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Edition J.O. - débats de la séance

Assemblée nationale
XIVe législature
Deuxième session extraordinaire de 2011-2012

Compte rendu
intégral

Première séance du lundi 24 septembre 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Laurence Dumont

1. Mobilisation du foncier public en faveur du logement et renforcement des obligations de production de logement social

Présentation

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure de la commission des affaires économiques

M. Alexis Bachelay, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable

Motion de rejet préalable

M. Marc-Philippe Daubresse

M. Henri Plagnol, Mme Michèle Bonneton, M. Thierry Braillard, M. André Chassaigne, M. Daniel Goldberg, M. François de Mazières

Suspension et reprise de la séance

Motion de renvoi en commission

M. Benoist Apparu

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques, Mme Cécile Duflot, ministre, M. Henri Plagnol, M. François-Michel Lambert, M. Jacques Krabal, M. André Chassaigne, M. Jean-Luc Laurent, M. François de Mazières

Discussion générale

M. Jean-Christophe Fromantin

Mme Michèle Bonneton

Mme Jeanine Dubié

M. André Chassaigne

Mme Annick Lepetit

M. François de Mazières

M. Philippe Folliot

M. François de Rugy

M. Jacques Krabal

M. François Pupponi

M. Philippe Meunier

M. Nicolas Dupont-Aignan

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Laurence Dumont,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures.)

1

Mobilisation du foncier public en faveur du logement et renforcement des obligations de production de logement social

Discussion d'un projet de loi adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social (nos 195, 200, 196).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Madame la présidente, madame la rapporteure de la commission des affaires économiques, monsieur le président de la commission, mesdames et messieurs les députés, j'ai le très grand honneur de vous présenter aujourd'hui un projet de loi qui permet de répondre à l'urgence de mobiliser le foncier public pour construire des logements, tout en renforçant les exigences de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, la loi SRU, afin de parvenir à une vraie mixité sociale, sans fausse excuse ni échappatoire facile.

Je vous l'ai déjà annoncé dans cet hémicycle et je vous le confirme, il nous faudra lancer dans quelques mois un autre chantier législatif, de plus grande ampleur encore, pour simplifier le droit, mettre en cohérence ce qui s'est stratifié au fil des mandatures, réformer les rapports locatifs et réunir toutes les conditions pour que l'objectif de 500 000 logements par an fixé par le Président de la République puisse être atteint. Aujourd'hui, la priorité fixée par le Président de la République au Gouvernement, c'est de répondre à l'urgente nécessité de permettre aux hommes, aux femmes et aux enfants les plus modestes de ce pays de se loger dans des conditions décentes à des prix abordables.

Il n'est pas admissible qu'en 2012, en France, plus de 3 millions de personnes ne soient pas logées, ou très mal. Près de 10 millions de personnes sont aujourd’hui en situation de fragilité quant au logement à court ou moyen terme et subissent de plein fouet la crise. Comment, en effet, trouver du travail, aider ses enfants à se construire et avoir confiance en l'avenir quand on a du mal à payer son loyer ? Le logement est un bien de première nécessité, un droit fondamental et, de fait, une condition pour être en mesure de faire valoir ses autres droits.

C’est pour cette raison que les objectifs de construction sont très ambitieux. Il faut en effet construire davantage de logements sociaux, en particulier en zone tendue. À cette fin, il faut se donner des objectifs renouvelés et actualisés, et c’est pourquoi ce projet de loi vise à renforcer les obligations en termes de mixité sociale. Les objectifs que le Gouvernement se fixe sont à l'épreuve des faits. Ils nous obligent à regarder la réalité en face et à nous donner les moyens de changer une réalité souvent insupportable.

Alors oui, c'est par la loi qu'il faut intervenir pour sortir de l'impasse et mobiliser l'ensemble des moyens légalement disponibles pour arriver à tenir, ensemble, ces objectifs ambitieux. Nous n'arriverons pas à construire 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux, sans une mobilisation générale de l'ensemble des acteurs concernés : l'État, les collectivités locales, les constructeurs privés et les bailleurs sociaux. La mobilisation de l'État passera par les aides à la pierre, ainsi que vous l'autoriserez dans le cadre du prochain débat budgétaire, mais aussi, de manière inédite, par la mobilisation du foncier public de l'État. C'est l'objet du titre Ier de ce projet de loi.

Si le foncier constructible est cher, c'est parce qu'il est rare. Or, on trouve souvent de nombreux terrains publics bien placés en plein cœur de nos villes, par exemple des friches ferroviaires, qui seront demain des quartiers. Parallèlement, des friches industrielles ou commerciales pourront être mises sur le marché si une fiscalité adaptée y incite enfin leurs propriétaires. C'est la raison pour laquelle les prochains projets de loi de finances vous proposeront de renforcer la taxe sur les friches commerciales.

Cette mise à disposition substantielle de foncier public et privé se conjuguera avec la mise sur le marché des terrains à bâtir des particuliers. Tel est le sens des dispositions fiscales que vous pourrez examiner dans quelques jours. Il s'agit, par une fiscalité incitative, de renchérir la détention de terrains non bâtis pour lutter contre la rente et la rétention foncière. La taxe sur les logements vacants sera par ailleurs renforcée en conséquence.

Quant au projet de loi qui nous rassemble aujourd'hui, son titre Ier permet de mobiliser le foncier public pour y construire, en permettant une cession gratuite en faveur d'opérations de logement social. L'application d'une décote sur la valeur vénale de ces terrains, qu'ils soient nus ou bâtis, est de nature à permettre l'équilibre d'opérations de logement social qui, sans elle, ne pourraient pas voir le jour.

Il ne s'agit pas, pour autant, de brader le patrimoine de l'État.

M. Henri Plagnol. Alors, qu’appelez-vous « brader » ?

Mme Cécile Duflot, ministre. Les sites concernés sont ceux que les administrations ont quittés, parfois depuis plusieurs années, ou envisagent de quitter prochainement. Je vous le confirme, les priorités de ce gouvernement ne sont pas celles du gouvernement précédent. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.).

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Enfin ! Une majorité rassemblée, pour changer !

Mme Cécile Duflot, ministre. Pour ce gouvernement, solidaire et rassemblé, l'intérêt général justifie que l'État ne cherche pas à maximiser les profits des cessions de ces terrains pour satisfaire aux objectifs de sa politique immobilière, mais participe à l'effort de la nation tout entière pour construire des logements sociaux. À chacun ses priorités.

M. Henri Plagnol. Ce n’est pas avec ça que vous allez désendetter la France !

M. Jean-Luc Laurent. Commencez par faire des logements sociaux à Saint-Maur !

M. Henri Plagnol. On en reparlera…

Mme Cécile Duflot, ministre. La décote sera obligatoire lorsque la cession profite à certains bénéficiaires et à condition que le terrain concerné soit inscrit sur une liste dressée par le préfet, à partir de données fiables et partagées entre tous les services chargés d'inventorier et d'évaluer les propriétés de l'État. Votre commission des affaires économiques a souhaité, à juste titre, préciser la gouvernance de ce dispositif. Le Gouvernement proposera un amendement de synthèse visant à répondre aux soucis d'efficacité, de lisibilité et de transparence du déroulement des opérations projetées ou en cours.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. Henri Plagnol. Autant dire que vous vous êtes trompés !

Mme Cécile Duflot, ministre. Le préfet de région sera ainsi chargé d'établir la liste des terrains concernés, après avis du comité régional de l'habitat, des communes et des établissements publics de coopération intercommunale chargés de la compétence d'urbanisme. Les acquéreurs devront rendre compte de l'avancement du programme de construction. Les délais, les conditions et les prix de cession feront l'objet d'un rapport annuel au Parlement.

M. Henri Plagnol. Ah ! Mais c’est bien différent du texte initial !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est la transparence !

Mme Cécile Duflot, ministre. Au niveau national, je souhaite que le pilotage du dispositif puisse être assuré par une instance interministérielle dédiée à cette mobilisation du foncier public en faveur du logement, ce qui témoignera de l'importance politique de la question et permettra en outre d’arbitrer entre des intérêts parfois divergents.

Les établissements publics de l'État seront eux aussi conviés à participer à l'effort collectif, dans des conditions à fixer par décret en Conseil d'État, en tenant compte de la situation de chaque établissement public et des volumes de cession envisagés. Pour répondre à l'urgence, l'État mobilise son foncier ; les collectivités territoriales, quant à elles, devront produire plus de logement social.

L’enjeu de cette loi, c'est en effet la cohésion nationale. Aujourd'hui, trop de communes persistent encore dans une logique de séparatisme social et revendiquent leur refus de construire des logements sociaux. C'est une logique scandaleuse, consistant à dire que les ménages modestes n'y ont pas leur place. On encourage ainsi la discrimination territoriale, on aggrave la pénurie de logement et on entrave le droit au logement.

M. Laurent Cathala. C’est vrai !

Mme Cécile Duflot, ministre. Nous ne pouvons pas accepter cette logique antirépublicaine de communes qui s'isolent. Pour sortir de cette situation, le Président de la République a fixé un cap et une volonté. Le cap, c'est l'égalité des territoires. La volonté, c'est la mobilisation des ressources disponibles en faveur du logement social. L'outil, c'est cette loi de mobilisation nationale pour le logement. L'État mobilise le foncier, les maires prendront leurs responsabilités.

M. Henri Plagnol. Il ne leur en reste pas beaucoup !

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable. Ah ? Vous n’avez aucune responsabilité ?

Mme Cécile Duflot, ministre. C'est une question de justice et d'équilibre. Il n'y aura pas d'égalité territoriale sans mixité sociale. C'est pourquoi je vous propose, dans le deuxième volet de cette loi, de modifier la loi SRU pour l'améliorer et lui donner plus d’ampleur. La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains est un texte fondateur et novateur, qui a posé des principes essentiels au développement des villes. Son article 55, en particulier, a rendu concret l'objectif essentiel de mixité sociale. En imposant à toute commune l'obligation d'accueillir une part minimale de logements abordables, il affirmait alors le refus d'une société de l'entre-soi.

Après dix ans d'application, le bilan de cette mesure qui faisait la part belle à l'incitation est contrasté. Il a des aspects très positifs car, dans la très grande majorité des territoires, la nécessité de produire du logement social est devenue une évidence pour tous. L'image du logement social n'est plus, sauf rares exceptions, celle du béton. Les élus bâtisseurs savent que ces logements sont d'une qualité, notamment environnementale ou architecturale, bien souvent supérieure à celle de la promotion privée. Le logement social est désormais compris par beaucoup pour ce qu'il est, c’est-à-dire un atout pour une société qui veut loger ses jeunes, ses ouvriers, ses employés, ses ménages les plus modestes – je pense par exemple aux infirmières, dont je sais qu'elles ont aujourd'hui de très grandes difficultés pour se loger dans les zones urbaines.

Pourtant, depuis 2000, l'objectif n'est que partiellement atteint. En dix ans, la part de logements sociaux des communes visées par l'article 55 de la loi SRU n'a augmenté que d'un point, de 13 à 14 %. Les dispositions prévues dans la loi de 2000 n'ont donc pas permis de rééquilibrer véritablement la répartition géographique du logement social. Si une partie des communes respecte les obligations que leur imposait la loi, d'autres ont préféré payer plutôt que contribuer à la solidarité territoriale.

M. Laurent Cathala. Comme chez Plagnol !

M. Henri Plagnol. Je vous répondrai !

Mme Cécile Duflot, ministre. Les leçons à tirer de ce bilan sont claires. Il est indispensable de rénover l'article 55 de la loi SRU pour renforcer son efficacité sur plusieurs points.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Bien sûr !

Mme Cécile Duflot, ministre. Tout d'abord, nous vous proposons un dispositif plus ambitieux. Le taux minimum de logements sociaux par commune sera porté de 20 à 25 % là où le besoin s'en fait sentir, c'est-à-dire dans les agglomérations de plus de 50 000 habitants où la pénurie justifie d'accroître l'effort de construction de logements sociaux. Pour être pleinement efficace, cette augmentation devra être ciblée, objective et adaptée aux contextes locaux.

En outre, je vous propose de renouer avec l'esprit initial du législateur en mobilisant plus vite et mieux les communes pour atteindre un objectif clair : 25 % de logements sociaux par commune en zone tendue et 20 % en zone détendue d'ici à 2025, avec des objectifs de réalisation de logements sociaux par période triennale, fixés de manière à être effectivement atteints et non reportés à chaque nouvelle échéance.

Je sais que, tout comme les sénateurs, vous êtes particulièrement soucieux que cet effort profite aux ménages les plus modestes, par le développement du logement locatif très social, financé en prêt locatif aidé d’intégration – PLAI. C'est pourquoi j'ai donné au Sénat un avis favorable à l'amendement introduisant une obligation de construire au moins 30 % de logements PLAI au titre des engagements triennaux et plafonnant les logements financés en prêt locatif social – PLS – à un maximum de 30 %. Votre rapporteure a souhaité renforcer cette règle en proposant que les futurs programmes locaux de l’habitat – PLH – la prennent en compte, de manière à lui donner toute sa portée. Nous aurons l'occasion d’en débattre.

Pour atteindre un objectif d’une telle ambition, nous sommes bien conscients qu’il nous faudra aussi contraindre. Les communes qui refuseront délibérément d'appliquer la loi devront être lourdement sanctionnées. Il est en effet intolérable que certains territoires refusent de prendre leur part de l'effort collectif de production de logements abordables. Les communes qui respecteront leurs obligations verront en revanche leur prélèvement annuel inchangé. Il alimentera comme aujourd’hui les politiques publiques des collectivités en faveur du logement social, notamment des EPCI délégataires des aides à la pierre.

Pour tenir compte de l'effort engagé par les communes qui investissent, j'ai donné un avis favorable à l'amendement introduit au Sénat qui permettra de déduire pendant deux ans, au lieu d'une seule année aujourd'hui, les dépenses engagées pour construire du logement social.

En revanche, les communes qui auront délibérément enfreint la loi, celles qui auront choisi de « ne pas faire », se verront imposer par le préfet de département un quintuplement de leur prélèvement. Il viendra alimenter un fonds national dédié au développement d'une offre spécifique pour les ménages les plus modestes.

Au-delà des sanctions financières, pour que la loi soit respectée, le travail parlementaire a conduit à renforcer également les obligations de construction dans ces communes frappées d'un constat de carence de construction de logement social. Votre commission des affaires économiques a ainsi adopté une disposition tendant à ce que toute opération d’une certaine taille – celles comportant plus de douze logements ou concernant une surface supérieure à 800 mètres carrés – comporte un seuil minimal d’au moins 30 % de logements très sociaux.

M. Jean-Luc Laurent. Excellent !

Mme Cécile Duflot, ministre. C'est là une piste très intéressante, qu'il faudra continuer à creuser.

Cette obligation qui s'appliquera aux communes carencées constitue une préfiguration intéressante de ce que pourrait être l'application de la règle des trois tiers bâtis souhaitée lors de la campagne électorale par le Président de la République. À la demande de votre rapporteure, le Gouvernement proposera, dans un délai de six mois, des modalités de mise en œuvre de cet engagement.

Cette loi n'est en effet qu'une première étape, je vous l'ai dit. Il nous faudra aussi nous attaquer beaucoup plus durement à l'habitat indigne et à ceux qui prospèrent sur la pauvreté, prévenir et traiter les situations de copropriétés dégradées, mieux sécuriser les locataires et les bailleurs, rénover les conditions dans lesquelles s'exercent les professions immobilières. Je reviendrai présenter devant vous dans quelques mois un projet de loi qui, je l’espère, répondra à ces défis.

Plus de logements sociaux équitablement répartis sur le territoire, dans de meilleurs délais et avec des sanctions plus lourdes pour les communes qui se refusent à participer à cet effort national : voilà la réforme d'urgence que je vous propose d'adopter aujourd’hui. Nos concitoyennes et nos concitoyens attendent des mesures de cette portée pour que demain l'égalité des territoires soit une réalité, mais aussi pour que chacun parvienne à se loger.

Le troisième et dernier volet de ce projet de loi nous amènera à réviser la loi relative au Grand Paris pour que les contrats de développement territorial qui y sont prévus puissent être signés dans de bonnes conditions. Il s'agit en effet de mettre en cohérence les calendriers d'élaboration de ces contrats avec celui de l'approbation du nouveau schéma directeur de la région Île-de France. En effet, le nouveau SDRIF a vocation à définir les orientations stratégiques à l'échelle de la région. Ainsi la région Île-de-France et les départements concernés pourront-ils désormais être, à leur demande, signataires des CDT, qui devront être compatibles avec le SDRIF, afin que le partenariat le plus large possible puisse être bâti autour des projets de la région capitale, où 70 000 logements devront être construits par an.

Mesdames et messieurs les députés, je vous invite à voter cette loi parce qu’elle permettra de faire face à l'urgence de la situation. Elle est nécessaire pour permettre la gratuité des terrains publics en contrepartie d'une exigence sociale forte. Elle est nécessaire pour rendre effective la mixité sociale qui permettra que, demain, la devise de notre République résonne plus fortement encore. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme Audrey Linkenheld, rapporteure de la commission des affaires économiques.

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure de la commission des affaires économiques. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre de la ville, monsieur le ministre des relations avec le Parlement, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, monsieur le rapporteur pour avis, chers collègues, après avoir débattu ces dernières semaines de l'emploi avec le projet de loi sur les emplois d'avenir, dont je salue le rapporteur, nous nous retrouvons pour aborder un autre sujet majeur : le logement. Ce calendrier parlementaire montre bien que le Gouvernement veut avancer au plus vite et de manière tout à fait cohérente pour répondre à ces deux préoccupations premières des Français que sont l'emploi et le logement.

Emploi et logement, l'un ne va d’ailleurs pas sans l'autre. On sait les difficultés que l’on rencontre pour chercher un emploi dans de bonnes conditions lorsqu’on est privé de logement ou mal logé ; on sait aussi que de nombreux citoyens renoncent à la mobilité professionnelle faute de pouvoir jouir d’une mobilité résidentielle. Inversement, nul n'ignore que trouver un logement abordable et décent relève de la gageure lorsqu'on ne peut présenter la garantie d'un emploi stable.

Dans ce contexte, je considère comme le Président de la République, et comme le Premier ministre qui nous le rappelait ici même dans sa déclaration de politique générale, que nos actions en faveur du logement jouent un rôle fondamental pour les hommes et les femmes qui subissent le mal-logement, mais également pour notre économie.

Un logement produit, c'est 1,8 emploi ; le secteur du logement, c'est 20 % de notre PIB. Produire plus de logements permet de répondre à la pénurie mais aussi de créer des emplois, de soutenir le secteur du bâtiment et de contribuer à la relance de la croissance.

Au-delà de ces aspects économiques et sociaux, l'emploi et le logement renvoient bien sûr aux enjeux écologiques et à la transition énergétique que la majorité présidentielle appelle de ses vœux. Les emplois d'avenir sont aussi ceux des filières émergentes et de l'économie verte. Le logement, c'est aussi le chantier de la rénovation thermique annoncée lors de la conférence environnementale.

La proposition de loi de François Brottes sur la tarification progressive de l'énergie, que nous examinerons dans très peu de temps, entre également en résonance avec le sujet qui nous préoccupe aujourd'hui : apporter des réponses rapides et concrètes à cette crise du logement qui dure depuis trop longtemps et touche de plein fouet toutes les catégories sociales, modestes comme moyennes.

De nombreux chiffres sont cités dans l'étude d'impact, et Mme la ministre en a souligné certains. La vérité de ces chiffres démontre que les réponses de la majorité précédente, en privilégiant l'investissement privé sans contrepartie sociale solide et en réduisant drastiquement les concours de l'État au logement social, n'ont pas été à la hauteur des enjeux. Elle montre surtout qu’elles n'ont pas permis de réduire les inégalités croissantes face au logement.

Pour inverser cette tendance et surmonter enfin la crise, il nous faut proposer un nouveau modèle social du logement, plus juste, plus inclusif, plus universel. Tel est précisément l'objet de la nouvelle politique du Gouvernement ; nous pouvons nous en féliciter.

Dans ce cadre, le présent projet de loi marque le changement dès maintenant en reprenant deux engagements forts du Président de la République, l'un sur le foncier, l'autre sur la production de logements, en vue de construire 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux.

Comme Mme la ministre l’a indiqué, ce texte est une première étape législative avant l’examen du projet de loi de finances et d’une nouvelle loi consacrée au logement et à l'urbanisme au printemps 2013.

Les grandes lignes du projet de loi ont été tracées, je ne les reprendrai pas. J'en viens directement aux débats qui ont eu lieu jeudi dernier au sein de la commission des affaires économiques.

Je remercie tous les députés, où qu’ils siègent, qui se sont mobilisés à mes côtés pour examiner ce texte malgré un calendrier un peu serré.

J'adresse un salut particulier à mes collègues du groupe SRC qui, lors de la précédente législature, avaient mené, en étudiant plusieurs propositions de loi, un véritable travail de réflexion et d'anticipation qui nous est très utile aujourd'hui pour appréhender et améliorer le présent projet de loi.

Je veux remercier aussi les administrateurs de la commission des affaires économiques pour leurs efforts diurnes et nocturnes, ainsi que toutes celles et ceux, associations, professionnels, élus, qui ont répondu nombreux à notre invitation à participer aux auditions ou qui nous ont adressé leurs contributions.

J'en viens au fond.

Je veux souligner d’emblée que pour remplir sa mission incitative en faveur du logement social, le mécanisme de décote lié à la cession des terrains publics doit être un instrument vertueux. La commission des affaires économiques a donc jugé pertinent de revenir sur la décision du Sénat, préférant rétablir le principe initial d’une décote progressive.

Nous avons également souhaité préciser les règles entourant le mécanisme et le niveau de la décote pour mieux tenir compte des circonstances relatives au terrain lui-même, au territoire sur lequel il se situe, au projet qu'il doit accueillir, ou encore à l’opérateur qui y interviendra. La progressivité doit ainsi permettre d'encourager – par exemple en fonction du type de logements sociaux existants et projetés, ou bien de la situation financière de l'acquéreur –, là où la dégressivité ne ferait que sanctionner. Grosso modo, une commune doit être encouragée à produire du logement très social en cœur de ville en bénéficiant d'une décote renforcée par rapport à une commune qui construirait des logements intermédiaires de type PLS alors qu'elle est déjà clairement en situation de carence.

De même que le Sénat a souhaité préciser la liste des logements sociaux concernés par les obligations type SRU en réintroduisant les centres d’hébergement et de réinsertion sociale, ce dont nous nous réjouissons, de même, s'agissant de la décote, la commission des affaires économiques a adopté une définition plus claire, et du même coup plus restrictive, de l’accession sociale à la propriété, afin d’éviter tout détournement au détriment du logement locatif social, détournements auxquels certains auraient pu songer.

Notre volonté de rendre la cession la plus efficace possible pour faire sortir rapidement de terre un grand nombre de logements sociaux nous a en outre conduits à débattre de la possibilité pour les promoteurs privés, dans le cadre d'une convention extrêmement précise conclue avec la collectivité, de bénéficier directement du mécanisme de décote dès lors qu'ils s'engagent, par exemple sous forme de VEFA, à construire des logements sociaux. Ce débat sera sans doute repris et clos en séance. Comme le sera certainement celui concernant la possibilité d'étendre le principe de décote à certains équipements publics directement afférents aux projets de logements – je pense notamment aux écoles.

