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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale
XIVe législature
Session extraordinaire de 2011-2012

Compte rendu
intégral

Première séance du lundi 16 juillet 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Claude Bartolone

1. Projet de loi de finances rectificative pour 2012

Suspension et reprise de la séance

Présentation

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Présidence de Mme Sandrine Mazetier

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Mme Martine Faure, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

M. Denys Robiliard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales

Motion de rejet préalable

M. Christian Estrosi

Rappel au règlement

M. Christian Jacob

Motion de rejet préalable (suite)

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget

Mme Marie-Christine Dalloz, M. Jean-Christophe Lagarde, Mme Annick Girardin, M. Nicolas Sansu, M. Pierre-Alain Muet

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

1

Projet de loi de finances rectificative pour 2012

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2012 (nos 71, 79, 78, 77).

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La commission des finances n’ayant pas terminé ses travaux, je suspends la séance.

(La séance, suspendue, est reprise à seize heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

Présentation

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le président, madame et monsieur les ministres, mesdames et messieurs les députés, nous nous retrouvons pour la troisième fois en dix jours pour débattre des inflexions nécessaires en matière économique et financière. Nous avons eu, Jérôme Cahuzac et moi-même, un premier échange avec la commission des finances sur l’ensemble des textes soumis à votre examen pour cette session. Avec la loi de règlement, nous avons d’abord pris acte de la situation budgétaire dont le Gouvernement hérite. Nous avons ensuite présenté nos priorités et nos principes économiques et financiers lors du débat d’orientation la semaine dernière dans cet hémicycle.

A chaque fois, un même objectif a guidé nos choix : déployer une politique que nous voulons cohérente, juste, et réformiste. Le projet de loi de finances rectificative, que nous vous présentons en compagnie de Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, s’inscrit également dans ce cadre. Il constitue aussi une première étape, et ce à double titre. Il s’agit de la première étape d’un redressement budgétaire qui se déroulera sur l’ensemble du mandat, et évoluera progressivement – je pense en particulier aux équilibres entre recettes et dépenses dans la composition du budget. C’est aussi la première étape d’une profonde réforme du système fiscal, que la loi de finances rectificative vient amorcer.

Ce projet de loi de finances rectificative répond à un triple impératif : redresser les comptes publics pour respecter nos engagements, replacer la justice au cœur de notre système fiscal et amorcer la réorientation de la fiscalité vers l’investissement et l’emploi.

Nous avons eu l’occasion de le rappeler, avec Jérôme Cahuzac, lors du débat d’orientation des finances publiques : redresser les comptes publics n’est pas une fin en soi, ce n’est pas pour ce gouvernement un nouvel avatar de la pensée unique. C’est au contraire une voie indispensable pour préserver notre souveraineté, pour conserver la maîtrise de nos politiques publiques ; en un mot, c’est une condition indispensable à la réussite du changement pour lequel nous avons été élus. Si nous affichons aussi clairement notre objectif de retour à l’équilibre, avec ses étapes intermédiaires, si nous nous engageons avec détermination sur ce chemin, c’est parce que le désendettement permet de retrouver des capacités, à travers les politiques publiques, de dégager des marges de manœuvre pour l’action politique.

Pour 2012, notre objectif – vous le connaissez – est de ramener le déficit à un niveau plus soutenable : 4,5 % du PIB. Cela s’inscrit dans une trajectoire désormais bien identifiée : 3 % en 2013 et l’équilibre des finances publiques en fin de mandat.

Cette année, nous subissons une contrainte supplémentaire, qui est pour partie à l’origine de ce collectif : nous héritons – je l’ai déjà dit ici – d’une situation financière dégradée, qui trouve son origine dans des surévaluations de recettes à hauteur de 7,1 milliards d’euros, et dans des risques sur les dépenses de l’État évalués entre 1,2 et 2 milliards d’euros. Je ne fais là que reprendre les chiffres du rapport de la Cour des comptes.

C’est un peu comme si nous emménagions dans une maison dont la charpente n’est pas en aussi bon état que nous l’espérions, parce que le locataire précédent – car nous sommes locataires – a négligé de faire les travaux qui s’imposaient.

Le sérieux budgétaire que nous revendiquons a un corollaire en matière de méthode : la sincérité des comptes et des prévisions financières. Je souhaite que cette sincérité permette, à l’avenir, de limiter les écarts, toujours embarrassants et rarement justifiés, entre un schéma initial et son exécution effective. Les politiques publiques y gagneront en lisibilité, en prévisibilité et en crédibilité.

Cette situation fragile résulte aussi, au-delà des approximations budgétaires pour l’année en cours, d’une accumulation de déficits structurels qui s’est accélérée, et fortement, durant le précédent quinquennat. Et la crise est loin d’être le premier ou le principal facteur de cette accélération. Cette situation appelle en tout cas de notre part – puisque nous sommes aux responsabilités – des corrections déterminées pour contrer la dérive naturelle du déficit. Celui-ci se serait établi autour de 5% du PIB en fin d’année si nous n’étions pas devant vous pour présenter ce projet de loi de finances rectificative.

Voilà l’objectif. Je veux vous dire comment nous l’atteindrons. Car c’est en réalité tout l’enjeu du débat. Autour d’une même cible de déficit, il existe – cela relève du choix politique – de multiples variations possibles dans la composition d’un budget et dans les arbitrages fiscaux sur lesquels il repose. Nous proposons, nous, un budget qui permette de répartir les efforts de manière équitable – ce que le Président de la République a appelé le 14 juillet « l’effort juste » ; c’est exactement cela qui nous guide.

Replacer la justice au cœur de notre système fiscal nous engage en premier lieu à calculer au plus juste les besoins qui doivent être comblés. Nous ne prenons pas à la légère la contrainte que représentera, pour certains ménages et pour certaines entreprises, un effort fiscal supplémentaire. Nous avons pleinement conscience de nos responsabilités, nous ne sommes pas – contrairement à ce que j’ai pu lire ou entendre ici ou là – dans une démarche punitive ; nous ne manions pas non plus, avec je ne sais quelle nonchalance, l’outil fiscal, comme certains feignent de le croire. Nous avons au contraire évalué au plus juste l’effort nécessaire, et seulement cela, pour atteindre notre cible de déficit au plus près, sur la base de prévisions de croissance prudentes que vous connaissez : 0,3 % pour l’année 2012. Cet effort sera constitué, d’une part, d’un gel des dépenses publiques à hauteur de 1,5 milliards d’euros, et d’autre part, de prélèvements, pour un montant de 7,2 milliards d’euros.

Laissez-moi mettre ce chiffre en perspective car je veux éviter toute ambiguïté sur notre projet fiscal. Sur l’ensemble de l’année 2012, l’augmentation des prélèvements obligatoires – je le concède – sera de 1,1 point de PIB. Mais sur ces 1,1 point, 0,8 ont en fait été décidés par l’ancienne majorité présidentielle. Le gouvernement auquel nous appartenons prend la responsabilité des 0,3 point de PIB restant pour atteindre la cible de déficit en 2012. Cependant, il le fait uniquement parce qu’il faut corriger une situation plus dégradée qu’annoncé. L’opposition devrait donc approuver ce projet de loi de finances rectificative – je ne dirais pas au moins aux trois-quarts mais il s’agit bien de reprendre ce qui n’a pas été fait.

Replacer la justice au cœur du système fiscal, c’est surtout faire contribuer en priorité à l’effort d’assainissement de nos comptes ceux que la crise a le plus épargnés, c’est-à-dire les ménages qui disposent d’une capacité d’épargne conséquente – ils supporteront près des trois-quarts du montant des prélèvements supplémentaires sur les ménages – et les grandes entreprises, soumises à des taux d’imposition effectifs plus faibles que les entreprises petites et moyennes.

Quelques exemples de mesures du collectif pour illustrer les principes que je viens d’énoncer.

Certains secteurs aujourd’hui très prospères, et confortés dans une situation fiscale privilégiée par la précédente majorité, contribueront – exceptionnellement d’ailleurs – à l’effort de redressement des comptes en 2012. Je pense par exemple à la taxe sur la valeur des stocks des produits pétroliers. Celle-ci représente d’abord une charge proportionnée : un peu plus d’un demi milliard d’euros, soit un centième environ du chiffre d’affaires des pétroliers selon des estimations non officielles. Elle se justifie aussi par les spécificités d’un secteur dont les profits se sont accru considérablement depuis 2004, et qui, souvent, échappe à toute imposition en France. Certains affirment que cette taxe pénalisera les populations les plus fragilisées. Mais c’est d’une taxe sur les stocks, et non pas d’une taxe à la pompe, dont nous parlons ici. J’ai entendu que cette taxe coûterait un cent aux consommateurs, mais ce n’est pas le cas : les entreprises ne sont pas obligées de la répercuter sur les prix. Une évolution de cette nature, qui serait au demeurant peu perceptible pour le consommateur, est, je le crois, effaçable ou évitable.

La même logique d’équité s’applique aux ménages. Une contribution exceptionnelle permettra en 2012 de compenser le coût du bouclier fiscal. Elle touchera les personnes dont le patrimoine net imposable est supérieur à 1,3 million d’euros. Nous ne revenons pas sur les effets de seuil. Cette suppression temporaire du plafonnement pour une seule année n’a pas vocation à punir ni même à décourager l’épargne, mais à associer à l’effort de redressement ceux qui sont le plus en mesure d’y contribuer, compte tenu de l’ampleur de leur patrimoine.

D’autres mesures, qui seront détaillées plus amplement, vont dans le même sens. Mais je voudrais insister sur un point : il n’y a pas, dans le collectif budgétaire, un mouvement monolithique d’augmentation des prélèvements obligatoires. Je refuse formellement cette caricature.

L’équité implique aussi d’alléger ce qui, dans le système fiscal hérité du précédent gouvernement, aurait particulièrement pesé sur le pouvoir d’achat des plus modestes et des classes moyennes. C’est pourquoi – et cela est très important – nous annulons l’augmentation du taux de TVA de 19,6 % à 21,2 % prévue par l’ancienne majorité présidentielle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Si nous ne l’avions pas abrogée, et cela dès ce projet de loi de finances rectificative, cette augmentation aurait constitué – soyons-en conscients – une ponction considérable sur le pouvoir d’achat des ménages, estimée à 12 milliards d’euros.

M. Claude Goasguen. C’est faux !

M. Pierre Moscovici, ministre. C’est donc tout à fait considérable.

M. Patrick Balkany. Et les baisses de charges ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Ce pouvoir d’achat des ménages – l’INSEE l’a montré – se trouve déjà en berne. Nous aurions donc immobilisé un peu plus le moteur de la consommation, qui reste le principal soutien disponible de la croissance française. Cette mesure est une mesure de justice mais aussi une mesure d’efficacité. Je crois qu’il est très important de la prendre. Les Français l’attendaient et ils l’approuveront ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Jacob. Et la CSG ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Attendez le débat, monsieur Jacob ! Au-delà de ces mesures de rendement équitables, le collectif que nous soumettons à l’examen de cette Assemblée amorce la réorientation de notre système fiscal vers l’investissement et vers l’emploi.

Le projet de loi propose en effet de limiter des pratiques qui détournent les capacités financières de l’investissement et de l’économie réelle, voire même la déstabilisent. On trouvera ainsi dans ce collectif budgétaire des mesures qui encouragent la définanciarisation, en réduisant l’incitation au risque ou aux mouvements spéculatifs. C’est notamment l’objet du doublement du taux de la taxe sur les transactions financières. Nous voulons ainsi l’aligner sur le taux de la proposition de directive européenne. Vous savez que nous avons obtenu lors du dernier Conseil européen que soit créée une véritable taxe sur les transactions financières sous forme de coopérations renforcées.

Quant à la contribution additionnelle à l’impôt sur les sociétés applicable sur les montants distribués, elle permettra de rendre la distribution des bénéfices plus coûteuse que les investissements. Cela répond à l’objectif de favoriser l’investissement et l’économie réelle plutôt que d’alimenter la spéculation.

Ce projet de loi propose aussi la remise en cause de l’exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires, instaurée par la majorité précédente, et dont je veux dire un mot plus longuement. Je sais que cette question fera partie du débat, ce sera même, sans doute, une clé de celui-ci.

Il me semble utile de clarifier la logique économique qui a présidé à ce choix, qui ne découle pas, comme certains feignent de le penser, d’un réflexe épidermique ou d’un conditionnement idéologique. (Exclamations sur certains bancs du groupe UMP.)

Il y avait probablement, derrière cette mesure voulue par le précédent gouvernement, une logique : celle de l’élection de 2007. Mais cette logique a un coût, et son efficacité économique doit être évaluée, ni plus ni moins que pour une autre disposition fiscale. Le bilan factuel que nous tirons de cette évaluation est le suivant : l’exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires a en réalité découragé l’emploi. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. Jean-Pierre Gorges. C’est faux !

M. Pierre Moscovici, ministre. Que s’est-il passé, concrètement, dans les entreprises ? Lorsqu’un dirigeant avait à choisir entre des heures supplémentaires défiscalisées ou la création d’un nouveau poste, il optait pour les premières. Je ne dis pas que c’était voulu, je ne fais pas de procès d’intention, mais c’est ce qu’on constate.

Inciter les entreprises à mobiliser davantage les heures supplémentaires ne s’est pas avéré pertinent dans un contexte de ralentissement économique et surtout de hausse du chômage. Car dans le même temps – parfois au sein d’une même entreprise –, les finances publiques ont subventionné le recours aux heures supplémentaires, et le recours au chômage partiel pour les salariés qui n’avaient pas suffisamment de charge d’activité à assurer. Les exonérations ont donc eu pour principal effet de réduire la sous-déclaration antérieure des heures supplémentaires, voire de favoriser les optimisations.

Certains s’émeuvent – et je peux comprendre l’argument – de l’impact potentiel de cette abrogation sur le pouvoir d’achat. Soyons prudents avec ce type de raccourcis, car le gain procuré par cette mesure était en réalité très inégalement réparti – moins de 40 % de l’ensemble des salariés en bénéficiaient –, et les salariés n’avaient aucune prise dessus : faire ou non des heures supplémentaires dépend d’une décision de l’employeur.

M. Claude Goasguen. Pas dans la fonction publique !

M. Pierre Moscovici, ministre. Par ailleurs, dès lors que cette mesure se traduisait par une perte de recettes publiques, cela supposait, car il faut bien que quelqu’un paye, d’en faire porter le coût au reste de la collectivité. Quant à ce qui concerne ceux que cette mesure a privés d’emploi, les conclusions s’imposent d’elles-mêmes.

Ces facteurs expliquent sans doute pourquoi, au final, les exonérations n’ont pas eu l’effet escompté sur le pouvoir d’achat par unité de consommation. Faut-il rappeler que le pouvoir d’achat n’a augmenté que de 0,1 % par an en moyenne entre 2007 et 2010, ce qui n’est tout de même pas un bilan ébouriffant ? Il a même reculé en 2011 et au premier trimestre 2012. Qu’on ne vienne donc pas nous dire, comme certains s’apprêtent à le faire, que nous allons tout gâcher !

Dernier point à noter, et non le moindre : le collectif ne remet pas en cause la majoration des heures supplémentaires ; les salariés qui y ont recours continueront donc bien à bénéficier de cet avantage.

Voilà pourquoi nous assumons complètement, au Gouvernement et dans la majorité, cette suppression économiquement efficace et socialement juste. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Voilà en quelques mots l’esprit de ce projet de loi de finances rectificative et quelques-unes des mesures phares qu’il propose. Je voudrais enfin rappeler le cadre dans lequel il s’inscrit. Il constitue à plusieurs titres, comme je l’ai dit en introduction, une première étape. Première étape d’une réforme fiscale. Première étape aussi dans la juste recomposition de notre budget, qui s’échelonnera tout au long du quinquennat.

Le projet de loi de finances rectificative préfigure la profonde réforme fiscale que nous présenterons à l’automne, dans le projet de loi de finances pour 2013. La LFR amorce ce mouvement, en revenant notamment sur les arbitrages difficilement justifiables de la précédente majorité qui pèsent sur nos recettes, comme l’allégement de l’impôt des redevables de l’ISF, la sous-taxation des secteurs financier et pétrolier ou les optimisations trop aisées en matière d’impôt sur les sociétés. Nous avons choisi de nous concentrer essentiellement, dans ce projet, sur les mesures dont l’entrée en vigueur immédiate était nécessaire pour préserver le pouvoir d’achat, l’emploi et l’activité, et pour respecter nos engagements budgétaires. Mais le collectif organise aussi la transition vers les réformes plus pérennes que nous mènerons à bien cet automne avec le projet de loi de finances pour 2013, dans des conditions d’examen parlementaire optimales.

Je terminerai en disant que ce projet de loi s’inscrit dans un mouvement d’assainissement des comptes et de juste recomposition du budget qui se déploiera sur l’ensemble de notre mandat. J’ai rappelé, à plusieurs reprises, la trajectoire des finances publiques que nous visons. L’effort du présent collectif porte essentiellement, je ne le nie pas, sur les recettes. C’est un effort équitable, qui nous permettra de respecter nos engagements, et que nous devons faire aussi compte tenu de certaines approximations dont nous héritons. Chacun sait qu’en raison de la rigidité de la dépense publique, des économies substantielles ne pouvaient être engagées en milieu d’année. Mais il s’agit de la première étape seulement de notre programme budgétaire. Je l’ai dit également à de nombreuses reprises, nous sommes là pour cinq ans, non pour deux, et nous concevons nos initiatives sur l’ensemble du quinquennat, avec un objectif central : le redressement du pays, le retour de la croissance et, par-dessus tout, la création d’emplois.

J’ai présenté la stratégie d’ensemble du quinquennat devant cette assemblée la semaine dernière, et j’ai explicitement précisé que, si nous faisions porter davantage l’effort immédiat sur les recettes, le taux de prélèvements obligatoires serait globalement stable à partir de 2014. Je vous confirme que le retour à l’équilibre ne passera pas par le seul levier de la fiscalité ; Jérôme Cahuzac l’a dit à cette tribune avec des mots forts la semaine dernière, et je le rejoins totalement. La répartition de l’effort entre recettes et dépenses sera parfaitement équilibrée sur la période 2012-2017, car nous ne voulons pas de l’austérité ; nous n’entendons pas dessécher ce qui fait le corps de l’État, nous ne voulons pas affaiblir l’administration ni faire porter le poids du redressement sur la seule imposition des ménages et des entreprises. Les acteurs économiques, par cet équilibre recettes-dépenses que j’ai évoqué, disposeront ainsi de la visibilité nécessaire pour investir, consommer et exporter.

Oui, nous proposons, dans ce collectif, une augmentation immédiate des recettes. J’ai dit pourquoi, j’ai dit comment, j’ai dit sur quelle période. Mais, en parallèle, nous maîtriserons nos dépenses, selon un calendrier qui couvrira la totalité du quinquennat. Ces arbitrages, qui n’étaient pas faciles car, encore une fois, la situation est compliquée, permettront de préserver la demande publique, dans un contexte de croissance vacillante, tout en revenant à des niveaux de dépenses soutenables dans la durée.

J’invite chacun, et surtout ceux qui se situent à ma droite, à éviter la caricature et les excès de langage, toujours tentants.

M. Patrick Balkany. Ce ne sont pas des caricatures, c’est la vérité !

M. Pierre Moscovici, ministre. Je vous invite tous, et d’abord à gauche, à soutenir la politique sérieuse, cohérente et ambitieuse que nous vous proposons.

M. Julien Aubert. Garde à vous !

M. Pierre Moscovici, ministre. Notre démarche trouve son juste équilibre dans le temps, et cela commence maintenant ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP, et sur de nombreux bancs des groupes écologiste et GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, monsieur le président de la commission des finances, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les députés, cette loi de finances rectificative vous est sans doute présentée pour souscrire à une tradition, mais plus certainement pour convenir entre nous de ce qu’est la réalité budgétaire de notre pays.

La tradition est connue. Que le peuple français décide de maintenir sa confiance à ceux qui exercent la lourde tâche de conduire le pays ou, comme ce fut le cas il y a quelques semaines, de les remplacer, toutes les majorités issues du suffrage universel ont fait le choix de présenter chacune, devant l’Assemblée nationale puis le Sénat, une loi de finances rectificative. Il n’y a donc pas lieu d’être surpris que ce nouveau Gouvernement décide à son tour de soumettre au Parlement, en espérant le soutien de la nouvelle majorité, une telle loi. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Nous nous inscrivons dans cette tradition, et je vois que M. Balkany y est sensible ; je suis moi-même sensible à ce que je devine être une approbation de la tradition parlementaire et républicaine. (Sourires.)

Il se trouve que la tradition rejoint la réalité budgétaire, dont nous avons fait état dans cette enceinte la semaine dernière quand nous avons examiné la loi de règlement pour 2011 et débattu de l’orientation de nos finances publiques.

Le débat que nous allons avoir à l’occasion de la présente loi de finances rectificative permettra sans doute de mieux cerner cette réalité, encore que chacun, me semble-t-il, peut d’ores et déjà parfaitement la connaître. La Cour des comptes, par son rapport, nous y a aidés, et le débat de la semaine dernière y a également contribué. Cette réalité est incontestable. Nous donnons acte à la précédente majorité de la réduction du déficit public de 1,9 point de PIB entre 2010 et 2011, de même que de la réduction du déficit budgétaire de près de 59 milliards d’euros sur la même période. Le rapport de la Cour des comptes comme les débats que nous avons eus permettent de comprendre ce qu’a été cette réduction et ce qu’en sont les éléments.

Une telle réduction a été qualifiée d’historique. Le mot convient : jamais notre pays n’a réduit d’un tel volume son déficit public. À un déficit historique devait évidemment correspondre une réduction qui ne le fût pas moins ! En 2010, le déficit public était de 7 points de PIB ; le réduire était une nécessité et l’avoir ramené à 5,2 points fut une bonne chose.

