sur les propriétés bâties, et au fonds de solidarité des départements, créé en 2014 mais dont on ne voit plus trace dans le PLF pour 2015 en dépit de son utilité reconnue. Je souhaiterais donc connaître votre avis sur l’opportunité de pérenniser ce fonds.

M. Jean-Pierre Decool. Depuis le début de ce quinquennat, les mauvaises nouvelles s'accumulent pour les collectivités locales. L’engagement n° 54 du candidat Hollande était de « maintenir pour la durée du quinquennat le montant des dotations à leur niveau actuel ». Pourtant, pour la première fois sous la VRépublique, une majorité présidentielle diminue les dotations aux collectivités territoriales, et ce de façon drastique. L'année 2015 sera ainsi marquée par la réduction de 3,7 milliards d'euros des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales, après une baisse de 1,5 milliard d'euros en 2014.

Les collectivités locales et, en premier lieu, les communes risquent d'être confrontées à des difficultés financières d'une gravité exceptionnelle. Si elles ne jugulent pas leurs dépenses de fonctionnement, elles ne pourront plus investir. La Banque postale prédit d'ailleurs un recul de l'investissement public local de l'ordre de 15 % en 2014 et 2015. L'effet domino pourrait être terrible, car chacun sait que les entreprises de travaux publics dépendent à 70 % de la commande publique.

Afin d'encourager les collectivités à investir, est-il envisageable que l'État rembourse la TVA l'année où elles réalisent les travaux ? Leur capacité d’emprunt étant limitée depuis la crise de 2008 et leurs dotations baissant, elles sont incitées par le Gouvernement à décider une hausse douloureuse de la fiscalité locale. L'État ne peut en effet, d'un côté, diminuer ses dotations et, de l'autre, stimuler la dépense publique locale par des transferts de charges non assumés. La réforme des rythmes scolaires a ainsi un coût important pour les communes, lié aux transports et à la restauration scolaires, aux équipes d'animation et à d’autres frais de fonctionnement. Il convient désormais de pérenniser le fonds d'amorçage pour l'ensemble des communes, et de le réajuster au niveau du coût réel.

Pour rompre avec l'improvisation permanente, quelle feuille de route optimiste les collectivités locales peuvent-elles attendre du Gouvernement ?

M. Michel Piron. Comme mes collègues, j’admets qu’il faut faire baisser la dépense publique, mais, dès lors que le montant des dotations conditionne les investissements dans le bâtiment et les travaux publics, il faut cibler les réductions. Dans le contexte contraint que nous connaissons, pourquoi ne pas geler ou réduire les dépenses obligatoires non compensées ? Il est grand temps d’explorer cette piste.

L’approche macroéconomique soulève deux questions. Faut-il traiter toutes les collectivités de la même manière ou distinguer la situation des régions, des départements, des intercommunalités et des communes ? D’autre part, si l’on veut tenir compte de la nature des investissements, mieux vaut jouer sur des politiques ciblées, par exemple en faveur du logement, plutôt que sur le montant de la dotation.

Puisque, dans une société complexe, l’État centralisé ne sait plus prendre en compte les différences territoriales, notamment à cause de l’émiettement communal, il faut agir sur le premier levier qui permet de faire des économies : ces fameuses dépenses obligatoires dont la croissance n’est jamais compensée.

Enfin, je fais observer à ceux qui plaident pour la suppression de certaines taxes locales, au motif qu’elles ne rapportent rien, que le décret d’application qui les rendrait effectives n’a pas encore paru.

M. Alain Fauré. Lorsque nous avons élaboré la proposition de loi relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, plusieurs élus nous ont expliqué, à Mme Pires Beaune et à moi-même, que des regroupements permettraient d’optimiser les ressources humaines, les achats et les matériels, d’harmoniser la fiscalité sur un territoire et, grâce à ces économies, de mettre en place de nouveaux services. Quand et comment allez-vous, madame la ministre, monsieur le ministre, suggérer ces pistes aux élus ?

Quelles mesures allez-vous prendre, par ailleurs, pour limiter les risques liés aux contrats de partenariat, qui peuvent devenir des bombes à retardement pour certaines collectivités ?

Mme Véronique Louwagie. D’ici à 2017, les collectivités locales verront leur dotation réduite de 11 milliards, soit une baisse de 12,5 milliards en quatre ans si l’on inclut la diminution intervenue en 2014. Quel impact aura le renoncement des communes à certains investissements, tant sur le service public que sur l’activité des entreprises, particulièrement dans le secteur rural ?

