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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du jeudi 18 octobre 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Catherine Vautrin

1. Projet de loi de finances pour 2013 Première partie

Article 1er

M. Charles de Courson

Avant l’article 2

Amendement no 653

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Article 2

M. Charles de Courson

M. Philippe Vigier

M. Jacques Lamblin

M. Éric Woerth

Mme Marie-Christine Dalloz

M. Daniel Fasquelle

M. Damien Abad

M. Pierre Moscovici, ministre

M. Éric Woerth

Amendements nos 427, 428, 471, 470

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget

Amendements nos 702, 703, 704, 705

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Amendements nos 242, 698, 699, 700, 701, 64 rectifié, 782 (sous-amendement)

M. Christian Eckert, rapporteur général

Suspension et reprise de la séance

Article 3

M. Philippe Vigier

Mme Marie-Christine Dalloz

M. Hervé Mariton

M. Pierre-Alain Muet

M. Thierry Mandon

Mme Arlette Grosskost

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet

M. Charles de Courson

M. Hervé Morin

M. Éric Woerth

M. Jean-Christophe Lagarde

M. Nicolas Sansu

Mme Laure de La Raudière

M. Guillaume Larrivé

Mme Christine Pires Beaune

Amendements nos 402, 124

Rappel au règlement

M. Hervé Mariton

Article 3 (suite)

Amendements nos 472 rectifié, 706, 707, 708, 430, 473, 709 rectifié, 710 rectifié, 711 rectifié

Article 4

M. Philippe Vigier

M. Laurent Baumel

M. Charles de Courson

M. Marc Le Fur

M. Hervé Mariton

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

Projet de loi de finances pour 2013
Première partie

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2013 (nos 235, 251).

Nous abordons l’examen des articles de la première partie du projet de loi.

Article 1er

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, inscrit sur l’article.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, vous vous souvenez que nous avions demandé, à l’occasion d’une précédente réforme, que le Gouvernement nous explique sa politique en matière de dépenses fiscales lors de l’examen de l’article premier.

Or, le Parti socialiste avait annoncé dans son programme une réduction de 50 milliards sur les 71 milliards de dépenses fiscales. Plus prudent, le candidat François Hollande s’était engagé à une réduction de 29 milliards.

Comme vous avez pu le lire dans l’exposé des motifs, il n’y aura en fait aucune réduction des dépenses fiscales, puisque leur coût en 2013 sera de 70,8 milliards, contre 70,9 milliards en 2012. En 2011, ce coût était de 72 milliards : nous l’avions donc réduit de 1,1 milliard. Quant à ce Gouvernement, il stabilise grosso modo le coût des dépenses fiscales.

Nous avons tous lu les deux pages d’exposé des motifs : il y est expliqué qu’en 2013, des niches fiscales seront supprimées à hauteur de 2,2 milliards d’euros mais d’autres seront recréées pour 600 millions d’euros. La différence devrait avoir pour résultat une réduction de 1,6 milliard, mais les autres dépenses fiscales croissent également de 1,6 milliard.

Dès lors, avant que nous ne votions l’article 1er – loin de nous l’idée de voter contre –, ceci mérite des explications du ministre. Pourquoi le Gouvernement ne fait-il pas un effort dès 2013 ? C’est ce que l’UDI a toujours préconisé, depuis des années, et nous avions fini par obtenir le début d’une réduction, comme l’indiquent les chiffres qui nous sont fournis.

Le Gouvernement pourrait-il expliquer sa position en matière de dépenses fiscales ?

Mme la présidente. Je mets aux voix l’article 1er.

M. Charles de Courson. Le Gouvernement ne répond pas ?

(L’article 1er est adopté.)

Avant l’article 2

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n° 653.

M. Philippe Vigier. Monsieur le ministre, j’espère qu’à la différence d’hier soir, nous pourrons obtenir des réponses du Gouvernement à nos questions. Il serait de bon aloi que nous puissions avoir un échange courtois, et que nous obtenions quelques réponses alors que nous abordons l’examen de ce projet de loi de finances.

Comme l’a très bien dit Charles de Courson, les niches fiscales sont un serpent de mer. On ne peut pas dire que la majorité précédente n’ait rien fait pour en limiter la portée. Lors de l’adoption à l’unanimité du programme du parti socialiste par son conseil national le 9 avril 2011, il avait été acté que vous supprimeriez pour votre part 50 milliards d’euros de niches fiscales, en fonction de leur efficacité. Qu’en est-il aujourd’hui ? C’est une idée oubliée, puisque, cela vient d’être rappelé, les dépenses fiscales restent inchangées, de 70,9 milliards à 70,8 milliards.

Monsieur le ministre de l’économie et des finances, vous aviez déclaré à la radio que ces 75 milliards étaient autant de cadeaux faits aux riches. Mais alors expliquez-nous où sont les 50 milliards d’économies que vous aviez promis ?

Nous aimerions aussi que vous justifiiez vos choix. Vous avez décidé de ramener le plafonnement général à 10 000 euros. La difficulté est que moins d’une vingtaine de niches sont concernées par ce plafonnement, les autres n’étant pas plafonnées ; nous le savons tous ici. Des rapports de la Cour des comptes et du Conseil des prélèvements obligatoires ont permis de démontrer objectivement que certaines niches étaient efficaces, tandis que d’autres ne l’étaient pas. Pourquoi avoir exclu de ce champ les Sofica, le dispositif Malraux, et dans une moindre mesure, les niches concernant les DOM-TOM ?

Il est très difficile d’aller vider une niche de sa substance. C’est la raison pour laquelle cet amendement tend à donner un coup de rabot général. Nous l’avions déjà proposé sous le gouvernement précédent, qui avait refusé. En procédant ainsi, nous serions certains d’obtenir un résultat fiscal intéressant, puisque cela réduirait les dépenses fiscales de 10 milliards d’euros.

M. Thierry Mandon. Bonne idée ! Que ne l’avez-vous fait plus tôt ?

M. Philippe Vigier. Cela vous fait sourire, monsieur Mandon, mais nous le proposions déjà il y a trois ans, alors que vous n’étiez pas encore là.

Monsieur le ministre, j’aimerais que vous répondiez précisément sur les choix du Gouvernement et sa stratégie. Vous aviez expliqué que le programme du Parti socialiste serait financé par ces 50 milliards d’euros d’économie, ce n’est pas le cas et nous en prenons acte.

Mme la présidente. Monsieur le ministre de l’économie et des finances, vous avez demandé la parole.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Mesdames et messieurs les députés, la situation de l’opposition – que je connais… – offre l’avantage d’apprendre le programme de ceux qui sont dans la majorité et permet une amnésie parfois confondante. Comme l’a dit votre collègue : tout ce que vous êtes en train d’évoquer, que ne l’avez-vous fait ?

Par ailleurs, vous êtes en train de jouer sur les mots. Laisser penser que réduire les niches fiscales ne revient pas à augmenter les impôts est une attitude totalement mensongère. En réalité, pour les Français, cela revient exactement au même. C’est d’ailleurs ce que vous aviez timidement commencé à faire.

Je ne pense pas que la stratégie du rabot soit la plus intelligente. Certes, elle est moins visible, mais elle est aussi moins ciblée et plus indifférenciée. Ce n’est pas l’attitude du Gouvernement.

Vous me demandiez quelle était notre logique : permettez-moi de rappeler la réalité à laquelle nous sommes confrontés. Nous sommes contraints de réaliser un effort considérable pour passer en un an de plus de 5 % de déficit public à 3 %, parce que vous nous avez laissé ces stocks considérables de déficit et de dettes et que nous ne l’acceptons pas. Nous souhaitons au contraire désendetter ce pays, parce que c’est le moyen de le renforcer et de lui permettre de reprendre son essor, sa croissance et sa compétitivité. Cela permet aussi d’éviter de pénaliser les générations futures.

Je ne vais pas revenir longuement sur notre stratégie fiscale. Les économies de dépenses de 10 milliards d’euros représentent un effort tout à fait considérable, et je ne peux pas laisser dire que c’est insignifiant : c’est au contraire sans précédent. De plus, 10 milliards d’euros de recettes supplémentaires sont ciblés sur les plus grandes entreprises et préservent les PME et les PMI de ce pays.

Mme Marie-Christine Dalloz et M. Daniel Fasquelle. C’est faux !

M. Pierre Moscovici, ministre. Nous avançons encore sur cette question. Enfin, une réforme ambitieuse de l’impôt sur le revenu rétablit sa progressivité. Nous avons choisi de redresser les comptes publics et de combler les déficits que vous nous avez laissés, et de le faire dans la justice. C’est pourquoi vos interventions me semblent amnésiques, théoriques et erronées.

M. Jean-Philippe Mallé. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Mes chers collègues, j’espère que nous n’aurons pas à traiter de dizaines d’amendements de ce type, qui relèvent de la tartufferie.

Mme Marie-Christine Dalloz. Le droit d’amendement est un droit de l’opposition !

M. Christian Eckert, rapporteur général. La fiscalité de notre pays est le résultat de votre action depuis dix ans.

M. Charles de Courson. Ah bon !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Et vous voudriez qu’en dix jours, ou en dix mois, nous remettions debout ce que vous avez contribué plus que largement à rendre bancal ? Nous commençons à y travailler : après six heures de discussion générale, le ministre délégué chargé du budget a longuement répondu à l’ensemble des interventions.

Maintenant que vous êtes passé de la majorité à l’opposition, vous proposez d’un seul coup de réaliser 10 milliards d’économies de dépenses supplémentaires – sans dire lesquelles – ; et de faire 5 milliards de réduction de dépenses fiscales – sans dire lesquelles –, alors même que c’est votre majorité qui a empilé les dispositifs, en y passant de temps en temps un petit coup de rabot ou de lime à ongle.

Nous verrons d’autres amendements de ce type, proposant de réduire les dépenses de 5 milliards de manière uniforme et indifférenciée sans jamais expliquer comment, ou de réduire 150 000 emplois sans détailler lesquels, ou encore de réduire les dépenses de 10 ou 20 milliards, et les dépenses fiscales de 5 milliards – et pourquoi pas 6 milliards, 12 milliards, voire 25 ? Je m’exprime longuement sur le premier d’entre eux, cela permet de s’échauffer un peu le matin avant le marathon qui nous attend, mais je n’interviendrai plus beaucoup sur ce type d’amendements, et je me contenterai de répondre laconiquement, comme je le fais maintenant : « avis défavorable ».

M. Dominique Baert. Très bien, voilà qui est clair !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Si l’on commence la matinée en nous disant que l’on ne peut pas avoir une discussion ouverte et déposer les amendements que l’on souhaite, c’est un peu surprenant.

M. Dominique Baert. Il faut qu’ils soient sérieux !

M. Philippe Vigier. Lorsque vous étiez dans l’opposition, vous ne teniez pas les mêmes propos. La démocratie doit vivre pleinement. Nous présentons des amendements et puisque vous êtes majoritaires, vous l’emporterez à chaque fois que vous le souhaitez, c’est normal et ce n’est pas un problème, mais accordez-nous au moins une chose : nous sommes force de proposition.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ben voyons !

M. Philippe Vigier. Ne nous faites pas de mauvais procès, monsieur le rapporteur général, le président de la commission des finances peut attester que nous avions déposé cet amendement dans les mêmes termes il y a déjà plus de trois années.

M. Dominique Baert. Oui, et à l’époque il avait voté contre.

M. Philippe Vigier. Monsieur le ministre de l’économie et des finances, c’est vous qui avez instillé dans la tête des Français qu’il y avait 70 milliards de cadeaux pour les riches. Alors puisque le changement, c’est maintenant, où est-il ? Les niches fiscales sont au même niveau !

Monsieur Eckert, vous ne pouvez pas dire que nous n’avons rien fait : alors qu’il n’existait aucun plafonnement au départ, en 2012 la règle était de 18 000 euros plus 4 % du revenu imposable. Un effort important a donc été fait ces dernières années.

Nous contestons vos choix : pourquoi le dispositif Malraux en a été écarté, ainsi que les Sofica ? Pourquoi les heures supplémentaires sont-elles fiscalisées ?

Nous ne contestons pas la légitimité que vous tirez des urnes, je le précise à l’attention du ministre du budget qui disait que la droite prétendait la gauche illégitime. Ce n’est pas vrai du tout : vous avez gagné les élections, mais les choix que vous avez faits ne respectent pas vos promesses de campagne. Les Français sauront que vous n’avez pas reculé sur les niches fiscales, et que ces 70 milliards se sont tout simplement évanouis.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Carré.

M. Olivier Carré. Je souhaite simplement demander une confirmation à M. le ministre. Il vient de dire que le déficit passait de plus de 5 % – c’est l’exécution du budget 2012 – à 3,5 %. Je pense qu’il s’agit d’un lapsus : on restera bien à 4,5 %.

Monsieur le ministre, ce sont les termes exacts que vous avez employés. Il faut être précis sur ce sujet : je vous demande donc de lever un doute et de confirmer l’objectif qui sera réalisé au 31 décembre 2012.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Pierre Moscovici, ministre. Je lève votre doute, afin qu’il n’y ait aucune ambiguïté pour quiconque. Je ne suis généralement pas adepte des lapsus, mais cela peut arriver à tout le monde, de bon matin…

M. Hervé Morin. Ça, c’est clair !

M. Charles de Courson. Mais vous n’étiez pas présent hier, ni la nuit dernière !

M. Pierre Moscovici, ministre. Je pense dépenser suffisamment d’énergie pour répéter matin, midi et soir qu’il faut rétablir et redresser nos comptes publics, qu’on nous a laissés dans un état…

M. Éric Woerth. Correct.

M. Pierre Moscovici, ministre. …indigne. Il y aurait eu plus de 5 % de déficit en 2012 sans les mesures correctrices que l’Assemblée a votées dans le PLFR.

Mme Marie-Christine Dalloz. Il s’agit de nouvelles dépenses !

M. Hervé Morin. Tous les pays européens connaissent des déficits.

M. Pierre Moscovici, ministre. Nous descendons à 4,5 % en 2012, puis à 3 % en 2013. La marche d’escalier est considérable : nous réalisons un effort historique…

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est inacceptable de dire cela !

M. Pierre Moscovici, ministre. …parce que nous sommes convaincus – c’est ce que Jérôme Cahuzac et moi ne cessons de dire – que le désendettement est une priorité et que le respect de nos engagements est fondamental.

Mme Marie-Christine Dalloz. Même vous, vous n’y croyez plus !

M. Pierre Moscovici, ministre. Les chiffres sont donc de 4,5 % en 2012 et 3 % en 2013 : j’espère que ma langue n’aura pas fourché. Je vous remercie de vos encouragements pour ce faire, même si je ne vous remercie pas de ce dont nous avons hérité pour y parvenir.

(L’amendement n° 653 n’est pas adopté.)

Article 2

Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 2. La parole est à M. Charles de Courson,.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, nous attaquons là un sujet qui montre une nouvelle fois les contradictions du Gouvernement.

Nous avions gelé le barème pour deux ans : vous l’aviez dénoncé. Or, quand vous arrivez au pouvoir, vous maintenez le gel…

M. Dominique Baert. Avez-vous vu dans quel état sont les comptes ?

M. Charles de Courson. …et vous ajoutez une petite décote.

M. Hervé Morin. Quelle amnésie !

M. Charles de Courson. Nous en parlerons dès l’article 3 : vous nous expliquez que vous voulez rétablir la justice fiscale. Le groupe UDI l’a dit pendant des années : rétablir la justice fiscale, c’est arrêter d’augmenter les dépenses fiscales.

M. Dominique Baert. Il faut bien s’occuper ! (Sourires.)

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre, si vous n’avez pas la mémoire trop courte, vous savez qu’il y a une large coresponsabilité de l’actuelle majorité et de l’actuelle opposition dans l’augmentation des niches fiscales. Si vous voulez que j’énumère toutes les niches fiscales créées par la gauche…

M. Hervé Morin. Cela nous intéresse !

M. Charles de Courson. …cela durera un certain temps !

M. Dominique Baert. Mais ce ne sont pas les mêmes !

M. Charles de Courson. Nous y reviendrons tout à l’heure.

Contrairement à vos promesses, vous ne réduisez pas les dépenses fiscales. Vous critiquiez le gel, mais à votre arrivée au pouvoir vous le maintenez. Comment voulez-vous que vos électeurs n’aient pas le sentiment que vous vous êtes reniés ? Ce n’est pas le seul point : on le verra tout à l’heure.

Monsieur le ministre, si vous n’avez pas la mémoire courte, vous savez que le groupe UDI se bat depuis plus de dix ans. Nous avons obtenu le plafonnement des niches : vous abaissez le plafond et vous sortez toute une série de niches. Expliquez-nous la cohérence de votre politique à l’égard de l’impôt sur le revenu ! Non seulement vous vous reniez, mais vous êtes incohérents.

M. Hervé Morin. Eh oui !

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Comme l’a rappelé Charles de Courson, nous reconnaissons avec objectivité, messieurs les ministres, que nous avions gelé le barème. Vous l’aviez dénoncé en disant que les classes moyennes seraient les plus touchées, ce qui était vrai. D’ailleurs, nous l’avions dit. À votre arrivée au pouvoir, vous maintenez le gel du barème même si vous instaurez une décote. Celle-ci a été un peu améliorée, mais il y a un problème : le Premier ministre s’est engagé sur France 2, au cours de l’émission Des paroles et des actes, en déclarant que neuf contribuables français sur dix ne seraient pas concernés par les augmentations de fiscalité.

Attachons-nous uniquement à l’affaire du barème : sachant que la France compte 18,2 millions de contribuables, il est écrit très précisément dans le rapport sur le projet de loi de finances que 7,386 millions de contribuables sont concernés par ce système de décote. Si l’on fait la différence entre ces deux chiffres…

M. Hervé Morin. Il en reste 11 millions.

M. Philippe Vigier. …il en reste 11 millions, soit 60 %.

M. Charles de Courson. Il y a 11 millions de riches !

M. Philippe Vigier. Puisqu’un Français sur deux environ paie des impôts, cela signifie tout simplement qu’avec ce système de barème, messieurs les ministres, 30 % des Français paieront plus d’impôts.

Et ce n’est qu’un des éléments du cocktail détonnant : si l’on ajoute les heures supplémentaires, le quotient familial et le plafonnement à 10 000 euros des niches dont celle relative aux emplois familiaux, c’est probablement un Français sur deux qui paiera plus d’impôts.

Voilà ce que nous dénonçons. Vous ne pouvez pas dire que 75 milliards d’euros de niches fiscales représentent des cadeaux aux riches et qu’il faut les supprimer : vous ne le faites pas. Vous ne pouvez pas dire qu’un Français sur dix sera impacté par vos mesures : en fait, c’est cinq sur dix. Nous voulons un discours de vérité, et nous vous faisons des propositions à chaque fois.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. Il y a quelques minutes, le rapporteur général parlait de tartufferie. Depuis maintenant des années, on nous explique que la majorité précédente a fait des cadeaux aux riches, ce qui signifie implicitement que l’actuelle majorité est déterminée sinon à faire des cadeaux aux pauvres, au moins à prendre en considération les problèmes de nos concitoyens dont les revenus sont les plus modestes. Nous devons interpréter cette affaire de décote comme un acte de contrition du Gouvernement envers nos concitoyens dont les revenus sont les plus modestes.

J’ai fait un calcul des impôts dus en m’appuyant sur le site www.impots.gouv.fr. Actuellement, un ménage avec un enfant, dont les deux époux gagnent le SMIC ne paie pas d’impôt sur le revenu : l’effet de la décote tel que le système est conçu actuellement annule le montant de l’impôt sur le revenu. Aujourd’hui, une augmentation du niveau de la décote n’a donc rigoureusement aucun impact pour les ménages qui ne payaient déjà pas d’impôts.

Si l’un des deux conjoints fait des heures supplémentaires à hauteur de 3 000 euros par an, ce même ménage ne payait pas non plus d’impôts selon l’ancien système. Mais aujourd’hui, puisque vous avez aboli la défiscalisation des heures supplémentaires, ce ménage paiera très exactement 183 euros d’impôts. Bien sûr, vous le ferez bénéficier de 40 euros de décote. Mais finalement, soit les classes les plus populaires ne tirent aucun parti de votre augmentation de la décote ; soit, lorsqu’elles en tirent parti, cela ne compense pas – et à loin près – ce que vous leur prenez par ailleurs avec la refiscalisation des heures supplémentaires.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Messieurs les ministres, vous devriez défendre vos choix ; or depuis le début de cette discussion budgétaire vous ne les défendez pas. Vous êtes systématiquement sur la défensive. Vous devriez assumer le fait que vous augmentez l’impôt sur le revenu pour plus de 10 millions de foyers fiscaux, ce qui est tout à fait considérable. C’est votre choix, mais dites-le ! N’essayez pas de tergiverser sur le sujet, ou de dire qu’à l’issue du vote de ce PLF les Français paieront moins d’impôts qu’avant. Si vous ne le reconnaissez pas, cela signifie que vous n’assumez pas ce PLF : c’est probablement un tort du Gouvernement.

Monsieur Moscovici, dans votre précédente intervention vous revenez systématiquement à l’héritage. Nous assumons parfaitement cet héritage.

M. Pierre-Alain Muet. Cinq années de déficit excessif !

M. Éric Woerth. Les comptes de l’État et les comptes généraux de la nation n’ont pas été massacrés durant cette crise : ils sont le fruit de la crise. Au contraire, nous avons combattu la crise et, quand on regarde les comptes des autres pays, nous avons plutôt tenu le cap. Lorsque le déficit public était supérieur à 7 %, nous l’assumions. Ce déficit était maîtrisé : vous auriez d’ailleurs aimé le voir plus important, puisque vous nous appeliez à encore plus de dépenses de relance ! Nous avons assumé ce déficit, et par la suite nous avons également assumé un chemin qui nous ramène à l’équilibre. Vous respectez d’ailleurs les critères que nous nous étions donnés : nous vous en donnons acte. Assumez votre budget !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Messieurs les ministres, je serai très courtoise : j’aimerais que nous ayons l’occasion ce matin de lever une ambiguïté - je mesure mes propos.

