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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 19 mars 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Claude Bartolone

1. Hommage à un soldat mort au Mali

2. Questions au Gouvernement

Tragédie de Toulouse et de Montauban

M. Jean-Luc Moudenc

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Commandes pour Airbus

Mme Françoise Imbert

Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur

Fourniture d’armes aux rebelles syriens

M. Jean-Jacques Candelier

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense

Marchands de sommeil

M. Stéphane Saint-André

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement

Politique de sécurité

Mme Valérie Lacroute

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Allocations familiales

M. Charles de Courson

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille

Trajet de la manifestation contre le mariage pour tous

M. Hervé Mariton

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Refondation de l’école

M. Jean-Pierre Allossery

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Violences à Marseille

M. Guy Teissier

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Restitution des œuvres d’art à des familles juives spoliées durant la seconde guerre mondiale

M. Marcel Rogemont

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication

Politique scolaire

M. Frédéric Reiss

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Insécurité

M. Arnaud Richard

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Politique à l’endroit des Roms

Mme Marion Maréchal-Le Pen

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur

Politique économique

M. Laurent Furst

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

Exploitation du gaz de houille

M. Yves Blein

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie

Situation de Chypre et lutte contre les paradis fiscaux

Mme Michèle Bonneton

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances

Suspension et reprise de la séance

3. Refondation de l’école de la République

Vote solennel

Explications de vote

Mme Barbara Pompili, M. Olivier Falorni, M. François Asensi, Mme Martine Faure, M. Frédéric Reiss, M. Rudy Salles

Vote sur l’ensemble

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale

Suspension et reprise de la séance

4. Débat sur le rapport annuel de la Cour des comptes

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes

M. Charles de Courson

M. Éric Alauzet

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes

Mme Annick Girardin

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes

M. Marc Dolez

Mme Sandrine Mazetier

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes

M. Jean-François Lamour

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes

Mme Marie-Christine Dalloz

Mme Christine Pires Beaune

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes

M. Philippe Folliot

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes

M. Pascal Terrasse

M. Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes

M. René Dosière

M. Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes

M. Charles de Courson

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes

M. Dominique Tian

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes

M. Dominique Lefebvre

M. Didier Migaud

M. Jean Lassalle

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes

M. le président

5. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Hommage à un soldat mort au Mali

M. le président. Mes chers collègues, le caporal Alexandre Van Dooren est tombé ce week-end au Mali, cinquième soldat français tué depuis le début de l’opération Serval. Au cours de cette opération, trois autres militaires ont été blessés.

Je tiens une nouvelle fois à rendre hommage au courage de nos troupes engagées dans ce pays.

J’adresse à la famille, aux proches et aux camarades du caporal Van Dooren les condoléances de l’Assemblée nationale.

Je vous invite à observer une minute de silence. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent et observent une minute de silence.)

2

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Tragédie de Toulouse et de Montauban

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Moudenc, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Luc Moudenc. Monsieur le président, il y a un an, jour pour jour – 19 mars 2012-19 mars 2013 – la barbarie frappait à Toulouse.

M. Jean Glavany. Et à Montauban aussi !

M. Jean-Luc Moudenc. Elle frappait la communauté juive comme elle avait frappé, quelques jours auparavant, des militaires de notre armée à Montauban et à Toulouse. À travers ces crimes, c’est la France qui était touchée, à travers ces crimes, c’est la République qui était mise en cause. Je veux ici, devant la représentation nationale, faire mémoire de celles et ceux qui sont tombés, victimes de ces crimes, de cette barbarie. Je veux faire mémoire de Imad Ibn Ziaten, Abel Chennouf, Mohamed Legouad, Jonathan, Arieh et Gabriel Sandler, Myriam Monsonego. Je veux aussi avoir une pensée pour les blessés graves : Loïc Liber et Aaron Bryan Bijaoui. Je veux également nommer les deux mots qui ont armé le criminel : antisémitisme et islamisme radical.

Je me tourne vers le Gouvernement pour qu’il nous indique quelles actions il entend conduire pour faire reculer ces deux mots. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP et sur plusieurs bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, vous avez trouvé les mots justes pour rappeler ce qui s’est passé, il y a un an, à Toulouse et à Montauban. Trois soldats ont été tués parce qu’ils étaient soldats. Un père et trois enfants ont été tués parce qu’ils étaient juifs. Vous avez eu raison d’indiquer que c’est bien l’antisémitisme, la haine du juif, mais aussi la haine de la France, de la République et de ses valeurs qui étaient au cœur de cette entreprise criminelle. Le Président de la République l’a redit dimanche à Toulouse – et vous y étiez, monsieur le député –, c’est la France qui était attaquée. Le Président de la République a rappelé que la meilleure réponse avait été donnée par les Français eux-mêmes au moment de la campagne électorale…

M. Jean-François Lamour. Qu’est-ce que la campagne électorale a à voir avec cela ?

M. Manuel Valls, ministre. …et encore aujourd’hui en se retrouvant et en se rassemblant autour des valeurs de la République.

Même si c’est difficile, le Gouvernement s’est donné les moyens de lutter contre ces risques terroristes, ce terrorisme que nous combattons au Mali et ce terrorisme auquel nous faisons face dans notre pays, en réformant la direction centrale du renseignement intérieur. La représentation nationale a également voté à une très large majorité, ce dont je veux encore la remercier, une loi antiterroriste qui donne davantage de moyens à nos services pour lutter contre le terrorisme, ennemi de la démocratie, de nos valeurs, de la République et de la France ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP.)

Commandes pour Airbus

M. le président. La parole est à Mme Françoise Imbert, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Françoise Imbert. Madame la ministre du commerce extérieur, hier, à l’Élysée, les PDG de la compagnie indonésienne Lion Air et d’Airbus ont signé un contrat conduisant à la commercialisation et à la production de 234 Airbus A 320. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Comme l’a dit le Président de la République, ce contrat est historique par son montant de 18,4 milliards d’euros, historique aussi car il renforce nos liens commerciaux avec un grand pays asiatique à fort potentiel de croissance. C’est une bonne nouvelle pour l’Europe, pour la France, pour Midi-Pyrénées et pour Toulouse ! Ainsi, 5 000 emplois vont être créés ou préservés dans notre pays. Ce contrat s’ajoute à une commande de la compagnie Turkish Airlines pour un montant de 9,3 milliards de dollars.

Madame la ministre, cette bonne nouvelle confirme que la stratégie suivie par un gouvernement de gauche est la bonne. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs du groupe écologiste. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. S’il vous plaît !

Mme Françoise Imbert. Non, il n’y a pas de fatalité qui nous condamnerait inexorablement au déclin ! Non, la perte de 750 000 emplois industriels au cours des dix dernières années ne doit pas nous conduire à céder au découragement ou au renoncement ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Au contraire, nous devons poursuivre notre stratégie volontariste qui place le redressement productif et l’emploi au cœur de l’action publique. C’est ce que nous faisons en lançant des politiques innovantes : création de la Banque publique d’investissement, lancement du pacte de compétitivité, ou encore mise en place des contrats de génération. (Exclamations sur les mêmes bancs.) C’est aussi la réhabilitation du rôle des pouvoirs publics dans l’économie. La société Airbus est née en 1970 grâce à la conjugaison d’une ambition publique et d’intérêts privés.

M. Claude Goasguen. La question !

Mme Françoise Imbert. C’est un succès industriel, économique et financier incontestable. Alors oui, après des années d’attentisme et de résignation sous l’UMP (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), nous avons raison de conduire des politiques actives pour l’emploi, de conduire une politique de redressement productif et de relocalisation des activités industrielles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Nous avons donc raison de renforcer la diplomatie économique.

M. le président. Je vous remercie, ma chère collègue.

La parole est à Mme la ministre du commerce extérieur.

Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur. Madame la députée, vous avez raison, c’est une bonne nouvelle qui devrait réjouir tous les députés…

M. Guy Teissier. Mais nous nous réjouissons !

Mme Nicole Bricq, ministre. …quelle que soit leur place sur vos bancs, car c’est une bonne nouvelle pour la France et pour les Français.

M. André Schneider. Bien sûr !

Mme Nicole Bricq, ministre. C’est une bonne nouvelle pour l’aéronautique et pour Airbus. Il m’est loisible devant vous de remercier les négociateurs d’Airbus, que j’ai rencontrés, lorsque je me suis rendue en Turquie au mois de janvier. (« Bravo ! » sur les bancs du groupe UMP.) Nous avons là aussi obtenu une très belle commande. Je les vus œuvrer. Ce sont des négociations lentes et difficiles. C’est donc une bonne nouvelle pour l’aéronautique. Ce secteur a battu tous les records l’année dernière. C’est une commande de quatre ans pour Airbus. Nous pouvons aussi parler de l’entreprise toulousaine ATR, que j’ai récemment visitée avec M. Malvy, président de la région Midi-Pyrénées. Cette société a trois ans de carnet de commandes dans son escarcelle. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Mesdames, messieurs de l’opposition, vous pourriez vous réjouir !

Plusieurs députés du groupe UMP. Oui ! On se réjouit !

Mme Nicole Bricq, ministre. Vous pourriez dire bravo ! Dans ces temps difficiles, nous avons besoin de bonnes nouvelles. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) En effet, des centaines entreprises travaillent pour l’aéronautique. Vous ne devriez pas être chagrins face à la réussite de la France qui, grâce à un secteur dynamique, trouve sa place dans la mondialisation ! (Exclamations sur les mêmes bancs.) Même si cela vous déplaît, cela montre que l’action du Président de la République est cohérente. (« Ah ! » sur les bancs du groupe UMP.) Vous le savez bien ! Le désendettement compétitif que mènent Pierre Moscovici et Jérôme Cahuzac…

M. le président. Je vous remercie, madame la ministre !

Mme Nicole Bricq, ministre. …le redressement productif que mène Arnaud Montebourg portent leurs fruits (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

Fourniture d’armes aux rebelles syriens

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Jean-Jacques Candelier. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Le conflit syrien dure depuis deux ans et a fait près de 70 000 morts. C’est insupportable. Il est temps de mettre fin aux exactions du régime de Bachar Al-Assad et aux massacres des populations.

En choisissant, même sans l’unanimité européenne requise, de lever l’embargo sur les armes en Syrie, la France prendrait la décision de livrer des armes aux rebelles syriens. Vous prendriez une très lourde responsabilité, celle d’alimenter une escalade guerrière, dans une région sous haute tension. C’est le régime de Bachar Al-Assad qui tirerait tout le profit d’une escalade des violences.

En livrant des armes directement aux rebelles, non seulement la France alimente la guerre civile, mais elle répand également des armes qui pourront atterrir entre les mains de groupes terroristes, comme ce fut le cas en Libye ou auparavant en Afghanistan.

Au demeurant, l’envoi d’armes aux rebelles est parfaitement illégal, que l’embargo soit levé ou non. Notre pays ne peut violer grossièrement ses obligations internationales en matière de maîtrise des armements et de non-prolifération.

Les députés du Front de gauche condamnent la volonté de lever l’embargo sur les armes en Syrie. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Ils condamnent aussi tous ceux qui, officiellement ou officieusement, fournissent le champ de bataille.

Nous rappelons l’exigence d’agir pour une solution politique. La France doit demander une réunion du Conseil de sécurité pour obtenir un cessez-le-feu sous l’égide de l’ONU.

Nous rappelons l’exigence que le peuple syrien lui-même choisisse son destin.

Monsieur le Premier ministre, confirmez-vous cette grave décision d’envoyer des armes, contraire au droit international, qui va nourrir l’escalade des violences et aggraver la tragédie de ce peuple ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de la défense.

M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense. Je vous prie tout d’abord, monsieur le député, de bien vouloir excuser l’absence de M. Laurent Fabius, retenu à Lyon cet après-midi pour une conférence sur le Mali.

La Syrie est victime d’une destruction systématique par un tyran et d’une folie meurtrière qui a entraîné la mort de 70 000 personnes, avec un million de réfugiés et une menace de déstabilisation de l’ensemble de la région.

La France apporte son soutien humanitaire et politique à l’opposition syrienne depuis le début, mais il nous semble nécessaire de franchir une nouvelle étape afin de donner aux forces modérées le moyen de protéger la population civile contre le régime et de ne pas laisser le champ libre aux groupes extrémistes.

Lever l’embargo, ce n’est pas renoncer à une solution politique. La France souhaite qu’il y ait un processus politique de dialogue entre l’opposition et des éléments du régime acceptables par elle.

Pour que ce processus s’engage, il faut débloquer le rapport de force sur le terrain et contraindre le régime à négocier. Nous serons évidemment très vigilants quant aux conditions de mise en œuvre de la levée de l’embargo, en relation avec nos amis britanniques. Nous surveillerons la destination des matériels livrés (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP), et nous nous assurerons qu’ils sont exclusivement destinés à la coalition nationale syrienne, instance responsable et modérée.

Nous respecterons évidemment les mesures européennes en vigueur, afin qu’au terme de la réunion des ministres des affaires étrangères qui se tiendra à Dublin vendredi et à laquelle participera Laurent Fabius, l’Europe puisse se montrer à la hauteur de cet enjeu dramatique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Marchands de sommeil

M. le président. La parole est à M. Stéphane Saint-André, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Stéphane Saint-André. Ma question s’adresse à Mme la ministre de l’égalité du territoire et du logement.

Récemment, plusieurs affaires ont mis en évidence ce que nous savions déjà : les marchands de sommeil prolifèrent. Dans le 11e arrondissement de Paris, une personne vivait dans un studio de 5,78 mètres carrés depuis 2005 pour un loyer de 430 euros par mois hors charges. Le propriétaire a été condamné.

On compte en France 600 000 logements indignes abritant environ un million de personnes. La crise du logement et la recherche de profit à moindre coût génèrent malheureusement ce type de comportement.

En dépit des mesures prises ces dernières années, les marchands de sommeil sont de plus en plus nombreux. Je me félicite, madame la ministre, que vous vous attaquiez à ces délinquants de l’immobilier, en proposant notamment de les frapper au portefeuille.

Très souvent, les propriétaires perçoivent l’allocation logement de la CAF sans subir de contrôles. Pourtant, un rapport de l’IGAS de mai 2012 précise que, depuis la loi SRU, la décence du logement est une condition du versement de l’aide. Le rapport relève par ailleurs la mauvaise articulation entre les acteurs chargés du diagnostic et les CAF.

Certaines villes ont mis en place des opérations de restauration immobilière permettant de détecter les logements insalubres et donnant au préfet la possibilité de prendre un arrêté de mise en demeure avec prescription de travaux.

Dans ma ville, trente-cinq immeubles ont été répertoriés et ont fait l’objet d’un arrêté. J’ai reçu le locataire de l’un de ces logements, qui a tenté en vain de convaincre la CAF de suspendre le versement direct de l’aide au logement au propriétaire. Dans ce cas d’espèce précis et manifeste, puisqu’il a été constaté par l’autorité préfectorale, la CAF devrait être autorisée à suspendre le versement au bailleur et à verser cette aide au locataire. Dans les villes où une opération de restauration immobilière est en place, la CAF devrait avoir l’obligation de solliciter l’avis du maire avant tout versement.

Madame la ministre, j’aimerais connaître vos intentions en la matière et savoir si vous comptez réglementer avec plus de fermeté le versement des aides au logement aux propriétaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’égalité des territoires et du logement.

Mme Cécile Duflot, ministre de l’égalité des territoires et du logement. Monsieur le député, votre question très précise est très juste.

Le problème du logement indigne est délicat puisque nous devons à la fois répondre à l’urgence et agir en direction des propriétaires, dont certains ne sont même plus seulement indélicats mais sont de véritables voyous. C’est pourquoi j’ai confié à Claude Dilain une mission sur ce sujet.

Vous proposez une solution extrêmement intéressante, utiliser le versement de la CAF au propriétaire comme un outil pour l’obliger à réaliser des travaux.

Nous souhaitons avoir un volet extrêmement incitatif, et c’est pourquoi une grande partie des aides de l’ANAH seront attribuées aux propriétaires souhaitant réaliser des travaux, en particulier dans tous les logements qui sont des passoires thermiques, mais nous voulons aussi simplifier les procédures pour agir de manière plus coercitive vis-à-vis des propriétaires qui profitent de la situation.

Ainsi, il nous semble envisageable d’étudier une situation intermédiaire à celle que vous indiquez, conditionner directement le maintien du versement de l’APL aux propriétaires par la réalisation de travaux, l’objectif étant moins de verser l’aide aux locataires que de voir réaliser les travaux dans le logement.

Nous souhaitons aussi éviter la récidive. Aujourd’hui, les marchands de sommeil, puisque c’est de cela que vous parlez, peuvent multiplier l’acquisition de logements. Dans le cadre du projet de loi sur le logement et l’urbanisme que j’aurai l’occasion de vous présenter et qui fait déjà l’objet d’une concertation, nous souhaitons travailler sur la possibilité d’interdire pendant dix ans aux propriétaires ayant réellement pratiqué des locations indignes d’acheter pour louer.

Tel est le travail que mène le Gouvernement, un travail de longue haleine, pour que les dispositifs juridiques résistent, et un travail très précis, pour agir au plus près des locataires et rénover les logements. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, SRC, GDR et RRDP.)

Politique de sécurité

M. le président. La parole est à Mme Valérie Lacroute, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Valérie Lacroute. Monsieur le Premier ministre, chaque jour, des milliers de Franciliens empruntent des trains bondés, en retard, sans chauffage et parfois sans éclairage, pour se rendre à leur travail. C’est la France qui se lève tôt (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC) et qui s’apprête à payer vos nombreux impôts supplémentaires.

Aujourd’hui, je tiens solennellement à tirer la sonnette d’alarme en matière de sécurité. En effet, samedi dernier, une rame du RER D a été attaquée dans l’Essonne, en gare de Grigny, par une bande manifestement bien organisée et hyperviolente.

Ainsi qu’au temps des attaques de diligences dans le Far West, les passagers ont été détroussés par une horde sauvage de trente individus, visages dissimulés, n’hésitant pas à frapper. Une scène de cauchemar pour les usagers de ce train de banlieue, victimes d’actes de piraterie qui ne cessent de se multiplier. Trop, c’est trop ! Assez de belles phrases, monsieur le Premier ministre ! Assez du détricotage des mesures pénales que nous avons prises ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Encore hier, Mme la garde des sceaux annonçait la fin des jurés populaires en correctionnelle et, aujourd’hui, elle compte faire disparaître les peines plancher et abroger la rétention de sécurité.

Les Français sont en colère. Ils ne se reconnaissent pas dans votre politique, qu’ils ont d’ailleurs sanctionnée dans les urnes dimanche dernier, lors de la législative dans l’Oise. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Vous le savez, votre échec est cuisant après seulement dix mois de gouvernance. Monsieur le Premier ministre, comment oser dire que la délinquance est en baisse ? Quand allez-vous enfin vous préoccuper de la sécurité des Français ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

Plusieurs députés du groupe UMP. Taubira ! Taubira !

M. le président. S’il vous plaît !

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Madame la députée, je vous remercie de votre question. Il se trouve que je connais bien la ligne D du RER (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), pour l’avoir empruntée, comme d’autres parlementaires, je n’en doute pas.

Voulez-vous faire croire aux Français que les événements qui viennent d’avoir lieu sont en quoi que ce soit appréhendés par telle ou telle de vos déclarations ou de vos analyses ? Après dix ans d’une politique de sécurité et de justice qui devait régler tous les problèmes (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP), je constate malheureusement qu’une partie de notre jeunesse, une partie de nos quartiers, à l’abandon, se livre en effet à des actes intolérables. Mais arrêtez d’exploiter en permanence ces sujets à des fins politiques ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) Cela ne règle aucun problème.

Oui, il y a de la violence dans la société, mais vos lois pénales, vos lois en matière de sécurité n’ont rien réglé. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.) Il faut une autre approche, et cette approche, ce sont davantage de moyens pour la police et la justice, car, pendant des années, vous avez sabré dans ces moyens, vous avez ôté à la police et à la justice les moyens de faire face à cette violence. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Avec Christiane Taubira, nous sommes déterminés à lutter contre la violence, à faire en sorte que la police, la gendarmerie, les magistrats soient plus efficaces, aient davantage de moyens, et que les lois s’appliquent réellement : car vous avez légiféré, mais vous n’avez pu appliquer les lois qu’attendaient les Français.