Réduirez-vous les obligations qui incombent aux collectivités locales ? En d’autres termes, la diminution des dotations sera-t-elle assortie d’une diminution des normes ou des réglementations ?

L’article 9 du projet de loi de finances pour 2015 dispose que la répartition de la DGF entre le bloc communal, les départements et les régions dépend du poids de chaque niveau dans les recettes locales. Vous pointez cependant l’inégalité qui affecte la répartition de la CVAE entre les différents niveaux de collectivités. Vous ajoutez qu’une étude est en cours. Confirmez-vous que le projet de loi « NOTRE » pourra faire évoluer cette répartition pour que les transferts de compétences soit pris en compte ?

M. Marc Goua. Le Premier ministre a tenu sa promesse de renforcer la péréquation en faveur des collectivités en difficulté, ce dont je me réjouis. Pour 2015, la loi de programmation établit la norme de progression à 1,8 % pour les dépenses de fonctionnement en 2015 et à 0,3 % pour les dépenses d’investissement. Mais, si cette norme ne prête pas à conséquence comme il a été parfois dit, pourquoi l’avoir fait voter ? A-t-on prévu, pour la faire respecter, des contrôles et des sanctions ? Pouvons-nous connaître dès à présent le taux de révision des bases fiscales prévu dans la loi de finances ?

Mme Annie Genevard. Les dotations sont réparties de manière très inégale entre les collectivités. Le secteur rural reçoit deux fois moins en moyenne que le secteur urbain, qui, au motif qu’il assume des charges de centralité, a toujours été mieux doté. Dans son excellent ouvrage La France périphérique, le géographe Christophe Guilluy combat l’idée reçue selon laquelle les populations des métropoles doivent être plus aidées que celle des petites et moyennes villes, ou des zones rurales éloignées des bassins d’emploi les plus dynamiques, tous territoires dans lesquels vit près de 60% de la population française.

Obsédés par les banlieues, les gouvernements successifs n’ont pas prêté attention aux territoires situés à l’écart des métropoles, et où se concentrent les difficultés sociales et économiques, aggravées par les fermetures industrielles. Les espaces les plus ruraux manquent d’infrastructures routières, ferroviaires et numériques. Si la baisse des dotations s’ajoute à la progression de la péréquation horizontale telle que vous la concevez, on ne peut s’étonner que la colère monte. Quelles solutions envisagez-vous, madame la ministre, monsieur le ministre, pour garantir l’équité de traitement entre collectivités ?

M. François Pupponi. Notre système de financement des collectivités locales, très injuste, résulte de diverses réformes au terme desquelles les plus riches reçoivent toujours plus, tandis que les pauvres voient leur situation légèrement compensée par la péréquation. La baisse des dotations, qui aura atteint 11,5 milliards en trois ans, oblige à tout repenser : le montant de la DGF, celui des autres dotations, ainsi que la péréquation. Le FPIC – créé, je le rappelle à M. Woerth, par la loi de finances pour 2011 – pose lui aussi problème. Dès lors que les communes pauvres qui appartiennent à des intercommunalités riches doivent y contribuer, la péréquation devient contre-productive. À quelle date la réforme de la DGF sera-t-elle achevée ? D’autres réformes sont-elles envisagées ? N’est-ce pas l’ensemble des dotations qu’il faut repenser, pour instaurer un système plus équitable ?

M. Philippe Vigier. La baisse de la DGF sera dramatique pour les petites communes rurales. La diminution de leurs investissements fragilise l’économie locale. La réduction de leur budget de fonctionnement menace leur existence même. Allons-nous les voir disparaître ?

M. Jean-Louis Dumont. Je veux citer le cas de deux intercommunalités réunies en communautés de communes, qui ont été rejointes par une autre commune. À partir du 1er janvier 2015, une fiscalité différente s’exercera sur les communes ainsi réunies : l’une est une commune moyenne, d’autres sont un bourg-centre ou une petite ville, les dernières appartiennent à la ruralité profonde.

Pour régler le problème, la communauté d’agglomération, tous les conseils municipaux et les communautés de communes ont rendu une décision unanime, ainsi que la commission départementale de coopération intercommunale. Toutefois ces instances ne sont pas habilitées à traiter le problème de la fiscalité, bien qu’un arbitrage ait été négocié et approuvé.

Afin d’avancer, nous avons déposé un amendement, dont j’espère qu’il trouvera d’autres signataires. On nous objecte qu’il tombe sous le coup de l’article 40 de la Constitution. Pourtant, il n’engage aucune dépense nouvelle pour l’État : il prévoit seulement la possibilité d’un accord interne à la communauté d’agglomération. Peut-être les ministres pourront-ils déposer un amendement afin qu’un accord puisse être adopté non à l’unanimité mais à une majorité des quatre cinquièmes.