Au titre Ier, la commission a surtout apporté quelques enrichissements pour que le dispositif de cession et de décote prévu dans le projet de loi porte réellement et surtout rapidement ses fruits, tirant les leçons du plan de mobilisation 2008-2012. Ce plan a certes représenté une avancée mais, au vu de ses résultats, qui sont rappelés dans l'étude d'impact et qui nous ont été confirmés lors des auditions, et au vu de l'urgence sociale et économique, il est clair qu'il faut aller plus vite, voir plus grand et vendre moins cher pour donner une priorité plus forte au logement social.

S'assurer de la mise à jour de la liste des terrains pouvant être mobilisés, fluidifier les transactions, vérifier le respect des engagements pris en matière de construction, améliorer le traitement par France Domaine : ce sont là autant de points soulignés lors des auditions et des débats.

Pour renforcer le suivi et le contrôle du dispositif, nous avons donc souhaité amplifier le rôle du comité régional de l'habitat, en lien plus direct avec la commune et l'EPCI concernés, mais aussi en lien avec le ministère du logement et le Parlement. Une initiative partagée prise lors de nos débats en séance permettra d’aller probablement plus loin encore.

En outre, pour que le mécanisme de décote ne constitue pas un effet d'aubaine, la commission a étendu la portée des clauses anti-spéculatives, en augmentant leur durée de cinq à douze ans et en précisant clairement que la décote ne concerne évidemment que le tout premier acquéreur.

Enfin, dans le cas d'un acquéreur qui aurait bénéficié de la décote mais qui n'aurait pas réalisé les engagements pris, la résolution de la vente nous ayant été signalée comme difficile à mettre en œuvre dans le passé, nous avons réintroduit la possibilité pour l’État de demander des indemnités préjudicielles pouvant aller jusqu’au double du montant de la décote accordée.

On voit bien qu'il n'est pas question de brader le patrimoine de l'État ou de ses établissements publics.

Dans la seconde partie du projet de loi, le titre II, la commission s'est particulièrement penchée, comme d'ailleurs le Sénat avant elle, sur la typologie des logements sociaux construits.

La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains du 13 décembre 2000 est historique. Elle est à l'origine de la progression importante de la production de logements sociaux ces dix dernières années. Plus que jamais, il s'agit de faire en sorte que les logements sociaux construits et les loyers qui leur correspondent soient réellement conformes aux besoins qui s'expriment localement. La commission a donc clairement affirmé son soutien au relèvement du taux de 20 à 25 %, aux objectifs triennaux, à la possibilité de quintupler les sanctions et au périmètre actuel des logements sociaux comptabilisés.

Elle a souhaité étendre la disposition, votée au Sénat, qui impose un plafond de logements financés en PLS et un plancher de logements financés en PLAI à un maximum de communes, au-delà de celles qui ne sont pas couvertes par un PLH. Sont ainsi concernées celles qui seront couvertes par un PLH à partir du 1er janvier 2014 et celles qui le sont déjà puisqu’il leur est permis jusqu'au 31 décembre 2015 de modifier leur PLH en conséquence.

Enfin – ou plutôt d'abord puisque je reviens au début du titre II – parce que la mixité sociale doit jouer dans les deux sens, pour paraphraser un collègue siégeant de l'autre côté de l'hémicycle ; parce que nous voulons en même temps plus de solidarité et plus de diversité, la commission a introduit un article liminaire visant à demander au Gouvernement la remise sous six mois d'un rapport relatif à la règle des trois tiers bâtis : un tiers de logement social, un tiers de logement intermédiaire et un tiers de logement libre au sein d’un même programme de construction.

M. Henri Plagnol. Ça, c’est très bien !

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. Vous le savez, c'est une règle sur laquelle le Président de la République s'est engagé.

Associant étroitement mixité sociale et mixité territoriale, cette règle, à laquelle le groupe SRC tient beaucoup,…

Mme Annick Lepetit. Tout à fait !

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. …tend à éviter, par exemple, que certaines communes ne rattrapent leur retard en cantonnant tous les logements sociaux au même endroit. Le rapport demandé aura pour objectif d’étudier les conditions d’une bonne instauration de cette règle, en définissant notamment le seuil, en nombre de logements ou en surface, à partir duquel elle pourrait s’appliquer et en fixant les contours de sa généralisation, tout en permettant bien sûr de tenir compte des circonstances locales propres à chaque territoire.

Parce que nous ne confondons pas vitesse et précipitation, nous avons également demandé un rapport sur le permis de louer, afin de répondre à ce problème difficile que reste l’habitat indigne dans des départements tels que la Seine-Saint-Denis – hélas ! durement touchée ces derniers jours – ou le Nord et le Pas-de-Calais, que je connais bien.

M. Jean-Marc Germain. Très bien !

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. S’agissant du titre III, je laisse à mon collègue rapporteur pour avis de la commission du développement durable le soin de compléter mon propos. En tout état de cause, vous l’aurez compris, la commission des affaires économiques vous demande d’adopter ce projet de loi.

J’en viens maintenant à ma conclusion.

Avec ce texte et les améliorations que la représentation nationale y apportera, nous enclenchons, à la suite du décret estival sur les loyers, la mobilisation générale en faveur du logement, dont vous avez, madame la ministre, esquissé la feuille de route ces derniers jours. Encadrement des loyers, relèvement du plafond du livret A, réorientation des financements publics, inversion de la fiscalité sur les plus-values pour empêcher la rétention foncière, lutte accentuée contre la vacance des logements, éradication de l’habitat indigne, remise à niveau des copropriétés dégradées, sécurisation des relations locatives dans le privé comme dans le parc HLM, rénovation thermique : tels sont les nombreux défis à relever.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est un peu plus qu’une esquisse ! (Sourires.)

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. Ce projet de loi n’épuise donc pas les nombreuses réponses à la crise du logement. Le texte que nous examinons n’est qu’une première étape – il faut le garder présent à l’esprit –, mais c’est une étape essentielle, incontournable, pour répondre à l’urgence sociale et économique que vit la France et améliorer rapidement le quotidien de nombre de nos concitoyens.

Madame la ministre, mes chers collègues, soyons prêts à nous engager sur ce chemin, pour le changement ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alexis Bachelay, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Alexis Bachelay, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les ministres, messieurs les présidents de commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est présenté est un texte important de ce début de législature et les attentes de nos concitoyens en matière de logement justifient que nous l’examinions en urgence, au cours de cette session extraordinaire.

Depuis des années, les inégalités s’accroissent dans ce domaine : la pénurie de logements, conjuguée à la fragilisation du pouvoir d’achat des ménages, aggrave les effets de la forte hausse des prix. Aussi l’objectif central du projet de loi est-il de répondre directement à cette problématique qui touche nombre de nos concitoyens.

L’augmentation de la construction de logements, en particulier sociaux – objectif à atteindre sur l’ensemble du territoire –, est directement liée, en Île-de-France, au projet du Grand Paris, d’une part, et au schéma directeur de la région Île-de-France – le SDRIF –, d’autre part. La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire m’a donc confié la tâche de vous présenter son rapport pour avis sur deux articles du projet de loi : l’article 15, présenté par le Gouvernement, et l’article 16, introduit par nos collègues sénateurs.

L’article 15 améliore le régime juridique d’un dispositif central de la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, celui des contrats de développement territorial – les CDT. L’insertion de cet article dans le projet de loi se justifie non seulement par le fait qu’il doit impérativement être introduit dans notre droit avant la fin du mois d’octobre 2012, mais aussi par le lien direct qui existe entre le projet du Grand Paris et le logement, via, justement, les contrats de développement territorial.

L’une des ambitions de la loi sur le Grand Paris votée en 2010 était de mener à bien la construction de 70 000 logements par an en région parisienne, c’est-à-dire de doubler le rythme de construction actuel. Les CDT, outils innovants de partenariat entre collectivités, déclinent cet objectif sur des territoires plus restreints, les bassins de territorialisation. Aucun cadrage n’a été imposé en matière de logements sociaux, mais un taux indicatif de 30 % a été fixé comme objectif par le préfet de la région Île-de-France en juin 2011. Les CDT doivent, de ce fait, préciser le pourcentage de logements sociaux à réaliser sur leur territoire. Les 70 000 logements à venir seront répartis comme suit : 6 % à Paris, 46 % en petite couronne et 48 % en grande couronne. Pour mon département des Hauts-de-Seine, par exemple, l’objectif, fixé en juin 2011, est la construction de 11 600 logements par an.

Le champ couvert par les CDT s’étend bien au-delà de la question du logement. Ceux-ci permettront en effet la traduction concrète de l’ensemble des opérations du Grand Paris, qu’il s’agisse des projets pour l’emploi, de la maîtrise de la densification urbaine, des réseaux de transports, du volet « environnement », des chantiers dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche ou des projets d’équipements culturels et sportifs.

Adapter très précisément à chaque territoire les engagements du Grand Paris, tel est l’objet de ces contrats. Ils sont élaborés par l’État, les communes et les EPCI, et ne sont pas obligatoires ; ce sont des outils juridiques proposés aux collectivités pour construire leurs « projets de territoire ». Vingt projets de CDT sont en cours d’élaboration.

Toutefois, leur régime, fixé par la loi du 3 juin 2010, comportait trois éléments problématiques, auxquels le présent projet de loi, par son article 15, apporte des éclaircissements. Le Sénat a approuvé les trois solutions proposées sans modification.

Se posait, tout d’abord, un problème de calendrier. Chaque projet de CDT doit en effet faire l’objet, avant sa signature, d’une enquête publique. La loi de 2010 prévoit que la décision d’ouvrir cette enquête publique doit, pour la quasi totalité des CDT, être prise avant le 26 février 2013. En outre, le comité de pilotage, qui réunit représentants de l’État, des communes et des EPCI, doit valider le projet de contrat sur lequel portera l’enquête quatre mois avant l’ouverture de celle-ci, soit au plus tard le 25 octobre 2013. Or ce délai s’avère trop court, ainsi que beaucoup d’élus locaux nous l’ont fait savoir. L’état d’avancement des projets de CDT est en effet très variable d’un territoire à l’autre : certains d’entre eux progressent de manière remarquable mais, à ce jour, selon les informations qui m’ont été données par la préfecture d’Île-de-France, aucune enquête publique n’a encore pu être ouverte. Ainsi, la très grande majorité des projets de CDT ne pourront pas respecter le double délai prévu. C’est pourquoi il est proposé de repousser la date limite pour l’ouverture des enquêtes publiques au 31 décembre 2013.

Deuxième amélioration apportée : la possibilité offerte à la région Île-de-France et aux huit conseils généraux de devenir parties prenantes des CDT de leur choix. Dans le régime actuel, la région et les départements ne sont que consultés. Il n’est pas question de les obliger à s’engager automatiquement dans tous les CDT, afin de respecter la logique du dispositif initial, qui n’oblige pas non plus toutes les communes, ni tous les EPCI, à s’engager dans ce travail de contractualisation.

Enfin, le problème le plus délicat à régler est celui de l’articulation entre les futurs CDT et le futur SDRIF en cours de révision. Puisque certains CDT sont susceptibles d’être finalisés dans le courant de l’année prochaine, alors que l’adoption du nouveau schéma directeur régional n’est attendue que pour fin 2013, ce futur SDRIF risque-t-il de remettre en cause certains CDT ? À cette question, une loi du 15 juin 2011 a déjà apporté un élément de solution : elle dispose que la nouvelle révision du SDRIF, lancée à l’été 2011, portera notamment « sur la mise en œuvre des contrats de développement territorial prévus » par la loi sur le Grand Paris. Ceci crée un lien juridique entre les CDT et le SDRIF et implique que les CDT déjà signés seront pris en compte dans l’élaboration du SDRIF.

L’article 15 du projet de loi permet désormais une mise en compatibilité des CDT avec le SDRIF afin de ne pas obliger les auteurs des CDT à inscrire ceux-ci dans le cadre du schéma en vigueur, qui est largement obsolète puisqu’il date de 1994, dans l’attente du nouveau SDRIF en cours d’élaboration. Il serait inconfortable que les deux processus, celui des CDT et celui du SDRIF, qui se déroulent simultanément, ne cheminent pas en harmonie. Un degré maximal de cohérence doit être assuré. Le fait que l’État soit coauteur de chaque CDT et coauteur du SDRIF minimise le risque juridique qui va exister pendant une période de quelques mois. La possibilité pour la région, l’autre coauteur du SDRIF, de s’impliquer activement dans les CDT minimisera davantage encore ce risque, que nous devrons malgré tout prendre en considération au cours de l’examen du texte.

La question de l’articulation entre le SDRIF et les autres documents d’aménagement et d’urbanisme est également abordée à l’article 16 du projet de loi, qui a été introduit par le Sénat. En effet, la loi du 15 juin 2011 a créé un régime dérogatoire temporaire qui s’applique en attendant l’adoption du nouveau SDRIF. Ce régime dérogatoire a permis de débloquer les projets qui respectaient à la fois les dispositions du projet de SDRIF de 2008 et celles de la loi sur le Grand Paris. Toutefois, cette loi ne visait que les projets déjà adoptés et non les révisions et modifications de documents d’urbanisme en cours. Or de nombreux SCOT et PLU sont en cours d’élaboration. L’article 16 vise donc à étendre le bénéfice du régime dérogatoire à tous ces documents.

Mes chers collègues, les articles 15 et 16 sont indispensables pour perfectionner le dispositif des CDT et renforcer la sécurité juridique des opérations d’urbanisme des collectivités d’Île-de-France. La commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a approuvé ces deux dispositions. À ce propos, je tiens à saluer le travail que la commission des affaires économiques et la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire ont mené en commun, grâce notamment au président François Brottes.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je suis là pour ça !

M. Alexis Bachelay, rapporteur pour avis. Certes, mais je tenais à le souligner parce que nous avons bien travaillé ensemble et qu’il est rare que deux commissions aient l’occasion de collaborer ainsi.

Ces dispositions marquent une première étape décisive de la mise en œuvre de ce projet d’envergure dans la région capitale. Je ne doute ni de la détermination du Gouvernement pour le mener à bien, ni de sa capacité à mener le nécessaire débat sur l’évolution de la gouvernance de la métropole parisienne, complément indispensable au Grand Paris.

Mes chers collègues, en adoptant ce projet de loi, notamment ses articles 15 et 16, nous préparerons la région capitale au défi de ce siècle. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission du développement durable.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Excellent président !

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable. Nous verrons dans cinq ans, mon cher collègue. (Sourires.)

Mme la présidente. Vous avez la parole, Monsieur Chanteguet.

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire s’est saisie pour avis du projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement du logement social, en particulier de ses articles 15 et 16, en raison de leurs liens avec deux textes relatifs au projet du Grand Paris qu’elle avait examinés au cours de la treizième législature : d’une part, le projet de loi relatif au Grand Paris, devenu la loi du 3 juin 2010, et, d’autre part, la proposition de loi visant à faciliter la mise en chantier des projets des collectivités locales d’Île-de-France, devenue la loi du 15 juin 2011.

La commission des affaires économiques, saisie au fond, nous a délégué le soin de nous prononcer sur ces deux dispositions qui entrent dans le domaine de compétence de la commission et qui ont déjà fait l’objet de nombreux débats. Notre rapporteur a souligné que la présence des dispositions du projet de loi concernant les contrats de développement territorial en Île-de-France était tout à fait légitime dans un texte consacré au logement, pour une raison de calendrier et pour une raison de fond.

Le Grand Paris, projet global, multidimensionnel et d’intérêt national, comporte en effet un important volet « logement », dont on parle moins que du volet « transports » mais qui constitue l’une de ses ambitions les plus grandes : mettre fin à l’insuffisance de logements en région parisienne en menant à bien la construction de 70 000 logements par an, les CDT devant décliner cet objectif global sur des territoires infrarégionaux, voire infradépartementaux.

Par ailleurs, la superposition de textes au moment où la région capitale ne dispose pas d’un schéma directeur actualisé nécessite des ajustements permanents. Le délai de révision du SDRIF rend plus complexe l’élaboration d’un certain nombre de documents d’urbanisme et introduit quelquefois des incertitudes juridiques qu’il nous paraît nécessaire de lever. Ainsi l’introduction par le Sénat de l’article 16 a pour objet de remédier à un oubli de la loi du 15 juin 2011 et de débloquer des projets et des opérations d’aménagement en Île-de-France. C’est d’ailleurs ce qu’avaient déjà souligné nos collègues Yves Albarello et Annick Lepetit dans leur rapport de suivi de la mise en application de la loi relative au Grand Paris.

Le suivi de l’application de cette loi sera poursuivi, pendant cette législature, grâce au travail engagé par nos deux nouveaux co-rapporteurs, Yves Albarello et Alexis Bachelay. L’objectif « logement » n’est cependant pas le seul du projet de Grand Paris et toute approche cohérente en matière d’aménagement du territoire suppose que soient pris en compte les besoins de la population en infrastructures et en équipements dans les domaines des transports – publics mais aussi privés –, de l’éducation, de la santé et de l’emploi.

C’est pourquoi vous me permettrez, madame la ministre, d’évoquer devant vous le projet du Grand Paris dans sa dimension fondamentale d’aménagement du territoire. On voit bien, à travers les textes que nous examinons, que le temps manque pour conclure les contrats de développement territorial et lancer les enquêtes publiques. Le Grand Paris soulève encore de nombreuses questions, tant en termes de gouvernance qu’en termes d’engagements financiers – à commencer par ceux de l’État.

Certains aspects techniques du réseau de transport Grand Paris Express n’ont pas encore trouvé de solutions, et la question du phasage des travaux et du calendrier de réalisation des infrastructures se pose encore. Nous espérons tous que ces interrogations trouveront des réponses dans les mois et les années à venir et que l’impulsion de l’État ne faillira pas.

Dans l’immédiat, il convient d’améliorer le cadre juridique, ce qui fait l’objet de l’article 15 du projet. Par ailleurs, il est nécessaire de résoudre un problème de compatibilité entre le SDRIF et un certain nombre de documents d’urbanisme des collectivités locales d’Île-de-France, ce qui fait l’objet de l’article 16. C’est pourquoi la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a donné un avis favorable à l’adoption de ces deux articles. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Motion de rejet préalable

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.

La parole est à M. Marc-Philippe Daubresse.

M. Jean Glavany. C’est de l’obstruction pure ! Personne n’est dupe ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Devedjian. Quand vous étiez dans l’opposition, vous appeliez cela un éclaircissement !

Mme la présidente. Allons, mes chers collègues !

Vous avez la parole, monsieur Daubresse.

M. Marc-Philippe Daubresse. Madame la présidente, messieurs les ministres, mes chers collègues, je regrette que Mme Duflot ne soit pas là (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

Mme Annick Lepetit. Elle vous entend, ne vous en faites pas !

Plusieurs députés du groupe SRC. Elle va revenir !

M. Marc-Philippe Daubresse. Si elle revient, tant mieux, car j’ai des choses à lui dire et je préfère le faire sans passer par l’intermédiaire d’un écran de télévision. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Alexis Bachelay, rapporteur. Ce n’est pas très galant !

M. Jean-Paul Chanteguet, président de la commission du développement durable. Ni très fair-play !

M. Marc-Philippe Daubresse. Comme vous le savez, mes chers collègues, le groupe UMP a déposé une motion de rejet préalable, à la fois pour des questions de forme et de fond.

Sur la forme, parce que le Gouvernement nous présente un projet de réforme de la politique du logement inachevé, en utilisant une procédure précipitée. Après l’inertie de juillet, voici qu’arrive la panique de septembre !

En 2008, les parlementaires de gauche – dont tous n’étaient pas ici, il est vrai – estimaient que les pouvoirs du Parlement n’étaient pas suffisants. En juillet 2008, nous avons donc révisé la Constitution, afin de renforcer le rôle du Parlement et de donner des droits nouveaux aux parlementaires.

Pour renforcer les pouvoirs de la représentation nationale, la procédure législative a été encadrée, notamment par l’instauration d’un certain nombre de délais, afin que le travail parlementaire puisse se dérouler convenablement. D’ailleurs, chers collègues de gauche, vous estimiez vous-mêmes, autant au Sénat qu’à l’Assemblée nationale, qu’il fallait au moins six semaines de délai pour effectuer un travail sérieux à partir du moment où les projets de loi étaient déposés et présentés en conseil des ministres. Vous affirmiez qu’il fallait, pour des textes aussi importants que celui-ci, garantir la navette parlementaire, mais aussi donner aux commissions la possibilité d’effectuer en amont des analyses, des études, des expertises, des débats, en prévoyant des délais complémentaires. En somme, vous nous demandiez de respecter le travail du Parlement.

Tout cela rend d’autant plus surprenante la méthode que vient d’utiliser le gouvernement de M. Ayrault en ce début de session – une méthode sans précédent ! Je rappelle que, sous la précédente législature, la session extraordinaire s’ouvrant le 6 septembre 2011 avait été convoquée le 1er août, et pas à la fin du mois d’août ; quant à celle débutant le 7 septembre 2010, elle avait été convoquée le 27 juillet ; il en avait été de même en 2009 et en 2008. En cinq ans, plus de 250 lois ont ainsi été promulguées.

On a très rarement vu un délai aussi court entre le dépôt au conseil des ministres et la première lecture au Parlement : en l’occurrence, il y a eu moins de six jours entre le dépôt au conseil des ministres et l’examen au Sénat, et aucune commission n’a pu examiner…

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Il faudrait savoir ! Vous nous accusiez de faire preuve d’immobilisme !

M. Marc-Philippe Daubresse. Voulez-vous que je ressorte le Journal officiel pour vous rappeler ce que vous disiez sous les précédentes législatures ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean Glavany. Ne vous gênez pas !

M. Marc-Philippe Daubresse. Cela vous inspirerait peut-être un peu d’humilité, ce qui ne serait pas superflu, quand on voit comment vous vous comportez avec un projet de loi d’une telle importance !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Là où vous brassiez de l’air pour rien, nous nous activons pour quelque chose !

M. Marc-Philippe Daubresse. Jamais la précédente majorité n’avait fait preuve d’une pareille imprévision ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Je sais bien qu’il n’est pas toujours facile de devenir des godillots de la majorité, et que c’est parfois avec des pieds de plomb que l’on vote certains textes (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. François Pupponi. C’est un expert qui parle !

M. Marc-Philippe Daubresse. …mais tel est désormais votre sort, mes chers collègues, et il faudra bien vous y faire. Vous acceptez donc sans broncher que les délais d’examen du présent projet de loi soient extrêmement réduits, ce qui va à l’encontre de la Constitution de la République. Les articles 42 et 44 ne sont pas respectés – et encore moins l’article 45, qui prévoit, pour la procédure accélérée venant se substituer à la déclaration d’urgence, des conditions et des délais qui, en l’occurrence, n’ont absolument pas été respectés. Enfin, vous n’avez fait aucun cas de l’article 39, en application duquel des études d’impact doivent être menées au-delà d’un certain seuil le justifiant – ce qui ne fait ici aucun doute, l’impact sur les collectivités locales des mesures que vous proposez au sujet de la loi SRU et de la réforme du Grand Paris étant évident.

Vous ne respectez pas davantage la Constitution en ce qui concerne le principe de libre administration des collectivités locales – Dieu sait pourtant que nous en avons parlé ici même (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. Jean Glavany. La République est laïque !

