Accueil > Travaux en séance > Les comptes rendus > Les comptes rendus de la session > Compte rendu intégral

Afficher en plus grand
Afficher en plus petit
Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 28 mars 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Denis Baupin

1. Circonscription unique pour l’élection des représentants français au Parlement européen

Suite de la discussion d'une proposition de loi adoptée par le Sénat

Discussion des articles (suite)

Rappel au règlement

M. Marc Le Fur

M. le président

Article 1er

M. Guillaume Larrivé

M. Jean-Luc Laurent

M. Marc Le Fur

M. Xavier Breton

M. Philippe Gosselin

M. Jean-Christophe Fromantin

M. Guillaume Chevrollier

M. Hervé Mariton

Amendements nos 8, 14, 22, 25, 33

M. Alain Tourret, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes

M. Thierry Repentin, ministre délégué

Article 2

M. Guillaume Larrivé

M. Marc Le Fur

M. Xavier Breton

M. Philippe Gosselin

M. Jean-Christophe Fromantin

M. Jean-Luc Laurent

M. Sylvain Berrios

Mme Marie-Christine Dalloz

M. Philippe Meunier

Amendements nos 9, 18, 26, 34, 30

Rappel au règlement

M. Marc Le Fur

Article 2 (suite)

M. Thierry Repentin, ministre délégué

Article 3

M. Guillaume Larrivé

M. Philippe Gosselin

M. Xavier Breton

M. Marc Le Fur

M. Sylvain Berrios

M. Philippe Meunier

Amendements nos 10, 19, 21, 27, 31, 35

M. Thierry Repentin, ministre délégué

Après l’article 3

Amendements nos 2, 1, 42, 52, 55, 43, 51, 56

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

Suspension et reprise de la séance

Après l’article 3 (suite)

Amendements nos 3, 4, 5, 6, 7, 23, 28, 32, 36, 49

Seconde délibération

Amendement no 1

Rappel au règlement

M. Guillaume Larrivé

Suspension et reprise de la séance

Seconde délibération (suite)

Rappels au règlement

M. Marc Le Fur

M. Daniel Goldberg

M. Guillaume Larrivé

Suspension et reprise de la séance

Seconde délibération (suite)

Rappel au règlement

M. Guillaume Larrivé

Seconde délibération (suite)

2. Recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires

Discussion d'une proposition de loi, adoptée par le Sénat

Rappel au règlement

M. Christian Jacob

Suspension et reprise de la séance

Présentation

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche

Mme Dominique Orliac, rapporteure de la commission des affaires sociales

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales

M. Jean-Yves Le Déaut, vice-président de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques

Discussion générale

M. Roger-Gérard Schwartzenberg

Mme Jacqueline Fraysse

M. Jean-Louis Touraine

M. Guillaume Chevrollier

M. Jean-Christophe Fromantin

Mme Véronique Massonneau

3. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Denis Baupin
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Circonscription unique pour l’élection des représentants français au Parlement européen

Suite de la discussion d’une proposition de loi adoptée par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, rétablissant une circonscription unique pour l’élection des représentants français au Parlement européen (nos 44, 826).

Discussion des articles (suite)

M. le président. Ce matin, l’Assemblée a commencé l’examen des articles, s’arrêtant à l’article 1er.

M. Marc Le Fur. Je demande la parole, pour un rappel au règlement.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour un rappel au règlement.

M. Marc Le Fur. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé des affaires européennes, nous avons eu en fin de matinée une discussion très intéressante sur le seuil de remboursement des campagnes électorales. Pour toutes les élections, ce seuil est fixé à 5 % des voix, à une exception un peu surprenante près : il est de 3 % des voix pour les élections européennes.

J’ai défendu un amendement n° 41 qui visait à rétablir la règle générale de 5 % qui devrait valoir pour toutes les élections. En revanche, mon amendement n° 43, qui portait sur le même sujet mais proposait une manière un peu différente de résoudre le problème, n’a pas été présenté. Est-ce une erreur ? Reviendra-t-il ?

C’est donc un rappel au règlement de procédure concernant un dépôt d’amendement. Qu’en est-il exactement ? Merci, monsieur le président, de me donner ces précisions. Je comprendrais parfaitement que l’on s’interrompe quelques moments pour regarder les choses de plus près.

M. le président. Ce n’est pas nécessaire, monsieur Le Fur, j’ai la réponse à votre question : il est prévu que cet amendement soit positionné après l’article 3 puisqu’il s’agit de modifier l’article 18 de la loi.

M. Marc Le Fur. Merci, monsieur le président.

Article 1er

M. le président. Sur l’article 1er, la parole est à M. Guillaume Larrivé, premier orateur inscrit.

M. Guillaume Larrivé. Mes chers collègues, nous sommes tous députés de la nation et nous sommes tous élus dans une des 577 circonscriptions. Grâce à cet ancrage territorial, nous sommes bine informés de ce que pensent nos concitoyens et ce contact avec les réalités renforce notre légitimité.

Les députés européens n’ont pas cette chance, cette particularité d’être enracinés dans une circonscription de petite taille. Mais ils ont, depuis la réforme de 2003, la possibilité d’être élus dans des circonscriptions régionales qui permettent d’établir et de consolider un lien entre eux et la population de ces territoires.

Nous pensons vraiment qu’il serait erroné et dangereux pour la construction européenne de couper ce lien entre les députés européens et les territoires. Même si ce lien est moins fort que celui que les députés de l’Assemblée nationale entretiennent avec leurs électeurs, il existe grâce aux grandes circonscriptions régionales.

C’est pourquoi nous allons, patiemment et ardemment, défendre des amendements permettant de préserver le mode de scrutin actuel.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent.

M. Jean-Luc Laurent. Mon intervention sur cet article 1er me permet d’indiquer la position des députés du Mouvement républicain et citoyen, membres du groupe SRC, qui vont faire valoir leur liberté de vote, en approuvant la proposition de modification du mode de scrutin, déposée par nos collègues du groupe du Rassemblement démocratique et social européen.

Avec Marie-Françoise Bechtel et Christian Hutin, j’ai déposé une proposition de loi visant également à rétablir une circonscription unique, afin de renouer avec le débat démocratique.

Depuis dix ans, je veux à mon tour y insister, chaque élection européenne est une élection ratée et une occasion manquée. Le débat est escamoté, la participation est faible : 57 % en 2004, 59 % en 2009. Ces chiffres démontrent que le changement de mode de scrutin, qui devait enrayer la désaffection des citoyens, n’a pas produit les résultats escomptés.

L’éloignement croissant entre les députés européens et les citoyens et le désintérêt des électeurs avaient été imputés à l’existence d’une circonscription unique et avaient justifié la création de huit circonscriptions interrégionales. Celles-ci se sont révélées totalement artificielles avec des députés inconnus et invisibles pour leurs électeurs. Constatons aussi que la juxtaposition de huit débats ne permet pas de tenir un débat démocratique à la hauteur des enjeux qu’exige l’avenir de l’Europe.

Avec l’UMP ce matin – M. Le Fur et tout particulièrement M. Larrivé – nous avons eu droit à un éloge du localisme alors que la question qui nous est posée au travers de cette proposition de loi, à mes yeux, c’est la place de la nation en Europe. Je pensais que les députés qui se situent dans l’héritage de Charles de Gaulle auraient cela toujours présent en tête. Je constate qu’il n’en est rien. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. François de Rugy. Très bien.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. À notre excellent collègue Laurent, je dirai que le général de Gaulle, c’est aussi le discours de 1969 à Quimper, la réforme de 1969, l’immense effort de décentralisation…

M. Jean-Luc Laurent. Cela n’a rien à voir !

M. Marc Le Fur.…dont toutes les réformes de décentralisation successives n’ont été que de pâles copies.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. De Gaulle, un partisan de la décentralisation !

M. Marc Le Fur. Cela allait très loin. Je vous invite à relire le texte du général de Gaulle. Hélas, les Français n’ont pas donné une réponse positive à son referendum car, à l’époque, la coalition de toutes les élites ou pseudo-élites s’est opposée aux vœux du général de Gaulle. C’était bien triste.

M. Jean-Luc Laurent. Ce n’est pas l’Europe européenne comme disait de Gaulle !

M. Marc Le Fur. Mon propos est d’essayer de comprendre ce qui se passe en termes politiques puisque l’on nous a accusés de tous les maux. Nous avons là une proposition des radicaux qui sont très proches du parti socialiste. On peut parfois les qualifier de forces un peu supplétives des socialistes. (Exclamations sur les bancs du groupe RRDP.) Vous pourrez répondre, mes chers collègues.

Et là, on s’attendait à ce que les socialistes suivent les radicaux, ne serait-ce que pour permettre à M. Harlem Désir, le handicapé du suffrage universel, d’accéder à une responsabilité au moins européenne. Rappelons que M. Désir avait tenté sa chance en 1997, une bonne année, et en Seine-Saint-Denis. Il n’avait pas été élu et il avait dû se rattraper en 1999 au scrutin européen.

M. Stéphane Travert. Ce genre d’attaque ne sert à rien.

M. Marc Le Fur. Or il apparaît que le parti socialiste ne veut pas de ce texte, si j’ai bien compris. Mais certains membres du groupe socialiste, comme M. Laurent que nous venons d’entendre, y sont favorables.

Pour ma part, je souhaiterais que l’on clarifie les choses en termes politiques. Nous, à l’UMP, nous sommes unanimes : nous ne voulons pas de ce texte ; nous croyons au local ; nous croyons au lien entre un territoire et son élu.

M. Jean-Luc Laurent. Pauvre France !

M. Marc Le Fur. À l’inverse, nous constatons que la gauche est pour le moins divisée. J’ai cru comprendre que les écologistes étaient plutôt pour un scrutin national. Il faut qu’à un moment chacun dise les choses clairement au lieu de se dissimuler.

M. Paul Giacobbi. C’est une explication de vote !

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Avec cet article 1er, il nous est proposé de supprimer un mode de scrutin par circonscription pour les élections européennes. Cela va dans le très mauvais sens que l’on constate actuellement, celui d’un éloignement entre les élus et les électeurs.

Cette proposition de loi a été initialement soutenue par l’ensemble de la gauche dont nous voyons qu’elle est en train de se fissurer : apparue entre les groupes, la fissure apparaît maintenant à l’intérieur des groupes de la majorité.

Pour notre part, nous restons cohérents et nous souhaitons un lien de proximité. Hier et avant-hier, nous avons regretté l’éloignement qui va résulter de la création des nouveaux conseillers départementaux puisque la moitié des cantons va être supprimée et que les binômes d’élus vont être plus éloignés de leurs électeurs que ne le sont les conseillers généraux. Le conseiller régional va rester aussi distant qu’il l’est du terrain alors que sa transformation en conseiller territorial permettait de l’ancrer dans le territoire.

M. Thierry Braillard. Hors sujet !

M. Philippe Gosselin et M. Marc Le Fur. C’est le sujet !

M. Xavier Breton. Le sujet, c’est l’éloignement entre l’élu et le citoyen. Nous sommes cohérents dans toutes nos prises de position et nous appelons la gauche à faire de même.

De même, le scrutin municipal par liste, dont on ne sait pas s’il s’applique avec un seuil de 500 ou de 1 000 habitants, va aussi contribuer à éloigner les élus de leurs électeurs.

Il s’agit bien du même sujet, de la même logique. Nous avons une conception de la démocratie qui s’ancre dans le territoire. Nous souhaitons combattre les visions purement partisanes où les élus sont nommés par les appareils politiques. Nous souhaitons avoir des élus proches du peuple. C’est tout le sens des amendements que nous allons défendre.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Mon intervention vise deux objectifs : rappeler notre attachement au scrutin existant et aux circonscriptions actuelles ; dénoncer ces tripatouillages, en tout cas ces changements qui touchent tous les modes de scrutin pour les prochaines échéances.

D’abord, et cela a déjà été dit à plusieurs reprises, nous avons besoin de proximité, ce qu’une circonscription unique ne permet pas. Nous avons besoin d’un maillage du territoire. La proximité trouve davantage à s’exprimer dans le cadre des circonscriptions actuelles qui, j’en conviens, ne sont pas parfaites : parfois, l’identification est déjà difficile.

Nous avons la chance, dans la grande circonscription nord-ouest, d’avoir des députés identifiés, comme Jean-Paul Gauzès, élu de Seine-Maritime qui vient régulièrement en Basse-Normandie. Heureusement, nous avons cette participation et cette représentation.

Le passage à une circonscription unique, tel qu’il nous est présenté, ne garantit pas un équilibre des candidats mais surtout des élus sur l’ensemble des territoires. Il est évidemment tentant d’avoir davantage de candidats et d’élus dans des zones qui ont un poids démographique certain. Dans ce cas, si la population est sans doute représentée, les territoires ne le sont pas. Or, au plan européen, les territoires doivent aussi être représentés par des élus qui y sont ancrés, qui les incarnent en quelque sorte et non pas par quelques vagues éléments d’une forme de technostructure désincarnée.

Et puis, deuxième point, c’est l’occasion de dénoncer…

M. le président. Votre temps est écoulé, monsieur Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Très bien, j’y reviendrai plus tard !

M. le président. J’en suis sûr.

La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin.

M. Jean-Christophe Fromantin. Ce sujet touche à la fois à la question de la proximité, comme cela vient d’être dit, et à des considérations plus économiques.

Le sujet de la proximité, on le comprend, on le devine, est essentiel. Dans les baromètres qui paraissent régulièrement sur la confiance des Français vis-à-vis des politiques, on voit la prime qui est donnée aux élus de proximité, à ceux qui sont proches de nos concitoyens – et on voit le délitement général de la confiance vis-à-vis des élus. Dans ce contexte, et à propos d’un tel scrutin, alors que nous sommes quasiment tous d’accord sur l’importance du fait européen, comment vouloir distendre encore davantage le lien entre les élus européens et nos territoires ? Certes, les circonscriptions ne concordent pas parfaitement avec nos régions, mais ce qu’il faudrait plutôt, c’est travailler à un meilleur maillage des circonscriptions européennes, au lieu de décider par facilité la recentralisation de la circonscription française !

J’en viens à l’aspect économique des choses. Il y a quelque temps, un bilan de la consommation des fonds régionaux européens a fait apparaître que la France n’utilisait pas tous les crédits qui lui étaient attribués, à l’inverse de pays mieux organisés au plan régional. Nous savons bien à quel point ces fonds servent, pour nos politiques nationales, de variable d’ajustement dans les dotations des régions. À l’heure où l’on veut réorganiser la gestion de ces fonds au niveau des territoires, l’élu européen peut trouver un rôle tout à fait intéressant.

Voilà pourquoi cette recentralisation de l’élection européenne me paraît aller à contresens de l’intérêt de nos territoires et de nos régions et empêcher que les fonds de développement économique servent au mieux leur évolution.

M. Guillaume Larrivé. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

M. Guillaume Chevrollier. Cette discussion m’apparaît inopportune et malvenue. En effet, à l’heure où nous nous plaignons tous du taux élevé d’abstention dans notre pays, notamment pour le scrutin européen, il ne convient pas de changer sans cesse les règles électorales. Il faut de la stabilité. Or, votre Gouvernement modifie sans cesse les règles du jeu : suppression du conseiller territorial, modification des règles pour les élections municipales et départementales, sans compter une probable modification des dates d’élection pour certains scrutins dans les prochains mois…

Ce texte voudrait transformer complètement l’élection européenne, en établissant une circonscription unique pour l’élection des représentants français au Parlement européen. Mais quel message serait alors envoyé aux citoyens : celui d’élus qui ne pensent qu’aux élections ? Celui d’un tripatouillage électoral, alors que notre pays est dans une situation économique très difficile ? Les préoccupations majeures de nos concitoyens, et à juste titre, c’est l’emploi et le pouvoir d’achat !

M. Marc Le Fur. Très juste !

M. Guillaume Chevrollier. En outre, ce texte n’aboutirait à rien d’autre qu’à faire élire des apparatchiks parisiens sans aucun contact avec leurs électeurs. Est-ce ainsi qu’on va rapprocher l’Europe des citoyens ?

Allez-vous donner davantage de crédit aux élus européens avec un scrutin de liste national ? Je ne le crois pas. La circonscription unique favorise aussi la multiplication de listes qui ne sont pas forcément représentatives au niveau local et dont l’influence est éparpillée au sein des multiples groupes du Parlement européen, alors qu’il faudrait plutôt que les eurodéputés français travaillent ensemble.

Ce texte va donc à l’inverse de ce qu’il faut. Les élus européens actuels, issus des huit grandes circonscriptions, sont certes encore trop éloignés de leurs électeurs mais ils gardent quand même, après la réforme de 2003, un ancrage. Certains sont bien identifiés, comme c’est le cas dans la région du grand ouest à laquelle j’appartiens. Cette réforme est donc inadéquate, malvenue et maladroite.

M. Paul Giacobbi. Bis repetita non placent !

M. Guillaume Chevrollier. Laissez-nous débattre des sujets qui préoccupent nos concitoyens et qui contribuent au redressement du pays ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Cette proposition de loi est hors du temps : la priorité de nos concitoyens n’est sûrement pas la modification du mode de scrutin de l’élection des représentants français au Parlement européen. Elle est aussi hors du sujet, car s’il y a sûrement un certain nombre de progrès, à la fois sur le fond et sur la gouvernance, à réaliser en Europe – on le voit à l’occasion des crises financières qui nous secouent depuis quelques années – ils ne portent certainement pas sur les modalités de désignation des représentants français au Parlement européen.

L’Europe doit-elle s’attacher à sa refondation, qui passe par une meilleure définition des matières dont elle a à traiter ? Évidemment oui ! Le principe de subsidiarité qui figure dans les traités n’est manifestement pas respecté, ou alors traduit souvent à l’échelle européenne à l’inverse de son acception commune. Oui, l’Europe doit retrouver la subsidiarité pour définir les matières dont elle a à traiter. Ça, c’est un vrai sujet, pas les modalités d’élection des représentants français au Parlement européen !

À l’occasion de la crise chypriote, une difficulté de gouvernance est-elle apparue ? Évidemment oui ! La manière dont l’Eurogroupe s’est prononcé n’est pas idéale, d’évidence. L’articulation sur les questions budgétaires et financières est-elle idéale entre l’exécutif et le Parlement européens ? Évidemment non ! Ce sont des sujets sur lesquels la représentation nationale pourrait avoir des choses à dire, et serait même extrêmement utile. Mais tout cela n’est en rien enrichi par la proposition qui nous est faite de modifier les modalités d’élections des représentants français au Parlement européen.

Nous attendons, comme nous serons amenés à en faire nous-mêmes, des propositions de la majorité, des autres groupes politiques et du Gouvernement sur l’amélioration de la gouvernance. Ce matin en commission des finances…

M. le président. Monsieur Mariton, votre temps est écoulé…

M. Hervé Mariton. …nous auditionnions M. Moscovici, après à la fois les déclarations de février de la Commission sur les perspectives budgétaires de la France et la crise de Chypre. Il apparaît bien un problème de gouvernance majeur ! S’il vous plaît, faites des propositions sur ce terrain plutôt que de nous engluer dans des débats d’organisation de liste qui n’ont rien d’important aujourd’hui !

M. le président. Nous en venons aux amendements. Je suis saisi de plusieurs amendements de suppression, nos 8, 14, 22, 25 et 33.

La parole est à M. Thierry Solère, pour soutenir l’amendement n° 8.

M. Thierry Solère. Il s’agit donc de supprimer cet article car, comme cela a été dit, nous sommes défavorables à ce changement de mode de scrutin. Cela ne portera d’ailleurs pas chance à votre majorité de les tripatouiller en permanence. Plus généralement, par jour ouvrable, il y a 800 chômeurs nouveaux dans notre pays. Je suis donc effrayé qu’un groupe de notre parlement utilise le dispositif des niches parlementaires pour faire examiner un tel dispositif.

La vérité – il faut le dire, car il est intéressant de voir les tergiversations qui ont eu lieu – est qu’au départ, le Gouvernement était plutôt favorable à cette affaire de circonscription unique. Après quoi M. Harlem Désir a exprimé son souhait de mener cette liste nationale, puis Mme Ségolène Royal a montré un intérêt manifeste. Le Président de la République a alors montré une fois de plus ses règles de management : il y a deux têtes de liste ? Abandonnons le projet !

M. Marc Le Fur. Très bien ! Ecoutez-le !

M. Thierry Solère. Je suis navré que nous perdions notre temps ici à tripatouiller le code électoral pour éloigner encore un peu plus l’Europe de nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n° 14.

M. Guillaume Larrivé. Thierry Solère vient de montrer clairement les hésitations, les palinodies de la majorité.

Voici quelques mois en effet, le parti socialiste au Sénat, qui n’était pas alors majoritaire, avait voté en faveur de cette proposition de loi. Quelques mois plus tard donc, et sans qu’on en comprenne les raisons de fond, il y a un changement de pied – comme si au fond vous craigniez qu’une évolution du mode de scrutin soit pour vous la menace d’une sanction. On a le sentiment, au fil des débats – on l’a vu en début de semaine sur des scrutins locaux, aujourd’hui sur le scrutin européen – que vous n’êtes pas guidés par des motifs d’intérêt général mais par le seul intérêt partisan du parti socialiste.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Et l’UMP, alors ? Ça suffit !

M. Guillaume Larrivé. Tout se passe comme si vous essayiez de sauver les meubles. Vous essayez de sauver les meubles dans les régions – en modifiant le calendrier électoral – et dans les départements – en modifiant le calendrier électoral. Vous vous apprêtez aussi à manipuler, il n’y a pas d’autre mot,…

M. Stéphane Travert. C’est l’hommage du vice à la vertu !

M. Guillaume Larrivé. …les conditions dans lesquelles les sénateurs seront élus en septembre 2014. Tout cela ne me paraît pas très glorieux, et emprunte en tout cas plus au domaine culinaire – la tambouille électorale – qu’à des principes. C’est assez regrettable pour la démocratie.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 22.

M. Philippe Gosselin. Il est important que cet article soit supprimé. J’avais commencé tout à l’heure à dire tout le bien que je pensais d’un scrutin qui se déroule dans plusieurs circonscriptions et qui respecte un peu plus que le scrutin national la diversité et la proximité. Je voudrais exposer maintenant le deuxième point de ma démonstration.

Isolée, cette proposition de loi pourrait paraître anodine, voire de bon sens, en tout cas pour certains. Mais quand on la place dans un ensemble plus vaste, le point de vue est très différent. Hier soir, à moins d’un an donc du scrutin municipal, on en était encore à des querelles et à des hésitations sur des questions de seuil et de fléchage ou non de conseillers municipaux. Puis il y a le scrutin binominal, qui va entraîner un redécoupage des cantons au mépris des territoires ruraux. Ce scrutin, c’est vraiment du jus de crâne – un scrutin unique au monde, que l’univers entier devrait nous envier !

Par ailleurs, les régionales sont repoussées, ce qui modifie de fait la composition du collège électoral qui désignera les sénateurs en 2014 – il y a une glaciation du collège actuel. C’est de la manipulation. S’y ajouteront aussi, cela a déjà été annoncé, les législatives, avec sans doute une dose de proportionnelle et donc forcément du redécoupage électoral.

Vraiment, j’en ai assez qu’on néglige les problèmes essentiels et les attentes de nos compatriotes. J’en ai assez que nous passions tant de temps aujourd’hui, comme hier et comme demain encore, à traiter de ce redécoupage alors que le système actuel offre au moins l’avantage, à défaut d’être parfait, de la proximité et d’une meilleure incarnation.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 25. Voulez-vous vraiment le défendre ?

M. Marc Le Fur. Mais nous sommes là pour ça ! Il faut bien que nous répondions à ces propositions d’un autre groupe politique.

Derrière toute cette affaire, et comme l’a bien montré Philippe Gosselin, il y a hélas beaucoup de non dits. Voilà une proposition du parti radical à laquelle initialement le parti socialiste se montrait ouvert. Thierry Solère a donné une explication très pertinente de son revirement : c’est que le Président de la République, une fois de plus, n’a pas su arbitrer entre deux chefs potentiels de cette liste unique, Harlem Désir, dont on a beaucoup parlé, ou Mme Royal, dont on a moins parlé.

M. Paul Giacobbi. C’est un choix régalien !

M. Marc Le Fur. En tout cas quelque peu délicat, compte tenu des personnalités en cause.

Une autre raison explique le changement de braquet du parti socialiste : c’est que la circonscription unique revenait à un référendum pour ou contre le Gouvernement !

M. François Loncle. Mais non !

M. Marc Le Fur. Ils l’ont compris ! Ils savent qu’il y aurait eu une réaction de rejet, après les municipales de l’an prochain, et que cette réaction aurait été spectaculaire, que la circonscription unique aurait eu un effet de loupe !

Pour toutes ces raisons donc, le parti socialiste a changé d’attitude. Il a lâché ses forces supplétives, qu’il avait laissé partir en unité avancée, en rase campagne – vous l’avez bien compris mes chers collègues. Il en est revenu à des dispositions qui sur le fond d’ailleurs nous agréent, car il faut que cette élection se fasse dans le cadre des grandes circonscriptions actuelles. Elles sont grandes, mais malgré tout locales. Elles engendrent un ancrage peut-être insuffisant, mais permettent quand même de connaître son député européen. La démocratie, c’est savoir qui vous représente !

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour défendre l’amendement n° 33.

M. Xavier Breton. Il s’agit aussi d’un amendement de suppression de l’article 1er,…

M. Paul Giacobbi. Comme les précédents, comme les suivants…

M. Xavier Breton. …dont je rappelle qu’il a lui-même pour objet de supprimer la notion de circonscription dans les élections européennes ; je ne reviendrai pas sur le fait que l’Europe s’en trouverait encore plus éloignée de nos concitoyens.

Je voudrais simplement que nous nous interrogions sur des notions comme la subsidiarité. En effet, où est la subsidiarité dans le mode de scrutin ? Comment traduire ce principe ? Sur certains bancs, d’ailleurs aussi bien à droite qu’à gauche, la notion de subsidiarité n’est pas revendiquée. Je laisse bien volontiers à ceux qui s’inscrivent dans une logique plus nationaliste le droit de ne pas le faire ; en revanche, d’autres, dont je suis, y sont attachés.

L’Europe des régions aussi est complètement absente de nos débats. Or ce sont bien, on le sait, les grandes régions européennes qui, en Allemagne, en France, en Espagne et en Italie sont les moteurs d’un développement économique. Las, aucun élan ne leur est donné avec le mode de scrutin que la proposition de loi a pour objet d’instaurer.

Grâce aux explications données, notamment, par notre collègue Thierry Solère, nous comprenons que les auteurs de la proposition ne sont pas mus par le souci de la construction européenne et de ses modalités et qu’ils sont animés par des préoccupations électoralistes, la question du choix de la tête de liste étant d’ailleurs, rue de Solferino, l’objet de quelques atermoiements. Nous sommes très loin, effectivement, de l’intérêt général.

Je rebondis sur les propos de notre collègue Le Fur. Un scrutin de liste national pourrait, d’une certaine manière, constituer un référendum. Voilà qui expliquerait le changement de pied du Parti socialiste et de l’Élysée sur cette question. Effectivement, le pouvoir, on le voit bien, refuse la consultation nationale. On l’a vu au moment du projet de loi sur le mariage : le recours au référendum, qui aurait permis de demander au peuple français son avis sur la question, a été refusé. En l’occurrence, nous sommes effectivement confrontés à un nouveau refus de s’adresser au peuple pour savoir ce qu’il pense.

Toutes ces raisons le montrent : nous sommes très loin de la construction européenne.

M. le président. La parole est à M. Alain Tourret, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements de suppression.

M. Alain Tourret, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Bien évidemment, la commission demande le rejet de ces amendements.

Je veux dire deux choses.

Premièrement, nous voulons parler d’Europe, et nous pensons que c’est avec une circonscription nationale qu’on doit le faire. Tel était l’avis de la droite en 1977. Qui, en effet, était au pouvoir lorsqu’une circonscription unique est instaurée pour les élections européennes ? C’est vous, chers collègues de l’opposition.

M. Marc Le Fur. Et qui était au pouvoir en 2003 ?

M. Alain Tourret, rapporteur. Qui tripatouille en 2003 ? Le tripatouillage, c’est vous ! Vous avez décidé de tripatouiller totalement le scrutin et d’instaurer, de manière totalement absconse, huit circonscriptions. Nous voulons tout simplement mettre fin à votre tripatouillage. Vous étiez les maîtres en la matière, nous ne sommes que les élèves.

M. François de Rugy. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes, pour donner l’avis du Gouvernement sur ces amendements de suppression.

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes. La commission des lois a rejeté l’ensemble des articles de cette proposition de loi visant à créer une circonscription unique pour l’élection des représentants français au Parlement européen. Les membres de la majorité ont rappelé, en commission, qu’ils restaient favorables aux huit circonscriptions actuellement prévues par la loi.

Le Gouvernement souhaite néanmoins que le débat puisse avoir lieu. Je l’ai dit ce matin. Prenez donc le temps que vous souhaitez pour débattre.

M. Xavier Breton. Très bien !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Nous respectons l’initiative parlementaire.

Je suis évidemment défavorable à l’adoption des amendements de suppression.

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. J’ai écouté avec attention nos collègues, en particulier mon collègue et néanmoins ami Marc Le Fur. Quand même, en ce qui concerne la compréhension par le peuple de ce que nous faisons ou l’éloignement des citoyens du parlementarisme, nous ne donnons pas, cet après-midi, un très bon exemple ! Nous passons beaucoup de temps à l’examen de cette proposition.

M. Marc Le Fur. Qui en est à l’origine ?

M. Paul Giacobbi. Ce temps qui passe est un temps perdu, et, croyez-moi, il n’est pas dans mes habitudes de penser cela. Nous savons tous que ce n’est pas pour nous consacrer à ce texte que nous y passons du temps : c’est simplement pour retarder l’examen du texte suivant, et le débat sur la bioéthique.

M. Marc Le Fur. Quel est le rapport ?

M. Paul Giacobbi. Nous avons compris, nous ne sommes pas complètement idiots, même si nous sommes des supplétifs.

À l’instant, l’UMP a déclaré parler d’une seule voix. J’ai effectivement entendu six ou sept collègues dire à peu près la même chose, dans des termes assez peu différents, pour défendre des amendements dont le texte est identique et dont les exposés sommaires respectifs disent exactement la même chose, au mot près. J’appelle donc mes collègues de l’UMP à une réflexion musicale, puisque nous sommes ici pour faire de la musique, non pour faire avancer le débat.

Votre polyphonie est intéressante, chers collègues, mais elle est relativement primitive. Dans la polyphonie, on distingue le canon et la fugue. La fugue consiste à répéter des motifs en contrepoint, à les faire jouer les uns avec les autres, à plusieurs voix. Vous optez, vous, pour le canon, dont le nom s’accorde bien à la stratégie de flibuste que vous avez adoptée. (Sourires.) En effet, vous répétez, les uns après les autres, la même chose. Je vous appelle donc à une polyphonie plus évoluée. Puisque vous avez parlé de « jus de crâne », exercez vos talents cérébraux de manière plus positive, pour que le débat soit plus court. (Applaudissements sur les bancs des groupe RRDP et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Qu’il me soit permis de dire au président Giacobbi que l’unisson a sa beauté. Il est en tout cas plus agréable à entendre que cette espèce de cacophonie à l’intérieur de la majorité.

Je veux surtout répondre à M. le rapporteur, qui s’est livré à un rappel historique. Il a très précisément affirmé qu’en 1977 nous avions voté pour la circonscription unique, mais je ne sais pas très bien ce que désigne ce « nous ». Pour ma part, je suis né en 1977, et je ne siégeais pas alors sur les bancs de l’Assemblée nationale. (Sourires.) Je ne me sens donc pas complètement lié par le choix fait par une majorité d’il y a maintenant trente-six ans.

