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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 22 novembre 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Laurence Dumont

1. Nomination d’un député en mission temporaire

2. Fixation des tarifs réglementés du gaz naturel

Discussion générale (suite)

M. David Habib

M. Dino Cinieri

M. Frédéric Roig

M. Yves Blein

M. Franck Reynier, rapporteur de la commission des affaires économiques

Article unique

Amendement no 1

Mme Frédérique Massat, vice-présidente de la commission des affaires économiques

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

3. Prévention du surendettement

Présentation

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur de la commission des affaires économiques

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques

Discussion générale

M. Michel Zumkeller

Mme Eva Sas

Mme Jeanine Dubié

M. Gabriel Serville

M. Yves Blein

Mme Isabelle Le Callennec

Présidence de M. Denis Baupin

Mme Seybah Dagoma

M. Lionel Tardy

Mme Laurence Dumont

Mme Annick Le Loch

Présidence de Mme Laurence Dumont

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur

M. François Brottes, président de la commission

M. Benoît Hamon, ministre délégué

Discussion des articles

Article 1er

Mme Marie-Lou Marcel

M. Jean-Louis Borloo

Article 2

M. Christophe Borgel

M. Jacques Valax

M. Francis Hillmeyer

4. Égalité d’accès aux soins sur l’ensemble du territoire

Présentation

M. Philippe Vigier, rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales

Discussion générale

M. Yannick Favennec

Mme Véronique Massonneau

M. Roger-Gérard Schwartzenberg

M. Gabriel Serville

Mme Linda Gourjade

M. Jean-Pierre Door

Mme Annie Le Houerou

Mme Véronique Louwagie

M. Richard Ferrand

M. Patrice Martin-Lalande

M. Michel Issindou

5. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Laurence Dumont
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Nomination d’un député en mission temporaire

Mme la présidente. M. le président a reçu de M. le Premier ministre une lettre l’informant de sa décision de charger M. Serge Letchimy, député de la Martinique, d’une mission temporaire auprès du ministre des outre-mer.

2

Fixation des tarifs réglementés du gaz naturel

Suite de la discussion d’une proposition de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi de MM. Jean-Louis Borloo, Franck Reynier, Thierry Benoit et plusieurs de leurs collègues, visant à déconnecter le prix du gaz de celui du pétrole pour la fixation des tarifs réglementés du gaz naturel (nos 285, 412).

Discussion générale (suite)

Mme la présidente. Ce matin, l’Assemblée a commencé à entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. David Habib.

M. David Habib. Madame la présidente, madame la ministre de l’énergie, monsieur le président de la commission des affaires économiques, cette matinée a été extrêmement consensuelle sur le vote blanc. La poursuite des travaux à l’initiative de l’UDI nous a démontré qu’il pouvait y avoir également un certain nombre de points d’accord sur la nécessité de déconnecter le prix du gaz de celui du pétrole.

M. le ministre de l’équipement, M. le président Brottes se sont exprimés : nous avons tous le sentiment que la situation est paradoxale. Le tarif du gaz a évolué de façon spectaculaire, pour nos consommateurs mais aussi, ferai-je remarquer à M. Borloo, pour nos industriels, alors que les prix sur les différents marchés internationaux n’ont pas connu la même évolution.

La présente proposition suscite, pour reprendre l’expression de François Brottes, notre intérêt. Nous considérons ce texte comme un texte d’appel au Gouvernement et à la majorité pour réfléchir globalement à notre politique énergétique : réfléchir à une remise en cause des fondamentaux tarifaires qui, depuis quarante, cinquante ans, conditionnent l’économie de l’énergie ; réfléchir également – j’aurais aimé l’entendre dans la bouche des intervenants de l’UDI – à la question, centrale, de la maîtrise publique de la question énergétique ainsi que, puisque l’on a parlé de rente gazière, aux erreurs commises par le passé, notamment sous la précédente législature, avec l’installation de « rentiers » qui ont bénéficié d’une situation privilégiée leur conférant la maîtrise, au-delà du tolérable, des prix et de leur propre rémunération.

André Chassaigne a rappelé que la privatisation de Suez en 2004 a été l’un des éléments centraux de cette politique de fixation des prix. Parlementaire depuis 2002, je me souviens de certaines déclarations du président Jacques Chirac, qui nous avait demandé d’accepter l’abaissement de 100 à 70 % de la participation de l’État au capital d’EDF et de GDF, au nom d’une meilleure « respiration » de ces entreprises. Son ministre de l’économie, Nicolas Sarkozy, nous avait promis que jamais, au grand jamais, GDF ne serait privatisée. Nous avons vu que la suite a démenti ces engagements et que la majorité UMP-UDI – même si l’UDI n’existait pas encore en tant que telle – s’est employée à démanteler une organisation industrielle mise en place, dans le consensus, à l’issue de la Seconde Guerre mondiale.

Si nous assistons aujourd’hui à un acte de contrition de l’UDI – c’est comme cela que je le ressens –, il nous incombe de faire preuve de responsabilité et d’entendre l’argument que j’ai évoqué, à savoir qu’il n’y a plus aujourd’hui de corrélation entre le prix du pétrole et celui du gaz. Les tarifs gaziers ont augmenté de 50 % depuis 2004, alors que le prix du gaz tend à baisser ; il connaît en tout cas une évolution dissemblable à celle du pétrole.

C’est ce qui amène Jean-Louis Borloo à présenter une proposition de loi à article unique en vue de rompre avec l’indexation datant des années soixante. Le groupe socialiste votera contre cette proposition,…

M. Thierry Benoit. C’est un tort !

M. David Habib. …non par esprit d’opposition systématique, mais parce que nous souhaitons que soit enrichi ce texte élaboré un peu rapidement, sans que toutes les conséquences en aient été mesurées.

Sur la forme, tout d’abord, comme le président de la commission l’a signalé, une disposition législative n’était pas nécessaire. Elle peut même subir la censure du Conseil constitutionnel. La renégociation entre opérateurs et approvisionneurs relève du contrat ; elle est d’ailleurs prévue dans la totalité des contrats existants, du fait notamment que ces achats se font à long terme et s’accompagnent de clauses de révision et de rendez-vous. Il n’y a donc pas lieu de saisir le Parlement pour remettre en cause le dispositif.

Sur le fond, cette désindexation exige un accord des deux parties, acheteur comme vendeur. Or les pays producteurs s’opposent à une désindexation. C’est notamment le cas de l’Algérie. La Russie, quant à elle, a accepté une indexation spot partielle, mais n’ira pas au-delà. Cela suppose, si l’on considère comme moi que la désindexation est une bonne chose, d’engager un mouvement de taille, c’est-à-dire de dimension européenne. Or, c’est la grande faiblesse de cette proposition de loi : elle s’inscrit dans le seul espace hexagonal alors que ce type de contrats appelle à l’évidence la définition d’une stratégie tarifaire communautaire. On peut d’ailleurs s’étonner que Jean-Louis Borloo, lorsqu’il était le ministre en charge des questions énergétiques, n’ait pas saisi la Commission pour aboutir à une organisation tarifaire européenne.

Deuxième argument de fond : l’adoption de cette PPL mettrait nos opérateurs en difficulté. La désindexation les placerait en effet en situation d’hyperdépendance à l’égard des deux fournisseurs historiques, Russie et Algérie, mais aussi des producteurs de gaz de schiste. En outre, le texte prévoit que la composante des coûts d’approvisionnement indexés sur les prix pétroliers sorte de la formule tarifaire dès la promulgation de la loi. Cette disposition, disons-le tout net, est totalement irréaliste. La renégociation sera ardue, difficile, elle se fera sur des contrats signés depuis longtemps, dont certains pour vingt ans, et qui prévoient des clauses de sortie assorties d’indemnités considérables, lesquelles seraient payées au bout du compte par les consommateurs.

J’ajoute que cette négociation, engagée dans un cadre trop étroit car hexagonal, et trop précipitée car intervenant dès la promulgation de la loi, affaiblirait les petits fournisseurs, Direct Énergie et autres, davantage que Gaz de France qui, du fait de sa surface, pourrait renégocier dans de bien meilleures conditions.

Troisième argument : cette proposition de loi, si elle était adoptée, nous placerait dans une situation d’insécurité en termes d’approvisionnement. En cas de grand froid, les fournisseurs se tourneraient vers les marchés spots, qui risquent de connaître une flambée des prix ou une rupture physique d’approvisionnement.

Enfin, la Commission de régulation de l’énergie, dans un rapport de 2011, nous alerte et précise que la bulle gazière, sous-jacente à ce texte, se retournera à compter de 2015-2016.

Nous devons appréhender cette légitime préoccupation de désindexation avec une rigueur et un sérieux qui font défaut à la présente proposition. Le Gouvernement privilégie une démarche différente, en suggérant une nouvelle fixation des tarifs du gaz dans le cadre d’une loi plus aboutie qui s’adossera vraisemblablement aux travaux sur la transition énergétique.

Notre collègue Jean-Louis Borloo a pris son temps puisque, sous la précédente législature, il n’a pas, que je sache, exprimé publiquement ce désir de désindexation. Il nous a expliqué tout à l’heure, à la tribune, qu’il n’avait pas la certitude de pouvoir convaincre d’une telle nécessité la majorité de l’époque ; nous en prenons acte. Nous sommes quant à nous convaincus qu’il faut changer les règles tarifaires. Nous sommes persuadés qu’en assurant une meilleure maîtrise publique nous pourrons utilement fixer un prix qui correspondra à l’état du marché, tant pour les consommateurs individuels qu’industriels. Nous suggérons de prendre le temps de le faire. Le président Brottes, en commission, a proposé un tour de table long avec les pays producteurs, les fournisseurs, les approvisionneurs. Madame la ministre, nous souhaitons que cette démarche plus réfléchie soit retenue.

Je conclurai mon propos en rappelant – j’associe notre collègue Nathalie Chabanne à ce dernier point – qu’il y a aujourd’hui, pour le marché gazier français, une autre urgence : le problème des réseaux. Le groupe Total souhaite se séparer de sa filiale TIGF – Total Infrastructures Gaz France. À l’évidence, la modification de l’organisation économique du marché sur le territoire national, notamment dans le sud de la France, dans les régions Aquitaine, Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon, peut-être même Poitou-Charentes, risque de changer sensiblement la donne. Le président Brottes a accepté que nous réfléchissions aux conditions tarifaires ; je souhaiterais que nous puissions mener aussi une réflexion sur la question des réseaux et du stockage, car on ne peut se pencher sur la problématique du prix sans examiner en même temps la sécurité de l’approvisionnement et donc les stockages.

Pour toutes les raisons que j’ai évoquées, le groupe socialiste votera contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Issindou. À raison !

M. Thierry Benoit. Vous avez tort et vous vous en mordrez les doigts !

Mme la présidente. La parole est à M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le groupe UDI a inscrit dans sa journée d’initiative parlementaire une proposition de loi visant à déconnecter le prix du gaz de celui du pétrole pour la fixation des tarifs réglementés. Depuis 2007, le marché de l’énergie est ouvert à la concurrence. Les consommateurs ont donc le choix entre les fournisseurs historiques et les fournisseurs alternatifs. Ces derniers font des offres dont le prix est fixé librement, sans intervention des pouvoirs publics, et les fournisseurs historiques peuvent, quant à eux, proposer à la fois des offres à prix libre et des offres au tarif réglementé. Bien que l’ouverture à la concurrence soit totale, en pratique ce sont surtout les clients professionnels qui utilisent cette possibilité : selon la Commission de régulation de l’énergie, 86 % des clients résidentiels ont gardé un contrat au tarif réglementé auprès d’un fournisseur historique.

Cette proposition de loi aurait donc un impact direct sur la grande majorité de nos concitoyens, notamment sur ceux qui éprouvent les plus grandes difficultés à régler leurs factures, dont le montant a augmenté. La semaine dernière, un article du Monde intitulé : « Loyers, énergie : les impayés se multiplient en France » relevait que, pour 65 % des Français, l’énergie représente une part trop importante des dépenses totales du foyer. Selon le médiateur national de l’énergie, 42 % des usagers individuels affirment avoir restreint leur chauffage au cours de l’hiver 2011 pour limiter leurs factures ; 3,8 millions de ménages sont en situation de précarité énergétique, c’est-à-dire qu’ils consacrent plus de 10 % de leurs revenus à l’énergie.

Le tarif réglementé comprend les coûts d’approvisionnement du gaz, qui correspondent à 48 % du prix payé par le consommateur, et les coûts hors approvisionnement, c’est-à-dire le transport, la distribution, le stockage et la commercialisation. Tous ces coûts doivent donc être couverts par le tarif réglementé. Permettez-moi de donner quelques éléments techniques afin que tout le monde puisse bien comprendre ce dont on parle.

La fixation du tarif réglementé résulte d’une procédure encadrée : chaque année, le Gouvernement fixe le montant des tarifs réglementés, après avis de la Commission de régulation de l’énergie, sur la base d’une formule tarifaire ; chaque trimestre, le tarif fixé peut être réévalué à la demande du fournisseur historique, qui doit alors saisir la CRE d’une proposition tarifaire, laquelle vérifie que cette proposition correspond au coût réel du gaz – prix du gaz, coûts de transport et de distribution, frais de commercialisation –, et le Gouvernement arrête le tarif du gaz conformément à sa décision. La formule tarifaire utilisée pour déterminer les coûts est une formule mathématique fixée par arrêté ministériel. Elle se fonde principalement sur les prix des contrats de long terme d’achat de gaz passés entre GDF-Suez et les producteurs, telles la Norvège, la Russie et l’Algérie. La France ne produisant qu’environ 2 % de sa consommation de gaz, ces contrats de long terme sont indispensables pour garantir notre sécurité d’approvisionnement. La formule tient également compte du prix de marché du gaz naturel – le prix spot –, actuellement inférieur aux prix prévus par les contrats de long terme.

En outre, le prix du gaz importé dans le cadre des contrats de long terme est indexé sur le cours des produits pétroliers. L’exposé des motifs de la proposition de loi relève, Jean-Louis Borloo l’a rappelé, que : « Cette indexation date des années 60 et s’explique historiquement par le fait que ces produits étaient les principaux concurrents du gaz naturel. Cette indexation donnait alors de la visibilité aux consommateurs envisageant de substituer le gaz naturel à une autre source d’énergie. » Les signataires de la proposition de loi soulignent qu’un tel mécanisme n’a plus de sens dès lors que le cours du baril de pétrole augmente quand le prix du gaz naturel sur le marché tend, lui, à diminuer. Aux termes de la proposition de loi, la formule tarifaire ne devrait donc plus tenir compte des prix des produits pétroliers.

Le texte s’inscrit dans la continuité de ce que nous avons fait sous la législature précédente pour limiter les hausses des tarifs du gaz. Ainsi, l’arrêté du 22 décembre 2011, qui détermine la formule tarifaire, a permis de mieux tenir compte des prix de marché du gaz naturel – les prix spot, actuellement inférieurs aux prix des contrats à long terme – afin de limiter les hausses de prix pour les consommateurs ; plus précisément, le niveau d’indexation sur les prix du marché est passé de 9,5 % à 26 %. En outre, les contrats d’approvisionnement européens, auparavant exclus du périmètre de calcul de la formule, sont désormais pris en compte. Madame la ministre, je constate d’ailleurs que le dernier arrêté en date, celui du 26 septembre 2012, reprend celui du 22 décembre 2011. Par ailleurs, les députés du groupe UMP tiennent à rappeler qu’ils ont créé le tarif social du gaz en 2008. Ce tarif a été régulièrement revalorisé, de 20 % au 1er avril 2011 et de 10 % au 1er janvier 2012. La réduction est ainsi de 156 euros par an pour un foyer chauffé au gaz.

Cette proposition de loi ne réglera certes pas tous les problèmes, car c’est d’une stratégie d’ensemble, à long terme, que nous avons besoin, mais elle apporte une réponse concrète et pérenne afin de limiter l’impact des hausses du prix du gaz sur les usagers. Elle s’inscrit dans la logique de ce que nous avons réalisé sous la précédente législature. C’est pourquoi le groupe UMP votera ce texte.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. Thierry Benoit. Bravo ! Très bonne intervention tirée au cordeau !

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Roig.

M. Frédéric Roig. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, cette proposition de loi vise à améliorer le pouvoir d’achat des ménages. Si tel est aussi l’objectif du groupe SRC, les moyens proposés ne le permettront malheureusement pas. Elle ne va pas pleinement dans le sens de l’intérêt du consommateur, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, la renégociation des contrats et l’indexation des prix du gaz sur le marché spot, qui comprend des prix instantanés et très volatils, ne permettraient pas d’assurer à terme une baisse des prix, ni une stabilité des cours. Les instituts de prévision prévoient ainsi, à la fin de la bulle gazière, une diminution des cours.

GDF, Direct Énergie et d’autres vendent du gaz, eux seuls proposent une offre de marché : cela peut sembler le plus intéressant en ce moment, mais c’est aussi un risque car, si le marché est actuellement au plus bas, il peut très bien remonter. Inversement, les contrats négociés de long terme offrent davantage de sécurité au consommateur. L’évolution du prix du gaz en Europe dans les prochaines années est particulièrement incertaine. La forte augmentation de la demande asiatique ces dernières années pourrait avoir des répercussions et être un facteur d’augmentation des prix en Europe. La Commission de régulation de l’énergie, le « gendarme » des prix de l’énergie, va dans ce sens dans un rapport rendu en 2011.

L’intérêt des consommateurs consiste en une stabilisation du marché par des contrats à long terme. En abandonnant les tarifs régulés du gaz, le consommateur s’exposerait à une incertitude bien plus grande. Par exemple, les prix du gaz spot en Europe ont été multipliés par trois entre mi-2009 et mi-2012 alors que les prix du pétrole étaient multipliés par deux. Une indexation des tarifs réglementés sur les prix du spot sur cette période aurait donc été plus défavorable aux consommateurs.

De plus, l’adoption de la proposition de loi mettrait la France dans une situation d’hyperdépendance à l’égard, d’une part, du marché lié au gaz de schiste, et, d’autre part, notamment de la Russie et de l’Algérie, nos deux principaux fournisseurs. Notre capacité à discuter serait considérablement réduite et d’autant plus instable. Les prix seraient plus volatils et difficiles à maîtriser pour le consommateur.

La France peut-elle espérer que l’exploitation des gaz de schiste – si son sous-sol en contient – entraînera une baisse des prix de l’énergie ? Avancé par les défenseurs du gaz de schiste, l’argument s’appuie largement sur l’exemple des États-Unis, dont la situation est pourtant difficilement transposable. Certes, les prix du gaz conventionnel s’y sont effondrés en raison d’un afflux massif de gaz de schiste sur le marché, ce qui a entraîné, par ricochet, une baisse des prix du charbon, devenu, comme le nucléaire, moins compétitif. Mais le président de l’Institut français du pétrole a indiqué que la situation américaine n’est pas reproductible en Europe. En effet, aux États-Unis, l’industrie parapétrolière est très dynamique : on y compte 1 000 installations de forage, contre une cinquantaine seulement ici, où les coûts de production seraient plus élevés, de même que le prix final.

En outre, le mix énergétique est différent : outre-Atlantique, de nombreux exploitants de centrales électriques ont remplacé le charbon par le gaz, dégageant un double gain, financier et environnemental. La France, qui a très peu de centrales au charbon et un parc nucléaire fournissant une électricité encore compétitive, n’en retirerait pas de tels bénéfices. Les analystes ne voient pas non plus d’impact positif du gaz de schiste sur les prix du pétrole et des carburants. Leur développement rapide aux États-Unis n’a pas empêché le gallon d’essence de grimper à 3,85 dollars en septembre.

Dans l’état actuel de nos connaissances, personne ne peut non plus affirmer que l’exploitation des gaz et huiles de schiste par fracturation hydraulique, seule technique aujourd’hui connue, est exempte de risques lourds pour la santé et l’environnement. Le principe de précaution impose d’en refuser toute exploitation car il s’agit de santé publique.

M. Jean-Louis Borloo. Vous n’en savez rien !

M. Frédéric Roig. Or, pour l’heure, on ne sait pas extraire de gaz de schiste autrement que par cette technique. Elle consiste à briser les roches souterraines contenant le gaz en injectant, sous très haute pression, un mélange d’eau, de sable et de produits chimiques. Cela a pour conséquence la surexploitation de l’eau. Ainsi, le forage d’un puits, destiné à réaliser en moyenne une dizaine de fracturations hydrauliques, consomme des millions de litres d’eau, une ressource qui échappe du même coup aux usagers, qu’ils soient industriels, citoyens ou agriculteurs. De plus, il détruit nos paysages et contribue à l’effet de serre. Il se peut également que des fuites de méthane se produisent à partir des puits ou lors du transport.

Reste le gaz naturel. C’est un combustible trop cher en Europe, ce qui explique en partie la baisse de 11 % de la consommation en 2011. Il est vrai que le développement des gaz non conventionnels pourrait entraîner une moindre pression sur les prix en Europe. Les grands fournisseurs de la France – je pense à la Norvège et à la Russie – seraient en effet obligés de renégocier à la baisse les prix inscrits dans les contrats de long terme, signés par GDF notamment.

Par ailleurs, l’adoption de cette proposition de loi mettrait les opérateurs en difficulté dans leurs relations avec les fournisseurs. Se pose également la question des contrats de long terme : on ne rappelle jamais assez l’importance de la sécurité d’approvisionnement, et cette dernière risquerait d’être fragilisée. Ainsi, en cas de vague de froid, tous les fournisseurs se tourneraient vers le marché spot, qui risquerait de connaître, au mieux une flambée des prix, au pire une rupture physique d’approvisionnement.

En conclusion, si je reconnais que l’intention est louable, on ne saurait accepter la formulation proposée, et l’idée devrait être plutôt discutée dans le cadre d’une prochaine fixation des tarifs réglementés du gaz. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est vraiment dommage !

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Blein.

M. Yves Blein. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui la proposition de loi de M. Jean-Louis Borloo visant à déconnecter le prix du gaz de celui du pétrole pour la fixation des tarifs réglementés du gaz. La cherté du prix du gaz est une réalité en France. Mon collègue David Habib a indiqué que les tarifs ont augmenté de 50 % depuis 2004, alors même que le prix du gaz tend, lui, à baisser.

Sur le fond, monsieur Borloo, monsieur le rapporteur, le groupe SRC partage votre volonté d’agir sur les tarifs pour éviter que ceux-ci n’explosent – c’est le cas de le dire –, pénalisant ainsi fortement les consommateurs en ces temps de crise. Cependant, nous n’approuvons pas la solution que vous prônez car elle risquerait de causer un véritable déséquilibre dans l’ensemble de la filière, et ce pour plusieurs raisons.

Déconnecter les tarifs du gaz du prix du pétrole placerait la France dans une situation de grande dépendance vis-à-vis de ses deux principaux fournisseurs, la Russie et l’Algérie, mais aussi vis-à-vis du marché du gaz de schiste. Cela fragiliserait la situation de nos opérateurs à l’égard de leurs principaux fournisseurs, avec qui ils ne seraient plus en mesure de négocier car ces derniers pourraient dès lors fixer eux-mêmes le prix du gaz en jouant sur le marché de l’offre et de la demande, et la France, qui ne dispose pas de ressources en gaz – pour le moment du moins –, serait contrainte d’accepter leurs conditions.

De plus, la plupart des grands pays producteurs sont aujourd’hui opposés à une indexation à 100 % sur les marchés spot, qui sont, comme de précédents orateurs l’ont rappelé, des marchés particulièrement volatils.

Certains, comme la Russie, ont ainsi accepté d’introduire une indexation partielle sur les marchés spot mais ne sont pas forcément disposés à aller plus loin, tandis que d’autres, comme l’Algérie, restent fermement opposés à cette position. Une telle réforme serait donc difficilement applicable dans un pays comme la France, qui ne dispose pas de ressources en gaz naturel et dépend par conséquent des pays exportateurs.

M. Jean-Louis Borloo. Alors, on ne change rien !

M. Yves Blein. Cette désindexation plongerait en outre notre pays dans une situation de grande dépendance à l’égard des marchés liés à l’exploitation des gaz de schiste. En effet, certains pays ont décidé d’exploiter ces gaz et vont de ce fait se trouver dans la même position de force face à la France que la Russie ou l’Algérie. Or la France, qui vient de réaffirmer son opposition à l’exploration et à l’exploitation par fracture hydraulique de cette ressource, se trouverait alors dans la situation paradoxale et contradictoire de devoir importer du gaz qu’elle refuse d’exploiter sur son territoire.

Le calendrier prévu pour la mise en œuvre de cette réforme fait également problème. Il est écrit, en effet, que la formule tarifaire sera applicable dès la promulgation de la loi. Cette disposition ne tient compte ni des délais inhérents à toute renégociation de contrat, ni de la réalité des marges de manœuvre des cocontractants. Les négociations de contrats d’approvisionnement de cette nature sont souvent basées sur des engagements à long terme, qu’il serait difficile de rompre sans s’exposer des contreparties particulièrement importantes.

Enfin, votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, loin de faciliter la sécurité d’approvisionnement en gaz, risque de la fragiliser. Imaginez que, par exemple en cas de vague de froid, tous les fournisseurs se tournent vers les marchés spot : ceux-ci risqueraient de connaître une véritable flambée ou, pire encore, une rupture d’approvisionnement.

En conclusion, monsieur le rapporteur, si le groupe socialiste est conscient de la cherté du prix du gaz, en particulier ces dernières années, il ne partage pas les solutions que vous préconisez et que vous nous présentez aujourd’hui loi, notamment du fait des risques de déséquilibre que cela ferait peser sur l’ensemble de la filière gaz. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Conclusion : il ne faut rien faire !

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques.

M. Franck Reynier, rapporteur de la commission des affaires économiques. Madame la ministre, madame la vice-présidente de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, chacun ayant pu exprimer sa position et celle de son groupe, je voudrais dire quelques mots sur ce que je ressens de cette discussion.

La situation actuelle ne permet pas au consommateur français de bénéficier des évolutions du marché et nous devons au moins nous interroger sur la pertinence du dispositif existant : telle est l’analyse largement partagée. Aucun orateur n’a trouvé pertinent d’adosser le prix du gaz à celui du pétrole. (« Tout à fait ! » sur les bancs du groupe UDI.)

Prenons deux images très simples : le voyageur ne trouverait pas normal que le prix de son billet de train soit adossé à celui du billet d’avion ; quand vous achetez votre kilo de tomates, votre maraîcher ne vous annonce pas qu’il est adossé au prix de l’ananas. Il y a des logiques que nos concitoyens sont tout à fait disposés à entendre. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

S’agissant de l’énergie, il existe un consensus car nous sommes tous conscients qu’il faut réaliser des avancées. Telles qu’elles ressortent du débat, les positions ne sont pas figées, il n’y a pas d’adeptes du statu quo, la réflexion est ouverte, et c’est ce que j’ai apprécié.

Certains d’entre vous ont justement fait remarquer qu’il s’agit d’une proposition de loi d’appel : appel à la réflexion, au dialogue, à l’élaboration de réponses aussi partagées que possible. C’est effectivement le sens de notre démarche.

Madame la ministre, je suis un peu déçu de voir qu’un amendement de suppression a été déposé sur l’article unique, ce qui va nous conduire, par le fait majoritaire, à abréger notre débat. Mais, bien que je déplore la méthode, je vais revenir sur les points positifs qui ressortent de celui-ci.

Pour en avoir discuté avec le président et la vice-présidente des affaires économiques, François Brottes et Frédérique Massat, je crois que chacun est sensible à la responsabilité qui est la nôtre, et que vous ne pourrez pas fuir, madame la ministre.

Nous devons traiter ce sujet, prendre conscience qu’il y a inadéquation des modes de calcul du tarif réglementé du gaz. J’ai entendu toutes les remarques et voudrais lever quelques ambiguïtés. Il n’est pas question pour nous de remettre en cause la sûreté d’approvisionnement qu’apportent les contrats à long terme. Reste qu’il faut faire évoluer les méthodes, et je souhaite que nous puissions y travailler.

Ce consensus sur l’analyse étant réalisé, nous devons maintenant avancer, sachant qu’il y a une probabilité très faible que cette proposition de loi soit adoptée.

Mme Frédérique Massat, vice-présidente de la commission des affaires économiques. Bien vu !

M. Franck Reynier, rapporteur. Avec beaucoup de conviction et de solennité, je vous demande la possibilité de mettre en œuvre des dispositifs qui nous permettent d’apporter des solutions.

Madame la ministre, sur la proposition de loi de François Brottes, nous avions déposé un amendement qui allait dans le même sens que le texte dont nous débattons. Vous nous aviez répondu que vous partagiez notre analyse, tout en estimant qu’il nous fallait reformuler nos propositions. C’est ce que je viens de faire en rapportant cette proposition de loi déposée par Jean-Louis Borloo.

Pour que nous puissions non seulement partager le constat et l’analyse, mais trouver ensemble des solutions, le groupe UDI souhaite la création d’une mission d’information sur l’approvisionnement, en vue d’aboutir à des propositions aussi consensuelles que possible, au bénéfice de nos concitoyens, des consommateurs.

M. Yves Jégo. Très bien !

M. Franck Reynier, rapporteur. De nombreux intervenants ont rappelé que les plus démunis sont aussi les plus frappés par la hausse de la facture énergétique. Si nous pouvons leur proposer de réduire cette facture par des effets mécaniques, nos concitoyens y seront tous sensibles. Nous pourrions au moins nous retrouver sur ce constat et sur cette analyse.

Madame la ministre, voilà ce que je souhaitais vous dire au nom du groupe UDI. Quant à nous, membres de l’Assemblée nationale, nous avons compétence pour constituer une mission d’information. Je demande au président de la commission des affaires économiques, François Brottes, de nous permettre de le faire, de sorte que nous puissions vous présenter des propositions. Ensuite, le Gouvernement tranchera, prendra ses responsabilités, sous notre regard attentif. Nous sommes déterminés, et convaincus que notre proposition est juste.

Article unique

Mme la présidente. Nous en venons à l’examen de l’article unique de la proposition de loi, qui fait l’objet d’un amendement de suppression n° 1, présenté par le Gouvernement.

Sur cet amendement, je suis saisi par le groupe Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

M. Thierry Benoit. L’affaire est sérieuse !

Mme la présidente. La parole est à Mme la vice-présidente de la commission des affaires économiques.

Mme Frédérique Massat, vice-présidente de la commission des affaires économiques. Je réponds à la sollicitation du rapporteur, qu’il a effectivement formulée en commission.

Le président Brottes a proposé d’organiser une audition réunissant les grands producteurs internationaux auprès desquels la France s’approvisionne : la Russie, la Norvège, l’Algérie, le Qatar, les Pays-Bas. Ensuite, en fonction des enseignements que nous tirerons de cette audition, nous pourrons créer une mission d’information de six mois qui permettra, le cas échéant, de répondre à votre demande, monsieur le rapporteur.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, pour présenter l’amendement n° 1 tendant à supprimer l’article unique.

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Je tenais au préalable à m’excuser pour mon absence ce matin. Comme vous le savez, je participais à un débat sur la transition énergétique au congrès des maires, prévu de longue date. En tout cas, je n’ai pas perdu une seule miette des échanges, dont Frédéric Cuvillier m’a rendu compte fidèlement, et je voudrais répondre à l’ensemble des orateurs qui ont pris part à la discussion générale.

Le président Brottes a rappelé à juste titre l’arriéré, le passif de la situation dont nous avons hérité, et souligné qu’il nous fallait y apporter des solutions durables, s’agissant notamment de l’opacité des coûts d’approvisionnement.

Monsieur Borloo, vous avez souligné que le sujet n’était pas nouveau, et il est vrai que l’écart s’est creusé à partir du premier semestre 2009. Je dois reconnaître que l’idée de désindexer les prix du gaz des cours du pétrole présente l’avantage d’un apparent bon sens, et je ne puis qu’y adhérer sur le plan théorique.

M. Jean-Louis Borloo. Merci !

M. François Sauvadet. Très bien !

Mme Delphine Batho, ministre. Le problème est le passage de la théorie à la pratique.

Dans la pratique, le changement unilatéral des conditions contractuelles perturbe la relation commerciale entre client et fournisseur, entraînant mécaniquement une indemnisation que nous ne sommes pas prêts à supporter.

Il s’ensuit également des conséquences pour la sécurité de l’approvisionnement, que la France cherche précisément, par ses contrats de long terme, à diversifier. La modification des règles provoquerait par exemple une rupture du contrat avec l’Algérie.

Cela étant, vous avez raison en ce qui concerne l’optimisation des coûts d’approvisionnement. C’est sur ce sujet que le Gouvernement travaille actuellement, comme je l’avais indiqué en réponse à l’amendement présenté sur la proposition de loi de François Brottes. Les outils que nous avons à notre disposition pour porter remède à cette situation ne sont pas de nature législative : ils figurent dans le contrat de service public qui sera renégocié au cours de l’année 2013.

Le Gouvernement agit aussi sur la facture énergétique des ménages. C’est notamment l’objet de l’extension des tarifs sociaux, contenue dans la proposition de loi de François Brottes et du groupe SRC.

Madame Bonneton, vous avez eu raison de rappeler l’importance des économies d’énergie, qui est précisément l’un des objets de ladite proposition de loi.

Madame Dubié, vous avez eu raison de dire que la loi ne peut imposer de rupture unilatérale des contrats sans indemnisation.

