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Première séance du mercredi 12 septembre 2012

Présidence de M. Marc Le Fur,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Création des emplois d’avenir

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi portant création des emplois d’avenir (nos 146, 148, 147).

Discussion des articles (suite)

Article 1er (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a commencé l’examen des articles, s’arrêtant aux amendements identiques nos 60 et 229 visant à supprimer l’article 1er.

La parole est à M. Olivier Marleix pour soutenir l’amendement no 60.

M. Olivier Marleix. En période de crise grave, tous les gouvernements ont recours à des emplois aidés. Si cela n’est pas condamnable en soi, les modalités retenues ne nous paraissent pas les bonnes. Ce dispositif, cela a été rappelé, va coûter 2,3 milliards d’euros la première année et 1,5 milliard par la suite. J’aurais préféré que cet effort budgétaire soit consacré à l’apprentissage, qui offre, lui, de vraies chances de trouver un emploi en fin de parcours pour à peu près 80 % de ses bénéficiaires, garantie que ne présentent en aucun cas vos contrats d’avenir.

L’apprentissage, c’est aussi l’assurance de l’acquisition de véritables savoir-faire et de métiers pour ces jeunes, ce que votre dispositif ne garantit pas malgré vos incantations et les efforts louables de la commission, qui a mis en lumière les faiblesses de votre texte sur ce point.

Enfin, le Gouvernement, pour un plaisir qui est surtout de l’ordre du marketing, a décidé d’inventer un nouveau contrat au lieu de s’appuyer, par exemple, sur les CAE. Cela va à l’encontre de tout ce qui a été fait depuis dix ans au cours desquels, à la demande des experts et des praticiens des politiques de l’emploi, les gouvernements ont fait en sorte de fusionner les différents contrats pour éviter des périodes de rupture entre plusieurs dispositifs.

Vous avez refusé de le faire, nous retombons donc dans les défauts du système ancien : en attendant le nouveau contrat, on ne signe plus de CAE, vos services ayant tout de suite donné des consignes en ce sens dans les départements, et il va maintenant falloir de longues semaines, le temps que le texte soit voté, que les décrets soient publiés et que les nouveaux formulaires soient envoyés, avant que des contrats ne soient signés. C’est donc beaucoup de temps perdu pour un plaisir qui est, je le répète, purement de l’ordre du marketing. C’est entre autres pour cette dernière raison que nous proposons de supprimer cet article.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 229.

M. Jean-Frédéric Poisson. J’ai pris du temps, hier, pour expliquer les raisons pour lesquelles je n’étais pas favorable à ce texte. Les mêmes raisons m’ayant conduit à déposer cet amendement de suppression, je ne les détaillerai pas, d’autant que notre collègue Marleix vient de le faire.

M. Régis Juanico. Très bien !

M. Jean-Frédéric Poisson. Je vous remercie, monsieur le ministre, d’avoir reconnu les efforts que j’ai consacrés à cette démonstration hier : même si cela ne veut pas dire que vous êtes convaincu, cela annonce de bonnes minutes, sinon de longues heures, à partager dans cet hémicycle.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Je compte sur vous pour convaincre M. Marleix…

M. Jean-Frédéric Poisson. Mais vous devrez certainement reprendre votre démonstration sur le coût du dispositif, dont le moins que l’on puisse dire est qu’elle ne nous a pas convaincus à ce stade.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur de la commission des affaires sociales. M. Marleix n’a pas assisté hier à la discussion générale sur cet article, c’est sans doute pour cela qu’il propose de le supprimer. Ce n’est pas la peine de s’étendre, les arguments ont longuement été échangés hier sur l’utilité de ce dispositif, qui va permettre de donner un nouveau départ aux jeunes qui ont le plus de difficultés dans notre pays. La commission a donc repoussé cet amendement.

M. Jacques Myard. Ce n’est pas bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Même avis !

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue.

M. Christophe Sirugue. Je voudrais quand même rappeler le contexte dans lequel nous nous trouvons, celui d’un chômage massif des jeunes, face auquel personne n’a estimé que ce texte avait pour objectif de tout remplacer, ni qu’il avait vocation à tout régler. Mais il nous faut des outils, et je trouve assez incohérent, de la part de nos collègues de l’opposition d’expliquer à la fois qu’il faut en effet se mobiliser pour donner de l’emploi aux jeunes, et qu’un dispositif précisément ciblé sur les jeunes sans qualification n’a pas lieu d’être ! L’urgence justifie que nous disposions de l’ensemble du texte proposé, dont son article 1er. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je ne comptais pas prendre la parole, mais l’intervention de M. Poisson me rappelle notre débat d’hier soir sur les crédits d’engagement. Là-dessus, nous n’avons jamais eu la vraie réponse, et la presse elle-même ne sait plus où elle en est. J’ai en effet ici une dépêche AFP où il est écrit : « dans un budget 2013 des plus rigoureux, 2,3 milliards d’euros seront inscrits pour la mesure, dont le coût est estimé à 1,5 milliard. » On va donc inscrire plus que l’estimation du coût que vous aviez donnée, qui diffère aussi du calcul de M. Poisson, qui aboutit à 1,9 milliard. Il serait donc souhaitable que nous puissions avoir une réponse claire sur le budget.

Par ailleurs, le groupe UDI trouve que la mesure relative aux emplois d’avenir est peu ambitieuse, mais de là à la supprimer il y a un pas que nous ne franchirons pas et nous ne voterons donc pas les amendements de suppression de l’article.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Bravo ! La conclusion est très bonne !

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Nous avons, cela a été rappelé hier par l’un d’entre nous, une divergence d’appréciation sur le traitement de la situation du chômage des jeunes et sur la nature des outils à mettre en œuvre. C’est un choix politique, vous assumez le vôtre, nous assumons le nôtre. Nous considérons que l’outil que vous proposez n’est pas adapté à la situation et qu’on aurait pu prendre d’autres pistes, par exemple en élargissant les contrats qui existent. Il n’y a donc pas d’incohérence de notre part, mais simplement le souhait de trouver des outils mieux adaptés à la situation. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

(Les amendements identiques nos 60 et 229 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n° 280.

M. Francis Vercamer. Nous estimons que les emplois d’avenir sont un mal nécessaire dans notre société où un certain nombre de jeunes ont d’énormes difficultés à trouver un emploi. Néanmoins, comment appeler « emploi d’avenir » un contrat de trois ans dès lors qu’aucune pérennisation n’est inscrite dans votre texte ? Vous dites que le CDI devrait être prioritaire, mais les amendements que j’ai déposés en commission sur le CDI, on me les a refusés ! J’en déduis que le CDI n’est pas la mesure principale de ce texte.

Et lorsqu’en plus on lit que des investissements d’avenir, tels que des lignes TGV, des investissements lourds autour de la région parisienne ou même le canal Seine-Nord, seront peut-être remis en cause, on peut se poser la question de savoir ce qu’est pour vous un emploi d’avenir. Pour moi, c’est plutôt un emploi assis sur des investissements d’avenir à long terme et sur un contrat à durée indéterminée.

C’est pourquoi nous proposons que l’on ne parle plus d’« emploi d’avenir » mais simplement de « contrat d’engagement pour l’emploi », car ce sont un certain nombre d’acteurs qu’on va mettre autour de la table pour essayer d’embaucher des jeunes en difficulté, de leur donner une formation et un parcours en vue de les insérer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. L’ironie c’est que cet amendement a été rédigé par un nouveau parlementaire de votre groupe qui, lorsqu’il occupait d’autres fonctions auprès de M. Borloo, qui avait trouvé le nom de « contrat d’avenir »… Il est vrai que ces « contrats d’avenir » n’avaient d’avenir que le nom.

M. Olivier Marleix. Comme les vôtres !

M. Christophe Sirugue. Ça vous fait mal !

M. Philippe Vigier. Nul n’est parfait !

M. Yves Jégo. Partagez notre expérience !

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Ces contrats étaient précaires et à temps partiel, alors que les emplois que propose Michel Sapin sont vraiment des emplois d’avenir. Ce sont des emplois d’une durée de trois ans et ce sont des emplois d’utilité sociale. Et nous adopterons bientôt un amendement de nos collègues écologistes qui en feront aussi des emplois d’utilité environnementale. Je crois donc que le terme est parfaitement adapté à la situation et à ce qu’attendent les jeunes : retrouver un espoir, retrouver un avenir. Pour toutes ces raisons, la commission a repoussé cet amendement.

(L’amendement n° 280, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel, pour soutenir l’amendement n° 154.

M. Patrick Hetzel. Cet amendement vise à supprimer une partie du sixième alinéa de cet article. La précision apportée en commission rend en réalité les choses plus complexes. En effet, tous les dispositifs destinés aux jeunes, de type CIVIS ou apprentissage, sont aujourd’hui ouverts jusqu’à 26 ans révolus. Cet amendement fait en sorte qu’ils soient tous traités exactement de la même manière, sans quoi nous allons encore complexifier inutilement notre droit du travail en créant une disposition nouvelle.

Nos concitoyens sont aujourd’hui extrêmement attentifs à ce que nous ne rendions pas les textes plus complexes qu’ils ne le sont. C’est un amendement plein de sagesse, qui apporte une cohérence au dispositif proposé par le Gouvernement. Comme je l’ai dit hier, il y a véritablement des problèmes de cohérence, tout cela a été rédigé dans la précipitation et cet amendement montre que l’on peut encore aisément améliorer les choses.

M. Gérald Darmanin. Très juste !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Marc Germain. Nous avons assisté à une division entre le groupe UDI et le groupe UMP, puisque l’UDI vient de refuser la suppression de l’article 1er, ce dont nous nous réjouissons, même si ses membres ont voté en faveur de la suppression des emplois d’avenir. Cette fois, nous avons une division au sein du groupe UMP, puisque le député UMP Hetzel nous propose de supprimer l’amendement du député UMP Tardy, que nous avons accepté en commission !

M. Philippe Vigier. On a mieux à faire !

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Parce qu’il précise que, si on rentre en emploi d’avenir à 24 ans, on peut y rester pendant les trois ans qui suivent, jusqu’à 26 ou 27 ans, cet amendement nous a paru utile car, faute de précision, on aurait pu se poser la question de savoir si l’aide s’arrêtait ou non à 25 ans révolus. La commission l’a donc adopté et a repoussé l’amendement de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Le rapporteur est d’une efficacité parfaite ! Même avis.

M. Jean-Paul Bacquet. Et cohérent !

(L’amendement n° 154 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour présenter l’amendement n° 64.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il s’agit de préciser de manière fine les niveaux de qualification là où le texte actuel parle de « personnes peu qualifiées ». La nomenclature des niveaux de qualification dans les textes sur la formation professionnelle nous renseigne sur les différents niveaux de 6 à 1, qui peuvent servir de référence pour désigner précisément les qualifications des personnes concernées. Il vous est donc proposé, si je comprends bien l’esprit du texte qui nous est présenté, de remplacer les mots « peu qualifiés » par les deux niveaux de qualification professionnelle auxquels correspondent soit une absence de qualification professionnelle précise, soit le tout premier niveau de qualification.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. La commission a repoussé cet amendement, car s’il faut que la loi soit précise à propos du public visé, il faut aussi laisser au pouvoir réglementaire le soin d’en fixer les détails, notamment les niveaux de qualification.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Simplement pour compléter ce qui vient d’être dit, car je ne pense pas qu’il y ait débat sur le fond. Le qualificatif du niveau 5 ou du niveau 6 n’est pas tiré de la loi mais du décret. Vous voulez donc faire entrer dans la loi ce qui aujourd’hui se trouve dans les dispositions réglementaires. Mais sur le fond, nous sommes d’accord. Puisque vous ne voulez pas que le règlement l’emporte sur la loi ni que la loi l’emporte sur le règlement, vous allez pouvoir, monsieur Poisson, retirer votre amendement (Sourires sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il n’est pas d’usage, en ce qui me concerne, de retirer un amendement. Au risque de déplaire au ministre, je ne le ferai pas non plus cette fois-ci.

M. Michel Sapin, ministre. L’usage s’acquiert avec le temps !

M. Jean-Frédéric Poisson. Je me permets de vous retourner le compliment, monsieur le ministre ! Je ne retirerai donc pas cet amendement même si j’ai bien noté que, sur le fond, la rédaction du décret ne posera pas de problème. Je m’en satisferai le moment venu.

(L’amendement n° 64 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 65.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est un peu bizarre : d’un côté, on vient de nous dire qu’il appartient au pouvoir réglementaire de fixer avec précision les niveaux de qualification requis et, de l’autre, on inscrit dans la loi les secteurs d’activités auxquels les emplois d’avenir donnent accès.

Mon amendement vise à supprimer la référence à tout secteur d’activité particulier, qui en l’espèce me semble un peu restrictive, afin de laisser toute latitude en la matière au Gouvernement – je suis sûr que le ministre me remerciera.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. La commission a rejeté cet amendement.

Le ciblage en termes de secteur d’activité joue un rôle fondamental dans le dispositif en ce qui concerne tant la reconstruction des jeunes – il faut qu’ils puissent se projeter et se reconstruire – que l’efficacité des aides publiques.

Nous reviendrons sur ce dernier point à l’occasion de plusieurs amendements, mais il est certain que dans une période durant laquelle les marges de manœuvre budgétaire sont si faibles, il est essentiel qu’un euro dépensé soit bien un euro pour l’emploi. Or le texte du projet de loi vise précisément des secteurs où les aides publiques sont extrêmement efficaces en termes d’effets sur l’emploi.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Nous aurions pu nous contenter de définir de façon large des bénéficiaires potentiels des emplois d’avenir : les jeunes. Nous aurions pu nous contenter de parler des éventuels employeurs. Nous avons voulu nous intéresser au contenu même des emplois.

Il ne s’agit pas d’occuper pour occuper. Il ne s’agit pas simplement de permettre à un jeune qui était dans la rue de trouver une activité. Il faut que cette dernière soit au service du jeune. Selon nous, les deux critères que nous avons inscrits dans le texte permettent qu’elle le soit.

Le critère d’utilité sociale a été choisi parce nous pensons que, pour des jeunes en grande difficulté, l’un des bons moyens pour retrouver confiance en soi est de servir les autres.