M. Marc-Philippe Daubresse. Vous ne m’avez jamais impressionné, monsieur Glavany, et ce n’est pas aujourd’hui que vous allez commencer.

M. Jean Glavany. Je veux simplement vous rappeler les principes républicains !

M. Marc-Philippe Daubresse. Et moi, je vous dis que ce projet de loi ne respecte pas le principe de la libre administration des collectivités territoriales lorsqu’il aggrave les amendes de la loi SRU et prévoit que ces amendes majorées seront versées, non plus aux intercommunalités, mais à un fonds national, ce qui fait que les maires bloqués pour construire des logements du fait des intercommunalités vont devoir acquitter des prélèvements qui ne seront pas affectés à la construction de logements sociaux, mais à une caisse d’État, pour une utilisation indéterminée.

M. Henri Plagnol. Eh oui !

M. Marc-Philippe Daubresse. C’est là une atteinte évidente au principe de libre administration des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mes chers collègues, pour réunir le Parlement en session extraordinaire, encore faut-il avoir prévu un ordre du jour et préparé des projets de loi avec un programme et un agenda cohérents. Or qu’en est-il de ce projet de loi sur le logement ? (Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement rejoint le banc du Gouvernement.)

Je me réjouis de vous voir de retour parmi nous, madame Duflot ! Je vous ai suivie de mon bureau tout à l’heure (« Il avoue ! » sur les bancs du groupe SRC)

Mme Annick Lepetit. C’était bien la peine de donner des leçons !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Décidément, vous avez un peu de mal avec la courtoisie, mon cher collègue !

M. Marc-Philippe Daubresse. Je veux simplement dire que j’ai apprécié de pouvoir suivre l’intervention de Mme Duflot de mon bureau : cela m’a permis de rectifier certaines parties de mon propre discours en fonction de ce qu’elle avait dit.

Mais j’en reviens au projet de loi. En quoi consiste-t-il réellement ? Vous morcelez la politique du logement en disposant, çà et là, quelques mesures pour mobiliser le foncier, pour réformer la loi sur le Grand Paris, pour changer certaines modalités de la loi Gayssot de 1999. Vous nous renvoyez ensuite à la loi de finances pour quelques petites mesures fiscales, et enfin à deux autres lois, l’une relative à la rénovation thermique – qui vous échappe pour partie – et l’autre aux réformes en matière d’urbanisme. Au total, vous nous renvoyez à cinq dispositifs différents !

Je vous rappelle que la loi de cohésion sociale que nous avons présentée avec Jean-Louis Borloo, était une loi cohérente, qui utilisait simultanément les trois leviers à manœuvrer en priorité en période de crise, à savoir l’emploi, le logement et l’égalité des chances. Ce faisant, nous avons traité en même temps tous les segments de la chaîne du logement : pas seulement le logement public social, pas seulement le logement HLM, mais aussi les autres maillons de la chaîne que sont le logement très social et l’accession sociale à la propriété.

Si vous faites le tour des élus locaux, la plupart vous diront que les deux segments les plus en péril actuellement sont le logement très social et l’accession sociale à la propriété, et non pas le logement social HLM. Si, un jour, on se décide à réformer la loi SRU, il faudra bien se demander ce qu’est le logement social, c’est-à-dire à partir de quand un logement devient social. Est-ce le financement de la construction d’un logement qui conditionne sa classification ? Une personne vivant dans un logement public HLM devient-elle moins « sociale » par le simple fait de passer à un logement privé – même considéré de fait comme un logement social ?

Dans ma commune de Lambersart, il y a quarante courées, héritées de l’âge d’or de l’industrie textile – M. Durand sait de quoi je parle – et occupées chacune par une vingtaine de personnes. Pourquoi les 800 personnes vivant dans ce qui constitue un logement social de fait ne sont-elles pas considérées comme une population sociale, alors qu’elles sont bien plus pauvres que celles vivant dans le quartier HLM voisin ?

Mme Audrey Linkenheld, rapporteur. Elles ne payent pas le même loyer !

M. Marc-Philippe Daubresse. On essaie de favoriser le parcours résidentiel, c’est-à-dire le passage d’une personne du secteur locatif à la location-accession qui, pour le même coût mensuel, offre la chance de pouvoir accéder à la propriété. Pourquoi un logement perd-il son caractère social dès lors qu’il entre dans le cadre de l’accession sociale à la propriété ?

C’est bien l’erreur de votre projet de loi que de travailler sur des aspects segmentés, alors que tout se tient dans la chaîne du logement, y compris la question, fondamentale pour vous, de l’hébergement. Nous ne résoudrons pas tous les problèmes relatifs à l’hébergement et à la terrible misère des populations concernées si nous ne disposons pas d’un sas permettant de favoriser le passage de ces populations vers le logement très social.

Même si, durant les vacances, le Président de la République a été plus résident que président (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. Jean Glavany. Quelle hauteur de vue !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Vous, vous avez fait preuve d’une belle cohérence dans l’échec !

M. Marc-Philippe Daubresse. …– de même que M. Ayrault a plus occupé sa fonction qu’il ne l’a exercée – j’ai bien entendu M. Hollande nous dire, à la rentrée, que le changement était pour dans deux ans. Chiche, rendez-vous dans deux ans ! Mais c’est dur, d’infléchir une politique du logement en deux ans !

Comme je l’ai dit, j’ai eu le privilège de faire voter, ici même, la loi relative au plan de cohésion sociale. Par rapport aux chiffres affichés par le gouvernement Jospin, nous avons triplé le financement social, quintuplé le financement du logement très social et quadruplé le financement de l’accession sociale à la propriété. Nous sommes ainsi passés en deux ans de 310 000 constructions neuves à 450 000 fin 2006, avec une évolution qui s’est poursuivie en 2007.

Aujourd’hui, cela nous permet de vous donner rendez-vous dans deux ans. Mais si vous voulez être au rendez-vous, si vous voulez augmenter la construction neuve, l’accession sociale, le logement HLM social et le logement très social, il va falloir travailler d’une autre manière, et mobiliser également le parc privé ancien : c’est l’une des conditions du succès.

Vous avancez le chiffre de 500 000 constructions neuves, quand nous avions été plus modestes, avec Jean-Louis Borloo, en visant le chiffre de 400 000 – ce qui ne nous a pas empêchés d’atteindre les 467 000 fin 2007. Certes, nous sommes ensuite redescendus – les deux crises mondiales y sont pour quelque chose – jusqu’à un étiage nécessitant des mesures exceptionnelles : il faut aujourd’hui aller beaucoup plus loin en matière de politique du logement.

Sur ce point, ce n’est pas en réitérant la méthode de M. Gayssot, une méthode de coercition qui a donné des résultats inégaux, comme vous l’avez vous-même reconnu, madame la ministre, au Sénat et à l’Assemblée, que vous allez régler le problème. Certes, il y a quelques maires récalcitrants, mais bien des maires concernés par la loi SRU ont fait des efforts considérables dans leur commune et ne méritent certainement pas d’être considérés comme des hors-la-loi – une expression scélérate pour désigner des personnes respectant depuis le début la loi SRU, et qui sont même parfois allés au-delà des objectifs prévus. Ceux qui ont fait bien plus que de s’en tenir au strict respect des exigences de la loi, pourquoi n’ont-ils même pas été incités à le faire ? Et pourquoi parle-t-on toujours de coercition pour une minorité de mauvais élèves, quand il y a une majorité de personnes qui ont essayé de réaliser la mixité sociale ?

Par ailleurs, dans certaines communes, où le problème n’est pas qu’il n’y a pas assez de logements sociaux, mais qu’il y en a trop,…

M. Henri Plagnol. Beaucoup trop !

M. Marc-Philippe Daubresse. …ou dans les quartiers en rénovation urbaine, on se heurte aujourd’hui à la politique menée en matière d’accession sociale à la propriété.

J’aimerais bien, à cet égard, que vous m’expliquiez pourquoi vous êtes en train de tuer le Crédit immobilier de France, alors qu’il n’était pas du tout en péril, l’affaire de l’agence de notation étant tout simplement due à un problème de financement sur les marchés extérieurs. Pourquoi, dès lors, supprimer par la même occasion 400 000 accessions sociales à la propriété par an, au moment même où les banques qui distribuent des prêts à taux zéro arrêtent d’en accorder ? En effet, avec les ratios prudentiels découlant de Bâle III, sans oublier la nécessité de garder un certain niveau de fonds propres et celle de continuer à financer les entreprises, elles se trouvent dans une situation où elles n’acceptent plus d’accorder, dans nos communes, un seul prêt à taux zéro pour accéder à la propriété.

Quelle politique entendez-vous mener pour permettre à certaines personnes d’avoir un parcours résidentiel, ce qui libérerait autant de logements sociaux ? Quelle politique comptez-vous mener pour obtenir, comme nous l’avons fait pour notre part au cours du quinquennat de Jacques Chirac et de celui de Nicolas Sarkozy, une mobilisation du parc privé qui ne se limite pas à la lutte contre la précarité énergétique – même si c’est important –, mais qui vise aussi à créer du logement locatif intermédiaire, dont nous avons cruellement besoin dans nos communes ?

M. Henri Plagnol. Très bien !

M. Marc-Philippe Daubresse. Que comptez-vous faire, au-delà de la décote, en ce qui concerne le foncier ?

J’avais d’ailleurs fait inscrire cette décote dans deux textes – la loi de programmation pour la cohésion sociale et la loi portant engagement national pour le logement –, en la fixant à 35 %. De votre côté, vous nous répétez ce que les technocrates disaient déjà à l’époque : « On va procéder par décret. » Or ce n’est pas un décret qu’il faut prendre pour savoir quels terrains on va retenir dans le foncier de l’État ou des organismes parapublics. Pour ce faire, il faut engager une concertation sur le terrain, avec les collectivités locales.

C’est ainsi que, dans ma commune de la communauté urbaine de Lille, que Mme la rapporteure connaît bien, nous avons la capacité de discuter de l’ensemble du foncier de l’État, mais dans une relation partenariale et en contact avec un certain nombre d’organismes – Voies navigables de France, la SNCF, Réseau ferré de France ou encore les centres hospitaliers régionaux – pour jouer gagnant-gagnant. Bien sûr, une partie des terrains – par exemple certains délaissés ferroviaires de la SNCF, à côté de telle petite gare – peut être mise à disposition pour construire du logement social. Mais on aura du mal à m’expliquer comment la SNCF pourrait renoncer au bénéfice d’un terrain comme celui de Saint-Sauveur, en plein centre de Lille, à côté de la mairie, dont elle a un grand besoin. On aura tout autant de mal à m’expliquer, au moment où personne ne peut nous rassurer sur le canal Seine-Nord Europe, que nous sommes un certain nombre ici à avoir défendu, comment on va pouvoir piquer de l’argent à VNF, alors même qu’il lui manque 1 milliard, voire plus, pour boucler son budget !

Ce n’est donc pas par décret qu’il faut procéder ; il faut utiliser une autre méthode. Vous savez, j’ai été plusieurs fois ministre ; le coup du décret, on me l’a fait ! Ce n’est rien d’autre qu’une manière, pour Bercy, de mettre la main – et pas de façon amicale – sur la politique du logement.

Pouvez-vous nous dire, madame la ministre, si les 3,5 à 5 milliards d’euros qui vont être piqués au Crédit immobilier – c’est ce qui reste dans la caisse – vont être affectés au budget du logement ? Ou bien ne serviront-ils pas plutôt à boucher les trous d’un budget dont, aujourd’hui encore, on ne sait pas comment il va pouvoir financer, par exemple, les contrats de génération ?

Quand vous dites que vous allez quintupler les amendes et que l’argent ainsi versé à la caisse que vous allez créer sera laissé à la diligence, non pas des communes, ni même des intercommunalités, mais de l’État, nous craignons que cela ne serve à boucher les trous d’un budget qui ressemble de plus en plus à un fromage de gruyère !

Voilà donc les questions qui se posent ; voilà l’ensemble de la chaîne du logement qu’il faut évoquer ; voilà pourquoi nous ne sommes pas très rassurés, et cela d’autant moins que vous voulez passer à la hussarde. Il n’y a quasiment pas eu de discussion au Sénat, alors que certains amendements, qui n’étaient ni politisés ni idéologiques, avaient été présentés par des personnes comme Valérie Létard ou François-Noël Buffet, dans le but d’avoir une discussion loyale…

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Nous ne sommes pas au Sénat !

M. Marc-Philippe Daubresse. Je le sais bien et je ne préjuge pas non plus de ce qui va se passer ici, mais je dis ce qui vient d’arriver dans l’autre assemblée.

M. Christian Jacob. Eh oui ! Il faut suivre !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je vous le signalais seulement pour mémoire…

M. Marc-Philippe Daubresse. On est relativement éclairé sur l’attitude du Gouvernement quand on constate que, dans la première assemblée où le texte a été discuté, 90 % des amendements, voire plus, ont été rejetés.

Pour ma part – vous pouvez le vérifier, monsieur Brottes – quand j’ai présenté la loi pour la cohésion sociale, j’ai accepté des amendements socialistes et communistes. Le groupe communiste du Sénat, tout comme celui de cette assemblée, s’est d’ailleurs abstenu sur le texte alors qu’il s’apprêtait à voter contre.

Sur un sujet de cette nature, vous ne devriez pas passer à la hussarde, de manière précipitée, en imposant les choses comme vous le faites : « On va renforcer les amendes prévues par la loi SRU, on va faire le contraire de ce qu’avait voulu faire Nicolas Sarkozy sur le Grand Paris ». Qu’était-ce, d’ailleurs, que le Grand Paris ? Il s’agissait de mobiliser des moyens exceptionnels pour les transports et pour le logement,…

M. Pascal Popelin et M. Daniel Goldberg. Où sont-ils, ces moyens ?

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Nous sommes bien d’accord : il y a urgence !

M. Marc-Philippe Daubresse. …en dérogeant à certaines procédures habituelles, précisément pour desserrer l’étau et aller plus vite dans la construction des infrastructures et des universités et dans la mise en place des outils pour le logement, car dans ce domaine aussi, le temps, c’est de l’argent.

Quant à vous, vous êtes en train de monter une nouvelle usine à gaz en changeant les tuyaux et en faisant en sorte que, sur les schémas régionaux, toute une série de collectivités, qu’évidemment vous aimez bien, puissent de nouveau donner un avis. Cela va, de fait, entraîner des retards. Si vous voulez, je vais vous la faire à la Bruel : rendez-vous dans deux ans ! (Sourires.) Nous nous retrouverons ici et, si nous nous sommes trompés, nous le reconnaîtrons.

M. Daniel Goldberg. Commencez par reconnaître vos erreurs passées !

M. Marc-Philippe Daubresse. Je prends date. Nous viendrons à la tribune de l’Assemblée nationale mesurer l’augmentation de la construction neuve. On mesurera l’augmentation, sur ces deux ans, du financement du logement très social et l’accroissement de l’accession sociale à la propriété ; on mesurera si le parc privé ancien progresse plus vite.

Comme vous le savez, j’ai été président de l’Agence nationale de l’habitat et j’ai lancé des programmes de lutte contre la précarité énergétique, que vous reprenez aujourd’hui, madame la ministre, ce dont je me réjouis. Eh bien, nous verrons si vous obtenez un effet de levier aussi fort que celui que nous avait fourni le grand emprunt, dont nous avait dotés le précédent Président de la République.

Bref, nous aurions pu, mes chers collègues, avoir un beau et grand débat. Nous n’aurions pas été d’accord sur tout, bien sûr, mais nous aurions pu essayer de parvenir à une mobilisation nationale pour cette grande cause du logement.

Mme Annick Lepetit. Vous ne l’avez pas fait pendant les dix dernières années !

M. Marc-Philippe Daubresse. Il aurait été également bon, au passage, d’essayer de ne pas présenter une loi anticonstitutionnelle !

C’est parce que vous avez refusé de faire tout cela et parce que vous vous apprêtez – à moins que la suite ne vienne me contredire – à rejeter une fois de plus quasiment tous les amendements qui vont être présentés par les groupes UMP et UDI, que nous déposons cette motion de rejet préalable. Nous savons bien qu’elle ne sera pas votée, car nous avons l’habitude, mais comptez sur nous, après cela, pour être présents dans tous les débats, de la même façon que nous le serons dans toutes les assemblées. Nous démontrerons que ce rendez-vous dans deux ans était une fumisterie de plus ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La commission et le Gouvernement ne souhaitant pas s’exprimer, nous en venons aux explications de vote.

La parole est à M. Henri Plagnol, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Henri Plagnol. Le groupe UDI votera avec enthousiasme l’excellente motion de notre collègue Marc-Philippe Daubresse, qui a démontré que ce projet de loi est anticonstitutionnel (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), puisqu’il porte gravement atteinte à l’autonomie des collectivités locales.

M. Jean Glavany. Pas vous ! Pas ça !

M. Henri Plagnol. Il prévoit en effet des moyens coercitifs : outre des sanctions d’ordre financier, il autorise le dessaisissement des maires, c'est-à-dire des élus – ce que vous êtes tous, mes chers collègues, et c’est une chose grave que de dessaisir un élu –, dans ce qui est pourtant la compétence première des maires, celle de l’urbanisme.

Si encore cette loi créait des logements supplémentaires ! Or, comme l’a très bien démontré Marc-Philippe Daubresse, il est tout de même consternant de voir, madame la ministre, que, dans un projet qui prétend donner un nouveau souffle au logement, il n’y a pas un mot sur l’accès à la propriété, qui est – toutes les enquêtes en témoignent – le rêve de l’immense majorité des Français.

M. Alexis Bachelay, rapporteur pour avis. Ils rêvent plutôt de pouvoir se loger !

M. Henri Plagnol. D’ailleurs, le nombre des propriétaires en France a fortement augmenté depuis quinze ans.

Pas un mot non plus sur la remise en circulation des logements sociaux ! Or un rapport qui vient de sortir sur la ville de Paris démontre que, malgré les efforts de la municipalité pour construire plus de logements sociaux, le système est encore plus embouteillé qu’avant car les personnes qui y résident ne les quittent pas. Le vrai problème est qu’il faut raisonner en flux et non pas en stock.

Enfin, vous demandez aux maires de communes qui, comme la mienne, ne satisfont pas aux obligations de la loi SRU,…

M. Alexis Bachelay, rapporteur pour avis. Vous en êtes loin, en effet !

M. Jean-Luc Laurent. Monsieur 6 % !

M. Henri Plagnol. …de faire plus, tout en leur refusant toute aide de la région – en ce qui concerne ma ville, le conseil régional est celui dont vous êtes l’élue, madame la ministre –, du conseil général et maintenant de l’État. Vous refusez également de raisonner, ce qui est le bon sens même, en termes de potentiel foncier – nous y reviendrons lors de la bataille d’amendements…

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Il y aura donc une bataille !

M. Henri Plagnol. …pour essayer de vous ramener aux réalités.

Ce texte est un cache-misère.

Mme la présidente. Merci de conclure, mon cher collègue !

M. Henri Plagnol. L’État n’a pas d’argent pour donner un nouveau souffle au logement. C’est un texte idéologique, qui ne marchera pas et qui n’est pas conforme à l’esprit de nos institutions. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour le groupe écologiste.

Mme Michèle Bonneton. Monsieur Daubresse, vous demandez le rejet de ce projet de loi. En fait, vous agissez tout comme les députés siégeant à la droite de cet hémicycle qui, lors du vote de la loi SRU, déclaraient qu’ils n’appliqueraient pas l’article 55 de ce texte dans leurs communes.

M. Marc-Philippe Daubresse. Il s’y applique, madame !

Mme Michèle Bonneton. Nous estimons pour notre part qu’il y a urgence sociale, parce qu’il y a encore des communes qui ne font pas les efforts nécessaires pour aller vers les 20 % de logements sociaux. Certaines communes font plus que traîner les pieds.

Le manque de foncier en zone tendue est un frein considérable à la construction de logements sociaux. De plus, il faut rendre l’initiative aux collectivités locales en Île-de-France. Nous voterons donc contre la motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Braillard, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Thierry Braillard. Le groupe RRDP s’oppose lui aussi à cette motion, qu’il considère comme totalement politicienne. En écoutant M. Daubresse, qui trouvait lui-même sa motion inutile, j’ai failli lui demander pourquoi il la soumettait au vote, mais je l’ai aussi entendu parler de la loi pour la cohésion sociale, dont il me semble qu’elle a été débattue dans cet hémicycle en 2004. M. Daubresse est un nostalgique, mais il nous aura au moins permis de nous rendre compte que, depuis 2004, rien ne s’est fait. C’est parce qu’il y a urgence sociale que ce texte de loi est approprié. C’est la raison pour laquelle nous nous opposons à cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. André Chassaigne. Notre groupe ne votera pas, bien évidemment, la motion de rejet préalable, non seulement parce que, pour citer Elsa Triolet, nous avons choisi un côté de la barricade,…

M. Marc-Philippe Daubresse. C’est le cas aussi sur l’Europe ?

M. André Chassaigne. ….mais aussi parce que derrière l’argumentation développée par M. Daubresse se lit un scandale : celui d’une forme d’habitude à ce qu’il y a de scandaleux.

Comment peut-on se féliciter que certaines communes ne prennent pas leurs responsabilités ? Comment peut-on applaudir à la désobéissance civile de certains maires qui, alors que certaines communes défavorisées multiplient les logements sociaux, constituent des sortes de prisons dorées à l’américaine, refusant de prendre leurs responsabilités face à la communauté nationale ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP)

M. Jean Glavany. Très bien !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Eh oui ! C’est le syndrome de Beverly Hills !

M. André Chassaigne. En fait, monsieur Daubresse, les excès de votre discours sont à la hauteur des excès du gouvernement précédent.

M. Christian Jacob. En matière d’excès, vous vous y connaissez !

M. André Chassaigne. Je veux dire que les responsabilités n’ont pas été prises et qu’il y a aujourd’hui une urgence sociale. Même si nous pensons que le texte n’est pas parfait – c’est pourquoi nous présenterons des amendements –, nous considérons qu’il y a urgence ; et quand il y a urgence, on ne rejette pas un texte pour essayer de protéger quelques privilégiés. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Goldberg, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Daniel Goldberg. Il ne vous surprendra pas que le groupe socialiste vote contre cette motion de rejet préalable.

Où étaient d’ailleurs les motifs de rejet pour inconstitutionnalité ?

M. Marc-Philippe Daubresse. À tous les articles !

M. Christian Jacob. M. Daubresse l’a expliqué brillamment !

M. Daniel Goldberg. J’ai écouté, et pas depuis mon bureau, monsieur Jacob, l’intervention de M. Daubresse. Or, sur l’ensemble de son intervention, il y a peut-être cinq secondes qui ont porté sur des arguments d’inconstitutionnalité. Pour le reste, il nous a parlé de Voies navigables de France et du Grand Paris, mais pas du sujet qui nous occupe.

M. Arnaud Leroy. Eh oui !

M. Daniel Goldberg. Vous reprochez au Gouvernement de ne pas avoir laissé suffisamment de place au débat. Mais où étiez-vous, cher collègue, jeudi dernier, lorsque nous avons débattu en commission, de neuf heures du matin à dix-neuf heures, article après article ? Je remercie d’ailleurs ceux de nos collègues de l’opposition qui étaient avec nous pour mener le débat sur le fond de ce projet de loi.

Il faut le dire, le logement est un marqueur des politiques publiques. Certaines veulent endiguer les inégalités, tandis que d’autres se résignent à leur aggravation.