Plus sérieusement, je pense profondément que, dans une démocratie moderne, soucieuse d’être comprise par les citoyens, nous avons le devoir de ne pas modifier tous les quatre matins les modes de scrutin. J’en ai vraiment la conviction.

Sur le terrain comme dans les études…

M. le président. Monsieur Larrivé, je me permets de vous interrompre un moment.

Pour que nous ne perdions pas trop de temps, je veux annoncer que, sur les amendements nos 8, 14, 22, 25 et 33, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je vous laisse terminer votre intervention, monsieur Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Les études d’opinion montrent un sentiment de défiance qui va croissant, ce que nous constatons aussi dans nos permanences. Regardez par exemple l’étude du CEVIPOF du mois de janvier. Cette défiance se nourrit du soupçon d’arrangements politiciens entre les appareils, elle se nourrit de l’instabilité des règles du jeu électoral. Par conséquent, notre devoir de républicains est plutôt, sur tous les bancs, d’encourager une plus grande stabilité des modes de scrutin.

C’est pourquoi nous sommes favorables au rejet de cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, mais nous n’allons tout de même pas entendre cinquante interventions.

M. Marc Le Fur. C’est un débat de fond, monsieur le président. Nous ne l’avons pas souhaité, mais nous allons au bout d’une logique.

M. Alain Tourret, rapporteur. Et vous déposez vos demandes de scrutin public à la dernière minute afin de pourrir le débat, ni plus ni moins !

M. le président. Vous avez défendu vos amendements, et nous avons débattu. À un moment, nous passerons au vote.

M. Marc Le Fur. Je souhaitais, monsieur le président, répondre à un certain nombre d’orateurs, notamment mon collègue et également ami Giacobbi.

Je veux lui rappeler que nous ne sommes pas à l’origine de ce texte. C’est le groupe auquel il appartient, qui porte le nom d’un parti qui appartient à l’histoire de France. Je l’admets et j’exprime là mon respect pour le Parti radical, quoique j’en sois par ailleurs très éloigné.

M. Thierry Braillard. Merci !

M. Marc Le Fur. Il n’empêche que c’est vous, chers collègues du groupe radical, qui avez demandé ce débat. Ne nous reprochez donc pas d’y participer. C’est plutôt une bonne chose que les uns et les autres y participent ! Nous jouons le jeu, en particulier le jeu de ces séances du jeudi, dont l’ordre du jour est proposé par les groupes.

Je me permets, monsieur le ministre, d’insister sur la contradiction du Gouvernement. Si, après les divers arbitrages à propos de Mme Royal, de M. Désir, etc., le Gouvernement est finalement contre la proposition du parti radical, il est, malgré tout, pour l’adoption de l’article. C’est un peu compliqué à suivre !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Je n’ai pas dit cela !

M. Marc Le Fur. Vous nous avez parfois reproché la complexité de nos choix. Je me permets de mettre en exergue la vôtre. Pardonnez-moi, mais un gouvernement se doit d’être cohérent.

Le problème est que cette incohérence gouvernementale ne se limite pas au débat de cet après-midi : elle devient une marque de fabrique. On le voit dans le domaine économique, on le voit dans le domaine social. Il faut pourtant, à un moment donné, fixer des caps, il faut que chacun sache ce que l’on veut faire.

Vous êtes contre la proposition de loi. Dites-le donc, et, logiquement, vous devriez être favorable à l’adoption des amendements de suppression que nous avons défendus. Cette logique me semble imparable, mais peut-être me répondrez-vous sur ce point.

Sur le fond, la véritable question, je me permets d’y insister et j’y reviendrai, est le divorce entre l’Europe et l’opinion. On a beau multiplier les arguties, c’est là le vrai problème. Ce fossé s’est creusé au fil des ans, et cela continue. Il faut donc que nous nous donnions les voies et moyens de rapprocher l’Europe de l’opinion. Il y a là un vrai problème.

L’un de ces moyens, c’est le Parlement européen. Ce n’est pas le seul – les parlements nationaux, j’en suis convaincu, doivent aussi jouer leur rôle, et je crois que nous devrions faire des efforts dans ce domaine – mais il a un rôle spécifique à jouer. Qui connaît le nom du quinzième d’une liste ? Personne ! Le député n’est donc pas identifié. Or le propre de la démocratie est de permettre cette identification.

Nos amendements de suppression sont donc parfaitement cohérents. Je vous invite donc, chers collègues, à y réfléchir.

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements de suppression nos 8, 14, 22, 25 et 33.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 45

Nombre de suffrages exprimés 45

Majorité absolue 23

(Les amendements nos 8, 14, 22, 25 et 33 ne sont pas adoptés.)

(Sourires et exclamations sur de nombreux bancs.)

M. Philippe Gosselin. M. Le Fur nous a invités à réfléchir ! (Sourires.)

M. le président. Sur l’article 1er, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Je ferai une petite explication sur l’article 1er. Elle vaudra aussi pour les articles 2 et 3, ce qui aura le mérite de ne pas allonger les débats. La majorité a bien compris certaine stratégie : prolonger au maximum l’examen de ce texte, pour que l’examen du suivant n’ait pas lieu. Je n’y apporterai pas mon concours.

M. Thierry Braillard. Très bien !

M. Philippe Gosselin. Pas de procès d’intention !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Rappelons simplement que le Gouvernement n’est pas favorable à l’adoption de ce texte. Je veux dire pourquoi, tout en saluant l’occasion qui nous est ainsi donnée d’avoir un débat sur le fond, un débat sur la question de savoir quelle Europe nous souhaitons.

Aucun mode de scrutin n’a, par le passé, eu la vertu d’inciter nos concitoyens à participer massivement aux élections européennes. D’ailleurs, les dernières élections européennes de 2009 ont été marquées, dans tous les pays de l’Union européenne, quel que soit le mode de scrutin retenu, par une forte abstention. L’abstention n’est donc pas liée au mode de scrutin.

En ce qui concerne les résultats obtenus à l’issue des élections, les vertus du mode de scrutin en vigueur ont suscité certaines interrogations. Le président de Rugy a indiqué qu’il avait favorisé une formation politique qui a obtenu un nombre de sièges bien plus que proportionnel aux suffrages obtenus ; c’est tout à fait exact. D’autres formations ont d’ailleurs bénéficié de ce petit bonus. Ainsi, monsieur de Rugy, avec 16 % des voix, votre famille politique a obtenu quatorze sièges, soit 19 % des sièges. C’est aussi une petite prime.

Il faut donc regarder les choses d’un peu près.

Cette abstention est l’expression d’un intérêt limité de nos concitoyens pour les questions européennes. Peut-être n’avons-nous pas su leur apporter les réponses qu’ils attendaient en matière de politique européenne, compte tenu de leurs aspirations, compte tenu de leur vie quotidienne.

Messieurs les députés de l’opposition… J’allais dire « mesdames et messieurs les députés », mais, hélas, en ce qui concerne votre groupe, la parité n’est pas au rendez-vous cet après-midi. Heureusement, un certain nombre de textes votés à l’initiative de la gauche vous permettront de compter un plus grand nombre d’élues dans vos rangs.

La différence entre le Gouvernement et la majorité qui le soutient, ce n’est pas le fond de la politique européenne. Sur le fond : j’en ai l’intime conviction, nous nous retrouverons à l’occasion des élections européennes de 2014, pour faire valoir les avancées substantielles qui ont été accomplies ces derniers mois, et celles qui le seront au cours des mois à venir.

Quelles sont les avancées qui ont été réalisées au cours des dix derniers mois ? Il s’agit d’abord des mesures prises par le Conseil européen de juin dernier. Sous l’impulsion du Président de la République française, l’Europe a accepté un pacte de croissance de 120 milliards d’euros supplémentaires.

Plusieurs députés du groupe UMP. Votre vœu est exaucé, monsieur le ministre ! Mme Dalloz arrive !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Ces 120 milliards d’euros supplémentaires seront notamment utilisés, madame et messieurs les députés… (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

J’aurais préféré pouvoir dire : mesdames et messieurs les députés.

M. Philippe Gosselin. Nos députées vont arriver ! Un peu de patience !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. C’est un bon début ! Ces 120 milliards d’euros nous permettront d’abonder les fonds structurels pour financer des projets sur nos territoires. Les dossiers étaient prêts, mais ces projets n’avaient pu être financés, à cause de la gestion restrictive menée par les gouvernements conservateurs de l’Union européenne. Ceux-ci ont géré les finances de l’Union européenne au plus près, et n’ont pas consenti à débloquer les crédits de paiements nécessaires à l’engagement d’un certain nombre d’opérations. Ces 120 milliards d’euros permettront également d’abonder les fonds de la Banque européenne d’investissement qui apportera son soutien à des projets réalisés dans les territoires. Telle est la première avancée réalisée au niveau européen sous l’impulsion du Président de la République, François Hollande.

Par la suite, le 8 février dernier, le projet de budget européen pour les années 2014 à 2020 a été adopté par les chefs d’État et de gouvernement de l’Union européenne. Cette adoption a suivi un affrontement très dur avec les gouvernements conservateurs qui souhaitaient une très forte diminution du budget par rapport au budget pour les années 2007 à 2013. Après avoir entendu les arguments de la France, et grâce au pouvoir de conviction du Président de la République, un compromis a été trouvé. Ce compromis est positif.

Il est actuellement question au Parlement européen d’adopter dans les semaines à venir un budget de 960 milliards d’euros pour la période 2014-2020. Il s’agirait de 960 milliards d’euros de crédits d’engagement, pour 908 milliards d’euros de crédits de paiement. Cela signifie une hausse de 50 milliards d’euros par rapport à la dépense réalisée au cours de la période 2007-2013, alors même que les gouvernements conservateurs souhaitaient diminuer le budget de 200 milliards d’euros.

Sur le fond, les points de convergence entre le Gouvernement et la majorité sont donc bien plus importants que les éventuelles et temporaires dissensions sur certains textes, comme celui dont nous discutons aujourd’hui, à propos des modalités des élections européennes. Nous nous retrouverons sur le fond, parce que ces 50 milliards d’euros supplémentaires en crédits de paiement représentent autant de fonds pour la politique de cohésion et la politique régionale, la modernisation de l’agriculture, l’amélioration de la compétitivité de l’industrie, le développement des industries agroalimentaires, les investissements de croissance dans les infrastructures de transport, le numérique et le désenclavement des territoires.

Nous avançons donc vers une Europe solidaire, une Europe de croissance, et une Europe qui invente de nouveaux outils. Nous verrons si vous répondrez présent lorsque nous vous proposerons la taxation des transactions financières.

M. Guillaume Larrivé. C’était une initiative de Nicolas Sarkozy !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Nous verrons si vous serez à nos côtés lorsque nous en discuterons.

Quel serait le meilleur moyen d’assurer la représentativité du Parlement européen, me direz-vous ? Une bonne représentativité est nécessaire pour promouvoir ces réformes, et pour inciter les électeurs à participer au scrutin. Pour ma part, je ne crois pas que la régionalisation soit un handicap, au contraire. Je vous dis là ma conviction ; je ne m’exprime pas comme simple porte-parole du Gouvernement.

M. Marc Le Fur. Nous sommes d’accord !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Pourquoi vous dis-je cela ? Comme vous le savez, les élections européennes se déroulent dans le cadre d’une campagne nationale, tout comme les élections législatives. Dans le cadre de cette campagne, un leader porte un projet, soutenu par une équipe, et suscitant des débats, tout cela au niveau national. Les candidats participent à ces débats dans les circonscriptions avec conviction, car ils relayent ce projet national. Cela ne les empêche pas de le décliner, circonscription par circonscription. Les politiques nationales doivent en effet être concrétisées dans les territoires.

Ce matin, l’un de vous – je crois qu’il s’agit de Roger-Gérard Schwartzenberg – parlait de ce grand Sud-Est, qui va « de Bourg-en-Bresse à Bonifacio » !

Connaît-on réellement les députés européens ? Pour ma part, je connais celles et ceux qui ont du talent,…

M. Matthias Fekl. Des noms !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. …et prennent le temps de revenir dans le territoire dont ils sont élus pour parler de leur action au Parlement européen.

M. Marc Le Fur. Tout à fait !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Ils ont le souci de mettre en valeur l’action du Parlement européen. Il s’agit par exemple de Karim Zéribi, à Marseille, de Michèle Rivasi, dans la Drôme, de Malika Benarab-Attou, en Savoie, de Sylvie Guillaume, dans le Rhône.

M. Xavier Breton. Vous oubliez Michel Dantin !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Voilà quatre députés européens talentueux. Je suis désolé de ne reconnaître du talent qu’à des députés européens issus de partis appartenant à la majorité en France.

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous avons l’habitude, c’est classique !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Ils incarnent l’Europe sur le terrain.

Pour toutes ces raisons, mesdames et messieurs les députés, je souhaite que l’article 1 ne soit pas adopté, non plus que les articles 2 et 3. C’est le contenu qui doit primer, c’est-à-dire ce que nous construirons ensemble pour l’Europe. Nous pouvons en être fiers ! Unis comme lors des élections législatives de 2012, nous pourrons, donner en 2014 une majorité de gauche au Parlement européen.

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’article 1er.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 65

Nombre de suffrages exprimés 63

Majorité absolue 32

(L’article  1er n’est pas adopté.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Il est heureux pour le Gouvernement que nous soyons présent !

Article 2

M. le président. Nous en venons à l’article 2. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Monsieur le ministre, le groupe UMP vous remercie pour la qualité de votre réponse. Vous n’avez pas hésité à aborder des questions de fond relatives aux politiques de l’Union européenne. Nous vous en sommes reconnaissants.

La question qui se pose, au fond, est celle de l’ancrage territorial des questions européennes. Un problème actuel préoccupe beaucoup les territoires, notamment dans la région où se situe ma circonscription. Il s’agit du problème des contrats de projets État-région, dont l’exécution arrive à son terme. L’année 2013 verra donc la fin de l’exécution des programmes européens qui permettent de développer les territoires. Nous sommes par conséquent dans une phase de transition, et nous ne savons pas si l’État définira pour la période allant de 2014 à 2020 de nouveaux contrats de projets État-région, lesquels pourraient ensuite être déclinés dans les agglomérations ou dans les zones rurales, dans les « pays » au sens de l’aménagement du territoire.

Nous manquons vraiment de visibilité sur ce point. À ma connaissance, à ce stade, les préfets de régions n’ont pas reçu d’instructions à ce sujet. Je saisis donc l’occasion qui m’est donnée de m’exprimer pour vous interroger directement : le Gouvernement et l’administration préparent-ils des contrats de projets État-région pour les années 2014 à 2020 ?

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Je vous remercie, monsieur le ministre, pour votre réponse, en particulier à propos des fonds européens. Je suis d’ailleurs demandeur d’autres informations sur l’avenir d’un certain nombre de fonds européens. Sans doute, vous ne pourrez pas donner de réponse définitive à cette question avant quelques mois. Vous pourriez cependant nous indiquer au moins si le Gouvernement a l’intention de défendre ces fonds européens. Il se trouve que je suis, pour ma part, gestionnaire de fonds relevant du programme Leader, dont je connais l’efficacité. Je sais par ailleurs que le Gouvernement a agi pour faire en sorte que ce programme soit maintenu. Pouvez-vous nous donner des indications plus précises à ce sujet ? Elles seraient bienvenues.

Le véritable problème est celui du divorce entre l’Union européenne et l’opinion, en particulier l’opinion française, au moment même où le Parlement européen accède à des responsabilités autrement plus importantes que par le passé. De plus en plus d’actes européens sont adoptés par la procédure dite de codécision. Le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne ne décident plus seuls : le Parlement prend sa part de responsabilité, dans des domaines essentiels.

Il est régulièrement question de la PAC. Il est vrai qu’il s’agit d’un sujet majeur : j’espère que le Gouvernement saura défendre les intérêts des éleveurs français. C’est ce qu’il affirme : il faut encore qu’il le démontre !

Il est un autre sujet dont nous parlons peu, mais dont chacun mesure l’importance : celui des accords de libre échange qui doivent être signés entre l’Union européenne et le Canada, voire les États-Unis. L’importation d’un certain nombre de produits menacera considérablement notre agriculture et notre industrie agroalimentaire. Certes, les Canadiens sont nos amis ; il n’empêche que leurs intérêts ne se confondent pas avec les nôtres ! Ils défendent leurs intérêts, et veulent faire en sorte qu’un certain nombre de leurs produits – céréales, lait, viande – puissent pénétrer massivement le marché européen. Quelle sera l’attitude de la France sur cette question ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Voilà la vraie question !

M. Marc Le Fur. Notre gouvernement sera-t-il assez déterminé pour défendre nos intérêts ? Voilà la question ! Chacun sait qu’il ne s’agit pas uniquement du Canada : derrière le Canada, se trouvent les États-Unis ! Eux aussi veulent exporter leurs produits en Europe.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Le Fur.

M. Marc Le Fur. J’en conclus, monsieur le président.

Ils sont beaucoup moins naïfs que nous, et en dernière analyse, beaucoup moins libéraux que les Européens : eux soutiennent fortement leur agriculture. Nous devons défendre nos intérêts : encore faut-il pour cela que l’Europe soit déterminée, et que le Parlement européen soit ancré dans les territoires et connaisse les réalités locales. Pour cela, nous devrions garder les circonscriptions actuelles.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. Nous abordons l’article 2 de cette proposition de loi, aux termes duquel le territoire de la République formerait une circonscription unique pour les élections européennes. Cela m’inspire deux observations.

La première s’adresse à M. le rapporteur. Qu’en est-il de l’outre-mer ? Nous avons abordé la question de la représentation spécifique de l’outre-mer. Je voudrais connaître l’opinion du rapporteur à ce sujet. Nous savons combien les problèmes et les difficultés rencontrées par l’outre-mer méritent une attention particulière. Les députés ultramarins de cette assemblée sont bien placés pour témoigner de l’importance de leur présence au plus près du pouvoir et des lieux de décision. Dans le cadre de la circonscription unique, comment serait-il possible d’assurer la représentation de l’outre-mer ?

M. Thierry Braillard. Cela relève de la responsabilité des partis !

M. Xavier Breton. Un système de sections serait-il mis en place ? Ou alors, l’outre-mer passerait-il par pertes et profits ? Cela serait dommage.

Deuxième observation : en mettant en place une circonscription unique, nous irions à l’encontre de ce qui se fait dans les autres pays de l’Union européenne. Je l’ai déjà dit tout à l’heure, mais je n’ai pas obtenu de réponse sur ce point. Une recommandation du Parlement européen se prononce pour la mise en place de plusieurs circonscriptions dans les États membres de plus de 20 millions d’habitants. Or sur les sept États membres qui comptent plus de 20 millions d’habitants, seuls deux ont adopté le système de la circonscription unique : l’Espagne et la Roumanie. Les autres États – Pologne, Italie, Royaume-Uni et France – ont choisi de créer plusieurs circonscriptions. Le cas de l’Allemagne est un peu à part.

En mettant en place une circonscription unique, nous irions à l’encontre de ce que font les États européens comparables. D’une certaine manière, cela serait faire marche arrière.

Notre vote sur cet article 2 nous permettra d’exposer notre conception de la place de notre pays dans la construction européenne, et de celle de ses territoires d’outre-mer.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Le législateur a jugé utile en 2003, dans un contexte particulier, d’établir huit circonscriptions pour les élections européennes. Il s’agissait de lutter contre l’abstention et de rapprocher nos concitoyens de l’Europe.

M. Thierry Braillard. Ce n’est pas vraiment une réussite !

M. Philippe Gosselin. En effet, j’en conviens, le résultat n’est pas totalement convaincant.

M. Thierry Braillard. C’est le moins que l’on puisse dire !

M. Philippe Gosselin. Je pense néanmoins que la nationalisation du débat n’est pas de nature à renforcer la participation aux élections européennes. Je crois au contraire que cela entraînerait une forme de désincarnation. L’Europe a aussi besoin de tenir compte de ses régions : on parle régulièrement de l’Europe des régions. Cela renvoie plus largement à la perception de l’Europe par nos concitoyens, à la place qu’y tiennent les territoires, et en particulier les territoires d’outre-mer. La place des pays et territoires d’outre-mer et des régions ultrapériphériques est très importante.

Il serait utile, au-delà des déceptions de certains, d’esquisser un débat plus large sur l’Europe, d’envisager autrement ces questions, non plus en termes de circonscriptions électorales, mais en termes de perception et de présentation politiques. Il conviendrait d’envisager d’autres échéances que celle de 2014, pour coller davantage aux attentes de nos concitoyens.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin.

M. Jean-Christophe Fromantin. L’actualité récente en a été le témoin, l’articulation entre notre pays et l’Europe est l’objet de grands enjeux. Ce sont, ainsi, de grands enjeux budgétaires. Ce sont également, comme cela a été rappelé au cours de ce débat, des enjeux locaux, des enjeux en matière de politique agricole commune, de développement de nos PME. Ce sont, enfin, des enjeux au niveau des traités bilatéraux et de leur impact, traités qui seront signés entre les États-Unis, le Japon, la Corée ou d’autres États et l’Union européenne. Nous avons donc deux univers. Les institutions nationales sont-elles structurées et démocratiquement organisées pour discuter avec les instances européennes ? Nos territoires sont-ils organisés pour être défendus auprès des instances parlementaires européennes ? En l’état actuel des débats, nous disposons des éléments pour répondre à ces questions. Nos instances nationales sont capables, aujourd’hui, de participer au débat budgétaire européen avec les instances européennes et de faire face aux grands enjeux qui concernent chaque pays.

Comme je viens de le souligner, nous avons un autre débat. Ainsi, un agriculteur, un patron d’entreprise et les citoyens se sentent-ils défendus et représentés, aujourd’hui, lors des débats européens ? Nous l’avons dit, ce n’est pas idéal. Mais rétablir une circonscription nationale unique n’améliorera pas, je le crois, la qualité du débat entre les instances nationales et européennes et ôtera – et nous savons ce que nous perdrons – une proximité entre l’ensemble des acteurs territoriaux économiques et les instances européennes.

M. Paul Giacobbi. Tout ça pour retarder le débat sur la bioéthique !

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Laurent.

M. Jean-Luc Laurent. L’article 2 permet justement d’aborder au fond la question de la création d’une circonscription à l’échelle de la nation. Le choix d’une circonscription unique permettra, à mes yeux, d’affirmer le caractère unitaire de notre République surtout dans le débat sur l’avenir de la construction européenne. Les citoyens ont besoin d’un débat franc et ouvert pour faire face à une situation européenne grave, ce que nous constatons chaque jour davantage. L’Europe, qui est à refaire, mérite mieux que l’immobilisme et la peur du débat. Les politiques d’austérité en Europe, la crise de la monnaie unique, les institutions européennes, leur avenir, le fédéralisme ou non, la politique agricole commune et son devenir méritent un débat clair avec les citoyens.

M. Thierry Braillard. Tout à fait !

M. Jean-Luc Laurent. Mes collègues du mouvement républicain et citoyen membres du groupe SRC et moi pensons que, seule, une circonscription nationale permettra d’en poser les bases. C’est ainsi que les citoyens s’intéresseront de nouveau à l’Europe et que nous pourrons avoir un grand débat, un débat ouvert, comme nous l’avons eu lors du référendum sur le traité constitutionnel. Je rappelle, à cet égard, qu’il y a eu un regain de participation, puisque 70 % de nos concitoyens se sont rendus dans les bureaux de vote.

À mes collègues de la majorité et au Gouvernement, je veux redire, au travers de la discussion sur cet article, qu’il ne faut ni fuir ni étouffer le débat en proposant un mode de scrutin absurde que les citoyens ne comprendraient pas. Osons débattre, mes chers collègues, à l’échelle de la nation, brique de base de la démocratie !

M. Thierry Braillard et M. François Loncle. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios.

M. Sylvain Berrios. Ce texte révèle, en fait, un paradoxe. Il est, en effet, proposé par ceux qui souhaitent davantage de représentativité, qui se prononcent souvent en faveur de scrutins proportionnels, mais qui, parallèlement, suggèrent de confisquer la possibilité pour les électeurs d’un territoire de choisir et d’identifier leurs élus. C’est, en effet, bien de cela qu’il s’agit. Vous voulez, aujourd’hui, à nouveau centraliser le débat politique. Vous nous avez déjà fait le coup en confisquant – et nous en débattrons lors des lois de décentralisation, qui sont, en fait, des lois de recentralisation – leur rôle aux maires pour l’assigner à une instance supracommunale, voire, pour Paris, à la métropole parisienne. Vous nous faites le coup, cette fois, en rétablissant une circonscription unique, donc en éloignant, à nouveau, l’électeur des élus. Vous le faites pour les conseillers généraux en diluant le conseil général et et en imposant le fameux duo. Bref, vous recentralisez peu à peu et vous faites perdre à l’électeur tout lien avec son élu. Il est important, dans une démocratie, que l’électeur sache qui décide et qui vote quoi.

M. Jean-Luc Laurent. Ce n’est pas le cas avec votre mode de scrutin !

M. Sylvain Berrios. Si l’on vous suit, l’électeur sera perdu. Les partis décideront de tout. Cela, nous n’en voulons pas !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le ministre, vous vous êtes tout à l’heure autorisé, dans le cadre d’une de vos réponses, à citer quatre députés européens de votre majorité. Vous m’accorderez forcément le droit de citer également quatre députés européens de ma famille politique qui sont reconnus par la majorité du Parlement européen pour leur travail.

M. Jean-Luc Laurent. Ils vont être au moins connus dans l’hémicycle !

Mme Marie-Christine Dalloz. Je pense, bien sûr, à Joseph Daul, président du parti populaire européen, à Arnaud Danjean. Je citerai deux parlementaires européens avec lesquels nous avons souvent l’occasion de travailler : Michel Dantin, également reconnu pour sa compétence, et, bien évidemment, Françoise Grossetête.

M. Jean-Luc Laurent. Ils sortent de l’anonymat !

M. Alain Tourret, rapporteur. Ils sortent du cimetière des éléphants !

Mme Marie-Christine Dalloz. Il y a donc un équilibre. Nos parlementaires européens sont aussi reconnus pour leurs compétences.

Ce matin, en commission des finances, nous avons auditionné le ministre de l’économie sur le dernier accord européen de Chypre. En dépit de ses déclarations et de ses affirmations, nous sommes tous ressortis de cette commission avec un profond et sérieux sentiment d’inquiétude. Il est urgent de résoudre certaines situations en Europe et je ne suis pas sûre que cela justifie un tripatouillage électoral sur la base d’une circonscription unique au niveau national en lieu et place de ce que nous connaissons.

M. Alain Tourret, rapporteur. Le tripatouillage, c’est vous !

Mme Marie-Christine Dalloz. Si nous voulons que nos concitoyens aient toujours une certaine vision de l’Europe, il est impératif de conserver ces huit circonscriptions.

M. Jean-Luc Laurent. Les circonscriptions, c’est assurément du tripatouillage !

Mme Marie-Christine Dalloz. L’enjeu n’est pas d’étendre la circonscription électorale, mais d’ouvrir le débat et d’élargir la vision que chaque pays souhaite avoir dans une Europe co-construite.

M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier.

M. Philippe Meunier. L’Europe a échoué. Elle a échoué sur la Grèce, sur Chypre. Elle échouera de toute façon parce qu’elle n’est pas démocratique. Ce sont des commissaires qui dirigent ce continent.

M. Thierry Braillard. Et Michel Barnier ?

M. Philippe Meunier. Ils n’écoutent plus les peuples depuis déjà très longtemps. Je ne pense pas que ce soit dû à la loi de 2003.

M. Philippe Meunier. Avant, nous avions un scrutin de liste nationale et il y avait le même décalage entre les commissaires européens, les « gnomes de Bruxelles » et les populations de l’Union européenne.

M. Jean-Luc Laurent. Michel Barnier sera content de vous entendre !

M. Philippe Meunier. Je ne comprends plus cette majorité et ce gouvernement. Nous avons vécu, hier au Sénat, un moment assez exceptionnel de la vie politique française. Aujourd’hui, c’en est un autre. Le parti socialiste était favorable à la circonscription unique, maintenant, il ne l’est plus. Certains, dans la majorité, sont pour. Cela devient incompréhensible, et ce à un an de l’élection européenne ! Nous sommes dans le tripatouillage, la magouille électorale. Vous avez changé les modes de scrutin pour l’élection des conseillers généraux. Vous voulez modifier ceux pour l’élection des députés européens. Le Gouvernement y est maintenant opposé, mais nous savons pourquoi. C’est encore une affaire interne au parti socialiste ! Vous allez encore attaquer le mode de scrutin pour les élections législatives. Même si un mode de scrutin ne convient pas, ce qui est le cas pour moi, il ne doit pas être modifié à un an de l’élection ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements de suppression de l’article nos 9, 18, 26, 34 et 30.

La parole est à M. Thierry Solère, pour présenter l’amendement n° 9.

M. Thierry Solère. J’ai entendu, tout à l’heure, un de nos collègues de la majorité dire que la liste unique était un gage d’unité de la représentation de la France au Parlement européen. Je veux, pour ma part, rappeler que le Parlement européen, lui-même, préconise, dans les pays de plus de vingt millions d’habitants, l’existence de circonscriptions permettant justement de disposer d’une véritable représentation. J’ai également entendu les explications du Gouvernement. Je tiens à rappeler les précédents propos de Marc Le Fur. Avec cette liste unique, vous craignez le référendum.

M. Alain Tourret, rapporteur. Alors pourquoi êtes-vous contre ? C’est incroyable !

M. Thierry Solère. Une liste unique lors des élections européennes est un référendum, ce que vous craignez plus que jamais ! Ne vous abritez pas derrière la crainte d’une faible participation. Il y aura une participation aux prochaines élections ! Les Français iront aux urnes pour vous expliquer ce qu’ils pensent de votre politique !

M. Jean-Luc Laurent. Ce n’est plus la France, ce sont des baronnies !

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour présenter l’amendement n° 18.

M. Guillaume Larrivé. M. Laurent, au nom du Mouvement républicain et citoyen, a invoqué l’unité de la République pour exposer les raisons qui l’amènent à apporter son soutien à cette proposition de loi. L’unité et l’indivisibilité de la République qui sont des grands principes de notre Constitution ne sont nullement incompatibles avec le fait que des parlementaires représentant la France à Bruxelles et à Strasbourg sont ancrés dans les territoires. L’unité de la République n’est pas l’uniformité absolue, ce n’est pas l’imposition d’une circonscription unique dans tous les cas. Si nous poussions votre raisonnement jusqu’à son terme, monsieur le député Laurent, vous seriez vous-même et comme chacun d’entre nous, illégitime, puisque vous êtes élu dans un cinq cent soixante-dix-septième de la circonscription nationale unique ! Votre argumentation qui consiste à répéter une espèce de leçon jacobine parfaitement archaïque est faible !

M. Jean-Luc Laurent. C’est faible ! Vous voulez le retour des baronnies !

M. Guillaume Larrivé. C’est vous qui êtes faible quand vous confondez l’unité de la République et la nécessité, que nous soutenons, de défendre les territoires et leur diversité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Luc Laurent. Merci pour le compliment !

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour présenter l’amendement n° 26.

M. Marc Le Fur. Je suis quelque peu surpris de ne plus entendre les députés du groupe RRDP dans ce débat !

M. Paul Giacobbi. Vous allez les entendre !

M. Marc Le Fur. J’aimerais bien les entendre, parce qu’ils sont nombreux. Ils grognent, mais, visiblement, ils ne s’expriment plus, alors qu’il y a, dans ce groupe, des voix qui portent, en particulier celle du président Schwartzenberg, voix que je connais depuis longtemps et dont j’apprécie les nuances et les subtilités ! Mais, là, nous ne l’entendons pas ! J’aimerais savoir si nos arguments les ont convaincus – c’est peut-être possible, car je crois à la force de conviction des uns et des autres – ou s’ils sont totalement dépités ! Qu’ils nous le disent !