Le critère du fort potentiel de création d’emplois répond à la volonté que nous pouvons tous partager de donner aux jeunes des emplois pérennes. Que deviendront-ils après les trois ans passés dans un emploi d’avenir ? Vous êtes nombreux à avoir posé cette question. Je tiens énormément à la notion de « fort potentiel de création d’emplois ». Elle a beaucoup été discutée avec le Conseil d’État pour parvenir à des termes juridiquement efficaces. Notre problème n’est pas seulement de donner un emploi à un jeune aujourd’hui ; c’est aussi de nous assurer que le secteur dans lequel il a acquis sa première expérience est un secteur d’avenir qui pourra l’employer dans cinq ou dix ans. Il ne faut pas placer ces jeunes dans des filières en voie d’extinction. Ce serait les mettre dans une souricière et être certain qu’au bout du compte ils n’auront pas d’emploi.

M. Jacques Myard et M. Lionel Tardy. Faites de vrais emplois !

M. Michel Sapin, ministre. Monsieur Myard, monsieur Tardy, même si vous êtes opposés au dispositif que nous proposons, vous ne pouvez qu’adhérer à l’idée selon laquelle il faut que les emplois que nous proposerons préparent véritablement l’avenir des jeunes au-delà même des trois ans prévus.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Jean-Frédéric Poisson. Monsieur le ministre, je comprends votre argumentation dans le cadre de la cohérence du projet de loi, je crains cependant pour deux raisons que vous alliez à l’encontre des objectifs que vous poursuivez.

Tout d’abord, les notions d’utilité sociale et de fort potentiel de création d’emplois sont extrêmement vastes. Vous devrez les préciser d’une manière ou d’une autre et, sur ce sujet, la répartition entre le décret et la loi me semble poser un problème.

Ensuite, même si vous précisez les secteurs concernés dans d’autres dispositions du projet de loi, les activités « ayant un fort potentiel de création d’emplois » dépendent assez largement du bassin d’emplois concerné. D’une région à l’autre, il y aura des variations considérables que la loi ne peut pas prendre en compte. Je ne comprends pas pourquoi vous tenez à maintenir dans la loi une formulation générale qui s’appliquera dans des conditions extrêmement diverses sur le territoire. Elle pourra favoriser l’accès des jeunes à un endroit mais l’empêcher dans un autre. Le tourisme ou les services à la personne sont, par exemple, des activités pour lesquelles les besoins et le potentiel de création d’emplois varient considérablement d’une zone géographique à l’autre. Votre formulation plaquée sur la diversité du territoire me paraît être totalement contre-productive. Dans l’intérêt de tous, il convient donc de supprimer la fin de l’alinéa 6.

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. « Fort potentiel de création d’emplois » : une telle formule nous place au cœur du sujet de la croissance économique. Malheureusement, monsieur le ministre, cette formule ne s’incarne pas dans des politiques réalistes.

Où est la politique industrielle tant en France qu’en Europe ? Elle est absente La Commission européenne a voulu le « tout concurrence » et l’ouverture totale au monde entier et à des gens qui pratiquent tous les dumpings possibles et imaginables. Que fait le Gouvernement pour corriger cela ?

M. Michel Sapin, ministre. Vous parlez des précédents gouvernements ?

Plusieurs députés du groupe SRC. Dix ans !

M. Jacques Myard. Il ne s’agit pas de créer des emplois administratifs : la Commission excelle dans cet art, tout comme vous. Il s’agit aujourd’hui de reprendre la maîtrise de notre destin économique et d’imposer à l’Europe et à la Commission une réelle politique industrielle de croissance.

Vous avez encore beaucoup de progrès à faire ! Si vous voulez maintenir votre formule, déclinez l’ambition qu’elle porte dans un programme de politique industrielle au niveau français et au niveau européen ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Paul Bacquet. Ce sont les vôtres que vous auriez dû convaincre, pas nous !

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Monsieur le ministre, nous sommes au cœur du problème. Si les secteurs concernés sont « à fort potentiel de création d’emplois », pourquoi y aurait-il besoin de subventionner la création d’emplois ?

Vous me répondrez que vous le faites pour cibler les jeunes en difficulté. Mais, si c’est le cas, pourquoi ne pas généraliser le dispositif ?

Votre texte est-il vraiment au service des jeunes en difficulté ou a-t-il vocation à aider plutôt les territoires en difficulté ou encore à développer de nouvelles filières ? Nous n’avons pas eu de réponse claire à ce sujet. C’est pourtant la vraie question posée par ce projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Mon intervention me permet de défendre par avance mon amendement n° 37, qui concerne également les activités à fort potentiel de création d’emplois.

Si un secteur a un fort potentiel de création d’emplois, pourquoi y consacrer de l’argent public ? De vrais emplois se créent sans aides publiques s’ils sont économiquement viables. S’il faut des aides publiques, le jour où elles cesseront les emplois concernés disparaîtront ce qui provoquera de la frustration chez ceux qui les occupaient mais aussi chez ceux qui en bénéficiaient. Et on sait comment cela finira : par des créations de postes de fonctionnaires pour remplir des besoins créés par des subventions censées être provisoires que l’on pérennisera. Voilà la dérive que l’UMP veut éviter !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Une question est posée qui paraît avoir un certain bon sens. Pourquoi vouloir aider à la création d’emplois dans des secteurs où les emplois se créent tout seul ?

Eh bien ! c’est précisément, parce que les jeunes dont nous parlons ne sont pas embauchés aujourd’hui dans ces secteurs. (Applaudissements sur les plusieurs bancs du groupe SRC.) Nous traiterons des sujets qui ont été évoqués dans d’autres textes, mais avec ce projet de loi nous voulons permettre à un jeune en galère, sans aucune qualification et sans expérience, de trouver, après un passage par un emploi d’avenir, un emploi pérenne dans un secteur où se créent des emplois. Nous voulons faire le trait d’union entre le jeune qui n’y arrive pas et les emplois qui se créent.

Voilà le projet auquel nous vous proposons d’apporter votre appui. Je voudrais que vous compreniez notre raisonnement. Vous pouvez toujours considérer que ce choix n’est pas efficace. Vous pouvez nous dire : « Ca n’a jamais marché, ça ne marchera pas ! » Mais avec de tels raisonnements, je ne suis pas sûr que l’on avance beaucoup. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(L’amendement n° 65 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Gille, pour soutenir l’amendement n° 168.

M. Jean-Patrick Gille. En 2005, a été créé le CIVIS, le contrat d’insertion dans la vie sociale. Ce dispositif à destination des jeunes n’a pas du tout la même ampleur que celui que nous proposons aujourd’hui. Le CIVIS, confié aux missions locales, permet un accompagnement renforcé de jeunes de seize à vingt-cinq ans, peu ou pas qualifiés, en difficulté d’insertion professionnelle, qui peuvent également bénéficier d’une allocation interstitielle.

A priori, le public visé par ce dispositif est le même que celui concerné par les emplois d’avenir. De même, pour l’année en cours, un objectif de 150 000 contrats CIVIS a été fixé.

Je suis un peu surpris qu’il ne soit pas fait référence au contrat CIVIS dans l’alinéa de l’article 1er qui définit le public bénéficiaire des emplois d’avenir – même s’il est clair qu’il n’y a entre les deux dispositifs aucune incompatibilité.

Mon amendement vise à introduire dans le projet une référence au contrat CIVIS. Il faut en effet que les personnes ayant signé un contrat d’insertion dans la vie sociale puissent être bénéficiaires du contrat d’emploi d’avenir, voire qu’elles soient prioritaires pour en bénéficier.

Monsieur le ministre, il s’agit d’un amendement d’appel. Je souhaite que vous précisiez comment s’articulent deux dispositifs qui visent le même public. Il est clair qu’ils ne sont pas concurrents ; il me semble qu’il faut insister sur leur complémentarité.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. La commission a rejeté l’amendement.

Au demeurant, l’idée que défend M. Jean-Patrick Gille est excellente, mais l’amendement qu’il présente ne relève pas du domaine législatif.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Je comprends que M. Jean-Patrick Gille me demande des précisions. Cela m’étonne d’autant moins de sa part qu’il connaît parfaitement tous les dispositifs en question et qu’il a créé et présidé avec talent un certain nombre de structures qui aident les jeunes en grande difficulté.

Monsieur Gille, les mêmes publics sont bien concernés et les mêmes critères ont été retenus. Évidemment, les bénéficiaires du CIVIS auront le droit de bénéficier des emplois d’avenir. Cette précision engage le Gouvernement et elle doit vous rassurer.

M. Jean-Frédéric Poisson. Ça sent le retrait !

M. le président. Monsieur Jean-Patrick Gille, retirez-vous l’amendement ?

M. Jean-Patrick Gille. Comment résister après les amabilités que je viens d’entendre de la part du ministre ? (Sourires.) Plus sérieusement, j’imagine que le ministère introduira dans la circulaire destinée à l’application de la loi des éléments qui reprendront l’engagement que M. Sapin vient de prendre à l’instant. Il faut clarifier les choses pour les missions locales et pour bien montrer la complémentarité des dispositifs.

Je retire mon amendement.

(L’amendement n° 168 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n° 281.

M. Francis Vercamer. Monsieur le ministre, je vous ai bien entendu : votre projet de loi vise à mettre en relation des structures créatrices d’emplois avec des jeunes ayant des difficultés d’insertion. J’appelle cela des « phénomènes ». Nous parlons de structures créatrices d’emplois qui peuvent embaucher sans être aidées. Mais alors pourquoi les aider ?

Du reste, votre raisonnement est contradictoire, puisque je rappelle qu’en commission, vous avez fait la même démonstration pour refuser l’extension du dispositif au secteur marchand, en affirmant qu’il n’y avait pas de raison d’accorder des aides à ce secteur pour qu’il embauche dès lors qu’il peut le faire sans aides.

Mon amendement vise donc à préciser que l’embauche dans le cadre d’un emploi d’avenir ne peut se faire que dans des activités spécifiques à ce dispositif afin, précisément, d’éviter l’effet de substitution. En effet, on sait bien que les collectivités territoriales, compte tenu du gel des dotations annoncé par le Gouvernement…

M. Régis Juanico. Ce n’est pas nouveau !

M. Francis Vercamer. …et du désengagement de l’État – aujourd’hui, il s’agit carrément de son retrait –, auront du mal à financer leurs dépenses de personnels et seront donc tentées de remplacer un départ à la retraite par un emploi d’avenir. À la limite, pourquoi pas : cela donnera peut-être au jeune concerné une qualification, une expérience et même un emploi pérenne à terme. Mais je ne crois pas que ce soit l’objectif du dispositif, à moins que j’aie mal compris.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Nous partageons tous la préoccupation de M. Vercamer et nous la comprenons, mais la rédaction de son amendement ne me semble pas correspondre à l’idée qu’il souhaite défendre. C’est pourquoi la commission a repoussé cet amendement.

Néanmoins, je souhaiterais revenir sur une question très importante, qui permettra de hâter nos débats sur ce point : celle de l’activité « à fort potentiel de création d’emplois ». Pour ce faire, je prendrai un exemple bien connu de M. Vercamer, puisqu’il concerne sa région. Il existe des activités à fort potentiel de création d’emplois, qui ne sont pas solvables pour le moment...

M. Jean-Frédéric Poisson. Quel aveu !

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. …– et c’est bien le cœur du problème qui nous préoccupe – mais qui le seront demain, lorsque le service en question aura fait, après plusieurs années d’existence, la preuve de son utilité. De quoi s’agit-il ? Il y a cinq ans, dans le Nord, avant même que la taxe sur le recyclage des produits blancs ait été créée, nous avons subventionné très fortement des emplois sur un site devenu depuis l’un des plus importants sites de recyclage de France et qui est désormais totalement solvable, car il est financé grâce par la taxe prélevée à chaque fois que l’on achète une machine à laver ou un four à micro-ondes. Voilà à quoi nous pensons lorsque nous évoquons des activités à fort potentiel de création d’emplois. Il s’agit d’activités non solvables aujourd’hui mais dont l’utilité sera démontrée et qui pourront être pérennisées. Je tenais à apporter cette précision.

(L’amendement n° 281, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 171.

M. Lionel Tardy. Monsieur le ministre, ni moi ni mes collègues, je pense, ne sommes convaincus par vos explications.

Le dispositif des emplois d’avenir est destiné aux « activités présentant un caractère d’utilité sociale et ayant un fort potentiel de création d’emplois » ; on ne saurait trouver intitulé plus vague et imprécis. En effet, en cherchant bien, tout a une utilité sociale, surtout lorsqu’on s’adresse aux collectivités locales et au secteur privé non lucratif. Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, que vous nous expliquiez de manière claire ce qu’est une activité présentant un caractère d’utilité sociale et éventuellement que vous nous donniez quelques exemples d’activités qui n’entrent pas dans cette catégorie.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Avis défavorable. Je me suis déjà exprimé sur un amendement similaire.

M. Lionel Tardy. C’est un peu court !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Je crois avoir déjà exposé mes arguments. Je comprends que certains ne les entendent pas, mais j’ai épuisé mes capacités de persuasion concernant M. Tardy. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Déjà ?

(L’amendement n° 171 n’est pas adopté.)

M. le président. M. Tardy a déjà défendu l’amendement n° 37.

(L’amendement n° 37, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas, pour soutenir l’amendement n° 232.

M. Jean-Louis Roumegas. Cet amendement tend à préciser que les « emplois verts » font bien partie des secteurs d’activité visés en priorité par les emplois d’avenir. Contrairement à nos collègues de l’opposition, nous voulons, quant à nous, renforcer la notion de secteur d’avenir.

De nombreux économistes et plusieurs études de l’ADEME ont montré que les « emplois verts » représentaient un gisement important d’emplois nouveaux ainsi qu’un élément essentiel de la réussite de la transition écologique. Dans des domaines aussi variés que la conversion à l’agriculture biologique, la lutte contre la précarité énergétique, les énergies renouvelables, les matériaux écologiques, la promotion des modes de transport, la protection de la biodiversité ou l’éducation à l’environnement, nous avons besoin de développer des métiers nouveaux et d’assurer une formation à ces métiers en devenir.