Quant à André Chassaigne, je voulais le remercier d’avoir rappelé les circonstances de la privatisation de GDF, car c’était utile. En réponse à son interpellation sur la rénovation thermique et les économies d’énergie, je lui indique les moyens qui seront mobilisés en 2013 : l’Agence nationale de l’habitat disposera d’un budget de 590 millions d’euros grâce au produit des enchères carbone ETS - emission trading scheme – ; les programmes d’investissements d’avenir seront aussi mobilisés pour 500 millions sur plusieurs années ; le crédit d’impôt développement durable représentera 780 millions ; l’éco-prêt à taux zéro atteindra 250 millions.

Au total, c’est un budget de plus de 1,7 milliard d’euros qui sera mobilisé en 2013 en faveur des économies d’énergie et des travaux de rénovation thermique. Nous œuvrons pour que la mobilisation de ces moyens financiers substantiels permette de toucher les 4 millions de personnes vivant dans des logements qualifiés de « passoires thermiques ».

Je tiens à remercier David Habib d’avoir souligné qu’il n’est pas nécessaire d’en passer par la loi pour renégocier les contrats, et que cela mettrait les opérateurs en difficulté. Avec le ministre du redressement productif, je suis de très près la situation de Total Infrastructures Gaz France.

Monsieur Cinieri, vous avez utilement rappelé l’aggravation des problèmes de précarité énergétique et l’histoire de la politique du gaz. Cependant, j’ai relevé une contradiction entre vos propos sur la sécurité d’approvisionnement et votre position finale sur le texte.

Je remercie Frédéric Roig d’avoir rappelé certaines vérités concernant les gaz de schiste et Yves Blein d’avoir insisté sur la volatilité du marché spot. À cet égard, la proposition de loi recèle une contradiction.

S’agissant de l’optimisation des coûts d’approvisionnement, nous sommes tous d’accord pour dire qu’il s’agit d’un vrai sujet, et le Gouvernement accueille très favorablement l’idée de créer une mission parlementaire. Nous y reviendrons lors du débat sur la transition énergétique et dans le cadre de la renégociation du contrat de service public.

Mais je pense que la formule telle qu’elle est proposée par Jean-Louis Borloo aboutirait paradoxalement à une nouvelle forme de dérégulation des tarifs : la fluctuation des marchés présente un intérêt quand les prix baissent, mais on se retrouve pieds et poings liés quand ils augmentent !

Le Gouvernement propose donc un amendement de suppression de l’article unique de ce texte. Le précédent gouvernement, sur toutes les propositions de loi de l’opposition, avait procédé à des votes bloqués. Ce n’est pas notre méthode. Nous assumons le débat de fond – et la discussion d’aujourd’hui se révèle d’ailleurs utile : on voit bien qu’elle fait progresser un certain nombre d’idées convergentes sur le problème des coûts d’approvisionnement. Pour autant, le Gouvernement assume ses positions et n’est pas favorable à ce texte.

Je rappelle enfin que la proposition de loi de François Brottes, dont j’aimerais qu’elle suscite le même rassemblement, permettra, par l’extension des tarifs sociaux, d’améliorer la situation de 8 millions de Français.

Plusieurs députés du groupe UDI. Ce n’est pas la même chose !

Mme Delphine Batho, ministre. Pour ceux qui se chauffent au gaz, cela représentera une économie de 200 euros par an ! Si l’on veut agir contre la hausse des prix du gaz et contre la précarité énergétique, il y a une solution très simple, c’est de voter la proposition de loi de François Brottes. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement du Gouvernement ?

M. Franck Reynier, rapporteur. En tant que rapporteur du texte, je ne peux y être que défavorable, mais la commission a pour sa part émis un avis favorable.

M. Thierry Benoit. Quelle erreur !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Si j’entends bien Mme la ministre, il faut, à ces questions d’approvisionnement et d’indexation, apporter des solutions durables. Or, nous pouvons constater ensemble que la proposition de loi du groupe UDI constitue un début de solution très intéressant, et parfaitement durable. Je crois que cette proposition de loi apporte une réponse concrète, simple, à une problématique que nous connaissons tous : celle de la fracture énergétique.

Voilà pour le fond. Quant à la forme… Faire rejeter une proposition de loi par un amendement de suppression, c’est tout de même faire fi des droits du Parlement. C’est particulièrement choquant, quoi que vous en disiez. Il me semble qu’il aurait mieux valu un scrutin public, comme cela se fait traditionnellement, mardi après les questions au Gouvernement. Cela aurait été beaucoup plus respectueux du travail du Parlement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Borloo.

M. Jean-Louis Borloo. C’est un sujet qui, au fond, nous réunit tous. Tout le monde reconnaît que, du point de vue du consommateur – je ne parle pas des contrats – indexer le gaz sur le pétrole n’a aujourd’hui plus aucun sens. (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe UDI.) Cela nous réunit donc.

Je dois dire qu’en près de neuf ans d’activité gouvernementale je n’ai jamais déposé un amendement de suppression sur un texte de l’opposition. Jamais. Je trouve que ce n’est pas à la hauteur d’un débat aussi large, qui a fait émerger autant de points de convergence. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Ce texte ne prétend pas établir la nouvelle indexation, madame la ministre. Le Parlement souhaite simplement signifier au Gouvernement d’avoir à trouver une autre indexation pour le prix du gaz. Et c’est vous rendre un énorme service, si vous ne vous en êtes pas rendu compte ! J’ai été à votre place, je sais exactement comment cela se passe : la Commission de régulation de l’énergie négocie avec les opérateurs gaziers une espèce d’accord, en cas de désaccord le Gouvernement refuse les hausses et c’est le Conseil d’État qui les décide… Démocratiquement, c’est insupportable.

Nous vous proposons donc d’y réfléchir, et d’arrêter d’indexer le gaz sur le pétrole. Ce sont deux produits concurrents et contracycliques. Cela n’a plus aucun sens aujourd’hui. Vous êtes d’ailleurs d’accord ! J’ai noté que François Brottes proposait une mission parlementaire, à laquelle nous nous associerons.

Madame la ministre, s’il vous plaît, et avec tout le respect que je vous dois, ne vous faites pas avoir par la combine des contrats d’approvisionnement ! La question ne porte pas sur les indemnités unilatérales. On peut conserver les contrats d’approvisionnement, ce n’est pas le problème. Le problème, c’est le consommateur final. Si vous ne modifiez pas les prix, vous n’inciterez pas les opérateurs à optimiser leurs achats. À chaque fois qu’il y aura une augmentation, madame Batho, vous penserez peut-être pouvoir balayer le problème par un amendement de suppression, mais à chaque fois nous vous rappellerons le vote d’aujourd’hui. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. David Habib.

M. David Habib. Il y a une certaine audace dans la démarche de Jean-Louis Borloo, qui a eu l’honnêteté de nous rappeler qu’il avait été aux affaires et qui, alors qu’il n’avait pas suggéré aux gouvernements de l’époque de désindexer le gaz du pétrole, une fois dans l’opposition nous invite à le faire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Il y a également une certaine audace de sa part à laisser entendre que la majorité pourrait être soumise à l’industrie gazière, alors que chacun se souvient que c’est sous une majorité dont il faisait partie – peut-être même était-il au gouvernement – que Gaz de France a été privatisée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Jean-Louis Borloo a eu l’intelligence de suggérer à l’Assemblée de mener une réflexion sur la désindexation du gaz et du pétrole. Bien sûr, ce ne sont pas les mêmes produits. Bien sûr, il peut même y avoir concurrence entre ces deux énergies, et parfois entre les groupes qui les exploitent. Mais chacun sait, dans cette assemblée, que nous avons besoin de temps. (Protestations sur les bancs du groupe UDI.) Nous avons besoin de le faire en toute sérénité…

M. Philippe Vigier. Attendons la loi de finances rectificative !

M. David Habib. …pour que cette désindexation n’ait pas d’effets négatifs sur les consommateurs à la fois individuels et industriels.

J’ajoute que Jean-Louis Borloo, qui se réclame souvent de l’Europe, aurait été bien inspiré d’inscrire cette démarche dans le cadre communautaire. À défaut, c’est l’industrie et les consommateurs français qui pourraient être fragilisés par son initiative de ce matin. Mais chacun aura bien compris que c’est un moyen pour lui de se désindexer de l’UMP bien davantage que de désindexer le gaz du pétrole. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP.) Reste à savoir de quelle sensibilité de l’UMP… En tout cas, il nous avait déjà invités à davantage de raisonnement que ce ne fut le cas dans sa dernière prise de parole. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Delphine Batho, ministre. Jean-Louis Borloo pourra nous rappeler notre vote d’aujourd’hui, nous lui rappellerons les décisions d’hier ! J’ai ici le contrat de service public entre l’État et GDF-Suez, signé par lui… (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Vous nous dites que vous n’avez jamais proposé d’amendement de suppression, mais vous n’avez jamais non plus proposé ce que vous défendez aujourd’hui, lorsque vous étiez aux responsabilités ! Je ne vous le reproche d’ailleurs pas, puisque cela ne tient pas debout… L’alinéa 5 de votre article unique prévoit que, le jour de la promulgation de la loi, les tarifs ne seront plus indexés sur le prix du pétrole. D’où la rupture d’un certain nombre de contrats d’approvisionnement, avec des indemnités considérables.

M. Jean-Louis Borloo. Mais non !

Mme Delphine Batho, ministre. Tout cela ne tient donc pas debout et je trouve dommage que la discussion soit en train de prendre une telle tournure, alors que nous sommes tous d’accord pour reconnaître le problème des coûts d’approvisionnement, pour y travailler ensemble et pour traiter un certain nombre de points d’opacité, le tout afin de trouver le meilleur dispositif pour le consommateur final français. Travaillons ensemble selon cette méthode, avançons dans l’immédiat sur la question de l’extension des tarifs sociaux, sur laquelle j’insiste, mais évitons les formules un peu rapides et caricaturales. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 1.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 101

Nombre de suffrages exprimés 99

Majorité absolue 50

(L’amendement n° 1 est adopté et l’article unique est supprimé.)

Mme la présidente. L’article unique de la proposition ayant été supprimé, il n’y aura pas lieu de procéder au vote solennel décidé par la Conférence des présidents.

3

Prévention du surendettement

Discussion d’une proposition de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de MM. Jean-Christophe Lagarde, Thierry Benoit, Jean-Louis Borloo et plusieurs de leurs collègues, tendant à prévenir le surendettement (nos 221, 411).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur de la commission des affaires économiques.

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur de la commission des affaires économiques. J’avais indiqué il y a quelques mois, lors de la discussion d’une proposition de loi similaire dont le rapporteur était Jean Dionis du Séjour, qu’en cas de rejet le groupe centriste reviendrait à la charge. C’est ce qu’il fait aujourd’hui, avec, je l’espère, davantage de succès. En effet, la crise économique contribue à l’aggravation du phénomène du surendettement et ce n’est pas en créant un énième groupe de travail, en continuant à attendre, que nous ferons avancer les choses.

Il est à nos yeux nécessaire d’achever le débat sur la création d’un répertoire national des crédits pour prévenir les risques de surendettement, comme l’avait d’ailleurs reconnu en son temps, au bout de longs débats, la ministre de l’économie Mme Christine Lagarde. Si le débat est tranché sur l’opportunité, il convient désormais de travailler aux modalités de mise en œuvre du dispositif. J’ajoute, pour faire bonne mesure, que le Président de la République lui-même s’était montré très sensible à cette question du fichier national des crédits lors de la campagne électorale. Il avait déclaré le 27 février 2012 sur TF1, en réponse au président de CRESUS, une association reconnue comme importante et estimable : « Nous aurons à mettre en place ce mécanisme dans le respect du droit des personnes. » C’est cette démarche que le groupe UDI vous propose d’entreprendre aujourd’hui.

Je souhaite rappeler un certain nombre d’éléments nécessaires à la bonne compréhension du texte, sans vous assommer de chiffres ni de statistiques puisque vous les connaissez – et vous connaissez surtout la réalité, vous qui recevez nos concitoyens dans vos permanences. J’indiquerai donc juste, pour bien faire apparaître la dynamique en cours, que le rythme des dépôts de dossiers auprès des commissions de surendettement est passé de 180 000 par an en 2004 à 232 000 en 2011. Pendant ce temps que le Parlement n’a pas utilisé à légiférer, la situation a connu une belle aggravation ! Rien qu’entre 2010 et 2011, l’augmentation est encore de 6,6 %. Il y a bien urgence.

Il est temps, et c’est le sens de ce choix du groupe UDI, de relancer le processus, en s’appuyant en partie sur le rapport de préfiguration, dont certains choix sont néanmoins discutables, ainsi que sur l’expérience au quotidien des associations de lutte contre le surendettement, et en particulier de CRESUS.

Quels sont donc les objectifs de la création d’un fichier positif des crédits aux particuliers ? On peut distinguer un objectif principal, la prévention du surendettement, d’un objectif second : l’accès d’un plus grand nombre de personnes à un crédit raisonné.

Je veux être bien clair : dans notre esprit, le fichier positif n’est pas le remède miracle qui permettrait de mettre un terme à toute situation de surendettement. Il s’agit plus modestement d’un outil supplémentaire, qui permet d’avoir une meilleure visibilité de l’endettement d’un particulier qui souhaite souscrire un crédit et donc de responsabiliser les banques. Car pour nous, dans l’acte de prêt, il y a deux responsables : celui qui emprunte et celui qui prête, alors qu’aujourd’hui, seul l’emprunteur est tenu pour responsable.

On peut raisonnablement penser, monsieur le ministre, que le répertoire des crédits éviterait, à tout le moins, l’emballement des dettes des quelque 60 000 personnes qui, chaque année, s’engagent dans une série d’achats compulsifs, et qu’il permettrait également de limiter l’aggravation de la situation de plusieurs milliers d’autres. On sait que l’encours de la dette des personnes qui arrivent devant les commissions de surendettement est beaucoup plus élevé – près du double – dans notre pays que chez ceux de nos voisins qui sont dotés d’un tel dispositif.

Les statistiques de la Banque de France montrent en effet que les personnes ayant recours aux commissions de surendettement ont très souvent de nombreux crédits à la consommation en cours, que ceux-ci soient amortissables ou renouvelables. Une étude de l’association CRESUS le confirme : en 2010-2011, dans 78 % des 47 000 dossiers qu’elle a eu à connaître, les ménages surendettés étaient liés par plus de huit crédits renouvelables actifs, contre quatre à l’époque où nous avons débattu pour la première fois de cette proposition de loi, il y a sept ans. Vous comprendrez bien que nous ne pourrions pas nous satisfaire que l’on nous invite encore à attendre.

Il est évident, chers collègues, que le nombre de crédits à la consommation souscrits par les particuliers, qu’ils soient amortissables ou, pis encore, renouvelables, est un élément structurant du surendettement, qui peut survenir à la moindre difficulté. On peut parler dans de tels cas de surendetté potentiel.

La création du fichier positif est donc, à nos yeux, une mesure de bon sens, et je nous sais nombreux sur les différents bancs de cet hémicycle, au-delà des postures, à partager cet avis.

Alors pourquoi ce blocage ? Pourquoi cet isolement français en Europe sur cette question ?

Presque tous nos partenaires européens disposent d’un fichier positif. Pour résoudre cette énigme du retard français, j’en viens aux objections qui ont souvent été soulevées par les contempteurs du fichier positif, au premier rang desquels se trouvent des groupes de pression, notamment deux grandes banques, parmi les plus grandes françaises : la BNP dont l’organisme de crédit Cetelem est une filiale, et le Crédit Agricole auquel appartient Sofinco. Ces banques s’opposent à la création d’un fichier unique car elles disposent d’ores et déjà d’informations sur leurs clients, alors que les nouveaux entrants auraient tout à gagner d’une plus grande transparence.

Ces objections peuvent être regroupées autour de trois thèmes.

Tout d’abord, certains font une distinction entre le surendettement actif, qui correspondrait, selon eux, à un recours imprudent au crédit, pour lequel le fichier positif serait utile mais qui serait très minoritaire parmi les dossiers déposés – 25 % à peu près, ce qui fait quand même 60 000 familles par an – et le surendettement passif, qui serait très majoritaire, découlerait des accidents de la vie – chômage, décès, divorce – et pour lequel le fichier positif serait sans intérêt.

Cette objection se heurte à la critique de la Cour des comptes, qui estime que la distinction établie par la Banque de France entre l’endettement actif et l’endettement passif n’est pas opérante. En effet, selon la Cour, une majorité de dossiers comporte une situation où des accidents de la vie, plus ou moins prévisibles, se cumulent avec des comportements de consommation imprudents – nombreuses cartes de crédit renouvelable, par exemple – qui rendent le surendettement inévitable. Oublions donc une fois pour toutes cette distinction fausse et abusive.

Cette critique rejoint celle, très largement mise en avant par les banques, selon laquelle il n’y a pas de problème au moment de l’octroi du crédit. C’est inexact, car les banques ne font pas leur métier, qui est d’analyser la situation individuelle de chaque emprunteur potentiel. Elles les catégorisent seulement – c’est le credit scoring – et, si vous êtes dans la bonne catégorie, on vous prête, sinon, non ; voilà la faille. Cette proposition de loi vise à obliger les banques à faire leur véritable travail. Les banques courent peu de risques : le pourcentage de créances non remboursées à l’échéance est assez faible et, de toute façon, il est compensé par le taux nettement plus élevé dont s’acquittent ceux qui parviennent à rembourser.

Deuxième série d’objections, le fichier porterait atteinte aux libertés individuelles et présenterait des risques de dérive mercantile. Il s’agit, d’une part, des réserves de la CNIL sur l’utilisation du numéro de sécurité sociale – le NIR – auquel le rapport de préfiguration préconise de recourir et, d’autre part, des risques d’utilisation dévoyée du fichier à des fins de prospection commerciale ou d’extension du fichier à des données autres que les seuls crédits.

À mon sens, le texte soumis à votre examen, que le temps a permis d’améliorer pour tenir compte de ces observations, ne nous expose pas à de tels risques.

Même si, monsieur le ministre, ce point relève du Gouvernement puisqu’il est d’ordre réglementaire, j’estime pour ma part, contrairement au rapport de préfiguration, que l’identifiant ne devrait pas être le NIR. Pourquoi, en effet, utiliser ce numéro, doté d’une fonction spécifique – la sécurité sociale – alors qu’il existe déjà dans le domaine bancaire un numéro, le FICOBA, acronyme du fichier national des comptes bancaires et assimilés, qui permet de recenser tous les comptes de toutes natures – comptes bancaires, comptes postaux, d’épargne – qu’une personne détient ? Il permet déjà de fournir des informations sur ces comptes à ceux qui sont habilités à les recevoir, par exemple les huissiers de justice dans le cadre de poursuites. Le FICOBA serait immédiatement utilisable alors que le NIR ne serait opérationnel qu’au bout de six ou sept ans, puisque le stock des dettes existantes ne pourrait pas être pris en compte. Voilà d’ailleurs qui explique, sans doute, la préférence des deux groupes bancaires que j’ai cités pour le NIR, puisque la mise en place effective d’un répertoire des crédits serait retardée. En outre, le FICOBA n’aurait pas besoin d’être sécurisé par une procédure complexe de double hachage, et ce choix permettrait enfin de désamorcer les critiques de la CNIL, qui craignait un mélange des genres.

Quant aux risques de détournement de l’usage du fichier positif, il convient de souligner que cette proposition de loi offre de nombreuses garanties, reprises des préconisations du rapport de préfiguration : la centralisation des données, qui seraient confiées à la Banque de France, ce qui constitue une forte garantie d’indépendance et de sécurité ; la consultation des données dans l’unique but d’examiner la solvabilité du souscripteur, avec l’accord préalable de celui-ci ; des sanctions pénales fortes au cas où le fichier serait dévoyé et où des informations en seraient extraites.

La troisième série d’objections porte sur la faisabilité du dispositif, et sa lourdeur disproportionnée au regard des résultats escomptés.

Si la question de la faisabilité d’un fichier qui pourrait recenser 25 millions de personnes et comporter 100 millions de lignes enregistrées pouvait être légitime il y a quinze ans, les évolutions technologiques et la standardisation de ce type d’architecture sécurisée, les estimations de coût qui figurent dans le rapport de préfiguration me semblent très excessives. Il s’agit en tout cas d’un investissement social dont le coût serait largement amorti par la facturation des consultations. En effet, les banques qui voudraient consulter le fichier devraient, à nos yeux, payer la Banque de France pour le travail qu’elle aurait fait pour elles. Enfin, la rationalisation…

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le rapporteur.

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. Cela fait neuf minutes et quarante-neuf secondes que je parle, madame la présidente. Je comprends que vous interveniez quand je dépasse mon temps de parole, mais peut-être pas plus tôt.

Mme la présidente. Je me permettais de vous alerter, mon cher collègue.

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. Tout à fait, madame la présidente, mais je pense que nous perdons là du temps, d’autant que vous m’avez appelé à monter à la tribune alors que j’étais encore en haut des travées de l’hémicycle.

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, le chronomètre n’a pas été déclenché avant que vous ne commenciez à parler.

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. Enfin, la rationalisation de la distribution du crédit bénéficierait aux banques, surtout pour les plus petits crédits : la consultation du dossier, plutôt que le suivi de la personne, suffirait à réduire le coût de traitement du dossier, qui est proportionnellement plus élevé dans ces cas, et même proche du taux usuraire pour des emprunts de moins de 1 500 euros.

La nécessité de ce fichier nous semble démontrée ; le rapport que j’ai déposé l’atteste. Il nous permettrait en outre de résoudre deux problèmes. Le premier est l’existence, dans notre pays, de fichiers bancaires illégaux. Cetelem et Sofinco échangent ainsi leurs informations avec de grands groupes de distribution, comme Carrefour, qui, évidemment, ne respectent pas notre conception des libertés individuelles ; la constitution d’un fichier public y serait plus conforme. Elle permettrait également d’ouvrir plus largement le crédit à la consommation à ces 40 % de Français que le système de credit scoring exclut aujourd’hui parce qu’ils sont dans la mauvaise case, alors que, malgré leurs ressources modestes, ils sont solvables et auraient bien besoin de recourir au crédit. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation.

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, cette proposition de loi porte sur une question extrêmement lourde, que l’on ne saurait résumer à une affaire économique. Aujourd’hui, le surendettement est source de drames considérables. Certains ménages, certaines familles, dont la situation était parfaitement normale, sont précipités dans le surendettement par un accident de la vie, un aléa – la perte d’un emploi, une séparation – comme on peut en connaître. Cela provoque parfois des suicides.

Voyez tout simplement ce que nous rapporte la remarquable association Crésus, qui traite de ces dossiers de surendettement, qui rencontre ces personnes surendettées que l’on voit également dans les permanences parlementaires. On peut basculer rapidement dans le surendettement, et cela vaut aussi pour des familles qui se considéraient jusqu’à présent à l’abri de tout risque et non vulnérables.

La réalité, aujourd’hui, c’est que 232 493 dossiers ont été déposés à la Banque de France pour l’année 2011, chiffre en hausse. Une légère inflexion put intervenir en 2012, mais l’année n’est pas terminée, et, en stock, il y a plusieurs centaines de milliers de dossiers de surendettement, qui nous renseignent d’abord sur la réalité de la crise économique et sociale, une crise qui a frappé de nombreux ménages. Il s’agit maintenant de savoir ce qui relève de la crise – ce qui relève donc de circonstances exceptionnelles – et ce qui relève de l’organisation du marché, notamment le marché du crédit, de la responsabilité du souscripteur et de la responsabilité du prêteur, sur laquelle je reviendrai.

Disons un mot encore du contexte. Ce qui est frappant chez les ménages, au-delà de la baisse du pouvoir d’achat, c’est la contraction du revenu disponible, ou plutôt « arbitrable ». Vous évoquiez, avec la proposition de loi de M. Borloo, la question des dépenses incompressibles ; eh bien, leur poids s’alourdit. En conséquence, le revenu arbitrable se contracte, ce qui peut pousser un certain nombre de ménages, de familles à contracter des crédits à la consommation pour conserver leur niveau d’équipement, continuer à pouvoir partir en vacances, notamment des crédits renouvelables qui peuvent, dans des situations particulières, les précipiter dans le surendettement.

Quelle est la responsabilité du crédit dans le surendettement ? Je ne prendrai pas le problème dans ce sens. La réalité, aujourd’hui, c’est que 78 % des personnes endettées ont un minimum de huit crédits à la consommation, que 52 % des personnes surendettées ont dix crédits à la consommation. Cela montre bien qu’il existe un lien évident entre le crédit à la consommation, en particulier le crédit renouvelable, et le surendettement.

Si l’on doit se préoccuper du surendettement, ce n’est pas, pardonnez l’expression, pour faire la peau au crédit à la consommation. Aujourd’hui, cela reste un moteur important de l’activité économique, un soutien au pouvoir d’achat des ménages. C’est, en France, un ménage, une famille sur trois qui recourt au crédit à la consommation. Cela représente un montant global de 150 milliards d’euros. Cet instrument est décisif si nous voulons soutenir la demande et la consommation. Une fois que le moteur des exportations s’est éteint, que celui des investissements s’est lui aussi, à force de contraction des marges des entreprises, éteint, reste celui de la consommation, mais, aujourd’hui, il tousse. Il est donc indispensable de maintenir le crédit à la consommation, en tout cas la capacité des Français à acheter à crédit.

La loi Lagarde, du nom, monsieur le rapporteur, de votre homonyme devenue directeur général du Fonds monétaire international – je ne vous souhaite pas moins, même si je ne veux nullement vous condamner à l’exil (Sourires) –, avait entraîné un certain nombre de progrès, notamment avec la fonction paiement au comptant, qui avait permis une baisse des transactions à crédit. Elle a aussi permis une baisse du prix du crédit, notamment du crédit renouvelable ; la nouvelle règle d’amortissement minimum a permis l’accélération du remboursement, donc une baisse du coût du crédit et, incontestablement, un recentrage du crédit renouvelable sur ce qui était son objet initial, à savoir les petits montants.

Cependant, il y a aussi des points négatifs. Le consommateur doit, en théorie, lorsqu’il achète un équipement et veut le faire à crédit, disposer d’une offre proposant une alternative entre crédit amortissable et crédit renouvelable. Las, dans neuf cas sur dix, il choisit le crédit renouvelable, soit en raison d’une mauvaise formation des forces de vente, soit parce que la loi n’est pas appliquée. Pour cette raison, nous proposerons, avec le projet de loi sur la consommation que je présenterai l’an prochain, de donner davantage de moyens de sanction administrative à la DGCCRF ; il s’agit d’éviter de devoir retourner devant les tribunaux pour sanctionner un certain nombre d’infractions.

Nous voulons donner à la DGCCRF les moyens de s’abriter derrière l’uniforme du client « mystère ». Cela lui permettra de savoir où une infraction est susceptible d’être commise, alors que, aujourd’hui, un agent de la DGCCRF est obligé de notifier sa qualité lorsqu’il se rend dans n’importe quel magasin d’équipement, dans n’importe quelle grande surface qui fait du crédit. Il est clair que la force de vente, dans ce cas, respecte scrupuleusement la loi…

Il faut renforcer les moyens. Pour que nous puissions appliquer correctement la loi, il faut que la DGCCRF ait des moyens en termes de personnel, d’agents. Je me félicite donc que le projet de loi de finances prévoit le maintien des effectifs de la DGCCRF, direction qui avait été bien abîmée au cours de ces dernières années.

Des efforts doivent être faits également en ce qui concerne la fiche de dialogue, supposée recenser ressources et charges du consommateur. Mais, pour l’essentiel, elle n’est que déclarative. Dès lors, beaucoup de consommateurs mentent ou, par méconnaissance de leur situation exacte, ne donnent pas toujours les bonnes informations.

Il y a donc des améliorations incontestables à apporter sur ce point.

Les professionnels ont pris des engagements lorsque l’instance de concertation, le comité consultatif du secteur financier, les a sollicités. Je m’en réjouis. Je me félicite particulièrement de ce que nous disposons réellement d’une offre alternative de crédit amortissable et de crédit renouvelable.

L’information sur le système dit du « n fois sans frais », qui s’apparente beaucoup à du crédit renouvelable, enregistre elle aussi des avancées importantes. C’est également le cas de du découplage entre carte de fidélité et crédit renouvelable : la confusion est parfois entretenue par le fait que la carte de fidélité donne aussi accès à une réserve d’argent. La tentation est alors forte, quand on a trois, quatre ou cinq cartes de ce type dans son portefeuille, d’utiliser ces réserves d’argent.

Pour information, et cela va dans le sens de ce que vous dites, lorsque les sénateurs se sont intéressés à la question du crédit à la consommation, le rapporteur au Sénat, M. Alain Fauconnier, a mené une expérience instructive. Un samedi après-midi dans un grand centre commercial lui a permis de contracter pas moins de quatorze crédits renouvelables ! Cela montre bien que, quel que soit le nombre de déclarations préalables obligatoires, si l’établissement de crédit veut trouver des emprunteurs, il en trouve ! Le prêteur a donc, incontestablement, une responsabilité.

Au-delà du renforcement des moyens, nous pourrions modifier notre approche de la question du crédit. L’emprunteur a lui aussi une responsabilité : la loi Lagarde exige ainsi la présence sur tout support publicitaire de la mention « un crédit vous engage et doit être remboursé, vérifiez vos capacités de remboursement avant de vous engager ». Cela revient quelque peu à culpabiliser l’emprunteur, mais il faut aller au-delà. Nous préférons adopter aujourd’hui une approche plus équilibrée, en responsabilisant cette fois-ci le prêteur. Le Président de la République avait rappelé avant l’élection l’importance de « responsabiliser les banquiers » afin qu’ils n’accordent plus de crédits à des personnes qui ne pourront pas les rembourser et de « maîtriser la situation de la personne endettée ». Tel est le sens de la politique équilibrée que le Gouvernement entend mener.

Des mesures favorables à la responsabilisation du prêteur ont été adoptées dès la loi Lagarde, comme l’obligation pour le prêteur de contrôler le fichier des incidents caractérisés de paiement, l’obligation de remplir une fiche de dialogue – dont j’ai cependant mentionné les limites – ou encore le renforcement des sanctions applicables aux prêteurs et aux intermédiaires. L’article 1er de votre proposition de loi, comme vous l’avez mentionné, prévoit des sanctions pour les prêteurs et les intermédiaires. Cependant il existe déjà à l’heure actuelle des sanctions pouvant aller jusqu’à une remise en cause du droit à obtenir des intérêts. Un dispositif de sanctions existe donc déjà. Je pense qu’il faudra aller plus loin pour faire respecter la loi.

Vous nous avez parlé de la question du registre national du crédit. J’en dirai quelques mots. Le rapport du Sénat présenté par Mmes Muguette Dini et Anne-Marie Escoffier l’évoque. Il évoque également une autre possibilité. Beaucoup de solutions sont débattues par les associations de défense des consommateurs comme par les professionnels du crédit. Le Sénat propose pour sa part que toute personne demandant un crédit doive se munir pour cela de ses trois derniers relevés de compte bancaire, sur lesquels figure l’intégralité de ses dépenses. C’est à mes yeux trop lourd, puisque cela suppose que le futur emprunteur se mette en quelque sorte à nu devant l’employé chargé d’examiner la demande de crédit. Comme je l’ai dit au Sénat, le Gouvernement pense que ce n’est pas la meilleure solution.

Nous nous pencherons donc, dans le cadre de l’examen de cette proposition de loi et au cours des semaines prochaines, sur la question de la création d’un registre national du crédit. Comme vous l’avez rappelé, un registre national des crédits aux particuliers serait une source supplémentaire de renseignements sur la solvabilité des emprunteurs, et serait incontestablement utile. En ce sens, je considère que ce serait une protection de plus pour les consommateurs, qui les empêcherait de contracter le crédit de trop. Il n’est d’ailleurs que de voir le nombre de crédits renouvelables utilisés à l’heure actuelle comme des lignes de trésorerie, et employés à rembourser d’autres crédits.

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. Tout à fait !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Le Gouvernement est donc favorable à la mise en place d’un registre de ce type. Cela ne donnera pas une garantie intangible, une certitude absolue, mais cela sera un moyen concret pour lutter contre le surendettement, même si, comme nous le savons, les causes en sont multiples. La création d’un tel répertoire serait incontestablement un pas dans le sens d’une plus grande responsabilisation des prêteurs.

Il s’agit, pour autant, d’une affaire sérieuse qui mérite que l’on entende l’ensemble des parties. Les positions sont très contrastées, que ce soit au sein du mouvement consumériste ou chez les établissements de crédit. Cette question est d’ailleurs transversale et partage tous les groupes parlementaires ; les positions sont parfois très différentes d’un groupe à un autre. Pourquoi cela ? Parce qu’un certain nombre d’écueils sérieux doivent absolument être évités si l’on veut créer un registre national du crédit.

Le premier écueil a trait à la protection des libertés publiques. Le Gouvernement ne souhaite pas s’engager dans une telle entreprise sans prendre toutes les précautions nécessaires en la matière. C’est pourquoi j’ai saisi la Commission nationale consultative des droits de l’homme, afin qu’elle remette en janvier 2013 ses préconisations en vue de la création d’un fichier positif qui ne soit pas attentatoire aux libertés publiques. Janvier 2013, ce n’est pas dans trop longtemps.