Nous sommes confrontés à un certain nombre de sujets majeurs en termes européens. Nous devons avoir des députés enracinés pour les défendre.

J’évoquerai un sujet extrêmement important pour l’agroalimentaire, en particulier pour l’agroalimentaire dans l’ouest de la France et en Bretagne : celui des restitutions. Chacun sait que, si nous parvenons à exporter de la volaille outre-mer et, en particulier, au Moyen-Orient, c’est parce que nous bénéficions de crédits européens qui nous mettent à égalité avec le Brésil et avec un certain nombre de pays concurrents. Or, aujourd’hui et depuis longtemps d’ailleurs, l’Europe – nos partenaires allemands en particulier – veut remettre en cause ces restitutions. Que fera le Gouvernement sur ce sujet, monsieur le ministre ? À entendre vos propos, vous semblez considérer que les restitutions sont de l’histoire ancienne. Or, derrière ce sujet, des milliers d’emplois sont concernés, en particulier dans des entreprises comme Doux et Tilly-Sabco qui rencontrent, par ailleurs, d’autres difficultés. Je souhaiterais qu’à l’occasion de ce débat européen, nous cessions le politicard et la politicaillerie pour aller vers l’essentiel. Est-ce que, oui ou non, nous nous donnons les moyens d’avoir un gouvernement, d’avoir un parlement, d’avoir des députés qui sauront, demain, défendre les intérêts de nos régions et ceux de la France ? Les restitutions sont très identifiées et très typiques. Je souhaiterais en savoir plus !

M. le président. Sur les amendements de suppression de l’article, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 34.

M. Xavier Breton. L’article 2 vise à établir une circonscription unique pour tout le territoire.

J’ai été surpris d’entendre tout à l’heure que l’unité de la République ne pouvait être assurée que dans un tel cadre, ce qui traduit l’incapacité de la gauche à penser la différence. Cette incapacité à concilier égalité et différence est pour vous un très grand handicap, mes chers collègues. Pour vous, l’égalité, c’est l’uniformité. Qu’il s’agisse des personnes, avec les projets sur le mariage pour tous ou l’école, ou des territoires, vous êtes incapables de trouver des solutions préservant l’égalité, l’équité, tout en pensant la différence.

Nous avons aujourd’hui une divergence tactique, puisque les socialistes se désolidarisent provisoirement, mais, sur le fond, nous l’avions vu il y a près de trois ans au Sénat, vous voulez traiter les territoires de manière égale, ce qui, pour vous signifie de manière uniforme.

Nous devons trouver des solutions qui exigent de l’imagination. Notre système actuel, avec huit circonscriptions, mérite peut-être d’être amélioré, avec, par exemple, des sections intérieures permettant de mieux refléter la diversité, mais, en tout cas, et nous arrivons à le faire avec l’outre-mer, il faut avoir des systèmes imaginatifs.

Vous êtes très clairement en panne d’imagination parce que cette incapacité à penser la différence est vraiment récurrente à gauche.

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement n° 30.

M. Thierry Mariani. Je suis persuadé que, comme je l’ai expliqué dans mon intervention, nous devons maintenir le lien le plus proche entre l’électeur et les représentants de la France au Parlement européen. Le système à huit circonscriptions ne me satisfait pas, mais la circonscription unique est encore pire.

Comme le soulignait M. Breton, nous devrions essayer de faire preuve d’imagination pour avoir un vrai lien. Quand quelqu’un cherche à savoir ce que je pense de la proportionnelle, je lui demande à chaque fois de manière provocatrice s’il est capable de me citer les trois députés européens de sa circonscription et, en général, il y a un grand silence.

M. Alain Tourret, rapporteur. C’est ce que nous avons dit tout à l’heure !

M. Thierry Mariani. Dans la région PACA, on connaît à la rigueur Françoise Grossetête. La tête de liste du parti socialiste était un ancien élu de la Somme, devenu depuis ministre de l’éducation et s’essayant aux réformes du temps scolaire. Tout cela montre bien que, même avec ces circonscriptions, le lien est très faible.

Néanmoins, entre deux maux, je choisis le moindre et je préfère un système où il y a une toute petite approche régionale à un système où il n’y en a aucune.

J’ajoute que je suis personnellement très inquiet pour les prochaines élections européennes. Les partis que nous représentons auront tous un vrai problème de discours. Expliquer que l’Europe, c’est la paix, cela ne signifie pas grand-chose pour toute une génération qui, heureusement, n’a jamais connu la guerre. Mais expliquer que l’Europe protège après ce qui s’est passé la semaine dernière à Chypre, ce sera une véritable gageure quand on voit la manière dont la décision a été prise, l’ensemble des ministres se renvoyant la balle et personne ne sachant plus qui l’avait prise.

Pour une Europe déjà absente, anonyme, autant avoir un anonymat un peu plus près qu’un anonymat totalement lointain. Je préfère donc que l’on garde le système actuel.

M. Alain Tourret, rapporteur. Quel aveu !

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces différents amendements ?

M. Alain Tourret, rapporteur. Je souhaite que ces amendements soient repoussés.

D’abord, je n’ai jamais vu plus beau tripatouillage que la constitution de ces huit circonscriptions de bric et de broc,…

M. Jean-Luc Laurent. Très bien !

M. Alain Tourret, rapporteur. …qui n’ont jamais servi à autre chose que pour ces élections européennes. Ont-elles une quelconque consistance en termes de régions, de défense, de tout ce qu’on veut ? Rien. Jamais plus beau tripatouillage n’a été proposé par la majorité de l’époque, qui, en 2003, nous a imposé ce texte.

Vous parlez de l’outre-mer. Vous en avez une curieuse conception car, après tout, n’importe quelle personne de l’hexagone peut être candidate en outre-mer et n’importe quelle personne d’outre-mer dans l’hexagone. Pourquoi n’est-ce pas possible selon vous ? Il y a là une vision totalement invraisemblable de la division de la France,…

M. Paul Giacobbi. Michel Debré a été candidat et élu à La Réunion !

M. Philippe Gosselin. Député de La Réunion, maire d’Amboise !

M. Alain Tourret, rapporteur. …comme si ces citoyens de l’outre-mer n’étaient pas des Français.

Pour la première fois, monsieur le ministre, je le dis avec gravité, le parti socialiste et l’UMP viennent de mélanger leurs votes contre un parti de la majorité qui soutient le Gouvernement. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RRDP.) Je le regrette. Alors même que vous aviez rejeté les amendements de suppression de l’article 1er, mes chers collègues, vous avez rejeté ensuite cet article. Comprenne qui voudra, monsieur le ministre !

En dépit de ce mauvais coup qui nous est fait par le parti socialiste (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

M. Philippe Gosselin. Cela devient intéressant !

M. Alain Tourret, rapporteur. …nous continuerons à nous battre pour l’Europe car nous en avons une vision commune, et je regrette que vous n’en ayez pas tiré les conséquences sur la possibilité de nous battre ensemble pour la défendre.

Je le dis avec force, il nous a été fait un mauvais parti, et je le regrette.

La raison, finalement, c’est que les deux grands partis qui sont présents ont peur. Mesdames, messieurs de l’UMP, vous avez peur de Mme Le Pen, ni plus ni moins.

M. Philippe Gosselin. Vous avez peur de Mélenchon !

M. Alain Tourret, rapporteur. Vous tremblez devant elle, vous avez peur d’aller l’affronter au niveau national.

Mes amis de l’UDI, vous avez peur du retour de M. Bayrou, ni plus ni moins. Que dirait Simone Veil si on lui proposait d’être tête de liste de l’une des huit circonscriptions, elle qui fut présidente du Parlement européen, elle qui fut une si grande européenne ? Et c’est cela que vous nous proposez chez les centristes ? Vous avez peur de Bayrou, ni plus ni moins. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Meunier. Combien de divisions, Bayrou ?

M. Alain Tourret, rapporteur. Quant à vous, mesdames, messieurs du parti socialiste, vous avez peur d’un absent qui s’appelle Mélenchon. Cet absent vous fait peur, mais ne croyez pas que c’est simplement en l’ignorant que vous pourrez échapper à son argumentation.

Telle est la réalité, les deux grands partis sont dominés par la peur. Vous avez tort.

M. Philippe Gosselin. C’est un psychodrame en direct !

M. Alain Tourret, rapporteur. M. le Premier ministre nous l’a rappelé il y a quelques jours, il faut aller devant les Français, leur faire des propositions, se battre pour l’Europe. C’est pour cela que je demande que l’on écarte vos propositions, mesdames, messieurs de l’UMP, et que j’appelle mes amis socialistes à voter avec nous. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et écologiste.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Défavorable.

M. Philippe Gosselin. Le Gouvernement ne va pas répondre ?

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. Mon collègue et toujours ami Marc Le Fur a adressé au groupe RRDP et à votre serviteur deux remarques que je dois relever.

À moi-même, il a dit que je ne parlais pas assez. C’est bien la première fois qu’on me le dit et cela fait plaisir. (Sourires.)

Au groupe radical, il a fait remarquer que nous étions nombreux. C’est la première fois qu’on nous le dit et je voudrais vraiment le souligner. (Rires et applaudissements sur divers bancs.)

M. le président. Sur le vote de l’article 2, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. François Loncle.

M. François Loncle. Suivant depuis ce matin ce débat fort intéressant, je voudrais en souligner le caractère malgré tout surréaliste.

J’observe avec satisfaction que mes amis se prononcent avec une grande économie, mais l’argumentation du groupe UMP pour s’opposer à la proposition de nos amis radicaux de gauche, proposition parfaitement respectable et intéressante, tiendrait la route et serait respectable si le découpage de 2003 signifiait quelque chose. Or il est totalement absurde et nous devrions tous le reconnaître.

Vous avez eu raison de rappeler, monsieur Larrivé, que vous n’étiez pas né en 1977 pour la première préparation des élections européennes mais, en 2003, vous étiez né,…

Plusieurs députés du groupe UMP. Tout juste ! (Sourires.)

M. François Loncle. …et vous tous aussi.

C’est incroyable d’avoir laissé faire ce découpage absurde. Je suis dans le grand Nord-Ouest, je ne sais pas comment s’appelle ma circonscription, elle n’a d’ailleurs pas de nom. La tête de liste venait de Lille ou de je ne sais où. Je n’ai bien sûr aucun mépris pour mes camarades du Nord-Pas-de-Calais, mais, pour toutes les régions à l’exception de l’Île-de-France, qu’il s’agisse du Sud-Est, vous l’avez constaté, monsieur Mariani, du grand Nord-ouest ou de n’importe quelle autre, c’est absurde.

Si nous sommes mal à l’aise dans ce débat, c’est parce que nous voulons préserver un système absurde, qui ne fonctionnera encore pas lors des prochaines élections de 2014. Voilà pourquoi nous avons raison de nous interroger et, pour ma part, je suis sensible à l’argumentation des radicaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios.

M. Sylvain Berrios. Ce que nous venons d’entendre est tout de même stupéfiant, et vous n’avez d’ailleurs pas répondu au rapporteur, monsieur le ministre. Nous venons de voir en direct un partenaire important de la majorité…

M. Christian Jacob. …être humilié !

M. Sylvain Berrios. …expliquer que le parti majoritaire avait peur, qu’il n’était pas à la hauteur de l’enjeu, ce qui n’est tout de même pas rien comme critique, que d’ailleurs les deux partis principaux avaient peur, que le Gouvernement lui-même ne suivait pas ses partenaires de la majorité. Qu’est-ce d’autre qu’une crise de régime ? (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Tout à fait !

M. Sylvain Berrios. Aujourd’hui, vous êtes seul. Le parti socialiste, la majorité a explosé sous nos yeux sous le canon de M. Tourret.

M. Philippe Gosselin. Les radicaux, combien de divisions ?

M. Sylvain Berrios. Nous devons vous remercier de votre lucidité, monsieur Tourret. Au moment où le Gouvernement n’a d’autre urgence que d’inscrire à nos travaux des projets qui ne correspondent en rien aux demandes des Français, je suis heureux de voir que vous avez la lucidité de vous désolidariser de cette majorité.

M. Alain Tourret, rapporteur. Je ne doute pas que vous voterez pour nous !

M. Sylvain Berrios. La peur n’est pas chez nous, elle est chez ceux qui ont peur du suffrage universel. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements nos 9, 18, 26, 34 et 30.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 54

Nombre de suffrages exprimés 54

Majorité absolue 28

(Les amendements nos 9, 18, 26, 34 et 30 ne sont pas adoptés.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour un rappel au règlement.

M. Marc Le Fur. Il y a un moment où la précipitation risque de fausser le résultat parce que nous n’avons pas eu le temps de voter.

Cela dit, monsieur le président, j’avais demandé la parole sur le fond.

M. Berrios l’a parfaitement souligné, il y a des fissures internes au groupe socialiste…

M. Matthias Fekl. Ce n’est pas un rappel au règlement !

M. le président. Effectivement, monsieur Le Fur, ce n’est pas un rappel au règlement.

M. Marc Le Fur. Il y a une crise de régime en direct, il faut faire quelque chose !

Article 2 (suite)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Pour permettre aux députés de rejoindre leur place, je répète que mon analyse est la même sur les articles 1, 2 et 3.

L’opposition, nous l’avons bien compris, est dans une démarche d’obstruction parlementaire (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP) pour faire durer ce débat afin que le texte suivant, sur l’embryon, ne soit pas inscrit à l’ordre du jour. Personne n’est dupe !

Je tiens à vous rassurer, mesdames et messieurs les députés de l’opposition : il n’y a pas de division dans la majorité. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Sur le fond des choses, je vous donne rendez-vous en 2014, à l’occasion du scrutin : nous verrons alors quelles forces s’affrontent quand nous demanderons aux Français de choisir un projet pour l’Europe. Nous parlerons d’actions concrètes,…

M. Philippe Meunier. Si vous êtes encore là !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. …nous parlerons de ce que vous n’avez pas fait, nous parlerons aussi du budget de l’Union européenne, que vous n’avez pas voulu dynamique, solidaire, orienté vers la croissance et l’emploi. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Mariani. C’est vous qui êtes au pouvoir !

M. Philippe Gosselin. Arrêtez de faire de la politique-fiction !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Certains d’entre vous m’ont interrogé sur la volonté du Gouvernement de promouvoir une Europe solidaire, vers l’emploi, vers les grands chantiers : nous vous donnerons dans les jours qui viennent les chiffres très précis de la ventilation des 960 milliards d’euros proposés au vote du Parlement européen.

M. Sylvain Berrios. Il faut prévenir le Président de la crise de régime !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Nous discuterons territoire par territoire, politique par politique. Nous parlerons du retour sur la politique agricole commune d’environ 60 milliards d’euros. Nous parlerons des 19 milliards d’euros d’accompagnement pour les infrastructures, c’est-à-dire plus de 9 milliards par rapport à la période précédente, pendant laquelle vous étiez aux affaires.

M. Sylvain Berrios. Vous avez prévenu le Président qu’il n’y avait plus de Gouvernement ?

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Nous parlerons dans quelques jours de la demande de la Commission européenne, hier, de trouver 12 milliards de crédits de paiement supplémentaires. Voilà du concret. Ces 12 milliards, ce sont les crédits de paiement que vous n’avez pas voulu débloquer au niveau européen pour payer des dossiers engagés par les États. C’est votre gestion à la petite semaine qui nous met aujourd’hui dans l’obligation de trouver 12 milliards, de demander un effort supplémentaire à la France sur son propre budget, au titre des contributions.

C’est le fond des choses et c’est ce qui nous soude,…

M. Philippe Meunier. La peur de perdre !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. …au-delà du débat d’aujourd’hui. Je vous rassure donc : nous étions hier ensemble, nous serons ensemble demain. Merci de me donner l’occasion de le redire, même si je demande le rejet de l’article 2.

M. Xavier Breton. Ce n’est pas cohérent !

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’article 2.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 69

Nombre de suffrages exprimés 69

Majorité absolue 35

(L’article n° 2 n’est pas adopté.)

Article 3

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, premier orateur inscrit à l’article 3.

M. Guillaume Larrivé. Monsieur le ministre, nous n’avons pas peur d’aborder le débat européen, et nous n’aurons pas peur, d’ici à juin 2014, de vous mettre face à vos contradictions, car nous sommes, quant à nous, très clairs. Ce que nous disions avant mai 2012, nous continuons à le dire depuis lors. Nous disions, dans la majorité que présidait Nicolas Sarkozy, que l’Europe devait protéger les Français, et nous allons démontrer au fil des mois qui viennent que la manière dont l’actuel Gouvernement négocie les textes et les budgets européens ne les protège pas suffisamment.

M. Matthias Fekl. Et Merkozy ?

M. Guillaume Larrivé. Nous le démontrerons sur différents sujets : les sujets économiques et financiers, sur lesquels vous vous êtes reniés au fil des mois, mais aussi les sujets régaliens. Il y a notamment la question extrêmement intéressante de l’application du Pacte européen sur l’immigration et l’asile. Ce pacte avait été négocié en 2008 sous présidence française, laquelle avait obtenu l’unanimité. Qu’en avez-vous fait, monsieur le ministre ? Êtes-vous passé du pacte aux actes ?

Nous poserons ces questions lors du débat. Et nous les poserons dans chacune des circonscriptions régionales ; nous n’avons pas besoin d’une circonscription unique, je le dis à M. Tourret. Le débat de fond peut exister, dans les capitales régionales, sur les plateaux de télévision, quel que soit le mode de scrutin.

Nous ne nous défilerons pas, nous aborderons ces questions avec vigueur pour vous mettre face à vos contradictions et démontrer aux Français que votre politique européenne est insuffisante.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Je suis heureux de constater que le débat a quelques vertus. En particulier, il a permis de mettre au jour une dissension entre le parti socialiste et une partie de ses alliés. L’échange, tout à l’heure, entre le rapporteur et le ministre est l’illustration de cette cassure. Ce psychodrame au sein de la représentation nationale, dans cette enceinte où s’écrit la loi, est intéressant à noter. Chacun voit bien qu’entre les promesses de 2010, quand le parti socialiste était dans l’opposition, et leur réalisation, il y a un pas difficile à franchir.

C’est l’occasion de rappeler que l’Europe ne doit pas être prise en otage. Nous en avons besoin. C’est elle qui a permis l’établissement de la paix, une stabilité remarquable depuis près de soixante-dix ans, et si cette Europe politique, cette Europe des peuples n’avait qu’une utilité, ce serait celle-là.

Elle a besoin d’être incarnée ; à cette fin, il faut des élus de proximité. Je sais que les huit grandes circonscriptions sont loin d’être parfaites, mais elles permettent malgré tout une certaine identification, dont il serait dommage de se priver.

Nous avons déjà évoqué le problème des effets de seuil. À un an des élections européennes, il ne convient pas de changer les règles du jeu. C’est pourtant ce qui se passe pour les élections municipales, pour les élections aux conseils généraux, qui deviendront départementaux, pour les élections régionales, et c’est ce qui se passera sans doute pour les élections législatives ainsi que, pour clore le tout, les élections des sénateurs dans les départements qui en envoient au moins trois à la Haute Assemblée. Arrêtez de changer tous les modes de scrutin : c’est insupportable !

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton.

M. Xavier Breton. À mon tour, je souligne l’utilité de notre débat. Aller au fond des choses permet de clarifier les positions. Le psychodrame dont nous avons été témoin au sein de la majorité a été très éclairant.

Notre collègue François Loncle a raison de s’interroger sur les actuelles circonscriptions. Je le dis très clairement : je ne crois pas que le système soit parfait. Toutefois, nous divergeons sur un point. Plutôt que de réfléchir à des solutions sur mesure, qui prennent en considération la diversité territoriale, vous allez vers une uniformisation, dans le cadre d’une circonscription nationale unique.

Je trouve intéressant de pouvoir acter des différences correspondant à des pensées politiques diverses sur la place de la nation. Nous constatons une alliance entre les souverainistes de gauche, qui sont notamment au MRC, les radicaux, qui incarnent une autre conception de la place de l’État et de la nation, et les Verts, qui demandent une circonscription nationale mais sans s’appuyer sur l’État, étant plus orientés vers la construction européenne. Ce débat est très intéressant. Dans l’addition de vos votes, il y a en fait des conceptions très différentes, alors que nous faisons preuve d’une plus grande cohérence. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. François de Rugy. Pour exposer des arguments nouveaux ?

M. Marc Le Fur. Comme notre collègue Sylvain Berrios l’a excellemment dit, nous assistons en direct à des phénomènes surprenants. D’habitude, ce genre de choses se règlent dans des réunions d’état-major. Or nous voyons un ministre s’opposer à une initiative importante des radicaux, et notre rapporteur, courageusement, fait état de sa surprise et indique qu’il voit dans cette situation un sujet majeur. C’est une crise de régime, ou tout au moins une crise interne à la majorité, avec notamment une véritable division au sein du parti socialiste, puisque le MRC est d’un côté, M. Loncle de l’autre. Tout cela crée beaucoup de problèmes.

J’ai posé, monsieur le ministre, une question sur les restitutions, sujet majeur en termes d’emploi. Merci d’y répondre : je souhaite connaître la détermination du Gouvernement sur ce point.

Guillaume Larrivé l’a dit, le vrai sujet, pour les Français, c’est que l’Europe ne les protège plus. Je prends un cas très simple : celui de l’étiquetage des produits. Nous venons de connaître une crise importante : crise Findus ou crise de la viande de cheval. Or je ne vois pas venir de réaction européenne. Avec de nombreux collègues de l’UMP, nous avons proposé d’appliquer à l’ensemble des viandes ce qui existe pour la viande bovine française. Cet élément de protection ne s’applique pas à ce jour aux autres viandes, en particulier les viandes blanches ou les plats préparés. Mon idée, c’est qu’il soit précisé sur tous les plats préparés contenant de la viande, où est né l’animal, où il a été élevé, où il a été abattu, où il a été découpé. Ce serait extrêmement clair et permettrait de montrer que l’Europe est une structure qui nous protège et non une structure qui nous impose des réglementations que nous ne comprenons pas.

C’est ce que nous attendons de l’Europe. Pour que l’Europe se transforme, il faut des députés enracinés, qui soient aussi de simples consommateurs, dans leurs familles, dans leurs villes et leurs villages. Or vous êtes en train de nous en priver ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Il a raison !

M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios.

M. Sylvain Berrios. Je suis très triste du débat qui est en train de se dérouler. M. le ministre a fait de la politique-fiction en nous parlant de l’Europe et des différentes positions qui seront à prendre, avec, en 2014, si j’ai bien compris, un règlement de comptes. Je suis triste car, comme l’a excellemment dit Marc Le Fur à l’instant, nous pourrions aborder des sujets européens très importants. Je pense même qu’il est fondamental que nous retrouvions un corpus idéologique européen pour la nation.

Or cette discussion arrive par le biais d’un tripatouillage électoral. C’est d’ailleurs un bon marqueur de la majorité, née d’alliances purement électorales. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Eh oui ! Regardez le Sénat !

M. Matthias Fekl. Allons ! Et l’UMP qui éclate en deux ?

M. Sylvain Berrios. Vous n’avez pas un idéal en commun, seulement un accord électoral. Ce point mériterait à lui seul un débat.

C’est en raison de cette situation que nous avons assisté à l’instant à une crise interne à la majorité : parce que tout tient à un accord électoral. C’est aussi pour cela que nous sommes dans le flou permanent, que les décisions n’arrivent pas, au moment où la France attend d’urgence des réponses concrètes.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Philippe Meunier.

M. Philippe Meunier. Je pense que M. le rapporteur est un honnête homme. Il a des convictions et il les assume ; c’est ce qu’on attend des hommes politiques.

Cela dit, j’aimerais lui préciser une chose. En 1995, dans ma circonscription, pendant les élections municipales, on comptait les voix dans une commune. L’angoisse était palpable jusqu’au dernier moment. Quand il est devenu certain qu’il y aurait une triangulaire, parce que le Front national avait obtenu assez de voix, la liste du parti socialiste a laissé éclater sa joie, devant tout le monde.

M. Marc Le Fur. C’est grave !

M. Philippe Meunier. Elle savait qu’elle allait gagner, du fait de la triangulaire. Puisque vous avez des convictions, monsieur le rapporteur, ne nous faites pas de reproche à ce propos. Je l’ai vécu à de nombreuses reprises dans ma circonscription. Nous n’avons donc pas peur de Mme Le Pen.

Par contre, le Gouvernement devrait commencer à avoir peur du peuple. Dimanche dernier, un million de personnes ont manifesté, calmement, tranquillement. Le Gouvernement ne veut pas entendre : il a tort. La peur, monsieur le ministre, va bientôt venir dans vos rangs, parce que les Français continueront de manifester, ils seront encore plus nombreux, et vous verrez que vous serez obligés de céder.

Plusieurs députés du groupe UMP. Très bien !

M. le président. Je suis saisi de six amendements de suppression de l’article, nos 10, 19, 21, 27, 31 et 35.

La parole est à M. Thierry Solère, pour soutenir l’amendement n° 10.

M. Thierry Solère. Depuis maintenant des mois que vous êtes au pouvoir, on enregistre 800 chômeurs de plus par jour ouvré, et nous sommes encore à discuter. Nous voyons les tripatouillages électoraux, les difficultés au sein de la majorité, les changements d’avis au sein du Gouvernement, mais nous n’entendons toujours pas, comme l’a souligné Marc Le Fur, le groupe radical s’exprimer sur ce texte.

Depuis des années, la question européenne est toujours abordée sous un angle négatif et les radicaux sont tout à fait absents de ce débat.

M. Philippe Gosselin. Pas le rapporteur !

M. Thierry Solère. Dites-nous quel est le sens de vos propositions et défendez-les. Si votre but est de permettre à Mme Royal de trouver une place sur une liste nationale, assumez-le ! Peut-être M. Falorni, qui l’avait battue, veut-il s’excuser et faire, par ce biais, sa repentance. Exprimez-vous sur le sujet. Il est tout de même étonnant que le groupe qui a déposé le texte, à l’occasion d’une niche parlementaire, reste silencieux.

M. Paul Giacobbi. Sustine et abstine !

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n° 19.

M. Guillaume Larrivé. Je suis prêt à céder mon temps de parole au président Schwartzenberg s’il souhaite s’exprimer…

Revenons sur la question budgétaire pratique, voire administrative. Monsieur le ministre, vous avez évoqué le budget européen et donné des chiffres macroéconomiques, très globaux, relatifs aux fonds structurels. Mais quelle va être la déclinaison de ces fonds dans les années à venir ? Sur les territoires, nous avons besoin d’un mode d’emploi, afin que les communes, les départements et les régions puissent mettre en œuvre des projets. Nous savons que d’ici à la fin de l’année 2013, nous devrons consommer les fonds européens de la période 2007-2013 ; par contre, à partir de 2014, le flou règne.

Cette question est au cœur de nos débats, puisque nous tenons là un moyen de rendre l’Europe concrète pour nos concitoyens. C’est à travers ces projets, ces infrastructures et ces dossiers économiques que l’Union européenne peut devenir un peu plus tangible et apporter la démonstration qu’elle est capable de protéger nos concitoyens dans une période de crise qui les frappe très durement, qu’il s’agisse du chômage ou de la baisse du pouvoir d’achat.

M. le président. Sur le vote des amendements identiques nos 10, 19, 21, 27, 31 et 35, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 21.

M. Philippe Gosselin. Je reviendrai plus tard sur l’incarnation de l’Europe et sa nécessaire proximité, mais je veux rappeler auparavant combien nous avons besoin d’une Europe capable de protéger les plus faibles. Je profite donc de cette occasion pour dénoncer l’abandon par la France, qui a capitulé en rase campagne, du programme européen d’aide alimentaire. Nous ne remplissons pas nos missions.

Il va sans dire que l’Europe a besoin d’être incarnée et de protéger les plus faibles, mais nos débats actuels ne servent pas cette grande idée d’une Europe de paix, de coopération et de protection des peuples. Incarnons, je vous en prie, cette Europe-là ; ne nationalisons pas les débats autour de questions politiciennes. M. le ministre évoquait ainsi 2014, mais ce que l’on attend de nous, c’est que nous nous souciions davantage de l’économie, du social, que nous prenions à bras-le-corps les difficultés économiques et que nous cessions de modifier sur tous les fronts les modes de scrutins et les circonscriptions.

Ces débats sont surréalistes. On a découpé hier soir, on découpe aujourd’hui, on redécoupera dans quelques semaines. J’adresse ce message à la majorité afin qu’elle le transmette au Président de la République pour qu’il puisse s’exprimer ce soir à ce sujet : ne pourrions-nous pas donner une autre image de l’Europe ? Celle d’une Europe qui protège les peuples et les plus faibles, en étant proche des siens, et non d’une Europe réduite à un problème de mode de scrutin.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 27.

M. Marc Le Fur. J’attends l’intervention du président Schwartzenberg. Jusqu’à présent, et particulièrement dans l’histoire de la IIIe République, le parti radical a été le parti de l’arrondissement, celui du territoire dans lequel un parlementaire s’identifiait avec une population, la représentait, était accessible et connu de ses électeurs. Or, avec l’idée d’une circonscription unique, on s’éloigne de la philosophie originelle et traditionnelle du parti radical.

La démocratie repose dans la capacité pour les électeurs d’identifier ceux qui les représentent : il faut donc qu’un lien relativement simple existe. Le mieux est que le mode de scrutin permette aux électeurs d’identifier l’homme ou la femme qui les représente. Je comprends que cela ne soit pas possible au niveau européen, ne serait-ce qu’à cause d’une réglementation particulière, mais encore faut-il que les circonscriptions soient relativement restreintes afin de pouvoir identifier celui qui représente les électeurs ainsi que ses pouvoirs et ses compétences.

Or nous sommes sur ces questions dans une relative ignorance. Nous-mêmes, et les électeurs plus encore, ne savons pas quelles sont les compétences du Parlement européen. J’aurais ainsi souhaité que nous saisissions cette occasion d’une journée consacrée à l’Europe pour aller plus loin et prendre conscience du travail des députés européens qui comptent dans leurs rangs des élus particulièrement sérieux, qui travaillent sur des sujets techniques en commission et vont sur le terrain, multipliant les déplacements dans les différents pays. L’opinion doit être informée de ces travaux.

Le propre de la démocratie – et ces principes sont traditionnellement défendus par le parti radical – est de permettre aux électeurs d’identifier ceux qui gouvernent, de les interpeller, de connaître leur action, ne serait-ce que pour pouvoir les sanctionner s’ils ne font pas ce que l’on attend d’eux. Or, avec la circonscription unique, on s’éloigne de ces principes : qui connaît le douzième ou le treizième de liste, pourtant élu ?

M. le président. La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement n° 31.

Plusieurs députés du groupe UMP. Et M. Schwartzenberg ?

M. le président. Pour l’instant, nous en sommes à la présentation des amendements de suppression. À moins que vous ne renonciez à les défendre…

M. Thierry Mariani. J’étais prêt à m’effacer devant le président Schwartzenberg, mais je suppose qu’il s’exprimera plus tard.

À écouter le rapporteur, qui s’exprime toujours avec talent et conviction, il me semble que ce qui se tient là, c’est le procès de la proportionnelle, à l’introduction de laquelle travaillent, cette fois conjointement, socialistes et radicaux. Vous allez en effet l’imposer en partie aux élections législatives, tout en nous jurant, la main sur le cœur, que vous souhaitez vous opposer à l’arrivée des extrêmes dans cet hémicycle. Le discours de la majorité est donc variable, quand l’UMP a toujours eu une position cohérente : nous préférons à la proportionnelle, sur laquelle nous sommes réservés, le scrutin uninominal où chaque élu est clairement identifié par l’électeur, qui sait en retour qui le représente à l’Assemblée nationale et qui l’aurait représenté au Parlement européen, s’il y avait eu soixante-quatorze circonscriptions.