Pour les jeunes eux-mêmes, il s’agit de les orienter vers les métiers de demain, dans des secteurs plus porteurs en termes de recrutement durable, dans tous les sens du terme. Il s’agit également de les mobiliser en leur confiant des tâches qui ont du sens et qui sont valorisantes pour eux.

En un mot, l’économie verte fait partie des secteurs d’avenir. Il faut donc que les emplois d’avenir s’orientent aussi vers ce secteur-là. C’est pourquoi nous proposons d’ajouter, à l’alinéa 6, les mots : « ou environnementale », après le mot : « sociale ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Avis favorable. La commission a considéré que la mutation écologique de notre économie était fondamentale et tout ce qui peut y contribuer est le bienvenu, notamment les emplois d’avenir, qui, je le rappelle, sont orientés vers les nouvelles activités à fort potentiel de création d’emplois.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Avis favorable. Il s’agit d’un très bon amendement, pour deux raisons : l’économie verte est effectivement un domaine dans lequel il existe un fort potentiel de création d’emplois et, à l’instar de l’utilité sociale, c’est un domaine valorisant pour le jeune, qui aura le sentiment d’être au service, non pas seulement de lui-même mais aussi des autres, en contribuant à la préservation ou à l’amélioration de l’environnement. Pour ces deux raisons, je suis favorable à cet amendement, qui va tout à fait dans le sens du texte.

M. le président. La parole est à M. Denis Jacquat.

M. Denis Jacquat. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, je suis entièrement d’accord avec vous lorsque vous dites vouloir privilégier les activités à fort potentiel de création d’emplois. Mais il ne faut pas que ce texte permette que les emplois d’avenir se substituent à des emplois qui auraient été créés de toute façon. La marge de manœuvre est extrêmement étroite et il faut y faire très attention. Que l’on forme des personnes éloignées de l’emploi dans le cadre de ces futurs contrats, d’accord, mais, encore une fois, qu’ils ne viennent pas se substituer à des postes qui auraient été créés en l’absence de ce texte.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Je remercie M. Jacquat, car je partage son raisonnement. Comme quoi, nous pouvons avoir des raisonnements communs…

(L’amendement n° 232 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n° 282.

M. Francis Vercamer. Monsieur le ministre, vous allez être très satisfait par cet amendement. En effet, tout à l’heure, vous nous avez indiqué que le texte allait pouvoir mettre en relation, d’un côté, les secteurs créateurs d’emploi qui n’embauchent pas de jeunes non qualifiés et, de l’autre, des jeunes non qualifiés qui ne trouvent pas de travail. Eh bien, je vous propose d’étendre cette démarche au secteur industriel. Cela permettrait non seulement de diminuer le coût du travail dans un secteur où il est élevé, mais aussi de faciliter l’embauche dans l’industrie et de redorer le blason de celle-ci, qui n’est pas très bien perçue par l’opinion publique. Je rappelle que la création d’un emploi dans l’industrie entraîne celle de cinq emplois dans les services.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Monsieur Vercamer, j’ai bien lu l’exposé sommaire de votre amendement, qui débute d’ailleurs par une expression latine, ce dont je vous félicite – à condition que vous ne perdiez pas votre latin au cours de nos débats…

Moi, je fais confiance au ministre. Ainsi que je l’ai indiqué lors de la discussion générale, nous allons examiner dans quelques semaines un dispositif extrêmement puissant, les contrats de génération, qui s’adressera majoritairement au secteur privé. Je veux le redire ici, si nous ne parvenons pas à insérer les jeunes auxquels nous nous adressons, c’est-à-dire ceux qui sont peu ou non qualifiés, dans ces secteurs qui peuvent les accueillir, les former et leur apporter des compétences, alors nous raterons la cible. C’est la raison pour laquelle je suis défavorable à cet amendement et aux amendements similaires.

Comme vous, nous jugeons prioritaire le redressement industriel de notre pays, mais, je le répète, nous disposerons d’autres outils dans ce domaine : les investissements de 120 milliards qu’a obtenus le Président de la République au plan européen, la Banque publique d’investissement dont nous débattrons dans quelques jours et la loi de finances, qui favorisera les entreprises qui investissent, qui forment, qui recrutent.

Ne nous trompons pas de texte : le projet de loi portant création des emplois d’avenir, qui est très important, n’a pas vocation à régler tous les problèmes du pays.

Avis défavorable.

M. Jacques Myard. Il aurait fallu ajouter « écologique », monsieur Vercamer ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je sais que nous allons bientôt examiner le dispositif des contrats de génération, mais, comme je l’ai dit en commission et lors de la discussion générale, il aurait été souhaitable que le Gouvernement nous présente une loi-cadre. Là, nous ne savons pas vraiment comment vont fonctionner les contrats de génération. Je préfère prévenir que guérir. C’est pourquoi il me semble que, s’il y a urgence, il faut étendre les contrats d’avenir au secteur industriel. Vous ne le souhaitez pas, soit. Mais je le regrette.

(L’amendement n° 282 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 188.

M. Lionel Tardy. Le projet de loi réserve les emplois d’avenir aux structures à but non lucratif et aux collectivités locales et à leurs émanations, excluant les structures privées à but lucratif et les particuliers employeurs. Or, cela va créer des difficultés, car toutes ces structures peuvent se trouver en concurrence directe sur un marché, notamment dans le secteur des services à la personne, où risquent de se poser d’énormes problèmes. Comment justifier que l’on accorde des aides directes aux structures associatives à but non lucratif ou parapubliques alors qu’elles rendent les mêmes services que des entreprises privées ? On crée ainsi une distorsion de concurrence qui pourrait mettre en difficulté des entreprises, ce qui n’est pas acceptable. En finançant des emplois d’avenir, on court le risque de détruire des emplois privés, ce qui serait un comble dans la période actuelle.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. M. Tardy n’a pas pris conscience des difficultés dans lesquelles se trouvent les employeurs potentiels – peut-être ne les a-t-il pas reçus. Le secteur associatif souffre, et je n’aurai pas la désobligeance de rappeler pourquoi. De même, les collectivités locales sont financièrement « serrées », et c’est un euphémisme. Néanmoins, elles nous ont dit avoir bien compris qu’il ne s’agissait pas d’un dispositif d’aide aux associations et que nous aborderions ce sujet avec elles lorsque nous aurons la possibilité financière de le faire, c’est-à-dire, le Président de la République a précisé le calendrier dans lequel il inscrit son action, après les deux prochaines années, qui sont consacrées au redressement.

Il n’y aura donc pas de concurrence. Les associations nous ont indiqué qu’elles étaient prêtes à participer à cette grande cause nationale, mais elles nous ont précisé que ce serait difficile financièrement pour elles. Ne soyez donc pas trop inquiet en ce qui concerne la concurrence, monsieur Tardy. Pour cette raison, je vous demande de retirer votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis que la commission.

M. le président. La parole est à M. Bernard Accoyer.

M. Bernard Accoyer. Cet amendement me paraît souligner combien la création de ces emplois publics est à contretemps. Le risque de porter tort, par une distorsion de concurrence, à des entreprises de services à la personne, de nettoyage, d’entretien des espaces verts, bref : à toutes ces entreprises de services source d’emplois mais aussi de recettes pour les collectivités locales, illustre le contresens sur lequel surfe le Gouvernement depuis qu’il a été nommé.

C’est précisément la dépense publique qui plombe notre pays, c’est l’excès d’emploi public, de masse salariale publique, qui plombe les budgets des collectivités locales et celui de la collectivité nationale. À l’opposé, la seule ressource dont nous disposions pour équilibrer les finances publiques, ce sont précisément les contributions fiscales, certes des personnes physiques, mais aussi et surtout des personnes morales que sont les entreprises, en particulier les petites entreprises. En Haute-Savoie, le département dont Lionel Tardy et moi-même sommes des élus, nous sommes confrontés tous les jours aux conséquences de ces distorsions de concurrence, dont l’existence n’est plus à démontrer.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Bernard Accoyer. Il ne me paraît donc pas opportun de retirer cet amendement, monsieur le rapporteur. Au contraire, il faut considérer avec réalisme la situation de la France, de l’Europe, de l’euro et de nos finances publiques, comme le Président de la République vient de le faire lui-même il y a deux jours : nous sommes au bord du précipice, mes chers collègues ! Ne pas en tenir compte me semble constituer un non-sens, de plus en plus évident au fur et à mesure que nous étudions ce texte. Par conséquent, l’amendement n° 188 me paraît particulièrement pertinent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Paul Bacquet. Si le pays est en faillite, qui l’a mis dans cet état ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

M. Michel Sapin, ministre. Il ne saurait parler mieux que M. Accoyer vient de le faire ! (Sourires.)

M. Jean-Frédéric Poisson. Je veux remercier M. le rapporteur de son explication. J’ai entendu dire, hier, que nous ne devions pas considérer les emplois d’avenir comme une dépense publique, précisément au motif que les associations étaient assez largement concernées par ce dispositif : ces associations étant de droit privé, on ne peut, dès lors, considérer que l’essentiel des crédits iront vers le secteur public – ce dont je conviens volontiers. Toutefois, vous venez de nous dire qu’en réalité, ce n’est pas non plus une aide aux associations. Il y a donc là un flou que j’aimerais dissiper : soit le dispositif est destiné aux associations, soit il ne l’est pas, mais il faudrait savoir !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Je suis très heureux d’apporter quelques éléments de réponse au président Accoyer, qui nous fait l’honneur de participer à notre débat et pour lequel j’ai beaucoup de respect. J’aimerais vraiment réussir à lui faire partager ma conviction : il ne s’agit pas d’aider une association ou une entreprise, mais d’aider les jeunes ! (« Bien sûr ! » sur les bancs du groupe SRC.) En effet, alors même qu’il existe, à côté de chez eux, des entreprises privées disposées à les accueillir, certains jeunes ne parviennent pas à entrer dans la vie active, simplement parce qu’ils sont trop en dehors de l’emploi. Ne vous mettez pas en tête que nous avons l’intention de créer une concurrence déloyale entre les uns et les autres, mes chers collègues, ce n’est pas ce que nous voulons et ce n’est pas non plus ce que ressentent les associations, les collectivités locales, le secteur de l’économie sociale et solidaire, ou les entreprises elles-mêmes.

Les associations et les grands organismes d’éducation populaire pensaient, au départ, que nous allions leur apporter des aides afin de leur permettre d’embaucher les jeunes dont ils avaient besoin. Maintenant que nous leur avons expliqué le fonctionnement des emplois d’avenir, les associations ont bien compris que c’est aux jeunes que nous apportons une aide, et que c’est à elles de faire un effort pour permettre aux jeunes d’entrer dans la vie active.

Vous avez évoqué certaines activités se trouvant à la frontière entre le secteur non marchand et le secteur marchand, notamment l’entretien d’espaces verts. On pourrait également parler de l’aide aux personnes, même si ce domaine nécessite une certaine qualification et un encadrement rigoureux, car c’est l’un des métiers les plus délicats et difficiles que l’on puisse imaginer. Je rappelle que nous avons justement ouvert une exception pour permettre à certaines entreprises du secteur privé de pouvoir bénéficier du système des emplois d’avenir, sans en être empêchées par une simple différence de statut juridique.

Le schéma de base de notre dispositif consiste en une aide aux jeunes. Avec les souplesses que nous avons introduites dans le dispositif initial, les craintes qui sont aujourd’hui les vôtres et que vous avez exprimées avec conviction n’ont pas lieu d’être. J’espère vous en avoir persuadé, monsieur le président Accoyer.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. J’aimerais rebondir sur la question qui vient d’être posée au sujet des associations. Aujourd’hui, les associations peuvent tout à fait embaucher dans le cadre des contrats aidés – elles y sont d’ailleurs encouragées. Mais demain, qu’est-ce qui va motiver les associations, parfois confrontées à des difficultés financières, comme vous l’avez dit, pour faire appel à ce public très particulier des jeunes peu ou pas qualifiés ? Quels arguments supplémentaires les prescripteurs vont-ils avancer pour les y encourager ?

M. Hervé Féron. Le temps !

Mme Isabelle Le Callennec. Qu’allez-vous mettre en avant ? Certes, il y a les aides, mais elles ressemblent aux aides des CAE. Qu’allez-vous mettre de plus sur la table…

M. Hervé Féron. La durée !

Mme Isabelle Le Callennec. …alors qu’il va y avoir des exigences en matière de formation et de parcours tout au long des trois ans durant lesquels les jeunes vont se trouver dans les associations. Quel est le « petit plus » qui va motiver des associations, parfois déjà en difficulté, à accueillir ces jeunes ?

Les associations et collectivités locales ne peuvent-elles pas être complétées par le secteur marchand ? Le débat est engagé depuis une dizaine d’heures et depuis le début, nous ne cessons de vous demander d’ouvrir le panel des employeurs susceptible de proposer des emplois à ces jeunes – ce que vous refusez, tandis que vous élargissez le public éligible ! Or, il n’y a que 150 000 emplois d’avenir pour 470 000 jeunes constituant le cœur de cible, à savoir le public peu ou pas qualifié. Comment allez-vous, en faisant constamment référence à la notion de priorité, réussir à toucher la cible des jeunes les plus éloignés de l’emploi ? Il y a là quelque chose qui m’échappe. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Gille.

M. Jean-Patrick Gille. Je veux remercier notre collègue, Mme Le Callenec, dont l’intervention va nous permettre de comprendre nos incompréhensions, si j’ose dire. Pour ce qui est de la distorsion évoquée par le président Accoyer, elle existe déjà. Une association œuvrant dans le secteur de l’aide à domicile peut largement bénéficier du dispositif des CAE, mis en œuvre par nos collègues. À l’inverse, une entreprise privée n’a pas cette possibilité.

M. Jean-Frédéric Poisson et Mme Isabelle Le Callennec. Mais si, avec les CIE !

M. Jean-Patrick Gille. Certes, mais les CIE n’offrent pas les mêmes avantages – et par ailleurs, ils continueront d’exister. Par conséquent, le dispositif que nous proposons ne change rien en matière de distorsion.

Pour ce qui est des plus apportés par le dispositif, sur lesquels vous vous interrogez, ils ne manquent pas, à commencer par l’accompagnement et l’obligation de formation – ce qui nous amène à nous poser la question de la mobilisation des régions, de la mobilisation des OPCA au moyen du Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels. Le dispositif répond donc très exactement aux questions que vous vous posez, Mme Le Callenec.