Ce gouvernement ne laissera pas passer la violence. Je veux vous faire part de notre détermination à lutter contre cette violence intolérable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Allocations familiales

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Charles de Courson. Madame la ministre chargée de la famille, notre République est fondée sur un pacte qui garantit des droits aux citoyens : l’accès à la santé, à l’école, à la justice, mais aussi des droits pour tous les enfants de la République, quels qu’ils soient, dans le cadre d’une grande politique familiale nationale.

Or nos collègues socialistes Gérard Bapt, rapporteur du budget de la sécurité sociale, et Pascal Terrasse, secrétaire national du parti socialiste à la protection sociale, viennent de lancer l’idée de diviser par deux les allocations familiales…

Un député du groupe UMP. Honteux !

M. Charles de Courson. …pour les familles dont le revenu dépasse 53 000 euros par an pour un couple avec deux enfants, afin de réaliser une économie de l’ordre d’un milliard d’euros pour contribuer à la réduction du déficit de la branche famille estimée, pour 2013, à 2,6 milliards d’euros.

Cette proposition reprend l’une des pistes d’économies proposée par le rapport Fragonard, actuellement examiné par le Haut conseil de la famille, saisi par le Gouvernement.

Une telle proposition entraînerait inévitablement un profond changement de notre modèle républicain de politique familiale, fondé sur l’universalité des droits des familles.

Le groupe UDI a toujours défendu ce principe fondamental : le Gouvernement ne doit pas confondre politique familiale et politique des revenus, qui relève notamment de l’impôt. Les allocations familiales ont pour seule vocation, et c’est un héritage consensuel du Conseil national de la Résistance depuis 1945, d’assurer la solidarité entre les familles ayant des enfants à charge et celles n’en ayant pas.

La France a besoin d’une grande politique familiale. Ma question est donc simple : le Gouvernement est-il favorable à l’idée lancée par nos deux collègues socialistes Gérard Bapt et Pascal Terrasse de réduire de moitié les allocations familiales pour une partie des familles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la famille.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée chargée de la famille. Monsieur le député, nous partageons au moins une chose : nous sommes désireux, vous comme nous, de mener une grande politique familiale. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Il faudra donc que l’on m’explique comment il se fait que, le précédent gouvernement ayant trouvé une branche famille en équilibre, le déficit de cette branche soit passé entre 2008 et 2011 de 300 millions à plus de 2,6 milliards. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

De même, il faudra que l’on m’explique pourquoi vous avez pratiqué une sous-indexation des prestations familiales, provoquant une perte de pouvoir d’achat d’environ 600 millions d’euros.

M. Jean-François Lamour. Et maintenant ?

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. Les attentes de nos concitoyens et des familles ayant évolué, il est légitime de s’interroger. Une récente étude du CREDOC montre que 69 % de nos concitoyens sont beaucoup plus attachés au développement de modes d’accueil et de nouveaux services de soutien à la parentalité, et que 30 % sont plus attachés au développement des prestations financières.

M. Bernard Deflesselles. Répondez à la question !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. La mission Fragonard – attendons les conclusions de son rapport – a donc pour objectif de fournir des indications sur une meilleure efficience de notre système de politique familiale, sur un meilleur ciblage,…

M. Bernard Deflesselles. Ça rame !

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée. …car on ne peut se satisfaire d’être à la fois le premier pays européen en matière de dépenses familiales et le dix-huitième dans la lutte contre la pauvreté des enfants. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Trajet de la manifestation contre le mariage pour tous

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Hervé Mariton. Monsieur le ministre de l’intérieur, au cours de l’an passé, les vols avec violence ont augmenté, alors qu’ils avaient baissé l’année précédente. Voilà qui aurait dû rabattre votre mépris, quand vous avez répondu plus tôt à Mme Lacroute. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Hier, vous avez interdit tous les trajets demandés par les organisateurs de la manifestation du 24 mars, une manifestation en faveur de la famille et du droit des enfants. Ils ne demandent que l’une des douze avenues qui mènent à l’Étoile, et vous les avez toutes refusées. Vous voulez casser et scinder la manifestation ; vous ne voulez pas la voir ; vous refusez, vous et le Gouvernement, que l’opposition s’exprime.

Dois-je rappeler les propos tenus il y a quelques jours par Mme Taubira, dans le cadre d’une interview donnée aux Inrockuptibles ? Elle voulait « trucider » les députés de l’opposition. (Sourires.) Vous en souriez ! Mais quel exemple de la part d’une ministre de la justice !

Aujourd’hui encore, comme depuis neuf mois, vous attaquez la famille, en contestant les allocations familiales perçues par les foyers dont les revenus s’élèvent à 4 400 euros par mois, soit 2 200 euros pour chacun des membres du couple. Est-on riche avec 2 200 euros par mois ?

Alors qu’elle est déjà en crise, vous fracturez la société. Ne soyez donc pas surpris que 64 % des Français soient opposés à votre politique.

Monsieur le ministre, où consentez-vous à ce que les Français puissent manifester leur opposition dimanche ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. S’agissant de la lutte contre la délinquance ou l’insécurité, les violences sur les personnes et l’augmentation des cambriolages depuis plusieurs années doivent inviter chacun à plus de modestie.

Pour vous répondre, monsieur Mariton, vous savez qu’une tradition républicaine interdit toute manifestation sur les Champs-Élysées – il existe d’ailleurs des courriers à ce sujet. Cette règle s’applique à tous et le principe d’égalité doit prévaloir.

M. Bernard Deflesselles. Et le 14 juillet ?

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Malgré un dialogue quotidien et des propositions alternatives sur des parcours tout aussi prestigieux – Denfert-Rochereau, Place d’Italie, Bastille ou Nation – la préfecture de police a rencontré une attitude peu coopérative (Protestations sur les bancs du groupe UMP) et un refus d’examiner tout autre itinéraire que celui des Champs-Élysées. C’est l’unique raison pour laquelle le préfet de police a été amené à prendre un arrêt d’interdiction, et à contrecœur, monsieur le député.

M. Hervé Mariton. Et l’avenue de la Grande Armée ?

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. La porte du préfet de police reste ouverte, si les organisateurs souhaitent revenir à une attitude plus constructive ; car un service d’ordre adapté ne peut pas s’improviser.

M. Hervé Mariton. Et l’avenue de la Grande Armée ?

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Ne jouez pas au martyr, monsieur le député. Le droit de manifester est constitutionnel, mais il exige un dialogue constructif entre le préfet et les organisateurs. Une manifestation a déjà eu lieu : un itinéraire peut donc être trouvé. Ce ne seront pas les Champs-Élysées, mais Paris est grand et offre d’autres possibilités. Vous ne ferez pas accroire qu’il n’y a pas eu de débat et que le Parlement s’est tu.

Au demeurant, puisque vous faites appel aux sondages, je vous rappelle que la majorité des Français sont favorables au mariage pour tous (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologistes, GDR et RRDP.)

M. Philippe Meunier. Qu’est-ce que cela signifie ? Vous pouvez garder vos commentaires !

Refondation de l’école

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Allossery, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Jean-Pierre Allossery. Monsieur le ministre de l’éducation nationale, François Hollande a placé la jeunesse au cœur de son projet politique pour redresser la France. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Avec le projet de loi pour la refondation de l’école, vous avez relancé la marche du progrès social, grâce à la reconstruction d’un système éducatif capable de corriger les inégalités.

Dans une période budgétaire contrainte, vous avez décidé d’allouer des moyens indispensables pour permettre à l’école de redevenir le vecteur incontesté des valeurs de la République. Au-delà de la création de 60 000 postes, je relève plusieurs avancées majeures ; parmi celles-ci, le retour d’une véritable formation initiale pour les enseignants mérite d’être souligné.

Sans être en mesure d’aborder ici l’ensemble des progrès apportés par cette loi, je souhaite témoigner de l’accueil favorable que les territoires réservent à la réforme.

Qu’il s’agisse de la lutte contre l’illettrisme, de l’aide apportée aux élèves en difficulté ou de l’attention indispensable accordée aux élèves porteurs de handicap, le dispositif « plus de maîtres que de classes » favorisera des avancées majeures dans chacun de ces domaines.

Grâce à la priorité donnée au primaire, qui est le socle fondamental de tous les apprentissages, et grâce à la place nouvelle que prendront les apprentissages artistiques et culturels, la loi que nous nous apprêtons à voter redonnera à l’école de la République les moyens de réussir sa noble mission.

M. Philippe Cochet. Quel enthousiasme !

M. Jean-Pierre Allossery. En outre, la modification des rythmes scolaires, avec le retour attendu par tous les observateurs de la semaine de quatre jours et demi, permettra d’établir de nouveaux partenariats, que la loi soit mise en œuvre dès 2013, comme dans ma ville, ou en 2014…

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Le Président de la République a souhaité faire de la jeunesse la priorité de son quinquennat (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), non pour distinguer une catégorie de la population, mais parce que la jeunesse est l’avenir de la France et le lien le plus sûr pour renouer avec lui.

Au cœur de cet engagement se trouve donc l’école. Au cours de la semaine passée, l’Assemblée nationale a eu l’occasion d’examiner en première lecture le projet de loi pour la refondation de l’école de la République : une loi de programmation qui sanctuarise 60 000 emplois nouveaux, afin de permettre la réussite de tous les enfants de France, et une loi d’orientation, puisqu’elle permet de fixer un certain nombre de priorités.

Comme vous l’avez rappelé, les résultats scolaires de nos élèves méritent que nous sachions nous réunir autour de priorités simples : la priorité au primaire, la remise en place d’une formation pour les enseignants, des rythmes scolaires plus adaptés, l’accueil des enfants de moins de trois ans, la modification de nos méthodes pédagogiques,…

M. Dominique Dord. Ce sont les collectivités qui paient !

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. …assurer un meilleur parcours d’orientation pour tous les enfants ainsi qu’un parcours d’éducation culturelle et civique, un enseignement moral et civique, développer une école inclusive pour les enfants en situation de handicap.

Voilà ce que nous avons fait tous ensemble la semaine dernière. Je remercie l’Assemblée nationale d’avoir contribué à enrichir ce texte, qui devrait permettre à la nation de se rassembler pour se dépasser. J’espère que les députés de l’opposition seront présents tout à l’heure au rendez-vous de ce que j’ai appelé une union patriotique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Violences à Marseille

M. le président. La parole est à M. Guy Teissier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Guy Teissier. Monsieur le ministre de l’intérieur, une semaine et six morts nous séparent de l’intervention de ma collègue Valérie Boyer – que j’associe d’ailleurs à ma question – sur la violence à Marseille et de votre réponse distanciée, pour ne pas dire arrogante, ton que vous affectez séance après séance.

À l’occasion d’un déplacement à Marseille, M. le Premier ministre avait déclaré qu’il ferait de cette ville une priorité. Vous êtes, pour votre part, venu six fois et vous avez déclaré que vous aviez la volonté farouche de pacifier Marseille. Au-delà des grands mots, qu’en est-il ?

La spirale de la violence s’intensifie, on assiste impuissants à des règlements de compte entre narcotrafiquants, des commerçants sont bannis de leur quartier et, ce matin encore, une prise d’otage s’est soldée par une victime innocente. On ne peut que constater tristement l’échec de votre politique. Ce ne sont pas les 200 gendarmes et CRS que vous avez envoyés récemment, lesquels regagneront d’ailleurs très vite leur caserne, qui arriveront à faire taire la mélopée des Kalachnikov.

Monsieur le ministre, je vous le dis : malgré la volonté qui vous anime, vous échouez, et vous échouerez encore parce que vous avez décidé de concentrer vos efforts sur les quartiers Nord et pas sur l’ensemble de cette ville. Votre réponse n’est ni globale ni équitable. Vous échouerez parce que vous et vos collègues ne voulez pas tirer les leçons d’une politique d’assistanat qui a corrompu le pacte social, le sens de l’effort et la responsabilité individuelle. Vous échouerez parce que vous dites avoir déclaré la guerre aux trafiquants de drogue pendant que certains de vos collègues plaident publiquement ici en faveur de la dépénalisation du cannabis. (Exclamations sur de nombreux bancs du groupe SRC.) Vous échouerez parce que face à une criminalité nouvelle, enkystée au plus profond de certaines banlieues, il faudrait apporter de nouvelles solutions, doter la police d’un service unique ; bref il faut changer de stratégie. Cette tragique réalité exige enfin un traitement à la hauteur, c’est-à-dire une tolérance zéro !

Monsieur le ministre, si vous ne voulez pas rester le ministre de la parole, vous devez convaincre votre collègue, la ministre de la justice, d’abandonner son credo permissif ! (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur Guy Teissier, Marseille est malade de la violence. Elle est malade aussi de la pauvreté, et de l’abandon, depuis des années, des pouvoirs publics. (« Eh oui ! » sur divers sur les bancs des groupes SRC et écologiste. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Des quartiers de Marseille ont été abandonnés et la violence, pas seulement depuis quelques mois mais depuis des années, avec son lot de morts et de trafics de drogue, est malheureusement présente. Ce gouvernement a décidé de faire de Marseille une priorité. C’est difficile et ce sera long. Des moyens supplémentaires ont déjà été mis en place : 220 policiers et gendarmes. J’ai décidé d’appuyer de manière durable la stratégie d’occupation du terrain, depuis plusieurs jours, par des CRS et des gendarmes mobiles : ils resteront longtemps. Le Gouvernement a décidé de créer des zones de sécurité prioritaire dans les quartiers Nord et dans les quartiers Sud, et de poursuivre le travail entamé en centre-ville. Je me réjouis qu’enfin, même si cela a été bien tardif, la municipalité de Marseille ait lancé la modernisation de sa police municipale et mis en oeuvre la vidéoprotection.

J’ai déjà lancé un appel pour combattre la violence et la drogue, laquelle tue aussi. Il nous faut un pacte, au-delà des mots, des polémiques et de l’absurdité de vos propositions (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), entre les élus locaux de tous bords et l’État pour combattre cette pauvreté et pour attaquer la violence qui est enracinée dans la société marseillaise.

Monsieur le député, je vous le dis : travaillez avec Jean-Claude Gaudin et avec le préfet Bonnetain plutôt que de participer aux divisions au sein de votre camp ou entre la droite et la gauche dans cette ville. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Que chacun prenne ses responsabilités : Marseille a été abandonnée ; l’État, aujourd’hui, fait de Marseille une priorité et luttera de manière acharnée contre cette violence, malgré vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur plusieurs bancs des groupes RRDP et écologiste.)

Restitution des œuvres d’art à des familles juives
spoliées durant la seconde guerre mondiale

M. le président. La parole est à M. Marcel Rogemont, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Marcel Rogemont. Ma question s’adresse à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Vous venez, madame la ministre, de remettre officiellement à leurs propriétaires, au nom de la France, sept tableaux dont ils furent spoliés lors de la seconde guerre mondiale. Il est nécessaire de rappeler que plus de 670 000 œuvres ont été pillées dans toute l’Europe entre 1939 et 1945 par les nazis, dont plus de 100 000 pour notre seul pays, et que trop d’œuvres n’ont pas encore été restituées. Il est vrai que ce n’est pas chose facile lorsque sur les dizaines de milliers de juifs français déportés, seuls 2 500 ont survécu.

Aussi, depuis la fin de la guerre, les pays européens ont édicté des lois relatives à la restitution des œuvres d’art à leurs propriétaires. Malgré l’existence de ces lois, de nombreuses œuvres d’art n’ont pas été réclamées et ont été déposées dans les collections nationales. La France a-t-elle vraiment toujours tout mis en œuvre pour retrouver les propriétaires ?

La chute du mur de Berlin, entraînant l’accès à des informations jusque-là cachées, la numérisation des œuvres et la tenue de conférences internationales ont sans aucun doute donné un nouvel élan aux recherches. La France, aujourd’hui, montre l’exemple avec cette restitution majeure, la plus importante réalisée depuis des lustres par notre pays.

Bien naturellement cette initiative ne peut rester sans lendemain. Il resterait plus de 2 000 œuvres en France qui n’ont pas retrouvé leurs propriétaires légitimes. Le temps de l’histoire apaisée nous regarde. Notre pays a un devoir vis-à-vis des victimes des persécutions nazies et de leurs familles.

C’est pourquoi je vous demande, madame la ministre, de préciser à la représentation nationale les initiatives nouvelles que vous entendez prendre pour que la France assume ses responsabilités. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Paul Giacobbi et M. Roger-Gérard Schwartzenberg. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la culture et de la communication.

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Monsieur Marcel Rogemont, ce matin, en effet, j’ai eu beaucoup d’émotion à remettre sept tableaux des XVIIe et XVIIIe siècles aux descendants, et à leurs ayants droit, des propriétaires juifs qui en avaient été spoliés pendant la deuxième guerre mondiale.

La France n’a pas été en reste s’agissant de la restitution des œuvres d’art spoliées. Ainsi, après la guerre, 45 000 œuvres ont été rendues à leurs propriétaires. Mais, vous l’avez rappelé, il en reste aujourd’hui 2 000, classées MNR – « Musées Nationaux Récupération », chacun peut voir ces petits cartels dans les musées –, susceptibles d’avoir été pris à leurs propriétaires légitimes pendant la guerre. En 1997, la commission Matteoli a entamé un travail extrêmement important. Puis, en 1998, il y a eu la création de la commission d’indemnisation des victimes de spoliation, qui travaille aujourd’hui avec les personnels du ministère de la culture et du ministère des affaires étrangères pour retrouver les propriétaires légitimes.

J’ai décidé de donner une nouvelle impulsion au dispositif car, jusqu’à présent, il fallait que les ayants droit, les familles des victimes de spoliation, fassent eux-mêmes des démarches pour pouvoir prouver leurs droits et ainsi récupérer leurs œuvres : désormais, un groupe de travail installé par le ministère de la culture mènera des recherches à partir d’une liste de 163 œuvres qui sont dans nos musées et dont nous avons la quasi-certitude qu’elles proviennent de spoliations. C’est un devoir moral vis-à-vis des victimes ; c’est aussi un devoir scientifique car cette page de l’histoire est également une page tragique de l’histoire de l’art. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP et sur quelques bancs du groupe UMP.)

Politique scolaire

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Frédéric Reiss. En l’absence de M. le Premier ministre, ma question s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale.

Cet après-midi, nous sommes appelés à nous prononcer sur le projet de loi dit de refondation de l’école, qui n’a de refondation que le nom. Une fois de plus, nous avons pu voir lors des débats s’exprimer les positions totalement idéologiques de la gauche.

M. Patrick Hetzel. En effet !

M. Frédéric Reiss. Ainsi, nous avons une divergence de fond quand vous abrogez la loi Cherpion. Pourtant, cette loi a introduit un dispositif d’initiation aux métiers en alternance pour une vraie diversification des parcours à partir de la classe de quatrième. Même Mme Ségolène Royal, que vous avez soutenue, monsieur le ministre, l’a déploré publiquement, parlant de « regrettable suppression » et évoquant « une idéologie dépassée vu la gravité de l’échec scolaire. » (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Même le Premier ministre ne semblait pas choqué par ce dispositif qui valorise la voie professionnelle dès l’âge de quatorze ans. Interrogé sur ce sujet lors d’une interview au journal Le Parisien, le 30 octobre dernier, il avait répondu : « Et pourquoi pas ? »

Monsieur le ministre, non seulement vous prenez de mauvaises décisions mais, en plus, des chantiers importants comme celui des rythmes scolaires sont totalement pollués par une méthode inadaptée. Après la ville de Lyon de Gérard Collomb, c’est la ville de Lille de Martine Aubry (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) qui renonce à mettre en place votre réforme dès la rentrée 2013, et de nombreux maires font de même.

Alors, monsieur le ministre, si vous n’écoutez pas votre opposition, écoutez au moins vos amis pour éviter de faire fausse route dans votre politique scolaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

Plusieurs députés du groupe UMP. Et du cannabis !

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Monsieur le député, comme vous le savez car nous avons passé tant d’heures ensemble la semaine dernière, j’écoute la majorité et aussi l’opposition.