M. Michel Heinrich. La baisse durable et violente des dotations entre 2014 et 2017 pose plusieurs difficultés. Malgré le gel du point d’indice, la masse salariale des collectivités, qui constitue près de 50 % de leurs dépenses, augmente du fait du glissement vieillesse technicité (GVT), de la hausse des cotisations et de la revalorisation de la catégorie C. Dès lors que le non-renouvellement des départs à la retraite, seul facteur sur lesquels peuvent jouer les collectivités, ne suffira pas à régler le problème, ne faut-il pas revoir le statut de la fonction publique territoriale ?

Préparez-vous, par ailleurs, des mesures de nature à encourager la fusion des collectivités, ce qui serait un autre moyen de diminuer la dépense ?

Enfin, avez-vous déterminé des objectifs de dépense pour les collectivités pendant les prochaines années ?

M. Michel Vergnier. Parfois, à force de se répéter, on finit par se faire entendre. Je vais donc réitérer deux demandes que j’ai formulées plusieurs fois.

Les temps et les territoires ont changé. Les attentes ont évolué. Aujourd’hui, les citoyens exigent d’être égaux devant le service public ou les autres offres auxquelles ils peuvent prétendre. Du fait de la baisse des dotations, les populations risquent de quitter certains territoires. Il faut entreprendre une réforme globale pour faire évoluer la DGF, car l’État doit mieux prendre en compte les richesses.

D’autre part, le budget des collectivités doit être isolé, au sein du budget de l’État, et faire l’objet d’un examen spécifique, au même titre que le budget de la sécurité sociale. La discussion gagnerait en clarté.

M. Pierre Morel-A-L'Huissier. Le rapporteur pour avis a détaillé les effets de la réduction programmée de 11 milliards de dotation aux collectivités locales. Vous ne m’avez pas rassuré, madame la ministre, en affirmant que les collectivités se portent bien. C’est mal les connaître ! Que peut faire le maire d’une commune rurale qui ne peut plus compter sur la solidarité de l’État ? La DGF baisse, ainsi que la dotation du Fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC) ou celle du Fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT). Certaines charges, liées notamment aux obligations périscolaires, ne sont plus compensées, et les normes s’alourdissent en matière d’environnement, de sécurité et d’accessibilité.

En septembre, pour la première fois, le préfet de Lozère n’a pu consommer l’enveloppe de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), plusieurs communes ayant retiré les dossiers qu’elles avaient déposés en avril. Il a donc lancé un nouvel appel à projets. Pourquoi n’entend-on plus la gauche, qui soutenait naguère les services publics – perception, école, gendarmerie, poste – de manière parfois très agressive ?

Depuis deux ans, vous n’avez réuni aucun Comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire (CIADT), et mené aucune politique d’aménagement du territoire. Vous vous contentez d’annoncer des assises des ruralités, logorrhée stérile qui ne satisfait personne. Avez-vous des propositions réelles en faveur de la ruralité ?

M. Guillaume Chevrollier. À mon tour, je relaie l’inquiétude des communes rurales, qui voient baisser leur dotation et augmenter leurs charges. La réforme des rythmes scolaires est un casse-tête pour les élus, contraints d’adapter leur personnel, leurs locaux, l’organisation de leurs animations et leur financement. Certaines communes se voient même retirer des aides auxquelles elles pouvaient prétendre. En Mayenne, la commune de Coudray, qui pourtant dispose d’un potentiel fiscal faible, bénéficie de la dotation de solidarité rurale et a été classée en zone de revitalisation rurale, se voit privée de la DSR-cible. Perdant de ce fait 40 euros par élève, elle se retrouve en difficulté, avec le sentiment d’avoir été dupée par l’État. Celui-ci doit choisir : donner aux communes les moyens d’assumer les nouvelles tâches qu’il lui impose, ou renoncer aux transferts de compétence et à l’hystérie normative.

M. Guillaume Larrivé. Dans un pays où 57% du produit intérieur brut (PIB) sont absorbés par la dépense publique, je ne suis pas opposé une baisse des dotations, pour peu que celle-ci obéisse à deux conditions.

La première est que l’État n’impose pas de nouvelles dépenses aux collectivités. Les dépenses sociales des départements atteignent un niveau excessif dans les départements. La réforme des rythmes scolaires est l’exemple même de ce qu’il ne faut pas faire. En outre, la bureaucratie ayant pris le pouvoir en matière de normes, les communes ne peuvent plus s’en sortir.