Vous nous opposez l’inconstitutionnalité. Mais il est justement écrit dans le Préambule de la Constitution de 1946 que « la Nation assure à l’individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement ». Vous oubliez également la loi Quilliot du 22 juin 1982 : « Le droit à l’habitat est un droit fondamental », la loi Besson du 31 mai 1990 : « Garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l’ensemble de la nation », et la décision du Conseil constitutionnel du 19 janvier 1995, aux termes de laquelle « la possibilité pour toute personne de disposer d’un logement décent est un objectif à valeur constitutionnelle ».

Avec vous, les termes du débat demeurent inchangés. Vous reprochez toujours aux pauvres d’être trop pauvres, aux classes moyennes de devoir se loger ailleurs, aux élus de ne pas faire leur travail. Et vous nous mettez sans cesse en accusation.

Alors que nous célébrerons dans quelques jours le centenaire de la promulgation de la loi Bonnevay, qui a créé les offices publics de l’habitat, vous ignorez surtout le premier article du code de l’urbanisme, qui dispose : « Le territoire français est le patrimoine commun de la nation. » Nous le respectons ; vous l’oubliez. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. François de Mazières, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. François de Mazières. Nous voterons avec joie cette motion très brillamment défendue. Monsieur Goldberg, vous venez de dire que vous n’y avez pas vu de motif d’inconstitutionnalité. J’en distingue pourtant un, fondamental, qui va à l’encontre du respect du maire. Toutes les mesures que vous proposez attentent à la libre administration des collectivités territoriales. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Comme les 30 % ?

M. François de Mazières. Vous le savez, les maires font des efforts aujourd’hui, et sur toute la gamme du logement.

M. Patrick Mennucci. À Versailles ?

M. François de Mazières. Je dois dire que la caricature que vous cherchez à imposer est ridicule. Je remercie Marc-Philippe Daubresse pour sa démonstration. Oui, depuis des années, nous faisons des efforts, et nous devons continuer ! Mais il faut être réaliste. Les mesures que vous voulez adopter sont catastrophiques pour certaines communes, qui ne pourront y faire face. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christophe Caresche. Comme Versailles ?

(La motion de rejet préalable, mise aux voix, n'est pas adoptée.)

Mme la présidente. J’ai été saisie par le président Jacob d’une demande de suspension de séance.

La suspension est de droit.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Motion de renvoi en commission

Mme la présidente. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement.

La parole est à M. Benoist Apparu.

M. Benoist Apparu. Madame la présidente, madame la rapporteure, madame la ministre, mesdames et messieurs les députés, permettez-moi d’abord de vous présenter mes excuses pour ce retard qui a justifié la suspension de séance. La ponctualité des trains étant ce qu’elle est, celui de Reims est arrivé plus tard que prévu.

Cette motion de renvoi en commission me permettra, madame la ministre, d’exprimer quelques points de vue sur le projet de loi.

Nous partageons, je crois, un certain nombre de constats sur la situation du logement en France. Il est clair que la production de logements sociaux, comme de logements privés, est insuffisante sur une partie de notre territoire, en Île-de-France et en Provence-Alpes-Côte d’Azur notamment.

Le Gouvernement en conclut qu’il faut fixer des objectifs quantitatifs de production particulièrement ambitieux : il s’agit de produire, dès 2013, 500 000 logements, dont 150 000 logements sociaux.

La question que nous sommes amenés à nous poser est de savoir si les textes que vous présentez correspondent à une telle ambition. Or il me semble que ce projet de loi ne permettra pas de produire un logement de plus. Pourquoi ?

Ce texte contient deux préconisations principales, la première étant la gratuité des terrains publics. Madame la ministre, vous avez programmé la cession – gratuite ou non – de 2 000 terrains aux collectivités locales, permettant de produire un total de 110 000 logements, si j’ai bien entendu vos propos et bien lu l’étude d’impact que vous nous avez présentée.

M. Daniel Goldberg. C’est donc qu’elle existe !

M. Benoist Apparu. En quoi ces 2 000 terrains permettront-ils de produire 110 000 logements supplémentaires ? En rien, madame la ministre, pour une raison très simple : les 110 000 logements que vous annoncez existaient déjà, suite à la programmation que nous avions lancée à la demande de l’ancien Président de la République. Autrement dit, si la gratuité des terrains publics permettra peut-être de produire des logements moins chers, elle ne vous permettra en aucun cas de produire un logement de plus.

Vous fondez ensuite la seconde partie de votre projet de loi sur l’idée que porter de 20 à 25 % le taux de logement social dans notre pays permettrait de produire des logements supplémentaires. Nous discuterons, tout au long de nos débats, de l’opportunité ou non de faire passer ce taux de 20 à 25 % au nom de la mixité mais, là encore, vous ne construirez pas un logement de plus ! Pourquoi ? Tout simplement parce que ces logements sociaux seront réalisés au détriment de logements privés. Vous augmenterez peut-être le nombre de logements sociaux, mais en déduction de la production globale de logements.

En effet, la principale révolution qu’opère votre projet de loi ne consiste pas dans la hausse de 20 à 25 % du nombre de logements sociaux mais dans le nouveau calendrier que vous nous proposez, puisque vous transformez les obligations de production originelles de la loi SRU, qui prévoyait les « vingt ans glissants » – soit un calcul de l’obligation des communes sur vingt ans en glissement– en exigeant désormais les 25 % de logements sociaux à l’horizon 2025.

M. Henri Plagnol. Très juste !

M. Benoist Apparu. Vous allez obliger les communes à faire du logement social pour rattraper leur retard et payer le moins d’amendes possibles, mais au détriment du logement privé, notamment à la fin des périodes triennales, du fait de vos obligations de production.

Ainsi, la critique principale que nous formulons à l’encontre de votre projet de loi, c’est qu’il ne répond en rien aux objectifs quantitatifs que vous vous êtes fixés. Il est pourtant nécessaire d’atteindre ces objectifs car, tant que nous n’aurons pas résolu la question de l’offre et de la demande dans les territoires tendus, les prix continueront de progresser. Vous pourrez encadrer les loyers autant que vous le souhaitez et nous proposer une loi sur la question en mars prochain, cela ne changera en rien l’équation si vous n’augmentez pas la production. Or votre texte ne permettra aucunement d’augmenter la production de logements pour les raisons que je viens d’évoquer.

J’émettrai une autre critique. Si votre texte traite de questions importantes pour le logement social, comme les coûts de production – au sujet desquels nous ferons bien évidemment des contre-propositions pour vous démontrer que l’on peut obtenir le même résultat sans brader le patrimoine de l’État, notamment grâce au bail emphytéotique –, ou encore la question de la mixité sociale, il oublie des pans entiers de la politique publique en faveur du logement social. Vous renvoyez ces aspects à une date ultérieure, assez peu définie.

Quant au contenu de votre projet de loi, au-delà des critiques que je viens de formuler, nous vous en proposerons plusieurs modifications, par le biais d’amendements.

En premier lieu, nous pensons qu’il existe une alternative à votre proposition de gratuité du foncier public. Nous l’avons formulée en commission : il s’agit du bail emphytéotique. Vous nous répondrez que c’est ce que préconise l’amendement de Daniel Goldberg adopté par la commission. Mais vous reconnaissez vous-même, madame la rapporteure, que cet amendement a beau être sympathique, il n’est en rien normatif et ne génère aucune obligation pour quiconque.

Vous proposez une décote de 100 % des terrains, dès lors qu’ils sont donnés aux collectivités locales. Nous considérons que ce don aux collectivités est une erreur, à l’heure où l’État a besoin de ces recettes pour combler son déficit. Nous proposons donc de passer par le bail emphytéotique, pour un résultat économique identique, puisque nous réduisons les coûts de production d’un logement social de la part des charges foncières afférentes à la construction, tout en permettant à l’État de conserver la propriété du bien et de le vendre dans vingt, trente ou cinquante ans. Pour la même efficacité économique, notre solution permet de sauvegarder les recettes budgétaires dont l’État à besoin.

Si vous refusez le bail emphytéotique, nous proposons alors – et je suis en cela Michel Piron – une décote qui n’excède pas 50 %. En effet, si nous comprenons la nécessité de réduire les coûts de production, nous ne voyons pas au nom de quoi la production de logement social serait exonérée de charges foncières dans certains territoires. Je ne connais aucune opération immobilière qui s’effectue sans charge foncière, et c’est normal. Quand la charge foncière est élevée, comme c’est le cas en Île-de-France ou en région PACA, réduisons-la, mais pas au-delà de 50 %, comme le propose notre amendement, afin de ne pas brader les terrains publics.

J’en viens à la deuxième partie de votre texte, à savoir l’obligation de production de logements sociaux en plus grand nombre et le passage de 20 à 25 % du taux de la loi SRU, pour me livrer, là encore, à quelques contre-propositions.

Je suis, à titre personnel et conformément au projet de l’UMP, favorable à cette augmentation, mais à certaines conditions, notamment celle d’y intégrer l’accession à la propriété. Il y a sur ce point-là une différence fondamentale entre nous. Pour ce qui nous concerne, nous considérons que l’essentiel, c’est de permettre à ceux qui n’ont pas les moyens de se loger dans le secteur privé d’accéder à un logement aidé. Telle est à nos yeux la vocation même du logement social.

Imaginons un couple, M. et Mme Durand, et leurs deux enfants. Ils disposent d’un revenu de 2 000 euros par mois, ce qui les situe sous le plafond des logements HLM. Or, selon votre mode de calcul, dès lors que ce couple est locataire en HLM, il entre dans le calcul de la loi SRU, tandis que s’il bénéficie d’un logement aidé via le prêt social location accession, le PSLA, il n’est pas pris en compte.

Je ne comprends pas cette idéologie selon laquelle un logement aidé en location est un logement social et ressortit à la mixité, tandis que le même logement, fabriqué par un bailleur social mais propriété d’un ménage disposant des mêmes revenus, ne relève plus de la mixité et n’est pas décompté au titre de la loi SRU ! Il y a là une différence d’approche majeure entre nous. Nous considérons en effet que l’accession sociale à la propriété doit faire partie du décompte de la loi SRU.

Vous ne souhaitez pas intégrer le PSLA dans les 20 %  du calcul historique de la loi SRU : dont acte ! Mais rien n’empêche d’imaginer, pour reprendre là encore une proposition de Michel Piron en commission, qu’on l’intègre, lors du passage de 20 à 25 %, pour les productions futures. D’autant que vous acceptez, à l’article 1er, de décompter le PSLA pour la gratuité des terrains publics.

Je répète que, pour nous, la mixité ne dépend pas du statut d’occupation d’un logement – en location ou en propriété – mais bel et bien des revenus du ménage occupant. Si ses revenus sont faibles ou modestes et ne permettent pas au ménage de se loger dans le secteur privé, il est logique qu’il bénéficie d’un logement social, en location ou en propriété. C’est une différence majeure entre votre position et la nôtre.

Je veux également vous dire que, pour nous, la mixité marche dans les deux sens. Je considère, comme plusieurs d’entre nous, que les collectivités locales qui possèdent moins de 5 % de logements sociaux doivent fournir un effort de production. Car la mixité, c’est permettre à chacun de se loger.

Mme Catherine Coutelle. Vous ne les y avez pas beaucoup incitées, pourtant !

M. Benoist Apparu. Inversement, il faut un effet miroir. Quand des collectivités locales comportent de 50 à 70 % de logements sociaux, taux qui peut monter jusqu’à 100 % dans certains quartiers, peut-on parler de mixité ? Non, pas plus dans un sens que dans l’autre.

M. Henri Plagnol. Bien sûr ! C’est scandaleux !

M. Benoist Apparu. Nous sommes favorables à toutes les mixités. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Nous souhaitons que, dans les villes où il y a peu de logement social, on produise du logement social mais, comme le député de Sarcelles, nous considérons que lorsqu’une ville ou un quartier a un taux de logement social trop important, il faut y faire du logement privé.

Nous demandons une seule chose : l’application de la loi telle qu’elle existe. Vous vous référez souvent à l’article 55 de la loi SRU, et vous avez raison, mais vous oubliez de vous référer à l’article 301-1-1 du code de la construction, qui oblige les communes qui ont plus de 35 % de logements sociaux à produire des logements privés. Nous réclamerons, au cours de nos débats, l’application de cette mixité à double sens.

Je voudrais enfin, madame la ministre, m’amuser un instant avec vous d’un point qui m’a fait doucement sourire. Nos amis sénateurs ont supprimé la péréquation HLM…

Plusieurs députés du groupe SRC. La ponction HLM !

M. Benoist Apparu. Nous avons eu, il y a deux ans, un congrès HLM particulièrement vif et houleux, alors que le Gouvernement avait mis en place cette péréquation.

M. Jean Glavany. C’était bien mérité !

M. Benoist Apparu. Elle avait été dénoncée sur vos bancs avec une grande vigueur et quelques noms d’oiseaux.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Jamais !

M. Benoist Apparu. Jamais chez vous, bien sûr !

J’imagine évidemment que la suppression de cette péréquation par les sénateurs n’a strictement rien à voir avec l’ouverture dans quelques heures du congrès HLM… J’ai pourtant du mal à comprendre leur geste, sachant que vous allez, dans une quinzaine de jours, nous présenter une loi de finances où figurera un nouveau dispositif de péréquation HLM.

M. Christophe Caresche. Ce ne sera pas le même !

M. Benoist Apparu. Certes, et j’imagine que Mme la ministre s’en expliquera, mais j’ai cru comprendre qu’il ne s’agissait plus de baser cette péréquation sur le potentiel budgétaire des organismes HLM, pour faire payer ceux qui ont beaucoup d’argent plutôt que ceux qui en ont peu, mais de l’organiser en reprenant la contribution sur les revenus locatifs, c'est-à-dire en taxant directement le loyer.

Si les bailleurs ne décident pas d’eux-mêmes de faire un chèque, vous passerez par la CRL, mais peut-être me démentirez-vous, madame la ministre. En tout état de cause, je regrette qu’on supprime ainsi la péréquation HLM pour en créer une autre dans quinze jours, même si, entre-temps, vous espérez que le congrès HLM se déroule dans le calme – ce que je vous souhaite.

Enfin, j’ai déposé avec d’autres collègues plusieurs amendements, que je ne détaillerai pas tous, car certains sont techniques. Je songe cependant à l’un d’entre eux portant sur le droit pour les locataires de HLM d’acheter leur logement.

Nous avons un débat sur la vente des HLM. Certains veulent la développer pour permettre l’accession de leurs locataires à la propriété et pour générer des fonds propres permettant de construire davantage de logements sociaux.

Pour notre part, nous souhaitons aller plus loin et ouvrir un vrai droit aux locataires HLM pour leur permettre, s’ils le souhaitent, d’acheter leur logement. L’an dernier, l’USH – l’Union sociale pour l’habitat – a réalisé un sondage montrant que 80 % d’entre eux le souhaitaient. Il faudrait leur donner ce droit.

Au-delà de ce texte de loi, je voudrais vous faire part des propositions qu’avec le groupe UMP nous souhaitons défendre dans le cadre d’une politique équilibrée pour le logement social. Votre texte, je l’ai évoqué à l’instant, ne traite que deux questions qui me paraissent peu emblématiques d’une approche globale. J’ai cru comprendre que vous feriez, dans les mois à venir, d’autres propositions pour traiter d’autres sujets. Mais je crois qu’il est temps, aujourd’hui, de relancer une politique d’ensemble pour le logement social dans notre pays. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Il y a quelques mois, nous avions ouvert le débat sur ces questions. À l’occasion, notamment, du dernier congrès HLM, j’avais proposé aux bailleurs sociaux de travailler ensemble à la construction d’un nouveau modèle économique pour le logement social. Il est temps d’imposer par la loi ce nouveau modèle économique. Les bailleurs sociaux ne semblent pas avoir répondu à cette attente. Je souhaite, madame la ministre, qu’ils le fassent avec vous, sous votre ministère.

Nous avons besoin de bâtir un nouveau modèle économique, tout simplement parce que l’histoire du mouvement HLM, qui repose essentiellement sur des financements publics va, me semble-t-il, s’arrêter assez rapidement devant l’équation des finances publiques qui se pose à vous.

M. Daniel Boisserie. Grâce à vous !

M. Benoist Apparu. Vous semblez oublier qu’il y a une crise internationale. C’est votre choix. Je vous rappelle tout de même que l’état des finances publiques – ce n’est pas nous qui le disons, c’est la Cour des comptes – dépend à 40 % de la crise économique et à 40 % des choix structurels budgétaires que vous avez faits il y a quelques années ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP. - Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Jacob. Il a raison !

M. Benoist Apparu. Nous n’avons donc aucune leçon à recevoir en matière de dépenses publiques. Nous sommes collectivement responsables de la situation que nous laisserons à nos petits-enfants.

Nous avons assumé nos responsabilités et nous avons proposé la règle d’or, dont j’ai cru comprendre qu’elle posait difficulté à certains. Pour ce qui nous concerne, nous l’assumons et nous la voterons. Nous en tirons toutes les conséquences en matière de finances publiques, y compris en matière de logement, en proposant un nouveau modèle économique pour le logement social.

Ce nouveau modèle économique doit reposer sur trois ou quatre priorités.

La première, j’ai cru comprendre que vous y pensiez aussi. Tant mieux ! Nous l’avions d’ailleurs proposée dans le cadre de la loi de finances rectificative.

M. Christophe Caresche. C’est plus facile quand on est dans l’opposition, n’est-ce pas ?

M. Benoist Apparu. La première priorité, donc, c’est qu’il faut inverser la charge fiscale sur les plus-values immobilières concernant les terrains à bâtir.

M. Daniel Goldberg. Nous sommes d’accord !

M. Christophe Caresche. Et nous allons le faire !

M. Benoist Apparu. Oui, nous sommes d’accord sur ce point. Nous avions proposé un amendement, mais qui n’a pas abouti pour des raisons techniques, le rapporteur général de l’époque, M. Carrez, nous ayant dit qu’il y avait une difficulté concernant la définition fiscale d’un terrain à bâtir. Cela étant, nous vous soutiendrons en la matière, car c’est une priorité essentielle.

Deuxièmement, mettre du foncier disponible sur le marché est indispensable pour réduire les coûts de production, mais cela ne suffira pas. Il nous faudra travailler énergiquement sur les normes de construction et les normes d’urbanisme. Nous ne pouvons pas, année après année, empiler les normes techniques et environnementales.

M. Daniel Boisserie. C’est vous qui l’avez fait !

M. Benoist Apparu. Nous l’avons tous fait.

Nous devons réduire les obligations normatives si nous voulons réduire les coûts de production, aussi bien les normes techniques de construction que les normes d’urbanisme.

Autre priorité de ce nouveau modèle économique : les droits à construire. Vous avez abrogé la loi sur la majoration de 30 % des droits à construire. J’ai cru comprendre que certains de nos collègues avaient souhaité, dans le cadre du présent texte, rajouter des droits à construire à hauteur de 50 % pour le logement social et je les en félicite. Nous serons obligés de passer par les droits à construire si nous voulons réduire les coûts de production du logement.

En matière de modèle économique, nous devons également, pour réduire les déficits publics, substituer aux aides de l’État, qu’elles soient budgétaires ou fiscales, les fonds propres des organismes. La France compte 4,5 millions de logements sociaux. Si nous les évaluons à 50 000 euros le logement – ce qui est faible –, cela fait la bagatelle de 225 milliards d’euros. Les bailleurs sociaux sont propriétaires d’un patrimoine que l’on peut estimer de ce montant. Or ces 225 milliards d’euros n’existent pas sur le plan comptable. Dans le haut de bilan, zéro euro. En capacité d’endettement, zéro euro. En arbitrage de ce patrimoine, nous faisons 0,1 % de ventes HLM, alors que les bailleurs sociaux se sont engagés à faire 1 %. Si nous faisions 1 % de ventes HLM, cela rapporterait 2,25 milliards d’euros par an, ce qui permettrait de financer largement la production de logements sociaux en France…

M. Christophe Caresche. Génial ! Voilà la solution…

M. Benoist Apparu. …et de substituer sans problème ces fonds propres aux aides budgétaires actuelles. Cela ferait des économies pour le budget de l’État, tout en permettant d’accroître la production de logements sociaux.

M. Christophe Caresche. Quel dommage que vous ne soyez pas ministre !

M. Benoist Apparu. Nous aurons également besoin, dans les mois qui viennent, de mutualiser les fonds propres des organismes HLM. J’en ai parlé, je n’y reviens pas.

Une autre priorité du groupe UMP est de fluidifier le parcours résidentiel.

Notre administration d’État a une idée en tête : produire des logements sociaux. Malheureusement, elle se préoccupe trop peu, comme le monde HLM, de la réalité du parc existant. Nous avons 4,5 millions de HLM dans notre pays, avec un taux de rotation de 8 % par an, c’est-à-dire que nous libérons chaque année plus de 200 000 logements sociaux à attribuer, le double du nombre de logements produits. Autrement dit, entre 100 000 logements produits et 200 000 qui se libèrent, nous avons chaque année 300 000 logements sociaux à attribuer.

Il est temps de se reposer la question de l’attribution des logements sociaux, et nous préconisons de calquer ce qui se fait à Rennes – qui, vous le savez, n’est pas une ville UMP –, à savoir mutualiser l’attribution de logements sociaux sur la base d’une cotation.

Nous préconisons également de mettre fin à un tabou du logement social : le maintien dans les lieux à vie.

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. Combien sont-ils dans ce cas ?

M. Benoist Apparu. C’est l’un des tabous historiques du logement HLM.

Je considère que, pour les nouveaux entrants dans le monde HLM, il faut revisiter, via un bail classique – tous les trois ans –, les revenus et le patrimoine des locataires pour voir s’il est légitime qu’ils restent dans le logement social. Car nous devons fluidifier la rotation. Nous ne pourrons pas continuer à avoir, en Île-de-France et en PACA, des taux de rotation de seulement 3 % par an. Quand une personne est logée dans un HLM à Paris, elle y reste toute sa vie. À 4,50 euros le mètre carré, cela semble évident ! Nous devons revisiter les attributions de logements sociaux et vérifier régulièrement s’il est légitime que les locataires y demeurent. C’est une mesure de vraie justice sociale car, pendant ce temps, des milliers de Parisiens et de Franciliens qui n’ont pas les moyens de se loger dans le privé attendent un logement social. Tandis que d’autres bénéficient d’un logement social et se constituent en même temps un patrimoine dans le privé, ce qui me semble injuste.

Oui, nous préconisons la remise en cause du droit au maintien dans les lieux parce que c’est un élément qui nous permettra de fluidifier les parcours locatifs. Je crois que nous pouvons dire, sur tous les bancs, que le logement social n’est pas une fin en soi ; il doit être une transition dans la vie. Il est normal qu’un jeune qui débute dans la vie active, avec un petit salaire, ou une famille recomposée, après un divorce, puissent bénéficier le plus rapidement possible d’un logement HLM. Il est naturel, il est sain que les plus modestes, qui ont de faibles revenus et ne peuvent pas se loger dans le privé, puissent accéder à un logement social. Mais s’ils y restent à vie, cela devient un modèle de vie. Ce n’est pas ainsi que nous aiderons nos compatriotes. Il faut accompagner les parcours présidentiels (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), pardon, résidentiels, en les fluidifiant.