Vous avez annoncé que, dans cette loi de finances, le gel du barème de l’impôt sur le revenu n’aura pas d’effet sur les deux premières tranches du barème. On peut légitimement considérer que les deux premières tranches sont celles à 5,5 % et 14 %. Or, monsieur le rapporteur général, vous nous avez confirmé qu’il s’agissait des tranches à 0 % et à 5,5 %. Comment être crédible en disant que ceux qui ne payaient pas d’impôts n’en paieront pas plus du fait du gel ? C’est quand même une spécificité de votre projet de loi de finances 2013 !

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Le déficit existe : c’est la conséquence de la crise. Si l’on vous avait écoutés, ce déficit serait bien plus important, puisque vous aviez vous-mêmes proposé des dépenses de relance qui auraient aggravé les déficits de l’État.

Soyons tous d’accord sur la réduction des déficits, mais de quelle manière ? Vous auriez pu vous inspirer du rapport de la Cour des comptes, présidée par l’un des vôtres, Didier Migaud. La Cour des comptes proposait une fiscalité reposant sur des bases très larges – TVA ou CSG : c’est ce que nous avions commencé à faire avec la TVA anti-délocalisations – et, pour l’essentiel, une réduction des dépenses. Vous ne suivez en aucun cas les recommandations de la Cour des comptes, qui datent pourtant de juillet dernier.

Vous nous dites que vous réduirez les déficits en faisant payer les riches. C’est tout à fait faux ! Vous le savez très bien ; les Français le savent et l’ont compris depuis longtemps ! Sur la simple question de l’impôt sur le revenu, le journal Le Monde a été très clair : « Impôts, tout le monde va payer ». Je vous renvoie à un tableau très intéressant…

M. Dominique Baert. Depuis, Le Monde a fait d’autres éditions !

M. Daniel Fasquelle. …même s’il ne vous plaît pas. Pour un célibataire vivant seul avec un enfant et dont les revenus s’élèvent à 24 000 euros, l’augmentation des impôts sera de 10 %. Pour un couple marié ou pacsé avec deux parts fiscales et 24 000 euros de revenus – ce qui n’est pas considérable quand on vit en couple dans des villes où l’immobilier est très cher, il ne s’agit donc pas de gens très riches –, l’augmentation sera de 10 %.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous plaisantez ! Refaites vos calculs : Hewlett-Packard fabrique de très bonnes calculettes !

M. Daniel Fasquelle. Ce sont bien les classes moyennes, et même les classes moyennes inférieures, qui sont frappées par votre politique. En aucun cas, comme vous le dites, votre politique ne touche uniquement les riches.

Mme la présidente. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Le Premier ministre lui-même avait déclaré que neuf contribuables sur dix ne seraient pas touchés par ce projet de loi de finances : on voit que ce n’est pas du tout le cas ! J’aimerais savoir exactement combien de contribuables sont touchés…

M. Philippe Vigier. 11 millions !

M. Damien Abad. …malgré le système de décote mis en place qui ne concerne finalement que peu de monde.

Pour reprendre ce qu’ont dit mes collègues, on voit bien aujourd’hui que ce ne sont pas uniquement les classes aisées qui sont touchées, mais aussi une grande partie des classes moyennes, parce que l’impôt sur le revenu est payé uniquement par la moitié des Français. Le système fiscal n’est donc ni juste, ni équilibré. Nous aimerions connaître les intentions du Gouvernement sur cette décote, et en savoir un peu plus en termes de chiffrage.

Je vous indique également que mes deux amendements nos 427 et 428 sont retirés au profit de l’amendement n° 242 du groupe UMP.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Pierre Moscovici, ministre. On a parlé d’ambiguïtés et d’héritage. Je pense qu’il faut être à la fois calme et clair.

Pour ma part, j’y vois sinon une double malhonnêteté, du moins une double incohérence de la part de certains.

Monsieur Woerth, il faut en effet assumer l’héritage. Et l’héritage, ce n’est ni la crise, ni la justice, ce sont les déficits.

M. Daniel Fasquelle. Tous les pays européens sont en déficit !

M. Pierre Moscovici, ministre. Je rappelle, puisque vous avez cité la Cour des comptes, que l’année 2011 a été une année de réduction des déficits, avec 5,2 % de déficit. L’année 2012, sans corrections, s’est elle aussi terminée avec 5,2 % de déficit. Ce fut une année blanche, perdue.

L’héritage, c’est aussi l’injustice fiscale.

M. Thierry Mandon. Oui !

M. Pierre Moscovici, ministre. Rappelons le paquet fiscal de l’été 2007 qui n’était pas le fruit de la crise, mais le fruit d’une politique à la fois injuste et inefficace. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Daniel Fasquelle. C’est faux !

M. Pierre Moscovici, ministre. L’héritage, c’est aussi le gel du barème. Il est tout de même paradoxal de vous voir nous faire la leçon sur une mesure que vous avez vous-mêmes adoptée,…

Plusieurs députés du groupe UDI. Pas nous !

M. Pierre Moscovici, ministre. Pas tous, en effet. Mais en tout état de cause l’ancienne majorité.

Le gel du barème, disais-je, pénalise de manière sévère nombre de foyers modestes et moyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Christophe Lagarde. Le reniement, c’est maintenant !

M. Pierre Moscovici, ministre. C’est cela que ce Gouvernement, dans le contexte budgétaire extrêmement tendu dont il a hérité, tente, avec un effort considérable, de corriger et corrige.

En outre, il est tout à fait inexact – pour ne pas dire plus –, monsieur Woerth, de laisser entendre que ce que nous faisons contribue à augmenter l’imposition des ménages. Ce n’est pas dû à ce budget, mais à l’impact du gel que vous aviez infligé aux Français et que nous corrigeons.

M. Daniel Fasquelle. Quelle hypocrisie !

M. Pie Moscovici, ministre. J’en viens à l’amendement du groupe UDI, lequel n’était en effet pas favorable au gel du barème dans le passé…

M. Philippe Vigier. Merci de le rappeler.

M. Pierre Moscovici, ministre. …qui propose de préserver les ménages modestes des effets du gel en revalorisant les deux premières tranches du barème de l’impôt sur le revenu.

Il faut être conscient que le dispositif proposé par le Gouvernement préserve déjà les ménages modestes du gel du barème de l’impôt sur le revenu. Je ne reviens pas sur les chiffres car ils sont connus. Nos mesures ont pour effet de protéger les ménages jusqu’à 11 896 euros pour ceux dont les revenus ont augmenté comme l’indice des prix.

Par ailleurs, la revalorisation du seuil des deux premières tranches du barème bénéficierait à tous les contribuables imposables, y compris les plus aisés auxquels elle procurerait un gain non négligeable. Or telle n’est pas du tout notre philosophie puisque nous souhaitons la justice et la solidarité. (« En effet ! » sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Nous souhaitons que ceux qui ont le potentiel contributif le plus important soient appelés à contribuer. Je comprends que cela vous fâche. Vous ne supportez pas d’entendre parler de justice (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Daniel Fasquelle. Ce sont les Français qui jugeront. Vous êtes complètement isolé ! Vous êtes enfermé à Bercy !

M. Pierre Moscovici, ministre. Ne perdez jamais de vue que nous sommes en train de décider un effort historique de 30 milliards d’euros, que beaucoup de Français acceptent car ils savent qu’il est nécessaire de redresser les comptes publics.

M. Daniel Fasquelle. Non, ils n’acceptent pas votre politique !

M. Pierre Moscovici, ministre. …mais que, dans le même temps, nous ne pouvons pas charger la barque. Or l’amendement du groupe UDI aurait un coût budgétaire considérable. Pour toutes ces raisons, nous considérons qu’il est préférable que la décote soit adoptée.

M. Daniel Fasquelle. Allez à la rencontre des Français, monsieur le ministre.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Je vous invite à mettre en valeur votre politique ! Ne passez pas votre temps à parler de l’héritage ! Je note d’ailleurs au passage que vous modifiez assez peu tout ce qui concerne les droits de succession auxquels vous auriez pu vous intéresser plus particulièrement.

M. Thierry Mandon. Bonne idée ! Nous la notons !

M. Éric Woerth. S’agissant des déficits de 2012, je vous rappelle que vous êtes au pouvoir depuis le mois de mai. Le président Hollande a été élu en mai !

Si nous avions été au pouvoir, nous aurions également rétabli la barre du chiffre de déficit de 2012. Il n’y a là rien d’extraordinaire. Tous les gouvernements ont fait des lois de finances rectificative au mois de juillet ; tous les gouvernements ont changé leurs prévisions au fur et à mesure du temps et pris des mesures de rectification. Nous l’avons fait régulièrement et nous aurions continué de le faire, mais pas de la même façon que vous : pas en chargeant la barque de la fiscalité.

Je ne tiens pas particulièrement à me tourner vers le passé et à défendre les mesures que nous avions prises, mais vous nous y renvoyez sans cesse puisque vous nous faites, systématiquement, le coup de l’héritage alors même que vous conservez nos mesures, mesures que vous n’avez eu de cesse de critiquer vertement, de façon caricaturale pendant des années !

Mme Marie-Christine Dalloz. Très juste !

M. Éric Woerth. Quelques exemples.

Quid des franchises médicales ? Les supprimez-vous oui ou non ? Je constate que vous ne les supprimez pas, alors que vous disiez que c’était une horreur.

Quid de la retraite à soixante-deux ans ? N’aviez-vous pas répété des milliers de fois que vous alliez la supprimer. Je constate que vous ne la supprimez pas !

Quid du gel du barème ? Vous ne le supprimez pas non plus ! Quant au bouclier fiscal, vous le recréez ! De grâce, un peu de pudeur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Je vous rappelle que les amendements nos 427 et 428 ont été retirés.

La parole est à M. Nicolas Sansu pour présenter les amendements nos 471 et 470, pouvant être soumis à une discussion commune.

M. Nicolas Sansu. L’impôt sur le revenu est sans doute le plus juste car le plus progressif. Plus le nombre de tranches est élevé et les taux suffisamment échelonnés de façon régulière pour s’adapter aux capacités contributives des ménages, plus cet impôt est juste.

Notre débat montre qu’il est nécessaire de réhabiliter l’impôt et par là même la dépense publique et sociale. C’est le rôle de la gauche parce que le service public et l’investissement public sont les premiers éléments de la solidarité.

L’impôt progressif est le seul qui soit en mesure de réhabiliter l’impôt devant nos concitoyens. Lorsque j’entends certains de nos collègues dire que la moitié des Français ne paient pas d’impôt, je me demande si je ne rêve pas. Les Français paient l’impôt, la TVA, la TIPP, la CSG. Tout le monde paie l’impôt !

En revanche, il est exact qu’il y a une certaine illisibilité de l’impôt sur le revenu. C’est pourquoi nous souhaitons retrouver de la progressivité. Je rappelle que nous sommes passés d’un barème à treize tranches avant 1986 à sept tranches en 1994 et à quatre sous l’effet de la réforme Copé.

Cet impôt n’est donc plus progressif. De plus, il a été complètement vidé de sa substance par l’existence des niches fiscales. Nous souhaitons redonner de la progressivité à cet impôt et, ainsi, diminuer les impôts injustes, notamment la TVA, qui est le plus pénalisant.

Enfin, si je puis me permettre un trait d’humour, vous remarquerez que mon amendement n° 471 reste très raisonnable car il n’intègre pas un montant de revenus au-delà duquel tout le revenu irait à l’impôt… J’ajouterai, pour le qualifier, que cet amendement fleure bon la social-démocratie des années 1980. S’il ne fait pas consensus, il pourrait au moins rassembler une majorité autour de son objectif. Je me tourne vers Dominique Baert, qui a dû défendre de tels amendements dans le passé.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je souhaite remercier M. Woerth.

Je vous recommande, monsieur Woerth, pour que les Français soient parfaitement informés, de ne cesser de rappeler les mesures que vous aviez prises durant les cinq ans où vous étiez aux commandes. Ils comprendront ainsi le sort qui leur a été réservé et, éventuellement, celui auquel ils peuvent échapper…

M. Éric Woerth. Éventuellement.

M. Christian Eckert, rapporteur général. …du fait de la sanction des urnes.

Je vous en prie, continuez de rappeler l’ensemble des taxes et des mesures fiscales que vous avez mises en place. Vous nous rendez service !

M. Philippe Vigier et M. Jean-Christophe Lagarde. Vous ne les supprimez pas ces mesures !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Depuis le début, et j’imagine que cela va se prolonger, nous aurons le débat sur la question de savoir ce que nous conservons et ne conserverons pas.

M. Daniel Fasquelle. N’oubliez pas la Cour des comptes !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Dans la loi de finances rectificative du mois de juillet, vous n’avez cessé de nous dire que notre seul souci était de détricoter votre œuvre.

On l’a entendu sur tous les tons, sur tous les airs.

M. Marc Le Fur. Vous ne pouvez pas le nier.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Et voilà que vous vous faites les greffiers de ce que nous ne détricotons pas en nous reprochant aujourd’hui le contraire de ce que vous nous reprochiez au cours de l’examen de la loi de finances rectificative. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Christophe Lagarde et M. Philippe Vigier. Parce que vous changez tout le temps !

Mme la présidente. Je vous en prie, mes chers collègues.

M. Christian Eckert, rapporteur général. J’en viens à la question du barème.

Les amendements qui viennent d’être présentés ont des effets contraires à la volonté du Gouvernement et du rapporteur général, car ils alourdissent considérablement la charge du budget avec pour conséquence inévitable l’augmentation du déficit. Avis défavorable donc.

Quant à savoir ce que l’on garde ou non, permettez-moi seulement de vous rappeler que, s’il est une chose que l’on garde assurément, c’est la dette.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député, le Gouvernement est défavorable à votre amendement n° 470. Vous aurez remarqué qu’à peu de choses près, c’est le même amendement – avec la revalorisation à 2 % – que celui de l’opposition, auquel il a été donné un avis défavorable. Ne soyez pas étonné que le vôtre connaisse le même sort.

S’agissant de l’amendement n° 471, j’en comprends la finalité : rétablir la progressivité de l’impôt. Permettez-moi à cet égard de faire plusieurs remarques qui pourraient vous amener à le retirer.

Première remarque. Vous faites référence au début de l’instauration de l’impôt sur le revenu, avec son rendement en vitesse de croisière. Vous en appelez à revenir à cet esprit. Notons qu’il y a une différence de taille entre cette époque, que vous semblez regretter, et l’actuelle, à savoir l’existence de la CSG.

On ne peut donc faire comme si la CSG n’existait pas et en appeler à un barème de l’impôt sur le revenu qui serait restitué ab initio alors que la CSG demeure : cela ferait beaucoup.

Deuxième remarque. De fait, nous rétablissons la progressivité de l’impôt sur le revenu avec trois mécanismes. D’abord, nous instaurons un mécanisme de décote, de quarante et un euros. À cet égard, mesdames et messieurs de l’opposition, je ne crois pas qu’il s’agisse d’impudeur ou de pudeur. Chacun se doit d’assumer ce qu’il a fait ou ce qu’il fait. Il est incontestable que c’est la majorité passée, aujourd’hui opposition, qui a instauré le gel du barème pour deux ans.

M. Hervé Morin. C’est sûr.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Il n’est pas moins incontestable que c’est l’actuelle majorité qui…

M. Charles de Courson. …le maintient.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …assume sa part de l’effort à demander aux Français en maintenant ce gel du barème pour les revenus 2012 avec un impôt à acquitter en 2013, à ceci près que nous le corrigeons dans le bas de la distribution avec l’instauration d’une décote de quarante et un euros.

Souvenez-nous, mesdames et messieurs les députés qui avaient contribué aux travaux sous la législature précédente : lorsque le gouvernement précédent avait instauré le gel du barème, des parlementaires de la majorité de l’époque avaient suggéré – M. de Courson s’en souvient probablement –,…

M. Charles de Courson. Oui.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …qu’une décote soit non seulement instaurée, mais majorée de neuf euros.

M. Philippe Vigier. C’est vrai.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le gouvernement de M. Fillon, par la voix de Mme Pécresse, avait refusé.

Nous vous proposons maintenant une décote non pas de neuf euros, mais de quarante et un euros, c’est-à-dire que nous reprenons l’esprit qui était le vôtre pour atténuer l’effet du gel du barème dans le bas de la distribution. Mais il ne vous aura pas échappé que passer de neuf à quarante et un euros représente un effort nettement plus important en faveur du bas de la distribution.

Aussi, je comprends mal pourquoi vous vous opposez à cette décote majorée de quarante et un euros, puisque cela reprend une de vos idées, à ceci près que nous la majorons.

Monsieur le député Sansu, je vous indique qu’au-delà de ce premier mécanisme qui remet de la progressivité à l’impôt sur le revenu, il en est un deuxième avec l’instauration d’une tranche à 45 %. Cette tranche à 45 % maintient par ailleurs la surtaxe à l’impôt sur le revenu que la majorité précédente avait instaurée, de 3 et 4 %, selon que les foyers ont des revenus supérieurs à 250 000 euros ou 500 000 euros par part.

Tout cela renforce la progressivité.

Et surtout, il y a la disposition que nous nous apprêtons à examiner dans le corps du texte : imposer au barème de l’impôt sur le revenu les revenus du capital. Cette mesure est un très puissant facteur de progressivité de l’impôt sur le revenu.

M. Pierre-Alain Muet. Absolument.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Vous voyez bien que les ménages dont le taux moyen d’imposition est de 30 %, 35 %, voire le taux marginal de 41 %, paient – via les prélèvements forfaitaires libératoires excessivement généralisés ces dernières années – l’impôt sur leurs revenus du capital à un taux proportionnel de 19 %, 21 % ou 24 % au lieu de payer au taux moyen. Dès lors qu’ils le paieront vraisemblablement au taux marginal, le mécanisme de progressivité mis en place est extrêmement puissant.

Au regard de ces arguments qui vous démontrent, monsieur le député, que ce projet de loi de finances rétablit la nécessaire progressivité de l’impôt sur le revenu, vous pourriez peut-être retirer votre amendement. À défaut, j’appelle l’Assemblée à voter contre.

Mme la présidente. Retirez-vous vos amendements, monsieur Sansu ?

M. Nicolas Sansu. Monsieur le ministre, je vous sais très convaincant mais l’amendement que je vais retirer n’est pas celui que vous souhaitez : il s’agit de l’amendement qui concerne le seul dégel du barème et non la progressivité. De toute façon, je voterai l’article 2 revalorisant la décote car il n’est pas question pour nous d’accepter que les classes moyennes et moyennes inférieures soient affectées par le gel du barème.

M. Daniel Fasquelle. Mais c’est faux !

M. Nicolas Sansu. Je ne nie pas qu’il y ait un progrès dans la progressivité de l’impôt, je sais que l’IRPP devrait progresser en pourcentage des recettes fiscales de manière importante après ce projet de loi de finances. Mais ce qui nous importe ici, comprenez-le bien, c’est de poser la question de l’architecture fiscale, qui est à mon sens la question fondamentale des années à venir. Et puisque vous avez évoqué la CSG, sachez que nous attendons tous avec grand intérêt la révolution fiscale annoncée.

Mme la présidente. C’est donc l’amendement n° 470 que vous retirez, monsieur Sansu ?

M. Nicolas Sansu. Oui, madame la présidente. Il faut bien que je sois un petit peu isolé de temps en temps (Sourires.).

M. Patrick Ollier. Pas isolé, solitaire !

(L’amendement n° 470 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je trouve tout de même un peu curieux, madame la présidente, que le rapporteur général ne réponde pas à l’auteur de l’amendement mais s’adresse uniquement à la droite.

M. Dominique Baert. Vous ne pourrez pas dire que l’on vous néglige !

M. Charles de Courson. Le rapporteur général devrait respecter tous les membres de l’opposition, y compris les communistes ! Ils ont été élus démocratiquement. (Rires sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Même si nous voterons contre l’amendement de notre collègue, il faut bien reconnaître qu’il pose un vrai problème : la totale incohérence du barème.

M. Dominique Baert. Ça y est, il est reparti pour un tour !

M. Charles de Courson. Où en est-on ? On crée une tranche à 45 %, on maintient les deux majorations de 3 % et 4 %, ce qui donne donc 45 %, 48 % et 49 %, et soudain, on monte à 75 %, grâce à la super contribution exceptionnelle.

M. Hervé Morin. Assise sur les seuls revenus d’activité !

M. Charles de Courson. Assise sur les seuls revenus d’activité, nous y reviendrons plus longuement puisque vous protégez le grand capital et taxez les gens qui travaillent !

M. Philippe Vigier. Quelle cohérence !

M. Charles de Courson. C’est vraiment bricolage et incohérence.

L’amendement de notre collègue a le mérite de proposer une restructuration du barème afin que les choses soient claires. Quelle est donc la position du Gouvernement sur cet amendement que je qualifierai d’anti-bricolage ?

(L’amendement n° 471 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques, nos 702, 703, 704 et 705.

La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n° 705.

M. Philippe Vigier. Voici un amendement pour Jean-Marc Ayrault, notre Premier ministre, qui a déclaré, souvenez-vous, que neuf Français sur dix ne seraient pas concernés par l’augmentation de la fiscalité.

À Jérôme Cahuzac, qui a eu l’élégance de nous répondre tout à l’heure, je voudrais dire que nous avions regretté que la précédente majorité ne nous ait pas suivis lorsque nous avions proposé d’augmenter la décote de neuf euros.

Par ces amendements, nous proposons de revaloriser la décote pour la première, la deuxième et la troisième tranches afin que seuls 10 % des Français – les plus riches – paient plus d’impôt, comme Jean-Marc Ayrault l’a affirmé, alors que vos documents indiquent que 60 % des Français ne seraient pas concernés par la décote.

Vous avez certainement oublié, monsieur le ministre, qu’au plus profond de la crise – Éric Woerth s’en souvient –, nous avions supprimé un tiers provisionnel de façon à soulager les classes moyennes, qui étaient les plus affectées.