Toutefois, cette réduction conséquente s’explique – la Cour des comptes nous aide, de manière très instructive, à le comprendre –, pour 0,8 % de PIB, par des mesures exceptionnelles. Ainsi, il s’agissait, pour 0,4 point, de mettre fin aux dépenses dans le cadre du plan de relance : il était convenu, lors de l’adoption de celui-ci sous la majorité précédente, qu’il aurait un terme ; ce terme arrivé, il était normal que la dépense baisse. Cette dépense ne pourra baisser les années suivantes puisqu’elle n’est plus là. De même, pour 0,2 point de PIB, il s’agit de la fin d’équipements militaires. Là encore, une telle dépense n’est pas structurelle mais conjoncturelle : d’une année sur l’autre, nous n’aurons pas à constater telle ou telle dépense, parce que les équipements auront été réalisés. Pour 0,2 point de PIB encore, il s’agit de la fin de la réforme de la taxe professionnelle : là non plus, rien de structurel, tout est conjoncturel. Ainsi, pour 0,8 point de PIB, la réduction des dépenses ne sera pas rééditée, pour des raisons que personne ne peut contester.

Pour un autre demi-point de PIB, les dépenses ont également été réduites pour des raisons exceptionnelles, qui tiennent purement et simplement à la conjoncture, à savoir à l’élasticité des recettes à la croissance. Nous avons d’ailleurs eu ce débat, Pierre Moscovici et moi, avec nos prédécesseurs : ceux-ci espéraient une élasticité qui ne s’avère pas être celle constatée. Il faut en tenir compte, et le nier serait déraisonnable. En tout cas, rien, dans cette diminution, ne tient à l’action des pouvoirs publics, tout à la conjoncture.

Enfin, il y a eu 0,8 point de structurel, incontestablement. La Cour des comptes le dit et nous le reconnaissons bien volontiers : vous avez, mesdames et messieurs les députés de l’ancienne majorité, augmenté les impôts, et c’est pourquoi, sur 1,9 point de PIB de réduction, 0,8 point représente une amélioration structurelle. Vous avez sollicité les Français ; la chose était d’ailleurs prévisible, et vous vous y êtes résolus avec retard. Vous avez fini par donner à cette politique d’augmentation des impôts le nom qui convenait : vous avez cessé de biaiser et de nier la réalité en parlant de « réduction des dépenses fiscales ».

Enfin, s’agissant de la dépense, la Cour des comptes émet sur l’action menée l’année dernière un jugement très sévère, peut-être trop sévère, car la méthode d’analyse est à mes yeux d’une rigueur excessive. Quoi qu’il en soit, elle estime que l’évolution de la dépense publique n’a pas contribué à la réduction du déficit favorablement, mais négativement, pour 0,2 point de PIB.

M. Yves Censi. Elle a indiqué qu’il fallait poursuivre !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je vous renvoie à son rapport, dont nous avons convenu collectivement qu’il serait notre juge de paix.

Quant au déficit budgétaire de l’État, je l’ai dit, la réalité est incontestable : 59 milliards d’euros de moins entre 2010 et 2011, mais qui s’expliquent pour l’essentiel par les raisons que je viens d’indiquer. On ne peut donc porter au crédit de l’action publique, c’est-à-dire des décisions politiques prises par le précédent gouvernement, que 14 milliards, et encore en tenant compte du remboursement par le secteur automobile du prêt que l’État lui avait consenti. De sorte qu’en réalité, l’amélioration n’est que de 10 milliards d’euros, c’est-à-dire l’évolution spontanée des recettes fiscales l’année dernière.

Voilà la vérité. Elle s’explique aisément et amène à considérer l’extraordinaire difficulté, en 2012 – vous en avez eu votre part pour la première moitié de l’année et nous en avons la nôtre pour la seconde –, à tenir la promesse que la France a faite à ses partenaires de n’avoir un déficit public que de 4,5 % à la fin de l’année. Vous aviez d’ailleurs vous-mêmes conscience, quand vous étiez majoritaires, de l’ampleur de la difficulté puisque c’est par vos votes que, d’une part, vous aviez décidé d’une maîtrise de la dépense publique particulièrement sévère pour 2012, et, d’autre part, d’une augmentation d’impôt qui ne l’était pas moins, 15 milliards d’euros à l’occasion des plans de redressement Fillon I et Fillon II.

M. Julien Aubert. Et vous la dépassez !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Cette recette sera bien sûr la bienvenue dès lors que l’on veut que la parole de la France soit tenue, et c’est le souhait de la majorité présidentielle, de la majorité parlementaire, du Gouvernement, souhait que Pierre Moscovici et moi-même aurons particulièrement à cœur de voir satisfait car la France est un grand pays et qui se doit de ce fait de respecter sa parole.

Dès lors que nous avons une telle réalité budgétaire et que vous-mêmes aviez considéré que la situation serait très délicate en 2012 au point de voter 15 milliards d’euros d’augmentations d’impôts, la question est de savoir si ce que vous aviez décidé quand vous étiez majoritaires est aujourd’hui jugé acceptable et suffisant par ceux qui le sont devenus : est-ce acceptable pour le gouvernement qui a remplacé le dernier gouvernement Fillon ? Est-il possible, à politiques inchangées, de respecter la parole de la France ? En la matière, les analyses faites par le pouvoir exécutif et le rapport de la Cour des comptes concluent sans ambiguïté par la négative. Toutes choses égales par ailleurs, la France ne peut respecter son engagement d’un déficit public de 4,5 % car les recettes manquent et car la dépense évolue selon des modalités sur lesquelles je vais évidemment revenir.

S’agissant des recettes, il en manque pour des raisons aisées à comprendre.

Ainsi, vous aviez prévu une augmentation de l’impôt sur les sociétés, mais il manquera 3,4 milliards d’euros, dont 2,9 milliards parce que fut délibérément surestimée l’assiette. Vous aviez anticipé une augmentation du bénéfice fiscal de 5,2 %, elle ne sera que de 2 %. Lors de l’examen de la loi de finances initiale, nous fûmes nombreux, parlementaires de l’opposition, à dénoncer très clairement cette prévision apparemment tout à fait optimiste et en réalité irréaliste.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Bien sûr !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Nous avions indiqué que les recettes de l’impôt sur les sociétés ne seraient pas celles escomptées. De fait, elles ne sont pas là, en raison d’une surestimation à hauteur de 2,9 milliards d’euros.

Vous aviez également surestimé les recettes de la taxe sur la valeur ajoutée, et ce aussi de manière délibérée puisque l’estimation avait été faite alors même que tous les remboursements n’étaient pas opérés et par un artifice d’assiette bien connu – d’ailleurs dénoncé lors de l’examen de la loi de finances initiale. Vous aviez alors évalué ces recettes à un niveau qui ne sera pas celui constaté, il s’en faudra d’un bon milliard d’euros.

Et puis, qu’on vous le reproche en partie ou que l’on estime que la majorité d’alors pouvait difficilement l’anticiper, l’évolution de la croissance économique est, quoi qu’il en soit, telle aujourd’hui que des recettes vont manquer parce qu’elle est trop faible. Ce sera encore vrai pour l’impôt sur les sociétés – 500 millions d’euros –, pour la TVA – 400 millions d’euros –, pour les cotisations sociales – près d’un milliard d’euros, mais Marisol Touraine en dira probablement davantage sur ce sujet – et pour les collectivités locales – là encore à hauteur d’un milliard d’euros.

Bref, et la Cour des comptes en atteste, toutes choses égales par ailleurs, il manquerait entre 7 et 10 milliards d’euros pour que la France puisse tenir sa parole. Le Gouvernement estime le manque à 7,1 milliards et propose au Parlement un plan d’actions, un plan de respect de la parole donnée, un plan de recettes de 7,2 milliards d’euros afin de permettre à la France d’afficher un déficit de 4,5 % en fin d’année. Cet objectif doit être respecté.

J’ai évidemment bien compris, à l’occasion de l’examen des amendements de l’opposition, que certains jugent tout à fait anormal que le respect de la parole de la France ne soit assuré que par des recettes supplémentaires et en rien par des économies. À ceux-là, on peut répliquer par plusieurs arguments.

Le premier est que le gouvernement actuel respecte scrupuleusement l’objectif de dépense publique que la précédente majorité avait défini. Elle avait décidé que le champ du zéro valeur s’étendrait aux prélèvements sur recettes et à la contribution européenne, et il respecte cette norme de dépense, aussi bien le niveau que l’assiette.

Bien plus encore, lors de l’examen de la première loi de finances rectificative, la précédente majorité avait diminué de 1,2 milliard d’euros le plafond de dépenses, allant en deçà du zéro valeur à assiette large, et le Gouvernement s’engage à respecter ce plafond de dépenses abaissé. Contrairement à ce qui a été dit, nous n’augmentons donc pas les dépenses au-delà de ce que la majorité précédente avait prévu, nous respecterons le plafond de dépenses diminué, je le répète, de 1,2 milliard d’euros lors de la dernière loi de finances rectificative. C’est une forme de continuité de l’État, une façon d’expliquer à nos partenaires européens que l’alternance politique ne veut pas dire que la parole de la France n’est pas respectée. Il y a rupture en cela avec ce qui s’est passé en 2007. Je rappelle qu’alors, la France avait déjà donné sa parole en s’engageant sur une trajectoire de finances publiques, et que le Parlement l’avait ratifiée. Cette parole avait été donnée par le Président de la République en exercice, Jacques Chirac et la majorité était déjà UMP. Mais au mois de juillet 2007, le Président nouvellement élu, Nicolas Sarkozy, est allé lui-même à l’Eurogroupe, la réunion des ministres de l’économie et des finances de la zone euro – alors qu’il n’est pas du tout de tradition qu’un chef d’État s’y invite –, indiquer à nos partenaires qu’il ne respecterait pas la parole de la France, qu’il privilégierait la politique pour laquelle il avait été élu et qu’il préférait tenir ses engagements de candidat que ceux pris par la France à leur égard.

Nous ne nous inscrivons pas dans cette logique.

M. Julien Aubert. Si !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Nous estimons que la France est un pays dont l’histoire commande que sa parole soit respectée, et c’est parce que nous respectons son histoire que nous respecterons sa parole. Nous espérons être compris, sinon soutenus, par les députés de l’opposition, au moins sur ce plan-là.

M. Jean-François Lamour. On verra ça sur la durée !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Par ailleurs, et là encore la Cour des comptes l’a relevé, des dépenses sont en train de déraper. Cela n’a rien d’exceptionnel : chaque année, des dépenses dérapent ou sont insuffisamment budgétées. C’est vrai pour les opérations militaires extérieures, pour l’hébergement d’urgence, pour les primes de Noël, pour une série de dispositions, coûteuses au demeurant, que notre État a toujours assumées et qu’il devra continuer à financer. C’est en raison de ces dérapages qu’au-delà du respect de la norme de dépense que je viens de vous rappeler, il a été convenu non seulement de maintenir le gel des dépenses décidé par le gouvernement précédent mais, de surcroît, d’y ajouter 1,5 milliard au titre du « surgel » afin d’être sûrs qu’en fin d’année, aucun dérapage n’occasionnera une aggravation de notre déficit.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous vous en occupez !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. J’espère au moins qu’en citant ces exemples et ces éléments factuels aisément vérifiables, je vais permettre un débat qui ne sera pas vain et qui ne consistera pas, pour certains députés de l’opposition, à nous accuser de laisser les dépenses déraper, car rien ne serait plus éloigné de la vérité qu’une telle affirmation.

Enfin, il faudra des recettes car aucun gouvernement n’est parvenu à dégager en milieu d’année des montants au niveau nécessaire pour respecter la parole de la France. J’en veux pour preuve le fait que même la précédente majorité, dont on connaît les déclarations exprimant son aversion à la dépense publique, n’était pas parvenue à diminuer, en plein été, le plafond de dépenses publiques lors des plans de redressement Fillon I et Fillon II. Je rappelle que l’année dernière, les économies dans la dépense se sont limitées, au vu de l’exécution budgétaire d’un certain nombre de lignes, à 200 millions d’euros. Ce chiffre est absolument incontestable et je renvoie ceux qui seraient tentés de le faire à l’analyse des documents budgétaires et aux comptes certifiés par la Cour des comptes. Nous n’allons tout de même pas contester ce que la Cour conclut et pas davantage les certifications qu’elle a apportées aux comptes que l’État lui a soumis selon des procédures maintenant éprouvées. Ni le gouvernement Fillon I ni le gouvernement Fillon II ne proposèrent une baisse de dépenses ; ce n’est qu’en fin d’année que 200 millions furent enfin économisés. Je rappelle que les économies avaient été de zéro en 2010, zéro en 2009, zéro en 2008, après un dérapage en 2007, dérapage qui ne fut financé que par l’emprunt.

Notre loi de finances rectificative va rompre avec la tradition à laquelle j’ai fait allusion. Si ceux qui siégeaient à cette époque veulent bien s’en souvenir, en 2007 fut proposée une loi de finances rectificative appelée « travail, emploi et pouvoir d’achat ». À l’époque, le coût du dispositif était estimé de 14 milliards à 15 milliards d’euros, et s’est avéré de 9 milliards à 12 milliards d’euros selon les années. Le coût de ce collectif, présenté par le gouvernement Fillon II, ne fut assumé que par l’emprunt. Aucune recette supplémentaire ne fut décidée au regard des dispositions proposées, qu’il s’agisse de la suppression des charges sociales et fiscales sur les heures supplémentaires ou de la déductibilité des intérêts d’emprunt pour l’accession à la propriété. Cette dernière disposition a coûté 2 milliards d’euros chaque année et encore en 2012 !

M. Pascal Terrasse. Et c’est à nous de payer maintenant !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. 2 milliards d’euros financés exclusivement par l’emprunt et dépensés pour rien, et la même majorité qui avait voté cette disposition en 2007 a décidé de l’abroger en 2010 devant son inefficacité totale. N’ont profité de cette déductibilité que ceux qui de toute façon auraient pu acheter leur résidence principale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP.) Cette mesure fut totalement inutile pour faciliter l’accession à la propriété. Pourtant, et jusqu’en 2015, il en coûte entre 1,5 milliard et 2 milliards d’euros, sur lesquels il n’est évidemment pas possible de revenir du fait du principe de la rétroactivité, principe qui s’impose à tous, quel que soit le jugement que l’on porte sur les politiques publiques qui ont été menées. Cette mesure fut à l’époque adoptée dans l’allégresse, je m’en souviens, par la majorité d’alors, allégresse que ne tempérait en rien la certitude qu’elle ne serait financée, comme les autres, que par l’emprunt. Toutes les mesures de ce type ont coûté 10 milliards d’euros en 2008, 2009, 2010 et 2011 et, je le crains, coûteront encore 10 milliards en 2012. Au total, ce n’est pas loin de 50 milliards d’euros d’emprunt supplémentaire sur la période que ces dispositions auront imposés à l’État. Convenez, mesdames, messieurs les députés de l’opposition, que cela fait beaucoup et que l’on peut le juger contestable en termes d’efficacité de politiques publiques.

M. Julien Aubert. Hors sujet !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. J’ai déjà dit que les mêmes qui l’avaient adoptée avaient fini par abolir la déductibilité des intérêts d’emprunt, et ce sont les mêmes qui ont fini par récuser le bouclier fiscal. On pourrait faire l’énumération de toutes les mesures particulièrement coûteuses et non financées, hormis par l’emprunt, que la majorité qui les avaient votées a en définitive abrogées devant l’échec des politiques publiques menées à un tel coût. Nous, nous ne ferons pas cela.

M. Patrick Balkany. Vous êtes encore en campagne électorale !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur Balkany, j’étais certain que l’évocation du bouclier fiscal vous réveillerait et vous amènerait à vous exprimer. Je constate que, de ce point de vue au moins, vous n’avez pas changé.

Quoiqu’il en soit, aucune des mesures proposées dans cette loi de finances rectificative n’est gagée sur l’emprunt ; toutes sont financées par des recettes vérifiées, et je pense qu’elles seront validées par les parlementaires à l’issue des débats ; toutes seront assumées par le Gouvernement qui les présente.

Les mesures proposées sont équilibrées : 53 % d’effort demandé aux ménages, 47 % demandé aux entreprises. Sur ces dernières mesures, le Gouvernement espère naturellement le soutien de la majorité parlementaire, mais il sera intéressant de voir l’attitude de l’opposition, dont j’espère un vote favorable. En effet, le doublement du taux de la taxe sur les transactions financières, qu’est-ce d’autre que garantir le rendement d’une taxe voulue et votée par la majorité précédente, et qui, à l’usage, ne s’avère pas d’un rapport égal à celui qu’avait présenté le précédent gouvernement ? Si nous sommes contraints de doubler le taux de cette taxe, c’est pour garantir le rendement qu’il avait promis devant l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

L’assiette est la même ; le taux va doubler pour que les recettes que nous en retirerons soient celles que la majorité précédente avait voulues. Il serait cohérent que cette majorité vote pour le doublement du taux de la taxe sur les transactions financières, sauf à reconnaître que, là encore, ce vote fut émis sans forcément avoir compris de quoi il retournait.

Je pourrais faire la même remarque concernant la surtaxe à l’impôt sur les sociétés. Qui a inventé cette surtaxe ? La majorité précédente.

M. Claude Goasguen. Bien sûr !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Pourquoi ? Parce que le Gouvernement précédent la lui a proposée. Il ne s’agit pas d’augmenter cette surtaxe.

M. Claude Goasguen. Si !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Non, monsieur Goasguen. Le rapport sera celui qui était prévu, nous proposons seulement au Parlement d’en avancer le calendrier de versement.

S’agit-il d’une différence fondamentale ? Je ne le crois pas : l’assiette est la même ; le taux est le même ; le rendement est le même.

M. Patrick Lemasle. Exactement !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Il s’agit de faire exactement ce que vous aviez voulu faire, à ceci près que nous estimons ce versement indispensable en 2012 quand vous l’aviez prévu en 2013.

M. Claude Goasguen. Donc vous l’augmenterez !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Les débats et les votes sur ce sujet bien particulier nous éclaireront encore une fois sur la cohérence d’une ancienne majorité devenue opposition.

Parmi les autres mesures proposées, la taxe sur les banques est fixée selon l’assiette que vous aviez vous-mêmes définie : l’assiette de risques prudentiels car fondée sur les fonds propres. Cette assiette avait été proposée par le Gouvernement précédent à la majorité précédente, laquelle l’avait acceptée.

M. Julien Aubert. Ça valait le coup de gagner les élections !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Mesdames et messieurs les députés de l’opposition, allez-vous voter pour cette surtaxe demandée au secteur bancaire et financier, dans la mesure où il peut paraître légitime que tous contribuent au redressement de nos finances publiques. L’État a su être présent lorsque les banques allaient mal. Trouverez-vous choquant, scandaleux, illégitime que l’on demande aux banques d’être à leur tour présentes lorsque l’État a besoin de subsides supplémentaires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Votre vote sera très intéressant en la matière.

Je pourrais faire la même remarque à propos de l’industrie pétrolière. Nous allons demander aux entreprises pétrolières de contribuer davantage au rétablissement des comptes du pays. L’assiette sera le stock pétrolier dont ces entreprises peuvent disposer. Voterez-vous ou pas pour…

M. Julien Aubert. La rigueur !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …cette sollicitation supplémentaire que nous nous apprêtons à adresser au secteur pétrolier étant entendu que, quels que soient les bancs, nous savons tous ici ce qu’est la contribution au titre de l’impôt sur les sociétés d’une entreprise comme Total. C’est un chiffre facile à retenir : Total ne paie pas d’impôt sur les sociétés. Nous estimons donc qu’il n’est pas illégitime de demander à Total de contribuer cette année au rétablissement des comptes publics (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

À cet égard, l’attitude de l’opposition sera intéressante : voterez-vous ou non pour cette taxe ? Il s’agit de respecter la parole de la France que vous avez contribué à donner et de demander au secteur pétrolier de participer à cet effort. Estimerez-vous que cet effort – entre 500 et 600 millions d’euros – doit être demandé à d’autres que le secteur pétrolier ? Il sera alors intéressant de voir à qui vous estimez qu’il faut demander cette contribution supplémentaire.

M. Julien Aubert et M. Claude Goasguen. Il faut baisser les dépenses !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. S’agissant des ménages, il n’y aura pas de débat idéologique. Cessons de mettre l’idéologie un peu à toutes les sauces. Nous avons probablement des principes d’action publique différents, mais je ne crois pas qu’il s’agisse d’un projet de loi de finances rectificative de nature idéologique. Si vous estimez qu’il l’est, c’est que les mesures qu’il rectifie étaient également de nature idéologique.

Mme Sandrine Mazetier. Très juste !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. En résumé : ou vos mesures l’étaient et on peut admettre le qualificatif que vous employez à l’égard de ce projet de loi de finances rectificative, ou elles ne l’étaient pas et le fait d’y revenir ne l’est pas davantage. Nous ne serions pas plus idéologues que vous le fûtes bien peu.

M. Julien Aubert. Jésuite !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Les débats nous éclaireront. Quoi qu’il en soit, Pierre Moscovici l’a parfaitement démontré, quoi de surprenant à ce que cette nouvelle majorité décide de revenir sur les politiques publiques en faveur des heures supplémentaires ? Déjà à l’époque, en juillet 2007, nous dénoncions cette mesure.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Absolument ! Nous n’avons pas cessé de le faire !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Pendant cinq ans, nous avons estimé que cette mesure était inefficace au regard des objectifs mêmes qu’elle devait atteindre. Puis-je vous rappeler que cette mesure n’était pas destinée à soutenir le pouvoir d’achat ? Relisez les comptes rendus de juillet 2007 : cette mesure était destinée à lutter contre le chômage puisque, souvenez-vous, le travail devait appeler le travail.

Au bout de cinq ans, un rapport parlementaire transpartisan, rédigé par nos collègues Jean Mallot et Jean-Pierre Gorges et adopté par la commission des finances sans poser le moindre problème, a montré, sans discussion possible, que cette mesure n’a pas accru le nombre d’heures supplémentaires travaillées.

M. Charles de Courson. Sauf dans la fonction publique !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Certains ont profité d’un effet d’aubaine, tant mieux pour eux ! Cette mesure a probablement répondu à une nécessité pour les petites entreprises de moins de vingt salariés. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Ollier. Neuf millions de personnes concernées !

M. le président. Laissez le ministre s’exprimer, s’il vous plaît.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Votre collègue Jean-Pierre Gorges répondra comme il l’entendra. Nous convenons parfaitement que cette disposition répond à une forme de nécessité pour les petites entreprises. C’est la raison pour laquelle un abattement forfaitaire de 1,50 euro par heure travaillée est maintenu pour ce type d’entreprise. Nous connaissons parfaitement la situation de ces petites et moyennes entreprises qui d’ailleurs, au cours des dernières années et sous l’empire de votre gestion, ont souffert au-delà du raisonnable. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Rien de bien surprenant donc dans ce projet et nous assumerons cette différence que nous avons déjà parfaitement assumée durant les cinq dernières années.