Puisqu’il n’est pas interdit de donner des informations exactes, je vais indiquer à la représentation nationale qu’une directive européenne interdit aux États membres de créer dans leur législation nationale des contrats de travail destinés aux jeunes de moins de quinze ans.

Le dispositif de l’article 38 que la loi sur le refondation de l’école abroge n’est pas le DIMA, le dispositif d’initiation aux métiers en alternance, qui demeure valable à partir de quinze ans. Il abroge un dispositif qui permettait d’écarter certains élèves à partir de la classe de quatrième, en attendant un contrat d’apprentissage, c’est-à-dire un contrat de travail. Or jamais ce dispositif n’a réellement été mis en place dans notre pays, puisque je l’ai suspendu à partir de la rentrée 2012. D’ailleurs, aucune entreprise n’en voulait ni ne le demande.

M. Lucien Degauchy. C’est faux !

M. Vincent Peillon, ministre. Je maintiens le DIMA, le contrat d’apprentissage pour les quinze ans qui concerne 7 000 jeunes Français. Nous sommes absolument favorables à l’enseignement par apprentissage. Je ne sais pas qui fait de l’idéologie, qui regarde vers le passé, mais je continue à vous dire, en particulier à vous : nous sommes capables de nous rassembler autour de l’école et nous devons le faire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Insécurité

M. le président. La parole est à M. Arnaud Richard, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Arnaud Richard. Monsieur le ministre de l’intérieur, l’attaque du RER D, samedi dernier à Grigny, témoigne du climat d’impunité qui règne désormais dans notre pays. Comment tolérer que des bandes de voyous sèment la terreur dans les transports franciliens ? Au-delà de Marseille qui reste le théâtre d’assassinats toutes les semaines, c’est malheureusement la France tout entière qui enregistre la recrudescence de la délinquance.

Cette affaire est grave mais l’information est lente à sortir. Monsieur le ministre, vous qui êtes habitué aux effets de manche et aux réponses toujours très volontaristes, vous avez été bien silencieux sur cette affaire qui est sortie au détour d’une dépêche, en fin de journée, dimanche soir.

Oui, il faut beaucoup de modestie en la matière. Député de Chanteloup-les-Vignes, je sais combien la lutte contre l’insécurité dans les quartiers est difficile à mettre en œuvre. En réalité, c’est la conséquence des propos du garde des sceaux qui provoquent de tels phénomènes de société. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Cet échec, mes chers collègues, est celui du Gouvernement qui prône l’impunité et cherche des excuses aux délinquants aux dépens des victimes.

M. Julien Aubert. Très bien !

M. Jean Glavany. Honteux !

M. Arnaud Richard. À l’évidence, le Gouvernement est tiraillé entre deux positions opposées et irréconciliables : entre répression et déresponsabilisation.

M. Bernard Roman. C’est minable !

M. Arnaud Richard. Monsieur le ministre de l’intérieur, ma question est simple et c’est bien dommage que le Premier ministre ne soit pas là pour y répondre. Le Gouvernement penche-t-il en votre faveur, c’est-à-dire vers la fermeté ou en faveur du garde des sceaux, c’est-à-dire vers le laxisme ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le député, comme vous, j’ai été élu de ces quartiers ô combien difficiles, où la violence est enracinée et où le trafic de drogue a fait des ravages majeurs.

Dans ces quartiers, nous avons besoin des forces de l’ordre, du travail de la justice, de faire respecter des règles, du retour de l’autorité à tous les niveaux et de son application. Nous avons aussi besoin de laïcité et, à cet égard, en sortant quelques secondes de mes fonctions, je veux vous dire combien je regrette la décision rendue aujourd’hui par la Cour de cassation concernant la crèche Baby Loup et cette mise en cause de la laïcité. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC, RRDP, UMP et UDI.)

Mais, monsieur le député, malgré vos questions à répétition, il n’y a qu’une seule politique, celle du Président de la République et Premier ministre, celle que nous mettons en œuvre avec Christiane Taubira.

Croyez-moi, pour les policiers et pour les gendarmes comme pour les magistrats, Christiane Taubira et moi-même, nous donnons une autre image de ce qu’est l’État de droit. Dans ce Gouvernement, jamais un ministre de l’intérieur ne mettra en cause l’action des magistrats et jamais un garde des sceaux ne mettra en cause le travail de la police et de la gendarmerie. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Voilà la différence !

Monsieur le député, pour être efficace, pour que la chaîne pénale puisse vraiment fonctionner, pour que les hommes et les femmes qui travaillent dans des conditions difficiles, parce que votre majorité ne leur avait pas donné les moyens, nous avons besoin que la garde des sceaux et le ministre de l’intérieur travaillent main dans la main, parce que c’est notre conviction : la sécurité est une priorité et la justice doit être efficace, ce qu’elle n’était pas avec vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Politique à l’endroit des Roms

M. le président. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen, au titre des députés non inscrits.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

Dans un article paru vendredi dernier, monsieur le ministre, vous vous rendez enfin à l’évidence : vous dénoncez le fait que la majorité des Roms ne souhaite pas s’intégrer dans notre pays, déplorant leur organisation en réseaux mafieux. Je n’exploite pas le sujet, monsieur le ministre, je rejoins votre constat. Car vous avez raison : ces réseaux délinquants prospèrent grâce aux faux mendiants, à la prostitution, aux bandes d’enfants pickpockets, aux jeux illégaux, aux cambriolages ou aux vols de métaux. Ils bénéficient d’ailleurs la plupart du temps d’une immunité pénale.

Vous reconnaissez qu’une partie des Roms a vocation à retourner dans leurs pays d’origine, tout en évoquant la nécessité, pour les autres, de programmes d’intégration. Pouvez-vous nous préciser quels seront les critères pour choisir l’une ou l’autre de ces voies et quelles seront leurs proportions respectives ?

Par ailleurs, la Roumanie et la Bulgarie s’apprêtent à entrer dans l’espace Schengen, ce qui supprimera définitivement le peu de restrictions, et déjà inappliquées, à la circulation des Roms. Vous devriez, en toute logique, vous y opposer fermement. Est-ce le cas ?

La France n’a pas les moyens de les accueillir décemment, de leur fournir un emploi, de les reloger, de les nourrir et de les soigner. Comment ferons-nous face lorsqu’ils arriveront demain par dizaines de milliers, en toute légalité ?

Les politiques font l’autruche, les préfets sont impuissants, les expulsions inefficaces, les camps déplacés pour être soustraits à la vue de tous mais les faits sont là.

Face aux millions consacrés à l’insertion, est-il aussi permis dans ce pays de s’indigner pour le Français moyen avec ses deux enfants qui n’a rien d’autre que son SMIC, lui, pour joindre les deux bouts ? Lui, le grand oublié des élites françaises, qui aimerait bien aussi être relogé, avoir des loyers payés par la collectivité et se voir fournir des bons alimentaires ?

Comme écrivait Rousseau, tel philosophe aime les Tartares pour se dispenser d’aimer ses voisins. Alors, monsieur Valls, allez-vous faire mentir Rousseau au profit de Montaigne, qui disait que c’est une bien belle chose lorsque le dire et le faire vont ensemble ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Gilbert Collard. Très bien !

Plusieurs députés du groupe SRC. Ils applaudissent ! Alors là, bravo !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Vingt mille personnes, hommes, femmes, enfants de culture rom, originaires essentiellement de Roumanie, vivent aujourd’hui dans plus de quatre cents campements en France, dont les deux tiers en Île-de-France.

Depuis cet été, nous agissons. Nous considérons que les conditions de salubrité dans ces campements, le péril pour la santé et la sécurité de leurs occupants, les tensions générées avec les quartiers nécessitent une politique assumée. Celle-ci s’est traduite par plusieurs milliers de reconduites à la frontière au cours de l’année 2012, par la fin de l’aide au retour, instaurée par le gouvernement précédent, qui créait un circuit permanent vers notre pays, et par la circulaire du 26 août 2012.

Cette dernière, outre le démantèlement des camps et les reconduites, prône une politique européenne. De ce point de vue, nous avons aujourd’hui des relations constructives avec les autorités roumaines. J’ai notamment eu l’occasion de signer avec Bernard Cazeneuve il y a quelques semaines un plan d’insertion pour une centaine de projets en Roumanie. Par ailleurs, la circulaire fait toute leur place au logement, au travers par exemple des villages d’insertion, au travail, c’est le sens de ce qui a été amorcé par Michel Sapin, et évidemment au respect des lois concernant l’école.

C’est un dossier difficile, qui doit rester éloigné de toute tentative d’exploitation. Il s’agit là de regarder la réalité en face, celle que vivent ces populations comme celle des habitants de ces quartiers populaires, qui souffrent déjà de bien des difficultés, et d’appliquer tout simplement la devise de la République – car ce sont des êtres humains, des personnes en grande difficulté à qui nous devons offrir des solutions. C’est cette politique, madame, qui devrait rassembler une grande majorité de l’Assemblée. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Politique économique

M. le président. La parole est à M. Laurent Furst, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Laurent Furst. Tout d’abord, viens-je bien d’entendre le ministre de l’intérieur mettre en cause une décision de la Cour de cassation ? Ce serait une belle première dans cet hémicycle ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mesdames et messieurs les ministres, votre gouvernement a renoncé trois fois à atteindre ses objectifs : en matière de croissance, de maîtrise des déficits et de baisse du chômage. La situation du pays est grave.

À qui la faute ? À la crise, que vous avez tant niée pendant vos deux campagnes électorales ! À l’Europe, qui contredit le plan de relance fictif tant vanté pour l’adoption du traité ! À vos prédécesseurs, dont l’héritage sert d’alibi à vos échecs – sauf apparemment pour Airbus !

Ma question est simple. Alors que nous constatons que le chômage augmente deux fois plus vite sous la présidence Hollande que sous celle de M. Sarkozy (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), avez-vous le sentiment d’avoir une part de responsabilité dans ce marasme ?

Oui, vous portez une responsabilité, parce qu’à la crise, vous avez ajouté le prix de votre politique, le coût de votre idéologie, l’addition de vos errements.

Rappelez-vous les propos du ministre du logement sur le blocage des loyers et la réquisition des logements ! Rappelez-vous les propos du ministre du redressement productif qui ne voulait plus de Mittal en France et humiliait Peugeot – et maintenant, le chômage flambe ! Rappelez-vous avoir privé 9 millions de Français d’heures supplémentaires défiscalisées, avoir écrasé le pouvoir d’achat par le pilon fiscal. Résultat, le chômage flambe ! Rappelez-vous avoir brisé la confiance des entrepreneurs de France en les désignant à la vindicte de votre majorité. Résultat, le chômage flambe !

Enfin, rappelez-vous que les entreprises ont besoin de stabilité, de vérité et de confiance… et que vous avez augmenté l’été dernier leur fiscalité de 10 milliards d’euros !

Vous avez amené la France sur le chemin d’un Waterloo économique… (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. Merci. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Monsieur le député, je n’ai pas bien entendu la fin de votre question, mais j’ai cru comprendre où vous vouliez en venir.

C’est vrai, la France traverse, comme l’ensemble de la zone euro et comme le monde (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP), une crise économique très profonde. En effet, d’après les prévisions de la Commission européenne, la zone euro va connaître une deuxième année de récession. La France, pour sa part, a été en stagnation en 2012 – elle a fait moins mal que d’autres – et devrait connaître cette année une croissance de 0,1 % selon la Commission.

Nous ne saurions bien sûr nous en contenter. C’est pourquoi nous menons, contrairement à ce que vous avancez, une politique de redressement. Redressement nécessaire, car il est vrai que nous avons hérité d’une situation très fortement dégradée… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Yves Fromion. Ah, l’héritage !

M. Pierre Moscovici, ministre. …déficits publics, endettement, croissance amorphe, compétitivité en berne…

Sur tous ces terrains, nous agissons. Nous redressons les déficits, c’est nécessaire. Nous musclons la compétitivité française – et nous faisons d’ailleurs, quoi qu’on ait pu dire, une totale confiance aux entreprises. C’est le gouvernement de Jean-Marc Ayrault qui a érigé, sur la base du rapport Gallois, un pacte de compétitivité de 35 mesures incluant notamment le crédit d’impôt compétitivité emploi, une mesure qu’elles attendaient et qu’elles utilisent ! J’ai pu voir hier encore dans l’Orne à quel point l’attente était forte à ce sujet.

Alors, plutôt que de répéter sempiternellement des questions qui visent à chaque fois à faire douter de la France, vous devriez nous accompagner dans une politique qui enfin veut redresser notre pays – une politique qui va vraiment le redresser, créer de la croissance, inverser la courbe du chômage d’ici à la fin de l’année 2013 ! C’est cette politique que nous menons, elle est bien différente et bien meilleure que la vôtre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Exploitation du gaz de houille

M. le président. La parole est à M. Yves Blein, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Yves Blein. Monsieur le ministre du redressement productif, vous avez inauguré cette semaine le train de l’industrie et de l’innovation…

Plusieurs députés du groupe UMP. Il va dérailler !

M. Yves Blein. …qui va promouvoir dans toute la France, durant un mois, les qualités de l’industrie française.

Vous étiez récemment, devant l’ensemble des industriels français de la chimie réunis à Lyon pour relancer la politique de filière métiers que vous souhaitez stimuler. Vos interlocuteurs vous ont sensibilisé au déséquilibre de concurrence de plus en plus prégnant pour leurs activités, souvent électro-intensives, dû à l’exploitation des gaz de schiste aux États-Unis. Cela créerait ainsi un écart de coût de trois à quatre avec l’industrie française pour sa fourniture en énergie.

En réponse à ces questions, vous avez évoqué, monsieur le ministre, l’hypothèse de l’exploitation du gaz de houille. Vous avez ainsi expliqué que l’extraction de ce gaz pourrait représenter environ dix ans de consommation nationale. Il pourrait constituer une nouvelle perspective pour le mix énergétique de notre pays.

Contrairement au gaz de schiste, le gaz de houille peut s’extraire sans recourir à la fracturation hydraulique, ne nécessite pas une utilisation abondante d’eau et recourt à des techniques d’extraction plus respectueuses de l’environnement.

À l’heure où la France fait face à une grave crise économique, l’exploitation du gaz de houille pourrait peut-être participer de la réduction de la facture énergétique et éviter notamment aux industriels forts consommateurs une tentation de délocalisation vers des pays où le prix du gaz est désormais beaucoup plus bas.

L’intérêt de la France pour ces ressources, si leur présence était prouvée et si elle se révélaient exploitables, serait en outre un signal fort envoyé aux pays producteurs de gaz quant aux prix qu’ils pratiquent aujourd’hui.

Aussi, monsieur le ministre, quelles initiatives concrètes comptez-vous prendre, en relation avec Mme la ministre de l’écologie, pour faire progresser cette idée, vérifier sa faisabilité et pourquoi pas, demain, encourager sa réalisation ? (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie.

Mme Delphine Batho, ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie. Monsieur Blein, permettez-moi d’abord de saluer votre travail comme député et comme président de l’association AMARIS pour maintenir une présence industrielle dans les territoires, en lien avec le travail du ministre du redressement productif, et pour que cette présence soit compatible avec la prévention des risques technologiques.

La question que vous posez du coût de l’énergie – et d’abord pour les ménages – est au cœur du débat national sur la transition énergétique. Permettez-moi, à ce stade, de saluer le vote par l’Assemblée, la semaine dernière, de la proposition de loi de François Brottes permettant à 8 millions de Français de bénéficier désormais des tarifs sociaux de l’énergie. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe SRC.)

M. Julien Aubert. Et les éoliennes !

Mme Delphine Batho, ministre. La question se pose aussi du coût de l’énergie pour les entreprises, parce que, pendant longtemps, la France a eu un avantage compétitif – qu’elle a du reste encore – grâce au coût de son électricité, notamment pour les industries électro-intensives. Conserver cet avantage est un enjeu très important.

M. Lucien Degauchy. On ne nous dit pas tout !

Mme Delphine Batho, ministre. La France a interdit pour de bonnes raisons le recours à la fracturation hydraulique et exclut ainsi l’exploitation du gaz de schiste.

En ce qui concerne le gaz de houille, ce n’est pas une nouveauté puisque le gaz de mine est exploité depuis 1992 dans le Nord-Pas-de-Calais et que, depuis les années 2000, un certain nombre de permis de recherche ont été déposés en région Lorraine. Leur renouvellement, en lien avec le président de la région Jean-Pierre Masseret, est en cours d’instruction. J’ai par ailleurs demandé un état des connaissances sur les conditions environnementales et sur l’impact environnemental de l’éventuelle exploitation de cette ressource. Mais, pour l’instant, la démonstration n’a pas été faite que le gaz de houille pouvait être exploité dans des conditions économiquement rentables.

Or il y a urgence à répondre aux préoccupations des industries électro-intensives. C’est pourquoi j’ai mis en place un groupe de travail avec l’UNIDEN. Nous avons pris des mesures sur l’effacement, sur l’interruptibilité. Nous avons par ailleurs un important travail à mener sur la question des contrats de long terme pour que le coût de l’énergie reste compétitif pour ces entreprises. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Situation de Chypre et lutte
contre les paradis fiscaux

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour le groupe écologiste.

Mme Michèle Bonneton. Monsieur le ministre de l’économie et des finances, Chypre, réputé comme paradis fiscal, est en quasi-faillite avec un besoin de financement équivalent à son PIB. Parallèlement, l’évasion fiscale met en péril les États et les politiques publiques. Les paradis fiscaux sont en grande partie responsables de l’évasion fiscale due à des personnes ou a des entreprises qui, souvent, tout en bénéficiant des services publics en France, échappent à l’impôt.

Alors que le Gouvernement demande 5 milliards d’économies aux différents ministères, l’évasion fiscale fait perdre à notre pays des sommes colossales estimées chaque année de 50 à 80 milliards d’euros, soit l’équivalent du déficit budgétaire de la France en 2012.

L’évasion fiscale fausse les règles du jeu tant au niveau national qu’international. Elle représente, pour les pays du Sud, dix fois le montant de l’aide globale au développement qu’ils reçoivent des pays dits riches. Elle introduit une injustice fiscale inacceptable et révoltante pour l’honnête contribuable qui paie chaque année ses impôts et chaque jour la TVA. Ce laisser-faire fiscal contribue au désamour des citoyens envers l’État mais aussi envers l’Union européenne.

C’est donc une nécessité financière et politique de lutter contre l’évasion fiscale et les paradis fiscaux et juridiques. Au lieu de s’attaquer aux prétendus petits tricheurs aux minima sociaux, comme l’a fait la droite pendant dix ans (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe écologiste et du groupe SRC. – « Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP), ou aux petits épargnants, comme s’apprête à le faire le gouvernement chypriote, il est temps de s’attaquer aux vrais tricheurs en milliards.

Monsieur le ministre, après l’examen en cours, par le Parlement, des dispositions de la loi bancaire, quelles dispositions nouvelles le Gouvernement va-t-il prendre au niveau national et quelles propositions va-t-il formuler au niveau européen pour prendre enfin les mesures indispensables de lutte contre l’évasion fiscale, les délocalisations fiscales et les paradis fiscaux et juridiques ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’économie et des finances.

M. Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances. Madame la députée, quelques mots d’abord sur Chypre, sujet très important.

M. Bernard Accoyer. Bravo !

M. Pierre Moscovici, ministre. Vous savez que nous avons là une île qui se trouve dans une situation très particulière, avec un secteur bancaire hypertrophié qui représente sept fois le PIB,…

M. Claude Goasguen. Et encore bravo !

M. Pierre Moscovici, ministre. …qui sert des conditions de rémunération de ses déposants totalement hors normes accordant en outre aux non-résidents une place elle aussi hors norme. Des questions se posaient sur le blanchiment et sur la transparence fiscale ; il fallait agir.

Le Gouvernement est prêt à accueillir toutes les propositions des autorités chypriotes qui exonéreraient les petits déposants – ceux qui ont des dépôts inférieurs à 100 000 euros – d’efforts en matière de taxes, même si une contribution de la part de la population chypriote et des dépôts des non-résidents est nécessaire.