Par souci de justice fiscale, nous souhaitons que les redevables de l’impôt sur le revenu qui gagnent le moins, c’est-à-dire les classes moyennes, ne soient pas concernés par ces hausses massives. Nous saluons la revalorisation de la décote à laquelle vous procédez ; nous vous demandons simplement de l’amplifier de façon que seul un Français sur dix ait à payer plus d’impôt au lendemain de cette réforme fiscale.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n° 704.

M. Jean-Christophe Lagarde. Ces amendements permettront au Premier ministre de respecter les engagements qu’il a pris à la télévision, à savoir que seul un Français sur dix sera concerné par les hausses d’impôts.

Vous expliquez dans l’exposé des motifs du projet de loi que l’augmentation de la décote a pour but d’éviter à 7 millions de Français d’être affectés par le gel mais nous aimerions que le Gouvernement aille jusqu’au bout de cette logique et nous réponde à la question simple que Philippe Vigier a posé à M. le ministre de l’économie : combien de Français subiraient une augmentation de leur impôt sur le revenu si d’aventure ces amendements étaient repoussés ?

M. Daniel Fasquelle. Et nous lui souhaitons bon courage !

M. Jean-Christophe Lagarde. Si vous voulez que seul un Français sur dix soit concerné, conformément aux déclarations de M. Ayrault, alors il faut que le Gouvernement donne un avis favorable à nos amendements.

Mme la présidente. Les amendements n°s 702 et 703 sont défendus.

Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Mes chers collègues, je crois qu’il vous serait utile de lire le rapport de votre rapporteur général,…

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous posons la question au Gouvernement !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …qui a l’humilité de remercier l’ensemble des administrateurs qui ont travaillé à l’élaboration de ce rapport car vous imaginez bien que ce n’est pas moi qui ai tenu la plume pour rédiger ces volumes. Je voudrais saluer une fois de plus la qualité de leur travail.

Dans ce rapport, en effet, vous trouveriez les réponses aux questions que vous posez sans cesse et je voudrais vous indiquer où précisément puisque vous semblez avoir quelques difficultés à vous y retrouver.

Il s’agit tout d’abord du graphique de la page 25 du tome I qui récapitule, décile – vous savez ce que c’est : un dixième des personnes – par décile – jusqu’au dernier décile qui comprend les Français les plus favorisés – l’impact de l’ensemble des mesures envisagées, y compris le gel du barème. Et si vous aviez encore quelques questions, ce qui pourrait paraître légitime, je vous renvoie, mes chers collègues, au tome II. Vous y trouverez à la page 18 un autre magnifique tableau qui indique également l’impact par décile. Mme Dalloz, pourra trouver à la page 25, si elle oublie encore la réponse à la question précise qu’elle a posée tout à l’heure et pour laquelle elle avait déjà obtenu une réponse en commission, le niveau exact à partir duquel les contribuables sont affectés, compte tenu du gel du barème et de l’application de la décote. Deux exemples sont pris : celui d’un célibataire sans enfant et celui d’un couple sans enfant.

Mme Marie-Christine Dalloz. Oui, mais qu’en est-il de l’application du quotient familial ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Pour terminer, j’aimerais insister sur l’une des différences entre vous et nous.

Vous avez gelé le barème, vous l’assumez, comme M. Woerth l’a rappelé. Lorsque nous vous avons posé la question de savoir combien de nouveaux foyers fiscaux seraient désormais redevables de l’impôt sur le revenu, avec toutes les conséquences que cela implique en matière de paiement de la redevance télévisuelle et de paiement de la taxe d’habitation et de la taxe foncière, Gilles Carrez, alors rapporteur général, nous avait répondu 200 000 – un ordre de grandeur qui était correct puisque le chiffre exact, après application de la mesure, a été de 170 000. Et à ces 170 000 foyers qui sont devenus imposables sur le revenu, se sont ajoutés les foyers des première, deuxième et troisième tranches, pénalisés par le gel du barème.

M. Daniel Fasquelle. Ce n’est pas vrai.

M. Christian Eckert, rapporteur général. La moitié des foyers fiscaux ne sont pas touchés par le gel du barème puisqu’ils ne paient pas l’impôt sur le revenu – nous sommes d’accord. Mais comme nous sommes conscients que vous avez commis une erreur majeure en ne prenant pas garde aux foyers qui risquaient de devenir imposables du fait du gel du barème, nous prévoyons de majorer la décote.

M. Lamblin a proposé par amendement de supprimer la décote, ce qui est tout de même extraordinaire alors que vous vous dites protecteurs.

M. Philippe Vigier. Nous voulons revaloriser encore la décote !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Mais tous ces amendements qui ont pour objet de revaloriser le barème selon les tranches ne respectent par le principe de proportionnalité. Certes, vous pourrez toujours ergoter pour savoir s’il s’agit de la première ou de la deuxième tranche et si l’on prend en compte les foyers imposés à 0 %, mais les chiffres sont clairs, je vous renvoie à la page 25 du rapport.

La prise en compte de ces quelques lignes nous épargnerait de répondre à chaque fois aux mêmes questions.

Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. La rusticité de votre démarche, monsieur Vigier, monsieur Lagarde, n’empêche pas qu’elle soit efficace. Par vos amendements et par le débat qu’ils suscitent – auquel nous nous livrons bien volontiers –, vous tentez de faire apparaître le Gouvernement et ceux qui le soutiennent comme ceux qui sont responsables de l’augmentation des impôts due au gel du barème.

Je vous propose pour que les choses soient claires, au moins entre nous, de bien établir qui a fait quoi et qui assume quoi.

M. Daniel Fasquelle. Seul un Français sur dix concerné, oui ou non ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. C’est la majorité précédente qui a gelé le barème de l’impôt pour deux ans. Sur ce fait, nous pouvons être d’accord : c’est incontestable.

M. Dominique Baert. Il faut le dire et le redire !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. C’est la majorité précédente qui a pris cette décision en en escomptant deux années consécutives un rendement supplémentaire de 1,6 milliard à 1,7 milliard d’euros. Nous pouvons là encore être d’accord.

C’est la majorité précédente qui, ce faisant, a augmenté les impôts de tous ceux qui payaient déjà l’impôt sur le revenu et a astreint de nouveaux contribuables au paiement de cet impôt, soit un total de 18 millions de foyers fiscaux concernés. Le constat est objectif. Nous pouvons être d’accord encore une fois.

Dans l’actuel projet de loi de finances, il est également incontestable que le Gouvernement ne propose pas au Parlement de dégeler le barème de l’impôt sur le revenu. Dont acte. Au nom de quoi le nier ? Nous l’assumons parfaitement. Les raisons qui vous ont amenés à geler le barème de l’impôt sur le revenu lorsque vous étiez majoritaires demeurent les mêmes : l’État impécunieux, après dix ans de gestion pour le moins hasardeuse au plan budgétaire, a besoin de recettes supplémentaires. Là encore, nous ne pouvons qu’être d’accord. Nous assumons le maintien du gel du barème, tel que vous l’aviez décidé, pour les deux années 2012 et 2013.

La divergence entre nous arrive ensuite.

Quand le gel fut instauré par la majorité UMP, certains ont émis le souhait qu’une décote supplémentaire vienne renforcer celle qui existait déjà : je veux parler des centristes et de leur revalorisation de neuf euros. Le Gouvernement, en la personne de Mme Pécresse, s’y était opposé et le groupe UMP, seul majoritaire, avait refusé cette augmentation, ce qui a eu objectivement deux conséquences : la première, garantir les recettes supplémentaires que le Gouvernement espérait de cette mesure ; la deuxième, faire entrer dans le paiement de l’impôt sur le revenu des foyers fiscaux qui ne l’acquittaient pas jusqu’alors et faire payer davantage d’impôts sur le revenu aux foyers qui le payaient déjà.

Nous proposons une augmentation de la décote, non de neuf euros, mais de quarante et un euros. Pourquoi quarante et un euros ? Parce que nous pensons que c’est à ce niveau que l’on parvient à prévenir le plus efficacement possible des situations qui nous paraissent injustes : soit le passage de la première à la deuxième tranche, soit l’entrée dans le barème de l’impôt sur le revenu.

Nous en arrivons maintenant au cœur du débat. Vous estimez en effet que cette mesure est insuffisante, et vous souhaiteriez que l’on revienne davantage sur la mesure que vous aviez adoptée.

À mon tour de vous poser une question : si, lorsque vous étiez majoritaires, vous estimiez que cette disposition était légitime et nécessaire, pourquoi revenir aujourd’hui, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, sur votre jugement et votre vote de l’époque ?

Quels sont les éléments nouveaux qui vous amènent finalement à affirmer que vous vous étiez trompés…

M. Daniel Fasquelle. Un contribuable sur dix : oui ou non ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …et qu’il ne fallait pas geler le barème de l’impôt sur le revenu ? J’entends votre raisonnement, mais alors dites-nous en quoi vous estimez avoir fait une erreur, et pour quelles raisons vous demandez aujourd’hui à ceux qui vous ont succédé d’y remédier totalement.

De la même manière que le Gouvernement assume le gel du barème avec une décote majorée de 41 euros, assumez votre changement de position…

M. Daniel Fasquelle. Vous êtes au pouvoir aujourd’hui, c’est à vous d’assumer votre politique !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …en indiquant pourquoi vous estimez qu’il faut revenir sur une disposition que vous avez délibérément votée, non pas il y a cinq ou dix ans, mais l’année dernière, et affectant les revenus 2011 pour l’impôt 2012 comme les revenus 2012 pour l’impôt 2013.

M. Daniel Fasquelle. Un sur dix, oui ou non ?

Mme la présidente. Seul M. le ministre a la parole, je vous remercie.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur Fasquelle, si vous souhaitez intervenir, avec l’accord de Mme la présidente, j’arrête bien volontiers de m’exprimer.

Mme la présidente. Non, monsieur le ministre, c’est vous qui avez la parole.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Merci madame la présidente.

Je comprends que rappeler ce que M. Fasquelle a voté l’année dernière, c’est-à-dire le gel du barème pour les impôts acquittés en 2012 et 2013…

M. Daniel Fasquelle. Un sur dix, oui ou non ? Répondez à la question !

Mme la présidente. Seul M. le ministre a la parole !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …je comprends que cela le gêne !

M. Daniel Fasquelle. Ce sont nos questions qui vous gênent !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. De la même manière que nous assumons le maintien de cette mesure…

M. Daniel Fasquelle. Un sur dix, oui ou non ?

Mme la présidente. Seul M. le ministre a la parole. Je vous en prie, poursuivez, monsieur le ministre.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. M. Fasquelle est dans une forme éblouissante, j’aimerais que toute l’Assemblée en profite !

Mme la présidente. Allons, monsieur le ministre, je vous remercie de poursuivre.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. C’est un vrai bonheur !

Mme la présidente. Chacun se calme et écoute M. le ministre, merci beaucoup.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Nous assumons notre part de l’effort demandé aux Français ; peut-être pourriez-vous assumer ce qu’il y a un an à peine vous avez voté ! Je ne crois pas que la voix de M. Fasquelle ait manqué à l’époque…

M. Daniel Fasquelle. Répondez à la question !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …ni même que M. Ollier, alors membre du Gouvernement, ait manifesté une quelconque divergence d’opinion à ce sujet.

Naturellement, nous demandons le rejet de cet amendement. Chacun comprend bien le sens politique de la démarche ainsi proposée, de même que les raisons de la virulence avec laquelle vous nous interpellez et posez des questions auxquelles les réponses sont évidemment apportées.

M. Daniel Fasquelle. Non, c’est faux !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je suggère donc à chacun d’assumer ses actes sans reprocher aux autres ce qu’il a ou va faire ; le débat y gagnera peut-être.

Certes, je conçois qu’après une défaite électorale pénible…

M. Daniel Fasquelle. Pénible pour les Français ! Vous les avez trompés, voilà la vérité !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …l’on ressente une certaine amertume dans les semaines ou les mois qui suivent ; ayant déjà connu l’échec en tant que parlementaire, je vous en parle avec tout le respect dû à ceux qui ont été battus.

Mais pour avoir été précisément parlementaire de l’opposition, je peux vous assurer que cette amertume se dissipe assez vite dans le travail que l’opposition se doit de conduire. Celui-ci sera d’autant plus efficace que ces parlementaires assumeront pleinement leur bilan après dix années passées au Gouvernement. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Je ne comptais pas intervenir, mais je le ferai tout de même car, une fois de plus, le ministre s’est tourné vers le passé – le passé de l’an dernier.

M. Daniel Fasquelle. C’est un homme du passé !

M. Christian Jacob. Et même un homme dépassé !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Il existe une grande différence entre l’an dernier et aujourd’hui. L’an dernier, notre débat s’était tenu dans un souci de transparence et de responsabilité, tandis que cette année, sur le même sujet, il s’est déroulé dans la plus grande dissimulation. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

L’an dernier, nous avions en effet assumé le gel du barème dans toutes ses conséquences, notamment l’entrée d’un certain nombre de contribuables dans la première tranche à 5,5 %.

À peine plus d’un Français sur deux paye l’impôt sur le revenu : nous avons toujours affirmé que cette singularité, véritable exception française, devait être progressivement corrigée, car l’hyper concentration de l’impôt sur le revenu pose un réel problème. Cela, nous l’avons assumé.

Nous avions certes examiné l’an dernier, ainsi que M. de Courson le rappelait tout à l’heure, la question des effets secondaires vraiment problématiques de cette mesure pour les contribuables devenant imposables, certains avantages étant en effet attachés au fait de ne pas être imposable, comme pour les impôts locaux ou la redevance audiovisuelle.

Lors de l’examen de cette question, j’avais essayé de donner en toute transparence une évaluation du nombre de personnes concernées. En dépit de la difficulté à collecter les données, j’avais estimé ce nombre à 150 000 personnes. Je ne m’étais pas trompé de beaucoup, puisque le rapporteur général l’établit aujourd’hui à 170 000 personnes.

Mme Sandrine Mazetier. Ce n’est pas vrai !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Mais, chers collègues, nous l’avons totalement assumé !

Que s’est-il passé ces dernières semaines ? Tout d’abord, voilà quinze jours, le Premier ministre nous a expliqué à la télévision et à une heure de grande écoute que ce budget n’entraînerait de hausse d’impôts que pour à peine un contribuable sur dix.

M. Daniel Fasquelle. On ment aux Français, voilà la vérité !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Puis, nous avons reçu communication du texte du projet de loi de finances ainsi que des études d’impact – je vous invite à les lire – dans lesquels il est impossible de trouver le nombre de contribuables qui bénéficieront du dégel partiel du barème. Pendant les quinze jours qui ont suivi, la dissimulation a été poussée à l’extrême, les ministres eux-mêmes laissant finalement entendre que le dégel porterait sur les deux premières tranches.

Pour quelqu’un d’honnête, cette formulation recouvre évidemment les deux premières tranches d’imposition, autrement dit la tranche à 5,5 % et celle à 14 %. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Or, pas du tout ! C’est seulement la semaine dernière que nous avons compris que les deux premières tranches incluaient la tranche à 0 % !

M. Philippe Vigier. Exactement !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Le raisonnement du Gouvernement consiste donc à dire que si vous ne payez pas d’impôts…

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Allez-y tranquillement !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, nous vous avons écouté tranquillement ; c’est la première fois que je prends la parole ce matin, et j’essaye d’expliquer la situation. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-François Lamour. Ne vous laissez pas faire !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Tout cela est regrettable. (Mêmes mouvements.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, merci d’écouter M. le président de la commission.

M. Gilles Carrez. Votre rôle aurait consisté à reconnaître que vous aviez inclus la tranche à 0 % dans les deux premières tranches.

Or, vous vous êtes contenté d’affirmer qu’un contribuable ne payant pas d’impôt allait en payer encore moins grâce à la décote. Nous ne souscrivons pas à ce raisonnement !

Ce n’est qu’en lisant la page 25 de l’excellent rapport de M. le rapporteur général que nous avons découvert la réalité, à savoir que seuls 7,2 millions de foyers imposables sur 19 millions bénéficieront du dégel.

Faites le rapport : 7,2 millions sur 19, cela fait un peu plus d’un tiers. Cela signifie donc que deux tiers des ménages imposables, qui appartiennent aux classes moyennes, subiront une augmentation de leurs impôts, et non pas seulement un sur dix comme le Premier ministre l’avait indiqué lors de son intervention télévisée. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC – « Très bien ! » sur plusieurs bancs des groupes UMP et UDI.)

Sur le fond, monsieur le ministre, vous avez parfaitement rendu compte des débats. Mais en tant que président de la commission des finances, j’ai le souci de la transparence : nous devons expliquer les choses telles qu’elles sont, ce que vous n’avez pas fait ces trois dernières semaines.

M. Jean-François Lamour. Très bien !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Si vous n’en avez rien fait, c’est qu’après avoir eu des mots très durs l’an dernier pour critiquer le gel du barème, vous le conservez cette année pour l’essentiel. Nous ne vous le reprocherons pas !

Le seul reproche que nous vous faisons, c’est de ne pas dire la vérité, comme vous devriez pourtant le faire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Étienne Blanc. C’est un vrai socialiste : il ne dit jamais la vérité ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Ce jugement tout en nuances vous honore, monsieur le député ! Du moins j’imagine que vous le pensez…

Monsieur le président de la commission des finances, le débat peut parfaitement se dérouler avec les plus grandes qualités sans que le ton ne monte. Si je vous ai offensé en remarquant que, peut-être, votre intervention atteignait un débit et un nombre de décibels qui ne servaient en rien ce débat, je le regrette.

Cependant, sur le fond, je vous remercie d’avoir compris que nous gagnerions tous à échanger comme nous en avons l’habitude, c’est-à-dire de manière très paisible et intellectuellement honnête.

M. Jean-François Lamour. Venons-en au fait !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le gel du barème, dont nous assumons le maintien après que la majorité précédente l’a décidé pour deux ans…

M. Jean-François Lamour. On en reparlera au prochain collectif budgétaire !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …ce gel du barème, accompagné d’une majoration de 41 euros de la décote, revient à faire porter – la confusion vient peut-être de là – 90 % de l’effort sur 10 % des contribuables.

M. Hervé Mariton. Quel aveu ! Vous n’aviez jamais présenté les choses comme cela jusqu’à présent !

Mme la présidente. Je vous remercie d’écouter M. le ministre.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Vous avez le droit, monsieur Mariton, de vous inspirer de la philosophie de l’aveu, qui plonge ses racines assez profondément dans une conception de la culpabilité collective ou individuelle.

Pour ma part, je ne souscris pas à cette philosophie : cela ne relève pas de l’aveu…

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Non, mais ce n’est pas maladroit !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …mais du souci de transparence manifesté par le Gouvernement à l’égard de la représentation nationale.

Je suis certain, monsieur Mariton, que cette référence à la culture de la culpabilité et de l’aveu révèle en fait votre philosophie première. Quoi qu’il en soit, la représentation nationale a droit à cette information – ce n’est pas un aveu, et encore moins une reconnaissance d’une quelconque culpabilité – que 90 % des efforts seront donc assumés par 10 % des contribuables, ce qui signifie, a contrario, que 10 % de l’effort seront assumés par les 90 % autres.

Vous estimez que c’est une injustice épouvantable ; nous estimons au contraire que cette réforme de la décote permet de corriger les effets que nous condamnions l’année dernière lorsque, sans nuance et de manière brutale – au point que même les parlementaires de la précédente majorité en furent gênés –, le gouvernement de M. François Fillon, par la voix de Mme Pécresse, avait gelé le barème de l’impôt sur le revenu sans retenir la proposition d’amodiation faite à l’époque par les centristes, qui visait à augmenter la décote de neuf euros.

Maintenant que nous nous sommes expliqués, que les choses sont dites, notamment au travers des différentes études d’impact et dans l’exposé des motifs, l’Assemblée est suffisamment éclairée ; je vous propose donc d’avancer dans nos débats.

Vous souhaitiez obtenir des explications, c’est bien volontiers que je vous les ai données. Vous pouvez désormais donner acte au Gouvernement que cette réforme de l’impôt sur le revenu fait porter 90 % de l’effort sur 10 % des foyers.

M. Étienne Blanc. C’est un peu tardif !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Étant donné la façon dont vous avez salué mon intervention, monsieur Blanc, je préfère ne pas vous répondre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Chers collègues, je vous rappelle que sommes dans la discussion commune de plusieurs amendements. Je vais donner la parole à cinq orateurs, pour une minute chacun.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je me félicite que l’amendement de notre groupe ait suscité un tel débat : enfin, on dit la vérité !

Sur les 18 millions de personnes imposables, la mesure proposée par le Gouvernement n’en concerne que 7,3 millions : ce sont donc 11 millions de personnes qui sont frappées, soit 30 % des foyers !

Notre amendement vise à sauver M. Ayrault, qui prétendait que seuls 10 % des foyers étaient concernés. Votez donc notre amendement !

Nous, centristes, nous sommes toujours montrés cohérents, parce que nous nous sommes déjà battus pour le système de décote, comme l’a justement rappelé M. le ministre.

Je souhaiterais cependant répondre à M. le rapporteur général, dont vous avez certainement tous lu le petit opuscule, même s’il n’est paru que cette nuit (Sourires), notamment sa page 25.

Pouvez-vous, monsieur le rapporteur général, nous expliquer pourquoi la répartition par décile, par centile, etc. pour les tranches les plus élevées, ne porte que sur 4,9 milliards de mesures ? Vous en avez oublié 9 milliards !

M. Philippe Vigier. Et voilà l’explication !

M. Charles de Courson. Il y a 14 milliards d’augmentation de prélèvements sur les ménages : ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’article 13 de la loi de programmation, monsieur le rapporteur général !

Mme la présidente. Merci monsieur de Courson, vous aurez l’occasion d’y revenir.

M. Charles de Courson. Et bien entendu, vous ne tenez pas compte des heures supplémentaires, ni de beaucoup d’autres choses…

Mme la présidente. Merci monsieur de Courson !

La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Messieurs les ministres, je m’efforce de faire preuve d’honnêteté intellectuelle. L’an dernier, nous avons voté la non-indexation du barème de l’impôt sur le revenu et nous avions considéré que cette mesure vaudrait pour deux ans.