La seconde condition est que l’effort soit davantage planifié. Or, depuis le début de votre mandat, vous n’avez pas réussi à signer de contrats durables – de trois ou quatre ans – avec les collectivités locales, à l’échelle des pays en zone rurale, à l’échelle des agglomérations ou des schémas de cohérence territoriale (SCOT) en zone urbaine. Il faut définir des investissements prioritaires partagés par l’État et les collectivités, tout en respectant un impératif d’équité. Comment justifier que le niveau unitaire de dotation par habitant soit infiniment plus faible dans les territoires périphériques que dans les territoires métropolitains ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Les relations entre les collectivités territoriales et le Gouvernement se sont tendues. Sur le principe, nous pouvons tous entendre qu’il faut faire des économies, mais il est difficile d’admettre la baisse drastique que vous nous imposez, alors que la réforme des rythmes scolaires suscite des dépenses nouvelles. Dans votre budget, je ne vois aucune information sur la DSU-cible ou la DSR-cible.

M. François Pupponi. Et les 120 millions prévus ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Enfin, j’aimerais que l’inspection académique et les directeurs départementaux de l’éducation nationale calculent le pourcentage de communes qui ont fait payer aux familles la mise en œuvre de la réforme des rythmes scolaires.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Sur les rythmes scolaires, le Premier ministre a annoncé il y a quelques jours la pérennisation du fonds d’amorçage, qui permettra de réserver le même traitement à tous les enfants.

Sur la DSU-cible et la DSR-cible, madame Dalloz, M. Pupponi vient de vous répondre : les deux dotations de solidarité étaient très généreuses dans le projet initial. Plusieurs de vos collègues de l’opposition ont même regretté qu’elles le soient trop !

M. Larrivé a rappelé que 57 % du PIB sont consacrés à la dépense publique. Il faut préciser toutefois que ce pourcentage intègre les retraites, les indemnités de chômage et les prestations de sécurité sociale et que, au sens strict, les dépenses de l’État ne représentent que 22 % du PIB. Au sens large, les dépenses publiques comprennent la redistribution, alimentée par la contribution de tous les citoyens, sous forme de salaire différé ou de prestations diverses.

M. Vallini est intervenu tout à l’heure sur la question des normes. Le travail commencé sera poursuivi.

La contractualisation est l’une des propositions du rapport Lambert-Malvy, dont l’application aurait toutefois suscité de vives protestations. C’est un sujet que nous n’avons pas approfondi, mais nous n’excluons pas d’étudier certaines de ses préconisations.

Si nous avons consacré tant d’énergie à créer la Conférence territoriale de l’action publique, c’est que nous pensons, comme M. Larrivé, qu’il faut mener une réflexion au niveau des pays, des pôles de développement territoriaux, voire de quelques intercommunalités. Les collectivités doivent pouvoir signer des contrats à cette échelle. L’État pourrait accompagner la contractualisation infrarégionale, de manière modeste, par le biais de la DETR.

La contractualisation est possible, puisque les contrats de plan État-région (CPER) sont discutés au niveau régional par l’ensemble des exécutifs. Des régions l’ont déjà proposée. Seuls certains départements se sont alignés sur les périmètres de contractualisation proposés par les régions ; d’autres ont refusé. Je respecte leur décision, prise en toute indépendance. L’idée avait été développée, de manière transpartisane, lors de l’examen de la loi.

Je plaide, pour ma part, pour une société du contrat. C’est une façon pour l’État de reconnaître la diversité des territoires et des expérimentations. Nous en débattrons lorsque la loi arrivera devant vous, en début d’année prochaine.

S’agissant des rythmes scolaires, le Gouvernement a bien entendu les difficultés des élus locaux : le fonds d’amorçage sera donc maintenu.

Je n’ai jamais dit que toutes les collectivités allaient bien. Mais certaines vont bien – j’en connais qui n’ont pas d’emprunt, qui ont maintenu une pression fiscale basse, mais qui n’ont pas de services : l’école, par exemple, est dans la commune d’à côté. En revanche, certaines vont mal, c’est vrai.

L’actuelle DGF est le résultat de la sédimentation de réformes diverses – rappelez-vous la taxe locale sur les ventes au détail et le versement représentatif de la taxe sur les salaires (VRTS), la patente et la taxe professionnelle. M. Pupponi a raison : il faut la réformer, car elle ne correspond plus à la réalité des communes. J’ai donc entamé ce mouvement, et voici quelques pistes.

