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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 3 octobre 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Christophe Sirugue

1. Ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire

Discussion générale (suite)

Mme Annick Girardin

M. Gabriel Serville

Mme Pascale Boistard

M. Hervé Mariton

M. Charles de Courson

Mme Marion Maréchal-Le Pen

M. Jean-Pierre Dufau

Mme Estelle Grelier

M. Jean-Yves Caullet

M. Jacques Myard

Mme Chantal Guittet

M. Gilles Savary

Mme Axelle Lemaire

M. Jean-Frédéric Poisson

M. Guillaume Bachelay

Mme Marie-Françoise Bechtel

M. Emeric Bréhier

M. Alain Chrétien

M. Jean-Jacques Bridey

M. Philippe Noguès

M. Jean-Louis Destans

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes

Motion d’ajournement

M. Nicolas Sansu

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères, M. Marc Dolez, Mme Estelle Grelier, M. Pierre Lequiller, M. Philippe Folliot

Article unique

M. Nicolas Dupont-Aignan

M. Gérald Darmanin

M. Philippe Folliot

Amendement no 2

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Christophe Sirugue,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Ratification du traité sur la stabilité,
la coordination et la gouvernance
au sein de l'Union économique et monétaire

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire. (nos 197, 205)

Cet après-midi, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

Discussion générale (suite)

M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin.

Mme Annick Girardin. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, après plusieurs mois de discussion, nous examinons un traité qui cristallise le débat européen et fait s'affronter différentes visions de l'avenir de l'Union européenne.

Avant toute chose, même si ce texte ne fait pas consensus, il a permis de rendre l'Europe incontournable.

L’Europe est encore considérée par beaucoup de nos concitoyens comme responsable de tous leurs maux, comme le cheval de Troie d'une mondialisation débridée. Or, dans le même temps, il est devenu évident que l'Europe constitue la seule réponse viable à nos problèmes.

C'est un changement majeur car, quelle que soit la position de chacun, nous nous accordons tous, y compris ceux qui dans mon groupe ne voteront pas pour ce traité, pour considérer qu'aucune solution à nos problèmes actuels ne peut être trouvée en dehors de l'Union européenne.

Certes, il est bien difficile de se réjouir de voter en faveur d’un traité négocié par la majorité précédente, porteuse d'une vision purement budgétaire et disciplinaire.

M. Gérald Darmanin. Alors, pourquoi le votez-vous ?

Mme Annick Girardin. En février dernier, lors de notre discussion sur le Mécanisme européen de stabilité, nous étions nombreux à considérer que le problème résidait non dans ce mécanisme, mais dans le fait que l'octroi d'une aide par le MES dépendait de la ratification et de l’application de ce traité.

Le MES, reposant sur davantage d'intégration, constitue une véritable avancée ; mais l’orthodoxie budgétaire et l’austérité généralisée ne peuvent pas constituer un but pour l'Europe.

Ce traité ne réglera certes pas la crise actuelle, mais il ouvre la voie à de nouvelles mesures. N'oublions pas que nos compatriotes souffrent – la barre des 3 millions de chômeurs est désormais franchie – et que cette crise européenne les inquiète légitimement. Nous devons donc poursuivre nos explications, et répéter que même si l'Europe rencontre des problèmes, elle n’en est pas la cause, et que les solutions ne pourront être qu'européennes.

Cette ratification est le passage obligé vers une Europe que nous pourrons regarder non seulement sans crainte, mais même avec espoir. Elle constitue un premier pas vers une intégration plus poussée.

Je voterai donc en faveur de ce traité, mais en attendant la suite avec impatience. Et la suite est déjà connue, car ce traité ne vient pas seul. Le sommet européen des 28 et 29 juin dernier a ouvert la voie à une réorientation des politiques européennes, ayant comme objectifs l’intégration, la croissance et la solidarité.

Le pacte de croissance est le symbole de cette nouvelle donne européenne : alors que la rigueur était encore récemment la seule solution proposée, le soutien à la croissance constitue désormais un nouvel objectif.

Certes, les 120 milliards ne sont pas suffisants, et aucune des mesures annoncées n'est à même d'inverser la conjoncture économique actuelle. Mais il ne s’agit que d’une première étape ; d'autres mesures devront suivre pour réorienter fermement la politique européenne vers un modèle de développement plus social, plus compétitif et plus écologique.

De même, une réorientation de la politique monétaire et bancaire européenne est en cours. La supervision bancaire, actée fin juin, devrait déboucher rapidement sur une intégration bancaire. Les radicaux de gauche, qui font de l'intégration européenne leur priorité, ne peuvent que s'en réjouir et attendent avec impatience la mise en œuvre de l'intégration budgétaire et fiscale.

S'ajoutent à cela les nouvelles règles de la Banque centrale européenne relatives au rachat illimité de dettes souveraines, qui démontrent que la solution à la crise ne peut être qu'européenne, et surtout que l'Union européenne, solidaire, n’abandonnera aucun de ses membres.

Enfin, l'intégration politique est en chantier ; la feuille de route qui devrait être présentée avant 2013 est attendue avec impatience. Cette intégration politique doit s’accompagner d'un approfondissement démocratique. L'article 13 du traité que nous examinons prévoit la mise en place d'une conférence interparlementaire pour débattre des politiques budgétaires. Cet ancrage démocratique de la gouvernance économique européenne est une nécessité.

Certes, les négociations intergouvernementales prédominent actuellement dans la gestion de la crise. Pourtant, les réponses sont davantage fédérales qu’intergouvernementales : le fonctionnement du Mécanisme européen de stabilité comme la supervision bancaire par la BCE préfigurent en effet une intégration plus poussée, qui devra s'appuyer sur la représentation parlementaire, nationale et européenne.

En votant en faveur du TSCG, nous manifestons donc notre soutien au renforcement de l'intégration européenne, car nous approuvons davantage le contexte que le texte. Repousser ce traité mettrait un coup d'arrêt à toute solution européenne à la crise.

Certains parleront d'un chèque en blanc donné au Gouvernement…

M. Gérald Darmanin. C’est un chèque sans provision !

Mme Annick Girardin. …puisque tout reste encore à faire. Mais la réorientation est engagée. Le Gouvernement devra respecter ses promesses, et mettre en œuvre cette Europe sociale et écologique, cette Europe intégrée et solidaire, cette Europe démocratique et politique, souhaitée par-dessus tout puisque, je le répète, le renforcement de l'intégration européenne est la seule solution à la crise.

Pour construire cette Europe, monsieur le ministre, les radicaux de gauche, fervents défenseurs de l'intégration, combattront à vos côtés et seront une force de proposition.

Je conclurai mon propos par cette phrase célèbre de Robert Schuman, qui illustre parfaitement la situation actuelle : « l'Europe ne se fera pas d'un seul coup, ni dans une conception d'ensemble. Elle se fera par des constructions concrètes créant d'abord une solidarité de fait ». (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Gabriel Serville.

M. Gabriel Serville. Le redressement de notre pays et de nos territoires exige un effort que les Français sont prêts à accepter, à condition qu'il soit équitablement partagé et accompagné d'un volet important en faveur de la croissance.

Tel est le message exprimé par le Président de la République lors de la campagne électorale, et dont nous sommes, au sein de la majorité, les garants.

La confiance dont nous honorent les électeurs repose sur notre promesse d'une réorientation, dans un esprit de justice, de la politique économique menée en France et en Europe. Le respect des engagements du Président de la République en faveur de la renégociation de ce traité conditionne donc le maintien de cette confiance.

Nous saluons l’annexion au traité d’un pacte de croissance, signe important d'un changement, même symbolique, apporté au texte initial.

Oui, ce texte initial, inspiré conjointement par M. Sarkozy et Mme Merkel, avait été dénoncé par la gauche de façon quasi unanime. Il abaissait alors le déficit structurel de 1 % à 0,5 %, en maintenant en parallèle un déficit nominal à 3 %. De même, il prévoyait la mise en place d'une majorité inversée en cas de procédure pour déficit excessif. Or le texte qui nous est présenté aujourd'hui contient toujours l'ensemble de ces mesures qui vont pressurer l'État et les collectivités locales. La meilleure preuve n'est-elle pas l'inclusion des investissements publics dans le déficit structurel de 0,5 % ?

Autrement dit, voter ce texte revient à admettre que soient limités à 0,5 % du déficit structurel les investissements productifs dont nous avons besoin pour notre croissance – y compris ceux qui intégreraient les objectifs stratégiques européens –, à moins d'être compensés par des baisses de dépenses ou des hausses d'impôts.

Dans certains territoires, où les potentialités sont immenses à condition d'être accompagnées des investissements indispensables à leur réalisation, l'abaissement de ce déficit structurel intégrant les dépenses d'investissement aura pour effet de corseter les marges de manœuvre.

Je pense au territoire de la Guyane, qui dispose d'un secteur de l'énergie susceptible de générer d'immenses retombées économiques pour l'avenir, ainsi que d’un gisement d'emplois disponibles dès maintenant. En outre, l'explosion démographique représente un potentiel considérable de talents ne demandant qu'à s'exprimer.

Le redressement attendu nécessiterait au contraire des marges de manœuvre accrues en matière d'investissements productifs. Au-delà de l'évolution du chiffre admis pour le déficit structurel, il aurait été nécessaire d'en exclure les investissements, afin de permettre une véritable relance économique.

La volonté de stabiliser les dépenses de fonctionnement peut correspondre à un contexte, mais celui-ci ne saurait justifier que nous nous privions des instruments susceptibles de raviver la croissance, au premier rang desquels l'investissement.

La meilleure orthodoxie budgétaire ne consiste pas à imposer un véritable corset à la mobilisation de notre appareil économique.

Comment accepter que soit entérinée la règle d'or, fustigée par l'opposition de l'époque, et qui réduit nos marges de manœuvre tout en dessaisissant notre Parlement de la possibilité de débattre de certains aspects de la politique économique, notamment d'une politique de relance dite procyclique ?

N'eût-il pas été également utile de disposer de définitions harmonisées en matière de déficit structurel et de croissance potentielle entre les différentes institutions qui les entendent différemment, qu'il s'agisse de la Commission de Bruxelles, de la Cour des comptes ou de la direction du Trésor, sans oublier l'ensemble des États européens ?

Dès lors, et en l'absence d'un pacte de croissance suffisamment doté, puisqu'il équivaut à seulement 1 % du PIB européen, ce traité risque de nous conduire tout droit vers l'austérité en raison de la récession annoncée.

Enfin, des annonces fortes concernant la réorientation globale de l'Europe sont toujours attendues, notamment concernant le six-pack et le two-pack, qui préemptent les droits du Parlement, notamment en matière budgétaire.

Au regard de ces nombreuses interrogations sans réponse, je serais tenté – et j’emploie bien le conditionnel – d'émettre un vote d’abstention.

M. Gérald Darmanin. Quelle rébellion !

M. Gabriel Serville. Ce vote, qui ne serait pas conforme à la volonté gouvernementale, ne saurait être considéré comme une position de défiance, puisque le président de la République a vu mon niveau d'engagement à ses côtés lors de la campagne de mai 2012 sur le territoire de la Guyane.

Ma posture actuelle doit être vue comme un cri de raison qui exprime une solidarité active à l'égard d'un homme et d'un projet qui, en Guyane notamment, ont su décliner un vrai message d'espoir face à des électeurs en quête de nouvelles perspectives.

Aujourd'hui, je demande à être convaincu de la pertinence de notre choix collectif, qui doit s'appuyer sur une place plus importante faite à la relance au sein du pacte de croissance.

Je souhaiterais tout simplement avoir la garantie que la mise en œuvre de ce traité n'enferme pas irrémédiablement la France, et singulièrement la Guyane, dans un éternel marasme social et économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Pascale Boistard.

Mme Pascale Boistard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je mesure toute la gravité de ce moment où les membres de la représentation nationale vont avoir à voter pour ratifier ou non le traité de stabilité, de coordination et de gouvernance budgétaire.

C'est de l'avenir de la France et du devenir de l'Europe qu’il s'agit. Car, sur la question de l'Europe aussi, les Français sont inquiets et en proie au doute, ainsi que l'ont montré deux récents sondages.

Je me suis moi-même longuement interrogée.

M. Gérald Darmanin. Ah !

Mme Pascale Boistard. En 2005, j'avais voté non lors du référendum sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe.

M. Charles de Courson. Hélas !

Mme Pascale Boistard. Le défi de la crise européenne nous impose aujourd'hui de dépasser le oui et le non exprimés lors des différents référendums.

M. Gérald Darmanin. C’est de l’opportunisme !

Mme Pascale Boistard. À ce propos, je citerai Léon Blum qui déclarait, lors de son discours de Stresa : « Nous resterons fidèles à nous-mêmes, fidèles à notre pensée, fidèles à notre avenir en travaillant de notre mieux à l'organisation de l'Europe ».

Je salue la constance et l'opiniâtreté du chef de l’État, du Premier ministre et des membres du Gouvernement, qui se sont engagés à tout faire pour la réorientation de l'Europe dans le sens de la croissance.

Nous devons donc donner encore plus de force à la voix du président de la République, à celle de la France, qui a une place si particulière en Europe, en ratifiant très largement ce traité.

C'est un signal très attendu par tous les Européens qui, n'en doutons pas, contribueront, lors des prochaines consultations électorales, à réorienter le cours d'une construction européenne jugée trop libérale.

Je veux dès à présent rassurer nos concitoyens : il n'y aura aucune inscription d'une quelconque règle d'or dans notre Constitution et le Parlement conservera toute sa souveraineté budgétaire.

En effet, saisi par le Président de la République à propos de ce traité, le Conseil constitutionnel a considéré, dans sa décision rendue au mois d'août, qu'il n'y avait pas lieu de réformer notre Constitution dès lors, notamment, que ce traité ne porte aucune atteinte aux conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale. Voilà, mes chers collègues, la réalité tant juridique que politique.

Le paquet européen comprend trois volets : le projet de loi autorisant la ratification du traité de stabilité, de coordination et de gouvernance budgétaire, le projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, et le pacte européen pour la croissance et l'emploi adopté lors du Conseil européen des 28 et 29 juin derniers.

Grâce à des mesures de soutien à la croissance et à l'investissement d'un montant de 120 milliards d'euros, la mise en œuvre d'une union bancaire dans la zone euro pour garantir la stabilité du secteur financier et protéger contribuables et épargnants, ainsi que le lancement d'une taxe européenne sur les transactions financières dans le cadre d'une coopération renforcée, le Pacte européen pour la croissance et l'emploi replace la croissance au cœur des préoccupations de l'Europe.

Le traité définit un certain nombre de règles budgétaires destinées à favoriser le redressement du pays parce que adossées à une politique européenne de croissance.

Les États parties au traité devront insérer dans leur droit national une règle budgétaire selon laquelle, financièrement, les administrations devront tendre vers une situation proche de l'équilibre. Toutefois, le traité ne s'oppose pas à une politique économique aboutissant à un creusement du déficit dû à une conjoncture économique dégradée. En outre, les États parties peuvent s'écarter de leurs obligations en cas de grave récession.

Cela suppose de poser les bases d'une Europe et d'une zone euro plus stables afin de surmonter la crise des dettes souveraines qui menace aujourd'hui l'activité économique. Pour y parvenir, il est impératif de restaurer la souveraineté des États par rapport aux marchés.

L'Europe constitue une expérience historique unique. Le président François Mitterrand, dans son discours devant le Parlement européen, le 17 janvier 1995, appelait de ses vœux une Europe puissante économiquement et commercialement, unie monétairement, active sur le plan international, capable d'assurer sa propre défense, féconde et diverse dans sa culture. C'est aussi, mes chers collègues, l'ambition collective que je vous propose de partager ici et maintenant. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Monsieur le ministre des affaires européennes, j’approuve ce traité qui, comme cela a été indiqué, est l’exact traité qui a été signé au début de l’année. Toutefois, la gouvernance de la zone euro ouvre une question davantage qu’elle ne la résout. Aussi, je souhaite vous interpeller sur ce point, comme je l’avais fait avec le précédent gouvernement.

Je veux rappeler ici notamment le 4. de l’article 12 du traité : « Le président du sommet de la zone euro assure la préparation et la continuité des sommets de la zone euro en étroite collaboration avec le président de la Commission européenne ». Je souhaiterais savoir qui va tenir la plume et, en réalité, comment va fonctionner la gouvernance de la zone euro.

Le traité prévoit qu’il y aura un président du sommet de la zone euro et ajoute que celui-ci devra travailler en étroite collaboration avec le président de la Commission européenne. Ainsi, la question que je formule n’est pas résolue. Quand je la pose à des techniciens, on me répond en général que c’est la Commission, et, à bien des égards, cette réponse est de bon sens. Nous n’imaginons pas de créer une structure nouvelle, une entité nouvelle chargée de préparer les papiers, d’assumer l’accompagnement et le suivi techniques du président du sommet de la zone euro. Mais je trouve qu’il y a dans ce traité une forme d’ambiguïté à ne pas préciser les choses.

Le gouvernement précédent, et le vôtre avec peut-être un peu moins d’insistance, soulignaient qu’il n’y a aucune dimension fédérale dans le traité. Je n’en crois rien, et je pense qu’il vaut mieux l’assumer.

Hier, le Premier ministre, dans un discours qui pour l’essentiel paraissait encombré et maladroit (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) a eu au moins le mérite d’évoquer le principe de subsidiarité car, au fond, nos États ont été défaillants dans la gouvernance de l’euro, nous avons été défaillants dans nos politiques monétaires, budgétaires, fiscales et dans la définition et l’esprit même de la subsidiarité. Il n’est pas absurde, il est même raisonnable de faire remonter un certain nombre de compétences à l’échelle communautaire. Partage de souveraineté, oui assurément, mais peut-être pas transfert de souveraineté, avec inévitablement une dimension fédérale affirmée, car qui tient le secrétariat fait en réalité un peu plus que cela.

Je dis chiche à ce que déclarait le Premier ministre hier. Au moment où nous assumons un partage de compétences à l’échelle communautaire, nous devons nous interroger et interroger l’Union européenne sur les compétences qu’il conviendrait de ramener dans nos États, voire à un niveau encore plus local.

Bien sûr, certains vous expliqueront que l’abondance de normes, de règles techniques, l’Europe du quotidien comme disent certains, fait partie de l’acquis communautaire. Un certain nombre d’élus y sont attachés, et probablement les petits États, qui ont historiquement affirmé leur attachement à l’Union, leur implication dans l’Union, dans la stratification de ses interventions et de ses compétences. Mais cela épuise l’Europe en France, cela épuise le lien démocratique entre les Français et l’Europe, et cela épuise tout simplement l’Europe dans son efficacité, dans sa capacité d’action.

Monsieur le ministre, il y aurait à la fois davantage d’honnêteté, d’efficacité et probablement de solidité démocratique à assumer explicitement auprès de nos concitoyens ce qu’est la dimension au moins pour une part fédérale de ce traité, dans ce qu’il est et probablement dans ce qu’il contient en devenir. À cet égard, ceux qui votent non parce qu’ils lisent cela en pointillé dans le traité n’ont probablement pas tort de le faire. Ils ont un avis différent du mien, mais ils sont cohérents avec eux-mêmes.

Pour ma part, je voterai ce traité…

M. Gérald Darmanin. Très bien !

M. Hervé Mariton. …car pour l’essentiel il me paraît bienvenu et parce que ce que je lis là, hélas uniquement en pointillé, me semble pouvoir se développer dans de bonnes conditions. Mais il y aurait beaucoup d’avantages à le dire explicitement, parce que l’Europe ne peut pas vivre ni mener les politiques que l’on attend d’elle si le consentement des citoyens n’est pas suffisamment éclairé.

Je ne suis pas favorable à un référendum sur ce traité, mais ce texte doit recevoir le consentement de l’Assemblée nationale.

Monsieur le ministre, dites-nous les choses telles qu’elles sont et telles qu’elles se développeront certainement. La gouvernance de la zone euro ne peut pas rester en l’air, elle ne reposera pas sur la seule personne du président du sommet de la zone euro, travaillât-il en étroite collaboration avec le président de la Commission. Je le répète, que signifie cette étroite collaboration ? Qui tiendra la plume ? Je n’ai jamais obtenu de réponse explicite sur ce point de la part du précédent gouvernement. La gouvernance ne peut pas résulter des éléments très succincts mentionnés à l’article 12 et on ne peut pas considérer que, pour le reste, elle se développera par la force des choses, chacun allant vers ce qui paraît le plus raisonnable.

Quand on fonde une étape essentielle comme celle d’aujourd’hui, il ne s’agit pas simplement d’un consentement implicite, il convient de construire réellement ce que doit être la gouvernance de la zone euro. Pour l’essentiel, le traité propose pour la stabilité, la coordination, la gouvernance, des étapes qui sont utiles, indispensables. La majorité d’hier l’a voulu et l’exécutif d’hier l’a signé en mars 2012. Vous marchez dans ses pas, ce qui est signe de réalisme. Vous pourriez, pour une fois, le reconnaître plus explicitement. S’il y avait un progrès que votre gouvernement aurait pu nous proposer, c’est bien celui d’expliciter, car c’était la faiblesse du traité. À vrai dire, cette remarque ne s’adresse pas qu’au Gouvernement français puisque le traité a été signé par de nombreux États membres de l’Union européenne. La critique vaut donc pour tous.

Monsieur le ministre, vous ne pourrez pas persister dans cette ambiguïté. Quand allez-vous expliciter la gouvernance de la zone euro et comment le ferez-vous ? Vous le savez, la fragilité de nos économies, la fragilité de la zone euro, tient à ce que les marchés – qui ne doivent pas être la raison et le guide de toutes choses – mais aussi les peuples critiquent cette interrogation permanente sur la solidité de ce que nous voulons : le voulons-nous vraiment, nous en donnons-nous les moyens ? Le traité répond par des arguments techniques, intelligents, adaptés. Soit ! Le projet de loi organique sur les lois de finances apportera aussi quelques éléments de progrès. Mais la mécanique n’est pas l’essentiel. Au bout du compte, quelle est l’architecture et quelle volonté politique la sous-tend ? L’article 12 ne répond pas à cette question.