Mes chers collègues, je vous ferai remarquer que, comme les Français ont voté pour le changement (Rires sur les bancs du groupe SRC), ils pensaient que vous seriez contre cette mesure. Votre ultime argument, monsieur le ministre, est de nous dire que nous l’avions fait avant vous. Permettez-moi de vous dire qu’il s’agit d’un argument de cour d’école !

La non-indexation du barème de l’impôt sur le revenu peut se concevoir, toutes choses étant égales par ailleurs, mais cette mesure percute une décision que vous avez prise au mois de juillet dernier concernant les heures supplémentaires. 9 millions de nos compatriotes effectuaient des heures supplémentaires, ce qui représentait pour eux un gain de plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines d’euros par mois, c’est-à-dire plusieurs milliers d’euros chaque année. Mais comme vous avez supprimé la défiscalisation des heures supplémentaires, certains d’entre eux vont devoir acquitter l’impôt.

Monsieur le ministre, comme vous prétendez que la non-actualisation ne vaut que pour cette année, je suppose que cela veut dire qu’il y aura une revalorisation l’an prochain, c’est-à-dire pour les impôts que nos compatriotes devront verser en 2014. Je souhaite donc que vous nous précisiez dès maintenant quelles en seront les modalités. Ainsi, nous pourrons en débattre dès l’examen de la deuxième partie de la loi de finances.

M. Étienne Blanc. Le Gouvernement navigue à vue !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. D’abord, je veux remercier le ministre d’avoir reconnu que les centristes ont toujours été cohérents sur le sujet.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je n’ai jamais dit cela !

M. Jean-Christophe Lagarde. Si, et vous l’avez même dit à deux reprises ! Ensuite, je vous prie de m’excuser de ma rusticité, même si je ne suis pas sûr que ce soit le rôle du Gouvernement de distribuer des bons points aux parlementaires. En tout cas, s’en dispenser me semblerait la meilleure manière d’agir.

Ma rusticité me conduit à vous demander de répondre à la question suivante : en raison du gel du barème, mesure à laquelle nous ne sommes pas forcément opposés, et bien que vous acceptiez une décote supérieure à celle que nous proposions l’an dernier, combien de contribuables vont voir leur impôt sur le revenu augmenter ?

Le rapporteur général a indiqué que c’était lui qui donnait la réponse. J’ai toute confiance dans le rapporteur général, mais il peut lui arriver de faire des erreurs.

M. Christian Eckert, rapporteur général. À vous aussi !

M. Jean-Christophe Lagarde. Comme j’ai encore plus confiance dans le Gouvernement, j’aimerais que ce soit lui qui livre ce chiffre à la représentation nationale. Tout à l’heure, le président de la commission des finances a indiqué que ce chiffre était quelque peu incertain. Monsieur le ministre, je ne doute pas que vous l’ayez. Alors, donnez-le nous !

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Le Premier ministre a indiqué que neuf contribuables sur dix ne seraient pas touchés par une augmentation d’impôts. Du reste, j’imagine que les Français qui l’ont écouté ont compris qu’il s’agissait de neuf personnes, neuf ménages sur dix. Mais nous n’avons pas de réponse quant aux modalités de calcul qui permettent d’affirmer cela, tout simplement parce que c’est faux.

Je répète au Gouvernement – qui l’écrit d’ailleurs lui-même – que la situation des finances publiques ne permet pas de procéder à une indexation générale du barème de l’impôt sur le revenu au titre des revenus de 2012. Je ne vois donc pas pourquoi la situation économique de l’année dernière l’aurait permis.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Je suis très étonné d’un tel débat. Les mesures fiscales ont toujours été appréciées par rapport à l’existant, c’est-à-dire le gel du barème qui touchait tout le monde. Si le gel du barème était demeuré en l’état, nous aurions conservé l’existant. Contrairement à ce que dit M. Lagarde, cela n’aurait pas augmenté la pression fiscale sur les contribuables. Nous annulons ce qui était le plus choquant : l’entrée de 150 000 contribuables, c’est-à-dire des ménages plus modestes dans le barème. Ce que nous faisons va donc redonner du pouvoir d’achat. Je ne comprends pas comment M. Lagarde peut prétendre que les contribuables seront plus imposés : par rapport à l’existant ils le seront moins, voilà la réalité !

Mme la présidente. Vous êtes très nombreux à vouloir vous exprimer, mais vous aurez l’occasion de le faire lors de l’examen des amendements suivants.

(Les amendements identiques nos 702, 703, 704 et 705 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisi de cinq amendements identiques, nos 242, 698, 699, 700 et 701.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 242.

M. Hervé Mariton. Cet amendement a le mérite d’aider le Gouvernement à faire ce qu’il annonce dans une pratique qui s’appelle la restriction mentale – d’autres parleraient d’hypocrisie, voire d’approximation de la réalité. Le Gouvernement a voulu faire croire aux Français que les contribuables des deux premières tranches bénéficiaient de la décote. En réalité, votre mesure bénéficiera à ceux qui ne seront pas susceptibles, y compris en cas de gel du barème, de payer l’impôt sur le revenu et qui n’en profiteront donc en rien... Il est assez remarquable, politiquement parlant, de chercher à tirer profit d’une mesure qui aura le grand avantage de ne rien coûter puisqu’elle ne profitera à personne ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

Le gel du barème de l’impôt sur le revenu profitera à un certain nombre de nos concitoyens, mais ceux auprès desquels vous la revendiquez n’en tireront aucun défaut ni aucun bénéfice.

Monsieur le ministre, la restriction de pensée peut valoir en dialectique, c’est une figure de philosophie sympathique, mais ce n’est en rien une figure de gestion des finances publiques.

Revenons-en aux grands auteurs, notamment M. Moscovici.

M. Dominique Baert. Quelle belle référence !

M. Hervé Mariton. Mardi après-midi, vous avez déclaré à cette tribune : « 70 % du rendement est concentré sur les 20 % des ménages les plus favorisés ». Pour ma part, j’avais entendu 30 %, mais le compte rendu des débats fait état de 20 %. Je me fie donc à l’auteur et au compte rendu.

Quant à Jean-Marc Ayrault, autre grand auteur, il a indiqué : « L’effort portera simplement sur un Français sur dix ».

Et nous venons d’entendre le ministre délégué corriger les choses puisqu’il précise que 90 % de l’effort portera sur un Français sur dix, les 10 % restants étant répartis sur tout le monde.

Vous nous dites donc pour votre part que 70 % du rendement sera concentré sur 20 % des ménages ; cela veut donc dire que 30 % du rendement sera réparti sur des ménages qui ne sont pas dans les 20 %. Ce qui est clair, c’est que soit M. Ayrault ment, soit M. Moscovici ment, soit M. Cahuzac ment. Choisissez lequel est le plus grand menteur ! (« les trois ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n° 698.

M. Charles de Courson. Je suis très étonné que le rapporteur général ait essayé de contrer un amendement centriste qui ne visait qu’à améliorer l’article 2, amendement qui est dans la droite ligne de la position qu’ils ont toujours adoptée, y compris lorsqu’ils étaient dans la majorité, et, en utilisant un argument tiré de la page 25 du tome I du rapport général. M. Eckert y indique en effet que les hausses d’imposition supportées par les ménages s’élèvent à 4,9 milliards d’euros. Or, l’incidence sur les ménages de la loi de finances rectificative de 2012, de la loi de finances initiale pour 2013 et de la loi de financement de la sécurité sociale, représente 14 milliards. Pourquoi n’a-t-il pas tenu compte des 10 autres milliards ? Le rapporteur général n’a toujours pas répondu à cette question essentielle.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Morin, pour soutenir l’amendement n° 699.

M. Hervé Morin. Nous venons d’entendre le ministre délégué chargé du budget nous expliquer que le Premier ministre s’était trompé ou avait menti aux Français lorsqu’il avait déclaré que neuf Français sur dix ne verraient pas la pression fiscale augmenter. En vérité, ce sont 100 % des Français qui vont voir leurs impôts progresser.

Alors que nous débattons, nous venons d’apprendre que 11 millions des foyers fiscaux payant l’impôt sur le revenu verraient leur imposition augmenter. À cela, il faut ajouter l’ensemble des dispositifs qui ont été annoncés en commission des affaires sociales lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale : la taxation sur la bière, le nouveau prélèvement de 0,3 % sur les retraites, la contribution sur le transport de l’électricité pour financer les déséquilibres des régimes spéciaux. Ce paquet fiscal pèse donc pour 5 milliards d’euros et ce sont 36 millions de foyers fiscaux qui seront concernés par l’ensemble de ces mesures, c’est-à-dire le plus grand matraquage fiscal.

Ce matraquage fiscal ne concerne pas seulement les plus aisés, mais tous les Français.

M. Pascal Terrasse. Surtout les buveurs de bière !

M. Hervé Morin. Je me suis livré à un calcul très simple. Un couple dont chaque membre gagne 1 600 euros par mois – c’est le revenu moyen – et ayant deux enfants verra l’ensemble des contributions complémentaires qu’il sera amené à verser au cours de l’année 2013 s’élever à 1 000 euros.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Mais vous plaisantez ! Vous dites n’importe quoi ! Pourquoi pas 2 000 euros tant que vous y êtes ?

M. Hervé Morin. Voilà ce que les socialistes appellent la justice fiscale.

Avec l’assèchement des conditions du financement de l’économie française, avec toutes les mesures concernant la taxation des plus-values, des dividendes, avec la tranche d’imposition à 75 %, vous avez mis en place toutes les conditions pour que la France connaisse une récession sans précédent depuis 1945. Ce sera votre responsabilité.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Monsieur Morin, venez en commission et vous verrez que ce que vous dites est faux !

M. Hervé Morin. Non, c’est la vérité !

Mme la présidente. L’amendement n° 700 est défendu.

La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n° 701.

M. Philippe Vigier. Monsieur le rapporteur général, vous ne pouvez pas dire que nous ne sommes pas constructifs car nous avions proposé une décote mais nous n’avions pas été suivis.

Pour votre part, vous proposez une décote et nous, nous vous proposons d’aller plus loin pour que cet objectif d’un contribuable seulement sur dix soit concerné.

M. Dominique Baert. Vous ne faites des propositions que quand vous êtes dans l’opposition !

M. Philippe Vigier. À la non-indexation du barème de l’impôt sur le revenu s’ajoutent toutes les fiscalités qu’Hervé Morin vient de rappeler et qui sont contenues dans la loi de finances rectificative, le projet de loi de finances initiale et le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Hier encore, les personnes âgées ont appris que la contribution sur les retraites, qui devait être initialement de 0,15 %, serait finalement de 0,3 %.

M. Hervé Morin. Eh oui !

M. Philippe Vigier. Arrêtez donc de dire que seul un Français sur dix verra ses impôts augmenter.

Il est indispensable que la représentation nationale soit éclairée : avec le cocktail que vous avez élaboré depuis le mois de juillet, combien de Français seront touchés ?

M. Hervé Morin. 100 % !

M. Philippe Vigier. Nous vous tendons une dernière perche qui consiste à remonter la décote et qui vous permettra d’approcher au moins l’objectif de ne toucher qu’un Français sur dix. Aidez le Premier ministre, il en a besoin !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. J’invite certains de nos collègues à éviter les caricatures et les raccourcis qui ne reposent sur rien. C’est votre cas, monsieur Morin, puisque ce que vous avez dit ne repose sur rien.

M. Pascal Terrasse. Comme d’habitude !

M. Christian Eckert, rapporteur général. On s’étonne que nos concitoyens soient écœurés par ce type de posture.

M. Philippe Vigier. Il y a de quoi !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Quand vous faites ce type de discours, monsieur Morin, c’est à nous tous que vous ne rendez pas service. Cela fait des jours que nous travaillons, en commission et ici, et vous venez là déclamer – certes sur un ton un peu moins professoral que certains de vos collègues – que vous avez fait vos calculs et que tel couple qui est dans telle situation paiera 1 000 euros supplémentaires. Ce n’est pas très valorisant pour le travail parlementaire que nous faisons ici avec calme, sérénité, patience et pédagogie. On peut venir cinq minutes pour essayer de faire une image, mais il faut s’attacher un peu plus au fond qu’à la posture.

Vous me demandez sans cesse combien de Français vont payer plus d’impôts l’année prochaine. Je vais prendre quelques exemples. Il y a des Français qui ne travaillaient pas l’année dernière – ou plutôt il y a deux ans. Il y en a, pas suffisamment c’est vrai, qui ont trouvé un travail et obtenu un salaire : ceux-là, indépendamment du gel du barème, paieront plus d’impôts que quand ils n’avaient ni emploi ni revenu. Nous pouvons au moins être d’accord sur ce point.

M. Marc Le Fur. Ils ne sont pas très nombreux !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ils ne sont pas suffisamment nombreux, en effet, mais c’est le résultat d’une certaine gestion, n’y revenons pas.

Il y a une deuxième catégorie de Français qui paieront plus d’impôts et cela ne me paraît pas complètement anormal : prenons l’exemple d’un salarié qui gagnait une certaine somme en 2011 et qui a gagné un peu plus en 2012, car l’évolution de carrière, la négociation salariale, font que, bon an mal an, les salaires augmentent.

M. Étienne Blanc. Ces Français-là ne sont pas très nombreux non plus !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Tous les économistes reconnaissent que l’augmentation de la masse salariale du pays est de 1 à 1,5 %. Ceux qui ont bénéficié d’une promotion, qui ont négocié une augmentation de salaire – même si c’est inférieur à l’inflation – ceux-là, gel du barème ou non, paieront plus d’impôts l’année suivante, en euros, et c’est bien naturel.

Ceux qui vont payer plus sont ceux qui ont eu un salaire supplémentaire ou une augmentation de salaire. Or, depuis plus d’une heure, vous êtes en train de parler de ceux qui vont payer proportionnellement plus. C’est sur eux que le gel du barème a un impact. Ce fameux événement que tout le monde redoute, ce changement de tranche, quel en est l’impact ? Cela veut dire tout simplement que la fraction de salaire supplémentaire qui leur aurait fait franchir une tranche sera taxée différemment, mais uniquement cette fraction supplémentaire qui, au lieu d’être taxée à 5,5 %, le sera à 14 %. Mes chers collègues, je ne dis pas que ce n’est rien : c’est cela l’effort que nous demandons aux Français, en disant que ceux qui sont au début du dispositif, avec la décote, ne seront pas touchés.

Vous pouvez faire des coin-coin et des couacs-couacs…

M. Philippe Vigier. Les couacs, c’est au sein du Gouvernement… (Sourires.)

M. Christian Eckert, rapporteur général. …c’est de cela dont nous parlons. Moi, je suis incapable d’évaluer combien de Français ont trouvé du travail et vont entrer de nouveau dans l’impôt, combien de Français qui par une augmentation si modeste soit-elle vont avoir un revenu supplémentaire et un impôt calculé un peu différemment, sachant que plus le revenu augmente, ce qu’on ne peut que souhaiter, plus on paie, proportionnellement.

Le Gouvernement et votre rapporteur général vous disent avec modestie que tel est le dispositif. Le gel, vous l’aviez voté ; nous, nous nous arrangeons, avec la décote, pour que les premiers « morceaux » ne soient pas touchés.

Monsieur de Courson, avec votre ton éminemment comminatoire vous avez critiqué mon argument sur la page 25. La mesure dont nous parlons a un rendement, le ministre l’a dit, de l’ordre de 1,5 milliard. Vous avez l’air de dire que mon tableau ne porte pas sur tout. Si, mon tableau porte sur tout : il porte sur 4,9 milliards, c’est-à-dire sur les incidences de toutes les mesures qui sont dans ce projet de loi de finances initial.

Mes chers collègues, ce projet de loi de finances initial ne traite que de ce qui est dans la loi de finances, ni plus ni moins.

M. Charles de Courson. Ce n’est pas ça le problème, c’est l’ensemble !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Nous aurons l’occasion, comme nous l’avons fait hier en commission, de discuter du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, mais par souci de clarté, veuillez bien distinguer, dans notre débat, la loi de finances initiale, le projet de loi de financement de la sécurité sociale et la loi de finances rectificative de juillet, parce que vous ne cessez de mélanger ces trois textes. On pourrait remonter aussi à vos lois de finances initiales, à vos lois de finances rectificatives et il y en a eu beaucoup… Par souci de clarté, tenons-nous-en à cet article 2.

Ces amendements sont dans le même esprit que les précédents. Pour toutes les raisons que j’ai indiquées – et je serai plus bref la prochaine fois –, avis défavorable.

M. Étienne Blanc. Vous venez de faire le grand Eckert ! (Sourires sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Pierre Moscovici, ministre. Je suis très heureux de participer à ces débats aux côtés du ministre du budget et les figures de rhétorique que vous utilisez sont tout à fait intéressantes : on entend un peu de déni, beaucoup d’amnésie, énormément de manipulation et surtout de colossales finesses pour chercher je ne sais quelle contradiction entre les « bons auteurs » que vous avez cités et dont je me revendique – je ne parle pas de moi-même…

Puisque vous cherchez des chiffres, je vais vous en donner quatre.

Pour le premier, imaginons dans un effort de politique-fiction que la précédente majorité ait été reconduite : les choses seraient extrêmement simples, puisque 100 % des Français paieraient davantage d’impôts, qu’il s’agisse du gel du barème…

M. Pierre-Alain Muet. C’est vrai !

M. Pierre Moscovici, ministre. …ou de la TVA sociale, qui s’appliquerait depuis le 1er octobre et qui aurait ponctionné le pouvoir d’achat des ménages de 11 milliards d’euros. Voilà le premier chiffre, il est simple : 100 %. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Le deuxième chiffre, c’est celui du Premier ministre, que je veux confirmer ici. Jean-Marc Ayrault l’a dit et il avait raison : en effet, il y aurait eu, si on ne prend en compte que le projet de loi de finances, 4,1 millions de perdants, autrement dit un Français sur dix.

Troisième série de chiffres, c’est celle que Jérôme Cahuzac a mentionnée tout à l’heure : si on inclut le gel du barème – et nous sommes d’une extrême bonne foi, il l’a expliqué, revendiqué –, ce sont 90 % du rendement qui sont concentrés sur les 10 % les plus aisés.

M. Charles de Courson et M. Hervé Morin. Ce n’est pas nouveau !

M. Pierre Moscovici, ministre. Enfin, vous m’avez cité, monsieur Mariton : en présentant le budget, lorsque j’ai évoqué les 70 % de recettes supportés par les 20 % les plus aisés, j’incluais alors – et j’étais également de bonne foi – tout ce qui fait masse, c’est-à-dire le projet de loi de finances, le projet de loi de financement de la sécurité sociale, la loi de finances rectificative, sans inclure la TVA sociale. Voilà la vérité des chiffres !

M. Philippe Vigier. Pas du tout !

M. Pierre Moscovici, ministre. Vous essayez de nous faire payer vos propres turpitudes : nous proposer un amendement qui coûterait 5 milliards d’euros alors que vous nous avez laissé un déficit et une dette considérables, c’est exagéré, c’est même assez gonflé !

L’effort que nous faisons, nous l’assumons, parce qu’il faut le faire, monsieur Morin, non pour créer de la récession dans ce pays, mais parce que nous pensons que le désendettement est un facteur de compétitivité et de relance de la croissance.

Nous menons notre politique, qui n’est pas la vôtre, et notre politique s’inspire d’un concept qui a été étranger à vos vues pendant cinq ans, la justice ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Monsieur le rapporteur général, vous nous dites que des gens vont voir leur impôt augmenter parce que leur situation s’améliore : ce sont des propos de bon sens, qu’on aurait pu tenir il y a dix ans, il y a quinze ans et qu’on pourra tenir dans vingt ans.

Ce n’est pas le sujet : vous avez des gens qui, naguère, n’étaient pas fiscalisés pour les heures supplémentaires et qui vont l’être désormais. Vous n’en tenez pas compte, mais j’insiste : cela touche neuf millions de nos compatriotes !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Non !

M. Marc Le Fur. Je remercie M. de Courson d’avoir mis en évidence ce qui est à l’évidence une malhonnêteté intellectuelle, page 25 de votre rapport. Vous prenez les déciles et on a le sentiment que ce sont les déciles les plus aisés qui vont payer plus, mais vous n’intégrez pas dans ce calcul les mesures que nous avons prises en juillet, pas plus que les conséquences – en particulier pour les revenus les plus modestes – de la non-indexation de l’impôt sur le revenu. Il y a là, objectivement, une malhonnêteté intellectuelle.

Je vous rappelle que nos compatriotes sont en train de se rendre compte des effets des mesures que vous avez prises en juillet. Ils sont en train de s’en rendre compte pour ceux d’entre eux qui sont mensualisés en heures supplémentaires : à la fin septembre, ils nous l’ont dit. Ceux qui sont annualisés vont s’en rendre compte à la fin de l’année ou en début d’année prochaine. Et ceux qui n’auront pas été très attentifs s’en rendront compte en 2013, lorsqu’ils déclareront l’impôt sur le revenu de 2012. Petit à petit, les Français vont découvrir une mesure qui leur avait échappé : ceux qui travaillaient plus vont payer plus d’impôts alors que leurs revenus n’augmenteront pas.

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier. M. Le Fur vient de dire l’essentiel, mais je voudrais m’interroger et vous interroger, monsieur le ministre, sur la parole publique.

Où est la vérité ? Où est la parole publique ? Est-elle dans cet hémicycle, dans un débat extrêmement technique portant sur des sujets auxquels le contribuable ne comprend pas grand-chose, ou bien dans l’affirmation d’un Premier ministre dans une émission à grande écoute lorsqu’il dit que seulement un Français sur dix sera concerné ?

La parole publique a une valeur. Nous nous battons pour la transparence et pour la crédibilité de cette parole publique. Monsieur Eckert, avec beaucoup de courtoisie et j’apprécie d’ailleurs votre courtoisie dans le débat, vous nous parlez de « posture » : ce n’est pas une posture, c’est une interrogation sur la valeur de la parole publique. Quand on cumule le projet de loi de finances, la loi de finances rectificative et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, la parole publique du Premier ministre, qui dit aux Français que l’augmentation de la fiscalité ne touche qu’un Français sur dix, n’est pas crédible.