Vous m’interrogez par ailleurs sur la lutte contre la fraude fiscale et l’érosion fiscale. Pour ce qui est de la lutte contre le blanchiment, je puis vous assurer que, pour ce qui est de Chypre, nous avons demandé un audit indépendant réalisé à la fois par le comité MONEYVAL, organisme dépendant du Conseil de l’Europe, et par une société d’audit spécialisée.

Sur le plan international, nous luttons activement, dans le cadre de l’OCDE, contre l’érosion des bases fiscales. Nous avons également une approche coopérative qui nous permet de revoir un certain nombre de conventions fiscales avec nos partenaires. Enfin, il y a la lutte que nous entreprenons ensemble, validée par la loi bancaire, notamment grâce à l’adoption d’un amendement de votre groupe qui permet de demander aux banques de faire état de l’ensemble de leurs activités et de leurs effectifs dans tous les pays.

Vous pouvez ainsi constater que la lutte contre la fraude fiscale, contre l’évasion fiscale, contre le blanchiment est une priorité du Gouvernement qui attaque les paradis fiscaux sous toutes leurs formes. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

M. le président. La séance de questions au Gouvernement est terminée.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

3

Refondation de l’école de la République

Vote solennel

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur le projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République (nos 653, 767).

Explications de vote

M. le président. Nous en venons aux explications de vote sur le projet de loi.

La parole est à Mme Barbara Pompili, pour le groupe écologiste.

Mme Barbara Pompili. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le rapporteur, chers collègues, depuis plus d’un siècle, nous construisons l’école à l’image de la société que nous voulons. Chaque génération est confrontée à un défi : adapter l’école à la marche du temps et assurer la permanence de nos valeurs républicaines.

Lorsque nos prédécesseurs ont mis en place l’école républicaine, laïque, publique et obligatoire, il s’agissait d’offrir la même qualité d’éducation aux futurs citoyens, quels que soient leurs moyens ou leurs lieux d’habitation. Aujourd’hui, où en est-on ? L’école ne parvient plus à contrecarrer les inégalités sociales et territoriales et le niveau des élèves ne cesse de se dégrader. Ces dix dernières années, nous avons trop souvent eu le sentiment que les réformes, plutôt que de prendre la mesure du problème, ont contribué à l’aggraver.

Que trouve-t-on derrière la création des internats d’excellence, la déconstruction de la carte scolaire et la suppression des allocations familiales en cas d’absentéisme, sinon une logique punitive et d’exclusion ? Sinon une logique de renforcement des inégalités combinée à une volonté de culpabiliser les familles ? Que trouve-t-on derrière la destruction de 80 000 postes d’enseignants et la suppression de leur formation, sinon du mépris pour le monde enseignant et, par là même, pour notre jeunesse ?

C’est bien notre jeunesse qui a subi les conséquences de l’abandon de certaines de nos valeurs républicaines, à cause du recul des moyens accordés à l’école. Ce modèle de société, nous n’en voulons pas. Nous voulons que l’école renoue avec ses missions originelles, pour redevenir le creuset, le ferment d’une République où chacun dispose des mêmes droits. Nous avons la volonté de construire une société où chacun trouvera sa place et s’épanouira. Pour cela, l’école de la République doit à nouveau offrir sans distinction de territoire ou d’origine sociale la même qualité d’encadrement et les mêmes moyens. Car l’enjeu est bien la réussite de tous, et non l’excellence de quelques-uns.

Au-delà, nous devons également avoir l’ambition d’inventer l’école de demain, celle qui permettra aux générations à venir de relever les défis du XXIe siècle. Refonder l’école, c’est aussi la réinventer. Ayons le courage d’innover, de bousculer les pratiques sclérosantes et les cloisonnements paralysants, pour proposer d’autres outils, d’autres approches, dont certains ont fait d’ores et déjà leurs preuves. Se limiter à une simple réparation ne suffira pas !

Monsieur le ministre, nous vous avons fait part de notre soutien déterminé, qu’il s’agisse du recrutement d’enseignants pour qu’il y ait « plus de maîtres que de classes », de l’accueil des enfants dès deux ans ou encore de la réforme des rythmes scolaires. Comme vous le savez, nous voterons pour ce projet de loi qui va dans le bon sens. Mais il faut aller beaucoup, beaucoup plus loin ! C’est le sens des propositions que nous avons faites au cours des débats en commission et en séance publique. Certaines ont été entendues : je vous en remercie.

D’autres doivent encore l’être, pour que cette refondation soit à la hauteur des espérances qu’elle suscite. Profitons de la création des écoles supérieures du professorat et de l’éducation, les ESPE, tant attendues, pour renforcer la formation continue et proposer deux années pleines de formation aux futurs enseignants.

Il faut également organiser un prérecrutement digne de ce nom, pour que chacun puisse accéder à cette profession, et ouvrir au plus vite un dialogue sur la revalorisation du métier d’enseignant. Ne faisons pas de l’école le lieu de la sélection par l’échec, mais un lieu inclusif qui accueille tous les élèves quels que soient leurs difficultés et leurs handicaps, et s’adapte aux besoins de chacun pour permettre la réussite de tous.

Encourageons la liberté et l’expérimentation pédagogiques. Revenons sur l’article 27 bis de ce projet de loi, qui précarise les langues et cultures régionales, ce qui est contraire aux objectifs mêmes de ce texte ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RRDP.) Ouvrons l’école sur l’extérieur, ouvrons ses portes aux familles et aux nombreux acteurs du monde de l’éducation. Dépassons les carcans de l’école pour appréhender l’éducation dans sa globalité, en décloisonnant temps scolaire, périscolaire et extrascolaire, au profit d’une plus grande continuité et de la co-construction des politiques éducatives.

Les projets éducatifs territoriaux sont des outils essentiels dont l’envergure doit être élargie. Ils doivent, monsieur le ministre, avoir vocation à se développer partout en France. Nous attendons beaucoup du fonctionnement de la navette parlementaire sur ce sujet. Pour assurer l’équité territoriale, le fonds d’amorçage doit être transformé en fonds d’accompagnement des collectivités territoriales. À côté des savoirs disciplinaires, promouvons l’éducation artistique et culturelle, l’éducation à l’environnement, à la santé, à la citoyenneté.

Quant à l’évaluation et à la notation, c’est une révolution pédagogique qui doit être menée. Sortons d’un système qui forme à la compétition pour, au contraire, valoriser et former à l’apprentissage de la coopération. Soyons audacieux ! Allons jusqu’au bout, et revisitons le brevet et le bac ! N’ayons pas peur de faire de l’élève un acteur de son parcours.

C’est en agissant sans tabous ni œillères que l’école de la République pourra à nouveau incarner une promesse crédible pour notre jeunesse. Nous pourrons ainsi lui redonner confiance. Je regrette d’ailleurs que, la semaine passée, les enjeux que je viens d’évoquer n’aient pas toujours été débattus et approfondis avec l’attention qu’ils méritent. On ne peut refonder l’école sans un débat de fond digne de ce nom.

Les débats vont désormais se poursuivre au Sénat. Je ne doute pas de la détermination de mes collègues écologistes à poursuivre nos combats pour donner à l’école de demain l’envergure dont elle a besoin pour former les futurs citoyens du XXIe siècle. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Falorni, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Olivier Falorni. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je vous dirai d’abord ma fierté et mon émotion au moment de m’exprimer au nom du groupe RRDP. Mes collègues et moi-même sommes profondément convaincus de vivre un moment important de cette législature.

Votre projet de loi de refondation de l’école de la République, monsieur le ministre, porte en effet la volonté farouche de renouer le fil rompu d’une grande ambition nationale, la volonté de tenir à nouveau la belle promesse républicaine que constitue notre école laïque, gratuite et obligatoire.

Cette nouvelle promesse républicaine, ce n’est pas celle qui promet du sang et des larmes pour l’école, qui a saigné à blanc ses effectifs avec 80 000 postes détruits, qui a supprimé la formation initiale des enseignants, qui a accru les inégalités territoriales et multiplié les « établissements ghettos », qui a abandonné les élèves les plus en difficulté, qui a dénigré systématiquement ses enseignants considérés comme incapables de jamais remplacer « le curé ou le pasteur » ou juste bons, en maternelle, à « changer des couches », qui, enfin, a fait régresser le système éducatif français dans toutes les évaluations internationales.

Votre texte, monsieur le ministre, ne nous propose pas du sang et des larmes, mais contribue plutôt à nous donner du sens et des armes.

Il nous donne tout d’abord du sens : du sens pédagogique, du sens civique, du sens républicain, ce sens républicain qui fait de notre école un creuset de l’émancipation, le lieu de la véritable égalité, une égalité des chances qui ne distingue ses enfants que par l’effort et le mérite et non par l’origine et l’argent. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe RRDP), et je veux saluer tout particulièrement, monsieur le ministre, votre engagement en faveur des écoles des quartiers populaires et des zones rurales en difficulté.

C’est ce même sens républicain qui fait de notre école un lieu d’intégration et de mixité sociale et qui remet au cœur du message éducatif la morale laïque, fidèle en cela à l’enseignement de ces grands missionnaires de la foi laïque qu’étaient Ferdinand Buisson ou Paul Bert.

Ce sens, ce cap que nous indique votre texte, nous le suivrons avec vous, monsieur le ministre. Car ce projet de loi donne aussi et surtout des armes à l’école pour qu’elle puisse répondre à sa vocation.

Ces armes sont bien pacifiques, car ce sont des armes d’instruction massive, des armes nouvelles données à nos hussards du XXIe siècle, un arsenal complet sur lequel nous avons travaillé très longuement. À cet égard, je veux saluer le travail et l’engagement remarquables du président de la commission, Patrick Bloche, et du rapporteur Yves Durand.

Ces armes, ce sont, entre autres mesures, la création de 60 000 postes d’ici à 2017, l’ouverture dès septembre 2013 des écoles supérieures du professorat et de l’éducation, la relance de la scolarisation des enfants de moins de trois ans, le dispositif « plus de maîtres que de classes », la lutte contre le décrochage scolaire, l’entrée de l’école dans l’ère du numérique, la redéfinition du socle commun et de l’élaboration de nouveaux programmes, l’introduction d’un enseignement moral et civique, et tant d’autres dispositions aussi importantes que décisives.

Mesdames, messieurs les ministres, ce projet de loi sur la refondation de l’école est un texte de confiance, une motion de confiance pour l’avenir de notre jeunesse. Cette confiance, sachez que nous la partageons. C’est la raison pour laquelle nous vous donnerons notre soutien, afin de construire avec vous l’école d’aujourd’hui qui fera réussir la France de demain. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP et sur plusieurs bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. François Asensi, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. François Asensi. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, l’école de la République s’est construite pour offrir à des générations de filles et de garçons, quel que soit leur milieu social d’origine, l’accès au savoir, et pour permettre les aventures humaines et sociales de notre société. Mais aujourd’hui notre école ne parvient plus à dépasser les inégalités sociales et territoriales. Elle a été depuis dix ans malmenée par la droite à coups de révision générale des politiques publiques et de dénigrement des équipes éducatives. L’école a besoin d’une rupture forte avec ces politiques libérales. C’est pourquoi je tiens à souligner, monsieur le ministre, l’espoir que suscite l’affirmation d’une nouvelle ambition pour l’école, une ambition qui permette de garantir la réussite de toutes et de tous.

Je me félicite de la création des écoles supérieures du professorat et de l’éducation, qui marque le retour à une formation professionnelle des maîtres. La création de 60 000 postes devrait permettre d’assurer cette formation et d’améliorer, je l’espère, les remplacements dans les territoires les plus tendus. Il y a urgence : en Seine-Saint-Denis et ailleurs, la situation est catastrophique, tant on manque de remplaçants. C’est le résultat des suppressions aveugles de postes décidées par l’ancienne majorité.

Dans votre projet, l’école maternelle voit ses missions revisitées. L’accueil à deux ans est confirmé pour les zones prioritaires. Un service public du numérique éducatif est créé. Le débat a permis d’enregistrer un certain nombre d’avancées au regard du projet initial. Ma collègue Marie-George Buffet y a activement contribué. Les réseaux d’aides spécialisées aux enfants en difficulté sont confortés, l’enseignement artistique est clairement intégré au cursus scolaire, le rectorat conserve un droit de regard sur les filières professionnelles.

Toutefois, le chantier ouvert par ce projet de loi n’a pas été, à mon avis, mené à son terme. Nous avons certes débattu de la précarité que connaissent aujourd’hui nombre de personnels de l’éducation nationale, mais les questions de formation, de validation des acquis et de titularisation que notre groupe a soulevées sont renvoyées à un comité de suivi. Au vu de tous les dossiers dont il sera chargé compte tenu de nos débats, ce comité devra déployer une très grande énergie, à moins d’être considéré comme une voiture-balai.

Je déplore également que nous n’ayons pas progressé vers un véritable prérecrutement des enseignants. Certes, les emplois d’avenir professeur se mettent en place, mais ils relèvent du droit privé. Si nous voulons durablement revaloriser la profession et engendrer de nouvelles vocations, il faut aller plus loin sur le statut et la rémunération.

Monsieur le ministre, votre projet de loi donne la priorité au premier degré ; ce souci est juste. On sait en effet que c’est à ce niveau-là que les difficultés et les inégalités apparaissent et qu’il est possible d’y remédier. Mais vous avez repoussé les indispensables réformes traitant du secondaire, alors que nous allons prochainement débattre d’un projet de loi sur l’enseignement supérieur et la recherche. Je regrette que ce projet de loi ne traite pas de la refondation des contenus et des missions tout au long de la scolarité, que nous souhaitons rendre obligatoire de trois à dix-huit ans.

Cela nous aurait permis de lutter plus globalement contre l’orientation précoce et d’accompagner tous les élèves vers une culture commune de haut niveau qui leur permette d’acquérir un haut niveau de connaissances et de compétences indispensables demain à leur bien-être de femme et d’homme, dans leur vie professionnelle mais aussi personnelle et dans leur vie de citoyen. Nous aurions souhaité une culture commune plutôt qu’un socle commun tel que le prévoyait la loi Fillon, et qui a hélas été maintenu.

Cela nous aurait également permis de traiter de la filière professionnelle autrement qu’à travers sa régionalisation en parlant qualification et métier. La territorialisation des formations professionnelles porte en germe la dénationalisation du service public de l’éducation nationale.

Ma dernière remarque concerne les conseils nationaux mis en place sur les programmes et l’évaluation : j’espère que vous donnerez suite à votre engagement d’y associer les enseignants et les parents.

Monsieur le ministre, c’est un plus et un mieux pour l’école que les élèves attendent. N’ayons pas peur de l’immensité du chantier. Les mobilisations des enseignants et des parents comme celle qui est prévue pour le 6 avril prochain doivent nous inciter à franchir tous les obstacles d’ici au vote définitif en deuxième lecture. Pour atteindre cet objectif, les parlementaires du Front de gauche continueront de travailler sur ce projet de loi. C’est pourquoi, en attendant ce moment, nous nous abstiendrons. Cette abstention est un appel clair à poursuivre avec audace le travail pour une école en pleine refondation. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

M. le président. Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à Mme Martine Faure pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Martine Faure. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, le projet de loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, en préparation depuis six mois, a trouvé son aboutissement la semaine dernière lors de son examen en séance. Cette semaine s’est traduite par cinquante-quatre heures de débat dans l’hémicycle, un débat dont je retiens le sérieux et l’engagement des uns comme des autres pour porter haut ce texte. Je voudrais également souligner la disponibilité du ministre Vincent Peillon et de la ministre déléguée George Pau-Langevin.

Ce projet de loi cohérent et structuré, doté d’une architecture solide, propose une véritable refondation qui, de manière logique, commence par les bases sur lesquelles toute construction doit s’appuyer. Nous nous réjouissons donc de la place fondamentale donnée à l’école maternelle et de la passerelle assurée avec l’école primaire.

Cette intention s’accompagne de moyens avec la création de 3 000 postes supplémentaires pour accueillir les tout-petits. Nous savons désormais que l’échec comme la réussite scolaire peut s’installer très tôt. De très nombreuses expériences montrent en effet que la scolarisation des tout-petits réduit notamment la distance culturelle entre l’école, les enfants et leur famille.

Pas moins de 7 000 postes sont attribués à l’école primaire pour mettre en place le dispositif « plus de maîtres que de classes » qui accompagnera la refondation pédagogique. Sont également prévus 4 000 postes pour assurer un rééquilibrage territorial.

La formation initiale et la formation continue sont indispensables ; la première sera recréée, tandis que la seconde sera renforcée grâce à l’installation des écoles supérieures du professorat et de l’éducation. La refondation des méthodes et pratiques pédagogiques sera assurée en partie par le service public du numérique éducatif.

Sont également présentes dans ce projet de loi de nombreuses dispositions pour prévenir et lutter contre le décrochage scolaire, pour repenser le collège unique, pour mieux réussir au lycée, pour redynamiser le dialogue entre l’école et les parents, les collectivités territoriales et le secteur associatif.

Le travail parlementaire, je voudrais le souligner, a renforcé et complété le texte en introduisant de nouvelles dispositions, telles que celles qui concernent l’éducation à la santé, l’éducation à la parité et à l’égalité entre filles et garçons dès la maternelle, la création de passerelles entre maternelle et CP et entre CM2 et sixième, l’accueil et la scolarisation des élèves en situation de handicap. Des amendements de notre groupe se sont attachés à la lutte contre l’illettrisme, à la défense de la place des langues régionales, au renforcement de l’éducation prioritaire et des RASED et aux modalités de création des écoles supérieures du professorat et de l’éducation.

Je tiens également à souligner la création du Conseil supérieur des programmes, qui doit élaborer les nouveaux contenus des enseignements et garantir leur adaptation aux nouvelles pédagogies.

Mais il est inutile de reprendre ici de façon exhaustive le contenu des travaux de la commission. Pour conclure, je rappellerai donc, chers collègues de l’opposition, qu’en dépit de vos nombreux et inlassables argumentaires et de vos efforts pour vous situer en marge de ce projet, vous partagez les lignes essentielles et les orientations de ce projet, car il remet l’enfant au cœur de nos préoccupations et l’élève au cœur du dispositif éducatif. C’est pourquoi je reste convaincue qu’il ne peut que rassembler tous les défenseurs de l’école républicaine.

Les députés de la majorité, mesdames, monsieur les ministres, voteront en toute confiance ce texte car il constitue bel et bien la première étape de la reconstruction de la maison École, de la maternelle à l’université. Il est porteur d’espoir et de nouvelles ambitions pour notre système éducatif et donc pour l’avenir de notre pays et celui de nos enfants. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur de nombreux bancs des groupes écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Frédéric Reiss. Monsieur le président, mesdames, monsieur les ministres, chers collègues, ce projet de loi, brouillé par le très controversé décret sur les rythmes scolaires, ressemble plus à un lifting idéologique qu’à une nouvelle fondation de l’école. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.) Je vais expliquer pourquoi.

La dernière fois que le Parlement a voté une grande loi d’orientation pour l’avenir de l’école, en 2005, c’était après plus de deux ans de débats d’une ampleur et d’une richesse inédites. La mesure phare en était le socle commun de connaissances et de compétences, une grande ambition pour chaque élève et le meilleur rempart contre l’échec scolaire.

Ce socle est heureusement confirmé à l’article 7 du présent projet de loi. La culture fait son apparition, mais c’est une grave lacune que de n’avoir pas pu discuter du contenu de ce terme – ce sera précisé par décret, de même, d’ailleurs, que de trop nombreuses dispositions de ce texte.

Pour le reste, nous avons affaire à une loi bavarde, ce qu’illustre à lui seul l’article 1er, dépourvu de valeur normative ; il n’est qu’un exposé des motifs où chacun a essayé de faire le tri entre l’utile et l’accessoire. Après trente heures de débats sur le rapport annexé, les médias n’avaient retenu qu’une chose, à savoir que le redoublement devrait être exceptionnel.

Monsieur le ministre, en bon pédagogue, vous nous avez répété à l’envi vos trois points : donner la priorité au primaire, améliorer la formation des maîtres et agir sur le temps scolaire.