Le deuxième écueil est le coût de ce dispositif. Certes, comme vous l’avez dit, ce coût ne doit pas servir de prétexte à l’inaction. Il y a une grande différence entre les estimations réalisées par le mouvement consumériste, ou en tout cas par l’association CRESUS, selon laquelle la mise en place d’un fichier positif reviendrait à 40 millions d’euros, et d’autres estimations qui vont jusqu’à 700 millions d’euros. Je rappelle cependant que la Banque de France est un opérateur public qui doit respecter des objectifs et qui participe à la réduction des dépenses publiques. Elle a notamment pour objectif de réduire le coût de traitement de chaque dossier de surendettement, qui s’élève aujourd’hui à 900 euros par dossier. Elle est donc déjà engagée dans une démarche de réduction de ses coûts. Si nous lui confions la gestion du registre national du crédit, elle nous répondra assez naturellement que cela augmente ses coûts alors que l’État lui demande de les réduire. Cet aspect ne peut être écarté d’un revers de la main.

Le choix de l’identifiant ne sera pas non plus neutre : vaut-il mieux utiliser le numéro d’inscription au répertoire nationale d’identification des personnes physiques, le NIR, connu sous le nom de « numéro de sécu », ou le FICOBA, le fichier des comptes bancaires ? La CNIL aura un avis différent sur le dispositif selon l’identifiant choisi. C’est une des raisons pour lesquelles nous souhaitons prolonger la concertation.

Pourquoi prolonger la concertation, et jusqu’à quand ? Une conférence nationale de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale aura lieu, dont l’atelier consacré au surendettement aura notamment pour objet la question du registre national du crédit. Présidée par le président du Secours catholique, M. François Soulage, qui est lui-même partisan de la création d’un fichier national du crédit, la Conférence nationale de lutte contre la pauvreté nous permettra d’embrasser la totalité des problématiques liées au surendettement et à la création d’un registre national du crédit.

Au regard de l’avis de la CNCDH, de la consultation du mouvement consumériste et des travaux de la Conférence nationale de lutte contre la pauvreté, nous disposerons des éléments nécessaires afin de répondre de manière efficace et non prématurée à cette question. Je reconnais cependant que votre proposition répond à une réalité, et à l’urgence du surendettement.

Vous l’aurez compris, monsieur le député, le Gouvernement ne soutient pas votre proposition à ce stade. Nous la considérons prématurée : elle ne présente pas toutes les garanties de réussite et d’efficacité. Même si nous devions accepter aujourd’hui le principe de la mise en place d’un registre national des crédits aux particuliers, notre religion n’est pas faite sur son opportunité en raison des éléments que j’ai évoqués. Elle ne serait donc, au mieux, qu’un élément de réponse au défi auquel nous faisons face : juguler le surendettement et apaiser les détresses économiques et humaines.

Nous voulons traiter la question du surendettement dans sa globalité. Deux textes de loi seront pour cela soumis à votre sagacité. Votre avis et votre vote seront sollicités dans les semaines à venir. Il s’agit du projet de loi bancaire et du projet de loi sur la consommation, que j’aurai l’honneur de défendre devant vous. Ces deux textes proposeront de consolider la protection des consommateurs, dans un ordre économique qui laisse aujourd’hui la part belle aux professionnels et ne défend pas assez les consommateurs. Nous traiterons dans ce cadre à la fois d’un meilleur encadrement du crédit renouvelable et, le cas échéant, de la création d’un registre national du crédit. Si la mise en place d’un registre national du crédit devait figurer dans le projet de loi de consommation, je veux qu’elle soit entourée de toutes les garanties en matière de respect des libertés publiques et de financement, tant en termes de coût de création que de coûts de gestion. Tel est l’engagement du Gouvernement.

C’est pour cela qu’à ce stade, je ne soutiens pas votre texte. Je souhaite cependant continuer à travailler avec vous pour réussir à mettre en place, à l’occasion de l’examen du projet de loi sur la consommation, une véritable politique publique de lutte contre le surendettement. Cela passera, peut-être, par la création d’un registre national du crédit. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Je vous remercie, madame la présidente. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, différents Gouvernements ont déjà fait la même promesse, à plusieurs reprises, devant cette Assemblée. Des débats conséquents ont eu lieu au cours des dix dernières années sur le sujet du surendettement. La solution du registre national a été avancée à plusieurs reprises. Nous en avons beaucoup parlé en commission, monsieur le ministre. Des échanges très aboutis ont déjà eu lieu entre le Gouvernement et la majorité.

L’engagement de vous orienter vers cette solution, à condition qu’elle soit partagée le plus largement possible – vous avez raison de prendre cette précaution – ne reporte pas ce sujet au-delà de l’examen du texte que vous soutiendrez lors du premier trimestre 2013. Il est important, à ce stade, de dire que ce ne sera pas un rendez-vous manqué, car nous tenons beaucoup – y compris dans la majorité – à ce que cette échéance soit tenue.

M. Michel Issindou. Les promesses doivent être tenues !

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Michel Zumkeller.

M. Michel Zumkeller. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j’avais prévu, au nom du groupe UDI, de rappeler les différents éléments de ce débat. Vous l’avez fait, monsieur le ministre : nous sommes d’accord sur les chiffres et sur le constat. Ce n’en est que plus inquiétant : nous nous accordons sur le diagnostic, et vous ne soutenez pas notre proposition de loi !

Laissons là les commissions et les groupes d’étude ! Nous, centristes, savons ce que c’est. Cela fait quand même dix ans qu’on nous fait le coup ! Dix ans que l’on nous explique que c’est effectivement une nécessité, que ce fichier est indispensable, et que l’on repousse sa mise en place à l’année suivante. Nous vous parlons d’agir pour résoudre des problèmes urgents, et vous nous répondez : attendons !

Je crois, pour ma part, qu’il faut sortir de tout cela. Vous l’avez dit vous-même, d’ailleurs. Ce constat est partagé. Nous recevons, dans nos permanences, des citoyens en grande difficulté. C’est effectivement tentant, quand on a besoin de quelque chose, de recourir au crédit. Il n’y a aucun moyen de contrôler cela.

Pour répondre à cette situation il nous faut passer à autre chose, et faire comme nos voisins européens. Excepté le Danemark et la Finlande, en effet, nos voisins européens ont mis en place de tels fichiers. Pour eux, cela ne fait pas problème. Veuillez m’excuser de vous dire cela, monsieur le ministre, mais, franchement, la Commission consultative des droits de l’homme… N’est-ce pas un peu trop ? La CNIL est déjà intervenue, ainsi que nombre de commissions. Il n’y a pas de meilleur moyen d’enterrer le sujet que de solliciter à tout bout de champ l’avis d’instances consultatives ! Je ne vois pas en quoi les droits de l’homme seraient mis en cause par un tel dispositif.

M. Hervé Morin. Bien sûr !

M. Michel Zumkeller. Ce qui est grave, c’est que nos concitoyens puissent continuer à emprunter et faire ce qu’ils veulent sans que personne leur dise de s’arrêter avant d’être surendettés. Voilà ce qui met en danger les droits de l’homme !

M. Hervé Morin. Les droits de l’homme, c’est avant tout la dignité !

M. Michel Zumkeller. Arrêtons de nous défausser en sollicitant ces commissions ! Arrêtons tout cela, et agissons !

Quand on fait de la politique, il faut un minimum de constance et de respect pour les engagements pris. Cela fait dix ans qu’on parle de ce sujet !

Mme Seybah Dagoma. Vous en portez la responsabilité !

M. Michel Zumkeller. Cela nous concerne tous : cette réforme a été défendue sur tous les bancs.

La proposition de loi n° 1897 relative à la suppression du crédit revolving, à l’encadrement des crédits à la consommation et à la protection des consommateurs par l’action de groupe, déposée le 2 septembre 2009, proposait la même chose que celle de Jean-Christophe Lagarde. Savez-vous par qui était-elle signée ?

Mme Seybah Dagoma. Par Jean-Marc Ayrault !

M. Michel Zumkeller. Jean-Marc Ayrault et l’ensemble du groupe socialiste !

Mme Seybah Dagoma. Mais ce n’était pas la même chose !

M. Michel Zumkeller. Si, c’était exactement la même chose. (« Voilà ! » sur les bancs du groupe UDI.)

M. Jean-Louis Borloo. Après le lobby énergétique, le lobby bancaire !

M. Michel Zumkeller. Je citerai juste une phrase de l’exposé des motifs cette proposition de loi. Madame Dagoma, ma chère collègue, j’étais pour ma part présent dans cet hémicycle en 2009. J’ai le texte de la proposition de loi entre les mains, et je vous en lirai simplement une phrase : « la création d’un fichier positif d’endettement apparaît nécessaire. Afin d’éviter que les établissements de crédit puissent s’en servir pour maximiser le travail de prospection de leurs démarcheurs, il convient de le placer sous la seule responsabilité de la Banque de France. » Où est la différence avec ce que nous proposons aujourd’hui ?

Comment vous justifierez-vous quand, dans vos permanences, des citoyens vous diront qu’ils se sont surendettés parce que vous n’avez pas agi ? Que leur direz-vous ? Comment leur expliquerez-vous que bien que vous soyez majoritaires, vous ne pouvez pas mettre en place ce fichier ?

M. Hervé Morin. La Commission nationale consultative des droits de l’homme !

M. Michel Zumkeller. Il faut sortir de tout cela ! Il faut arrêter ! Je le dis simplement : nous ne sommes pas dans une démarche de politique politicienne. Allons-y, agissons ! Voici le message du groupe UDI : agissez, sortez du schéma de l’opposition droite-gauche ! Allons-y, quoi !

Ce sujet mérite autre chose qu’un débat politicien. Il y va de notre rôle, de notre mission ! Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, le groupe UDI est très fier de défendre cette proposition de loi.

Très sincèrement, mes chers collègues, il ne s’agit pas d’un débat opposant la droite et la gauche. Il s’agit de savoir comment faire pour empêcher les gens de tomber dans l’excès et l’endettement. Votons donc ce texte tous ensemble ! Il n’y a pas là d’atteinte aux libertés. La seule question qui se pose est celle de notre envie réelle de faire avancer les choses.

Je vous le dis très directement, monsieur le ministre : vos commissions, vos consultations… cela n’aboutira jamais ! Et nous en serons encore l’an prochain à nous demander quand nous pourrons mettre en place ce dispositif !

Donc, faisons-le aujourd’hui !

Je ne vous ai pas rappelé la phrase prononcée par François Hollande, car nous n’en sommes pas là non plus. Le candidat François Hollande s’est avec raison, comme tous les candidats, montré très sensible à cette question. Il est passé sur TF1 le 27 février 2012, ce n’est pas il y a un siècle ! Il a alors répondu à M. Jean-Louis Kiehl, président de la fédération CRESUS : « Nous aurons à mettre en place ce mécanisme dans le respect du droit des personnes. » J’ai donc envie de vous dire : allons-y et c’est maintenant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Madame la présidente, mesdames, messieurs, nous le constatons tous : de mois en mois, les situations de surendettement deviennent plus alarmantes. Je commencerai mon propos en remerciant le groupe UDI de mettre en débat ce problème qui touche de plus en plus durement nos concitoyens.

Si les sommes distribuées sous forme de crédit revolving sont en recul, si le nombre de dossiers déposés auprès des commissions de surendettement a baissé de 6 % en 2012, la situation sociale des surendettés est, en revanche, de plus en plus inquiétante. Ainsi, 56 % des dossiers concernent des personnes n’ayant aucune capacité de remboursement, alors que cette proportion n’était que de 35 % il y a trois ans. Un tiers des surendettés sont des bénéficiaires de minima sociaux, preuve de leur paupérisation croissante, et ce en dépit des différentes lois votées ces dernières années pour prévenir le surendettement. En outre, le recours excessif au crédit représente, de plus en plus souvent, la cause exclusive des dépôts de dossiers de surendettement, bien plus que les dettes accumulées sur les loyers et autres charges courantes.

L’aggravation des situations de surendettement est certes liée à la crise, mais elle est aussi, et surtout, le signe de l’emballement d’un système économique qui fait miroiter une vie meilleure au travers de la consommation, un monde qui identifie le bonheur à l’abondance et l’épanouissement à l’accumulation de biens matériels, un monde où les inégalités sont de plus en plus fortes et qui soutient, coûte que coûte, la croissance par l’endettement accru des plus pauvres, comme nous l’avons constaté lors de la crise des subprimes. Tous ces éléments montrent, s’il en est encore besoin, qu’il est urgent d’agir. Toutefois, si cette proposition de loi a le mérite d’aborder un sujet préoccupant de notre société, nous estimons qu’elle ne traite qu’une partie du problème et laisse trop de questions en suspens.

En premier lieu, elle n’aborde pas la question des types de crédit. Pour nous, la question des crédits revolving est la question centrale. Si les sommes distribuées au travers des crédits revolving sont en diminution, celle-ci semble s’expliquer plus par la crise que par la nouvelle législation. Or ces crédits, selon la Banque de France, sont impliqués dans 82 % des dossiers examinés par la commission de surendettement. Cette situation s’explique principalement par des taux qui dépassent souvent 15 %, soit des taux très proches du taux d’usure, le taux maximum auquel les banques peuvent prêter aux particuliers.

Il semble donc que ce soient ces crédits que la législation devrait viser en premier, en vue de leur extinction progressive. Le seul argument avancé en leur faveur est que les ménages les plus faibles n’auraient pas d’autre possibilité d’accéder au crédit. Mais pousser les ménages les plus pauvres à contracter des crédits à des taux semblables est au mieux irresponsable, au pire criminel. D’autres solutions doivent être trouvées, certaines existent déjà. Les acteurs sociaux et les banques coopératives développent, depuis des années, des dispositifs d’« inclusion bancaire », par exemple sous forme de microcrédit professionnel ou personnel. Ce sont vers ces acteurs qu’il faut se tourner, plutôt que de laisser prospérer ces organismes de crédit. C’était mon premier point : le texte est intéressant, mais ne s’attaque pas à la question centrale de l’offre de crédit.

J’en viens maintenant à l’étude des deux dispositifs proposés. Face au fléau du surendettement, le principe d’une responsabilisation partagée entre emprunteur et prêteur est louable. Si l’article 1er, qui rend impossible la procédure de recouvrement par un organisme de crédit qui n’aurait pas vérifié la solvabilité de l’emprunteur est une avancée certaine, l’idée de créer un répertoire national des crédits aux particuliers nous inspire en revanche la plus grande prudence. Même si ce fichier était géré par la Banque de France, la possibilité d’atteinte aux libertés publiques ne peut être écartée. Il nous paraît donc nécessaire, avant de le mettre en place, d’étudier de manière approfondie l’ensemble des conséquences. Quelles informations y seraient recensées ? Combien de personnes y seraient inscrites ? Comment les informations seraient-elles collectées ? Qui pourrait les consulter ? Comment seraient contrôlées leur consultation et leur extraction ? Quelles procédures permettraient de faire rectifier une erreur ?

La CNIL n’a pas, à ce jour, les moyens de contrôler un tel fichier. Ces questions ne peuvent être renvoyées à une étude ultérieure. Elles concernent de trop près les libertés publiques, et un véritable débat contradictoire doit être mené avant de s’engager dans une telle démarche. Ce débat n’a pas lieu seulement en France : la Belgique a mis en place un fichier proche de celui qui nous est proposé. Or la question désormais posée en Belgique est celle de l’extension du fichier, aux fins d’efficacité à d’autres informations que les seuls crédits : ressources du ménage, dépenses de loyer, d’électricité, de gaz, de téléphone, soit l’ensemble du budget du ménage. Nous nous opposons à un tel recensement, qui constituerait un véritable fichage des individus.

Nous reconnaissons que des avancées sont proposées dans ce texte par rapport aux propositions précédemment étudiées. Cependant, cet encadrement ne nous paraît pas encore suffisant, et le sujet mérite un débat plus approfondi, que nous ne pouvons malheureusement pas avoir dans le cadre de cette proposition de loi.

En conclusion, je voudrais remercier à nouveau M. Lagarde et le groupe UDI pour cette proposition de loi qui fait indéniablement avancer le débat sur la question du surendettement. Néanmoins, le groupe écologiste ne la votera pas, car il estime que le sujet doit faire l’objet d’une réflexion plus large et plus approfondie et que la question du répertoire national des crédits aux particuliers soulève des inquiétudes légitimes. Les mesures proposées sont insuffisantes pour traiter l’ensemble du problème. Nous ne voudrions pas que la prévention du surendettement se résume à la seule vérification de la solvabilité de l’emprunteur, alors qu’il doit inclure, au minimum, le traitement des situations actuelles de surendettement, l’encadrement du crédit à la consommation, la suppression du crédit revolving, ainsi que des dispositifs favorisant l’inclusion bancaire et l’accès au microcrédit personnel.

Comme l’a dit M. le ministre délégué à l’économie sociale et solidaire, ces sujets sont à l’étude et feront l’objet d’une loi en 2013, sur la base d’une évaluation de la loi Lagarde de juillet 2010 qui, déjà, faisait un premier pas en direction de l’encadrement du crédit à la consommation. M. le ministre s’y est engagé devant nous. Le dispositif du fichier positif sera lui-même étudié avec toutes les précautions nécessaires dans le cadre de la préparation de cette loi.

Nous attendrons donc avec vigilance le projet de loi de 2013 qui, nous l’espérons, proposera une approche globale et ambitieuse.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Madame la présidente, mes chers collègues, le surendettement est un problème qui concerne directement un nombre croissant de nos concitoyens. Comme l’a si bien indiqué le rapporteur, le nombre de dossiers déposés chaque année auprès des commissions de surendettement est en constante augmentation. Or, force est de constater que notre politique est, à bien des égards, en deçà de ce qui est pratiqué dans d’autres pays. Il est donc nécessaire d’y apporter des réponses. Nous ne pouvons d’ailleurs que saluer la constance et l’obstination des parlementaires qui ont, à plusieurs reprises, fait des propositions en ce sens.

L’idée selon laquelle le prêteur doit être responsabilisé au même titre que l’emprunteur est une bonne approche. Toutefois, la création d’un répertoire national des crédits aux particuliers pour des besoins non professionnels ne saurait être une réponse adaptée à la réelle nature du surendettement, tout simplement parce que les causes du surendettement sont majoritairement des accidents de la vie, tels qu’une maladie, un divorce ou un licenciement. Aucun fichier ne saurait prévoir ni prévenir de tels obstacles au remboursement de crédits. Au reste, le fichier ne présente de solution que dans le cas d’une souscription abusive de crédits, alors que, souvent, en cas d’accident de la vie, le premier crédit est déjà de trop.

Cela explique pourquoi la création de fichiers positifs n’a pas donné lieu à des résultats satisfaisants à l’étranger, ainsi que l’ont rappelé plusieurs orateurs. La Banque nationale de Belgique constate ainsi que depuis 2008, date à laquelle un tel registre a été introduit, le nombre de ménages surendettés a augmenté. On pourrait rétorquer que la crise économique a eu ses effets. C’est vrai. Mais l’on voit bien que la création d’un tel fichier, s’il n’est pas accompagné d’autres mesures, ne prévient pas le surendettement,…

M. Hervé Morin. Si, madame !

Mme Jeanine Dubié. …parce qu’il ne s’attaque tout simplement pas à ses causes réelles, à savoir la pauvreté et l’exclusion.

M. Hervé Morin. Parce que vous allez régler la pauvreté en deux jours ?

Mme Jeanine Dubié. Si je ne la règle pas, je l’ai accompagnée pendant des années en tant que travailleur social avant d’être députée !

M. Hervé Morin. Parce que nous, on est dans les beaux quartiers peut-être ?

Mme Jeanine Dubié. Ce fut ma réalité au quotidien !

M. Hervé Morin. Parce qu’on est élus par les riches ?

Mme la présidente. Laissez l’oratrice s’exprimer, monsieur Morin !

Mme Jeanine Dubié. On entend également dire qu’un fichier positif, en dépit de malgré son impact limité, pourrait prévenir le surendettement dans certains cas. Nous prenons note de cet argument mais, au vu des risques que soulève ce répertoire tel que présenté dans la proposition de loi, les députés du groupe RRDP ne peuvent, en l’état, y être favorables.

M. Thierry Benoit. Dommage !

Mme Jeanine Dubié. Le fichier pose en effet de sérieux problèmes en termes de libertés publiques. S’il était introduit, ce sont plus de vingt-cinq millions de Français qui seraient fichés. On nous assure que les données personnelles seraient protégées. Nous voulons bien le croire, mais la réalité montre qu’aujourd’hui la réglementation relative à la protection des données personnelles n’est que trop peu respectée. Dès lors, comment serait-il possible de s’assurer que le fichier n’est pas consulté à mauvais escient ?

Saisi d’une proposition de loi sur l’identité numérique, le Conseil constitutionnel avait déjà censuré plusieurs dispositions analogues. Non seulement le fichier en question recueillait des données relatives à la quasi-totalité de la population française, mais ses caractéristiques techniques ne permettaient pas de garantir que les données ne seraient pas consultées à d’autres fins que celles initialement prévues.

La mise en œuvre d’un fichier positif pourrait ainsi contrevenir aux critères de nécessité et de proportionnalité du système de collecte envisagé tels qu’établis par la loi « Informatique et Libertés » de 1978 et par la directive européenne de 1995sur la protection des données. Les réserves formulées par la CNIL le prouvent : rien ne permet, aujourd’hui, de s’assurer que les libertés publiques seraient préservées. Il faut donc, avant de créer un tel registre, être certain que tout sera mis en œuvre pour assurer la protection des données personnelles des Français.

Face à l’augmentation des cas de surendettement, les députés du groupe RRDP partagent l’impatience de M. Lagarde pour agir, mais les inconvénients du dispositif, en l’état, dépassent ses avantages, d’autant qu’il n’est pas accompagné des mesures indispensables pour prévenir efficacement le surendettement. L’examen de la situation financière des emprunteurs potentiels n’est souvent que trop superficiel, les outils disponibles n’étant pas pleinement utilisés, je puis vous le certifier, par les établissements de crédit. Avant même de créer un nouvel outil, comportant en outre tous les inconvénients que je viens d’indiquer, il faudrait faire en sorte que les dispositifs existants soient pleinement sollicités.

Comme je viens de le préciser, l’article 1er de la proposition de loi qui responsabilise les prêteurs va dans le bon sens. Si un établissement de crédit n’a pas suffisamment étudié la situation financière d’un consommateur, il ne peut prétendre au recouvrement intégral du crédit. Mais encore faudrait-il préciser les critères définissant un tel manquement.

Par ailleurs, les établissements de crédit ne devraient pas seulement mettre en garde les emprunteurs potentiels, mais aussi les conseiller réellement. On ne soulignera jamais assez l’effort pédagogique que les établissements de crédit doivent réaliser. J’ai noté, monsieur le ministre, votre volonté d’améliorer la feuille de dialogue ; cela va dans le bon sens. Quand le groupe RRDP parle d’établissements de crédit, il pense aussi aux vendeurs de ces crédits, qui peuvent être aussi bien des employés de banque que, par exemple, des vendeurs de produits électroniques. Or, si les premiers peuvent être dûment formés – et c’est bien le moins que l’on puisse espérer ! –, c’est rarement le cas des vendeurs en magasin, qui sont bien souvent dans l’incapacité de comprendre le danger que les crédits proposés peuvent représenter.

La responsabilisation des prêteurs pourrait également passer par des actions collectives en justice contre les comportements répréhensibles.

On le voit, le surendettement est un problème aux facteurs multiples, qui mérite d’être traité dans sa globalité. M. le ministre vient de nous indiquer qu’il présentera un dispositif en ce sens dans le cadre de la Conférence nationale de lutte contre la pauvreté, dont un atelier sera spécifiquement consacré au surendettement. Les députés du groupe RRDP y sont tout à fait favorables.

C’est pourquoi, considérant les limites de cette proposition de loi et dans l’attente de mesures globales que, nous l’espérons, le Gouvernement ne tardera pas à prendre, nous ne soutiendrons pas cette proposition de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Gabriel Serville.

M. Gabriel Serville. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le problème du surendettement est grave : 220 000 dossiers sont déposés chaque année, et le nombre cumulé de ménages concernés dépasse le million.

L’abnégation de nos collègues de l’UDI à redéposer leur proposition de création d’un fichier positif montre une réelle préoccupation envers les familles modestes enfoncées dans le surendettement. Je rappelle toutefois que le candidat qu’ils ont soutenu en 2012 proposait de généraliser les crédits hypothécaires sur le modèle américain, ce qui a déclenché la crise des subprimes et provoqué l’expropriation et le surendettement de milliers de famille.

Pour les députés du groupe GDR, le meilleur outil de lutte contre le surendettement est et restera la hausse des salaires. Augmenter les revenus, que ce soient les retraites, le SMIC, les minima sociaux ou les prestations sociales via les cotisations sociales, est la meilleure façon d’empêcher les familles de tomber dans le piège de l’empilement des crédits.

C’est donc à un changement radical de politique économique que nous appelons, seul à même de permettre une sortie par le haut de la situation, sans pénalisation des foyers surendettés.

Cette proposition de loi, au contraire, s’en tient à la création d’un fichier de recensement des crédits. Lors de précédentes discussions, les députés du groupe GDR se sont majoritairement exprimés contre un tel dispositif. En effet, ce fichier relève de l’idée que le surendettement trouve sa source ailleurs que dans l’insuffisance des revenus et du pouvoir d’achat. La responsabilité de la situation est entièrement mise sur les familles.

Du reste, constituer un fichier revient à empêcher les familles pauvres d’accéder au crédit, sans remédier en rien à leur situation financière catastrophique. Ce n’est pas en empêchant un ménage de contracter un nouveau prêt que le compte en banque va revenir dans le vert. Je veux dire par là que cette proposition n’apporte aucune solution réelle et concrète au problème qu’elle prétend traiter.

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. Ce sont les mêmes arguments depuis dix ans !

M. Gabriel Serville. Comme tout fichier, un fichier des crédits pose un certain nombre de questions sur la protection des données personnelles. La CNIL et différentes associations de consommateurs se sont d’ailleurs inquiétées de ces risques.

De fait, si le comité de préfiguration a étudié les moyens d’encadrer les modalités de consultation du fichier pour éviter toute dérive commerciale ou abusive, ses préconisations semblent ne pas faire l’unanimité des parties prenantes.

Le texte de la proposition de loi paraît quelque peu « léger » quant à la nécessité d’empêcher les établissements bancaires privés de collecter les informations qu’ils obtiennent en consultant le répertoire des crédits, car comment faire réellement obstacle à ce que les banques compilent les informations obtenues ? Elles auront certainement la tentation de le faire, ne serait-ce que pour sécuriser les prêts consentis.

À ce titre, comment ne pas penser que la constitution du fichier risque d’avoir l’effet pervers de limiter massivement l’accès au crédit, non pour les seuls surendettés, mais bien pour tous les ménages modestes ? Les établissements bancaires pourront refuser systématiquement un nouveau crédit aux foyers déjà emprunteurs. En cette période de difficulté économique généralisée, le recensement des crédits dans le répertoire risque donc d’entraîner une fermeture du robinet. Cet instrument n’est pas de nature à inverser la tendance à l’assèchement du crédit que nous constatons depuis quelques années.

Cinq à six millions de Français ont déjà un accès limité aux banques. Ils ont certes un compte bancaire mais n’ont pas forcément accès au crédit et sont exposés à des frais exorbitants du fait même de leur fragilité. Le fichier positif ne doit pas participer à l’exclusion bancaire des plus modestes.

Par ailleurs, dès lors qu’un ménage ne figure pas sur le fichier, on peut penser que les banques lui octroieront alors systématiquement le crédit, en s’épargnant ainsi l’effort d’étudier réellement la situation financière des demandeurs.

Enfin, ultime argument, rien n’est fait pour empêcher les banques de développer des crédits particulièrement nocifs pour les ménages modestes – je pense à des taux proches de l’usure ou encore à des crédits renouvelables. On fait peser la responsabilité sur les demandeurs de crédit plutôt que sur les vendeurs.

À ce sujet, les députés du groupe GDR proposeront à la majorité de passer à l’action en procédant à l’interdiction pure et simple des crédits renouvelables, telle qu’elle avait été soutenue par toute la gauche lors de la précédente législature. Il s’agirait d’une réponse forte au problème du surendettement, sachant que les personnes les plus modestes sont les plus exposées à la violence des mécaniques de recouvrement, qui les mettent dans l’incapacité de rembourser.

Il est d’autant plus nécessaire de supprimer le crédit revolving que ce sont les filiales des grandes banques qui proposent ces produits. Cette forme de crédit est devenue très importante en s’adressant d’abord aux classes populaires au revenu annuel moyen compris entre 11 478 et 20 942 euros, qui représentent 41,5 % des crédits renouvelables. Selon la Banque de France, la part de l’encours de crédit renouvelable dans le total du crédit à la consommation a perdu six points entre 1998 et 2007, mais elle demeure à 21 %. Actuellement, son encours est de 1 105 euros par ménage, plaçant la France au troisième rang européen derrière le Royaume-Uni et les Pays-Bas.

Cette forme de crédit agit comme un substitut au maintien du pouvoir d’achat des ménages précarisés et fragilisés, mais avec un taux effectif global énorme, qui dégage des marges indécentes pour les acteurs économiques du secteur.

C’est en interdisant ces produits financiers que nous contribuerons à prévenir le surendettement, pas en donnant quitus aux banques par l’intermédiaire d’un fichier positif, alors que ce sont elles les principales responsables du surendettement.

Plusieurs associations comme la Croix-Rouge nous invitent à réfléchir à l’amélioration de l’inclusion bancaire. En effet, si la loi a instauré le droit à un compte bancaire en 1984, les 99 % de détenteurs en France ne sont pas tous égaux devant son utilisation. Encore une fois, les plus pauvres sont les plus exposés aux sanctions, aux interdictions, aux agios, ce qui contribue à leur exclusion bancaire. La création d’un fichier positif risquerait d’aggraver cette tendance.

En tout état de cause, l’idée de confier ce répertoire à la Banque de France, et donc au service public, est une garantie que nous estimerions indispensable si un tel dispositif devait voir le jour, du moins si la Banque de France conserve son réseau, puisque l’implantation territoriale de ses succursales tend à se réduire sous l’effet de la pression « austéritaire ». Les établissements départementaux de la Banque de France sont en première ligne dans la lutte contre le surendettement des ménages. Il ne sert à rien de voter des dispositifs de lutte contre ce phénomène si, dans le même temps, les budgets des services publics de proximité sont asséchés au point d’engendrer des restructurations.

M. Yves Jégo. C’est la gauche qui est au pouvoir maintenant !

M. Gabriel Serville. Le projet de la direction de la Banque de France prévoit la fermeture d’une caisse ou d’une succursale dans pas moins d’une trentaine de villes moyennes. Supprimer les outils locaux de lutte contre le surendettement est dangereux.

C’est un signe de plus, s’il en fallait, que cette proposition de loi ne répond pas aux vrais enjeux du surendettement. C’est la raison pour laquelle les députés du Groupe GDR voteront contre.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Blein.

M. Yves Blein. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, nul ne peut contester ici que la prévention du surendettement soit une vraie question en France puisque, chaque année, près de 200 000 personnes entrent ainsi en situation de surendettement, leur nombre croissant dans une proportion très significative, de l’ordre de 15 % par an.

Pour mieux comprendre ce phénomène, il convient d’appréhender sa structure : 78 % des dossiers comportent entre huit et vingt crédits, ce qui montre la dimension du sujet.

Le crédit à la consommation joue un grand rôle dans l’économie française. Il permet, en effet, d’encourager la consommation, véritable moteur de la croissance française. Il n’est donc pas question de remettre en cause la nécessité de ce type de crédit, qui est utile aux ménages, notamment pour s’équiper.

Cependant, il prend des formes très diverses, notamment celle du crédit renouvelable, aussi appelé crédit revolving, produit plus complexe dont le fonctionnement peut présenter des risques, et ce d’autant plus qu’il est souvent utilisé par les ménages les plus fragilisés. C’est ainsi que, dans 80 % des dossiers de surendettement, on retrouve un ou plusieurs crédits renouvelables, alors que ceux-ci ne représentent que 20 % des crédits à la consommation.

Le surendettement est devenu un fléau, à l’origine de véritables situations de détresse. Nous, législateur, devons donc agir pour lutter contre ce phénomène. Plusieurs textes – la loi Neiertz en 1989, la loi Lagarde en 2010 – ont traité de cette question dans notre histoire récente.

En 2009, le groupe SRC a tenté d’aller plus loin dans la prévention du surendettement avec une proposition de loi déposée par M. Ayrault, relative à l’encadrement du crédit. Cette dernière prévoyait la création d’un fichier national des crédits aux consommateurs auprès de la Banque de France, mais aussi l’évaluation de la solvabilité de l’emprunteur par le prêteur, les modalités de rétractation de l’emprunteur ayant accepté un contrat de crédit, l’impossibilité de permettre l’ouverture de crédits à distance, l’encadrement des opérations de rachat de crédits, la création de l’action de groupe, celle-ci pouvant être engagée notamment à l’initiative de toute association de consommateurs. Elle comprenait donc toute une série de mesures et non pas seulement une seule comme celle qui nous est proposée.