En effet, vous êtes en train de nous expliquer que le cumul de toutes ces décisions dépasse largement la proportion d’un Français sur dix. Et tout à l’heure, au sujet de la page 25, M. Carrez a fort bien expliqué que ce sont les deux tiers des Français qui sont concernés et non un Français sur dix.

La perception qu’ont les Français quand le Premier ministre parle d’un Français sur dix ne concorde pas avec les explications que vous nous avez données. Allez ce soir au journal de 20 heures pour expliquer qu’il s’agit seulement du projet de loi de finances ; mais, quand on cumule toutes les mesures prises, ce sont plus des deux tiers des Français qui sont concernés. Voilà la vérité.

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Carré.

M. Olivier Carré. Sur cette question des heures supplémentaires, j’ajouterai un autre chiffre : dans « Voies et Moyens 2012 », l’estimation des recettes fiscales perdues est de 1,4 milliard. Or, cette somme fait partie des recettes attendues, dans les projections de recettes supplémentaires à partir de 2013 : c’est bien 1,4 milliard que vont payer ceux qui bénéficiaient de l’exonération d’impôts sur les heures supplémentaires. C’est six à sept fois plus que ce que paieront les contribuables les plus fortunés, nous y reviendrons.

Ce qui m’amène à poser une question au rapporteur général : combien, parmi les 7 à 9 millions de bénéficiaires d’heures supplémentaires qui ne payaient pas d’impôts, vont dorénavant en payer. Je pense que le chiffre est un peu supérieur aux 170 000 que M. Eckert évoquait tout à l’heure car je ne vois pas, sinon, comment la recette attendue pourrait être de 1,4 milliard d’euros, à moins que les estimations soient fausses, ce qui m’étonnerait de la part de l’inspection générale des finances.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Le débat est éclairant et sans doute un peu gênant pour le Gouvernement. Vous nous expliquez, monsieur le ministre, qu’il faut faire une différence entre la loi de finances, le collectif budgétaire et la loi de financement de la Sécurité sociale. Cela ne nous avait pas échappé ; seulement, tout cela concerne le même portefeuille du contribuable.

La ruse est un peu grosse. Vous cherchez à passer à travers les mailles du filet. Vous voulez ruser, jouer sur les mots, sur les chiffres,…

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est incroyable d’entendre cela ; plus c’est gros, plus ça passe !

M. Hervé Mariton. …mais vous vous emmêlez en voulant présenter les choses de manière tellement avantageuse, tellement éloignée de la réalité.

Il faut toutefois vous donner acte d’un accès de sincérité.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il faudrait taxer votre mauvaise foi !

M. Hervé Mariton. L’idée que seul un Français sur dix aura à payer plus d’impôts, vous l’avez démentie et c’est convenable de votre part.

Seulement, monsieur le ministre, c’est faire preuve d’un grand talent que de savoir ruser sans mentir. Vous n’y êtes pas arrivé puisque vous avez fait l’aveu ce matin que, contrairement à ce qu’a affirmé le Premier ministre, ce n’est pas un Français sur dix qui sera concerné par le matraquage fiscal mais bien davantage. Vous continuez de ruser et de mentir aimablement, poliment, avec vos chiffres, mais vous n’y parvenez pas.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Pierre Moscovici, ministre. Mentir sans ruser est un art dans lequel je n’excelle pas et donc je pourrais m’inspirer de votre exemple pour cela.

M. Pascal Terrasse. M. Mariton est spécialiste en la matière !

M. Pierre Moscovici, ministre. Sur le fond, je rappellerai le contexte dans lequel s’est exprimé le Premier ministre : c’était dans une émission, à la veille de la présentation du projet de loi de finances et M. Ayrault a toujours – j’y insiste – parlé du projet de loi de finances. Ses propos sont donc strictement exacts : ni ruse ni mensonge. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous nous avez donné quatre chiffres, monsieur le ministre. Je souhaiterais en obtenir un cinquième : celui que j’ai demandé à plusieurs reprises à votre ministre délégué chargé du budget mais, puisqu’il n’est pas là, j’imagine que vous répondrez à sa place. (« Oh ! » sur de nombreux bancs du groupe SRC.) Je n’ai porté aucun jugement de valeur, mes chers collègues de la majorité. Dès lors, calmez-vous et ayez la patience d’écouter l’opposition, c’est bien le minimum en démocratie.

J’ai demandé – il serait inquiétant que vous n’ayez pas ce chiffre et inconvenant que vous ne nous le donniez pas – combien de contribuables seront touchés par le gel du barème après que vous avez accepté une décote permettant d’éviter aux tranches les plus basses d’être concernées, décote que, contrairement à ce que nous souhaitions, vous n’avez malheureusement pas accepté l’an dernier, (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Si l’on fait un calcul à partir des chiffres que j’entends : sur 18 millions de contribuables, 7 millions devraient bénéficier de la décote…

M. Pascal Terrasse. C’est vous qui l’avez décidée, c’est votre responsabilité !

M. Jean-Christophe Lagarde. …et 4 millions, nous a-t-on dit, verraient leurs impôts augmenter. Je ne sais toujours pas ce qu’il advient des sept autres millions. J’aimerais tout simplement que vous nous le précisiez. Combien, donc, de contribuables sont concernés par le gel du barème après la décote ?

Ensuite, monsieur le ministre, vous affirmez que 90 % des efforts vont porter sur 10 % des contribuables. J’aimerais que vous nous indiquiez si l’effort dont vous parlez porte sur 4,9 milliards d’euros ou bien sur 14 milliards d’euros.

Il paraît logique que la représentation nationale soit éclairée par des réponses simples, chiffrées, comme vous avez cherché à le faire mais en oubliant une ou deux données qui nous intéressent.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Pardonnez-moi d’allonger un peu nos débats mais je finis par éprouver une forme de fatigue à entendre des énormités. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Charles de Courson. Ce n’est qu’un début, madame Mazetier !

Mme Sandrine Mazetier. Je vous le dis très solennellement, mes chers collègues : comment parler de crédibilité de la parole publique quand un ancien rapporteur général, aujourd’hui président de la commission des finances, affirme qu’il a fallu attendre le rapport de M. Eckert pour savoir combien de Français allaient bénéficier de la décote devant leur permettre d’éviter les effets du gel du barème que vous aviez voté ? Dès le 28 septembre, les membres de la commission des finances ont tous été récipiendaires d’un dossier de presse…

M. Marc Le Fur. « Récipiendaires » ? Ce n’était pas une décoration, madame Mazetier !

Mme Sandrine Mazetier. …présentant toutes les dispositions du projet de loi de finances. Je vous renvoie aux fiches qui concernent à peu près tous les sujets, l’une précisant que 7,2 millions de nos concitoyens bénéficieront de la décote et donc éviteront la bastonnade que vous aviez prévue pour eux.

Vous invoquez la crédibilité de la parole publique : où étaient les militants de l’UDI – il faut dire qu’ils n’existaient peut-être pas à l’époque –…

M. Philippe Vigier. Pas d’insultes, madame Mazetier !

Mme Sandrine Mazetier. …ou en tout cas les militants de l’UMP quand vous avez décidé que 100 % des Français, qu’ils soient imposables ou non, paieraient la TVA sociale ?

M. François Pupponi. Eh oui !

Mme Sandrine Mazetier. Où étiez-vous pour expliquer, au Treize heures, au Vingt heures, que tout le monde, que des milliers de nos concitoyens allaient basculer dans la fiscalisation ? Et où étiez-vous quand nous avons expliqué pendant toute la discussion générale que payer des impôts, voire participer à l’effort de redressement, n’était pas une infamie et que nos concitoyens mesuraient la difficulté dans laquelle nous nous trouvons tous du fait de votre bilan, de votre gestion ? Alors un peu de modestie et un peu de crédibilité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. « Votre bilan », dites-vous, madame Mazetier… On vous sent vraiment très gênés. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) J’ai bien écouté le ministre Moscovici. N’est-ce pas Jean-Marc Ayrault qui a déclaré que seulement un Français sur dix paierait plus d’impôts ? Qui a écrit le document que vous évoquez, madame Mazetier, et dont, au passage, nous n’avons pas été « récipiendaires » mais destinataires ? Vous écrivez, s’agissant de l’impôt sur le revenu, mes chers collègues, que l’augmentation de la décote de 9 % bénéficierait à 7,386 millions de contribuables pour un coût budgétaire de 295 millions d’euros.

Eh bien, madame Mazetier, la règle de trois est simple : six contribuables sur dix sont touchés. Comme un Français sur deux paie l’impôt sur le revenu, au moins 30 % d’entre eux en paieront davantage.

Vous avez, monsieur Moscovici, repris les paroles prononcées par le Premier ministre au cours de la fameuse émission de télévision dont il a été question. Sans même élargir mon propos à la loi de finances rectificative ni au projet de loi de financement de la sécurité sociale, et donc si je m’en tiens au projet de loi de finances, vous n’atteindrez pas l’objectif de 10 % de contribuables concernés par les hausses d’impôt car ce sont bien 30 % d’entre eux qui seront touchés.

Vous venez d’avouer que vous avez menti aux Français. Dont acte.

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est fou d’entendre cela, c’est écœurant !

(Les amendements identiques nos 242, 698, 699, 700 et 701 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 64 rectifié, qui fait l’objet d’un sous-amendement n° 782 du Gouvernement.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Cet amendement vise à revaloriser du montant de l’inflation les plafonds de revenus nets de frais professionnels par foyer fiscal conditionnant l’affranchissement de l’impôt sur le revenu pour les contribuables les plus modestes, à savoir les personnes âgées, les personnes handicapées.

Puisque le Gouvernement a pris soin de revaloriser ces plafonds concernant les exonérations et les réductions de taxe d’habitation, il nous semblerait de bonne pratique de procéder à cette même revalorisation pour ces plafonds au-dessous desquels on ne paie pas l’impôt.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué, pour donner l’avis du Gouvernement sur cet amendement et pour défendre le sous-amendement n° 782.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Il est proposé par le rapporteur général de revaloriser du montant de l’inflation, soit 2 %, les plafonds de revenus permettant aux ménages modestes de ne pas être soumis à l’impôt sur le revenu. Il va de soi que, sur le principe, le Gouvernement est favorable à cette proposition. Cette volonté s’inscrit en effet pleinement dans la philosophie du projet de loi. C’est, en cohérence parfaite, la suite logique de l’augmentation de la décote, que nous soumettons au Parlement, et cela permettra à des personnes titulaires de très faibles revenus, de ne pas voir leur situation modifiée.

Néanmoins, la seconde proposition que vous faites, qui vise à augmenter les plafonds de ces revenus déterminant le montant des abattements dont bénéficient les contribuables ne peut pas recueillir l’avis favorable du Gouvernement. D’abord, la revalorisation de la décote de 439 à 480 euros, soit 9 %, permet précisément, compte tenu du seuil de mise en recouvrement, de neutraliser les effets de la non-indexation du barème de l’impôt sur le revenu pour les ménages. Ensuite, la revalorisation du même montant que l’inflation des seuils d’exonération et des abattements en matière de fiscalité directe locale et, par suite, des seuils d’exonération de la CSG et de la CRDS, profitera particulièrement aux bénéficiaires de pensions d’invalidité et de retraites.

Dès lors, sous réserve de l’adoption du sous-amendement du Gouvernement, l’amendement ainsi sous-amendé recueillerait l’avis favorable du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n° 782 ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je me réjouis que le Gouvernement accepte l’amendement de la commission.

M. Jean-Christophe Lagarde. En le vidant de sa substance !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je suis donc favorable au sous-amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Nous étions favorables à l’amendement présenté par le rapporteur général, mais il est vidé de sa substance par le sous-amendement gouvernemental.

M. Philippe Vigier. M. Eckert le sait bien d’ailleurs !

M. Hervé Morin. C’est dur, la vie, au sein de la majorité !

M. Charles de Courson. En effet l’argumentaire du ministre ne tient pas. Qu’il y ait décote ou non, pourquoi refusez-vous la revalorisation des plafonds déclenchant toute une série d’avantages ou d’exonérations ? C’est tout à fait incohérent, monsieur le ministre. Il faut donc voter pour l’amendement du rapporteur général et contre le sous-amendement du Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Quand Charles de Courson prend ce ton désolé et un peu patelin en s’adressant aux députés de la majorité, j’invite ceux-ci à rester d’une extrême vigilance. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Laure de La Raudière. Quel paternalisme !

Mme la présidente. Laissez M. le ministre s’exprimer, mes chers collègues.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Ni vous, madame de La Raudière, ni même M. de Courson n’êtes en cause, je vous en prie.

Si le Gouvernement propose ce sous-amendement, c’est parce qu’un effort spécifique va être fait en faveur des personnes âgées, d’ailleurs à l’initiative du rapporteur général, dans le cadre du PLFSS. Le taux réduit de CSG leur sera désormais appliqué. C’est au regard de cette précision, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés que je vous demande d’accepter le sous-amendement du Gouvernement, non pas avec un entrain incommensurable mais en tout cas sans état d’âme.

M. Pascal Terrasse. C’est une avancée sociale considérable !

(Le sous-amendement n° 782 est adopté.)

(L’amendement n° 64 rectifié, sous-amendé, est adopté.)

(L’article 2, amendé, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Madame la présidente, je vous demande une courte suspension de séance, car la quantité de café que j’ai bue nécessite que je m’absente quelques minutes. (Sourires.)

Mme la présidente. Vous savez bien que la suspension est de droit, monsieur le rapporteur général. Cinq minutes vous conviendront-elles ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ce sera largement suffisant, madame la présidente.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures trente, est reprise à onze heures trente-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article 3

Mme la présidente. Nous en venons à l’examen de l’article 3, sur lequel plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. On a beaucoup parlé d’un effort fiscal juste pour les familles : c’est un discours que la majorité tient souvent et sur lequel nous avons eu l’occasion de nous exprimer lors des précédentes mandatures.

Il est à nos yeux essentiel, monsieur le ministre, que l’impôt soit proportionnel – et c’est pourquoi nous souhaitons que chacun contribue en fonction de ses revenus –, mais que les classes moyennes puissent être épargnées.

Pour nous, la proportionnalité doit obéir à un schéma compréhensible. Or, à l’heure actuelle, la loi de finances, telle qu’elle nous est proposée, prévoit la fameuse tranche à 45 %, auxquels s’ajoutent 3 % et 4 %, au titre des contributions exceptionnelles mises en place sur deux ans, après quoi il n’y a plus rien jusqu’à 75 %. Nous aurons l’occasion de revenir sur ce sujet.

Je rappelle, pour mémoire, et pour ceux qui n’étaient pas là l’année dernière que le précédent Gouvernement avait prévu au départ – M. Pierre-Alain Muet s’en souvient très bien – l’instauration d’une nouvelle tranche, pour les revenus supérieurs à 1 million d’euros. Sous notre influence – je crois pouvoir le dire –, nous étions arrivés à nous accorder sur un taux de 45 % pour les revenus s’élevant à 250 000 euros par part.

Aujourd’hui, au nom de la proportionnalité, nous proposons le maintien de la tranche à 45 % – et c’est là un point de cohérence et de concordance avec la majorité –, puis l’instauration, pour les revenus s’élevant à 250 000 euros, d’une tranche d’imposition à 50 %. Naturellement, le maintien d’une tranche à 45 % pour des revenus de 150 000 euros par part, et l’instauration d’une tranche à 50 % pour des revenus de 250 000 euros par part, entraîneront, de facto, la suppression des deux contributions de 3 % et 4 %.

C’est une vraie réponse à la proportionnalité de l’impôt, mais aussi une contribution à la lutte contre les déficits, dont on ne peut s’exonérer. Je me félicite d’ailleurs, monsieur le ministre, que vous ayez réaffirmé à plusieurs reprises, et notamment hier soir, que vous vouliez atteindre l’objectif de 3 % que nous nous sommes assigné. Dont acte. En tout cas, nous, nous ferons tout pour l’atteindre.

Accordez-moi qu’avec la proposition que nous faisons, qui demande un effort plus important à ceux qui ont le plus et qui respecte la proportionnalité, nous nous donnons les moyens d’atteindre ensemble cet objectif.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. S’agissant de l’article 3, je redoute très sincèrement que le niveau des prélèvements obligatoires soit aujourd’hui, en France, contre-productif par rapport à ce qu’on en attend. Parmi les pays de l’OCDE, si l’on excepte le Danemark, nous allons être les champions, toutes catégories confondues. Et cela m’interpelle.

Si l’on examine l’évolution du montant moyen des prélèvements au sein de l’Europe des Vingt-Sept depuis 2009, on s’aperçoit que leur progression, en France, va à l’encontre du signe fort qu’il faudrait donner pour permettre une reprise et une relance par la consommation des ménages. Je pense sincèrement que c’est une erreur profonde que d’atteindre un tel niveau de prélèvements.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. S’il n’y avait pas déjà un taux de prélèvements obligatoires excessif en France, la proposition du Gouvernement ne serait pas inconcevable et inacceptable. Le problème, monsieur le ministre, c’est que vous chargez la barque à un moment où, globalement, l’impôt est déjà très élevé.

Je voudrais faire une autre observation. Vous trouvez une réponse pour taxer davantage les revenus d’un niveau élevé mais, s’agissant des revenus considérables, vous nous proposerez seulement, plus tard dans le débat, un dispositif transitoire, qui sera en outre fortement entamé par le bouclier fiscal que vous recréez.

Il y a là une sorte d’incohérence. Les ménages aux revenus déjà importants et confortables vont être frappés par l’impôt, tandis que les ménages très riches, disposant de revenus considérables, ne seront soumis qu’à un dispositif inopérant, inefficace, et d’ailleurs transitoire. Il n’y a pas de continuité claire entre les deux dispositifs. Alors que les ménages soumis aux 45 % entreront durablement dans le filet de l’impôt, ceux qui ont la chance d’être vraiment très riches et d’avoir des revenus très considérables ne seront imposés que pendant deux ans : le Gouvernement fait semblant, mais il ne cherche pas réellement à atteindre ces contribuables.

La loi fiscale que vous proposez serait-elle, dans la durée, dure envers les ménages soumis au taux de 45 %, et plus favorable aux ménages vraiment très riches ?

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. J’écoute toujours M. Vigier avec beaucoup d’intérêt. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UDI.). Puisqu’il se dit favorable à l’existence d’une tranche à 45 %, j’en déduis qu’il va naturellement voter cet article, ce qui est cohérent avec la position que défendait son groupe depuis longtemps. Il voudrait, cependant, instaurer une tranche supplémentaire.

Cette tranche à 45 %, nous la créons après avoir introduit un changement fondamental – je me souviens très bien des débats que nous avons eus à ce sujet, aussi bien en commission que dans cet hémicycle –, à savoir la suppression des prélèvements libératoires. Nous savons très bien, en effet, que si nous créons une tranche à 45 % tout en maintenant les prélèvements libératoires, nous n’allons toucher que les revenus du travail. De ce point de vue, nous avons une politique tout à fait cohérente : nous voulons que tous les revenus soient soumis au barème de l’impôt sur le revenu, et nous mettons une tranche à 45 %.

Pourquoi ne pas mettre une autre tranche plus haut ? Parce que la taxation à 75 % n’est pas une tranche d’impôt sur le revenu. Nous n’avons aucunement l’intention de faire monter les tranches d’impôts sur le revenu de façon progressive jusqu’à 75 % :…

M. Nicolas Sansu. Malheureusement !

M. Pierre-Alain Muet. …ces 75 % représentent un prélèvement exceptionnel sur les plus fortunés.

M. Hervé Mariton. C’est un artefact !

M. Pierre-Alain Muet. Pas du tout. Mes chers collègues, je vous rappelle qu’aux États-Unis, entre la présidence de Roosevelt, en 1933, et celle de Reagan, il a existé, pour les revenus supérieurs à 1 million de dollars, un taux fixé à 80 %.

M. Hervé Morin. À 90 % !

M. Pierre-Alain Muet. En effet, elle est même parfois passée à 90 %. Mais il n’y avait pas de tranche intermédiaire : c’était la même logique.

Il y a, d’une part, un impôt sur le revenu, avec un ensemble de tranches – et 45 % me semble être un bon taux marginal pour un impôt sur le revenu – et, d’autre part, un impôt exceptionnel sur les très hauts revenus, comme cela a existé pendant de très nombreuses années dans un pays, les États-Unis, qu’on ne peut pas accuser de faire du matraquage fiscal. Tout cela, c’est de la justice fiscale.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Mandon.

M. Thierry Mandon. À la suite de M. Muet, je veux rappeler que cette disposition est comparable à ce qui existe dans différents pays auxquels il est souvent fait référence sur ces bancs.

Au Royaume-Uni, le taux marginal doit être d’environ 50 % pour les revenus de l’ordre de 170 000 euros par an ; aux États-Unis, la situation est plus complexe à cause du système fédéral…

Plusieurs députés du groupe UMP. Cela vous arrange !

M. Thierry Mandon. …mais dans l’État de New York, ce taux s’établit à 48 % pour des revenus comparables. Ce que prévoit le présent article paraît donc juste et raisonnable.

Il faut rappeler, par ailleurs, les conséquences concrètes de cette nouvelle tranche.

Tout d’abord, elle ne concernera que 0,10 % des contribuables français. Disons les choses autrement : plus de 99 % des Français ne sont pas concernés par cette nouvelle tranche. Disons-le encore plus simplement : 50 000 contribuables sont concernés.

Quel est l’effet de cette mesure sur la contribution acquittée ? Le rapport est très clair : pour un célibataire dont le revenu annuel net imposable serait de 200 000 euros, l’impôt supplémentaire serait d’environ 2 000 euros.

Il y a donc très peu de raisons de ne pas adopter cet article à l’unanimité.

Mme la présidente. La parole est à Mme Arlette Grosskost.

Mme Arlette Grosskost. Permettez-moi d’être un peu pragmatique.

Vous semblez isoler cette dernière tranche de la masse des autres prélèvements.