Le Gouvernement de la République eut été bien inspiré de nous dire plus clairement où il souhaitait aller sur ce point important d’un traité indispensable et bienvenu pour notre pays. Nous l’avons voulu, vous le faites, c’est la démocratie qui vous en confie la responsabilité. Des progrès restent à accomplir ; le Gouvernement serait bienvenu de s’y engager. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, l’UDI est heureuse que ce traité de bonne gouvernance soit enfin soumis à ratification. Les idées, notamment la règle d’or et plus largement la bonne gouvernance des finances publiques, que les centristes ont développées pendant des années dans une grande indifférence, il faut bien le reconnaître, ont fini par triompher en Europe. Et c’est grâce à l’Europe qu’elles se sont imposées aussi en France. Notre groupe est donc fier que la quasi-totalité de nos alliés de l’UMP aient aussi rallié cette idée de bonne gouvernance et qu’une part maintenant majoritaire, non sans quelques difficultés, de nos collègues du PS s’apprête à voter en faveur de la ratification de ce traité. Quant aux radicaux de gauche, ils ont toujours été pour et il n’y a pas grand débat chez eux.

Le groupe UDI voudrait rétablir la vérité des faits contre leur travestissement présenté par le président du groupe socialiste. Dans son discours du 2 octobre, notre collègue Bruno Le Roux a affirmé que le nouveau président de la République avait tenu ses quatre engagements de campagne quant à ce projet de traité. Le premier engagement du candidat François Hollande était de ne pas faire figurer dans la Constitution la règle d’or.

M. Jean-Pierre Dufau. Tenu !

M. Charles de Courson. Certes, l’avis du Conseil constitutionnel avait ouvert à l’exécutif deux solutions : la réforme de la Constitution ou la réforme via une loi organique. Le Gouvernement a choisi la voie de la loi organique, ce qui lui permettait de substituer une règle de majorité simple à une règle de majorité des trois cinquièmes qu’il n’était pas sûr d’obtenir. Cependant, sur le fond, le résultat est le même, tant sur la loi de programmation des finances publiques que sur les lois de financement de la sécurité sociale.

L’interdiction de dépasser la norme de déficit structurel de 0,5 % du PIB et celle relative à l’endettement public de 60 % du PIB sont, pour le cas de la France, pratiquement équivalentes à la règle d’or préconisée par le groupe UDI. Pour nous, la règle d’or, c’est que toutes les charges de fonctionnement doivent être entièrement couvertes par des produits de fonctionnement ou qu’on ne peut s’endetter que pour financer des dépenses d’investissement. Or les administrations publiques de sécurité sociale n’ont pas d’investissements et les administrations publiques locales autofinancent la quasi-totalité de leurs investissements aujourd’hui. Quant à l’État, ses investissements dans le projet de loi de finances pour 2013 sont tombés à 16,7 milliards, ce qui représente 0,8 % du produit intérieur brut.

La vérité est donc la suivante : que les règles qui figurent dans les articles 3 et 4 du traité soient intégrées dans la Constitution ou dans la loi organique, elles s’appliquent aux lois de programmation des finances publiques comme aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale. Le mensonge du candidat François Hollande a été de faire croire que la règle d’or ne s’appliquerait pas si elle n’était pas intégrée dans la Constitution. C’est tout à fait inexact.

Le deuxième engagement du candidat François Hollande était d’obtenir un plan de relance de la croissance en Europe. Le président du groupe socialiste prétend, comme beaucoup des orateurs de la gauche, que l’actuel président de la République a obtenu satisfaction grâce à un ensemble de mesures financières de 120 milliards d’euros. Là encore, il s’agit d’un pieu mensonge.

Ces 120 milliards sont répartis en trois volets : sur les 55 milliards d’euros de fonds structurels – des reliquats de crédits, pas des crédits nouveaux – qui seront mobilisés, 4 à 5 milliards seulement concerneront la France. Vous avez reconnu en commission des finances, monsieur le ministre délégué, qu’une première tranche représenterait environ 2 milliards, puis qu’on monterait progressivement jusqu’à 4 milliards, à 5 ce serait très bien.

M. Jean-Pierre Dufau. Quelle grande vision européenne, monsieur de Courson !

M. Charles de Courson. Le deuxième volet est composé des 60 milliards de prêts de la BEI. Il ne devrait concerner des projets français, vous l’avez dit vous-même, que pour 7 %, à hauteur de 4 milliards, maximum 5, sous réserve de financer par l’emprunt l’augmentation de capital de la BEI de 10 milliards, dont 1,6 milliard est à la charge de la France. Ces crédits figurent d’ailleurs dans le projet de loi de finances pour 2013.

Le troisième petit volet, ce sont les quelque 5 milliards de project bonds qui, là encore dixit le ministre, ne concerneraient la France qu’à hauteur de 200 à 400 millions. Au total, le volet français du plan de relance européen représente moins de 10 milliards, à étaler sur plusieurs années, trois peut-être quatre, soit 2,5 à 3,3 milliards par an ou 0,12 % à 0,16 % du PIB français. Ce n’est donc pas par ce moyen que la relance sera effectuée en France.

Le troisième engagement du candidat François Hollande, en guise de contrepartie, est relatif à la mise en place de deux outils de régulation : l’union bancaire et la taxe sur les transactions financières. Or cela n’est pas directement lié au traité européen. L’union bancaire, que l’UDI soutient, est conditionnée par la ratification du traité de bonne gouvernance, puisque le mécanisme européen de stabilité ne pourra recapitaliser les banques en Europe, quitte à déléguer aux autorités de régulation nationale ses compétences pour les petites et moyennes banques, que s’il y a ratification. Quant à la taxe sur les transactions financières, créée par l’ancienne majorité bien avant ces débats sur la ratification, vous en avez simplement doublé le taux. Pour nous, elle est très modeste et ce n’est en rien une contrepartie.

Le quatrième engagement du candidat François Hollande concerne la solidarité financière entre les peuples européens. Mais, son idée, c’était la mutualisation des dettes des États, qui a été purement et simplement écartée. On ne peut donc nullement parler de succès en la matière.

En conclusion, M. le président du groupe socialiste veut justifier par ces quatre contreparties l’adoption du traité de bonne gouvernance, dont le nouveau président de la République n’a pas obtenu la modification d’un mot, d’un iota, d’une virgule. Il devrait donc reconnaître que celui-ci a trompé les électeurs et que vous avez trompé les Français. Nous, à l’UDI, nous avons clairement dit à nos électeurs la vérité et, bien que dans l’opposition, nous voterons pour la ratification du traité. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, on nous demande aujourd’hui de participer au dernier braquage institutionnel de l’Europe. Ce n’est pas parce que vous appelez cela intégration solidaire plutôt que fédéralisme européen que nous sommes dupes, même si je dois concéder que cela est beaucoup plus porteur en termes de communication.

M. Jean-Pierre Dufau. C’est vous qui êtes braquée !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. La vérité, c’est que ce texte est une phase supplémentaire dans la dépossession de notre indépendance. Je voudrais m’adresser à ceux qui, sur les bancs de l’opposition, ont voté non au traité de Maastricht, et qui sont malheureusement absents.

Plusieurs députés du groupe UMP. Parlez plutôt aux présents !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Ils l’ont fait parce qu’ils avaient compris que c’était le premier pas vers le fédéralisme, et ils avaient raison. Ils savaient que c’était la fin programmée de notre souveraineté.

Je ne citerai, pardonnez-moi, ni M. Schumann ni M. Blum, mais Philippe Séguin, dont beaucoup d’entre vous, chers collègues de l’UMP, étaient proches, et M. Fillon le premier. M. Séguin déclarait dans cet hémicycle : « Aucune assemblée n’a compétence pour se dessaisir de son pouvoir législatif. […] A fortiori, aucune assemblée ne peut déléguer un pouvoir qu’elle n’exerce qu’au nom du peuple. Or, le projet de loi qui nous est soumis comporte bien une habilitation d’une généralité telle qu’elle peut être assimilée à un blanc-seing. » C’était le 5 mai 1992 : pourtant, cette exhortation n’a rien perdu de sa justesse, je dirai même, contrairement à certains d’entre nous, qu’elle n’a pas pris une ride. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Comment pouvez-vous renier à ce point vos analyses ? Vous ne pouvez pas faire de cette assemblée une construction Potemkine, vous ne pouvez pas laisser une commission nommée décider pour un parlement élu ! Si vous votez ce texte où cela va-t-il s’arrêter ? De quoi devrons-nous nous déposséder la prochaine fois ?

Bien sûr, il existe une véritable nécessité d’arrêter la folie du déficit. Je suis d’accord avec vous, il faut arrêter de subir le poids écrasant des intérêts de la dette. Je me considère d’autant plus fondée à le dire que c’est ma génération qui paiera les errances et les folies des gouvernements successifs, de droite comme de gauche.

M. Jean-Pierre Dufau. Verbiage !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Sommes-nous une nation si peu responsable que nous soyons contraints de demander à d’autres de prendre des décisions à notre place ? La vérité, c’est que vous n’avez pas le courage d’assumer la responsabilité des réformes qui s’imposent. Peut-être cela vous arrange-t-il d’être cantonnés au rôle de chambre d’enregistrement !

Les faits historiques sont têtus et ils nous indiquent que tout abandon de souveraineté s’avère définitif. Aucune nation, aucun peuple n’a jamais réussi à sortir indemne d’une construction fédérale. Souvenez-vous de l’exemple austro-hongrois et des républiques de l’ex-Union soviétique ! Pourquoi cela, le savez-vous ? Parce qu’on ne vous laisse pas faire, parce que vous ne vous appartenez plus ! (Murmures sur les bancs du groupe SRC.)

Ce traité nous prépare une ère glaciaire d’austérité. Mais la diète sera pour les peuples, pas pour les eurocrates toujours plus emmêlés dans les conflits d’intérêts. Pensez-vous vraiment que MM. Draghi, Monti, Borges, Sutherland, Papademos, tous anciens dirigeants de Goldman Sachs, vont soudain abandonner les intérêts de leur ex et très influent employeur ? Croyez-vous vraiment que les alchimistes ratés de la finance, qui ont transformé nos pays développés en marché aux puces pour fonds chinois et qatari, vont soudain retrouver la voie du grand œuvre ? La réponse est malheureusement dans la question.

Qui va payer ? Telle est la question à laquelle personne ne veut répondre. Qui va payer pour suivre les consignes budgétaires comptables définies par Bruxelles avec la froideur et la technocratie qu’on lui connaît ? Qui va payer la récession qui s’ensuivra ? Vous le savez comme moi, ce sont les Français !

Il est de notre responsabilité de ratifier ou non ce traité. Je vous demande de le rejeter. Je vous demande d’oublier nos étiquettes politiques pour ne penser qu’au bien de nos compatriotes.

M. Jean-Pierre Dufau. Demander, ça ne mange pas de pain !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Je vous demande de ne pas participer à cette violation de notre indépendance et de notre liberté.

Je ne me fais pas d’illusion sur la majorité, elle a abandonné depuis longtemps la défense de la nation. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Je pense à ceux qui se drapent dans la posture gaulliste, à ceux qui ont l’amour de la patrie réellement chevillé au corps. Rappelez-vous ce que disait le général de Gaulle, le 19 avril 1963 :…

Mme Carole Delga. Il doit se retourner dans sa tombe !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. …« Tout système qui consisterait à transmettre notre souveraineté à des aréopages internationaux serait incompatible avec les droits et les devoirs de la République française. Mais aussi, un pareil système se trouverait, à coup sûr, impuissant à entraîner et à diriger les peuples et, pour commencer, le nôtre, dans des domaines où leur âme et leur chair sont en cause. Cette abdication des États européens, en particulier de la France, aboutirait inévitablement à une sujétion extérieure. »

Méditez ces mots et, lorsque vous voterez, mesurez le triste pas historique que vous risquez de franchir. Contrairement à ce qu’a affirmé M. Ayrault dans son discours hier, je ne crois pas que notre pays soit faible, démuni et inapte à survivre par lui-même au sein du monde moderne mais que, au contraire, la France n’a jamais été aussi grande que dans sa plénitude de nation.

M. Gilbert Collard. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Dufau.

M. Jean-Pierre Dufau. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, Mme Maréchal-Le Pen se soucie avec raison des générations futures. Je me permets de lui rappeler que c’est parce qu’ils ont vécu les excès de certains nationalismes que nos grands-parents ont fait l’Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe UMP.)

Le monde et plus encore l’Europe sont plongés dans une crise sans précédent. C’est une crise systémique et protéiforme.

M. Gérald Darmanin. Vous avez pris votre discours chez Mélenchon ?

M. Jean-Pierre Dufau. Née aux États-Unis avec les subprimes, elle est entrée en Irlande et au Royaume-Uni par les banques, en Grèce par les comptes publics, en Espagne par la bulle immobilière puis par les dettes souveraines.

En 2007, tout juste nommé Premier ministre, M. Fillon disait déjà que la France était en faillite. On doit rappeler que, sur le plan de la dette, du chômage et de l’injustice sociale, le dernier quinquennat a très largement aggravé la situation.

M. Gérald Darmanin. Et Mitterrand ?

M. Jean-Pierre Dufau. Dans ce chaos, la France a encore des atouts : sa démographie, son épargne, le faible endettement de ses ménages, sa protection sociale. À ces atouts j’ajouterai l’Europe ; une Europe certes en grande difficulté, mais qu’on ne peut laisser capituler, disparaître, s’effondrer à cause de cette crise, aussi grave soit-elle.

« L’union fait la force », dit la maxime, et je le crois. (Sourires sur les bancs du groupe UMP.) Mais l’union suppose aussi concertations, discussions, échanges, accords avec nos partenaires. L’Allemagne et la France ne peuvent mener l’Europe à elles seules, même si elles en sont les moteurs.

En février dernier, les chefs d’État et de gouvernement de vingt-cinq États membres ont signé un traité budgétaire européen, négocié par le président Sarkozy et dont nous héritons aujourd’hui. Comme nous héritons de la situation économique catastrophique que nous laisse la droite après dix ans de libéralisme, dont cinq ans sous Nicolas Sarkozy :…

M. Jacques Myard. Il est vrai qu’il n’y a pas eu de crise entre-temps !

M. Jean-Pierre Dufau. …neuf cents milliards d’euros de dette publique supplémentaires en dix ans, dont 600 milliards pour le dernier quinquennat, soit 91 % du PIB ; 70 milliards d’euros de déficit commercial en 2011 et déjà 35 milliards au premier semestre 2012 – des records malheureusement historiques. C’est cet héritage, et non le traité, qui a placé la France en position de faiblesse. Cette politique a affaibli notre pays, il faut aujourd’hui le redresser.

L’élection de François Hollande a changé la donne. Comme il s’y était engagé, les discussions ont repris et des avancées ont été obtenues. Je fais allusion au Pacte de croissance, absent avant le 6 mai, qui réoriente fondamentalement ce traité.

M. Jacques Myard. Arrêtez donc !

M. Jean-Pierre Dufau. Ce pacte prévoit un plan de relance de 120 milliards d’euros, une recapitalisation de la Banque européenne d’investissement, le lancement de project bonds, un redéploiement des fonds structurels, le soutien direct de la Banque centrale européenne aux États…

M. Jacques Myard. Plus on en parle, moins il existe !

M. Jean-Pierre Dufau. …– je me réfère aux déclarations de M. Draghi –, l’union bancaire pour la supervision de la zone euro, une taxe européenne sur les transactions financières que nous attendions depuis si longtemps.

M. Gérald Darmanin. Tout cela n’est pas dans le traité !

M. Jean-Pierre Dufau. Ce n’est déjà pas si mal en quelques mois.

J’ajouterai la règle d’or, qui ne sera pas inscrite dans la Constitution comme prévu initialement. Il n’y a donc plus d’abandon de souveraineté.

M. Gérald Darmanin. Voilà en effet qui change tout !

M. Jean-Pierre Dufau. Ce n’est pas suffisant, argumentent encore certains. Mais il n’a échappé à personne que les libéraux et les conservateurs sont encore, pour quelque temps, largement majoritaires en Europe.

Pour ma part, les avancées obtenues sont déjà des victoires. Je ne voudrais pas qu’elles soient réduites à néant par un vote négatif. Et pour cela, pour faire entendre la voix de la France lors des négociations,…

M. Gérald Darmanin. Et vous comptez sur François Hollande pour faire entendre la voix de la France ?

M. Jean-Pierre Dufau. …nous ne pouvons nous permettre de nous isoler en Europe.

Ce traité n’est qu’un élément du paquet européen, un préalable. La procédure retenue prévoit que nous votions en plusieurs étapes, chacune entraînant la suivante. Voter oui au traité, à cette première étape, c’est engager la cohérence de l’ensemble, c’est annoncer la loi organique dont le principe a été validé par le Conseil constitutionnel par une décision majeure.

La combativité dont ont fait preuve le président et le Gouvernement sur ce traité, en particulier le ministre délégué chargé des affaires européennes, mérite que nous fassions preuve de cohérence. Il faut les placer dans les meilleures conditions pour enclencher la relance en Europe et le redressement en France, pour permettre une politique sociale et solidaire que les peuples réclament.

Voilà notre objectif, il passe par un redressement des comptes publics avec, pour fil conducteur, la justice dans les efforts demandés et la nécessité d’une politique de croissance, d’emploi et de solidarité. Ce qui nous est demandé aujourd’hui, quels que soient les bancs où nous siégeons, c’est, je le répète, un effort de cohérence qui, dès les prochains sommets européens, permettra à la France de parler avec force et donc d’être entendue. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Gérald Darmanin. Tous ces gens qui ont voté non en 2005, et qui aujourd’hui prônent le oui ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Estelle Grelier.

Mme Estelle Grelier. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, madame la rapporteure, chers collègues, je remercierai, en guise de préambule, le ministre des affaires étrangères et le ministre délégué chargé des affaires européennes pour avoir rappelé à la représentation nationale les dispositions prévues par le texte, et surtout pour les avoir situées dans leur contexte, dans un esprit d’engagement et de responsabilité.

Ce traité soumis à ratification n’est pas une Constitution, il ne suppose aucun transfert de souveraineté,…

M. Gérald Darmanin. Soit vous ne l’avez pas lu, soit vous ne l’avez pas compris !

Mme Estelle Grelier. …il rend réversibles les orientations actuelles en fonction de l’évolution de la trajectoire des finances publiques, il maintient au politique, à savoir le Conseil européen, le pouvoir de décider ou non du déclenchement des procédures de sanction. En somme, il constitue une étape nécessaire.

Nous ne l’aurions certes pas rédigé ainsi. Toutefois, son adoption reste un préalable pour que notre pays pèse fortement et durablement au sein du Conseil européen et obtienne l’application du pacte de croissance qu’il a âprement négocié, tout comme la mise en œuvre des instruments et dispositifs de régulation, à savoir la taxation sur les flux financiers et l’union bancaire que nous soutenons.

En ce qui concerne le pacte de croissance obtenu par le Président de la République, j’ai noté que, depuis hier, nos collègues de droite n’ont pas ménagé leurs efforts, et parfois même leurs effets, pour essayer de récrire l’histoire dans un sens plus favorable au pouvoir déchu. Cela non sans contradictions, d’ailleurs, puisque certains nous expliquent que ce pacte de croissance est en réalité vide de tout contenu et pur affichage, et que d’autres soutiennent que ce pacte avait été négocié par Nicolas Sarkozy et que le mérite lui en revient donc.

À croire que nous avons tous été frappés par un phénomène d’hallucination collective. L’ancien président de la République ne jurait, avec la chancelière Merkel, que par l’austérité et la rigueur, alors qu’en secret ils auraient préparé ensemble le plan de relance, que par timidité ou modestie ils n’ont pas voulu ébruiter. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Et c’est sans doute par souci de brouiller les pistes que Nicolas Sarkozy proposait dans son programme de diminuer la contribution de la France au budget européen de près de 200 millions d’euros par an – étonnante manière d’envisager le soutien à des politiques contracycliques. Tout cela n’est pas sérieux. Il reste à nos collègues de l’UMP de nombreux progrès à réaliser…

M. Laurent Furst. Parce qu’il y a des professeurs et des élèves, ici ?

Mme Estelle Grelier. …dans l’art de faire passer les vessies pour des lanternes.

N’en déplaise à la droite, c’est bien l’élection de François Hollande, donc le vote des Français le 6 mai dernier, qui a permis l’inscription des politiques de relance à l’ordre du jour de l’agenda européen. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jacques Myard. François est arrivé !

Mme Estelle Grelier. Réorientation, relance, régulation, réversibilité, voilà ce que nous pouvons retenir comme points forts du texte dans le contexte.

Il faut désormais nous employer à faire entendre notre voix dès les toutes prochaines semaines à l’occasion des négociations du rapport Von Rompuy, dans lequel seront formulées des propositions en matière d’union bancaire, d’intégration budgétaire et de légitimité démocratique, et nous comptons sur vous, monsieur le ministre délégué, pour appuyer les conclusions du rapport Thyssen, négocié au sein du Parlement européen, qui définit un vrai pacte social et un agenda social pour l’Union européenne, afin que votre voix, celle du Gouvernement, celle du Président de la République, porte loin. Nous voterons en faveur de la ratification de ce traité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – « Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Caullet.

M. Jean-Yves Caullet. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, chers collègues, la construction européenne, pensée à l’issue du dernier conflit mondial pour assurer la paix et le progrès, a toujours avancé par compromis successifs. L’oublier, ou feindre de croire qu’il pourrait en être autrement, relève d’une forme d’irrespect pour nos partenaires et conduit à une posture intransigeante peu compatible avec l’idée même de construction européenne.

M. Jean-Pierre Dufau. Très juste !

M. Jean-Yves Caullet. Refuser tout mouvement au motif qu’il n’aboutirait pas à une solution définitive de tous les problèmes conduit à l’immobilisme et à l’échec.

Profondément attaché à l’objectif historique de la construction européenne, j’ai voté le traité de Maastricht (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), malgré ses inconvénients, parce que l’institution d’une monnaie unique me semblait devoir constituer l’une des entrées possibles vers une intégration sociale et fiscale de l’Europe que nous appelons de nos vœux,…

M. Gérald Darmanin. Ah ! C’était donc pour cela !

M. Jean-Yves Caullet. …vers une politique économique et sociale européenne ambitieuse qu’interdisait la juxtaposition de politiques monétaires nationales exposées aux aléas du court terme. L’affaire n’était certes pas sans inconvénients, les critères de convergence pouvaient paraître rudes et contraires à une certaine idée de la souveraineté nationale, mais l’enjeu à long terme m’avait fait trouver le compromis positif.

M. Damien Meslot. Ces critères sont inapplicables !

M. Jean-Yves Caullet. Lors de la décision de l’élargissement de l’Europe à 27, les inconvénients étaient, là aussi, faciles à distinguer : les difficultés d’une gouvernance à 27, l’hétérogénéité des nouveaux entrants, la rapidité de l’élargissement comparée aux précautions jugées indispensables avant l’accueil d’autres États. Mais la perspective historique de recomposition du continent, la main tendue à des peuples s’ouvrant de nouveau à notre idéal de liberté m’avaient convaincu, là encore, du caractère positif du compromis proposé.