Voilà, madame la ministre, les quelques réflexions que je voulais vous livrer en introduction à ce débat.

Je sais, monsieur le président de la commission des affaires économiques, que vous allez bondir de votre siège pour dire que ces propos n’ont rien à voir avec une motion de renvoi en commission ! Je vais vous faciliter la tâche en indiquant qu’effectivement, nous aurions pu débattre de tous ces sujets en commission. Mais vous avez souhaité cantonner notre travail – ce qui est légitime – aux deux principales préconisations de ce projet de loi. Pour ce qui nous concerne, nous avons souhaité ouvrir le débat, poser toutes les questions concernant le logement social.

Voilà pourquoi je vous demande, mes chers collègues, d’adopter cette motion de renvoi en commission. Nous pourrions ainsi débattre de l’ensemble de ces questions très importantes pour l’avenir du monde HLM. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Non, monsieur Apparu, je ne vais pas bondir de mon siège pour copier, fort mal, ce que faisaient mes prédécesseurs lorsque vous étiez dans la majorité !

Vous êtes l’auteur d’une invention institutionnelle puisque vous avez, de fait, défendu une motion de valorisation du travail en commission ! Tout au long de votre intervention, vous avez exposé les sujets qui ont été traités.

Nous avons siégé pendant huit heures sur ce texte, et examiné 250 amendements. Il y en a encore 453 que, d’ailleurs, vous auriez pu déposer avant le débat en commission. Mais vous avez choisi de les déposer après. C’est pourquoi je vous informe que la commission se réunira ce soir à vingt et une heures et demain à quatorze heures trente.

Mme la rapporteure a fait un travail considérable puisqu’elle a auditionné quarante-quatre personnes au cours de vingt et une auditions. Tous les membres de la commission y étaient conviés. Je note que M. Piron et quelques membres de l’opposition y ont participé. Comme nous allons sans doute nous faire assez peu de compliments au cours du débat, je souligne, monsieur Apparu, que vous avez été un membre assidu et constructif de nos débats. Je m’étonne d’ailleurs que vous ayez souhaité défendre une motion de renvoi en commission alors que vous y avez largement participé. Vous ne pourrez pas dire que nous vous avons censuré de quelque manière que ce soit !

Chacun aura compris que nous sommes dans une séquence législative d’urgence puisque nous traitons, à cette occasion, de l’accès aux biens essentiels. Qu’il s’agisse du travail et de l’emploi la semaine dernière ou du logement, de l’énergie et de l’eau cette semaine, la majorité, je dis bien toute la majorité,…

M. Benoist Apparu. Pourquoi préciser « toute » la majorité ?

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. …est au travail pour tenter d’accélérer le processus du changement au bénéfice de ceux qui sont le plus en difficulté dans notre pays.

Avec ce texte sur le logement, fini le dispositif spéculatif créant des logements vides – je pense au Scellier –, finis les alibis pour interdire l’exercice du droit au logement pour tous, fini l’État qui exige sans prendre sa part de l’effort, finie la création organisée des ghettos ! Bien au contraire, c’est le renforcement du droit au bien-vivre ensemble que nous voulons avec ce texte qui vise à ce que le mot « fraternité », inscrit dans les valeurs de la République, ait tout son sens dans nos villes et dans nos quartiers. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

C’est un texte essentiel. Aussi, ne perdons pas de temps !

S’agissant d’une motion de renvoi en commission, Mme la ministre n’a pas forcément son mot à dire. Mais nous avons apprécié sa présence tout au long de nos travaux, ainsi que celle de M. Lamy. Sans se prononcer sur le fond – elle le fera après la discussion générale –, elle pourra peut-être corriger les rumeurs que votre intervention pourrait faire courir prématurément, en tout cas inutilement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Cécile Duflot, ministre. Monsieur Apparu, je répondrai ultérieurement à vos arguments de fond, en m’appuyant, pour certains points, sur vos amendements.

Mais vous avez livré un scoop si miraculeux qu’il ne fait absolument pas partie des projets du Gouvernement ni de quelque travail préparatoire que ce soit, en l’occurrence une modification de ce que vous avez appelé « péréquation », et que nous avons appelé, nous, « ponction » sur les organismes HLM, en la faisant porter sur leurs loyers, et non plus sur leur potentiel fiscal.

Je tiens simplement à vous signaler que l’utilisation du potentiel fiscal a conduit certains à optimiser la disposition de leurs ressources et à faire peser sur les plus petits, voire les offices HLM, essentiellement municipaux, une ponction qui n’en était, du coup, que plus injuste. Par conséquent, nous travaillons à un rééquilibrage dans le sens de la justice. Et, je vous le dis au nom de l’ensemble du Gouvernement, cette ponction n’existera pas en 2013, comme le Président de la République et le Premier ministre s’y sont engagés. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC, RRDP et GDR.)

M. Benoist Apparu. Je répète ma question : y aura-t-il une péréquation ?

Mme la présidente. Nous en venons aux explications de vote sur la motion de renvoi en commission.

La parole est à M. Henri Plagnol, pour le groupe UDI.

M. Henri Plagnol. Le groupe UDI votera bien entendu la motion de renvoi en commission qui vient d’être excellemment défendue par Benoist Apparu. Il a en effet démontré qu’il y avait une contradiction totale entre l’exposé des motifs, qui prétend que ce texte permettra de construire 500 000 logements dès 2013, et les dispositions contenues dans le projet de loi.

La mise à disposition gratuite des terrains ? C’est un contresens pour l’État. Cela ne créera pas un logement de plus, et encore moins dans les communes dont vous estimez qu’elles n’en ont pas assez, puisque, précisément, dans ces communes, l’État n’a en général plus de terrains.

Le matraquage des communes qui n’ont pas assez de logements sociaux ? C’est se tirer une balle dans le pied, puisque, dans l’immense majorité des cas, ce sont des communes qui n’y arrivent pas en raison de la rareté et du coût du foncier. Seule une logique incitative, comme l’a rappelé Benoist Apparu, peut marcher.

Enfin et surtout, notre collègue a esquissé ce que serait une politique alternative, créant du logement et répondant à l’aspiration des Français, y compris, et peut-être d’abord, les plus modestes, qui voudraient bien acquérir un patrimoine.

Dans votre texte, pas un mot sur l’accession à la propriété. Pas un mot sur la possibilité de remettre en circulation les logements sociaux en levant le tabou de l’occupation d’un logement social à vie, même quand ce n’est plus justifié. Pas un mot sur le droit qui serait donné aux habitants de ces logements de devenir aussi propriétaires. Pas un mot sur la valorisation des fonds propres des offices et sociétés HLM, alors qu’ils représentent, on le sait, une valeur considérable, qu’il faudrait faire fructifier pour créer la circulation des logements et des parcours résidentiels. Bref, pas un mot sur ce qui intéresse vraiment les Français : ils veulent savoir comment créer plus de logements, et non pas comment matraquer les maires, qui n’en peuvent mais, et qui sont aussi les élus du suffrage universel. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour le groupe écologiste.

M. François-Michel Lambert. Je vois qu’une grande différence nous sépare de nos amis de l’opposition, qui raisonnent toujours dans le cadre d’une vision financière, et jamais au vu des drames que vivent de nombreux Français au quotidien.

Je ne reviendrai que sur quelques-uns des éléments qui ont été abordés par notre collègue Apparu. Il a été long, je vais essayer de faire court.

Il n’accepte pas la mise à disposition, par l’État, de terrains à titre gracieux. C’est là un choix politique. On reconnaît bien la droite. Il s’agit de faire peser un poids financier toujours plus important sur les collectivités locales, qui ont déjà dû supporter un poids très lourd au cours de ces dix années, en raison de votre politique, chers collègues de l’opposition. Nous pensons au contraire qu’il faut redonner aux élus locaux la possibilité d’être au service de leurs concitoyens.

J’ajoute que cette position revient également à méconnaître la réalité locale. Car nombre de maires mettent à disposition des terrains à titre gracieux, afin que des projets de logements sociaux puissent aboutir. Ils ne nous ont pas attendus pour cela, du moins quand ils l’ont pu. Et ils sont bien contents que l’État vienne les soutenir, grâce au projet de loi que nous allons voter, et que j’approuve pleinement.

D’autre part, les conditions d’accession à la propriété que vous proposez, monsieur Apparu, correspondent à une vision qui n’est pas la nôtre.

Vous appelez à l’adoption d’une loi sur le logement social. Je vous rappelle que, pendant dix ans, vous aviez la possibilité de l’instaurer en vue d’obtenir des résultats qui ne sont pas là.

Votre démarche d’obstruction systématique vous conduit à vouloir repousser l’adoption de cette loi qui répond pourtant à une urgence sociale, raison pour laquelle les Français nous la demandent. Chaque mois que l’on perd, ce sont des logements qui ne sont pas construits, ce sont des Français qui souffrent.

Nous rejetterons évidemment cette motion, parce qu’il est nécessaire d’apporter une réponse au problème tel qu’il se pose aujourd’hui, et, surtout, de s’opposer à une obstruction qui retarde cette réponse, dont les Français ont besoin. Oui à ces 500 000 logements en 2013, et à tout ce programme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe RRDP.

M. Jacques Krabal. Comme l’a dit tout à l’heure Thierry Braillard, le groupe RRDP votera bien évidemment contre cette motion de renvoi en commission. En effet, il y a urgence, comme cela vient d’être rappelé.

Je ne comprends pas que l’on puisse être amnésique à ce point, et oublier que l’on a été aux affaires pendant dix ans, que l’on a voté pas moins de six lois, avec le bilan que nous savons.

M. Benoist Apparu. Nous avons battu le record de constructions de logements sociaux !

M. Jacques Krabal. Et vous me permettrez, en tant que maire, de m’inscrire en faux, monsieur Apparu, contre l’argument que vous avez avancé pour critiquer la mise à disposition gratuite des terrains. Vous avez insisté sur le caractère « dangereux », « immoral », de la cession de biens qui sont la propriété de l’État. Je vous garantis que dans les zones tendues – et il y en a dans mon territoire –, bon nombre de communes apprécieront ce premier élément, qui est la clé de voûte d’une politique globale que Mme la ministre nous exposera prochainement.

Aujourd’hui, vous faites la preuve que vous n’avez pas réussi à répondre à cet enjeu fort, du point de vue social et économique. Donnez-nous le temps de le faire, et nous ferons le bilan, bien sûr, dans cinq ans. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe GDR.

M. André Chassaigne. Je ne parlerai pas du principe même de la motion de renvoi en commission, qui fait partie de nos traditions parlementaires. Je répondrai, par contre, au contenu des arguments qui ont été avancés par M. Benoist Apparu. Il connaît bien, et même très bien, les questions qui touchent au logement, mais il les traite à travers le filtre de sa tradition politique, de son idéologie. Ainsi, il sélectionne à sa façon, et pour le mettre de côté, ce qui est source d’exclusion et de non-mixité. Il oublie, par exemple, quelles ont été les conséquences de la loi Boutin en termes de mixité. Il aurait peut-être été bon d’en dire quelques mots, car il faut être un peu logique dans ses raisonnements.

L’accession à la propriété est le leitmotiv de notre collègue. Il est vrai que c’était l’un des points forts de la société à l’américaine que voulait construire M. Sarkozy. À cet égard, le lapsus de M. Apparu, qui a parlé de « parcours présidentiels » au lieu de « parcours résidentiels » était révélateur : il s’agit bien pour lui de mettre en œuvre cette grande ambition qui était portée en 2007 par M. Sarkozy : « l’accession à la propriété » ! On a vu le résultat, avec la faillite de ce modèle social, de ce modèle économique. On a vu le nombre de familles dont la vie a été brisée dans les pays qui ont fait ce choix.

J’appelle donc M. Apparu et ses amis à revisiter leur approche, en adoptant un nouveau logiciel qui ne s’articule pas autour de la marchandisation du logement, marchandisation qui satisfait peut-être quelques banques ou quelques marchands de sommeil, mais ne répond pas aux urgences d’aujourd’hui.

Faut-il rappeler que 70 % des financements d’État vont déjà au privé, avec de juteux profits pour certains, mais avec quels résultats pour ceux qui sont en souffrance et en détresse ? La situation réelle de ceux-ci exige un plan d’urgence, une mobilisation, ne serait-ce que pour satisfaire à l’exigence de mise en œuvre de la loi DALO. Soixante mille demandeurs en Île-de-France, c’est un chiffre qui parle, et qui montre que l’urgence sociale est bien réelle. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, pour le groupe SRC.

M. Jean-Luc Laurent. Le groupe SRC votera contre cette motion de renvoi en commission. D’abord, M. Apparu a démontré lui-même que rien ne justifiait un tel renvoi, puisque tous les éléments qu’il a produits reprennent des discussions qui ont eu lieu en commission, et qui ont permis d’enrichir le débat tout au long des huit heures durant lesquelles elle s’est réunie, ce dont témoignent d’ailleurs les très nombreux amendements qu’elle a adoptés. Que lui-même et ses amis n’aient pas obtenu satisfaction en commission ne veut pas dire pour autant que la motion de renvoi soit justifiée !

Ayant participé aux travaux de la commission, M. Apparu sait que les arguments défendus par l’un des collègues de son groupe pour conclure à l’inconstitutionnalité du projet de loi ne sont pas fondés, précisément parce qu’un travail sérieux a été fait en commission.

Nous n’avons pas besoin de remettre sur le métier un ouvrage qui a été fort bien fait. Nous prolongeons ici des textes qui ont été discutés et approuvés dans le passé, et qu’il convient d’actualiser, de mettre au goût du jour. La question de savoir comment construire davantage de logements a donné lieu à de longues palabres durant ces dernières années. Avec ce projet de loi, nous proposons de passer aux actes. Car il y a urgence à construire, comme cela a été souligné. Pour cela, le Gouvernement nous propose de mobiliser le foncier public, de renforcer la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, notamment dans son article 55, et d’adapter la loi dite du Grand Paris.

Ces motifs sont suffisants pour que la discussion s’engage. C’est pourquoi nous voterons contre la motion défendue par M. Apparu. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. François de Mazières, pour le groupe UMP.

M. François de Mazières. Le groupe UMP votera évidemment cette motion de renvoi en commission. Nous avons eu, c’est vrai, un débat en commission – et je souligne d’ailleurs que le président Brottes l’a très bien mené –, mais nous avons eu peu de temps. Or vous avez pu entendre la qualité de la démonstration de notre collègue Benoist Apparu, qui avec une grande ouverture d’esprit nous a permis d’imaginer tous les moyens de relancer la dynamique du logement, et du logement social, ce qui est, au fond, une préoccupation partagée par la majorité et l’opposition.

C’est pourquoi il serait bon que nous puissions renvoyer ce texte en commission, afin d’effectuer un travail sur la base de toutes les propositions qui viennent d’être exposées. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Christophe Fromantin.

M. Jean-Christophe Fromantin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il me semble que l’on essaie d’opposer des visions dogmatiques, dans le cadre d’un débat d’idées, sur un sujet dont tout le monde reconnaît l’importance. Je voudrais pour ma part l’aborder sous un angle un peu différent, un angle territorial. Et je sais, madame la ministre, que c’est un thème qui vous est cher, vous qui avez récemment annoncé la création d’une nouvelle instance qui remplacerait la DATAR, justement pour faire prévaloir sur les territoires une approche plus construite, plus prospective.

Finalement, la question du logement est le reflet de deux problèmes. L’un est économique, et se traduit par la paupérisation de la société. L’autre relève de l’aménagement du territoire, puisque l’on voit bien que la problématique du logement est extrêmement concentrée dans des zones qui sont aujourd’hui saturées.

Aussi bien en ce qui concerne la production que les flux, mon propos est d’identifier les facteurs de dynamique, de souplesse et d’adaptation, afin d’avancer efficacement vers la solution du problème. À cet égard, je regrette que, dans ce projet de loi – et nous avons eu l’occasion d’en discuter au sein de la commission des affaires économiques –, la bonne foi des maires ne soit pas prise en compte. Ce texte fait passer tout le monde sous la toise, et ne reconnaît pas les efforts du maire qui, malgré un contexte urbain particulier, veut avancer.

M. Henri Plagnol. Tout à fait !

M. Jean-Christophe Fromantin. Je regrette également que ce texte ne s’inscrive pas dans l’approche globale que mériterait un sujet comme celui-ci. Il y a des problèmes de production, certes, mais il y a aussi des problèmes de rotation du logement, ainsi que des problèmes de financement, qui mériteraient d’être intégrés dans ce projet, lequel est malheureusement réducteur et ne prend pas en compte l’ensemble des moyens qui pourraient contribuer à une solution.

S’agissant de la production, du stock, il y a, me semble-t-il, trois éléments à retenir. Le premier, c’est cette toise des 25 % qui s’impose à nous tous, sans que soit prise en compte la situation de certaines communes – dont la mienne, certes –, qui ont à faire face à des réalités, qu’il s’agisse du foncier, du renouvellement du bâti, ou de leur capacité à exercer le droit de préemption. Dans ma commune, environ trois opérations sur quatre sont rendues impossibles – ce que le préfet reconnaît –, eu égard à la valeur du foncier, à la valeur de l’immobilier.

Et on voit bien à quel point ce texte ne prend pas en compte la réalité foncière et immobilière. C’est la raison pour laquelle mes amendements prévoient un indice permettant la modulation des objectifs ; indice qui serait contrôlé par le préfet et intégrerait des éléments tels que le potentiel foncier, le renouvellement urbain, la difficulté à préempter des terrains.

M. Henri Plagnol. Bien sûr !

M. Jean-Christophe Fromantin. Certaines communes vont d’ailleurs bénéficier d’un apport de terrains de la part de l’État quand d’autres n’en bénéficieront pas. Cet écart dans les moyens mis à disposition ne pourrait-il pas susciter un peu de souplesse en matière de production de logements ?

Je regrette à cet égard que la contractualisation, que le dialogue n’aient pas été pris en compte.

M. Henri Plagnol. Exactement !

M. Jean-Christophe Fromantin. Je regrette que des communes au contexte foncier et démographique particulier ne puissent engager un dialogue avec l’État pour adapter les objectifs aux réalités. Je regrette qu’on n’ait pas pris en considération la question des échelles de réalisation.

J’ai été surpris, en commission, par deux refus paradoxaux. On a en effet rejeté un de mes amendements concernant les communes de la petite couronne – soumises aux contraintes d’urbanisme du Grand Paris –, comme celle dont je suis l’élu. Cet amendement visait à élargir l’idée de bassin de vie à l’échelle du département, par exemple, ou bien à raisonner en fonction des bassins de vie au sens où l’entend l’INSEE. Or, quelques minutes plus tard, quand un autre député proposait un amendement tendant, à l’inverse, à ce que la comptabilisation s’effectue par arrondissement, la commission l’a également repoussé, arguant que, dans certains arrondissements de Paris, on ne pouvait parvenir à l’objectif de 20 ou 25 % de logements sociaux compte tenu de la contrainte immobilière.

M. Henri Plagnol. Et voilà !

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. Pas du tout !

M. Jean-Christophe Fromantin. Pourquoi refuser à des communes insérées dans le cœur de ville ce que vous permettez à d’autres villes dont certains arrondissements ne pourront parvenir à l’objectif fixé.

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. Vous faites erreur !

M. Jean-Christophe Fromantin. Votre objectif consiste-t-il à dépenser de l’argent pour acheter du foncier coûte que coûte, ou bien consiste-t-il vraiment à construire des logements ? Le risque, si on n’assouplit pas le dispositif que vous proposez dans le sens de la contractualisation, est de dépenser en vain de l’argent, alors qu’on pourrait multiplier les logements sociaux. C’est d’ailleurs un motif d’inquiétude pour le secteur du BTP, alors que l’assouplissement que je propose créerait les conditions d’une reprise économique.

En ce qui concerne le stock, je reviens sur la comptabilisation en surface plutôt qu’en nombre de logements. Nous travaillons tous sur des PLU, sur des PLH pour adapter notre action à des contextes démographiques particuliers, certaines villes ayant besoin de logements étudiants, d’autres de logements familiaux, d’autres encore de logements pour les personnes âgées. Un de mes amendements prévoit ainsi qu’on puisse déterminer une « unité logement », en fonction, par exemple, de la surface d’un studio. Et au lieu de compter en nombre de logements, ce qui va nous inciter à construire les plus petits logements possibles, il conviendrait de prendre en compte les surfaces. Cela n’enlèverait rien à l’effort consenti mais permettrait sans hésitation, là où on a besoin de logements familiaux, de construire des deux-pièces, des trois-pièces et au-delà sans se demander s’il ne vaudrait pas mieux transformer un quatre-pièces, par exemple, en quatre studios pour atteindre l’objectif fixé par la loi.

Je proposerai à nouveau que les établissements comme les maisons d’accueil spécialisées, les établissements non-conventionnés qui accueillent des handicapés, puissent être éligibles au dispositif proposé. Vous m’avez, là aussi, répondu non. Je le regrette car ceux qui sont hébergés par ces établissements bénéficient de l’allocation adulte handicapé qui leur permet d’être éligibles au logement social. Je ne vois par donc pas pourquoi ce type d’établissements, alors même que, j’y insiste, les personnes handicapées sont éligibles au logement social, ne pourraient pas être intégrés dans le bilan de la loi SRU.

M. Henri Plagnol. C’est scandaleux !

M. Jean-Christophe Fromantin. Pour ce qui est des flux, nous devons prendre en compte le taux de rotation. Nous devons construire des logements à l’aide de différents outils censés permettre l’amélioration du taux de rotation du logement social. Je pense en effet à la sous-occupation, à ceux qui dépassent le plafond de revenus autorisé et s’enkystent dans un logement social, en bloquant la dynamique susceptible d’améliorer l’offre, alors que nombreux sont ceux qui attendent. Je pense également au logement intermédiaire. Une certaine souplesse est nécessaire dans la manière de configurer les opérations en matière de logement social pour créer un appel d’air de nature à accompagner les parcours résidentiels et pour mener des opérations financièrement équilibrées, ce que ne permet pas l’action de l’État dans des secteurs denses comme le cœur de ville ou les communes de la petite couronne.

On a évoqué tout à l’heure les leviers extraordinaires dont on dispose avec le monde HLM : 4,5 millions de logements, 30 milliards d’euros de fonds propres. Ne peut-on donc pas, à l’aide de ces outils, créer des effets de levier ? Je regrette que le texte ne prenne pas en compte cet univers économique. On met l’accent sur la coercition, avec la toise à 25 %, mais on ne cherche pas à construire un modèle économique à partir du monde HLM qui pourrait, avec les communes, avec l’État, dans chaque département, à travers des commissions de mobilisation, travailler sur une optimisation, sur une gestion dynamique du parc de logements sociaux.

La position du groupe UDI sur ce texte est négative.

M. Jean-Marc Germain. Évidemment !

M. Jean-Christophe Fromantin. J’espère néanmoins que la discussion nous permettra d’adopter des amendements visant à assouplir et à dynamiser le dispositif prévu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Bonneton.

Mme Michèle Bonneton. Madame la présidente, madame la ministre, madame la rapporteure, chers collègues, je remercierai tout d’abord Mme la ministre et le Gouvernement d’avoir aussi rapidement proposé un premier volet de mesures en faveur du logement social. En effet, ce sont trois millions de nos concitoyens qui sont mal logés : certains vivent en cohabitation forcée chez des parents, d’autres dans un logement dépourvu de tout confort ou insalubre, d’autres encore sont à la rue.