Nous débattrons aussi de la « surtaxe ISF » et j’ai vu les arguments avancés sur le sujet par les uns et les autres. Quoi de surprenant à ce que nous tentions de revenir sur la réforme de l’ISF que vous aviez vous-même voulue ? Quoi de surprenant à ce que nous tentions de gommer l’effet déplorable pour nos finances publiques de l’application du bouclier fiscal cette année encore ?

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Nous n’avons pas cessé de le dénoncer !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. En dépit du fait que vous déclariez l’avoir supprimé, le bouclier fiscal coûte encore cette année la bagatelle de 730 millions d’euros à nos finances publiques. Nous tentons donc de revenir sur cette réforme et sur ce coût. Seuls ceux qui n’ont pas suivi les débats parlementaires de la précédente mandature pourraient être surpris de l’attitude de ce Gouvernement et de cette nouvelle majorité parlementaire.

Au demeurant, chacun a pu noter le calendrier très étrange dans lequel se sont inscrites les réformes effectuées l’année dernière par l’ancien gouvernement et l’ancienne majorité. Là encore, ceux qui siégeaient sur ces bancs en gardent le souvenir très vif. Quelques semaines avant que les plans Fillon I puis Fillon II ne soient adoptés, c’est-à-dire avant que les impôts ne soient augmentés pour tous, l’ancienne majorité avait décidé de diviser par deux le rendement de l’impôt sur la fortune, n’osant supprimer cet impôt contre lequel certains de ses membres protestent pourtant de manière véhémente depuis tant d’années.

L’ancienne majorité n’avait pas osé supprimer l’impôt sur la fortune mais elle en avait benoîtement réduit les recettes de près de moitié, soit deux milliards d’euros. Pour compenser cette baisse de recette, elle avait accessoirement sollicité les classes moyennes : les droits de partage ont été augmentés dans des proportions considérables, passant de 1,1 % à 2,5 %. Vous qui vous plaignez de l’augmentation des taxes, convenez que celle-là était importante.

En résumé, l’année dernière, l’ancienne majorité avait réduit le rendement de l’ISF pour ensuite augmenter les impôts de tout le monde : hausse du taux normal de TVA, non-indexation du barème de l’impôt sur le revenu, augmentation de la CSG pour les seuls salariés. Cette année, les salariés de ce pays paient 600 millions d’euros de plus en raison de l’augmentation de la CSG que vous avez adoptée, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, quand vous étiez majoritaires.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’année prochaine, ce sera mieux !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je pourrais multiplier les exemples. Après tout, il fallait bien arriver à compenser les dépenses tout à fait inconsidérées que vous aviez entreprises. Celles-ci étaient inconsidérées car inefficaces en termes de politiques publiques et car non financées hélas autrement que par l’emprunt.

Cette pratique est révolue, comme le prouvent les trois mesures adoptées depuis que les Français ont décidé de corriger le cours démocratique de notre pays et qui ont toutes été financées.

S’agissant de l’augmentation du SMIC, l’État assumera un coût de 100 millions d’euros grâce au gel des dépenses, les collectivités territoriales et le secteur hospitalier assumant leur part grâce à des efforts de gestion et à des économies. Ces mesures sont financées et leur coût global atteint moins de 500 millions d’euros en année pleine, contrairement à ce qu’ont pu annoncer certains qui faisaient autorité en la matière jusqu’à présent et dont je suis sûr qu’ils referont autorité quand ils reprendront complètement leurs esprits. (Sourires sur quelques bancs du groupe SRC.)

La mesure concernant les carrières longues est également financée. On peut reprocher au Gouvernement actuel d’augmenter par exemple le coût du travail avec cette cotisation de 0,1 point sur les cotisations patronales et de 0,1 point sur les cotisations des salariés, mais on ne peut certainement pas lui reprocher de ne pas financer ces mesures et de recourir à l’emprunt comme ceux qui aujourd’hui nous donnent quelques leçons l’ont fait pendant pratiquement cinq années d’affilée.

Quant à l’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire, elle est également financée non par l’emprunt mais par une recette correspondant à son coût.

Venons-en à ce qui est la principale mesure de ce projet de loi concernant les ménages : l’abrogation de la hausse de la TVA qui avait été décidée par l’ancienne majorité. À cet égard et pour la qualité des débats, peut-être pourrions-nous nous entendre sur les termes. S’agissait-il d’une augmentation des prélèvements obligatoires ? Non, évidemment, puisque cette augmentation de la TVA n’était que la contrepartie d’une baisse des charges sur les entreprises.

Les prélèvements obligatoires, eux, n’augmentaient pas. Derrière cette neutralité, y avait-il une augmentation des impôts pour les consommateurs, c’est-à-dire pour les ménages ?

M. Patrick Lemasle. Oui !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Oui, évidemment et prétendre le contraire est absurde !

Tout à l’heure, j’ai vu certains députés de l’opposition protester quand Pierre Moscovici a indiqué qu’en revenant sur cette disposition nous rendions entre 11 et 12 milliards d’euros aux consommateurs de ce pays. La vérité est pourtant bien celle-là ! Prétendre que les consommateurs n’auraient pas payé cette hausse de la TVA supposerait une opération relevant de la magie et certainement pas des finances publiques : qui alors paierait à la place des entreprises qui auraient reçu un cadeau de 13 milliards d’euros pour baisser le coût du travail ? Dès lors que les entreprises ne paient plus ces financements destinés à la protection sociale et qui devaient néanmoins être garantis, il faut bien que d’autres paient.

Le Gouvernement ne s’inscrit pas dans la politique que vous aviez décidée. Je comprends votre position, comprenez aussi la nôtre qui n’est pas surprenante : nous refusons, en ce milieu d’année 2012, de maintenir une disposition qui revenait à amputer le pouvoir d’achat des consommateurs de 11 à 12 milliards d’euros. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR et quelques bancs du groupe écologiste.) La croissance est déjà faible, délicate à maintenir, et nous ne pensons pas qu’amputer le pouvoir d’achat de nos concitoyens de près de 12 milliards d’euros en année pleine était une mesure de bonne politique économique, tant il est vrai que l’augmentation de la TVA frappe tout le monde.

M. Claude Goasguen. Ce n’est pas ce que dit la Cour des comptes.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Certains ont évoqué des chiffres moyens de perte de pouvoir d’achat pour les salariés bénéficiant d’heures supplémentaires et nous en débattrons naturellement en séance.

M. Claude Goasguen. C’est sûr !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. D’ores et déjà, un calcul assez simple permet d’envisager ce qu’aurait été la perte de pouvoir d’achat pour les salariés qui auraient eu à acquitter cette augmentation de TVA de 12 milliards d’euros. Pour 36 millions de foyers fiscaux, la division est assez simple à faire.

Si vous faites le calcul en prenant le nombre de salariés, vous constaterez qu’en supprimant cette disposition relative à la TVA, nous faisons plus que compenser les dispositions qui permettent de revenir sur celles que vous aviez adoptées et relatives aux heures supplémentaires…

M. Jean-François Lamour. Vous n’avez absolument pas répondu au problème de la dette !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …à ceci près que notre mesure concerne tous les Français quand les vôtres ne s’adressaient qu’à moins de 40 % des salariés, lesquels d’ailleurs continueront bien sûr à faire des heures supplémentaires dès lors que les entreprises qui les emploient en décideraient ainsi.

M. Claude Goasguen. Ou l’État !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Ce projet de loi de finances rectificative, mesdames et messieurs les députés, s’inscrit dans une tradition. Personne ne peut être choqué que nous nous retrouvions en plein mois de juillet pour en débattre. Cette tradition rejoint une réalité, une nécessité diraient certains : respecter la parole de la France. À politiques publiques inchangées, la France ne pourrait respecter sa parole et il est hors de question qu’elle se déjuge comme en 2007, ce qui fut suffisamment pénible pour la grandeur de notre pays.

Il faut donc demander à nos concitoyens un effort supplémentaire. Peut-être consentiront-ils cet effort sinon volontiers en tout cas sans trop s’indigner dès lors qu’ils auront la preuve que la dépense publique est parfaitement maîtrisée. Nous leur en apporterons la preuve puisque non seulement nous respectons les plafonds de dépenses – le cas échéant réduits – décidés par la précédente majorité mais, de surcroît, nous avons gelé 1,5 milliard d’euros de dépenses supplémentaires pour faire face à toute dépense imprévue.

Mesdames et messieurs les députés, c’est précisément parce que le déficit public constaté en fin d’année sera bien de 4,5 %, parce que la France honorera sa parole – ce qu’elle n’a pas fait en 2007 – que sa voix portera davantage en Europe, que d’autres politiques européennes pourront être menées et que nous pourrons convaincre des voisins récalcitrants pour des raisons que nous pouvons comprendre au regard de l’imprévoyance de certaines décisions de politique publique passées.

Parce que nous aurons respecté cet objectif, parce que la parole de la France aura été tenue, je crois qu’une nouvelle politique européenne prendra son cours de manière plus assurée, permettant aux pays de la zone euro et évidemment à la France de renouer avec sa prospérité et à nos concitoyens de retrouver l’espérance et la certitude qu’un destin est assuré à leurs enfants. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, GDR et RRDP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général de la commission des finances, madame et monsieur les rapporteurs pour avis, mesdames et messieurs les députés, le rapport de la Cour des comptes n’aura finalement fait que mettre en lumière ce que nous savions déjà : l’héritage que nous avons aujourd’hui à assumer est fait de dettes, à peine cachées.

On nous a expliqué, au cours des années passées et encore aujourd’hui sur les bancs de l’opposition, que ces 15 milliards de déficit de la Sécurité sociale, et même 19 milliards en intégrant le Fonds de solidarité vieillesse ; que ce déficit de l’ensemble des branches de la Sécurité sociale, alors qu’on nous avait annoncé le rétablissement des comptes de la branche vieillesse ; que ces ponctions sur le FSV ; bref, que cette lourde dette résultait de la crise. Mais les chiffres sont implacables. Ils montrent que ce sont en réalité des choix stratégiques qui ont mené la Sécurité sociale vers un déficit sans cesse croissant, qui avait commencé avant même que la crise n’éclate.

Expliquer aujourd’hui que cette dette est celle de la crise est à la fois une hypocrisie et un mensonge. Nous avons aujourd’hui malheureusement à faire face à un déficit structurel, politique. Nous ne le pourrons qu’en mettant en place des politiques elles-mêmes structurelles. Dès ce projet de loi de finances rectificative, nous devons amorcer un changement de politique qui permette d’inscrire les comptes de la Sécurité sociale dans la voie du rétablissement.

Ce rétablissement, ainsi que cela a été dit par les deux ministres qui m’ont précédée, ne résulte pas d’une espèce d’obsession de l’équilibre budgétaire ou de l’état des comptes. Mais si nous voulons maintenir notre haut niveau de protection sociale, si nous voulons pérenniser un modèle social qui est appelé à répondre à des besoins croissants, si nous voulons continuer à répondre à l’exigence de justice qui existe dans notre pays, alors nous devons faire en sorte de garantir des ressources stables et pérennes à notre politique de protection sociale.

Cette exigence de justice, nous l’avons. En matière de protection sociale, nous avons d’emblée renoué avec la volonté d’apporter davantage à celles et ceux qui ont besoin d’être accompagnés et soutenus. Le quinquennat s’est ouvert en permettant à nouveau à celles et ceux qui ont commencé à travailler jeunes, dans un certain nombre de conditions, de prendre leur retraite à 60 ans.

C’est une exigence de justice que de reconnaître ainsi le travail commencé tôt. C’en est une également que d’augmenter de 25 % l’allocation de rentrée scolaire que 3 millions de nos concitoyens vont percevoir dès la fin du mois d’août, ce qui constitue une avancée significative pour des familles modestes.

Nous avons la volonté de garantir la justice des prestations, ce qui suppose évidemment de garantir celle des contributions. Je suis étonnée d’entendre, venant des bancs de la droite, des injonctions à engager le rétablissement structurel des comptes, qui sont partis à vau-l’eau ces dernières années. En effet, jamais les prélèvements pesant sur le seul travail n’auront été aussi importants que les années passées. La politique de la droite aura été de multiplier les niches sociales, de concentrer sur les seuls revenus du travail, entendus au sens le plus étroit, l’ensemble des prélèvements de la protection sociale. Sont restés à l’écart les revenus du capital et ceux qui viennent en complément du salaire, comme la participation ou l’intéressement, qui ont plus que doublé au cours des dix dernières années alors que la masse salariale n’a augmenté que de 40 %.

Il y a donc une contradiction criante à expliquer sans cesse que nous devions, au nom de la compétitivité, alléger les prélèvements pesant sur le travail tout en mettant en place une politique d’exonération des revenus autres que ceux du travail (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

C’est de cette volonté de renouer avec plus de justice et de bon sens que résultent les mesures concernant par exemple la fin, je n’y reviens pas, de la TVA dite sociale, les prélèvements sociaux sur le capital, la fin des exonérations sur les heures supplémentaires et le relèvement à 20 % du forfait social – autant d’exonérations qui ont pesé lourd, très lourd au cours des dernières années dans le déficit de la Sécurité sociale.

Pour ce qui est du forfait social, j’insiste sur le fait que le Gouvernement a décidé de maintenir à 8 % le prélèvement sur la contribution des employeurs à la prévoyance, d’abord parce que cela constitue un instrument de justice et d’égalité entre les salariés et ensuite parce qu’il paraît nécessaire d’engager une réflexion plus large sur la nature des contrats de complémentaire santé et de prévoyance. Le système de taxation de ces contrats doit nous permettre d’inciter les organismes de prévoyance et complémentaires à proposer des offres responsables, qui favorisent le retour à l’équilibre de l’assurance maladie et qui encouragent des pratiques médicales plus vertueuses. Je pense notamment à la nécessité de lutter contre les dépassements d’honoraires, qui passe aussi par l’évolution de la manière dont ces dépassements sont pris en charge dans les contrats.

J’insiste sur le fait que les mesures qui sont présentées aujourd’hui constituent un changement structurel important de notre protection sociale. En effet, contrairement à ce que j’entends parfois, le mode de financement de la protection sociale est évidemment un des éléments forts de notre politique, même si, nous aurons l’occasion de le voir lors du débat sur la loi de financement de la protection sociale à l’automne, nous devrons aussi engager des économies abandonnées au cours des dernières années.

Au-delà des mesures prises aujourd’hui, il nous faudra, et ce sera le travail des prochains mois, réfléchir à la façon de financer les politiques de protection sociale d’une manière à la fois juste et pérenne. Je tiens à dire de la manière la plus solennelle qu’il n’est pas question, contrairement à ce que j’entends parfois, d’envisager une augmentation de la CSG pour combler le déficit abyssal de la sécurité sociale, résultat de la politique incohérente et inconséquente de ces dernières années. Nous abandonnons l’augmentation de la TVA qui devait financer la protection sociale. Nous n’userons pas de mesures de cavalerie, de colmatage face à un déficit qui appelle des mesures structurelles, inscrites dans la durée. De telles mesures supposent une concertation avec les partenaires sociaux. Elle aura lieu dans le cadre du Haut conseil du financement de la protection sociale, dont nous allons faire un lieu de débat et d’échange alors que cette structure que vous avez créée ne s’est jamais réunie sous le précédent mandat, et que la TVA sociale a été décidée sans même que ses membres aient été invités à donner leur avis.

Enfin, au-delà du financement de la protection sociale, ce projet de loi prévoit d’annuler le droit de timbre qui avait été imposé par le précédent gouvernement pour entrer dans le dispositif de l’aide médicale d’État (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.). C’est une mesure absolument nécessaire, une exigence de santé publique. Je ne reviens pas sur les mots d’une violence inouïe que j’ai pu entendre dans la bouche de certains des membres de l’opposition, comme si certaines personnes avaient le droit d’être soignées et d’autres pas.

Mme Marie-Christine Dalloz et M. Julien Aubert. Vos propos sont scandaleux !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je ne reviens pas sur les propos d’un autre âge que j’ai entendus concernant l’aide médicale d’État, et qui ne s’expliquent que par une idéologie de l’exclusion, de l’affrontement (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Ollier. Caricature !

Mme Marisol Touraine, ministre. Je vous renvoie au rapport conjoint de l’IGS et de l’IGAS qui avait conclu à la nécessité absolue de ne pas remettre en cause la gratuité de l’entrée dans le dispositif. Pour le faire, vous avez dû vous livrer à des contorsions inimaginables puisque vous ne pouviez trouver dans les rapports que vous aviez vous-mêmes commandés aucune justification, aucun argument, aucun élément allant dans votre sens.

M. Patrick Ollier. Vous ne connaissez pas les chiffres, madame la ministre !

Mme Marisol Touraine, ministre. Le résultat, c’est que les médecins, libéraux ou hospitaliers, ont condamné unanimement votre position (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Au lieu de crier, vous feriez mieux d’écouter les médecins, les hôpitaux qui ont pris la décision de payer le droit de timbre à la place de leurs patients ! (Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Claude Goasguen. Les chiffres ! C’est 180 millions !

Mme Marisol Touraine, ministre. Qu’il en faut peu, mesdames et messieurs de l’opposition, pour vous énerver ! Franchement, vous devriez avoir honte de votre attitude car vous savez bien que la question n’est pas financière. C’est un enjeu de santé publique. Si les médecins se sont prononcés contre votre dispositif, c’est parce que tout le monde sait que des hommes et des femmes soignés en retard sont mal soignés et coûtent plus cher à la Sécurité sociale, que ces hommes et ces femmes à qui vous refusiez des soins…

M. Patrick Ollier et Mme Marie-Christine Dalloz. C’est faux !

Mme Marisol Touraine, ministre. …sont contagieux et peuvent représenter une menace de santé publique pour notre pays. C’est la raison pour laquelle, de façon assumée et comme nous nous y étions engagés, nous avons décidé de réinstaurer la gratuité pour les personnes qui ont besoin d’entrer dans le dispositif de l’aide médicale d’État (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Ce faisant, nous renouons avec une conception ouverte et rassembleuse…

M. Julien Aubert. Laxiste !

Mme Marisol Touraine, ministre. … de notre modèle social. C’est tout l’esprit dans lequel nous entendons travailler. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

(Mme Sandrine Mazetier remplace M. Claude Bartolone au fauteuil de la présidence.)

Présidence de Mme Sandrine Mazetier,
vice-présidente

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame et monsieur les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, beaucoup de choses ont déjà été dites. Pour le reste, on parlera certainement beaucoup de telle mesure, ou de telle date d’entrée en vigueur. Mais sachez surtout que le premier article du premier projet de loi de finances rectificative de ce gouvernement consiste à rendre plus de dix milliards d’euros de pouvoir d’achat aux Français (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Oui, le débat sur le pouvoir d’achat est légitime, mais le funeste et injuste projet de TVA sociale sera détruit par le premier geste, le premier vote de cette législature (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Ce projet de loi d’urgence vise, cela a été dit, à faire face à des moins-values de recettes importantes, à des dérapages en termes de dépenses. Vous me direz que c’est toujours le cas mais, quoi qu’il en soit, notre but est d’atteindre l’objectif d’un déficit public de 4,5 % du PIB à la fin de l’année 2012, et de 3 % à la fin de l’année 2013. Ce projet de loi engage le rééquilibrage de notre système fiscal en mettant à contribution les ménages les plus aisés et les grandes entreprises.

Ce projet de loi renforce aussi – cela n’a pas été dit – les moyens de l’enseignement scolaire, et ce dès la rentrée du mois de septembre prochain.

M. Claude Goasguen. C’est faux !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Comment cela, « c’est faux » ? Vous n’avez pas lu le projet ! On y reviendra !

J’en viens aux moins-values de recettes. L’objectif est bien de revenir à un déficit de 4,5 % du PIB. Dans son rapport, la Cour des comptes a mis en lumière la situation et les perspectives des finances publiques. Le Gouvernement – il faut le saluer – a retenu des évaluations prudentes, dans la moyenne des prévisions de croissance pour l’année 2012 ; il a retenu un taux de 0,3 %.

Le texte prévoit des moins-values de recettes fiscales d’un montant total de 5,8 milliards d’euros : 3,8 milliards pour l’impôt sur les sociétés ; 1,4 milliard pour la TVA ; 1 milliard du fait – cela a déjà été dit mais nous y reviendrons – de la condamnation de l’État dans divers contentieux.

Cela aurait dû être anticipé. Le président de la Cour des comptes a bien indiqué devant la commission des finances que la moins-value de recettes sur l’impôt sur les sociétés était prévisible. De même, le contentieux dit « OPCVM » n’a pas été anticipé, et son existence n’a jamais été révélée au Parlement, comme nous l’avons vérifié la semaine dernière.

Sur l’ensemble des administrations publiques, les moins-values par rapport aux prévisions sont estimées à 7,1 milliards d’euros. Outre les moins-values enregistrées par l’État, il y a un milliard d’euros de moins-value sur les droits de mutation à titre onéreux perçus par les collectivités territoriales, qui avaient manifestement été surévalués, et un milliard d’euros de moins-value pour la Sécurité sociale, en raison d’une croissance moindre et d’une élasticité moins élevée que prévue.

S’agissant des dépenses, il nous faut, mes chers collègues, gérer l’héritage du passé et redéployer les moyens pour l’avenir. La Cour des comptes estime que, sur dix-sept des trente-deux missions du budget général, les risques de dérapage pourraient représenter jusqu’à deux milliards d’euros.

Ces risques résultent d’une mauvaise budgétisation initiale. Vous me direz que les mauvaises budgétisations sont récurrentes depuis plusieurs années. Elles concernent la masse salariale, les OPEX, le financement de la prime de Noël, les aides personnelles au logement, les dépenses en faveur des agriculteurs, les allocations de solidarité, l’allocation temporaire d’urgence, les frais de justice. Bref, deux milliards de dépenses supplémentaires non budgétisées !

Pour y faire face, le Gouvernement propose – c’est un acte courageux – un « surgel » des crédits de 1,5 milliard d’euros afin de pouvoir ajuster, en gestion et selon les besoins réels, le paiement de ces dépenses.

Ce budget, je l’ai dit, permet aussi de se tourner vers l’avenir.

Tout le monde a pu constater que les taux d’intérêt étaient très bas au cours du premier semestre : 0,1 % en moyenne. Malgré l’augmentation de 700 millions de la charge de la dette indexée, l’économie nette est de 700 millions d’euros. Elle ne sera pas recyclée pour financer de nouvelles dépenses, elle sera intégralement consacrée à la réduction de la dette.