M. Jean-Louis Borloo. Enrichissez-la !

M. Yves Blein. Ce texte avait été rejeté en première lecture à l’Assemblée nationale par la majorité de l’époque, ce qui peut surprendre quand on entend aujourd’hui certains avis inverses.

Des acteurs comme la fédération CRESUS ou le Secours Catholique se montrent favorables à la création d’un répertoire national des crédits aux consommateurs mais tous posent la question des modalités d’évaluation du « reste à vivre ». Il est en effet nécessaire, selon eux, de tenir compte de la situation réelle des ménages pour réduire le risque d’échec dans les logiques de désendettement. La création d’un fichier ne suffit pas, en effet, et il faut privilégier l’accompagnement préalable des ménages avant le dépôt du dossier de surendettement en commission, afin de permettre de rechercher des solutions négociées et accompagnées.

D’autres acteurs, en revanche, sont plutôt réservés. C’est le cas notamment de la Confédération syndicale des familles, pour qui ce fichier ne réglera pas le problème. Elle en veut pour preuve les expériences étrangères, notamment celle de la Belgique, et en conclut qu’il faut s’intéresser à d’autres dimensions de la question.

Au sein même du groupe UDI, les approches peuvent diverger. Ainsi, Mme Dini, sénatrice du Rhône, a déposé une proposition de loi relative à l’encadrement du crédit, qui propose plutôt de délier cartes de crédit et cartes de fidélité et de faire en sorte que l’emprunteur présente au prêteur ses trois derniers relevés de compte.

M. Jean-Louis Borloo. C’est complémentaire !

M. Yves Blein. Voilà plusieurs démarches qui montrent qu’il y a encore des zones d’incertitude et d’approximation quant au fichier lui-même.

Reste la question de son coût, qui varie, selon les options, de 1 à 100. Il est donc nécessaire d’avoir une évaluation plus précise avant de définir exactement ce qu’il convient de faire, en s’interrogeant notamment sur la pertinence qu’il y aurait à utiliser des fichiers existants, sans compter l’incertitude qui plane encore sur les risques que le fichier soit utilisé à d’autres fins, ce qui, l’une de mes collègues l’a indiqué, pourrait concerner plusieurs millions de consommateurs.

Autre incertitude, et celle-ci est importante : la capacité d’endettement d’une personne ne peut être évaluée uniquement sur la base de ses encours de crédit. En effet, d’autres critères entrent en considération, notamment son niveau de revenu, la composition de sa famille, son état de santé, ses besoins en énergie ou en télécommunications, lesquelles sont aujourd’hui un poste de dépenses important dans le budget des ménages. L’association Léo Lagrange pour la défense des consommateurs constate ainsi depuis plusieurs années que la part des dettes liées aux charges courantes – et non à la contraction de crédits, notamment de crédits revolving – est de plus en plus souvent la cause du surendettement des ménages, notamment des ménages les plus modestes.

Par ailleurs, un tel fichier sera forcément long à mettre en place. Or, la lutte contre le surendettement ne peut attendre. Il est donc nécessaire de prévoir d’autres dispositifs pour lutter contre le surendettement, dès aujourd’hui.

Force est en effet de constater que cette question ne peut être traitée uniquement sous le prisme de la création d’un fichier national des crédits aux particuliers : il est nécessaire que la réflexion englobe l’ensemble de la problématique du surendettement.

Je pense notamment à la question des actions de groupe, qui vont dans le sens d’une meilleure défense des consommateurs. Ce dispositif, qui leur permettrait de se rassembler et de partager les frais de procédure pour faire reconnaître en justice leurs droits, est réclamé depuis longtemps par les associations de consommateurs.

Il conviendrait également de délier les fonctions que supportent souvent les cartes : cartes de crédit et cartes de fidélité.

Par ailleurs, nous devons nous pencher sur la question de la jurisprudence des contrats commerciaux. En effet, aujourd’hui, lorsqu’une décision de justice est rendue dans le cadre d’un contentieux portant sur un contrat commercial, celle-ci ne s’applique qu’au contrat en question et ne s’étend pas à l’ensemble des contrats commerciaux de même type.

Certaines associations s’interrogent également, à juste titre, sur la durée des plans de surendettement et souhaitent qu’elle soit réduite.

Enfin, l’encadrement des crédits renouvelables doit être amélioré et les ménages être mieux accompagnés avant le dépôt de leur dossier de surendettement devant la commission.

Un dialogue approfondi doit donc être mené afin de rapprocher les points de vue et de coproduire une réponse plus globale que celle qui nous est proposée aujourd’hui. Comme l’a indiqué M. le ministre, la conférence consacrée à la lutte contre la pauvreté, qui se déroulera au mois de décembre, abordera, bien entendu, la question du surendettement. À cette occasion, la question du fichier positif notamment fera l’objet d’une concertation.

Nous ne soutiendrons pas une proposition de loi qui apparaît comme trop restreinte, alors que le Gouvernement s’engage à présenter, au printemps prochain, un projet de loi d’ensemble sur la consommation, qui devrait offrir un cadre législatif bien plus large à la protection des consommateurs. Nous aurions pu gagner trois ans, si la proposition de loi de M. Ayrault avait été adoptée en 2009.

M. François Brottes, président de la commission. C’est vrai !

M. Yves Blein. Gageons que ce travail trouvera, dès 2013, une traduction législative. En effet, le changement, c’est maintenant ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la lutte contre le surendettement ainsi que la responsabilisation des prêteurs et des consommateurs sont des objectifs que nous partageons, sur tous les bancs de cette assemblée.

Au début de la crise économique et financière, le problème du surendettement s’est aggravé, puisque, de 2010 à 2011, le nombre de dossiers déposés auprès des commissions de surendettement a augmenté de 6 %. Toutefois – et cela a été rappelé –, il convient de souligner que ce nombre est en baisse cette année : selon la Banque de France, le nombre de dossiers déposés au cours des douze derniers mois s’élève à 221 000, soit une diminution de 4,51 % par rapport aux dépôts enregistrés lors des douze mois précédents. Nous devons néanmoins être extrêmement vigilants, car, derrière ces dossiers de surendettement, il y a des drames humains ; nous le constatons dans nos permanences.

Le profil des personnes surendettées a également évolué. En effet, le surendettement concerne de plus en plus les femmes vivant seules avec des enfants et – fait nouveau dans la typologie dressée par la Banque de France – des personnes âgées. Celles-ci sont parfois propriétaires de leur résidence principale, mais n’ont aucune trésorerie pour financer leurs besoins courants ; d’autres dépensent leurs économies pour payer leur hébergement en maison de retraite. En outre, le surendettement est de plus en plus un surendettement dit passif, près de 75 % des dossiers découlant d’accidents de la vie : perte d’emploi, divorce, maladie, chômage, fin de droits.

La proposition de loi de M. Lagarde vise à créer un répertoire national des crédits aux particuliers pour des besoins non professionnels : le fichier positif. Plutôt que de mettre en place une telle mesure, nous préférerions donner à la loi portant réforme du crédit à la consommation de juillet 2010 le temps de produire ses effets. Pour mémoire, la loi Lagarde – Christine, et non Jean-Christophe – tend à responsabiliser les prêteurs, à améliorer l’information des emprunteurs et à renforcer l’accompagnement des ménages surendettés.

Ainsi, il existe désormais des obligations spécifiques en matière de crédit renouvelable : le prêteur doit vérifier la solvabilité des emprunteurs tout au long de l’exécution du contrat. Le FICP – ce fichier qui recense les incidents de remboursement des crédits aux particuliers – doit être obligatoirement consulté avant toute reconduction du contrat et, tous les trois ans, une vérification complète de la solvabilité doit être effectuée dans les mêmes conditions que lors de la souscription du crédit. En outre, l’information du consommateur a été renforcée à tous les stades de la relation avec les établissements de crédit : publicitaire, précontractuel et contractuel. Le consommateur peut désormais souscrire un crédit amortissable à la place d’un crédit renouvelable, dès lors que le montant dépasse 1 000 euros. En parallèle, chaque échéance du crédit renouvelable, doit inclure un amortissement minimal du capital emprunté. Bien entendu, le non-respect de ces dispositions par le prêteur est sanctionné. J’ajoute que, depuis la loi du 1er juillet 2010, le fonctionnement du FICP a été amélioré. De nouvelles modalités techniques de fonctionnement et de consultation ont été mises en œuvre afin notamment de permettre une consultation en temps réel et une mise à jour plus rapide du fichier.

Au cours de la législature précédente, mes chers collègues, vous avez donc adopté des mesures destinées à lutter de manière concrète contre le surendettement. Vous avez, en particulier, contribué à améliorer le fonctionnement des commissions de surendettement et raccourci les délais de procédure.

Il nous est souvent reproché de trop légiférer. C’est pourquoi nous croyons sincèrement qu’il faut à tout le moins laisser ces mesures produire leurs effets. La loi Lagarde n’existe que depuis deux ans et certaines de ses dispositions ne s’appliquent que depuis quelques mois. Un rapport des commissions parlementaires compétentes sur son application permettra d’identifier ce qui fonctionne et ce qui continue de poser des difficultés, avant d’envisager d’aller plus loin. Si des dysfonctionnements persistent, il faudra alors les régler. Il ne s’agit pas de faire table rase de ce qui existe, mais d’améliorer les outils dont nous disposons et de les utiliser pleinement.

De surcroît, les modalités de mise en place d’un fichier positif, ne sont pas sans susciter quelques interrogations. Vous avez fait allusion au comité de préfiguration mis en place par la loi du 1er juillet 2010 et au rapport qu’il a rendu à l’été 2011 : précisons que ce comité ne s’est pas prononcé sur l’opportunité d’un fichier positif en France, mais a déterminé de manière opérationnelle les caractéristiques que présenterait un tel fichier.

Quelles seraient ces caractéristiques ? Le fichier positif concernerait 25 millions de personnes, c’est-à-dire tous les ménages qui bénéficient d’un crédit sans aucune difficulté de remboursement, alors que le FICP, qui concerne uniquement les ménages ayant des difficultés de remboursement, recense moins de 220 000 personnes. Or, ficher 25 millions de personnes suscite des interrogations du point de vue des libertés publiques. La CNIL s’en était d’ailleurs alarmée, dans une lettre adressée à François Baroin, alors ministre de l’économie et des finances, dans laquelle elle lui avait fait part de ses réserves.

D’un point de vue pratique, nous émettons également deux autres réserves. Tout d’abord, les situations de surendettement sont souvent la conséquence d’accidents de la vie : la perte d’un emploi, une séparation, un décès. En conséquence, la consultation préalable d’un fichier positif n’aboutirait pas forcément au refus d’octroi du prêt et n’empêcherait donc pas ces situations de surendettement. Ensuite, en dépit de toutes les garanties apportées pour encadrer la consultation du fichier, nous craignons que, dans les faits, les établissements de crédit proposent davantage de crédits aux ménages qui n’atteignent pas la limite du taux d’endettement de 30 %. Le fichier positif provoquerait ainsi la situation inverse de celle qu’il recherche. Manifestement, nous ne sommes pas les seuls à avoir cette crainte ; c’est également celle des associations de consommateurs.

Le fichier positif serait donc une fausse bonne idée. Ces craintes ont été exprimées lors de l’examen du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs par des parlementaires de toutes sensibilités politiques. Il avait donc été décidé de poursuivre la concertation avec les acteurs concernés, comme vient de nous le confirmer M. le ministre délégué.

En conclusion, bien que nous rejoignions nos collègues de l’UDI sur de très nombreux sujets, qu’il s’agisse de la reconnaissance du vote blanc ou des tarifs réglementés du gaz, nous croyons sincèrement que le fichier positif n’est pas la solution miracle qui permettra d’éviter que des ménages n’entrent dans la spirale infernale du surendettement. Aussi, compte tenu de toutes les interrogations qui subsistent, le groupe UMP ne peut-il soutenir cette proposition de loi aujourd’hui.

(M. Denis Baupin remplace Mme Laurence Dumont au fauteuil de la présidence.)

Présidence de M. Denis Baupin,
vice-président

M. le président. La parole est à Mme Seybah Dagoma.

Mme Seybah Dagoma. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la France accuse un retard préoccupant en matière de lutte contre le surendettement. Alors que nos voisins ont mis en œuvre des mesures efficaces ces dernières années pour s’attaquer à ce fléau, notre pays a décidé de rester à l’écart de ce mouvement. Nous ne pouvons que le regretter. Un fait simple illustre cette exception française : le montant de l’encours moyen des dossiers traités par les commissions départementales de surendettement est de 40 000 euros dans notre pays, contre 20 000 euros en moyenne dans le reste de l’Union.

Au lieu de s’attaquer de front à ce fléau, en mettant en place des dispositifs de prévention de surendettement et en privilégiant une co-responsabilisation des deux acteurs du prêt – le prêteur et l’emprunteur –, comme le préconisait le groupe SRC dans une proposition de loi en 2009, les gouvernements précédents ont préféré adopter une attitude conciliante à l’égard des établissements de crédit. Ces derniers ont œuvré avec constance pour que rien ne change et ils ont, hélas ! obtenu gain de cause. Aujourd’hui encore, aucune responsabilité ne leur incombe.

Nous examinons donc avec intérêt la proposition de loi de M. Lagarde, qui a le mérite de fixer des principes utiles pour l’avenir : la responsabilisation des prêteurs, qui ne doivent plus pouvoir solliciter le recouvrement de montants indûment prêtés à des ménages, et l’introduction d’un répertoire national permettant aux opérateurs de disposer d’une information fiable et actualisée sur la situation financière de l’emprunteur. L’intérêt de ces deux principes ne peut cependant faire oublier le contexte politique dans lequel s’inscrit ce texte. Votre initiative, monsieur Lagarde, arrive selon nous trop tôt ou trop tard.

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. Flûte ! (Sourires.)

Mme Seybah Dagoma. Trop tard, après dix années d’une dangereuse timidité des majorités que vous souteniez. Trop tôt, alors que le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a engagé un processus de réflexion et de consultation autour de la question du surendettement, qui trouvera une première traduction législative dans le cadre du projet de loi sur la consommation qui arrivera devant notre Assemblée dès le premier semestre 2013. Nous pensons qu’il est aujourd’hui préférable de laisser ce processus aller à son terme.

Monsieur le ministre, je profite de cette tribune pour décrire nos attentes et mettre en évidence les points sur lesquels nous serons particulièrement vigilants. La nouvelle politique de lutte contre le surendettement devra reposer sur deux piliers.

Le premier est un retour aux fondamentaux bancaires. Comme l’a encore récemment rappelé le Président de la République, les réseaux bancaires doivent renouer avec l’essence de leur métier. Il est, par exemple, essentiel que les banques commerciales s’acquittent avec beaucoup plus de rigueur de leurs missions d’information et de conseil, tout particulièrement à l’égard de leurs clients les plus fragiles – je pense notamment aux personnes âgées. Les associations de consommateurs, d’aide aux victimes de surendettement et les élus, dans leurs permanences, relèvent encore trop d’abus ; ils doivent être sanctionnés.

Le second pilier est la mise en place d’un système d’information plus efficace. Le cadre proposé par la proposition de loi Lagarde est intéressant, mais largement inabouti. À l’échec programmé de la concertation engagée en septembre 2010 ne peut pas succéder une précipitation confuse. Plusieurs points retiennent notre attention : les réserves de la CNIL n’ont toujours pas été levées ; le coût et la répartition de ce coût devraient être étudiés avec attention ; les mécanismes de consultation, d’actualisation des données devraient donner lieu à un calage fin ; le choix d’identifiants nécessite encore un débat approfondi ; enfin, son périmètre devrait être établi avec le plus grand soin. Autrement dit, pour que notre approche soit véritablement globale, outre les crédits attribués par les banques, il convient d’engager une réflexion pour examiner la possibilité d’intégrer parmi les informations du répertoire national les dettes de charges contraintes, telles que les dettes locatives, qui pèsent considérablement sur le budget des familles, notamment dans les grandes villes, ou les découverts au-delà d’un certain seuil.

Sans un débat approfondi sur ces questions, le dispositif que nous bâtirons courrait le risque d’être incomplet.

Chers collègues, j’aimerais soumettre à notre réflexion trois points complémentaires.

Tout d’abord, pour lutter efficacement contre le surendettement, nous devrons bâtir un volet de prévention, fondé notamment sur des politiques publiques d’éducation à la gestion du budget familial.

Ensuite, nous devrons engager une réflexion courageuse pour réformer davantage le crédit à la consommation, notamment sa version la plus néfaste : le crédit renouvelable.

Enfin, nous devrons encadrer certaines pratiques – celles des organismes de recouvrement vis-à-vis des emprunteurs et celles des établissements de crédit vis-à-vis des clients potentiels –, qui s’apparentent parfois à des formes de harcèlement.

À coup sûr, la question du surendettement devra être l’un des grands chantiers de la quatorzième législature. Vous l’aurez compris, monsieur le ministre délégué, le Gouvernement peut compter sur les députés de la majorité pour engager les réformes audacieuses et efficaces rendues particulièrement nécessaires après une décennie d’immobilisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons aujourd’hui un sujet déjà bien connu, celui du surendettement, et plus précisément la création d’un fichier positif des crédits. Il s’agit de la septième proposition de loi sur le sujet depuis 2002. Nous en avons déjà débattu le 26 janvier dernier, après de longs débats sur la loi Lagarde de 2010 et un rapport sur le sujet.

Je constate que, depuis le mois de janvier, aucun élément majeur n’a bougé, si ce n’est l’aggravation des impayés – et donc du surendettement – dus à la crise économique. Débattre tous les ans d’un même texte n’entraîne pas son adoption à l’usure. (Sourires.) On se contente de répéter les mêmes arguments, avec, pour ce qui me concerne, une certaine lassitude.

L’énergie mise à débattre serait peut-être mieux employée à faire une évaluation parlementaire de la loi Lagarde et des mécanismes mis en place, d’autant plus qu’il semble qu’un projet de loi sur le sujet arrivera en 2013. Une mission d’information pourrait aussi se révéler utile pour faire le point : ainsi, nous serions prêts quand le projet de loi arrivera.

Je reste très réservé, si ce n’est hostile, à la création d’un fichier positif en France. Dans l’absolu, un tel fichier est sans doute une bonne idée, puisque c’est un outil supplémentaire pour prévenir le surendettement. Mais quand on analyse ce sujet sous l’angle du rapport coûts-avantages, la balance penche clairement contre le fichier positif.

C’est un outil séduisant en apparence ; encore faut-il que les prêteurs l’utilisent et le fassent correctement. Quand on voit la légèreté avec laquelle, parfois, ils accordent des crédits, on peut se demander à quoi servirait cet outil dès lors qu’il ne serait pas utilisé.

Ce fichier ne donne qu’une information partielle, en l’occurrence le niveau d’endettement, qui, en soi, ne veut rien dire si on ne le relie pas au niveau de revenu de l’emprunteur. Or cette indication ne figurera pas dans le fichier positif. Reste donc le problème des fausses informations fournies par l’emprunteur. C’est souvent le cas quand il commence à s’enfoncer dans la spirale. Les justificatifs qu’il donne ne sont pas faux à proprement parler, mais il oublie, par exemple, de dire qu’il est sur le point d’être licencié.

Plusieurs interrogations et inquiétudes sur la question de la protection des données personnelles n’ont pas été levées. Quelles sont les garanties qu’une telle base de données, qui va intéresser beaucoup d’opérateurs économiques, reste exclusivement consacrée à son objet initial et qu’elle ne serve pas de base pour la prospection ?

La question se pose aussi de ce qui doit figurer dans le fichier. Je pense notamment au cas des réserves d’argent, liées par exemple aux cartes de fidélité, dont les titulaires ignorent parfois l’existence. Ainsi, une personne ayant plusieurs cartes de fidélité dotées d’une réserve d’argent dont elle ne fait pas usage se retrouverait dans le fichier, considérée comme endettée à hauteur du maximum de ce qu’elle peut utiliser avec ses cartes de fidélité. Ce n’est pas gérable.

Enfin, cet outil ne répond pas au problème réel. Le surendettement est souvent le résultat d’un accident de la vie, quand, pour une raison ou pour une autre, les revenus baissent et que l’on ne peut plus faire face aux charges. Le fichier positif n’est d’aucune utilité pour prévenir cela car, lorsque la personne contracte des crédits, elle est parfaitement solvable et rien ne laisse entrevoir que sa situation va se dégrader.

Au final, si toutes les conditions sont réunies, si le fichier fonctionne correctement et est à jour, s’il est systématiquement consulté et si l’organisme de crédit tient compte de cet élément pour accorder ou pas le crédit, combien de situations de surendettement seront évitées ?

La question est à mettre en relation avec le coût financier de ce fichier, qui est important. En effet, il faut le mettre en place, puis l’entretenir et le mettre à jour ; il faut aussi connecter tous les points de distribution de crédits à la consommation. Tout cela représente plusieurs dizaines de millions d’euros, sans oublier qu’il faudra plusieurs mois, si ce n’est plusieurs années, pour le mettre en place.

Est-ce que le jeu en vaut la chandelle ? En ce qui me concerne, je réponds par la négative. Je voterai donc contre ce texte, en invitant nos collègues de l’UDI à se concentrer sur le problème du surendettement plus que sur l’outil en lui-même, afin d’éviter les débats inutiles comme celui que nous avons cet après-midi.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Dumont.

Mme Laurence Dumont. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, vous avez tous rappelé les chiffres : il y a, dans notre pays, 1,2 million de familles surendettées ; chaque année, 200 000 personnes supplémentaires se retrouvent dans cette situation.

Le surendettement est un fléau – le mot a été utilisé à plusieurs reprises et avec raison. En effet, il est souvent synonyme de rupture du lien social, de désagrégation du noyau familial et de difficultés à se soigner, à se nourrir et à se loger.

Pourtant, mes chers collègues, si nous nous accordons à dire que le surendettement est un fléau pour notre société, force est de constater que nous ne posons pas forcément les mêmes diagnostics, que nous ne sommes pas toujours d’accord sur l’identification des causes de ce mal et que – c’est peut-être là l’essentiel – nous ne partageons pas tout à fait les mêmes idées sur les moyens à mettre en œuvre pour y remédier.

On a rappelé cet après-midi la proposition de Jean-Marc Ayrault de septembre 2009. Mais ce texte était beaucoup plus global : il tendait à la suppression du crédit revolving, à l’encadrement des crédits à la consommation et à la protection des consommateurs par l’action de groupe. Or, mes chers collègues de l’actuelle opposition, rappelez-vous que vous avez rejeté cette proposition ! M. Borloo, qui figure parmi les premiers signataires du présent texte, était alors, sauf erreur, ministre du Gouvernement qui s’y est opposé. Voilà qui contraste avec la démarche que, dans la nouvelle majorité, nous avons souhaité adopter : en séance, nous débattons des propositions de loi de l’opposition et, ce matin même, l’un de vos textes a été adopté avec notre accord.

Certes, la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui pose une bonne question. Toutefois, elle ne semble pas assez aboutie. En effet, elle nécessite un présupposé : celui des moyens, notamment des moyens humains, dédiés à la Banque de France, pour absorber une nouvelle activité – je veux bien sûr parler de la gestion du fichier positif.

J’en profiterai pour évoquer un problème d’actualité. Le gouverneur de la Banque de France, M. Noyer, a décidé un vaste plan de réorganisation labellisé « projet de modernisation du réseau : construisons la banque de 2020 ». C’est le genre de titre qui annonce souvent de néfastes conséquences.

Ce plan doit conduire à la suppression de 2 500 postes et à une réorganisation des implantations territoriales, synonyme de fermetures de bureaux d’accueil et d’information, de caisses et de centres de traitement du surendettement. Pour les syndicats, opposés à ce plan, ce service public est en danger. Depuis vingt ans, les agents de la Banque de France traitent les dossiers de surendettement au plus près des territoires. Cette proximité évite souvent, par exemple, des centaines d’expulsions.

Si ce plan allait à son terme, l’accueil des personnes concernées par le fléau du surendettement s’en trouverait dégradé. La réorganisation prévoirait en effet de les orienter en priorité, pour remplir leur dossier, vers Internet ou encore vers les travailleurs sociaux, pourtant déjà surchargés. Le traitement des dossiers de surendettement deviendrait alors minimaliste. Pourtant, on le sait tous, une large majorité du public concerné se trouve dans une situation sociale fragile qui nécessite un accueil personnalisé. Derrière le label affiché par la direction de la Banque de France pour cette restructuration, se cache en fait un seul objectif : réduire les coûts en supprimant un certain nombre d’emplois.

La proposition de loi présentée aujourd’hui ne peut être étudiée sans tenir compte de la situation que je viens de présenter brièvement, car il s’agit bien là des moyens humains dédiés à sa bonne mise en œuvre.

Mes chers collègues, dans un contexte économique et social particulièrement difficile, il est possible que le nombre de ménages surendettés croisse plus vite que nous ne l’avons constaté ces dernières années. Pour cette raison, le crédit renouvelable doit être mieux encadré, afin qu’il ne risque pas de conduire au surendettement. Le Gouvernement – et vous en particulier, monsieur le ministre délégué à l’économie sociale et solidaire – y travaille, dans le cadre du futur projet de loi sur la consommation. Sachez que nous aurons à cœur de porter collectivement cet objectif. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Le Loch.

Mme Annick Le Loch. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, la proposition de loi tendant à prévenir le surendettement part d’une louable intention, que nous partageons tous, à savoir assurer une prévention efficiente des situations de surendettement.

Mais le cadre législatif proposé et les moyens d’action suggérés demeurent bien en deçà des mesures nécessaires pour atteindre l’objectif, car c’est bien une réorientation globale qu’il s’agit d’opérer, notamment en traduisant dans les textes l’ambition – que M. le ministre a rappelée tout à l’heure – de mieux réguler ce qui dysfonctionne au sein de l’ordre public économique, lequel, il est vrai, n’avait plus guère cours sous le précédent gouvernement !

Le déséquilibre dans les relations entre les opérateurs économiques et les consommateurs demeure important et même, dans certains cas, dangereux. Aussi l’examen du futur projet de loi sur la consommation – qui aura lieu, nous l’espérons, au printemps prochain – sera-t-il un moment important pour agir.

En effet, c’est bien au moyen d’un véhicule législatif à la mesure de nos ambitions que nous devrons bâtir un projet cohérent en matière de consommation. Ce projet devra viser à soutenir le pouvoir d’achat et assurer une meilleure défense du consommateur, notamment face aux risques de surendettement.

Nous avons abordé ici à plusieurs reprises la question du surendettement des ménages, par exemple – on l’a rappelé – lors de l’examen de la loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation. Ce texte visait à supprimer les abus et excès du crédit à la consommation pour en faire un crédit plus responsable, avec l’édiction de mesures d’application progressive. Si l’étalement dans le temps ne permet pas de dresser un bilan exhaustif, certains éléments d’appréciation émergent.

Ainsi, le récent rapport produit à la demande du Comité consultatif du secteur financier, l’enquête de l’UFC-Que choisir, ou encore le baromètre du surendettement établi par la Banque de France nous invitent à poser de nouveaux garde-fous en matière de crédit à la consommation pour le moraliser davantage et pour résorber le surendettement comme le « mal-endettement ».

Il n’est pas question – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre – de faire table rase du crédit à la consommation, qui permet principalement aux ménages de financer l’acquisition de biens durables, contribuant ainsi à l’activité économique et au soutien de l’emploi. Ce que nous devons faire, c’est assurer au consommateur l’accès à un crédit qui corresponde à la réalité de son besoin, à sa situation et à sa capacité à le rembourser, et le protéger des dérives éventuelles.

Je ne m’étendrai pas ici sur le prêt personnel ou sur le crédit affecté. En revanche, je souhaiterais mettre l’accent, comme d’autres collègues l’ont fait avant moi, sur le crédit renouvelable, que la loi du 1er juillet 2010 avait vocation à mieux encadrer, notamment en empêchant les porteurs de cartes de fidélité de souscrire un crédit malgré eux, ou encore en obligeant le vendeur à proposer un choix réel entre un crédit classique et un crédit renouvelable pour toute offre de crédit supérieure à 1 000 euros.

Aujourd’hui, malgré une baisse de 16,5 % du nombre de comptes actifs de crédits renouvelables en dix-huit mois, nous en sommes encore à 43,2 millions de comptes ouverts. Seuls 10 % des ménages en seraient détenteurs, ce qui ferait en moyenne huit crédits de ce type par ménage concerné. Ces ménages présentent d’ailleurs des revenus compris entre 11 000 euros et 20 000 euros par an. En cinq ans, plus d’un million de dossiers est parvenu aux commissions de surendettement. Le niveau d’endettement moyen est de 37 500 euros, avec plus de neuf dettes par dossier ; les crédits renouvelables sont présents dans plus de 76 % des dossiers.

Le tableau du crédit renouvelable est donc loin d’être idyllique. Des mesures ont bien été prises pour mieux encadrer ce type de crédits, ce qui a d’ailleurs sûrement contribué à la baisse de leur nombre.

Néanmoins, pour celles et ceux qui ont déjà répondu aux sirènes des vendeurs de crédits alimentant le « rêve » de la consommation, sous forme de slogans divers – « Bénéficiez d’une réserve permanente », « Besoin d’argent rapidement et facilement ? », « Augmentez votre pouvoir d’achat », « C’est le moment de financer toutes vos envies » – et qui se trouvent en situation de surendettement ou risquent de l’être, le cadre juridique protecteur devra évoluer, quitte à passer par des mesures plus contraignantes, notamment la création d’un fichier national des crédits.

Ce n’est pas le niveau de l’endettement des ménages français qui nous interpelle, ce niveau étant plutôt en deçà de la moyenne des pays développés, mais bien le mal du surendettement qui plonge nombre de nos concitoyens dans le plus grand désarroi et l’isolement. Les surendettés sont le plus souvent des personnes seules, majoritairement des femmes, de 35 à 54 ans ; et l’on observe même une récente augmentation dans la classe d’âge supérieure.

Je pense ici à Michelle, une retraitée que j’ai rencontrée récemment et qui, dans le cadre d’une simple livraison de fuel domestique, a accepté en 2007 une carte de fidélité à laquelle était lié un crédit renouvelable. Elle a ensuite souscrit plusieurs crédits successifs de ce type avant de voir, il y a quelques mois, son compte bancaire bloqué. Malgré ses démarches de résiliation, les relances des organismes furent incessantes et Michelle, acculée, vient de déposer un dossier de surendettement à la Banque de France.

Pour Michelle, pour toutes les Michelle qui sont venues vous rencontrer, et pour tous les autres, bien plus nombreux, qui n’oseront pas venir vous décrire dans vos permanences le fléau quotidien qu’est le surendettement lié au crédit renouvelable, je vous invite à vous emparer des travaux qui viendront rapidement nourrir le futur projet de loi sur la consommation, un chantier multidimensionnel et autrement plus ambitieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(Mme Laurence Dumont remplace M. Denis Baupin au fauteuil de la présidence.)

Présidence de Mme Laurence Dumont,
vice-présidente

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat sur la prévention du surendettement, qui a déjà eu lieu à de nombreuses reprises dans notre assemblée, prouve d’abord la capacité du groupe UDI à rappeler, de façon constante, les difficultés auxquelles sont confrontés nos concitoyens. Cela étant, les arguments souvent stéréotypés et maintes fois répétés que je viens d’entendre méritent sans doute encore quelques mises au point.

Mme Sas, qui a quitté notre hémicycle, nous a expliqué qu’elle adhérait au principe de la coresponsabilité de l’emprunt. Si tel est le cas, elle est en parfait accord avec l’article 1er de notre proposition de loi, et j’imagine qu’elle aura à cœur de nous rejoindre pour soutenir cet article – qui, au demeurant, ne fait absolument pas mention d’un quelconque fichier. Mme Sas affirme qu’il faudra étudier l’impact de la création d’un fichier et surtout en évaluer les risques en matière de libertés publiques – des risques qu’elle estime très importants. À son intention, ainsi qu’à celles d’autres orateurs, notamment Mme Le Callennec, je veux tout de même souligner que, contrairement à ce qui a été affirmé, la CNIL s’est penchée sur cette question à plusieurs reprises, et n’a jamais considéré que la proposition qui vous est faite posait une difficulté en termes de libertés publiques. Ce n’est pas en répétant une contrevérité à plusieurs reprises que l’on en fera une vérité !

Ayant été auditionné par la CNIL au mois de janvier dernier, je suis catégorique : la présidente de la commission a bien affirmé que le texte ne posait aucun problème en matière de libertés publiques. Quant à la lettre adressée par la CNIL au ministre de l’économie et des finances en 2011, que vous avez mentionnée, madame Le Callennec – et dont l’un des membres de votre groupe avait eu naguère, alors que vous n’étiez pas encore parlementaire, l’indécence de ne citer que deux lignes –, elle dit en réalité que le fait de constituer un fichier recensant les ménages bénéficiaires d’un crédit ne pose pas de problèmes en matière de libertés publiques étant donné – je le dis également à l’intention des membres du groupe GDR – les précautions prévues par le texte et qui pourraient éventuellement être complétées par d’autres à l’initiative du Gouvernement.

Il n’y aurait un problème que si le fichier contenait le NIR, le numéro de sécurité sociale, qui, faisant partie du champ social, n’a pas à se retrouver dans le champ bancaire – c’est là, d’ailleurs, une difficulté contournable au moyen de la procédure de double hachage.