Cette situation est d’autant plus intolérable qu’elle perdure depuis de nombreuses années et constitue avec le chômage et la déscolarisation un facteur essentiel de l’exclusion sociale. N’oublions pas que le droit au logement est inscrit dans notre loi fondamentale.

Il faut bien constater l’échec de la politique du « tous propriétaires » menée depuis dix ans. Après cet acharnement dans l’erreur – comme le montrent les propos tenus aujourd’hui même –, beaucoup reste à faire pour rattraper le manque de logements sociaux et particulièrement de logements très sociaux.

La politique qui se dessine aujourd’hui constitue une véritable avancée et le texte qui nous est proposé est un élément clair et concret de la volonté du Gouvernement et de sa ministre de mobiliser les énergies en faveur du logement social. Les Français attendaient ces mesures.

En premier lieu, le dispositif de cession du foncier de l’État et de grandes entreprises publiques à prix réduit, voire nul, va débloquer la pénurie de terrains. C’est un effort exceptionnel qui est fait ici, et qui doit être salué à sa juste mesure. Ce sont ainsi des centaines de projets dont le montage sera facilité. C’est aussi une très bonne nouvelle parce que les terrains cédés sont souvent proches des centres-villes ou des moyens de transports. Le logement social et les classes populaires devraient, pour une fois, ne pas être relégués à la périphérie des villes et des agglomérations.

Pour compléter cet objectif politique, nous devons nous montrer très attentifs à la nature des logements sociaux qui seront construits. Ce n’est pas la même chose de construire avec du PLAI et du PLUS ou avec du PLS : on ne s’adresse pas aux mêmes ménages. C’est pourquoi nous sommes très favorables à la limitation, votée par le Sénat, de la proportion de PLS à 30 %. Pour être tout à fait clairs, nous souhaiterions même descendre à 20 %. Néanmoins, une marche importante a été franchie par le Sénat, qui est aussi un bon point en faveur de la mixité sociale.

Quant au deuxième volet du texte, le renforcement de la loi SRU, il devenait indispensable. Le pourcentage minimum de logements sociaux par commune va passer de 20 à 25 %, comme le réclamaient les écologistes et de nombreuses associations. Nous souhaiterions que ce pourcentage s’applique dans chaque arrondissement à Paris, Lyon et Marseille, afin d’obtenir une mixité sociale plus importante.

Malgré le million de logements sociaux manquants, des députés siégeant sur les bancs de droite n’hésitaient pas, ces dernières années, à réclamer régulièrement l’abrogation des dispositions de l’article 55 de la loi SRU. Espérons que, dorénavant, devant les réalités, cette loi sera acceptée par tous et réellement mise en œuvre.

Aussi est-il important de mesurer la nécessité d’encourager les communes et les EPCI à se mettre rapidement en ordre de marche pour respecter l’agenda qui devrait conduire à résorber la pénurie de logements d’ici à 2025. À cet effet, les écologistes sont favorables à un renforcement de l’effort demandé aux communes qui n’ont pas atteint leur quota de logements sociaux – ce qui fera l’objet d’un amendement. Enfin, s’il reste des maires récalcitrants, il faut bien en passer par des pénalités et des contraintes. Nous regrettons que ces pénalités ne soient pas obligatoirement affectées aux organismes de logement social.

En faveur des plus mal logés, nous avons proposé des amendements concernant l’intermédiation locative et le logement des personnes relevant de la loi instituant le droit au logement opposable, dite loi DALO. Cinq ans après le vote de cette loi, on ne s’est toujours pas donné les moyens de la faire appliquer – un comble. En commission, le Gouvernement m’a assurée que ces demandes seraient prises en compte dans un prochain texte ; j’en prends acte, madame la ministre.

Je terminerai par la question du Grand Paris. Comme dans d’autres domaines, lors du quinquennat précédent a été fait un grand pas en arrière en matière de décentralisation. De nombreux projets, notamment en matière de logement ou de santé, ont été bloqués par l’absence de politique de concertation avec les élus locaux et avec les citoyens. Madame la ministre, votre texte redonne à la région Île-de-France et à ses élus locaux la main sur l’avenir : c’est un signe fort pour tous, avant même le lancement de la troisième étape de la décentralisation.

Mme la présidente. Merci de bien vouloir conclure, ma chère collègue.

Mme Michèle Bonneton. En conclusion, tout en souhaitant y apporter quelques compléments, nous soutenons résolument ce texte qui correspond à la nouvelle orientation politique voulue par les Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, le logement est en crise dans notre pays. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : plus de 3 millions de personnes restent mal logées et 10 millions rencontrent des difficultés liées au logement. Se loger, payer son loyer, rembourser son prêt est devenu une des principales préoccupations des Français.

Quelles sont les origines de cette crise ?

D’abord une augmentation des prix qui, depuis dix ans, ont été multipliés par deux, et des loyers qui, chaque année, augmentent de plus de 3 %. Cette hausse a un impact lourd sur les conditions de vie de nos concitoyens et pèse considérablement sur leur pouvoir d’achat. Le logement représente plus d’un quart des dépenses des ménages, voire beaucoup plus pour les ménages modestes.

Cette crise trouve aussi sa source dans un déficit structurel de logements, notamment sociaux, ne permettant pas de satisfaire la demande. Le délai d’attente d’un logement social atteint en moyenne presque quatre ans.

Conscient de ce grave problème, le Président de la République a pris l’engagement de construire, au cours du quinquennat, 2,5 millions de logements intermédiaires et sociaux, soit 300 000 de plus que lors du précédent quinquennat, parmi lesquels 150 000 logements très sociaux et étudiants.

Le logement devient une priorité nationale : on ne peut que s’en féliciter.

À ce titre, les premières mesures prises par le Gouvernement sont à saluer : encadrement de l’évolution des loyers à la relocation, suppression de la majoration des droits à construire, et relèvement du plafond du Livret A, qui permettra le financement de la construction de nouveaux logements sociaux.

Ce projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social vient renforcer les mesures déjà prises et répond aux deux engagements forts pris par le Président de la République en matière de logement.

Tout d’abord, la mise à disposition des terrains et immeubles disponibles de l’État, qui dans le meilleur des cas sera gratuite, permettra de soutenir la construction de logements sociaux. C’est un geste fort, s’inscrivant à l’opposé de la politique conduite par le précédent gouvernement, qui voulait tirer profit de la vente spéculative du patrimoine de l’État. Ainsi, dans les zones tendues où les prix sont élevés, plus de 100 000 projets de logements sociaux pourront être réalisés.

Cependant, aussi salutaire que soit ce texte, aucun dispositif n’a été envisagé à l’égard des logements laissés vacants, qui restent trop nombreux, alors qu’ils sont souvent bien situés en zone urbaine, et que leur mise sur le marché contribuerait à favoriser la mixité sociale.

L’introduction dans le dernier collectif budgétaire, au Sénat, par le groupe du Rassemblement social et démocratique européen, d’une majoration du taux de la taxe sur les logements vacants, va dans ce sens, puisqu’elle devrait permettre une accélération du retour de ces logements sur le marché.

L’autre engagement respecté par le Président de la République est de renforcer les dispositions de l’article 55 de la loi SRU, en relevant de 20 % à 25 % le taux communal obligatoire de logements sociaux. Ce relèvement de seuil est parfaitement justifié si l’on considère le nombre sans cesse croissant de demandeurs de logements sociaux et la saturation permanente des dispositifs d’hébergement. Il permettra de développer dans le parc social une offre plus ambitieuse qu’aujourd’hui, dont l’effort doit porter en priorité sur le logement à loyer modéré. De plus, il s’agit d’un dispositif équilibré, car il tient compte des situations locales, comme une éventuelle décroissance démographique.

L’exemption des communes de moins de 3 500 habitants pose cependant un problème. On risque en effet de créer une différence de traitement à l’intérieur d’une même communauté de communes, ce qui n’est pas souhaitable pour la cohérence territoriale.

Enfin, l’offre en logements intermédiaires dans le secteur privé devrait être encouragée. Elle permettrait ainsi aux ménages qui, faute de moyens, ne peuvent quitter les logements HLM, de prendre un logement classique dans le parc privé.

Soucieux de son application, ce projet de loi fait aussi le constat que le niveau actuel des sanctions n’incite évidemment pas certaines communes à jouer le jeu de la mixité sociale. Ces dernières, souvent, ne sont pas les plus pauvres ! Aussi la multiplication par cinq des pénalités est-elle une bonne mesure.

Cependant, pour renforcer ce dispositif, il serait opportun de rendre automatique la substitution du préfet aux maires défaillants.

Telles sont les observations, madame la ministre, mes chers collègues, que notre groupe souhaitait vous présenter à propos de ce projet de loi, qui constitue une première réponse à la hauteur de la grave crise du logement que connaît notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, ce projet de loi de mobilisation du foncier public rouvre le chantier du logement.

Je ne rappellerai ni l’ampleur de la crise, ni l’urgence de la situation. Nous connaissons l’héritage laissé par dix années de sarkozysme. En matière de logement social, cet héritage est particulièrement désastreux.

M. Jean-Luc Laurent. Très juste !

M. André Chassaigne. Il est temps pour nous de tourner cette page. C’est pourquoi les députés du Front de gauche s’inscrivent dans ce débat avec le souci d’améliorer ce projet de loi, en portant des propositions à la hauteur des difficultés que rencontrent nos concitoyens pour se loger.

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. Très bien !

M. André Chassaigne. Le texte que nous examinons comprend deux volets principaux.

Le premier, dans l’objectif de relancer la construction de logement social, prévoit une mise à disposition du foncier public avec une décote pouvant aller jusqu’à 100 %. Il est vrai qu’en zone tendue de nombreuses collectivités souhaitant créer des logements sociaux se heurtent à l’absence de foncier disponible. L’étude d’impact table sur la mise en chantier de 110 000 logements supplémentaires grâce à cette mesure. Son ampleur est donc limitée, d’autant plus qu’il s’agit d’un fusil à un coup.

Comme nous le savons tous, le foncier est une ressource rare et non-renouvelable, qui prête donc le flanc, si elle est laissée au marché, à une logique de spéculation effrénée. La cession du foncier public aux constructeurs de logement social ne règle pas ce problème fondamental. Pour y apporter une solution pérenne, nous pensons qu’il faut réfléchir à une régulation beaucoup plus forte de ce marché, notamment par la mise en place d’un encadrement des prix et par la création d’une agence foncière qui pourrait être nationale.

Nous nous félicitons qu’un rapport sur cette question de la régulation ait été programmé à l’initiative des sénateurs communistes.

En revanche, nous sommes opposés à la cession du foncier public à des opérateurs privés, fussent-ils habilités à bâtir des logements sociaux. Il faut sortir de la logique de la marchandisation du logement. En l’état actuel des choses, les propriétaires et les promoteurs tirent déjà de juteux profits du marché, et 70 % des financements d’État au logement vont déjà au privé !

Les prix fonciers bénéficient de la présence des services publics, des équipements financés collectivement, comme les infrastructures, les hôpitaux, ou les écoles, qui valorisent et dynamisent les territoires. Les plus-values foncières considérables réalisées par les propriétaires privés relèvent donc d’une captation de l’investissement public. L’enjeu du foncier est d’importance, puisque s’y ajoutent les problématiques de l’étalement urbain et de la mixité sociale…

M. Julien Aubert. Et des ghettos !

M. André Chassaigne. …auxquelles nous sommes particulièrement sensibles. Il faut donc envisager des réponses autrement ambitieuses.

Le second volet a trait au renforcement de la loi SRU. Vous ne serez pas surprise, madame la ministre, que les députés communistes se réjouissent de cette consolidation. Il y a dix ans, le ministre Jean-Claude Gayssot inscrivait dans la loi l’obligation, pour les communes, de compter 20 % de logements sociaux. Or cette avancée majeure se heurte à un obstacle : la facilité avec laquelle les municipalités malveillantes peuvent, en payant les pénalités rubis sur l’ongle, contourner la loi parce qu’elles veulent, justement, créer des ghettos dorés.

Nous partageons l’ambition du présent projet de loi de rendre les sanctions réellement dissuasives. Les députés que je représente proposeront d’ailleurs un amendement dans ce sens, car nous craignons qu’une simple multiplication par cinq des pénalités n’ait pas d’effet réel sur les récalcitrants. En effet, non seulement le préfet peut surseoir à ces versements, mais l’amende peut également être versée à l’intercommunalité à laquelle appartient à la commune. Convenons-en, le principe de se payer une amende à soi-même aurait pu naître dans le cerveau du père Ubu.

On sait très bien que de nombreuses municipalités s’assoient allègrement sur l’article 55 de la loi SRU. Neuilly-sur-Seine en est le symbole. Or, mes chers collègues, les ghettos de riches et les ghettos de pauvres sont les deux faces d’une même pièce. On ne peut pas prétendre lutter contre la relégation de certains quartiers populaires tout en laissant prospérer des prisons dorées à l’américaine. C’est pourquoi, plus que jamais, la loi SRU doit être appliquée et consolidée.

Le passage à un taux de 25 % de logements sociaux en zone tendue est un signal positif, quoique tempéré par le recul du délai d’application à 2025.

M. Julien Aubert. C’est réaliste !

M. André Chassaigne. De la même façon, l’instauration d’un plancher de logements PLAI et d’un plafond de PLS est une bonne nouvelle, qu’il faut cependant relativiser, car ce double dispositif se limite aux communes non couvertes par un programme local de l’habitat et ne se concrétisera que si les aides à la pierre sont revues à la hausse.

En cinq ans, plus d’un milliard d’euros d’économies ont été réalisés aux dépens des HLM. Cela nous renvoie au débat à venir sur le projet de loi de financement pour 2013. Nous prenons date, madame la ministre.

Le solde des années Sarkozy en matière de financement de la construction est calamiteux. Or rien ne sert d’exiger des collectivités territoriales qu’elles construisent plus de PLAI alors que les aides se réduisent comme peau de chagrin et que leurs finances sont exsangues ! Ce serait les acculer une fois de plus et les condamner à l’impuissance.

En matière de logement, le financement est, plus encore qu’ailleurs, le nerf de la guerre. À ce propos, je déplore qu’un certain nombre de nos amendements soient passés à la trappe du fait de l’article 40 de la Constitution. Nos propositions – obliger les communes retardataires à intégrer 50 % de logements sociaux dans leurs programmes immobiliers, retirer au préfet la faculté de surseoir au versement des pénalités, porter le taux de la loi SRU à 30 % – ont ainsi été censurées, alors même qu’elles ont été discutées au Sénat.

De nombreuses associations nous demandent de modifier la loi pour que les préfets ne puissent plus faire obstacle au versement des pénalités par les communes qui négligent le logement social. Cette modification mineure est irrecevable au motif qu’elle amènerait plus de communes à verser des pénalités, ce qui constitue une aggravation d’une charge publique, alors même que ce décaissement abonderait d’autres caisses publiques, celles des OPHLM ou des EPCI ! Exiger que les communes hors-la-loi ne puissent échapper à une pénalité qui existe déjà est considéré comme contraire à la Constitution !

Comment la représentation nationale peut-elle correctement légiférer en ayant à ce point les mains liées ? Le Parlement n’est pas loin de se ridiculiser ! Quel député peut se satisfaire de cette application de l’article 40 de notre Constitution, qui empêche les élus du peuple d’envisager le moindre centime de dépense ou d’investissement ? Il y a quelque chose d’absurde dans ce couperet financier qui s’apparente à une sorte de règle d’or interne.

Le Front de gauche veut pourtant mettre ses propositions sur la table. C’est dans un état d’esprit constructif que nous abordons le débat, et c’est la raison pour laquelle j’élargirai mon propos en évoquant d’autres leviers d’action en faveur du logement.

En commission, vous avez balayé un à un nos amendements en arguant qu’il s’agissait de cavaliers législatifs ou qu’ils n’avaient pas leur place dans ce projet de loi. Je dois dire que j’ai été surpris : nos propositions contre le mal-logement sont tout à fait légitimes dans un projet de loi de mobilisation en faveur du logement. Du reste, vous avez bien accepté l’amendement d’un collègue socialiste portant sur les marchands de sommeil. Faut-il montrer patte rose pour que le verrou s’ouvre ?

La légèreté avec laquelle nos amendements ont été écartés est d’autant plus étonnante qu’ils reflètent les demandes des principales associations qui travaillent sur ces questions – Droit au logement, la Confédération nationale du logement – ou encore celles d’élus locaux désireux de faire remonter leurs expériences et d’aider à trouver des solutions. Quel mépris pour la parole de ces acteurs !

D’abord, ce projet de loi vise à sortir le logement social de l’ornière dans laquelle la droite l’a laissé. Dans cet esprit, le moment est venu d’abroger la loi Boutin. C’est par là que nous devrions commencer ! Un certain nombre de mes amendements proposent ainsi la suppression de ses dispositifs les plus catastrophiques, comme l’augmentation des surloyers ou les procédures d’expulsion des locataires solvables. Ce texte coercitif et mercantile n’a fait que plonger un peu plus les mal-logés dans les difficultés. En expulsant des HLM tous les locataires des classes moyennes par l’abaissement des plafonds de ressources, il a précarisé les familles et mis à mal la mixité sociale.

M. Julien Aubert. Caricature !

M. André Chassaigne. Il a participé au gonflement des prix du logement privé sans remédier en rien à la pénurie. Par la vente du patrimoine HLM et l’établissement des conventions d’utilité sociale, il a considérablement fragilisé les bailleurs sociaux alors même que la crise du logement atteignait sa phase la plus violente. Madame la ministre, nous souhaitons bien entendu que le Gouvernement nous soutienne pour l’abrogation de ces règles injustes.

Permettez-moi, chers collègues, puisque nous évoquons le mal-logement, d’aborder le problème des logements insalubres. Je sais qu’un projet de loi d’orientation sur ces questions est à l’étude, mais le temps presse et je veux saisir l’occasion du présent examen pour avancer un certain nombre d’idées fortes. Vous le savez, la ville de Saint-Denis a été tout récemment le théâtre d’un nouveau drame : l’incendie d’un immeuble insalubre a fait deux morts et deux blessés.

À cause de la pénurie de logement et des prix délirants du parc privé, les familles modestes, les travailleurs pauvres, les chômeurs ou les sans-papiers n’ont plus le choix et s’en remettent à des marchands de sommeil. Il faut lutter contre les pratiques de ces propriétaires qui mettent la vie d’autrui en danger, contre cette exploitation de la misère qui tue chaque année.

M. Julien Aubert. Vous avez raison !

M. André Chassaigne. Pour la seule ville de Saint-Denis, 30 personnes sont mortes ces dix dernières années. Six sont mortes à Pantin l’année dernière. Trop d’accidents dramatiques se sont succédé. Nous devons désormais prendre ce problème à bras-le-corps. Madame la ministre, il y a urgence !

Au cours de la présidence Sarkozy, la délinquance en col blanc a connu toutes sortes d’indulgences. Il faut en finir et permettre aux forces de police et à la justice d’avoir réellement les moyens d’agir contre les marchands de sommeil. Il faut, d’autre part, accélérer la rénovation et la réhabilitation de ces habitats indignes. Le Programme national de rénovation des quartiers anciens dégradés ne suffit pas, et l’ANRU, qui devait lancer une deuxième vague de rénovation, est privée de fonds par dogmatisme budgétaire !

Les conséquences s’avèrent désastreuses pour nos quartiers, qui voient des opérations entières de réfection s’arrêter net pour cause d’assèchement des finances.

Enfin, il faut permettre le relogement des personnes concernées et réduire la pénurie qui alimente cette spirale infernale. Comme l’a écrit Alexandre Vialatte – que j’ai pris pour habitude de citer –, « le marchand de sable ne fait pas fortune dans le désert ». Construire des milliers de logements est la meilleure arme contre les propriétaires voyous.

L’un des angles d’attaque possibles concerne les logements vacants. Les députés du Front de gauche suggèrent, entre autres, de supprimer la possibilité pour les propriétaires de ces logements vides d’échapper à la procédure de réquisition en présentant un simple projet d’aménagement du local, alors qu’aujourd’hui un devis suffit, par exemple. J’ai cru comprendre que Mme la ministre pourrait apporter son soutien à cet amendement.

L’hiver approche et avec lui l’aggravation de la situation pour tous ceux qui éprouvent des difficultés à se loger et pour les sans-abri. Au manque de logements s’ajoute la situation exsangue de l’hébergement d’urgence. Privées de moyens, les structures d’accueil ne peuvent plus faire face à l’afflux de SDF ou de familles en rupture. Sur cette question encore, nous entendons être à l’initiative en proposant que les expulsions de familles modestes de bonne foi soient interdites. Un signal fort est nécessaire, celui-ci aurait le double avantage de préserver des centaines de familles de l’expulsion et de n’engendrer aucune dépense, donc d’être d’application immédiate.

J’en viens à une réserve de fond que les élus du Front de gauche tiennent à souligner. Ce projet de loi entend mettre en œuvre une politique pourvoyeuse de logements sociaux et nous le soutenons. Cependant, cette intention louable demeurera un vœu pieux si des moyens sonnants et trébuchants ne sont pas mis sur la table. Le traité européen que le Gouvernement veut nous faire adopter prévoit de couper tous les robinets qui alimentent nos territoires.

Comment nos collectivités pourront-elles construire du logement social sur le foncier cédé par l’État si leurs finances continuent à être étranglées ? Comment vouloir faire construire avec des PLAI dans nos quartiers si un véritable flicage financier de la Commission européenne est institué ?

Nos communes et nos collectivités seront sévèrement touchées par le traité européen de stabilité. Le traité Sarkozy-Merkel ne concerne pas uniquement l’État et ses administrations, il s’appliquera également aux budgets locaux, et ce en dépit du principe constitutionnel d’autonomie des collectivités.

Mes chers collègues, alors que beaucoup d’entre vous s’apprêtent à voter ce traité sans même que la parole soit donnée au peuple, il me paraît important de vous le redire : rien ne sert de concocter des avancées généreuses en matière de logement si ces bonnes intentions se voient réduites à néant, quelques semaines plus tard, par l’adoption de la rigueur budgétaire généralisée et constitutionnalisée.

En matière de logement, il y a urgence. Nul ne l’ignore. C’est la raison pour laquelle les députés du Front de gauche n’ont pas hésité à faire remonter dès à présent un certain nombre de revendications qui viennent de nos territoires. Car si les députés communistes, républicains, citoyens et du parti de gauche voteront ce projet de loi qui va dans le bon sens, ils adjurent le Gouvernement de passer à la vitesse supérieure. Ce vote favorable concerne l’ensemble du groupe de la gauche démocrate et républicaine.

Mme la présidente. La parole est à Mme Annick Lepetit.

Mme Annick Lepetit. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, j’ai eu l’occasion de dire à la ministre durant nos débats en commission que les députés du groupe SRC sont heureux que des propositions qu’ils formulaient et défendaient depuis longtemps figurent enfin dans un projet de loi.

Durant les deux dernières mandatures, nous nous sommes battus contre des textes qui portaient une tout autre philosophie dans le domaine du logement. Nous pouvons malheureusement tous constater à quel point les sept lois votées sur ce sujet en dix ans ont aggravé la crise et n’ont jamais concrétisé les nombreuses promesses qui les accompagnaient.

Le triste bilan de cette politique, ce sont les 3,6 millions de personnes mal logées et près de 10 millions de Français touchés par la crise du logement.