Quant à savoir si nous avons peur… La situation actuelle me fait penser à ce vers de Victor Hugo dans Les Châtiments : « L’espoir changea de camp, le combat changea d’âme. » Si la peur existe, ce n’est pas dans nos rangs, mais plutôt chez ceux qui soutiennent une majorité qui prend l’eau depuis huit mois. Victor Hugo pensait à Napoléon III en écrivant ses Châtiments, je n’ose transposer le texte à notre réalité contemporaine et à un président trop petit dans des vêtements trop grands. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

« Le changement, c’est maintenant. », disait-il ; or le seul changement annoncé, c’est le changement électoral, auquel nous assistons de découpage en découpage…

M. Philippe Gosselin. De charcutage en charcutage !

M. Thierry Mariani. …dans les départements, dans les communes et même au conseil municipal de Paris – une vraie nouveauté – puisque vous n’hésitez pas à faire passer des sièges de l’est à l’ouest pour assurer l’élection de votre candidate chancelante.

M. Matthias Fekl. Et les charcutages de Marleix ?

M. Thierry Mariani. Je le répète : dans un tel contexte économique, consacrer un débat au scrutin électoral est totalement déplacé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour soutenir l’amendement n° 35.

M. Xavier Breton. Cet amendement de suppression de l’article 3 est un amendement de coordination et de cohérence, deux vertus qui manquent aujourd’hui cruellement à la majorité.

Puisque nous n’avons pas eu de réponse sur ce point, je souhaiterais revenir sur la question de la représentation des territoires ruraux dans le cadre de la circonscription unique. Certes, la tendance est à l’urbanisation et à la métropolisation, qui peuvent avoir leur intérêt dans le cadre de l’aménagement du territoire européen, mais il faut envisager aussi le problème du devenir des territoires ruraux. Il est important qu’ils continuent à avoir une représentation spécifique afin que puissent être portées leurs difficultés ou leurs attentes.

Nous savons que le projet de loi relatif à l’élection des conseillers départementaux, adopté hier en deuxième lecture, a sacrifié les territoires ruraux, puisque la moitié des cantons vont disparaître. En outre, le mode de scrutin politisera inutilement les élections dans les communes rurales. Il ne faudrait pas que le mode de scrutin européen vienne à son tour reléguer ces territoires.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, quelle place réservez-vous aux territoires ruraux dans la représentation au Parlement européen ? L’Europe mène une politique agricole importante ; les fonds structurels constituent également un outil de développement important pour les espaces ruraux ; le lien entre l’Europe et les territoires ruraux est essentiel et nous devons donc le retrouver dans cette représentation. Or la proposition de loi qui nous est soumise va à l’encontre de celle-ci.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements de suppression de l’article 3 ?

M. Alain Tourret, rapporteur. L’avis est bien entendu défavorable.

Puisque le parti radical a été évoqué à plusieurs reprises, je tenais à dire que je suis un représentant de ce parti et que je pense avoir réussi à faire passer notre conviction.

Mesdames, messieurs de l’UMP, nous n’avons jamais rien partagé sur la question européenne.

M. Philippe Meunier. Oh non !

M. Alain Tourret, rapporteur. Nous étions pour une Europe fédérale, nous avons soutenu Mendès-France et Maurice Faure. Quant à vous, vous avez fait capoter la CED (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) : vous vous êtes toujours opposés au développement du pouvoir de l’Europe. Heureusement, quelques-uns ont sauvé votre honneur, comme Mme Veil, une très grande dame. Je me retrouve dans la politique Jacques Delors, dans celle de Simone Veil ou de Michel Barnier, dont vous vous éloignez de plus en plus, qui défend la France au niveau européen. Comme je le sais pour l’avoir rencontré des dizaines de fois, notamment à Bruxelles, lorsque j’avais en charge le budget des fonds structurels européens au niveau régional, je ne pense pas qu’il vous suivrait aujourd’hui.

Nous voulons pouvoir défendre un véritable projet européen, un projet fédéral qui suppose le transfert d’un certain nombre de pouvoirs importants, en matière de défense, de politique des affaires étrangères, de politique monétaire ou budgétaire. (Mêmes mouvements.) Voilà l’Europe fédérale que nous voulons – et nous partagions d’ailleurs sur ce point la position de François Mitterrand, dont nous demeurons, nous, radicaux, toujours proches. Nous voulions défendre avec passion, sur l’ensemble du territoire, cette conviction. Je ne doute pas que, malgré ce qui vient de se passer, nos amis socialistes sauront se reprendre et réparer la porcelaine qu’ils viennent de briser. (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

J’espère que nous saurons, les uns et les autres, défendre nos convictions face à vous, mesdames, messieurs de l’UMP, et à ceux du Front national,…

M. Philippe Meunier. Ils ne sont pas là !

M. Alain Tourret, rapporteur. …avec lesquels vous avez cosigné des amendements au projet de loi sur le mariage pour tous. Nous n’avons jamais fait une telle chose ! Le Front national est notre adversaire, l’UMP est notre adversaire.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements de suppression de l’article 3 ?

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Avis défavorable.

M. le président. Sur le vote de l’article 3, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Pour répondre aux aimables sollicitations de M. Le Fur et de quelques-uns de ses collègues sur les positions du parti radical, je voudrais rappeler à la suite du rapporteur que le parti radical a toujours été un favorable à l’Europe et à sa construction.

Vous vous rappelez tous que le signataire français du traité de Rome était Maurice Faure, membre du parti radical. Nos positions n’ont jamais varié sur ce point ; nous restons fidèles à cette construction de l’Europe.

M. Jean-Frédéric Poisson. Personne ne veut vous retirer ça !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Cela fait même partie, d’une certaine manière, de l’ADN du parti radical.

En ce qui concerne plus précisément notre divergence sur le système électoral applicable aux élections européennes, j’ai entendu employer dix-sept, peut-être dix-neuf fois, le mot « tripatouillage ».

M. Sylvain Berrios. Vingt-deux fois ! (Sourires.)

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Qui dit mieux ? En tout cas, nous accuser de tripatouillage me paraît particulièrement singulier et original…

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas nous. C’est le Gouvernement !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. …puisque nous proposons un système qui, vertu très rare, ne repose sur aucun découpage de zones hétérogènes, artificielles, bizarres, conçues dans l’intérêt de telle ou telle formation,…

M. Alain Tourret, rapporteur. Très bon argument !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. …comme cela peut sembler être le cas avec la loi de 2003, votée à l’initiative du gouvernement Raffarin.

Ce débat sur l’Europe, que vous avez quelque peu prolongé, chers collègues du groupe UMP,…

M. Marc Le Fur. Il est important !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. …a donné lieu à l’expression de deux visions – chacune a sa vérité et même sa noblesse –, notamment au sein de la majorité. L’une n’est pas seulement celle du parti radical – nous ne sommes pas immodestes à ce point –, c’est aussi celle des écologistes et du groupe GDR, soit trois des quatre groupes parlementaires de la majorité.

M. Marc Le Fur. C’est vrai !

M. Xavier Breton. Vous êtes majoritaires en groupes !

M. le président. Je vous prie de conclure, monsieur Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Le pluralisme n’étant ni une anomalie ni une maladie, nous considérons qu’une pluralité de vision peut se produire et contribuer à un dialogue qui améliore les choix définitifs au sein de la majorité.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Tout d’abord, monsieur le président Schwartzenberg, je vous remercie pour votre intervention de qualité. Personne dans nos rangs n’a accusé le parti radical d’un quelconque tripatouillage : chacun d’entre nous a visé très clairement le Gouvernement. Ce n’est pas ce texte mais l’accumulation des réformes de nature électorale qui justifie l’emploi d’un tel mot : réforme pour les municipales, pour ce que l’on appelait les cantonales et qui sont devenues les départementales, pour les élections sénatoriales – Philippe Gosselin a rappelé que, dans les départements comptant trois sénateurs, on reviendrait à la proportionnelle alors que celle-ci a disparu il y a quelques années –, réforme des élections européennes et, enfin, peut-être – si l’on en croit les préconisations de la commission Jospin – pour les législatives. Cela fait tout de même beaucoup !

À l’évidence, ce n’est pas vous que nous visions mais le Gouvernement, qui d’ailleurs ne nous a pas répondu sur ce point. Au moins aurait-t-il pu donner une certaine cohérence à toutes ces réformes.

Monsieur le rapporteur, j’apprécie votre détermination. J’apporterai toutefois une petite nuance à vos propos : Mendès était contre la CED. Chacun a ses contradictions. Il estimait, comme beaucoup au parti radical à l’époque, que la CED était l’affaire des chrétiens-démocrates du MRP et il ne s’y reconnaissait pas. Qu’on ne refasse pas l’histoire à rebours : le parti radical, à une certaine époque, a été très réservé sur la construction européenne et a partagé certains des débats internes qui ont traversé la famille gaulliste. Il n’empêche que nous nous retrouvons autour d’une Europe qui tienne compte des réalités. Et la réalité, en l’espèce, c’est le territoire et donc les circonscriptions que nous connaissons aujourd’hui, qui permettent aux députés européens de représenter un territoire et d’être identifiés : on peut alors leur tirer la cravate et leur dire des choses. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 10, 19, 21, 27, 31 et 35, tendant à supprimer l’article 3.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 62

Nombre de suffrages exprimés 62

Majorité absolue 32

(Les amendements nos 10, 19, 21, 27, 31 et 35 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Je veux simplement indiquer que je ne reviendrai pas sur les raisons qui expliquent pourquoi le Gouvernement est défavorable à l’article 3.

M. Philippe Gosselin. Et la solidarité majoritaire, monsieur le ministre ?

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’article 3.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 62

Nombre de suffrages exprimés 62

Majorité absolue 32

(L’article 3 n’est pas adopté.)

Après l’article 3

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 3.

La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 2.

M. Alain Tourret, rapporteur. Il est défendu.

(L’amendement n° 2, repoussé par le Gouvernement, est adopté et devient l’article 4.)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour soutenir l’amendement n° 1.

M. François de Rugy. Revenons-en au fond : la question des élections européennes. Le groupe écologiste, je l’ai dit dans la discussion générale, veut aller plus loin que cette proposition de loi, que nous soutenons par ailleurs, afin de clarifier le débat lors des élections européennes. Je suppose, du reste, que l’UMP aura bien du mal à faire une seule liste (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), car je vois mal M. Meunier soutenir une liste favorable au maintien dans l’Union européenne alors que lui-même a dit qu’il était contre !

Mme Marie-Christine Dalloz. On va gérer, ne vous inquiétez pas !

M. François de Rugy. Lors des dernières élections européennes, un certain nombre de candidats se présentaient sur des listes critiquant la commission Barroso, et puis, une fois arrivés au Parlement européen, les mêmes se sont empressés d’apporter leur soutien à la nouvelle candidature de Barroso à la tête de la Commission européenne.

C’est pourquoi nous proposons, par cet amendement, que les listes présentes aux élections européennes affichent la couleur, en indiquant leur affiliation éventuelle à un parti politique européen, car ceux-ci sont maintenant reconnus, et en mentionnant sur les bulletins de vote leur candidat ou candidate pour la présidence de la Commission européenne. Je rappelle en effet que les députés européens élus à partir de 2014 auront un rôle co-décisionnaire. Nous souhaitons donc assurer la plus grande transparence dans le débat électoral.

La proposition de nos collègues radicaux, contrairement à ce que vous avez dit, mesdames, messieurs de l’UMP – enfin, surtout messieurs (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Philippe Gosselin. Vous faites offense à Mme Dalloz !

M. François de Rugy. Vous le dites vous-même, monsieur Gosselin : il faut souligner la présence de Mme Dalloz, car elle est la seule ici de votre groupe.

Un député du groupe UMP. Nous avons la meilleure !

M. François de Rugy. Le tripatouillage, c’est vous qui l’avez fait en 2003, en définissant des régions qui n’ont ni queue ni tête. Nous proposons, nous, de revenir à la transparence.

Un dernier mot : vous croyez tellement au mode de scrutin que vous soutenez que, quand la France a obtenu deux sièges supplémentaires après les élections européennes de 2009, vous n’avez pas jugé utile de puiser dans les listes qui s’étaient présentées aux suffrages des Français en tenant compte du résultat qu’elles avaient obtenu : vous avez préféré faire désigner par l’Assemblée nationale les deux députés européens supplémentaires. C’est dire si vous êtes attachés à ce mode de scrutin que vous défendez aujourd’hui par pur opportunisme. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et RRDP.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Tourret, rapporteur. Sagesse.

M. Philippe Gosselin. C’est bien radical !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thierry Repentin, ministre délégué. J’aimerais être aussi clément que M. le rapporteur. Vous proposez, monsieur de Rugy, que dans la déclaration de candidature de la liste et sur le bulletin de vote de chacune d’entre elle figure le nom du candidat qu’elle soutient pour la présidence de la Commission européenne. Or, cela conduirait à une profonde évolution de l’articulation des pouvoirs respectifs des institutions européennes. Je vous rappelle que la désignation du président de la Commission est régie par le traité de l’Union européenne : il revient aux États membres de proposer des candidats aux postes de commissaire et aux chefs d’État ou de gouvernement de proposer un candidat à la fonction de président de la Commission, qui est élu par le Parlement européen, et ce en tenant compte du résultat des élections.

Il convient donc, à ce stade, de s’en tenir aux dispositions actuelles. C’est pourquoi le Gouvernement émet évidemment un avis défavorable à cet amendement. Il faut en effet dissocier la question de la désignation des chefs de file de celle de la désignation du président lui-même. Il s’agit de deux désignations de nature très différente, chacun en conviendra.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Je voterai contre cet amendement pour les raisons juridiques qu’a exposées le ministre mais aussi pour une vraie raison politique.

M. François de Rugy. Vous ne voulez pas de la transparence !

M. Guillaume Larrivé. Si l’on suivait logique de M. de Rugy, le président de la Commission européenne serait, indirectement certes, mais quasiment élu au suffrage universel. Or, la Commission n’est évidemment pas un gouvernement. J’ajoute que cet amendement ne serait pas de nature à clarifier les relations entre les institutions européennes et les relations entre celles-ci et le peuple français.

M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios.

M. Sylvain Berrios. Ce qui est très frappant dans cet amendement, c’est qu’il marque une volonté, non pas de tripatouillage, mais de verrouillage du scrutin, puisqu’il s’agit non seulement de permettre le verrouillage d’une liste nationale par les partis politiques mais, de surcroît, de donner un mandat impératif à ceux qui seront élus. Or, mes chers collègues, nous ne voulons pas instaurer de mandat impératif.

Monsieur de Rugy, vous voulez, en vérité, une démocratie des partis en verrouillant chaque étage de la démocratie française. Voilà ce qui sera intéressant pour les débats futurs, qu’il s’agisse des élections européennes ou sur des prochaines élections municipales. Si nous poursuivons dans cette volonté de verrouillage à chaque étape de la procédure démocratique, avec des accords électoraux qui sont conclus dans le dos des électeurs, nous en mourrons. Les électeurs ne veulent plus de cela et c’est pourquoi vous êtes sanctionnés aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. François de Rugy.

M. François de Rugy. Je conçois que mon amendement gêne nos collègues de l’UMP et qu’ils soient contre, car il ne serait pas extrêmement payant électoralement en France de faire figurer sur un bulletin de vote que la liste soutiendra la candidature de M. Barroso ou de M. Van Rompuy à la tête de la Commission. Je comprends donc qu’ils préfèrent les petits arrangements entre amis. Or, l’espèce de cogestion actuelle entre le PPE et le PSE, et leurs arrangements avec la Commission, ce n’est pas très glorieux. C’est la réalité, mais vous la cachez aux Français à chaque élection européenne.

Quand Sarkozy était Président de la République, il a fait des rodomontades, mais, à la fin, il s’est rallié à Barroso et à Van Rompuy, c’est-à-dire à des dirigeants qui n’ont cessé d’affaiblir l’Union européenne pour l’envoyer où elle est aujourd’hui.

Mme Véronique Massonneau. Très juste !

(L’amendement n° 1 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 42, 52 et 55.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 42.

M. Marc Le Fur. Chacun le sait pour avoir accompagné des amis durant les campagnes pour les élections européennes : le véritable enjeu est de faire en sorte que ces campagnes soient pédagogiques ; elles doivent être utiles.

M. François de Rugy. Ah !

M. Marc Le Fur. Elles doivent permettre d’expliquer ce que font l’Europe et les députés européens. Il faut expliquer, encore et encore, que les députés européens, du fait de la codécision, jouent un rôle essentiel dans des choses qui intéressent directement nos compatriotes – j’ai évoqué l’étiquetage, ce qui parle à tout le monde. Voilà de quoi l’on devrait parler durant les campagnes ; il faut, non pas seulement convoquer les grands principes et l’histoire, mais poser des questions concrètes. Comment, par exemple, peut-on protéger le consommateur et le producteur ? En l’espèce, cela pourrait se faire par un équivalent du « made in France » dans le domaine alimentaire, qui non seulement n’existe pas, mais est même juridiquement interdit par l’Europe.

Pour aborder de telles questions, il faut une campagne électorale. Or, aujourd’hui, celle des élections européennes est courte. Je propose, par cet amendement, qu’elle puisse être prolongée d’une semaine. Il ne suffit pas de dire, comme on l’a fait pendant des années et lors de toutes les campagnes pour les européennes, que le Parlement européen est de plus en plus important et que tout le monde doit se mobiliser. En réalité, nous ne sommes pas écoutés. La meilleure preuve en est le taux de participation, qui est plus faible que dans n’importe quelle autre élection.

En effet, pour les gens, l’Europe n’est pas bien identifiée. Pour que ce soit le cas, il y a deux choses à faire : les électeurs doivent connaître leurs députés – d’où notre attachement aux circonscriptions regroupant de grands territoires, qui permettent de réserver un peu de proportionnelle tout en identifiant les députés – et il faut avoir une vraie campagne sur des sujets européens, ce qu’interdirait de fait une circonscription unique. En outre, la campagne doit être un petit peu plus longue – nous proposons une semaine de plus, ce qui ferait trois semaines contre deux actuellement. Ce serait une bonne chose et ce texte nous en donne l’occasion. Je vous rappelle d’ailleurs que, comme nous avons adopté l’un des amendements de notre excellent collègue M. Tourret, il y aura de toute façon un vote solennel mardi prochain.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. Mais non !

M. Marc Le Fur. Nous pourrions donc parfaitement ajouter cette disposition, de façon à donner un peu de corps à ce texte. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 52.

M. Philippe Gosselin. Laissons de côté le redécoupage, la circonscription unique ou les circonscriptions par régions, que celles-ci soient ou non à parfaire. Il me semble que l’on peut se retrouver, toutes tendances politiques confondues, sur ces amendements qui mettent en avant une vraie difficulté, à savoir le taux d’abstention, particulièrement élevé aux élections européennes.

Sans doute l’Europe paraît-elle lointaine. Le problème est de réussir à intéresser nos compatriotes aux campagnes et à la vie de nos institutions européennes, qu’il faut rendre palpables. Il est vrai aussi que, parfois, l’Europe a donné le bâton pour se faire battre. On nous parle régulièrement des querelles sur le fromage au lait cru, qui ont eu leur importance. Je pense au camembert normand, ou encore au Pont-l’Évêque – n’est-ce pas, monsieur Tourret – et aux problèmes des AOC.

M. Marc Le Fur. On fait aussi du camembert chez moi ! (Sourires.)

M. Philippe Gosselin. Ce n’est pas du vrai, monsieur Le Fur !

M. Marc Le Fur. Mais si !

M. Philippe Gosselin. C’est peut-être du camembert, mais pas au lait de Normandie ! Quoi qu’il en soit, n’entrons pas dans cette querelle. (Sourires.)

L’Europe, disais-je, s’est parfois discréditée avec sa manière de présenter les choses, par exemple avec ce projet visant à considérer comme vin rosé des mélanges de rouge et de blanc.

On a parfois été détourné des vraies questions – d’où, peut-être, l’abstention. Or des campagnes trop courtes ne favorisent pas un vrai débat. Nous vous offrons la possibilité de nous prononcer à l’unanimité dans cet hémicycle pour permettre une campagne électorale plus longue d’une semaine, ce qui permettrait de mieux présenter les arguments et défendre l’Europe.

M. le président. Merci, monsieur Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Si les radicaux sont amoureux de l’Europe, nous le sommes aussi – à notre façon.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n° 55.

M. Guillaume Larrivé. François de Rugy a évoqué à l’instant – on voit bien que c’est chez lui une obsession – le président Nicolas Sarkozy. Je voudrais lui rappeler que le président de la République actuel s’appelle François Hollande, car il l’a peut-être oublié.

Or, je constate, monsieur de Rugy, que vous êtes en désaccord avec le président Hollande sur le traité de stabilité budgétaire, sur le budget européen tel qu’il a été voté, mais aussi sur les relations avec les institutions – qu’il s’agisse du Conseil, avec M. van Rompuy, ou de la Commission, avec M. Barroso – et sur le mode de scrutin.

Je vous pose donc très directement la question : que faites-vous dans cette majorité ? Si les questions européennes sont à ce point essentielles, comme vous le dites – et nous en sommes convaincus –, nous ne comprenons pas que le groupe écologiste soit représenté au Gouvernement, sauf à envisager qu’il innove en inventant la participation sans soutien.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Alain Tourret, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Si nous donnions une suite favorable à ces trois amendements, la campagne serait ouverte avant que les candidatures soient déposées et que leur régularité soit vérifiée.

M. Marc Le Fur. Nous décalerions naturellement leur dépôt !

M. Philippe Gosselin. Il suffirait de quelques amendements de coordination !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Nous sommes donc défavorables à ces amendements.

M. le président. Sur les amendements identiques nos 42, 52 et 55, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. La réponse de M. le ministre est quelque peu surprenante. C’est un peu comme dire que, si une porte est ouverte, elle n’est pas fermée. Ce n’est pas là un vrai argument juridique. Si nous étendons la durée de la campagne, nous ferons évidemment en sorte que les déclarations de candidature soient antérieures à son début.

Mes chers collègues, les choses sont assez simples : l’article 1er a été rejeté, de même que les articles 2 et 3. Cependant, un amendement de notre rapporteur a été voté. Nous avons donc un texte – modeste, peut-être, mais enfin il est là. L’activité du parti radical a donc été utile pour la démocratie. (Sourires.)

Ce texte nous agrée. Nous allons avoir un vote mardi prochain, ce qui sera d’ailleurs intéressant, car cela permettra de mettre en évidence les divisions internes à la gauche. Puisque nous avons un texte, enrichissons-le. Nous vous proposons donc ces amendements, excellemment défendus par nos collègues Larrivé et Gosselin, qui permettent simplement d’avoir une vraie campagne pour les européennes, ce qui devrait nous rassembler tous.

Nous parlons d’Europe. Eh bien, donnons-nous aussi le temps d’en parler à nos concitoyens. Une campagne permet la mobilisation de tous les médias. Il ne s’agit pas de faire une campagne de l’UMP : cela peut être une campagne radicale, socialiste, UMP, Front national – tout ce que l’on veut, peu importe à vrai dire. Cela permettra à nos compatriotes d’avoir un temps de réflexion et de comprendre que, l’Europe, ce sont, non pas simplement des slogans ou des ennuis – car c’est ainsi qu’ils la perçoivent –, mais une réalité.

Un peu de pédagogie ! Après tout, c’est le propre de la politique. Vous évoquiez Mendès-France, monsieur le rapporteur. Souvenez-vous qu’il a inventé les entretiens au coin du feu, c’est-à-dire la relation directe avec les Français. Une telle campagne devrait permettre de faire de même ; faisons donc en sorte qu’elle soit un peu plus longue. Enrichissons ce texte qui, pour le moment, est encore très modeste.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Au-delà de votre réponse juridique, monsieur le ministre, qui était un moyen de botter en touche, pourriez-vous nous répondre sur le fond ? Votre point de vue permettra d’éclairer la représentation nationale et, peut-être, de préparer d’autres travaux. Quelle est votre position sur le fond, c’est-à-dire sur la durée de la campagne pour les élections européennes, même si je ne nie pas que certains éléments de cohérence juridique entrent en ligne de compte ?

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements nos 42, 52 et 55. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Le ministre n’a pas répondu !

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 57

Nombre de suffrages exprimés 57

Majorité absolue 29

(Les amendements identiques nos°42, 52 et 55 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques, nos 43, 51 et 56.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 43.

M. Marc Le Fur. Nous avons déjà eu un échange ce matin sur ce sujet, mais il me semble qu’il a été un peu escamoté. Je souhaite donc y revenir.

Nous avons un problème de finances publiques. Tout le monde est-il d’accord là-dessus ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Nous avons l’occasion de réduire le coût pour les finances publiques. Est-ce que l’on saisit cette occasion ? (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Les choses sont très simples : pour l’ensemble des élections, le remboursement se fait au-delà de la barre des 5 % des suffrages exprimés. Pour les élections européennes, il y a une disposition exceptionnelle : le seuil est, non pas de 5 %, mais de 3 %. Je propose donc d’établir ce seuil à 5 %. Nous avons là l’occasion de faire des économies de notre propre initiative et, en même temps, d’établir un parallélisme assez légitime et normal – Philippe Gosselin l’avait très bien dit ce matin, mais nous n’étions pas allés au fond des choses – entre toutes les élections, quelles qu’elles soient européennes, municipales, régionales ou départementales.

Actuellement, il n’y a pas d’autre exception à cette règle des 5 % – tout au moins, je n’en connais pas ; s’il y en a, qu’on me le dise. À défaut de toute autre exception, et pour parvenir à cette harmonie, je propose que nous établissions systématiquement un seuil à 5 %. Nous aurons ainsi fait œuvre utile. De fait, nous travaillons depuis des heures et des heures – et très sérieusement – sur les questions européennes. Dans le même temps, ce serait un signal pour les finances publiques. Certes, ce n’est pas une révolution ; c’est un petit plus. Mais la politique, c’est non pas tout changer, mais faire œuvre utile, un petit peu chaque jour. C’est en tout cas ce que je vous propose en cette journée du 28 mars.

M. le président. La parole est à M. Philippe Gosselin, pour soutenir l’amendement n° 51.

M. Philippe Gosselin. Comme un nombre non négligeable de nos collègues n’était pas là ce matin, il me semble important de proposer un résumé de nos idées ; la pédagogie est parfois l’art de la répétition.

M. Paul Giacobbi. Avec vous, nous sommes servis !

M. Philippe Gosselin. Deux éléments sont à retenir, que notre collègue M. Le Fur a exposés rapidement : les économies et l’harmonisation.

Les économies, parce que l’on a besoin, en ce moment, de trouver quelques sources d’économies supplémentaires. Les budgets sont contraints. Comme vous le savez, l’État court après les économies,…

M. Jean Leonetti. Il a intérêt à courir vite !

M. Philippe Gosselin. …et ce n’est sans doute pas près de s’arranger. On voit, par ailleurs, que le pouvoir d’achat a diminué de 0,4 % en 2012, et cela pour la première fois depuis 1984. Dans le même temps, les impôts grèvent aussi bien les entreprises que les ménages, sans parvenir pour autant à produire suffisamment de recettes. On a donc besoin de faire des économies ; nous avons là une occasion, certes minime, mais intéressante. Ce serait un signal positif.

Au-delà de cette question, il y a aussi l’harmonisation, car, pour tous les autres scrutins, le seuil du remboursement est fixé à 5 %. Les élections européennes sont donc une exception, qui ne se justifie pas particulièrement. Il y a donc une question de cohérence. On peut toujours justifier un seuil d’une façon ou d’une autre – on l’a vu notamment hier soir, avec le seuil à 500 ou 1 000 habitants pour les élections municipales, alors que l’on pouvait tout aussi bien proposer 3 500, ou encore 2 000, c’est-à-dire le seuil que donne l’INSEE pour définir les agglomérations. Bref, le seuil de 5 % peut être discuté, voire modifié, mais il présente l’avantage de la cohérence. Tel est l’objet de cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n° 56.

M. Guillaume Larrivé. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Alain Tourret, rapporteur. Je propose naturellement que nous les rejetions. Je suggérerai à nos collègues de l’UMP, qui souhaitent absolument que l’on fasse des économies, qu’ils conseillent à l’ancien président, M. Sarkozy, de retirer son recours devant le Conseil constitutionnel. Cela fera économiser de l’argent. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Vous dérapez de nouveau, monsieur le rapporteur !

M. le président. Sur le vote des amendements identiques nos 43, 51 et 56, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements identiques ?

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Je souhaite répéter ce que j’ai dit ce matin : le seuil de 3 % est, pour le coup, cohérent avec le système de circonscriptions multiples, lequel devrait être maintenu à l’issue de nos débats.

Nous souhaitons favoriser la présence aux élections européennes de tous les partis, y compris ceux qui disposent d’un faible contingent d’élus, notamment lorsque ces formations donnent un ancrage local à leur campagne en ne présentant pas des candidats dans la totalité des circonscriptions.

Il y a là un élément de convergence avec M. le rapporteur.

M. Alain Tourret, rapporteur. Soulignons-le !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Je ne voulais pas, en effet, me priver de le signaler. (Sourires.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Je voudrais rappeler à notre excellent rapporteur que le président Nicolas Sarkozy a obtenu 53 % des suffrages des Français en 2007 et un peu moins de la moitié des suffrages exprimés en 2012.

Vous pouvez user de cette formule facile qui consiste à inviter le président à se désister de son recours devant le Conseil constitutionnel, monsieur le rapporteur, mais je vous appelle à un peu de respect pour l’ancien chef de l’État…

M. Jean-Frédéric Poisson et M. Jean Leonetti. Très bien !

M. Guillaume Larrivé. …et plus encore, pour la moitié des Français qui lui ont fait – et lui font toujours – confiance.

On ne peut, même en fin de discussion, traiter avec autant de légèreté une question fondamentale. Vous défendez l’idée selon laquelle il faut rembourser les partis fantaisistes, dont les listes auront remporté 3,1 % des suffrages lors des élections européennes, tout en soutenant que la moitié des Français représentés par le président Sarkozy lors de la dernière élection présidentielle n’ont pas le droit, eux, d’avoir un candidat ? C’est absolument scandaleux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Il n’y a pas deux catégories de citoyens !

M. Alain Tourret. Ce n’est pas moi qui ai annulé les comptes, mais la commission nationale des comptes de campagne, qui est indépendante !

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 43, 51 et 56.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 57

Nombre de suffrages exprimés 57

Majorité absolue 29

(Les amendements identiques nos 43, 51 et 56 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République. La situation devient ubuesque. Les trois articles de ce projet de loi ont été rejetés par l’Assemblée. Nous savons qu’il y aura un vote solennel mardi prochain.

M. Philippe Gosselin. C’est à cause de l’article additionnel !

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Cela ne change rien à l’affaire : il y aurait eu de toute façon un vote solennel. Les amendements suivants, s’ils devaient être adoptés, seraient totalement incohérents d’un point de vue juridique. Je trouve cela navrant. De façon à pouvoir m’en expliquer avec le rapporteur, je demande une suspension de séance.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Après l’article 3 (suite)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 3.

M. Alain Tourret, rapporteur. Par souci de cohérence et puisque les articles 1er, 2 et 3 n’ont pas été votés, je retire les amendements nos 3, 4, 5, 6 et 7.