De plus, comme je l’ai évoqué, des mesures sont prises – si vous daigniez lire le projet de loi, monsieur Goasguen… – pour l’éducation nationale, qui s’appliqueront dès la prochaine rentrée : création de 17 150 postes supplémentaires, dont 1 000 postes de professeurs des écoles, 50 postes de professeurs dans l’enseignement technique agricole, 100 postes de conseillers principaux d’éducation, 1 500 postes d’auxiliaires de vie scolaire,…

M. Claude Goasguen. Et sur le plan qualitatif ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. …2 000 postes d’assistants d’éducation, 500 postes d’assistants de prévention et 12 000 contrats aidés.Eh bien, mes chers collègues, ces mesures prises pour le mois de septembre 2012 sont intégralement financées sans recours à l’emprunt, grâce au redéploiement de près de 90 millions d’euros de crédits. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Claude Goasguen. Pour rien !

M. Christian Eckert, rapporteur général. De même, l’État a décidé la mise en place de décharges provisoires de service dont bénéficieraient les enseignants stagiaires pour suivre, dans l’année, trente-six journées d’une formation…

M. Yves Durand. Enfin !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …qui, si elle est indispensable, n’en fait pas moins cruellement défaut aujourd’hui, à la suite de vos décisions, chers collègues de la majorité.

J’en viens, mes chers collègues, au volet fiscal. Pour compenser les moins-values de recettes et permettre d’atteindre l’objectif de déficit public, des mesures doivent être prises, dont le rendement doit être d’environ 7,2 milliards d’euros en 2012.

Pour y parvenir, le Gouvernement nous propose d’engager le rééquilibrage du système fiscal. Ainsi, 45 % des recettes supplémentaires du collectif proviennent de prélèvements sur le capital et ses revenus, en particulier l’ISF et les droits perçus sur les donations et successions les plus importantes, 22 % proviennent de remises en cause de niches dont bénéficiaient des entreprises. Vous aurez noté, mes chers collègues, qu’un certain nombre d’articles du projet de loi – un peu techniques, je vous le concède – visent à lutter contre les abus commis par certaines entreprises en matière d’optimisation fiscale. En outre, 18 % proviennent d’impositions exceptionnelles sur les banques et les entreprises pétrolières. Enfin, une part des recettes sont liées à la question des heures supplémentaires ; j’y reviendrai à la fin de mon propos.

Il ne s’agit que d’une première étape du rééquilibrage. Elle doit nous permettre d’atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés pour l’année 2012.

Nous devrons, monsieur le ministre délégué, poursuivre ce travail en loi de finances initiales pour l’année 2013, avec la réforme générale de l’imposition des revenus que vous avez annoncée, qui consistera à imposer les revenus du capital au barème et à refondre ledit barème avec la création de nouvelles tranches pour les revenus les plus élevés. Tel est l’un des objectifs du projet de loi de finances pour l’année 2013 à la préparation duquel vous vous êtes déjà attelé.

Il nous faudra aussi, monsieur le ministre délégué, revenir sur la trop faible imposition des bénéfices des grandes entreprises qui est, en grande partie, le fruit de la déductibilité illimitée des intérêts d’emprunt. Il semble d’ailleurs que cette exigence est – ou, du moins, a été – l’objet d’un consensus politique.

Enfin, comme un certain nombre de membres de la commission des finances, je souhaite que nous réexaminions les conditions de la TVA applicable à la restauration. Elle nous fait perdre, tous les ans, trois milliards d’euros de recettes fiscales. Or, c’est le moins que l’on puisse dire, cette TVA réduite n’a pas fait la preuve de son efficacité. Revenir sur cette mesure pourrait permettre au moins partiellement de revenir sur la fiscalisation des indemnités journalières perçues par les victimes d’accident du travail.

Ce projet de loi réaffirme la crédibilité et la volonté de ce gouvernement. La crédibilité, parce que, grâce aux nouvelles mesures fiscales, l’objectif fixé pour l’année 2012 est crédible, parce qu’aucune mesure nouvelle n’est financée par accroissement de la dette, contrairement, chers collègues de l’opposition, à ce que vous aviez fait en 2002 et en 2007 et, Jérôme Cahuzac y est longuement revenu, parce que la dépense est maîtrisée. Après des années de dégradation, le solde structurel s’améliore enfin, nous inversons la vapeur grâce à des mesures structurelles qui compensent des moins-values conjoncturelles.

Je veux enfin revenir sur les enrichissements du texte que l’on doit à la commission, malgré des conditions difficiles, avec des délais serrés et une séance extrêmement longue mercredi dernier, en fin de journée. La commission des finances a souhaité moduler certains éléments du dispositif : en consolidant l’assiette de la nouvelle imposition sur les dividendes, notamment au sein des groupes ; en revenant conformément à un engagement du Président de la République que nous vous proposons donc de tenir dès cette loi de finances rectificative, sur l’augmentation de la TVA applicable à la billetterie du spectacle vivant ; en doublant, pour l’avenir, et pas seulement pour l’année 2012, le taux de la taxe sur les risques systémiques des banques ; en confortant le mécanisme et le produit de la contribution exceptionnelle sur les stocks de produits pétroliers, et l’assujettissement des revenus immobiliers à l’ensemble des contributions et prélèvements sociaux. Notre commission, dont j’espère qu’elle sera suivie par le Gouvernement, a réglé quelques difficultés qui auraient pu naître de deux des dispositifs anti-abus prévus par le projet. Enfin, elle a proposé d’anticiper l’entrée en vigueur de la hausse du forfait social et, surtout, des prélèvements sur les stocks options et les distributions d’actions gratuites, afin d’éviter tout risque d’optimisation fiscale.

Je reviens à la question des heures supplémentaires et de la suppression de leur exonération de cotisations sociales et de leur défiscalisation. Le Gouvernement avait fait un choix cohérent : il consistait à renvoyer toutes les mesures concernant l’impôt sur le revenu à la loi de finances initiale pour 2013. Ainsi, ce collectif prévoyait de mettre fin, en très grande partie, au dispositif d’exonération de contributions sociales des heures supplémentaires, sans remettre en cause leur défiscalisation.

Une autre cohérence était possible. C’est la solution que j’ai proposée et que la commission des finances a finalement retenue. Il s’agit de traiter, d’un seul tenant, dans ce projet de loi de finances rectificative, l’ensemble de la question des heures supplémentaires. C’est ainsi que la commission a retenu un mien amendement qui a pour objet de mettre fin à la défiscalisation des heures supplémentaires effectuées en 2012.

Un débat s’est tenu sur la question de savoir s’il devait s’appliquer à compter du 1er janvier, à compter du 1er septembre ou à compter de l’année 2013. Mes chers collègues, chaque fois que des mesures sont prises en matière d’imposition du revenu, elles sont prises en loi de finances initiale, c’est-à-dire à la fin de l’année en cours, et elles portent sur l’ensemble des revenus perçus au cours de l’année en cours. Il n’eût pas été anticonstitutionnel ni inhabituel de prendre une mesure qui s’appliquerait aux heures supplémentaires effectuées à compter du 1er janvier dernier.

Cependant, par souci d’équilibre et en raison de propos selon lesquels un certain nombre de salariés auraient, au début de l’année, fait des heures supplémentaires uniquement parce qu’elles étaient défiscalisées, le Gouvernement accueillera, je crois, avec sympathie, l’amendement de votre rapporteur, adopté par la commission, qui tend à ne revenir sur la défiscalisation qu’à compter du milieu de l’année. Il restera à déterminer si l’on retient la date du 1er juillet ou celle du 1er août,…

M. Christian Jacob. Il ne faut pas le faire du tout !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …cela n’aura finalement qu’assez peu d’importance au regard de la problématique traitée. Du moins aurons-nous eu ce débat et, comme l’a indiqué le ministre délégué Jérôme Cahuzac tout à l’heure, il n’est pas question d’interdire les heures supplémentaires. Les déplafonnements, les annualisations, les modifications du droit du travail restent en vigueur ; la souplesse du marché du travail n’est donc pas en question. Il n’est pas non plus question de revenir sur la majoration des heures supplémentaires pour les salariés ; obligatoire et codifiée, elle est maintenue. Ce qui compte, mes chers collègues, c’est que, depuis l’adoption de la loi TEPA, cinq milliards d’argent public étaient mobilisés en faveur des heures supplémentaires. Or, à l’heure où les plans sociaux s’accumulent et alors que la situation de l’emploi est désastreuse, l’argent public a vocation à servir à autre chose qu’à encourager ceux qui travaillent à travailler plus tandis qu’on laisserait sur le côté ceux qui n’ont pas d’emploi.

Mes chers collègues, cette majorité assume un choix que les Français ont validé au travers des élections présidentielles et législatives. Les grands groupes ne pourront plus, comme l’a fait Arcelor-Mittal, financer aux frais de l’État du chômage partiel à Florange, et dans le même temps bénéficier de la défiscalisation et de l’exonération de charges sociales des heures supplémentaires à Dunkerque et à Fos-sur-Mer. Ceci est terminé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Vous voyez que cette majorité est prudente dans ses prévisions budgétaires, réaliste dans les corrections qu’elle apporte, et juste par les décisions qu’elle vous propose. C’est pourquoi, au nom de la commission des finances, je vous demande d’approuver ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Martine Faure, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

Mme Martine Faure, rapporteure pour avis de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. C’est avec une grande satisfaction que je vous présente le volet du projet de loi de finances rectificative portant sur l’enseignement scolaire, dont la commission des affaires culturelles et de l’éducation s’est saisie pour avis.

Mon propos portera essentiellement sur les mesures d’urgence pour la rentrée scolaire que ce projet permet de mettre en œuvre. À quelques semaines de la rentrée scolaire, le collectif budgétaire donne un signal important et prouve la force des convictions affichées par le gouvernement : l’école redevient la priorité de l’action publique. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Étienne Blanc. Ouf !

Mme Martine Faure, rapporteure pour avis. Certes, ce collectif budgétaire ne peut que rectifier le budget initial pour 2012, qui a été très mal engagé pour l’école, et non le modifier en profondeur. Cette étape reste cependant essentielle, car elle préfigure les objectifs et les ambitions de la refondation de l’école annoncée par le Président de la République, le Premier ministre, et monsieur le ministre de l’éducation nationale.

Quelques éléments de contexte : de 2008 à 2012, l’éducation nationale a été la victime d’une politique purement quantitative de réduction de postes. Au total, plus de 70 000 suppressions ont été opérées. Mais cette stratégie n’a jamais été mise en cohérence avec une politique éducative claire, ou avec une analyse des besoins réels d’accompagnement des élèves.

En effet, de nombreuses contradictions ont marqué ces cinq dernières années. D’un côté, l’approche dominante a été mécanique et comptable ; de l’autre, la promesse d’individualiser l’enseignement a été sans cesse renouvelée.

Certes, une aide personnalisée a été mise en place à l’école, un accompagnement éducatif au collège et un accompagnement personnalisé au lycée. Mais, dans le même temps, année après année, le socle de l’offre éducative a subi des attaques incessantes, qui ont nui à sa qualité et à sa continuité.

Je n’en prends qu’un exemple, celui des enseignants de RASED, c’est-à-dire les seuls enseignants qui avaient été spécifiquement formés pour prendre en charge les élèves en grande difficulté : ils ont été massivement éliminés.

En 2010, la masterisation a remplacé la formation initiale des maîtres. Il s’agissait là d’une très belle opération de communication sur la qualification universitaire des professeurs. Sur le principe, nous n’étions pas en désaccord ; mais en réalité, cette opération ne visait qu’à dégager une économie de 14 000 postes.

À partir de 2011, nous avons connu les fameux « leviers d’efficience », 13 au total, utilisés par les rectorats et qui, pour l’essentiel, consistaient à augmenter la taille des classes – y compris dans le primaire –, à priver d’accès à la maternelle les enfants de moins de trois ans, ou encore à réduire les capacités de remplacement des personnels.

Pour finir, l’école a été mise sous tension et en est arrivée à un point critique. Je rappelle que pour 2012, en effet, 14 000 postes ont été supprimés… (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Claude Goasguen. Il n’y a pourtant pas eu de grèves !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Même le privé s’était mis en grève !

Mme Martine Faure, rapporteure pour avis. …ce qui s’est traduit par la suppression dans le primaire de 715 classes et 761 emplois de remplacement. Dans le secondaire, sur un total de 5 600 emplois supprimés, 618 l’ont été au collège, 1 052 dans les lycées et 3 376 dans les lycées professionnels. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Censi. Pour combien d’élèves en moins ?

Mme Martine Faure, rapporteure pour avis. Représentant 89 millions d’euros de crédits supplémentaires, les mesures d’urgence contenues dans le projet de loi de finances rectificative arrivent à point nommé pour corriger une trajectoire néfaste et enclencher une dynamique, celle de la refondation. Elles se traduisent par de nouveaux moyens en personnel qui ont pour but d’atténuer les effets les plus graves constatés par mes collègues et contestés sur le terrain.

Permettez-moi de vous les redire brièvement : une première mesure est le recrutement de mille professeurs des écoles supplémentaires dans l’enseignement public. 17 millions d’euros ont été budgétés à cet effet.

M. Claude Goasguen. À quel niveau de recrutement ?

Mme Martine Faure, rapporteure pour avis. La répartition de ces emplois permettra d’ouvrir des classes, ou d’éviter les fermetures de classes initialement prévues. 271 emplois seront ainsi consacrés à améliorer l’accueil des élèves dans les zones rurales, et 165 en zone d’éducation prioritaire. En outre, 181 emplois sont prévus pour les remplacements et 97 pour les RASED.

Le recrutement de 50 professeurs pour l’enseignement technique agricole, 760 000 euros étant budgétés à cet effet, constitue une deuxième mesure.

Enfin, une troisième mesure consiste dans le recrutement de 100 conseillers principaux d’éducation et de 16 000 personnels éducatifs contractuels, pour améliorer la sérénité et la sécurité des établissements. Seront ainsi recrutés 2 000 assistants d’éducation, 500 assistants chargés de la prévention et de la sécurité – en complément du travail effectué par les équipes mobiles de sécurité –, 1 500 auxiliaires de vie scolaire chargés de l’accompagnement individuel des élèves handicapés et 12 000 contrats uniques d’insertion, créés en 2010 et sur lesquels on recrute les emplois de vie scolaire. Au total, un peu plus de 54 millions d’euros en crédits de paiement sont prévus pour financer le recrutement de ces personnels.

S’y ajoute le recrutement de 280 professeurs certifiés, qui ne correspond pas à de nouveaux emplois, mais à des besoins non couverts.

Le collectif budgétaire comprend aussi des mesures de nature très diverse que je qualifierai, dans certains cas, de correctives.

Il comprend des mesures d’aménagement de service pour faciliter l’entrée des professeurs dans le métier. Ainsi, trois heures de décharge hebdomadaire seront accordées aux professeurs de collège et lycée confrontés à des difficultés insupportables depuis 2010. Ils suivaient en effet une formation complémentaire en plus de leurs obligations réglementaires de service, ce qui alourdissait leur charge de travail alors même qu’ils ne disposaient pas de séquences de cours préparées. D’autre part, 6 000 professeurs d’école bénéficieront, dès la rentrée 2012, d’un réel accompagnement pendant les six premières semaines de l’année.

Autre mesure rectificative : la suppression de la prise en charge des frais de scolarité des enfants scolarisés dans un établissement d’enseignement français à l’étranger. Il s’agit de mettre en œuvre un engagement du Président de la République. Cette mesure de gratuité avait suscité d’innombrables rapports, dont celui, très négatif, de la commission des Finances, qui avait été publié en 2010.

M. Yves Censi. C’est faux !

Plusieurs députés du groupe SRC. Non, c’est vrai !

Mme Martine Faure, rapporteure pour avis. Non, ce n’est pas faux, c’est vrai !

Enfin, deux mesures visent plus ou moins directement à réduire le poids financier de la rentrée scolaire pour les familles : l’augmentation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire, sous condition de ressources, et le rétablissement du taux de 5,5 % de TVA dans le secteur du livre.

Pour conclure, je souhaite que réussisse la grande concertation ouverte le 5 juillet dernier sur la refondation de l’école. Celle-ci devra suivre les trois grandes orientations que le ministre de l’éducation nationale nous a présentées en commission la semaine dernière : accorder la priorité à l’école primaire, reconstruire la formation des maîtres, et réformer les rythmes scolaires.

M. Jean-François Lamour. Ben voyons !

Mme Martine Faure, rapporteure pour avis. En attendant la loi d’orientation et de programmation qui sera présentée à l’automne prochain, redonnons, grâce à ce collectif, de l’espoir à l’école, première promesse de la République.

Bien entendu, notre commission a donné un avis favorable à l’adoption de ce collectif. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.

M. Denys Robiliard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, le changement de majorité entraîne habituellement le dépôt et la discussion au Parlement d’un projet de loi de finances rectificative. Celui qui vous est proposé n’est pas de pur affichage. Il fallait sortir de l’impasse constatée par la Cour des comptes et remédier à l’insuffisance des rentrées fiscales relativement à celles envisagées par la loi de finances pour 2012 votée par la précédente majorité. Il est cependant rare qu’un tel texte contienne autant de dispositions intéressant directement la commission des affaires sociales, à savoir six sur les trente articles que compte le projet, et pour la plupart d’une grande portée.

Rarement le terme « rectificative » aura été aussi pertinent. Trois de ces dispositions reviennent en effet sur des choix contestables de la précédente législature : d’abord le régime des heures supplémentaires établi par la loi TEPA, puis les restrictions apportées en 2011 à l’aide médicale de l’État, enfin, et tout récemment, en pleine campagne électorale, l’instauration de la TVA dite sociale.

Les trois autres articles qui intéressent notre commission se tournent quant à eux vers l’avenir : ils constituent les premiers éléments d’une consolidation du financement de notre sécurité sociale. En effet, l’assujettissement aux contributions sociales des revenus immobiliers de source française des non-résidents, la hausse du taux des contributions sur les stock-options et les attributions gratuites d’actions et la majoration du taux du forfait social constituent autant de nouvelles recettes pérennes, pour l’essentiel au profit de la branche vieillesse.

La première des orientations que le collectif budgétaire s’emploie à rectifier est l’exonération des heures supplémentaires. Dans son rapport d’application de cette disposition-phare de la loi TEPA, le gouvernement précédent avait reconnu, dès janvier 2009, qu’elle était dépourvue d’intérêt économique et même contre-productive : un gain de croissance de 0,15 % du PIB pour un coût s’élevant alors à 0,23 % du PIB, soit, à l’époque, 4,5 milliards d’euros ! 0,15 % d’un côté, 0,23 % de l’autre !

Depuis lors, cette appréciation a été confirmée par de nombreux travaux, ceux du Conseil des prélèvements obligatoires comme ceux du Comité d’évaluation des niches fiscales et sociales ou ceux du Comité d’évaluation des politiques publiques de notre Assemblée, sur le rapport de MM. Jean-Pierre Gorges et Jean Mallot.

La suppression du régime social des heures supplémentaires s’opérera sans dogmatisme, en ce sens que le régime bénéficiant aux entreprises de moins de vingt salariés sera maintenu. La loi TEPA avait porté de 10% à 25% le taux de la majoration des quatre premières heures supplémentaires hebdomadaires dans ces entreprises, qui y recourent proportionnellement davantage. Il en est tenu compte.

Deuxième choix que nous n’acceptons pas tant du point de vue des valeurs de la République que de celui de la santé publique et de ses conséquences économiques : le droit de timbre de 30 euros pour bénéficier de l’aide médicale d’État et l’accord préalable pour les hospitalisations coûteuses, instaurés par la loi de finances pour 2011. Le Président de la République s’était engagé à revenir sur ces dispositions manifestement contraires au principe de solidarité qui anime notre système de protection sociale. En effet, non seulement ces dispositions stigmatisent ouvertement les étrangers et s’attaquent aux plus vulnérables d’entre nous, mais elles vont à l’encontre de ce que doit être une politique de santé publique cohérente et ambitieuse, notamment en matière de lutte contre les maladies contagieuses. En retardant les traitements, les mesures qu’il vous est proposé d’abroger ont aussi pour effet d’augmenter leur coût. Je vous renvoie ici à deux rapports : celui des Inspections des affaires sociales et des finances, qui avait pourtant clairement écarté la création d’un droit de timbre, craignant que cela n’entraîne des renoncements aux soins et des reports de dépenses sur l’hôpital ; et celui de nos collègues Sirugue et Goasguen, qui relevaient la faiblesse de la fraude et démontraient que l’augmentation des crédits consommés au titre de l’aide médicale d’État s’expliquait notamment par leur meilleure mise en recouvrement par les hôpitaux. L’effet inflationniste sur la dépense s’est d’ailleurs immédiatement vérifié puisque les premiers chiffres de 2011 nous montrent que les dépenses d’aide médicale de l’État sont en augmentation de près de 5 % ; mais, dans cet ensemble, les dépenses de soins de ville baissent alors que les soins hospitaliers, financièrement les plus coûteux pour l’assurance maladie, augmentent de 7,2 %. L’agrément préalable avant hospitalisation coûteuse a été, lui aussi, d’effet limité, car il ne concernait qu’une minorité de cas. L’article 29 du projet de loi procède donc à l’abrogation de ces mesures et prévoit la disparition, au 31 décembre, du Fonds national de l’aide médicale d’État.