La seule nuance, c’est que nous demandons aux associations de faire un effort sur le public, c’est-à-dire de bien faire appel aux publics les plus en difficulté, afin de les amener vers une forme de qualification.

(L’amendement n° 188 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Collard, pour soutenir l’amendement n° 175.

M. Gilbert Collard. Mes chers collègues, j’ai l’honneur de vous demander de bien vouloir voter l’amendement n° 175, visant à compléter l’article 1er en insérant, après l’alinéa 6, l’alinéa suivant : « L’emploi d’avenir s’adresse en priorité aux jeunes de nationalité française »… (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Mais que vous ont fait les Français ? Ne peut-on pas parler de la France ici ? Si c’est ainsi, je vous laisse ! (Mêmes mouvements.)

M. le président. Allons, nous vous écoutons, cher collègue ! Vous seul avez la parole !

M. Gilbert Collard. Je n’ai pas à parler à des gens qui n’aiment pas la France ! Quelle honte !

M. Jean-Paul Bacquet. C’est vous qui faites honte à la France !

M. Gilbert Collard. Dès qu’on parle de l’intérêt de la France, vous vous agitez comme des marionnettes ! (Mêmes mouvements.)

M. le président. Allons, revenez-en à votre amendement, cher collègue !

M. Jean-Paul Bacquet. Vous faites honte à la France !

M. Gilbert Collard. Quand vous parlez d’avenir, de l’avenir de quel pays est-il question ? Moi, je parle de l’avenir de la France, et vous pourriez avoir un peu de respect pour quelqu’un qui se lève pour parler de l’avenir de la France ! Au lieu de cela, vous préférez hurler !

M. Jean-Paul Bacquet. C’est vous qui hurlez !

M. le président. Nous vous écoutons, cher collègue. Votre amendement est-il défendu ?

M. Gilbert Collard. Monsieur le président, je n’ai pas à m’expliquer devant une assemblée qui se met à huer en entendant prononcer le nom de la France ! C’est honteux !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur pour avis. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Gilbert Collard. C’est une honte !

M. Serge Letchimy. Monsieur le président, nous n’étions pas habitués à de telles prises de position, ni à un tel comportement. M. Collard nous accuse de hurler parce qu’il parle de la France, alors qu’en réalité c’est lui qui hurle parce que nous nous opposons à sa conception de la société française, (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP), c’est lui qui répond par la brutalité et la violence verbale à ce qui nous semble, à tous, d’une grande évidence.

M. Gilbert Collard. Quelle honte !

M. Serge Letchimy. Nous nous trouvons face à une question extrêmement importante, car il s’agit de sortir des jeunes de la difficulté où ils se trouvent. Ce n’est pas faire injure à la République que d’affirmer que la société française est constituée de différentes composantes, et qu’il n’y a pas à établir de distinctions basées sur la couleur de la peau, la race ou l’origine. Ceux qui peuvent bénéficier, dans le respect des principes républicains, du dispositif qui est ici proposé, n’ont aucune raison de se trouver enfermés dans les murs que veut ériger M. Collard. La valeur en laquelle nous croyons, c’est celle de l’humanité de la France ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Collard.

M. Gilbert Collard. Je suis affreusement confus si j’ai pu blesser les oreilles de certains en parlant de la France. La seule chose que je voulais dire, c’est qu’au moment où nous traversons une situation dramatique sur le plan économique, où l’on instaure une priorité d’emploi pour l’avenir – quel avenir ? –, il serait tout de même normal que, pour une fois, sacrifice bien ordonné commence par celui qui le consent ! Je suis d’accord pour que la priorité soit donnée à tous les Français, indépendamment de leur origine ! Mais il faut tout de même préciser que les emplois d’avenir doivent être réservés aux Français, parce que c’est eux qui vont consentir les sacrifices nécessaires…

M. Jean-Patrick Gille. Non ! Ce sont tous ceux qui payent leurs impôts en France !

M. Gilbert Collard. …et je ne vois pas ce qu’il y a de honteux ou de scandaleux à apporter cette précision.

M. Serge Letchimy. Ne pas respecter l’humanité de la France, voilà ce qui est honteux !

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet.

Mme Marie-George Buffet. Les propos que vient de tenir M. Collard sous-entendent que seuls les citoyens et citoyennes de nationalité française participent à l’effort de financement du dispositif des emplois d’avenir, ce qui est faux : en réalité, toute personne résidant sur le territoire français, y produisant des richesses par son travail et y payant ses impôts nationaux et locaux participe au financement du dispositif, quelle que soit sa nationalité. Dès lors, elle a le droit, ainsi que ses enfants, de bénéficier de ce dispositif. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

(L’amendement n° 175 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de six amendements identiques, nos 57, 66, 190, 198, 225 et 283.

La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l’amendement n° 57.

M. Jacques Myard. L’alinéa 7 de l’article 1er nous semble poser un problème. Je vous rappelle qu’il est ainsi rédigé : « L’emploi d’avenir s’adresse en priorité aux jeunes mentionnés au I qui résident soit dans les zones urbaines sensibles, au sens de l’article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire, soit dans les zones d’emploi dans lesquelles le taux de chômage des jeunes de seize à vingt-cinq ans est supérieur à la moyenne nationale. » Pourquoi établir de telles distinctions ?

Pourquoi ne pas rappeler que la République est une et indivisible et que, partout, les jeunes qui sont dans la situation que vous décrivez peuvent accéder au dispositif ? (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Je vois même dans cet alinéa un motif d’anticonstitutionnalité car il y a rupture de l’égalité garantie par l’article 1er de la Constitution.

M. Patrick Devedjian. Sans oublier la mixité sociale !

M. Jacques Myard. Puisque vous proposez ce dispositif, soyez logiques : ouvrez-le à tous les jeunes dont vous avez le sentiment qu’ils sont en rupture sociale.

« On ne crée qu’en retranchant », me disait un vieux professeur. (Sourires.) Eh bien, monsieur le ministre, je crois que l’on gagnerait à faire bref. Les meilleures lois sont celles qui sont courtes.

M. Michel Sapin, ministre. On a vu le résultat !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Avec vous, il y avait une loi toutes les quarante-huit heures !

M. Jacques Myard. Et quand j’emploie le mot « court » – pour ne pas dire courtaud… –, je sais de quoi je parle ! (Sourires.)

Il faut donc, à mon sens, supprimer cet alinéa, pour ouvrir le dispositif à l’ensemble des jeunes en rupture sociale.

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l’amendement n° 66.

M. Jean-Frédéric Poisson. Mon argumentation sur ce sujet rejoint assez largement celle de M. Myard. Comme j’ai déjà, par ailleurs, développé mon point de vue hier après-midi, je ne détaillerai pas davantage. L’amendement est soutenu.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Merci !

M. le président. La parole est à M. Laurent Marcangeli, pour soutenir l’amendement n° 190.

M. Laurent Marcangeli. Il s’agit toujours, à travers cet amendement, de supprimer le septième alinéa de l’article 1er. Effectivement, nous considérons qu’il est très mauvais d’introduire une discrimination. Des problèmes, il y en a sur l’ensemble du territoire ; aujourd’hui, en France, 450 000 jeunes souffrent du chômage. Il serait vraiment criminel de ne pas les prendre en compte.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ce qui est criminel, c’est de ne pas s’être occupé d’eux plus tôt !

M. le président. La parole est à M. Jean-François Lamour, pour soutenir l’amendement n° 198.

M. Jean-François Lamour. Ce sont tout de même 6 milliards sur trois ans qui vont être mobilisés.

M. Michel Sapin, ministre. Oh !

M. Jean-François Lamour. Eh oui, monsieur Sapin : 1,5 milliard, plus les 500 millions que vous allez solliciter auprès des collectivités ou des associations, le tout multiplié par trois, cela fait bien 6 milliards. Avec de tels moyens mobilisés, et alors même que nous sommes en pleine période de crise, vous devriez ouvrir largement ce dispositif à l’ensemble des territoires.

Au final, on a le sentiment que, avec la mesure que vous nous proposez, vous êtes en train de redonner aux collectivités ce que vous leur enlevez à travers la suppression ou à tout le moins le gel d’un certain nombre de dotations. C’est donc une politique des territoires et non une politique en direction des jeunes que vous mettez en place.

M. Lionel Tardy. Eh oui !

M. Jean-François Lamour. Je reprendrai également l’argument avancé tout à l’heure par Mme Buffet, qui était tout à fait juste. Elle disait que tout le monde participait au financement de ce dispositif avec le paiement des cotisations.

M. Jacques Myard. Eh oui ! Raison de plus pour l’ouvrir largement !

M. Jean-François Lamour. Il faut donc que l’ensemble des jeunes puisse en bénéficier.

Enfin, je vous mets au défi, monsieur Sapin, de pouvoir répondre favorablement à la question de M. Gille. Vous nous avez dit que tout jeune qui bénéficie du CIVIS pourrait entrer dans le dispositif des emplois d’avenir. Eh bien, c’est faux, parce que le CIVIS est ouvert à tous les jeunes, quel que soit leur lieu de résidence. Je pense donc que vous avez commis tout à l’heure, monsieur Sapin, une erreur grossière.

M. Lionel Tardy. Ils vont ouvrir des boîtes postales !

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Depuis hier, nous essayons de vous montrer que nous sommes une opposition à la fois solide sur ses convictions et responsable ; nous nous voulons pragmatiques dans l’examen de ce texte.

Or nous avons un vrai problème, comme je vous le disais tout à l’heure – et mes collègues viennent de le répéter –, avec cette question des zones.

Non seulement c’est discriminatoire, mais en plus nous estimons que ce sera très difficilement applicable sur le terrain. J’ai rappelé les chiffres tout à l’heure : si l’on se rapporte à la cible que vous visez, le compte n’y est pas. Dans ces conditions, mettez-vous un seul instant à la place d’un conseiller de mission locale ou d’un conseiller pour l’emploi !

Je vous ai déjà posé plusieurs fois la question, monsieur le ministre, mais je vous interroge de nouveau : pourrait-on avoir la carte des zones d’emploi qui vont être effectivement éligibles au dispositif ?

M. Michel Sapin, ministre. Vous pouvez me la poser dix fois ! Je vous ai déjà répondu.

Mme Isabelle Le Callennec. Excusez-moi, mais je suis bretonne, c’est-à-dire un petit peu têtue ! (Sourires.)

M. Michel Sapin, ministre. Et moi berrichon ! Ce n’est pas mieux !

Mme Isabelle Le Callennec. Nous allons retourner très prochainement dans nos circonscriptions. On va nous poser la question : « Si cette loi est votée, est-ce que les jeunes peu ou pas qualifiés de nos territoires âgés de seize à vingt-cinq ans seront ou pas concernés ? » Nous aimerions avoir une réponse à cette question. En effet, il ne faut surtout pas leurrer les jeunes – pas plus d’ailleurs que l’opinion publique – sur la portée réelle de ce dispositif.

Je vous pose donc la question pour la quatrième fois. Je pense, monsieur le ministre, que vous disposez de cette fameuse carte des zones d’emploi où le taux de chômage des jeunes est à plus de 20 %.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement n° 283.

M. Francis Vercamer. Monsieur le ministre, la question du zonage fait vraiment problème.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Il ne faut pas grand-chose pour vous perturber !

M. Francis Vercamer. J’ai bien compris que le texte ciblait les jeunes en difficulté. Or, des jeunes en difficulté, il y en a sur tout le territoire.

Vous avez déjà dit plusieurs fois que le dispositif concernerait tout le monde, avec toutefois une priorité accordée aux zones urbaines sensibles et aux zones de revitalisation rurales, ainsi qu’à quelques autres zones, dont les contours mériteraient d’ailleurs d’être précisés – j’ai présenté, pour ce faire, un certain nombre d’amendements, car je pense que ces amendements de suppression ne seront pas adoptés.

La vraie question est la suivante : ce dispositif est-il vraiment centré sur les jeunes ? Si c’est le cas, pourquoi exclure certains quartiers de la région parisienne qui ne sont pas en ZUS ? La même question se pose d’ailleurs pour d’autres agglomérations. Je pourrais parler, pour ma part, de certains quartiers de l’agglomération lilloise – et ce n’est pas M. Germain qui me contredirait !

À côté de chez moi se trouve par exemple la ville de Lys-lez-Lannoy, avec lequel nous partageons un projet de renouvellement urbain. Eh bien, même si l’on y trouve des jeunes en très grande difficulté, l’un de ses quartiers n’est pas situé en ZUS. Dans une partie du territoire, c’est-à-dire chez moi, à Hem, les jeunes vont donc être prioritaires, alors que, dans l’autre – et bien qu’ils habitent parfois dans le même immeuble, car l’un des bâtiments a une entrée dans chaque commune –, ils ne le seront pas !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous vous compliquez vraiment la vie, monsieur Vercamer !

M. Francis Vercamer. Cela pose vraiment un problème car il peut arriver que des quartiers soient coupés en deux par les zones urbaines sensibles.

On sait bien, d’ailleurs, qu’un autre problème, d’ordre financier, va se poser. En effet, vous dites que vous mettez 500 millions, alors que le dispositif coûte entre 1,5 milliard et 2,4 milliards par an. Il n’y aura donc pas assez d’emplois et l’administration ciblera les jeunes situés en ZUS. Je ne dis pas qu’il ne faut pas le faire, mais il ne faut pas oublier non plus les jeunes situés à côté car c’est comme cela que l’on fait exploser des quartiers qui se sentent exclus. Certains d’entre eux, en effet, ont été oubliés lors de l’élaboration du zonage. Le ministre de la ville lui-même reconnaît que ces zones ne sont plus adaptées. Eh bien, ces quartiers ne vont pas être aidés parce qu’ils ne sont pas englobés dans le dispositif.

C’est pour cela que nous vous alertons à travers cet amendement de suppression. Je sais bien que vous n’allez pas l’accepter, mais peut-être pourriez-vous au moins indiquer pour le compte rendu, de façon à ce que l’on puisse s’y référer ultérieurement, que le dispositif concerne tout le monde.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. On est au cœur du sujet et ce débat est utile (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP) pour voir si, les uns et les autres, nous avons la même conception des choses.