Si je n’ai pas porté le même jugement sur le projet de traité constitutionnel, c’est au terme d’une analyse de ses avancées et de ses lacunes. Il y avait des avancées, le nier serait malhonnête mais, pour ma part, je n’avais pas trouvé suffisante la contrepartie démocratique à la nouvelle articulation institutionnelle.

Aujourd’hui, en dépit des amalgames faciles, c’est la même analyse sur les avantages et les inconvénients du traité qui me pousse à le soutenir avec force dans le cadre du « paquet » proposé.

En premier lieu, ce texte ne nous impose rien que nous n’ayons déjà décidé de faire au niveau national.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ah bon ?

M. Jean-Yves Caullet. N’oublions pas que la France respectait les critères de Maastricht après une législature de gauche et que ce sont les choix politiques des dix dernières années qui ont mis ce résultat bien à mal.

Le redressement est donc nécessaire pour retrouver des marges de manœuvre pour une action publique résolue en faveur du progrès et de la solidarité, ce qui implique de mettre un terme à la politique du tout-libéral si chère à Nicolas Sarkozy et aux bancs du groupe UMP, et à laquelle il a toujours fait allégeance.

M. Damien Meslot. Et malgré cela vous allez voter son traité ?

M. Jean-Yves Caullet. Pour des raisons identiques, ce même redressement est indispensable en Europe.

Il ne s’agit pas de s’interdire toute politique contracyclique, il s’agit de s’assurer d’en avoir collectivement les moyens sans se précipiter dans une soumission mortifère aux marchés financiers. Il ne s’agit pas de se jeter dans l’austérité,…

M. Gérald Darmanin. Mais d’y courir !

M. Jean-Yves Caullet. …mais de retrouver la voie de la solidarité pour sortir de cette spirale les pays qui y sont déjà. Il ne s’agit pas d’abandon de souveraineté, mais d’échapper aux replis égoïstes qui conduiraient à l’abandon des peuples qui souffrent et à la destruction de l’idée européenne.

Ce que François Hollande a obtenu pour l’Europe en adjonction au traité,…

M. Jacques Myard. Rien !

M. Jean-Yves Caullet. …ce n’est pas un aboutissement, c’est la condition de la réorientation de l’Europe vers cette intégration solidaire que nous appelons de nos vœux.

Si nous rejetions ce compromis, cela signifierait pour nos partenaires que nous ne voulons pas offrir en garantie de la réorientation obtenue les choix faits sur le plan national en matière de sérieux budgétaire et qui sont confirmés dans le traité.

Alors, tous ceux qui doutent de la parole de la France seraient confortés. Ils y verraient la preuve que toute la construction solidaire envisagée s’appuie en fait de façon inéquitable, notamment sur l’Allemagne, justifiant ainsi un possible repli national au détriment du reste de l’Europe.

C’est un risque majeur. La France s’en tirerait peut-être, mais sûrement pas les peuples déjà soumis à une austérité insupportable, ouvrant ainsi la porte à tous les vieux démons ennemis de la démocratie.

La France ne peut porter cette responsabilité et rejeter les peuples d’Europe vers des destins nationaux divergents, les uns dans une prospérité relative dont le caractère temporaire rappellerait plutôt la triste expérience des Curiace, les autres dans une spirale de la misère qui s’est si souvent terminée dans le déni de démocratie et la xénophobie.

À ceux qui s’apprêtent à prôner cette prise de risque en rejetant le traité, je demande de voir le coup redoutable que cela représenterait pour les valeurs de la gauche, pour la solidarité, pour la prééminence de la démocratie sur les marchés et pour le dépassement des nationalismes. C’est au nom de ces valeurs qu’il faut justement saisir la chance d’une réorientation durable de l’Europe. C’est une opportunité que nous devons être fiers de saisir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, chers collègues, je ne peux m’empêcher de commencer par saluer la souplesse et la virtuosité du ballet du Gouvernement et du parti socialiste, qui, sur ce traité, multiplient les entrechats et les doubles sauts périlleux.

M. Jean-Luc Laurent. Très juste !

M. Jacques Myard. Je vous salue, artistes de gauche, qui faites preuve d’une science consommée de la dialectique des contradictions : un cas d’école qui restera dans l’histoire. Chapeau bas pour le trapèze, mesdames et messieurs les contorsionnistes de gauche ! (Rires.)

M. Jean-Pierre Dufau. Il y en a aussi à droite !

M. Jacques Myard. Ce que je vais vous dire droit dans les yeux, monsieur le ministre délégué, je l’aurais dit quel que fût le gouvernement, et personne ne pourra me le reprocher.

Bien sûr, comme vous, je souhaite que nous puissions réduire nos déficits, mais ce n’est pas de la manière que vous proposez que nous y parviendrons.

Ce traité, monsieur le ministre, même si le Conseil d’État en a douté, est un accord inter se, c’est-à-dire qu’il s’inscrit dans le cadre des traités et, conformément, du reste, à la convention de Vienne, il n’est pas découplé du droit communautaire. C’est très important, notamment en ce qui concerne les pouvoirs de la Cour de justice de l’Union européenne. N’en déplaise à ceux qui pensent que sa compétence est limitée, elle est en réalité pleine et entière dès lors que les décisions de la Commission pourront être soumises à la Cour.

C’est un traité qui, ratione materiae, constitue une double faute, politique et économique, car il va accélérer à la fois la crise politique et la crise économique. Il implique, ne vous en déplaise, un abandon de souveraineté, et la situation est même plus grave, puisque nous assistons sous vos yeux, mesdames et messieurs, à la dégénérescence de la démocratie !

Ce traité, vous le savez, est quasi illisible, puisqu’il faut, pour s’en faire une idée globale, avoir sous les yeux tous les textes auxquels il se réfère : le paquet de six, le paquet de deux et le règlement sur les déficits excessifs. Son économie est très simple et concerne la « règle d’or », qui fixe la limite inférieure de déficit structurel à 0,5 % du PIB, et à 1 % dans les cas de déficit excessif.

Les mécanismes de correction sont automatiques : formatés à l’avance par la Commission et adoptés par le Conseil, il appartient naturellement à la première de les mettre en œuvre, sous réserve qu’aucune majorité inversée ne vienne s’y opposer. Même si elle a été obtenue par le précédent gouvernement, une telle majorité inversée est souvent difficile à atteindre. Notons qu’il est peu probable que des États décident de punir sévèrement un autre État, car en matière européenne, le retour de bâton menace toujours : le risque est grand de subir des mesures de rétorsion sur un vote ultérieur. L’article 8 est par là légèrement utopique, comme l’ensemble du texte, du reste.

Et que dire de l’abandon de la décision souveraine de voter le budget, décision souveraine pour laquelle, mesdames et messieurs de la gauche, nous avons, vous avez, fait la Révolution ! L’article 13 vous apporte un lot de consolation, un ersatz de démocratie dans lequel le parlement souverain devient un théâtre d’ombres, un donneur d’avis sans suite ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.) Il est clair que la perte de souveraineté budgétaire est totale, ne vous en déplaise, et personne ne peut prétendre le contraire !

M. Patrice Carvalho. C’est du spectacle !

M. Jacques Myard. Oui, du spectacle ! Et c’est vous qui serez bien triste ! Ce qui est clair, c’est que l’on n’en restera pas aux aspects théoriques. Messieurs du parti communiste, justement, que direz-vous quand on vous imposera de réduire le ticket modérateur de la sécurité sociale, de couper les aides à la culture ou le budget de la défense nationale ? Ce jour-là, vous vous souviendrez de la phrase de Montesquieu : « Je suis empereur et vous me faites patron de galère ! »

M. Patrice Carvalho. Cinéma !

M. Jacques Myard. C’est ce que vous réserve le texte ! Nous sommes aujourd’hui dans une démocratie dégénérée. Vous pourrez, comme Paul Valéry à propos de la civilisation, dire de la démocratie : « Nous autres, démocraties, nous savons maintenant que nous sommes mortelles », car c’est vous qui êtes en train de la tuer !

Je souhaiterais citer encore une phrase de Platon, vieille de vingt-cinq siècles.

Plusieurs députés du groupe SRC. Assez de citations !

M. Jacques Myard. La voici : « Tout régime politique change à partir de l’élément même qui détient les charges de direction, lorsqu’en lui se produit une discorde. » Une discorde, c’est-à-dire la dégénérescence que vous êtes en train d’accepter ! Vous êtes en train de tuer la démocratie : Platon l’avait dit, et vous, vous le faites. Ce traité est également inopérant sur le plan économique. Permettez-moi de citer, sur ce sujet, le professeur Jean-Pierre Vesperini

Plusieurs députés du groupe SRC. Encore une citation !

M. Jacques Myard. Écoutez plutôt : « L’économie appartient par essence au domaine du vivant. Elle n’échappe pas au mouvement continu de l’évolution. Sans cesse, l’environnement économique d’une nation bouge, et tout l’art de la politique économique est de savoir s’adapter à cet environnement indéfiniment changeant. »

S’agissant maintenant du déficit structurel, qui serait capable d’en donner une définition précise ? En 2010, selon l’OCDE, le déficit structurel de la France était de 0,3 % ; au même moment, la Cour des comptes l’évaluait à 0,5 %. Rien ne justifie le dogme d’un déficit structurel nul : cela interdirait à l’État – et je m’étonne que le parti socialiste accepte cela – de financer l’investissement par l’emprunt.

La situation économique actuelle commande que la politique budgétaire soutienne la croissance : les coupes budgétaires entraînent l’austérité, une réduction des rentrées fiscales, et finalement la récession. Le traité fait l’impasse sur ce qui est au cœur de la crise actuelle : la question de la compétitivité, c’est-à-dire celle de l’écart des taux monétaires entre les États forts et les États faibles. Ce n’est pas le petit plan de relance sur la réorientation des fonds structurels de la Banque européenne d’investissement qui va permettre de répondre à la nécessité de la relance.

Toute union monétaire plaquée sur des économies divergentes aboutit à l’union de transfert : c’est la raison pour laquelle ce traité est nul. D’après une note publiée par M. Artus, de Natixis, dans la revue Flash économie (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

Mais écoutez-moi, vous qui vociférez, car, demain, vous vous mordrez les doigts !

D’après cette note, dis-je, ce sont 12 % du PIB de l’Allemagne qui doivent être transférés chaque année pour maintenir la zone monétaire : cela représente 250 milliards d’euros ! C’est le cœur du problème, et vous ne l’abordez pas !

Ce traité est une machine infernale, qui va aggraver la crise politique et la crise économique ; il est obsolète avant même d’avoir été ratifié ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Chantal Guittet.

Mme Chantal Guittet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux vous dire, sans contorsions, que je suis une Européenne convaincue, et que la préservation de la construction européenne est à mon sens vitale pour la France.

Nous traversons une période difficile, qui rend encore plus criant notre besoin d'Europe, celui d’une Europe tournée vers la croissance, l'emploi et la solidarité entre les États et les peuples.

M. Gérald Darmanin. Mais ce n’est pas dans le traité !

Mme Chantal Guittet. Dans le contexte actuel de concurrence internationale exacerbée, l'Union européenne est la seule entité qui nous permette de peser et de faire valoir nos choix, mais aussi de défendre nos intérêts dans le concert des nations.

Je dirai donc oui à ce traité, car il est nécessaire pour faire avancer l'Europe. Le texte que je soutiens, ce n’est pas le traité scellé cet hiver à Bruxelles, mais celui qui est adossé au pacte européen négocié par François Hollande : il marque une forte volonté politique de réorienter la construction européenne.

S'il n'est pas totalement satisfaisant, ce texte apporte néanmoins des éléments de réponse à la crise économique que traverse l'Europe et il ouvre la voie à une Europe plus intégrée et plus solidaire. La solidarité, qui était si chère à nos pères fondateurs, a été longtemps mise de côté par les politiques européennes de droite et elle nous a fait défaut.

Le système intergouvernemental a montré ses limites : l'Europe ne peut pas se contenter d’être un grand marché. Nous devons bâtir une véritable gouvernance économique européenne, et ce traité nous en donne les moyens puisqu’il offre plusieurs solutions susceptibles de renforcer la coordination. Pascale Boistard, Estelle Grelier et Jean-Pierre Dufau les ont énumérées, je ne m’y attarde donc pas. Qu’il me suffise de dire que ce traité jette les bases d’un futur gouvernement économique.

La France a un rôle important à jouer par rapport à ses partenaires : elle doit assurer pleinement son rôle moteur et, à ce titre, soutenir ces nouvelles avancées. Ce traité permet de faire un pas en avant et il doit être voté : il s’agit d’un vote stratégique, qui permettra de poser les bases d'un redressement de l'Union européenne fondé, pour une fois, sur l'emploi, la croissance et la transition écologique.

Il ne constitue naturellement que les prémices de la nouvelle Europe que nous voulons construire, et de nombreux sujets n'y sont pas traités, comme les protections sociales, l'harmonisation fiscale ou la mutualisation d'une partie de la dette européenne, laquelle favoriserait pourtant le financement des États. J’espère que ces sujets feront très rapidement l'objet de nouvelles discussions.

Le principe de la solidarité entre les États devrait selon moi être davantage mis en avant. De plus, il est essentiel de rappeler que le projet européen ne doit pas être réduit à l’établissement d’une zone de libre-échange ; il est avant tout un projet politique et démocratique. Or il devient crucial d'introduire plus de démocratie dans notre Europe, à l’heure de la montée des nationalismes dans l'Union. Il nous faut entendre le message des peuples qui veulent une Europe plus transparente, plus proche de leurs préoccupations, et qui réponde à leurs aspirations.

L'article 13 du traité réaffirme le rôle des parlements nationaux dans le débat des politiques budgétaires, et nous avons proposé, par ailleurs, une résolution pour organiser le contrôle parlementaire de manière efficace. Nous devrons également imaginer des mécanismes permettant aux citoyens de se saisir de l'Union et faire en sorte qu’ils aient de nouveau confiance dans nos institutions.

La ratification du traité par le Parlement est une étape essentielle et déterminante. M. le Premier ministre a clairement rappelé qu’elle ne sera pas la fin de l'histoire, mais la première étape de la réorientation de la construction européenne. Ce oui est un oui de soutien à la politique européenne de François Hollande : un oui pour écrire ensemble une nouvelle page de l’histoire européenne, plus proche des peuples et plus solidaire. Saisissons cette chance de redonner aux citoyens européens confiance dans leurs institutions.

Monsieur le ministre, je compte sur votre détermination et sur celle de votre gouvernement pour mener à bien le combat que vous avez engagé (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Savary.

M. Gilles Savary. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, je constate que la paternité de ce traité est revendiquée de manière à la fois passionnée et très sourcilleuse dans toutes les travées de cet hémicycle.

Vous avez raison de le faire, mais je veux rappeler que, sans la crise fulgurante qui a frappé l’Europe, une Europe qu’avait désarmée l’ultralibéralisme – je connais bien la situation pour avoir siégé pendant dix ans au Parlement européen –, il n’y aurait pas eu de traité, car il n’y aurait pas eu cette mise en danger de l’euro. À l’époque, c’est le no bail out qui prévalait : interdiction était faite aux États-membres de s’entraider, car le marché intérieur devait suffire à faire converger les économies ; interdiction était également faite à la Banque centrale européenne d’intervenir sur le marché monétaire. Demandez à vos collègues du Parlement européen, auquel vous appartenez – et si ce n’est vous, c’est donc vos frères ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Mais c’était l’œuvre de François Mitterrand !

M. Gilles Savary. Pendant des années, il a été absolument interdit d’intervenir sur le marché monétaire ; on avait même coutume de dire que la spéculation était un meilleur indicateur que l’intervention publique ! Nous avons été dominés pendant des années par la théologie du tout-marché, par la théologie de la toute-concurrence,…

Plusieurs députés du groupe UMP. Et Strauss-Kahn ?

M. Gilles Savary. …qui nous a amenés à la crise que nous connaissons aujourd’hui (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.), cette crise qui est passée par les subprimes aux États-Unis et contre laquelle vous nous présentez aujourd’hui un traité pompier : vous avez raison de le faire, car il faut sauver l’euro.

M. Gérald Darmanin. Vive Sarkozy !

M. Damien Meslot. Hollande, sauveur du monde !

M. Gilles Savary. Je voterai ce traité sans complexes car, si je ne pense pas qu’il soit miraculeux pour l’avenir de l’Europe, je crois néanmoins qu’il serait catastrophique que la France allume la mèche du baril de poudre de l’ultralibéralisme européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mes chers collègues, ce traité, ce n’est pas les Pyramides : c’est un pacte de stabilité renforcé. Ce n’est ni l’un des travaux d’Hercule, ni les portes de l’enfer que certains nous dépeignent !

C’est un pacte de stabilité renforcé, avec une règle improprement appelée « règle d’or », qui consiste seulement à faire en sorte – ce sont pourtant de vieux principes de finances publiques – que le fonctionnement des États soit plutôt assuré par l’impôt et l’investissement par la dette, alors que nous nous sommes endettés pour faire les fins de mois.

Voilà, mes chers collègues ce qu’est ce traité. Il ne résout pas tout mais, en tout état de cause, il est très important de sauver l’euro, et personnellement, je n’ai aucun complexe à le voter aujourd’hui.

M. Jacques Myard. Il ne le sauvera pas !

M. Gilles Savary. Monsieur Myard, si nous ne votions pas ce traité, demain, vous viendriez pleurer ici parce que le dollar redeviendrait le roi absolu du monde ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jacques Myard. Mais non !

M. Gilles Savary. Bien sûr que si, puisqu’il n’y aurait plus l’euro ! Vous viendriez ici pour pleurer, parce que nous aurions une monnaie nationale dévaluée et que nous paierions l’énergie, le chauffage, le carburant, trois ou quatre fois plus cher !

Oui, monsieur Myard, vous fonctionnez avec les rétroviseurs du nationalisme…

M. Jacques Myard. Mais non !

M. Gilles Savary.…mais, aujourd’hui, nous devons nous renforcer avec l’Europe tout entière. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Je voterai ce traité sans difficulté. Le seul fait nouveau, c’est que François Hollande a insufflé quelque chose en Europe (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), et je ne parle pas simplement des 120 milliards demandés pour la croissance. Son accession au pouvoir n’a pas été la déflagration annoncée par M. Juppé. Bien au contraire, elle a été une reprise de confiance dans l’action publique européenne. C’est ce tournant qu’il faut faire fructifier dans les années qui viennent. Aujourd’hui, ne vous en déplaise, nous avons un retour de l’action publique et du pilotage public en Europe. Je comprends que cela vous gêne, vous qui avez théorisé l’inverse pendant des années. Voilà pourquoi, aujourd’hui, il faut que la France pousse l’avantage.

Mais le vrai problème que nous avons, c’est que la France doit d’abord se désendetter et se redresser. Ce n’est pas la peine de faire du traité un épouvantail. Notre souci est que nous avons à ce jour 91 % du PIB d’endettement public…

M. Jacques Myard. Et demain 100 % !

M. Gilles Savary. …et que nous avons à faire un effort de désendettement, traité ou pas. Si vous regardez les chiffres, entre 2002 et 2011, chers collègues, le problème de l’Europe et de la France, c’est la divergence franco-allemande que vous avez laissée s’installer en dix ans dans tous les registres. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je peux vous citer les chiffres, ceux du commerce extérieur, des déficits publics ou du chômage. Nous avons décroché par rapport à l’Allemagne. Voilà le sujet que nous avons aujourd’hui à régler si nous voulons peser dans l’Europe de demain.

Je voudrais rassurer ceux d’entre vous qui ont peur du traité. Il prévoit un certain nombre de mesures de souplesse qu’il faudra employer si la croissance s’avère trop faible, et nous avons le droit de nous en servir. Ne vous inquiétez pas, Bruxelles ne nous enverra pas ses chars ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Axelle Lemaire.

Mme Axelle Lemaire. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je lis ça et là que le débat européen qui anime les autres pays en Europe n’aurait pas lieu chez nous. Ce n’est pas mon sentiment, de l’extérieur et de l’étranger, là où j’habite, l’Europe est, en France, au cœur des priorités politiques du Gouvernement et reste présente dans le discours comme dans les actes, de manière bien plus prégnante que chez nos voisins. En Europe du Nord, par exemple, les débats autour de la ratification du traité sont restés somme toute relativement discrets, et très peu de responsables de l’exécutif se sont présentés devant leur parlement pour exposer leur vision de l’Europe.

J’aimerais souligner l’importance symbolique, en comparaison, que revêt la présence du Premier ministre français, hier, dans l’hémicycle (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),

M. Gérald Darmanin. C’est son travail !

Mme Axelle Lemaire. …dans un contexte plus global où nombreux sont ceux, ailleurs en Europe, qui ont même peur de prononcer le mot « Europe », que les peuples perçoivent souvent, et malheureusement à juste titre, comme une source de contraintes et d’étouffement.

Venons-en maintenant au traité.

M. Gérald Darmanin. Ce serait bien…

Mme Axelle Lemaire. Analysé de manière littérale, il impose un objectif d’équilibre budgétaire uniforme à l’ensemble des États signataires. Il apparaît comme la victoire d’une idéologie conservatrice et néolibérale, prônant l’austérité.

En réalité, il me semble que le traité ne peut être compris qu’en tenant compte de la conjoncture politique plus globale dans laquelle intervient l’exercice de ratification.

À l’évidence, le texte est le fruit d’un compromis. Il part du principe selon lequel des finances publiques saines sont d’une importance essentielle pour préserver la stabilité de la zone euro. La raison d’être de ce traité est de répondre aux turbulences dans la zone euro, et il ne faut pas s’en offusquer. Car l’imprévisibilité et le chaos qui ont trop longtemps régné depuis l’éclatement de la crise économique et financière en Europe ont un impact direct sur les peuples. Ce sont ces peuples qui, aujourd’hui, paient le prix de la dette, ce sont les citoyens qui subissent l’imposition des politiques d’austérité lorsque les États sont au bord du gouffre.

L’addition des crises de la dette a aggravé le phénomène de concurrence et de spéculation entre les dix-sept marchés obligataires de la zone euro, laissant les États à la merci de la fixation de taux d’intérêts d’emprunt toujours plus fluctuants et plus pénalisants. C’est un cercle vicieux : le poids de la dette alourdit le risque de solvabilité qui, lui-même, alourdit le poids de la dette. C’est ainsi que, sur le marché secondaire, les intérêts d’emprunt appliqués à la Grèce sont passés de 5 % en 2009 à 32 % en février 2012.