M. Marc Le Fur. Aux ordres !

M. Philippe Gosselin. La majorité est reprise en main !

M. Marc Le Fur. N’ayez pas peur !

(Les amendements nos 3, 4, 5, 6 et 7 sont retirés.)

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques, nos 23, 28, 32, 36 et 49.

La parole est à M. Philippe Gosselin, pour défendre l’amendement n° 23.

M. Philippe Gosselin. N’est-il pas ubuesque que notre rapporteur, qui présente avec fougue et avec la foi européenne qui l’anime depuis des années une proposition de loi avec laquelle on peut ne pas être d’accord mais qui a le mérite de mettre en exergue la construction européenne, retire soudain, à notre grande surprise, ses amendements ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Coup de théâtre !

M. Philippe Gosselin. Quoi qu’il en soit, j’en arrive à la défense de mon amendement. Il nous paraît nécessaire que le Gouvernement remette au Parlement un rapport étudiant les possibilités et les différentes modalités selon lesquelles il compte parvenir avec les États membres de l’Union européenne à élaborer une procédure électorale uniforme.

Il y a là en effet une vraie difficulté, que l’on évoquait tout à l’heure. Le Parlement européen lui-même encourage les États de plus de vingt millions d’habitants à instaurer un scrutin comme celui que nous connaissons, organisé autour de circonscriptions qui permettent une représentation territoriale et favorisent la proximité des élus avec leurs électeurs.

Il existe de grandes divergences entre les États, et il serait utile que, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, si tant est qu’elle aboutisse, un rapport nous éclaire et nous permette d’harmoniser la procédure électorale.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour défendre l’amendement n° 28.

M. Marc Le Fur. Lorsque nous avons déposé cet amendement pour demander un rapport, nous n’en mesurions ni l’urgence ni la nécessité ! Mais, après ce qui vient de se passer, neuf mois ne seront pas de trop pour que vous réfléchissiez et retrouviez de la cohérence.

Le parti radical était si attaché à cette affaire qu’il l’a inscrit dans sa niche parlementaire, alors qu’il n’en a qu’une par an. Dans le genre gâchis, c’est pas mal ! Le rapporteur, que l’on a pourtant vu déterminé, décide maintenant, par dépit, de casser ce qu’il reste du jouet qu’on lui a abîmé ! Mais la démocratie, ce n’est pas cela ! La démocratie, comme le disaient les manifestants dimanche dernier, c’est de ne rien lâcher ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes RRDP et SRC.) Je vous engage donc à vous en inspirer : ne lâchez rien !

M. Philippe Gosselin. Indignez-vous !

M. Marc Le Fur. En tout état de cause, nous n’avons pas de certitude sur l’élection des députés européens. Nous savons simplement que le député doit être proche de ses électeurs, ce qui explique que nous soyons opposés à la proportionnelle pour les législatives. Sur ce point, nous sommes déterminés et nous irons jusqu’au bout ; j’exprime ici la position unanime de l’UMP. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Mais puisque la réglementation européenne nous impose un scrutin proportionnel pour l’élection des députés européens, nous souhaitons malgré tout que ces derniers puissent avoir un ancrage local, sur de grands territoires.

Il nous reste l’amendement Tourret, qui a été adopté et sur lequel, je l’espère, les différents groupes s’exprimeront et prendront position mardi prochain. Mais qu’au moins nous ayons ce rapport, qui permettra à chacun de savoir où il habite !

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour défendre l’amendement n° 32.

M. Guillaume Larrivé. Il est défendu, monsieur le président, mais je voudrais surtout souligner que nos débats auront permis de montrer à quel point la majorité divague et tangue.

M. Philippe Meunier. Il n’y a plus de majorité !

M. Guillaume Larrivé. On finit par ne plus comprendre sa ligne directrice, à supposer qu’elle en ait une. Chers collègues de la majorité, vous votez sans les voter certains amendements qui, en réalité, consistent à soutenir le texte sans le soutenir, il y a autant de positions que de groupes et, au sein même des groupes, notamment au sein du groupe SRC, les avis divergent !

Du côté de l’opposition en revanche, les choses sont claires : l’UDI s’est exprimée ce matin, l’UMP s’est exprimée ce matin et cet après-midi, pour rappeler avec force la constance de notre opposition à cette proposition de loi. Nous sommes favorables au maintien du mode de scrutin actuel, parce que nous pensons qu’il combine trois vertus : le pluralisme, la parité et l’ancrage territorial.

Notre position est donc simple, claire, cohérente et constante, ce qui contraste fortement avec les fluctuations et les hésitations de la majorité, dont la position varie selon qu’elle se trouve au palais du Luxembourg ou au palais Bourbon, et selon l’heure des débats.

Cette position constante, nous la réitérerons mardi si, comme nous le comprenons, nous sommes amenés à nous prononcer lors d’un vote solennel sur cette proposition de loi.

M. le président. La parole est à M. Xavier Breton, pour défendre l’amendement n° 36.

M. Xavier Breton. Nous venons de vivre avec la capitulation du rapporteur et du groupe radical un moment douloureux. Il y avait cinq amendements à défendre et, à raison de deux ou trois minutes par amendement, cela ne nous aurait pris qu’un quart d’heure. Que cache donc cette capitulation ?

M. Philippe Gosselin. Un ordre du parti socialiste !

M. Xavier Breton. Quoi qu’il en soit, il est dommage de ne pas aller jusqu’au bout dans la défense de ses convictions. Nous irons, nous, jusqu’au bout, et proposons avec cet amendement que, dans un délai de neuf mois, le Gouvernement remette un rapport étudiant les possibilités et les différentes modalités selon lesquelles il compte parvenir avec les États membres de l’Union européenne à élaborer une procédure électorale uniforme. C’est un souhait fort du Parlement européen et de tous ceux qui sont attachés à la construction européenne, même si le terme d’uniforme ne me paraît pas le mieux choisi. Je ne suis pas sûr en effet qu’il faille un mode de scrutin identique pour l’ensemble de l’Union européenne. Il nous faut certes une règle du jeu commune, un même élan et des dates d’élections identiques – des progrès ont été faits en la matière – mais la spécificité de chaque territoire doit être respectée.

Si l’article 7 de l’acte portant élection des membres du Parlement européen, en date de 1976, parle bien de procédure uniforme, l’important est que nous réfléchissions à une convergence européenne possible sur le mode de scrutin. Les élections qui s’annoncent nous en fournissent l’occasion. Nous demandons donc l’élaboration d’un rapport, qui nous permettra de rebondir, après le débat qui nous a occupés aujourd’hui.

M. Marc Le Fur. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour défendre l’amendement n° 49.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il est défendu.

M. le président. Sur l’amendement n° 23 et les amendements identiques, je suis saisi par le groupe socialiste, républicain et citoyen d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Alain Tourret, rapporteur. La commission a donné un avis défavorable.

M. Philippe Meunier. La commission a l’air dépité !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Avis défavorable également. Il est cohérent en effet que le Gouvernement, qui n’est pas favorable à la réforme, ne soit pas favorable à ces amendements. De surcroît, il se trouve que l’article 223 du traité de fonctionnement de l’Union européenne prévoit la possibilité d’une procédure uniforme dans tous les États membres pour l’élection des membres du Parlement européen. Mais il prévoit également que ce n’est qu’une fois que le Parlement européen aura élaboré une proposition en ce sens et que le Conseil l’aura adopté à l’unanimité qu’elle pourra être soumise à la ratification des parlements nationaux.

Le Parlement européen ne s’étant pas prononcé sur la procédure électorale uniforme, la question soulevée par cet amendement ne se pose pas. Avis défavorable, donc.

M. le président. La parole est à M. Sylvain Berrios.

M. Sylvain Berrios. Chacun d’entre nous connaît les convictions et le talent de M. Tourret, ainsi que sa capacité à défendre jusqu’au bout ses opinions.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg, le président du groupe RRDP, nous a tout à l’heure rappelé que le pluralisme n’était pas une maladie et qu’il devait s’exprimer. Or, ce pluralisme vient justement d’être balayé d’un revers de la main pour des raisons qui tiennent à la cohésion de la majorité, laquelle était en train d’exploser sous nos yeux. Nous le regrettons, car le débat européen mérite un tel pluralisme, pluralisme dont les modes de scrutin dont nous discutons précisaient l’exercice.

Présenter un amendement qui vise à porter le seuil de remboursement des frais de campagne de 3 % à 5 % était ainsi une manière de permettre au pluralisme de s’exercer. C’est tout cela que vous venez de battre en brèche aujourd’hui.

M. Philippe Gosselin. L’ombre tutélaire plane…

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 23, 28, 32, 36 et 49.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 69

Nombre de suffrages exprimés 69

Majorité absolue 35

(Les amendements identiques nos 23, 28, 32, 36 et 49 ne sont pas adoptés.)

Seconde délibération

M. le président. En application de l’article 101 du règlement, le Gouvernement demande qu’il soit procédé à une seconde délibération de l’article 4 de la proposition de loi. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

La seconde délibération est de droit.

Je rappelle que le rejet de l’amendement vaut confirmation de la décision prise en première délibération.

M. Marc Le Fur. Monsieur Giacobbi, réagissez ! N’ayez pas peur !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement n° 1, tendant à supprimer l’article 4.

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Mesdames, messieurs les députés, l’amendement que vous avez adopté faisait référence à un texte qui ne l’a pas été. Maintenir cet amendement, devenu l’article 4, empêcherait les candidats, notamment ceux issus des territoires d’outre mer, de déposer leur candidature sur leur lieu de circonscription et leur imposerait de le faire au ministère de l’intérieur.

Par ailleurs, la rédaction de l’amendement est telle que, sur ces territoires, il n’y aurait plus de suppléant au Parlement européen. Emportés par l’enthousiasme de nos débats, vous avez adopté un peu trop vite cet amendement. Par cohérence, je vous propose de supprimer l’article 4.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour un rappel au règlement.

M. Guillaume Larrivé. Je fais ce rappel au règlement au nom du groupe de l’Union pour un mouvement populaire, pour deux raisons. Sur le fond, nous débattons depuis ce matin de questions européennes extrêmement importantes. Il n’y aurait rien d’anormal ni de choquant à ce que, mardi prochain, nous prononcions sur ce sujet lors d’un vote solennel. Sur la forme – et je demanderai une suspension de séance pour cette raison –, je m’étonne, au nom des droits de l’opposition mais aussi, mesdames et messieurs les députés de la majorité, des droits des groupes minoritaires de la majorité, du procédé qui consiste, sur instruction sans doute de la Place Beauvau ou du Quai d’Orsay (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),à demander à l’Assemblée nationale de s’asseoir sur son vote et à M. le rapporteur de mettre ses amendements dans sa poche avec son mouchoir dessus. Au nom des droits de l’opposition, des droits du Parlement, je tiens à m’élever, au nom du groupe UMP, contre ces pratiques et je vous demande une suspension de séance d’un quart d’heure pour réunir mon groupe. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. On n’a jamais vu cela !

M. Sylvain Berrios. Il a raison !

M. Philippe Meunier. C’est incroyable !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

Seconde délibération (suite)

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 1 ?

M. Alain Tourret, rapporteur. Avant de me prononcer sur la proposition de notre honorable ministre, je voudrais faire une déclaration. Nous avons déposé cette proposition de loi à laquelle nous tenons beaucoup parce que nous sommes des Européens convaincus. Nous nous battrons pendant toute l’année qui vient, jusqu’en mai 2014, afin de justifier notre engagement européen, et nous le ferons aux côtés de nos amis socialistes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Leonetti. C’est la capitulation sans conditions !

M. Alain Tourret, rapporteur. Par ailleurs, deux motions de procédure ont été défendues, mais elles ont toutes deux été abandonnées par ceux-là mêmes qui les avaient proposées, car ils n’étaient manifestement pas suffisamment convaincus par leurs propres arguments.

Un certain nombre d’amendements ont été déposés par l’UMP, qui visaient pour l’essentiel à supprimer les différents articles. Ils ont tous été rejetés. Ne serait-ce que pour cette raison, je considère que nous avons gagné. (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marc Le Fur. On gagne toujours, dans ce cas !

M. Alain Tourret, rapporteur. Il y a des combats difficiles, des combats impossibles, mais il y a surtout des combats que l’on ne mène pas. Nous avons mené le nôtre et nous y sommes arrivés.

M. Jean Leonetti. Eh bien, bravo !

M. Alain Tourret, rapporteur. Il fallait bien évidemment, je le dis à ceux qui n’ont pas toujours fait preuve de cohérence en la matière, arriver au vote des trois articles, notamment des deux premiers. Si nous avons été battus, nous avons tout de même réussi à convaincre, au-delà de notre groupe, nos amis du groupe écologiste, nos amis du groupe GDR et certains amis du groupe SRC.

M. Philippe Meunier. Où sont-ils, les membres du groupe GDR ?

M. Alain Tourret, rapporteur. Je pense en particulier à François Loncle, dont je rappelle qu’il a été président de la commission des affaires étrangères, qu’il est un député normand et qu’il a été secrétaire général du parti radical de gauche. Dès lors, son appui compte pour moi.

M. Philippe Meunier. Il a préféré partir, en tout cas ;

M. Alain Tourret, rapporteur. Je note aussi que le Mouvement républicain et citoyen nous a soutenus.

J’en viens à présent au problème qui se pose.

Ayant été battu sur les trois articles, pourquoi avons-nous tout de même déposé des amendements ? Le texte voté au Sénat nous donnait satisfaction, mais il n’était pas parfait, car il ne supprimait pas un certain nombre de références aux circonscriptions multiples, issues de la réforme de 2003, alors même qu’il adoptait le principe de la circonscription unique. J’ai par conséquent proposé, dans un premier temps, un amendement balai…

M. Philippe Gosselin. Ah, Un procédé de triste mémoire que l’amendement balai !

M. Alain Tourret, rapporteur. …visant à éliminer toutes ces références à la pluralité de circonscriptions, à l’organisation d’élections partielles, aux spécificités de la circonscription outre-mer. Le service de la séance nous a demandé de diviser cet amendement en six. C’est la tradition, ainsi que me l’a confirmé un conseiller de la commission des lois. C’est dans ce contexte que mon amendement n° 2 a été adopté. Or, il n’a plus de fondement. Il repose sur du sable,…

M. Jean-Frédéric Poisson. Il fallait le retirer dans ce cas !

M. Alain Tourret, rapporteur. …puisqu’il s’agissait d’un amendement de coordination s’appuyant sur un article qui a été rejeté.

Même si son adoption me fait plaisir, je suis obligé de reconnaître, en tant que juriste, que cet amendement ne repose sur rien. Dès lors, après en avoir parlé avec mon groupe, réuni sous la présidence de M. Roger-Gérard Schwartzenberg, j’ai estimé que je ne pouvais continuer de défendre son maintien. Je me rallie donc, par souci de réalisme, à la proposition du ministre de supprimer cet amendement en seconde délibération.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour un rappel au règlement.

M. Marc Le Fur. Monsieur le président, ce qui se passe aujourd’hui remet en cause la logique de notre règlement.

Lors de la révision constitutionnelle de 2008 et la réforme du règlement voulue par Bernard Accoyer – dont vous estimiez, chers collègues de la majorité, qu’elle n’allait pas assez loin –, nous avons instauré ces journées du jeudi afin que les groupes minoritaires, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition, puissent inscrire leurs propositions de loi à l’ordre du jour et que celles-ci fassent l’objet d’un débat.

Dans cette logique, nous allions au bout de la discussion…

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Ce n’est pas vrai !

M. Marc Le Fur. Si ! Nous allions au bout du débat, quitte à ce que le vote soit reporté au mardi suivant. Ainsi, nous avions un véritable débat et un vote où la majorité redevenait majoritaire. C’était logique et dans l’ordre des choses. Il en a toujours été ainsi, vous nous l’avez assez reproché.

M. Jean-Jacques Urvoas, président de la commission des lois. Il n’y a jamais eu de débat. Vous ne l’avez jamais accepté !

M. Marc Le Fur. Aujourd’hui, nous sommes, pour la troisième fois, dans une situation négative. La première fois, nous examinions une proposition du parti écologiste sur les ondes électromagnétiques : le débat a été interrompu. La deuxième fois – j’en ai été témoin, car j’étais présent ce jour-là –, tout a été fait pour arrêter l’examen d’une proposition de loi de l’UMP sur les anciens combattants. Dans les deux cas, on nous a interdit de voter le mardi suivant.

Pourquoi ne voulez-vous pas que nous votions mardi prochain sur ce texte ? Parce que vous voulez dissimuler les dissensions internes à la majorité qui se manifestent aujourd’hui. C’est extrêmement clair ! (« Bien sûr ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Vous voulez profiter du week-end pascal pour qu’on n’en parle pas !

M. le président. Monsieur Le Fur, ce n’est plus un rappel au règlement !

M. Marc Le Fur. Vous voulez éviter de commencer une nouvelle semaine en offrant le spectacle d’une majorité divisée, ce qui mettrait en exergue les clivages qui la traversent et qui traversent peut-être aussi le groupe socialiste.

Ce qui est grave, c’est que la logique de la journée du jeudi est remise en cause et que cela va à l’encontre des droits du Parlement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. C’est un jeudi noir. On assiste au krach de la majorité !

M. le président. Sur le vote de l’amendement n° 1 de la seconde délibération, je suis saisi par le groupe Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Daniel Goldberg, pour un rappel au règlement.

M. Daniel Goldberg. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article n° 58, alinéa 1, du règlement.

Je rappelle à notre collègue Le Fur que, contrairement à ce qu’il vient de dire, c’est l’ancienne majorité qui, dans la pratique qu’elle avait du règlement sous la précédente législature, a dénaturé ces journées. En effet, il n’y avait aucun vote.

M. Marc Le Fur. Ce n’est pas vrai !

M. Daniel Goldberg. Nous discutions toute la journée, mais nous ne pouvions pas voter, car vous bloquiez les scrutins.

Notre choix est différent. Nous permettons à l’Assemblée d’utiliser pleinement ces journées, de débattre pleinement des textes (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et d’avoir des discussions sur le fond. Ces discussions se font même à l’intérieur de la majorité. Nous, nous ne créons pas plusieurs groupes à l’intérieur d’une même famille politique : le groupe SRC et les différents partenaires de la majorité ont des discussions loyales.

M. Jean-Frédéric Poisson. La preuve !

M. Daniel Goldberg. Nous faisons vivre pleinement cette assemblée, ce que vous avez refusé de faire sous la précédente législature et ce que vous tentez de faire encore aujourd’hui en faisant de l’obstruction.

M. Philippe Meunier. C’est incroyable !

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour un rappel au règlement.

M. Guillaume Larrivé. Monsieur le président, je suis conduit à demander à nouveau une suspension de séance, car la manière dont les débats se déroulent ne fait pas honneur au Parlement.

Le Gouvernement, qui veut maîtriser, dompter…

M. Marc Le Fur. Bâillonner !

M. Guillaume Larrivé. …une majorité indocile, donne une espèce de coup de sifflet. Un amendement a été adopté – ce n’est pas nous qui l’avons voté, c’est la majorité – et le Gouvernement, constatant que la majorité s’égare, que ses groupes minoritaires n’obéissent pas aux instructions, décide de demander une seconde délibération. Sur le principe, ce n’est pas acceptable.

C’est la raison pour laquelle je demande à nouveau, au nom du groupe UMP, une suspension de séance. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je vous accorde une suspension de séance d’une minute. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt, est aussitôt reprise.)

M. le président. La séance est reprise. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Seconde délibération (suite)

M. le président. Nous allons maintenant procéder au scrutin. (Même mouvement.)

M. Guillaume Larrivé. Monsieur le président, je demande la parole !

M. le président. Est-ce pour un rappel au règlement ?

M. Guillaume Larrivé. Non, monsieur le président, mais une explication de vote me semble nécessaire. C’est l’usage. C’est même le règlement !

M. le président. Il n’est pas prévu d’explications de vote sur les amendements.

M. Marc Le Fur. C’est le vote final !

M. le président. Non, monsieur Le Fur. Nous votons sur un amendement. Il n’y a donc pas d’explication de vote.

Nous allons procéder au scrutin.

Plusieurs députés du groupe UMP. Rappel au règlement !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour un rappel au règlement.

M. Guillaume Larrivé. Je serai bref, monsieur le président, car je ne voudrais pas abuser de la patience de nos collègues.

Je veux indiquer que le groupe UMP ne prendra pas part à ce vote. Cette pantalonnade est interne à la majorité.

M. Philippe Gosselin. Oui, laissons-la se débrouiller !

M. Guillaume Larrivé. Vos dissensions sont exposées au grand jour, chers collègues. Nous vous laissons régler vos problèmes entre vous. Nous ne prendrons pas part à ce vote.

Seconde délibération (suite)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 1.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 47

Nombre de suffrages exprimés 47

Majorité absolue 24

(L’amendement n° 1 est adopté et l’article 4 est supprimé.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen des articles de la proposition de loi.

L’Assemblée ayant rejeté tous les articles de la proposition, il n’y aura pas lieu de procéder au vote solennel décidé par la conférence des présidents.

M. Philippe Meunier. C’est un naufrage !

2

Recherche sur l’embryon
et les cellules souches embryonnaires

Discussion d’une proposition de loi, adoptée par le Sénat

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par le Sénat,…

Plusieurs députés du groupe UMP. Il n’y a personne au banc du Gouvernement ! Il faut suspendre la séance !

M. le président. …tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires (nos 473, 825). (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Meunier. La ministre n’est pas là. Il faut suspendre la séance ! Qu’est-ce que c’est que cette façon de faire ? C’est une république bananière !

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Mon rappel se fonde sur l’article 58 du règlement.

Monsieur le président, je vous rappelle que lorsqu’on commence une séance ou l’examen d’un texte, le Gouvernement doit être présent. Or vous venez d’ouvrir le débat sans que le Gouvernement soit présent et sans suspendre la séance. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Au nom de mon groupe, je demande une suspension de séance de dix minutes.

Un député du groupe SRC. Trente secondes !

M. le président. Le Gouvernement étant présent, je vous accorde une suspension de séance d’une minute, monsieur Jacob. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Cela augure mal de la suite !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures vingt-cinq, est aussitôt reprise.)

M. le président. La séance est reprise.

Présentation

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le président, madame la présidente et madame la rapporteure de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les députés, je mesure toute l’importance du débat qui nous rassemble aujourd’hui. La proposition de loi, proposée par le groupe RDSE et adoptée au Sénat le 4 décembre 2012, permet, en clarifiant le régime juridique de la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, de concilier l’éthique et la liberté de la recherche. Nous devons, bien entendu, examiner cette proposition de loi avec une grande rigueur, car les questions éthiques et les finalités scientifiques et médicales en jeu sont d’une extrême importance.

Dès 2002, pourtant, lors de l’examen du projet de loi relatif à la bioéthique, la représentation nationale avait déjà eu ce débat et un large consensus s’était dégagé, dépassant les clivages politiques. C’est ainsi que MM. Sarkozy, Fillon, Jacob, Borloo, Accoyer, Juppé, Myard, Estrosi et Mmes Alliot-Marie et Bachelot-Narquin avaient voté pour l’autorisation de recherches encadrées sur les cellules souches issues d’embryons surnuméraires.

Cependant, au lieu de confirmer ce principe, le texte sera modifié après le changement de majorité en 2004. La loi de bioéthique votée alors retient la position contraire, c’est-à-dire celle d’une interdiction, admettant simplement quelques dérogations à titre exceptionnel. Ce principe sera maintenu par la même majorité dans la nouvelle loi de bioéthique de 2011 qui a suivi un moratoire annoncé en 2004.

M. Hervé Mariton. À la suite des états généraux de la bioéthique !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. L’intérêt de la recherche sur l’embryon et les cellules souches issues d’embryons surnuméraires pour la science et les soins n’est aujourd’hui plus à démontrer.

M. Xavier Breton. Si, cela reste à démontrer !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. C’est pourquoi le Gouvernement soutient cette proposition de loi.

Les principes qui inspirent celle-ci sont l’autorisation encadrée et la finalité médicale

Le texte qui vous est soumis propose en effet le passage de l’interdiction de principe de la loi de 2011 à un régime d’autorisation. Une autorisation strictement encadrée, naturellement, mais une autorisation qui signale notre attachement à la liberté de la recherche.

Il s’agit bien d’une question de principe : la loi de 2011 interdit théoriquement la recherche sur les cellules souches embryonnaires, mais la permet en pratique par un système de dérogations. Le régime d’autorisation prévu par la proposition de loi exprime la confiance du législateur envers nos chercheurs, il leur donne une meilleure visibilité à l’international…

M. Hervé Mariton. C’est faux !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. …et les protège de l’insécurité juridique de la loi de 2011, qui exige des chercheurs une sorte d’obligation de réussite, bien peu conforme, pour ceux qui connaissent la recherche, à la réalité de la pratique scientifique.

M. Jean Leonetti. N’importe quoi ! Quels arguments !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Ce régime d’autorisation repose sur la finalité médicale des recherches sur les cellules souches embryonnaires – c’est le second principe qui inspire la proposition de loi dont nous discutons aujourd’hui. Je dis bien « la finalité médicale », et non l’obligation de démontrer un « progrès thérapeutique » ou encore des « progrès médicaux majeurs ».

En 2011, la loi a fait apparaître la notion de « progrès médicaux majeurs » en remplacement de « progrès thérapeutiques majeurs ». Le choix de cette expression permettait déjà d’inclure le diagnostic et la prévention et de prendre en compte de manière plus réaliste la pratique de la recherche. Le texte propose aujourd’hui que le projet de recherche ait une finalité médicale. Il vise ainsi à redonner à la recherche fondamentale toute sa place.

La finalité médicale répond aux importantes potentialités des cellules souches qui se dégagent nettement après deux décennies de recherches et la perspective prochaine des premiers essais cliniques.

Pourquoi faudrait-il priver les patients, leurs proches et la société tout entière d’espoirs de diagnostic, de prévention et de guérison pour des maladies aujourd’hui incurables ?

M. Jean Leonetti. Voilà qui est tout en nuances !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. La seconde dimension prise en compte, c’est la dimension éthique. Il est vrai que ni la finalité médicale ni le progrès scientifique ne légitiment à eux seuls une recherche. Ils en sont une condition nécessaire mais non suffisante. C’est pourquoi la loi en prévoit trois autres, cumulatives.

Quelles que soient les convictions philosophiques, ou plus exactement métaphysiques et religieuses, de chacun, nous admettons tous que la question des cellules souches embryonnaires ne se réduit pas à sa dimension scientifique. Il est évident qu’une question aussi délicate se double d’un enjeu éthique. Elle exige naturellement une réflexion et un débat.

Cette réflexion a été conduite de façon assez remarquable dans cette assemblée comme au Sénat au cours des débats menés depuis maintenant vingt ans pour faire évoluer la loi en fonction des progrès de la connaissance.

M. Hervé Mariton. Dès lors, pourquoi une telle précipitation ?

M. Xavier Breton. Le changement, c’est maintenant !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. J’ai été très impressionnée, lors des deux séances du Sénat consacrées à cette proposition de loi l’automne dernier, par la qualité des débats qui ont nourri la réflexion et guidé l’évolution du texte. Il est tout à l’honneur de la représentation nationale, quand elle se montre sous son meilleur jour, de se saisir de ces questions en respectant toutes les opinions et en écoutant attentivement tous les arguments.

M. Jean Leonetti. Elle l’a fait en 2011 !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Tout d’abord, la proposition de loi a pour objet de modifier une disposition de la loi de bioéthique de 2011 et vise à autoriser sous certaines conditions la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires. Cette disposition concerne essentiellement la recherche et ne remet pas en cause la philosophie générale de la loi de bioéthique.

M. Jean-Frédéric Poisson. Mais si !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Il n’est pas dans l’intention du Gouvernement d’aborder ici de manière plus générale les autres dispositions de la loi de bioéthique. Cependant, le changement proposé par la proposition de loi est significatif en termes d’implications pour la recherche et de retombées potentielles.

M. Jean Leonetti. La PMA, la gestation pour autrui…

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Indépendamment de l’argumentation juridique, il faut, me semble-t-il, bien s’entendre sur le fond. La proposition que nous discutons aujourd’hui ne répond pas à de nouveaux enjeux scientifiques ouvrant de nouveaux questionnements éthiques.

M. Jean Leonetti. Raison pour laquelle elle est inutile !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. La réforme proposée consiste à clarifier les dispositions en vigueur en renversant, comme cela avait été amorcé de façon bipartisane en 2002, la logique de défiance de la loi de 2011, votée un an avant l’année 2012.

M. Hervé Mariton. Elle-même un an avant 2013…

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Cette loi conditionnait à dérogation des recherches que nous voulons aujourd’hui autoriser, non sans conditions bien entendu. Il s’agit donc, au cours de ce débat, d’aller au fond des choses.

M. Jean Leonetti. Eh bien ! Allons au fond des choses !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Personne ne conteste que les cellules souches embryonnaires présentent une singularité tenant à leur nature, puisqu’elles sont issues d’embryons humains de quelques jours et sont comme telles dotées de ressources exceptionnelles. Elles présentent la capacité de se répliquer indéfiniment et de se différencier en plus de 200 types de tissus. Les cellules souches proviennent d’embryons humains composés de seize cellules pluripotentes de cinq jours et conçus lors d’une fécondation in vitro dans le cadre d’une procréation médicale assistée.

Il existe trois circonstances dans lesquelles ces embryons créés in vitro par AMP ne seront pas transférés dans le corps de la mère. La première, c’est la manifestation d’une anomalie majeure ou d’une interruption du développement d’un embryon in vitro avant l’implantation. La seconde, c’est la découverte par diagnostic préimplantatoire qu’un embryon se révèle porteur de la séquence génétique dont la recherche a motivé la réalisation du DPI. Dans ces deux circonstances, l’embryon humain est détruit.

La troisième circonstance conduisant à ne pas transférer des embryons créés in vitro est très différente et découle de la décision de les conserver par cryo-préservation dans le but d’un transfert ultérieur. Mais si ces embryons cessent ultérieurement d’être inscrits dans le projet parental du couple à l’origine de leur création, la question de l’arrêt de leur conservation, donc de leur destruction, se pose. Autrement dit, ces cellules n’ont en aucun cas été prévues ni commandées par les chercheurs. Elles peuvent provenir d’embryons surnuméraires qui ont vocation à être détruits après cinq ans de congélation et après renonciation des membres du couple à leur projet parental, conformément à l’article L. 2141-4 du code de la santé publique.

Ces embryons, n’entrant plus dans le projet du couple, par abandon ou par impossibilité médicale, il est possible de les mettre à disposition de la recherche au lieu de les détruire. De ce point de vue, le cadre légal ne présente aucune ambiguïté, il était important de le rappeler.

Indépendamment des diverses convictions sur la nature et l’origine de la vie, laquelle des deux branches de l’alternative est préférable : la destruction de ces embryons, estimés à 150 000 aujourd’hui, à laquelle ils sont voués dès lors qu’ils ne sont ni réimplantés ni donnés à d’autres couples stériles, ou bien leur utilisation au service du progrès scientifique ?

Allons encore plus au fond de la question, sans hypocrisie. La loi de 2011 n’a pas empêché la recherche sur les cellules souches embryonnaires, elle a inversé la charge du soupçon, si j’ose ainsi dire, en opposant une interdiction a priori aux chercheurs, comme s’ils étaient animés de mauvaises intentions. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Voyons, madame la ministre !

M. Hervé Mariton. Il ne s’agit pas de soupçon, mais de preuve !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Respectez Mme la ministre !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Entre 2004 et 2012, 64 protocoles de recherche sur l’embryon ont été autorisés par dérogation. Sur le plan des principes, la loi de 2011 ne se contredit-elle pas en condamnant ce qu’elle autorise ?