On parle d’égalité, mais, dans notre conception, il s’agit d’égalité réelle.

M. Bernard Accoyer. Alors là, vous ouvrez un débat philosophique !

M. Patrick Devedjian. C’est comme le socialisme réel ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Il ne s’agit pas simplement d’évoquer le droit à l’emploi.

L’égalité réelle, qu’est-ce que c’est ? Comme je l’ai dit hier – et, madame Le Callennec, vous pourrez repartir avec cette idée très simple –, c’est donner plus à ceux qui ont moins ; c’est donner plus aux territoires qui sont en grande difficulté parce qu’ils ont moins d’atouts ; c’est donner plus aux jeunes sans qualification parce qu’ils ont de grandes difficultés. Si vous retenez cette règle, alors vous pourrez répondre dans vos territoires en fonction des différentes situations.

Nous reviendrons sur ce sujet car des dizaines et des dizaines d’amendements ont été déposés, mais vous pouvez d’ores et déjà retenir cette règle simple : plus le territoire et les jeunes sont en difficulté, plus l’action sera puissante.

Il est extrêmement important que la loi précise cette règle, ce qu’elle fait clairement. Nous sommes attachés à une égalité qui ne figure pas seulement au fronton des mairies ; l’égalité va devenir réalité, notamment dans les quartiers qui ont flambé en 2005, car nous ne voulons pas que cela se reproduise, et dans les territoires d’outre-mer. Nous tenons donc absolument à ce que, dans ces différents territoires, il y ait plus de moyens qu’ailleurs.

M. Christian Paul. Très bien !

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous n’avons pas, en effet, la même conception de l’égalité !

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Pour ces raisons, la commission est défavorable à l’ensemble de ces amendements de suppression.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Ce sujet a été parmi les plus souvent abordés hier dans la discussion générale, aussi bien dans les discours des uns et des autres que dans les réponses que je vous ai faites. Malgré cela, je veux bien le répéter une nouvelle fois pour que les choses soient claires…

M. Jacques Myard. Mieux vaut se répéter que se contredire ! (Sourires.)

M. Michel Sapin, ministre. Vous avez raison, monsieur Myard !

Je me répéterai donc une nouvelle fois et si, en plus, le fait de me répéter me permettait d’être compris de vous, ce serait encore mieux ! (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-François Lamour. Ne commencez pas à nous parler sur ce ton !

M. Michel Sapin, ministre. Je vais donc dire les choses très simplement : le dispositif des emplois d’avenir est ouvert à tous les jeunes de France qui sont dans la situation que nous avons décrite. Est-ce assez clair ? (Sourires.)

Par ailleurs, la situation de ces jeunes est-elle unique et indivisible, pour reprendre l’un des très beaux termes qui qualifient la République ? Eh bien, non : en France, dans certains quartiers, dans les zones rurales, dans les DOM-TOM, ce sont non pas 40 % des jeunes de moins de vingt-cinq ans qui sont sans emploi et sans formation, mais 60 %, 65 % voire 67 %. La situation n’est donc pas partout la même sur l’ensemble du territoire.

Oui, la République est une et indivisible, mais les enfants de la République ne sont pas dans une situation une et indivisible ; ils sont justement dans des situations marquées du sceau de l’inégalité.

Le dispositif est donc ouvert à tous, mais – c’est tout à fait logique et vous auriez agi de la même manière –…

M. Patrick Devedjian. Non !

M. Michel Sapin, ministre. …il y a une priorité pour les endroits qui en ont le plus besoin. Vous avouerez que, plus il y a de jeunes en difficulté, plus la situation de la zone ou du quartier en question se dégrade.

C’est aussi simple que cela : le dispositif est ouvert à tous, avec une priorité pour certains. Ne me demandez pas de carte ; je ne pourrais vous montrer que la plus belle qui soit, celle de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Devedjian. C’est une carte biseautée !

M. le président. Un certain nombre d’orateurs ont demandé la parole sur ces amendements. Il sera fait droit à leur demande car nous sommes ici au cœur du sujet, mais je demanderai à chacun de respecter le temps de parole sur les amendements, qui est de deux minutes.

La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. J’aurais pu, à vrai dire, ne pas m’exprimer car, dans leurs interventions, le ministre et le rapporteur ont parfaitement défini l’égalité et abordé la question du traitement social différencié, lequel existe d’ailleurs depuis longtemps dans les principes législatifs français. L’existence même des ZUS témoigne d’un traitement spatial différencié.

M. Jacques Myard. Oui, mais pour une zone !

M. Serge Letchimy. J’ai aussi le sentiment que nous sommes au cœur du débat. Vous utilisez un artifice pour contrer ce dispositif.

M. Jacques Myard. Pas du tout !

M. Serge Letchimy. C’est en tout cas mon avis, monsieur Myard.

Vous dites qu’il faut traiter tout le monde de la même façon.

M. Jean-François Lamour. C’est un débat que nous avons sur cette question.

M. Serge Letchimy. En effet, mon cher collègue.

Écoutons ce qu’a dit le ministre : ce dispositif s’adresse à tout le monde. Il n’y a pas, par principe, d’exclusion de qui que ce soit. Tous les jeunes qui se trouvent dans la situation décrite sont concernés par le dispositif. Nous disons simplement que, dans certains secteurs, il y a des situations plus graves et qu’il faut donc leur donner la priorité.

J’ai entendu une observation sur les départements et les régions d’outre-mer. On parle des DOM-TOM – n’est-ce pas, monsieur le ministre ? C’est un peu lapidaire. Je préfère pour ma part que l’on parle de la Martinique, de la Guadeloupe ou encore de la Guyane.

Plusieurs députés du groupe UMP. Et La Réunion ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Et Mayotte ?

M. Serge Letchimy. Si le président me laissait plus longtemps la parole, je pourrais en effet citer tous les pays d’outre-mer !

M. Jacques Myard. C’est l’égalité de traitement ! (Sourires.)

M. Serge Letchimy. Vous avez parfaitement compris, monsieur Myard ! (Nouveaux sourires.)

Je le dis clairement : oui, il s’agit bien ici des départements et régions d’outre-mer, inscrits au côté des zones de revitalisation rurale et des zones urbaines sensibles. Vous connaissez la situation de ces territoires. Et l’on se permettrait de ne pas leur donner la priorité ! Il est question, non pas de raisons esthétiques – par exemple le soleil qui y brillerait –, mais d’une réalité sociale. On n’a pas donné une priorité à l’outre-mer parce que ces îles sont magnifiques ! Rien à voir avec cela ; c’est en raison de l’inégalité humaine qui y règne.

Le taux de chômage est de 25 % et celui de jeunes atteint 64 %. Dans certains quartiers de Fort-de-France ou du Lamentin, le chômage touche même 75 % des jeunes de moins de vingt-cinq ans.

M. le président. Merci de conclure, mon cher collègue !

M. Serge Letchimy. La discrimination positive atténue les difficultés et régule la situation de ces jeunes, par rapport à ceux qui ont des diplômes. Il faut absolument en tenir compte et mettre en œuvre ce dispositif pour les jeunes qui ont des difficultés.

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Que vous le vouliez ou non, il y a une forte ambiguïté dans cet article. Il est clair que, à partir du moment où l’on accorde une priorité aux zones urbaines sensibles, se pose la question suivante : quid de celui qui est juste de l’autre côté de la rue ? C’est bien cela qui va se passer ; vous allez créer des frustrations. Certains vont se demander : « Pourquoi pas moi, puisqu’il y a des priorités ? »

Je crois donc que l’on ne peut sortir de l’ambiguïté qu’en enlevant cet alinéa. Vous allez donner des verges pour vous faire battre. Un jour ou l’autre, vous allez revenir devant le Parlement en disant qu’il faut élargir le dispositif.

À cet égard, je dois vous dire, monsieur le rapporteur, que je ne vous ai pas trouvé très bon dans votre réponse. Je vous ai même trouvé franchement mauvais ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) En effet, je suis désolé de le dire, mais l’égalité, c’est l’égalité des citoyens devant la loi. Si un jeune se trouvant dans la situation que vous décrivez habite de l’autre côté de la rue et n’est pas dans une zone urbaine sensible, vous allez avoir du mal à lui expliquer qu’il n’a pas droit au dispositif ou qu’il va passer après les autres.

M. le président. La parole est à M. Patrick Hetzel.

M. Patrick Hetzel. La population ciblée compte 450 000 personnes alors que le dispositif ne prévoit que 150 000 emplois. Il faudra donc prendre des décisions sur le terrain. Des parties du territoire, considérées comme non prioritaires, ne seront pas concernées. Nous vous demandons donc, depuis hier, de nous indiquer où seront les priorités.

Ma circonscription, rurale, compte beaucoup d’enfants d’agriculteurs très modestes. Lorsque vous les aurez exclus du dispositif au motif qu’ils ne vivent pas dans une zone prioritaire, nous serons dans une situation dommageable.

Je rejoins M. Myard : tant que nous n’aurons pas les explications que nous vous demandons, nous ne lâcherons pas. Sinon, acceptez de supprimer cet alinéa qui fixe des priorités intenables. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Lamour.

M. Jean-François Lamour. Parlons d’« application réelle » puisque M. le rapporteur a parlé d’« égalité réelle ». Lorsque les préfets liront dans la loi les termes « en priorité », ils n’iront pas chercher plus loin.

Nous combattons cette priorité édictée dans l’alinéa 7 car elle impliquera, d’un quartier à l’autre, sur une même zone urbaine, un traitement différent, non pas du territoire, mais du jeune.

M. le ministre, vous essayez de nous faire comprendre des choses que nous avons bien intégrées dans notre réflexion. Nous pensons que ce n’est pas le territoire qu’il faut traiter, mais le jeune. Vous allez totalement à l’inverse de ce qu’il faut faire. Puisque vous dites que le dispositif est ouvert à tous, le bon sens serait de ne pas instituer de priorité. La priorité, c’est la situation du jeune, pas celle du territoire. Vous éviterez ainsi beaucoup de problèmes, y compris, d’ailleurs, avec les élus de votre bord.

M. le président. La parole est à M. Christophe Sirugue.

M. Christophe Sirugue. Nos collègues de l’opposition ont déposé et voté des amendements visant à supprimer le dispositif, mais ils considèrent que 150 000 emplois d’avenir, c’est insuffisant. Par ailleurs, ils comprennent le texte comme ils l’entendent. Il est pourtant bien écrit à l’alinéa 7 que l’emploi d’avenir est destiné en priorité et non en exclusivité.

Pourquoi une telle priorité ? Il ne s’agit pas seulement d’un problème de territoire. Certains secteurs comptent beaucoup plus de jeunes sans qualification et sans offres d’emploi qu’ailleurs. Ceux-ci ont besoin que l’on concentre davantage les moyens sur leur cas, pour les aider à trouver des opportunités, des employeurs. Cette première expérience professionnelle leur permettra, grâce à la qualification, d’intégrer le marché de l’emploi. Voilà la dynamique du dispositif.

Sauf à créer 500 000 emplois d’avenir – ce qui ne serait pas cohérent avec l’argumentation que vous avez développée autour des dépenses publiques – il nous faut bien cibler prioritairement, et non exclusivement, ces 150 000 jeunes. Quel que soit le lieu où ils résident, ils retrouveront ainsi un peu d’espoir et du pouvoir d’achat, ils pourront consommer et participer à l’effort de redressement dans lequel nous sommes engagés. Telle est la logique du dispositif.

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Roumegas.

M. Jean-Louis Roumegas. L’ambiguïté n’est pas du côté que l’on croit et les écologistes voteront contre ces amendements. La discrimination existe, les jeunes des quartiers difficiles sont stigmatisés. Il leur est plus difficile d’accéder à l’emploi à cause de leur adresse. C’est une réalité, qui vient s’ajouter à d’autres discriminations, basées sur l’origine ou le milieu social.

Mesdames et messieurs les députés de l’opposition, prenez garde. Voulez-vous continuer à stigmatiser ces quartiers ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jacques Myard. C’est vous qui le faites !

M. Jean-Louis Roumegas. Je ne vous fais pas un procès d’intention. Mais irez-vous dans vos circonscriptions expliquer que le Gouvernement et la majorité entendent favoriser certains quartiers ? Vous encouragerez ainsi la division sociale, que vous n’avez fait que renforcer lors du précédent mandat.

Non à la stigmatisation, oui aux solutions concrètes !

M. Jean-François Lamour. On croit rêver !

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Le terme de « priorité » laisse envisager deux cas de figure. Vous laissez penser que tous les jeunes de 17 à 25 ans non formés peuvent prétendre au dispositif. Mais si vous destinez le dispositif en priorité à ceux qui résident dans les ZUS, ZRR et les DOM-TOM, vous excluez un grand nombre de personnes éligibles. C’est un leurre, un mensonge.

Deuxième cas de figure. 150 000 emplois d’avenir seront créés sur deux ans. Si vous servez prioritairement les ZUS, les ZRR et les DOM-TOM, il n’y aura plus d’emplois d’avenir sur le reste du territoire.

Nous sommes ici un certain nombre de députés dont les circonscriptions ne comptent ni ZUS ni ZRR, et qui, pourtant, connaissent des jeunes qui pourraient être largement intégrés à ce dispositif. À ceux là, vous n’apportez aucune solution.

Je vais jeter un pavé dans la mare et, peut-être, vous choquer. Je préférerais que vous reconnaissiez vouloir privilégier vos amis. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christophe Sirugue. Grotesque !

Mme Marie-Christine Dalloz. Cela me semblerait beaucoup plus honnête. Oui, personne n’est allé jusque-là, mais je crois qu’il faut le dire. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-François Lamour. Effectivement, cela cache quelque chose.

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous parler d’égalité à propos de ce dispositif procède d’une malhonnêteté intellectuelle. Pour ma part, j’estime qu’il entraîne une rupture de l’égalité territoriale.

M. le président. La parole est à Mme Sophie Rohfritsch.

Mme Sophie Rohfritsch. Ceux qui stigmatisent sont bien ceux qui proposent ce type de loi, cherchent à prioriser, à découper et à saucissonner le territoire.