C’est cette dette-là, la dette non contrôlée, objet de toutes les spéculations, incompressible, qui est devenue l’ennemie des peuples. C’est elle qui forme la véritable atteinte à la souveraineté lorsque les gouvernements se retrouvent démunis et sans plus aucune marge de manœuvre budgétaire. Nous ne parlons pas ici d’un endettement qui sert l’investissement public, qui promeut les emplois et les services publics, mais d’une dette nocive qui plonge les États dans des spirales sans fin.

Le traité contribue à rétablir une certaine confiance. Il ne doit pas être vu comme une fin en soi ; il est un outil, parmi d’autres, pour parvenir à une autre fin qui est celle de la sortie du désendettement et du retour de la croissance à l’échelle du continent.

Il a été dit, pendant le débat, que « la France est un pays du nord et du sud, une passerelle ». C’est vrai. Notre continent est guetté par un risque croissant de fracture entre les pays du nord et ceux du sud. Les économies nordiques – Suède, Finlande, Norvège, Danemark, auxquels on peut ajouter l’Allemagne et les Pays-Bas – enregistrent de bons bilans et semblent faire preuve d’une capacité de résilience face à la crise plus importante que celle des États du Sud.

Or on peut lire dans le traité l’empreinte de ces pays marqués par leur histoire économique et leur tradition politique. Les pays scandinaves, en particulier, ont, dans les années 1990, traversé des crises aiguës, qui ont abouti à des efforts de consolidation budgétaire très marqués et très douloureux, avec des résultats en termes d’assainissement des finances publiques assez spectaculaires aux dires de l’OCDE.

Ces pays prêteurs, aux économies très ouvertes, et donc directement exposés aux problèmes de la zone euro, réclament une discipline budgétaire. Attention : le sentiment de payer pour les irresponsables, les non-vertueux, les cigales insouciantes et laxistes se développe dans le Nord de l’Europe. Ce clivage est inquiétant, car il ouvre la porte à toutes les formes possibles de démagogie et de populisme. La crise actuelle menace – j’en suis persuadée, car je l’ai vu et entendu dans ma circonscription – la cohésion même du projet européen.

Non, tout ne s’est pas joué les 28 et 29 juin derniers, et tout n’est pas encore joué, mais des progrès ont été accomplis, qui vont dans le bon sens et doivent donc être accueillis par tous ceux qui défendent l’intérêt général européen et l’intérêt national de la France et des Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais avant tout, par l’intermédiaire de Pierre Lequiller, ici présent, l’orateur de notre groupe, adresser mes remerciements au président Jacob, pour avoir permis à des parlementaires du groupe UMP d’exprimer une opinion divergente.

M. Gérald Darmanin. Très bien !

M. Jean-Frédéric Poisson. J’exprime ici une position constante puisque, monsieur le ministre, nous faisions partie, vous et moi, en première lecture en 2008 et au Congrès, de ceux qui ne manifestaient pas un enthousiasme forcené pour le traité de Lisbonne. J’ai également exprimé, à l’occasion des débats sur le traité constitutionnel en 2005, tout mon scepticisme sur la construction européenne telle qu’elle se fait.

La lecture de ce traité et le débat que nous avons depuis deux jours ont plutôt renforcé mon scepticisme. S’agissant de ce traité, je voudrais dire à la fois mon étonnement, ma crainte et ma déception.

Mon étonnement, d’abord, d’entendre la majorité actuelle parler de réorientation de la politique européenne.

Monsieur le ministre, je veux bien vous donner crédit que, depuis que le président Hollande et vous-même êtes aux affaires, vous avez tenté de nouer des relations plus solides avec les pays du sud. Sans doute la réorientation de cette politique fait-elle partie des actions que vous voulez que l’on vous reconnaisse. Soit.

Le pacte de croissance existe, il est annexé aux conclusions du mois de juin dernier et personne ne peut nier que vous avez effectivement déployé des efforts pour mettre en œuvre les choses auxquelles vous croyez et compléter les dispositions que vous nous demandez aujourd’hui de voter.

Cela étant, je suis étonné qu’au nom de ce pacte de croissance, vous revendiquiez une paternité quasi intégrale de ce traité et de ces orientations. J’ai fait l’effort de lire ce pacte et je vais citer la première phrase du 1) : « Tous les États membres restent pleinement résolus à prendre sans tarder les mesures qui s’imposent au niveau national pour atteindre les objectifs de la stratégie Europe 2020. » Il n’y a pas beaucoup de réorientation dans cette affaire. C’est la continuation des objectifs qui ont été assignés.

Le paragraphe 2)c) de ce même pacte de croissance indique que les pays s’engagent « à promouvoir la croissance et la compétitivité, notamment en s’attaquant aux déséquilibres profonds et en allant plus loin dans les réformes structurelles afin de libérer le potentiel national de croissance, grâce, entre autres » – ici, j’aimerais que l’on soit attentif – « à l’ouverture de la concurrence…

M. Marc Dolez. Voilà !

M. Jean-Frédéric Poisson. …dans le secteur des entreprises de réseau » – c’est-à-dire essentiellement l’énergie et les transports.

Je lis dans le paragraphe 2)e) que les pays s’engagent à moderniser l’administration publique en diminuant les charges administratives.

M. Marc Dolez. C’est le pacte de croissance !

M. Jean-Frédéric Poisson. On peut être pour ou contre ces objectifs. À titre personnel, j’y suis plutôt favorable. Je sais bien, mon cher collègue Dolez, que vous ne l’êtes pas. Mais je comprends mal qu’en raison même de ces dispositions, vous revendiquiez la paternité d’un traité auquel, par ailleurs, vous n’avez pas beaucoup contribué.

J’en viens à mes craintes. Beaucoup de notions, en particulier la notion centrale de déficit structurel, qui est dans le traité, font encore l’objet, parmi les économistes, de débats absolument sans fin, et personne, aujourd’hui, n’est capable d’en donner une vision claire.

Le 3) et le 8) provoquent aussi des craintes chez moi. Il y a une obligation formelle de respecter les orientations prises sur le blanc budgétaire et, en cas de non respect, un autre État pourra se plaindre devant la Cour européenne de justice et faire en sorte que des sanctions soient appliquées aux pays qui n’auraient pas respecté leurs engagements.

Si ce n’est pas une perte de souveraineté, monsieur le ministre – ne jouons pas sur les mots –, c’est une perte de la liberté de décision des parlements en matière budgétaire.

M. Gérald Darmanin. C’est évident !

M. Jean-Frédéric Poisson. Le Conseil constitutionnel peut bien nous dire que ce n’est pas une perte de souveraineté, j’affirme que, dans la continuité des traités depuis 1992, nous sommes bien dans cette logique.

Notre collègue Myard l’a rappelé utilement tout à l’heure, c’est tout de même une drôle d’ambiance, un drôle de climat que l’on crée entre les membres de l’Union, en instaurant une forme de délation – le mot n’est pas joli, mais c’est celui qui me vient spontanément à l’esprit.

M. Nicolas Sansu. Oui, c’est de la délation !

M. Jean-Frédéric Poisson. Il s’agit de cafarder ses petits camarades pour que le maître d’école leur donne un coup de règle sur les doigts. Ce n’est pas ma conception de la construction européenne et c’est, selon moi, une limitation et une manière de faire entrer les pays dans une construction qui n’est pas souhaitable.

Enfin, je n’aime pas la construction fédéraliste de l’Europe. Je n’y crois pas, je n’y ai jamais cru. Elle n’a pas fait ses preuves et personne ne m’empêchera de croire que ses gigantesques difficultés d’application font faire un pas de plus dans une direction que je conteste. Je ne m’y résous pas.

Pour conclure, je vous ferai part d’une déception. S’agissant de la résorption de nos déficits et de la coordination des politiques européennes que l’on peut comprendre, deux questions devaient être posées.

Premièrement, pourquoi faut-il, à chaque fois que nous parlons d’Europe, que nous fassions primer la procédure et les institutions sur les objectifs politiques ?

Deuxièmement, pourquoi n’abordons-nous pas la question centrale de l’incapacité éventuelle de certains États à se payer l’euro, parce qu’il est trop cher ?

Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voterai contre la ratification de ce traité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Guillaume Bachelay.

M. Guillaume Bachelay. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat qui nous réunit ne se déroule pas en dehors de l'espace et du temps. Il a lieu dans une Europe où la crise d'origine financière n'épargne aucune économie ni aucun peuple, et il se tient dans une Europe où une majorité d'États est dirigée par la droite. En même temps, les analyses et les réponses conservatrices et libérales sont contestées comme jamais.

Jusqu'au 6 mai dernier, l'austérité n'était pas un chemin, elle était le chemin. Depuis l'alternance en France, une voie pour la croissance, l’emploi et l'investissement s'est ouverte. Au fil des mois, cette approche n'a cessé de gagner en crédibilité et en soutien, d'abord auprès de MM. Rajoy et Monti qui, s'ils siégeaient parmi nous, ne seraient pas exactement assis sur les bancs de la gauche.

M. Arnaud Leroy. C’est clair !

M. Guillaume Bachelay. Même en Allemagne, jusque dans les rangs du patronat, la priorité à la croissance s'impose à mesure que se grippe la première économie d'Europe et que s'appauvrissent ses voisins qui, pour les deux tiers, sont aussi ses clients.

Depuis que le président Hollande a placé la croissance au cœur du débat public, à la fois en France et en Europe, des changements il y a peu inconcevables sont devenus incontestables.

M. Laurent Furst. On en reparlera !

M. Guillaume Bachelay. Lacan disait que le réel, c’est quand on se cogne. Le plus spectaculaire a été opéré par la Banque centrale européenne, qui procède désormais à des interventions illimitées sur le marché de la dette des États, preuve que la nécessaire mutualisation a commencé et que ce qui fut longtemps une résolution est depuis le printemps une décision.

C'est dans ce contexte nouveau qu'il faut aborder le traité, mais aussi l'ensemble du paquet réorientation, dont les ministres ont justement rappelé l'importance à l’entame de nos travaux.

Quelques mois plus tôt en effet, alors que les Français s’apprêtaient à voter, M. Sarkozy avait commis deux coups d'éclat, ou plutôt de force. L'un, sans doute parce qu’il pressentait l’issue de son rendez-vous avec le scrutin, était hexagonal et aurait dû être mis en œuvre dès cette semaine, c'est la hausse de la TVA, que notre majorité a heureusement annulée. L'autre coup de massue, précisément, était européen et consistait à imposer à la nation un traité réduit à sa seule dimension de discipline budgétaire. Là aussi, le changement voulu par les Français a été bénéfique. Ce texte et ses principes ne sont pas gravés dans notre Constitution. Le Parlement de la République conservera ses pouvoirs budgétaires souverains.

M. Gérald Darmanin. Vous n’avez pas lu le traité ?

M. Guillaume Bachelay. Le traité ne fixe ni le niveau de la dépense publique ni sa répartition, comme l’a affirmé le Conseil constitutionnel et comme le confirmera la loi de programmation des finances publiques. Surtout, la France a obtenu un paquet relance. On nous dit sur les bancs de droite qu’il était dans les tuyaux. Sauf qu'avant le 6 mai, les tuyaux étaient bouchés !

M. Jacques Myard. Vite, du Destop !

M. Guillaume Bachelay. Ces capacités d'investissement supplémentaires ont été conquises par la France auprès de partenaires qui n'y étaient pas tous favorables et qui ne nous en feraient pas cadeau si le traité était rejeté par la France. Vous devriez vous faire plus discrets sur ce sujet, mes chers collègues de l’opposition, car nous sommes nombreux, ici et plus encore à l’extérieur, à penser qu’il y a en Europe un lien de cause à effet entre 24 gouvernements conservateurs et 25 millions de chômeurs !

M. Laurent Furst. La formule est belle, mais un peu facile !

M. Gérald Darmanin. D’ailleurs, personne ne vous applaudit.

M. Guillaume Bachelay. Aux 120 milliards d'euros de projets d’investissement pour les infrastructures énergétiques, numériques, de transport et de santé s’ajoutent la taxe sur les transactions financières, qui devra servir de ressource propre au budget de l'Union, ainsi qu'une première étape de l'union bancaire. Enregistrons donc le traité qui a été vidé de son danger, c’est-à-dire la constitutionnalisation de la pseudo-règle d'or ! Engrangeons le paquet croissance désormais adossé au traité. Et surtout, engageons les étapes suivantes.

Nous avons en effet d'autres combats à mener. S’il est juridique et technique, notre débat est d'abord politique et s’inscrit dans un moment historique, celui de la bataille européenne entre partisans de la croissance et tenants de l'austérité.

M. Laurent Furst. On la verra, la croissance, l’année prochaine !

M. Guillaume Bachelay. L'Europe telle que ma génération l'a connue repose sur l’absence de coopération : moins-disant social et fiscal dedans, concurrence généralisée et sans merci dehors ! Le temps de la réorientation est venu. C'est le mandat que notre vote de soutien donnera au Président de la République et au Gouvernement. La réorientation, c'est d'abord celle de la BCE. C'est aussi l’indispensable harmonisation fiscale et la réciprocité commerciale dans les échanges. On ne peut réindustrialiser l'Europe et combattre le chômage sans ces politiques concrètes.

Mes chers collègues, nous sommes nombreux à militer et faire des propositions pour une autre Europe, parfois depuis plus de vingt ans. C'est à cette exigence historique que nous devons répondre. Pour les conservateurs, le TSCG est le traité de l'aboutissement. Il est pour nous le trépied du commencement (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) !

M. Gérald Darmanin. C’est ce qui s’appelle manger son chapeau.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, mes chers collègues, depuis vingt ans, de traité en traité, la construction européenne se développe par étapes. Simultanément, la prospérité, marqueur historique de notre continent, nous quitte.

La monnaie unique est ainsi venue couronner, au tournant des années 2000, un ensemble non harmonisé se présentant comme un édifice peu ordonné. Mal conçue dès l'origine, cette monnaie unique a eu en outre le malheur d'apparaître à une époque historique où le libéralisme économique triomphant a mis en déroute les États et l'intervention publique. C'était au tournant des années quatre-vingt-dix, au moment du traité de Maastricht.

Sans surprise, c’est précisément au moment même où l'Europe et le marché faisaient leur jonction historique que le camp conservateur, dans notre pays, est devenu pro-européen au détriment de son héritage gaulliste. Nous avons senti dans cette assemblée quelques soubresauts sur ce plan qui ne m’ont pas paru moindres à droite qu'ils ne le sont à gauche.

Quoi qu'il en soit, les malheurs de la construction européenne ne s'arrêtent pas là. Au tournant des années 2000 survient la crise. À la crise mondiale de la finance puis de l'économie réelle va se superposer la crise propre de la zone euro, qui en est distincte et qui tient largement aux déficiences de l'union économique et monétaire, de sa conception notamment.

M. Jean-Frédéric Poisson. Tout à fait !

Mme Marie-Françoise Bechtel. Qu'exige de nous aujourd'hui le contexte historique ? De mettre fin à la crise dans les conditions les moins douloureuses et dans les meilleurs délais possible. Tous s’accordent là-dessus.

Mettre fin à la crise le mieux possible et le plus tôt possible, certes. Mais encore faut-il en faire un juste diagnostic. La crise n'est pas en premier lieu une crise de l'endettement, comme on l'entend trop souvent. La dette et le déficit qui en résulte sont le résultat de la nécessité où se sont trouvés de nombreux pays de la zone euro, dont le nôtre, de fuir en avant dans les déficits publics, empêchés qu’ils étaient de soutenir leur compétitivité par des dévaluations qui en ont toujours été l'instrument. Ainsi, tant que l'on s'attache à remédier à la seule dette et aux seuls déficits et non aux causes de la dette et du déficit, on se condamne à soigner la fièvre sans soigner la maladie. Cette observation n'a rien d’original, de très nombreux économistes s’accordent sur ce point, quelle que soit d’ailleurs leur école de pensée.

Or le TSCG, par un vice rédhibitoire, en reste à une logique comptable de la crise là où celle-ci appelle une réponse économique par la mise en place simultanée de mécanismes de croissance. C'est un défaut de fond. Nous tenons compte de la réorientation vers la croissance engagée par le chef de l’État et nous ne confondons pas cette démarche volontariste, même encore insuffisamment aboutie, avec les cris de victoire de son prédécesseur, qui semblait croire que le seul moyen de sortir notre pays de la crise était la subordination, pour ne pas dire la capitulation sans conditions, aux intérêts de l'Allemagne.

Mais au défaut de fond qu’est l'absence de toute perspective économique s'ajoutent les défauts de forme qui ne sont pas moins graves. Le TSCG tel qu'il nous est soumis institue en effet des règles mécaniques dans lesquelles la souplesse laissée par l’appréciation du solde structurel et l’invocation de circonstances exceptionnelles est très inférieure au corsetage rigide infligé au législateur budgétaire.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est très vrai !

Mme Marie-Françoise Bechtel. Tenu par l'objectif de rétablir le déficit et la situation d'endettement, le législateur ne pourra pas définir lui-même l'objectif à moyen terme de rétablissement de cette situation. Il ne pourra pas davantage définir la trajectoire d'ajustement des finances publiques permettant d’atteindre cet objectif. Il ne sera pas davantage maître du mécanisme de correction qui, d’après la lettre du traité, est déclenché automatiquement.

Tout cela pour quel résultat ? En vérité, les objectifs et normes fixés par le TSCG sont tels qu’ils ne pourront très probablement pas être atteints. Il lui arrivera alors ce qui est arrivé au pacte de stabilité et à la règle des 3 % de déficit budgétaire, dont on se souvient que l'Allemagne d'abord, la France ensuite, se sont exonérées.

Monsieur le ministre, nous savons tous que ce traité est un peu le texte de la dernière chance pour sauver la zone euro, après la faillite de tant de sommets. Hélas, c’est un sauvetage aux conditions de l'Allemagne.

Le mouvement républicain et citoyen, fondé sur la critique de la construction européenne, a toujours cherché les solutions constructives qui permettraient de réorienter celle-ci. C’est la raison pour laquelle nous avons apporté un soutien réfléchi, les yeux ouverts, à l’entreprise de réorientation du président Hollande. Nous n'en négligeons pas la portée. Malheureusement, le résultat aujourd’hui est un peu trop figé pour que nous puissions apprécier à quel point cette méthode intergouvernementale, que nous saluons également, pourrait mener un jour à des résultats.

Nous entendons les arguments de ceux qui nous disent que notre souveraineté est aujourd'hui en cause. Si le traité était assorti de garanties sérieuses, vérifiables et programmés, notre « non », qui vise à préserver l’avenir, pourrait changer. Tel n’est pas le cas. Nous avons l’espoir que les doutes qui se font jour dans le camp du progrès montreront à nos partenaires que le Parlement français entend pousser et soutenir le Gouvernement dans une négociation qui doit reprendre. Nous envoyons à notre manière le signal utile que la France n’a peut-être pas dit son dernier mot (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.).

M. le président. La parole est à M. Emeric Bréhier.

M. Emeric Bréhier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames les présidentes des commissions, chers collègues, nous sommes dans la discussion générale de la ratification du TSCG. En pareille matière, il est toujours aisé de s’en tenir à la posture, de faire fi des enjeux, de ne pas observer les contextes et de convoquer les passions. Cristalliser les colères, l'indignation légitime face aux plans sociaux, l'incompréhension face à une finance devenue démente et à la peur de rencontrer le chômage, faire de l'Europe le coupable presque naturellement désigné : tout cela est aisé.

C’est pourtant bien dans cette Europe héritée de la précédente majorité que se trouvent les raisons de notre vulnérabilité face aux marchés financiers et à la mondialisation. C'est bien en effet d'un manque d'Europe que nous souffrons.

Certains préconisent son démantèlement et même le retour au franc. Il suffirait de quitter l’euro et l'Europe pour que tout soit réglé. Un problème avec l'Europe ? Démantelons l'Europe. Quelle idée ! En France, lorsqu'il y a un problème politique, nous préconisons de changer de politique, pas de détruire l’État. Alors, changeons de politique pour l'Europe !

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Très bien !

M. Emeric Bréhier. C'est bien ce que le Président de la République a engagé lors du sommet des 28 et 29 juin derniers, au cours duquel il a été enfin décidé que le fonds de secours, qui n'est rien d'autre qu'un fonds de mutualisation, intervienne en recapitalisation des banques dès lors qu'un mécanisme européen de supervision bancaire sera instauré. En proposant que ce fonds de mutualisation apporte directement les liquidités aux banques qui feraient appel à lui, on casse le lien entre dettes des banques et dettes d'Etat. Qui s'en trouve protégé, sinon nos peuples ?

Pour certains, cela ne va pas assez vite. Il faudrait selon eux apporter immédiatement les financements. Mais il n'est pas interdit d'être de gauche. Lorsque les banques ont gravement failli au point de demander des financements publics, fussent-ils européens, on peut exiger qu'elles se réforment. C'est le sens des demandes formulées par la France, par le président de la République et son gouvernement, réclamant qu’à la supervision bancaire soit ajouté un mécanisme de garantie des dépôts et de résolution des crises bancaires pour créer enfin une véritable union bancaire en Europe.

Vient ensuite la lutte contre la spéculation avec la taxe sur les transactions financières. Cette taxe demandée par la gauche depuis plusieurs décennies constitue une grande avancée. Nicolas Sarkozy nous assénait que c'était un vœu pieu. C'est pourquoi il a rétabli en catimini, à l'issue de son quinquennat, le fameux droit de timbre qu'il avait lui-même retiré en début de mandat. Quand la droite donne le change, notre majorité change la donne !

M. Laurent Furst. C’est beau ! Belle formule !

M. Emeric Bréhier. C'est bien cet environnement assaini qui a permis à la BCE de prendre la décision historique de racheter des obligations d'Etat sans objectif de taux.

J’en arrive au pacte pour la croissance et l’emploi, qui mobilise 120 milliards d’euros d’investissements publics, appelant 120 milliards supplémentaires d’investissements privés. Il correspond à une première étape, qui en appelle d’autres. Ce pacte représente – excusez du peu ! – plus d’une année du budget de l’Union européenne. Il change profondément les termes de la discussion sur le cadre financier pluriannuel.

Le débat sera dur, vous l’avez fait remarquer, monsieur le ministre, et l’on sait que les États dits contributeurs nets feront tout pour réduire l’ambition de croissance. En consolidant cette étape, nous nous mettons en condition de réussir les suivantes dans de meilleures conditions.

Il reste ce traité. Il est faux de dire que nos objectifs de lutte contre la dette abyssale dont nous héritons lui sont subordonnés : les dispositions du projet de loi de finances ne relèvent pas de contraintes extérieures mais bien d’un choix souverain. Quant aux préconisations du traité, j’aimerais rappeler que la plupart d’entre elles, y compris les mécanismes de sanction sont dans le droit dérivé européen, ce qu’on appelle le six-pack.