La droite a fait de l’accession à la propriété son slogan et sa priorité. Or la part de propriétaires en France est restée stable à 58 %, alors que l’objectif prôné par le slogan « La France des propriétaires », était d’atteindre les 70 %, comme le rappelait tout à l’heure M. Plagnol.

Des milliards d’euros ont ainsi été dépensés dans des politiques inefficaces. Mesure phare de la fameuse loi TEPA de 2007, le crédit d’impôt sur les intérêts d’emprunt a coûté 11 milliards d’euros avant d’être enfin supprimé en 2011. Le prêt à taux zéro plus n’a pas été plafonné et bénéficie aux Français les plus aisés avec l’argent de l’État. Quant au dispositif Scellier, il a coûté 10 milliards d’euros et a largement contribué à pousser les loyers à la hausse.

En ciblant son électorat, le précédent gouvernement n’a aidé que ceux qui avaient déjà les moyens de devenir propriétaires. Ces milliards ont été gâchés car ils ont servi à construire des patrimoines, mais peu de logements supplémentaires.

Mme Annie Genevard. C’est faux ! C’est une caricature !

Mme Annick Lepetit. À tout cela s’ajoutait évidemment un discours stigmatisant envers le logement HLM et les personnes qui y vivent. Tout cela pour justifier l’injustifiable comportement des maires récalcitrants qui préfèrent voir s’étendre la crise plutôt que de construire des logements sociaux.

Le logement était considéré comme un bien comme les autres. Ni l’explosion des prix, et en premier lieu des loyers, ni les difficultés croissantes de nos concitoyens à se loger dignement à un tarif abordable n’ont poussé l’ancienne majorité à faire évoluer ses propres concepts.

Le texte qui nous est présenté aujourd’hui marque en cela une vraie rupture. Il constitue une première étape dans la refondation nécessaire de la politique du logement. Il remet à leur place les vraies priorités et commence par ce qui est le plus urgent : créer les leviers nécessaires pour construire davantage de logements accessibles au plus grand nombre.

L’objectif est connu et ambitieux : construire 500 000 logements par an, dont 150 000 sociaux. C’est 100 000 de plus que le rythme actuel.

Il nous faut pour cela répondre aux deux grands problèmes du logement aujourd’hui en France : le manque de terrains à construire, notamment dans les zones denses, qui explique pour partie l’envol des prix ; et la pénurie de logements sociaux, tout particulièrement pour nos concitoyens aux revenus les plus faibles.

Pour y parvenir, le Gouvernement traduit dans la loi deux engagements forts du Président de la République. D’une part, l’État mobilisera son foncier et le cédera aux collectivités avec une décote qui pourra aller jusqu’à la gratuité complète. D’autre part, les villes seront très fortement incitées à construire, grâce à l’obligation de compter 25 % de logements sociaux d’ici à 2025, et à la multiplication par cinq des amendes pour les communes récalcitrantes.

Cette mobilisation du foncier public est sans précédent. Elle demande un changement important de la manière dont l’État considère et gère son patrimoine. Alors que depuis vingt ans les terrains étaient vendus avant tout dans une optique de rentabilité financière, il sera désormais demandé aux administrations de participer à l’effort national pour le logement. Les résistances risquent d’être fortes et vous pouvez compter sur le Parlement, monsieur le ministre, pour jouer son rôle de contrôle de l’action de l’État.

Elle permettra également de construire sur des emprises situées en règle générale au cœur des zones denses, c’est-à-dire déjà intégrées à la ville, à ses commerces, à ses emplois, à ses transports. Il n’est pas question de recommencer les erreurs d’urbanisme des années soixante.

Le mécanisme adopté pour appliquer la décote permet aussi d’intégrer une notion que nous défendons sur ces bancs depuis longtemps : l’utilité sociale de chaque type de logement n’est pas identique. Ainsi plus les programmes de construction seront vertueux, c’est-à-dire concernant principalement des logements réellement accessibles aux revenus les plus faibles, plus l’effort de l’État à travers la décote sera important.

Le second angle de cette loi est l’approfondissement de la loi SRU avec le passage de 20 % à 25 % d’ici à 2025 du nombre de logements sociaux par ville et la multiplication par cinq des pénalités pour ceux qui refusent encore de construire.

Je ne compte plus le nombre d’attaques dont la loi SRU a fait l’objet lors de nos débats précédents dans cet hémicycle. Nous retrouvons d’ailleurs cette démarche dans de nombreux amendements de l’opposition.

La réalité c’est que 980 communes soumises à la loi SRU n’ont pas encore atteint les 20 % de logements sociaux. Parmi elles, 190 font l’objet d’un constat de carence. L’heure est à la mobilisation générale, pas à la recherche permanente d’excuses ou de moyens de contourner la loi. C’est précisément ce que ce texte met en place.

C’est notamment le cas du nouveau calcul du taux de rattrapage, qui va permettre une importante accélération des constructions. Jusqu’à maintenant, les communes avaient des objectifs triennaux correspondant à 15 % du total de logements sociaux manquants. Désormais, le taux de rattrapage pour la période 2014-2016 sera de 25 %, puis pour les suivantes de 33 %, 50 %, et enfin 100 % en 2025. Cela va très fortement inciter les communes à rattraper leur retard, car le prélèvement va également augmenter, en plus de la majoration qui pourra être quintuplée.

Grâce à cette loi, les municipalités devront assumer leurs responsabilités. Celles qui continueront, par idéologie, de refuser de construire du logement social auront à expliquer à leurs électeurs que 5 % des dépenses réelles de fonctionnement de leur commune partiront en pénalités et majorations. Pour les plus riches d’entre elles, ce sera même 10 %.

J’ouvrirai une rapide parenthèse pour le titre III relatif au Grand Paris. J’ai rédigé un rapport d’application de la loi Grand Paris en novembre 2011 avec mon collègue UMP Yves Albarello, le président Jean-Paul Chanteguet y a fait allusion. Nous avions mis en évidence un certain nombre de problèmes et de manques. L’impossibilité pour les départements et la région de signer des contrats de développement durable avec les communes en était un, et il est bien que le projet de loi permette cette mesure, demandée par tous les acteurs sur le terrain.

L’autre avancée est la prolongation jusqu’au 31 décembre 2013 du délai de soumission des CDT à enquête publique. Le calendrier était trop serré. Nous permettons d’avoir plus de temps et d’être ainsi plus en phase avec le futur SDRIF, qui doit être adopté dans les mois qui viennent.

Monsieur Apparu, les travaux de la commission des affaires économiques, qui s’est réunie pendant toute la journée de jeudi dernier, ont permis d’améliorer encore le texte et de le rendre plus efficace.

Je pense notamment à l’article et au mécanisme de la décote. Celle-ci sera plus ou moins importante en fonction de la volonté réelle de la commune de construire des logements sociaux. Nous avons également renforcé l’efficacité du dispositif de vente des terrains publics, afin d’en identifier le plus possible, et que les démarches aillent plus vite.

Concernant la loi SRU, nous avons voulu que les maires qui rattrapent leur retard uniquement avec des logements financés en prêt locatif social, fermant ainsi les portes de leur ville aux revenus les plus bas, soient dorénavant obligés de construire des logements accessibles à tous.

Je ne doute pas que le débat que nous allons avoir aujourd’hui et demain permettra d’améliorer encore un peu ce texte.

Nous l’avons bien compris, cette loi est une première étape, importante, fondatrice et urgente. Nous commençons dès aujourd’hui par la construction, nous avons raison, c’est elle qui constitue le cœur du problème.

Dans la continuité de ce qu’a pu être la loi SRU il y a douze ans, ce projet de loi constitue donc un moment important qui restera dans les mémoires. Car après des années d’abandon, la gauche donne les moyens à l’État de faire enfin son grand retour dans le domaine du logement. Il était temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. François de Mazières.

M. François de Mazières. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous adhérons bien évidemment aux deux objectifs majeurs de ce projet, à savoir la relance rapide de la construction, qui est impérative pour soutenir l’emploi, et le développement du parc de logements sociaux. Nous y adhérons d’autant plus que ces objectifs s’inscrivent dans la poursuite de l’élan donné par le gouvernement Fillon, et je tiens tout particulièrement à saluer le travail accompli alors par notre collègue Benoist Apparu.

Cinq raisons expliquent cette divergence assez fondamentale entre nous.

La première est l’absence de prise en compte, par votre projet, de la diversité des situations locales, et un manque de considération assez étonnant pour le travail des maires. Toutes les modifications que vous apportez à la loi SRU semblent en effet inspirées par l’idée qu’il faut encadrer et punir les maires, au lieu de les accompagner dans leur effort.

Mme Annick Lepetit. Mais non !

M. François de Mazières. En relevant de 20 à 25 % le seuil minimum de logements sociaux et en l’assortissant d’un quintuplement du montant des sanctions, votre projet de loi impose à de nombreuses communes des charges véritablement insupportables, et va totalement à l’encontre du principe de libre administration des collectivités territoriales. Vous le reconnaissez, d’ailleurs, puisque vous fixez le plafond des pénalités à 10 % des dépenses de fonctionnement d’une commune dans certains cas. Quand on connaît les très faibles marges de manœuvre actuelles des communes, à qui les conséquences de la crise imposent de nouvelles charges, un tel niveau d’obligation est tout simplement irréaliste.

A travers nos amendements, nous vous demandons d’écouter la voix des maires. Ce sont des élus responsables. De partout, nous entendons des collègues de toutes tendances qui ont fait leurs calculs, et qui sont affolés par l’annonce de ces mesures.

Vos nouvelles modalités de rattrapage, qui s’appliquent sur le stock de logements existants et non sur les flux de logements nouveaux, créent des effets de seuil extrêmement violents pour certaines communes. Alors que la loi actuelle repose sur un principe de convergence progressive, votre projet de loi instaure des dates butoirs : le rattrapage du retard est porté au minimum à 25 % pour la période 2014-2016, à 33 % pour la période 2017-2019, etc. Cette chronologie n’intègre absolument pas les échéances électorales et les possibles changements de gouvernance au sein des exécutifs locaux. Ainsi, comment pouvez-vous prévoir que le nouveau dispositif de sanctions s’appliquera dès le 1er janvier 2014, alors que celui-ci repose sur l’évaluation de l’effort des communes sur une période de trois ans qui s’achèvera, pour la quatrième période triennale en cours, à la fin de l’année 2013 ? La cohérence de votre raisonnement nécessiterait au minimum de reporter le calcul de ces nouvelles sanctions à la fin de la prochaine période triennale, c’est-à-dire au 1er janvier 2017. Certes, vous prévoyez la possibilité d’une évaluation sur la seule année 2013, mais cette proposition est parfaitement incongrue quand on connaît la longueur des délais pour lancer un projet de construction. Pourquoi durcir à ce point les conditions actuelles, s’il n’est pas possible de les faire appliquer ? Je crains que vous n’ayez recherché des effets d’annonce.

Deuxième observation : dans de nombreuses villes, vos mesures risquent d’aller exactement à l’encontre de tous les efforts réalisés par les municipalités qui mènent une politique volontariste de mixité sociale dans tous les quartiers. J’en sais quelque chose ! En infligeant des sanctions financières très élevées à des villes qui ne disposent pas souvent d’un foncier, le Gouvernement ne laisse aux maires aucune autre alternative que de densifier les quartiers sociaux existants ou de construire un pourcentage très élevé de logements sociaux sur les rares parcelles qui pourraient être libérées. Or nous connaissons tous les effets négatifs de trop fortes concentrations de logements sociaux.

Je voudrais m’arrêter un instant sur la mise à disposition de terrains de l’État et de certains établissements publics en faveur du logement social. Nous tenons d’abord à souligner que ce n’est pas franchement une nouveauté. Le dispositif actuel est prévu par la loi du 18 janvier 2005 ; la décote est fixée par décret et peut atteindre jusqu’à 35 % si le terrain est situé dans une zone où le marché est tendu.

La nouveauté réside dans la possibilité d’une gratuité à 100 % et l’annonce de la mise à disposition immédiate d’une première liste de terrains. On sait malheureusement ce qui est arrivé : la liste que vous avez diffusée est un tissu d’erreurs. Pour ma ville, deux terrains déjà achetés par la commune y figuraient. Je ne cite pas cet exemple pour souligner une bévue, qui vous a conduit à retirer très vite cette liste, mais parce qu’il soulève plusieurs questions. Serons-nous remboursés des terrains que nous avons acquis ces derniers mois pour la partie construite en logements sociaux ? Votre projet est-il de nous inciter à créer des quartiers totalement consacrés à des logements sociaux ? Comment allez-vous inciter des ministères à vendre s’ils n’en attendent aucun retour ? Monsieur le ministre, vous le savez : si les différents ministères ne récupèrent rien de la vente de leurs terrains, ils ne seront pas incités à les aliéner. Au fond, nous craignons que vous ne freiniez le processus en cours.

Voilà pourquoi nous proposons de plafonner la décote à 50 %, et non à 100 %. Nous proposons également de passer par un bail emphytéotique. À un moment où l’argent public est rare, il convient de ne pas gaspiller les ressources de l’État. Par ailleurs, en prévoyant une renégociation au terme d’un bail de quarante ou cinquante ans, l’État pourra obtenir de nouveaux engagements de rénovation, et éventuellement ne pas reconduire les mauvais gestionnaires. Cela s’appelle de la bonne gestion.

Troisième observation : annoncer un relèvement du seuil minimum de logements sociaux de 20 à 25 % n’a de sens que si, parallèlement, l’État abonde en conséquence les crédits accordés au financement du logement social. L’étude d’impact évalue à 2,7 milliards d’euros annuels le budget qui devrait être redéployé sur la période 2014-2016. Nous attendons le budget 2013 !

Quatrième observation : votre projet de loi nous semble mal rendre compte de la montée en puissance de l’intercommunalité. Alors que les pénalités étaient jusqu’à présent allouées aux EPCI compétents en matière d’habitat, la limitation envisagée de ces pénalités aux seuls et rares EPCI ayant pris la compétence de l’attribution des aides à la pierre diminue considérablement la portée de cette disposition. Vous ne prenez pas non plus en compte la notion de bassin de vie. Or une commune peut, en construisant sur la frontière de son territoire, repousser en réalité la charge des équipements collectifs sur la commune voisine. J’ai en tête un certain nombre d’exemples : je pourrais les citer puisque nous appartenons à des communes assez proches.

Cinquième observation : la véritable urgence est pour nous la relance de toutes les formes de logement. Vous le savez, et les professionnels du secteur vous le confirmeront : l’appareil productif du secteur de la construction du logement social est en mesure de réaliser environ 90 000 logements par an. Les collectivités devront donc recourir aux promoteurs privés, et financer seules les équipements publics complémentaires.

Nous aimerions que vous développiez un parcours résidentiel, dans le locatif comme dans l’accession à la propriété. Il nous faut ainsi produire davantage de logements intermédiaires. Or votre projet de loi limite désormais à 30 % la part de logements financés en prêts locatifs sociaux, alors que ceux-ci peuvent répondre à un besoin des communes en logements spécifiques. Mieux encore : là où le foncier est cher, c’est en s’appuyant sur des PLS que l’on peut financer des PLUS ou des PLAI.

Nous vous rejoignons quand vous affirmez qu’il faut accorder une attention aux plus démunis. Mais nous aurions préféré qu’au lieu de tout vouloir encadrer et sanctionner, vous eussiez adopté la méthode de l’incitation pour s’adapter aux possibilités offertes par le marché du logement. Pourquoi ne pas considérer qu’un PLAI vaut deux logements dans le décompte de la loi SRU ? Cela permettrait de passer de l’esprit de sanction à l’esprit d’incitation, de la logique du bâton et de la défiance à l’encontre des maires à celle du soutien et de l’aiguillon.

Enfin, ne cachons pas la réalité. Pour relancer rapidement le logement, il faut impérativement soutenir fiscalement sa production, comme le prévoyait l’ancien dispositif Scellier. L’annonce récente de nouvelles déductions fiscales à destination des investisseurs achetant des logements neufs pour louer irait dans ce sens. Mais nous entendons tout de suite la voix des professionnels qui nous demandent comment il est possible de parvenir à la rentabilité nécessaire si ces aides sont réservées à la construction de logements dont les loyers sont inférieurs de 20 % au prix du marché ! Une nouvelle fois, n’est-ce pas une mesure en trompe-l’œil ? Evitons les débats idéologiques. Concentrons-nous sur l’essentiel : la relance du logement – et du logement social – que les Français appellent de leurs vœux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme. la présidente. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Depuis que l’être humain a pris conscience de ce qu’il est, la nécessité de se loger a été l’une de ses principales préoccupations. Au fil des temps, cette problématique a évolué, mais elle a conservé son caractère essentiel pour chacun. Dans le cadre de la discussion de ce texte, qui se situe dans le droit fil de l’évolution législative que nous avons connue en la matière depuis quelques années, il me paraît important de rappeler un certain nombre d’éléments. Je ne reviendrai pas sur les excellents propos de mon collègue et ami Jean-Christophe Fromantin qui a développé la position du groupe centriste, que nous voulons équilibrée sur ce texte comme sur la problématique du logement.

Bien entendu, nous sommes depuis toujours favorables à la mixité sociale, et convaincus de la nécessité de veiller à sa réelle prise en compte. Cependant, il nous paraît important de souligner que la réalité des questions de logement dans notre pays est très différente d’un territoire à l’autre, d’une ville à l’autre. Si l’on compare la situation de Paris intra muros à celle de la proche banlieue, la situation d’une métropole régionale d’équilibre telle que Toulouse ou de villes moyennes comme Albi et Castres, que je connais bien, à celle d’une ville rurale comme Lacaune ou de toutes petites communes de moins d’une centaine d’habitants, sans parler des départements et collectivités d’outre-mer, on est confronté à des réalités tout à fait différentes. Devons-nous appliquer exactement les mêmes normes sur tout le territoire national, quelle que soit la différence des situations locales ? Je reviendrai sur cette question lors de la discussion des amendements.

Je regrette que Mme la ministre ne soit pas présente (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Le ministre est là !

Mme. la présidente. Le Gouvernement est présent, monsieur le député !

M. Philippe Folliot. Elle est représentée par M. le ministre de la ville, mais…

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Il connaît parfaitement le sujet !

M. Philippe Folliot. Avec ce texte, Mme la ministre oublie un élément essentiel de l’intitulé de son ministère : l’égalité des territoires. En dépit de toutes les qualités de M. le ministre de la ville, nous voyons bien que la logique de ce texte ne concerne pas l’ensemble du territoire national, mais que nous sommes confrontés à une problématique exclusivement urbaine, avec tout ce que cela comporte. C’est ce que je veux dénoncer devant la représentation nationale !

L’article premier de ce texte vise à accorder un avantage à une partie du territoire national, au travers de la cession gratuite du foncier. Je ne reviendrai pas sur les débats relatifs à la nature de ce foncier : un certain nombre de listes ont été divulguées, et on s’est rendu compte que ces terrains étaient parfois déjà construits ou cédés. En adoptant ce texte, nous allons susciter une inégalité qui ira à l’encontre de toute politique d’aménagement du territoire. Il s’agit d’un enjeu fondamental ! Nous continuerons à accroître les déséquilibres territoriaux existant dans notre pays, en donnant des moyens toujours plus importants et en favorisant une concentration de population toujours plus forte sur une part relativement faible de notre territoire.

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le député.

M. Philippe Folliot. Je termine, madame la présidente.

Dans la discussion des articles, j’aurai l’occasion de revenir sur ces éléments. Au regard de la situation de nos finances publiques, il est essentiel de ne pas créer une nouvelle niche fiscale par le biais d’un avantage territorial uniquement réservé à une partie du territoire national. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. François de Rugy.

Plusieurs députés du groupe UMP. Il est pour ou contre le traité ?

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. Attendons d’entendre ce qu’il va dire ! (Sourires.)

M. François de Rugy. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, monsieur le président de la commission, chers collègues, je n’insisterai pas sur la faible mobilisation de nos collègues de l’opposition. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Plusieurs députés du groupe UMP. Ce n’est pas la quantité qui compte, mais la qualité !

M. François de Rugy. Nous pensions que vous seriez nombreux à venir voter les motions de procédure que vous avez présentées. Manifestement, vous n’êtes pas très à l’aise sur ce sujet.

M. Benoist Apparu. On n’aime pas faire le « coup du rideau » !

M. François de Rugy. Avec les députés écologistes, je suis très fier que ce texte sur le logement soit l’un des premiers de la rentrée parlementaire après celui relatif aux emplois d’avenir.

Je suis fier également que Cécile Duflot l’ait présenté au nom du Gouvernement. Notre majorité est en effet attendue sur la question du logement. Après dix ans de mauvaise politique en la matière et de mauvais résultats,…

M. Benoist Apparu. L’étude d’impact dit exactement l’inverse !

M. François de Rugy. … nous sommes bien conscients que la ministre était attendue au tournant. Il suffit de lire la presse aujourd’hui pour se rendre compte que certains aimeraient qu’elle quitte le Gouvernement. Eh bien, ils en seront pour leurs frais !

Revenons à la question du logement. Vous le savez, monsieur Apparu, vous qui avez été ministre du logement, plusieurs millions de personnes sont mal logées en France et plus d’un million de ménages attendent un logement social. La question du logement social est donc particulièrement cruciale. Du reste, vous avez en quelque sorte reconnu votre échec.

M. Benoist Apparu. Non !

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. Si !

M. François de Rugy. N’avez-vous pas dit qu’il était temps de relancer la politique du logement social en France ?

M. Alexis Bachelay, rapporteur pour avis. Quel aveu !

M. Benoist Apparu. On n’a rien vu depuis six mois !

M. François de Rugy. On ne pouvait mieux dire ! Vous avez fait le constat que la politique du logement social avait été laissée en déshérence pendant dix ans. Si vous-même n’avez pas été ministre pendant dix ans, la droite, elle, l’a été.

M. Bernard Gérard. Nous en avons fait trois fois plus que vous !

M. Benoist Apparu. Oui, regardez les résultats !

M. François de Rugy. L’engagement pour la mobilisation du foncier public, des terrains de l’État mis à la disposition des collectivités locales pour construire du logement, notamment social, l’obligation de passer de 20 à 25 % de logements sociaux dans les communes, ces engagements, qui étaient ceux du Président de la République et de notre majorité, sont tenus.

Construire du logement social neuf est le premier facteur de mixité sociale. Dans beaucoup de villes, le logement locatif privé, surtout s’il est neuf, est inabordable pour des personnes dont les revenus sont modestes ou moyens. Le logement social neuf – avec un niveau de loyer plus élevé que dans le parc social plus ancien – répond à la demande de logements à des prix abordables.

Il est particulièrement important d’obliger les communes et les intercommunalités à mener une politique volontariste et à se fixer des objectifs de construction de logements sociaux pour arriver à 25 %, ce qui n’est jamais qu’une part modeste dans l’offre de logements. Le logement social ne constitue évidemment pas la seule réponse. Du reste, le Gouvernement et la ministre du logement ont engagé d’autres mesures, tel l’encadrement des loyers à la relocation, dispositif très critiqué. Certains n’y croyaient pas, c’est maintenant chose faite. On peut aussi évoquer l’abrogation de cette folie sarkozysiste qui consistait à vouloir augmenter de 30 %, de façon uniforme sur tout le territoire, la constructibilité dans les plans locaux d’urbanisme, en niant les équilibres auxquels on était patiemment parvenu. En outre, des mesures ont été annoncées en faveur de l’investissement locatif privé, et c’est une bonne chose.