M. Hervé Morin. Tout à fait !

Mme Arlette Grosskost. À ces 45 % s’ajoutent notamment la CSG, la CRDS. Nous arrivons finalement à un taux d’environ 65 %. Et qui sont les contribuables concernés ? Très souvent, il s’agit de couples de personnes exerçant des professions libérales, d’artisans, de commerçants. Que vont-ils faire, alors ? Croyez-vous vraiment qu’ils vont continuer…

M. Hervé Morin. …à bosser ?

Mme Arlette Grosskost. …d’apporter, patriotiquement, leur pierre à l’édifice ? Pour payer 65 % d’impôts ? Non ! Ils vont tout simplement décider de moins travailler, d’autant qu’ils auront moins de possibilités de réduction d’impôt, par exemple pour la garde de leurs enfants.

Alors, restons simples. Cette nouvelle tranche n’apportera strictement rien, bien au contraire.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, j’appelle votre attention à tous sur la différence qui existe entre efforts et sacrifices. Comme, j’en suis sûre, beaucoup d’entre vous, je suis intimement convaincue que les Français sont prêts à faire des efforts. Ils sont conscients de la crise, la crise mondiale, la crise européenne ; ils sont conscients du déficit de compétitivité qui est le nôtre ; ils sont conscients de nos difficultés. Ils sont prêts à faire des efforts, mais ce que vous leur demandez, avec ce projet de loi de finances, avec cette mesure, ce sont des sacrifices.

Quelle est la différence ? Avec les sacrifices, il n’y a pas de perspective. On fait des efforts pour s’en sortir, on fait des efforts pour rebondir, on consent temporairement à apporter son écôt. Avec les sacrifices, on ne voit pas le bout du tunnel : toujours plus de dépenses et pas de mesures structurelles pour que nous retrouvions notre compétitivité. Voilà la différence entre les efforts et les sacrifices.

Ce n’est pas par hasard que, dans le dernier sondage BVA, publié cette semaine, une majorité écrasante de Français – 69 % ! – estime que ce gouvernement n’est ni juste ni efficace. C’est parce que les Français voient bien qu’on leur demande non pas des efforts mais plutôt des sacrifices. La différence réside dans la durée des prélèvements, dans leur caractère éventuellement temporaire, dans les perspectives de réformes structurelles auxquelles ils sont assortis, dans la possibilité non pas seulement de se voir prélever des sommes mais aussi d’en réinvestir soi-même au bénéfice de l’économie nationale.

C’est compliqué pour l’impôt sur le revenu, certes, mais je vous rappelle que beaucoup de contribuables reçoivent ces jours-ci leur feuille de supplément de prélèvement au titre de l’ISF. Ils se rendent compte qu’ils ne vont pas pouvoir investir dans le dispositif ISF-PME, qui permet pourtant de conjuguer intelligemment l’effort individuel et l’intérêt de la nation, des entreprises, de la croissance, de l’emploi.

Ce sont vraiment des sacrifices qu’on leur demande.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, le barème de l’impôt sur le revenu est devenu illisible. Le taux supérieur est actuellement de 41 % et il existe deux contributions exceptionnelles, l’une de 3 % et l’autre de 4 %. Ainsi le taux d’imposition atteint-il en fait 44 % et, déjà, 45 %. Et le Gouvernement va proposer une super-tranche, une tranche exceptionnelle, même si l’on parle de « contribution exceptionnelle », imposée au taux de 75 %. Ce n’est pas cohérent.

Pour notre part, nous sommes favorables à l’article 3, puisque nous avons proposé cette mesure par voie d’amendement lorsque nous étions dans la majorité. Nous estimons simplement qu’il n’est pas cohérent de maintenir les contributions exceptionnelles de 3 % et de 4 %. Instaurons, nous y sommes prêts, des tranches à 45 % et 50 %, ce serait un barème clair. Mais qu’il n’y ait pas de contributions exceptionnelles ! Ce qui n’est pas cohérent, c’est de porter l’imposition de 41 % à 45 % en maintenant les contributions exceptionnelles.

M. Hervé Morin. Tout à fait !

M. Charles de Courson. Ayons quelque chose de cohérent et de clair !

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. Je ferai deux observations complémentaires.

En effet, nous pourrions être favorables à une tranche à 45 %, mais, comme l’ont dit un certain nombre de nos collègues, il ne s’agit pas seulement de 45 %. Il s’agit de 45 % augmentés de la CSG, d’une contribution de 3 %, d’une autre de 4 %, etc. Derrière cela, il y a une idée folle : plus on taxera les riches, moins les pauvres seront pauvres ! En vérité, nous avons besoin que l’initiative, l’investissement et l’énergie soient encouragés.

Pouvons-nous revenir un seul instant à quelques fondamentaux de la théorie économique ? Nous avons tous, dans nos écoles, étudié la courbe de Laffer, dont l’enseignement est souvent résumé par la formule : « Trop d’impôt tue l’impôt. »

Lorsque le parti socialiste, en 1982, a instauré une tranche marginale d’imposition à 65 %, quelles ont été les conséquences, chiffrées par le ministère de l’économie et des finances ? Les rentrées fiscales ont diminué ! En revanche, lorsque Ronald Reagan a réduit le taux marginal de l’impôt sur le revenu aux États-Unis,…

M. Nicolas Sansu. Cela a augmenté la dette !

M. Hervé Morin. …les rentrées fiscales ont augmenté. On connaît cela par cœur.

En instaurant une tranche marginale à 45 %, à laquelle s’ajoutent un prélèvement de 4 % et 10 % de CSG, on assèche l’initiative, on assèche l’investissement.

Quand vous imposez, en plus, les dividendes et les plus-values à 64 %, quand vous rendez impossibles le capital-risque, l’investissement, les business angels, la conséquence est tout simplement que vous asséchez le financement de l’économie française. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) L’an prochain, celui qui créera son entreprise ne recueillera pas un rond auprès de personnes capables de le financer ! Vous faites le contraire de ce qu’il faudrait pour l’économie ! (Mêmes mouvements.) C’est par la création de richesses, c’est par l’énergie, c’est par le développement des entreprises que l’on améliorera la situation des comptes publics.

Voilà la réalité, et vous ne le comprenez pas !

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Mes collègues l’ont dit : pourquoi pas, au fond, une tranche à 45 % ? Cela ne nous pose pas de difficultés. Nous-mêmes avons porté le taux marginal d’imposition de la tranche supérieure, qui était de 40 %, à 41 %. Pourquoi pas renforcer la progressivité en imposant le revenu à 45 % au-delà de 150 000 euros par part ? Cela peut se comprendre.

Le seul problème, comme mes collègues l’ont parfaitement dit, c’est qu’il n’y a pas de vision globale de l’imposition. (« Si ! » sur les bancs du groupe SRC.).

Additionnés les uns aux autres, considérés ensemble, les impôts françaisaboutissent à une sorte d’imposition-sanction, d’imposition-punition. Il ne s’agit plus uniquement d’une imposition visant à financer nos services publics et à redistribuer.

Au-delà d’un certain taux d’imposition, pour certains niveaux de revenu, on est dans la sanction. Nous jouons en première division de la pression fiscale dans à peu près tous les domaines, qu’il s’agisse de l’imposition du capital ou de celle du travail. C’est une vraie question, et nos collègues ont bien raison de la poser.

Un système fiscal est un ensemble. Un système fiscal ne peut d’ailleurs se concevoir qu’en liaison avec le système social. Or le nôtre est extraordinairement développé. La notion de justice, puisque vous en parlez souvent, et nous en sommes d’accord, doit être envisagée en considérant le système fiscal en relation avec le système social. En France, le système social est extraordinairement puissant, extraordinairement redistributeur, probablement l’un des plus redistributeurs au monde.

Compte tenu de ce qui se passe ailleurs, compte tenu des systèmes d’imposition étrangers, cette tranche à 45 % est probablement une erreur.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. L’article 3 de ce projet de loi de finances est effectivement un article important. Il donnera d’ailleurs l’occasion au ministre délégué chargé du budget, j’en suis sûr, de souligner à la fois la constance et la cohérence de la position du groupe UDI.

Au cours des précédentes législatures, nous avons défendu l’idée d’une tranche à 45 %. Nous souscrivions effectivement à l’idée que la progressivité de l’impôt devait être plus forte que celle qui prévalait. Nous n’avions pas été entendus, je le dis, mais nous avions quand même défendu ce point de vue, et, par nos amendements, nous allons abonder dans le sens du Gouvernement. Nous pensons effectivement que la progressivité pourrait être encore plus grande.

Vous proposez une tranche à 45 %, qui s’appliquerait aux personnes percevant plus de 150 000 euros de revenu par an et par part. Nous vous proposerons de ne pas en rester là, avec une imposition à 45 % au-delà de 150 000 euros et une imposition à 75 % au-delà d’un million d’euros. Nous vous proposerons de maintenir la création d’une tranche à 45 % au-delà de 150 000 euros, mais de créer une tranche supplémentaire, imposée à 50 % au-delà de 250 000 euros de revenu par an et par part.

Nous aurons ainsi trois tranches : 45 % au-delà de 150 000 euros, 50 % au-delà de 250 000 euros et, malheureusement – car je pense que ce n’est pas une mesure utile, ni même productive –, 75 % au-delà d’un million d’euros. Il m’a d’ailleurs semblé comprendre que l’instauration de cette tranche à 75 % risque – on en reparlera tout à l’heure – de finir par coûter plus cher qu’elle ne rapporte, ce qui est un peu curieux pour un impôt. Sans doute le rapporteur général va-t-il me rassurer, à moins que le Gouvernement ne souhaite le faire, mais, comme nous n’avons pas obtenu de réponses à nos précédentes questions, je m’adresse cette fois-ci au rapporteur général.

Toujours est-il que nous adhérons nous aussi à l’idée d’une progressivité de l’impôt, et nous proposerons de la renforcer. Je ne doute pas que la majorité saura l’entendre : après tout, quand on gagne 250 000 euros par an, on peut payer plus d’impôts que quand on gagne 150 000 euros ; cela me paraît très logique.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. J’ai bien entendu M. Woerth, et tout le monde est d’accord pour dire que la question de la stratégie fiscale et celle de la stratégie économique sont très liées. Je partage ce point de vue.

Ensuite, on peut, certes, estimer que la stratégie économique et la stratégie fiscale des dix dernières années étaient bonnes, mais les résultats ne sont pas au rendez-vous, monsieur Woerth. La diminution de l’imposition des plus privilégiés n’a pas « libéré l’initiative », pour reprendre l’expression d’un précédent orateur. Elle a, au contraire, conduit à une explosion du chômage, à une explosion des inégalités et à une explosion de la pauvreté. Et je ne cite là que des faits.

Évidemment, je suis favorable à cet article qui tend à instaurer une tranche marginale à 45 % au-delà de 150 000 euros de revenu par an et par part. Nous avons cependant déposé un amendement qui a pour objet de renforcer cette progressivité et la simplicité du barème. Oui, il est nécessaire de remettre de la simplicité et de la lisibilité dans notre impôt sur le revenu des personnes physiques ; c’est un point de vue que j’ai défendu tout à l’heure. J’ai bien entendu les arguments du ministre délégué, mais je crois que nous avons vraiment besoin, aujourd’hui, de parvenir à cette lisibilité, et de changer le financement de l’économie par notre société ; j’intègre à cette problématique la création de la Banque publique d’investissement.

M. Hervé Morin. Une usine à gaz !

M. Nicolas Sansu. J’ai bien entendu toutes celles et tous ceux qui se plaignaient tout à l’heure de moindres possibilités de réduction d’ISF en cas d’investissement dans les PME, même si je ne crois pas – à mon grand regret, monsieur le ministre – que ce dispositif soit remis en cause. Je ne suis cependant pas sûr que les contribuables qui s’inquiètent de la possibilité de déduire de leur ISF les montants qu’ils investissent dans les PME constituent la majorité de nos concitoyens. Ils ne forment en tout cas pas la majorité de ceux que je rencontre.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Je rebondis sur les propos de mon collègue Morin à propos des mesures totalement anti-économiques de ce projet de loi de finances, qui vont assécher l’investissement dans la nouvelle économie. Je songe naturellement à l’article 6 et à son impact sur la nouvelle économie, en particulier sur les start-ups. J’en ai parlé dans de la discussion générale et j’y reviendrai lorsque nous examinerons cet article 6, mais nous en sommes pour l’instant à l’article 3.

Monsieur le ministre, vous avez suffisamment critiqué le précédent gouvernement, alors que vous étiez président de la commission des finances, quand il déposait des amendements au dernier moment dans l’hémicycle. Le Président Hollande a dit qu’il voulait une République exemplaire. Pour moi, une République exemplaire, c’est le respect du Parlement, de la majorité et de l’opposition.

M. Philippe Vigier. Très bien !

Mme Laure de La Raudière. Je regrette que, s’agissant de sujets aussi fondamentaux que ceux qui concernent la nouvelle économie, la croissance de la France, s’agissant des sujets qui ont fait l’objet de toutes vos annonces dans la presse, nous n’ayons pas encore, au moment où nous abordons l’article 3, les amendements du Gouvernement portant sur l’article 6.

Ma question est donc très simple : quand déposerez-vous les amendements du Gouvernement à l’article 6, pour que nous puissions étudier sereinement vos nouvelles propositions, puisque ce projet de loi comporte des erreurs manifestes anti-économiques ?

M. Philippe Vigier. Le Parlement doit être éclairé !

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Monsieur le ministre, je voudrais vous rappeler une déclaration du Premier ministre britannique, M. David Cameron, faite en juin dernier en marge du sommet du G20 au Mexique. Écoutez, mes chers collègues : il s’agit du Premier ministre d’une nation européenne développée !

M. Hervé Morin. Une nation à peine européenne !

M. Guillaume Larrivé. M. Cameron déclarait : « Quand la France établira ses nouveaux taux d’impôts pour les plus hauts salariés, nous déroulerons le tapis rouges pour souhaiter la bienvenue aux entreprises françaises, qui paieront maintenant des taxes en Grande-Bretagne, et qui financeront nos services publics et nos écoles. »

Cette déclaration est évidemment un peu déplaisante pour nous, puisqu’elle chatouille notre patriotisme. Mais, dans un monde ouvert, elle est réaliste ! Je crains profondément que vous n’organisiez, en mettant en place une fiscalité punitive, une véritable fuite de certains talents, de certains jeunes cadres supérieurs, vers Londres ou vers d’autres territoires plus accueillants que la France pour ceux qui veulent entreprendre et créer des richesses.

M. Jean-Luc Laurent. C’est de l’antipatriotisme !

M. Guillaume Larrivé. L’effort de réduction des déficits publics doit être partagé : nous en sommes conscients, sur ces bancs comme sur les autres.

M. Jean-Luc Laurent. Cessez de jouer contre la France !

M. Guillaume Larrivé. Mais l’application du gourdin fiscal à ceux qui veulent créer des richesses est une véritable faute. C’est triste pour notre pays. C’est triste pour les Français. C’est triste pour la jeunesse de France.

Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. Je souhaitais réagir aux propos tenus par Mme Kosciusko-Morizet, mais elle est déjà partie.

La population française ressent chaque réforme comme un nouveau coup dur. Le mot de réforme est désormais pour elle synonyme de sacrifice. Dans son esprit, réformer équivaut à se serrer la ceinture.

Mais dès lors qu’un objectif est fixé et que la cause semble juste, le sentiment du sacrifice s’efface au profit de celui de l’effort. La différence est considérable, car l’effort suppose une contrepartie. En l’occurrence, mes chers collègues, la contrepartie c’est plus d’éducation, ce sont les emplois d’avenir, c’est un droit au départ en retraite plus tôt pour ceux qui ont commencé à travailler tôt. Bref, ce sont des services publics, notamment pour les plus faibles. Tel est notre combat.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n° 402 tendant à la suppression de l’article 3.

M. Guillaume Larrivé. Cet amendement est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Beaucoup de choses ont déjà été dites. Je dirai simplement deux choses.

Une vraie différence nous sépare, mes chers collègues : vous considérez la taxation à 75 % des revenus supérieurs à un million d’euros comme une nouvelle tranche de l’impôt sur le revenu. Ce n’est pas le cas.

M. Philippe Vigier. C’est pourtant ce qu’avait dit le Président de la République !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ce dispositif n’est pas calculé de la même façon. Nous l’évoquerons tout à l’heure, mais puisque vous en avez énormément parlé dès maintenant, je précise qu’il s’agit d’une taxation dissuasive. Tous les Français sont choqués par des rémunérations que l’on peut qualifier d’extravagantes. Vous avez considéré que taxer ces rémunérations à 75 %, c’est limite confiscatoire. Oui, c’est le but !

M. Hervé Morin. C’est même carrément confiscatoire !

M. Charles de Courson. C’est confiscatoire, vous l’avez dit !

M. Hervé Mariton. Le mot a été prononcé ! Quel aveu !

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est dissuasif : nous l’assumons. Ce n’est pas une nouvelle tranche de l’impôt sur le revenu : si cela l’était, cela serait familialisé, et cela serait calculé autrement.

Le Gouvernement a d’ailleurs donné l’exemple, puisque les salaires des dirigeants des grandes entreprises publiques ont été plafonnés par décret, dès juillet, à 450 000 euros brut. Le Gouvernement a donné l’exemple, car il considère que ces rémunérations sont insupportables.

M. Hervé Morin. Cela n’a rien à voir !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je vous donnerai quelques éléments de comparaison : en Allemagne, le taux marginal d’imposition sur le revenu est de 45 %, certes à partir de 250 000 euros. Au Royaume-Uni, il est de 50 % à partir de 150 000 livres sterling. En Italie, il est de 43 % à partir de 75 000 euros – 75 000 euros !

M. Éric Woerth. Vous oubliez la CSG !

M. Christian Eckert, rapporteur général. En Belgique, il est de 50 % à partir de – vous êtes bien assis ? – …34 330 euros.

Il n’est pas forcément mauvais d’être les champions du monde dans un domaine. Je suis très heureux que nous soyons les champions du monde du fromage et des bons vins ! Mais si nous devions nous aligner sur le mieux-disant fiscal de chaque pays, ne serait-ce qu’au sein de l’Union européenne, la discussion serait vite terminée : nos impôts seraient nuls !

M. Razzy Hammadi. Bravo !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Parce que, dans tel pays ce sont les plus-values qui sont très peu taxées, dans tel autre c’est l’impôt sur le revenu qui est faible, dans tel autre encore c’est l’impôt sur les dividendes…

En Belgique, l’impôt sur le revenu est beaucoup plus pénalisant qu’en France. J’imagine que ceux qui viennent de demander la nationalité belge continueront à payer leur impôt sur le revenu en France, mais prendront la précaution de domicilier un certain nombre de biens et de revenus en Belgique. C’est un peu facile, mes chers collègues !

Cette mesure est équilibrée. Vous avez précédemment, chers collègues de l’UDI, défendu la création d’une tranche de l’impôt sur le revenu à 45 %. Vous devriez donc voter cet article ! J’entends bien, monsieur Morin, que vous n’étiez pas du tout du même avis que M. Vigier, puisque vous avez soutenu que cet article était mauvais, et que la tranche d’imposition sur le revenu à 45 % ne vous convenait pas. Mme Dalloz, pour sa part, nous a chanté une complainte pour nous dire qu’il fallait supprimer cette tranche.

Mme Marie-Christine Dalloz. J’ai parlé du montant global des prélèvements obligatoires !

M. Christian Eckert, rapporteur général. D’autres, au sein du groupe UMP, ont semblé considérer qu’en fin de compte, un taux d’imposition de 45 % ne serait pas scandaleux. Mettez donc un peu d’ordre dans tout cela !

Plusieurs députés du groupe UMP. Et c’est vous qui dites cela !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Soutenez-nous en votant cet article 3, ce qui créera au moins un point de convergence entre nous. Mon avis sur cet amendement de suppression est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. À l’occasion de la discussion de cet amendement, je me permettrai de donner quelques éléments que je crois objectifs. Ensuite, chacun fait les choix politiques qu’il souhaite, naturellement.

Vous nous reprochez d’augmenter les impôts. Au moins, nous l’assumons. Pourrais-je vous rappeler qu’au cours de la précédente législature, lorsque vous réformiez et rabotiez les niches fiscales, vous démentiez l’idée que cette politique revenait à augmenter les impôts ?

M. Hervé Morin. C’était une augmentation des impôts, c’est vrai.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Vous n’avez consenti à dire qu’il s’agissait bien d’une hausse d’impôts qu’après des mois de sollicitation de l’opposition ! Vous avez donc fini par avouer que vous augmentiez les impôts. Les chiffres le montrent, d’ailleurs. Les prélèvements obligatoires rapportés au PIB étaient en 2002 de 43,3 %. Quand nous sommes arrivés aux affaires, ils étaient de 44,9 % : vous avez bien augmenté les prélèvements obligatoires !

M. Hervé Morin. Et vous, vous aller les porter à 46 % !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Calmons-nous, monsieur Morin ! Vous avez le droit de nous reprocher de continuer ce que vous avez entamé. Mais ne prétendez pas être ce que vous ne fûtes pas : vous avez augmenté les impôts pendant les dix années de mandat que les Français vous avaient confiées.

Plus intéressant : qui a supporté le poids de ces hausses d’impôt ? Pas les plus aisés ! Là encore, je vous donne les chiffres, ils sont publics, et je ne crois pas qu’ils soient contestables : 70 % du gain de la réforme de l’impôt sur le revenu conduite en 2006 par M. Copé a été concentré sur 20 % des foyers assujettis à cet impôt.

M. Hervé Morin. C’est normal, puisque ce sont eux qui payent le plus d’impôt sur le revenu !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Par ailleurs, depuis 2007, les 5 % des foyers les plus aisés de notre pays ont bénéficié, en moyenne, d’une baisse de 8 % de leur imposition. Dès lors que les prélèvements obligatoires augmentent, et dès lors que ce ne sont pas les plus aisés qui voient leur impôt augmenter, c’est donc que d’autres paient davantage ! Oui, je vous le confirme, d’autres ont payé davantage : les classes moyennes. Prenons le milieu de la distribution des revenus, c’est-à-dire les cinquième, sixième et septième déciles – ce que nous appelons par convention les classes moyennes, dont vous vous érigez en défenseurs, d’après ce que j’ai pu comprendre. Eh bien, pendant que vous étiez aux responsabilités, l’impôt a augmenté de 5 % pour ces trois déciles. C’est à eux que vous avez fait supporter l’effort, et non pas à ceux qui, gagnant davantage, auraient peut-être dû être sollicités davantage ! Il me semble donc que vos critiques actuelles ne sont pas raisonnables.