Aujourd’hui, quel est l’enjeu ?

L’enjeu, mes chers collègues, par-delà ce TSCG, par-delà le pacte de croissance, c’est de réinventer l’espoir européen ce qui nécessite de ne pas tout attendre d’initiatives intergouvernementales. La construction européenne n’a jamais autant avancé que lorsqu’elle pouvait s’appuyer sur ses deux jambes : le communautaire et l’intergouvernemental. Force est de constater que, ces cinq dernières années, le communautaire a perdu du terrain. Il conviendra donc de rétablir l’équilibre dans les prochaines années, sauf à oublier la spécificité de ce projet unique en son genre.

L’enjeu, c’est de valider ce compromis qui a été obtenu de haute lutte par le Président de la République. L’enjeu, c’est d’affirmer « d’accord pour ce TSCG, car il existe le pacte de croissance et de l’emploi, mais ce n’est pas pour solde de tout compte ». L’enjeu, c’est de dire au Président de la République : « Nous soutenons la réorientation de la politique européenne que vous avez engagée, car c’est la condition du redressement et la solution pour sortir de la crise. » L’enjeu, c’est bien de relancer la construction de l’Europe de la solidarité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Alain Chrétien.

M. Alain Chrétien. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’acte fondateur de la présidence de M. Hollande sera donc son adhésion au traité négocié par Nicolas Sarkozy, dont pas une virgule n’aura été changée.

Vingt ans après le traité de Maastricht, le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire offre une occasion unique d’approfondir l’intégration de l’Union. Face à cela, nous entendons un certain nombre de nos collègues dire avoir voté pour Maastricht en 1992 et vouloir voter contre le traité qui nous est proposé aujourd’hui. Ces collègues se justifient en soulignant la perte de souveraineté et le fait que l’intégration européenne aurait échoué. Si l’on suit leur logique, la seule démarche possible serait donc la sortie de l’euro.

Refuser ce traité, c’est condamner l’Europe à l’impuissance au motif d’avancées qui n’ont pas encore été réalisées. J’estime, pour ma part, que l’intégration monétaire n’est pas un échec mais qu’elle est incomplète.

D’une part, le débat sur les questions de souveraineté ne doit pas empiéter sur le nécessaire débat relatif aux finances publiques. La France gardera la possibilité de faire entendre sa voix. L’article 12 consacre d’ailleurs la proposition faite par Nicolas Sarkozy d’un sommet régulier des chefs d’État et de gouvernement de la zone euro.

La vérité, c’est que nous vivons à crédit depuis trente ans et que nous en accusons l’Europe. La vérité, c’est que 60 % de notre dette publique n’est pas détenue par des épargnants français mais par les marchés financiers, nous rendant de ce fait dépendants. C’est là que se situe l’enjeu de souveraineté budgétaire. À ceux qui disent qu’avec ce traité nous renonçons à toute souveraineté, je réponds que tendre vers l’équilibre des finances publiques, c’est au contraire un gage de souveraineté pour limiter notre dépendance aux aléas des taux pratiqués par les marchés financiers. Il y va de la crédibilité de la France de porter un message responsable en matière de politique budgétaire.

D’autre part, ce traité, signé par Nicolas Sarkozy le 2 mars dernier nous engage, il est vrai. Mais il faut voir dans cet engagement une occasion unique : celle d’une réponse institutionnelle en vue d’établir des règles communes de gouvernance économique et budgétaire. L’occasion également de compléter, par des règles communes, le traité de Maastricht dont nous venons de fêter le vingtième anniversaire.

Car, mes chers collègues, il s’agit bien de compléter les engagements antérieurs. Vous le savez aussi bien que moi, l’histoire de la construction européenne est celle d’une construction progressive, par étapes successives. Maastricht ne fut qu’une étape instaurant notamment les critères de convergence, dont on voit bien qu’ils n’étaient pas suffisants pour éviter les excès et la situation dans laquelle nous sommes aujourd’hui.

Il s’agit également de renforcer la gouvernance de la zone euro pour atteindre des objectifs communs de croissance, d’emploi et de cohésion sociale.

L’assainissement budgétaire ne peut pas reposer uniquement sur la maîtrise des déficits. Il implique aussi une croissance suffisante pour soutenir nos finances publiques. La mobilisation de 120 milliards d’euros en faveur de la croissance, dont M. Hollande se prévaut tant, se résume à seulement 5 milliards pour la France, soit quatre fois moins que la ponction que vous allez imposer aux ménages et aux entreprises dans la prochaine loi de finances. Mes chers collègues de la majorité, cette comparaison devrait vous inspirer plus de modestie.

M. Jean-Louis Gagnaire et M. Jean Launay. Comparaison n’est pas raison !

M. Alain Chrétien. Vous n’avez fait réaliser aucune avancée à ce traité ; ainsi, la taxe sur les transactions financières avait été adoptée dès le 16 février dernier par la France. À cet égard, je souhaite saluer le travail remarquable de Michel Barnier, qui poursuit son action admirable au service de la construction européenne en se battant pour une union bancaire. Nous devrions combattre à ses côtés, mais une fois encore, vous faites l’impasse sur ce sujet.

Mes chers collègues, avec ce traité, nous avons le choix d’ouvrir ou non de nouvelles perspectives d’approfondissement de l’Union à moyen terme. Ce texte essentiel aurait mérité de figurer dans la Constitution plutôt que dans une simple loi organique. Monsieur le ministre, nous aurions voté une révision constitutionnelle. D’autant que l’article 3 du traité expose que ces règles doivent être « de préférence constitutionnelles ». En choisissant de passer par une loi organique, vous ratez une occasion unique de faire l’union nationale, comme en Espagne, où la droite a voté avec la gauche la réforme de la Constitution.

M. Laurent Furst. Très bien !

M. Alain Chrétien. C’est une règle d’or « petit bras » que vous nous proposez aujourd’hui. Et on comprend pourquoi lorsqu’on constate la discorde totale de votre majorité sur ce sujet pourtant essentiel.

Vous manquez de courage et de cohérence, car votre politique économique est en contradiction totale avec les objectifs de compétitivité inscrits dans le traité. Vous manquez de courage car cette règle d’or n’est qu’une règle « plaquée or » : les lois de programmation des finances publiques n’auront pas valeur constitutionnelle, elles n’apporteront donc aucune garantie au nécessaire équilibre budgétaire. Nos partenaires européens et, plus grave, les marchés financiers, s’en apercevront très vite. En n’inscrivant pas la règle d’or dans la Constitution, votre majorité entre ainsi par la petite porte dans un édifice européen qui reste inachevé. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Bridey.

M. Jean-Jacques Bridey. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames les présidentes des commissions, mes chers collègues, comme beaucoup d’entre vous sur les bancs de la majorité parlementaire, je voterai « oui » au traité européen et au projet de loi organique : non pas un « oui » godillot de discipline et de soumission, mais un « oui » ferme de conviction et d’avenir. Cette conviction européenne qui est la nôtre est celle que la construction de l’Europe est notre seul avenir à nous Européens, donc à nous citoyens français.

Voilà plus de soixante ans que l’Europe se construit. Si l’ensemble des peuples d’Europe, que leurs pays soient ou non dans l’Union, continuent de croire en elle, de la rêver forte, indépendante, solidaire et démocratique, les multiples difficultés que la construction de l’Europe a connues continuent de susciter de la défiance et de la réprobation. Devant les nombreuses crises qui s’amoncellent et perdurent – crise économique, crise sociale, crise environnementale, crise démocratique, crise de confiance, crises toutes nationales avant d’être européennes –, cette défiance devient une opposition, cette réprobation se transforme en colère. L’Europe rêvée comme une solution est alors vécue comme un problème, comme le problème à l’origine de tous les maux. À nous, acteurs politiques, citoyens responsables, d’agir maintenant, tout de suite, avec détermination et persévérance, afin que l’Europe ne soit pas un rêve mais devienne un espoir, ou mieux encore, une réalité concrète qui offre aux peuples européens un espace de liberté et de progrès.

Il nous faut alors agir sous deux angles : restaurer l’expression d’une volonté politique et réorienter la construction européenne. Pour atteindre ces objectifs, il est impératif de rompre avec les politiques de renoncement et de soumission trop longtemps menées par la majorité précédente. Il est urgent de porter haut la parole de la France et de ne faire preuve ni de faiblesse en pliant devant les oukases de nos partenaires, ni de lâcheté en renonçant à exiger des contreparties sociales et démocratiques.

Le Président de la République porte la conviction et la volonté des pères fondateurs de l’Europe pour reprendre la marche en avant du progrès dans un espace démocratique renforcé. C’est cette conviction dans l’action qui guide notre projet : plus d’intégration mais plus de solidarité ; plus d’Europe mais plus de croissance et de justice. Tel est le sens de la réorientation de la politique européenne qu’a obtenue François Hollande dès le sommet des 28 et 29 juin derniers.

Mme Marie-Christine Dalloz. Quelle avancée…

M. Jean-Jacques Bridey. Oui à un traité qui oblige les États à une politique commune d’équilibre budgétaire, mais oui, dans le même temps, à un pacte de croissance qui oblige l’Europe à une politique de croissance économique et donc de progrès social. Oui, pour contrer la crise, à un approfondissement de l’intégration européenne pour préserver notre avenir, mais oui aussi, pour sortir de la crise, à une ambition commune de construction européenne permettant d’enrichir notre avenir.

Mes chers collègues, n’ayons aucun doute sur la qualité de la nouvelle politique engagée depuis le 6 mai par le Président de la République et le gouvernement de la France.

Mme Marie-Christine Dalloz. Les Français, eux, ont déjà des doutes !

M. Jean-Jacques Bridey. Elle diffère en tout point de la vision binaire qui nous était proposée avant cette date par le président Nicolas Sarkozy, et les résultats sont bien là.

Ne perdons pas de vue ce que nous avons acquis. Le volontarisme affiché par le Président de la République a permis de surmonter les blocages et d’éviter un ultime sommet de la dernière chance. L’ambition affichée par ce « paquet européen » a permis des avancées majeures. Je pense à la stabilité retrouvée des marchés financiers, signe d’une reprise de confiance dans la politique européenne, et à la décision de la Banque centrale européenne de « racheter », c’est-à-dire de financer hors marchés, les dettes souveraines, celles des États de la zone euro.

Bien entendu, cette nouvelle ambition n’a comme seul horizon ni ce traité ni ces avancées. Ce traité sert de fondations à notre édifice commun et le « paquet européen » en est la première pierre. À nous, ensemble, de poursuivre sa construction et d’en fixer le nombre d’étages : un pour la croissance économique, un pour l’intégration politique, un pour l’approfondissement démocratique, un pour le progrès social, un pour la transition écologique. À nous, ensemble, d’en fixer le rythme, sachant que le chantier sera long et que tout arrêt serait définitif.

Alors, mes chers collègues, je voterai oui. Trois fois oui.

Je voterai oui par conviction que notre avenir est européen et que le redressement de la France impose la relance de la construction de l’Europe.

Je voterai oui par confiance en notre capacité et en notre volonté commune de faire de l’Europe un espace de croissance économique, un modèle de vitalité démocratique et un exemple de solidarité citoyenne.

Je voterai oui pour soutenir l’action du Président de la République et de son gouvernement. Sa détermination à réorienter la politique européenne est reconnue par tous et son action n’aura de chance de réussir que si le traité et le « paquet » européens sont validés.

Je voterai oui avec vous pour ces trois raisons. C’est la seule voie possible pour transformer le rêve européen en réalité démocratique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Noguès.

M. Philippe Noguès. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous sommes sûrement une large majorité dans cette assemblée à considérer que l’Europe est notre avenir. Ce sentiment est malheureusement de moins en moins partagé par les citoyens européens, pour qui l’Union se résume trop souvent à l’image d’une technocratie lointaine, celle des circulaires et des marchés financiers, indifférente à leurs préoccupations, voire hostile.

Incontestablement, nous sommes aujourd’hui à un tournant, et nous devons faire ce choix : ou bien nous basculons définitivement dans ce grand marché de libre-échange qu’est devenu au fil du temps l’Europe, ou bien nous retrouvons l’esprit de ses fondateurs : une Europe politique forte, car unie, garante de la paix et protectrice pour ses citoyens.

Pour cela il nous faut absolument retrouver des marges de manœuvre économiques et politiques. À l’échelle de la France, nous devons retrouver une plus grande souveraineté politique et cela passe évidemment par la réduction de la dette, qui est chez nous, comme presque partout en Europe, le premier poste du budget.

Mais, soyons lucides : maîtriser les déficits en période de stagnation économique, voire de récession, sans contrepartie pour la relance de l’activité, ne permettra pas de sortir l’Europe de la crise. On constate chaque jour les dégâts d’une telle politique, celle des coupes claires dans les dépenses sociales et d’avenir, en Grèce bien sûr, mais aussi chez nos voisins espagnols, italiens ou portugais. Et le texte, seul, du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance ne répondait pas à cette double nécessité : réduire les déficits, d’une part, et relancer une croissance durable et pérenne d’autre part.

À l’époque, ce traité, en l’état, je ne l’aurais pas voté. J’ai d’ailleurs d’abord hésité. Mais il s’est incontestablement passé quelque chose d’important lors du sommet européen des 28 et 29 juin derniers. L’aggravation de la situation économique et sociale en Grèce, en Espagne et en Italie, et surtout le risque réel d’explosion de l’euro ont achevé de démontrer, s’il en était besoin, la pertinence de la position de François Hollande.

M. Gérald Darmanin. Ça s’appelle de l’opportunisme !

M. Philippe Noguès. La simple accentuation de l’austérité ne peut être qu’une stratégie perdante, éliminant toute possibilité de reprise économique et augmentant encore l’anxiété sociale.

La volonté de François Hollande a ainsi poussé de nombreux chefs d’État et de gouvernement à lui apporter leur soutien et à s’engager enfin en faveur de politiques économiques, budgétaires et financières plus cohérentes. Je pense à la supervision bancaire, à la taxe sur les transactions financières, à la taxe carbone envisagée aux frontières de l’UE, au surcroît d’intégration dans le cadre budgétaire et au « pacte pour la croissance », sur lequel certains peuvent dauber, mais qui est un véritable signe politique de la prise de conscience générale que l’austérité ne peut pas être la solution pour sortir l’Europe de la crise. La BCE elle-même vient de franchir une ligne – là encore inimaginable il y a quelques mois – en annonçant sa volonté de racheter sans limite la dette publique des États.

Le frémissement est donc incontestable.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est le miracle Hollande…

M. Philippe Noguès. Il faut maintenant absolument le confirmer et faire de ce frémissement une inversion de tendance, tout en gardant à l’esprit les cultures politiques différentes des peuples de l’Europe. Ainsi, la décision de la BCE a été considérée comme laxiste en Allemagne et, à l’inverse, les Français ont estimé qu’elle imposait des conditions beaucoup trop dures. Si nous voulons bâtir une Europe sociale et solidaire, nous devons commencer par prendre en compte nos différences.

Je voterai donc en faveur de ce traité pour bien montrer à nos partenaires que la France est engagée à leurs côtés dans la réduction des déficits publics et de la dette, mais mon oui est un oui exigeant. Exigeant parce que les Français, et beaucoup d’autres Européens, attendent maintenant la suite. Ce traité ne peut être qu’une étape et nos partenaires, allemands notamment, devront aussi faire leur part du chemin, par exemple sur la question du fonds de mutualisation des dettes publiques sous la forme d’eurobonds, sur celle du budget de l’Union ou de l’harmonisation fiscale.

Ce oui au TSCG est donc évidemment un pari,…

M. Gérald Darmanin. Risqué !

M. Philippe Noguès. …mais c’est un risque que nous devons prendre pour que la France puisse peser sur le rééquilibrage de la politique européenne. Nous y serons associés, nous, parlementaires, à travers la mise en place d’une conférence rassemblant les Parlements nationaux et le Parlement européen. Les députés socialistes prendront d’ailleurs une initiative supplémentaire en proposant une résolution visant à renforcer encore ce contrôle démocratique.

François Hollande a déjà su rassembler autour de lui de nombreux dirigeants européens. Je ne doute pas qu’il saura, grâce à notre soutien, utiliser la ratification de ce traité pour transformer le frémissement actuel en une nouvelle donne, une réelle dynamique de changement, pour entraîner, derrière la France, une majorité européenne décidée à se créer un avenir politique, économique et social. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Destans, dernier orateur inscrit.

M. Jean-Louis Destans. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, nous sommes bien peu, ici, à nous satisfaire du visage actuel de l’Union européenne. Les raisons qu’invoquent les uns et les autres divergent sans doute, mais s’il est un constat qui peut faire consensus sur les bancs de notre assemblée, c’est bien celui de la nécessité du changement en Europe. Nos concitoyens le réclament à une très large majorité.

En effet, la notion de progrès social et économique à la base du projet européen est en panne depuis dix ans. Pendant trois ans, les pays de la zone euro sont intervenus trop tard et trop peu pour enrayer une crise financière qui a dévasté les pays du Sud de l’Europe, les plus fragiles – cela fait d’ailleurs partie, il faut le dire, du triste bilan de la précédente majorité.

Mme Marie-Christine Dalloz. Ah, ça faisait longtemps !

M. Jean-Louis Destans. Le chômage atteint en Europe le niveau record de 11,4 %. « L’esprit européen avait disparu et les égoïsmes nationaux faisaient la loi », rappelait récemment Jacques Delors. Le grand mérite de l’action de la France depuis l’élection de François Hollande à la présidence de la République est de permettre l’inversion d’un cycle mortel pour notre économie et suicidaire pour les peuples comme pour l’idée européenne.

Oui, il s’agit d’assurer l’équilibre entre l’assainissement des dettes publiques et la relance indispensable.

M. Nicolas Dupont-Aignan. C’est mal parti !

M. Jean-Louis Destans. Oui, l’Union européenne fait fausse route lorsqu’elle se soumet au court-termisme des marchés et qu’elle s’enferre, comme le fait la droite, dans des schémas libéraux caricaturaux, en perdant de vue les acquis civilisationnels, économiques et sociaux qui font justement la grandeur et la singularité du modèle européen.

M. Laurent Furst. C’est méprisant !

M. Jean-Louis Destans. Non, l’Union européenne n’est pas une entité hors sol, désincarnée, sur laquelle le politique et les peuples n’auraient pas de prise. L’Union européenne, c’est ce que 27 chefs d’État et de gouvernement en font. L’incapacité à faire face à la crise, à apporter des solutions pérennes, la difficulté à affirmer une solidarité : cela reste une responsabilité politique, quelles que soient la conjoncture et les circonstances. Et c’était la vôtre, mesdames et messieurs de l’opposition

Les plans d’austérité, l’étranglement de la Grèce, l’explosion du chômage et de la précarité en Espagne et en Italie : c’est cette impasse-là, terrible, délétère, mortifère, qu’il faut affronter. Il n’y a pas de place ici pour la démagogie, les réponses faciles ; il n’y a de place que pour la responsabilité et le courage.

Alors, bien sûr, le traité nous apparaît encore incomplet…

M. Nicolas Dupont-Aignan. C’est le moins qu’on puisse dire !

M. Jean-Louis Destans. …et nous aurions voulu des mécanismes de solidarité plus clairs encore à l’égard des pays du Sud de l’Union européenne, aujourd’hui dans la tourmente. Nous nous interrogeons sur cette spirale de la dette et du remboursement. Mais des signes ont été donnés qui vont dans le bon sens, renforcés par la récente annonce de Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne, sur le rachat par celle-ci de dettes d’État italiennes ou espagnoles. Un cadre européen se construit qui va être renforcé par les sommets d’octobre et de décembre. Le cycle est inversé.

Depuis le 6 mai et le 17 juin, la donne n’est en effet plus la même, et cela change tout.

M. Gérald Darmanin et M. Laurent Furst. Nous sommes bien d’accord !

M. Jean-Louis Destans. Nous l’avons vu lorsque Barack Obama a insisté, dès le mois de mai, sur la nécessité de mettre l’accent sur la croissance en Europe ; nous l’avons vu dans le bras de fer entre la France et l’Allemagne avant le sommet du mois de juin : quelque chose de fort s’est joué. Il s’agit aujourd’hui de répondre aux enjeux de la crise économique, mais aussi de redonner sens au projet européen, que la précédente majorité a maltraité.

Je voterai la ratification du TSCG avec cette conviction, mais ce ne sera pas, de mon point de vue, une ratification pour solde de tout compte. Elle ouvre la porte sur de nouveaux enjeux, dont le plus important sera la matérialisation et l’application rapide du pacte de croissance et, allais-je dire, son dépassement. La complexité des mécanismes de l’Union éloigne le citoyen de l’Europe. Il faut l’y faire adhérer à nouveau par la qualité du volontarisme européen : fonds structurels, soutien à l’innovation, au capital-risque, aux petites et moyennes entreprises.

On a envie de dire : « c’est indispensable, mais c’est encore trop peu ». Indispensable, parce que l’Europe a besoin de projets forts, susceptibles de matérialiser, pour les citoyens, la plus-value que représente la construction européenne. Mais c’est insuffisant, car il faudrait une approche autrement plus ambitieuse à l’échelle européenne que ce que nous avons pu arracher à ce jour. Nous attendons de l’Europe qu’elle dépasse très rapidement cette première approche, dont j’ai compris qu’elle était « pilote », pour une ambition beaucoup plus affirmée.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Louis Destans. Accordez-moi une minute, monsieur le président. Je suis le dernier orateur. (Sourires.)

M. le président. Justement !

M. Jean-Louis Destans. Ainsi, mes chers collègues, nous posons les premières pierres d’un nouveau projet européen qui ne se résume pas à une cure d’austérité. Nous avons réintroduit de la solidarité et tracé de nouvelles perspectives grâce à un pacte de croissance qui permettra de financer des projets d’avenir.

M. le président. Il vous faut maintenant conclure.

M. Jean-Louis Destans. L’Europe peut et doit changer. En votant ce traité, nous apportons au Président de la République notre soutien volontaire dans cette entreprise essentielle et si difficile. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La discussion générale est close.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé des affaires européennes. Mesdames, messieurs les députés, je voudrais tout d’abord vous adresser, au nom du Gouvernement, mes sincères remerciements pour la qualité du débat qui vient d’avoir lieu, la qualité de vos contributions, et pour l’engagement qui est le vôtre afin que nous puissions, tous ensemble, par-delà les différences de nos points de vue, faire en sorte que l’Europe se construise peu à peu.