Sur le premier point, vous fondant sur des chiffres de l’OCDE, vous répondez par la création de 60 000 postes, dont nous prenons acte, mais nous avons toujours pensé, à l’UMP, que l’éducation nationale devait prendre sa part dans la réduction des dépenses publiques. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ces créations pouvaient d’ailleurs se décider en loi de finances ; pas besoin pour cela d’une loi spéciale.

Sur le deuxième point, les ESPE ressemblent étrangement aux IUFM, pourtant décriés en leur temps.

M. Jean Glavany. Par vous !

M. Frédéric Reiss. Même si la mastérisation n’est pas remise en cause, la place de ces écoles au sein de l’université reste floue ; pas besoin non plus de loi pour réveiller les IUFM.

Il n’en fallait pas davantage, d’ailleurs, sur le troisième point, puisque c’est par décret que les rythmes scolaires ont été modifiés. Après des travaux consensuels sur le sujet, vous avez réussi l’exploit de mécontenter la majorité de nos concitoyens. Ce n’est pas la création d’un fonds de 250 millions d’euros, véritable leurre qui incitera les élus locaux à mettre en œuvre cette réforme dès la rentrée 2013.

L’innovation serait-elle dans le Conseil supérieur des programmes ? Là encore, il s’agit de la restauration d’une entité créée par la loi Jospin. Pourquoi la loi Fillon l’avait-elle supprimée, créant à la place le Haut Conseil de l’éducation ? Parce qu’elle était devenue le lieu de tous les lobbyistes des disciplines. Ce n’est pas parce que vous avez martelé que cette structure serait indépendante que vous nous avez convaincus ; bien au contraire. Lorsque, sur seize membres, le ministre en nomme dix, le doute est permis !

Va-t-on, contre l’avis de toutes les études, externaliser de nouveau le traitement de la difficulté scolaire ? Vous annoncez – mollement, d’ailleurs – le retour des RASED et plus de maîtres que de classes. Sur quels critères ? Quelle sera l’évaluation des effets ?

De plus, vous réaffirmez le collège unique, dont chacun sait l’échec. L’abrogation de la loi Cherpion et du dispositif d’alternance pour des collégiens de quatrième et troisième choisissant la voie professionnelle est une erreur – une « regrettable suppression » et une « idéologie dépassée », a tweeté Ségolène Royal. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Enfin, je ne peux m’empêcher de relever les élucubrations de certains députés de la majorité qui ont souhaité rebaptiser l’école maternelle « école première » – un moment surréaliste dans l’hémicycle ! Et dire que notre école maternelle, qui scolarise déjà les enfants de deux ans dans les territoires défavorisés, nous est enviée dans le monde entier !

Aujourd’hui, le véritable enjeu pour l’école est la réforme des statuts des personnels, la redéfinition de leur mission et de leur service – notamment pour les directeurs –, une revalorisation des salaires, comme nous avions commencé à le faire pour les débuts de carrière, mais aussi une plus grande autonomie des établissements scolaires, pour une éducation en collaboration étroite avec les familles, basée sur le mérite et l’égalité des chances.

Dans un monde en proie à des mutations aussi rapides que profondes, l’école doit être un sanctuaire, mais un sanctuaire ouvert sur la cité et sur le monde social, économique et culturel. Monsieur le ministre, la volonté affichée de développer le numérique à l’école ne suffit pas à masquer les insuffisances de cette réforme que les socialistes étaient pressés de mettre en œuvre.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera contre cette loi qui n’a de refondation que le nom. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. Rudy Salles, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Rudy Salles. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, monsieur le rapporteur, nous sortons déçus et inquiets de ce débat.

Il s’agissait pour nous, non pas de balayer d’un revers de main, comme vous l’avez fait des amendements de l’opposition, toutes les dispositions de ce texte, mais d’atteindre ensemble le bon objectif.

Nous voulions sauver deux enfants sur dix – les sauver de l’échec. En effet, deux jeunes adultes sur dix sont des lecteurs inefficaces. Pour le plus grand nombre d’entre eux, ces jeunes, lâchés dans la nature sans les bonnes ressources, sans le bon bagage pour s’engager dans la vie, se perdront.

Ce constat, monsieur le ministre, nous l’avions tous en tête. Seul l’intérêt des enfants a primé dans notre démarche et non la politique politicienne que vous avez développée à l’envi.

Ce texte est finalement non pas celui de la pédagogie qui sauve, mais celui de la démagogie qui coûte. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Depuis trente ans, penser l’école, c’est penser moyens. Et, depuis trente ans, les résultats des élèves se dégradent.

Vous vous inscrivez dans cette longue histoire de la dépense infructueuse. L’État, que vous avez incarné pendant cette discussion, c’est l’État d’avant, l’État d’hier, un État qui dépense et non pas un État qui pense. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Que restera-t-il de ce texte ? Je ne crois pas que les enseignants puissent y trouver motif à optimisme. Quant au contenu de leur formation, il demeure tout entier mystérieux : il n’y a rien sur la formation continue, et la formation professionnelle en alternance est totalement absente. L’autonomie des équipes pédagogiques pour s’adapter, pour expérimenter, pour individualiser l’enseignement n’aura pas non plus trouvé une vraie place dans ce texte. Les enfants en difficulté ne seront pas assurés d’un meilleur suivi personnalisé. Le socle commun restera à l’état de déclaration.

Une discussion sincère et sérieuse nous aurait permis de confronter des projets, notamment à l’occasion de la discussion sur le rapport annexé, avant que nous nous perdions dans ce texte pléthorique et, finalement, microscopique. Mes collègues Philippe Gomès et Benoist Apparu vous l’ont proposé en faisant l’effort remarquable de rédiger chacun un contre-projet. Cette confrontation nous a été purement et simplement refusée.

Nous avons tenté, une ligne après l’autre, de gratter quelques avancées picrocholines. Quel gâchis ! Avec cette loi blafarde et bavarde, vous nous engagez – au mieux – sur la pente des replâtrages et des discours creux.

Vous n’avez affiché que mépris à l’égard d’une opposition que vous souhaiteriez rendre responsable de tous les maux de l’école, ce qui est ridicule.

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est vrai !

M. Claude Goasguen. Scandaleux !

M. Rudy Salles. Ce n’est pas uniquement la faute de l’ancienne majorité si nous sommes, selon le programme de recherche international en matière lecture scolaire, au même niveau que l’Azerbaïdjan. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Ce n’est pas uniquement la faute de l’ancienne majorité si nous sommes, à la fin de la troisième, les derniers de la classe européenne pour les langues vivantes. (« Si ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Patrick Lemasle. Vous avez été au pouvoir pendant dix ans !

M. Rudy Salles. Ce n’est pas la faute de l’ancienne majorité si nous sommes le vingt-septième pays sur trente-quatre en matière d’équité scolaire.

Soyez honnêtes : c’est la faute de l’ensemble de celles et ceux qui ont assumé des responsabilités au cours des trente dernières années.

Ce constat aurait au moins pu être partagé ; c’était, me semble-t-il, la bonne entrée en matière pour témoigner de votre envie sincère de refonder l’école et d’entamer avec nous tous un travail sérieux et en confiance.

Une loi pour l’école avait besoin d’un véritable socle, un socle qui aurait été d’abord celui de l’unité nationale ; c’est la première et la plus fondamentale des conditions d’une réussite durable.

M. Jean-Christophe Lagarde. Très bien !

M. Rudy Salles. C’est ce qui a tellement manqué à notre école au cours des dernières décennies.

Vous affichiez des moyens. Vous nous annonciez un projet ayant pour horizon quinze ou vingt ans. Nous étions prêts à saisir cette occasion pour œuvrer utilement avec vous.

Vous avez préféré d’emblée le ton de la dénonciation, nous précipitant – si je puis dire – de l’éther au délétère (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. Jean Glavany. Une autre ! Une autre !

M. Rudy Salles. …et pervertissant un débat que l’on aurait souhaité argumenté.

Le sectarisme : quel drôle d’exemple donné à la jeunesse française ! Quelle drôle de façon d’illustrer ce que doit être l’école, à savoir la capacité à comprendre la complexité des enjeux du monde, que de vous enferrer dans des schématismes et des manichéismes d’un autre âge !

Vous le savez, le groupe UDI a voté plusieurs textes présentés par cette majorité, malgré des réserves. Il n’est donc pas dans notre façon d’agir de nous opposer par principe. Mais, face à tant d’espoirs déçus pour la jeunesse de France, nous voterons, à regret, contre ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Vote sur l’ensemble

M. le président. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

Je rappelle que l’on appuie sur un seul bouton… (Murmures sur divers bancs.)

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 560

Nombre de suffrages exprimés 547

Majorité absolue 274

(Le projet de loi est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et sur de nombreux bancs des groupes écologiste et RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale.

M. Vincent Peillon, ministre de l’éducation nationale. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, le temps n’est pas à la polémique ; il est, pour moi, aux remerciements.

Je voudrais remercier très chaleureusement l’ensemble des députés, sur tous les bancs de cette assemblée, qui ont contribué à l’adoption de ce projet de loi et au travail qui y a conduit : vingt heures de travail en commission, cinquante-quatre heures dans l’hémicycle et plus de 300 amendements acceptés par le Gouvernement, qui ont permis d’améliorer le texte.

Bien entendu, il n’y a pas là – qui l’a d’ailleurs prétendu ? – de passage de l’ombre à la lumière. Mais c’est un premier pas dans la bonne direction, et ce après combien d’autres dans la mauvaise et combien d’immobilisme ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Oui, l’école de la République est honorée aujourd’hui ; elle se remet en mouvement et, avec le cœur comme avec la raison, j’en remercie les parlementaires qui nous ont aidés à parvenir à ce résultat, en pensant aux 12 millions d’élèves français et à tous ceux qui viendront, pour lesquels la situation sera meilleure. Merci à vous. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, RRDP et écologiste.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le débat sur le rapport annuel de la Cour des comptes se tiendra dans quelques minutes, salle Lamartine.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures dix dans la salle Lamartine.)

M. le président. La séance est reprise.

4

Débat sur le rapport annuel de la Cour des comptes

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur le rapport annuel de la Cour des comptes.

Je souhaite la bienvenue à M. le Premier président de la Cour des comptes et aux présidents de chambre qui l’accompagnent. Après les interventions liminaires – s’il y en a –, ce débat prendra la forme de questions et réponses, chacune d’entre elles pouvant être suivie d’une réplique et d’une contre-réplique.

Je vous rappelle que les questions ne peuvent excéder deux minutes et doivent porter uniquement sur les thèmes évoqués dans le rapport de la Cour des comptes.

Je propose à M. le Premier président de prendre la parole, s’il le souhaite. Dans le cas contraire, nous passerons immédiatement aux questions et réponses.

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. Monsieur le président, manifestement, vous ne souhaitez pas entendre d’interventions liminaires. (Sourires) Je suis donc à la disposition des députés pour répondre à leurs questions.

M. le président. Vous allez au-devant de mes désirs…

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. Pas toujours, monsieur le président !

M. le président. La parole est à donc à M. Charles de Courson, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Charles de Courson. Monsieur le Premier président, ma première question porte sur le chiffre avancé par le Gouvernement en matière d’économies lors du débat sur la loi de finances, chiffre qui a étonné beaucoup d’entre nous, puisqu’il s’agissait de 10 milliards d’euros, et dont nous lui avons demandé, en vain, de nous donner les détails.

Selon le rapport de la Cour des comptes, ce chiffre est surestimé puisqu’il n’est fait état que de 7 milliards d’économies, dont 1,7 milliard résultant de décisions du précédent gouvernement. Il ne resterait donc que 5,3 milliards d’économies avérées, soit la moitié environ du chiffre avancé. Monsieur le Premier président, comment expliquez-vous un tel écart ?

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet, pour le groupe écologiste.

M. Éric Alauzet. Monsieur le Premier président, le rapport de la Cour des comptes indique que la France se situe en deuxième position en Europe au regard de l’importance de ses prélèvements obligatoires, alors qu’elle lambine, occupant l’avant-dernière place parmi les Vingt-Sept, pour ce qui concerne la fiscalité écologique.

Quel serait votre avis sur la substitution d’une part progressive de la fiscalité sur le travail par une fiscalité écologique ? Autrement dit, que penseriez-vous du passage d’une fiscalité sur l’énergie humaine à une fiscalité sur l’énergie fossile ? Je serai attentif à votre réponse.

M. le président. La parole est à M. le Premier président de la Cour des comptes.

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. Monsieur de Courson, dans notre chapitre sur les finances publiques, nous avons souligné plusieurs points à propos du projet de loi de finances pour 2013.

Nous avons d’abord constaté que le redressement des comptes publics a été engagé dans notre pays, et ce depuis 2011. En 2012, l’effort s’est poursuivi dans des proportions sans équivalent depuis plusieurs années, puisque nous l’avons évalué à 1,4 point de PIB. Le projet de loi de finances pour 2013 prévoit également un effort structurel très important, sans précédent dans l’histoire de nos finances publiques, puisqu’il est de l’ordre de 1,9 point de PIB.

Ce que nous avons dit, c’est, d’une part, que cet effort nous apparaissait déséquilibré entre recettes et dépenses, pour un certain nombre de raisons rappelées dans ce même chapitre, et que, d’autre part, subsistaient quelques incertitudes susceptibles de peser sur le respect des engagements pris.

Ces incertitudes pèsent d’abord sur les recettes, notamment à cause d’hypothèses de croissance pouvant paraître optimistes par rapport aux prévisions de croissance des instituts de conjoncture et des organisations internationales. Nous avons également souligné le caractère optimiste des hypothèses de calcul, qu’il s’agisse de l’élasticité des recettes ou du produit attendu des nouvelles mesures fiscales.

Nous appelions donc à une certaine vigilance, d’autant que notre raisonnement a été identique pour les dépenses, même s’il existe une réserve de précaution, prévue par le budget, qui permet des ajustements.

Au-delà des aléas sur les contentieux fiscaux européens, un certain nombre de dépenses nous ont paru sous-estimées. Je pense notamment à l’indemnisation des chômeurs, dont le Gouvernement estime qu’elle augmentera de 1,6 %, alors même que l’UNEDIC prévoit une augmentation supérieure à 8,5 %, ce qui peut représenter une différence de 2 milliards d’euros.

Nous avons également souligné plusieurs points nécessitant d’être vigilant si l’on veut maîtriser les engagements pris en matière de dépenses, d’autant qu’un certain nombre de dépenses nouvelles ont été décidées après le vote de la loi de finances et qu’il faudra financer ces dépenses supplémentaires.

Nous avons donc dit qu’il était nécessaire que le Gouvernement documente davantage les économies qu’il comptait faire, tout en observant – vous en avez débattu, il me semble, à plusieurs reprises – que notre pays a entrepris de maîtriser une dépense publique qui augmentait, ces dernières années, à un rythme supérieur à l’inflation, dépassant les 2 %, voire les 2,5 %. L’effort a été réel en 2011 ; il s’est accentué en 2012 et doit se poursuivre dans les mêmes proportions en 2013.

Tous ces éléments sont autant d’invitations pour le Gouvernement à préciser ses prévisions, ce que lui a également demandé par ailleurs la Commission européenne. Les engagements pris peuvent être respectés, à la condition d’adopter un certain nombre de mesures complémentaires.

Monsieur Alauzet, vous m’avez interrogé sur les prélèvements obligatoires. Cela ne fait pas partie des quarante-cinq sujets que nous avons évoqués dans le rapport public annuel, sorte de patchwork ou de kaléidoscope. Tous ces sujets ne sont pas d’égale importance, et il convient de replacer les constats, observations et propositions que nous formulons dans le cadre plus vaste de l’ensemble des propositions formulées par la Cour.

À propos de la fiscalité du travail, nous avions fait un certain nombre d’observations dans le rapport que nous avions rendu sur les éléments de comparaison entre la France et l’Allemagne, soulignant notamment qu’un certain nombre de pays utilisaient davantage que la France la fiscalité écologique.

Nous avons également, dans un référé récent, identifié les mesures fiscales défavorables à l’environnement. Il appartient ensuite au pouvoir politique – donc à vous – de décider s’il convient de réorienter la fiscalité, et dans quels délais.

Ce que nous avons souhaité, c’est procéder à un chiffrage et à un inventaire. Or nous avons constaté que cet inventaire n’était pas complet, car un certain nombre de dépenses fiscales n’étaient pas identifiées comme telles dans la liste fournie par le Gouvernement. Nous avons donc invité ce dernier à préciser et à compléter sa liste, puis nous avons chiffré l’ensemble de ces dispositions fiscales.

M. le président. Nous pouvons considérer, monsieur le Premier président, que votre réponse aux deux premières questions constituait une manière d’intervention liminaire. Nous prendrons désormais, pour la clarté de nos débats, les questions une à une.

La parole est à Mme Annick Girardin, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Mme Annick Girardin. Monsieur le Premier président, ma question concerne les restructurations hospitalières, pour lesquelles vous avez évalué trois cas.

Vous mettez en avant le rôle ambigu des tutelles, sans toutefois qualifier cette ambiguïté. Pourriez-vous donc nous indiquer ce que la Cour des comptes entend par là ? Voulez-vous dire, notamment, que les agences régionales de santé contribuent aux atermoiements, préjudiciables financièrement, que vous dénoncez ? Si c’est le cas, considérez-vous qu’il s’agit seulement d’un problème de moyens, sachant que vous recommandez notamment, dans votre rapport, de renforcer les moyens d’action des ARS ? Ou y a-t-il plutôt un vrai problème institutionnel, comme cela semble être le cas dans la vallée de la Tarentaise ?

Dans le cas de ma propre collectivité territoriale, les deux problèmes coexistent. D’une part, l’administration territoriale de santé, dont le rôle est d’exercer les missions des ARS, manque de moyens et la mise en œuvre d’un projet territorial de santé s’effectue aujourd’hui avec 1,8 équivalent temps plein, sans l’appui d’aucun médecin inspecteur ; d’autre part, les contours institutionnels ne sont pas tout à fait établis, le cadre juridique de l’organisation de l’ATS est encore bancale et ses relations avec l’administration centrale mal définies.

S’il y a donc une priorité à laquelle le Gouvernement doive s’atteler au plus vite pour entreprendre des restructurations hospitalières d’envergure, considérez-vous, au vu des trois cas que vous avez étudiés, qu’elle porte sur l’augmentation des moyens ou sur l’amélioration du cadre institutionnel ? Selon vous, quelles seraient par ailleurs les modalités de mise en œuvre de cette initiative prioritaire ?

M. le président. La parole est à M. le Premier président de la Cour des comptes.

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. En faisant allusion au rôle ambigu des tutelles, nous avons souhaité dire que les agences régionales de santé, non plus que les autorités ministérielles, ne jouent pas toujours clairement leur rôle d’arbitre. Cette affirmation procède de plusieurs constats.

En premier lieu, il n’existe pas de réflexion préalable sur l’organisation des soins, à partir de l’activité des établissements concernés. Les objectifs visés par certains projets de restructuration ne sont pas toujours clairement précisés au départ et évoluent au fil du temps, souvent de façon de plus en plus coûteuse.

Nous avons également constaté que les décisions prises l’étaient au coup par coup, dictées le plus souvent par les contraintes du financement des hôpitaux et la mise en œuvre de la tarification à l’activité, ou par la démographie médicale et la difficulté à pourvoir certains postes de spécialistes, sans compter les interventions, légitimes, des élus visant à conserver tel ou tel hôpital.

Nous avons ensuite remarqué que les résultats de ces restructurations sont peu satisfaisants. Les projets ont été mal maîtrisés financièrement, et les atermoiements successifs ont conduit à des dépenses inutiles, qui auraient pu être évitées ; ils ont aussi été mal évalués, comme à Perpignan, où le coût de reconstruction de l’hôpital – le seul des trois projets analysés ayant abouti – a augmenté de 63 % en euros constants, sans que la soutenabilité de l’opération soit assurée au stade de la conception. Ces observations montrent que la tutelle ne joue pas toujours pleinement son rôle.

Vous me demandez s’il s’agit d’un problème de moyens ou s’il est nécessaire d’améliorer le cadre institutionnel. Souvent, les problèmes ne sont pas uniquement une question de moyens, et ils peuvent trouver des solutions dès lors que l’on améliore le cadre institutionnel.