Le principe de la péréquation est formidable, mais elle finit par bloquer sur certains cas particuliers, qui ont été cités. C’est la péréquation horizontale qui nous manque.

De grandes questions sont devant nous, à commencer par celle de l’indépendance alimentaire, qui sera le problème majeur des années 2030 à 2050 : il faut y penser dès aujourd’hui, lutter contre le réchauffement climatique et soutenir le développement rural. Mais comment interdire aux communes rurales de construire sur de bonnes terres agricoles, comment les contraindre à préserver les zones naturelles et à protéger les points de captage, quand la construction est aujourd’hui le seul moyen à la disposition des maires pour obtenir des ressources ? Il faut donc nous poser la question de l’égalité des territoires.

La nécessaire réécriture de la DGF devra prendre en considération des facteurs nombreux, parmi lesquels la densité ou le revenu moyen par habitant – critère difficile, car il peut être modifié par la présence de résidences secondaires nombreuses, par exemple, ou de travailleurs frontaliers. Nous nous interrogeons d’ailleurs en ce moment sur une hausse de la taxe d’habitation pour les résidences secondaires – qui, en zone frontalière, sont en réalité souvent des résidences principales –, même si j’ai constaté avec surprise cet après-midi que ce qui avait été proposé dans le débat sur la loi « montagne » n’était pas très bien accepté aujourd’hui.

En tout cas, nous ne ferons donc pas l’économie d’une réforme. Il nous faudra y travailler tous ensemble : j’aimerais que nous nous mettions tous autour d’une table, en fermant les portes et en coupant les micros. C’est un dossier difficile, d’où l’idée de confier une mission à deux parlementaires de sensibilité différente, tout en mettant en place des groupes de travail qui, eux aussi, devront être transpartisans. Nous agirons certainement par étapes.

Jusqu’ici, chaque réforme a garanti les dotations telles qu’elles existaient : la réforme venait par surcroît. Mais on en arrive maintenant à des situations où certaines communes dont la démographie et l’économie se portent bien reçoivent une dotation importante dont elles pourraient se passer, alors que d’autres, qui subissent une déprise industrielle et démographique, ne reçoivent pas l’aide dont elles ont besoin. Je me suis penchée sur des cas précis récemment avec Mme Vautrin et M. Apparu. Michel Vergnier connaît également ce type de situation.

Nous devrons donc mener un travail délicat, précis ; je ne pense pas que nous pourrons satisfaire tout le monde – car nous ne pourrons sans doute pas, cette fois, maintenir toutes les dotations à leur niveau actuel.

M. Pascal Terrasse. Prévoyez-vous de faire des simulations ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Bien sûr.

Sur la baisse de la DGF et du FISAC, je ne conteste pas ce qui a été dit : dès le mois de mai, le FISAC était d’ailleurs vide. Faut-il en revoir la structure ? Il ne me revient pas de répondre à cette question. Il est faux de dire que nous aurions oublié les services publics et l’égalité des territoires. Il existe aujourd’hui un ministère chargé de l’égalité des territoires. Nous avons alloué une dotation à mille « maisons de services au public », qui sont essentielles ; nous accompagnons ceux qui veulent mettre en œuvre ces projets. À chacun de s’en emparer. Certains avancent bien.

Monsieur Vergnier, vous proposez – comme l’ADF – d’examiner à part le budget des collectivités territoriales. Mais ce budget, je rappelle, est alimenté par les impôts payés par nos concitoyens – et aussi, malheureusement, par des emprunts trop importants : on ne peut pas le désolidariser du budget de l’État ! Quelles seraient, d’ailleurs, les recettes de ce budget séparé ? Le cas du budget de la sécurité sociale est différent : il est alimenté par des cotisations et par une participation de l’État. Faut-il alors imaginer un budget des collectivités locales qui intégrerait les impôts locaux et une participation de l’État ? Je ne vois pas comment cela serait possible. Mais nous restons ouverts à toutes les propositions.

Plusieurs questions portaient sur les personnels des collectivités territoriales. Un vrai dialogue social doit être mis en place. Je me bats pour que l’on conserve un statut de la fonction publique territoriale. Certes, on peut utiliser des contractuels pour des postes très spécifiques ; les sociétés publiques locales (SPL), qui proposent d’autres types d’emploi, sont indiscutablement des outils intéressants. Mais, en sortant du statut, on s’éloignerait aussi des principes de la République : loyauté, impartialité, laïcité… On mettrait en danger la continuité du service public : veut-on que des licenciements soient possibles après des élections ? En tant que ministre de la fonction publique, je ne vois pas l’intérêt de supprimer le statut de la fonction publique territoriale.