Je veux également adresser à Mme la présidente Élisabeth Guigou et à Mme la présidente Danielle Auroi les remerciements du Gouvernement pour l’investissement de ces deux commissions dans le travail effectué par l’Assemblée nationale pour que l’Union européenne progresse. Beaucoup d’initiatives ont été prises sous leur impulsion afin d’approfondir la réflexion, et surtout afin d’affirmer les prérogatives souveraines du Parlement et de faire vivre davantage la démocratie parlementaire en Europe. De ce point de vue, la réflexion que vous avez engagée dans le cadre de l’article 13 du traité pour que la commission interparlementaire permette au Parlement français et au Parlement européen de travailler ensemble, et au premier d’exercer sa souveraineté sur les questions relevant de sa compétence, va dans le bon sens.

Je souhaiterais maintenant répondre à quelques interrogations qui ont pu être exprimées tout au long du débat.

L’opposition et un certain nombre de députés de gauche ont fait référence au positionnement des uns et des autres sur la question européenne au cours des dernières années. D’aucuns se sont plu à dauber sur le contorsionnisme de ceux qui, ayant voté oui par le passé, seraient plus réticents aujourd’hui, ou d’autres qui, après avoir manifesté une certaine hostilité à la pente libérale dans laquelle l’Europe s’était engagée en 2005, préconiseraient aujourd’hui la ratification du TSCG.

Je leur ferai remarquer que François Fillon avait voté non à Maastricht en 1992 et qu’il a défendu le TSCG devant cette assemblée, en expliquant qu’il était le meilleur moyen d’assurer le respect des critères de Maastricht, critères qu’en 1992 il avait combattus. Je ne me souviens pas d’avoir alors vu un parlementaire de l’opposition actuelle monter à la tribune pour expliquer que le Premier ministre qu’il soutenait était un contorsionniste.

Mme Marie-Christine Dalloz. Oh !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Lorsqu’en 1992 il s’est agi de se prononcer sur le traité de Maastricht, Jean-Luc Mélenchon y était favorable.

M. Patrice Carvalho. Il était socialiste, à l’époque ! (Sourires.)

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Pourtant, j’ai entendu un certain nombre de députés du Front de gauche expliquer qu’il ne fallait pas ratifier le TSCG parce qu’il s’inscrivait dans la continuité du traité de Maastricht, lequel procédait d’une logique funeste. Je ne me souviens pas que Marc Dolez ait, avec le talent qui caractérise ses interventions, envisagé de qualifier de contorsionniste Jean-Luc Mélenchon, leader de l’organisation politique à laquelle il appartient.

Madame Bechtel, vous n’avez pas eu à faire cet exercice, puisque, en 1992, vous étiez contre le traité de Maastricht et que vous êtes contre le TSCG, tout comme M. Myard ou Mme Maréchal-Le Pen, même si, en 1992, elle n’avait certainement pas l’âge de voter. (Sourires.)

La morale que nous pouvons tirer de tout cela – je le dis à l’intention des parlementaires, mais aussi des journalistes, qui me posent, ainsi qu’à Laurent Fabius et à d’autres, sans arrêt la même question –, c’est qu’en politique, aucune règle n’oblige à figer à tout jamais la position que l’on exprime dans certaines circonstances.

M. Nicolas Dupont-Aignan. On s’en est aperçu !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ce n’est pas parce que l’on a, un jour, dit non dans un certain contexte, que l’on doit répondre non à tout jamais. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.) Chacun sait que dans la vie privée, celle des sentiments notamment, on peut très bien dire non à certains et oui à d’autres, sans se faire pour cela traiter de contorsionniste : cela fait partie de la vie ! (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

En 2005, à une question différente de celle qui nous est posée aujourd’hui, avec un autre Président de la République et une autre majorité, nous avions répondu non, parce que nous ne voulions pas d’une Europe s’engageant dans une pente libérale, remettant en cause les services publics et s’inscrivant dans un cadre institutionnel que nous refusions. Aujourd’hui, un nouveau Président de la République vient d’être élu, s’appuyant sur un nouveau gouvernement ; il s’efforce de faire, au sein de l’Europe, exactement ce pour quoi nous nous sommes battus en 2005.

M. Nicolas Dupont-Aignan. C’est laborieux !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Convenez qu’il serait tout à fait incohérent de nous opposer à son action ! Il est logique, au contraire, de tenter de rendre possible ce que nous appelions de nos vœux lorsque nous étions dans l’opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Voilà la première réponse que je voulais apporter, de façon définitive, à tous ceux qui, sur les bancs de l’opposition – comme sur certains de la majorité, malheureusement –, nous interpellent de façon lancinante et, il faut bien l’avouer, un peu lassante, surtout au terme de ce débat.

M. Pierre Lequiller. Ah, il a du talent !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je veux également répondre à ceux – je pense notamment à Henri Plagnol – qui, de façon tout aussi lancinante, nous demandent quand nous allons répondre à la grande ambition européenne des Allemands, une ambition qui ferait défaut aux Français.

Cette interrogation mérite une réponse détaillée. Comme vous le savez, monsieur Lequiller, dans la vie politique comme dans la vie en général, les preuves d’amour valent mieux que les déclarations d’amour. Ainsi, il vaut mieux démontrer que l’on aime l’Europe, plutôt que de se contenter de déclarer tous les jours qu’on l’aime, sans aucun acte le prouvant.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Ce traité, vous ne l’aimez pas !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je vais prendre des exemples concrets. Aujourd’hui, nous sommes favorables à la remise en ordre de la finance et estimons qu’elle n’est pas possible si nous n’allons pas plus loin, ensemble, dans l’intégration des dispositifs mis en œuvre à cette fin par les pays et les institutions de l’Union européenne. Ainsi, nous sommes favorables à la supervision bancaire, à l’union bancaire, à la mise en place d’un dispositif de supervision qui contrôlera, sous l’égide de la BCE – par essence la plus européenne des banques – toutes les banques européennes.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Avec quelle légitimité politique ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. C’est d’ailleurs une demande formulée par les Allemands eux-mêmes, qui ont subordonné la mise en place des dispositifs de solidarité au profit de l’Espagne et des autres pays qui souffrent à l’instauration d’une supervision s’exerçant sur toutes les banques …

M. Nicolas Dupont-Aignan. Mais pas sur les leurs !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Pas sur leurs propres banques, effectivement. À votre avis, qui est intégrationniste aujourd’hui, qui demande davantage d’union, davantage d’Europe afin de pouvoir remettre la finance en ordre : les Allemands ou les Français ?

Tout à l’heure, Henri Plagnol disait qu’il faudrait un bon budget européen doté de ressources propres. Or il a soutenu pendant cinq ans un gouvernement qui proposait, à l’instar des Anglais, de faire du top-down –, c’est-à-dire de couper dans tous les budgets de l’Union, avant de se demander comment dépenser ce qui ne serait plus ! La proposition du gouvernement français précédent, au sujet du budget de l’Union européenne, était inférieure de 200 milliards à la proposition de la Commission.

M. Gérald Darmanin. De 200 millions !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Non, je dis bien 200 milliards d'euros : alors que la proposition de la Commission s’élevait à 1 030 milliards d'euros, le gouvernement français voulait s’en tenir à 830 milliards.

Il faut savoir que deux clubs se réunissent avant les Conseils « affaires générales » : d’une part le « club des radins », également appelé « club des contributeurs nets », d’autre part le « club des amis de la cohésion ». Sous le précédent gouvernement, celui que soutenait M. Plagnol, nous étions parmi les plus pingres des radins, et nous n’envisagions pas que la moindre ressource propre puisse être attribuée au budget de l’Union européenne en vue de produire de la croissance ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Au contraire, sur ce sujet comme sur d’autres, le gouvernement précédait les demandes de la chancelière allemande – avec laquelle nous travaillons très bien aujourd’hui, car nous savons qu’il ne peut y avoir d’Europe sans compromis.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il ne faut pas confondre compromis et compromission !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ce gouvernement était toujours disposé à couper dans les crédits, de façon que le budget de l’Union européenne ne puisse pas disposer de ressources propres.

Dans ces conditions, je vous le demande à nouveau : qui sont les plus unionistes ? Et si vous êtes favorables à davantage d’union, ne pensez-vous pas que vous devriez vous demander si l’Allemagne va répondre à nos demandes, plutôt que le contraire ?

M. Pierre Lequiller. Nous n’avons pas fait de demandes !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Nous avons fait des demandes : plus d’Europe, plus d’ordre dans la finance, un meilleur budget, davantage de ressources propres et de solidarité au profit des pays qui souffrent.

Après tout, nous acceptons les disciplines budgétaires, qui figuraient même dans notre engagement. Nous nous sommes plaints du fait qu’il y ait trop de dette – un déficit que vous avez contribué à creuser – et avons affirmé notre volonté de rétablir la discipline budgétaire, ce que nous faisons. Nous avons également affirmé que la réduction des déficits passait par une relance de la croissance, ce qui justifie les initiatives que nous prenons aujourd’hui en ce sens. Mais dès lors que nous acceptons les disciplines budgétaires, nous sommes fondés à demander davantage de solidarité !

Quand certains pays du Nord exigent, pour accepter davantage de solidarité, l’assurance que les pays bénéficiaires respecteront un minimum de discipline budgétaire garantissant la convergence des politiques économiques et budgétaires, nous l’acceptons, parce que nous sommes responsables, parce que nous sommes conscients qu’il n’y a pas de monnaie unique possible si les politiques économiques et budgétaires ne convergent pas. Dans ces conditions, aidez-nous à faire en sorte que le respect de la discipline permette davantage de solidarité, parce que les peuples d’Europe qui souffrent, et qui manifestent à Lisbonne, Madrid et Athènes, ont besoin de cette solidarité. En tant que socialistes, en tant qu’hommes de gauche, il est de notre devoir de faire en sorte qu’elle soit possible ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Plutôt que de nous demander à l’infini, comme un certain nombre de journalistes qui ne pensent plus et d’intellectuels – tel M. Minc, s’adressant à Laurent Fabius à ce sujet –, si nous allons répondre aux demandes de Mme Merkel, demandez-vous plutôt si les conservateurs d’Europe sont disposés à répondre aux demandes que nous formulons ! Pour notre part, nous prenons nos responsabilités pour que l’Europe soit plus unie, plus forte et plus solidaire en faveur des peuples qui souffrent, car c’est cela, le message historique de la gauche, et c’est la politique que nous voulons porter au sein de cette assemblée et en Europe ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’est pourquoi nous avons besoin du rassemblement de toute la majorité pour réussir. Voilà ce que je voulais répondre à M. Plagnol ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Mariton nous a posé une excellente question, tout à fait justifiée…

M. Pierre Lequiller. Vous n’avez pas voté le Mécanisme européen de stabilité !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je vous ai déjà expliqué pourquoi nous ne l’avions pas voté, monsieur Lequiller : parce que vous nous avez présenté un texte liant ce mécanisme au traité budgétaire européen que vous considériez comme la pierre angulaire de la politique de l’Union européenne, son seul horizon, sans rien proposer d’autre. Pour notre part, nous proposons autre chose – la croissance, l’union bancaire, la solidarité – et dès lors, nous sommes en droit d’attendre que vous cessiez de nous demander ce que nous allons répondre à Mme Merkel et aux conservateurs d’Europe : vous feriez mieux, j’y insiste, de leur demander ce qu’ils entendent répondre à notre gouvernement lorsqu’il propose une autre politique pour l’Europe.

M. Pierre Lequiller. Ce n’est pas du tout la question !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Pour en revenir à M. Mariton, il a raison de se demander comment nous allons améliorer la gouvernance de la zone euro. Cela étant, le Président de la République française a fait des propositions en ce sens. Il a demandé qu’il puisse y avoir davantage de réunions des Dix-sept de la zone euro avant que le Conseil européen ne se réunisse. Il a proposé que ces réunions puissent se tenir sous la présidence du président du Conseil européen, Herman Van Rompuy,…

M. Nicolas Dupont-Aignan. Nous sommes sauvés !

M. Gérald Darmanin. Il a un tel charisme !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …en présence du président de l’Eurogroupe et du président de la Commission, et que ces réunions préparatoires contribuent, par leur régularité et par la profondeur de leurs débats, à un pilotage plus efficient de la zone euro. Le traité, tel qu’il existe aujourd’hui, permet-il d’organiser la coopération dans des conditions optimisées ? Je le pense, mais si des propositions permettant d’aller plus loin émanent du Parlement ou d’ailleurs, nous les examinerons bien volontiers.

Je veux répondre à M. de Rugy au sujet de la position des écologistes.

M. Gérald Darmanin. Il n’est pas là !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Je respecte la position de ceux qui considèrent que le Parlement ne peut pas être coupé des grands débats de société. Je me suis d’ailleurs efforcé, tout au long de nos débats, d’être le plus disponible possible, et je n’ai jamais stigmatisé quiconque en raison de ses opinions, considérant que tous les arguments méritaient d’être entendus avec le plus grand respect. Je pense en effet, comme un certain nombre d’entre vous, que le débat sur l’Europe est consubstantiel à la gauche…

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exact !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …et qu’il serait funeste, stupide et inefficace de le refuser au prétexte qu’au sein d’une majorité, il ne saurait y avoir qu’une seule position. Une majorité peut donc être un lieu de débat, à condition de respecter une certaine cohérence, nécessaire à l’action gouvernementale : on ne peut pas avoir, d’un côté, une politique européenne où tout serait permis, de l’autre, une politique intérieure où la cohérence s’imposerait à toute la majorité. Ces deux politiques étant liées l’une à l’autre, la majorité doit s’efforcer de préserver à la fois le débat et la responsabilité. Dans une majorité, il ne peut pas y avoir, d’un côté, ceux qui ont les mains dans le cambouis, et de l’autre, ceux qui se contentent de commenter selon telle ou telle sensibilité. Donner de la chantilly à certains, tandis que les autres reçoivent de l’huile de foie de morue, ce n’est pas pensable ! Pour que les choses se passent dans de bonnes conditions, il est nécessaire de faire preuve d’un minimum de cohésion, de cohérence.

M. Alain Chrétien. Ça, c’est du coaching !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Enfin, je veux m’adresser à Marc Dolez, qui a fait une très belle intervention, très talentueuse. Même si je ne suis pas tout à fait d’accord sur le fond, je dois reconnaître qu’il a posé des questions intéressantes, profondes, qui agitent la gauche dans son ensemble.

Plutôt que de vraies divergences, je veux simplement noter quelques points de désaccord sur la méthode. D’abord, je ne partage pas du tout le sentiment qu’il existerait un lien organique définitif entre, d’une part, le traité soumis à la délibération et au vote du Parlement et, d’autre part, l’austérité. Il n’y a un tel lien que si la politique du gouvernement de la France se réduit à ce traité dans son application la plus libérale, la plus monétariste, la plus classique. Mais dès lors qu’on a une autre volonté, une autre ambition pour l’Europe – dont nous avons suffisamment débattu par ailleurs –, ce traité occupe, dans la politique européenne, une place beaucoup moins importante.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Vous ne tarderez pas à déchanter !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Selon qu’on est un gouvernement de droite ou de gauche, qu’on a ou non pour l’Europe une ambition de solidarité, on peut voir dans ce traité un élément de blocage, ou au contraire un élément dont on peut surmonter les logiques pour faire autre chose en Europe : c’est évidemment la deuxième voie qui est la nôtre.

Par exemple, si on est un monétariste libéral convaincu, on fait une application orthodoxe et définitive des 0,5 % de déficit structurel, ce qui empêche à tout jamais de mener une politique contracyclique en Europe. Si, au contraire, on est social-démocrate et que l’on croit à la nécessité de faire face aux chocs conjoncturels, alors on peut utiliser la notion de déficit structurel comme un levier, pour ne pas comptabiliser dans les déficits de demain les investissements structurants qui feront le développement durable, la croissance dont l’Europe a besoin dans les années qui viennent.

M. Nicolas Dupont-Aignan. C’est loin d’être acté !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Les Allemands, eux aussi, pourraient y avoir intérêt.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Vous auriez pu renégocier le traité en ce sens avant de le signer !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Dans le cadre de leur politique énergétique, qui suppose notamment de relier les éoliennes du nord au sud du pays en créant des réseaux et des interconnexions, ils pourraient être intéressés par des investissements communs.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Ne rêvez pas !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Ces investissements feront la compétitivité de l’Europe de demain, et les emplois des jeunes Européens d’après-demain.

Voilà les chantiers qui s’ouvrent à nous. Il y aurait mille autres choses à dire mais trois heures de réponse pourraient vous lasser. (Sourires.) Je m’en tiendrai donc à ce que je viens de vous indiquer, en espérant que, dans les jours qui viennent, la réflexion aidant, nous parviendrons à relayer le souffle dont le Président de la République est porteur pour l’Europe, ce qui suppose que la majorité soit rassemblée.

Nous ferons alors en sorte, ces cinq prochaines années, de faire vivre en Europe un autre projet de solidarité, notamment envers les peuples qui souffrent. Ces peuples ont vu dans l’élection française un extraordinaire espoir pour l’Europe ; il nous appartient de ne pas le décevoir. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Motion d’ajournement

M. le président. J’ai reçu de M. André Chassaigne et des membres du groupe de la Gauche démocrate et républicaine une motion d’ajournement, déposée en application de l’article 128, alinéa 2, du règlement.

La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames les présidentes des commissions, mes chers collègues, au terme de la discussion générale, il semble que notre assemblée se dirige vers la ratification de ce traité que l’on devrait nommer, ne vous en déplaise, « traité d’austérité perpétuelle ».

C’est un jour triste pour notre pays,…

M. Nicolas Dupont-Aignan. Très triste !

M. Nicolas Sansu. …, c’est un jour triste pour l’Europe, pour celles et ceux qui ont au cœur la coopération, la solidarité et la fraternité.

J’en appelle à mes amis de gauche, j’en appelle à vous qui ne supportez pas que le modèle néolibéral ou ordolibéral brise des hommes et des territoires.

Mes chers collègues de la majorité, les manifestants d’Athènes, ce sont nos frères et nos sœurs, et ils ne veulent pas de cette Europe-là ! Les indignés de Madrid, ce sont nos frères et nos sœurs, et ils ne veulent pas de cette Europe-là ! Les manifestants de Lisbonne, ce sont nos frères et nos sœurs, et ils ne veulent pas de cette Europe-là ! Quant aux manifestants de Paris, ce sont nos frères et nos sœurs, et ne l’oubliez pas, ce sont aussi des électeurs de François Hollande…

M. Nicolas Dupont-Aignan. Ils l’ont oublié !

M. Nicolas Sansu. Oui, c’est la voix du peuple de gauche qui a résonné dimanche à quelques encablures de notre enceinte, ce peuple qui refuse de se coucher devant les forces de la pensée unique.

Le cri d’alarme est lancé. Il nous revient à tous de l’entendre, de le comprendre, d’abord pour sauver l’idée européenne. Je suis un Européen convaincu, parce que je suis un internationaliste forcené. Or, si nous continuons sur la voie de cette Europe libérale et inégalitaire, de cette Europe du chômage et de la pauvreté, c’est l’Europe même qui peut mourir dans le chaos des projets d’austérité perpétuelle.

J’ai peur, monsieur le ministre, que vos preuves d’amour ne s’apparentent à de l’étouffement. Oui, c’est l’application de ces traités d’austérité qui pousse l’idée européenne à l’échafaud. Elle porte en elle les germes nauséabonds d’une montée des nationalismes, du racisme, de la xénophobie et des extrêmes droites.

Grande est donc notre responsabilité collective devant ce « traité de soumission à la compression généralisée », grande est la responsabilité de la France devant son peuple, mais aussi devant les peuples de toute l’Europe.

De quelle France a-t-on besoin aujourd’hui ? De la France de Rousseau et de Voltaire, de Robespierre et de Saint-Just, de Victor Hugo et de Jaurès. C’est le souffle de 1789, de 1848, de 1936, de 1945 que notre pays doit porter sur le continent !

Parfois, il y a des ruptures dans l’histoire. Ne les craignons pas. Avec ce traité, on est loin du compte, on est loin de l’exigence de renégociation, on est loin de l’enthousiasme que le peuple de gauche avait pu déceler dans une réorientation de l’Europe.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Il est cocu !

M. Nicolas Sansu. Il n’est point besoin de rappeler ici les discours enflammés contre la conduite de la politique européenne libérale. C’était l’heure où l’on ne prônait pas l’allégeance aux marchés financiers.

M. Gérald Darmanin. Vous êtes dans l’opposition ?

M. Nicolas Sansu. Vous me permettrez de citer les propos tenus par Jean-Marc Ayrault au nom du groupe socialiste, lors du débat sur le Mécanisme européen de stabilité : « Nous n’acceptons pas d’enfermer les peuples dans une camisole, fût-elle cousue de fil d’or. Nous n’acceptons pas que la pensée unique soit institutionnalisée et que les peuples n’aient d’autres choix que l’austérité, quel que soit leur vote. Nous ne voulons pas d’une démocratie sous conditions. » Quelle clairvoyance en ce 21 février 2012 !

Monsieur le ministre, comprenez bien que les contradictions évidentes ne sont pas une satisfaction que l’on brandit comme des trophées. Non, notre volonté est de vous convaincre que cette Europe libérale qui engendre la crise financière, économique, sociale et politique, nous mène à la faillite, à l’exacerbation des divisions et de la haine. C’est aussi notre rôle de réaffirmer que, face aux spéculateurs, on ne contourne pas, on affronte !

L’engagement n° 11 du candidat Hollande, qui a été notre champion commun au second tour, marquait à juste titre la nécessité de renégocier le traité. Comme l’ont précisé Alain Bocquet, François Asensi, Marc Dolez, Gabriel Serville et bien d’autres encore, cet engagement avait été pris car l’on savait que la ratification de ce traité ne résoudrait en aucun cas la crise existentielle que traverse l’Union.

Le traité d’austérité ne nous prémunira pas contre de nouvelles attaques des marchés financiers mais, au contraire, renforcera leur tutelle, au prix de l’abandon des grandes avancées sociales du siècle dernier et du dessaisissement démocratique des citoyens.

Le pacte d’austérité budgétaire consacre l’orthodoxie budgétaire par la sanctuarisation de la règle d’or, au détriment des dépenses publiques et sociales utiles.

Ce traité ne résoudra pas non plus la crise politique de l’Union Européenne. Il ne résorbera pas le fossé béant qui sépare les citoyens des dirigeants européens en contournant leur volonté et en leur faisant payer cette énième crise du capitalisme.

Ce traité ne permet nullement une sortie de crise car il n’a qu’un objectif : conforter l’Europe libérale, à l’œuvre depuis tant d’années, de l’acte unique au Traité de Lisbonne. Ce traité ne marque pas de rupture ; c’est en cela que nous sommes cohérents, monsieur le ministre.