Il serait si simple de prendre une seule carte, celle de la France et de considérer que tous les jeunes qui résident sur le territoire national sont éligibles. Moi aussi, monsieur le ministre, j’aime et je respecte cette carte. Faisons confiance aux acteurs locaux. Comme vous le savez, puisque vous allez proposer une nouvelle forme de décentralisation, ils sont bien outillés pour identifier les jeunes éligibles au dispositif. La rédaction de l’article gagnerait ainsi en simplicité et en clarté. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Y a-t-il, oui ou non, une priorité ? Monsieur le ministre, vous avez dit que tous les jeunes de France étaient éligibles. Comme Mme le Calennec l’a expliqué tout à l’heure, il reviendra aux conseillers, sur le terrain, de leur dire s’ils pourront bénéficier du dispositif.

Savez-vous, monsieur le ministre, ce qui se passe depuis le 7 juillet dans la région Centre – que vous connaissez bien ? Désormais, les personnes éligibles au contrat d’accès à l’emploi doivent justifier, non plus d’une année, mais de deux années de chômage. C’est un cas d’inégalité territoriale : pourquoi, en d’autres endroits, le critère d’une année demeure ?

Je ne voudrais pas qu’il y ait deux poids, deux mesures. Je reconnais volontiers que le nombre des emplois d’avenir est insuffisant. Il ne vous a pas échappé que le groupe UDI n’a déposé aucun amendement de suppression de l’article. Nous ne sommes pas dans une opposition bête et stérile mais dans une opposition constructive, d’acteurs de terrain. Nous voulons faire en sorte que cela marche.

Comme l’a bien dit Mme Le Callennec, il existe d’autres dispositifs concurrents, établis par les régions, comme les CAE. Il me semble important de bien organiser l’articulation.

J’ai la chance d’avoir dans ma circonscription un bassin d’emploi où il n’y a que 10 % de chômage. Pour autant, des jeunes s’y trouvent en immense difficulté. Je veux qu’on leur apporte des réponses.

M. le président. La parole est à M. Christophe Cavard.

M. Christophe Cavard. J’ai bien compris qu’il y avait deux attitudes dans l’opposition, l’une plus radicale que l’autre.

Pour avoir vous-mêmes accompagné des contrats aidés, sous forme de CAE par exemple, vous savez qu’il n’y en avait pas assez pour tout le monde. Les critères d’éligibilité étant très larges, les préfets de région avaient pour consigne de gérer les enveloppes en les priorisant, en fonction d’un certain nombre de critères.

M. Jacques Myard. Ils ne figuraient pas dans la loi !

M. Christophe Cavard. Nous en avons débattu en commission : il faut donner du poids aux comités stratégiques territoriaux qui piloteront les emplois d’avenir. Cela permettra de ne pas laisser de côté un jeune sous prétexte qu’il ne résiderait pas dans une zone prioritaire. Cela devrait vous rassurer, d’autant que nous serons associés à la répartition de ces enveloppes.

Nous recherchons bien par la loi à faire en sorte que tous les jeunes puissent accéder au dispositif mais également que chacun des territoires puisse traiter la question des priorités. Si nous voulons que les préfets de région et les comités stratégiques jouent leur rôle, la loi doit rappeler ces priorités. Réjouissons-nous qu’elles existent : même si nous n’en avons pas dans nos circonscriptions, nous sommes tous conscients que les ZUS ont besoin de ce dispositif. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Comme l’ont dit Jean-François Lamour et d’autres collègues, la loi doit être blanc ou noir, elle ne peut être gris clair.

Cet alinéa prévoit un ciblage sur des jeunes résidant dans certaines zones géographiques défavorisées. À titre personnel, je n’y suis pas opposé, si les zones concernées sont parfaitement délimitées et clairement identifiées. La politique de la ville, d’ailleurs, ne repose que sur cela.

Ce que je reproche à la rédaction actuelle, c’est de demeurer dans l’indécision, en voulant jouer sur les deux tableaux. Soit l’on s’adresse à tous les jeunes, sans considération de zone géographique, soit l’on cible exclusivement certaines zones. Je n’ai pas d’avis tranché sur le choix de l’une des solutions, les arguments étant bons de part et d’autre.

Mais il faut choisir et ne pas rester dans cet entre-deux, qui fait peser un risque juridique sur l’ensemble du dispositif. Si le Conseil constitutionnel est saisi – je prends date – il ne fera pas le choix à notre place : il censurera le dispositif et nous renverra notre copie.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Je n’ai pas changé d’avis, mais je me réjouis que le débat progresse. À vous écouter, monsieur Lamour, madame Dalloz ou madame Le Callenec, il semble que vous estimiez que nos 150 000 emplois sont insuffisants et qu’il en faudrait plus. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Patrick Hetzel. C’est de la mauvaise foi !

M. Jean-François Lamour. Vous démarrez très mal votre intervention !

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Contrairement à Philippe Vigier, qui voit dans votre attitude une opposition bête et stérile, j’y lis l’espoir que, in fine, vous voterez ce texte.

(Les amendements identiques nos 57, 66, 190, 198, 225 et 283 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 6 et 105, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jacques Bompard, pour défendre l’amendement n° 6.

M. Jacques Bompard. La lutte contre chômage des jeunes issus des quartiers difficiles n’est qu’un élément d’un problème bien plus vaste, qui ne date pas d’hier et dont on se refuse à analyser l’ensemble des causes, garantissant ainsi l’échec des solutions proposées.

Pourquoi des quartiers deviennent-ils difficiles, voire des zones où la République a disparu ? Pourquoi le chômage des jeunes, de tous les jeunes, mais aussi des moins jeunes, se développe-t-il d’une manière dramatique, alors que bien des demandes d’emploi ne trouvent pas preneur ? Pourquoi le traitement social du chômage a-t-il depuis longtemps remplacé le droit au travail, deuxième des droits républicains, après la sécurité ? Pourquoi le communautarisme est-il en train d’annihiler les principes républicains ? Tous ces problèmes fondamentaux de la société française sont récusés, alors qu’ils sont la cause fondamentale du chômage.

Le projet de loi dont nous discutons aujourd’hui procède des bonnes intentions habituelles des gouvernements qui se succèdent, et ceci sans effets durables. Notre pays a besoin au contraire d’un traitement de fond. Ce dont la France, ce dont les jeunes ont besoin, c’est de véritables emplois, que seules peuvent fournir des entreprises nombreuses, dynamiques et concurrentielles, des entreprises qui ne soient pas écrasées par la fiscalité la plus lourde du monde et par les réglementations les plus complexes de la terre.

Il faut rétablir dès 2012 le droit au travail tel qu’il avait été conçu à l’origine de la République. Des emplois « aidés » ? Pourquoi pas, mais ouverts à tous, bien sûr, et dans tous les secteurs ; et non un dispositif qui oppose les jeunes chômeurs des cités, auxquels le Gouvernement donne la priorité, à tous les autres.

Aujourd’hui, l’objectif fondamental d’un gouvernement responsable doit être de mettre en place un réel droit au travail, qui crée de la richesse et permette, avec un gâteau plus gros, de distribuer des parts plus importantes. Le travail, quel que soit celui qui le propose et quel que soit celui qui l’accomplit, est plus producteur de richesse que le chômage. Et puis, il faut revenir au bon sens : si tout travail mérite salaire, tout salaire mérite travail.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour défendre l’amendement n° 105.

Mme Isabelle Le Callennec. Dire à la fois que les emplois d’avenir s’adressent à tous les jeunes et qu’il existe des zones prioritaires est contradictoire. J’admets parfaitement qu’il existe des zones où le taux de chômage des jeunes est beaucoup plus élevé que dans d’autres, mais ce que nous voulons éviter à tout prix, c’est, d’une part, de faire croire à certains jeunes qu’il vont être éligibles à ces emplois alors que ce n’est pas le cas et, d’autre part, de compliquer la vie, déjà pas si simple, des conseillers de Pôle emploi et des missions locales qui auront à appliquer les textes.

Monsieur le ministre, une étude d’impact a été réalisée ; la DARES parle de 470 000 jeunes, et je suppose que l’on peut comptabiliser pour les ZUS les jeunes concernés à un instant t, données auxquelles il convient d’ajouter celles des territoires d’outre-mer.

Si nous disposons, à l’échelle nationale, du taux de chômage des jeunes, il n’existe pas, d’après mes renseignements, de données sur le taux de chômage des jeunes par zone d’emploi. Les données dont nous disposons pour les zones d’emploi concernent la proportion de jeunes susceptibles de travailler.

Soyons donc très précis : nous voulons absolument éviter de faire croire que ce projet s’adresse à tous, alors qu’il ne concerne que 150 000 jeunes beaucoup plus en difficulté que les autres. Votre choix peut être légitime, nous demandons simplement que vous l’exprimiez clairement.

La territorialisation ne nous paraît pas pertinente, et mon amendement propose que l’on s’attache plutôt à la situation personnelle du jeune. J’expliquais hier qu’un jeune de dix-sept ans, qui vient de terminer ses études et se présente à la mission locale, est un cas moins difficile qu’un jeune de vingt-deux ans qui galère et n’a pas mis les pieds à Pôle emploi ou dans une mission locale depuis quatre ans. Ce dernier a en effet besoin d’être accompagné et aidé, qu’on lui offre une vraie formation et des perspectives, ce qui requiert du temps – et nous sommes d’accord sur le fait que cela peut en effet prendre trois ans. Je suggère donc de prendre plutôt en compte la durée d’inactivité totale qu’a connue le jeune, sachant qu’elle pourrait être fixée à six mois pour être déterminante.

M. Patrick Hetzel. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Comme les précédents, ces amendements ont pour objet de supprimer le ciblage territorial, même si vous instaurez un critère d’inactivité, qui figure déjà au début du texte. L’avis de la commission est donc défavorable sur les deux amendements.

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Madame Le Callenec, les données existent, et d’une très grande précision ! Pour La Réunion, par exemple : Les Avirons, 147 moins de vingt-cinq ans, 16,7 % ; Bras-Panon, 207, 19 %… N’appelez-vous pas cela des données précises ? Vous êtes donc de très mauvaise foi – pardonnez-moi –lorsque vous prétendez ne pas comprendre.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Avis défavorable sur les deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Michel Liebgott.

M. Michel Liebgott. Au-delà de ces questions d’emploi, la conception de l’opposition est particulièrement dangereuse si on l’étend à d’autres politiques. Imaginons que nous décidions demain que les quartiers défavorisés ne justifient plus des dotations comme la dotation de solidarité urbaine ou la dotation de développement urbain, ni les opérations de développement social des quartiers ou celles de la politique de la ville et de l’ANRU. Cela signifierait que, là où l’égalité territoriale n’est plus assurée parce que la société a mal fonctionné et que la répartition géographique de la population est inadaptée du fait d’un urbanisme défaillant, nous n’aurions plus de solutions pour corriger le tir.

Or nous pensons qu’il faut corriger le tir, et c’est tout le sens des emplois d’avenir, comme d’ailleurs des zones de sécurité prioritaires, qui ont simplement pour objectif de rétablir l’égalité républicaine.

On peut, il est vrai, arriver à des détournements de procédure. J’ai dans ma ville des quartiers traditionnels mais aussi une ZUS, qui abrite un lycée conventionné avec Sciences-Po Paris. Certains parents n’hésitent pas aujourd’hui, alors qu’ils résident ailleurs, à inscrire leurs enfants dans ce lycée pour bénéficier de cette procédure particulière.

Le sens de votre discours, c’est que tous sont égaux et doivent se battre dans l’état de nature ! Mais nous ne sommes pas dans l’état de nature. Il existe des inégalités originelles, liées à la situation familiale ou à diverses discriminations. Porter un nom à consonance étrangère est un handicap considérable pour trouver un emploi, de même qu’avoir une adresse dans une ZUS. C’est tout l’honneur de ce Parlement et de cette majorité de faire en sorte que la discrimination positive rétablisse l’ordre républicain.

M. le président. La parole est à M. Bernard Perrut.

M. Bernard Perrut. C’est là un vrai débat de fond. Nous avons du mal à nous faire comprendre mais nous considérons que les jeunes ne peuvent être seulement distingués selon une approche territoriale. Quel que soit le lieu où ils habitent, certains jeunes, en effet, sont sans qualification et en grande difficulté.

On peut comprendre que vous choisissiez, légitimement, d’agir d’abord en direction des jeunes les plus en difficulté, dans des zones délimitées. Mais si l’on veut tomber d’accord, il faut que vous disiez clairement que ce texte ne s’adresse pas à tous les jeunes mais à ceux qui résident dans des zones déterminées. C’est inévitable, puisque les 150 000 emplois que vous proposez, monsieur le ministre, ne suffiront pas pour les 500 000 jeunes concernés. La logique arithmétique veut donc qu’il y ait une sélection.

Plus concrètement, ce qui compte, c’est la manière dont le dispositif va se mettre en place sur le terrain. Il existe aujourd’hui près de 500 structures, missions locales et PAIO, réparties sur le territoire national et dans les départements d’outre-mer. Rapportées aux 150 000 emplois proposés, cela donne 300 jeunes concernés pour chaque mission locale. Comment s’effectuera la répartition ? L’État va donner des directives à ses directions départementales, qui distribueront les emplois selon la population et le nombre de jeunes. Aux départements où les ZUS sont nombreuses et où la situation est grave, vous affecterez donc un nombre de postes important ; en revanche, certains départements, certaines missions locales sans ZUS ni zones rurales en difficulté, ne disposeront d’aucun emploi d’avenir à proposer aux jeunes.

J’aimerais que vous nous apportiez des réponses sur cet aspect des choses, très pragmatique et très concret. Il ne s’agit pas de remettre en cause ni votre volonté ni les objectifs de ce texte, mais d’en comprendre l’application. En fonction des réponses que vous nous ferez, on comprendra mieux comment il sera mis en œuvre sur le terrain et, puisque tous les jeunes ne peuvent en bénéficier, comment s’effectuera la répartition.