Autre rappel : quand il s’est agi de financer le RSA, vous avez créé un nouvel impôt portant sur le capital, mais ceux qui bénéficiaient du bouclier fiscal en étaient exonérés par principe ! Autrement dit, vous avez sollicité tout le monde, sauf ceux qui pouvaient le plus ! Et ce, pour une mesure de solidarité !

M. Charles de Courson. Ne dites pas cela aux centristes !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Il est exact que M. de Courson s’était élevé vigoureusement contre cette mesure, dont je ne me souviens pas si elle avait été défendue à l’époque par Éric Woerth ou par Christine Lagarde. Je ne veux mettre en cause personne, d’abord parce que je ne voudrais pas me tromper, et ensuite parce que s’il s’agit de Mme Lagarde, elle n’est pas là pour se défendre. Je ne souhaite pas attaquer quelqu’un qui ne peut se défendre.

Je ferai une dernière remarque, parce que je crains une confusion. Mme Kosciusko-Morizet, qui n’est plus là, a indiqué que nous remettions en cause le dispositif ISF-PME. Au risque de la démentir – et de ne pas vous donner toute satisfaction, monsieur Sansu –, je veux dire ici que nous ne touchons rigoureusement pas à ce dispositif. Au demeurant, la position que j’ai, en tant que membre du Gouvernement, est totalement cohérente avec celle que j’avais lorsque j’étais président de la commission des finances. J’ai toujours dit que si une mesure du paquet TEPA devait être conservée, c’était bien celle-là, et certainement pas les autres. Il y a donc une forme de cohérence. Puisqu’il arrive parfois que, d’un moment à un autre, on soit amené, en conscience, à changer d’opinion, permettez-moi d’insister sur cette constance-là !

En résumé, le Gouvernement s’oppose bien évidemment à cet amendement de suppression. Nous maintenons que ce qui fut fait ces dix dernières a eu pour conséquence une augmentation des impôts dans notre pays, un allègement de l’impôt pour les plus aisés, et un alourdissement de l’impôt pour les classes moyennes. Et je n’ose évoquer ce qui fut fait en 2011 avec la réforme de l’ISF. Nous aurons probablement l’occasion d’y revenir lorsque l’article du PLF traitant de ce sujet viendra en discussion.

Mesdames et messieurs les députés, il me semble qu’il faut rompre avec cette politique d’augmentation d’impôts portant uniquement sur les classes moyennes. Il faut donc demander davantage à ceux qui peuvent le plus.

Je précise, enfin, que la comparaison avec les systèmes d’imposition des autres pays est parfois délicate. Il est vrai qu’il ne faut pas méconnaître la CSG. Mais quand on compare notre système avec celui de l’Allemagne, il ne faut pas non plus méconnaître que l’impôt sur le revenu est familialisé en France, et qu’il ne l’est pas en Allemagne. Méfions-nous donc des chiffres et des taux marginaux. Il faut tenir compte de tous les paramètres, et notamment de la familialisation. On sait que le mécanisme des parts et du quotient familial réduit, et de beaucoup, le taux moyen d’imposition, qui est en vérité le seul qui compte.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Je veux vous remercier, monsieur le rapporteur général, pour votre extrême franchise. Car vous avez employé un adjectif, « confiscatoire »,…

M. Christian Eckert, rapporteur général. J’ai mis un adverbe devant !

M. Guillaume Larrivé. …qui dit bien la vérité de la mesure que vous proposez. Oui, le projet de loi de finances pour 2013 présenté au nom du Président de la République, M. Hollande, est confiscatoire à l’endroit de ceux qui créent des richesses et qui, par leurs talents, ont décidé d’investir leur vie au service de la collectivité, de la création de richesses et d’emplois.

Cet un aveu est d’autant plus étonnant que, si votre texte est vraiment confiscatoire, monsieur le ministre, il est contraire à la Constitution ! Je vous rappelle en effet que le droit de propriété et la liberté d’entreprendre sont évidemment des principes constitutionnellement protégés.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Je suis d’accord avec ce que vient de dire notre collègue Guillaume Larrivé quant au caractère confiscatoire des dispositions de ce projet de loi de finances, et plus particulièrement de cet impôt à 75 %, dont nous reparlerons tout à l’heure.

Je permets de vous rappeler, monsieur le ministre, que c’était François Hollande qui avait déclaré avoir l’intention de créer une tranche de l’impôt sur le revenu à 75 %. On sait maintenant que ce sera un « prélèvement exceptionnel », dont on verra bientôt qu’il n’est même pas à 75 %, et qu’il s’accompagnera de la réinstauration d’un bouclier fiscal.

Vous vous dites attachés à la cohérence. Dites-moi où est cette cohérence, puisqu’on sait à présent que cette « contribution exceptionnelle » à 75 % ne touche pas les revenus de l’épargne ! Or on sait – c’est vous qui me l’avez appris, monsieur Muet : vous voyez que je vous écoute, de temps en temps – qu’au-delà de 200 000 euros de revenus, les revenus du travail sont très minoritaires par rapport aux revenus du patrimoine.

Pour revenir à la question de la proportionnalité de l’impôt, monsieur le rapporteur général, nous avons fait une proposition très claire : 45 % à partir de 150 000 euros, et 50 % à partir de 250 000 euros. Je rappelle au passage à tous ceux qui soutenaient Martine Aubry qu’elle aussi proposait un taux de 50 % à partir de 250 000 euros par part. Cela rendrait l’impôt sur le revenu plus proportionnel, mais avec la condition que nous avons dite – ne feignez pas, monsieur le rapporteur général, de l’avoir oublié : que l’on supprime les contributions exceptionnelles de 3 % et de 4 % que nous avions mises en place. En effet, à l’heure actuelle, à partir de 150 000 euros par part, le taux d’imposition s’élève à 41 %. Il est de 44 % entre 150 000 et 250 000 euros par part, et de 45 % à partir de 500 000 euros par part. Pour assurer la proportionnalité et la justice, il faut faire sauter ces contributions exceptionnelles de 3 % et de 4 % que nous avions instaurées.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Mandon.

M. Thierry Mandon. Nos débats sont, comme toujours, passionnants. Les votes des différents membres de cette assemblée le sont plus encore. M. Woerth, tout à l’heure, estimait que l’on pouvait, pourquoi pas, mettre en place une imposition à 75 %, mais que tout cela manquait de vision globale. Je reprends ses propos presque mot pour mot.

J’ai plutôt le sentiment inverse. L’article 3 vient après l’article 2, qui prévoit une décote afin de protéger un certain nombre de ménages modestes du gel du barème de l’impôt sur le revenu. L’opposition a voté contre cette protection.

M. Charles de Courson. Mais non !

M. Thierry Mandon. À une heureuse exception près : celle de M. de Courson !

M. Charles de Courson. Non, des centristes !

M. Thierry Mandon. La même opposition s’apprête, dans quelques instants, à voter contre l’article 3, qui crée une tranche supérieure de l’impôt sur le revenu.

M. Jean-Yves Le Bouillonnec. Tout est dit !

M. Thierry Mandon. Nous avons décidé, pour notre part, de protéger les ménages modestes. Nous voterons, dans quelques instants, la création de cette tranche supplémentaire. En effet, il n’y a aucune raison que l’effort que nous demandons à tous les Français ne porte pas sur les 50 000 contribuables qui le peuvent. Les accents à la Zola de M. Morin et de Mme Kosciusko-Morizet, quand elle a traversé l’hémicycle, sont indécents et en disent long sur la différence de vision globale qui nous sépare ! (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Personne ici ne conteste, monsieur Mandon, l’idée qu’il puisse y avoir une tranche à 45 %...

M. Hervé Morin. Voire à 50 % !

M. Éric Woerth. …voire à 50 %. Le problème, c’est l’ensemble. Ainsi, dans les années Rocard, la CSG s’est substituée à l’impôt et elle s’ajoute à cette tranche à 45 %, comme au reste. Il en va de même de la contribution exceptionnelle à laquelle vous avez fait référence.

Vous en convenez, d’ailleurs, puisque vous recréez le bouclier fiscal. Si vous ne vouliez pas éviter le caractère confiscatoire, monsieur Eckert, vous n’auriez pas rétabli un bouclier fiscal à 75 %, qui, entre nous, d’ailleurs, coûte presque aussi cher que le bouclier fiscal que vous avez tant décrié lorsqu’il a été institué par l’ancienne majorité. Il y a donc bien un problème. La vérité est que vous ne pourrez pas équilibrer les comptes publics – objectif que nous partageons avec vous – en ne faisant appel qu’à l’impôt. C’est impossible !

En outre, vous voulez concentrer l’impôt sur ceux qui gagnent le plus. Cela me semble logique, et nous ne le contestons en aucun cas, car, quand on gagne plus, on doit davantage participer à l’effort de la nation,…

M. Pascal Terrasse. Enfin ! Voilà la vérité !

M. Éric Woerth. …mais vous ne parviendrez pas à rééquilibrer les comptes publics par l’impôt en le concentrant uniquement sur ceux qui gagnent le plus aujourd’hui. Parce que le rendement marginal est de plus en plus faible. On le constate, d’ailleurs, à la lecture des rendements qui figurent sur les différents documents techniques. Les taux doivent atteindre des niveaux absolument incroyables pour obtenir des rendements extrêmement faibles. Et encore ! Nous ne sommes pas tout à fait certains que les personnes ne partent pas. Ces rendements peuvent donc être, au contraire, contre-productifs. C’est ce que nous tentons de vous expliquer.

Ce débat est évidemment intéressant. Mais je pense que vous risquez de parvenir à l’effet inverse de celui recherché.

(L’amendement n° 402 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Chrétien, pour soutenir l’amendement n° 124.

M. Alain Chrétien. Cet amendement de repli est l’exact opposé de l’amendement n° 472 rectifié de M. Sansu. La logique politique est, ici, tout à fait respectée !

Nous ne sommes pas farouchement opposés à la création d’une tranche à 45 %. Une telle mesure tout à fait acceptable. Toutefois, les contribuables concernés ne sont pas des rentiers ou des exploiteurs, ce sont des ingénieurs, des cadres, des chefs d’entreprise, des responsables qui portent les forces productives de la nation. Ces gens consomment, investissent et créent de la valeur ajoutée. Par cet amendement, qui se veut consensuel, nous vous proposons de porter le seuil de revenus de 150 000 à 200 000 euros. Il s’agit simplement de desserrer quelque peu l’étau dans lequel est enfermée cette catégorie de la population. Parce que, mes chers collègues, il faut le redire : la réussite n’est pas une tare !

En outre, ces mêmes personnes concernées par cette tranche à 45 % seront également imposées sur les cessions des valeurs mobilières – nous ne savons pas trop encore comment, mais nous le découvrirons sans doute dans quelques minutes – et elles paieront aussi des impôts sur leurs actions. Je vous rappelle également qu’elles travaillent bien au-delà de 35 heures par semaine.

M. Hervé Morin. Bien sûr. Ce sont les professions indépendantes.

M. Alain Chrétien. Il n’est donc pas exorbitant de vous demander un effort à vous aussi : soyez un peu moins idéologiques acceptez de relever ce seuil à 200 000 euros.

Le Premier ministre nous dit souvent que la compétitivité n’est pas une affaire de coût, mais d’innovation. N’oubliez pas que ce sont aussi ces gens qui innovent, qui œuvrent en faveur des emplois du futur. Il serait donc normal que vous reconnaissiez leur apport à la société française. En quelques mots, vous avez désespéré Billancourt en supprimant leurs heures supplémentaires, ne désespérez pas Sophia-Antipolis, qui crée, dès aujourd’hui, les emplois du futur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Cet amendement est un amendement de repli. On peut, certes, toujours discuter du plafond. Nous avons fixé le seuil à 150 000 euros par part, donc à 300 000 euros pour un couple, ce qui représente un salaire mensuel de 25 000 euros, après abattements. On peut donc penser que cela correspond à un salaire encore un peu supérieur à 25 000. Cela nous semble être un point d’équilibre. Nous en avons très largement débattu tout à l’heure lorsque les orateurs inscrits sur l’article se sont exprimés et lorsque nous avons examiné l’amendement de suppression de l’article. Le rapporteur général suggère donc de s’en tenir à 150 000 euros. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable, et ce pour deux raisons, l’une technique et l’autre de principe.

Porter à 200 000 euros le seuil de cette tranche à 45 % alors même que la surtaxe existe pour 250 000 euros, cela tendrait, naturellement, à écraser la fin du barème, ce qui serait, en termes de technique fiscale, une très mauvaise décision. Donc, votre amendement n’est pas acceptable, monsieur le député, au moins pour cette raison.

J’ajouterai une raison de principe. J’ai été un peu gêné par vos propos. Ainsi, selon que l’on habite Sophia-Antipolis ou ailleurs, on devrait payer plus ou moins d’impôts. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Laure de La Raudière. Ce n’est pas ce qu’il a dit !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Si ce n’est pas ce que vous avez dit, monsieur le député, je suis content, par mon intervention, de vous permettre de le préciser.

Vous avez, en revanche, bien insisté sur le fait que les ingénieurs et les médecins, entre autres, ne devaient pas payer trop d’impôts. Mais dans notre pays, on ne paie pas l’impôt en fonction de la qualité du métier exercé ! (Exclamations sur les mêmes bancs.) On paie l’impôt en fonction des revenus que l’on déclare, et ce quelle que soit la durée du travail.

M. Hervé Mariton. Ce n’est pas sérieux, monsieur le ministre !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je vous appelle donc, très gentiment, à tenir compte de cette remarque de fond sur ce qu’est l’impôt sur le revenu. Il ne dépend ni de l’endroit où l’on travaille ni du métier que l’on exerce, mais exclusivement du niveau de revenu que l’on déclare.

M. Hervé Mariton. Ne faites pas semblant de ne pas comprendre, monsieur le ministre !

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Morin.

M. Hervé Morin. J’ajouterai une ou deux observations.

La structure fiscale française est ainsi faite qu’il existe, aujourd’hui, un impôt proportionnel – la CSG – auquel on pourrait d’ailleurs ajouter la CRDS qui, de provisoire, est devenue une contribution permanente. À cela s’ajoute un impôt progressif. Je pense, comme Éric Woerth, que les prélèvements, en France, ne sont pas au taux marginal de 45 %, mais au moins à 60, voire 65 %. Si on y ajoute par exemple, puisque c’est ce que prévoit le projet de loi de financement de la sécurité sociale, un prélèvement social supplémentaire sur les indépendants à hauteur de 1 milliard d’euros ; si l’on y ajoute l’impôt sur la fortune, dont on sait qu’il présente l’inconvénient d’avoir une assiette étroite et un taux élevé ; si l’on y ajoute les différents prélèvements sur les revenus du patrimoine, on arrive à un système de prélèvements absolument confiscatoire et rédhibitoire.

Vous allez, de plus, porter une grave responsabilité. En effet, avec de tels niveaux de prélèvements, vous provoquerez progressivement le déplacement des sièges sociaux et des sièges de décisions au Royaume-Uni, en Allemagne, en Belgique et aux Pays-Bas. C’est l’économie française qui trinquera, une fois de plus ! Nous le savons, en effet, le patriotisme national existe chez les chefs d’entreprise ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Vigier. Très bien !

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

M. Hervé Mariton. Mon rappel au règlement se fonde sur l’article 58, alinéa 1, de notre règlement, madame la présidente. Car je pense que le débat, dans notre assemblée, suppose un peu de correction de la part du Gouvernement.

Lors de nos échanges, il est apparu que cette question de la progressivité de l’impôt n’était pas taboue, pour autant qu’elle ne soit pas excessive. Mais quand le ministre caricature à ce point les exemples cités par notre collègue, c’est qu’il n’a pas écouté, ou c’est qu’il n’a pas compris, ou alors c’est qu’il le fait exprès ! Il n’est pas convenable que les exemples donnés par notre collègue soient à ce point caricaturés. Nous n’avons jamais imaginé que l’imposition dût dépendre de la profession. Notre collègue a donné un exemple et a souligné qu’il était essentiel d’encourager la création et l’innovation dans notre pays. Des catégories qui perçoivent un certain niveau de revenus peuvent, certes, contribuer davantage que d’autres à l’effort public, mais pas à des niveaux excessifs.

Monsieur le ministre, s’il vous plaît, ne caricaturez pas les propos de nos collègues. Je pense qu’il y va de la qualité de nos débats au cours de l’examen de ce projet de loi de finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Article 3 (suite)

Mme la présidente. Nous en revenons à l’amendement n° 124, que je vais mettre aux voix.

(L’amendement n° 124 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n° 472 rectifié.

M. Nicolas Sansu. Par cet amendement, nous proposons d’augmenter la progressivité de l’impôt sur le revenu en s’appuyant sur la nouvelle tranche à 45 %. Je m’en suis déjà expliqué.

Je tiens à répondre à M. Chrétien. Sans doute ne rencontrons-nous pas les mêmes gens. J’entends dire que celles et ceux qui seraient concernés par la tranche à 45 %, ce sont des ingénieurs. Il y a des ingénieurs qui déclarent 150 000 euros par part ? Ce serait déjà pas mal !

Au-delà de cela, vous le savez, monsieur Chrétien, celles et ceux qui seront touchés sont souvent celles et ceux qui bénéficient, malheureusement, des niches fiscales leur permettant d’investir dans les DOM. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Laure de La Raudière. C’est fini !

M. Nicolas Sansu. Ce n’est pas fini dans les DOM, et vous le savez parfaitement ! (« Ah ! Bravo ! » sur les bancs du groupe UMP.) Elles peuvent aussi acquérir des œuvres d’art sans les mettre à disposition du public. Il convient donc d’être correct, monsieur Chrétien. Les résultats auxquels vous êtes parvenus en aidant les plus privilégiés pendant dix ans devraient vous conduire à davantage de modestie !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Cet amendement est à l’opposé du précédent. Indépendamment de la précision apportée par le ministre sur le risque d’écrasement, compte tenu de la surtaxe à partir du seuil de 250 000 euros, j’ai précisé, tout à l’heure, que le Gouvernement avait choisi un point d’équilibre. Le point d’équilibre ne varie pas selon que je regarde M. Sansu ou nos collègues de l’opposition. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Avis défavorable.

Monsieur le député, nous parviendrions, si votre amendement était accepté, à un taux marginal d’imposition excessif. J’illustrerai mon propos par un exemple. Ainsi, imposer à ce taux des ingénieurs, médecins ou autres professions libérales, cela pourrait décourager une forme d’initiative et d’ardeur au travail, étant entendu que ces exemples ne sont cités qu’à titre indicatif, et pour bien me faire comprendre.

(L’amendement n° 472 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 706, 707 et 708.

La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n° 706.

M. Charles de Courson. Nous n’aurons de cesse d’appeler nos collègues à davantage de cohérence et de lisibilité dans le barème. Lorsque nous étions dans la majorité, nous avons défendu les mêmes positions. M. Cahuzac peut en être témoin, puisqu’il était président de la commission des finances. Nous sommes favorables à une lisibilité totale, à savoir : une tranche à 45 % à partir d’un seuil de 150 000 euros et une tranche à 50 % au-delà de 250 000 euros, avec, en contrepartie, la suppression des contributions exceptionnelles.

Comme leur nom l’indique, elles sont temporaires. Le Gouvernement s’engage-t-il à les supprimer ? S’il répond oui, que tout le monde vote cet amendement. S’il répond non, nous le retirerons parce qu’il n’y aura plus aucune cohérence. Si on conserve la proposition du Gouvernement, on est à 45 % à partir de 150 000 euros et à 48 % à partir de 250 000 euros, et il faut ajouter les 8 % de CSG sur les revenus du travail et les 15,5 % sur les revenus du capital. Écoutez, ce n’est déjà pas mal !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n° 707.

M. Jean-Christophe Lagarde. Nous sommes attachés à la progressivité de l’impôt. Il est vrai que, comme l’ont souligné certains de mes collègues, il faudrait regarder non seulement le taux de l’impôt sur le revenu mais la globalité de l’imposition que nous fixons pour un ménage français. La seule chose qui compte, en effet, pour nos concitoyens, c’est de savoir combien ils vont payer et si c’est juste par rapport aux autres contribuables.

Nous proposons que, pour quelqu’un qui gagne 251 000 euros, le taux marginal soit de 50 % alors qu’il ne serait que de 45 % pour quelqu’un qui gagne 150 000 euros. C’est finalement assez compréhensible. Comment laisser un trou aussi énorme entre 150 000 euros et un million d’euros, le revenu pouvant être multiplié par deux, trois, quatre, cinq ou six ? Celui qui gagne 900 000 euros serait taxé à 45 %, comme celui qui gagne 151 000 euros.

L’introduction d’une tranche supplémentaire permettant d’aller jusqu’à 50 % éviterait les effets de bouclier fiscal que nous avons connus, que nous dénoncions et que vous recréez par ailleurs avec une tranche à 75 %. Car la promesse du Président de la République, c’était bien l’instauration d’une tranche à 75 %. Que vous la présentiez différemment aujourd’hui ne change rien à l’affaire.

L’impôt serait ainsi plus progressif. On serait taxé à 50 % au-delà de 250 000 euros par part, ce qui, pour reprendre votre exemple, monsieur le rapporteur général, suppose 500 000 euros de revenu pour un couple, soit à peu près 40 000 euros par mois. Je pense que, pour reprendre votre expression favorite du moment, ce serait un point d’équilibre tout à fait satisfaisant.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour défendre l’amendement n° 708.

M. Philippe Vigier. Mes collègues vous ont présenté cette proposition, qui est très simple. Je vous répète cependant avec un peu avec solennité que les contributions exceptionnelles doivent naturellement être annulées. Sinon, c’est la double sanction.