Troisième et dernière décision sur laquelle revient ce collectif budgétaire : la TVA dite « sociale ». En 2007, le gouvernement de M. Fillon avait eu la sagesse de renoncer à ce projet, qui fut finalement mis en place au début de cette année de façon assez hâtive, mais avec des effets reportés au 1er octobre. Il ne s’agit pas, pour nous, de contester la nécessité d’améliorer la structure du financement de notre protection sociale. Toutefois, la mesure adoptée par la précédente majorité est contestable à un double titre. Elle l’est d’abord dans ses bénéfices escomptés pour l’économie. La baisse des charges sur les entreprises est sans commune mesure avec le différentiel de coûts avec nos concurrents des pays émergents. Le principal résultat, compte tenu aussi de ce que souvent des produits français ne sont pas substituables aux produits importés, risquait, au contraire, d’être celui d’un surcoût relatif pour le consommateur. Ainsi, alors que la croissance est d’une faiblesse insigne, la TVA sociale risquait de l’affaiblir encore. La mesure est d’autre part injuste par ses conséquences sur les ménages les plus modestes, car la réduction des cotisations patronales d’allocations était compensée, à hauteur des quatre cinquièmes, par une majoration du taux normal de TVA. Je vous renvoie, sur ce point, à l’analyse présentée l’an dernier par le Conseil des prélèvements obligatoires, qui fait apparaître le caractère clairement régressif des impôts indirects et particulièrement de la TVA. La part de la fiscalité indirecte est beaucoup plus forte pour les ménages appartenant aux deux premiers déciles de revenus. Dans le même temps, la consommation des ménages appartenant aux deux derniers déciles est, en revanche, la moins sensible à la TVA. Ici aussi, la suppression du dispositif se fera sans dogmatisme : les aménagements techniques de l’affectation de la fraction de TVA précédemment déjà affectée aux régimes sociaux sont opportunément conservés et, surtout, la majoration de deux points du taux du prélèvement social sur les revenus du capital, qui gageait une partie de la suppression des cotisations patronales, est conservée. Sur le produit de cette majoration, 400 millions d’euros permettront, dès 2012 et ensuite à titre pérenne, de financer l’augmentation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire ; encore un engagement que le Gouvernement n’a pas tardé à respecter. Mais l’essentiel bénéficiera à la branche vieillesse, à hauteur de 2,6 milliards d’euros à partir de 2013.

Le collectif budgétaire qui nous est proposé ne se contente pas de regarder vers le passé. Il pose les premiers jalons du redressement de nos finances sociales et, au-delà, de la réforme du financement de la protection sociale, dans le prolongement du débat d’orientation sur les finances publiques et de la conférence sociale qui s’est tenue lundi et mardi de la semaine dernière. En effet, trois mesures nouvelles offrent des recettes pérennes et traduisent clairement la volonté du nouveau gouvernement et de la nouvelle majorité de résorber certaines de ces «niches » qui mitent le financement de notre protection sociale. Il est normal, dans le contexte actuel, de mettre davantage à contribution ces rémunérations ou gains qui échappent au prélèvement social de droit commun sur les salaires. Première mesure : l’assujettissement aux prélèvements sociaux des revenus immobiliers de source française des non-résidents. Je crois que cette mesure fait relativement consensus, je ne m’y attarde donc pas. Deuxième mesure : l’accroissement des contributions sur les stock-options et les attributions gratuites d’actions. Je ferai la même observation que précédemment : il y a un relatif consensus. Troisième mesure, qui, elle ne fait plus consensus : l’augmentation du taux du forfait social. En proposant de porter ce taux de 8 % à 20 %, le Gouvernement suit une recommandation ancienne de la Cour des comptes qui estime, avec juste raison, que ces sommes doivent contribuer équitablement au financement de la solidarité. La taxation n’a cependant pas pour objectif de réduire l’assiette : l’écart avec les cotisations sociales de droit commun demeure important. Il convient de souligner que les contributions des employeurs au financement des prestations de prévoyance demeurent fixées à un taux de 8 %, ce qui permet de privilégier ce type de financement. Le produit de cette majoration s’élèvera à 2,3 milliards d’euros dès 2013, répartis pour moitié entre la branche vieillesse et le FSV.

C’est pour chacune de ces raisons que la commission des affaires sociales a émis un avis favorable à l’adoption de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs, voici plus de deux heures que nous entendons des propos manichéens. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.) Avant vous, tout était mauvais et condamnable et, avec vous, tout devient merveilleux et admirable !

M. Michel Ménard. Vous êtes président du groupe UMP ou président de la commission des finances ?

M. Henri Emmanuelli. Alors, monsieur Jacob !...

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je suis confondu par une telle naïveté et un tel irréalisme. Pour ma part, je vais essayer de tenir des propos plus mesurés (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) tout en rappelant quelques vérités.

Première vérité : ce collectif n’est pas le premier de l’année 2012, mais le second. Dès le mois de février dernier, l’ancienne majorité et le gouvernement ont jugé souhaitable de revoir à la baisse la prévision de croissance.

M. Jean Launay. Ce n’était pas encore assez.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Nous l’avions fixée à 1 %, puis nous l’avons révisée à 0,5 %. Dans ce collectif, elle l’est à 0,3 %. Réviser à la baisse des prévisions de croissance implique en conséquence de revoir les recettes fiscales et, en particulier, une recette très sensible à la croissance : l’impôt sur les sociétés. En effet, aujourd’hui, notre pays est confronté à une situation européenne d’abord, mondiale ensuite, extrêmement instable, volatile. Il faut donc pouvoir adapter en permanence la gestion des comptes publics. D’ailleurs, si le précédent gouvernement et la précédente majorité ont réussi à tenir les comptes, à faire mieux que prévu, en matière de baisse des déficits en 2010 et 2011,…

M. Henri Emmanuelli. Ah bon ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …c’est qu’ils ont eu le courage de procéder à des ajustements successifs (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP) : quatre lois de finances rectificatives en 2010 et à nouveau quatre en 2011.

M. Henri Emmanuelli. Il se croit toujours rapporteur général !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. La Cour des comptes, en rappelant que les objectifs de réduction du déficit avaient été tenus, a évidemment rendu hommage à la gestion du précédent gouvernement. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Dans un souci d’objectivité, je dirai qu’il y a, dans ce collectif, un certain nombre de mesures qui vont dans le bon sens : ce sont celles qui visent à protéger davantage le rendement de l’impôt sur les sociétés. En effet, cet impôt s’affaiblit, s’érode, notamment au niveau des grands groupes internationaux, d’où la nécessité de prendre un certain nombre de mesures. Les dispositions que vous nous proposez dans les articles 11, 12, 13 et 14 s’inscrivent d’ailleurs directement dans le sillage de ce que nous avons voté l’an dernier, et à nouveau au début de cette année, pour limiter la déductibilité des frais financiers en cas d’acquisition de titres de participation ; pour limiter la déductibilité des intérêts en cas de prêts entre entreprises liées ; enfin pour contrôler davantage les prix de transfert. Ces mesures sont vraiment dans la ligne de ce que nous avons voté ces derniers mois. J’estime évidemment qu’elles vont dans le bon sens.

Je dirai au ministre délégué au budget, qui arrive à point nommé,…

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je le savais ! (Sourires.)

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …que la prévision de l’impôt sur les sociétés est un art extraordinairement difficile. Ainsi, faire une erreur de 3 ou 4 milliards d’euros sur un impôt qui en rapporte 45…

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Quarante !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …peut, après tout, être admis. Vous avez tenu, tout à l’heure, des propos très durs. Je me bornerai à vous les rappeler lorsque vous devrez prévoir l’impôt sur les sociétés pour 2013 ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je vous rappellerai vos propos à ce moment-là !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Mais je ne voudrais pas, monsieur le ministre, que vous péchiez par un excès de confiance !

Je dirai deux mots sur deux autres aspects du collectif. Tout d’abord, à qui, sinon à Nicolas Sarkozy, doit-on la taxe sur les transactions financières, que vous doublez ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est pas vrai ! On a voté une motion ici !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. C’est grâce à son courage et à son activisme, que vous lui avez reproché, qu’il a réussi à convaincre nos partenaires européens de s’engager dans cette voie !

M. Henri Emmanuelli. C’est grotesque !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Et, vous, qu’avez-vous fait ? En 2001, vous avez voté la taxe sur les transactions financières – à taux zéro…(Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.) Quel courage ! Alors, monsieur Emmanuelli, vous vous honoreriez en arrêtant de donner des leçons !

M. Henri Emmanuelli. Et vous, vous vous honoreriez en étant moins sectaire !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je dirai, ensuite, deux mots de l’augmentation de la taxe exceptionnelle sur les établissements de crédit.

M. Jean-François Lamour. Les Américains ne le font pas !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Monsieur le ministre du budget, vous savez parfaitement que nos banques doivent actuellement, pour satisfaire les critères de Bâle III, augmenter leurs fonds propres. Il faut faire très attention. En effet, si vous multipliez les taxes sur ces établissements de crédit, c’est autant de fonds propres qui ne seront pas au rendez-vous. Or vous savez que les fonds propres font effet de levier. C’est grâce à eux que l’on peut entretenir un certain volume de prêts aux entreprises et en particulier aux PME. Je vous demande donc d’être attentif à cet aspect des choses.

Il y a donc, dans ce collectif, quelques bonnes orientations puisées à la source de la précédente majorité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Henri Emmanuelli. Oh là, là !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. En revanche je regrette que par esprit de système on annule, ou, pour reprendre le mot terrible du rapporteur général, on « détruise » dans ce collectif deux réformes importantes, qui allaient pourtant totalement dans le sens de l’intérêt général.

M. Claude Goasguen. Elles réduisaient l’injustice !

M. Jacques Valax. M. le rapporteur général a raison !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je vois, dans cette destruction, deux erreurs : une erreur économique et une erreur sociale. L’erreur économique, tout d’abord, tient dans la suppression de la réforme du financement de la protection sociale et du coût du travail. Nous avons, en France, un problème de coût du travail et un problème de compétitivité des entreprises. J’ai constaté avec satisfaction que le Président de la République, François Hollande, l’avait reconnu explicitement la semaine dernière. Il n’y a pas seulement, monsieur Cahuzac, un problème de compétitivité hors prix, mais aussi un problème de coût du travail. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je m’adresse, ici, à Mme la ministre des affaires sociales. Notre protection sociale fut basée, à la Libération, sur la seule richesse qui existait à l’époque, à savoir le travail. Toute la protection sociale est donc financée en France par le coût du travail. Dans un pays totalement ouvert, soixante-dix ans après, il n’est ni intelligent ni sain que, par exemple, la politique familiale, qui est une politique universelle, soit financée par le coût du travail ! Nous devons donc nous interroger sur la possibilité de transférer une partie du financement de la protection sociale vers d’autres formes de fiscalité.

Pour compenser le coût d’une mesure essentielle, la suppression de 5,4 points de cotisations sociales patronales, soit un allégement du coût du travail de 13 milliards d’euros – c’était une première étape – nous avons sollicité deux impôts, la CSG et la TVA : d’une part, une augmentation de deux points de la CSG sur le patrimoine, dans un souci de justice fiscale puisque le patrimoine est détenu a priori par les ménages les plus aisés ; d’autre part, une hausse de 1,6 point de la TVA, soit 10,6 milliards d’euros de recettes supplémentaires.

Je sens bien – et ce n’est pas la déclaration que vous venez de faire, madame la ministre, qui me détrompera – que nous aurons sans doute dans les prochains mois un débat de fond, qui portera sur l’augmentation massive de la CSG ou d’autres formes de fiscalité : la TVA antidélocalisation ou la fiscalité sur l’environnement.

J’appelle votre attention sur un point, mes chers collègues – car je souhaite que nous essayions de raisonner avec pragmatisme au lieu de rester prisonniers de positions idéologiques.

La TVA antidélocalisation, qui a été utilisée par la plupart des pays en Europe, a trois avantages.

Le premier, c’est qu’elle frappe les produits importés. C’est déterminant. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Nous avons un problème de compétitivité. Alléger le coût du travail pour les entreprises qui fabriquent en France, tout en renchérissant par le biais d’une augmentation de la TVA le coût des produits importés, est une mesure qui a du sens. C’est, selon moi, un avantage absolu par rapport aux autres formes de financement.

M. Michel Ménard. Elle frappe aussi les consommateurs !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Le deuxième avantage, nous l’avons observé en Allemagne il y a quatre ans et nous l’avions constaté en France en 1995-1996 : c’est que l’augmentation de la TVA n’est que partiellement répercutée sur les prix. Certains vous diront que c’est à 60 %, d’autres à 40 %. La vérité se situe probablement entre les deux. Il y a donc un effet de diffusion sur les prix qui est beaucoup moins préoccupant, moins douloureux pour le pouvoir d’achat des ménages que l’effet de la CSG.

J’appelle aussi votre attention sur ce point, madame la ministre : si vous augmentez la CSG de façon conséquente, que ce soit sur les salariés ou sur les retraités, vous allez toucher directement leur pouvoir d’achat, et l’effet récessif d’une augmentation de CSG sur la consommation, qui est le moteur de notre économie, est beaucoup plus important qu’une hausse de la TVA. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

J’ai une proposition à faire au Gouvernement. Nous devons, sur ces sujets, essayer de raisonner dans le sens de l’intérêt général et de nous débarrasser de nos a priori idéologiques aux uns et aux autres. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Pourquoi ne pas créer un groupe de travail avec le Gouvernement et le Parlement, représenté dans toutes ses sensibilités, pour réfléchir à un mécanisme qui permettrait de transférer une partie du financement de la protection sociale, en particulier les 35 milliards de la politique familiale – c’est l’enjeu le plus important – sur de la CSG, de la fiscalité environnementale, ou encore de la TVA antidélocalisation ?

Tout à l’heure, M. le rapporteur général a évoqué la TVA sur la restauration. J’en ai profité pour souffler à l’oreille du ministre du budget que nous avons instauré un second taux réduit à 7 %. Pourquoi ne pas l’augmenter et l’appliquer à la restauration, voire aux travaux dans les logements ? Il faut que nous trouvions des solutions intelligentes et, pour ce faire, il faut que chacun accepte d’écouter l’autre.

M. Charles de Courson. Très bien !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Autre erreur que je regrette, c’est l’erreur sociale, soit la question de l’exonération des heures supplémentaires.

Ces dernières semaines, et même ces derniers mois, un point m’a beaucoup choqué, c’est l’ambiguïté avec laquelle ce sujet a été traité. Je ne veux pas employer le mot de « dissimulation », mais tout de même… Lors d’interviews à la télévision, le candidat devenu président a constamment laissé entendre que l’on maintiendrait les exonérations dans les entreprises de moins de vingt salariés.

M. Jean-François Lamour. Tout à fait ! Ce week-end encore !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Il y a seulement quelques jours, les journalistes les plus avertis pensaient, eux aussi, que l’on maintiendrait les exonérations salariales dans les entreprises de moins de vingt salariés.

Je vous engage, chers collègues, pour ceux qui ne l’ont pas encore fait, à lire l’exposé des motifs de l’article 2 de ce collectif. C’est un véritable monument d’hypocrisie !

Un député du groupe SRC. C’est un expert qui parle !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Il est rédigé de façon telle que le lecteur a l’impression que les exonérations sont maintenues pour les entreprises de moins de vingt salariés.

Que dire de la dissimulation de la totalité de la facture ? Car on ne traite dans ce collectif que l’aspect cotisations sociales. De surcroît, il s’agit d’une loi de finances, et l’on n’y fait que du social ! Je rends hommage à l’honnêteté intellectuelle du rapporteur général, qui a souhaité que l’on traite également l’aspect fiscal, concernant l’impôt sur le revenu dans ce texte – mais, bien entendu, pas à compter du 1er janvier 2012. C’est impensable ! Peut-être que cela est acceptable juridiquement, mais c’est de la déloyauté à l’égard de tous les salariés qui, au prix de sacrifices personnels, ont accepté de travailler le samedi ou le dimanche pour faire des heures supplémentaires…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ils ont accepté ? Parce qu’ils avaient le choix ? On croit rêver…

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …et qui, aujourd’hui, se trouveraient sanctionnés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Charles de Courson. Très bien !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Mais surtout, je voudrais à cette tribune dénoncer votre erreur de raisonnement. Votre conception de la place du travail dans notre société est passéiste, malthusienne. Selon vous, le travail serait un bien rare ; il n’y en aurait pas assez pour tout le monde, et il faudrait donc le partager en petits morceaux.

M. Jean-François Lamour. Comme pour les 35 heures !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. C’était il y a quinze ans : la France a été le seul pays à passer aux 35 heures. (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe UMP.) Je me souviens du Chancelier allemand Gerhard Schröder disant que les 35 heures étaient une excellente nouvelle pour les entreprises allemandes… La France a été le seul pays à croire que, mécaniquement, la diminution de 11 % de la durée du travail entraînerait à embaucher dans la même proportion.

Quinze ans plus tard, monsieur le ministre, madame la ministre, en décourageant les heures supplémentaires, vous commettez la même erreur de raisonnement. Non, je le dis solennellement à cette tribune, la diminution des heures supplémentaires n’aura qu’un effet extrêmement limité sur l’emploi.

M. Claude Goasguen. Bien sûr !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je vais vous le démontrer.

Pierre Méhaignerie m’a téléphoné ce matin. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Paul. Voilà une nouvelle importante !

M. Dominique Baert. Comment va-t-il ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Il connaît, à Vitré, une usine qui fabrique des cosmétiques et qui dépend d’un grand groupe étranger. Dans cette usine, on a la chance de faire beaucoup d’heures supplémentaires parce qu’il y a beaucoup de commandes exceptionnelles. Pierre Méhaignerie, qui a vu le directeur de l’usine ce matin, m’a aussitôt appelé pour me dire que ce dernier était catastrophé. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.) On venait de lui dire que si l’on devait ne plus faire d’heures supplémentaires à Vitré, les commandes exceptionnelles décidées par le siège social à Londres seraient envoyées dans un autre pays d’Europe. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Cela, vous ne l’avez pas compris ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Madame la ministre, monsieur le ministre, vous nous avez abreuvés de conseils pendant deux heures.

Mme la présidente. Monsieur le président de la commission des finances, il faut conclure.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je termine, madame la présidente, et je vous remercie de votre indulgence. Je me bornerai à vous donner un seul conseil : rencontrez davantage de chefs d’entreprise, allez visiter des usines et des ateliers ! C’est là que vous comprendrez ! (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Je me tourne vers notre collègue Pierre-Alain Muet. Il est totalement sincère quand il nous fait part de sa vision macro-économique du travail. Mais, cher Pierre-Alain Muet, le fonctionnement des entreprises, ce n’est pas de la macroéconomie, ce sont des réalités quotidiennes. Et cela, vous n’en tenez pas compte ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

En vous remerciant à nouveau de votre indulgence, madame la présidente, j’adresserai un dernier mot à M. Cahuzac. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous vous avons écouté pendant deux heures, mais il est normal de vous répondre en quinze minutes seulement !

Monsieur le ministre, j’ai noté avec beaucoup d’intérêt votre engagement – car il est sincère – de respecter les normes de dépenses : zéro volume, zéro valeur. Cela étant, je voudrais vous poser deux questions, en m’appuyant sur deux exemples.

Premièrement, comment arriver à respecter la maîtrise des dépenses quand vous dites que nous allons garder le même nombre de fonctionnaires tout en stabilisant la masse salariale ? C’est impossible ! (« Bravo ! » et applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Ma deuxième question s’adresse à Mme la ministre…

Mme la présidente. Ce sera votre dernière question, monsieur le président.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. S’agissant de l’aide médicale d’État, nous avons réussi à rester, vaille que vaille, dans une enveloppe de 600 millions d’euros. Nous avons mis quelques garde-fous et quelques verrous très légers, mais vous allez les faire sauter…

Or j’ai un souvenir précis, mes chers collègues. Quand je suis devenu rapporteur général du budget en juillet 2002, le dernier budget du gouvernement Jospin prévoyait – c’était la première fois – 62 millions d’euros pour l’aide médicale d’État. On a terminé l’année 2002 à 450 millions d’euros… Nous ne voulons pas de cela !

Je sais que vous êtes sincère, mais je suis très inquiet quant à votre capacité à tenir l’objectif de 3 % de déficit en 2013…

M. Jean-François Lamour. En effet !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. …sans lequel nous n’arriverons plus à garder nos excellentes conditions de financement, qui sont l’héritage de l’ancienne majorité, un héritage dont nous devons nous honorer. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP. - Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, chers collègues, je ne peux m’empêcher, au préalable, de rebondir sur l’intervention du président de la commission des finances.

Je n’ai pas eu la chance d’avoir eu, comme lui, le président Méhaignerie au téléphone ce matin ! (Rires sur quelques bancs du groupe SRC.) Mais le hasard de mon agenda a voulu que je déjeune avec un chef d’entreprise qui a une usine de quatre-vingt-un salariés, située dans la Manche, près de Vire.

M. Éric Woerth. Il n’a pas dû vous remercier !

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles. Son verdict est sans appel. Aucune mesure contenue dans ce projet de loi de finances rectificative ne lui pose problème, bien au contraire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. - Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Il m’a dit, comme beaucoup de chefs de petites et moyennes entreprises : « Enfin un gouvernement, enfin une majorité qui s’occupe de nous, qui prend en considération les réalités économiques qui sont les nôtres, nous les petites et moyennes entreprises qui avons été les grandes oubliées ces dix dernières années sous les gouvernements successifs de droite ! » (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC – Rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je veux voir ce chef d’entreprise, je veux faire sa connaissance !

M. Xavier Bertrand. On peut le rencontrer ?

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles. Voilà la réalité. Voilà ce que pensent réellement les chefs de petites et moyennes entreprises de notre pays !

Mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, la commission des affaires culturelles et de l’éducation a décidé de se saisir pour avis du projet de loi de finances rectificative.

La raison en est simple.

Concernant le secteur de la culture, nous souhaitions tout d’abord profiter de cette tribune pour nous réjouir de la reconstitution de l’intégralité des crédits d’intervention déconcentrés prévus en loi de finances initiale 2012 pour le spectacle vivant, soit 23,5 millions d’euros, dont 18,5 millions en région. De fait, l’espoir est grand que cette salutaire décision s’étende maintenant, monsieur le ministre du budget, aux arts visuels.

Au-delà, c’est la mesure emblématique concernant le livre, avec le retour au taux réduit de TVA à 5,5 % (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC), y compris pour ceux fournis par téléchargement, que nous voulions saluer.

C’était un engagement du Président de la République qui prend en compte la spécificité de la filière du livre. Depuis trente ans, en effet, depuis la loi Lang sur le prix unique du livre, ce sont les éditeurs, non les libraires, qui fixent le prix des livres que nous achetons. Le passage à 7 % au 1er avril dernier, que nous avions alors dénoncé avec force ici même, a frappé de plein fouet un secteur déjà fragilisé, celui du précieux réseau des librairies indépendantes.

Nous nous félicitons donc que cet engagement présidentiel soit tenu.

Au-delà, nous œuvrons pour que l’extension de ce dispositif au spectacle vivant soit actée dès ce collectif, en cohérence avec l’objectif fixé par le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale. Et je remercie notre rapporteur général du budget, Christian Eckert, de la bienveillante attention qu’il a apportée à l’amendement à l’article 24 que plusieurs d’entre nous ont cosigné avec Pierre-Alain Muet et moi-même.