J’aurai l’occasion d’y revenir à plusieurs reprises, mais de nombreuses politiques publiques se caractérisent par leur manque de pilotage et leur absence de ciblage. Y remédier n’exige pas de moyens complémentaires, mais plutôt une révision des paramètres touchant à l’organisation de notre cadre institutionnel.

La mise en place des agences régionales de santé est encore trop récente pour que l’on puisse procéder à une analyse pertinente de leur rôle. Des améliorations ont déjà été apportées pour les rendre plus efficaces. Il faudrait désormais faire en sorte qu’elles aient les moyens de remplir les missions qui leur ont été assignées.

M. le président. La parole est à M. Marc Dolez, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Marc Dolez. Monsieur le Premier président, je voudrais revenir sur une question connexe au rapport pour vous interroger sur l’élaboration des préconisations de la Cour des comptes. Dans un rapport rendu public en janvier, la Cour a estimé que le financement de l’assurance chômage lui paraissait « difficilement soutenable ». Cette appréciation repose sur le constat évident qu’en période de chômage élevé l’UNEDIC accumule les déficits, mais elle a aussi conduit la Cour à préconiser de raboter les indemnités. Il peut paraître surprenant que la Cour s’inquiète du creusement d’un déficit qui présente un caractère essentiellement conjoncturel au point de proposer de mettre à mal le dispositif de solidarité sur lequel repose le financement de l’assurance chômage.

Ces remarques m’invitent à vous interroger sur deux points. Tout d’abord, quels sont les critères qui permettent à la Cour de faire la part entre déficit structurel et déficit conjoncturel ? Quel est par ailleurs le bien fondé de la démarche qui conduit à formuler des préconisations le plus souvent directives ? Ne serait-il pas plus judicieux que la Cour s’attache à formuler des pistes de réflexion en faisant davantage droit aux alternatives qui s’offrent au pouvoir exécutif comme au législateur ?

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Sandrine Mazetier. Monsieur le Premier président, la publication du rapport annuel de la Cour des comptes est toujours un événement, et l’édition 2013 n’y fait pas exception. Le rapport public annuel comme les rapports thématiques sont d’ailleurs de précieux outils pour les parlementaires dont ils alimentent les réflexions et les travaux. En tant que rapporteure spéciale de la mission « Sécurité », je me suis d’ailleurs jetée immédiatement sur le rapport publié hier et relatif aux dépenses de rémunération et au temps de travail des policiers et des gendarmes.

Ma question portera moins sur le rapport public annuel que sur le respect d’un principe, celui de l’impartialité. Le Conseil d’État a rappelé dans un arrêt de février 2000 que la Cour des comptes ne saurait se prononcer sur des affaires sur lesquelles elle avait précédemment formulé des observations publiques. Or, monsieur le Premier président, dans un entretien au Monde daté du 12 février, vous avez indiqué qu’« il est impératif désormais de freiner davantage la dépense ». Cette déclaration est, vous en conviendrez, un peu plus qu’une recommandation ou une observation. C’est une prescription forte, un impératif sur la politique à mener, sur l’équilibre à trouver entre les recettes fiscales et la maîtrise des dépenses. N’est-ce pas placer la Cour dans une position bien délicate au regard du principe d’impartialité et de séparation des pouvoirs puisque vous suggérez la mise en œuvre d’une politique publique que la Cour sera par définition chargée d’évaluer à l’avenir ?

Cette posture, que l’on pourrait qualifier de juge et partie, n’est-elle pas encore accentuée par la création du Haut Conseil des finances publiques que vous présidez ? Pour le dire autrement, peut-on imaginer un avis positif formulé sur une politique qui n’aurait pas exactement suivi les recommandations énoncées ? Quelles bornes vous fixez-vous afin de respecter votre champ d’action et d’expression ? La mission de la Cour telle que définie dans notre Constitution permet de garantir la séparation des pouvoirs qui est le fondement de notre démocratie.

M. le président. La parole est à M. le Premier président pour répondre à ces deux questions.

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. Madame Mazetier, la Cour n’est pas juge et partie, elle ne décide de rien. Elle n’a aucun pouvoir, sauf dans le cadre de ses compétences juridictionnelles. Je souhaitais le rappeler devant vous. La Cour est parfaitement consciente que le dernier mot revient aux représentants du peuple élus au suffrage universel.

Le pouvoir politique fixe des objectifs. Ce n’est pas nous qui les fixons, ce n’est pas nous qui votons la loi. Le Haut Conseil des finances publiques, madame la députée, résulte de l’adoption d’un traité européen qui a été ratifié par le Parlement français. Il est également le fruit d’une loi organique votée, non par la Cour des comptes, mais par l’Assemblée nationale et le Sénat. Nous n’avons de compétence que résultant de la loi ou de la Constitution. Nous partons des objectifs que le Gouvernement fixe dans les lois de programmation. Pour respecter ces engagements, il peut nous apparaître utile, à partir d’un constat, de prendre telle ou telle mesure. Nous le mettons sur la table. L’objectif des 3 %, une fois de plus, n’a pas été fixé par la Cour. Ce n’est pas la Cour qui décide de la maîtrise des dépenses, ce n’est pas la Cour qui vote les volumes de dépenses dans les lois de programmation, repris dans les projets de loi de finances initiale. Notre travail est de constater les différences éventuelles et d’analyser par quelle manière vous pourriez parvenir à respecter les objectifs politiques que vous avez définis.

Lorsque nous déclarons qu’il faut davantage maîtriser la dépense publique, nous partons d’un certain nombre de constats et d’observations. Le niveau des dépenses publiques en France est l’un des plus élevés au monde. Je crois même qu’il occupe la deuxième place, si ce n’est la première compte tenu des dispositions prises qui ne peuvent que nous en rapprocher. Nous ne portons pas d’appréciation ni de jugement de valeur sur ce niveau de dépenses publiques. Nous dressons simplement ce constat-là, en le comparant avec les résultats d’autres pays.

Si le niveau des dépenses publiques est élevé en France, il en est de même des prélèvements obligatoires. Mais la France mène-t-elle des politiques publiques en rapport avec les crédits qui y sont consacrés et que vous votez ? Nous ne formulons que des recommandations, pas des prescriptions. Vous faites ce que vous voulez. Nous recommandons, par exemple, que des évaluations soient systématiquement réalisées. Lorsqu’elles sont faites, elles révèlent en général que les résultats ne sont pas à la hauteur des crédits engagés. On pourrait citer beaucoup de domaines auxquels la France consacre beaucoup plus d’argent que d’autres pays, pour des résultats moindres : l’éducation nationale – nous aurons peut-être l’occasion d’y revenir au travers notamment des futurs rapports que nous rendrons –, le logement, le marché du travail. Nous mettons tous ces éléments sur la table et nous souhaitons que vous puissiez vous en saisir. Vous le faites ou non, c’est vous qui êtes souverains. C’est vous qui décidez des suites qui peuvent être apportées à nos recommandations.

Lorsque la Cour se contentait de formuler des constats et des observations, les parlementaires nous expliquaient que c’était bien mais que ce serait mieux de les accompagner d’un certain nombre de préconisations. C’est ce que nous faisons, répondant ainsi à vos souhaits. Vous avez d’ailleurs pris un certain nombre de dispositions législatives pour que la Cour des comptes et l’ensemble des juridictions financières puissent formuler des recommandations.

Je suis un ancien parlementaire, vous le savez : j’ai été député pendant vingt-deux ans. Je me suis battu durant toutes ces années pour que les pouvoirs du Parlement, en particulier ses pouvoirs de contrôle, soient renforcés. Avoir changé de fonction ne m’a pas fait changer d’avis, mais je pense que la Cour des comptes et l’ensemble des juridictions financières peuvent vous apporter beaucoup pour que vous puissiez prendre les meilleurs décisions possibles, éclairées par un certain nombre de constats et d’observations que nous pouvons faire et qui sont d’une totale neutralité et d’une totale impartialité, je puis vous le garantir. Non seulement nous sommes indépendants mais nos procédures mêmes garantissent aussi cette neutralité et cette impartialité. Tout ce que nous écrivons a fait l’objet d’échanges contradictoires avec les contrôlés et de délibérations collégiales successives, tout au long du processus de présentation, d’instruction et de délibération des rapports. Aucune arrière-pensée ne se cache derrière les rapports de la Cour. Nous ne souhaitons pas vous gêner, mais seulement appeler votre attention sur un certain nombre d’éléments.

S’agissant du marché du travail, certains titres de journaux ont pu, d’une certain façon, caricaturer nos travaux, et je le regrette. Il a ainsi été annoncé que la Cour s’attaquait à l’indemnisation des chômeurs, ce qui n’a aucun sens ! J’invite chacun d’entre vous à lire nos rapports et non pas seulement à les commenter à partir d’un titre, même si c’est celui d’un journal qui fait autorité sur un certain nombre de sujets.

Qu’avons-nous écrit, d’ailleurs, dans ce rapport, monsieur Dolez ? Tout d’abord, nous étions dans notre rôle puisqu’il s’agissait d’une politique publique et que 50 milliards d’euros étaient tout de même en jeu. Ce sont des sommes considérables. Nous avons voulu savoir, là encore, si vous « en aviez » pour l’argent que vous y consacrez. Or, nous avons mis en évidence que les différents instruments dont dispose l’État pour améliorer le fonctionnement du marché du travail ne sont pas satisfaisants. Vous définissez en effet un certain nombre d’objectifs, mais une grande partie des crédits que vous consacrez au marché du travail ne bénéficient pas à ceux qui en ont le plus besoin. Nous avons pu constater, dans ce rapport que le marché du travail était de plus en plus dual, que la formation professionnelle, qui représente également des sommes considérables, est davantage tournée vers les salariés qualifiés, en particulier ceux des grandes entreprises. Moins un salarié est qualifié, moins il bénéficie des crédits de la formation professionnelle. Est-ce normal ? Est-ce légitime ? C’est un constat que nous dressons et une question que nous livrons à votre sagacité.

La France consacre beaucoup d’argent à l’indemnisation du chômage, mais de moins en moins de chômeurs sont indemnisés. Aujourd’hui, moins de la moitié des chômeurs sont indemnisés dans le cadre de l’UNEDIC et la proportion diminue depuis quelques années. De surcroît, 600 000 chômeurs ne sont pas indemnisés parce qu’ils ne sont concernés ni par l’UNEDIC ni par les mécanismes de solidarité. Nous avons essayé de mettre le doigt sur ces difficultés. Nous avons aussi observé que le chômage partiel a été beaucoup plus utilisé dans un certain nombre d’autres pays qu’en France. Si je prends l’année 2009, le dispositif a bénéficié à 250 000 personnes en France, tandis qu’en Allemagne 1,5 million de salariés en ont profité. Ce ne sont pas des chômeurs qui sont concernés, mais bien des salariés puisque le dispositif tend justement à ce que le salarié reste dans l’entreprise. Nous comprenons ainsi pourquoi, alors même que le recul de l’activité a été bien plus important en Allemagne qu’en France, le niveau de chômage ne s’y est pas aggravé comme cela a été le cas en France.

Naturellement, en période de crise, le déficit de l’assurance chômage peut augmenter. Faites au moins crédit, monsieur le député, à la Cour des comptes de le comprendre. Nous ne sommes pas en dehors de la réalité, nous essayons au contraire, au cours de nos travaux, d’entendre tout le monde, y compris les organisations syndicales.

Malheureusement, même lorsque l’économie se porte mieux, le déficit ne se réduit pas obligatoirement. Il faudrait également, sur la durée, mettre en place un certain nombre de mécanismes pour mieux équilibrer l’UNEDIC.

Nous vous proposons, là aussi, des pistes qui ne concernent pas seulement la réduction des indemnités de chômage. Nous n’avons pas proposé de les réduire, nous avons dit qu’il fallait peut-être, au-delà d’un certain plafond, introduire de la dégressivité.

Nous avons dit aussi que le régime des intermittents du spectacle mériterait d’être revisité. Nous ne disons pas qu’il faille le supprimer, car il a sa pertinence, mais peut-être en corriger les abus.

Enfin, nous avons dit qu’il fallait vraisemblablement fixer des taux de cotisation plus élevés pour les contrats précaires.

Voilà un ensemble de préconisations qui peuvent être utiles à la représentation nationale. On peut effectivement décider de ne plus faire de préconisations ou de cacher certains constats. Mais vous avez besoin que les décisions que vous prenez soient éclairés, et nos rapports peuvent y contribuer.

M. le président. Mes chers collègues, je plaide pour que chacun se limite à deux minutes par question et deux minutes par réponse. Cela étant, monsieur le Premier président, je ne puis vous reprocher d’être trop long, puisque vous n’avez pas fait de déclaration liminaire !

La parole est à M. Jean-François Lamour, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-François Lamour. Avant de poser ma question, je voudrais dire à Mme Mazetier que nous avons aussi vécu, parfois, les observations de la Cour des comptes avec un peu d’irritation. Nous l’avons exprimé, de manière informelle, mais jamais sous cette forme. La Cour des comptes joue son rôle de vigie. Il est important, surtout en période de crise, qu’elle puisse continuer à le faire sans que soit remise en question son objectivité.

Monsieur le Premier président, je voudrais maintenant vous interroger sur les achats de maintenance du ministère de la défense. Dans le premier volet de votre rapport, qui concerne la gestion publique, vous avez pointé des insuffisances dans la gestion de ces achats, budgétés pour 3 milliards d’euros dans le programme 178.

Vos services, monsieur le Premier président, indiquent que nous pourrions, en revoyant le fonctionnement des structures acheteuses et en améliorant le dialogue compétitif avec les fournisseurs, réduire les coûts d’environ 300 millions d’euros. Bien sûr, ces économies ne sont pas comparables à celles qu’il nous faut trouver dans le cadre de la trajectoire de réduction des déficits, même à l’échelle du ministère de la défense. Aujourd’hui se réunit le Conseil de défense et de sécurité nationale, et vous savez que circulent des hypothèses extrêmement lourdes concernant le ministère de la défense et son budget. Aussi me paraît-il important de souligner ses marges de manœuvre potentielles.

Monsieur le Premier président, nos forces sont actuellement au Mali, où elles font preuve d’un grand courage et d’un grand professionnalisme. Mais elles sont à la limite de leur exercice, notamment en matière d’équipement. La responsabilité du Gouvernement est donc de rechercher des économies qui ne portent pas atteinte à leur cohérence ni à leur aptitude à remplir des missions de plus en plus exigeantes. Je pense notamment aux capacités de projection par voie aérienne et de ravitaillement en vol.

Ma question s’appuie sur la deuxième recommandation qui figure dans votre rapport. Vous évoquez – c’est notre principale mission – une évolution législative et réglementaire afin de renforcer les pouvoirs des enquêteurs, et vous citez le caractère raisonnable des marges des contrats conclus, en particulier avec les fournisseurs, qui sont en situation de monopole.

Comment faire, monsieur le Premier président, pour parvenir à des réductions de coûts en matière d’achat de matériels et de maintenance, tout en maintenant l’emploi et en préservant la situation de nos entreprises et de nos industriels de l’armement de défense qui sont toujours à l’avant-garde de la production de ces matériels ?

M. le président. La parole est à M. le Premier président de la Cour des comptes.

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. S’agissant du budget de la défense, nous vous avons remis plusieurs rapports.

Nous avons fait un rapport sur la loi de programmation militaire à mi-parcours. Nous y avons estimé à un milliard d’euros les économies possibles au niveau du budget de la défense, sans remettre en cause la capacité opérationnelle de nos armées, et formulé un certain nombre de préconisations que j’ai eu l’occasion de présenter devant votre commission de la défense.

Dans le cadre du rapport public annuel, nous sommes revenus sur les coûts de maintenance des matériels militaires. Là aussi, nous avons fait un certain nombre de constats qui expliquent nos préconisations.

Parmi ces constats, nous avons pu observer que l’État était très souvent un acheteur en situation de faiblesse par rapport aux entreprises du secteur de la défense, pour des raisons qui peuvent aisément se comprendre. En effet, les montants des crédits dont disposent les services d’achats de maintenance sont connus des interlocuteurs du ministère de la défense. C’est pour eux un élément extrêmement important ! Pour des raisons historiques, ces interlocuteurs connaissent souvent mieux l’État que celui-ci ne les connaît. C’est là une vraie difficulté.

Les effectifs et la qualification de nos acheteurs professionnels sont insuffisants, en particulier au service de maintenance aéronautique. Ainsi, on a pu observer, au niveau de la SIMAD – structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense –, que ce service ne disposait que vingt et un acheteurs, ce qui représente seulement 2 % de l’effectif total. C’est vraisemblablement insuffisant. Il faut renforcer nos capacités de dialogue.

On constate aussi que les enjeux liés à la qualité des processus d’achat ne sont pas toujours réellement perçus par les autorités du ministère et que le code des marchés publics peut soulever quelques difficultés. À partir de ces observations, nous avons fait des recommandations qui tendent – une fois n’est pas coutume – à renforcer, à professionnaliser les effectifs d’acheteurs des services des armées chargés de la maintenance, en priorité au sein de la maintenance des matériels aéronautiques.

Nous proposons également que soient renforcés les pouvoirs des enquêteurs du bureau des enquêtes de coût de la direction générale de l’armement. Il faut modifier un certain nombre de dispositions réglementaires afin que leurs pouvoirs ne soient pas limités. Or aujourd’hui, ils le sont. Cela ne correspond pas à notre objectif d’avoir des achats les plus pertinents possible.

Nous pensons qu’il faut aussi rattacher le bureau des enquêtes de coût directement au délégué général pour l’armement. Il faut accroître, au sein du ministère, les mécanismes de contrôle ou de contre-expertise sur les pratiques des services acheteurs afin d’éviter une concentration excessive des fonctions.

Enfin, notre dernière proposition vise à donner toute leur place aux services de maintenance dans la définition des coûts prévisionnels de possession à tous les stades de développement du programme.

Il faut aussi anticiper dès l’acquisition des équipements – malheureusement, ce n’est pas toujours le cas – une partie de la négociation avec les industriels fournisseurs sur les coûts de maintenance prévisionnels.

Nous avons estimé, sur la base d’un échantillon d’enquête de coûts, que des économies étaient possibles, de l’ordre de 10 % du total notifié chaque année. C’est pour cette raison que nous avons estimé le montant de ces économies à 300 millions d’euros. Nous sommes prêts à revenir devant vous pour illustrer davantage nos préconisations d’économies possibles, sans remettre en cause – ce n’est pas notre rôle – le schéma organisationnel des armées. Nous pourrions proposer des économies avec un tout autre schéma, mais nous sommes respectueux des orientations politiques que vous avez définies.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le Premier président, ma question porte sur la situation et les perspectives financières des départements.

J’ai lu avec intérêt vos remarques, notamment celles concernant l’accroissement du poids des dépenses sociales et des dépenses de personnel.

S’agissant de la progression des dépenses de personnel, vous parlez d’une progression de 115 % des effectifs des départements. Il faut, certes, tenir compte des transferts de personnels ; reste néanmoins une augmentation des effectifs de 12 % sur cette période. En outre, il y a, au sein des départements, de véritables disparités : dans certains départements, la progression est de 40 ou 45 % plutôt que de 12 %. Je tenais à le souligner.

Vous parlez d’un nécessaire équilibre, plus difficile à atteindre, entre recettes et dépenses. Je crois que tout le monde l’a intégré. Mais les solutions que vous préconisez dans vos deux recommandations sont parfois mal adaptées, et certaines m’inquiètent.

Vous parlez, par exemple, de limiter la possibilité pour les départements d’intervenir en complément de l’État dans le financement des investissements publics. Est-ce à dire que nous allons vers un fléchage unique des financements ? Si les taux restent identiques à ce qu’ils sont pour le nécessaire équilibre des finances publiques, le risque est que les collectivités autres que les départements connaissent de sérieuses carences dans les investissements à venir.

Enfin, vous préconisez une réallocation de la fiscalité qui soit neutre pour l’État – on le comprend dans le contexte économique que nous connaissons –, mais aussi entre les départements et le bloc communal. Ne risquez-vous pas de déplacer le problème des départements vers les communes et les communautés de communes ?

M. le président. Monsieur le Premier président, je vais donner la parole à Mme Christine Pires Beaune car sa question porte sur le même sujet.