L’augmentation des traitements des personnels de catégorie B et C – qui représentent souvent plus de 60 % des personnels – a constitué, je le reconnais, une charge importante. Mais elle était nécessaire : le point d’indice étant gelé depuis 2010, il ne fallait pas que des fonctionnaires se trouvent sous la barre du SMIC.

Il faut, je le répète, un vrai dialogue social, notamment sur la mutualisation ; nous sommes prêts à l’accompagner. Nous y travaillons avec différentes associations d’élus.

S’agissant des objectifs de la dépense pour les années à venir, monsieur Heinrich, ils figurent dans la loi de programmation des finances publiques. Cette baisse des dotations se fera, je le rappelle, sur les trois années de la programmation – je vous accorde que ce ne sera pas simple, et ce n’est pas pour moi un grand plaisir que de vous annoncer cette diminution.

Monsieur Pupponi, vous avez raison, les mécanismes de solidarité entre les collectivités sont mal construits. Nous en sommes tous d’accord. Le Premier ministre a tranché : nous commençons par la réforme de la DGF. Vous y travaillerez, je crois – nous associerons d’ailleurs toutes les bonnes volontés.

Votre amendement a été largement commenté avant votre arrivée ce soir : le Parlement se prononcera.

Madame Genevard, vous m’interrogez sur les charges de centralité. À la suite de différentes interpellations, notamment celles de vos rapporteurs, nous allons regarder le cas des petites villes et des bourgs-centres. Mais d’autres associations de maires souhaitent une dotation uniforme par habitant – ce qui me paraîtrait un peu fou : cela reviendrait à transférer la totalité des charges de centralité aux intercommunalités. Il faudra en reparler.

Monsieur Goua, vous m’interrogez sur les normes de progression des dépenses locales. Les chiffres que vous donnez sont justes, ce sont ceux que Christian Eckert a donnés en séance : globalement, ce sera 0,3 % pour 2015, 0,9 % en 2016 et 1,5 % en 2017.

M. Éric Woerth. Avec l’augmentation des traitements des fonctionnaires, c’est impossible !

M. Marc Goua. Ce n’est pas tenable !

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Il ne faut pas mettre de côté le débat sur l’investissement. Nous ne sommes fermés à aucune solution : le débat parlementaire doit maintenant avoir lieu.

M. Marc Goua. Quelle est la hausse prévue pour les bases dans la loi de finances ?

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Ce n’est pas fixé.

M. le président Gilles Carrez. En général, c’est fixé par amendement parlementaire.

M. Éric Woerth. Vous ne pouvez pas ne pas savoir, madame la ministre !

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Nous devrions savoir ce qu’il en sera à la fin de la semaine prochaine…

M. Éric Woerth. Vous prévoyez donc une sorte d’ONDAM pour les collectivités locales.

M. le président Gilles Carrez. Un ONDAM qui n’est qu’indicatif, puisqu’il figure dans la loi de programmation…

M. Éric Woerth. Il ne sera pas indicatif pour nos concitoyens, qui le considéreront comme une norme de référence. Soyez réalistes : vous ne pouvez pas multiplier les charges tout en nous imposant des normes extrêmement contraignantes ! Limitez l’augmentation des dépenses, mais laissez-nous la liberté de gérer le personnel ! La nature de cette norme doit être clarifiée.

Je ne suis pas opposé à la fixation d’un objectif, mais il doit être tenable.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Nous nous engageons à ce qu’il le soit. Vous dites que les Français s’en préoccuperont : je n’en suis pas sûre. Mais nous essaierons d’être aussi justes que possible.

S’agissant de la dotation de solidarité rurale sur laquelle m’interroge M. Vigier, il faut souligner qu’une dotation cible protège les plus fragiles. Le renforcement des intercommunalités, prévu par notre projet de loi, bénéficiera sans aucun doute aux petites communes.

Contrairement à ce qui a été dit, l’investissement ne va pas s’effondrer, même s’il constitue pour nous tous un sujet de préoccupation, que le Premier ministre a d’ailleurs évoqué.

Monsieur Woerth, la progression du FPIC n’est pas sans limite – nous vous donnerons les chiffres précis. Rassurez-vous : la programmation de la hausse est progressive et limitée.