Notre discours est très clair et, surtout, cohérent. Le contrat de confiance, c’est la proportionnalité et la suppression des contributions exceptionnelles, ce qui ne peut passer que par un engagement et un amendement du Gouvernement.

Pierre-Alain Muet n’a pas réagi, mais lui qui connaît parfaitement les programmes des différents candidats à la primaire du parti socialiste devrait se souvenir que c’était d’ailleurs la proposition de Mme Aubry.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je profite de l’occasion pour dissiper une erreur que vous commettez, monsieur Vigier. J’ai l’impression que M. de Courson le sait,…

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Il sait tout !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …la contribution exceptionnelle sur le revenu fiscal de référence n’a pas la même assiette que l’impôt sur le revenu.

M. Philippe Vigier. C’est vrai !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous faites donc une confusion. L’assiette de la contribution exceptionnelle que vous avez instaurée tient bien sûr compte des revenus, et votre raisonnement pourrait s’entendre s’il n’y avait que cela, mais elle comprend aussi des revenus qui ne sont pas actuellement soumis au barème. Il y a d’abord les plus-values des valeurs mobilières, qui vont y passer d’une certaine façon, mais avant abattement – de sorte qu’il y a là une grande nuance, nous en reparlerons tout à l’heure. Il y a ensuite les revenus du capital de type dividendes, mais là encore avant l’abattement de 40 %, ainsi que les revenus actuellement non barémisés. Je pense, et ce n’est pas rien, aux revenus de type assurance vie.

Vous proposez que, plutôt que d’avoir une tranche à 45 % et deux contributions exceptionnelles à 3 % et 4 %, on instaure une tranche à 50 %. Mais ce n’est pas la même assiette ! Sinon, le Gouvernement, qui n’est pas plus bête que les centristes,…

M. Philippe Vigier. Nous n’avons aucune prétention en la matière !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …aurait adopté votre proposition, qui aurait eu le mérite de la simplicité et de la clarté. Les assiettes sont assez radicalement différentes. Par conséquent, votre amendement ne tourne pas, comme on dit chez nous. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. La vie politique a ses charmes incontestables, qui voit le groupe UDI converger, au moins en matière fiscale, avec les propositions de l’ancienne première secrétaire du parti socialiste. Je suis sûr que, sur tous ces bancs, ce phénomène est apprécié à sa juste valeur. (Sourires.)

Vous proposez une tranche marginale à 50 % pour un revenu par part supérieur 250 000 euros. C’est trop. Vraiment, c’est trop. J’ai bien vu quelle était votre volonté en matière fiscale, notamment dans la précédente mandature, et je constate ce que vous proposez maintenant. C’est excessif, ce n’est pas raisonnable, à moins qu’il ne s’agisse d’un amendement d’appel pour que le Gouvernement monte le taux de la tranche marginale de 45 à 46 ou 47 %. Si c’est le cas, je vous le dis tout de suite, le Gouvernement n’y est pas favorable.

En revanche, je vois dans ce que vous proposez, et qui ne peut être qu’un amendement d’appel, comme une approbation anticipée de la barémisation des revenus du capital que nous nous apprêtons à introduire. À ce niveau de revenu, en effet, il s’agit pour l’essentiel de revenus du capital, très rarement de revenus du travail. Dès lors que vous suggérez de fiscaliser les revenus du capital à un taux marginal très élevé, trop élevé à mes yeux, 50 %, c’est donc que vous acceptez le principe de soumettre au barème de l’impôt sur le revenu lesdits revenus du capital et que, par ailleurs, vous n’êtes pas choqués de les imposer, le cas échéant, au taux marginal.

C’est un peu pour m’amuser que je notais cette convergence entre Martine Aubry et vous, mais c’est avec beaucoup d’intérêt et une vraie sympathie que je devine le soutien que, manifestement, le Gouvernement recevra de la part du groupe centriste quand il s’agira d’attaquer le cœur de la réforme fiscale.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Il y a beaucoup de second degré dans cette discussion,…

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Vous avez remarqué ?

M. Hervé Mariton. …mais cela devient un peu compliqué à comprendre. Il y a des enjeux sérieux pour nos concitoyens.

En matière de progressivité de l’impôt, mes chers collègues centristes, arrêtons d’avoir des complexes. À ce niveau de revenus, et, si je prends ce qu’a dit le ministre au premier degré, je suis plutôt rassuré, notre système fiscal ne manque pas de progressivité. La démonstration très imparfaite et présentée de manière très malhonnête par Piketty a malheureusement été considérée comme parole d’évangile par ceux qui ne l’ont pas lue d’assez près. On peut discuter de la progressivité, mais seulement pour l’extrémité de la courbe, à des niveaux très élevés.

Ce que ces amendements ont le mérite de souligner, c’est qu’il y a dans la contribution exceptionnelle de 75 %, avec sa dimension potentiellement confiscatoire qu’a rappelée le rapporteur général tout à l’heure, une dimension totalement cosmétique.

Plutôt que de faire de la cosmétique, autant poser la question sérieusement et y apporter de bonnes réponses. La bonne réponse, ce n’est pas le taux de 50 % que vous proposez, et ce n’est pas non plus la mesure confiscatoire mais cosmétique, ou cosmétique mais confiscatoire, que propose le Gouvernement avec sa tranche à 75 %, entraînant le rétablissement d’un bouclier fiscal au coût global et par personne concernée très comparable à ce que nous avions connu dans la mandature précédente.

Donc, au-delà du second degré qui embrouille un peu le débat, nous ne sommes pas favorables à un taux à 50 %, mais le niveau de fiscalité des revenus considérables est un vrai sujet, auquel, malheureusement, le Gouvernement n’aura pas apporté de réponse dans ce débat budgétaire. C’est très dommage.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. La volonté de nos collègues centristes de rendre plus progressif l’impôt sur le revenu est évidemment sympathique mais je ne suis pas sûr que nous ayons la même approche.

À chaque fois que nous avons parlé de l’augmentation du taux marginal de l’impôt sur le revenu, nous avons toujours dit que la première des choses à faire était de soumettre tous les revenus, quelle que soit leur nature, au barème de l’impôt sur le revenu. Nous savons très bien, en effet, que, si l’on augmente le taux marginal sans supprimer en contrepartie les prélèvements forfaitaires ou les prélèvement libératoires, on n’impose que les revenus du travail. D’ailleurs, si l’on prend à la fois l’impôt sur le revenu et les prélèvements libératoires, le taux d’imposition du revenu est totalement plat au-delà de 30 % et baisse pour les revenus très élevés. Selon un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires, le taux moyen est de 25 % pour les mille plus hauts revenus et de 20 % pour les dix plus hauts. On sait pourquoi : il y a prélèvements libératoires qui sont dans ces zones – 21 %, 24 % et 19 % pour les prélèvements forfaitaires.

Nous proposons donc une politique cohérente. Si l’on prend tous les revenus, le taux marginal de 45 % est bien adapté et il est juste. C’est cela notre conception de la justice fiscale. Si vous vous contentez de mettre un taux plus élevé qui ne touche que les revenus du travail, vous continuerez à perpétuer l’injustice profonde de notre fiscalité, qui taxe le travail et oublie de taxer le capital.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le rapporteur général a raison de rappeler que les contributions de 3 % et 4 % portent non sur le revenu imposable mais sur le revenu de référence, et 4 % sur le revenu de référence, cela correspond plutôt, monsieur Mariton, à 6 ou 7 points avec l’assiette actuelle. C’est la raison pour laquelle notre proposition d’une tranche à 50 % aboutirait à une imposition moins élevée qu’avec une tranche marginale à 45 % à laquelle s’ajoute une contribution de 4 % sur le revenu de référence.

Il ne faut pas mélanger les débats. Il y a un débat sur le barème et un autre sur l’assiette. Il ne s’agit pas simplement de la fiscalisation de certains revenus du patrimoine, car tout le monde oublie qu’une partie d’entre eux y sont d’ores et déjà soumis, comme tous les revenus fonciers. Il faut connaître un peu le régime fiscal avant de lancer de grandes idées qui ne correspondent pas à la réalité.

Autre problème, la dépense fiscale. Il n’y a pas de cohérence, monsieur le ministre. Il faut réduire les dépenses fiscales et élargir l’assiette, avoir un taux pour tous les revenus confondus et supprimer les contributions exceptionnelles, qui, avec des taux marginaux, ont des conséquences beaucoup plus lourdes que ce que l’on croit. Le barème doit être lisible et l’assiette plus large, et cela est aussi vrai s’agissant des mesures de dépense fiscale que de l’imposition sur les revenus du capital.

Dernier point, ne confondez pas les revenus du capital avec les plus-values, nous en parlerons longuement à l’occasion de l’article 6.

Monsieur le ministre, vous n’avez toujours pas répondu à la question centrale : oui ou non, supprimerez-vous les deux contributions de 3 % et 4 % ? Je vous rappelle qu’elles tombent automatiquement à la fin de 2013. Si vous me répondez que non, je retire les amendements.

Mme la présidente. Je vais mettre aux voix ces amendements.

M. Charles de Courson. Non, je voudrais une réponse du ministre.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je répondrai tout à l’heure.

M. Charles de Courson. Puisque je n’ai pas de réponse, je retire ces amendements.

(Les amendements n°s 706, 707 et 708 sont retirés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 430 et 473, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement n° 430.

Mme Eva Sas. Dans la continuité de cette discussion, nous proposons, comme d’autres sur ces bancs, de créer une tranche supplémentaire entre 45 % et la contribution exceptionnelle de 75 %, pour aller dans le sens d’une meilleure progressivité de l’impôt et d’une plus grande contribution des hauts revenus au budget de l’État : une tranche de 55 % pour les revenus supérieurs à 500 000 euros.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement n° 473.

M. Nicolas Sansu. Cet amendement, qui consiste à ajouter une tranche à 50 % au-dessus de 380 000 euros, est un amendement va dans le sens de la cohérence avec le vote de la majorité sénatoriale sur le projet de loi de finances pour 2012, puisqu’il s’agit d’une proposition de Mme Nicole Bricq que je me suis permis de reprendre afin d’améliorer la progressivité de l’impôt sur le revenu. Je ne doute pas que notre assemblée fera sienne cette cohérence.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Christian Eckert, rapporteur. Il s’agit toujours des mêmes thèmes : création de tranches supplémentaires ou déplacement des seuils à partir duquel s’appliquent un certain nombre de contributions. Beaucoup de choses ont déjà été dites. Je pense que ces propositions sont excessives. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Défavorable, pour les mêmes raisons.

J’en profite pour répondre à M. de Courson, en le remerciant d’avoir accepté de retirer ses amendements, qui ont failli être votés par un membre de l’UMP : 50 % à 250 000 euros par part, c’est beaucoup. Je note que vous étiez prêts à voter cela.

Le Gouvernement, monsieur de Courson, n’a pas envisagé – ce n’est pas dans le projet de loi de finances – de revenir sur ce qu’on appelle la surtaxe Fillon, que vous aviez, je crois, votée quand vous étiez dans la majorité, surtaxe de trois points de plus à 250 000 euros par part et de quatre points de plus à 500 000 euros par part. Vous avez ainsi votre réponse.

J’en profite également pour informer la représentation nationale que la France a aujourd’hui une adjudication importante sur les marchés. Le taux de couverture a été de presque trois, ce qui est assez rare et est donc un très bon signe. À deux ans, nous avons pu lever des fonds à 0,19 % : c’est historique, cela n’a jamais été si bas. À cinq ans, nous avons levé à 0,92 %. De deux choses l’une : ou bien la situation actuelle est due aux cinq mois de gouvernement de Jean-Marc Ayrault,…

M. Alain Chrétien. Ou à la météo !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …et alors merci de nous accorder le crédit de ces taux particulièrement bas, ou bien elle est exclusivement due à ce que l’on appelle l’héritage, et vous avez incontestablement votre part dans ces taux. (« Ah ! » sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Mais il me paraît difficile de laisser tout le bon aux uns et tout le mauvais aux autres.

M. Étienne Blanc. Merci de cette rare objectivité !

(Les amendements nos 430 et 473, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 709 rectifié, 710 rectifié, 711 rectifié.

La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n° 709 rectifié.

M. Philippe Vigier. La réponse du ministre ayant été claire, et puisque nous savons désormais que le Gouvernement n’entend pas supprimer les surtaxes Fillon de trois et quatre points, nous retirerons ces amendements.

Par ailleurs, je remercie le ministre de la bonne nouvelle qu’il nous a annoncée. Ce n’est pas seulement le fait du Gouvernement de M. Ayrault, mais plutôt un héritage. La majorité fait souvent allusion à l’héritage : celui-ci n’est pas si mauvais que cela, puisqu’il nous permet de bénéficier des taux de couverture qu’a rappelés M. le ministre. Nous avions montré la ligne, même si une grande part du travail restait à faire.

M. Cahuzac indiquant qu’il ne retirera pas la taxation Fillon, encore valable en 2013, le groupe UDI retire les présents amendements.

(Les amendements nos 709 rectifié, 710 rectifié et 711 rectifié sont retirés.)

(L’article 3 est adopté.)

Article 4

Mme la présidente. À l’article 4, plusieurs orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. L’article 4 est important, il traite de l’abaissement du plafond de l’avantage procuré par le quotient familial. Nous sommes très attachés, sur tous ces bancs, sans distinction, à la notion de famille et au quotient familial, qui est un levier puissant de la politique familiale.

L’exposé des motifs en page 42 du projet de loi de finances – je sais que le rapporteur général aime qu’il soit fait référence de façon extrêmement précise aux documents –, indique la volonté du Gouvernement de modifier le quotient familial afin de renforcer la progressivité de l’impôt.

Quelle n’a pas été ma surprise, dans un second document, intitulé « Évaluation préalable des articles du projet de loi » de lire en particulier la page 25, dont le Gouvernement nous expliquera peut-être le pourquoi. Pour une famille ayant un enfant à charge, le quotient familial, qui était de 2 336 euros pour une demi-part en avantage d’impôt, chute à 2 000 euros, soit 16 % de moins. Expliquez-nous, là encore, en vertu de quoi cela représente une vraie proportionnalité ? Nous contestons, bien sûr, le fait que vous touchiez au quotient, car c’est un mauvais coup porté à la politique familiale, mais pourquoi, lorsqu’il s’agit de parents isolés, l’avantage maximal est-il inchangé ? Quelle est la différence entre la « vraie famille », ou la famille « normalement constituée », pour laquelle vous diminuez l’avantage de 16 %, et les parents isolés, pour lesquels il n’y a pas de changement ? Pas de changement non plus pour les vieux parents, qui ont élevé des enfants pendant quelques années. Ni pour les handicapés, et là je m’en félicite.

Bref, il n’y a pas de cohérence, pas de proportionnalité, et vous créez un distinguo entre deux types de familles. Cela laisse transparaître que nous n’avons peut-être pas tout à fait la même vision de la famille. Non seulement c’est un mauvais coup porté à la politique familiale, mais en outre cette différence faite entre les familles nous paraît inacceptable.

Mme la présidente. La parole est à M. Laurent Baumel.

M. Laurent Baumel. Il est un peu irritant d’entendre l’opposition, dans ce débat que nous avons déjà eu en commission, s’ériger en défenseur exclusif de la politique familiale en France, alors que, sur les bancs de cette assemblée, tout le monde défend évidemment la prise en compte des charges de famille dans l’impôt.

M. Marc Le Fur. Prouvez-le !

M. Laurent Baumel. Car nous sommes tous d’accord avec le principe selon lequel chacun doit payer selon ses facultés contributives, et les charges de famille font partie des facteurs qui déterminent ces facultés contributives.

Cela ne signifie pas pour autant que le système du quotient familial soit exempt de toutes critiques. Ce système, chacun le sait ici, c’est l’idée que des gens qui ont le même revenu par part avant impôt doivent avoir le même impôt à l’issue de la prise en compte des prélèvements. Le problème, c’est que la combinaison de ce principe avec le barème progressif conduit aujourd’hui à ce que la subvention donnée par la collectivité à un enfant issu de classes aisées est supérieure à celle accordée à un enfant de milieu modeste. (Vives exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Marc Le Fur. Vous n’avez rien compris !

M. Laurent Baumel. Quelle est la légitimité de ce système ? Personnellement, je suis reconnaissant au Gouvernement d’avoir, à l’occasion de ce projet de loi de finances, durci les conditions de l’avantage du quotient familial pour les familles les plus aisées. C’est un élément de justice qui s’inscrit dans la logique générale du projet.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Lorsque l’impôt sur le revenu a été créé dans notre pays, en 1917, la France, dans un assez large consensus, a choisi d’imposer non pas des individus, comme cela se fait en Allemagne ou en Grande-Bretagne, mais un foyer fiscal, et ainsi s’est développée une fiscalité pro-famille.

Un célibataire aisé et un foyer ayant le même revenu avec quatre enfants, où maman ne travaille plus parce qu’il faut s’occuper de la famille, ont-ils le même niveau de vie ? Pas du tout : la famille en question a un niveau de vie deux ou trois fois inférieur à celui du célibataire. Le quotient familial a donc une vertu redistributrice entre les personnes qui, à revenus égaux, n’ont pas d’enfants et celles qui en ont.

Attention à l’argument selon lequel il ne serait pas normal que les personnes aisées ayant des enfants perçoivent un avantage fiscal. Il est tout à fait normal et juste qu’un vieux célibataire comme moi paye plus qu’une famille avec quatre enfants ayant les mêmes revenus que moi. Je vous mets donc en garde contre l’abaissement du plafond du quotient.

L’autre question sociétale, c’est la façon dont on traite les différentes demi-parts, quant au plafonnement. Je vous mets là aussi en garde, parce que le texte que propose le Gouvernement est très imparfait : certaines catégories bénéficiant de la demi-part ne sont pas plafonnées et d’autres le sont. Il y a là un problème d’égalité de traitement.

Mme la présidente. Merci. En matière d’égalité de traitement, chacun a deux minutes. (Sourires.)

La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Le quotient familial est un acquis du Conseil national de la Résistance. C’est une réalité qui, jusqu’à présent, a fait consensus, et qui a eu des effets positifs sur la démographie.

M. Jacques Myard. Absolument !

M. Marc Le Fur. C’est un des éléments majeurs de notre politique familiale, qui en comprend d’autres : les allocations familiales, distribuées de manière différente, et les aides spécifiques aux familles les plus défavorisées. Ce sont là trois tiers ; le quotient familial est l’une des trois politiques qu’il faut mener.

Ce que je veux dire à nos collègues de gauche, c’est que la politique familiale n’est pas une annexe de la politique sociale.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Marc Le Fur. C’est une politique distincte, qui a sa logique propre, très bien expliquée par Charles de Courson. Prenons les premier et deuxième déciles : une famille ne doit pas être exagérément défavorisée par rapport à un célibataire ou à un couple sans enfants ; la logique consiste à comparer au sein du même décile. Il ne s’agit pas, dans ce cadre, d’une solidarité entre familles, où les familles riches donneraient pour les familles pauvres, mais d’une solidarité au bénéfice des familles, qui est payée par les célibataires, par les couples sans enfants et par les couples qui n’ont plus la charge d’élever leurs enfants. Il faut respecter cette logique.

M. Baumel, pardonnez-moi, se trompe : le quotient familial est étroitement lié à la progressivité de l’impôt. Si nous n’avions qu’une flat tax, le quotient familial serait inutile ; une somme en masse par enfant suffirait pour atténuer les effets de la charge de famille. Mais nous avons un impôt progressif : il faut donc tenir compte du revenu par tranche, et c’est pourquoi le quotient familial existe. Les deux ne sont pas contradictoires mais liés, ils se compensent, en quelque sorte. Jusqu’à présent cela faisait consensus ; je regrette que la gauche rompe ce consensus. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, qui sera le dernier orateur de la matinée.

M. Hervé Mariton. La proposition du Gouvernement concerne un million de foyers : ce n’est pas rien. L’impôt sera augmenté pour tous ces foyers car il est proposé d’abaisser le plafond du quotient familial.

À entendre ce qu’a dit notre collègue de la majorité, à entendre les débats en commission des finances, on se rend compte que ce n’est pas simplement l’abaissement du plafond du quotient qui est en jeu : nombre de nos collègues à gauche récusent en réalité le quotient familial lui-même. Or c’est une modalité de calcul de l’impôt qui est juste. Elle le serait d’ailleurs plus encore si l’on avait suivi complètement les préconisations d’Alfred Sauvy, qui suggérait de lui donner davantage d’ampleur.

Le quotient familial, c’est une solidarité de ceux qui n’ont pas de charge de famille vers ceux qui en ont une.

On peut me dire : « Est-il normal qu’un enfant de cadre dirigeant rapporte davantage qu’un enfant de smicard ? » Au-delà de l’inélégance de la formule, le sujet n’est pas de savoir ce qu’un enfant rapporte. Le fait même de poser ainsi la question est indigne !

M. Jean-Luc Laurent. Mais qui a dit ça ? Vous entendez des voix !

M. Hervé Mariton. Ce qu’il faut dire, c’est que ceux qui n’ont pas d’enfant sont, à niveau de revenu comparable, solidaires à l’égard de ceux qui ont des enfants. Le sujet est donc de savoir comment l’impôt est calculé, en l’occurrence par la solidarité des premiers envers les seconds.

Enfin, maintenir le plafond actuel pour des situations familiales légitimes mais au détriment de ceux qui vivent dans une vision plus durable de la famille, considérer que le parent isolé doit être privilégié par rapport à celui qui ne l’est pas, ce n’est pas juste non plus. Il ne faut pas de stigmatisation des familles monoparentales, mais il ne faut pas non plus les banaliser.

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. Hervé Mariton. Il n’y a pas de raison pour que ceux de nos concitoyens qui vivent dans un contexte de famille durable soient stigmatisés par rapport à d’autres contextes familiaux, que le Gouvernement choisit de privilégier. Ce n’est pas une vision durable de la société. Ce n’est pas une vision juste non plus ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Suite du projet de loi de finances pour 2013.

La séance est levée.

(La séance est levée à treize heures.)