La parole est donc à Mme Christine Pires Beaune, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Christine Pires Beaune. Monsieur le Premier président, mon intervention porte sur la situation et les perspectives financières des départements, qui font l’objet d’observations détaillées dans votre rapport.

Vous écrivez notamment que « le statu quo n’est plus possible » et vous avez raison. En effet, l’amélioration conjoncturelle des années 2010 et 2011, liée notamment aux droits de mutation à titre onéreux, ne doit pas être l’arbre qui cache la forêt. Nous devons assurer aux départements des ressources pérennes, tout simplement parce qu’ils assurent des politiques publiques à tous les stades de la vie : de la petite enfance à l’allocation personnalisée d’autonomie, en passant parfois, malheureusement, par le RSA.

Vous faites dans votre rapport plusieurs préconisations et je souhaiterais revenir sur les conséquences réelles de la nouvelle définition du potentiel financier et fiscal qui intervient dans le calcul des dotations, péréquations et compensations. Censée définir de la manière la plus juste la richesse du département, cette nouvelle définition du potentiel financier a bouleversé le classement des départements. Vous semble-t-elle pertinente ? Ne devrait-on pas tenir compte de l’effort fiscal fait par les départements en matière de taxe foncière sur les propriétés bâties ? Je citerai seulement deux taux : 5,13 % pour Paris, 32,86 % pour le Gers !

Le total des DMTO perçus par les départements représente chaque année 7 à 8 milliards d’euros. Or c’est, comme vous l’écrivez vous-même, une recette extrêmement volatile qui, pour prendre l’exemple du Puy-de-Dôme, a chuté de 20 % en janvier 2013 par rapport à janvier 2012 et de 50 % en février. Je rejoins Mme Dalloz pour dire que proposer d’affecter les DMTO au bloc communal avec une réaffectation d’une part de la taxe foncière communale aux départements ne réglera rien sur le fond et ne fera que déplacer le problème des départements vers le bloc communal. Pourquoi ne pas plutôt en faire une recette d’État, et attribuer aux départements une part de recette fiscale dynamique et pérenne – TVA ou CSG, par exemple ? Qu’en pensez-vous ?

Permettez-moi également de dire quelques mots du bloc communal. Certes, celui-ci ne fait pas l’objet d’une analyse détaillée dans votre rapport, mais, quand vous étiez venu devant l’Assemblée pour présenter le rapport de la Cour des comptes, vous aviez indiqué que des marges de manœuvre existaient en son sein, sans donner plus de précisions. Je voudrais appeler votre attention sur l’hétérogénéité de ce bloc communal, qui appelle, selon moi, des efforts différenciés. Partagez-vous ce sentiment ? Les collectivités territoriales, comme les citoyens, comme les entreprises, accepteront de participer à l’effort national de redressement des comptes publics, mais à condition que l’effort demandé soit juste.

M. le président. La parole est à M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes.

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. Nous avons en effet consacré un chapitre du rapport public annuel aux départements. Nous nous sommes appuyés sur les données de 2011 qui étaient alors à notre disposition, complétées par quelques éléments de prévision pour 2012. Nous disposons désormais des chiffres provisoires d’exécution des budgets des départements pour 2012. Ils donnent de précieuses indications, corroborées par une étude que vient de publier la Banque postale. Elles ne font que renforcer les observations et recommandations que nous faisions.

L’effet de ciseaux en matière de dépenses de fonctionnement des conseils généraux évoqué dans les deux questions est bien une réalité. Les dépenses réelles de fonctionnement progressent désormais beaucoup plus vite que les recettes réelles, qui tendent à stagner. Les unes progressent en effet de 3,2 %, les autres de 1 %, soit un écart qui s’accentue. L’accroissement du poids des dépenses sociales lato sensu, qui incombent aux conseils généraux, se poursuit à hauteur de 4,9 %, soit une augmentation sensible. Ces dépenses représentent à elles seules un peu plus de la moitié des charges réelles des départements.

Quant aux droits de mutation, comme nous l’avions prévu, les recettes à titre onéreux qui en découlent diminueraient de 800 millions d’euros, de 8,6 milliards d’euros à 7,8 milliards, alors qu’elles avaient fortement augmenté en 2011 par rapport en 2010. Seul Paris échappe à ce mouvement de baisse. On constate également que l’épargne brute, à l’échelle des départements, qui avait très sensiblement progressé entre 2009 et 2011, décroît désormais de 12 %. Le mouvement de contraction des investissements se poursuit pour la troisième année consécutive. Les dépenses d’investissement se replient de 11,7 milliards d’euros à 11,5 milliards, ce qui n’est certes pas considérable. L’encours de la dette poursuit sa progression, mais modérément. Le ratio de désendettement se dégraderait légèrement.

Ainsi, tous les chiffres complémentaires dont nous disposons pour 2012 corroborent les observations que nous faisions. Il s’agit cependant d’observations globales portant sur les départements, dont les situations sont diverses. Les départements sont certainement les collectivités territoriales confrontées à la rigidité et la tension maximales. Cela étant, les situations sont très différentes selon les départements. Certains se portent beaucoup mieux que d’autres.

Pourquoi avoir avancé une proposition de réaménagement de la fiscalité locale sous la forme d’un transfert des droits de mutation à titre onéreux des départements vers le bloc communal en contrepartie du transfert réciproque de la taxe sur le foncier bâti ? Un tel réaménagement n’a nullement pour objet la diminution des ressources du bloc communal. Il doit en principe être équilibré. En formulant cette préconisation, nous souhaitons augmenter la part modulable de la fiscalité des départements afin d’accroître et de dynamiser leur marge de manœuvre. Les communes ont en effet une capacité supérieure en matière de fiscalité directe.

Une réduction sensible des DMTO pose davantage problème aux départements, compte tenu de la rigidité de leurs budgets, qu’aux communes, qui disposent d’autres marges de manœuvre. Sur une période plus longue, la dynamique des DMTO peut être plus avantageuse. Tel est le sens de notre proposition. Elle ne tend nullement à réduire les marges budgétaires du secteur communal, mais a pour objectif de stabiliser l’évolution des ressources fiscales des départements. Nous sommes prêts à revenir devant vous pour approfondir la réflexion.

Le potentiel financier fait certes l’objet d’une nouvelle définition qui a sensiblement modifié le rang de classement des collectivités en fonction de leur richesse. Il n’appartient pas à la Cour d’entrer dans le débat technique sur le potentiel fiscal. Il importe selon nous que soient établis des critères de répartition tenant compte à la fois des ressources disponibles des départements mais également et surtout des charges constituées par les seules dépenses obligatoires auxquelles ils doivent faire face. Cela devrait porter tant sur les prélèvements que sur la redistribution.

C’est pourquoi nous formulons également des propositions visant à harmoniser les critères de répartition, en particulier ceux du fonds de péréquation des droits de mutation à titre onéreux avec ceux du fonds CVAE. En effet, si les critères de ressources utilisés pour ladite répartition sont désormais identiques, quoique dans des proportions très différentes, inversement, seul le fonds de péréquation de la CVAE inclut également des critères de charge à hauteur de 20 %. Avant toute décision définitive, il faudrait selon nous que vous demandiez, mesdames et messieurs les députés, les nécessaires simulations préalables montrant les conséquences du choix de tel ou tel critère.

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. La page 519 du rapport relative au parc de loisirs du Carmausin Cap’découverte, monsieur le Premier président, a pour titre « un lourd déficit chronique, une indispensable réduction des activités commerciales. » Vous indiquez que les entrées payantes n’excèdent pas 73 000 au lieu des 660 000 initialement prévues. La Cour évoque « une faible attractivité du site » et constate qu’alors que « les initiateurs du projet escomptaient, en 2000, la création de 250 emplois directs, ceux-ci se limitent, aujourd’hui, à 21 agents titulaires ». À propos du centre d’appels, vous écrivez que « la location d’un bâtiment par le syndicat de la découverte à un centre d’appels relevant du secteur concurrentiel sur la commune de Carmaux est sans lien avec le complexe de Cap’découverte. »

Vous dénoncez les dérapages de l’investissement, au-delà de 20 %, soit 66 millions d’euros hors taxes au lieu des 54,9 millions d’euros prévus. Vous constatez que le déficit s’est significativement accentué depuis 2007. Le montant des recettes de fonctionnement est inférieur à un million d’euros et il en résulte un déficit de fonctionnement de 4,6 millions d’euros dont la couverture incombe aux collectivités locales. Vous constatez que 99 % des recettes totales du syndicat sont des subventions et déplorez que « de nombreuses malfaçons affectent certains bâtiments et se traduisent par des désordres dégradant l’apparence des installations. » Vous appelez pour conclure à la réduction voire à la suppression totale de « l’activité commerciale assurée par le délégataire – tyroliennes, téléskis nautiques, pistes de descente – afin de diminuer les coûts d’exploitation et par voie de conséquence le montant du déficit. »

Ma question, monsieur le premier président, est triple. Sur la forme, tout d’abord. La chambre régionale des comptes a produit un rapport dès 2007, pourquoi donc avoir attendu 2013 pour l’intégrer dans le rapport général de la Cour des comptes ? En outre, le président du syndicat mixte de la découverte affirme que rien ne changera et que l’activité continuera quoi qu’en dise la Cour des comptes. Enfin, pourquoi la Cour des comptes ne s’est-elle jamais intéressée à l’exploitation de charbon qui a précédé Cap’découverte de 1982 à 1996 ? Le creusement du trou a nécessité un investissement de 750 millions d’euros et le charbon vendu n’en a rapporté que douze. J’ai obtenu ces informations en plusieurs années au moyen de questions écrites. Pourquoi la chambre régionale des comptes et la Cour des comptes ne se sont-elles intéressées qu’à une petite partie et non à l’ensemble de ce qu’on peut appeler le scandale de Cap’découverte ?

M. le président. La parole est à M. le Premier président de la Cour des comptes.

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. Je n’ai pas connaissance des travaux qui ont été effectués il y a quelques années. Je découvre votre question et puis faire les recherches nécessaires, tant auprès de la Cour que de la chambre régionale, afin de savoir ce qui a été fait.

Le chapitre que vous évoquez a été rédigé à la suite de contrôles que nous menons régulièrement, à plusieurs années d’intervalle, afin de voir si la situation a évolué, si ce qui devait être corrigé l’a été et si nos observations ont été prises en considération. Tel est l’objet du chapitre sur le complexe Cap’découverte. Nous avons constaté, comme vous l’avez rappelé, monsieur le député, que les résultats étaient très en deçà des prévisions et que les objectifs initialement assignés à ce projet étaient loin d’être atteints. Le contexte dans lequel les décisions ont été prises était sans doute différent et le changement de conjoncture est en partie un élément explicatif.

Nous n’en maintenons pas moins que les objectifs du projet étaient d’emblée irréalisables ou à tout le moins démesurés au regard de la réalité de la situation. Un déficit d’exploitation subsiste et persiste. L’avenir demeure incertain. Si nous proposons la réduction de l’activité commerciale, c’est que nous avons des doutes quant à la possibilité qu’elle puisse donner des résultats satisfaisants, dès lors que les équipements – tyroliennes, téléskis nautiques, pistes de descente – sont bien connus pour être très difficiles à rentabiliser et très coûteux à entretenir. Leur utilisation suppose d’y investir chaque année beaucoup d’argent. En écrivant ce chapitre, nous avons souhaité que les élus aient matière à s’interroger sur l’avenir du site et que davantage de précautions soient prises dorénavant dans ce type de dossier, les collectivités dans leur ensemble ainsi que l’État ayant participé au financement de cette opération.

Par ailleurs, vous vous étonnez du fait que les observations de la Cour des comptes ne soient pas suivies d’effet. Sur ce point, je vous renvoie à la réponse que j’ai faite à Mme Sandrine Mazetier : la Cour n’a pas d’autre pouvoir que celui de faire des observations et des piqûres de rappel. Nous essayons de contribuer au débat public en vous fournissant les éléments servant de base à ce débat, mais ne disposons d’aucun pouvoir de décision – ce qu’au demeurant, il ne faut pas regretter : la France, ce n’est pas le gouvernement des juges, la capacité de décider appartient aux représentants du suffrage universel.

M. le président. La parole est à M. Pascal Terrasse.

M. Pascal Terrasse. Monsieur le premier président, je souhaite vous poser une question portant sur les médecins traitants et les parcours de soins coordonnés, puisque ce sujet figure parmi vos propositions. Cependant, l’actualité m’incite à vous poser une autre question à laquelle le rapport annuel fait référence : celle des allocations familiales. Vous dites dans votre rapport que les allocations familiales n’entrent pas dans le revenu imposable des familles, et que le fait de les y intégrer aurait un impact bénéfique pour la branche famille. À mon sens, cette branche est structurellement déficitaire, principalement en raison du fait que le Gouvernement précédent y a intégré, il y a quelques années, des avantages dits non contributifs – en l’occurrence, payés au profit des retraités –, qui n’auraient jamais dû entrer dans cette branche.

Aujourd’hui, la situation de cette branche est dramatique. Premièrement, pouvez-vous nous indiquer l’impact que l’intégration des allocations familiales dans les revenus fiscaux aurait sur les familles ? Ne craignez-vous pas que des familles aujourd’hui non soumises à l’impôt sur le revenu le deviennent si ce dispositif était mis en application ? Deuxièmement, le plafonnement des conditions de ressources fait également partie des réflexions menées. Une telle mesure n’aurait-elle pas des conséquences sur l’universalité des allocations familiales, un principe auquel nous sommes tous attachés ? Troisièmement, pouvez-vous nous indiquer quel a été l’impact financier du gel de la revalorisation des allocations familiales, tel qu’il avait été mis en œuvre par le précédent gouvernement ? Quatrièmement, enfin, ne pensez-vous pas qu’une proratisation des allocations familiales, à l’instar de ce qui se fait pour les allocations logement, pourrait être mise en œuvre ? Cela répondrait à la triple exigence d’universalité du dispositif, de maîtrise des coûts et de justice.

M. le président. La parole est à M. le premier président de la Cour des comptes.

M. Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes. Si le rapport public parle bien du médecin traitant et du parcours de soins coordonnés, il ne traite pas des allocations familiales. Au sujet du médecin traitant et du parcours de soins coordonnés, nous avons dit qu’il s’agissait d’une réforme inaboutie, trop administrative, et avons formulé un certain nombre de propositions en vue de lui faire atteindre ses objectifs – au demeurant plutôt positifs.

Pour ce qui est des allocations familiales, j’attire votre attention sur un point : j’ai bien dit que la Cour ne proposait pas la fiscalisation des allocations familiales, ce sujet n’ayant pas été étudié par elle. Aux journalistes qui insistaient, j’ai précisé que le sujet pouvait se trouver sur la table : le Gouvernement ayant demandé un rapport sur des thèmes en relation avec cette question, toutes les pistes peuvent être étudiées. La Cour a d’ailleurs constaté, comme elle l’a indiqué dans un certain nombre de rapports, que la branche famille présentait un déficit qu’il convenait de traiter au moyen de financements alternatifs. Nous avons également mis quelques anomalies en évidence. Ainsi, un enfant élevé au sein d’une famille aisée bénéficie de davantage de crédits qu’un enfant de famille modeste ; de même, il arrive, dans certaines familles monoparentales, qu’une femme élevant seule ses enfants ne soit pas aidée.

Ces constatations nous ont amenés à nous demander si le dispositif actuel, doté de crédits importants mais n’apportant pas toute la justice qu’on serait en droit d’en attendre, était totalement satisfaisant. Nous avons donc invité les pouvoirs publics à réfléchir sur ce point. Je ne veux pas aller plus loin sur cette question, puisque vous allez bientôt pouvoir prendre connaissance du rapport commandé par le Gouvernement à Bertrand Fragonard ; selon ce que j’ai lu dans la presse, certains parlementaires pourront alors formuler des propositions.

En ce qui concerne les retraites, nous avons constaté que la situation des retraités n’était plus la même qu’il y a dix, vingt ou trente ans, et qu’un certain nombre de dispositions prises à une époque donnée pouvaient être revisitées. Nous avons notamment posé la question de la possible fiscalisation des majorations de pension pour les personnes ayant élevé au moins trois enfants, à partir du moment où les enfants atteignent un certain âge – il s’agit en l’occurrence d’une proposition formelle de la Cour.

Nous allons d’ailleurs essayer, dans le rapport sur la situation et les perspectives des finances publiques, de reprendre à votre intention l’ensemble des préconisations que nous avions pu émettre précédemment dans différents domaines en matière de dépenses publiques, de dépenses d’intervention, d’économies suggérées et de propositions relatives aux niches sociales et fiscales.

M. le président. La parole est à M. René Dosière.

M. René Dosière. Monsieur le premier président, dans le tome III de votre rapport, relatif aux activités des juridictions financières, on constate que les activités des chambres régionales des comptes ont fortement diminué depuis deux ans : elles sont en baisse d’environ 20 %, ce que la Cour appelle un « fléchissement ». Vous dites que ce fléchissement est lié au fait que les chambres régionales sont davantage associées aux travaux d’évaluation de la Cour, ce qui fait qu’elles ne disposent plus d’autant de temps pour s’occuper des collectivités locales.

Si l’association des chambres régionales aux travaux de la Cour constituait l’un des objectifs de la réforme que nous avons votée, nous étions un certain nombre à souhaiter que cette réforme n’aboutisse pas à ce que les contrôles des chambres régionales sur les comptes des collectivités locales diminuent ; or c’est précisément ce qui se passe. J’aimerais savoir quelles dispositions vous comptez prendre pour éviter qu’à l’avenir ce mouvement de fléchissement ne se poursuive, et que, au contraire, le regroupement des chambres régionales, qui avait pour objectif d’améliorer leur productivité, se traduise par un contrôle accru sur les collectivités locales, qui représentent, comme vous le savez, une masse de 240 à 250 milliards d’euros.

M. le président. La parole est à M. le premier président de la Cour des comptes.

M. Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes. Je vous confirme, monsieur le député, que l’objectif de la réforme est de renforcer les capacités des chambres régionales. Cela étant, nous nous trouvons évidemment dans une période intermédiaire : à la suite de la réorganisation, tous les personnels n’ont pas forcément suivi. Dans le cadre des concertations et des négociations auxquelles nous avons pris part, aussi bien avec les personnels qu’avec le Gouvernement, nous avons décidé d’accompagner les personnels des chambres régionales qui n’acceptaient pas, pour des raisons qui leur appartiennent – je pense notamment aux personnels administratifs, y compris les personnels de contrôle tels que les assistants de vérification –, de changer de région. Nous nous sommes battus afin de parvenir à ce que des propositions de reclassement sur place soient faites.

Pendant un certain temps, nous continuons à rémunérer ces agents, ce qui nous interdit, si nous voulons être exemplaires en matière de maîtrise des dépenses – et c’est la moindre des choses compte tenu des observations que nous formulons par ailleurs –, de compenser poste à poste : j’ai donné des instructions en ce sens aux chambres régionales. Dès le mois d’octobre prochain, nous allons sortir de cette situation de transition. Demain, les chambres régionales seront mieux armées pour assurer le contrôle des collectivités territoriales.

Je veux ajouter qu’à mon sens nous avons un problème de pertinence des indicateurs, qui ne reflètent pas la réalité des travaux des chambres régionales. Il y a en effet de plus en plus d’enquêtes communes – ce que vous souhaitez, puisque vous formulez un certain nombre de demandes aux juridictions financières – entre la Cour et les chambres régionales. Pour le moment, lorsque nous mobilisons des magistrats de chambres régionales pour des travaux conduits par la Cour des comptes, cela n’est pas pris en compte par les indicateurs d’activité des chambres régionales – ce qui peut expliquer la réduction d’activité constatée de ces chambres.