Ce collectif est tout autant la concrétisation des mesures d’urgence annoncées par le Président de la République et le ministre de l’éducation nationale en faveur de notre école. Voilà pourquoi nous étions soucieux, à la commission des affaires culturelles et de l’éducation, d’en examiner les dispositions de manière précise. Voilà pourquoi nous les avons approuvées, mes chers collègues.

M. Gérald Darmanin. Pas tous !

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles. À une large majorité, mais pas tous, vous avez raison de le spécifier ; je n’ai pas dit à l’unanimité. Fallait-il que la situation soit catastrophique dans nos écoles, nos collèges et nos lycées pour que le Gouvernement se trouve dans l’obligation de proposer au Parlement, au mois de juillet, la création de postes pour la rentrée du mois de septembre !

M. Claude Goasguen. C’est une bonne question !

M. Patrick Bloche président de la commission des affaires culturelles. C’est totalement inédit. Nous parons au plus pressé parce que nous n’avons pas le choix. Les mouvements de protestation lors des rentrées précédentes et les diagnostics de terrain effectués tout au long des campagnes présidentielle et législative nous ont assez montré les ravages de la politique suivie lors du précédent quinquennat. Il faut réparer sans tarder.

Nos débats en commission ont permis de rappeler les chiffres qui, hélas, ne peuvent être contestés par personne : la diminution d’un point de PIB, ces dix dernières années, de l’effort de financement global de l’éducation, et la dégradation de la position de la France dans les performances comparées des systèmes scolaires telle qu’elle a été mesurée par les enquêtes PISA.

Le tout accompagné d’une réduction d’effectifs, à contre-courant des besoins éducatifs de la nation, dans un environnement global de compétitivité où prime désormais le niveau général de qualification de la population active. Ce collectif budgétaire, mes chers collègues, marque de manière très nette la réorientation de nos politiques pour redonner la priorité à la jeunesse et à l’éducation.

M. Yves Durand. Bravo !

M. Patrick Bloche président de la commission des affaires culturelles. Nous allons, par notre vote, témoigner de l’importance que nous accordons, nous aussi, à cette priorité et c’est pourquoi je me réjouis de l’approbation que notre commission a manifestée vis-à-vis des mesures d’urgence en vue de la rentrée scolaire.

Je veux rendre hommage, à cet égard, à notre rapporteure Martine Faure pour le travail approfondi qu’elle a accompli dans des délais, il est vrai, très contraints. Vous avez fait figurer dans votre rapport, chère rapporteure, les chiffres essentiels qu’il convient de retenir et opportunément détaillé la répartition des moyens ouverts par le collectif, tant sur les crédits que sur les postes.

Je m’arrêterai, quant à moi, brièvement je vous rassure, sur deux éléments. Tout d’abord, les mille postes de professeurs des écoles qui vont être créés. Enfin une bonne nouvelle pour notre enseignement primaire, dont chacun ici reconnaît qu’il constitue le fondement de la réussite pour tous !

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est vrai !

M. Patrick Bloche président de la commission des affaires culturelles. Voilà qui va redonner espoir à des enseignants, à des parents, à des élus locaux qui n’avaient souvent pour seul horizon que les fermetures de classes. Et que l’on ne nous fasse pas le procès du « toujours plus de moyens », comme si les besoins n’existaient pas !

Le Gouvernement a choisi, en matière d’éducation, le vrai courage politique, qui est de se donner pour objectif d’avoir davantage de maîtres que de classes, afin d’assurer cette qualité du système éducatif qui nous permettra de reprendre notre place parmi les meilleurs. Dans un premier temps, les créations de postes que nous allons approuver permettront de faciliter la rentrée scolaire 2012 pour les situations les plus délicates, mais c’est bien à une ambition de longue haleine que nous apportons aujourd’hui la première touche.

Le second élément que je souhaite mettre en lumière, c’est la formation initiale des enseignants, supprimée sans raison autre que comptable par le gouvernement précédent. Là encore, nous donnerons avec ce collectif un signal de notre volonté de rompre avec cette vision erronée du métier d’enseignant qui serait le seul métier qui ne s’apprend pas.

Bien évidemment, il s’agit pour l’instant d’une mesure d’attente pour garantir des décharges horaires aux nouveaux enseignants du secondaire et un accompagnement pour ceux du primaire. Au-delà, nous reprendrons l’ensemble de la question de la formation initiale en tenant compte de la masterisation, mais dans un cadre concerté et non de manière unilatérale.

Je terminerai d’ailleurs mon propos d’aujourd’hui en saluant cette méthode de la concertation pour la refondation de l’école, engagée le 5 juillet dernier à l’initiative du Gouvernement et qui engage trois ministres : Vincent Peillon, Geneviève Fioraso et George Pau-Langevin.

C’est comme cela, en effet, qu’il faut agir pour redonner sa chance au modèle français de l’école de la réussite pour tous ! C’est comme cela que s’incarne le changement que l’ensemble de la communauté éducative peut attendre de ce gouvernement et de cette majorité !

Les premiers échanges que nous avons eus en commission avec le ministre de l’éducation nationale et la ministre chargée de la réussite éducative nous ouvrent à cet égard bien des perspectives, et c’est avec confiance que la commission des affaires culturelles et de l’éducation prendra toute sa part de cette grande ambition pour la nation tout entière. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et quelques bancs du groupe écologiste.)

Mme la présidente. Merci, monsieur le président. La parole est à madame Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. En commençant mon propos, je suis atterrée par tout ce que j’ai déjà entendu du côté de la droite, de l’opposition (Exclamations sur les bancs du groupe UMP).

M. Pierre Lellouche. Si l’opposition vous gêne, il n’y a qu’à la supprimer !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Notre commission a été saisie de six des trente articles de ce collectif budgétaire et le rapporteur Denys Robiliard s’est déjà exprimé clairement sur le sujet. Je vais intervenir sur trois de ses dispositions : la TVA dite sociale, le forfait social et l’aide médicale d’État. D’abord, la TVA dite sociale, que notre collègue Jean-Marc Germain, lors de notre réunion de commission mercredi dernier, a bien fait de requalifier en « TVA antisociale ».

M. Yves Censi. Et cela, ce n’est pas caricatural ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Son abrogation était un engagement explicite. D’ailleurs, ce qu’un collectif budgétaire a fait, un collectif budgétaire peut le défaire. Chacun sait que cette taxe, comme tout impôt indirect, pèse proportionnellement plus sur les ménages les plus modestes, qui par la force des choses épargnent peu ou pas du tout, voire sont endettés et consomment une part importante de leur revenu, si ce n’est la totalité.

C’est pour ces foyers que l’augmentation de la TVA aurait été la plus sensible, alors qu’ils ont déjà dû subir le passage du taux réduit de 5,5 à 7 % sur des produits de première nécessité comme les transports, les abonnements d’électricité et de gaz ou encore les médicaments non remboursables. Pour ces derniers, on est dans le cynisme le plus total au moment où on pousse nos concitoyens vers l’automédication.

La fiscalité indirecte, dont la TVA représente plus des deux tiers, reste très dégressive dans notre pays et toute évolution de la fiscalité indirecte joue bien plus fortement sur les 20 % de ménages les plus pauvres, car leur taux d’effort lié à cette fiscalité est sans commune mesure avec celui des autres ménages.

À propos de la TVA plus spécifiquement, le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires de mai 2011 montre que le ratio entre la TVA et la consommation chute pour les ménages appartenant aux deux derniers déciles, comme notre rapporteur l’a déjà dit. Le choix de la TVA avait été justifié par un très mince avantage théorique ainsi énoncé : « Les produits importés doivent participer au financement de la sécurité sociale. »

M. Jean-Frédéric Poisson. Ça, c’est vrai !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Mais en pratique, ce n’est pas le pays exportateur mais bien le consommateur qui paie, au travers de l’impôt le plus inéquitable qui soit !

M. Jérôme Lambert. Oui, c’est exact !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Abroger cette TVA dite sociale relève donc de la justice, mais aussi de l’efficacité, dans la mesure où elle aurait également risqué de freiner la consommation et, par conséquent, de ralentir encore plus la croissance.

Le deuxième point de mon intervention, c’est le forfait social, c’est-à-dire la contribution sur certains des revenus soumis principalement à la CSG et à la CRDS mais exonérés de cotisations sociales. Il convient de préciser qu’il ne s’agit pas ici de simples exonérations mais bien d’exemptions d’assiette. La feuille de route du Gouvernement, qui donne la priorité à la lutte contre les niches sociales, est parfaitement claire ; deux autres mesures de ce collectif budgétaire traduisent aussi cette orientation. Il n’y a donc aucune hésitation à porter de 8 à 20 % le taux du forfait social.

Car derrière ces niches fiscales, qu’y a-t-il concrètement ? Une rémunération au rabais, favorisée par une quasi-exonération extrêmement avantageuse pour l’entreprise, non créatrice de droits pour le salarié – bien loin de vous l’idée de les informer là-dessus – et coûteuse pour les régimes sociaux, puisque non compensée par le budget de l’État.

M. Xavier Bertrand. Et créatrice de pouvoir d’achat !

M. Yves Censi. Il n’y a qu’à augmenter les heures supplémentaires !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. La Cour des comptes elle-même nous incite depuis longtemps à augmenter le taux du forfait social à 19 %. C’est chose faite et l’on ne peut que s’en réjouir, car ces dernières années, la stagnation du salaire et la forte progression des rémunérations accessoires ont eu tendance à faire oublier que le salaire constitue la modalité première de rémunération et la plus protectrice pour le salarié, n’en déplaise à l’opposition. La pension de retraite, par exemple, est calculée sur le montant du salaire annuel moyen, hors sommes exclues de l’assiette des cotisations. Avez-vous informé les salariés sur tout cela ?

Le forfait social est assis en grande partie sur la participation et l’intéressement. Or, les éléments statistiques dont nous disposons démontrent que ces avantages ne profitent que très marginalement aux petites entreprises. La participation touche 75 à 80 % de l’effectif des entreprises de plus de 100 salariés, mais seulement 1,4 % dans les entreprises de moins de 10 salariés et 6,5 % dans celles comptant entre 10 et 49 salariés. De même, l’intéressement reste cantonné à 5,6 % et 11,6 % respectivement dans les entreprises de moins de 10 salariés et dans celles de 10 à 49 salariés, et ne dépasse 50 % que dans les entreprises de plus de 250 salariés. Il en va de même pour le plan d’épargne entreprise et pour le PERCO.

Dans son rapport de juin 2011, le comité d’évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales n’accorde d’ailleurs qu’une note de 1, sur une échelle de 0 à 3, à l’exemption d’assiette bénéficiant à tous ces dispositifs. Ses conclusions sont dépourvues d’ambiguïté : « Si plusieurs des objectifs poursuivis sont effectivement atteints, sa faible diffusion dans les PME conduit en fait à une dualisation du marché du travail, tandis que les revenus distribués se substituent aux salaires ». Le rapport relève même que « les possibilités d’utilisation de l’épargne salariale pour renforcer le pouvoir d’achat des ménages nuisent à la cohérence du dispositif sans soutenir la consommation ».

Dans ces conditions, un tel régime social pour ces accessoires de rémunération constitue une aubaine pour les grandes entreprises, en même temps qu’un important désavantage pour les petites et très petites entreprises qui, elles, ne délocaliseront jamais, et une injustice pour leurs salariés.

Au moment où les comptes sociaux connaissent de graves difficultés, comment pourrions-nous continuer à accepter des exemptions sociales aussi peu efficaces et aussi inéquitables ? Je pense, comme madame la ministre, qu’il faut des modifications structurelles.

Venons-en maintenant à la suppression du droit de timbre et de l’accord préalable avant hospitalisation pour les bénéficiaires de l’aide médicale d’État, l’AME. Que de bêtises et de contre-vérités n’avons-nous pas entendues quand vous avez osé voter ces trente euros !

M. Jean-Frédéric Poisson. Voilà autre chose !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Première contre-vérité, il y aurait une explosion des dépenses d’AME due à une augmentation des soins et des fraudes. Ça, c’est une obsession à droite. Rappelons d’abord que l’aide médicale d’État représente moins de 0,3 % des biens médicaux consommables en France.

Je vous invite ici à consulter l’excellent rapport que l’ancienne majorité avait commandé à l’IGAS et à l’IGF et que vous vous étiez bien gardés, à l’époque, de nous montrer. On ne peut être plus clair : « L’évolution des dépenses d’AME est due principalement à l’amélioration du recouvrement des droits par les hôpitaux ». Aucun phénomène de fraude généralisée n’a été identifié, non plus qu’une explosion du nombre des bénéficiaires.

Deuxième contre-vérité : vous voudriez faire passer les bénéficiaires de l’AME pour des profiteurs du système. Mais examinez les faits ! En moyenne, les bénéficiaires de l’AME dépensent moins que les bénéficiaires de la CMUC : 1 740 euros contre 2 605 euros. Leur dépense moyenne de soins de ville est de 535 euros, inférieure elle aussi à celle du reste de la population, qui dépense en moyenne 771 euros par an. J’ajoute que le panier de soins dont ils bénéficient est plus restreint que pour le reste de la population, et je ne parle pas du refus de soins qui les frappe plus durement : 17 % des bénéficiaires de la CMU y sont confrontés alors que la proportion s’élève à 30 % pour les bénéficiaires de l’AME.

J’en viens à une dernière contre-vérité : le droit de timbre de 30 euros et l’agrément préalable avant hospitalisation seraient des mesures de justice sociale et de bonne gestion de nos finances publiques. Vous savez parfaitement qu’il n’en est rien et qu’il s’agit seulement d’un affichage politique.

M. Xavier Bertrand. C’est leur suppression qui est une mesure d’affichage !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ces mesures retardent leur prise en charge ambulatoire en raison du montant du timbre ou de la démarche administrative, ce qui entraîne une majoration des dépenses. Et ce n’est pas M. Goasguen qui pourra dire le contraire ; nous avons travaillé ensemble sur le rapport du comité d’évaluation et de contrôle.

M. Claude Goasguen. C’est vrai.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Le rapport IGAS-IGF l’avait écrit : si 10 % des bénéficiaires retardent leurs soins, le surcoût est de 20 millions d’euros pour l’AME, contre 6 millions de recettes pour le droit de timbre.

M. Claude Goasguen. Et les hôpitaux !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Il faut donc croire que l’idéologie plus que l’étude des faits a conduit le précédent gouvernement à adopter ces mesures que nous vous proposons d’abroger.

M. Claude Goasguen. Et les 140 millions d’euros d’économies !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. En matière d’incitation sociale et fiscale, concernant les heures supplémentaires et complémentaires, nous n’avons pas de leçons à recevoir de vous !

M. Claude Goasguen et M. Jean-Frédéric Poisson. Nous non plus !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Avez-vous pensé au cas concret d’un salarié qui à dans quelques semaines aura besoin de payer les coûts liés à la rentrée scolaire ?

M. Christian Jacob. En tout cas, vous pourriez être moins agressive !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous imaginez-vous qu’il ira voir son employeur pour lui demander d’effectuer quelques heures supplémentaires afin d’acheter les fournitures scolaires de ses enfants ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Claude Goasguen. Et les agents publics ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous voyez bien que, dans cette affaire, les choses sont à sens unique. Pour notre part, ce que nous avons décidé, c’est d’augmenter de 25 % l’allocation de rentrée scolaire pour les familles modestes. Voilà une véritable mesure de solidarité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Sur les trois points que j’ai évoqués, comme pour le reste, il ne suffit pas de répéter sans cesse des mensonges pour qu’ils deviennent des vérités. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Claude Goasguen. Vous parlez pour vous !

Motion de rejet préalable

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe UMP une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Christian Estrosi.

M. Christian Estrosi. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen de ce collectif budgétaire s’inscrit dans un double contexte.

Ce collectif intervient d’abord au lendemain de l’élection d’un nouveau Président de la République et d’une nouvelle majorité, avec un florilège de promesses faites aux Français : croissance, pouvoir d’achat, recrutement de fonctionnaires, refus du pacte budgétaire européen...

Ce collectif intervient aussi dans un monde qui est loin d’être sorti définitivement de crises majeures successives. Je pense à la crise financière, à la crise économique, à celle des matières première ou encore à la crise de l’euro. Même si chacun peut reconnaître, en toute objectivité, que notre pays s’en est sans doute, grâce à une politique extrêmement courageuse, mieux sorti que d’autres.

M. Hervé Mariton. C’est vrai !

M. Jérôme Lambert. Nous sommes loin de nous en être sortis !

M. Christian Estrosi. La première de ces graves crises que personne n’a vu venir, et que nous avons subie en 2008, peut se résumer simplement selon le schéma suivant : le retournement du marché immobilier aux États-Unis a mis à mal le bilan des institutions financières. La crise de confiance entre ces institutions a alors conduit à un assèchement inédit du marché interbancaire et à un durcissement des conditions d’octroi du crédit. Le renchérissement du coût du crédit et la crainte d’un effondrement du système financier ont ensuite conduit les ménages à réduire leur consommation et les entreprises à diminuer leurs dépenses d’investissement. La baisse généralisée de la demande, associée à un très fort mouvement de déstockage des entreprises, a enfin entraîné une baisse brutale du commerce mondial.

La question se pose légitimement : Nicolas Sarkozy et sa majorité ont-ils bien géré ces crises ? J’ai la conviction, nous avons la conviction que la concentration des dépenses du plan de relance français sur l’année 2009 a permis de maximiser l’efficacité des mesures en apportant un soutien conjoncturel significatif dans une phase où l’activité était la plus déprimée.

Le ciblage des autres mesures sur le soutien au pouvoir d’achat des ménages à revenus modestes et aux investissements publics à mise en œuvre rapide a eu un effet d’entraînement important sur l’activité économique. Nous avons tout simplement cherché à maximiser l’effet multiplicateur.

Chers collègues socialistes, en 2008, vous nous présentiez votre propre plan de relance qui s’intitulait, le Journal officiel en fait foi, « Agir vraiment contre la crise ». Vous proposiez une hausse de 4 % du SMIC, une baisse de la TVA qui serait passée de 19,6 % à 18,6 %, la fin du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux : bref un véritable plan de relance par la consommation, alors que nous proposions un plan de relance par l’investissement. Votre proposition s’inspirait du plan mis en place par M. Zapatero en Espagne au même moment. Je vous laisse comparer la situation de la France et celle de l’Espagne aujourd’hui. On voit où vous vouliez conduire la France en 2008 ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marc Le Fur. Très bien !

M. Christian Estrosi. Pour comparer votre proposition à ce qu’a été notre action, je laisse la parole au FMI, dirigé à l’époque par un socialiste, un des mentors de M. le ministre de l’économie et des finances : « La réponse budgétaire française en termes de soutien à l’activité en 2009 et 2010 a été appropriée. […] Un plan de relance convenablement proportionné, bien diversifié et concentré ».

Aujourd’hui non plus, ce n’est pas moi qui donne un satisfecit à la politique de Nicolas Sarkozy ; c’est le Premier président socialiste de la Cour des comptes. « Le déficit de l’État s’est fortement réduit en 2011 grâce à l’augmentation des recettes et à la maîtrise des dépenses publiques », dit-il, avant de conclure que « les efforts obtenus en 2011 devront être répétés et amplifiés au cours des exercices suivants pour rester sur cette trajectoire ». M. Migaud demande en quelque sorte à M. Hollande de rester sur la trajectoire tracée par M. Sarkozy.

M. Dominique Baert. C’est une manipulation du rapport de la Cour des comptes !

M. Christian Estrosi. Voilà un exemple à suivre pour les problèmes qui se posent et vont se poser à nous durant ce quinquennat ! Nicolas Sarkozy a été un grand chef d’État. Seuls les actes définissent la qualité des hommes et femmes politiques. Les concertations, les grandes conférences, les années de report suspendues aux résultats de commissions Théodule resteront toujours des paroles.

Je vous rappelle d’ailleurs que la France a été le seul pays dans le monde, avec le Japon et l’Allemagne, à retrouver le chemin de la croissance dès le deuxième trimestre de 2009.

Vous avez voulu nous faire croire que vous aviez changé. Le collectif budgétaire que vous soumettez aujourd’hui à la représentation nationale prouve que vous n’avez changé sur rien et que votre ligne de conduite reste l’antisarkozysme.

M. Alain Fauré. Et pour cause !

M. Christian Estrosi. Tout au long du projet de loi de finances rectificative vous ne cherchez qu’à détricoter les réformes que Nicolas Sarkozy avait promises en 2007 et qu’il a mises en place après son élection.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Nous avons aussi été élus pour cela !

M. Christian Estrosi. Pour notre part, contrairement à ce que fut votre attitude durant les dix dernières années, nous ne pratiquerons pas une opposition absurde consistant à toujours dire non avec aplomb et mauvaise foi. Ne vous en déplaise, il n’y a pas une France faite simplement d’individus roses, verts et rouges d’un côté et, de l’autre, d’individus bleus ; un peuple de gauche, comme vous aimez l’appeler, et un peuple de droite, comme vous aimez le caricaturer. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Dans ce pays, nous nous élevons ou nous tombons comme une seule nation, comme un seul peuple.

Nous résisterons à la tentation qui vous a fait succomber il y a dix ans, à l’esprit partisan, à la mesquinerie et à l’immaturité qui ont empoisonné notre vie politique pendant si longtemps.

M. Philippe Nauche. Nous y sommes : voilà qui est nuancé !

M. Christian Estrosi. Notre histoire est jalonnée d’hommes de gauche et de droite qui ont fait honneur à notre pays.

À la suite de M. le président de la commission des finances, je tenais donc à vous faire part de mon approbation et de celle d’une grande partie des parlementaires UMP sur certaines mesures proposées telles la taxe sur les compagnies pétrolières – à condition que l’on veille à ce qu’elle n’entraîne pas une hausse des prix à la pompe –, la contribution exceptionnelle du secteur bancaire, le doublement de la taxe sur les transactions financières ou bien les mesures luttant contre l’optimisation fiscale, autant de directions dans lesquelles nous nous étions engagés.

Mais la sincérité de nos convictions nous oblige aussi à faire part de notre indignation tout en relevant des exceptions d’irrecevabilité constitutionnelles.