M. Hervé Mariton. Choisissez vos mots, madame la ministre ! Ce n’est pas brillant !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Je comprends votre gêne vis-à-vis des chercheurs !

Le régime de l’autorisation de principe proposé par le texte de loi n’en restera pas moins très restrictif, en conditionnant toute recherche à une autorisation.

M. Jean Leonetti. Oui, celle des laboratoires Pfizer, Roche, Sanofi…

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Elle sera notamment fondée sur la pertinence scientifique et sur l’impossibilité d’une solution alternative en l’état actuel des connaissances et des avancées scientifiques les plus récentes, en particulier les travaux du prix Nobel Shinya Yamanaka, que j’ai rencontré au Japon et en France, qui a comparé les cellules pluripotentes induites, les iPS, au Boeing 787 en expliquant que « ce n’est qu’après avoir volé un certain temps qu’on a découvert les problèmes ».

M. Jean-Christophe Fromantin. Et qu’on se crashe, madame la ministre !

M. Jean-Frédéric Poisson. Il a dit cela hier ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Enfin, il s’agit de recherches indispensables et un régime d’autorisation est souhaitable pour la clarté juridique et l’efficacité scientifique. En rappelant cette disposition de la proposition de loi, je réponds à l’objection parfois formulée de l’information scientifique incomplète selon laquelle les recherches sur les cellules embryonnaires seraient inutiles car il existerait des solutions scientifiques alternatives.

Depuis 1998, des chercheurs ont cru trouver à plusieurs reprises une alternative aux cellules embryonnaires. Ce fut d’abord la découverte des cellules souches adultes. Des chercheurs ont montré l’existence de ces cellules dans la plupart des tissus de l’organisme : la peau, la moelle osseuse, le foie… Nous pouvions ainsi disposer de cellules souches sans recourir à des gamètes. Cependant, pour tester leurs propriétés, il fallait les comparer aux cellules embryonnaires. Leur potentiel a ainsi été revu à la baisse. Elles sont pluripotentes, certes, mais leur prolifération réduite et leur différenciation limitée leur interdisent de rivaliser avec les cellules souches embryonnaires. De même, les cellules souches issues du sang de cordon, utilisées pour les greffes des malades atteints de pathologies malignes du sang, n’ont que le potentiel limité de reconstituer les cellules du sang.

En 2006 et 2007, une nouvelle avancée, la découverte des iPS, a de nouveau pu laisser croire que la question des cellules souches embryonnaires était dépassée. Il est exact que ces cellules souches adultes suscitent de grands espoirs. Le professeur Yamanaka a été récompensé par le prix Nobel de médecine en 2012 pour avoir obtenu à partir de cellules de peau à l’état adulte, auxquelles ont été ajoutés quatre gènes, des propriétés comparables aux cellules souches embryonnaires en termes de renouvellement et de diversification des tissus.

Mais les iPS et les cellules souches embryonnaires n’offrent pas les mêmes potentialités ni les mêmes garanties. La première difficulté est purement scientifique. Les iPS ne sont pas complètement identiques aux cellules souches embryonnaires. L’expression non contrôlée des modifications génétiques induites dans ces iPS pourrait entraîner des cellules iPS cancéreuses. Ces cellules génétiquement modifiées sont mises au point depuis trop peu de temps pour qu’il soit aujourd’hui possible d’évaluer les désordres qu’elles pourraient provoquer.

La deuxième difficulté est éthique. Ces cellules conserveraient la mémoire de leurs tissus d’origine. On voit les problèmes que poserait l’utilisation de ces cellules issues de donneurs vivants en thérapie humaine, sans parler de leur éventuelle capacité à être clonées. Enfin, substituer ces cellules à celles issues des embryons suppose de pouvoir les comparer par des études qu’autoriserait la nouvelle disposition de la loi que nous discutons aujourd’hui. Ainsi, en termes scientifiques, nous avons la confirmation que la recherche a besoin de la complémentarité et de la fertilité croisée issue de l’utilisation conjointe des cellules souches embryonnaires, des cellules souches adultes et des iPS.

M. Xavier Breton. Quelle fertilité avec des embryons détruits ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Ces recherches ne sont pas exclusives. Au contraire, ce sont généralement les mêmes équipes qui mènent dans les mêmes laboratoires les recherches sur les iPS et sur les cellules souches embryonnaires. Pour toutes ces raisons, celles-ci demeurent aujourd’hui le standard scientifique de référence. En outre, les autres catégories de cellules souches ne permettraient pas les recherches sur l’embryon in toto, c’est-à-dire sur les premiers jours de la formation de l’embryon, indispensables à la compréhension des mécanismes et des anomalies du développement.

Je me suis arrêtée sur les aspects proprement scientifiques de la question.

M. Philippe Gosselin. C’était rapide !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Il importe évidemment de prendre nos responsabilités en connaissance de cause, de la façon la plus rationnelle et la plus sereine possible, et de tenir un débat éthique scientifiquement éclairé.

Dès lors, pourquoi légiférer et modifier la loi de 2011 ? Pour au moins trois raisons, dont chacune prise séparément serait suffisante.

M. Philippe Gosselin. Ah !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Ces trois raisons, ce sont la clarté, l’efficacité et le respect des scientifiques. La loi de 2011 organise en effet une forme d’inefficacité scientifique au nom de principes éthiques qu’elle ne respecte pas elle-même.

M. Jean Leonetti. Soixante-dix projets : de l’inefficacité ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Le texte adopté en 2011 est moralement ambigu, juridiquement dangereux et scientifiquement handicapant. Je suis convaincue de la nécessité d’une nouvelle loi qui fasse au contraire le choix de la clarté, de l’efficacité et de la responsabilité.

Que dit la loi de 2011 ? Que la recherche est interdite par nature mais autorisée par dérogation. Revenir sur ce principe, c’est faire le choix de la clarté et de la confiance envers les chercheurs. Et que propose le texte de loi soumis à notre discussion ? Une autorisation, strictement encadrée mais de principe, qui préfère à la logique du soupçon et de la défiance une logique de confiance qui n’oblige plus le chercheur à solliciter des dérogations.

M. Jean-Frédéric Poisson. Quelle défiance ? C’est insupportable !

M. Jean Leonetti. Il ne s’agit pas de confiance, mais de règles !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Nous passerions ainsi d’une recherche interdite par nature à une recherche autorisée, mais strictement encadrée et contrôlée.

Le texte soumis aujourd’hui à la discussion répond aussi à un souci d’efficacité. Onze recours en annulation ont été déposés contre des dérogations accordées dans le cadre de la loi par une association qui bloque ainsi les progrès de la recherche.

M. Philippe Gosselin. Parce qu’elles sont illégales !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. La loi de 2011 paralyse les travaux du chercheur en les conditionnant à une sorte d’obligation de résultat.

M. Jean Leonetti. Pas du tout !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Aucun chercheur ne peut ainsi s’engager sur l’avenir. Si la finalité médicale commande naturellement les travaux de recherche fondamentale, il est malhonnête de susciter de faux espoirs en faisant croire que tout projet de recherche débouchera mécaniquement sur des avancées biomédicales très rarement prévisibles.

M. Jean Leonetti. Nous en sommes déjà à l’insulte ! Voilà qui augure mal du débat qui va suivre !

M. Hervé Mariton. Et le débat public ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Le souci d’efficacité et la volonté d’exprimer aux chercheurs notre confiance ne signifient pas pour autant que nous comptons tout permettre au nom de la finalité médicale.

M. Jean-Frédéric Poisson. Allons, madame la ministre, il faut faire confiance aux chercheurs !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Ce n’est évidemment pas ce que prévoit le texte de loi, qui encadre au contraire de façon très rigoureuse la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Elle ne serait autorisée qu’à condition de répondre à des principes très stricts.

M. Jean Leonetti. Vous faites décidément preuve de défiance envers les chercheurs !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. J’en ai déjà évoqué certains : poursuivre une finalité médicale, utiliser des embryons ne faisant plus l’objet d’un projet parental, obtenir l’accord du couple qui fait don de l’embryon à la recherche, encadrer les procédures afin que la recherche soit menée uniquement s’il n’existe pas de solution alternative et si la pertinence scientifique du projet est reconnue par une agence pouvant diligenter à tout moment un contrôle de l’avancée de la recherche par ses équipes, l’impossibilité enfin de transférer des embryons sur lesquels une recherche a été conduite à des fins de gestation.

M. Hervé Mariton. C’est bien la moindre des choses ! Ce qui vient d’être dit est horrible !

Enfin, sur le plan international, de nombreux pays, vous le savez, ont autorisé la recherche sur l’embryon : c’est le cas des États-Unis, du Canada, de l’Australie, de la Chine, du Japon et de Singapour ainsi que de la majorité des pays européens.

M. Jean Leonetti. Ah oui ? Et en Allemagne, ça se passe comment ?

M. Philippe Gosselin. Et en Italie ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Si la recherche se poursuit en France, son potentiel est évidemment freiné en matière de structuration interne et de coopération internationale. Les restrictions de la loi en 2004 et en 2011 ont, de toute évidence, freiné les échanges de savoir et la coopération scientifique internationale. La France occupe la huitième place européenne et la quinzième place mondiale en matière de publications dans ce domaine, alors que nous sommes en cinquième place pour l’ensemble des publications scientifiques. C’est le résultat de sept années de retard par rapport à la concurrence.

M. Jean Leonetti. Ah, la concurrence ! Nous y voilà !

M. Hervé Mariton. Mais où voulez-vous arriver ? Quel est l’objectif ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Sept années sans formation de chercheur, sans financement de travaux, alors que la Grande-Bretagne en est à son quatrième plan de développement. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Devons-nous demeurer ainsi isolés ?

Nous sommes une puissance scientifique motrice en Europe. Nous sommes un pays qui croit au progrès. Je suis une ministre qui croit au progrès. En revenant sur l’interdiction de principe de la loi de 2011, nous adressons un formidable signe de confiance à la communauté scientifique en termes de liberté académique.

L’Europe autorise et finance ces recherches depuis 2002. Alors qu’en 2002, vous aviez voté en faveur de cette proposition de loi, vous revenez aujourd’hui en arrière…

M. Jean Leonetti. Les temps ont changé !

Mme Geneviève Fioraso, ministre. …ce qui constitue un mouvement régressif et dangereux.

M. Philippe Gosselin. Votre proposition est un anachronisme !

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Silence ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Comment ? Qui êtes-vous, pour prétendre nous imposer le silence ?

Mme Geneviève Fioraso, ministre. Avec cette proposition de loi, nous envoyons aussi un signe d’espoir aux patients, à leurs familles et à la société tout entière, qui sont en droit de bénéficier des progrès d’une science en marche. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. - (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure de la commission des affaires sociales.

Mme Dominique Orliac, rapporteure de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, j’ai l’honneur de défendre aujourd’hui cette proposition de loi adoptée au Sénat en décembre dernier, visant à soumettre la recherche sur les cellules souches embryonnaires à un régime d’autorisation encadrée.

C’est avec la plus grande humilité que j’aborde aujourd’hui ce sujet, car en matière de bioéthique, le dogmatisme est dangereux et mensonger.

M. Jean Leonetti. Ça commence bien !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. La recherche sur l’embryon humain et sur les cellules souches embryonnaires qui en sont dérivées est certainement l’un des problèmes les plus sensibles en matière de bioéthique, car il touche aux origines de la vie.

Mais c’est aussi avec la plus forte des convictions que j’évoque ce sujet, récurrent depuis 1994, et qui fut parmi les plus discutés lors de la révision de la loi de bioéthique en 2011. Notre position a été constante…

M. Jean-Frédéric Poisson. La nôtre aussi !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. …la recherche est au service de la vie et il n’y a pas, d’un côté, des partisans d’un scientisme aveugle et, de l’autre, des humanistes éclairés.

M. Jean-Frédéric Poisson. Allez savoir !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Pourquoi proposons-nous aujourd’hui de modifier la loi ? Parce que le rôle du législateur est de poser clairement ce qui est permis et ce qui ne l’est pas.

En 1994, la loi avait posé le principe d’une interdiction absolue de la recherche sur l’embryon. En 2004, ce principe avait été maintenu, avec des dérogations pour cinq ans. Comme l’a souligné Axel Kahn lorsque nous l’avons auditionné, à la fin de ce moratoire, le législateur avait le choix entre deux solutions : maintenir l’interdiction de la recherche, ou l’autoriser de manière encadrée. Or, son choix s’est porté sur une solution hybride, pour ne pas dire incompréhensible.

M. Jean Leonetti. Absolument pas ! C’est une solution équilibrée !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Le régime actuel, prévu par l’article L. 2151-5 du code de la santé publique, repose sur une interdiction de principe de la recherche sur les embryons, assortie de dérogations. L’affichage d’un interdit symbolique fort recouvre en vérité une autorisation qui ne dit pas son nom, stigmatise la recherche et crée une véritable insécurité juridique.

Quels sont les arguments invoqués par les partisans du maintien du principe d’interdiction ?

M. Philippe Gosselin. Nous vous le dirons tout à l’heure !

M. Jean Leonetti. Oui, laissez-nous faire !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Premièrement, le respect de l’embryon, qui n’est pas un matériau de recherche comme un autre ; deuxièmement, l’intérêt – qui serait désormais réduit – des recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, en raison de la découverte des cellules souches adultes et des cellules iPS, ainsi que l’absence de progrès thérapeutique apporté par ce type de recherche ; troisièmement, le fait que cette proposition de loi n’ait pas fait l’objet d’une concertation préalable.

M. Philippe Gosselin. En effet, tout s’est fait en catimini !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Permettez-moi de revenir sur ces arguments.

On a, pour commencer, qualifié cette proposition de loi d’« offensive ultra-libérale, voire libertaire » qui « s’attaque à des fondements de notre société ».

M. Philippe Gosselin. Nous sommes flattés que vous nous citiez, mais l’original est toujours préférable ! Nous y viendrons tout à l’heure !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Voilà une posture que j’ai bien du mal à comprendre. Car, comme l’a clairement souligné le Conseil d’État dans son étude sur la révision des lois de bioéthique, « afficher le principe d’une interdiction là où les projets sont autorisés en quasi-totalité revient à créer un paradoxe peu souhaitable. »

M. Jean-Frédéric Poisson. Il faut se demander pourquoi ils sont autorisés !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. De fait, au 1er mars 2013, 198 autorisations avaient été délivrées par l’Agence de la biomédecine.

De plus, si l’on considère que l’embryon doit être respecté en tant qu’être humain dès sa conception, alors il faut non seulement interdire toute recherche, mais interdire aussi la production d’embryons surnuméraires dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation…

M. Hervé Mariton. Oui !

M. Philippe Gosselin. C’est une question dont nous avons débattu il y a deux ans !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. …dont le destin est d’être détruits. Comme M. Jean-Claude Ameisen, président du Comité national consultatif d’éthique, nous l’a rappelé en audition, « on ne protège pas l’embryon humain de la destruction en interdisant la recherche ». (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Je suis surprise que ceux qui s’opposent à cette proposition de loi n’aient pas voté contre la loi de 2011, qui autorise clairement la destruction des embryons sans projet parental. La protection de l’embryon que permettrait l’interdiction est un leurre !

Enfin, que les choses soient claires : il n’est pas question d’utiliser les cellules souches embryonnaires à des fins commerciales. La législation actuelle qui interdit le clonage, l’utilisation de l’embryon à des fins cosmétiques, ou encore la production d’embryon à des fins de recherche, ne change pas. Quant aux prétendues pressions de l’industrie pharmaceutique, c’est un pur fantasme et une insulte aux chercheurs.

M. Philippe Gosselin. C’est une réalité !

M. Jean Leonetti. Exprimée clairement !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Tous les projets aujourd’hui autorisés par l’ABM sont menés par des organismes publics tels que l’INSERM ou le CNRS, et les équipes qui, depuis des années, mènent un travail à l’excellence reconnue, le font au service de la recherche fondamentale et des malades.

Au final, en 2004, le manque de recul dont nous disposions pouvait expliquer le choix d’un régime d’interdiction avec dérogation. Mais la loi de 2011 est allée plus loin car, par le biais de dérogations pérennes et non plus provisoires, elle autorise de fait la recherche sur les embryons, tout en l’assortissant de conditions restrictives parfois impossibles à remplir, qui sont source d’insécurité juridique nous privant de progrès thérapeutiques majeurs, et de confusion pour nos concitoyens.

M. Jean Leonetti. Ah oui ? Qu’est-ce qui est impossible à remplir ?

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Onze procédures, engagées par la fondation Jérôme Lejeune, sont aujourd’hui en cours contre des décisions d’autorisation de recherche sur l’embryon accordées par l’Agence de la biomédecine…

M. Jean-Yves Le Déaut. Eh oui !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. …au motif que celle-ci n’avait pas prouvé l’impossibilité de mener ces recherches au moyen d’autres méthodes. Or, nous savons qu’en matière de recherche fondamentale, une telle preuve ne peut être apportée.

Par ailleurs, on entend dire que l’existence de méthodes alternatives rend inutile l’autorisation encadrée des recherches sur l’embryon…

M. Philippe Gosselin. Oui !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. …ce qui est scientifiquement faux.

Ce débat a récemment été relancé par l’attribution du prix Nobel à John Gurdon et à Shinya Yamanaka, qui ont démontré la possibilité de faire régresser des cellules adultes jusqu’au stade de la pluripotence.

En réalité, même si d’autres techniques sont prometteuses, la recherche sur les cellules souches embryonnaires conserve toute sa pertinence thérapeutique. L’année 2011 a été marquée, aux États-Unis et au Royaume Uni, par les premiers essais cliniques utilisant des dérivés de cellules souches embryonnaires humaines. Ensuite, certaines recherches ne peuvent être menées que sur l’embryon, par exemple pour la dystrophie myotonique. Et comme le faisait observer le professeur Jouannet devant notre commission, si le principe de la recherche est accepté à tous les âges de la vie, alors pourquoi un antagonisme brutal s’imposerait-il dans les six premiers jours de la vie ? Pourquoi cet âge de la vie serait-il exclu de la recherche ? N’est-ce pas justement cela, ne pas respecter la dignité de l’embryon ? (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Hervé Mariton. Ça ne tient pas debout !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Enfin, l’efficacité et les effets des autres méthodes, notamment des cellules iPS, ne sont pas encore suffisamment connues, et toutes les recherches, mêmes celles menées par le professeur Yamanaka, utilisent les cellules souches embryonnaires comme modèle comparatif.

J’ajoute que ces cellules posent, elles aussi, des problèmes éthiques, alors même que cette recherche n’est pas encadrée. Envisageons la possibilité que des hommes demandent un jour une reprogrammation de leurs cellules pouvant éventuellement conduire à la reproduction d’un bébé qui aurait l’entièreté de leur génome. Il existe donc un véritable consensus pour dire que les recherches sur les cellules souches adultes et les cellules reprogrammées n’ont pas vocation à se substituer, en l’état des connaissances scientifiques, à la recherche sur les cellules souches embryonnaires, mais en sont le complément nécessaire.

M. Jean-Yves Le Déaut. Très bien !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Il n’y a aucune « appétence » particulière des scientifiques pour la recherche sur les cellules souches embryonnaires et si, à l’avenir, d’autres méthodes s’avèrent être plus efficaces, elles évinceront naturellement cette dernière.

On nous parle, enfin, d’une loi anti-démocratique, discutée en catimini, dans l’urgence. C’est faux : le débat a eu lieu.

M. Jean Leonetti. Oui, un grand débat démocratique a eu lieu en 2011 !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Il a lieu depuis 1994, et notre position n’a jamais changé. Je regrette que ceux qui fustigent le manque de travail n’aient pas assisté aux auditions d’Axel Kahn, René Frydman, Alain Privat, Marc Peschanski en vue de préparer cette proposition de loi. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Gosselin. Elles ont eu lieu pendant la semaine de suspension des travaux !

M. le président. Allons, mes chers collègues !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Quant à la concertation, vous le savez bien, la quasi-totalité des organismes consultés avant la loi de 2011 se sont prononcés en faveur d’un régime d’autorisation encadrée, que ce soit le CCNE, l’OPECTS ou l’Académie de médecine. Ils ne sont pas les seuls, puisqu’en 2002, notre assemblée avait acté, toutes tendances confondues, le principe de l’autorisation de la recherche, de même que le Sénat en 2011. Enfin, les citoyens qui ont participé aux États généraux ont eu une position on ne peut plus claire sur le sujet…

M. Jean Leonetti. Justement non ! Vous n’auriez pas dû vous contenter de lire le résumé, madame !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. …affirmant que les embryons voués à la destruction en l’absence de projet parental pouvaient être utilisés, sous certaines conditions, à des fins de recherche. Mesdames et messieurs les députés, consulter la population, c’est bien, mais respecter son choix, c’est encore mieux !

M. Jean Leonetti. Justement, c’est ce que nous avons fait !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. C’est une loi à la fois véritablement applicable et responsable que nous vous proposons aujourd’hui, qui mettra fin aux contentieux et permettra enfin aux chercheurs de travailler dans la sérénité, avec des conditions très strictes encadrant toute autorisation de recherche.

L’ABM autorisera les protocoles de recherche, après vérification du respect de toutes les conditions légales, comme elle l’a fait jusqu’ici avec la plus grande rigueur. Son comité d’orientation, qui réunit des scientifiques et des représentants de la société civile, est appelé à se prononcer sur chaque dossier. Les considérations éthiques sont donc présentes pendant l’instruction du dossier.

La première condition est la même qu’aujourd’hui : la pertinence scientifique de la recherche doit être établie. Sur ce point, nous devrions donc être tous d’accord.

Deuxièmement, « la recherche, fondamentale ou appliquée, doit s’inscrire dans une finalité médicale » : c’est la formulation proposée par le rapport d’information de notre assemblée en vue de la révision de la loi de bioéthique, qui affirmait avec raison que la notion de progrès thérapeutique n’avait aucun sens.

La troisième condition porte sur le caractère « subsidiaire » des recherches sur l’embryon, car elle prévoit qu’« en l’état des connaissances scientifiques, cette recherche ne peut être menée sans recourir à ces embryons ou ces cellules souches embryonnaires ». Ainsi, nous inscrivons clairement dans la loi l’idée que si, demain, les nouvelles techniques s’avèrent plus efficaces que les cellules souches embryonnaires humaines, elles s’y substitueront naturellement.

La quatrième condition prévoit que « les projets de recherche et les conditions de mise en œuvre des protocoles doivent eux-mêmes respecter les principes éthiques relatifs à la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires ». Sur ce point aussi, notre texte est le même aujourd’hui.

Enfin, le consentement parental demeurera une condition sine qua non, dans les mêmes conditions qu’aujourd’hui. Le couple devra, comme le législateur en a décidé en 2004 puis en 2011, consentir par écrit aux recherches, après un délai de réflexion de trois mois. Il sera informé des possibilités d’accueil des embryons par un autre couple ou d’arrêt de la conservation. Enfin, le consentement des deux membres du couple ou du membre survivant du couple sera révocable sans motif tant que les recherches n’ont pas débuté.

Ce texte ne remet pas en cause la philosophie générale qui a inspiré toutes les lois de bioéthique depuis 1994…

M. Jean-Frédéric Poisson. Malheureusement si !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. …et maintient l’équilibre entre le respect de l’embryon comme être en devenir et les perspectives offertes par la recherche.

M. Jean Leonetti. Tiens, tiens !

M. Hervé Mariton. Vous savez bien que non !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Il fait le choix de la lisibilité et de la responsabilité vis-à-vis de nos concitoyens. Évitons toute instrumentalisation politique de cette loi, pour que nous puissions travailler dans la sérénité et l’honnêteté intellectuelle qui sied à l’importance de ce sujet.

M. Jean Leonetti. Bien entendu, vous êtes les uniques détenteurs de l’honnêteté intellectuelle !

Mme Dominique Orliac, rapporteure. C’est pourquoi je vous invite à l’adopter. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, madame la ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, Je voudrais d’abord chaleureusement féliciter la rapporteure, Mme Dominique Orliac, ainsi que le groupe auquel elle appartient, d’avoir pris l’initiative d’inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour de notre assemblée aujourd’hui.

Je crois que ce texte est attendu par le monde de la recherche, aussi bien publique que privée…

M. Jean Leonetti. Surtout privée !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. …tant notre législation actuelle pénalisait notre pays vis-à-vis de ses principaux concurrents.

Je vous avoue être fort étonnée, mes chers collègues. On m’a tant de fois reproché de stigmatiser l’industrie pharmaceutique, d’empêcher son développement économique, alors que je voulais simplement souligner qu’elle n’avait pas à s’immiscer dans les décisions publiques en matière de santé !

Mme Marie-Christine Dalloz. Le lobby était fort !

M. Jean Leonetti. Mais là, ce n’est pas pareil, il y a des problèmes éthiques !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. La seule fois où les entreprises du médicament m’ont applaudie, c’était en octobre dernier, quand je leur ai annoncé que nous allions avancer, avec le nouveau gouvernement, sur le sujet.

M. Philippe Gosselin. Vous n’avez vu que l’aspect scientifique, alors qu’il y a aussi des aspects juridiques et éthiques !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Dans le cas précis qui nous occupe, je suis persuadée que nous handicapons nos équipes de recherche par une législation pour le moins hypocrite, totalement incomprise à l’étranger.

Avant d’en venir au fond du texte, je voudrais d’abord m’assurer que nous parlons tous ici de la même chose et que nous avons tous une claire conscience de ce qu’est un embryon. Il s’agit d’un organisme de huit à seize cellules avant la réimplantation, discernable uniquement au microscope.

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Très bien !

M. Jean Leonetti. Pour vous, si on ne le voit pas, il n’existe pas !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Cela n’a absolument rien à voir avec la photo d’un fœtus figurant sur une carte postale dont une fondation loin d’être progressiste, et que je pourrais qualifier d’activiste, inonde les parlementaires que nous sommes.

Mme Dominique Orliac, rapporteure. Très bien !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Il s’agit d’une campagne de désinformation éhontée que je souhaiterais voir dénoncer de manière plus franche sur l’ensemble de nos bancs – au moins par les médecins, qui devraient être choqués.

Mme Dominique Orliac, rapporteure, et M. Jacques Moignard. Très bien !

M. Hervé Mariton. Peut-être faudrait-il pendre les responsables ?

M. Xavier Breton. Mais où est la différence ? À partir de quel moment est-ce un embryon ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Certes, un embryon est un être vivant en devenir. Mais ce devenir n’est qu’une potentialité qui, pour se concrétiser, doit continuer à s’inscrire dans un projet parental (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) – et ce ne sont pas vos cris qui m’arrêteront.

M. Jean-Frédéric Poisson. Loin de nous cette idée !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous le savez bien, quand le projet parental n’existe plus, cet embryon est destiné à être détruit, donné à un couple stérile, ou donné à la recherche – toujours avec le consentement du couple concerné.

Lors de son audition par notre commission, M. Dominique Royère, professeur à l’université de Tours, biologiste à l’agence de la biomédecine – sans doute un illuminé, de votre point de vue –, a déclaré : « À l’heure actuelle, sur les 171 000 embryons qui sont conservés, 17 %, soit quelque 30 000, ne font plus l’objet d’un projet parental. La moitié des couples auxquels appartiennent ces 30 000 embryons ont déclaré accepter que lorsqu’ils n’auront plus de projet parental, leurs embryons puissent faire l’objet de recherches mais ne pas souhaiter qu’ils soient donnés à un autre couple. L’autre moitié, elle, l’a accepté. On disposerait donc en théorie d’environ 15 000 embryons pouvant être donnés à un autre couple. Mais la décision prise par un couple au début de sa démarche ne l’engage pas définitivement et seuls 30 % de ceux ayant initialement déclaré accepter de donner leurs embryons le feront vraiment. Le nombre d’embryons disponibles ne dépasse donc pas 3 000 – 3 500. »

M. Jean-Frédéric Poisson. Conclusion ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, nous ne devons pas voir l’embryon à travers le prisme de nos croyances, aussi respectables soient-elles. Il nous faut en avoir une vision scientifique, j’oserais même dire – et ce n’est pas un gros mot, me semble-t-il – laïque.

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous sommes d’accord !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Après ce long préambule, venons-en au fond du texte dont nous discutons aujourd’hui.

Notre rapporteure l’a excellemment dit dans son intervention, Mme la ministre également, mais il faut le répéter car quelque chose me dit que cet argument va être ressassé pendant ce débat. Que reproche-t-on à la rapporteure, à son groupe, à la majorité et au Gouvernement, qui soutiennent son initiative ?

M. Jean Leonetti. À la rapporteure ? Rien. À la procédure, oui.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. De légiférer sans avoir organisé des états généraux.

Je n’entrerai pas dans le détail de l’approche juridique, mais laissez-moi simplement préciser que cette obligation figurant dans le code de la santé n’a de valeur ni organique ni, à plus forte raison, constitutionnelle et ne saurait être opposée à une proposition ou à un projet de loi.

Il faut se souvenir de ce qui s’est passé pendant les états généraux de la bioéthique convoqués par le précédent gouvernement en 2009 – il me semble que c’était le vôtre, monsieur Leonetti.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’était courageux !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Le dispositif d’autorisation encadrée, précisément celui que la présente proposition de loi vise à mettre en place, a été préconisé dans la majorité des documents préparatoires de ces états généraux.

M. Jean Leonetti. Ce n’est pas tout à fait exact !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je citerai l’Agence de la biomédecine, le Conseil d’État, l’Académie nationale de médecine, le Comité consultatif national d’éthique et même les citoyens qui ont participé au forum régional de Marseille consacré à cette question. On peut ajouter à cette liste l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

Il est vrai que la mission d’information constituée au sein de notre assemblée, présidée par Alain Claeys et dont le rapporteur était M. Jean Leonetti, qui pousse de grands cris aujourd’hui,…

M. Jean Leonetti. Je ne crie pas, madame, j’essaie de m’exprimer !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. …préconisait quant à elle le maintien d’un régime d’interdiction assortie de dérogations. Je rappelle néanmoins que ce n’était pas l’avis de tous ses membres.

Ce sera, comme on le sait, la solution retenue par le législateur de 2011 après de longs débats et alors que le Sénat – encore à droite à l’époque – avait adopté en première lecture l’autre solution, celle de l’autorisation encadrée.

Vous réclamez aujourd’hui la tenue d’états généraux alors que vous avez ignoré les conclusions de ceux qui se sont tenus il y a seulement quatre ans.

M. Jean Leonetti. Ce n’est pas vrai !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Permettez-moi d’y voir, pour le moins, un paradoxe.

Très franchement, j’ai du mal à comprendre les efforts que déploient certains de nos collègues siégeant à droite de cet hémicycle pour défendre des motions de procédure ou déposer plusieurs centaines d’amendements afin d’empêcher l’adoption de ce texte.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est le travail du Parlement !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Il est amusant de constater que, entre la discussion en commission et la discussion dans l’hémicycle, vous avez appris à penser : alors que vous n’avez présenté que deux amendements pendant la première, près de 304 amendements nous arrivent pour la seconde !

M. Philippe Gosselin. Ce sont des amendements de séance ! Que faites-vous du droit d’amendement ?

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est la liberté du Parlement !

M. Hervé Mariton. Il y a deux ans, il y avait une commission spéciale ; pourquoi pas cette fois-ci ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. J’ai du mal à comprendre le déploiement de tant d’efforts pour empêcher l’adoption d’un texte qui, je le répète, ne revient pas sur le fait que seuls les embryons ne faisant plus l’objet d’un projet parental sont susceptibles d’être utilisés pour la recherche ; qui ne revient pas sur les modalités de recueil de l’accord des parents ; qui ne revient pas sur le rôle de l’Agence de la biomédecine ; qui ne modifie qu’à la marge la définition des conditions hier requises pour obtenir une dérogation en les appliquant désormais à l’octroi de l’autorisation de recherche.