Présidence de M. Dominique Lefebvre, vice-président de la Commission des finances

M. André Vallini, secrétaire d'État à la réforme territoriale. Sur l’évolution des investissements, nous ne sommes certains de rien. Nous nous attendons 2015 à une diminution de l’ordre de 5 % à 6 % en 2015, pour des raisons de cycle électoral : les investissements diminuent généralement dans l’année qui suit les élections municipales. Les difficultés financières des collectivités territoriales entraîneront-elles une baisse plus importante ? On le dit souvent, mais nous n’avons aucune certitude. Beaucoup de collectivités consentent déjà des efforts importants de rationalisation de leurs dépenses – je l’entendais dire à la radio pour les petites communes rurales, comme pour Paris elle-même – et ce mouvement peut s’accélérer. L’investissement ne sera donc pas forcément sacrifié en priorité par les élus.

Monsieur Serville, la hausse de la péréquation – dont chacun se félicite – concernera particulièrement l’outre-mer, qui bénéficie de règles dérogatoires.

Madame Appéré, nous supprimons de petites taxes dont le rendement est faible ; elles devraient être compensées. Toutefois, la suppression de la taxe sur les spectacles relève d’une autre logique, puisqu’elle découle des obligations que nous impose l’Union européenne. Son remplacement par la TVA est très favorable aux clubs sportifs, notamment de football – à Rennes, je crois, on n’est pas insensible à cet aspect. La suppression sera compensée, pour les collectivités territoriales qui ont pris le soin de délibérer pour lever cette taxe sur les spectacles.

Monsieur Piron, vous proposez de geler les dépenses obligatoires : en théorie, c’est simple, et même séduisant. Mais comment fixer le niveau de ces dépenses ? Qui paiera la différence ? L’État, aujourd’hui, n’en a pas les moyens.

S’agissant du fonds d’amorçage pour les rythmes scolaires, M. le Premier ministre a annoncé que le Gouvernement soutiendra l’initiative de plusieurs députés visant à maintenir le bénéfice du fonds à toutes les communes qui ne se contentent pas d’organiser une garderie et font des efforts pour la mise en œuvre d’accueils périscolaires de qualité. Il faudra donc un projet éducatif territorial (PEDT). Nous prévoyons une dépense de 400 millions d’euros pour l’année scolaire 2015-2016. Un groupe de travail, comprenant les associations d’élus, les associations de parents d’élèves et le collectif des associations partenaires de l’école publique (CAPE), se réunira le 6 novembre sous l’égide de Mme Vallaud-Belkacem.

Mme Genevard et M. Jean-Pierre Vigier, notamment, ont évoqué les conséquences de la baisse des dotations pour le monde rural. Le critère de répartition de l’effort entre les communes, à savoir les recettes réelles de fonctionnement, est le même que l’an dernier – nous l’avons conservé, comme le demandait le Comité des finances locales (CFL). Or il est favorable au monde rural : pour les communes de moins de 500 habitants, la contribution au redressement des finances publiques en 2015 serait de 12 euros par habitant ; elle serait de 30 euros par habitant pour les communes de plus de 200 000 habitants. L’effort est donc deux fois plus important dans le monde urbain que dans le monde rural.

Plus généralement, le Gouvernement souhaite que les communes rurales les plus pauvres soient préservées de la contribution au redressement des finances publiques. Nous proposons donc une progression de la DSR en faveur des communes bourgs-centres et des communes éligibles à la DSR-cible. La DSR, je le rappelle, augmentera de 78 millions d’euros.

Le Gouvernement soutient les propositions de loi de Christine Pires Beaune et Jacques Pélissard, qui instaurent un pacte de stabilité pour les communes nouvelles, celles-ci voyant même leur DGF augmenter si elles comptent entre 1 000 et 10 000 habitants.

La progression du FPIC est favorable au monde rural : en 2014, il permet aux ensembles intercommunaux de moins de 20 000 habitants de bénéficier d’une attribution nette de 57 millions d’euros, alors que les territoires de plus de 200 000 habitants contribuent au fonds à hauteur de 81 millions d’euros. Le Gouvernement est, on le voit, très attentif au monde rural.

Madame Karamanli, la modulation des économies à réaliser en fonction des efforts d’investissement serait très difficile à réaliser : il faut que les élus bénéficient d’une certaine visibilité. De plus, ce sont déjà les communes les moins favorisées qui ont du mal à investir : en aidant davantage celles qui investissent, on risquerait d’aggraver les inégalités.

Monsieur Giraud, vous posez la question du soutien à l’investissement des communes nouvelles : il y aura, je l’ai dit, une aide au fonctionnement, une DGF stabilisée voire légèrement majorée – 5 % pour les communes entre 1 000 et 10 000 habitants. En revanche, il paraît difficile d’envisager la même chose pour l’investissement, ne serait-ce que par respect du principe d’égalité : il vaut mieux en rester au droit commun.