M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. Je ne suis pas du tout d’accord avec M. Liebgott. Lorsque l’on met en place des politiques publiques qui touchent à l’environnement des personnes, on peut comprendre que l’on veuille cibler des quartiers où la situation est particulièrement difficile. Mais on parle ici d’un droit individuel, le droit pour chacun d’accéder à un emploi, à une aide de l’État pour rejoindre cet emploi. Or certaines personnes en grande difficulté n’habitent pas dans les ZUS ; il arrive même parfois qu’elles se trouvent hors des ZUS du fait de politiques publiques axées sur la mixité sociale. Ce que vous proposez est incohérent par rapport à ces politiques publiques, et il est très injuste que, lorsque des jeunes dans ce cas postuleront aux emplois d’avenir, on les leur refuse au motif qu’ils sont réservés en priorité aux habitants des ZUS.

M. le président. La parole est à M. Thierry Solère.

M. Thierry Solère. Monsieur le ministre, vous avez récusé tout à l’heure l’idée d’une distorsion de concurrence entre entreprises et associations, affirmant qu’il s’agissait avant tout des jeunes. À notre tour de vous dire que nous ne vous parlons pas de territoires mais de jeunes.

Certains départements sont réputés riches, d’autres pauvres ; c’est en vérité beaucoup plus complexe. Je suis élu dans les Hauts-de-Seine, à Boulogne-Billancourt, où se trouve une ZUS. Comment vais-je expliquer à un jeune qui habite à trois pâtés de maisons qu’il n’est pas concerné par ce dispositif ?

Votre argument consistait à dire que ce n’est pas l’entreprise ou l’association qui étaient visées mais le jeune. Revenez-y pour cesser d’exclure une partie des jeunes de France du dispositif.

Mme Catherine Coutelle. « Prioritairement », cela signifie quoi en français ?

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Mes chers collègues, il ne faut pas s’engager dans un débat avec, d’un côté, les tenants des ZUS et, de l’autre, ceux des « hors ZUS ». Ce serait n’importe quoi !

Je suis totalement d’accord avec M. Cavard : il y a eu, sauf erreur de ma part, un peu plus de 400 000 contrats aidés en 2011 et en 2010 auxquels, je l’espère, monsieur le ministre, s’ajouteront les 150 000 contrats d’avenir, mais ce n’est pas très clair. Ces contrats aidés sont répartis entre le secteur non marchand et le secteur marchand, à proportion de 360 000 dans le premier et d’environ 50 000 dans le second – soit au total près de 410 000.

Ces contrats aidés profitent, comme le précise la circulaire, aux personnes les plus éloignées de l’emploi. En s’en tenant à ce principe, on fait confiance aux acteurs locaux, au service public local de l’emploi pour déterminer quelle sera la personne la mieux à même de profiter de tel contrat. Or, je suis désolé de le dire à mes collègues de l’opposition, seulement 10 % des contrats aidés profitent aux populations des zones urbaines sensibles.

Par conséquent, n’allez pas croire, chers collègues, que nous crions « haro sur le baudet ! » en votant la disposition que nous propose le Gouvernement, car le système actuel, celui que nous avons mis en place, ne fonctionne pas. En effet, il est si compliqué pour le service public de l’emploi d’aller chercher les jeunes de ces quartiers que nous avons été obligés de créer un dispositif loin d’être formidable et sur lequel il faudra revenir, compte tenu de son coût : le contrat d’autonomie.

Alors, ne craignez pas qu’en ciblant tel ou tel zonage – un zonage qui ne veut plus rien dire, d’ailleurs, puisqu’il date de 1996 et qu’il faudra le revoir –, les emplois d’avenir ne puissent pas profiter à d’autres jeunes en zone rurale ou hors ZUS puisque, pour eux, il y a les contrats d’accompagnement dans l’emploi qui, je l’espère, monsieur le ministre, continueront à exister dans la même proportion que les années précédentes. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Michel Sapin, ministre. Je vous remercie, monsieur Richard, de ce raisonnement qui peut sans doute aider les uns et les autres à progresser.

Les dispositifs sont toujours ciblés. Quand on dit, s’agissant des CAE, qu’ils s’adressent à des jeunes « en particulière difficulté », c’est ciblé. Vous allez nous dire : « Et les autres ? Comment juge-t-on ? Comment fait-on ? » Eh bien, c’est la politique de ceux qui ont à mettre en œuvre le dispositif sur le territoire. C’est l’ensemble des partenaires, pas simplement le préfet, mais tous ceux qui connaissent les situations : les maisons de l’emploi et, en l’occurrence, pour les contrats d’avenir, les missions locales qui vont avoir à travailler sur le profil des jeunes, particulièrement de ceux qui sont le plus en difficulté.

Écoutez ce qu’a dit M. Richard, car ses propos sont pleins de bon sens et cela peut vous permettre de progresser avec nous. Nous n’excluons personne, mais nous avons des priorités, car si nous ne fixons pas de priorités, les plus exclus le seront davantage encore. Voilà la manière dont nous raisonnons. Ce sont des idées que nous pouvons partager, chers collègues de l’opposition.

Au fond, le seul argument qui pourrait me convaincre, c’est lorsque vous dites qu’avec ce dispositif nous ne réglerons pas tout. Vous estimez que 470 000 jeunes sont dans cette situation. En réalité, ce sont 500 000 jeunes parce que l’outre-mer fait partie de la France.

M. Jean-François Lamour. C’est ce que nous avons dit !

M. Michel Sapin, ministre. Je ne fais pas cette remarque pour être désagréable, monsieur Lamour. Je constate simplement qu’il y a 500 000 jeunes dans cette situation et je pense que nous pouvons être d’accord sur ce point.

Donc, vous me dites qu’en fixant à 150 000 le nombre de contrats d’avenir, il restera des jeunes sur le bord de la route. Je vous donne les chiffres : les emplois aidés sont au nombre de 390 000, soit 340 000 plus 50 000 outre-mer, et il y a 3 millions de chômeurs. Il en restera effectivement beaucoup en dehors de ces dispositifs ! Car nous ne réglerons pas tous les problèmes par le seul biais de ces emplois aidés. Et vous êtes les premiers à le dire !

Notre priorité est de créer 150 000 contrats d’avenir. Le jour où, sur ces 500 000 jeunes exclus, il y en aura 150 000 de moins parce qu’ils auront trouvé leur place dans la société, un équilibre et des perspectives d’avenir, cela changera profondément l’atmosphère dans les quartiers ou dans les zones considérées.

Certes, tout le monde ne pourra pas en bénéficier. Ou alors, accordez-nous les crédits qui nous permettraient d’aller jusqu’à 500 000 ! Mais je ne vous le demande pas car ce ne serait pas de bonne politique. Ce serait une politique massive, qui voudrait toucher absolument tout le monde. Or ce n’est pas possible, que ce soit pour des raisons budgétaires ou pour des raisons de principe. Il faut des exemples, des cursus, une vie incluse dans cette société. Au fond, si un jeune réussit grâce à un emploi d’avenir et s’il arrive à entraîner avec lui dans la réussite quelqu’un qui est en dehors de l’emploi d’avenir, tant mieux ! Nous aurons progressé, nous aurons réussi ! Tel est l’objectif du système que nous proposons.

Je ne reviendrai pas sur le thème « exclusion, pas d’exclusion », « priorité pas priorité », car je pense que nous sommes allés jusqu’au bout du raisonnement, au bout des arguments. D’une manière ou d’une autre, chers collègues de l’opposition, vous serez les acteurs de la mise en œuvre de ces emplois d’avenir, et ce sera à vous de faire en sorte d’être les plus justes et les plus efficaces pour permettre à ces jeunes de retrouver un avenir.

(L'amendement n° 6 n'est pas adopté.)

(L'amendement n° 105 n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l'amendement n° 255.

M. Philippe Vigier. Je défends cet amendement qui porte sur l’alinéa 7 pour essayer d’avancer dans la discussion.

Il a été dit que les jeunes de tous les territoires seraient éligibles, mais certains de mes collègues sont intervenus pour expliquer que, sur la territorialité, les choses n’étaient pas fixées, qu’en tout cas, elles n’étaient pas claires et que ce serait probablement la cause de nombre de difficultés pour l’application de la mesure.

Comme l’a très bien dit Arnaud Richard, il ne s’agit pas d’opposer un territoire de la République à un autre, un quartier à un autre ou encore la ruralité aux villes, aux ZUS ou aux territoires d’outre-mer. Mais on ne peut à la fois dire que le dispositif est ouvert à tous où qu’ils résident et se dispenser donner des critères de « priorisation » en fonction de leur situation de précarité. C’est pourquoi nous vous demandons de nous faire connaître ces critères permettant que soit exclusivement prise en compte la situation du jeune.

Tout à l’heure, vous avez dit, monsieur le ministre, qu’il s’agissait de donner une chance à un jeune en lui procurant un emploi. Eh bien, la situation de ce jeune peut être extrêmement précaire qu’il habite dans un quartier où il y a très peu de chômage ou dans un département d’outre-mer où il y en a beaucoup plus, ou encore dans une ZUS. Il est donc important d’aller vers cette priorisation qui sera un facteur de clarté.

S’agissant des CAE, vous avez eu, monsieur le ministre, la grande habileté de ne pas répondre à Arnaud Richard. Je poserai donc également la question : oui ou non, les emplois d’avenir, qui vont exiger un engagement financier de l’État, viendront-ils en plus des CAE ? Autrement dit, j’espère que vous n’essaierez pas de reprendre d’une main ce que vous aurez donné de l’autre. C’est un problème de cohérence d’ensemble et, Francis Vercamer l’a dit, il eût été très positif qu’il y ait une loi cadre où l’on aborde le secteur marchand avec les propositions que nous avons faites tout à l’heure.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Il est vrai que je n’ai pas répondu à la question qui m’a été posée, mais ce n’était pas pour essayer de dissimuler quoi que ce soit.

Nous allons aborder ce sujet lors de la discussion budgétaire. Je vais donc vous répondre par avance, en m’appuyant sur un budget que, par définition, je ne connais pas puisqu’il n’est pas encore adopté. Il ne le sera que le 28 septembre en conseil des ministres.

Cependant, je crois pouvoir dire quelques petites choses. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Le financement des 100 000 emplois d’avenir sera assuré. Je vous ai même indiqué dans la discussion générale que si les choses allaient plus vite que ce que nous avons prévu aujourd’hui, s’il y avait une montée en puissance rapide, ce ne serait pas un obstacle car nous aurions les moyens budgétaires nécessaires.

Ensuite, les 390 000 emplois aidés prévus au budget de 2012 seront reconduits l’année prochaine, mais dans d’autres conditions. Il y aura deux différences.

Première différence, on n’utilisera pas les deux tiers des emplois dès le début de l’année, pour essayer d’inverser la courbe du chômage. On les utilisera tout au long de l’année. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Cela évitera de revoir ce qui s’est passé… Et cela évitera de retomber dans la situation que vous remarquez sur vos territoires : tout à coup, on constate que, dans la seconde moitié de l’année, il y a moins d’emplois à distribuer que dans la première. Bien sûr, puisque les deux tiers ont été ponctionnés pour des raisons que je ne comprends pas du point de vue de la géographie sociale, mais que je peux comprendre pour d’autres raisons… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Nous avons même rajouté 80 000 emplois aidés pour essayer d’éviter qu’il y ait un trou trop important dans la deuxième moitié de l’année. Ce ne sera pas comme cela l’année prochaine !

Deuxième différence, la durée moyenne des contrats sera plus longue. Certains nous disent que les CAE et les emplois d’avenir, c’est la même chose. Non ! les emplois d’avenir, c’est pour trois ans. Les CAE, en moyenne, au cours des dernières années, c’était pour six mois. Croyez-vous qu’en six mois, on puisse sortir un jeune en grande difficulté de la situation dans laquelle il se trouve ? Il faut plutôt s’inscrire dans une durée de trois ans.

M. Denis Jacquat. Minimum !

M. Michel Sapin, ministre. Voilà pour les différences.

Quant aux 390 000 emplois aidés, soyez tous rassurés !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Nous partageons avec nos collègues centristes cette conception du ciblage territorial et la volonté exprimée avec force par M. Richard : « On a essayé de ne pas donner plus aux territoires qui en avaient le moins besoin et on a échoué parce que les territoires qui en avaient le plus besoin ont eu moins. »

J’ai engagé le débat sur l’égalité réelle et nous avons une première réponse : vous rejetez l’idée du ciblage, ce qui n’en est pas moins respectable puisque nous sommes dans un vrai débat politique. En revanche, nous partageons cette idée avec l’auteur de l’amendement. Si nous n’avons pas retenu l’amendement, c’est que les mots « en particulier » ou « priorité » me semblent vouloir dire la même chose. Cela étant, c’était l’occasion d’avoir ce débat de fond et de clarifier les choses.

L’avis de la commission est donc favorable à l’idée, mais défavorable à l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard.

M. Arnaud Richard. Le ministre nous a dit qu’il y aurait quelques différences dans la manière dont les CAE seraient signés à partir de l’an prochain. J’aimerais qu’il nous assure que l’on reparlera de formation. Sauf erreur de ma part, l’État a été plusieurs fois condamné – l’État dans son acception générale, vous l’aurez compris – sur la requalification de ces contrats qui coûte à chaque fois 10 000 euros.

Nous vous demandons de préciser que ce troisième aspect du changement sera présent.

M. Michel Sapin, ministre. Merci, monsieur le conseiller technique de M. Borloo, qui connaît bien le sujet !

(L'amendement n° 255 n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l'amendement n° 39.

M. Lionel Tardy. L’alinéa 7 dispose que les contrats d’avenir sont destinés en priorité à certains publics bien ciblés. L’expression « en priorité », me dérange, comme beaucoup dans cet hémicycle. Nous savons tous que les 150 000 emplois subventionnés que vous proposez ne suffiront pas à satisfaire la demande parce que l’effet d’aubaine jouera à fond. Il n’y en aura pas pour tout le monde et vous souhaitez prioriser certains publics.

J’ai plusieurs questions à vous poser.

Comment allez-vous faire concrètement ? Allez-vous dès le début faire le tri des dossiers en ne prenant que les jeunes prioritaires et éventuellement les autres s’il reste de la place ? Allez-vous, au contraire, prendre tout le monde dans un premier temps, puis refermer les vannes à mesure de l’assèchement des budgets ? Ne vaudrait-il pas mieux cibler directement ces jeunes en difficulté, sans laisser espérer quelque chose aux autres, quitte éventuellement à ouvrir un peu plus les portes par la suite en fonction du succès du dispositif ?