Pourquoi modifier ces conditions ? Parce que telles qu’elles étaient rédigées, elles supposaient que les résultats de la recherche fussent connus avant que celle-ci ne soit autorisée.

M. Jean Leonetti. Pas du tout !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Comment savoir à l’avance qu’une recherche va permettre « des progrès médicaux majeurs » ? Comment savoir à l’avance qu’il est « expressément établi » qu’il est impossible d’aboutir au résultat escompté par une autre méthode ?

Ces incohérences resteraient mineures et sans grave conséquence si ces deux conditions impossibles à remplir ne servaient pas de fondement au harcèlement judiciaire de la fondation que j’évoquais tout à l’heure à l’encontre des décisions de l’Agence de biomédecine. Je n’aime pas les mensonges : un fœtus n’est pas un embryon. Il est donc logique que la proposition de loi ait pour objet de revenir à une rédaction plus cartésienne, en évoquant notamment une « finalité médicale ».

Je suis convaincue que la solution retenue par cette proposition de loi n’est pas moins protectrice que la loi actuelle, mais qu’elle a le mérite de rompre avec une construction juridique et intellectuelle paradoxale et, je le crois, hypocrite, qui a de plus la regrettable conséquence de handicaper nos équipes de recherche sans, encore une fois, aucun gain d’ordre bioéthique.

Puisqu’il me reste quelques minutes,…

M. Jean Leonetti. Prenez votre temps, madame la présidente !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je le prends, monsieur Leonetti ! Permettez-moi de citer à présent M. Pierre Jouannet, professeur à l’université Paris-Descartes et médecin à l’hôpital Cochin, sans doute encore un irresponsable, à l’instar des députés siégeant sur les bancs de la majorité…

M. Jean Leonetti. Nous n’avons jamais dit cela !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. « Lorsqu’on parle de recherches sur l’embryon, on confond souvent les recherches qui pourraient être conduites à son propre bénéfice et les recherches sur les cellules embryonnaires à la finalité tout autre que la santé de l’embryon lui-même […]. C’est oublier totalement les recherches sur l’embryon pour l’embryon. Nous connaissons très mal les tout débuts de la vie, les mécanismes moléculaires et cellulaires qui conduisent à l’implantation et au développement de l’embryon. À peine 15 % des embryons implantés après une fécondation in vitro » – donc après un parcours douloureux pour les couples – « donneront naissance à un enfant, alors même qu’ils ont été choisis sur des critères morphologiques les désignant comme les plus aptes à bien se développer. Pourquoi dans 85 % des cas, leur développement cesse-t-il ? Bien que les connaissances soient lacunaires sur le sujet, la recherche reste interdite, » se désole le professeur Jouannet, « qu’elle soit fondamentale ou clinique. […] Pourquoi la recherche clinique serait-elle impossible sur l’embryon ? » L’auteur de ces propos, le professeur Jouannet, me semblait lors de l’audition un homme tout à fait raisonnable et sensé.

Mes chers collègues, cette proposition de loi, qui était attendue par nos chercheurs, à la fois dans le privé et dans le public, servira les couples qui connaissent des problèmes de stérilité et, plus largement, la recherche médicale dans son ensemble. Je ne vois donc pas ce qui vous empêcherait de la voter, monsieur Leonetti.

J’ajouterai une dernière remarque pour répondre au collègue qui a interpellé la rapporteure tout à l’heure : ce n’est pas parce que l’Assemblée nationale interrompt ses travaux pendant une semaine qu’aucune audition ne s’y organise. Nous avons un exemple précis : en mars 2010, M. Dominique Tian, rapporteur sur une proposition de loi sur l’expérimentation du dossier médical sur clé USB, avait procédé aux auditions au cours de la prétendue fermeture de l’Assemblée nationale.

M. Jean Leonetti. Ce n’est pas tout à fait le même niveau d’importance !

M. Philippe Gosselin. Ne comparez pas l’embryon humain à la clé USB !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Un tel reproche n’est donc pas recevable. Je vous remercie d’avance du vote favorable que vous accorderez à la présente proposition de loi, mesdames, messieurs les députés de l’opposition. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Le Déaut, vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques.

M. Jean-Yves Le Déaut, vice-président de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mes chers collègues, la loi du 7 juillet 2011 a confié à l’OPECST la tâche de suivre a posteriori l’application des lois bioéthiques.

L’Office parlementaire s’est plusieurs fois prononcé pour l’autorisation encadrée des recherches sur les cellules souches embryonnaires, notamment par la voix de ses rapporteurs Alain Claeys et Jean-Sébastien Vialatte.

Ces recherches n’ont cessé de se développer, en raison des connaissances fondamentales qu’elles étaient susceptibles d’apporter sur la compréhension des premières divisions cellulaires et, plus globalement, des mécanismes de différenciation. Ces technologies suscitent également l’espoir de nouvelles avancées thérapeutiques. Les protestations au passage d’un régime d’interdiction des recherches avec dérogation à un régime d’autorisation encadrée ont des bases scientifiques à mon sens erronées.

Une cellule souche, amas de quelques cellules, ne forme pas encore un embryon ; en science, on parle d’ailleurs d’un zygote ou d’un prézygote. Il n’y a aucune objection éthique à travailler sur la compréhension des premiers instants de la vie.

M. Jean Leonetti. À partir de quand est-ce un embryon ? Combien de cellules faut-il pour que ce soit un embryon ?

M. Jean-Yves Le Déaut, vice-président de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques. Au nom de quel dogme cela serait-il interdit alors que, précisément, la loi Huriet-Sérusclat du 20 décembre 1988 a permis de faire de la recherche sur les personnes humaines à tous les instants de la vie ? Où se situeraient le manque de respect et l’atteinte à la dignité quand on effectue des recherches sur des cellules prélevées sur un embryon surnuméraire sans projet parental, qui sera détruit après cinq ans de conservation ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Jusqu’à quand estime-t-on que c’est surnuméraire ?

M. Jean-Yves Le Déaut, vice-président de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques. Ces protestations cachent en réalité un positionnement largement idéologique.

Il ne s’agit pas d’une personne humaine potentielle. Ce potentiel de vie n’existe pas s’il n’y a pas de projet parental.

M. Xavier Breton. Quelle conception de la personne humaine !

M. Jean-Yves Le Déaut, vice-président de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques. De plus, la loi ne permet pas de concevoir un embryon uniquement pour faire de la recherche.

L’habileté sémantique consistant à interdire, en autorisant des dérogations, cache une véritable hypocrisie. Des arguments juridiques plaident pour la modification de la loi.

Si certains parmi vous ont soutenu que l’interdiction de principe assortie de dérogations et l’autorisation encadrée étaient identiques, le juge administratif en a décidé autrement. La Fondation Jérôme Lejeune a engagé onze procédures de recours contre les décisions de recherche accordées par l’Agence de la biomédecine à l’INSERM ou au CNRS sur les embryons ou les cellules souches embryonnaires. La cour d’appel de Paris a jugé qu’il appartenait à l’Agence de la biomédecine de prouver que des recherches alternatives ne permettaient pas de parvenir aux résultats escomptés, obligeant ainsi une équipe à arrêter ses travaux.

J’en viens aux arguments techniques et scientifiques utilisés ça et là par les détracteurs de ces recherches. On est aujourd’hui capable de mettre au point des techniques de reprogrammation de cellules souches adultes : ce sont les travaux du professeur Yamanaka. Mais au nom de quoi peut-on dire à un moment donné qu’une cellule souche adulte reprogrammée est l’équivalent d’une cellule souche embryonnaire ? Au nom de quoi et de quelle certitude scientifique pouvez-vous dire qu’on est revenu au premier stade du processus de la vie et du développement cellulaire ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Il n’y aucune certitude scientifique nulle part, monsieur Le Déaut !

M. Jean-Yves Le Déaut, vice-président de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques. Et au nom de quoi un certain nombre de personnalités religieuses, comme celle qui suit ce sujet au sein de l’Église catholique, monseigneur d’Ornellas, peuvent-elles dire qu’il y aurait moins de problème d’éthique sur les cellules souches reprogrammées que sur les cellules souches embryonnaires ?

En réalité, si à partir d’une cellule souche reprogrammée on était capable de fabriquer un gamète, on aurait exactement les mêmes problèmes éthiques et on devrait se poser exactement les mêmes questions, ce qui signifie que nous sommes ici dans une bataille idéologique.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas faux !

M. Jean-Yves Le Déaut, vice-président de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques. Chers collègues, vous dites qu’il n’y a pas de développement thérapeutique aujourd’hui, mais c’est faux.

M. Jean-Frédéric Poisson. On attend toujours !

M. Jean-Yves Le Déaut, vice-président de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques. Des équipes françaises travaillent sur ces sujets ; les équipes des professeurs Philippe Menasché et Marc Peschanski. Aux États-Unis, si la société Geron a arrêté les études pour des raisons financières, son concurrent Advanced Cell Technology a obtenu des résultats au stade clinique très encourageants dans le traitement de la dégénérescence maculaire liée à l’âge et de la maladie de Stargardt grâce à l’utilisation de cellules souches embryonnaires.

La prudence nécessaire sur les effets thérapeutiques est encore plus grande pour les cellules iPS ou cellules souches pluripotentes induites que pour les cellules souches embryonnaires.

M. Philippe Gosselin. Ce n’est pas un blanc-seing !

M. Jean-Yves Le Déaut, vice-président de l’Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques. Car il faudra vérifier que la reprogrammation est inoffensive et qu’elle n’introduit pas de processus de cancérisation. C’est pourquoi la plupart des chercheurs, notamment le professeur Thomson, mènent leurs travaux à la fois sur les cellules souches embryonnaires et sur les cellules souche iPS reprogrammées.

La thérapie cellulaire sera peut-être utilisée plus largement demain pour le développement de médicaments, pour tester l’efficacité ou l’innocuité de molécules ou pour mieux comprendre la médecine personnalisée en identifiant des sous-groupes de patients réceptifs à un traitement.

L’autorisation encadrée des recherches sur l’embryon et les cellules souches s’impose. La proposition de loi adoptée par le Sénat est opportune, madame la rapporteure, car le statu quo ne servirait qu’à bloquer toute évolution. En pérennisant une instabilité juridique particulièrement pénalisante, il permettrait par exemple à la Fondation Lejeune de continuer à intenter des procédures à l’Agence de la biomédecine.

En conclusion, au nom de l’Office parlementaire, je voudrais indiquer que nous sommes favorables à l’autorisation de recherche encadrée par l’Agence de biomédecine car la situation actuelle est paralysante et décourageante pour les chercheurs français. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste.)

Discussion générale

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mes chers collègues, le groupe RRDP reprend aujourd’hui dans sa niche parlementaire une proposition de loi déposée par le groupe RDSE du Sénat et adoptée par la Haute Assemblée le 5 décembre dernier. Vous le savez, ces deux groupes politiques sont très proches, car l’un et l’autre comportent en majorité des parlementaires radicaux de gauche.

La proposition de loi qui vous est soumise vise à remédier à une situation législative très imparfaite qui présente nombre d’inconvénients mais se perpétue pourtant depuis des années.

En effet, comme les textes qui l’ont précédée, la loi de bioéthique du 7 juillet 2011 régit d’une manière particulièrement restrictive la recherche sur les cellules souches embryonnaires.

Pourtant, l’enjeu est essentiel : c’est la médecine régénératrice, ce sont les thérapies cellulaires, qui visent à remplacer des cellules déficientes ou insuffisamment nombreuses.

Ces recherches ouvrent la voie au traitement d’affections graves et souvent incurables aujourd’hui : les maladies neurodégénératives comme Parkinson et Alzheimer, mais aussi les cardiopathies, les hépatites, le diabète insulino-dépendant, les lésions de la moelle épinière, et d’autres encore. Ces recherches sont donc porteuses de grands espoirs.

Les premières lois de bioéthique datent de 1994 et prévoyaient elles-mêmes leur propre révision dans un délai de cinq ans pour tenir compte de l’évolution des connaissances. Ce fut donc la tâche des ministres de la santé et de la recherche du gouvernement Jospin, qui ont alors préparé un nouveau projet de loi de bioéthique avec la volonté de parvenir à un large consensus, dépassant les clivages politiques.

En effet, sur ces sujets difficiles qui touchent aux convictions intimes, il n’y a pas une éthique de gauche et une éthique de droite,…

M. Jean Leonetti. Et si, malheureusement, c’est ce que vous êtes en train de mettre en place !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg.… mais une éthique commune à définir ensemble, sans affrontements stéréotypés, sans antagonismes artificiels. Sur de telles questions, personne ne détient seul la vérité. Chacun doit la rechercher avec mesure, scrupule et écoute d’autrui.

Après avoir recueilli les avis positifs du Comité consultatif national d’éthique, de la Commission nationale consultative des droits de l’homme et de l’Académie des sciences, il avait été prévu alors d’autoriser les recherches sur les cellules souches issues d’embryons dits surnuméraires, c’est-à-dire ne faisant plus l’objet d’un projet parental.

Ce projet de loi soumettait bien sûr ces recherches à un dispositif d’encadrement très strict et rigoureux. D’une part, elles ne pouvaient être effectuées qu’avec l’accord écrit préalable des couples concernés qui pouvaient bien sûr s’y opposer s’ils les jugeaient contraires à leurs propres convictions éthiques ou spirituelles, lesquelles devaient être évidemment respectées. D’autre part, ces recherches devaient avoir une finalité médicale. Enfin, elles ne pouvaient être entreprises que si leur protocole avait fait l’objet d’une autorisation délivrée par une agence spécialement créée qui allait devenir l’Agence de la biomédecine.

Le 22 janvier 2002, ce projet de loi de bioéthique avait été adopté par l’Assemblée nationale à une très large majorité – 325 voix contre 21 – qui dépassait les frontières partisanes. Ainsi, plusieurs élus UDF et 51 députés RPR avaient voté en sa faveur, dont des personnalités aussi éminentes que MM. Nicolas Sarkozy, François Fillon, Bernard Accoyer, Jean-Louis Debré, Alain Juppé,…

M. Philippe Gosselin. Vous dénigriez Nicolas Sarkozy lors du débat précédent, mais à présent vous le trouvez bien !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. …Mmes Michèle Alliot-Marie et Roselyne Bachelot

Cependant, après l’élection présidentielle et le changement de gouvernement en mai 2002, ce texte a été profondément modifié par les nouveaux ministres de la santé et de la recherche qui ont déposé ou accepté des amendements le transformant radicalement lors de la suite de sa lecture au Parlement.

Résultat : alors que le texte présenté par les ministres précédents et voté par les députés en janvier 2002, il y a onze ans, posait en principe l’autorisation des recherches sur les cellules souches embryonnaires, celui adopté définitivement et promulgué le 6 août 2004 retient la position contraire : il prohibe ces recherches, admettant seulement qu’elles soient menées « à titre exceptionnel » et « par dérogation ». L’autorisation était la règle, elle devient l’exception.

La nouvelle loi de bioéthique du 7 juillet 2011 est restée pour l’essentiel conforme à cette loi précédente de 2004. De telles recherches restent interdites et ne peuvent être autorisées qu’à titre exceptionnel et dérogatoire. On ne peut que regretter ce statu quo.

En effet, cette interdiction de principe, même assortie de dérogations éventuelles, est préjudiciable aux malades qui aspirent à voir les recherches progresser et développer de nouvelles thérapeutiques susceptibles de leur apporter des chances de guérison.

Entraver ainsi la recherche, c’est pénaliser les patients. C’est aussi, évidemment, handicaper nos chercheurs en leur imposant des obstacles, alors que ces recherches sont menées activement dans beaucoup d’autres pays de l’Union européenne dont la Grande-Bretagne, la Suède et l’Espagne ainsi qu’aux États-Unis, en Russie, en Chine et au Japon.

M. Jean Leonetti. Ah la Chine !

M. Philippe Gosselin. C’est rassurant comme exemple, la Chine !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. En revanche, les chercheurs français, soumis à un régime d’interdiction-dérogations, risquent d’être distancés dans la compétition scientifique internationale, marquée par de nombreuses avancées. Notre législation est en effet l’une des plus restrictives au monde. De ce fait, bien que la France soit une grande nation scientifique, elle risque de se trouver dépassée dans ce secteur important de la recherche.

De plus, cette position juridique, ambiguë et incohérente, est peu lisible, peu compréhensible à l’étranger, alors que la coopération internationale est essentielle dans ce domaine. Nos chercheurs doivent pouvoir coopérer avec nos partenaires sur des bases claires.

Pourtant, cette situation juridique persiste, bien que les instances consultatives les plus qualifiées aient pris position à plusieurs reprises pour que le régime d’interdiction assorti de dérogations soit remplacé par un régime d’autorisation encadrée.

L’Agence de la biomédecine l’a fait dans son rapport d’octobre 2008 et le Conseil d’État dans une étude de mai 2009. L’Académie nationale de médecine a pris la même position dans deux rapports de 2010. Il faut ajouter, bien sûr, le rapport adopté le 8 juillet 2010 par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, dont parlait son premier vice-président à l’instant, qui estime qu’il n’est pas pertinent de maintenir un régime d’interdiction.

Dans ce rapport, on peut lire : « Prôner un interdit pour en organiser la transgression revient à stigmatiser les chercheurs qui conduisent ces recherches. C’est une forme indirecte d’atteinte à la liberté de la recherche sans réelle justification. Un régime d’autorisation encadrée par l’Agence de biomédecine est plus adapté à la réalité scientifique et tout aussi protecteur de l’embryon. »

Bref, pour ne pas en rester là, une proposition de loi a été déposée au Sénat et adoptée par celui-ci le 5 décembre dernier, de manière consensuelle, à une majorité importante, loin de tout clivage systématique. En effet, cette proposition de loi a été votée par les groupes de la majorité sénatoriale, mais aussi par un nombre important de sénateurs appartenant à d’autres groupes.

Chers collègues, il a onze ans, en janvier 2002, l’Assemblée nationale avait adopté en première lecture un projet de loi de bioéthique posant en principe l’autorisation des recherches sur les cellules souches embryonnaires, en l’accompagnant d’un strict dispositif d’encadrement. Pourtant, quelques mois plus tard, c’est la solution inverse qui a été retenue : l’interdiction de ces recherches, assortie de certaines dérogations.

Beaucoup de temps a été perdu depuis le vote initial de 2002, au préjudice des chercheurs et surtout, ce qui est encore plus grave, au préjudice des malades en attente de thérapies nouvelles.

Le rôle de l’État n’est pas d’entraver la science biomédicale par une législation inappropriée et obsolète. Il importe donc d’agir pour modifier cette législation, afin que la recherche cesse d’être la recherche du temps perdu. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste.)

M. Jean Leonetti. Proustien !

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Fraysse.

Mme Jacqueline Fraysse. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, tout est prêt – enfin ! –, pour adopter ce texte. Permettez-moi, tout d’abord, de dire ma profonde satisfaction et celle de l’ensemble des députés du Front de gauche…

Plusieurs députés du groupe UMP. Attendez, ce n’est pas fait !

Mme Jacqueline Fraysse. Auriez-vous l’obligeance de bien vouloir m’écouter ?

M. Philippe Gosselin. Bien sûr, madame.

Mme Jacqueline Fraysse. Merci. Permettez-moi, tout d’abord, de dire ma profonde satisfaction et celle de l’ensemble des députés du Front de gauche de voir s’ouvrir devant nous, avec l’autorisation de la recherche sur les embryons et les cellules souches embryonnaires, ces nouveaux champs du possible.

M. Jean Leonetti. Est-ce que Mélenchon est d’accord ?

Mme Jacqueline Fraysse. Plusieurs années de débats et d’atermoiements ont jalonné ce parcours. Rien d’anormal me direz-vous sur un sujet aussi complexe…

M. Jean Leonetti. C’est bien vrai !

Mme Jacqueline Fraysse. …touchant aux conceptions et convictions de chacun. Ce sujet, précisément pour ces raisons, ne laisse de place ni à la manipulation des idées des uns et des autres, ni à l’hypocrisie. Ce sujet, sans doute plus que d’autres, exige écoute, échange et respect, mais également le courage d’une prise de décision franche et claire.

À cet égard, je n’oublie pas que cette réforme est le fruit d’un engagement de campagne du Président de la République et je me réjouis de voir cette promesse prendre forme.

Certains insistent pour souligner qu’une telle loi n’est ni de droite ni de gauche. Très bien. Mais force est de constater que c’est bien la gauche qui propose aujourd’hui d’autoriser la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires, alors que la droite s’est acharnée à l’interdire, notamment lors de la dernière loi relative à la bioéthique en 2011, et encore hélas aujourd’hui.

En 2013, interdire la recherche sur l’embryon tout en l’assortissant d’un système dérogatoire dans un grand pays comme la France, reconnu par la communauté scientifique internationale pour la qualité de ses travaux et de ses résultats…

M. Jean Leonetti. Et de son éthique !

Mme Jacqueline Fraysse. …est ubuesque. Oui, je le dis : c’est une aberration que personne ne comprend dans les grands laboratoires des pays avancés en la matière…

M. Jean Leonetti. L’Allemagne !

Mme Jacqueline Fraysse. …qu’il s’agisse des États-Unis, du Royaume-Uni ou du Japon, et qui porte atteinte à la recherche française.

L’un des spécialistes dans notre pays, Marc Peschanski, que nous avons d’ailleurs auditionné, le dit sans détour : « Le retard législatif français a été dramatique pour la création des équipes et la formation générale des chercheurs. »

Il est temps en effet d’autoriser cette recherche, en veillant bien sûr à ce qu’elle soit encadrée et contrôlée afin de prévenir et d’empêcher s’il le faut d’éventuelles dérives que personne ne souhaite.

Bien évidemment, les embryons comme les cellules souches ne sont pas des matériaux anodins.

M. Jean Leonetti. Quand même !

M. Philippe Gosselin. Ouf !

Mme Jacqueline Fraysse. Permettez-moi de vous rappeler ce principe élémentaire établi par le Comité consultatif national d’éthique : « La question éthique première est celle de la destruction de l’embryon humain et non la décision de réaliser des recherches sur les cellules après la destruction de l’embryon. »

Je ne m’étendrai pas sur les dispositifs d’encadrement que prévoit ce texte car ils ont été explicités par de précédents orateurs. Je considère que toutes les garanties sont apportées pour que le régime d’autorisation s’inscrive pleinement dans les recommandations issues des états généraux de la bioéthique de 2011 et du Comité national d’éthique.

Ainsi, à l’hypocrisie de notre système actuel – puisque pratiquement toutes les dérogations demandées sont accordées – s’ajoutent les contestations de plus en plus nombreuses devant les tribunaux qui lient les mains des chercheurs et de l’Agence de la biomédecine, laquelle est obligée de consacrer une part importante de son budget aux procédures judiciaires.

M. Philippe Gosselin. 25 000 euros, ce n’est pas non plus…

Mme Jacqueline Fraysse. Concernant les cellules souches embryonnaires, certains affirment qu’il n’y aurait pas lieu de les utiliser puisque nous disposons à présent des cellules iPS obtenues à partir de cellules adultes génétiquement modifiées. Cette affirmation est une contre-vérité.

Le docteur Yamanaka lui-même, qui vient de recevoir le prix Nobel pour ses travaux dans ce domaine, le confirme. Ces cellules modifiées, si elles présentent certaines caractéristiques des cellules souches embryonnaires, en diffèrent cependant très sensiblement. Ce qui est à l’ordre du jour actuellement, c’est précisément l’étude comparée de ces différentes cellules, ce qui ouvrira, n’en doutons pas, un formidable champ nouveau pour la médecine dans le domaine des réparations tissulaires notamment, au service de la santé de nos concitoyens et, plus largement, au service de milliers de personnes qui placent dans cette recherche un immense espoir.

Oui, ces perspectives sont enthousiasmantes et je pense sincèrement qu’utiliser pour la recherche à visée thérapeutique des embryons surnuméraires ne faisant plus l’objet d’un projet parental est une occasion unique, si les donneurs en font le choix, d’associer ces embryons à une grande aventure humaine, celle des immenses possibilités que seules ces cellules permettent d’envisager.

Enfin, les chercheurs de notre pays vont pouvoir travailler dans un secteur où la recherche publique est essentielle puisqu’il s’agit encore, à cette étape, d’une recherche fondamentale pour laquelle les grands groupes privés n’ont que peu d’intérêt.

Je rappelle à cet égard que sur 61 dérogations accordées par l’Agence de la biomédecine, 57 concernent des protocoles de recherche publics, soit plus de 93 %. C’est dire, au passage, l’importance de donner des moyens suffisants à la recherche publique, qui a été bien malmenée ces dernières années par les choix ultralibéraux de la précédente majorité.

Nous avons entendu, venant du côté droit de cet hémicycle…

Mme Marie-Christine Dalloz. Avec quel dédain c’est dit…

Mme Jacqueline Fraysse. …beaucoup de propos sévères et trop souvent caricaturaux concernant la recherche autorisée sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires. Des excès qui sont d’autant plus surprenants si l’on se souvient qu’en 2002, comme cela a déjà été dit, lors d’un premier vote sur le sujet dans cette assemblée, 51 députés de feu le groupe RPR s’étaient prononcés pour un régime d’autorisation encadrée. Parmi eux, je le répète car c’est assez succulent, MM. Christian Jacob, Nicolas Sarkozy, François Fillon, Alain Juppé, Bernard Accoyer et Mmes Alliot-Marie et Bachelot, sans oublier notre collègue Alain Milon, le rapporteur de la loi relative à la bioéthique en 2011, qui s’était également déclaré favorable à ce régime d’autorisation encadrée…

M. Philippe Gosselin et M. Jean Leonetti. C’est que nous aimons la diversité ! Nous n’avons pas de consignes de vote !

Mme Jacqueline Fraysse. Autant d’éléments que je trouve plutôt rassurants : ils démontrent le caractère véritable de vos cris d’orfraie, essentiellement politiciens,…

M. Jean Leonetti. Continuez donc à nous insulter…

Mme Jacqueline Fraysse. …ce qui est très dommageable, permettez-moi de vous le redire, et particulièrement sur un tel sujet.

Je veux croire que ce texte sera voté par toutes celles et tous ceux qui, au-delà des clivages partisans, ne veulent pas faire preuve d’obscurantisme (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) et refusent d’interdire cette recherche comme on interdisait jadis les dissections et autres études sur le corps humain.

M. Philippe Gosselin. Le progrès d’un côté, l’obscurantisme de l’autre ! On est vraiment au moyen-âge.

M. Jean Leonetti. Quelle caricature…

Mme Jacqueline Fraysse. Votre réaction montre que cette caricature vous gêne sensiblement !

Mme Marie-Christine Dalloz. La caricature n’est pas vraiment de notre côté.

Mme Jacqueline Fraysse. Je vous vois bien énervés, bien tendus et bien mal à l’aise. Permettez que je termine !

M. Jean Leonetti. L’insulte est dans votre bouche, madame.

Mme Jacqueline Fraysse. Je n’insulte personne, monsieur Leonetti, vous devriez le savoir.

Je pense qu’il est grand temps aujourd’hui de trancher enfin cette question et de franchir ce pas. En tout état de cause, c’est avec enthousiasme que les députés du Front de gauche voteront ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Touraine.

M. Jean-Louis Touraine. La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est porteuse d’immenses espoirs en recherche et nous promet d’importants progrès médicaux. Elle est attendue depuis longtemps par les médecins, les chercheurs, les associations de malades et, plus généralement, par la majorité de la population qui s’est exprimée favorablement à cet égard lors des états généraux tenus il y a trois ans.

M. Jean Leonetti. Vous n’y étiez pas. Ce n’est pas vrai.

M. Jean-Louis Touraine. Ces états généraux ont eu une conclusion sans ambiguïté et il est inutile de les convoquer à nouveau.

M. Jean Leonetti. Si !

M. Jean-Louis Touraine. La proposition de loi répond aussi à un engagement du Président de la République, énoncé au Genopole d’Évry, le 22 février 2012. Alors candidat, François Hollande déclarait : « si les Français m’accordent leur confiance le 6 mai prochain, je demanderai immédiatement au Parlement de modifier la loi de bioéthique de 2011 afin d’autoriser la recherche sur les cellules souches embryonnaires ». « Aucune raison sérieuse ne s’y oppose ».

Le groupe socialiste s’associe avec enthousiasme à la proposition de loi portée par les sénateurs et maintenant par les députés radicaux de gauche. Je souhaite en particulier féliciter notre rapporteure Dominique Orliac pour la grande qualité de son travail et de ses auditions.

Déjà en 2002, lors de l’examen en première lecture de la loi de bioéthique, une très large majorité de députés – 325 contre 21 – se prononçait en faveur de l’autorisation encadrée de la recherche sur les cellules souches embryonnaires.

Malgré cela, le texte retenu en 2004 faisait le choix paradoxal d’une interdiction de cette recherche, assortie d’une possibilité dérogatoire pour une période de cinq ans.

Ces dernières années, toutes les grandes institutions ont été consultées, qu’il s’agisse, de l’Agence de la biomédecine, du Conseil d’État, du Conseil national d’éthique ou de l’Académie de médecine. Toutes ont préconisé de sortir de ce régime « hypocrite » pour mettre en place un régime d’autorisation transparent et encadré.

Et je vous rappelle qu’en 2010, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques estimait aussi qu’il n’était pas pertinent de « prôner un interdit tout en organisant les conditions de sa transgression », ajoutant que cela était d’ailleurs extrêmement stigmatisant pour les chercheurs.

Une position d’ailleurs partagée sur les bancs du Sénat, lequel avait adopté, de manière consensuelle et transpartisane, l’autorisation encadrée des recherches.

Et pourtant, sous la pression des lobbies et certainement aussi à cause du contexte préélectoral, la loi de bioéthique de 2011 a choisi de maintenir ce système unique au monde – un système prévu pour une courte durée et que l’on ne peut plus justifier quand a déjà été constatée l’absence de dérives quelconques dans ce domaine de recherche.

Comme l’indiquait, François Hollande à Évry : « où est la clarté, où l’honnêteté, où est le courage dans cette façon de faire ? »

M. Jean Leonetti. Continuez comme ça…

M. Jean-Louis Touraine. Pire encore, la mauvaise rédaction de la loi de 2011, ambiguë et imprécise, a créé une insécurité juridique nouvelle dans laquelle s’engouffrent systématiquement des fondations ultraconservatrices, voire intégristes, avec comme seul objectif de faire obstacle aux dérogations accordées par l’Agence de la biomédecine.

Comment accepter que onze projets de recherche portés par les équipes de l’INSERM et du CNRS soient actuellement suspendus par ces recours intempestifs ? De ces recherches dépendent la progression indispensable des connaissances sur la formation des organes et leurs anomalies et sur la reproduction et ses défaillances, ainsi que le développement de lignées de cellules souches à visée thérapeutique.

D’ailleurs, actuellement, trois projets français attendent le feu vert pour effectuer des essais cliniques et évaluer l’éventuel bénéfice des cellules souches embryonnaires sur des maladies graves de la rétine, de la peau ou du cœur.

M. Jean Leonetti. C’était pareil en 2004 !

M. Jean-Louis Touraine. Inutile de préciser que, par la suite, des perspectives nouvelles seront explorées pour des affections très diverses, touchant à peu près chacun des organes humains.

Nous ne devons donc pas empêcher les équipes scientifiques et les malades de mettre leurs espoirs dans cette voie nouvelle. Ils ont déjà perdu beaucoup de temps et attendent un signal fort de la part de notre majorité.

En outre, nous savons que le maintien d’un régime d’interdiction fragilise la position de la France au sein de la communauté internationale.