Mme Isabelle Le Callennec. La CNIL a bien émis des réserves !

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. En tout état de cause, comme je l’ai indiqué tout à l’heure, le fichier national des comptes bancaires et assimilés – le FICOBA – qui existe déjà sous contrôle de la CNIL, pourrait parfaitement être utilisé, qui plus est de façon immédiate.

Je le répète, la CNIL ne voit aucun problème dans la constitution d’un fichier. Elle estime qu’il s’agit là d’une question politique et qu’il revient en réalité au Parlement de décider si la protection des personnes surendettées peut justifier la collecte d’informations relatives aux emprunteurs. Nous nous trouvons effectivement face à un choix politique : ne vous abritez donc pas derrière la CNIL et reconnaissez franchement que vous préférez voir le surendettement augmenter dans notre pays plutôt que d’approuver la constitution d’un fichier !

Mme Isabelle Le Callennec. Allons ! Personne n’a dit ça !

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. Les personnes qui, dans le groupe des écologistes et dans le groupe UMP, sont opposées au fichier, doivent assumer leur choix politique au lieu de se défausser sur la CNIL.

Selon Mme Dubié, un tel fichier serait sans intérêt, dans la mesure où il n’empêcherait pas la souscription abusive du crédit. Or, la Cour des comptes, la commission de préfiguration et tous ceux qui se sont penchés sur cette question ont démontré que, pour au moins 60 000 familles par an – même en retenant le chiffre de 25 % auquel votre rapporteur ne croit pas vraiment –, la création d’un répertoire des crédits permettrait d’éviter la spirale du surendettement. M. le ministre indiquait tout à l’heure que 52 % des personnes surendettées se retrouvent avec dix crédits renouvelables, ces dix crédits pouvant aisément être souscrits par une même personne au cours d’une seule journée. Même dans le cas des accidents de la vie, que vous avez évoqué, madame Dubié, les personnes concernées espèrent toujours que ce n’est qu’une mauvaise passe – ainsi, une personne se retrouvant au chômage pense qu’elle retrouvera rapidement un emploi – et que le recours à un emprunt va les aider à franchir un cap difficile. En réalité, ce n’est pas le cas, et ces personnes s’enfoncent, simplement parce qu’elles ont essayé de maintenir leur niveau de vie. C’est ce que l’expérience du terrain enseigne aux associations de lutte contre le surendettement, aux CCAS et, bien sûr, aux parlementaires dans le cadre de leurs permanences – bref, à tous ceux qui ont une vision pratique, et non pas uniquement théorique, de la question.

Vous avez également dit, madame Dubié, que les fichiers, lorsqu’ils existent – sous d’autres formes que celle que je propose, car je m’en tiens pour ma part à un répertoire ne contenant pas de données privées et n’ayant pas vocation à être utilisé à des fins commerciales ou de prospection, ce qui le rend plus sûr en termes de libertés publiques –, ne donnent pas de résultats probants. Je ne partage pas cet avis : pour moi, les fichiers, lorsqu’ils existent, donnent de vrais résultats. Comme l’a dit Mme Dagoma, le montant moyen des dettes des ménages français en surendettement est deux fois supérieur à celui des ménages dans le reste de l’Europe. Le premier effet d’un fichier serait de bloquer avant qu’il ne soit trop tard ceux qui vont trop vite. Le deuxième effet serait de limiter les dégâts : en France, le montant moyen d’un dossier de surendettement s’élève à 40 000 euros, contre moins de 20 000 euros dans les pays dotés d’un fichier. Malheureusement, je sais bien que ces chiffres n’empêcheront pas certains de prétendre, pendant encore des années, qu’un tel fichier est inefficace.

Pour ce qui est de la Belgique, que vous avez citée, madame Dubié, je ne pense pas qu’il s’agisse d’un exemple probant, d’abord parce que la mise en place d’un fichier dans ce pays est trop récente pour que l’on dispose de chiffres fiables. Au demeurant, l’un de nos collègues du groupe UMP nous a fait observer en commission que la progression du nombre de dossiers de surendettement s’établissait autour de 16 % en France, contre 10 % en Belgique : au vu de cet écart, je ne vois pas comment on peut prétendre que le fichier ne présente pas d’intérêt – pour nous, en tout cas, cet intérêt ne fait pas de doute.

Vous dites, monsieur Serville, que le texte est un peu léger en matière de sécurité. Je ne suis évidemment pas d’accord et, afin que nos collègues votent en toute connaissance de cause, je veux préciser plusieurs points. Premièrement, il est prévu que le fichier soit confié à la Banque de France. Deuxièmement, l’organisme de crédit ne pourra le consulter qu’avec l’accord écrit préalable de l’emprunteur. Troisièmement, c’est cet accord écrit qui doit être conservé, et en aucun cas les données collectées au moyen d’un traitement informatisé. L’utilisation à des fins de prospection se trouvera empêchée par l’instauration d’une sanction pénale, définie par un décret pris en Conseil d’État.

Pour ce qui est des personnes exclues du crédit, que vous avez évoquées, je veux également souligner que notre proposition aurait pour effet « collatéral », si l’on peut dire, de faciliter l’accès au crédit. Les 40 % de la population les plus fragiles, ceux dont vous dites vous préoccuper, cher collègue, sont aujourd’hui exclus de l’accès au crédit par le système dit de credit scoring. En vertu de ce système, un étudiant ayant besoin d’un lit, d’un réfrigérateur et d’une télévision pour s’installer dans une chambre ne présente pas les garanties nécessaires pour se voir accorder un crédit, quand bien même il est solvable, disposant de ressources telles qu’une bourse ou un emploi à temps partiel – voire à temps complet, puisque c’est malheureusement le cas de nombre d’étudiants aujourd’hui. Ne pouvant bénéficier d’un crédit classique, cet étudiant va se tourner vers des formes parallèles de crédit, celles-là même qui, la plupart du temps, ont pour effet de d’entraîner les gens dans un engrenage de difficultés. Je vous le dis : si l’on se réfère à ce qui se fait dans d’autres pays européens, la mise en place du système que nous proposons permettrait à la moitié de cette population fragile d’accéder au crédit.

Par ailleurs, comme je l’ai déjà dit lors de mon intervention initiale, le suivi de l’emprunteur par la banque engendre un coût de traitement du dossier élevé – proche du taux usuraire pour un emprunt de 1 500 euros –, qui dissuade la banque de prêter, puisqu’elle ne va pas gagner d’argent. En permettant de réduire le coût du dossier de l’emprunteur, notre proposition aurait pour effet d’élargir l’accès au crédit.

M. Blein, intervenant au nom du groupe SRC, nous a fait une démonstration pour le moins curieuse – et je pèse mes mots. Il a en effet expliqué que la création d’un fichier pouvait être utile, mais que cette mesure ne pouvait être adoptée au motif qu’elle ne constituait que l’une de celles figurant dans la proposition de loi déposée par Jean-Marc Ayrault et le groupe socialiste lors de la législature précédente. Qui peut le plus peut le moins ! Je ne vois donc pas ce qui vous empêche, monsieur Blein, de voter aujourd’hui notre proposition, si ce n’est une raison politique. Les autres éléments de votre proposition initiale – je pense notamment à l’action de groupe, à laquelle je suis personnellement favorable – pourraient toujours être défendus séparément.

Certains orateurs du groupe socialiste ont même tenté de nous convaincre qu’ils étaient les précurseurs de l’idée consistant à créer un répertoire des emprunteurs ! Pour mémoire, je rappelle qu’en 2004, M. Hervé Morin, alors président du groupe UDF à l’Assemblée nationale, avait déposé à mon initiative une proposition de loi en ce sens, et que nous présentons aujourd’hui cette proposition pour la cinquième fois devant notre assemblée ! Pour votre part, vous avez attendu 2009 pour reprendre notre proposition sous une forme élargie, avant de venir nous expliquer en 2012, alors que votre majorité est au Gouvernement, qu’il faut encore réfléchir et consulter. Alors que vous étiez partants en 2009, comment se fait-il que vous ne le soyez plus trois ans plus tard, monsieur le ministre, tandis que les ménages continuent à se surendetter ?

M. Thierry Benoit. Tout à fait !

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. Vous avez, monsieur Blein, souligné le fait que les points de vue divergeaient au sein même de l’UDI. En réalité, le désaccord que vous évoquez n’existe pas au sein du groupe UDI de l’Assemblée nationale. Pour ce qui est de la sénatrice Muguette Dini, sa proposition visant à délier la carte de crédit et la carte de fidélité est une proposition complémentaire – au demeurant justifiée – qui n’a pas vocation à tout régler, mais simplement à faire avancer les choses au moins sur un point, ce que vous refusez obstinément depuis plusieurs années. Je suis simplement en désaccord avec Mme Dini sur l’idée qui consisterait à communiquer au prêteur les trois derniers relevés de comptes bancaires, ce système comportant, selon moi, un sérieux problème de confidentialité – car les relevés de comptes font apparaître de nombreux détails relatifs à la vie privée, ne serait-ce que les abonnements et autres dépenses du titulaire. En termes de libertés publiques, cette proposition me paraît présenter des risques bien supérieurs à ceux que comporte le fait de confier un fichier à la Banque de France.

Je veux également répondre à Mme Dumont, même si, présidant désormais notre séance, elle ne pourra pas réagir à ce que je vais dire – je m’en excuse, madame la présidente, et j’espère que vous ne m’en voudrez pas. Certes, toutes les personnes surendettées ne pourront pas être sauvées, mais une partie pourrait l’être. Par ailleurs, vous avez souligné que, dans le cadre des séances d’initiative parlementaire de la précédente législature, les propositions de loi avaient toujours été débattues. Comment pourrait-il en être autrement, puisque c’est ce que prévoit notre règlement ? Ce que reprochait à juste titre l’opposition – notamment le premier vice-président du groupe socialiste –, c’était que l’on ne passe pas au débat. Aujourd’hui, rien ne vous empêchait de présenter des amendements dans le but d’étoffer et, qui sait, d’améliorer le système que nous proposons – notamment dans le sens d’une plus grande protection des libertés publiques, puisque c’est un thème que vous dites avoir à cœur. Mais le groupe socialiste, ne souhaitant pas discuter d’une proposition de l’opposition, n’a pas déposé le moindre amendement !

Le groupe SRC a tout de même abordé deux sujets un peu sérieux, à commencer par celui du coût. Très franchement, monsieur le ministre, je considère que, si nous instaurons un fichier public, nous accomplissons le travail qui devrait en principe échoir aux organismes bancaires, auxquels il revient donc de prendre en charge aussi bien les frais d’investissement que de fonctionnement. Sur ce point, il appartiendra au Gouvernement de prendre les dispositions nécessaires s’il décide de reprendre notre proposition à son compte dans les mois qui viennent – il ne semble pas vraiment pressé, ce que je regrette pour les Français qui vont encore perdre un peu de temps.

Quant au délai nécessaire, on nous a dit que ce serait long. Mais si l’on ne retient pas le NIR comme numéro d’identifiant, cela ne prendra que dix-huit mois comme l’a confirmé le gouverneur de la Banque de France.

À ce propos, puisque Mme Dumont a regretté qu’un plan social à la Banque de France se dissimulait derrière le terme de « restructuration ». Oui, c’est vrai, il y a bien un plan social en cours : le Gouvernement, le ministre l’a reconnu, ayant demandé à la Banque de France de réduire ses coûts, cela entraîne une réorganisation des services. Le gouverneur de la Banque de France, auditionné par la commission des finances, a ainsi confirmé qu’il allait devoir supprimer un certain nombre de postes. Vous permettrez d’ailleurs au député de Seine-Saint-Denis que je suis et aux autres parlementaires du département, l’un des gros pourvoyeurs en dossiers de surendettement, de s’inquiéter des restrictions qui auront lieu.

Le groupe SRC, finalement, est d’accord avec ce texte, mais il ne veut pas l’adopter car il est proposé par le groupe UDI. Les intervenants ont parlé d’un fichier insuffisant, mal fait, et j’en passe, mais pas un seul argument n’est venu étayer ces assertions. Il eut été préférable qu’ils déposent des amendements pour montrer les carences de cette proposition. C’eut été sans doute plus constructif, et la marque d’une ouverture au débat parlementaire.

Madame Le Callenec, je ne peux vous laisser dire que le surendettement passif est le principal responsable du surendettement en France. Comme je l’ai écrit dans mon rapport, la distinction entre surendettement passif et surendettement actif est contestée par la Cour des comptes elle-même, dont j’imagine que vous reconnaîtrez le sérieux des travaux. Les magistrats indiquent en effet que cette distinction n’est pas valable. Je vous invite à relire ses travaux, vous pourrez en tirer quelques conclusions.

Vous avez évoqué les effets de la loi Lagarde. Sans doute y en a-t-il. Mais rien n’empêche de poursuivre la voie ainsi tracée.

Mme Isabelle Le Callennec. On légifère trop !

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. Je ne vous en veux pas – vous ne pouviez pas le savoir puisque vous n’étiez pas là –, mais Mme Lagarde, lors de la discussion de la loi à l’initiative des centristes, a accepté un comité de préfiguration. Or ce sont les travaux du comité qui ont amené Mme Lagarde, qui a donné son nom à la loi, à reconnaître ici, en séance publique, la nécessité du fichier positif que vous contestez aujourd’hui. Bien évidemment, vous n’êtes pas obligée d’être d’accord avec elle, pas plus qu’avec le président de la commission des affaires sociales de l’époque, M. Méhaignerie – que vous connaissez bien, je crois – et qui reconnaissait la nécessité d’ériger un barrage. Il est dommage que vous ne soyez pas du même avis que votre prédécesseur.

Quant au fichier des incidents de paiement, reconnaissez avec nous que lorsqu’il est activé, il est déjà trop tard. Ce n’est pas une fois que l’accident a eu lieu que l’on doit essayer de le prévenir ; il faut le faire en amont. C’est bien ce à quoi servirait un fichier positif.

Je terminerai par votre intervention, monsieur le ministre, en faisant plusieurs remarques.

S’agissant de la baisse que l’on observe du nombre de ménages qui déposent un dossier de surendettement, vos services auraient avantage à examiner auprès de la Banque de France les raisons de cet infléchissement. Dans le cadre des auditions des représentants syndicaux de la Banque de France, il m’a été signalé qu’aujourd’hui on rendait aux personnes surendettées leur dossier lorsqu’il n’était pas complet alors qu’auparavant on leur demandait de venir le compléter ultérieurement. Je crains que ce ne soit la raison de l’abandon, par ces personnes fragiles, d’un certain nombre de demandes. Si tel était le cas, cela ne serait pas acceptable. J’imagine que le Gouvernement en conviendra.

Vous dites par ailleurs que des améliorations sont possibles. C’est certain. Mais pour ma part, je ne crois pas à la déclaration sur l’honneur, ni même au dialogue. Lorsque l’on sait qu’il y a dans notre pays 15 % au moins d’illettrés, lorsque l’on rencontre dans nos circonscriptions des gens qui éprouvent des difficultés ne serait-ce qu’à exprimer ce qu’est leur situation financière, on ne peut croire à cet exercice librement consenti de façon éclairée – comme on le dirait dans d’autres domaines.

Vous dites aussi qu’il faut appliquer la loi. Mais elle est appliquée – je pense à la disposition de déchéance des droits à intérêts, lorsque le crédit a été consenti de façon abusive. La proposition de loi va plus loin, en prévoyant que le capital peut être lui aussi perdu. Si je viens vous demander de l’argent, monsieur le ministre, non pas en tant que membre du Gouvernement, mais en tant qu’individu (Sourires), vous vous assurerez d’abord de ma capacité à rembourser. Si vous ne le faites pas, tant pis pour vous. C’est le raisonnement que j’applique à certains organismes de crédit.

L’UDI a fait une proposition qui paraît raisonnable. Certes, elle est répétée ; certes, elle peut lasser. Mais ses dispositions pourraient entrer en vigueur au bout de dix-huit mois environ, si vous faites les bons choix sur l’identifiant. On pourrait ainsi gagner un peu de temps puisque, si j’ai bien compris, ce n’est qu’au premier semestre 2013, en comptant la navette parlementaire, que ce fichier pourrait être éventuellement adopté dans un texte présenté par le Gouvernement.

À rebours du jeu parlementaire parfois curieux qui donne plus d’importance aux auteurs qu’au contenu du texte, le Gouvernement s’est en tout cas montré ouvert à la création d’un fichier. Le plus tôt sera le mieux, croyez moi. J’espère que vous ne serez pas bloqué dans cet exercice par de puissants lobbies ou intérêts. Je veux le dire dans cet hémicycle, n’ayant pas la faculté de le faire ailleurs, vous imaginez bien pourquoi : il existe des fichiers tenus par la BNP, qui dispose de Cetelem, et par le Crédit agricole, propriétaire de Sofinco, via de grands commercialisateurs comme le groupe Carrefour. Ces fichiers propriétaires contreviennent aux libertés publiques. Ils ne sont pas contrôlés. Je préférerais un fichier public qui garantisse les libertés individuelles, protège une partie considérable des personnes qui entrent en surendettement et enfin, ouvre les possibilités de crédit à ceux qui en sont privés par les pratiques des organismes de crédit. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. Yannick Favennec. Excellent !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission. En tant que président de la commission, je veux juste rappeler que le sujet du fichier positif avait déjà été abordé dans la loi « Chatel ». Ce n’est donc pas une question nouvelle pour les socialistes.

Par ailleurs, vous avez déposé une proposition de loi avec M. Morin alors que vous apparteniez à la majorité.

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. En 2004 !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. À l’époque, vous n’aviez pas pu faire aboutir le texte. La grande différence entre nous sur cette question, qui ne nous oppose pas de façon majeure puisque votre position a évolué au sein de votre groupe, notamment par rapport à celle qu’avait défendue Jean Dionis du Séjour, est que dès l’année prochaine un texte sera voté en la matière – la majorité, avec M. le ministre Benoît Hamon, en a pris l’engagement.

Vous aviez déposé une PPL, qui n’a pas été votée par la majorité à laquelle vous apparteniez. Notre proposition, elle, sera votée puisque nous sommes dans la majorité. C’est toute la différence qu’il y aura entre nous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je tenterai de répondre assez brièvement et de revenir à l’essentiel.

Monsieur Zumkeller, je ne vous fais pas le « coup » d’une énième commission ou le « coup » des droits de l’homme, encore que saisir la CNCDH, c’est s’assurer que ce fichier, que nous pourrions souhaiter mettre en œuvre en 2013, ne sera pas contradictoire avec une liberté fondamentale. Voilà pourquoi j’ai sollicité la CNCDH parce que je pensais que son avis, qui devrait être rendu prochainement, en janvier, était important.

Les arguments de M. Lagarde sont justes. La CNIL n’a jamais rejeté la création d’un fichier positif ; elle a simplement émis un certain nombre de réserves, qu’elle propose au législateur de contourner s’agissant notamment de la capacité d’une centrale à gérer un fichier de 25 millions de personnes et de l’utilisation qui pourrait être faite de ce fichier. Nous tiendrons compte de cet avis.

Il ne s’agit donc pas de faire un « coup » avec une proposition de loi sur le fichier positif si cela ne doit pas marcher. Notre objectif commun est de traiter le surendettement et, si nous mettons en place un fichier positif, de faire en sorte que celui-ci fonctionne.

J’ai cru comprendre que Mme Le Calennec n’avait pas exprimé une opposition de principe au fichier positif, mais qu’elle avait demandé une évaluation de la loi Lagarde. La DGCCRF a d’ailleurs commencé d’évaluer, sur le terrain, la mise en œuvre de cette loi, qui était une première étape dans l’encadrement du crédit à la consommation. Les premières conclusions montrent que l’offre alternative – crédit amortissable ou crédit renouvelable – ne fonctionne pas comme le législateur l’aurait souhaité. Aussi faudra-t-il peut-être se doter d’instruments supplémentaires.

Parmi ceux-là, pourquoi pas ce registre national du crédit ? Là encore, l’honnêteté commande de dire que la CNIL a émis des réserves quant au recours au NIR. Il existe d’autres possibilités, comme l’utilisation du FICOBA. La CNIL s’exprimera et le Gouvernement vous fera des propositions, le législateur restant souverain. Mais je ne crois pas que quiconque ici cherche à s’abriter derrière la CNIL pour refuser le fichier positif. Nous voulons simplement que ce fichier fonctionne. Si les conditions sont réunies, nous proposerons alors la création d’un registre national du crédit dans le cadre d’un projet de loi sur la consommation.

Vous voulez responsabiliser le prêteur, monsieur le rapporteur. La loi prévoit déjà que celui-ci doit s’assurer de la solvabilité de l’emprunteur en consultant le FICP. À défaut, il peut être déchu du droit à intérêts. Nous verrons si nous pouvons aller plus loin. Je ne suis pas sûr que la proposition que vous faites d’exiger le remboursement du capital passe le cap du Conseil constitutionnel, puisqu’elle est susceptible d’attenter au droit de la propriété. Il y a là un sujet qui mérite d’être davantage creusé qu’il ne l’a été jusqu’à présent.

Vous avez évoqué le rôle de la Banque de France. Celle-ci, effectivement, se réorganise, mais ne me parlez pas de plan social, monsieur le rapporteur ! Le seul plan social que je connaisse, et que vous avez voté, c’est la suppression de 160 000 postes de fonctionnaires entre 2007 et 2012. Cette réorganisation de la Banque de France se fait selon certains principes. Il y aura des bureaux d’accueil et d’information pour traiter le surendettement dans tous les départements, dès lors que le nombre de visites annuelles sera supérieur à 1 000.

Je retiens à cet égard votre proposition quant aux dossiers incomplets. Il ne faut pas que, demain, des ménages surendettés ne reviennent pas faute d’avoir pu remplir leur dossier, parce qu’ils sont confrontés à des difficultés personnelles ou qu’ils n’en ont pas les moyens. C’est une question importante, que mes services traiteront.

Mme Sas, M. Zumkeller, Mme Le Callenec, M. Serville ont soulevé la question de la CNIL. M. Tardy a parlé des zones grises de la loi Lagarde. M. Blein et Mme Dubié ont parlé de la nécessité d’une approche globale. Je veux insister sur ce dernier point.

Certains ont laissé entendre que ce Gouvernement serait sensible à je ne sais quel lobby. J’espère que lorsque je défendrai l’action de groupe dans le cadre du projet de loi sur la consommation, je retrouverai sur tous ces bancs, notamment ceux de l’UDI, des soutiens. Quand il s’agira de protéger les consommateurs contre ces grands groupes qui, par la rente et par des pratiques anti-concurrentielles, lèsent les consommateurs, il y aura des pressions et du lobbying, notamment du monde économique. Nous verrons alors qui nous soutiendra dans cette entreprise.

L’action de groupe est un instrument qui manque aujourd’hui en France. Je le regrette. Nous mettrons en place un dispositif « à la française », qui ne sera pas la copie du modèle américain un peu perverti, où l’action de groupe, qui pour l’essentiel sert à rémunérer des cabinets d’avocats et des chasseurs de prime, ne protège pas efficacement les consommateurs. Je rappelle que l’action de groupe avait été voulue par Jacques Chirac, mais n’avait pas fait l’objet d’une loi, qu’elle a été voulue par Nicolas Sarkozy, mais qu’elle n’a pas été présentée au Parlement. François Hollande la souhaite, je la proposerai l’année prochaine. Elle complétera, dans le projet de loi sur la consommation, les dispositions en matière d’encadrement du crédit à la consommation, de procédure de lutte contre le surendettement, de sanction par la DGCCRF des clauses abusives de certains contrats et d’un certain nombre d’infractions de la part de professionnels.

Je vous demande aujourd’hui de rejeter cette proposition de loi. Elle paraît insuffisante et ne présente pas toutes les garanties pour la création d’un fichier efficace. Le Gouvernement, d’ici le dépôt du projet de loi sur la consommation, s’efforcera de réunir toutes ces garanties pour vous proposer, en temps et en heure, la création d’un registre national du crédit. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte dont l’Assemblée a été saisie initialement, puisque la commission n’a pas adopté le texte.

Article 1er

Mme la présidente. Sur l’article 1er, je suis saisie par le groupe Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Marie-Lou Marcel, inscrite sur l’article.

Mme Marie-Lou Marcel. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, chers collègues, l’article 1er vise à introduire dans le code de la consommation une clause tendant à placer le prêteur face à ses responsabilités. En effet, dans le cas où l’emprunteur serait non solvable, alors même qu’il est notoirement dans une situation financière délicate, le créancier ou le prêteur ne pourraient exercer de procédure de recouvrement à son encontre s’ils n’ont, au préalable, vérifié sa solvabilité.

C’est un article de bon sens, mais qui ne permet guère d’aller bien loin dans la lutte contre le surendettement. En effet, puisque c’est contre le surendettement que cette proposition de loi entend lutter, notamment contre le surendettement causé par l’accumulation de crédits, il aurait fallu d’emblée être plus ambitieux et s’attaquer aux vrais fautifs : les crédits revolving.

Sous la précédente législature, le groupe SRC avait déposé une proposition de loi visant à interdire ce type de crédits. À l’époque, les élus du Nouveau Centre avaient voté contre cette proposition, pourtant tout à fait opportune pour lutter contre le surendettement.

Quant au constat dressé des causes de surendettement, il est déjà caduc. En effet, des études ont démontré que les dossiers de surendettement présentaient de nouvelles caractéristiques, avec une hausse très sensible des dettes locatives et des dettes contractées auprès des fournisseurs d’énergie.

Or, dans ces deux domaines, le logement et l’énergie, vous avez manifesté votre désaccord à l’annonce des mesures gouvernementales – je pense notamment à celles visant à encadrer le prix des loyers et à ne pas relouer à un prix supérieur à celui du marché. En outre, vous avez voté contre la proposition de loi visant à instaurer un tarif progressif de l’énergie, qui avait pour grand mérite d’étendre très largement le nombre de bénéficiaires des tarifs sociaux.

Cet article est donc beaucoup trop timide pour lutter efficacement contre le surendettement. C’est pourquoi je fais confiance au futur projet de loi sur la consommation qui sera présenté par le Gouvernement, pour une approche globale de la protection du consommateur. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Borloo.

M. Jean-Louis Borloo. Madame la présidente, monsieur le ministre, ce sujet nous tord les boyaux à tous, ici. On connaît la spirale infernale : elle est compliquée à inverser.

Mme Neiertz a fait beaucoup. Il y a quelques années, nous avons voulu étendre la faillite civile – cette forme de nouveau départ – d’Alsace-Moselle à tout le territoire. Mais nous nous sommes fait, si j’ose dire, rattraper par la patrouille : les commissions de surendettement ont continué à œuvrer parce que les administrateurs judiciaires n’étaient pas assez bien payés.

Je connais donc toutes vos difficultés, monsieur le ministre, mais vous nous resservez ici les mêmes éléments de langage, que j’ai dix fois entendu répéter par la haute fonction publique de Bercy, alors que je pensais sincèrement qu’avec votre arrivée dans ce ministère, les choses allaient changer !

M. Hervé Morin. Eh oui ! Vous êtes déjà pris dans le carcan de l’administration !

M. Jean-Louis Borloo. Je suis au regret de constater qu’avec les mêmes arguments on va taper « à suivre ». Je ne doute pas que votre texte sera valeureux et que vous retrouverez pour le défendre vos accents de tribun, mais je regrette qu’une fois de plus on ne fasse pas ce qu’il faut, comme je regrette que, à l’issue du vote de tout à l’heure, le prix du gaz continue d’être indexé sur le pétrole et qu’il continue d’augmenter. Je regrette vraiment cet après-midi ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix l’article 1er.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 74

Nombre de suffrages exprimés 74

Majorité absolue 38

(L’article n°1er n’est pas adopté.)

Article 2

Mme la présidente. Sur l’article 2, je suis saisie par le groupe Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Christophe Borgel, inscrit sur l’article.

M. Christophe Borgel. Avec cette proposition de loi, vous souhaitez, monsieur Lagarde, envoyer un double signal. D’abord, et principalement, aux ménages surendettés – ce qui est aussi notre volonté, comme l’ont montré nos débats ; ensuite, aux organismes bancaires, dont vous soulignez la responsabilité, responsabilité trop souvent minorée par la précédente majorité et, aujourd’hui encore, par nos collègues de l’UMP qui sont intervenus.

Aux ménages surendettés, vous nous proposez en quelque sorte aujourd’hui d’adresser un message d’espoir. Mais, parce que votre proposition de loi est incomplète, parce qu’elle fait du fichier positif une solution par trop magique car prise isolément, elle risque de faire naître un espoir qui ne sera malheureusement pas suivi d’effet.

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. C’est le contraire !

M. Christophe Borgel. Et parce que le ministre s’est engagé, dès le début de cette discussion puis dans sa réponse aux orateurs, à nous présenter dans des délais brefs un projet plus large, plus complet et donc plus protecteur, notre majorité a raison de le suivre.

Je veux remercier le président de la commission des affaires économiques d’avoir rappelé au Gouvernement que notre majorité parlementaire ne se bornait pas à renvoyer les textes en discussion à des projets plus complets et plus précis.

M. Jean-Louis Borloo. Mais si, la preuve !

M. Christophe Borgel. C’est parce que l’engagement du ministre est ferme et que les discussions avec la majorité parlementaire ont commencé que nous savons qu’il ne s’agit pas d’une vaine promesse.

Nous ne sommes pas par principe opposés à la création d’un tel fichier. (Exclamations sur les bancs du groupe UDI.) Mais la discussion, en commission et dans cet hémicycle, a montré qu’il nous fallait encore travailler pour faire aboutir cette idée, convaincre les associations et ceux de nos collègues qui ne le sont pas.

Enfin, monsieur le rapporteur, vous nous dites que rien n’a changé en matière de discussion des propositions de loi, entre l’actuelle majorité et la précédente, mais la majorité a adopté aujourd’hui une proposition de loi que vous avez présentée, ce qui est assez novateur ; Vous devriez souhaiter que les débats d’aujourd’hui enrichissent le travail de demain, plutôt que de conclure, comme vous l’avez fait, votre réponse sur une note politicienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Valax.

M. Jacques Valax. Au risque de tenir des propos que notre rapporteur qualifiera de stéréotypés, je reprendrai un certain nombre d’arguments qui sont, malheureusement et nonobstant ce que vous en pensez, monsieur Lagarde, fondés et objectifs.

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. Il faut assumer !

M. Jacques Valax. Votre fichier positif doit obligatoirement être précisé et sécurisé. Il doit être inséré dans un dispositif plus complet – c’est l’un des reproches essentiels que nous faisons à votre proposition de loi.

Les inconvénients du fichier que vous proposez sont connus. Il s’agit d’abord des atteintes potentielles aux libertés publiques, qui ont d’ailleurs conduit des associations de consommateurs à s’opposer fortement à son instauration.

Il peut ensuite conduire les banques à des pratiques de démarchage, sachant que le nombre de Français fichés passerait de 220 000 à 25 millions !

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. Il n’y a aucun risque !

M. Jacques Valax. À l’heure où nous devons être particulièrement attentifs à nos finances publiques, le coût de ce dispositif ne serait pas neutre : il est évalué entre 15 et 20 millions d’euros pour la seule Banque de France, et ses coûts de fonctionnement pour les banques s’élèveraient à 30 ou 40 millions d’euros. On sait que ce coût serait immédiatement répercuté sur les contribuables et les consommateurs, obligés de financer un dispositif dont l’efficacité reste à prouver.

La CNIL enfin, dans son rapport, a réitéré de manière très claire ses réserves de principe quant à l’utilisation d’un tel fichier. Lutter contre le fléau du surendettement, oui ; mais il faut prendre davantage de temps pour mûrir cette question. Il nous faut continuer les consultations, et aborder la question du surendettement dans toutes ses dimensions.

Si notre objectif commun reste bien la lutte contre le surendettement, les associations de consommateurs proposent pour ce faire d’autres pistes, notamment l’instauration d’une véritable action de groupe. Tel est notre souhait et telles sont les raisons pour lesquelles nous n’irons pas plus loin ce soir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. C’est une erreur !

Mme la présidente. La parole est à M. Francis Hillmeyer.

M. Francis Hillmeyer. Un dossier de surendettement est déposé toutes les deux minutes à la Banque de France, avec des conséquences économiques et sociales difficilement réversibles, a fortiori en ces moments de crise. C’est pourquoi je suis favorable à l’instauration d’un tel fichier.

En Alsace, M. Jean-Louis Kiehl, président de l’association CRESUS, fait face, chaque jour, à des dossiers qui auraient pu être traités bien en amont, évitant ainsi des situations désastreuses.

M. Jean-Christophe Lagarde, rapporteur. Écoutez la sagesse alsacienne !

M. Francis Hillmeyer. Comment peut-on tolérer que des ménages en arrivent à déposer des dossiers de 35 000 euros de dettes en moyenne, contractés sur sept crédits au minimum ? Le phénomène touche de plus en plus les classes moyennes et les seniors : ce sont les dommages collatéraux de la crise.

Ce que veut instaurer cette proposition de loi, c’est un fichier type FICOBA, déjà validé par la CNIL. L’Allemagne, la Belgique et les Pays-Bas utilisent des fichiers similaires avec de bons résultats. Il s’agit d’une méthode rapide à mettre en place, qui permettrait de résoudre les difficultés évoquées.