Si l’article 13 de la déclaration de 1789 n’interdit pas de faire supporter, pour un motif d’intérêt général, à certaines catégories de personnes, des charges particulières, il ne doit pas en résulter de rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques au regard des facultés contributives de chacun. L’article 3 du collectif relatif à l’ISF, en ne prévoyant aucun plafonnement en lien avec le mécanisme de l’IRPP, constitue une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques.

Nous pensons aussi à l’article 4 du collectif qui détricote notre réforme des droits de successions et attaque les classes moyennes en fiscalisant une partie de leur patrimoine qui ne l’était plus. Pour assurer le respect du principe d’égalité, le législateur doit fonder son appréciation sur des critères objectifs et rationnels, en fonction des buts qu’il propose. Or cette mesure a pour seul objectif le rendement fiscal, et elle matraque les classes moyennes et celles ayant des revenus modestes qui ont réussi à se constituer un patrimoine.

En 2007, nous avions estimé que les droits de succession constituaient l’une des mesures fiscales les plus injustes qui soient pour la plupart des Français appartenant aux classes moyennes, soit 80 % des foyers de notre pays. Tout au long de leur vie, les Français paient l’impôt sur le revenu et sur l’achat de biens immobiliers : l’impôt sur l’achat du premier studio puis l’impôt sur sa revente ; l’impôt sur l’achat du deux-pièces qui vient ensuite puis sur sa revente… Nous payons plus de cinquante fois l’impôt tout au long de notre vie en espérant finalement pouvoir transmettre un bien à nos enfants. Mais au moment où nous pensons le faire, l’administration fiscale nous dit : « Ce n’est pas pour les enfants, c’est pour l’État ! » (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) L’impôt sur les successions a toujours été considéré par les Français comme l’impôt le plus injuste qui soit. Nous avions pris une grande mesure de justice sociale. (Mêmes mouvements.) Il faut que les Français sachent que vous la remettez en cause aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

En dressant la liste des irrecevabilités constitutionnelles, j’ai été stupéfié par la dangerosité pour nos finances publiques des trente articles de ce collectif.

Savez-vous combien d’articles augmentent les impôts ou les dépenses ? Ils sont dix-sept. Savez-vous combien d’articles baissent les dépenses ? Il y en a trois.

M. Jean-Frédéric Poisson. Et voilà !

M. Nicolas Bays. Ce décompte est absurde !

M. Christian Estrosi. Et les trois articles baissant les dépenses ne se valent pas !

Le premier est marginal. Il ne relève que de l’affichage politicien. La baisse du traitement du Président de la République et du Premier ministre permet d’économiser 90 000 euros, c’est-à-dire, à peu près ce qu’a dû coûter l’aménagement de l’Hôtel de la Marine pour l’interview du 14 juillet du Président qui cherchait seulement à ne pas faire comme son prédécesseur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Avant mai dernier, vous critiquiez le train de vie de l’Élysée, mais c’était avant !

Le deuxième article de baisse des dépenses est inattendu. Il démontre que le candidat devenu Président a déjà oublié sa promesse consistant à donner un espoir à la jeunesse. Il supprime en effet la prise en charge des frais de scolarité des jeunes Français à l’étranger. Voilà un très beau signal que vous envoyez à la jeunesse de notre pays !

Quant au troisième article, il est injuste car il vient purement et simplement retirer 500 euros par an à 9,5 millions de Français parmi les plus modestes. Donner du pouvoir d’achat, améliorer la compétitivité de nos entreprises, mettre fin au carcan des 35 heures : tels étaient nos objectifs en adoptant cette mesure. Dans cette crise sans précédent, nous voulions apporter un supplément aux familles qui souffrent le plus. Aujourd’hui, ces familles, qui ont contracté un crédit pour l’achat d’une voiture, d’un appartement, ou qui ont engagé des dépenses en vue de la prochaine rentrée scolaire de leurs enfants, se demandent comment elles vont faire, puisque vous êtes en train de fausser l’ensemble des règles du jeu. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Voilà quelle est votre attitude sociale envers les Françaises et les Français les plus modestes auxquels nous avions donné l’opportunité d’améliorer leur quotidien et leur pouvoir d’achat !

J’ajoute qu’en améliorant celui-ci, on améliore la consommation et, partant, on permet la création d’un certain nombre d’emplois. En revenant sur cette mesure, vous portez donc un coup dur non seulement au pouvoir d’achat des plus modestes, mais aussi à l’emploi, notamment dans le commerce et les services.

M. Alain Fauré. La TVA sociale, c’est 13 milliards d’euros !

M. Christian Estrosi. Certes, cette mesure a un coût pour l’État, mais elle permet à des gens modestes de vivre un peu mieux.

Au fond, je crois que vous n’aimez pas la France qui souffre, cette France silencieuse qui se lève tôt tous les matins (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP), que l’on n’entend pas, qui ne se plaint jamais. Vous préférez servir les intérêts de ceux qui crient le plus fort, de ceux qui ont la plus grande banderole ou de ceux qui vous donnent les réservoirs de voix les plus sûrs. Il y a dix ans, je partageais le constat de Lionel Jospin : « La France est un pays riche où il y a trop de pauvres ». Aujourd’hui, vous voulez convaincre nos concitoyens que la France est un pays pauvre où il y a trop de riches. (Mêmes mouvements.)

Après avoir supprimé les exonérations sociales sur les heures supplémentaires, vous proposez dans un amendement – cerise sur le gâteau – leur fiscalisation rétroactive. Mais, cette fois-ci, monsieur le rapporteur général, conscient de l’ineptie et de l’inconstitutionnalité de cette mesure, vous avez reculé lors de la réunion de la commission des finances qui s’est tenue cet après-midi.

Je rappelle que la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires ne touche pas que les particuliers et les entreprises : elle va aussi handicaper gravement les collectivités territoriales. Avez-vous réfléchi à l’impact de cette mesure sur celles d’entre elles qui usent de ces heures supplémentaires pour rendre leurs services publics plus efficaces ? Dans ma collectivité, je distribue une enveloppe de 2,2 millions d’euros en heures supplémentaires.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Eh bien, vous embaucherez !

M. Christian Estrosi. Avec ce projet de loi, je vais devoir trouver, dans un budget voté au mois de décembre dernier, une enveloppe de 4 millions d’euros pour satisfaire vos besoins anti-sarkozystes. Par respect pour leurs représentants, vous auriez dû, avant de prendre cette décision qui affecte durement les collectivités, organiser une concertation avec l’Association des maires de France, l’Association des présidents de conseils généraux, l’Association des présidents de conseils régionaux et l’Association des communautés urbaines. Bien que vous vous soyez toujours plaints de l’insuffisance des moyens qui étaient transférés aux collectivités en même temps que les nouvelles compétences qui leur étaient confiées, vous n’hésitez pas à surcharger leur barque.

J’ajoute que, depuis quelques jours, un certain nombre de mes agents m’interpellent dans l’escalier de la mairie. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Ces modestes mais grands serviteurs de l’intérêt général et du service public que sont les agents de la fonction publique territoriale s’inquiètent en effet de savoir si je pourrai continuer à distribuer les heures supplémentaires qui amélioraient leur quotidien.

Nous condamnons fermement cette injustice supplémentaire faite aux collectivités territoriales. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Nicolas Bays. Combien d’injustices en dix ans ?

M. Christian Estrosi. À ce propos, le Président de la République a annoncé qu’il allait revenir sur l’organisation territoriale votée par l’ancienne majorité, alors que la création du conseiller territorial et la suppression de divers échelons locaux permettaient une baisse significative des dépenses publiques, comme cela était demandé par la Cour des comptes. Ainsi, vous préférez rétablir un système dans lequel on distribue beaucoup d’indemnités et de moyens à des élus locaux, plutôt que de continuer à donner des heures supplémentaires à des employés de la fonction publique territoriale ou à des salariés français pour qu’ils puissent améliorer leur quotidien. (« Démago ! » sur les bancs du groupe SRC.) Les économies permises par la suppression d’un nombre non négligeable d’élus territoriaux dont la France n’a pas forcément besoin auraient pourtant été bien plus importantes que celles envisagées par la suppression des heures supplémentaires. Hélas ! vous choisissez de renforcer les dépenses des contribuables français.

M. Christian Jacob. Très bien !

M. Christian Estrosi. C’est d’ailleurs cette démagogie qui me révolte le plus (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.), et cette façon immature qu’a notre nouveau président de faire tout le contraire de Nicolas Sarkozy, même quand cela devient ridicule !

Je pense, par exemple, à la règle d’or. Nicolas Sarkozy a plaidé pour que cette règle, comprise dans le pacte budgétaire, soit inscrite dans notre constitution. Tous les socialistes européens, qu’ils soient dans la majorité ou dans l’opposition, l’ont acceptée ; les seuls à l’avoir refusée, ce sont les socialistes français ! (Exclamations et applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Vous vous y êtes en effet farouchement opposés, M. Hollande en tête. Pourtant, vous nous expliquez aujourd’hui que vous allez mettre en place la même règle d’or, contenue dans le même traité, mais pas au même endroit. Vous ne vous sentez pas envahis par le ridicule, de temps en temps ?

M. Dominique Baert. Et vous ?

M. Christian Estrosi. De même, vous annoncez la suppression des accords compétitivité-emploi et leur remplacement par une réforme des accords sur le chômage partiel. Or, c’est la même chose, avec un nom différent. Vous ne leurrez personne !

Par ailleurs, ces derniers jours, la filière automobile a, hélas ! beaucoup fait parler d’elle, en raison des risques de fermeture du site d’Aulnay. Quand je pense que vous n’aviez pas de mots assez durs pour dénoncer la prime à la casse et les prêts de 3 milliards consentis à Renault et à PSA, prêts qui ont d’ailleurs rapporté, comme le rappelait le rapporteur général, près de 700 000 euros d’intérêts à l’État, donc aux contribuables français ! Quand je pense que vous dénonciez le fonds stratégique d’investissement et la multiplication par trois du crédit impôt recherche ! Autant de mesures que vous voulez préserver aujourd’hui, et pour cause : elles ont permis à la production industrielle, qui avait connu une chute brutale de 25 %, d’augmenter de 10 % en 2010.

Quoi qu’il en soit, vous êtes aujourd’hui incapables de faire face à l’annonce de la fermeture du site d’Aulnay. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) « C’est inacceptable », a déclaré M. Hollande, il y a quarante-huit heures. C’est vrai, c’est inacceptable. Mais que fait-il ? Rien. Il n’a pas de solution. (Mêmes mouvements.) Nous, nous n’avons jamais prononcé le mot : « inacceptable » sans agir.

M. Dominique Baert. On a vu le résultat !

M. Christian Estrosi. Jamais, depuis la fermeture de l’usine Renault à Billancourt, en 1992, une usine automobile n’avait été fermée en France. Il aura fallu attendre la présidence de M. François Hollande pour qu’une telle fermeture intervienne à nouveau ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – « Scandaleux ! » et claquements de pupitres sur les bancs du groupe SRC.)

Songez que la seule réponse qu’ait apportée le Président de la République est la création d’un bonus écologique. Or, celui-ci existe déjà : il est de 5 000 euros pour les voitures décarbonées électriques, de 3 500 euros pour les voitures hybrides et un malus est prévu pour celles qui ne respectent pas les taux d’émission de CO2. Vous prétendez donc inventer une mesure qui existe déjà ! En vérité, vous n’avez pas de réponse parce que, depuis deux mois, vous n’avez pas travaillé ces dossiers. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) J’ai entendu dire que le président de PSA serait convoqué la semaine prochaine : il aura donc fallu attendre deux mois et demi ! Nous, quand nous étions dans la majorité, en moins de quarante-huit heures, nous recevions les présidents des grands groupes industriels pour faire le point sur l’état des dossiers. Peut-être n’en serions-nous pas là aujourd’hui si vous aviez pris les mesures nécessaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Par ailleurs – je vois que cela vous dérange –, vous critiquiez la RGPP – que vous avez défendue avec beaucoup d’énergie, cher Éric Woerth – et le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, mais, sous couvert du recrutement indécent de 65 000 fonctionnaires, ce sont deux fonctionnaires sur trois que vous ne remplacerez plus dans les ministères que vous jugez « non prioritaires ». Ce collectif budgétaire nous donne enfin une idée de ces administrations que vous allez déshabiller pour recruter vos 65 000 fonctionnaires. Attention, mes chers collègues, attachez vos ceintures, ça va secouer !

Ministère de la défense : moins 29 millions d’euros ! Rassurez-vous, le monde est en paix, nous n’avons plus besoin de nous protéger.

Ministère de la recherche et de l’enseignement supérieur : moins 24 millions d’euros ! Maintenant que nos universités sont autonomes, autant les abandonner : elles ne vous gêneront plus et cela vous évitera de devoir tenir votre promesse d’abroger la LRU.

Ministère de l’écologie : moins 10 millions d’euros. Manifestement, 2,31 % aux élections, c’est assez pour négocier des circonscriptions et des postes ministériels, mais c’est insuffisant pour négocier des crédits.

Ministère de la justice : moins 5,3 millions d’euros ! Pour le coup, je vous comprends : Mme Taubira veut vider les prisons, supprimer les tribunaux correctionnels pour les mineurs et laisser les criminels en liberté. (Protestations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Avec une telle politique, plus besoin de budget !

Vous devez dire la vérité aux Français sur les dix-huit ministères que vous spoliez.

M. Nicolas Bays. Quelle démagogie !

M. Christian Estrosi. Mes chers collègues, dans la liste des mesures anti-sarkozystes que l’on jette par la porte pour mieux les faire rentrer par la fenêtre, il en reste une, la plus significative, dont je n’ai pas encore parlé : c’est la TVA compétitivité.

M. Pierre-Alain Muet. La TVA anti-sociale !

M. Christian Estrosi. Nous avions fait le choix, comme le recommande la Cour des comptes dans son rapport annuel, de transférer une partie du financement de la protection sociale vers la TVA. Cette recherche de compétitivité nous a conduits à baisser de 13 milliards d’euros les charges pesant sur les entreprises, afin de renforcer la productivité et le produire en France. D’un côté, la baisse du coût de production aurait forcément entraîné une baisse des prix de vente ; de l’autre, en portant le taux de TVA à 21,2 %, on renchérissait le coût des importations et on faisait en sorte que, pour une fois, ce soient les pays qui exportent en France qui paient une part de la protection sociale des Français. Nous aurions ainsi rendu nos productions plus compétitives sur le marché français, européen et international et renforcé la production française ainsi que l’ensemble de ses filières.

Vous avez décidé de revenir sur cette mesure ; vous n’êtes pas pour le « Fabriqué en France » (« Oh ! » sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP), alors que nous, nous n’avons cessé de prendre des initiatives dans ce domaine, notamment dans le cadre des états généraux de l’industrie. Contrairement à vous, nous n’avons pas hésité à prendre des mesures. Quand M. Carlos Ghosn, président de Renault, nous a annoncé, il y a trois ans, son intention de produire la Clio IV à Bursa, en Turquie, nous l’avons mis en garde : pour nous, une voiture française, destinée au marché français, doit être construite dans une usine française.

M. Nicolas Bays. Ça alors !

Mme la présidente. Allons, monsieur Bays !

M. Christian Estrosi. Si la Clio IV est aujourd’hui produite à Flins, c’est parce que nous l’avons décidé, parce que nous l’avons imposé, parce que nous avons montré que l’État ne restait pas les bras ballants, mais pouvait être un État stratège, à condition d’en avoir la volonté ! Voilà la réalité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Aujourd’hui, que dit M. Ghosn ? Il dit que le président Sarkozy lui a imposé de produire la Clio IV à Flins, et qu’une Clio IV produite à Flins coûte 1 200 euros de plus à l’unité qu’une autre produite en Turquie.

M. Alain Fauré. M. Sarkozy a été battu le 6 mai, nous vous le rappelons !

M. Christian Estrosi. Si nous avions pu préserver les mesures que nous avions mises en place, notamment la TVA anti-délocalisation, consistant en une baisse des cotisations patronales compensée par une hausse de la TVA sur les produits fabriqués hors de France, nous aurions pu apporter une réponse précise et directe à la question de la production en France – une question qui n’est évidemment pas sans conséquences sur le sort des sous-traitants et équipementiers, qui sont souvent des PME.

On pouvait penser que la nouvelle orientation correspondait à une posture idéologique visant à taxer encore plus les entreprises sans faire diminuer le coût du travail – qui, selon M. Hollande, n’est pas un problème en France. Or…

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur Estrosi.

M. Christian Estrosi. Je m’achemine tranquillement vers ma conclusion, madame la présidente. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Or, disais-je, vous avez annoncé, la semaine dernière, que vous alliez rechercher le même objectif, mais en augmentant la CSG. Eh oui, mes chers collègues, voilà la plus belle preuve de votre anti-sarkozysme primaire : supprimer une mesure de Nicolas Sarkozy pour la remplacer par une autre mesure prétendument équivalente. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Sauf que cette fois-ci, vous commettez une erreur lourde de conséquences sur le fond. Vous n’êtes pas sans savoir que sur les quatre taux de TVA, nous avions augmenté seulement le taux le plus haut, ce qui nous permettait de préserver nos concitoyens les plus fragiles, ainsi que les classes moyennes.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur Estrosi.

M. Christian Estrosi. Quand on sait que, dans le quintile des personnes ayant le niveau de vie le plus faible, 100 % du revenu disponible est consommé, dont 80 % sur de la TVA à bas taux, on comprend l’intérêt de préserver leur pouvoir d’achat.

Alors que notre TVA compétitivité ne touchait ni la nourriture, ni l’eau, ni l’électricité, ni le gaz, ni les médicaments, ni les produits culturels, ni les transports, votre CSG sociale va toucher les retraités et les invalides, et se traduire par une baisse du salaire des ouvriers. Vous allez ainsi porter gravement atteinte au niveau de vie des Français ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous avez pour cela choisi la CSG, un impôt perfide, prélevé à la source, inodore et incolore. Le mal se ressentira très durement dans les classes moyennes, et nous nous y opposerons de toutes nos forces.

Mes chers collègues, je veux terminer…

Mme la présidente. Il faut terminer tout de suite, monsieur Estrosi ! Vous avez déjà dépassé votre temps de parole de dix minutes !

M. Christian Estrosi. Je vais conclure, madame la présidente.

Je veux terminer, disais-je, en posant une question. Cette après-midi, demandons-nous ce que nos enfants verront au cours du siècle qui commence.

M. Arnaud Leroy. Les 600 milliards d’euros de dettes de Sarkozy !

M. Christian Estrosi. Les générations qui nous ont précédés ont vaincu le totalitarisme et ses atrocités. Elles ont été portées par le rêve d’une mondialisation heureuse, un rêve basé sur une démocratie forte et des marchés vigoureux qui devaient résoudre tous les problèmes. Certes, ce rêve avait bien commencé : les frontières se sont ouvertes, des millions d’hommes ont été arrachés à la misère. Mais il s’est brisé avec le retour des fondamentalismes religieux, du terrorisme, des dumpings, des délocalisations, des dérives de la finance globale, les risques écologiques. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Quel bilan !

Mme la présidente. Je vous prie d’achever rapidement votre intervention, monsieur Estrosi.

M. Christian Estrosi. On a fait semblant de croire qu’en mutualisant les risques, on les faisait disparaître. Aujourd’hui encore, François Hollande essaye de convaincre l’Allemagne de créer ses eurobonds sur la base de ce non-sens historique.

Quand vous avez appelé au changement dans votre programme présidentiel, vous l’avez fait sur des mensonges… (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Monsieur Estrosi, vous avez largement dépassé votre temps de parole. Je vais donc devoir couper votre micro dans quelques secondes.

M. Christian Estrosi. Dans un monde où certains chefs d’entreprises de PME ne se versent pas de rémunération à la fin du mois afin de pouvoir payer leurs salariés – alors que les PME représentent, je le rappelle, 90 % de notre tissu industriel –, dans un monde où l’on fait payer les entreprises au prétexte que ce serait indolore… (Le micro de M. Estrosi est coupé.)

Mme la présidente. C’est terminé, monsieur Estrosi. Vous n’avez plus la parole. (Exclamations sur tous les bancs.)

M. Marc Le Fur. Il faut le laisser parler !

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement. Au titre de quel article du règlement faites-vous ce rappel, monsieur Jacob ?

M. Christian Jacob. Au titre de l’article 58, alinéa 1er, madame la présidente.

Si ce n’est pas la première fois qu’un orateur dépasse très légèrement son temps de parole (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC), c’est bien la première fois que l’on retire la parole à un député en lui coupant le micro, madame la présidente. (« On n’a jamais vu ça ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Sans remettre en cause votre présidence, il me semble que vous auriez pu lui laisser notre collègue dire les quelques mots qui lui auraient permis de terminer son intervention, et votre façon de procéder me semble mal augurer des débats qui vont suivre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Un député du groupe UMP. C’est la dictature !

Motion de rejet préalable (suite)

Mme la présidente. Le Gouvernement souhaite-t-il répondre à la motion de rejet préalable ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Vous avez la parole, monsieur le ministre délégué.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Après avoir écouté attentivement M. le député Estrosi, je me suis demandé ce qui l’emportait, dans son intervention, entre l’immense affection – le mot est faible – qu’il continue manifestement de porter à l’ancien Président de la République et l’argumentation qu’il a développée à l’encontre de ce projet de loi de finances rectificative examiné par le Parlement. Pour ce qui est de cette argumentation, je voudrais tout de même lui rappeler qu’il a largement participé – même si ses fonctions ont connu quelques éclipses – à un gouvernement qui, au cours des cinq dernières années, a fait tout et son contraire. Il a ainsi voté, au sein de la précédente majorité, des mesures qu’il a ensuite dû récuser. C’est donc lui-même, soit comme membre du gouvernement de l’époque, soit comme membre de la majorité passée, qui a donné l’exemple d’incessantes allées et venues – de stop-and-go, selon l’expression consacrée –, bref, d’une pratique gouvernementale qui ne paraissait pas toujours traduire une réflexion très aboutie.

J’ai évoqué tout à l’heure ce qu’il en fut des mesures du paquet fiscal, de la déductibilité des intérêts d’emprunts pour l’accession à la propriété, des mesures que M. Estrosi a votées avant de voter leur abrogation.

M. Yves Censi. Entre-temps, il s’est passé quelque chose ! La crise, vous connaissez ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. De même, il a défendu et voté le bouclier fiscal, avant de voter son abrogation.