Si les salariés de Florange, si les fonctionnaires espagnols, si les retraités grecs sont mis à la diète, les marchés financiers et les établissements bancaires font ripaille. Monsieur le ministre, vous proposez aux salariés, aux retraités, aux couches moyennes et populaires de se serrer la ceinture en attendant la solidarité. Vous avez raison, ils auront moins faim ! Non, la solidarité ne saurait passer après la discipline.

Je ne peux que rappeler ici les mots poignants de Mikis Theodorakis et Manolis Glezos : « Ne croyez pas vos gouvernements lorsqu’ils prétendent que votre argent sert à aider la Grèce. Leurs programmes de sauvetage aident seulement les banques étrangères. Si les États ne s’imposent pas sur les marchés, ces derniers les engloutiront. Si vous autorisez aujourd’hui les sacrifices des sociétés grecque, irlandaise, portugaise et espagnole sur l’autel de la dette et des banques, ce sera bientôt votre tour. »

Oui, le problème de l’Europe libérale, c’est la prééminence d’un système financier prédateur, qui a mis en place des outils pour faire payer par les peuples ses errements.

Je vais vous donner quelques chiffres pour illustrer mon propos, et montrer combien des pratiques financières sont inconséquentes.

La dette publique espagnole est passée de 36,1 % du PIB en 2007 à 68,5 % en 2011, celle de l’Irlande de 25 % à 108 % sur la même période… On défendra difficilement la thèse que les Espagnols et les Irlandais se sont jetés frénétiquement sur les médicaments ou ont décidé de partir en retraite à 40 ans ! C’est le désastre des systèmes bancaires qu’ils ont sur les bras ! En fait, les finances publiques éclusent les désastres de la finance privée, subprimes notamment, que la poursuite frénétique de la déréglementation et la dérégulation ont rendus possibles.

Oui, mes chers collègues, comme l’a dit le Président de la République dans un discours fondateur de sa campagne électorale, « l’ennemi, c’est la finance ».

M. Nicolas Dupont-Aignan. Discours de campagne, oublié le lendemain !

M. Nicolas Sansu. On peut même ajouter que l’ennemi de l’industrie, de l’emploi, des services publics, c’est la finance, et le « traité d’austérité perpétuelle », sa machine de guerre !

Pour attaquer la finance et modifier substantiellement la construction européenne, il est impérieux de revoir ce traité, qui est mauvais. Il était néfaste au printemps, il l’est toujours à l’automne.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Bravo !

M. Nicolas Sansu. Pas une ligne, pas un mot n’a été modifié depuis que Nicolas Sarkozy l’a signé le 2 mars. Le Premier ministre l’a confirmé la semaine dernière sur France 2, en expliquant que « d’un point de vue juridique » il n’avait pas été renégocié.

Il s’agit bien du même texte, négocié en quelques semaines sous la pression de l’Allemagne et des marchés financiers, qui renforce encore le carcan de la discipline budgétaire sur les pays de la zone euro. Un « pacte budgétaire » qui complète, en les durcissant encore, les nouvelles dispositions de surveillance et les sanctions prévues par le pacte de stabilité récemment réformé.

Autant de mesures qui touchent de plein fouet la souveraineté des peuples et sont contraires à la démocratie. Ainsi, l’article 3 prévoit que la situation budgétaire des administrations publiques doit être en équilibre ou en excédent. Le déficit structurel annuel ne devra pas excéder 0,5 % du PIB nominal sur un cycle économique. En cas de dérapages, un mécanisme de correction sera déclenché automatiquement. Ces règles ne pourront être contournées qu’en cas de « circonstances exceptionnelles », dûment détaillées.

Au-delà des principes posés, le pacte prévoit le renforcement des mécanismes nationaux et supranationaux de contrôle de la discipline budgétaire des États. Un dispositif de surveillance et de sanction, où les projets de budgets nationaux se trouvent soumis à un contrôle européen au printemps de chaque année avant qu’ils ne soient présentés dans les parlements nationaux : c’est le fameux « semestre européen ».

En pratique, des inspecteurs de la Commission pourront être dépêchés dans les États récalcitrants, comme c’est déjà le cas en Grèce, au Portugal et en Irlande, ces fameux inspecteurs européens caricaturés en croque-mort dans les journaux grecs. Belle image !

Plus aucun État ne pourra échapper à l’objectif de l’équilibre budgétaire : les sanctions sont rendues quasi automatiques tout au long de la procédure en cas de dérapage ou de déficit supérieur à 3 % du PIB. Ces fameux 3 %, qui figurent déjà dans le projet de loi de finances pour 2013, et qui feront débat.

De plus, un contrôle juridictionnel supranational est prévu pour vérifier le respect des engagements des États. La Cour de justice européenne pourra être saisie par un État membre, si celui-ci estime qu’un de ses partenaires n’a pas correctement transposé cette « règle d’or » dans son droit national. La Cour pourra sanctionner financièrement le contrevenant.

La crise donne ici le plus beau prétexte aux technocrates européens pour imposer leurs décisions aux peuples souverains.

Notre assemblée et les représentants du peuple que nous sommes en feront les frais dès la semaine prochaine avec le débat organisé salle Lamartine sur la prise en compte des orientations budgétaires européennes par le projet de loi de finances, dans le cadre du semestre européen. Dans ce débat interviendront, dès la première phase, des présidents de commissions du Parlement européen et, mieux, un ou plusieurs représentants – non élus – de la Commission européenne. En face, les députés auront droit à deux minutes pour poser des questions. C’est sans doute déjà trop !

Mes collègues François Asensi et Marc Dolez ont démontré que ce traité portait atteinte à la souveraineté budgétaire de la France et donc au droit des parlementaires de décider librement des orientations économiques et sociales, du budget de la nation et du budget de la sécurité sociale. Ici comme ailleurs en Europe, les institutions de l’Union chapeauteront le Parlement.

On le sait, ces choix ne se feront pas dans l’intérêt des peuples. Pour s’en convaincre, il suffit de voir comment les dirigeants européens ont géré la crise en multipliant les sommets de la dernière chance et les plans d’austérité, en menant une offensive sans nuance contre les dépenses publiques et les droits sociaux : blocage des salaires, réduction du nombre des fonctionnaires, réforme des retraites et de l’assurance maladie, remise en cause des politiques et des prestations sociales, privatisations…

Je n’ai pas entendu parler ici des conséquences directes de ce traité pour les peuples. Regardons nos amis grecs qui sont passés sous la coupe du fameux MES, partie intégrante du TSCG. Ils voient avec frayeur débarquer la fameuse troïka qui va leur imposer le neuvième plan d’austérité ! On comprend mieux que l’Espagne hésite à emprunter la même voie.

Mais je veux être plus précis encore. Comment ce neuvième plan d’austérité pour la Grèce se décline-t-il ? C’est la baisse des salaires de 22 % ; la baisse des salaires des jeunes de 32 % ; la baisse du salaire minimum, qui passe à moins de 480 euros. C’est le plafonnement des allocations chômage à 313 euros par mois ; c’est la suppression des protections sur les contrats à durée indéterminée ; c’est le licenciement programmé de 150 000 fonctionnaires ; ce sont les privatisations de l’eau, de l’électricité, de l’énergie et leurs conséquences ; c’est un PIB grec qui s’est contracté de 25 % et un chômage qui a plus que doublé, atteignant 22 %. Voilà la traduction concrète de ce que d’aucuns osent appeler un soutien à la Grèce !

M. Nicolas Dupont-Aignan. La voilà, la solidarité !

M. Nicolas Sansu. Oui, le TSCG et son bras armé, le MES, que la gauche avait refusé de ratifier, le 21 février dernier, ne sont pas seulement des documents sur le bon usage des finances publiques, ce sont des instruments de dérégulation.

C’est le principe même de la conditionnalité des aides qui en fait non pas un mécanisme de solidarité, mais bien un outil à l’usage des néolibéraux, pour contribuer à la casse des droits sociaux et à la déréglementation du travail, pour dresser les travailleurs contre les chômeurs, pour opposer les travailleurs des différents pays entre eux, dans une compétition mortifère. Voilà la réalité !

Il n’y a pas que le Front de gauche qui l’affirme : au-delà d’économistes des différents bords dont la renommée n’est plus à faire, trois instituts indépendants, l’OFCE, l’IMK et le WIFO, ont indiqué qu’entre 2010 et 2013, les dispositifs prévus par le TSCG ou, avant lui, par le six-pack et le pacte euro-plus, devraient aboutir à réduire le PIB de la zone euro de près de sept points.

Avec ce traité, c’est l’affirmation que la rémunération du capital prime encore sur celle de travail, c’est l’interdiction dogmatique du déficit structurel et du déséquilibre budgétaire, au risque de condamner l’investissement public, moteur de la croissance, de la création de richesses et d’emplois.

Et l’annonce parue dans un journal du soir, qui tend à accréditer l’idée que la seule variable d’ajustement dans notre pays serait le coût du travail ne manque pas de nous inquiéter. Quid du coût du capital, de ce gavage des actionnaires et des banquiers ? La pensée unique a la vie dure ! C’est la victoire, n’en déplaise à celles et ceux qui voudraient croire le contraire, de Milton Friedman sur John Maynard Keynes.

Pourtant, quelle pantalonnade que ce déficit structurel ! Le Wall Street Journal, que l’on ne saurait soupçonner d’être un agent du laxisme budgétaire, ironise sur la divergence des estimations d’écart conjoncturel – c'est-à-dire la différence entre le déficit courant et le déficit structurel – rendues respectivement à propos des finances publiques états-uniennes par la Commission européenne – toujours donneuse de leçons – et le Congressional Budget Office, commission parlementaire vigie des finances publiques aux États-Unis. Là où le CBO évalue l’écart conjoncturel états-unien à 5,3 % de PIB, la Commission européenne et ses méthodes ne voient qu’un petit 0,5 %, soit une différence du simple au décuple ! Monsieur le ministre, votre réponse, tout à l’heure, sur le déficit structurel, perd un peu de son sens…

Cela amène à deux conclusions. D’abord, chacun y met ce qu’il veut ou presque ; ensuite, on voit que la Commission européenne, qui jouera un rôle décisif dans le calcul du déficit structurel, a un calcul très restrictif du déficit conjoncturel, ce qui entraînera, mécaniquement, le lancement de procédures de redressement plus nombreuses.

Mes chers collègues, le pire serait de se laisser enfermer dans ce couloir du TSCG, qui amoindrira les possibilités qu’ont les États, les Parlements nationaux, les établissements publics et les collectivités territoriales de soutenir des projets de développement.

Et si vous avez des doutes, chers amis de la majorité, il y a un moyen simple pour ne pas commettre d’impair : il suffit de regarder qui sont les plus convaincus laudateurs du texte et qui sont ceux qui souhaitent sa remise en cause.

Les plus fervents défenseurs, nous les avons ici, à notre droite. Nos collègues de l’UMP et de l’UDI font même preuve d’un enthousiasme qui devrait suffire à faire naître des doutes sur les bancs de la gauche.

M. Gérald Darmanin. Pas tous !

M. Nicolas Sansu. Et je comprends qu’ils se gaussent devant une gauche qui adopterait, à la virgule près, le traité négocié et signé par Nicolas Sarkozy.

Et puis, comme ardent promoteur, nous avons le MEDEF et sa patronne de choc, Mme Parisot, qui n’a jamais assez de mots pour pourfendre les acquis sociaux, les droits des travailleurs, les dépenses sociales et publiques utiles.

Parmi celles et ceux qui rêvent d’une autre Europe, d’une Europe de la solidarité, d’une Europe de la coopération, d’une Europe de la transition écologique, d’une Europe de la paix, il y a bien sûr toutes celles et tous ceux qui, à gauche, en 2005, ont voulu mettre un coup d’arrêt à l’Europe libérale. Et, comme un pendant au MEDEF, il y a la Confédération européenne des syndicats.

Je veux simplement vous citer un extrait de la résolution adoptée par la CES : « Nous soutenons les politiques économiques coordonnées tout comme l’objectif d’assainissement des finances publiques, mais nous déplorons les mesures de gouvernance économique mises en place, qui menacent les acquis sociaux des dernières décennies, étouffant le développement durable, la relance économique et l’emploi, et détruisent les services publics. C’est la raison pour laquelle nous sommes opposés au traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire. »

Et la CES de poursuivre : « Nous nous inquiétons également de la méthode utilisée pour parvenir au traité TSCG, qui a exclu toute participation sérieuse du Parlement européen et des citoyens. »

Comment, à gauche, pourrions-nous ne pas être aux côtés des salariés européens ? Tout est dit, mes chers collègues : c’est la primauté des canons du libéralisme, c’est l’absence de démocratie, c’est le risque de cassure avec les citoyens.

N’oublions pas, monsieur le ministre, que c’est la majorité de gauche qui a gagné le 6 mai et le 17 juin derniers. Et, quand on gagne à gauche, on ne gouverne pas au « oui » !

Vous me permettrez également de pointer une nouveauté du TSCG par rapport aux traités actuels : il organise la délation entre États !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Tout à fait !

M. Nicolas Sansu. L’article 8-1 explicite qu’un État membre peut en dénoncer un autre qui n’aurait pas obéi au diktat du déficit structurel… Belle Europe que celle de l’institutionnalisation des « balances » auprès des gendarmes de la Commission et de la Cour de justice de l’Union européenne !

A-t-on bien mesuré les implications d’une telle procédure ? Au moment où des tensions existent à l’intérieur de l’Union, voire entre provinces d’un même pays, comme chez nos voisins espagnols, il n’est pas raisonnable – et c’est un euphémisme – d’encourager ces comportements de délation !

Chers collègues, saisissons ensemble la chance qu’offre cette motion d’ajournement. En l’adoptant, nous nous donnerons le temps d’une renégociation du traité, promise lors de la campagne présidentielle.

En adoptant la motion d’ajournement, nous ouvrirons la porte d’une autre Europe, nous redonnerons de l’espérance et du rêve à la jeunesse de notre continent.

En adoptant la motion d’ajournement, nous montrerons le beau visage de la France, le visage d’une France qui ne s’accommode pas de l’ordre établi, d’une France qui porte haut les exigences sociales, bafouées depuis trop d’années au sein de l’Union européenne.

On ne cesse de nous répéter que, les 28 et 29 juin derniers, l’adoption d’un paquet croissance vaudrait renégociation. Ne soyons pas caricaturaux, mais regardons les faits, rien que les faits. J’ai lu avec attention ce volet croissance qui autoriserait le Gouvernement à parler de réorientation. Cela ne tient pas une seconde !

Sur les 120 milliards d’euros annoncés – qui représentent non pas 1 % mais 0,85 % du PIB de l’Union européenne, lequel s’élève à 14 000 milliards d’euros –, seuls 69,5 milliards sont effectivement mis sur la table ; parmi eux, 55 milliards sont des fonds structurels déjà existants. Les 14,5 milliards restants consistent en un nouvel apport de 10 milliards des États au capital de la BEI et dans une dépense de 4,5 milliards en project bonds.

Le reste consiste en capacités de prêts supplémentaires accordés à la BEI… et personne ne sait comment nous pourrons les mobiliser, puisque dans Les Échos, il y a environ une semaine, le commissaire européen Lewandowski expliquait qu’il était quasiment impossible aux États d’utiliser le complément des fonds structurels pour lancer des programmes d’investissement. C’est d’ailleurs le cas de la France, qui a annoncé pour 2013 le gel de nombreux projets d’investissement publics.

C’est donc un très faible niveau de relance qui est proposé, bien en deçà, par exemple, du plan de soutien du Brésil, qui atteint 2,6 % du PIB. Mais surtout, il convient de rapprocher ces 120 milliards d’euros des purges exigées par la Commission européenne et les gouvernements. Le total des plans d’austérité dans l’Union européenne depuis 2008 s’élève à 440 milliards d’euros… Vous comprendrez donc que les 120 milliards pèsent peu au bout du compte.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Eh oui !

M. Nicolas Sansu. Et puis, il faut regarder au-delà du chiffre annoncé ce qui est contenu dans ce pacte dit de croissance. Mes chers collègues de gauche, je vais être le troisième à vous le répéter : savez-vous que s’y trouve intégré l’engagement de mettre en œuvre pleinement la directive services, héritière de la directive Bolkestein ? Savez-vous que ce pacte propose de libéraliser toujours plus le marché de l’énergie ? Savez-vous, enfin, que ce pacte vise à placer les politiques de l’emploi sous le contrôle de la Commission européenne, via un véritable semestre européen de l’emploi ? Et vous connaissez comme moi le fâcheux penchant de la Commission, qui, à n’en pas douter, prônera la déréglementation du marché du travail.

Voilà la réalité de ce pacte ! Le pacte de croissance n’est pas digne de son appellation, et il ne peut en aucun cas valoir renégociation. Nous avons le devoir de construire collectivement un autre modèle de développement que celui qui est en œuvre depuis des décennies et qui a comme conséquence plus de 25 millions de chômeurs, une pauvreté et une précarité accrues, des inégalités intolérables.

Oui, nous devons obtenir un droit de contrôle démocratique et donc de contrôle par les représentants du peuple de la Banque centrale européenne.

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Nicolas Sansu. On nous rebat les oreilles de son indépendance, mais si elle est indépendante des peuples, elle ne l’est pas de Goldman Sachs et de ses confrères ! Le contrôle de la BCE est urgent pour stopper les politiques monétaires récessives, qui contrecarrent l’emploi.

Oui, nous avons besoin d’une politique budgétaire qui s’affranchisse de règles d’or qui ne sont que des règles d’airain, règles d’airain qui font obstacle aux investissements utiles dans les salaires, la formation et les dépenses publiques, comme celles exigées pour la transition écologique.

Oui, il s’agit de mettre en œuvre une véritable surveillance des banques européennes. Savez-vous comment les traders et autres profiteurs des établissements bancaires ont surnommé les prêts illimités aux banques fin 2011 et début 2012 ? Je vous le donne en mille : ils les appelaient open bar. Oui, c’est bien open bar pour les banques, les marchés financiers, et ceinture pour les peuples !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Une honte !

M. Nicolas Sansu. Oui, nous avons besoin d’une véritable harmonisation sociale et fiscale, toujours ajournée. Et voici que l’ajournement de cette harmonisation n’a pas été décidée par les peuples, mais bien par un système financier et une commission de technocrates, véritables prédateurs des droits sociaux.

Oui, il convient de changer les traités pour s’émanciper des marchés et cesser de n’avoir que la concurrence libre et non faussée comme unique grille de lecture, pour relancer un véritable développement industriel européen, assurant la transition écologique.

Oui, il faut associer les peuples à cette Europe nouvelle. Regardez l’émoi qui a saisi les instances européennes, mais aussi les chefs d’État, quand M. Papandréou a osé envisager la possibilité de consulter le peuple grec sur l’acceptation du plan d’austérité d’octobre 2011 ! Quelle est cette Europe qui a peur des peuples ? peur du peuple grec et, aujourd’hui, peur du peuple français !

Mes chers collègues, cette motion d’ajournement permettrait de remettre l’ouvrage sur le métier. Chacun mesure que le chemin emprunté par l’Union européenne s’apparente de plus en plus à une impasse. C’est l’impasse pour les salariés de SANOFI, pour les salariés de Florange, pour les salariés d’Aulnay…

M. Nicolas Dupont-Aignan. Et la liste va s’allonger !

M. Nicolas Sansu. C’est une impasse pour toutes celles et tous ceux qui voient s’amoindrir les services publics. C’est une impasse pour une jeunesse à qui l’on ne promet que du sang et des larmes !

Nous considérons que la discussion de ce traité d’austérité budgétaire doit être reportée pour trois raisons.

D’abord, parce que ce traité signé par Nicolas Sarkozy n’a pas été renégocié, contrairement à l’engagement pris par le Président de la République.

Ensuite, parce qu’il nous faut d’abord débattre de toutes les mesures alternatives que nous vous proposons pour sortir l’Union européenne de la crise.

Enfin, parce que l’organisation d’un référendum est un impératif démocratique, dans un contexte national et européen où des résistances sociales et citoyennes émergent contre, précisément, les mesures préconisées par ce traité d’austérité budgétaire. Et puisque les tenants du traité sont si sûrs d’eux, allons-y, chiche ! Organisons un référendum !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Ils n’osent pas ! Ils ont trop peur !

M. Nicolas Sansu. Pour toutes ces raisons, les députés du Front de gauche vous invitent à adopter cette motion d’ajournement. C’est ainsi que nous pourrons redonner enthousiasme et espoir aux peuples d’Europe, et ne pas jeter des millions de nos concitoyens dans les bras des mouvements d’extrême droite, porteurs de haine et de repli sur soi, avatars les plus détestables de cette Europe libérale !

Le bonheur est une idée neuve, comme disait Saint-Just. Ne brisons pas cette espérance. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. Nicolas Dupont-Aignan et M. Jean Lassalle. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires étrangères.

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Chers collègues, je n’avais pas prévu de prendre la parole à cette heure tardive, mais je ne peux pas ne pas réagir à ce que je viens d’entendre.

Je ne vous reprocherai pas votre constance, monsieur Sansu ; moi aussi, j’ai la mienne, à l’opposé de la vôtre. Au moins, vous n’avez pas changé d’avis : voilà pour ce que je vous reconnais.

Pour le reste, il y a des limites aux amalgames. Quand je vous entends comparer la situation de notre pays à celle de la Grèce, je dis qu’il faut raison garder.

Que nous n’ayons pas, nous Européens, pris à temps la mesure du désastre que vivait ce pays et que nous n’ayons pas su régler ce problème, alors que nous aurions dû le faire en temps utile, pour éviter que, d’une question à quelques milliards d’euros on bascule vers un problème à quelques dizaines de milliards d’euros, c’est un fait. Nous aurions pu le faire, et nous aurions dû le faire, si nous avions eu le courage de prendre des décisions plus rapides, de les prendre ensemble, en se donnant des règles communes.

Or c’est précisément ce à quoi nous nous attachons. On ne peut pas déplorer de ne pas avoir réglé les problèmes de la Grèce, puis se retirer chacun sur son Aventin en brandissant la souveraineté nationale. Lorsqu’on a une monnaie unique et qu’on veut de la solidarité avec les autres peuples, on accepte de respecter les règles que l’on s’est données. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Vous avez toujours contesté ces règles. Très bien ! Mais que proposez-vous en échange ? Préférez-vous continuer à vous lamenter sur le sort de la Grèce ? Mettre à bas l’euro ?

M. Nicolas Sansu. Qui a dit cela ?

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Que proposez-vous pour régler le problème de la Grèce ?

M. Gérald Darmanin. Vous parlez à votre majorité !

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Nous proposons des solutions concrètes. J’ai suivi cette question auprès du Président de la République pendant la campagne électorale : il a toujours dit qu’il renégocierait le traité pour le compléter, il a été élu sur ce programme, et c’est exactement ce qu’il a fait.