Je souhaite rappeler en conclusion que ce fichier a été promis par les deux candidats à la présidence, et qu’il s’agit d’un outil plébiscité par l’opinion. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix l’article 2.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 87

Nombre de suffrages exprimés 87

Majorité absolue 44

(L’article n° 2 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des articles de la proposition de loi.

L’Assemblée ayant rejeté tous les articles de cette proposition de loi, il n’y aura pas lieu de procéder au vote solennel décidé par la conférence des présidents.

4

Égalité d’accès aux soins
sur l’ensemble du territoire

Discussion d’une proposition de loi

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Philippe Vigier, visant à garantir un accès aux soins égal sur l’ensemble du territoire (nos 284, 401).

Présentation

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, rapporteur de la commission des affaires sociales.

M. Philippe Vigier, rapporteur de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre des affaires sociales et de la santé, madame la présidente de la commission des affaires sociales, mes chers collègues, s’il est un sujet important, c’est bien celui de l’accès aux soins sur l’ensemble de notre territoire.

Je partirai d’un constat partagé : jamais le nombre de professionnels de santé n’a été aussi élevé ; jamais les inégalités territoriales n’ont été aussi importantes. Pire encore, celles-ci s’aggravent.

Il est donc urgent de réagir face à cette question qui dépasse très largement les clivages traditionnels. C’est la raison pour laquelle je reviens devant vous cet après-midi avec cette proposition de loi que j’avais déjà déposée en janvier dernier.

Le Président de la République, dans son discours de clôture du congrès de la Mutualité française, le 22 octobre dernier, a dressé un constat sans appel de l’accès aux soins dans notre pays, rappelant que « dans certaines zones rurales, dans certains quartiers défavorisés il est devenu très difficile et parfois même impossible d’avoir recours à certains spécialistes dans un délai raisonnable, de trouver un généraliste, voire même d’accéder en temps utile à des structures de soins ».

Le groupe socialiste soulignait voilà quelques mois, par la voix de Jean-Marie Le Guen, que cette question de l’accès territorial aux soins « est essentielle et qu’elle sera encore plus angoissante » – j’insiste sur ce mot – « dans les mois et les années qui viennent en raison de l’absence totale de réponses et de l’évolution de la démographie médicale ». Mes chers collègues, vous le savez, les généralistes, les spécialistes, la population et les élus s’émeuvent un peu plus chaque jour de voir la situation s’aggraver.

Le 29 mai dernier, madame la ministre, le Conseil national de l’Ordre des médecins déclarait que les nouveaux sortants de la faculté de médecine seraient tenus d’exercer, pendant une période de cinq ans, leurs fonctions dans leur région de formation.

Le groupe UDI auquel j’appartiens a rappelé dans la précédente législature et rappelle aujourd’hui encore avec force que l’inégalité dans les territoires, c’est la santé – au-delà du très haut débit dont nous parlerons par la suite. Vous-même, madame la ministre, qui êtes originaire d’une région que nous avons en commun, la région Centre, cette question, vous la connaissez très bien :…

M. Thierry Benoit. Bien sûr, et elle connaît la solution !

M. Philippe Vigier, rapporteur. …s’il y a une faculté de médecine, toute la région est sous-dotée, sauf la ville de Tours.

Oui ou non, sommes-nous restés les bras croisés, majorité et opposition d’hier et d’aujourd’hui ? Pas du tout. Mais si des mesures ont été prises, elles se révèlent insuffisantes. Ce que disait Jean-Marie Le Guen le prouve aisément.

Le numerus clausus a été augmenté, certes, mais insuffisamment. Or on sait très bien que, pour former un médecin, il faut dix ans. Donc, entre le moment où l’on prend la décision et celui où l’on commence à enregistrer ses conséquences positives, il s’écoule un délai très long.

Pour ce qui concerne les épreuves classantes nationales, j’ai relu ce que déclaraient à l’époque les doyens d’université : en mettant en place ces épreuves, ce serait, disaient-ils, formidable car on régulerait ainsi l’installation. Échec et mat ! L’ensemble des dispositifs incitatifs prévus en Eure-et-Loir, mon département, qu’il s’agisse des bourses, des locaux mis à la disposition des étudiants, des exonérations fiscales mises en œuvre dans certaines communes, voire même de l’appel à des médecins roumains, n’a rien changé. On a tout fait. Pour autant, la désertification médicale s’est encore aggravée.

La précédente majorité avait lancé des contrats d’engagement de service public : 400 avaient été signés avec quelque difficulté. Aujourd’hui, le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit que 200 jeunes diplômés pourront bénéficier d’un nouveau dispositif. Malheureusement, madame la ministre, je vous le dis avec gravité, ces mesures ne sont pas à la hauteur des enjeux. Il faut un nouveau contrat. Et ce contrat, nous devons l’élaborer ensemble.

La proposition de loi que j’ai déposée, qui a été un peu modifiée entre la première et la seconde mouture, part d’un principe simple, fondé sur le vécu, car si j’ai passé beaucoup de temps à faire les auditions nécessaires pour la rédiger, je connais bien le corps médical non seulement pour en faire partie, mais également pour être issu d’une fratrie qui lui a donné tout son temps et pour être également le père d’enfants qui s’y sont très largement impliqués.

Si j’en reviens d’abord à la régionalisation de l’internat, c’est parce que cet internat, qui est celui que j’ai passé, marchait bien. Qu’on ne me dise pas d’ailleurs, s’agissant de l’internat national classant, qu’il n’y a pas de restrictions au niveau du choix. Celui qui est quatre millième ne fera pas la spécialité qu’il veut dans la région qu’il veut. Dans sa région, il aura des semestres imposés à tel ou tel endroit. Un stage pratique de deux semestres dans un centre de santé, dans une maison médicale, dans un centre hospitalier, cela rappellera l’externat à ceux qui l’ont connu : c’était un bon moyen de fidéliser des étudiants et de les ancrer dans un territoire.

La création d’un internat régional avec un numerus clausus régional permettrait d’éviter comme à Tours, par exemple, il y a encore deux ans – vous le savez, madame la ministre –, qu’il y ait plus de postes ouverts que d’internes en médecine pour les occuper. Il y avait soixante-dix postes d’IMG – d’internes de médecine générale – vacants.

Quant à l’installation provisoire de trois ans que je demande à l’issue de la formation, ce serait, me dit-on, dramatique. Mais si vous lisez bien mon texte, je propose que cette mesure ne s’applique qu’en 2020. Il n’y a pas de changement du contrat actuel : simplement, l’étudiant qui commence son cycle de médecine saura que lorsqu’il passera son internat en fin de sixième année, démarreront alors ses trois années d’installation dans la région dans laquelle il a été formé.

Si je propose ce dispositif, c’est parce que l’âge moyen de l’installation d’un médecin est de trente-neuf ans. Que fait-il en effet entre vingt-huit et trente-neuf ans ? Des remplacements. Serait-ce dramatique dans ces conditions qu’il passe trois ans dans une région de sous-densification médicale, et pas forcément sur un point fixe ?

Madame la ministre, la ville d’Orléans qui souffre de sous-densification médicale est-elle un trou ? Pourtant, on y a fermé un service de neurochirurgie il y a quelques mois – avant, il est vrai, que vous ne soyez en responsabilité.

S’agissant de la régulation de l’installation des médecins, je crois avoir été très modéré dans ce que j’ai écrit puisque je ne propose pas d’interdiction. Simplement, si quelqu’un décide de s’installer dans une région de surdensification, il ne sera pas conventionné.

Vous aurez certainement observé que par rapport au texte précédent, les infirmiers, qui se sont engagés dans une voie, semble-t-il, très positive, ne sont plus concernés par ce texte. Il en va de même pour les kinés.

Je voudrais, mes chers collègues, que l’on sorte des postures. Une telle proposition de loi n’est-elle pas déjà venue en discussion ici même ? Madame la ministre, vous étiez en effet, avec Jean-Marc Ayrault, aujourd’hui Premier ministre, cosignataire d’un texte déposé le 9 février 2011. Ce texte, relatif à l’instauration d’un bouclier rural au service des territoires d’avenir et qui proposait de subordonner l’installation des médecins à une autorisation délivrée par l’ARS dans les zones sur-denses, soulignait en effet la nécessité de « revoir sans tabou le dogme de la liberté d’installation des praticiens médicaux ». Le changement, c’est maintenant !

Quant au groupe UMP, il m’avait opposé le fait que je touchais à la sacro-sainte liberté d’installation et que c’était trop tôt. Exactement comme les socialistes qui me reprochaient, à quelques mois de l’élection présidentielle, de déposer une proposition de loi électoraliste. C’est extraordinaire ! Jean-Marie Le Guen avait dit que l’on y reviendrait en temps utile. Ce temps est aujourd’hui arrivé et c’est pourquoi me voilà devant vous.

J’ai fait état de quelques citations, mais il y a eu ici d’autres moments importants.

Au-delà de la proposition de loi du 9 février 2011 que j’ai déjà évoquée et que vous avez cosignée, madame la ministre, je reviendrai ainsi sur la loi Fourcade, sachant qu’à l’époque j’étais de ceux qui ont combattu le gouvernement.

M. Michel Issindou. Pas très vigoureusement !

M. Philippe Vigier, rapporteur. En tout cas, on m’a entendu !

C’est ainsi que Christian Paul, à propos de l’internat régional, parlait de « mesure pragmatique de bon sens », que Catherine Génisson se déclarait « très favorable à l’amendement de Philippe Vigier » et que Jacqueline Fraysse intervenait pour « soutenir » mon amendement.

Concernant l’installation sur trois années, le même Christian Paul m’indiquait : « Nous allons voter votre amendement, vous êtes courageux ».

Quant à l’autorisation de l’ARS, madame la ministre, voici ce que l’on pouvait entendre de la part de Mme Lemorton, aujourd’hui présidente de la commission : « Madame la rapporteure [il s’agissait de Mme Valérie Boyer], vous vous opposez à l’amendement de notre collègue Vigier au motif qu’une telle mesure relèverait de la « planification ». Je rappelle que la santé publique relève du pouvoir régalien de l’État. [...] Non, ce n’est pas une planification à l’excès. [...] Il s’agit simplement de permettre à chacun de nos concitoyens de se soigner correctement. » Et je pourrais continuer ainsi.

François Hollande, lui, a fait des allers et retours extraordinaires ! Alors qu’il déclarait dans une très belle interview au magazine Le Généraliste, le 30 septembre 2011 : « Je suis prêt à interdire certaines installations en zones trop pourvues en médecins », voilà que le 5 octobre – le téléphone avait dû sonner – il ne voulait pas qu’on oblige quelqu’un à s’installer en Corrèze ! Il avait donc fait machine arrière. Pourtant, dans sa proposition 22, le candidat du parti socialiste déclare qu’il faut revenir sur le dogme de l’installation.

Depuis, François Hollande se rapproche de l’objectif. Interrogé en février 2012 sur la multiplicité de ses prises de position, il explique qu’il propose de limiter l’installation des médecins en secteur 2 dans les zones sur-dotées

Vous-même, madame la ministre, disiez le 16 mars 2012 dans un entretien à la revue Egora : « le débat est ouvert. Il n’y a pas de position de principe à avoir sur le sujet ».

Mes chers collègues si j’ai cité ces propos, c’est que, sur tous ces bancs, on a conscience qu’il y a là un vrai sujet. Ma proposition de loi ne prétend pas tout régler. Mais plutôt que de voir les différents articles battus en brèche les uns après les autres, j’aurais aimé que l’on essaie d’avancer un peu. J’ai même fait des propositions pour le cumul emploi-retraite, afin que des médecins à la retraite, qui sont prêts à donner un, deux ou trois jours par semaine, suppléent des jeunes praticiens.

Madame la ministre, je vous le dis avec un peu d’émotion : je suis biologiste dans le sud de l’Eure-et-Loir, à Châteaudun. On y a enregistré trois suicides depuis un an de médecins en burn out. Vous ne pouvez pas ne plus rien faire. Nous avons, je le répète, fait venir des Roumains, nous avons ouvert des cabinets médicaux et nous allons inaugurer, dans quelques semaines, la plus belle maison médicale de la région Centre – je m’y suis particulièrement impliqué. C’est encore insuffisant. Il faut sortir du dogme.

Enfin, je crois qu’il y a un problème d’attractivité. Il faut entendre à cet égard les jeunes. Ma propre fille est, comme mon futur gendre, interne en médecine. J’aurais mauvaise grâce à ne pas les écouter. Tous deux me disent qu’eux aussi veulent faire leur vie, mais une vie différente. Ils veulent travailler en réseau, se servir de la télémédecine, passer d’une région à l’autre – ce que je propose en permettant, en troisième année d’internat, de faire deux semestres en zone sous-dotée. À mon époque, je n’ai pas eu le choix. Aujourd’hui, quand je propose l’internat régional, je pense à la possibilité de le passer dans trois régions, ce qui permet d’ouvrir le champ des possibilités.

Surtout, il faut générer de l’attractivité pour ces carrières. À l’époque, je l’avais dit à Mme Bachelot : passer de 22 à 23 euros pour une consultation est totalement insuffisant. Il y a un problème de revalorisation très important. La garantie de l’accès aux soins est un sujet – comme celui du numérique qui sera défendu par mon ami Thierry Benoit – qui angoisse la France des territoires. Nous ne pouvons pas cumuler les handicaps.

M. Thierry Benoit. Très juste !

Mme la présidente. Merci de bien vouloir conclure, monsieur le rapporteur.

M. Philippe Vigier, rapporteur. J’ose espérer que ce travail, présenté pour la seconde fois à la représentation nationale rencontrera plus de succès, même si le travail en commission a démontré le contraire. Si cela ne marche pas aujourd’hui, je reviendrai. Tôt ou tard – nombre de parlementaires socialistes l’ont d’ailleurs reconnu en commission –, une grande loi sera présentée pour traiter de ces sujets. On ne peut plus attendre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, je voudrais à mon tour insister sur la gravité du défi auquel nous sommes confrontés.

Personne, aujourd’hui, ne peut remettre en question le diagnostic tel que nous le dressons collectivement. À l’évidence, nous avons à apporter des réponses fortes à la situation dans laquelle se trouvent certains de nos territoires et donc un nombre important de nos concitoyens qui ne peuvent accéder à des soins à proximité de chez eux dans des délais raisonnables, qui ne peuvent se faire soigner en urgence de façon satisfaisante.

Le diagnostic est absolument sans appel : 200 000 médecins, c’est-à-dire plus que dans le passé, mais une concentration dans les grands centres urbains. En réalité, la ruralité commence assez vite contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, y compris dans des territoires particulièrement attractifs, comme la Côte d’Azur. Il suffit de sortir des grandes villes balnéaires pour se trouver confronté à des difficultés d’accès aux soins.

Nous devons donc faire face à des difficultés qui sont liées à la répartition des médecins sur notre territoire. Le constat est, là encore, sans appel : depuis cinq ans, ce sont deux millions de Français supplémentaires qui vivent dans des territoires dont la densité médicale est insuffisante.

Au sein même des régions, des différences existent alors que la situation va encore se dégrader très rapidement du fait des départs à la retraite attendus au cours des prochaines années. Il ne s’agit donc pas d’attendre pour prendre des mesures. C’est maintenant que nous devons faire en sorte d’engager une contre-offensive.

Contrairement aux idées reçues, les territoires ruraux ne sont d’ailleurs pas les seuls concernés. Paris et le Val-de-Marne ont enregistré la plus forte baisse de médecins de famille au cours des dernières années, avec une diminution de 16 %. Les généralistes libéraux vieillissent et la relève n’est pas assurée.

Pour autant, monsieur le rapporteur, la méthode que vous proposez est-elle la bonne ? Je ne le pense pas. Je ne crois pas à la méthode coercitive, car elle renverrait à une double erreur.

D’abord, ce serait une façon injuste d’aborder les choses puisqu’elle ferait reposer sur les futurs médecins, sur les plus jeunes, le poids de la réorganisation de notre système de santé.

Ensuite, ne préconiser de mesures coercitives qu’à l’horizon 2020, c’est-à-dire au terme des études déjà engagées par les étudiants – afin de ne pas rompre le « contrat » conclu avec eux –, empêcherait de répondre au défi qui nous est posé aujourd’hui, car c’est maintenant qu’il faut apporter des réponses vigoureuses dans nos départements et dans nos territoires.

Si, au contraire, nous proposons aux étudiants qui sont en train de terminer leurs études de s’engager dans la démarche que vous préconisez – sans attendre les générations nouvelles d’étudiants –, je ne vois pas, compte tenu du coût d’une installation, ces futurs médecins libéraux accepter de s’installer pour deux ou trois ans en zone sous-dotée. S’ils sont nombreux, aujourd’hui, à choisir d’être des remplaçants plutôt que de s’installer directement, c’est qu’au fond, ils ne se retrouvent pas dans les façons d’exercer qui leur sont proposées aujourd’hui.

C’est donc une politique incitative, au sens fort du terme, qu’il s’agit de mettre en place. Que souhaitent en effet ces jeunes médecins ? J’en ai encore rencontré tout un groupe ce matin. Tout en restant très impliqués, exerçant pour la plupart dans des territoires ruraux ou en situation difficile, ils me disaient qu’ils ne voulaient plus des horaires de travail surchargées qu’avaient connus les générations précédentes, ni devoir choisir entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle. Ils me disaient aussi qu’ils ne voulaient pas d’un exercice solitaire de la médecine, et qu’ils préféraient travailler en équipe, échanger et coopérer avec les paramédicaux, en particulier les infirmières.

Nous devons donc répondre à ces attentes pour faire en sorte que des jeunes internes et des chefs de cliniques d’aujourd’hui s’installent demain dans nos territoires ruraux ou urbains en difficulté. C’est donc une véritable mobilisation générale qu’il faut décréter pour lutter efficacement contre ce qu’il est désormais convenu d’appeler les « déserts médicaux » – même si nous sommes plusieurs ici à regretter que cette expression se soit imposée dans le vocabulaire courant.

Il faut, avec l’ensemble des partenaires, proposer des mesures innovantes et efficaces. Ma conviction, c’est que l’expertise des acteurs de terrain est irremplaçable. Il nous faut travailler avec les jeunes médecins, mais aussi avec l’ensemble des professionnels, les élus, bien évidemment, et les associations. C’est sur ce travail que je souhaite mobiliser les agences régionales de santé.

Il nous faut travailler avec les élus locaux, vous le savez mieux que quiconque. Ils ont une place déterminante pour répondre aux attentes des jeunes médecins qui s’installent dans nos territoires et dont les préoccupations ne sont pas différentes de celles des autres jeunes au début de leur parcours professionnel. Les élus doivent leur apporter des réponses concrètes en permettant le maintien de services publics locaux de qualité et un cadre de vie agréable, en répondant à des besoins de transport et de logement, en développant les crèches et les écoles.

Il nous faut également travailler en relation avec les médecins qui sont déjà installés et qui doivent davantage s’impliquer en accueillant des jeunes stagiaires. Nous savons que les stagiaires d’aujourd’hui sont souvent les médecins installés de demain. Les témoignages sont nombreux, qui indiquent la difficulté à laquelle sont aujourd’hui confrontés les étudiants pour trouver des maîtres de stage. C’est avec ces médecins installés que nous devons travailler pour leur permettre de trouver de nouveaux associés ou successeurs. C’est avec eux que nous devons jouer cette carte de l’avenir.

Votre proposition de loi, monsieur le député, me paraît donc inadaptée à la réalité des besoins de notre territoire. Il ne s’agit pas d’attendre qu’un médecin veuille bien s’installer là où nous en avons besoin ; il s’agit de faire en sorte que se crée une nouvelle organisation de notre système valorisant les professionnels prêts à s’engager dans des démarches nouvelles. Comme s’y est engagé le Président de la République, c’est dans le cadre d’une démarche d’incitation que la politique du Gouvernement se mettra en place.

Un premier temps de concertation prendra place du début du mois de décembre jusqu’à la fin du mois de janvier de l’année prochaine. Nous devons aller vite. Je présenterai dans peu de temps un ensemble de mesures que je soumettrai au débat avec la volonté qu’elles soient enrichies par l’ensemble des parties prenantes. Cette concertation sera menée dans les territoires avec les associations d’élus, les représentants des syndicats de médecins, les associations de patients et les autres professionnels de santé. Les organismes mutualistes et les fédérations hospitalières y seront évidemment étroitement associés.

Je souhaite qu’à cette concertation nationale s’ajoute un temps de déclinaison locale, car les agences régionales de santé doivent pouvoir définir de manière concertée des plans d’action précis sur chacun de nos territoires. Je souhaite d’ailleurs que l’élaboration de ces plans d’action marque un changement de l’approche qu’ont les agences régionales de santé des questions territoriales. Elles doivent passer de la mise en œuvre de mesures administratives à un véritable pilotage politique afin de répondre aux besoins de santé, avec la volonté que chacun de nos concitoyens puisse bénéficier de la même qualité d’accès aux soins partout sur le territoire. Je m’y engagerai et j’y veillerai personnellement.

Nous devons aboutir avant la fin du mois de mai 2013 à des plans d’action élaborés pour chaque territoire afin que les premières mesures soient mises en œuvre rapidement. Je pense en particulier à l’affectation de praticiens territoriaux de médecine générale dans les territoires dont nous débattons actuellement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Michel Issindou. Très bonne idée ! Excellente initiative !

Mme Marisol Touraine, ministre. Il est en effet essentiel de sécuriser l’installation de médecins libéraux dans les mois qui suivent leur sortie de l’université, de leur permettre de s’installer de façon plus confiante. Un certain nombre de mes interlocuteurs ce matin me disaient qu’aller dans un territoire rural ne pose aucune difficulté à terme pour avoir une clientèle et des revenus satisfaisants, mais que ce moment-là n’arrive pas tout de suite : il faut le temps de connaître les patients, de se faire accepter. Si l’on vient d’une région différente, on a besoin d’être sécurisé. Grâce à la mesure que la majorité a adoptée, ces jeunes médecins seront sécurisés dans leur installation au moment où ils devront faire face aux premières dépenses, aux investissements financiers les plus lourds et aux engagements du début de leur carrière.

Vous voyez, monsieur le député, je partage votre constat, mais pas les propositions de réponse que vous apportez. Vous commencez par la loi ; je préfère quant à moi commencer par la concertation et terminer par la loi pour ce qui relève de mesures législatives, non pour obliger mais pour porter les mesures qui auront été préalablement concertées et acceptées par tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, s’il y a un reproche que l’on peut adresser à Philippe Vigier et à son groupe, ce n’est pas celui de l’inconstance, puisqu’il a déjà défendu cette proposition de loi ici même en janvier dernier. Il a d’ailleurs rappelé tout à l’heure les propos tenus alors par les uns et les autres, non sans contradiction – mais l’humain est aussi fait de contradictions ! Aujourd’hui, je dois le reconnaître, il a manifesté le même enthousiasme et la même conviction qu’il y a dix mois.

M. Thierry Benoit. La même ferveur !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Philippe Vigier est d’ailleurs tout à fait fondé à le faire car sa proposition de loi est le résultat d’un travail de fond et d’un travail sérieux qui fait honneur, comme l’a souligné Henri Guaino en commission, au travail parlementaire. Nous sommes en présence, force est de l’admettre, d’un texte bien pensé et équilibré.

Équilibré car, contrairement à ce qui a pu être dit, il ne remet pas en cause le contrat moral qui lie l’État et les pouvoirs publics aux étudiants en médecine qui sont en cours de cursus. Votre proposition de loi, monsieur le rapporteur, précise bien que l’obligation pour les jeunes médecins de s’installer pour une durée minimale de trois ans dans une zone sous dense, disposition la plus coercitive du dispositif proposé, ne s’appliquera qu’à partir de 2020. Elle concerne donc des jeunes qui ne sont pas encore entrés dans le cursus. Ainsi, Philippe Vigier, vous ne changez pas les règles en cours de partie !

M. Philippe Vigier, rapporteur. Exactement !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. À m’entendre, on pourrait dès lors se demander pourquoi la commission n’a pas adopté ce texte. La raison en est très simple : nous, majorité, faisons nôtre le choix du Président de la République de privilégier la voie de la concertation et de l’incitation. Soit dit en toute transparence, c’est un débat que nous avons eu au sein de notre parti lors de la campagne présidentielle. Nous avons alors décidé de poursuivre l’incitation et même de la renforcer. Nous voulons encore croire, monsieur le rapporteur, que cette voie peut être fructueuse. Nous misons sur le fait que les médecins, tant à titre individuel que collectivement, prendront pleinement conscience de leur responsabilité vis-à-vis de nos concitoyens, qui sont aussi leurs patients.

Cette responsabilité doit leur apparaître comme évidente. Outre le fait que les longues études médicales représentent un coût important pour la collectivité, quand bien même les médecins en formation participent activement au fonctionnement de nos hôpitaux, il est clair que les revenus des professionnels de santé en général sont solvabilisés par la solidarité nationale et même par les cotisations de leurs propres patients.

M. Thierry Benoit. C’est vrai !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Même si j’ai été très critiquée en commission, je ne crains pas de répéter à cette tribune que les professionnels de santé qui exercent en libéral, dont je fais partie, ne sont pas à mon sens de vraies professions libérales au même titre que les architectes, les experts-comptables ou les avocats qui doivent, eux, démarcher leur propre clientèle pour assurer leur solvabilité, puisque leurs clients financent leurs services sur leurs propres deniers.

M. Michel Issindou. Ce n’est pas faux…

M. Michel Lefait. C’est même vrai !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Dire cela n’est nullement méprisant, comme on m’a accusé de l’être en commission. Je le dis d’autant plus aisément que, pharmacienne de profession, il me semble évident que le chiffre d’affaires de mon officine ne pourrait atteindre le même montant sans l’existence de la sécurité sociale, à la fois de son régime obligatoire et de son régime complémentaire.

Il me suffit tout simplement, pour dire cela, d’observer le fonctionnement de l’économie de la santé dans un pays comme le nôtre. Sans doute cette économie de la santé gagnerait-elle à être davantage enseignée au cours des études de tous nos professionnels de santé, afin que ces derniers comprennent bien qui les solvabilise. Cette prise de conscience me semble possible, car je ne crois pas que l’on puisse choisir une carrière médicale ou plus généralement de professionnel de santé sans témoigner d’un souci des autres et d’un grand sens de la solidarité et du dévouement.

Il est vrai que la voie de l’incitation qu’entend suivre le Gouvernement n’est pas facile. Il reste des pistes à explorer. Madame la ministre, vous avez proposé encore un autre dispositif dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale : les deux cents praticiens de proximité remplaçant par anticipation le départ de médecins pour éviter les burn out qu’évoquait M. le rapporteur.

L’incitation ne peut être efficace que si elle utilise de multiples outils. Certains d’entre eux ont été mis en place lors de la précédente législature. D’autres sont prévus dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013. Il n’y a pas de solution miracle pour résoudre la question des déserts médicaux, ruraux ou suburbains en zone sensible, mais tout un panel de mesures qui, prises isolément, pourraient paraître mineures et qui, coordonnées, se renforcent les unes les autres. De là l’extrême importance du guichet unique d’information.

L’incitation suppose une approche globale. En effet, on ne peut pas régler la question de l’incitation des médecins à s’installer dans les déserts médicaux sans aborder la question du maintien de la présence des autres professionnels de santé – qui se sentent depuis quelques semaines, je le dis entre parenthèses, un peu mis à l’écart dans les discussions tournant autour des médecins. Ce n’est pas en laissant des infirmières déserter les zones rurales ou périurbaines sensibles ni en laissant disparaître pharmacies, kinésithérapeutes et laboratoires d’analyse que l’on parviendra à convaincre des médecins de venir s’y installer.

M. Philippe Vigier, rapporteur. C’est sûr !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Au-delà de la disparition de ces professionnels de santé, l’attractivité des territoires tient aussi au maintien des services publics, comme l’a très bien précisé Mme la ministre.

Je voudrais également tordre le cou à un argument spécieux que j’entends parfois dans certains colloques de professionnels de santé : l’existence des déserts médicaux, le moindre temps consacré par les médecins à soigner ou leur répugnance à s’installer seraient, à croire certains, la conséquence de la féminisation de la profession. Faisant vibrer ma fibre féministe, je déclare ici qu’il n’y a pas que les femmes médecins qui refusent les semaines de travail de soixante heures ou plus ! Les aspirations nouvelles de meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle ou familiale sont aussi partagées par les hommes !

À l’inverse, et vous me pardonnerez d’évoquer à nouveau un milieu que je connais bien, la forte féminisation de la profession de pharmacien n’empêche pas ces professionnels de remplir leur mission et d’assurer les tours de garde rendus obligatoires par la première convention de 2006.

Nous sommes résolus à aller au bout de cette démarche incitative, et nous nous sentons tenus par une obligation de résultats. Si cette démarche, à laquelle seront consacrés tous les moyens nécessaires, n’aboutissait pas, « je saurai prendre mes responsabilités » a clairement annoncé le Président de la République. Il trouverait alors la majorité derrière lui.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Voilà des paroles courageuses !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Si les résultats ne sont pas au rendez-vous, les propositions de notre collègue Philippe Vigier, que je range, je le dis publiquement, dans un coin de ma tête, mériteront d’être réexaminées.

Mon vote défavorable aujourd’hui, comme celui de l’ensemble de la majorité présidentielle, n’est donc pas une marque de sectarisme et de rejet simpliste de tout ce qui viendrait des bancs de l’opposition. Reprenant une formule utilisée par l’un de nos collègues de la majorité en commission, je dirais que mon non d’aujourd’hui est en quelque sorte…

M. Jean-Louis Borloo. Un oui de demain !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. …un non de soutien.

En tout cas, je tiens à saluer à nouveau le courage votre courage, cher collègue Philippe Vigier – et celui de votre groupe, il faut le dire –, pour avoir osé présenter des propositions de cette nature dans le contexte un peu tendu que nous connaissons : Mme la ministre est en première ligne sur le sujet depuis quelques semaines.

Je le répète, nous avancerons sur la voie de l’incitation et nous suivrons le Gouvernement. Aujourd’hui, nous ne rejetons pas votre proposition de loi par idéologie ou sectarisme. Nous espérons seulement ne pas avoir à en débattre demain ; cela voudrait dire que l’incitation aura porté ses fruits. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Discussion générale

Mme la présidente. Dans la discussion générale, la parole est à M. Yannick Favennec.

M. Yannick Favennec. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, accès aux soins, ou encore accès à l’aménagement numérique, nous abordons aujourd’hui, grâce à deux excellentes propositions de loi de l’UDI, deux grandes problématiques du monde rural, et je m’en réjouis, moi, député de la Mayenne.

M. Christian Paul. C’est vrai que vous l’attendiez, ce texte !

M. Yannick Favennec. Relever ces défis constitue un enjeu capital mais, également, un véritable devoir pour chacun d’entre nous, élus de la ruralité ou non.

Entre ceux qui vivent à la campagne parce qu’ils n’ont pas le choix, et ceux qui viennent volontairement s’installer sur nos territoires, il y a une constante : les personnes concernées ont la volonté d’avoir accès à tous les services auxquels elles sont en droit de prétendre, en termes de santé, bien sûr, mais également en termes économiques par le biais, par exemple, d’un aménagement numérique attractif.

Leurs aspirations ne s’arrêtent pas à ces deux aspects. Les habitants des territoires ruraux veulent aussi des écoles pour leurs enfants, des routes sécurisées pour leur permettre de se déplacer. Bref, légitimement, ils souhaitent accéder à des services et à des infrastructures modernes dignes de ce début de XXIe siècle.

Il n’est en effet pas acceptable que ces personnes soient contraintes de parcourir de longs trajets pour se faire soigner, ou d’attendre des semaines, voire des mois, pour obtenir un rendez-vous avec un spécialiste. Un habitant de ma circonscription n’a pas pu obtenir de rendez-vous chez le cardiologue avant un délai de dix-huit mois – c’était pour un simple contrôle, Dieu merci ! Mais tout de même…

Il n’est pas normal non plus que la prise en charge en cas d’urgence ne soit pas à la hauteur des situations dans les territoires ruraux. Les inégalités persistantes peuvent conduire à des drames humains – l’actualité nous l’a récemment montré avec ce décès d’un bébé lors d’un accouchement dans l’urgence.

Toutes ces attentes des habitants des territoires ruraux sont justifiées mais, malheureusement, elles ne sont pas satisfaites.

En tant que député d’un territoire touché par la désertification médicale, je suis déterminé à me battre pour que l’accès aux soins soit une priorité de notre législature. Je suis reconnaissant à Philippe Vigier pour l’initiative qu’il a prise.

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. Yannick Favennec. Bien sûr, il nous faut agir sur l’attractivité de nos territoires, mais également convaincre les nombreux médecins que compte notre pays de venir s’y installer.

Depuis quelques années, l’État et les collectivités locales ont pris toute la mesure du problème et mis en place des dispositifs incitatifs. Cependant, chacun d’entre nous le sait, il faut plusieurs années pour inverser la tendance. Si nous voulons véritablement garantir un égal accès aux soins, nous devons aller plus loin que les mesures, souvent financières, qui ont été choisies et dont les effets sont limités.

La proposition de loi de notre collègue Philippe Vigier s’efforce donc de concilier le principe fondamental de la liberté de l’exercice de la profession médicale et le droit, non moins fondamental et constitutionnel, d’accès à la santé pour chaque citoyen.