En tout cas, rien ne serait pire que de rester dans l’ambiguïté et de ne pas clarifier la manière dont vous allez mettre en œuvre cette priorité. Vous allez donner de faux espoirs à bien des jeunes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Nous venons d’avoir ce débat. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Je pense que le débat a été purgé, même si les amendements continuent d’être présentés. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Francis Vercamer.

M. Francis Vercamer. Je suis au regret de dire que ce n’est pas le débat que nous avons eu, c’est précisément l’inverse ! Si l’on retire le mot « priorité », cela veut dire que seuls les jeunes en zone urbaine sensible sont concernés, ce qui va justement à l’inverse de la suppression de l’alinéa 7.

J’en profite pour défendre l’amendement suivant, n° 285, monsieur le président. Ainsi, nous gagnerons du temps.

Je propose une nouvelle écriture qui rappelle que tous les jeunes sont concernés. Bien sûr, dans les zones prioritaires, il peut y avoir une certaine priorité.

M. Michel Sapin, ministre. Nous nous rapprochons, me semble-t-il !

M. Francis Vercamer. Je n’ai jamais dit qu’il fallait supprimer le ciblage des jeunes dans certaines zones. Mais il faut rappeler que tous les jeunes sont concernés où qu’ils résident pour éviter que l’administration nous oppose le fait que seuls sont concernés les jeunes des zones urbaines sensibles.

M. le président. La parole est à Mme Marie-George Buffet, qui souhaite s’exprimer sur l’amendement n° 39.

Mme Marie-George Buffet. Je veux insister sur la notion d’égalité.

L’égalité républicaine se fonde sur des droits, mais sur des droits effectifs. Or il faut prendre la mesure de la situation de certains jeunes qui ont été, depuis leur naissance, privés ou éloignés de l’effectivité de ces droits, que ce soit pour la scolarité, la santé ou dans bien d’autres domaines.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il y a de ces jeunes partout !

Mme Marie-George Buffet. Ces jeunes, qu’on le veuille ou non, pour des raisons évidentes, sont concentrés dans certains territoires.

M. Jean-Frédéric Poisson. Mais non !

Mme Marie-George Buffet. Parce que ces territoires accumulent les difficultés, l’accès à l’emploi y est encore plus difficile pour les jeunes. Il sera nécessaire de faire un effort pour aller les chercher. Je pense que ce dispositif peut y contribuer même si j’ai beaucoup de remarques à faire sur son contenu. Il faudra encourager tous les partenaires associés à sa mise en œuvre à aller au-devant des jeunes et à les accompagner dans leurs démarches car ils ne viendront pas spontanément déposer des dossiers.

Il est donc extrêmement important de donner la priorité aux territoires qui cumulent les difficultés et où les jeunes qui y sont confrontés sont particulièrement nombreux. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

(L'amendement n° 39 n'est pas adopté.)

M. le président. M. Vercamer a déjà défendu l’amendement n° 285, auquel la commission et le Gouvernement sont défavorables.

(L'amendement n° 285 n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l'amendement n° 284.

M. Arnaud Richard. Cet amendement vise à supprimer la référence aux zones de revitalisation rurale à l’alinéa 7. Ne croyez pas, mes chers collègues, que j’aie quoi que ce soit contre ces zones. De toute façon, ce qui m’inquiète, c’est que ce projet fait l’objet d’une procédure accélérée et qu’il ira ensuite au Sénat. Et vous savez suffisamment selon quel prisme les sénateurs examinent les textes pour espérer qu’un amendement revienne sur celui-ci s’il était adopté.

Plus sérieusement, je me réjouis que le ministre ait indiqué qu’il y aurait autant de contrats uniques d’insertion en 2013 en plus des 100 000 emplois d’avenir.

Par ailleurs, je partage totalement l’avis de Mme Buffet. Comme je l’ai déjà dit, lors de la précédente législature, nous avons essayé de mettre en place des contrats d’autonomie mais nous avons constaté qu’outre le fait qu’ils coûtaient une fortune, ils ne fonctionnaient pas. On ne parvient pas à aller chercher les jeunes concernés et à les faire profiter des contrats aidés, quoi que puissent en penser certains d’entre vous.

Cet amendement est motivé par plusieurs raisons.

D’abord, je ne suis pas très à l’aise avec la notion de zonage telle qu’elle ressort de nos discussions. Sera-t-il toujours fait référence aux zones où le taux de chômage est supérieur à la moyenne nationale ? Pour moi comme pour ma collègue, cela ne veut rien dire et ce serait une erreur de retenir cette définition. Il convient de se focaliser sur des zones comme les zones urbaines sensibles où il existe un vrai problème car les jeunes n’y profitent pas des contrats aidés.

Ensuite, j’aimerais soulever une question que nous ne nous sommes pas encore posée. Dans le dispositif précédent, les conseils généraux pouvaient abonder le financement du contrat pour les bénéficiaires du RSA. Qu’en sera-t-il avec le RSA jeune ? Ce sujet n’est pas neutre.

Enfin, je profite de l’occasion qui m’est donnée, monsieur le président, pour demander quelle sera la répartition du financement de ces contrats entre les villes pauvres et les villes riches.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Il me paraît utile de prendre quelques instants pour que nos débats puissent éclairer la mise en œuvre du dispositif.

Nous voulons, je le redis une troisième fois, que l’action en matière d’emplois d’avenir soit d’autant plus intensive que les difficultés des jeunes sont élevées en matière de qualification et de durée dans le chômage et que les territoires connaissent des difficultés en matière d’accès à l’emploi.

Il s’agit tout d’abord des zones urbaines sensibles, qui constituaient le cœur du texte déposé par le Gouvernement. En commission, nous avons souhaité y ajouter les zones rurales. Pour l’instant, le zonage existant renvoie aux zones de revitalisation rurale mais il est bien évident qu’à l’intérieur de ces zones, nous visons des difficultés qui sont hiérarchisées de la même façon et qui ont la même nature que dans les ZUS. Nous avons souhaité aussi prendre en compte les départements d’outre-mer dont personne ne peut contester que les difficultés en termes de chômage sont identiques à celles que connaissent les ZUS. Enfin, nous avons modifié la définition de la troisième catégorie qui se fondait sur un taux de chômage supérieur à la moyenne nationale : estimant que la moitié du territoire aurait été concernée, nous avons préféré la notion de territoires – et non de bassins d’emploi pour avoir une action plus ciblée – où les jeunes connaissent des difficultés particulières en matière d’accès à l’emploi.

Nous englobons donc l’urbain, avec les ZUS, et le rural avec les ZRR, et nous y ajoutons une catégorie un peu plus générale. L’esprit de nos travaux en commission a été le suivant, je le dis à l’intention de ceux qui mettront le texte en application : nous avons voulu que les critères définis à partir de l’orientation donnée par le législateur permettent une égalité entre les divers territoires en termes d’intensité de l’action de l’État.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Si cet amendement était adopté, c’est toute la ruralité qui serait exclue du dispositif : tous les jeunes ruraux se verraient interdire l’accès aux contrats d’avenir, ce qui n’est pas acceptable.

Il existe aujourd’hui une vraie inégalité entre territoires et le fait que vous ayez créé un ministère de l’égalité des territoires est bien la preuve qu’il y a matière à travailler sur ce sujet.

M. Michel Sapin, ministre. C’est vrai !

Mme Annie Genevard. Songez, par exemple, au différentiel de dotations qui existent aujourd’hui entre villes et campagnes.

Vous affirmez, monsieur le ministre, que la France tout entière est prise en compte, mais il y a un mot que j’ai beaucoup entendu dans vos interventions aux uns et aux autres, c’est celui de « quartier », preuve que, dans votre esprit, la priorité va clairement aux villes.

Les difficultés de la ruralité ne peuvent être évaluées par le seul prisme du taux de chômage. Il y a des jeunes ruraux en difficulté et le fait que le phénomène soit plus diffus et moins visible n’autorise pas qu’on les exclue de l’aide publique.

M. Jean-Patrick Gille. Nous sommes d’accord.

(L'amendement n° 284 n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le ministre, pour soutenir l'amendement n° 362 rectifié.

M. Michel Sapin, ministre. Cet amendement purement rédactionnel permettra de lever les ambiguïtés soulignées par Mme Genevard en assurant un meilleur ciblage sur les zones rurales concernées.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. La commission n’a pas examiné cet amendement mais j’y suis favorable à titre personnel.

(L'amendement n° 362 rectifié est adopté et l'amendement n° 103 tombe.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson, pour soutenir l'amendement n° 67.

M. Jean-Frédéric Poisson. Il vise à supprimer purement et simplement la fin de l’alinéa 7. La notion de « territoires connaissant des difficultés particulières en matière d’accès à l’emploi des jeunes » nous paraît plutôt floue, du moins pour l’instant. Je vois que le ministre proteste mais cela relève encore de l’articulation entre pouvoir législatif et pouvoir réglementaire.

M. Michel Sapin, ministre. C’est la vie !

M. Jean-Frédéric Poisson. Le Parlement ne connaissant pas les territoires dont il s’agit, il ne peut être d’accord avec cette formulation à ce stade de la discussion.

Par ailleurs, si M. le président me le permet, j’aimerais rebondir sur les propos de Mme Buffet. Je suis content de son évolution. Toutefois, il convient de souligner que dans les territoires où ne sont pas nécessairement concentrées toutes les difficultés, il existe des jeunes correspondant aux critères du dispositif. Même si nous en contestons le principe, nous cherchons tout de même à en améliorer le contenu et notre préoccupation est de faire en sorte que personne ne soit exclu. Vous reconnaîtrez avec moi que lorsqu’un jeune d’une vingtaine d’années n’a ni formation ni qualification et qu’il n’a jamais eu d’emploi, le fait qu’il soit ici ou là ne change pas grand-chose à sa situation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. J’ai déjà expliqué la logique territoriale d’ensemble qui sous-tend le texte. Je veux simplement noter une contradiction dans votre position, monsieur Poisson. Vous proposiez de supprimer tout zonage en avançant qu’une personne se situant juste à la limite d’une zone, de l’autre côté d’une rue, ne pouvait pas être éligible. Or le mot « priorité » laissera aux prescripteurs la liberté de juger de la situation. La notion de « territoires connaissant des difficultés particulières en matière d’accès à l’emploi » permettra de définir certaines zones ciblées qui seront considérées comme rencontrant des difficultés semblables à celles des ZUS. Cette rédaction me paraît répondre aux arguments que vous avanciez pour supprimer tout zonage, il importe donc de la conserver.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis.

(L'amendement n° 67 n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Denys Robiliard, pour soutenir l'amendement n° 261.

M. Denys Robiliard. Il s’agit d’un amendement purement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Favorable également.

(L'amendement n° 261 est adopté et les amendements nos 23, 40, 19, 96 et 286 tombent.)

M. le président. La parole est à Mme Bérengère Poletti.

Mme Bérengère Poletti. J’aimerais appeler l’attention sur l’amendement qui vient d’être adopté. Sa formulation fait toujours référence aux territoires. Quelle est donc la définition d’un territoire, monsieur le ministre ? Une rue, un petit quartier constituent-ils un territoire ?

M. le président. La question est posée ; il y sera répondu au cours de la discussion, madame la députée.

La parole est à Mme Isabelle Le Callennec, pour soutenir l'amendement n° 151.

Mme Isabelle Le Callennec. Je partage la position de Mme Buffet. La grande difficulté va être en effet de rechercher les jeunes éligibles et de leur donner l’envie de pousser la porte d’une mission locale ou d’une agence de Pôle emploi. Pour cela, il faudra déployer beaucoup d’énergie sur le terrain, d’où l’idée de se concentrer sur ces 150 000 emplois.

S’agissant de la durée, il est question de CDD, de CDI, de contrats de trois ans. Je me demande pour ma part si l’on ne pourrait pas plutôt recourir à une période de douze mois renouvelable jusqu’à trente-six mois, ce qui permettrait de donner de la lisibilité aux jeunes, qui en ont bien besoin, ainsi que de simplifier : on parlerait non plus de CDD ou de CDI mais d’un contrat d’un an renouvelable trois fois.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Marc Germain, rapporteur. Nous avons parlé des CIVIS. Les publics issus des régies de quartier que vous évoquez dans votre amendement font bien évidemment partie des publics ciblés par les emplois d’avenir. Simplement, il nous paraît important de conserver l’idée d’un contrat de trois ans pour les raisons que j’ai longuement développées dans mon propos introductif. Je crois que c’est un élément fondamental qui permet aux personnes de se projeter et de se reconstruire. L’expérience, que vous avez aussi, montre que c’est essentiel sur le plan humain.

Nous ne sommes donc pas d’accord pour revenir sur cette priorité donnée aux contrats de trois ans même si, comme vous l’avez vu dans un amendement discuté en commission, nous voulons laisser la possibilité, pour des raisons liées aux parcours professionnels, de recourir aux types de contrats que vous évoquez. Nous pensons qu’en commençant par des temps partiels dont on augmenterait progressivement la durée – c’est l’objet d’un amendement que j’ai déposé avec Seybah Dagoma –, il serait possible d’atteindre les objectifs que vous recherchez pour ces publics très particuliers qu’il est difficile de faire travailler tout de suite à temps plein.

Cet amendement que nous examinerons plus tard répondra à l’objectif que vous poursuivez mais de manière plus conforme à la conception d’ensemble du dispositif. J’émets donc un avis défavorable tout en comprenant parfaitement vos préoccupations, madame Le Callennec.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis.

(L'amendement n° 151 n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l'amendement n° 22.

M. Gilles Lurton. Cet amendement fait écho à toutes les contradictions que nous avons relevées depuis le début de nos débats entre la priorité donnée aux zones urbaines sensibles et la prise en compte des zones d’emploi dans lesquelles le taux de chômage des jeunes de seize à vingt-cinq ans est supérieur à la moyenne nationale.

J’avais déposé un premier amendement qui a en partie été pris en compte par la commission des affaires sociales puisqu’elle est revenue à l’alinéa 7 sur cette notion de zones d’emploi définies par le taux de chômage.