Nous soutenons l’idée que la politique du logement se décline avec différents textes dont certains ont déjà été votés, avec celui que nous examinons aujourd’hui et d’autres à venir. Nous sommes convaincus que c’est en jouant sur ces différents leviers que nous arriverons à répondre à la crise du logement dont nos concitoyens souffrent actuellement. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Krabal.

M. Jacques Krabal. Madame la présidente, monsieur le ministre, madame la rapporteure, monsieur le président de la commission, la crise du logement s’est hissée au premier rang des préoccupations de nos concitoyens. Manque de logements, mal-logement, explosion des coûts du foncier et des loyers : tel est le bilan de la précédente majorité que je souhaite dénoncer aujourd’hui. Les gouvernements précédents se sont enlisés. En sept ans, six lois sur le logement ont été votées, ce qui montre bien, même si le sujet est complexe, qu’il y a eu enlisement.

M. Benoist Apparu. Vous allez en faire deux en six mois !

M. Jacques Krabal. Le projet de loi révèle des enjeux d’urgence sociale et économique. Avec ses trois volets, cette loi, notamment grâce à la libération du foncier public, permettra aux communes soumises à la loi SRU d’atteindre enfin les taux obligatoires de logements sociaux sur leur territoire.

La mise à disposition du foncier public de l’État est, selon moi et de nombreux élus, un excellent dispositif. Je proposerai qu’il soit appliqué au patrimoine non utilisé des entreprises publiques comme EDF, La Poste, qui ont quitté nos territoires ces derniers temps. Or de nombreux espaces sont disponibles dans nos communes.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. C’est vrai.

M. Jacques Krabal. S’il est essentiel de pénaliser les communes qui ne respectent pas leurs obligations, il faudrait aussi savoir récompenser les communes qui vont au-delà des leurs.

En tant que député de la ruralité et maire d’une commune d’un peu moins de 15 000 habitants, je sais combien pèse le manque à gagner fiscal induit par une forte proportion de logements sociaux dans nos budgets et je connais leur coût. Mais je connais aussi les plus-values de la mixité sociale en valeur d’apprentissage du vivre-ensemble.

M. Laurent Cathala. Très juste.

M. Jacques Krabal. Je me réjouis du vote de l’amendement proposé par le groupe RDSE au Sénat. Il est important de préciser la typologie des logements construits afin de favoriser une véritable mixité sociale et de lutter contre les ghettos urbains.

C’est une question de solidarité nationale, et il est nécessaire de s’inscrire dans cette volonté. Il y va de la cohésion sociale, mais aussi des valeurs de la République.

Sans faille, nous devons lutter contre les marchands de sommeil et décourager la vacance par le biais de mesures comme l’augmentation des taxes foncières sur les logements inoccupés.

C’est pourquoi les communes devraient, au-delà du droit de préemption, pouvoir acquérir au moindre prix les immeubles insalubres que les propriétaires refusent de réhabiliter. Il faut également simplifier les procédures de rachat tout comme les documents d’urbanisme afin d’améliorer leur cohérence territoriale. Trop souvent, en milieu rural, les élus locaux se retrouvent dépourvus face au manque d’interlocuteurs de l’État. De plus, nous devons sanctionner les recours abusifs qui se font au détriment de l’intérêt général.

Ces sujets ont été abordés lors de la Conférence environnementale à laquelle j’ai participé, tout comme la nécessité de réhabiliter et de produire en fonction des objectifs du Grenelle de l’environnement. Réfléchissons aussi au développement des réseaux de chaleur en contraignant les particuliers à s’y raccorder, comme nous le faisons avec les réseaux collectifs d’assainissement. La lutte contre les passoires énergétiques doit d’autant plus devenir une priorité qu’elles pénalisent d’abord les plus pauvres. Et je suis heureux que ces sujets soient abordés dès demain, lors de la discussion sur la tarification progressive de l’énergie.

Je sais à quel point ces questions sont primordiales. La politique du logement doit être conçue pour s’insérer dans une politique d’aménagement global, source d’un cercle vertueux : développement durable, économies d’énergie, développement de nouvelles filières – donc emplois –, santé et mieux vivre ensemble dans un habitat durable et de qualité.

La problématique environnementale rejoint celle de la lutte contre l’étalement urbain.

Enfin, j’évoquerai la situation du Crédit immobilier de France, qui risque d’exclure chaque année 150 000 ménages des classes moyennes de l’accession sociale à la propriété. Nous ne pouvons conduire une politique du logement efficace sans mettre en place des outils pour favoriser également l’accession à la propriété des classes moyennes. Il faut aussi un nouveau dispositif d’incitation fiscale pour favoriser l’investissement locatif qui succéderait au défunt Scellier, un dispositif plus social, avec des loyers imposés aux marchés, et surtout mieux ciblé géographiquement.

Mes chers collègues, n’oublions pas que c’est la tortue, qui porte sa maison sur son dos, qui remporte la course face au lièvre trop confiant dans la fable de Jean de la Fontaine.

Gagnons la course du logement. Nous avons cinq ans pour cela. Il faut donc, comme vous le faites aujourd’hui, madame et monsieur les ministres, poser les fondations d’une politique offensive dans le domaine du logement.

Nous serons attentifs à son efficience et à son efficacité sur le terrain. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. Laurent Cathala. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président, mes chers collègues, la France connaît une crise du logement sans précédent. Durant la campagne électorale, le Président de la République s’est engagé à s’attaquer le plus rapidement possible à ce fléau français. Le texte qui nous est présenté va dans ce sens et nous ne pouvons que nous en réjouir.

Au-delà des chiffres, du nombre de mal-logés dans notre pays, il y a des situations humaines. Trop de nos concitoyens sont obligés de vivre dans des taudis, en situation de sur-occupation, et, pour certains, dans leur voiture. Pour être sur le terrain, nous connaissons ces situations insupportables, inadmissibles, intolérables.

Non seulement il y a un manque de logements, mais nous avons, durant les cinquante dernières années, concentré tous les logements sociaux dans des territoires qui sont aujourd’hui en relégation de la République. Nous avons ainsi contribué à constituer le ghetto social français et à faire en sorte que la misère rejoigne toujours la misère.

En tant qu’élus de ces territoires, et nous en sommes tous collectivement responsables, nous savons que la situation est devenue explosive. Oui, il y a urgence à construire du logement social, voire du logement très social. Il ne s’agit pas d’imposer ni de contraindre, mais si nous ne parvenons pas à partager les difficultés et la misère, si des communes favorisées n’acceptent pas des populations en grande difficulté pour s’en occuper, accueillir les enfants dans les écoles de la République, et faire en sorte que les difficultés de ces familles soient prises en charge par les CCAS, la France connaîtra de graves problèmes. En d’autres termes, c’est la République qui sera mise à mal.

Ce texte va dans le bon sens : oui, il faut construire du logement ; oui, il faut construire du logement social ; oui, il faut construire du logement très social dans les communes où il n’y en a pas. C’est l’avenir de la République qui se joue à partir de cette volonté politique du Gouvernement.

Que faire ?

Premièrement, libérer le prix du foncier : c’est ce qui est proposé dans la première partie du projet de loi.

Deuxièmement, imposer aux communes qui ne respectent pas la loi d’atteindre 20 % voire 25 % de logements sociaux – vous savez que certains parmi nous préconisent du logement très social.

Troisièmement, faire en sorte que les communes, une fois qu’elles auront atteint ces objectifs, acceptent de loger les populations les plus fragiles car, je le répète, c’est là aussi un engagement que nous avons pris.

Monsieur le ministre, je suis content que ce soit vous qui représentiez le Gouvernement ce soir car ce texte renvoie à un problème particulier qui relève de votre ministère : au cœur de la construction de logements sociaux se pose en effet la question de l’avenir de la politique de la ville. Si nous ne cassons pas ce fameux ghetto français – et je connais vos convictions en la matière –, nous aurons l’obligation de légiférer régulièrement pour essayer d’inciter les acteurs à remédier à ce mal. Malheureusement, nous n’y parviendrons pas de cette façon : continuer d’ajouter de la misère à la misère, comme notre pays l’a déjà trop fait, c’est courir à l’échec.

Je voudrais également appeler votre attention, monsieur le ministre, sur deux problèmes très particuliers.

Le premier concerne les communes qui jouxtent l’aéroport de Roissy – et je salue la présence dans cet hémicycle de Jean-Pierre Blazy et Gérard Sebaoun. Elles ne peuvent en effet construire de logements, alors même que leurs populations en auraient besoin, tout simplement parce que les nuisances aéroportuaires imposent un PEB, un plan d’exposition au bruit, qui interdit les constructions. Voilà qui est paradoxal dans un pays qui a besoin de logements. Nous souhaiterions que certaines évolutions – dans des conditions extrêmement encadrées bien entendu – soient possibles. Malheureusement, la loi actuelle ne le permet pas, c’est pourquoi nous déposerons des amendements à cette fin.

Le deuxième problème concerne le Grand Paris. Tout le monde est maintenant d’accord dans la majorité et au sein de la région pour que les contrats de développement territorial, les CDT, soient encadrés par le schéma directeur de la région Île-de-France que les élus régionaux, en accord avec le Gouvernement, sont en train de réviser. Toutefois, certaines collectivités se sont déjà engagées dans l’élaboration de projets urbains, surtout dans les quartiers les plus défavorisés, et il ne faudrait pas les pénaliser alors qu’elles ont voulu, avec le Gouvernement et la région, faire en sorte que le travail avance. Nous avons donc déposé des amendements à ce sujet.

Reste que ce texte va dans le bon sens et que nous nous réjouissons qu’il soit présenté au début de cette législature. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Meunier.

M. Philippe Meunier. Madame la présidente, mes chers collègues, je dois dire que je regrette l’absence de Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement, non pour ses tenues, mais parce que j’avais beaucoup de choses à lui dire.

M. François Lamy, ministre délégué. Je lui en ferai part !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Mais, vous savez, M. Lamy est un très bon ministre.

M. Philippe Meunier. Je sais, monsieur Brottes, je sais aussi que nous allons avoir de longues discussions sur l’usine à gaz que vous êtes en train de monter autour de la tarification de l’électricité.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Vous avez mal lu le texte !

M. Philippe Meunier. Avec ce projet de loi visant à régler la question du logement dans notre pays, l'actuel gouvernement montre, une fois de plus, qu’il préfère l'idéologie et le dogmatisme à l'efficacité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Idéologie car, au lieu de se consacrer aux familles et aux personnes qui ont des difficultés à se loger, ce gouvernement de gauche préfère classer par catégories administratives les logements proposés pour en modifier la composition. La seule solution que vous proposez est de relever à 25 % du parc immobilier le nombre minimum de logements sociaux imposés aux communes de France. Pourquoi ne pas chercher plutôt à régler le problème de toutes ces familles en se penchant plus précisément sur leurs besoins ? Une famille qui a besoin d'aide pour se loger se moque bien de savoir si le logement qu'elle attend est classé social ou non. Ce qu'elle attend de la puissance publique, c'est un logement pour ses enfants. Au lieu de répondre efficacement à cette attente, vous préférez créer des parcs de logements sociaux, pour mieux avoir sous votre contrôle les personnes qui en bénéficient. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Dogmatisme, car une fois de plus vous êtes dans une logique punitive à l'égard de tous ceux qui ne rentrent pas dans votre moule collectiviste, en quintuplant des amendes pourtant déjà élevées.

M. François de Rugy. Vous délirez !

M. Philippe Meunier. Et pour en venir au fond, monsieur le ministre, vous êtes-vous au moins posé une fois la question de savoir pourquoi il y a un si fort rejet des logements sociaux de la part des Français ? Croyez-vous sincèrement que nos compatriotes soient sans cœur et rejettent toute forme de solidarité ? S’ils ont une idée très négative des logements sociaux, c'est uniquement en raison du fait que ceux-ci sont très souvent attribués d’abord à des ressortissants étrangers qui, pour certains, ont un véritable problème d'intégration au corps social français. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. Julien Aubert. C’est très juste !

M. Jean-Marc Germain. Nous y voilà !

M. Philippe Meunier. Il suffit d'ailleurs d’aller sur place ou de voir les très nombreux reportages de la télévision pour se rendre compte de la situation.

Monsieur le ministre, je vous conseille de venir habiter au moins quelques mois dans certains quartiers de nos agglomérations pour comprendre enfin ce que vivent nombre de nos compatriotes.

M. François Lamy, ministre délégué. Ces quartiers, je les connais !

M. Alexis Bachelay, rapporteur pour avis. Et vous, venez donc à Gennevilliers !

M. Philippe Meunier. Cela vous changera des bobos qui parlent de ces sujets sans les connaître et qui se permettent de nous faire la morale à tout bout de champ. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Je ne fais pas le reproche à la gauche d'être l'unique responsable de cette très grave dégradation de la situation du parc social, et plus particulièrement de la condition de vie de ses habitants,…

M. Henri Jibrayel. Il ne manquerait plus que ça !

M. Philippe Meunier. …même si son arrivée au pouvoir en 1981 a véritablement enkysté la délinquance dans un très grand nombre de ces quartiers. Mais tout de même, monsieur le ministre, ne pensez-vous pas que le temps est venu de tirer les conséquences de cet échec ?

Le devoir du Parlement et du Gouvernement est d'ouvrir les yeux et de ne pas sombrer dans la langue de bois et le politiquement correct.

Avant d'inonder le territoire de logements sociaux, ….

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. « Inonder » ?

M. Philippe Meunier. … regardez la situation en face, telle qu'elle est et non comme vous l'imaginez.

Hélas, je crains que votre aveuglement ne vous empêche de voir la réalité si dérangeante pour votre idéologie et vos belles âmes toujours prêtes à s'enflammer dans les salons parisiens.

M. Julien Aubert. Très juste !

M. Philippe Meunier. Vous êtes d'ailleurs, si j'ose dire, pris la main dans le sac avec ce projet de loi.

Pourquoi en effet avoir prévu un plancher de 25 % sans le moindre plafond ? Êtes-vous politiquement si dépendant des logements sociaux pour ne pas avoir vu la nécessité d'imposer à certaines communes une limite à leur parc social ? Comment l'État peut-il encore soutenir la construction de nouveaux logements sociaux dans des communes qui en possèdent déjà un nombre considérable, avec les conséquences que nous connaissons tous ?

De plus, monsieur le ministre, au lieu d'accroître massivement le nombre d'étrangers autorisés à résider sur notre territoire national, comme vient de le décider Manuel Valls en annulant les circulaires de son prédécesseur Claude Guéant, vous feriez mieux de vous occuper de nos compatriotes qui attendent un logement depuis des mois, voire des années, et qui se font doubler par ceux qui viennent d'arriver sur le territoire national sous prétexte qu'ils sont dans une situation plus difficile encore que la leur.

M. Julien Aubert. Très bien !

M. Philippe Meunier. Rappelez donc à votre collègue du Gouvernement Manuel Valls, à votre Premier ministre et à François Hollande que lorsque l'on a la responsabilité de gérer le pays et que l'on prétend vouloir trouver une solution au problème du logement qui concerne un très grand nombre de nos compatriotes, on ne prend pas la responsabilité de faire entrer plus de 200 000 personnes par an sur le territoire national. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. Henri Jibrayel. Propos scandaleux !

M. Philippe Meunier. Car l'arrivée de 200 000 ressortissants étrangers supplémentaires sur notre territoire aura pour conséquence l’obligation de construire, en deux ans, un nombre de logements équivalent à la totalité du parc immobilier de la ville de Lyon, deuxième ville de France, pour les accueillir.

Votre projet de loi est dogmatique et idéologique. Votre politique est contraire aux intérêts de la France et de nos compatriotes.

Ceux qui ont voté pour vous sont déjà très nombreux à comprendre qu'ils ont été victimes de vos mensonges lors de la campagne électorale. Votre effondrement dans les sondages …

M. François Lamy, ministre délégué. C’est moi qui suis effondré par vos propos !

M. Philippe Meunier. …n'est que le début d'un rejet global de votre politique partisane, sectaire et punitive.

M. Henri Jibrayel. Vous avez perdu les élections !

M. Philippe Meunier. Et ce ne sont pas le matraquage fiscal des classes moyennes, le simulacre de mariage homosexuel et cette trahison envers la France que constitue le droit de vote des étrangers qui vous redonneront la majorité que vous avez déjà perdue. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. Jean-Marc Germain. Vous devriez changer de groupe et siéger un peu plus haut, tout à fait à la droite de l’hémicycle : ce serait plus clair !

M. Philippe Meunier. Telles sont les raisons pour lesquelles je voterai contre ce projet de loi néfaste pour mon pays, la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.

M. Jean-Marc Germain. Espérons que vous relèverez le niveau, qui est tombé bien bas avec l’orateur précédent !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous partageons le même constat sur la gravité de la crise du logement dans notre pays.

Mme Audrey Linkenheld, rapporteure. Après ce que nous venons d’entendre, je n’en suis pas sûre.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Monsieur le ministre, je ne doute pas un seul instant de votre bonne volonté, j’approuve même votre idée de mettre à disposition des terrains publics : il y en a besoin. Le tout est que cela soit suivi d’effets et que l’on soit bien sûr que ces terrains publics ne sont pas déjà vendus à certaines communes.

La seule question qui vaille pour moi, c’est de savoir si votre politique et votre projet de loi sont de nature à renforcer l’efficacité de l’action. J’en doute, croyez-le. J’en doute car, à l’exception de cette offre foncière supplémentaire, qui m’apparaît positive, et du blocage des loyers, mesure que j’ai à titre personnel également trouvé positive, …

M. François de Rugy. Voilà un vrai gaulliste !

M. Nicolas Dupont-Aignan. …je crains que cette loi ne soit que pur affichage. Et cela pour deux raisons principales.

La première, c’est que, pour mener une politique d’incitation à l’égard des communes, il faut certes un bâton, mais il faut aussi une carotte. Or je redoute qu’en vous contentant de la posture des 25 % de logements sociaux sans modifier la politique qui a fait que certaines communes de bonne volonté – elles ne l’étaient pas toutes – ne sont pas parvenues à atteindre le seuil de 20 %, vous ne changiez pas grand-chose à la situation.

Je m’explique, et je crois être bien placé pour le faire dans la mesure où je suis maire d’une commune qui, par ses efforts, a réussi à passer de 10 % de logements sociaux en 2000 à une proportion de 15 % aujourd’hui et qui a pour objectif de respecter la loi sur les 20 %. En réalité, tout est fait pour ne pas inciter les maires à construire. Je prendrai plusieurs exemples précis, que vous connaissez, monsieur le ministre, puisque vous êtes élu d’Île-de-France.

Il s’agit d’abord du plafond de 2 500 euros pour le conventionnement. Tout le monde sait pertinemment qu’en Île-de-France, dans les zones qui manquent de logements sociaux, le prix du foncier se situe entre 400 euros et 800 euros le mètre carré. Il n’est donc pas possible de produire un logement HLM avec les conventionnements de l’État et les financements actuels. Autrement dit, ce sont les communes qui sont obligées d’abonder. Dans ma commune, qui n’est pas riche et qui manquait de logements sociaux, un quart du budget d’investissement est réservé à la création de logements sociaux à travers une société d’économie mixte. Mais cet effort-là, comment pourra-t-elle le supporter encore longtemps alors même que vos amis politiques du conseil général et du conseil régional suppriment toutes les subventions pour les communes qui se situent en deçà du seuil de 20 % ? Nous sommes dans une situation ubuesque : ma commune consent un effort pour combler son écart par rapport aux 20 % – et en Essonne, c’est elle qui a sans doute le plus rattrapé ce retard – mais elle est punie par le conseil général et le conseil régional qui estiment qu’elle ne peut pas prétendre à des subventions supplémentaires parce qu’elle n’atteint pas le seuil de 20 %.

Je veux bien que vous proclamiez l’objectif de 25 % de logement social en vous faisant plaisir ici, mais s’il n’y a pas de changement concret à même de différencier les communes qui n’atteignent pas le quota mais consentent des efforts de celles qui sont de mauvaise volonté et ne font aucun effort, vous allez décourager celles qui font des efforts et l’objectif de 25 % restera un vœu pieu. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

J’insiste sur ce point parce que la pénalisation due à la multiplication par cinq des amendes ne servira à rien si vous ne changez pas de politique et si vous ne gardez pas dans votre budget – je sais que celui de votre ministère est haché menu en ce moment – des fonds supplémentaires pour corriger l’effet du foncier dans les communes qui ne disposeront pas de terrains publics, car il n’y en a pas dans toutes les communes qui sont en retard, loin de là.

Si vous voulez obtenir des résultats, il vous faut donc aller bien plus loin et avoir une analyse fine des raisons du blocage afin de le corriger.

La deuxième raison qui me fait douter de l’efficacité de votre action, c’est l’erreur d’analyse que vous avez commise dès le départ. Oui, il faut corriger le tir et permettre qu’il y ait des logements sociaux dans les villes qui n’en avaient pas, postulat que toute personne d’esprit républicain est prête à accepter. En revanche, vous le savez bien, l’absence actuelle de rotation du parc social s’explique par l’impossibilité pour les classes modestes et moyennes d’accéder à la propriété du fait de l’explosion des prix et de la spéculation dans nos villes.

M. Olivier Audibert-Troin. Il a raison.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Cela veut dire que si vous ne faites pas sauter le bouchon de l’accession sociale à la propriété, vous n’accélérerez pas la rotation des logements HLM. En réalité, vous créerez des logements HLM pour les classes moyennes et non pour les familles en grande difficulté.

Cela signifie qu’il manque dans votre projet de loi un volet essentiel : l’accession sociale à la propriété. Cela aurait été un beau projet qui aurait réconcilié l’ensemble des bancs de cette assemblée car, soyons clairs, nos concitoyens préfèrent s’endetter à long terme, même sur trente ans, et être propriétaires de leur logement, notamment dans la perspective de retraites difficiles, plutôt que de payer un loyer toute leur vie, loyer qui n’est d’ailleurs pas si modeste que cela dans les logements HLM quand on sait la gabegie qui règne dans certains offices.

Cela veut dire très concrètement que si l’on ne développe pas une politique d’accession à la propriété, le nombre de logements HLM créés augmentera peut-être – dans de faibles proportions, toutefois, nous verrons cela dans quelques années – mais sans qu’il y ait de capacité de changement. On peut vouloir d’abord habiter en HLM puis accéder à la propriété.

Enfin, et j’en finis, madame la présidente…

Mme la présidente. D’un mot, je vous prie.

M. Nicolas Dupont-Aignan. D’un mot, je vous rassure.

Enfin, on parle de logement social mais, si la misère se développe dans notre pays, si, comme l’a souligné mon prédécesseur, on laisse entrer sur notre territoire toujours plus d’étrangers en situation régulière ou pas (Exclamations sur quelques bancs du groupe SRC), si l’on ne traite pas la question du développement économique, question pourtant aujourd’hui majeure, vous aurez beau construire tous les logements sociaux de la terre, cela ne suffira pas à donner un destin à notre pays. Et si Mme Duflot est absente ce soir, c’est peut-être parce qu’elle réfléchit à sa position sur le fameux traité européen qui va nous plonger dans la pire des récessions. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Nous poursuivrons ce soir la discussion générale.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures quarante-cinq.)