Il apparaît donc essentiel de résoudre le problème des déserts médicaux dans le cadre d’un contrat entre les professionnels de santé et la société tout entière. Si la liberté d’installation reste un droit et doit demeurer un principe, il est également du devoir de l’État d’assurer une proximité raisonnable des soins. C’est bien le sens de cette proposition de loi qui vise tout simplement à trouver le bon équilibre entre la liberté des uns à construire leur vie professionnelle et le droit des autres à la protection de la santé.

Le groupe UDI tient d’ailleurs à saluer la pertinence et le pragmatisme de la démarche du député Philippe Vigier, ainsi que sa détermination sans faille dans ce domaine.

M. Michel Issindou. Il n’en manque pas !

M. Philippe Vigier, rapporteur. Je vous remercie !

M. Yannick Favennec. Les mesures proposées, de bons sens et empiriques, vont nous permettre de lutter contre la désertification médicale. Elles s’inscrivent, pour la plupart, dans la droite ligne de textes existants, mais visent à les compléter en tenant compte de la réalité du terrain.

La régionalisation de l’internat et l’adaptation régionale du numerus clausus aux évolutions prévisibles de la démographie médicale et des besoins de santé de la population sur l’ensemble du territoire, sont deux dispositions parfaitement cohérentes.

Il en va de même de la mesure qui propose un allégement des charges sociales en cas de cumul emploi-retraite dans les zones sous-dotées, et qui prolonge les dispositions de la loi Hôpital, patients, santé et territoire.

Celles-ci prévoient, notamment, qu’un directeur général de l’Agence régionale de santé peut proposer aux médecins exerçant dans des zones sur-dotées, d’adhérer à un contrat de santé solidarité. Il s’engage ainsi à répondre à des besoins de santé situés dans des zones déficitaires en offre de soins Il s’agit donc simplement d’adapter ce dispositif déjà existant aux médecins en cumul emploi-retraite, dont le nombre a plus que doublé en deux ans.

Il est également proposé qu’à l’issue de leurs études, les jeunes médecins exercent durant trois ans dans une zone déficitaire en offre de soins, dans leur région de formation. Ce peut être une bonne façon de leur faire découvrir la qualité de vie dans les territoires ruraux ou de mettre un terme aux a priori négatifs qu’ils peuvent parfois avoir.

L’article 5 qui prévoit de porter de six mois à un an la durée du stage effectué par les étudiants en médecine au cours de la troisième année d’internat, au sein d’une maison de santé pluridisciplinaire ou d’un établissement hospitalier dans une zone déficitaire de la région où ils sont formés, leur permettra de mieux s’imprégner du contexte médical du territoire et de saisir tout l’intérêt qu’il y a à y exercer.

La règle du non-conventionnement des médecins qui décideraient de s’établir dans une zone surdotée va aussi dans le sens d’une régulation territoriale.

Enfin, il est proposé un soutien adapté aux territoires ruraux en matière de pratique de la télémédecine.

Bien sûr, la proposition de loi de notre collègue ne prétend pas tout résoudre : la problématique des territoires ruraux ne se résume pas à la seule question des déserts médicaux. Il faut également renforcer l’attractivité globale de ces territoires pour que les médecins et leurs familles s’y installent, nous le savons tous. L’ensemble de notre système de soins, de son financement à son organisation doit également être repensé, et le rôle et la rémunération des professionnels de santé doivent être davantage valorisés. Ce sont, de plus, les conditions d’exercice des médecins dans les territoires ruraux qu’il nous faut améliorer.

À ce sujet, que répondre à un médecin établi en Mayenne, ou dans n’importe quel autre territoire rural, qui parcourt chaque jour de nombreux kilomètres pour exercer son activité, et qui voit ses indemnités kilométriques plafonnées suite à une mesure prise par le gouvernement auquel vous appartenez, madame la ministre ?

M. Thierry Benoit. C’est fâcheux !

M. Yannick Favennec. Inévitablement, ses charges vont augmenter et sa volonté de pratiquer à la campagne va diminuer. Ce n’est pas ce que j’appelle une disposition qui va dans le bon sens, contrairement à cette proposition de loi qui, elle, a le mérite de proposer des réponses adaptées à un sujet difficile mais fondamental.

Elle améliore des dispositifs qui ne fonctionnent pas et complète ceux qui se mettent en place dans nos territoires comme, par exemple, les maisons de santé. Elle propose des solutions idoines pour lutter contre la désertification médicale en garantissant à chaque citoyen un accès aux soins équitable, et en considérant l’ensemble des professionnels de santé. Enfin, elle signe un acte de courage politique indispensable pour répondre au défi qui est devant nous, et assumer la responsabilité que nous avons à l’égard de nos compatriotes.

Voilà, mes chers collègues, les raisons qui motivent, le soutien enthousiaste du groupe UDI à la proposition de loi de notre collègue Philippe Vigier. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. Philippe Vigier, rapporteur. Parfait !

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. Jean-Louis Borloo. Bravo !

M. Michel Issindou. Tiens, Borloo fait ses courses ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Massonneau.

Mme Véronique Massonneau. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, après un projet de loi de financement de la sécurité sociale intéressant comme première occurrence de la législature, avec notamment le dispositif expérimental du praticien territorial de médecine générale, après l’annonce par madame la ministre de la grande loi de santé publique pour l’été 2013, après la discussion des crédits de la mission « Santé » du projet de loi de finances, il m’a semblé que si un sujet pouvait se situer au-delà des clivages politiques et partisans, c’était bien la santé.

Bien sûr, nous ne partageons pas toujours les mêmes idées, et nous ne proposons pas toujours d’apporter les mêmes solutions, mais le diagnostic semble faire l’unanimité : les Français ont besoin d’une amélioration du système de santé afin de leur garantir un accès aux soins.

Cette proposition de loi visant à garantir un accès aux soins égal sur l’ensemble du territoire – sans oublier les DOM-TOM, je l’espère –, n’apporte certainement pas la solution idoine, la réponse à tous les maux dont souffre notre système de soins, mais elle a le mérite de vouloir mettre en place des actions concrètes.

Je vous l’avais dit lors de l’examen du texte en commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur : ce texte fait preuve de courage. Oui, même si les écologistes ne partagent pas toutes les mesures contenues dans votre proposition de loi, nous devons bien le reconnaître : ce sont des choix courageux.

Néanmoins, la période d’examen de ce texte me pose problème. Pendant cinq, pour ne pas dire dix années, la précédente majorité, à laquelle vous apparteniez n’a pas eu l’audace de mettre en place une véritable politique visant à résoudre le fléau des déserts médicaux. Je sais aussi, monsieur Vigier, que, lors de la précédente législature, vous aviez déjà déposé une proposition de loi semblable à celle dont nous discutons aujourd’hui. Mais force est de constater que vos anciens partenaires, Mme Nora Berra, alors secrétaire d’État, en tête, n’avaient pas vraiment envie de contenter votre volonté de réformer un système qui montre certaines de ses limites.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Tous les ministres peuvent se tromper !

Mme Véronique Massonneau. Je ne demande pas l’adoption de la proposition de loi de M. Vigier, du moins pas en l’état, mais certains articles méritent peut-être un meilleur sort que le rejet pur et simple.

L’article 1er vise à modifier le numerus clausus pour prendre en compte la pénurie de médecins dans certaines zones. L’obligation de se référer à la situation réelle du territoire pour définir le numerus clausus, va entraîner une augmentation de ce dernier dans des zones sous-médicalisées et, par un effet inverse, une diminution ou, du moins, une stagnation pour les zones sur-dotées ou suffisamment dotées. Dans le but de mieux répartir les médecins sur le territoire, et donc de combattre les déserts médicaux, il s’agit d’une mesure plutôt encourageante.

L’article 2 vise à obliger tout interne à effectuer un an de stage dans une maison de santé pluridisciplinaire, un pôle de santé ou un établissement de santé dans une zone sous-médicalisée. Je trouve l’initiative intéressante et pertinente. J’avais eu l’occasion, durant l’examen du PLFSS, de parler du dispositif mis en place dans ma circonscription. Deux communes rurales ont créé un centre de soins avec le soutien de l’agence régionale de santé. Ce centre regroupe de nombreuses activités médicales – s’y retrouvent des kinésithérapeutes, des généralistes, des sages-femmes, des pharmaciens –, et il accueille des internes qu’il forme. Les praticiens échangent sur la prévalence des pathologies dans leur patientèle et forment à l’éducation à la santé et à la prévention. Ces internes reviennent souvent à la fin de leurs études comme remplaçants, deux d’entre eux vont même devenir titulaires. Mettre en place de tels réseaux grâce à des stagiaires est donc très intéressant.

Je ne suis généralement pas très favorable au fait d’imposer des obligations, mais dans le cas présent, pour un stage d’une durée déterminée assez courte, cela peut se transformer en mesure d’incitation pour que l’interne s’installe sur le territoire concerné. Il peut donc s’agir d’une bonne mesure.

Les articles 6 et 7, construits sur le même modèle, visent à soumettre toute installation d’un nouveau cabinet de médecins ou de chirurgiens-dentistes à une autorisation préalable de l’Agence régionale de santé. Suivant le principe de la licence qui régit l’installation des pharmacies, cette régulation permettrait à l’ARS de limiter les installations en zones sur-dotées et de favoriser ainsi une meilleure répartition sur le territoire régional, sans imposer pour autant un lieu d’installation. Cette disposition semble pertinente : même si elle revient clairement sur la liberté d’installation, l’un des piliers de la médecine libérale, l’exemple des pharmaciens montre que cela n’est pas contraire au développement de la profession.

Enfin, l’article 11, qui vise à développer la télémédecine afin de désencombrer les médecins des pathologies bénignes ne nécessitant pas réellement de suivi médical, est une bonne idée.

Si les articles dont je viens de parler, monsieur le rapporteur, recueillent notre accord, plusieurs points, comme je vous l’ai dit en commission, sont à revoir.

Ainsi, l’article 3 vise à limiter la mobilité des étudiants lors du concours de l’internat. Je ne peux vous reprocher l’objectif de cet article, qui veut s’assurer, via la régionalisation du concours, d’une répartition plus équitable des internes entre les territoires. Mais il me semble difficilement acceptable d’imposer à des jeunes, à des étudiants, l’endroit où ils doivent faire leur vie. De plus, ce serait assez contraire à la réalité des étudiants actuels et pourrait poser des problèmes, ne serait-ce que pour leurs choix personnels.

L’article 4 vise à abaisser les charges sociales des médecins ayant dépassé l’âge légal de départ à la retraite continuant d’exercer dans une zone sous-médicalisée. Encore une fois, je ne peux vous reprocher l’objectif poursuivi, mais la méthode ne me semble pas la plus adaptée. Elle pourrait avoir un caractère contre-productif sur l’installation de jeunes médecins, et rien ne prouve que cette niche fiscale ait un véritable pouvoir incitatif. Vous avez défendu cette mesure à l’occasion d’un amendement sur le PLFSS et nous vous avons déjà fait part de notre opposition.

L’article 5 est un point clé de votre proposition de loi. Il vise à obliger les jeunes diplômés à exercer pendant trois ans dans des zones sous-dotées en médecins. Cet article va à l’encontre du principe d’incitation développé par Mme la ministre dans le PLFSS via le dispositif expérimental du praticien territorial de médecine générale. Nous avons appuyé ce dispositif, approuvant particulièrement son caractère incitatif et non coercitif. Nous continuerons à soutenir cette voie que Mme la ministre a confirmée hier, lors de la séance de questions au Gouvernement.

Sur ces trois articles, nous avons donc déposé des amendements de suppression.

Il existe un autre point négatif dans la présente proposition de loi, mais il s’agit cette fois d’un manque : l’encadrement des dépassements d’honoraires. Le 16 octobre dernier, l’UFC-Que choisir présentait ce qu’elle a appelé « la carte de l’intolérable fracture sanitaire ». Cette carte représente les disparités géographiques de l’offre médicale en France. La grande innovation est qu’elle prend en compte, outre l’accès géographique, les dépassements d’honoraires. Les conclusions sont claires : il existe des déserts médicaux particulièrement importants pour les spécialistes. Si 5 % de la population est touchée par une difficulté d’accès à un médecin généraliste, les chiffres pour les pédiatres, gynécologues et ophtalmologistes sont beaucoup plus inquiétants, mais ces chiffres ne sont encore que ceux des déserts géographiques. Si l’on y ajoute l’accès aux médecins ne pratiquant pas de dépassements d’honoraires, la pénurie se démultiplie. Les déserts médicaux gynécologiques passent de 14 à 54 %, les déserts ophtalmologiques de 13 à 45 %, et, pour les pédiatres, les chiffres passent de 19 à 28 %. Outre la difficulté d’accès, les Français les moins favorisés se retrouvent donc contraints pour des raisons financières de renoncer aux soins. C’est absolument inacceptable.

Je suis bien consciente, madame la ministre, que vous avez mené de véritables discussions avec les médecins afin de réduire les dépassements d’honoraires, et vous avez obtenu une première avancée, il est vrai. Mais nous considérons qu’il faut aller encore plus loin, et c’est l’objet d’un amendement que nous avons déposé, visant à limiter ces dépassements à 40 %. Cette mesure nous paraît indispensable pour lutter efficacement contre les déserts médicaux.

Vous l’aurez compris, chers collègues, nous voterons pour les points forts de ce texte et en rejetterons les points sur lesquels nous sommes en désaccord.

Mme Eva Sas. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Roger-Gérard Schwartzenberg.

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par notre collègue Philippe Vigier du groupe UDI correspond, beaucoup l’ont dit avant moi, à un problème réel et préoccupant : l’aggravation du phénomène des déserts médicaux dans les campagnes et aussi, peut-être surtout, dans les banlieues défavorisées.

Certains secteurs sont en effet sous-médicalisés. Les habitants des territoires ruraux et ceux des zones périurbaines sont trop souvent confrontés à la désertification médicale. Les inégalités d’accès aux soins s’y aggravent sensiblement. Cette fracture médicale entre territoires est une nouvelle forme – géographique, celle-là – de la fracture sociale qui ne peut être acceptée.

L’on peut d’autant moins s’y résoudre que la protection de la santé est une obligation d’ordre constitutionnel. Comme vous le savez, le préambule de notre Constitution fait référence à celui de la Constitution de 1946 qui dispose, à son alinéa 11, que la nation garantit à tous la protection de la santé.

Le 2 février dernier, en clôture d’un forum sur la santé, l’actuel Président de la République a déclaré : « L’objectif, c’est celui de l’égalité d’accès aux soins partout sur le territoire, où que l’on vive, dans un secteur rural, dans un quartier sensible, en centre ville. Une offre de soins de proximité doit être garantie. » De même, le dix-neuvième de ses soixante engagements pour la France est ainsi rédigé : « Pour lutter contre les déserts médicaux, je favoriserai une meilleure répartition des médecins par la création de pôles de santé de proximité dans chaque territoire. »

Chacun est donc d’accord sur l’objectif, qu’on pourrait appeler la santé partout et pour tous, mais reste l’essentiel : quelles modalités ? Quelles mesures prendre pour atteindre ce but ? Celles proposées par le groupe UDI ne peuvent être retenues, car elles reposent sur une stratégie de contrainte envers les professionnels de santé. Ce qui peut d’ailleurs étonner de la part du groupe UDI, héritier putatif de l’UDF et du giscardisme, donc du « libéralisme avancé ».

L’article 5 de cette proposition de loi prévoit qu’à partir de 2020, tout nouveau docteur en médecine désireux d’exercer à titre libéral devra obligatoirement s’installer pour au moins trois ans dans un secteur géographique sous-doté, disposant, donc, d’un nombre insuffisant de médecins pour répondre aux besoins de la population en termes d’accès aux soins.

Par ailleurs, les articles 6 à 10 de cette proposition de loi soumettent l’exercice de la médecine, de la chirurgie dentaire, des professions de sage-femme, d’infirmier libéral, de masseur-kinésithérapeute à l’octroi d’une autorisation d’installation délivrée par le représentant de l’État et le directeur général de l’Agence régionale de santé, selon des critères de démographie médicale.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Non, ce n’est pas vrai !

M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Ces dispositions comportent donc une contrainte forte.

L’exposé des motifs est d’ailleurs ainsi rédigé : « Ces articles permettront de se laisser la possibilité d’interdire les créations et transferts de cabinets ayant pour conséquence de conduire au dépassement d’un nombre plancher de professionnels de santé pour 100 000 habitants. » Et d’ajouter : « Les professionnels de santé qui contreviendraient à ces règles d’installation ne verraient plus leurs actes remboursés par la sécurité sociale. »

De telles règles seraient d’une rigueur excessive et leur application risquerait d’avoir un caractère discrétionnaire. De surcroît, elles s’exposeraient, en pratique, à être contournées et seraient par conséquent vouées à l’échec. Cette méthode n’est donc pas satisfaisante.

Là comme ailleurs, les députés du groupe RRDP préfèrent le débat au diktat et le contrat à la contrainte. Il convient d’aboutir, par le dialogue et la concertation, à des mesures qui fassent l’objet d’un consensus entre les pouvoirs publics et les organisations professionnelles concernées. De même, nous considérons que ces mesures ne doivent pas avoir un contenu autoritaire, ne doivent pas reposer sur la contrainte mais sur l’incitation, spécialement en incitant les jeunes médecins à s’installer dans les zones sous-dotées par un soutien financier, par la garantie d’un certain niveau de revenu pendant deux ans.

Par ailleurs, la proposition entend remplacer l’internat national par des internats régionaux, au motif que l’examen national classant favoriserait « le déracinement d’étudiants de leurs régions de formation ». Non seulement cet argument ne paraît pas convaincant, mais encore cela reviendrait à supprimer un examen national de grande qualité pour le remplacer par des examens régionaux qui n’auraient sans doute pas la même valeur.

Ayant été ministre des universités, puis de la recherche, je considère qu’il faut préserver les épreuves compétitives de haut niveau. D’une part, elles garantissent la compétence, et parfois l’excellence, des candidats reçus. D’autre part, un examen national garantit l’égalité des droits et des titres entre les candidats. En revanche, des examens régionaux risqueraient d’aboutir à des diplômes de niveau très variable.

M. Vigier, l’auteur de cette proposition de loi, est, vous le savez, docteur en pharmacie et a été interne des hôpitaux de Paris, et je l’en félicite. Mais est-on sûr que le titre d’interne de la région Centre, dont il est l’élu, aurait exactement la même valeur, même si chacun apprécie évidemment Châteaudun et le château Dunois ou encore Chartres et sa cathédrale ?

Il faut donc que le même concours soit ouvert à tous les candidats, quelle que soit la région où ils ont fait leurs études. De la sorte, l’égalité des chances restera assurée et il n’y aura pas d’internes de première, deuxième ou troisième catégorie selon la réputation scientifique des diverses structures hospitalières régionales.

Mais revenons à l’essentiel. Il importe d’assurer effectivement l’égal accès de chacun aux soins, quelles que soient ses ressources et quel que soit son lieu d’habitation. Dans le pacte républicain, la santé est un droit pour le patient, et garantir ce droit un devoir pour l’État. Un devoir à remplir rapidement : à l’urgence sociale doit répondre l’urgence politique, l’urgence de la décision politique, celle qui vous incombe, madame Touraine, comme ministre des affaires sociales et de la santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gabriel Serville.

M. Gabriel Serville. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’égal accès aux soins est un sujet majeur qui nous préoccupe depuis longtemps. Aujourd’hui, pour diverses raisons, qui tiennent le plus souvent à de trop modestes revenus ou à une pénurie de professionnels de santé sur leur lieu d’habitation, près de 30 % de nos concitoyens renoncent aux soins de santé ou les retardent. Dans certains départements, comme l’Aveyron, par exemple, il faut parcourir en moyenne un trajet de quarante-cinq minutes en voiture avant de trouver un médecin…

M. Philippe Vigier, rapporteur. C’est vrai !

M. Gabriel Serville. …et, dans mon département de la Guyane, certains malades sont évacués en pirogue ou par hélicoptère après avoir attendu au moins deux heures avant d’être pris en charge.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Eh oui !

M. Gabriel Serville. Pour votre gouverne, cher collègue Philippe Vigier, sachez que la Guyane ne compte que 174 médecins pour 100 000 habitants,…

M. Philippe Vigier, rapporteur. Absolument ! Je connais bien la Guyane !

M. Gabriel Serville. …à comparer au minimum de 260 pour 100 000 habitants que vous avez relevé pour la région Picardie. C’est dire si la situation est catastrophique.

La médecine libérale est en crise. Seuls 10 % des étudiants en médecine s’installent à la sortie de leurs études, contre 45 % il y a quinze ans. Les médecins libéraux faisant valoir leur droit à la retraite ne sont donc pas remplacés et des cantons entiers sont peu à peu menacés de ce que l’on appelle la désertification médicale. Les majorités et gouvernements successifs savent pertinemment que la moitié des jeunes médecins qui terminent leurs études préfèrent exercer en contrat salarié, de préférence dans des structures collectives, c’est-à-dire exactement ce que sont nos centres de santé, qui non seulement répondent aux besoins de la population – y compris des plus démunis car les tarifs pratiqués sont ceux du secteur 1 – mais correspondent aussi aux souhaits de nombreux jeunes médecins qui veulent exercer en équipe, avec un plateau technique correct et dans un cadre sécurisé.

les Gouvernements et majorités successifs, soumis aux pressions des défenseurs acharnés du dogme de la médecine libérale pratiquée individuellement, et dont le modèle, telle une image d’Épinal, s’érode, n’ont pas suffisamment soutenu les centres de santé. Sans surprise, cette proposition de loi marque une préférence pour les maisons de santé : d’exercice libéral, elles sont financées le plus souvent avec de l’argent public,...

M. Philippe Vigier, rapporteur. C’est vrai.

M. Gabriel Serville. ...mais sans l’obligation de pratiquer le tiers-payant, d’appliquer les tarifs conventionnels, notamment les tarifs opposables, ou même de plafonner les dépassements d’honoraires. En ce sens, on demeure très éloigné de l’objectif d’égalité d’accès aux soins affiché dans le titre de la proposition.

La question de la répartition des professionnels de santé sur le territoire a, hélas, été traitée depuis des années avec incurie. En effet, après avoir diminué de façon drastique le nombre de médecins nouvellement formés, le numerus clausus a certes été augmenté, mais au compte-gouttes et il est toujours déconnecté de la réalité que vivent de plus en plus de territoires. Cher collègue Vigier, dès 2002, la majorité à laquelle vous étiez associé a remis en cause l’obligation des médecins libéraux de participer à la permanence des soins. Elle n’a jamais appliqué les très rares bonnes mesures figurant dans la loi HPST, comme le contrat santé solidarité pour des médecins exerçant dans des zones sur-dotées. Cette disposition a d’ailleurs été supprimée lors de l’examen de la proposition de loi Fourcade, et un sort identique a été réservé à l’obligation faite aux médecins de déclarer par avance leurs dates de congés à l’ordre national des médecins, au prétexte ahurissant que ce serait humiliant pour la profession médicale. Dans de telles conditions, il est impossible d’organiser les remplacements et les soins en leur absence. Si l’on ajoute à tout cela le véritable jeu de massacre qui, en dix ans, a consisté à fermer des maternités, des hôpitaux de proximité et des services d’urgences, il ne faut pas s’étonner que les médecins libéraux ne veuillent plus s’installer dans certains territoires. Car, pour travailler sérieusement et assurer la sécurité de leurs patients, ils ont impérativement besoin de disposer de plateaux techniques de proximité et de structures d’accueil et de soins.

Malheureusement, il nous semble, au groupe GDR, que les dispositions de la proposition de loi ne permettront pas de répondre au but affiché dans son titre. Certaines d’entre elles mériteraient d’être approfondies, puis insérées dans une réforme beaucoup plus globale, qui intégrerait la modulation du numerus clausus et des mesures de pilotage territorial de l’offre de soins sous forme d’autorisations administratives d’installation. En revanche, ni le stage obligatoire, en troisième année d’internat, de douze mois dans une zone sous-dotée, tel que prévu à l’article 2, ni la régionalisation de l’internat – article 3 –, ni le cumul emploi-retraite permettant à un médecin de toucher sa retraite tout en continuant d’exercer sans avoir à payer ses cotisations salariales – article 4 –, ni l’installation obligatoire des jeunes médecins en zone sous-dotée pendant trois ans à l’issue de leurs études – article 5 –, ni le développement de la télémédecine – article 11 – ne permettraient de remédier durablement à la désertification médicale. J’ai bien dit « durablement », collègue Vigier, car je ne doute pas que l’application de certaines de ces mesures pourrait apporter des réponses passagères à certains territoires.

Madame la ministre, je souscris pleinement à votre volonté de préférer l’incitation à la coercition. La contre-offensive, pour reprendre votre terme, qui se déclinera à travers votre plan d’action élaboré pour chaque territoire, me laisse entrevoir de réelles perspectives d’espoir, notamment pour les départements les plus défavorisés. La Guyane en fait bien évidemment partie, pour des raisons liées aux difficultés d’aménagement du territoire qui, hélas, entraînent de façon mécanique de graves distorsions sur nos capacités individuelles et collectives à accéder aux soins.

Par voie de conséquence et tenant compte de toutes les raisons évoquées précédemment, les députés du groupe GDR appellent de leurs vœux à une véritable réforme globale de la santé et font donc le choix, en son attente, de voter contre cette proposition de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes GDR et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Linda Gourjade.

Mme Linda Gourjade. Madame la présidente, madame la ministre de la santé, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, Philippe Vigier présente à nouveau, avec quelques modifications, la proposition de loi qu’il avait déposée sous la précédente législature et qui a été rejetée en janvier 2012. Il souligne ainsi à nouveau le besoin d’améliorer l’accès aux soins de nos concitoyens et appelle à ce titre à lutter contre les déserts médicaux dans nos territoires.

Le premier PLFSS de la législature présente les premières mesures d’une nouvelle politique pour améliorer l’accès aux soins sur l’ensemble du territoire. Mais l’égalité d’accès aux soins est une réalité complexe.

Deux constats pourraient faire penser qu’il n’y a pas de problème de répartition des médecins sur le territoire : en 2009, la France compte 214 000 médecins en activité, chiffre le plus élevé de notre histoire, et 95 % de la population française a accès aux soins de proximité en moins de quinze minutes. Il faut aussi noter que la plupart des médecins spécialistes libéraux et les équipements médicaux les plus courants sont accessibles en moyenne à moins de vingt minutes par la route.

Malgré cela, les indicateurs montrent une dégradation réelle et continue dans l’égal accès aux soins et confirment que les inégalités de répartition des médecins n’ont été que faiblement réduites en vingt ans. L’écart entre la densité médicale des régions les plus dotées et celles les moins dotées s’est réduit à peine de 20 % entre 1985 et 2005. Dès lors, cette hiérarchie, régionale comme départementale, ne s’est pas modifiée : il y a 50 % de médecins par habitant de plus en Île-de-France ou en PACA qu’en Picardie ou en Normandie. De même, les quartiers en difficulté ont trois fois moins de médecins que la moyenne de la France urbaine. Les indicateurs montrent que, pour la première fois, le nombre de médecins serait appelé à diminuer de 10 % jusqu’en 2019 avant de revenir à son niveau actuel en 2030. Dans le même temps, la population française devrait croître d’environ 10 %. Ainsi, la densité médicale serait durablement inférieure à son niveau actuel.

L’accès aux soins se mesure également en fonction du secteur conventionnel d’exercice du praticien.

Le temps médical disponible par patient a, lui aussi, tendance à diminuer. Pourtant, le vieillissement de la population et la progression de certaines maladies chroniques accroissent les besoins de contact avec les médecins. Qui plus est, du fait de la modification de la structure démographique de ceux-ci – vieillissement, féminisation – et de leur mode vie – augmentation du temps consacré à la famille ou à des activités personnelles –, on constate une tendance à la réduction de leur temps de travail. Un généraliste sur deux souhaiterait réduire son temps de travail de douze heures en moyenne par semaine. Ce processus rend encore plus problématique la diminution de la démographie médicale à venir.

Dans les réponses à apporter, il convient de prendre en compte la désaffection des médecins pour la médecine générale.

M. Philippe Vigier, rapporteur. C’est vrai.

Mme Linda Gourjade. Cette profession est vécue comme particulièrement contraignante et les phénomènes de suractivité des médecins dans les zones en difficulté freinent un peu plus encore l’attrait pour ces territoires. Près de sept médecins sur dix exerçant en zone fragile font plus de 7 500 actes par an !

Par ailleurs, la loi « Hôpital, patients, santé et territoires », adoptée sous le précédent gouvernement, révèle dans ses articles 43 et 46 des défaillances fortes dans la lutte contre la désertification. Trois mesures en particulier caractérisent cette loi.

En premier lieu, l’article 43 réorganise les études de médecine sans régler les inégalités les plus sensibles, qui se situent à l’échelle infra-régionale.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Tout à fait.

Mme Linda Gourjade. En deuxième lieu, l’article 46 propose un contrat d’engagement de service public en contrepartie d’une allocation mensuelle aux étudiants internes pour qu’ils exercent leur activité dans une zone géographique où notamment l’offre médicale est insuffisante et la continuité des soins menacée. Malgré l’intérêt de la mesure, depuis sa création, les objectifs fixés n’ont pas été atteints.

Quant au contrat santé solidarité, il n’a jamais été mis en œuvre.

De plus, la Cour des comptes a critiqué et dénoncé des aides multiples sans portées réelles.

Outre une série de mesures insuffisantes, la loi HPST est déconnectée d’une réforme plus globale de l’organisation des soins de premier recours.

La proposition de loi « Accès aux soins égal sur l’ensemble du territoire » propose, pour lutter contre les déserts médicaux, des mesures contraignantes pour les praticiens de santé là où nous voulons, avec le Gouvernement, privilégier l’incitation, laquelle n’a pas été développée de façon satisfaisante jusqu’à présent.

Dans son article 2, la PPL de notre collègue impose un stage obligatoire de douze mois, au cours de la troisième année d’internat, en maison de santé pluridisciplinaire ou en établissement hospitalier d’une zone sous-dotée. Si l’idée de développer les stages est intéressante, le nombre de maisons de santé ne permettrait pas aujourd’hui d’accueillir l’ensemble des internes concernés.

Dans son article 5, elle oblige l’installation des nouveaux médecins, pour une durée d’au moins trois ans, dans les zones sous-dotées en matière d’offre de soins de premier recours, avec une pénalité financière si non-respect de ladite obligation. Or la ministre de la santé a rappelé, dans le cadre des débats de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, que le Gouvernement est opposé à toutes formes de coercition qui seraient contre productives.

J’ajoute que dans ses articles 6, 7, 8, 9 et 10, la PPL contraint à une autorisation préalable qui conditionne l’installation des médecins, l’exercice de la chirurgie dentaire, de la profession de sage-femme, de la profession d’infirmière libérale et de masseur-kinésithérapeute dans les zones sur-dotées. En période de réduction d’effectif, limiter l’installation en zone surdotée n’aura pas d’impact sur les zones sous-dotées.

Les autres articles n’amélioreront pas plus l’accès aux soins égal sur l’ensemble du territoire. Je citerai par exemple l’article 1er, qui renforce les critères de démographie médicale dans la détermination du numerus clausus alors que celui-ci n’est pas l’instrument adapté pour améliorer la répartition territoriale des médecins, ou encore l’article 4, qui renforce le dispositif de cumul emploi-retraite pour ceux exerçant dans les territoires confrontés à la désertification, mesure également dénoncée par la Cour des comptes…

M. Philippe Vigier, rapporteur. C’est normal, elle a demandé à des médecins ce qu’ils en pensaient !

Mme Linda Gourjade. …comme inefficace et sans effet sur la répartition territoriale.

Aujourd’hui, le premier PLFSS de la législature pose les bases d’une politique nouvelle pour améliorer l’accès aux soins dans l’ensemble de notre territoire. Elle met en œuvre de nouvelles formes d’organisation qui visent à améliorer la prise en charge des patients et l’optimisation de leur parcours de soins. La Cour des comptes considère que la coopération entre professionnels de santé est une réponse pertinente aux problèmes de la démographie médicale.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Oui !

Mme Linda Gourjade. C’est ainsi qu’il convient de continuer à développer les maisons de santé pluridisciplinaires qui permettent de favoriser les coopérations, d’optimiser le temps médical et de répondre aux craintes d’isolement des jeunes médecins.

Pour faire face aux défis des soins de proximité et lutter contre les déserts médicaux, le Gouvernement propose de mettre en place un nouveau dispositif avec la création de la fonction « praticien local de médecine générale » dès le 1er mai 2013. C’est un des volets de la réforme, il incitera les jeunes médecins à s’installer dans des lieux où les besoins ont été identifiés par l’agence régionale de santé. Il repose sur un dispositif de complément de rémunération versé à de jeunes diplômés en vue d’un exercice ambulatoire sur un ou plusieurs sites dans les déserts médicaux ; en contrepartie, le jeune médecin libéral s’engagera à exercer son activité à temps plein dans les zones fragiles.

Pour renforcer la lutte contre les déserts médicaux, le Gouvernement va développer la médecine salariée. Dans un contexte où l’exercice libéral de la médecine n’est plus suffisamment attractif pour réussir la relève des générations, le développement des différentes formes de médecine doit être à la fois plus sécurisant pour les professionnels et plus souple dans son organisation.