J’ai évoqué ce sujet ce matin avec les présidents de chambres de la Cour et les présidents des chambres régionales. Il faut que nous réfléchissions à la mise au point d’indicateurs, que nous vous proposerons, visant à mieux apprécier la réalité des travaux des chambres régionales. Il est en effet très injuste de mobiliser des magistrats de chambres régionales pour répondre à des demandes du Parlement qui intéressent aussi les collectivités territoriales, sans que cela soit suffisamment pris en compte par les indicateurs d’activité. J’espère que nous serons en mesure de vous proposer rapidement des modifications permettant d’améliorer la pertinence des indicateurs.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur le premier président, la Cour des comptes a longuement évoqué le problème du RSA activité. Vous soulevez un problème que la commission des finances évoque depuis des années, à savoir l’efficacité de ce dispositif. Ainsi, vous montrez que 30 % seulement de sa cible en bénéficie, attribuant ce phénomène à l’extrême complexité du dispositif et surtout à son inadaptation à des personnes, travaillant souvent à temps partiel et se trouvant entre activité et inactivité.

Vous posez également la question de l’articulation de ce dispositif avec d’autres dispositifs, notamment l’aide au logement et la PPE ; nous sommes nombreux, à la commission des finances, à penser que la PPE n’a pas non plus atteint son objectif. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste la réforme, ou plus exactement l’« étude sur l’articulation » de la PPE et du RSA activité que vous proposez ? La Cour des comptes a-t-elle des propositions à faire à la représentation nationale, en vue d’améliorer l’efficacité de la dépense liée à la PPE et au RSA activité ?

M. le président. La parole est à M. le Premier président de la Cour des comptes.

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. Le RSA activité est une prestation effectivement peu sollicitée. Alors que le nombre de bénéficiaires pourrait être beaucoup plus important, le RSA activité, comme on peut le constater, a un impact restreint et peine à remplir les objectifs que lui a fixés la loi. Cela s’explique. Nous avons ainsi observé que la prestation a été mise en place alors même que la crise économique bouleversait le marché de l’emploi, ce qui a donc pu altérer les effets attendus d’une réforme dont l’un des objectifs était précisément d’inciter à l’emploi. Comme nous l’avons constaté dans notre rapport, le non recours au RSA activité, jugé beaucoup trop complexe, ce que je confirme, et stigmatisant par le public susceptible d’en bénéficier, est deux fois plus important que pour d’autres prestations. Nous avons également pu remarquer que cette situation était à l’origine d’un surfinancement de la mesure et de l’utilisation à d’autres fins des ressources extrabudgétaires affectées au Fonds national des solidarités actives.

Nous avons identifié un certain nombre de défauts structurels du RSA, en particulier l’uniformité de traitement réservée à des populations différentes au regard de leur niveau d’insertion dans l’emploi, ainsi qu’un compromis peu satisfaisant entre une mesure d’incitation à l’emploi, qui devrait être plus individuelle, et une mesure fortement familialisée visant à compléter le revenu d’activité du ménage. Les modalités de calcul de la prestation limitent son incidence sur le revenu des travailleurs pauvres. Le barème et le mode de calcul ne permettent pas toujours aux foyers bénéficiaires de sortir de la pauvreté.

Je ne reprendrai pas tous les constats que nous avons faits. Nous nous posons la question de la coexistence avec d’autres mesures incitatives et, notamment, avec la prime pour l’emploi dont l’obtention automatique est beaucoup plus aisée et joue en défaveur du RSA activité.

Nous ne vous proposons pas, clés en main, une réforme, mais nous invitons à engager une réflexion sur l’articulation qui nous apparaît nécessaire entre le RSA activité et la PPE, avec pour objectif une complémentarité entre les deux dispositifs.

Parmi les autres recommandations figure également la suppression de la période de cumul intégral entre le RSA socle et le revenu d’activité ainsi que la prévention des situations de perte de revenus lors de la prise d’activité. Il convient pour cela d’articuler davantage les dispositifs incitatifs et les prestations sociales et de poursuivre la réforme des droits connexes.

Nous constatons, à travers ce dispositif, que c’est, d’une certaine façon, assez français. On constate qu’il existe des besoins et on propose des mécanismes nouveaux, sans toutefois prévoir de les articuler avec d’autres dispositifs existants. Il y a donc une perte en ligne et les objectifs ne sont pas atteints.

Ces dispositifs relativement coûteux ne le sont, en fait, pas trop parce qu’il n’y a pas autant de bénéficiaires que prévu. Mais ils ne sont pas suffisamment efficaces au regard des objectifs qui ont conduit à les voter.

Nous vous invitons en conséquence à remettre sur la table le RSA activité et la PPE.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je voulais rebondir, puisque vous nous y avez autorisés, lorsque vous vous êtes exprimé au début de ce débat, monsieur le président.

Monsieur le Premier président, vous êtes plus louangeur pour la PPE, mais la vraie question est de savoir si la PPE est incitative à la reprise d’emploi et à l’activité. Nous sommes nombreux, en commission des finances, à penser l’inverse.

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. Il n’est pas sûr que je sois plus louangeur, nous disons que c’est un dispositif bien plus facile et bien plus compréhensible.

M. Charles de Courson. La PPE et le RSA activité sont-ils efficaces pour aider nos concitoyens à reprendre une activité et pour les récompenser quand tel est le cas ? Telle est la vraie question.

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. La réponse est plutôt négative. Nous nous interrogeons et nous pensons que les cibles définies par la loi ne sont pas atteintes. Dans nombre d’évaluations de politiques publiques, on peut constater une absence de ciblage. J’avais à ce titre employé cette formule : pour arroser quelques parterres de fleurs, on irrigue tout un jardin. Il y a, de ce fait, beaucoup de pertes en ligne dans les crédits publics. Les objectifs ne sont donc pas atteints. Je pense qu’il existe des marges de manœuvre pour que l’action publique demeure tout aussi efficace tout en étant moins coûteuse.

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Monsieur le Premier président, j’aborderai brièvement deux points dans les deux minutes qui me sont accordées.

Le premier point, vous l’avez évoqué, concerne le régime des intermittents du spectacle, géré directement par l’Unedic, donc par les partenaires sociaux, et qui, visiblement, ne progresse guère. Je n’ai pas noté, de la part du Gouvernement, une volonté féroce de résoudre ce problème qui est pourtant considérable. Si la Cour des comptes pouvait de nouveau inciter le Gouvernement et l’Unedic à être un peu plus offensifs, ce serait bien.

Le second sujet concerne les rémunérations chez EDF. Vous êtes assez précis sur ce point, puisque vous parlez d’une progression rapide de ces rémunérations et d’une accumulation d’avantages, sans lien évident avec les performances. Vous revenez surtout sur les effectifs des cadres, qui ont progressé de 32 %, ce qui est beaucoup, et sur le montant de leurs rémunérations, en hausse de 4 %. Vous notez essentiellement un manque de volonté de transparence de la part d’EDF, l’État actionnaire n’ayant connaissance de la politique de rémunérations des cadres dirigeants qu’à travers les éléments communiqués peu fréquemment par EDF au comité des rémunérations. Il s’agit tout de même d’un manquement assez grave puisque, si j’ai bien compris, EDF ne communique pas aux actionnaires et à l’État les rémunérations de ses dirigeants, qui, bien sûr, galopent. Cela pose évidemment problème.

De plus, vous considérez que le tarif agent, que vous qualifiez d’exorbitant, représente un manque à gagner de plus de 222 millions d’euros par an. Je rappelle qu’il s’agit de la gratuité pour les agents d’EDF et leur famille et qu’il n’y a pas de limite de consommation, ce qui représente trois fois la consommation habituelle d’un client d’EDF. Cet avantage est, de plus, consenti pour la résidence principale, pour la résidence secondaire et même pour les résidences de vacances. Ne conviendrait-il pas que la Cour des comptes soit plus offensive s’agissant du non-respect des conditions de transparence et de cet avantage que les Français comprennent de moins en moins, puisqu’ils pensent que les tarifs de l’énergie augmenteront pour chacun de 30 % d’ici à quelques années. C’est donc un véritable problème.

M. le président. La parole est à M. le Premier président de la Cour des comptes.

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. Je ne reviendrai pas sur ce qu’a dit la Cour des comptes sur le régime des intermittents du spectacle. Sans jamais en proposer la suppression, la Cour a cependant constaté que ce régime, lequel repose sur l’ensemble des salariés, représentait un coût beaucoup trop important. Il y vraisemblablement un certain nombre d’économies à faire sans remettre en cause les fondements mêmes du régime des intermittents. Nous avons dénoncé la « permittence », c’est-à-dire le fait qu’un certain nombre de sociétés peuvent employer des salariés de manière permanente alors qu’ils relèvent du régime des intermittents du spectacle. Il y a là des abus auxquels il doit pouvoir être mis fin. C’est, en tout cas, ce que nous suggérons.

Concernant EDF, je ne sais pas si on peut être plus offensif que nous ne l’avons été. Nous avons en effet formulé un certain nombre de constats sur la politique salariale, laquelle est, bien évidemment, définie par l’entreprise. Toutefois, sachant que c’est une entreprise publique, nous considérons que certaines pratiques méritent effectivement d’être revues à partir du moment où elles sont exorbitantes du droit commun. Nous nous sommes également penchés sur la rémunération des cadres dirigeants et avons suggéré que ladite rémunération tienne davantage compte de leurs performances individuelles et collectives.

Nous avons également fait un certain nombre de constats pour ce qui est du tarif préférentiel. Ainsi, ce tarif est très faible et il est inchangé depuis les années 50. Il n’est pas plafonné et les taxes et cotisations dues sont prises en charge par l’employeur. Cela n’incite donc pas à des comportements individuels vertueux. Cela peut, au contraire pousser à dépenser davantage d’énergie. Il conviendrait donc, peut-être, sans reconsidérer l’ensemble du dispositif, de faire en sorte que ce tarif incite à des comportements plus vertueux sur le plan de la consommation d’énergie. Ces avantages doivent également entrer dans le droit commun des avantages sociaux et fiscaux.

M. le président. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. J’aimerais revenir sur les éléments que vous avez donnés s’agissant de la situation des finances publiques.

Dans le rapport de la Cour des comptes, il est précisé que l’effort structurel réalisé en 2012 et surtout celui prévu pour 2013 étaient inédits. Vous avez ajouté tout à l’heure qu’ils étaient sans précédent, à savoir de 1,4 point en 2012 et de 1,9 point en 2013. Vous avez fait observer que cet effort structurel était aujourd’hui déséquilibré en termes de recettes comme de dépenses. Dans la loi de programmation des finances publiques, le Gouvernement s’est engagé à parvenir à un équilibre sur la durée du quinquennat, justifiant notamment que l’effort demandé en 2012 et surtout en 2013 porte d’abord sur les recettes du fait de l’urgence de la situation et des considérations de pilotage de la politique macroéconomique.

Je souhaite, cependant vous interroger sur le volet recettes de cet effort structurel. J’aurais également volontiers interpellé le ministre, car je pense que vous ne disposez pas d’éléments, contrairement au ministre qui, lui, aurait pu me répondre. Les chiffres qui figurent dans votre rapport, à savoir qu’au final les recettes seraient, en 2012, inférieures de 1,7 milliard au dernier chiffre de la loi de finances rectificative et qu’il y aurait, notamment, une moindre recette de 3 milliards d’euros de TVA liée à une consommation modérée des ménages sont-ils, oui ou non, confirmés ? Je ne sais pas si vous avez, depuis, obtenu des éclairages complémentaires.

Je reviendrai, et j’aurais aussi aimé interroger le ministre sur ce point, sur les perspectives de 2013 et des années futures, sachant qu’en 2013 l’effort sur le prélèvement obligatoire est également important, soit de l’ordre de 1,6 point. Votre rapport insiste beaucoup sur les incertitudes relatives à ces recettes. Des aspects relèvent des prévisions macroéconomiques, ce qui renvoie à l’aspect conjoncturel. D’autres apparaissent plus structurels s’agissant, notamment, de la sensibilité des prélèvements obligatoires à la croissance ; c’est la question de l’élasticité et du chiffrage des mesures nouvelles.

La Cour des comptes confirme-t-elle aujourd’hui cette incertitude ? Aurait-elle des propositions à faire – et ce sera aussi un des rôles du Haut Conseil des finances publiques – pour assurer une plus grande fiabilité et une plus grande transparence de ces prévisions de recettes ?

Enfin, dernier point, le ministre du budget s’est engagé, le 6 janvier dernier sur Europe 1, à ce que soit respecté le principe de stabilité fiscale. L’effort structurel en 2013 portant sur des mesures non reconductibles en 2014, comment tenir un tel objectif ? Faut-il envisager pour les années ultérieures, et en particulier 2014, des mesures fiscales de substitution pour respecter l’objectif de recettes et la trajectoire de redressement des finances publiques d’ici à 2017, qui prévoyait une décroissance des prélèvements obligatoires mais seulement à partir de 2016 ?

Telles sont les points sur lesquels je souhaitais vous interroger, pour avoir votre avis final sur le réalisme de la prévision de recettes, la manière dont on pourrait lever plus tôt les incertitudes quant à l’évaluation, notamment le chiffrage des mesures nouvelles, et les mesures à prendre pour les exercices ultérieurs.

M. le président. La parole est à M. le Premier président de la Cour des comptes.

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. Ce sont des questions qui s’adressent surtout au Gouvernement, mais j’en profite pour revenir sur la situation des finances publiques.

J’ai eu l’occasion de souligner que le redressement des comptes avait été engagé et que des efforts avaient été entrepris, mais la situation de la France reste plus défavorable que la moyenne européenne, ce qui signifie que les pays qui nous entourent prennent aussi des décisions de redressement de leurs comptes publics et que notre situation relative ne s’est pas encore améliorée.

La Cour ne fait pas de prévisions macroéconomiques. Ce n’est pas à nous de dire quelles peuvent être les prévisions de croissance. Vous avez mis en place un Haut conseil des finances publiques, qui pourra exprimer un avis sur les mesures proposées par le Gouvernement.

Ce que nous avons expliqué, c’est qu’il y avait un certain nombre d’incertitudes pour les recettes de 2013 et qu’à partir du moment où le niveau de croissance n’était pas de 0,8 % et pouvait être inférieur, cela pouvait représenter une moins-value de recettes pour l’État. Avec d’autres incertitudes sur les recettes, je pense notamment à tout ce qui est lié aux contentieux fiscaux, et le chiffrage de mesures nouvelles, tout en reconnaissant d’ailleurs que, si un tel chiffrage est fragile, l’aléa peut jouer dans les deux sens, et avec des incertitudes quant aux dépenses, l’objectif de 3 % nous paraissait inatteignable.

Une fois de plus, cette observation de la Cour était le résultat d’un certain nombre de constats que nous pouvions faire à partir de données objectives.

La Cour n’a d’ailleurs pas proposé de mesures supplémentaires pour respecter le déficit effectif. Nous avons dit que c’était un indicateur intéressant qu’il ne fallait pas négliger dans la mesure où c’était lui qui nourrissait la dette, mais, à partir du moment où le nouveau traité européen parlait de déficit structurel, il convenait que les autorités politiques puissent décider des critères leur paraissant les plus importants. L’essentiel, c’est de respecter la trajectoire de redressement des comptes publics par rapport aux objectifs définis dans le traité international, la loi organique et les lois de programmation.

Il appartiendra au Haut conseil dont vous avez vous-mêmes décidé la mise en place et qui se mettra en place jeudi prochain de s’organiser pour être capable d’exprimer un avis sur le programme de stabilité que le Gouvernement doit adresser à la Commission européenne d’ici au 30 avril. Il est prévu qu’il donne un avis autour du 15 avril pour permettre au Parlement d’avoir cet éclairage.

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. D’abord, je voudrais m’excuser du caractère un peu choquant que pourraient avoir certains de mes propos. Mon but n’est pas du tout de choquer.

Ce n’est pas sur le fond que je veux intervenir. Le travail de la Cour des comptes est tellement fouillé et sérieux qu’il n’y a rien à dire. J’ai le privilège de vous connaître depuis de très nombreuses années, monsieur le Premier président.

Notre pays est gravement fracturé, et l’idée même de nation est aux acquêts, le pouvoir politique disqualifié. On peut même se demander s’il y aura une possibilité d’alternance le moment venu s’il n’y a pas de relance. L’administration terrorise le citoyen, avec les petites musiques qui durent à l’infini. Vous savez quel accueil on peut recevoir après avoir avancé dans une longue file devant Pôle emploi. En même temps, les profits des grands groupes sont largement étalés, les plans sociaux tombent comme à Gravelotte et, au fond, la Cour des comptes apparaît comme le dernier refuge. Votre prédécesseur, que j’aimais beaucoup aussi, malheureusement trop vite disparu, est d’ailleurs devenu un mythe national.

Vous savez comme moi quel effet peut avoir le flash des infos en ligne. C’est toutes les cinq minutes un coup de feu qui crépite à l’oreille des plus faibles dans notre société et je me demande si, au fond, dans une période de grande crise, ce n’est pas notre manière d’agir qu’il faudrait changer. Ne pourrait-on pas penser un peu à l’unité nationale ?

Lorsque l’on parle du logement de Guéret sur deux lignes dans la presse, cela me fait très mal, et je pense que cela fait très mal aussi à celui qui est sur une longue liste d’attente en banlieue. Les sous-préfectures, la réserve parlementaire, je ne choisis que trois sujets d’actualité depuis hier soir.

Je me demande si, au fond, cela contribue à l’unité nationale, si la République a pour objet d’accompagner le mouvement ou, au contraire, d’essayer de redresser la situation et de donner une autre voie.

Une chose est certaine…

Vous souhaitez que je termine, monsieur le président, mais vous avez laissé certains d’entre nous parler quatre minutes et je ne serai pas toujours aussi long.

Ce à quoi ont conduit nos politiques, c’est que les banlieues brûlent et que les bandits de grand chemin sont sur le point de revenir dans nos campagnes. La Cour ne pourrait-elle pas, comme la chambre régionale des comptes, peut-être avec un peu moins de bruit, accompagner davantage l’acteur pour essayer de trouver des solutions, plutôt que de donner le sentiment d’effrayer davantage ?

M. le président. Vous approchiez de la fin de votre temps de parole, monsieur Lassalle, mais, de plus, je ne suis pas certain que M. le Premier président puisse répondre à votre interpellation…

M. Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes. Je ne veux bien sûr pas commenter vos observations, monsieur Lassalle, mais la Cour est sensible au fait que, dans le contexte d’aujourd’hui, il ne faut pas tenir un discours anxiogène. Cela dit, des constats s’imposent et nous sommes, je pense, dans notre rôle en formulant un certain nombre d’observations.

En même temps, et c’est un peu l’objet de plusieurs chapitres du tome II, nous souhaitons également montrer que des réformes positives sont engagées par nos administrations, et avoir un discours positif pour ceux qui s’efforcent de rendre le plus grand nombre de services au meilleur coût.

Ce que nous souhaitons dire aussi, et c’est un discours qui se veut optimiste, c’est qu’il y a des marges de manœuvre et que des économies sont possibles. Ce sont 1 118 milliards d’euros qui sont dépensés chaque année, avec des dépenses de natures différentes. Chaque fois que nous allons plus dans le détail pour l’évaluation des politiques publiques, nous constatons que l’on pourrait mener une action publique tout aussi efficace, encore plus efficace, en ne dépensant pas davantage, voire en dépensant moins, et il y en a un certain nombre d’illustrations dans ce rapport et dans un grand nombre de rapports de la Cour.

La situation des finances publiques est préoccupante, mais il y a des possibilités de redresser la situation sans remettre en cause ce que l’on peut appeler le modèle social ou le modèle républicain.

M. le président. Je vous remercie, monsieur le Premier président.

En vous entendant, me revenait à l’esprit la phrase de Péguy : « Kant a les mains pures mais il n’a pas de mains ». D’une certaine manière, la Cour a les mains pures mais c’est à nous d’être ses mains. Le travail et la compétence de l’ensemble des membres de la Cour peuvent justifier une modification de notre travail d’évaluation et de contrôle. C’est à nous de nous saisir de vos différentes études pour voir quelles suites nous pouvons leur donner et quelles propositions nous pouvons en tirer.

Mes chers collègues, compte tenu de l’actualité de cet après-midi, M. Cahuzac, vous l’imaginez, n’a pas pu venir. Nous verrons dans les heures qui viennent comment nous nous organisons pour la seconde partie de nos travaux.

Je vous propose donc de clore le débat.

5

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Débat sur le rapport d’information sur les moyens de lutte contre la surpopulation carcérale.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-neuf heures.)