S’agissant de la CVAE, je le répète, en l’état du projet de loi « NOTRE », la compensation pour les régions prendrait la forme d’une dotation des départements aux régions. C’est une solution, le débat parlementaire pourra en faire surgir d’autres ; les régions préféreraient évidemment un transfert pur et simple de fiscalité.

Monsieur Heinrich, vous abordez la question des fusions d’intercommunalités. Pour les favoriser, il suffit – comme le prévoit le projet de loi « NOTRE » – de fixer le seuil à 20 000 habitants. Cela paraît élevé en milieu rural. J’ai assisté hier, dans la Meuse, aux Assises de la ruralité, avec plusieurs de mes collègues du Gouvernement et, bien sûr, des parlementaires. Ce département peuplé de moins de 200 000 habitants compte 150 communes de moins de 100 habitants, et 25 intercommunalités. Dans l’Isère, nous avons 1,2 million d’habitants et seulement 27 intercommunalités – et bientôt moins ! Le Parlement devra donc se prononcer sur ce seuil de 20 000 habitants ; il faudra évidemment envisager des dérogations pour les zones peu denses et les zones de montagne.

M. Pascal Terrasse. On pourrait appeler ces grandes intercommunalités des conseils généraux… (Sourires.)

M. André Vallini, secrétaire d'État à la réforme territoriale. C’est une solution qui avait été envisagée en Ariège : une seule communauté de communes comprenant l’ensemble des communes du département.

Monsieur Decool, vous appelez à juguler les dépenses de fonctionnement. On ne saurait mieux dire. Les collectivités locales vont limiter leurs dépenses, elles le font d’ailleurs déjà mais devront le faire plus encore.

Monsieur Woerth, je vous entends souvent dire dans les médias que le Gouvernement ne fait pas assez d’économies : vous proposez 100, voire 150 milliards parfois ! Mais vous ne dites jamais comment arriver à de tels montants.

M. Éric Woerth. Je me contente de reprendre les propositions du Commissariat au plan ! Vous ne nous lisez pas suffisamment…

Ma question portait sur le FPIC et ce serait bien d’y répondre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Nous allons y revenir.

Monsieur Dumont, vous posez une question pertinente. Votre rapporteur pour avis, Olivier Dussopt, a demandé au Gouvernement de revenir sur ces dispositions : nous allons donc reprendre ce dossier. Mais la règle de l’unanimité a été adoptée l’an dernier pour éviter que certaines communes ne se liguent contre d’autres – ce qui s’est déjà vu. Nous n’avons pas encore de réponse. Nous vous demanderons votre contribution.

Monsieur Woerth, je l’ai dit, mais peut-être n’ai-je pas été assez claire : il avait été décidé, en 2010-2011, de porter le FPIC à 1 milliard. C’était un débat tout à fait transpartisan. Le Gouvernement a décidé de respecter cet engagement et donc de favoriser la solidarité intercommunale. Il est vrai que la grande couronne parisienne, dont vous êtes l’élu, est une région particulière ; mais elle n’est pas la seule à l’être.

Des remarques justes ont été faites sur la question du revenu moyen par habitant : les communes riches se sont trouvées défavorisées par l’usage de ce critère, tout en étant confrontées à l’augmentation du FPIC. Nous avons donc regardé ce dossier de près, notamment avec vos collègues de Savoie et de Haute-Savoie. Mais, encore une fois, il s’agit de respecter la parole donnée et d’assurer la solidarité. Je n’ai à ce jour pas de réponse adéquate.

Il est vrai qu’en région parisienne, les dotations de solidarité se cumulent ; mais c’est bien la ville de Paris qui est la plus touchée. Nous avons d’ailleurs ouvert la possibilité d’établir une différence entre habitants et résidents, pour trouver de nouvelles ressources fiscales et faire face à ces prélèvements.

L’amendement présenté par un de vos collègues, monsieur Woerth, va cheminer : nous ferons des simulations pour répondre aux questions posées.

Monsieur Terrasse, les communes qui ont une centrale nucléaire sur leur territoire, ou dont certains habitants sont salariés d’une centrale, n’ont pas perdu de ressources avec la suppression de la taxe professionnelle. Les compensations sont en revanche très importantes pour les anciennes communes industrielles. Nous vous transmettrons les simulations.

M. Dominique Lefebvre, président. Merci de vos réponses, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État.

La réunion de la commission élargie s’achève à dix-huit heures trente-cinq.

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