Elles doivent s’appuyer sur davantage de transversalité entre le monde hospitalier et la médecine ambulatoire.

Cette mesure propose de mettre en place des conventions, signées entre les ARS et des établissements hospitaliers, des centres de santé ou des organismes mutualistes, prévoyant la mise à disposition de médecins salariés qui iront exercer en ambulatoire dans les zones sous-dotées d’un territoire, en particulier dans des maisons de santé pluridisciplinaires.

La ministre de la santé a largement rappelé que le Gouvernement est opposé à toute forme de coercition. Il faut donner toutes ses chances à l’incitation.

M. Michel Issindou. Très bien !

Mme Linda Gourjade. L’incitation n’a pas été développée de façon suffisante jusqu’à présent. La ministre a eu l’occasion de rappeler sa volonté de repenser les mesures incitatives : ce doit être une incitation dans la pratique, dans les modes d’organisation, de rémunération et de reconnaissance des praticiens, dans la capacité à mettre en place des transferts de compétences.

Dans le contexte actuel, il convient de rétablir une relation de confiance entre les professionnels de santé et les pouvoirs publics.

Mme la ministre la santé annoncera très prochainement un plan global détaillé s’appuyant sur une large concertation nationale et locale pour aller plus loin dans ses propositions d’actions. Son objectif est de compléter le dispositif d’incitation en prenant des mesures tout d’abord dans le cadre réglementaire et si nécessaire dans la loi de santé publique à venir.

Mme la présidente. Il faut conclure, madame la députée.

Mme Linda Gourjade. Pour toutes ces raisons, le groupe SRC est opposé à l’ensemble des dispositions comprises dans cette proposition de loi du député Philippe Vigier. Je vous invite, au nom de mon groupe, à voter contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Door.

M. Jean-Pierre Door. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, je retrouve là mon collègue et ami Philippe Vigier, toujours aussi constant et tenace dans ses réflexions, surtout lorsqu’il propose des idées et qu’il veut les défendre, que ce soit ici ou en région.

J’aurais envie de le suivre sur certains points de sa proposition de loi,…

M. Philippe Vigier, rapporteur. Il faut aller jusqu’au bout !

M. Jean-Pierre Door. …mais pas du tout en ce qui concerne la philosophie générale du texte et en particulier les articles 5 à 10.

M. Michel Issindou. Fatalitas !

M. Jean-Pierre Door. D’abord, il est vrai que le constat est clair s’agissant de la médecine de proximité, c’est-à-dire la médecine générale qui pose un problème sérieux. La médecine générale n’est plus sexy du tout : revenus moyens, relations difficiles avec les caisses, déconsidération des médias ou même des patients, contraintes multiples, qu’il serait long de décliner.

J’ai le souvenir de mon grand-père et de mon père, tous les deux médecins de campagne au bord de la Loire, durant quarante ans pour l’un et quarante-cinq ans pour l’autre. Ils aimaient leur métier et n’ont jamais eu de problèmes.

Comparé à cela, il est difficile de voir que de nombreux internes en médecine générale ne pratiquent plus la médecine générale car ils s’orientent vers l’urgence, la gériatrie, le salariat, la médecine à exercice particulier – de nombreux MEP existent et peuvent d’ailleurs poser problème, madame la ministre.

Passons aussi sur l’erreur d’avoir fixé un numerus clausus très bas dans les années 1990, au prétexte que moins il aurait de médecins, moins il y aurait de prescriptions et donc de dépenses de santé. Grossière erreur !

Ils étaient 60 000 en 2008 ; ils sont 56 000 en 2012. Il est vrai que l’attrait pour la médecine libérale est en cause et que le phénomène semble s’accentuer depuis la création des épreuves classantes nationales en 2002. Sur 12 000 postes ouverts en médecine générale entre 2004 et 2008, seulement 4 896 ont été qualifiés spécialistes en médecine générale : 1 352 d’entre eux sont installés en médecine libérale, soit moins de 11 % ; 1 750 sont praticiens hospitaliers ; 1 486 sont remplaçants, c’est-à-dire autant que d’installés ; et 348 sont salariés.

En 1997, le stage obligatoire de médecine générale pendant le deuxième cycle a été créé mais, dans les faits, seulement 49 % des étudiants réalisent ce stage. Sur les 36 000 unités de formations, les fameuses UFR, vingt-cinq ne permettent pas la réalisation de ce stage, ce qui est bien regrettable et devra être revu.

Le représentant de l’intersyndicale des internes que vous avez reçu, madame la ministre, expliquait : « L’exercice solitaire ne correspond plus aux aspirations des jeunes et futurs médecins qui veulent majoritairement un exercice groupé en maisons de santé ou en pôles de santé. » À raison, ils estiment que le risque encouru est surtout celui d’une pénurie de prétendants à la médecine générale et à l’installation à l’échelle nationale et non pas uniquement régionale.

Pour les représentants de l’Association nationale des étudiants en médecine de France que j’ai reçus, la question est de savoir comment encourager et non pas comment contraindre. C’est la question majeure qui est d’actualité depuis plusieurs années et à laquelle il faut répondre.

Après les engagements des ministres précédents, je constate que le Président de la République comme vous-même, madame la ministre, vous avez fait le choix de l’incitation plutôt que celui de la contrainte. Vous avez entièrement raison : c’est aussi notre choix, et je tiens à vous le confirmer.

Il est dommage de jeter de l’huile sur le feu à un moment où la quasi-majorité des étudiants, des internes, des chefs de clinique confirment leur ambition de ne pas se voir imposer un endroit où ils ne voudraient pas aller.

Les expériences d’installations contraintes en Allemagne, en Autriche, en Belgique, au Royaume-Uni et au Québec ont conduit à des échecs et à des effets pervers, à une désaffection pour ces études et à des orientations vers des spécialités plutôt que vers la médecine générale de ville.

Depuis un certain temps, nous avons mis en place des outils dont il faut attendre les résultats : les contrats d’engagement de service public, dont vous pourrez nous confirmer, madame la ministre, que 410 ont été signés ; les bourses mises en place par les conseils généraux, les conseils régionaux et les ARS ; les maisons de santé dont 310 ont été créées sur 750 proposées ; la société interprofessionnelle de soins ambulatoires dont les décrets ont été publiés ; le guichet unique enfin, indispensable pour informer les étudiants en amont.

Après examen attentif de vos propositions, monsieur Vigier, je constate que nous nous retrouvons sur certaines mesures comme la réforme de l’épreuve classante nationale, qu’il faudrait probablement décliner au niveau interrégional, ou le stage obligatoire de troisième cycle d’une année minimum en médecine générale.

Il faudra améliorer la filière universitaire de médecine générale qui compte environ 2 000 étudiants par an. Il faudrait augmenter le nombre de médecins enseignants qui sont environ 200 actuellement. En 2008, nous avions adopté une loi pour ces médecins enseignants et pour les maîtres de stage dont le nombre devrait être porté de 5 300 à 8 000 ou 8 500 au minimum. Il faudrait aussi penser à la reprise de retraités actifs, ce que nous avions proposé sous forme d’amendement lors du débat sur le PLFSS et que vous n’avez pas accepté. Le Sénat avait adopté la mesure mais malheureusement la commission mixte paritaire l’a jetée à la poubelle.

M. Philippe Vigier, rapporteur. C’était pourtant un excellent amendement !

M. Jean-Pierre Door. Je renouvelle donc cette suggestion contenue également dans votre proposition de loi : donner la possibilité aux médecins retraités de devenir des médecins actifs. C’est essentiel. Le statut des remplaçants – ils sont actuellement 4 000 à exercer en France – doit également être confirmé.

Il faudrait aussi organiser des consultations avancées, type cabinet secondaire, par des volontaires, qu’ils soient salariés ou hospitaliers. C’est ce que je suis en train de le faire dans ma région. Les hospitaliers sont d’accord pour faire des consultations avancées dans de petites villes où il y a, par exemple, une maison de retraite.

Il faudrait aussi redévelopper l’internat dans les centres hospitaliers généraux. Dans mon hôpital général je manque d’internes alors qu’il y a quinze ans, nous avions des étudiants sortant de la faculté de Tours et hésitant à aller à cent kilomètres. Ces internes en centre hospitalier général, c’est fondamental : ils passeront deux à trois ans en internat et ils pourront se sédentariser.

M. Philippe Vigier, rapporteur. C’est la vérité !

M. Jean-Pierre Door. Enfin, vous proposez la télémédecine que je ne peux qu’appuyer.

Monsieur Vigier, toutes ces propositions ont aussi été étudiées dans des travaux importants de l’Académie nationale de médecine effectués par les professeurs Pierre-Ambroise-Thomas et Patrice Queneau dont les comptes rendus sont publiés et disponibles.

En revanche, vous ne prenez pas la bonne voie en envisageant quelques contraintes, même reportées à dans huit ans. Nous ne voulons pas de contraintes et nous appelons le ministère de l’enseignement supérieur et le ministère de la santé à poursuivre une réforme de grande ampleur pour redonner du prestige à la médecine générale.

Comme vous l’avez souligné, madame la ministre, nous devons aussi renforcer l’attractivité de nos territoires en favorisant des projets médicaux, avec l’aide des élus et des collectivités locales. Ce sont les projets médicaux qui entraîneront la création des maisons de santé. Il n’y aura jamais de maison de santé sans projet médical, sinon ce sont des coquilles vides que l’on confie aux élus.

Madame la ministre, nous vous suivons sur l’incitation et non sur les contraintes. C’est la raison pour laquelle, mon cher monsieur Vigier, nous ne voterons pour votre proposition de loi, peut-être avec un peu de regret. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie Le Houerou.

Mme Annie Le Houerou. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le nombre de médecins en activité France est plutôt élevé au regard de la population nationale.

Pourtant, nos territoires souffrent d’un manque de médecins, de spécialistes bien sûr mais surtout de généralistes qui garantissent les soins de premier recours. En matière de densité médicale, les zones urbaines comme les zones rurales sont touchées et les disparités sont surtout infrarégionales.

En Bretagne, après la fuite des médecins spécialistes, nous assistons à celle des médecins généralistes vers les métropoles régionales. Pour les jeunes ménages comme pour les retraités qui repensent l’organisation de cette nouvelle étape de leur vie, l’accès aux soins est le critère majeur et déterminant pour le choix géographique d’installation.

Pour les élus locaux, l’absence de médecins dans un chef-lieu de canton enclenche le cercle vicieux des difficultés à maintenir une attractivité de leurs territoires : complication en matière de développement local, fermeture de la pharmacie, fermeture de commerces, perte des services de proximité, perte d’emplois, difficultés sociales, etc.

De plus, dans certains secteurs, la pyramide des âges des praticiens en activité est inquiétante. Elle laisse présager un accroissement du phénomène, y compris dans les zones qui ne sont pas encore touchées. Ce manque de médecins provoque une réelle surcharge des services d’urgence dans les hôpitaux de proximité qui deviennent le lieu de premier recours d’accès aux soins. Les patients y arrivent dans un état de santé dégradé, ce qui n’est pas sans conséquences sur les coûts engendrés pour la Sécurité sociale. La prévention devient inexistante, faute de visite régulière chez un médecin de famille et de prise en charge en amont.

L’activité des sapeurs pompiers est également perturbée par des appels trop nombreux. En Côtes d’Armor, 80 % des interventions des services départementaux d’incendie et de secours relèvent du secours à personne, avec une mobilisation anormale pour l’accès aux soins et le transport des personnes vers les plateaux techniques de CHU.

M. Patrice Martin-Lalande. Exact, c’est du gâchis !

Mme Annie Le Houerou. Cette situation devient intolérable car les sapeurs pompiers sont détournés de leur compétence première et exclusive de véritable secours d’urgence.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Vous avez raison !

Mme Annie Le Houerou. Des lacunes existent dans la formation des médecins pour promouvoir l’exercice libéral. Seuls face à un public vulnérable, vieillissant, en perte d’autonomie ou en situation de handicap, des médecins de ma circonscription refusent des personnes âgées. Les médecins ne sont pas préparés à leur accompagnement qui nécessite parfois un peu plus de temps.

Le constat est alarmant, mais il est possible d’utiliser des leviers pour favoriser une installation de médecins libéraux également répartie sur les territoires. Ces leviers devront être trouvés en concertation et mis en place dans des délais très rapides.

Ils seront efficaces si nous agissons à la fois sur la formation des médecins, sur l’accès à la formation qui devra être facilité pour l’ouvrir à des jeunes d’origine modeste, sur un statut de salariat, sur les conditions d’accueil par les maîtres de stage en libéral et hors CHU, sur les modes de mutualisation des pratiques et des moyens logistiques.

Ces leviers doivent être décidés en concertation entre tous les acteurs de santé, tous les partenaires, les élus locaux à l’échelon local et national.

Nous faisons tous un constat partagé sur la situation d’urgence, et pas seulement ici sur les bancs de cette assemblée. Vous avez assisté hier, madame la ministre, au congrès des maires ; vous avez entendu la préoccupation forte, le cri d’alarme des maires de toutes les régions de France.

Monsieur le député Philippe Vigier, vous ouvrez des pistes intéressantes dans votre proposition de loi,...

M. Philippe Vigier, rapporteur. Merci !

Mme Annie Le Houerou.…mais elles ne répondent pas à une prise en compte globale du défi que représentent les déserts médicaux.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Encore un effort !

Mme Annie Le Houerou. Votre proposition prend un seul chemin, celui d’une cristallisation des acteurs de la santé. Ce n’est pas la méthode du Gouvernement – et j’ai bien entendu l’annonce de Mme la ministre sur un plan global de lutte contre les déserts médicaux, et ce au plus tôt, dès début 2013.

Alors oui, madame la ministre, nous comptons sur vous. Après les premières mesures innovantes du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, nous devons restructurer en profondeur notre système de santé. Les ARS sont chargées d’élaborer un projet régional de santé. Des instances de concertation leur sont adjointes, les conférences régionales de la santé et de l’autonomie et les conférences de territoire. Ce sont des outils qui regroupent tous les partenaires de la prévention, de l’organisation des soins et du médico-social, mais aussi les usagers, qui ont leur mot à dire.

Sous votre impulsion, sous votre autorité madame la ministre, ces instances doivent se mettre en phase avec les projets des régions et des départements. Elles doivent devenir de vrais relais pour définir les projets de santé à l’échelle de chaque territoire. Partant d’une évaluation des besoins, elles doivent définir une stratégie propre à chaque région.

Pour apporter des réponses adaptées aux réalités du terrain, les politiques régionales ne doivent pas être seulement la déclinaison des plans nationaux et des règles de gestion des crédits. Nous comptons sur vous pour un plan global, lisible, concret, en adéquation avec la nouvelle politique de santé publique que vous nous proposerez – un plan efficace, à des coûts maîtrisés pour la Sécurité sociale et dans le calendrier imposé par l’urgence de la situation. Ce n’est pas ce que nous propose aujourd’hui M. Vigier. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. La désertification médicale est devenue un mal particulièrement grave. Au fil des ans, elle ne cesse de s’étendre, ce qui suscite l’inquiétude et l’émoi des patients mais aussi des élus de terrain, ainsi que cela est encore rappelé dans le cadre du Salon des maires qui se tient actuellement.

Il est en effet inacceptable de devoir faire des kilomètres, attendre des mois entiers pour se faire soigner. Quand l’égalité des soins se transforme en inégalité, c’est un droit fondamental qui se trouve compromis.

Mais si nous sommes d’accord sur le constat, nous divergeons sur les remèdes proposés par le rapporteur. Il y a d’un côté le contexte, de l’autre le texte.

M. Philippe Vigier, rapporteur. Belle formule !

Mme Véronique Louwagie. Comme j’ai eu l’occasion de le dire en commission, je ne voudrais pas que votre texte soit contre-productif.

L’article 5 prévoit une obligation d’installation, ce qui constitue bien une mesure coercitive, quoi que vous en disiez, monsieur le rapporteur : les jeunes médecins seront bel et bien obligés de s’installer pendant trois ans dans une zone déficitaire de la région où ils ont suivi leurs études de médecine.

Je demeure par ailleurs perplexe quant à l’organisation de concours régionaux pour l’internat, alors que ce dispositif avait été supprimé en 2004.

En Basse-Normandie, que vous citez comme exemple de région sous-médicalisée, la ville de Caen et les territoires proches de la mer ne rencontrent pas de difficultés, contrairement aux territoires ruraux de l’intérieur des terres.

M Gwenegan Bui. Ce n’est pas vrai !

M. Philippe Vigier, rapporteur. Il n’y a qu’à voir Deauville…

Mme Véronique Louwagie. Ainsi, à Lisieux, on ne compte dans un des quartiers de la ville qu’un seul médecin pour 8 000 habitants. J’ai d’ailleurs eu l’occasion d’alerter Mme la ministre lors de l’examen du budget de la santé pour 2013 sur la situation de l’hôpital de l’Aigle, dans ma circonscription, où le départ à la retraite à venir de spécialistes, notamment en gynécologie, nous inquiète et pose un réel problème en matière de dépistage et de prévention.

En outre, la réforme du numerus clausus initiée par l’ancienne majorité doit porter ses fruits à l’horizon 2020. C’est aussi l’échéance que vous fixez, monsieur le rapporteur, pour l’obligation d’installation dans les zones déficitaires. Sans préjuger de ses effets, votre proposition de loi ne va donc rien régler à court terme.

La liberté d’installation des médecins, datant de 1927, doit prévaloir. Mais cela ne signifie pas que la situation soit figée, gravée dans le marbre. Des adaptations sont nécessaires mais il faut qu’elles soient pragmatiques.

Plusieurs points me paraissent néanmoins aller dans le bon sens. Ainsi, le cumul emploi-retraite, pour les zones sous-dotées, constitue une avancée. Lors du débat relatif au PLFSS, la majorité n’a pas semblé séduite par ce dispositif. C’est regrettable. Les médecins retraités volontaires constituent un vivier qu’il me parait difficile de négliger.

Vous prévoyez de faire passer la durée des stages effectués par les étudiants en médecine auprès de généralistes de six à douze mois. Il faudrait également se pencher sur les difficultés connexes qui existent en milieu rural, telles que le logement ou l’emploi pour le conjoint, pour que les stages soient effectivement pourvus.

Par ailleurs, certains médecins éprouvent des difficultés afin d’obtenir l’agrément qui leur est indispensable pour devenir maître de stage.

M. Philippe Vigier, rapporteur. C’est vrai !

Mme Véronique Louwagie. Cette situation est parfaitement inexplicable et assurément contre-productive, puisque parallèlement nombre d’étudiants ne peuvent effectuer de stage en cabinet en raison d’un nombre trop limité de maîtres. Il convient de remédier à cette situation. C’est en tout cas le vœu que je formule.

Pour conclure, le constat dressé par le rapporteur est partagé mais je ne pense pas que la contrainte soit le remède miracle à ce mal. Il m’aurait paru plus pertinent de répondre à la question de la désertification médicale par la nécessité de rendre plus attractif l’exercice de la médecine dans les zones sous-médicalisées, actuelles ou à venir.

Le sujet des tracasseries administratives que subissent les médecins, à qui l’on demande de remplir des documents en nombre – arrêts maladie, certificats d’activité sportive ou autres documents pour les assurances par exemple – devrait également être abordé. C’est en tout cas une demande importante des médecins.

Cette proposition de loi, et c’est là généralement l’objectif de ce genre d’initiative parlementaire, doit contribuer à faire avancer notre réflexion commune. Pour cela, le rapporteur doit être remercié de sa pertinence et de sa pugnacité sur la question de la désertification médicale.

La ministre de la santé vient d’annoncer une concertation avec les médecins et les élus locaux, en vue d’aboutir en 2013 à un plan de lutte contre les déserts médicaux. Il faudra néanmoins que la méthode, dans la forme, diffère de celle suivie pour les dépassements d’honoraires, sans quoi cela sera difficile…

M. Christian Paul. En tout cas, ce ne sera pas la méthode Bachelot !

Mme Véronique Louwagie. Pour toutes ces raisons, il ne me paraît pas opportun de voter cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Richard Ferrand.

M. Richard Ferrand. Je suis l’élu d’une circonscription rurale de Bretagne, en Centre Finistère, issu du canton de Carhaix. Carhaix, vous en connaissez sans doute le festival des Vieilles charrues,…

M. Thierry Benoit. Ah oui !

M. Richard Ferrand. …et tout aussi certainement la lutte populaire victorieuse pour le maintien de l’hôpital et de la maternité – maintien arraché de haute lutte.

M. Christian Paul. Bravo !

M. Richard Ferrand. Mme Bachelot en tout cas s’en souvient ! Cette tentative de fermeture d’un hôpital public aujourd’hui efficacement fusionné avec le CHU de Brest, s’inscrivait alors dans un funeste processus de désertification médicale et d’abandon du service public de santé.

Il ne se passe pas de semaine sans qu’un maire, un employeur qui chercher à embaucher, une famille qui pourrait s’installer, des retraités qui rentrent au pays natal ne viennent m’alerter sur cette dissuasive carence en médecins. Carence identifiée depuis bien longtemps par d’innombrables notes et rapports de l’ancienne DRASS ou de l’actuelle ARS.

Bref, le diagnostic est connu et partagé : certains de nos territoires ruraux sont véritablement malades de l’absence de médecins. Ils perdent de ce fait encore en attractivité et se vident peu à peu. La présence médicale devient alors un enjeu majeur d’aménagement du territoire. Ceci vaut en zone rurale, mais également, sous d’autres formes, en zones périurbaines ou dans certains quartiers.

Face au diagnostic, reste à élaborer l’ordonnance. Celle de notre collègue Philippe Vigier revient à diriger l’installation de nouveaux médecins. Pour faire simple, notre collègue libéral veut contraindre là où le Gouvernement et la majorité de gauche voudraient convaincre… Cet apparent paradoxe suffit à démontrer que nous partageons la même préoccupation et que seule diverge la méthode.

Ce texte veut imposer, le Gouvernement veut inciter. La proposition de loi organise le repeuplement forcé des déserts médicaux et prescrit des mesures contraignantes présentées comme un traitement efficace. La contrainte serait certes très tentante si elle rassemblait les prérequis de la réussite. Mais, hier comme aujourd’hui, c’est ainsi, ni le Gouvernement ni les médecins en formation ne veulent attenter à la sacro-sainte liberté d’installation.

Il faudrait sans doute la désacraliser ou l’aménager, par le dialogue bien sûr. J’ai moi-même, voici quelques semaines, cosigné avec onze collègues un amendement en ce sens, présenté par M. Bui.

Oui : parce que notre système universitaire public forme nos médecins, parce que notre système collectif de sécurité sociale finance et solvabilise l’exercice médical, pour au moins ces deux motifs il ne paraîtrait pas scandaleux – c’est un euphémisme – qu’une obligation de service public soit indissociable de l’exercice libéral, sous des formes à discuter.

Mais à quoi bon inscrire dans la loi des contraintes que les apprentis médecins refusent et que l’administration juge a priori inopérantes ? L’ordonnance Vigier ne tient pas, puisque l’on ne peut pas organiser la médecine contre les médecins. Il faudra décider avec eux des dispositions nécessaires aux besoins des populations.

Reste donc l’incitation, à laquelle le Gouvernement veut donner toutes ses chances dans une future loi d’organisation de l’offre de soins. Poudre aux yeux, diront les sceptiques ! Mais, puisque la voie de l’incitation vigoureuse, non exclusivement financière, doit être privilégiée, empruntons-la vite ! Explorons tous ses aspects, mais vite ! Car l’urgence est là.

Je ne cacherai pas, madame la ministre, notre inquiétude : combien de gouvernements, combien de ministres se sont risqués en la matière à combien de dispositifs placebo, sans effets ?

Pendant ce temps perdu, les SDIS voient constamment progresser leur activité pour pallier l’absence de médecins, ce qui faisait dire récemment à l’un de leurs présidents que les pompiers étaient les dromadaires des déserts médicaux… (Sourires.) Et aux frais des conseils généraux, ajouterai-je !

M. Michel Issindou. L’image est belle !

M. Richard Ferrand. Ni l’inertie ni l’inaction ne nous seraient pardonnées. Redonner à tous l’égal accès au soin est consubstantiel du droit à la santé. Il s’agit de la vie de nos concitoyens, de leur vie quotidienne. Ils nous jugeront le moment venu sur les solutions que nous aurons su trouver.

Alors n’injurions pas l’avenir. Voyons ce que seront les dispositifs incitatifs futurs, mettons-les en œuvre. S’ils se révélaient insuffisants, alors oui, la contrainte s’imposerait : nécessité ferait loi.

Mais en confiance, nous parions bien sûr sur un futur projet de loi, madame la ministre. Partageons un des préceptes du serment d’Hippocrate : « Mon premier souci sera de rétablir, de préserver ou de promouvoir la santé dans tous ses éléments, physiques et mentaux, individuels et sociaux ». Et conservons, monsieur le rapporteur, votre proposition de loi comme un dépôt de garantie. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Thierry Benoit. Il y a de l’idée !

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Martin-Lalande.

M. Patrice Martin-Lalande. Le double défi de la désertification médicale et de l’allongement de la vie ainsi que le contexte budgétaire actuel, et probablement durable, nous imposent de faire évoluer le financement de notre système de santé.

La solution passe nécessairement par l’innovation non pour dépenser non pas plus, mais pour dépenser mieux. Malheureusement, certaines innovations exemplaires sont menacées d’asphyxie financière du fait des actuels circuits de financement : deux exemples vécus en Loir-et-Cher, madame la ministre, pas bien loin de chez vous, illustrent le besoin de repositionner les tuyaux de financement pour corriger à la source les causes de certains blocages budgétaires.

Ainsi, l’EHPAD de Châteauvieux, à côté de Saint-Aignan-sur-Cher, a réussi à économiser 850 000 euros chaque année depuis trois ans en hospitalisation et en médicaments, grâce à la présence permanente d’un médecin, épaulé par tout le personnel. Ce mode de prise en charge a aussi l’avantage de rendre pratiquement inutile le recours aux médecins généralistes locaux, qui deviennent donc plus disponibles pour la population.

Mais ces 850 000 euros annuels gagnés par le budget de la Sécurité sociale ne peuvent malheureusement pas servir, même en partie, à financer les moyens de pérenniser cette économie par des investissements. En effet, il n’y a pas de fongibilité des financements. Cette économie de 850 000 euros par an aurait disparu si je n’avais finalement obtenu de l’État une décision dérogatoire, par définition exceptionnelle.

Autre exemple d’innovation pour dépenser mieux dans le domaine de la santé : la plateforme alternative d’innovation en santé – la PAÏS, comme ils disent – qui fonctionne en vallée du Cher autour de Saint-Aignan-sur-Cher, Soings-en-Sologne et Saint-Georges-sur-Cher. La nouvelle organisation du travail des médecins généralistes avec partage des secrétariats et réduction des tâches administratives leur permet de récupérer chaque jour une heure à une heure et demie, qu’ils peuvent consacrer à une meilleure prise en charge des soins et de la prévention.

Cette nouvelle organisation du travail médical fait économiser plusieurs centaines de milliers d’euros par an. Jusqu’à présent, cette expérience était soutenue par un financement de 80 000 euros de l’Agence régionale de santé au titre d’une expérimentation sur trois ans, mais sa poursuite est menacée car elle risque de reposer dorénavant sur le seul financement des communautés de communes qui n’ont ni compétence ni moyens budgétaires dans ce domaine.

Afin de tirer tout le bénéfice de telles innovations pour faire face aux nouveaux besoins de soin, notamment en zone rurale, il nous faut, madame la ministre, innover dans le financement.

Il est nécessaire d’instituer une plus grande fongibilité des crédits du budget de la Sécurité sociale. Une première mesure a déjà été prise en ce sens : la création récente du fonds d’intervention régional marque un début de fongibilité, mais il faut aller plus loin. C’est pourquoi j’ai déposé, avec mes collègues et amis Gilles Carrez, Jean-Pierre Door, Denis Jacquat, Maurice Leroy, président du conseil général du Loir-et-Cher, Bernard Perrut et Bérengère Poletti, une proposition de loi organique prévoyant, sous la forme d’objectifs régionaux de dépenses d’assurance maladie, une déclinaison régionale de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie. Cette proposition de loi organique distingue au sein de l’ONDAM une part nationale et une part régionale ; elle permettra au Parlement de voter chaque année, en loi de financement de la Sécurité sociale, les ORDAM, répartition régionale d’une partie des crédits de l’ONDAM. Le montant global des ORDAM s’imposera aux agences régionales de santé, tandis que la ventilation de ces ORDAM en sous-objectifs ne sera qu’indicative, pour laisser aux agences une marge de manœuvre dans le pilotage des dépenses régionales de santé et garantir ainsi la fongibilité des crédits au niveau régional.

Je souhaite, madame la ministre, que cette proposition de loi organique puisse être inscrite prochainement à l’ordre du jour de notre assemblée et reçoive le soutien du Gouvernement et de l’ensemble des groupes parlementaires.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Issindou, dernier orateur inscrit dans la discussion générale.

M. Michel Issindou. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nul ne contestera la persévérance de M. le rapporteur Philippe Vigier puisque, quelques mois après l’avoir fait devant une autre majorité, il se penche à nouveau sur l’égalité d’accès aux soins sur l’ensemble du territoire.

Nul ne contestera non plus, monsieur le rapporteur, que vous abordez un vrai sujet de santé publique. Ce que l’on appelle communément les déserts médicaux fait l’objet d’un constat partagé. L’accès à un médecin généraliste ou spécialiste se révèle de plus en plus difficile pour nos concitoyens, et ces déserts ne recouvrent pas seulement les zones rurales. C’est une grande partie de notre territoire qui, si l’on n’agit pas rapidement, deviendra dans quelques années désertique.

Les raisons en sont connues. Elles tiennent essentiellement au peu d’appétence des jeunes médecins pour l’exercice en solitaire de leur métier dans des endroits qu’ils considèrent, à tort ou à raison, peu attractifs et peu adaptés au mode de vie qu’ils souhaitent. Ce n’est pas un problème de démographie médicale : la France n’a jamais compté autant de médecins en activité.

M. Philippe Vigier, rapporteur. C’est vrai !

M. Michel Issindou. C’est simplement un problème de répartition, mais un vrai problème.

Pour compléter le tableau, la difficulté d’accessibilité spatiale se combine avec la difficulté d’accessibilité financière, à cause de la pratique des dépassements d’honoraires. Je veux, à cet égard, rendre hommage à Mme la ministre, qui a courageusement apporté une solution qui permet de revenir à des pratiques tarifaires plus acceptables pour nos concitoyens.

Devant ce diagnostic implacable et alarmant, les PLFSS successifs et, surtout, la loi HPST de 2009 ont tenté d’apporter des solutions. La réorganisation des études de médecine, le contrat d’engagement de service public, les contrats santé solidarité étaient les mesures phares de la loi HPST. On peut maintenant le dire avec un peu de recul : elles n’ont pas réglé le problème.

C’est d’ailleurs pour cette raison, ayant constaté l’échec de la loi adoptée par la majorité précédente qu’il soutenait, que le rapporteur revient avec un nouveau texte.

Parmi vos propositions, monsieur le rapporteur, on trouve le renforcement du dispositif de cumul emploi-retraite, le développement de la télémédecine, le stage obligatoire de douze mois, la création d’un internat régional – retour à une vieille recette –, l’octroi d’une autorisation d’installation pour de nombreux professionnels de la médecine – dentistes, kinés, sages-femmes, infirmiers –, mais le point-clé de votre texte, celui qui fait débat, est l’obligation de trois ans d’exercice dans les zones sous-dotées à laquelle seraient soumis les nouveaux diplômés. Monsieur le rapporteur, convaincre est toujours mieux que contraindre !

C’est ce choix de conviction qu’a fait le gouvernement que nous soutenons, car il nous semble que l’on n’a pas encore véritablement tout essayé. Le PLFSS 2013 marque une première étape, qui témoigne de la volonté de s’attaquer au problème : l’article 37 prolonge l’expérimentation relative à la permanence des soins ambulatoires ; l’article 39 valorise la coordination et l’organisation pluriprofessionnelle des soins ; surtout, l’article 40 crée la fonction de praticien local de médecine générale ; le développement de la médecine salariée est l’objet de l’article 40 bis, c’est l’une des réponses qui devront être expérimentées. Au-delà de ces mesures, imparfaites mais c’est un bon début, c’est un dialogue et un climat de confiance qu’il faut absolument créer ou recréer avec les professionnels. Un esprit de responsabilité anime tous les acteurs et des mesures incitatives, qui ne pourront pas être seulement financières, je pense notamment à la création de centres de santé, devront être trouvées dans un échange constructif. C’est l’engagement qu’a pris et réitéré Mme la ministre. Nous pouvons lui faire confiance pour y parvenir.

Vous posez bien le problème, Philippe Vigier, mais vous y répondez mal. En l’état actuel, la mise en œuvre de mesures coercitives risquerait fort d’être contreproductive. Pour toutes ces raisons, je confirme, après les orateurs précédents, que le groupe SRC ne votera pas votre proposition. Nous espérons également ne pas avoir à vous retrouver au banc des commissions pour défendre à nouveau votre proposition de loi, parce que nous aurons entre-temps réussi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La discussion générale est close.

5

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la proposition de loi relative à l’accès aux soins ;

Proposition de loi relative à l’aménagement numérique du territoire.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures dix.)