M. Jean-Frédéric Poisson. Et voilà !

M. Jean-Louis Touraine. Notre législation, l’une des plus restrictives au monde, handicape sérieusement les scientifiques, désespère les familles de malades et freine les coopérations internationales. Pendant ce temps, dans plusieurs pays européens, aux États-Unis, au Japon, en Israël, au Canada, en Australie, la recherche progresse à grands pas.

Il est donc temps que notre pays sorte de l’hypocrisie d’une interdiction assortie de dérogations, pour organiser une véritable autorisation encadrée des recherches, plus adaptée à la réalité scientifique et tout aussi protectrice de l’embryon.

C’est tout l’enjeu du texte qui nous est proposé aujourd’hui.

Celui-ci n’est certes pas laxiste, puisqu’il prévoit qu’une autorisation ne peut être accordée par l’Agence de la biomédecine que sous quatre conditions précises : la pertinence scientifique de la recherche, le fait qu’elle soit inscrite dans une finalité médicale, la nécessité que le travail ne puisse être actuellement conduit sans recourir à des embryons ou des cellules souches embryonnaires et enfin le respect des principes éthiques.

Quelles sont alors les craintes qui animent ceux qui hésitent encore à adopter cette évolution positive ?

Un risque de dérives vers des recherches aventureuses ou mercantiles ? Cela ne s’est pas produit dans les nombreux pays où les travaux sont autorisés et notre encadrement écarte très précisément toute crainte à ce sujet.

Le risque que le prélèvement de cellules aboutisse à la mort de l’embryon ? En vérité, la situation est opposée : chaque année, plusieurs dizaines de milliers d’embryons humains sont sortis des cuves à azote liquide où ils étaient conservés car la loi française prévoit leur destruction au bout de cinq ans dès lors qu’il n’y a plus de projet parental. C’est bien sur ces embryons surnuméraires détruits que sont prélevées les cellules souches, après accord des parents.

M. Jean-Frédéric Poisson. Cela reste des embryons.

M. Jean-Louis Touraine. Certains prétendent que les cellules souches embryonnaires ne seraient plus nécessaires aux chercheurs car il existe d’autres variétés de cellules souches, dont les cellules dites iPS.

De fait, les diverses catégories de cellules souches sont très distinctes et non substituables les unes aux autres.

En particulier, les cellules iPS gardent la mémoire de leur vie antérieure, de leur âge, de la manipulation génétique qui les a produites. Elles n’ont donc pas les mêmes propriétés que les cellules souches embryonnaires et posent des problèmes éthiques encore plus importants, du fait du risque génétique et parce qu’il sera même possible d’en faire dériver des embryons permettant le clonage humain.

Prétendre qu’il n’y aura plus demain d’embryons surnuméraires grâce à la vitrification des ovocytes est également mensonger, puisqu’il s’agit de techniques complémentaires. D’ailleurs, même si le nombre d’embryons surnuméraires était relativement moins élevé dans le futur, cela ne changerait rien à la question.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ça, c’est vrai.

M. Jean-Louis Touraine. En effet, à partir d’un seul prélèvement, et compte tenu des propriétés exceptionnelles des cellules souches, des quantités très importantes de cellules peuvent être produites, autorisant à la fois des travaux de recherche pendant plusieurs décennies puis plus tard le traitement de nombreux malades !

Certains ont lancé une campagne de désinformation majeure contre cette proposition de loi en utilisant des images représentant non un embryon, mais un fœtus humain. Et bien sachez que sur ce fœtus, comme sur un nouveau-né, les prélèvements post-mortem à visée scientifique et thérapeutique sont déjà autorisés, dans des conditions encadrées, depuis plusieurs décennies. Une telle propagande visant à duper l’opinion publique n’est en définitive que l’hommage rendu au droit par la force brutale et l’intolérance.

M. Philippe Gosselin. Que de propos outranciers !

M. Jean-Frédéric Poisson. Quel dogmatisme…

M. Jean-Louis Touraine. Nous parlons aujourd’hui d’une situation différente, celle du zygote, ou du pré-embryon des Anglo-Saxons, sur lequel des cellules souches peuvent être prélevées après un développement de cinq à six jours environ suivant la fécondation. À ceux qui veulent sacraliser ces cellules initiales, nous répondons qu’il n’est pas légitime de les sortir de la chaîne de vie qui permet à chaque étape du développement de contribuer, dans le respect qui lui est dû, au progrès de l’humanité.

Ce qui est permis sur le nouveau-né ou le fœtus, comment justifier que cela soit interdit sur l’embryon ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Ah ?

M. Jean-Louis Touraine. Oui, sur le nouveau-né ou le fœtus, c’est autorisé, dans des conditions encadrées. Comment d’ailleurs ne pas faire le parallèle avec les prélèvements d’organes, qui permettent depuis un demi-siècle de réaliser couramment des transplantations ?

Qu’il me soit enfin permis de rappeler que dans notre République laïque, chacun doit respecter les croyances et les philosophies des autres et ne pas imposer son seul point de vue.

La proposition de loi que nous examinons offre une nouvelle liberté à tous ceux qui veulent mener des recherches sur les cellules souches ou bénéficier des fruits de telles recherches, mais elle n’oblige personne à contribuer à ce progrès.

Mes chers collègues, je l’ai dit en introduction, cette proposition suscite d’immenses espoirs chez des patients atteints de pathologies graves. Elle renforce les décisions de l’agence de la biomédecine. Elle améliore la qualité juridique de notre législation. Elle affiche une position claire de la France dans ce domaine. Surtout, en réaffirmant notre confiance en la recherche française, elle la replace dans le concert international du progrès. Vous l’aurez compris, c’est avec détermination et foi en l’avenir que nous engageons ce beau débat sous le sceau de l’humanisme.

M. le président. La parole est à M. Guillaume Chevrollier.

M. Guillaume Chevrollier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est proposée aujourd’hui est loin d’être anodine. Elle est, au contraire, essentielle.

Elle met chacun d’entre nous face à ses responsabilités, car les répercussions éthiques de ce texte sont importantes. Cela ne devrait d’ailleurs pas être un texte émanant d’un groupe parlementaire,..

M. Marc Le Fur. Bien sûr !

M. Guillaume Chevrollier. …voté dans une niche, comme cela nous est proposé.

M. Philippe Gosselin. En catimini !

M. Guillaume Chevrollier. Surtout, cette discussion ne devrait même pas avoir lieu. En effet, ce sujet essentiel a déjà fait l’objet d’un vote, avec la loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique, à l’issue d’un vrai travail de préparation et non à la sauvette comme aujourd’hui. Ce texte avait été adopté à la suite d’états généraux et après les avis du Comité consultatif national d’éthique et du Conseil d’État ainsi qu’après les travaux d’une commission spéciale de l’Assemblée nationale et de nombreuses auditions et consultations.

Or l’article 46 de cette loi de bioéthique dispose que « tout projet de réforme sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la connaissance dans les domaines de la biologie, de la médecine et de la santé doit être précédé d’un débat public sous forme d’états généraux ». Permettez-moi de considérer que la recherche sur l’embryon est une vraie question de société qui soulève de vrais problèmes éthiques.

Il semble que la majorité actuelle soit fâchée avec les débats publics. Elle n’en prévoit pas quand la loi en impose, ni d’ailleurs quand plus d’un million de personnes manifestent pacifiquement dans la rue…

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Plus d’un milliard ! Il y avait un milliard de personnes !

M. Guillaume Chevrollier. …pour demander plus de débats sur un autre sujet essentiel de société, à savoir le mariage et l’adoption par les couples de personnes de même sexe.

Un député du groupe UMP. Très bien !

M. Olivier Falorni. Hors sujet !

M. Guillaume Chevrollier. La loi de 2011 a acté le principe d’une révision de la loi sur la bioéthique dans sept ans, car tout le monde s’accordait à dire que le délai initialement prévu de cinq ans était trop court. Une exception a été prévue : ce délai pourrait être réduit en cas de découverte majeure qui nécessiterait une intervention du législateur, mais nous ne sommes pas dans ce cas de figure. Les découvertes récentes tendent au contraire à montrer que les recherches sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires sont moins performantes que d’autres.

Cette proposition de loi est donc tout simplement inopportune.

Mais le plus grave n’est pas là. Il est dans le contenu de cette proposition de loi. Il s’agit, moins de deux ans après l’adoption de la loi précédente, de changer carrément les curseurs.

En effet, les lois de bioéthique de 1994, de 2004 et de 2011 ont toutes affirmé le principe de l’interdiction de la recherche sur l’embryon. Certes, des dérogations ont été prévues à chaque étape, mais les grands principes de notre droit ont chaque fois été réaffirmés. Ils valent d’être rappelés. Ce sont le respect de la dignité humaine et le refus de toute forme de marchandisation ou d’exploitation biologique du corps humain.

M. Marc Le Fur. Exactement !

M. Guillaume Chevrollier. Ils méritent d’autant plus d’être rappelés que votre proposition de loi vient les bafouer.

M. Gérard Sebaoun. Il mélange tout, quel maelström !

M. Guillaume Chevrollier. En effet, vous levez le principe de l’interdiction assorti de dérogations pour le remplacer par le principe d’autorisation encadrée. Cette évolution est tout simplement inacceptable car ce principe d’autorisation fait de l’embryon un élément de recherche comme un autre, ce qu’il n’est pas.

L’embryon est un être en devenir – nous venons tous d’un embryon.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Normalement, oui ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Guillaume Chevrollier. Il est donc impératif de le respecter. C’est d’ailleurs ce que prévoit l’article 16 du code civil qui affirme le respect de l’être humain dès le commencement de sa vie. L’article 18 de la convention européenne d’Oviedo insiste aussi sur la protection dont doivent bénéficier les embryons.

Vous répondrez que vous encadrez l’autorisation. Certes, mais vos barrières sont bien minces et les freins sont bien lâches.

Les progrès médicaux majeurs que doivent viser les projets de recherche sont remplacés par la notion floue de « finalité médicale » ; la condition d’une éventuelle avancée de la science est donc supprimée.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. N’importe quoi !

M. Guillaume Chevrollier. Est aussi supprimée la volonté inscrite dans la loi de privilégier des recherches alternatives aux recherches sur l’embryon. Sont aussi abandonnées la motivation des décisions d’autorisation de l’Agence de la biomédecine et la possibilité pour les ministres chargés de la santé et de la recherche de s’opposer à un programme qui ne semblerait pas répondre aux conditions fixées par la loi.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Il faudrait peut-être lire le texte avant d’en parler !

M. Guillaume Chevrollier. Cette libéralisation de la recherche fait peur, d’autant plus qu’elle va se heurter, à un moment ou à un autre, au nombre insuffisant d’embryons surnuméraires. L’étape suivante sera donc la possibilité de créer des embryons par clonage. C’est bien ce qui se profile, avec toutes les dérives d’eugénisme qui en résulteraient. (Exclamations sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

Au nom de quoi prévoyez-vous la destruction de ces êtres humains en devenir ? Car il faut être clair et le reconnaître : les embryons sont disloqués lors de leur utilisation pour la recherche. À quelle demande répondez-vous pour bafouer ainsi un être en devenir, pour en faire un cobaye ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous préférez qu’on le détruise ?

M. Guillaume Chevrollier. La question, mes chers collègues, mérite d’être posée.

M. le président. Merci de conclure, cher collègue.

M. Guillaume Chevrollier. Répondez-vous à la pression de laboratoires pharmaceutiques ? Ou est-ce une démarche idéologique ? Ne nous laissez pas croire que, grâce à ce texte, vous favorisez la recherche et permettrez de guérir des malades ! Les recherches sur les embryons et sur les cellules souches embryonnaires n’ont pas donné de résultats probants en termes de thérapies, et vous le savez.

En revanche, les recherches alternatives sont, elles, pleines de promesses.

M. le président. Veuillez conclure !

M. Guillaume Chevrollier. Laissez la recherche progresser dans des voies prometteuses qui ne posent pas, elles, de problèmes éthiques. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin.

M. Marc Le Fur. Ne devrions-nous pas lever la séance pour suivre l’intervention télévisée du Président de la République ?

M. le président. Nous avons encore du temps. Je vous en prie, monsieur Fromantin…

M. Jean-Christophe Fromantin. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, c’est un texte important que nous examinons ce soir. On ne peut pas aborder le sujet en se fondant uniquement sur la rationalité des choix scientifiques, techniques ou technologiques. Fatalement, que cela vous plaise ou non, un tel texte implique une part d’humanité, une part d’émotion et une part de conviction. On ne peut pas opposer untel à untel, tel chercheur à tel autre, tel scientifique à tel autre, tel parlementaire à tel autre, en se fondant uniquement sur des données rationnelles et scientifiques. Ce sont pour partie nos convictions respectives qui sont en cause. D’ailleurs, la littérature disponible sur un tel sujet montre que les scientifiques défendent des positions différentes. Leur part d’humanité fait qu’ils n’ont pas tous la même lecture d’un texte comme celui-ci.

Il est néanmoins un principe de prudence, un principe de précaution, un principe d’exigence.

J’entendais tout à l’heure certains d’entre vous parler de restrictions, affirmant qu’il ne faut pas restreindre, qu’il ne faut pas réduire, qu’il ne faut pas diminuer. Je préfère pour ma part au terme de restriction celui d’exigence. Un scientifique, un homme politique, quelqu’un d’engagé a le devoir, lorsqu’il s’agit d’un texte comme celui-ci, de faire preuve d’une certaine exigence. C’est cet esprit qui m’anime, ainsi que d’autres, au moment d’examiner cette proposition de loi.

Le constitutionnaliste Bertrand Mathieu…

Mme Marie-Christine Dalloz et M. Philippe Gosselin. Excellent Bertrand Mathieu !

M. Jean-Christophe Fromantin. …parlait pour sa part d’une rupture avec le principe de dignité. Cela résume en partie le point de vue de certains d’entre nous.

Mme Marie-Christine Dalloz et M. Philippe Gosselin. Tout à fait !

M. Jean-Christophe Fromantin. Comment aborder l’examen de cette proposition de loi ? Voyons-en la finalité, le cadre juridique et les conditions.

Ce texte est important car il renverse complètement la charge de la preuve. Il change de paradigme, il change la manière dont on aborde cette question.

Il y avait, me semble-t-il, un certain équilibre dans les règles applicables aux recherches sur l’embryon et les cellules souches. Elles étaient interdites, mais pouvaient être autorisées quand le cadre s’y prêtait, quand cela répondait un besoin. Elles seront désormais autorisées, et la charge de la preuve va être renversée. C’est là un premier renoncement au principe d’exigence qui devrait s’imposer en une telle matière.

J’entends ce que vous dites à propos de la recherche : ce texte la fera progresser. Selon moi, c’est l’inverse : je crois que c’est aussi en se donnant des contraintes, en particulier des contraintes éthiques, que la recherche peut progresser davantage.

M. Jean Leonetti. Très bien !

Mme Marie-Christine Dalloz. Exactement !

M. Jean-Christophe Fromantin. C’est particulièrement vrai dans un pays comme le nôtre, qui a toujours été marqué par un souci éthique, par un principe d’humanité, de respect de l’être humain.

Effectivement, dans ces conditions, la recherche est plus difficile, plus contrainte, plus exigeante, mais cette exigence n’est-elle pas précisément la marque spécifique du pays des droits de l’homme ? (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Bien sûr, les cellules souches pluripotentes induites ne sont pas la même chose qu’un embryon, mais ne devons-nous pas aller chercher sur cette voie les outils et les instruments qui nous permettront d’éviter d’instrumentaliser l’embryon, donc l’être humain ?

Vous avez cité plusieurs scientifiques. Je citerai pour ma part le professeur Huriet : « Les fondements sur lesquels s’appuie cette proposition de loi sont fallacieux et intempestifs. » Les mots sont lourds, les mots sont durs, et l’on ne peut taxer le professeur Huriet, ancien sénateur, de s’exprimer à la volée, de vouloir faire des effets de manche. Acceptons qu’un scientifique puisse avoir un regard différent, en même temps qu’empreint d’humanité et de respect.

Me préoccupent, nous préoccupent les critères. Que signifie la « finalité médicale » ? J’aurais aimé un peu d’exigence à ce propos, mais il n’y en a point. La finalité médicale est une approximation sémantique…

M. Paul Giacobbi. C’est défini par le serment d’Hippocrate !

M. Jean-Christophe Fromantin. …bien pratique pour ouvrir la boîte de Pandore et permettre toute une série de recherches qui pourront s’éloigner de ce que vous évoquez, chers collègues, comme une exigence, sans que l’on en trouve trace dans la proposition de loi.

En fait d’exigence, le cadre juridique également pose problème. Ainsi le texte est-il en contradiction avec le code civil, avec la convention internationale des droits de l’enfant, ratifiée par la France, et avec le code de la santé publique. Selon ce dernier, « tout projet de réforme sur les problèmes éthiques et les questions de société soulevés par les progrès de la biologie, de la médecine et de la santé doit être précédé d’un débat public et d’états généraux ».

Plusieurs députés du groupe SRC. C’est fait !

M. Jean-Christophe Fromantin. La proposition de loi est en contradiction avec les lois de bioéthique qui prévoient des états généraux pour tout projet de réforme sur les problèmes éthiques.

Elle est en contradiction avec l’avis du 21 octobre 2010 du Comité d’éthique qui exprime de très fortes réserves. Je le cite : « L’utilisation des embryons surnuméraires à des fins de recherche ouvre, en effet, la porte à une justification de leur production. Nous souhaitons que soit étudiée rapidement la possibilité d’une diminution, voire d’un arrêt, de la production d’embryons cryoconservés. […] Par ailleurs, la création d’embryons à visée de recherche nous paraît inacceptable, car elle est la manifestation la plus aboutie de l’instrumentalisation de l’être humain à son commencement. »

Elle est, enfin, en contradiction avec notre Constitution qui est le socle des droits les plus élémentaires. Et, chers collègues, n’y a-t-il pas quelque chose de plus vulnérable qu’un embryon ? Donc, comment peut-on, aujourd’hui, proposer un texte qui offre autant d’angles d’attaque, autant de contradictions et qui n’a que mépris pour le cadre juridique et légal que les parlementaires, depuis plusieurs générations, dans cet hémicycle, essaient de mettre en place pour que la France reste la patrie des droits de l’homme, pour que la France mette sa recherche à l’aune d’une certaine exigence ?

Nous pourrions aussi évoquer, pour terminer, les conditions du débat. On peut dire que le débat a eu lieu, qu’il n’a pas eu lieu ou qu’il aura lieu. Honnêtement, le débat a-t-il vraiment été à la mesure des enjeux ?

M. Philippe Gosselin. Non !

M. Jean-Christophe Fromantin. Regardez l’hémicycle ! Correspond-il à un débat d’une telle ampleur ?

Plusieurs députés du groupe SRC. La faute à qui ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ne relancez pas la discussion sur ce point : nous pourrions parler du débat sur le projet HPST !

M. Jean-Christophe Fromantin. Nous parlons d’un sujet fondamental – celui de la recherche sur l’embryon –, qui touche la conscience de nombreux Français. Nous recevons beaucoup de courriers. Avons-nous, là, la traduction de l’enjeu et de la qualité du débat ?

Enfin, ce texte est un renoncement politique, au sens étymologique du mot. Où est l’exigence, puisqu’on va finalement laisser l’Agence de la biomédecine prendre le pas sur les représentants de l’État pour donner un avis. « Non, on ne veut pas s’en préoccuper ! Laissons l’Agence de la biomédecine choisir à notre place ! » C’est une forme d’abandon, de renoncement ! Vous renoncez à l’exigence qui devrait caractériser les positions sur un tel texte. L’Agence de la biomédecine n’aura même plus d’avis à donner sur les études sur l’embryon. Quel renoncement ! Où est l’exigence pour un sujet aussi fort ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est faux ! Quelqu’un parmi vous a-t-il lu le texte ?

M. Jean-Christophe Fromantin. Les formes éthiques de recherche régénérative ne seront plus mentionnées comme devant être prioritaires. On s’en lave les mains ! Ce n’est finalement plus notre problème ! L’exigence en matière de recherche sur l’embryon, qui pose un problème d’éthique, n’est même plus prioritaire !

Enfin, les familles ne seront même plus informées de la nature des recherches entreprises. Quel affranchissement ! Quel renoncement ! Où est l’exigence ? Ne sommes-nous pas, ici, les héritiers d’une certaine exigence d’humanité ? Je m’étonne que ce soit votre groupe qui présente un tel texte ! Quelle facilité ! Cette proposition est en total décalage avec les valeurs que les uns et les autres expriment dans le débat politique.

Il n’y a pas eu de création d’une commission spéciale à l’Assemblée nationale.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Il y en a eu une, il y a deux ans !

M. Jean-Christophe Fromantin. Certains d’entre nous ont une perception très différente de l’être humain et des valeurs fondatrices de l’humanité.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Heureusement que l’on n’est pas sur les mêmes bancs !

M. Jean-Christophe Fromantin. Travailler sur ce matériau comme si c’était un instrument comme un autre, c’est bousculer les fondements mêmes de notre projet et de notre humanité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Véronique Massonneau.

M. Marc Le Fur. Il y a l’intervention du Président de la République !

M. le président. Il nous reste dix minutes !

M. Jean-Frédéric Poisson. On le dira au président Bartolone…

M. le président. Vous avez la parole, madame Massonneau.

Mme Véronique Massonneau. Monsieur le président, mesdames, messieurs, la proposition de loi relative à la bioéthique qui autorise, sous certaines conditions, la recherche sur l’embryon et les cellules embryonnaires que nous examinons, aujourd’hui poursuit son parcours législatif après son adoption au Sénat en décembre dernier. Elle a été déposée par le groupe RDSE à la Chambre haute et par notre collègue Roger-Gérard Schwartzenberg au nom du groupe RRDP à l’Assemblée nationale, afin de l’inscrire dans cette niche parlementaire.

Ce texte a pour objectif de modifier la loi du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en ouvrant la recherche, strictement encadrée, sur les embryons et cellules souches embryonnaires. À l’heure actuelle, nous sommes dans un dispositif d’interdiction soumis à des autorisations dérogatoires. Ce fonctionnement est symbolique des nombreux questionnements et débats qui ont déjà eu lieu sur l’embryon. En effet, il s’agit, je le disais en commission, d’un sujet potentiellement angoissant, comme le sont tous les sujets de bioéthique. Ces problématiques touchent aux convictions personnelles et peuvent, je dirai même doivent, passer outre les clivages politiques. Or plus de 300 amendements ont été déposés par des parlementaires du groupe UMP.

M. Jean-Frédéric Poisson. Oui !

Mme Véronique Massonneau. Je ne me permettrai pas de préjuger de leurs intentions, au vu de ce nombre, pour un texte composé d’un article unique…

M. Jean-Frédéric Poisson. Merci !

Mme Véronique Massonneau. …mais j’ose espérer qu’il ne s’agit pas d’une volonté d’obstruction visant à pousser les débats jusqu’à une heure trop tardive, ce qui ne nous permettrait pas d’adopter cette proposition de loi.

M. Jean Leonetti. Nos intentions sont aussi nobles que celles de l’opposition d’hier !

Mme Véronique Massonneau. Que la discussion existe sur une telle loi me semble plutôt sain, mais je vous en prie, chers collègues de l’opposition, ne sombrons pas dans une obstruction caricaturale !

M. Philippe Gosselin. Oh non !

Mme Véronique Massonneau. On le sait, les lois de bioéthique ont toujours conduit à des débats passionnés : en 1994, lorsque l’interdiction absolue de recherche sur l’embryon avait été adoptée ; en 2004, lorsque ce dispositif a été assorti de dérogations pour une période de cinq ans ; enfin, en 2011, lorsque l’article L. 2151-5 du code de la santé publique a été modifié pour en arriver au dispositif actuel.

Lors des débats de l’époque, le sujet de la recherche embryonnaire fut l’un des plus discutés. Cela se comprend. Le statut de l’embryon a toujours divisé, car il touche aux origines de la vie, comme l’a rappelé Mme la rapporteure Dominique Orliac en commission. Si l’on peut ainsi entendre les craintes de débordements, le régime actuel peut sembler un peu hypocrite puisque, sous couvert de l’interdiction, il autorise tout de même la recherche. Ainsi, 198 autorisations ont-elles été délivrées par l’Agence de la biomédecine. Mais ce régime envoie un mauvais signal aux chercheurs. Surtout, il entraîne de nombreux dysfonctionnements. En effet, notre législation, en l’état actuel, a un caractère particulièrement illisible à l’étranger. C’est un régime hybride qui dit « nous ne sommes pas trop pour, mais bon d’accord, il faut bien un peu aider la recherche. » Comment favoriser la recherche si nos scientifiques sont confrontés à des obstacles à chaque étape ? Telle est la réalité. Il est compliqué d’obtenir des autorisations qui entraînent des difficultés à obtenir de financements, car la loi est trop floue.

M. Jean Leonetti. Voilà l’argent qui arrive !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Quand c’est un homme qui s’exprime, on vous entend moins, chers collègues !

Mme Véronique Massonneau. Il m’est en effet très désagréable d’être interrompue : Cela me déconcentre !

M. le président. Vous avez seule la parole, madame Massonneau !

Mme Véronique Massonneau. Pour éviter que la France ne prenne plus de retard sur ses voisins européens et pour qu’au contraire elle profite de son dynamisme en la matière, il convient donc de légiférer, afin de lever toute ambiguïté. C’est ainsi ce que propose ce texte. Mais quelles sont exactement ses dispositions ? Nous passons, comme je le disais, d’un régime d’interdiction soumis à autorisation dérogatoire à un régime d’autorisation encadrée. Comme le soulignait Jean-Louis Touraine, le régime d’autorisation dérogatoire a permis d’observer qu’il n’y avait pas de débordement et qu’il était, alors, temps de lever cette interdiction. La recherche ainsi autorisée pourra se faire sur des embryons issus de fécondations in vitro surnuméraires, donc ne faisant plus partie d’un projet parental, plusieurs de mes collègues l’ont souligné. Ce point est évidemment éminemment important, sachant que l’on compte 171 000 embryons cryoconservés. M. Dominique Royère, professeur à l’Université de Tours et biologiste à l’Agence de la biomédecine, a précisé, lors de son audition en commission, que 17 % de ces embryons, soit 30 000, ne font plus partie d’un projet parental. Le caractère surnuméraire est primordial, puisque dans le cadre d’une procréation médicalement assistée, un grand nombre d’embryons est conçu, afin de pouvoir procéder à plusieurs implantations, si besoin.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est bien cela le problème !

Mme Véronique Massonneau. La recherche sera donc uniquement autorisée sur les embryons et cellules souches embryonnaires qui n’auront plus visée à implantation utérine. Mais, pour que la recherche soit autorisée et afin de maintenir le respect de l’embryon, quatre conditions doivent être réunies. Cela permet, comme le disait Mme la rapporteure, de maintenir le statut d’exception de la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires. Quelles sont ces quatre conditions ? La première est l’établissement de la pertinence scientifique de la recherche. C’est déjà le cas, nous n’y touchons pas. La deuxième est l’inscription de la recherche fondamentale ou appliquée dans une finalité médicale. La troisième concerne l’obligation de recourir à ces embryons ou cellules souches embryonnaires. C’est une condition clé de cette proposition de loi, car elle sert de réel garde-fou. En effet, pour obtenir un protocole de recherche, il conviendra de prouver à l’Agence de la biomédecine que la recherche en cours ne peut être menée sans avoir recours aux embryons ou cellules souches embryonnaires. La quatrième condition, enfin, n’est pas modifiée : « Le projet et les conditions de mise en œuvre du protocole respectent les principes éthiques relatifs à la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires. ». Ces conditions sont donc examinées, a priori, par l’Agence de la biomédecine qui statuera, tout comme le conseil d’orientation, puis communiquera sa décision aux ministres de la santé et de la recherche. Autrement dit, si les recherches sur les embryons et les cellules souches embryonnaires sont, certes, autorisées, le dispositif prévoit un cadre strict qui évitera les débordements.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ce n’est pas vrai !

Mme Véronique Massonneau. Le délai de rétractation, tel qu’il est prévu semble également suffisant. En commission Mme la rapporteure a répondu à mes interrogations…

M. Philippe Gosselin. Vous avez de la chance !

Mme Véronique Massonneau. …quant à l’accompagnement des parents donateurs. La proposition de loi prévoit, ainsi, une première acceptation au début du processus et trois mois de réflexion au terme desquels ils pourront infirmer ou confirmer leur décision et se rétracter tant que les recherches n’auront pas commencé. La possibilité de faire don de leur embryon pour une PMA leur est également expliquée, enfin, le cadre des recherches est laissé à discrétion des chercheurs, afin de protéger les parents, ce qui me paraît plus sain. Encore une fois, le texte est cadré et va dans le bon sens.

Je m’interrogeais également sur le nombre d’embryons en réserve, de manière à ce que les couples demandeurs de PMA et de dons d’embryons ne se retrouvent pas en situation de carence, mais comme je le précisais tout à l’heure, 30 000 des embryons stockés ne font plus partie d’un projet parental et la moitié de ceux-ci est destinée à ces dons.

Toutes les conditions étant remplies, nous examinons donc une proposition de loi cadrée, équilibrée, cohérente et intelligente. Elle permettra, en outre, d’améliorer la médecine dans le domaine des applications thérapeutiques, des études du tissu cutané, ou encore de la rétine ou du cœur. Il existe bien d’autres cas que mes collègues ont précédemment évoqués.

Ces progrès sont nécessaires, mais, comme on touche à un sujet lié à la bioéthique, les avis sont partagés. Ainsi, comme la plupart d’entre vous, je l’imagine, j’ai été interpellée à de nombreuses reprises par des citoyens soucieux. J’ai notamment reçu beaucoup de cartes pétitions « Vous trouvez ça normal ? » de la Fondation Lejeune auxquelles j’aimerais apporter une réponse.

M. Jean-Frédéric Poisson. On va parler du lobby écologiste !

Mme Véronique Massonneau. Il est précisé sur ces cartes que cette proposition de loi est « immorale, car elle détruit l’embryon ». Je rappelle que les embryons qui seront utilisés à des fins de recherche sont surnuméraires, donc ne font pas partie d’un projet parental.

M. Philippe Gosselin. Ce n’est pas parce qu’ils sont surnuméraires, qu’ils ne méritent pas le respect !

Mme Véronique Massonneau. En outre, je précise que les embryons cryoconservés sont supprimés tous les cinq ans.

Un des arguments les plus fréquemment utilisé repose sur l’autorité du professeur Yamanaka, prix Nobel de médecine 2012, et sa découverte des fameuses cellules souches non embryonnaires iPS. C’est évidemment une très belle avancée scientifique, mais il convient d’expliquer qu’elles n’ont pas les mêmes propriétés, cela a été souligné à plusieurs reprises.

M. Philippe Gosselin. Ah quand même !

Mme Véronique Massonneau. En effet, les cellules iPS gardent, notamment, en mémoire leur tissu d’origine et n’offrent ainsi pas une solution de remplacement des cellules souches embryonnaires, en dépit d’un intérêt certain. Il est, d’ailleurs, très intéressant d’utiliser les deux types de cellules afin de procéder à des études comparatives plus poussées. Je terminerai en rappelant que ces cellules iPS ont été découvertes par le professeur Yamanaka à partir de cellules souches embryonnaires…

Les arguments développés sont ainsi difficilement recevables.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Tout à fait !

Mme Véronique Massonneau. C’est pour toutes ces raisons que je vous assure, madame la rapporteure, du soutien des écologistes à cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

3

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion de la proposition de loi adoptée par le Sénat, tendant à modifier la loi n° 2011-814 du 7 juillet 2011 relative à la bioéthique en autorisant sous certaines conditions la recherche sur l’embryon et les cellules souches embryonnaires ;

Discussion de la proposition de loi relative au paiement des salaires et des loyers.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures quinze.)