M. Nicolas Dupont-Aignan. C’est une plaisanterie !

M. Patrice Carvalho. Et pour les Grecs, madame la présidente, que proposez-vous ?

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Deuxièmement, le Président de la République a obtenu pour la première fois un plan de croissance qui est certainement insuffisant, mais il s’agit d’une première étape qui a le mérite d’exister.

Troisièmement, nous avons une responsabilité majeure : nous devons continuer à faire vivre notre Europe. Si nous ne le faisons pas, nous serons laminés dans la mondialisation ! Et vous verrez alors ce que deviendront les catégories populaires et les classes moyennes que vous et moi souhaitons défendre…

M. Gérald Darmanin. Nous aussi !

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Les services publics constituent la meilleure protection des personnes les plus fragiles de notre société. Pour les défendre, nous avons besoin de diminuer nos déficits et de ne plus être esclaves de la dette, car cela revient à être esclaves d’un surendettement. Dans mon département de Seine-Saint-Denis, je vois des gens qui ne peuvent plus s’en sortir parce qu’ils sont surendettés. Comme beaucoup de ménages, la France a besoin de sortir de cette situation : c’est la droite qui en est responsable, car jamais nous ne nous étions laissé submerger par le surendettement. Nous devons faire l’effort de retrouver des marges de manœuvre pour nos politiques publiques prioritaires et de nous dégager de la tutelle des marchés financiers. La vraie question consiste à savoir comment, et à quel rythme, nous pouvons agir de la sorte sans étouffer la croissance.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Vous allez la tuer, la croissance !

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. C’est une vraie question, et j’attends d’autres propositions que celles que j’ai entendues, comme celle de M. Laurent qui suggère de mettre tout le monde en faillite et de déclarer le défaut de paiement. Qu’est-ce que cela signifie ? Comment relancer la croissance ? Avez-vous des propositions alternatives à la politique du Président de la République, qui a réussi à négocier avec nos partenaires européens ? J’ai cherché vos solutions dans toutes les interventions que j’ai entendues : je n’ai rien trouvé.

M. Nicolas Sansu. Il y aura le budget !

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Il en irait autrement si notre pays n’était pas dans la situation de surendettement où nous a conduits la politique menée depuis dix ans.

M. Philippe Folliot. Et avant !

M. Pierre Lequiller. Et avec une légère crise !

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Cette politique était assumée et revendiquée, puisque ce sont MM. Chirac et Schröder qui avaient demandé de passer outre aux règles du traité que nous avions signé ; c’est ensuite M. Sarkozy qui a décidé, en 2007, de ne pas respecter lesdites règles. Dès lors, notre vie commune est devenue très difficile.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Rendez-vous dans un an ! On verra où vous en serez…

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Sans cela, je suis persuadée que ce traité, qui n’ajoute pas grand-chose aux règles en vigueur et au droit dérivé européen existant,…

M. Nicolas Dupont-Aignan. Avec des si…

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. …n’aurait pas nécessité de nombreuses heures de discussion !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Supprimons l’Assemblée nationale !

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Cependant, puisque nous sommes dans cette situation et que nous avons cet héritage, nous devons essayer de nous en sortir le mieux possible pour faire repartir l’Europe sur de bons rails. La prochaine fois que vous aurez l’occasion de vous exprimer, j’aimerais que vous puissiez faire des propositions en ce sens.

M. Patrice Carvalho. Nous avons fait des propositions, madame Guigou !

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Non, vous n’en avez pas fait.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Bientôt, vous n’aurez même plus le droit de parler ! Vous disposerez de deux minutes devant les commissaires européens !

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. J’aimerais que vous nous expliquiez quelle Europe vous voulez. Je ne vous ai pas entendus dire un mot à ce sujet, alors que vous prétendez être européens. Voilà les raisons pour lesquelles il convient de rejeter votre motion d’ajournement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Les explications de vote sur les motions sont, je le rappelle, limitées à deux minutes.

La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Marc Dolez. Notre collègue Nicolas Sansu a parfaitement expliqué les raisons pour lesquelles nous sommes résolument opposés à ce traité : il grave l’austérité dans le marbre et il porte atteinte à la souveraineté nationale.

M. Jean Lassalle. Voilà !

M. Marc Dolez. Madame la présidente de la commission des affaires étrangères, ce texte affirme que les politiques d’austérité dictées par les marchés financiers constituent le seul moyen de réduire les déficits et d’assainir les finances publiques. Il reprend les accords passés, en particulier le pacte pour l’euro plus. Dans ce traité et dans les documents qu’il vient couronner figurent toutes les exigences des marchés financiers relatives aux réformes structurelles qui ont été, plan après plan, imposées à la Grèce – et on voit dans quelle situation elle se trouve aujourd’hui ! Par conséquent, nous pensons que ce traité n’est pas en mesure de répondre à la crise : il l’aggravera en plongeant l’Europe et les États qui la composent dans la récession.

Monsieur le ministre, j’ai écouté avec beaucoup d’intérêt votre réponse aux orateurs qui se sont exprimés dans la discussion générale. Je vous reconnais une certaine forme d’honnêteté. Vous avez dit que ce traité était capable du pire comme du moins pire ; que le pire était possible compte tenu de la logique d’austérité ultralibérale qui le caractérise, mais que pour éviter le pire et pour réorienter la construction européenne dans le bon sens, il fallait faire preuve d’une volonté politique suffisante. Or, contrairement à ce qui est affirmé, on ne trouve pas cette volonté politique suffisante dans le pacte de croissance. Ce dernier reprend en effet les réformes structurelles voulues par les marchés financiers.

Il existe un moyen simple de réorienter véritablement et durablement la construction européenne : voter la motion d’ajournement que nous avons proposée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Marc Dolez. Il faut donner la parole au peuple par un référendum, et s’appuyer sur la parole du peuple, comme on aurait dû le faire après le référendum de 2005, pour exiger une réorientation de la construction européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR. – MM. Nicolas Dupont-Aignan et Gilbert Collard applaudissent également.)

M. le président. La parole est à Mme Estelle Grelier, pour le groupe socialiste, radical et citoyen.

Mme Estelle Grelier. Je souhaite dire avec beaucoup de sincérité à notre collègue Nicolas Sansu que nous l’avons écouté avec une grande attention. Le groupe SRC est très réceptif à ses arguments.

M. Marc Dolez. Et aux miens ?

Mme Estelle Grelier. Je vous regarde tous les deux ! (Sourires.)

Néanmoins, concernant la méthode de ratification, nous nous appuyons sur les engagements de notre président. Même si nous adorons que le ministre s’exprime pendant des heures, il me semble que nous avons fait ce soir le tour des arguments et constaté nos divergences, dans l’affection qui nous unit toujours…

M. Pierre Lequiller. C’est une déclaration d’amour : attendons la suite !

Mme Estelle Grelier. Oui, c’est une vraie déclaration. Cela fait du bien : le renouvellement, la rénovation, les preuves d’amour… Mais je vous ai dit la raison pour laquelle le groupe SRC ne vous suivra pas et votera contre la motion d’ajournement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, pour le groupe Union pour un mouvement populaire.

M. Pierre Lequiller. J’ai déjà répondu à la première motion : je serai donc bref. J’ai énormément de désaccords avec tout ce qui a été dit. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Nicolas Sansu. Cela me rassure !

M. Pierre Lequiller. À vous entendre, monsieur Sansu, on a l’impression que la notion même d’équilibre budgétaire est nocive.

M. Marc Dolez. L’équilibre budgétaire, à quel prix ?

M. Pierre Lequiller. Pourtant, de nombreux pays dans le monde, dont certains de nos voisins, connaissent un équilibre budgétaire tout en ayant une croissance et des exportations très fortes. Je ne suis donc pas d’accord avec l’opinion selon laquelle un équilibre budgétaire est néfaste en soi. Le surendettement d’un pays, c’est la perte de son indépendance…

M. Marc Dolez. Il fallait le dire à Sarkozy !

M. Pierre Lequiller. …à cause du risque d’attaque par les marchés financiers. C’est aussi une marque d’égoïsme à l’égard des générations futures, qui en porteront le poids.

Vous avez beaucoup critiqué M. Draghi à propos de Goldman Sachs. Pourtant, il a pris des positions extrêmement courageuses. Grâce à lui, la situation est aujourd’hui nettement meilleure.

Ainsi, nous sommes en désaccord, sauf sur un point : nous discutons bien du même texte que celui qui avait été préparé par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel.

M. Philip Cordery. Mais ce n’est pas le même contexte !

M. Pierre Lequiller. Il est vrai aussi que le pacte de croissance est une reprise de crédits qui existaient déjà.

Mais nous voterons contre votre motion d’ajournement.

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Philippe Folliot. Cher collègue du groupe GDR, nous vous avons écouté avec attention, et nous vous reconnaissons une certaine constance. Vous tenez aujourd’hui les mêmes propos qu’il y a quelques mois : cela vous honore.

Nous avons pu constater, à travers votre échange avec Mme la présidente de la commission des affaires étrangères, les nombreuses divergences qui existent dans la majorité à propos de ce traité. Ce n’est pas une division, c’est une véritable fracture ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Et chez vous ?

M. Alain Chrétien. Nous ne sommes pas au pouvoir, nous !

M. Philippe Folliot. Le groupe UDI votera contre la motion d’ajournement, car il nous paraît important de sortir des schémas d’incertitude actuels. Voter ce texte relève de notre responsabilité : chacun le fera en son âme et conscience, pour ou contre. Mais, pour nos concitoyens, nos partenaires européens et notre environnement, nous ne pouvons pas rester dans cette situation d’incertitude. C’est pourquoi il est essentiel de passer à la phase du vote, bien que nous constations un certain déficit démocratique. Certes, nos concitoyens regardent tout cela de loin, mais à bien des égards un référendum aurait été l’occasion d’avoir un vrai débat. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Marc Dolez. Elle est bonne, celle-là !

M. Jean-Luc Laurent. Mieux vaut en rire !

M. Philippe Folliot. Toutefois, nous connaissons malheureusement de nombreux précédents en la matière, notamment celui de 2005 : ce que le peuple avait fait, le Parlement l’a refait dans un sens différent… Aujourd’hui, quoi qu’on puisse en penser, il est essentiel de passer au vote.

(La motion d’ajournement, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Article unique

M. le président. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, l’article unique du projet de loi.

Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article.

La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan, pour deux minutes.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Deux minutes pour vous demander, une fois de plus, de lire le texte du traité. Mirabeau disait : « Nous sommes là par la volonté du peuple et nous n’en sortirons que par la force des baïonnettes. » Il est tout de même extraordinaire qu’aujourd’hui, vous trahissiez à ce point le peuple français alors qu’il n’y a ni baïonnettes ni occupation ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

C’est une trahison car l’Assemblée nationale est née de la volonté des représentants du peuple de contrôler l’impôt et le budget. Vous abandonnez ce pouvoir à des gens non élus, nommés, à des juges.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Le texte ne dit pas cela !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Vous abandonnez ce pouvoir et vous niez l’importance de ce transfert de souveraineté. Vous le niez parce qu’il vous gêne, parce que vous aurez des comptes à rendre au peuple français.

L’article 5, surréaliste, définit les politiques structurelles, que vous avez passées votre temps à contester pendant dix ans d’opposition. Vous allez subir les commissaires qui viendront vous donner des ordres, ici, à l’Assemblée nationale ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Vous allez subir l’inversion de la majorité : article 7. Vous allez subir les sanctions. Mais le pire, dans cette affaire, c’est que vous allez transférer ces pouvoirs à des gens non élus qui, depuis vingt ans, ont fait la preuve de leur incompétence, de leur incapacité et qui précipitent l’Europe dans la récession la pire.

Vous parlez sans cesse de croissance et vous acceptez un pacte de récession sans précédent ! La France va freiner sur une plaque de verglas. Les prévisions sont catastrophiques : vous aurez 600 000 chômeurs de plus à la fin de l’année. Vous serez à 4 % de déficit et vous verrez qu’en 2014, c’est vous qui subirez ces fameux commissaires et ce fameux rappel l’ordre.

C’est une aberration économique. Comment pouvez-vous accepter cela ? En 1992, quand Philippe Séguin s’exprimait dans cette assemblée…

M. le président. Merci…

M. Nicolas Dupont-Aignan. Je termine, monsieur le président.

M. le président. Votre temps de parole est écoulé.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Je vous demande trente secondes.

En 1992, on parlait de prédiction. Aujourd’hui, c’est la réalité : la réalité de l’Espagne, la réalité de la Grèce. Et nous allons emprunter ce chemin. Vous allez dresser les peuples contre l’Europe, contre la belle idée européenne parce que vous appliquez la politique d’une technostructure qui mène l’Europe à la ruine. Nous aurons rendez-vous dans les prochaines années, mais vous prenez une responsabilité écrasante devant l’histoire.

M. le président. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour deux minutes.

M. Gérald Darmanin. Monsieur le ministre, vous parliez tout à l’heure d’amour et de preuves d’amour. Quelles plus belles preuves d’amour que les preuves de fidélité, notamment de fidélité à ses convictions ?

Je comprends bien qu’une fois au pouvoir, vous fassiez preuve de réalisme et appeliez votre majorité à voter un traité que vous aviez combattu. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Soit vous avez menti pendant la campagne électorale, ce qui est une faute, soit vous changez de conviction aujourd’hui, ce qui est un crime. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Je ne voterai pas ce traité parce que je suis personnellement opposé à quelque chose qui est contraire au fondement de mon engagement politique. Vous disiez tout à l’ heure – et j’ai apprécié – que vous respectiez tous les arguments. Je ne voterai pas le traité, non que je refuse la règle d’or – elle est au contraire nécessaire – mais parce que nous allons donner à des technocrates, alors que nous venons d’être élus par le peuple français, le pouvoir de juger. Ce ne sont ni le Conseil des ministres européen ni le Parlement européen qui jugeront des sanctions, mais la Cour de justice européenne, et c’est la Commission européenne qui fixera le calendrier. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Nicolas Dupont-Aignan. Oui !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. N’importe quoi !

M. Gérald Darmanin. Nous allons donner aux technocrates le pouvoir de juger et d’empiéter sur ce qui est le fondement de notre activité de parlementaire, c’est-à-dire l’élaboration du budget et de la politique du pays.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Des arguments d’accord, mais pas de contrevérités !

M. Gérald Darmanin. « Dieu se rit de ceux qui déplorent les effets dont ils chérissent les causes ».

M. Sébastien Denaja. Nous sommes une assemblée laïque !

M. Gérald Darmanin. Sachons néanmoins écouter Bossuet: la sagesse vient de loin. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Aujourd’hui, l’Europe meurt de la technocratie. Si l’Assemblée avait conscience de son rôle, elle pourrait remarquer, monsieur le ministre – et cela n’a rien à voir avec le refus du réalisme ou avec la fin de l’euro –, que le premier acte européen de cette assemblée est de remettre une grande partie de son pouvoir budgétaire à des gens que personne ne contrôlera, ni les parlements, ni les peuples.

M. Nicolas Dupont-Aignan et M. Jean Lassalle. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot, pour deux minutes.

M. Philippe Folliot. Ce traité est la conséquence de l’irresponsabilité collective qui a été la nôtre pendant quelques décennies où les majorités successives, de droite comme de gauche, en laissant filer la dette, en votant des budgets en déséquilibre, nous ont entraînés dans la situation de dépendance où nous sommes, et que nous n’avons pas été à même d’empêcher.

Il est nécessaire de rétablir un certain nombre d’équilibres à l’échelle européenne, car la dette a de graves conséquences, notamment pour les générations futures.

Personnellement, j’ai voté contre le traité de Maastricht en 1992 et le traité constitutionnel en 2005, mais je ne voterai pas contre celui-ci. Voter contre serait ouvrir la porte à de grandes difficultés pour notre pays, même si je comprends certaines inquiétudes. J’ai bien entendu notre collègue Nicolas Dupont-Aignan et ce qu’il a dit n’est pas entièrement dénué de fondement.

En tout état de cause, nous sommes mis devant nos responsabilités. La responsabilité, aujourd’hui, ce n’est pas de voter contre ce traité, ni de livrer notre pays à l’aventure avec tous les risques qu’elle pourrait présenter.

M. le président. Merci…

M. Philippe Folliot. On l’a vu avec la crise de 2008. Parfois, une décision de rejet peut entraîner à terme des conséquences autrement plus dommageables que les conséquences immédiates que l’on peut dénoncer dans un traité comme celui que nous allons voter.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Collard, pour soutenir l'amendement n° 2 visant à supprimer l’article unique.

M. Gilbert Collard. Vous l’aurez compris, cet amendement est un subterfuge. Il est pour moi l’occasion de dire très clairement que je ne comprends pas que, pour une décision aussi grave, on ne recoure pas au référendum.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Eh oui !

M. Gilbert Collard. J’ai suivi les débats… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Assaf. Très moyennement !

M. Gilbert Collard. Comme vous tous du reste, car vous, cher collègue, vous n’étiez pas là très souvent. Vous avez eu tort de vous signaler parce que je vous ai bien repéré et vous n’avez pas été là de toute la matinée et de toute l’après-midi ! Alors, je vous en prie, ne jouez pas au malin !

J’ai présenté cet amendement pour dire à nos amis de la majorité qu’ils auront un jour à rendre des comptes parce qu’ils ont peur du peuple ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Si vous n’aviez pas la trouille de ce que le peuple pourrait décider, vous n’auriez pas fui le référendum ! (Mêmes mouvements.)

Vous savez très bien, même si vous jouez les cocus complaisants ou aveugles de Feydeau (Protestations sur les bancs du groupe SRC), que vous renoncez à la souveraineté en nous dépossédant du contrôle budgétaire. Vous le savez !

Même si vous obéissez à une loi de discipline politique que je peux comprendre, que répondrez-vous à vos électeurs quand ils viendront vous reprocher d’avoir signé ce traité qui les saigne ? « Oui, c’est nous qui l’avons signé ce traité qui vous saigne » ? Et que leur répondrez-vous lorsqu’ils vous demanderont pourquoi vous n’avez pas accepté un référendum et qu’ils iront voter de l’autre côté ? Cocus de Feydeau (Nouvelles protestations), vous trahissez ici l’expression de la volonté populaire. Si vous n’aviez pas eu peur, vous auriez fait appel au suffrage universel. Vous êtes des lâches de la démocratie !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Rien ne peut excuser non seulement les approximations, mais le travestissement de la réalité. Je suis navrée d’avoir à vous le dire, monsieur Dupont-Aignan, c’est vous qui n’avez pas lu le traité. Il n’y a pas, dans ce texte, de contrôle de la Cour de justice européenne.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Exactement ! Il n’y a aucune sanction de la Cour.

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Sur le fond des choses, Pierre Lequiller est d’accord avec moi. Nous avons passé des heures et des heures à vous le démontrer en commission ou ici dans l’hémicycle.

Je vous recommande donc de relire ou même de lire le traité, car j’ai l’impression que vous ne l’avez pas lu. Il ne prévoit pas de contrôle de la Cour de justice sur le fond des politiques, seulement sur la transposition en droit interne de la règle du déficit structurel.

D’ailleurs que proposez-vous ?

M. Sébastien Denaja. Le franc !

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Nous gardons l’intégralité du pouvoir de décision sur les budgets. Nous avons bien entendu des règles communes pour faire vivre une monnaie unique. Alors préconisez-vous que l’on supprime la monnaie unique ? Si c’est oui, dites-le !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Oui !

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Au moins, c’est clair.

Quant à M. Collard, je dirai simplement que je n’aime pas les subterfuges.

M. Gilbert Collard. Pourtant, vous en avez utilisé !

Mme Élisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères. Par conséquent, je demande le rejet de son amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Rejet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Dupont-Aignan.

M. Nicolas Dupont-Aignan. Madame la présidente, monsieur le ministre, j’ai toujours été cohérent. J’ai été contre le traité de Maastricht. Je pense que la monnaie unique est en train de s’effondrer devant nous. En vérité, la seule légitimité de l’acceptation de ce traité, que vous savez au fond de vous-même très mauvais pour la France, c’est de vouloir sauver l’euro.

Le Premier ministre en a d’ailleurs témoigné de manière franche et honnête. Il a dit que nous allions, en gros, renier nos promesses, plonger la France dans une cure d’austérité très difficile. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous pouvez rire et vous exclamer, mais c’est ce qui va se passer !

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Vous n’avez pas entendu la même chose que nous !

M. Nicolas Dupont-Aignan. Reconnaissons que vous avez le mérite de la continuité : il faut sauver l’euro. L’euro est en train de s’effondrer sous nos yeux. L’Allemagne ne veut pas payer, la Grèce proteste, l’Espagne est en très grande difficulté, la France a perdu un million d’emplois en dix ans, l’euro trop cher fait fuir nos entreprises qui délocalisent à tour de bras.

M. Alain Fauré. C’est dû à l’efficacité de votre politique…

M. Nicolas Dupont-Aignan. En vérité, vous poursuivez une politique folle qui consiste à aller toujours plus loin dans une cure de rigueur absurde, contre-productive, qui ressemble à la politique de Laval en 1935. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Mais oui, c’est exactement la politique du franc fort : ce sont les mêmes mots, cela aboutira au même drame.

Vous ne voulez pas vous rendre compte qu’on ne peut pas adapter une monnaie unique à des économies aux compétitivités différentes. Et que se passe-t-il dans ce cas ? Ce sont les zones les plus productives qui recueillent les emplois et les moins productives qui s’effondrent. Il faut donc une économie de transferts considérable. M. Myard l’a très bien expliqué à la tribune.

En vérité, ce traité est le dernier soubresaut d’une monnaie unique qui va s’effondrer prochainement.

M. le président. Merci...

M. Nicolas Dupont-Aignan. Oui, madame la présidente, j’assume. Il vaut mieux une monnaie commune bien organisée et bien structurée. Il vaut mieux des parités fluctuantes et avoir du développement dans tous les pays d’Europe. Il vaut mieux offrir un avenir à notre jeunesse plutôt que de la condamner à n’avoir qu’une seule destination : Pôle emploi.

M. Gilbert Collard. Très bien !

(L'amendement n° 2 n'est pas adopté.)

M. le président. Nous avons achevé l’examen du projet de loi.

Je rappelle que la Conférence des présidents a décidé que les explications de vote et le vote par scrutin public sur l’article unique du projet de loi auraient lieu le mardi 9 octobre après les questions au Gouvernement.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, jeudi 4 octobre à neuf heures trente :

Texte de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant création des emplois d'avenir.

La séance est levée.

(La séance est levée, le jeudi 4 octobre, à une heure.)