Le débat autour de ce projet de loi de finances rectificative revient à faire à nouveau le bilan des cinq années passées, un bilan que les Français ont, me semble-t-il, déjà fait d’eux-mêmes durant la campagne de l’élection présidentielle…

M. Pascal Terrasse. Un dépôt de bilan !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …avec la conclusion que l’on connaît – une conclusion qui en réjouit certains et en attriste d’autres mais qui, en tout état de cause, laisse penser qu’ils n’estiment pas ce bilan positif. Le seul maître que nous nous reconnaissions tous, c’est bien le suffrage universel, qui s’est exprimé de la manière la plus claire qui soit. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Arnaud Leroy. Bien sûr !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Si je peux comprendre l’amertume exprimée par M. Estrosi, je veux aussi le mettre en garde : l’amertume est mauvaise conseillère, et peut priver quelqu’un de la lucidité la plus élémentaire quand il s’agit de juger les mesures que se propose d’adopter un autre gouvernement que celui qu’il a soutenu.

En défendant le précédent Président de la République, M. Estrosi a bien veillé à défendre son propre bilan en tant que ministre de l’industrie. La tâche n’était pourtant pas simple, car M. Estrosi a obtenu, en tant que ministre de l’industrie, les résultats que l’on sait… (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. Christian Estrosi. Oui, et alors ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …à savoir un commerce extérieur qui, l’année dernière, a été déficitaire de près de 70 milliards d’euros – un record historique !

M. Jean-François Lamour. Il a sans doute été bien meilleur que ne le sera Montebourg, l’homme du redressement volatil !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le déficit constaté était d’une certaine manière la conséquence de la politique industrielle qu’il avait menée, et qui n’a manifestement pas produit les résultats escomptés, car je ne doute pas de la sincérité qui était la sienne.

M. Christian Estrosi. Je n’ai jamais fermé d’usines !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Toutefois, cette sincérité doit aujourd’hui le conduire à reconnaître ce que furent ses résultats : un pays appauvri, car un tel déficit du commerce extérieur constitue bel et bien un appauvrissement ; un pays ayant perdu sa substance industrielle, car c’est bien sous votre autorité, monsieur le ministre Estrosi, que notre pays a perdu des centaines de milliers d’emplois industriels ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) C’est sous votre autorité que la valeur ajoutée produite par l’industrie s’est effondrée par rapport au total de la valeur ajoutée produite en France. Alors qu’en Allemagne, l’industrie est à l’origine de plus de 20 % de la richesse produite, sous votre autorité, ce chiffre est passé à moins de 13 % en France !

M. Marc Le Fur. Ils n’ont pas le SMIC en Allemagne !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. En France, la richesse industrielle rapportée à la richesse nationale produite est même inférieure à celle de la Grande-Bretagne, un pays que le Président de la République adulé par M. Estrosi ne se privait pas de stigmatiser, soulignant que ce pays n’avait plus d’industrie.

Tel est le bilan du gouvernement dont M. Estrosi faisait partie : une industrie effondrée, un commerce extérieur dramatiquement déficitaire et des emplois industriels supprimés par centaines de milliers.

M. Christian Estrosi. Reprenez vos chiffres, ils sont faux ! Vous êtes incapable et incompétent !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Or, nous venons d’apprendre qu’au moment où des centaines de milliers d’emplois industriels étaient détruits, M. Estrosi convoquait les patrons de l’industrie, qui déféraient à cette convocation. Sans doute eût-il fallu faire davantage que cela…

M. Christian Estrosi. Vos chiffres sont complètement bidon !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je vous suggère de vous calmer, monsieur Estrosi, car, je vous le rappelle, nous sommes ici à l’Assemblée nationale, et je m’adresse à l’ensemble de la représentation nationale. Je ne sais pas comment vous conduisez les débats du conseil municipal de Nice, mais dans notre hémicycle, nous nous efforçons de faire en sorte que nos débats conservent une certaine dignité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Alors que vous avez, me semble-t-il, largement eu l’occasion de vous exprimer, vous tentez de reprendre la parole. Or, j’ai le droit de parler de vous en m’adressant à l’ensemble de la représentation nationale et, ne vous en déplaise, il se trouve que mes amis sont plus nombreux que les vôtres, parce que les Français en ont décidé ainsi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Cependant, puisque vous souhaitez qu’il en soit ainsi, je vais m’adresser à vous directement, les yeux dans les yeux, monsieur Estrosi, en demandant à mes amis politiques de bien vouloir me pardonner de leur tourner le dos pour quelques instants. Vous avez évoqué longuement, à cette tribune, l’évolution du pouvoir d’achat, un sujet auquel je comprends que vous soyez sensible. En 2007, le Président de la République que vous chérissez plus que de raison avait été élu sur la promesse d’une augmentation du pouvoir d’achat. Vous-même avez fait partie d’un gouvernement qui avait fait du pouvoir d’achat l’alpha et l’oméga de sa politique, votre parcours ministériel ayant toutefois été entrecoupé de périodes où vous êtes redevenu un parlementaire de la majorité, au gré d’une intermittence au demeurant un peu étrange. Quoi qu’il en soit, vous avez voté ou fait adopter des mesures dont l’incidence sur le pouvoir d’achat ressort clairement des documents budgétaires que vous avez sûrement consultés.

Les deux derniers trimestres de l’année 2011 et le premier trimestre de l’année 2012 se sont soldés par des reculs du pouvoir d’achat par unité de consommation. Que ce soit en tant que membre du Gouvernement ou en tant que parlementaire de la précédente majorité, vous êtes responsable, en particulier du fait de la politique industrielle que vous avez menée, de dispositions qui, non seulement n’ont pas augmenté le pouvoir d’achat des Français, mais ont au contraire entraîné une diminution du pouvoir d’achat par unité de consommation – le seul critère valable en la matière, comme Nicolas Sarkozy l’avait lui-même reconnu lorsqu’il était ministre de l’économie et des finances, en souhaitant que ce paramètre fût le seul à être pris en compte, au détriment de l’évolution du pouvoir d’achat brut.

Au regard même des critères que vous avez privilégiés, votre politique s’est conclue au bout de cinq ans par un échec terrible, celui du recul du pouvoir d’achat des Français. Cette situation que chacun a pu constater ne fut sans doute pas pour rien dans l’échec que vous avez collectivement connu et que vous semblez avoir un peu de mal à assumer. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Vous avez également évoqué, monsieur Estrosi, la règle d’or. C’est un sujet qui permet à certains membres de l’opposition d’aujourd’hui, c’est-à-dire de la majorité d’hier, de s’exonérer d’une partie de leurs responsabilités.

Mais de quelle règle d’or parlez-vous, monsieur Estrosi ? Vous semblez regretter que celle que vous avez assumée, en tant que membre du Gouvernement, en la soumettant au Parlement, n’ait pas été adoptée. Mais l’opposition de l’époque a eu raison de la refuser car son adoption n’aurait servi à rien. En effet, celle que vous aviez proposée n’avait rien, rigoureusement rien à voir avec celle que pourrait envisager le nouveau traité européen.

M. Charles de Courson et M. Yves Censi. Ce n’est pas vrai !

M. Christian Jacob. Soumettez donc ce traité au Congrès !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Vous le savez d’ailleurs probablement. Vous jouez donc de cette confusion qui consiste à vouloir faire croire que nous accepterions, le cas échéant, des règles de finances publiques inspirées par des principes de bonne gestion que nous avions refusés quand c’était vous qui les proposiez.

Le problème est que ces différents principes – ceux de l’année dernière et ceux que le Parlement aura peut-être à examiner – n’ont rigoureusement rien à voir les uns avec les autres. Ceux que nous pourrions être amenés à examiner se fondent sur la notion de solde structurel, à laquelle vous vous gardiez bien de vous référer, faute d’ailleurs de savoir définir ledit solde.

Cessons donc, au moins pour la clarté des débats dans cette enceinte, de faire semblant de croire que la règle d’or qui nous est sans cesse rappelée au motif qu’elle aurait dû, selon les parlementaires de l’opposition d’aujourd’hui, être adoptée l’année dernière, serait la même que celle que nous pourrions être amenés à examiner. Elles n’ont rigoureusement rien à voir l’une avec l’autre, comme les textes le démontreront à l’envi. (Rires et exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Jean-Pierre Gorges. Vous cherchez une porte de sortie !

M. Christian Jacob. Ayez donc le courage de soumettre le traité au Congrès !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Vous regrettez la suppression du conseiller territorial. J’ignore si elle sera effectivement décidée, mais en toute hypothèse je ne crois pas – je parle de mémoire et, le cas échéant, les textes trancheront ce débat entre nous – que ce soit la Cour des comptes qui ait proposé l’adoption ou la suppression du conseiller territorial. Honnêtement, tel n’est pas son rôle.

M. Patrick Lemasle. Absolument !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le rôle de la Cour des comptes est d’apprécier les politiques publiques, ainsi que leur coût. Elle n’est pas là pour se substituer au pouvoir exécutif ou au pouvoir législatif.

M. Jean-Pierre Gorges. C’est vrai !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Là-dessus, au moins, nous pourrons peut-être tomber d’accord.

Le conseiller territorial émanait de la commission dite Balladur. Vous avez le droit de défendre cette commission et l’apport de l’ancien Premier ministre de la France au progrès de nos institutions et des politiques menées.

M. Yves Censi. Le conseiller territorial émanait des travaux de l’Assemblée nationale !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Vous avez aussi le droit de regretter M. Balladur, comme vous regrettez amèrement Nicolas Sarkozy. D’autres ne partagent pas ces regrets.

Rendons à César ce qui appartient à César et convenez qu’il n’est pas choquant que cette majorité veuille revenir sur une disposition qu’elle avait combattue quand vous l’aviez présentée et dont elle avait dit que, en cas de victoire, elle la supprimerait. Nous pouvons avoir un désaccord, mais il n’y a pas lieu d’être surpris.

Vous avez abordé la question de la prime à la casse. À cet égard, je dois dire que j’ai beaucoup de mal à comprendre vos propos. En effet, je me demande si ce n’est pas vous qui, comme ministre de l’industrie, l’aviez dans un premier temps fait adopter, dans le cadre du plan de relance, avant, dans un second temps, de la supprimer.

M. Yves Censi et M. Marc Le Fur. Elle était destinée à être provisoire et non pas pérenne !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Cette prime à la casse n’existe plus. Or vous semblez accuser l’actuel Gouvernement et, le cas échéant, la majorité qui le soutient, de vouloir revenir sur la prime à la casse.

Je répète qu’il se trouve, monsieur Estrosi, que c’est probablement vous, comme ministre, qui en avez demandé la suppression au Parlement ! Je me permets donc de vous rafraîchir la mémoire. Il y aurait d’ailleurs beaucoup de sujets, dans ce que vous avez dit, qui m’autoriseraient à le faire encore, mais j’aurais besoin, pour cela, du même temps de parole que vous. Je courrais donc le risque de lasser, comme vous, mon auditoire. (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-François Lamour. C’est déjà le cas !

M. Christian Estrosi. Vous feriez mieux de travailler !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Quoi qu’il en soit, je ne souhaite évidemment pas, au nom du Gouvernement, que cette motion de rejet soit adoptée. Je conteste l’analyse en inconstitutionnalité qui a été faite par M. Estrosi. Celui-ci, si j’en crois mon oreille droite, me conseille de travailler. Sur le plan juridique au moins je pourrais vous renvoyer le compliment, monsieur le député. Vous affirmez que certaines dispositions sont inconstitutionnelles, mais je crains que ce ne soit vous qui n’ayez pas assez travaillé, pour votre intervention comme lors des cinq années passées ! (Applaudissements prolongés sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Marie-Christine Dalloz. Comme l’a très judicieusement souligné notre collègue Christian Estrosi (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC), votre projet de loi de finances rectificative est déséquilibré, monsieur le ministre délégué, avec dix-sept mesures tendant à augmenter des impôts ou à créer des dépenses supplémentaires et seulement trois visant à faire baisser les dépenses, malgré les recommandations de la Cour des comptes. Vous m’autoriserez à penser que ce n’était pas ce que nous pouvions attendre aujourd’hui d’un projet de loi de finances rectificative.

Par ailleurs, le contexte économique que nous connaissons aujourd’hui et celui que la France risque de connaître dans les semaines et les mois à venir nécessiteront d’avoir trois qualités.

D’abord, la réactivité. Or, quand je vois le temps qu’il a fallu pour l’accouchement de ce projet de loi de finances rectificative, je considère que vous n’êtes pas très réactifs. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Ensuite, il va falloir de l’innovation. Or – j’en parlerai tout à l’heure – je ne suis pas convaincue que vous fassiez preuve d’innovation dans ce texte de loi.

Enfin, il va falloir de la rigueur – mot qui est complètement interdit, que vous ne souhaitez pas que l’on utilise. Pourtant, c’est bien ce que les Français attendent.

M. Christian Jacob. Ainsi qu’un peu de modestie !

Mme Marie-Christine Dalloz. Un peu de modestie, effectivement, ce serait bien aussi.

M. Denys Robiliard, rapporteur pour avis. Vous savez de quoi vous parlez !

Mme Marie-Christine Dalloz. Je vous parlais à l’instant d’innovation. Eh bien, je vais vous dire ce que je ressens au vu de votre projet de loi de finances rectificative. Selon moi, vous refaites l’erreur de penser le monde de demain avec les idées de 1981. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Yves Censi. Eh oui !

M. Patrick Lemasle. Ridicule !

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est votre choix. Nous, en réaction, nous voterons cette motion de rejet préalable défendue par notre collègue Christian Estrosi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le ministre délégué, en vous écoutant, j’avais l’impression de revivre l’année 2007. Vous étiez à l’époque sur les bancs de l’opposition. Vous avez souvent entendu les ministres à votre place vous expliquer que les élections donnaient toute légitimité – ce qui est vrai – à une nouvelle majorité.

Je veux simplement et modestement attirer votre attention sur l’idée suivante, que je vous entendais défendre à l’époque : élection n’est pas raison. Les mêmes excès peuvent produire les mêmes erreurs. C’est la raison pour laquelle nous voterons cette motion. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je sais bien qu’un certain nombre d’entre vous, tout à l’enthousiasme de leur récente élection, ne comprennent pas encore l’idée que je viens de rappeler, mais attendez quelques mois !

La majorité précédente a commis deux erreurs, que nous, centristes, avons soulignées : l’adoption du bouclier fiscal et le refus de la TVA compétitivité, que nous réclamions de longue date. Alors même que la majorité précédente a corrigé trop tard ces deux erreurs, je pense que vous commencez à votre tour cette législature, à travers le PLFR, par deux fautes.

La première réside dans le même refus d’une TVA pour la compétitivité. Avec les 13 milliards de charges qui pèseront sur les entreprises, celles-ci seront moins compétitives et moins en mesure de créer des emplois, au moment même où vous leur demandez de faire des efforts en termes de recrutement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur certains bancs du groupe UMP.)

En plus, on nous annonce déjà, même si vous le niez ou si vous essayez de le dissimuler aujourd’hui, que la hausse de la CSG viendra remplacer cet effort visant à améliorer la compétitivité. Choisir d’augmenter la CSG au lieu de conserver la TVA compétitivité, c’est privilégier un impôt qui ne pèsera que sur les Français et les entreprises françaises, alors que, pour une fois, l’on faisait participer les entreprises étrangères et leur main-d’œuvre à la protection sociale des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur certains bancs du groupe UMP.)

La seconde erreur est un peu similaire au bouclier fiscal, bien qu’elle semble en être exactement l’inverse, car je crains que les résultats se ressemblent. Je veux parler du grand sabre anti-salarial que vous êtes en train de manier.

Mme la présidente. Merci de conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je conclus, madame la présidente.

Le Président de la République et les parlementaires qui le soutiennent ici ont décidé qu’il fallait faire payer les riches, ceux qui ont les moyens. La première mesure que vous prenez consiste à faire payer 9,6 millions de personnes à hauteur de 500 euros par an environ.

S’il y avait autant de riches en France, ce serait une grande nouvelle, une grande surprise que la majorité socialiste nous ferait ! Désolé de vous le dire, mais ce ne sont pas les riches qui paieront votre effort prétendument juste : ce sont les classes populaires et les classes moyennes. Vous commencez dès aujourd’hui à les faire payer. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Girardin, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Annick Girardin. Mon groupe ne s’associera pas à cette motion de rejet préalable. J’ai entendu un certain nombre d’arguments, mais franchement, mes chers collègues de l’opposition, vous avez laissé des comptes publics extrêmement dégradés.

Vous avez fait progresser la dette publique de vingt points en cinq ans. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe SRC.) Vous avez commencé le précédent quinquennat avec un paquet fiscal de 15 milliards d’euros au bénéfice des plus aisés. Quant à nous, nous commençons avec un redressement des comptes publics de 7 milliards d’euros. C’est une vraie différence, qui prouve le sérieux de la majorité présidentielle et sa volonté de répondre aux engagements qu’elle a pris auprès des Français.

M. Bruno Le Roux. Très bien !

Mme Annick Girardin. Oui, il manque 7 milliards de rentrées fiscales. Que cela soit voulu ou non de votre part, nous devons assumer – et nous le faisons – les conséquences de cette sous-budgétisation.

Ce collectif est le symbole parfait de notre volonté de retrouver l’équilibre en 2017. C’est un collectif d’urgence qui vise à respecter notre trajectoire de redressement des comptes publics et donc à réparer vos erreurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, écologiste et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Nicolas Sansu. Mes chers collègues, vous ne serez pas surpris que je ne sois pas tout à fait d’accord avec la lecture que fait notre collègue Estrosi de la crise et de la situation internationale.

Il me semble que ce n’est pas une simple bulle immobilière aux États-Unis qui a conduit à l’effondrement bancaire puis aux difficultés que nous connaissons. C’est au contraire la financiarisation de l’économie qui a complètement stérilisé l’économie réelle. Aujourd’hui, le capitalisme financier est dans le mur.

Vous vous souvenez peut-être d’un rapport, remis en 2009 par le directeur général de l’INSEE à Nicolas Sarkozy, que vous chérissez tant et qui était alors président de la République. Ce rapport affirmait, à propos du partage de la valeur ajoutée, que, en trente ans, le résultat brut d’exploitation des entreprises avait été multiplié par un peu moins de trois, tandis que les dividendes l’avaient été par un peu plus de dix. C’est cela qui, aujourd’hui, nous conduit à la faillite. S’il faut des chiffres plus précis, on pourrait en donner sur les entreprises du CAC 40 – j’y reviendrai tout à l’heure.

Concernant, les droits de succession, monsieur Estrosi, relisez ce que disait mercredi dernier M. Carrez, au sein de la commission des finances, qu’il préside. Avec sa permission, j’aimerais le citer.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Faites, je vous en prie ! (Sourires.)

M. Nicolas Sansu. Il déclarait : « Lorsque nous avons voté la loi TEPA, je n’ai pas caché que le triplement de la franchise, de 50 000 à 150 000 euros, pour les donations de parents à enfants, me paraissait excessif. » Je crois que c’est juste. Or, avec l’article que l’on nous propose d’adopter, 88 % des successions resteront exonérées.

En ce qui concerne, monsieur Estrosi, vos envolées sur le peuple qui souffre, vous auriez dû vous souvenir de cette souffrance quand vous avez gelé le SMIC et le point d’indice des fonctionnaires…

M. Christian Jacob. Où en est-il aujourd’hui avec vous ?

M. Nicolas Sansu. …et quand vous avez fait des cadeaux aux plus fortunés, avec le bouclier fiscal, au détriment de tous les autres. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Vous auriez dû également vous en souvenir quand vous avez aidé les banques plutôt que les peuples.

La vérité, mes chers collègues, c’est qu’il est temps de cesser la contre-révolution fiscale engagée par la droite et par tous les néolibéraux, où qu’ils soient sur ces bancs. Il faut revenir à des impôts conformes à l’esprit de notre République, c’est-à-dire à nos valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité. J’espère qu’il en sera ainsi avec ce PLFR et que celui-ci sera un premier pas dans cette direction. Le groupe GDR se prononcera évidemment contre cette motion. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, SRC, écologiste et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Pierre-Alain Muet. Nous avons entendu, pour la défense de cette motion de rejet préalable, un discours totalement surréaliste. Vous avez passé une partie de votre temps, monsieur Estrosi, à défendre votre héritage.

Je ne reviens sur ce qu’a dit le ministre des finances vous concernant, à savoir les 70 milliards de déficit extérieur, quand, il y a dix ans, la France était en excédent, ou encore les 750 000 emplois supprimés.

M. Yves Censi. Que s’est-il passé en 2009 ?

M. Pierre-Alain Muet. L’héritage, en matière de finances publiques, se résume par ce simple constat : en dix ans, la dette de notre pays a doublé, c’est-à-dire que l’ancienne majorité, à laquelle vous apparteniez, a accumulé autant de dettes en dix ans que tous les gouvernements qui l’ont précédée dans l’histoire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Vous nous parlez du pouvoir d’achat avec des trémolos dans la voix, mais, monsieur Estrosi, l’article 1er de ce projet de loi de finances rectificative supprime 12 milliards de TVA, transférés des entreprises sur les ménages, qui amputaient le pouvoir d’achat. (« Et la hausse de la CSG ? » sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Avec cette suppression, ce sont donc 12 milliards de pouvoir d’achat que nous redonnons aux ménages. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

L’article 2, quant à lui, supprime cette arme de destruction massive de l’emploi qu’est la subvention aux heures supplémentaires. Notre rapporteur général a raison d’aller jusqu’au bout en proposant de supprimer des incitations fiscales qui n’ont aucun sens dans une situation de chômage.

Vous croyez augmenter les revenus, mais ce n’est pas du tout le cas ! Dans une situation de chômage, où en plus les entreprises sont contraintes par la demande, le seul effet de ces dispositions est de détruire des emplois. Au total, cela n’a aucun effet sur le niveau global du revenu.

Oui, les mesures de ce collectif budgétaire contribuent au redressement de notre économie. Elles le font dans la justice et dans l’efficacité. Vous avez défendu, monsieur Estrosi, une motion de rejet préalable. Eh bien moi, je vous dis que la seule chose qui mérite un rejet, c’est la politique que vous avez suivie pendant cinq ans, voire dix ans.

Mme la présidente. Merci de conclure, mon cher collègue.

M. Pierre-Alain Muet. Or ce rejet a déjà eu lieu : c’était le 6 mai et le 17 juin !

Aujourd’hui, ce qui compte, c’est de redresser notre pays. Le groupe SRC votera naturellement contre cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2012.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)