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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session extraordinaire de 2011-2012

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mercredi 18 juillet 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Catherine Vautrin

. Projet de loi de finances rectificative pour 2012 (suite)

Première partie (suite)

Article 2 (suite)

Amendements nos 436, 438, 439, 441, 436, 438, 439, 441

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget

Amendements nos 434, 531, 532, 5 rectifié, 4 rectifié, 6 rectifié, 7 rectifié, 8 rectifié

Rappel au règlement

M. Hervé Mariton

Article 2 (suite)

Amendements nos 22, 23, 24, 25

M. Denys Robiliard

Amendement no 26

Rappels au règlement

M. Hervé Mariton

M. Razzy Hammadi

Mme la présidente

M. Christian Jacob

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Claude Bartolone

Rappel au règlement

M. Guy Geoffroy

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué

M. Patrick Ollier

Article 2 (suite)

Amendement no 33

Rappel au règlement

M. Christian Jacob

Article 2 (suite)

Amendement no 428

Rappel au règlement

M. Jean-Louis Borloo

Suspension et reprise de la séance

Rappel au règlement

M. Philippe Martin

Article 2 (suite)

Amendements nos 9, 10, 11, 12, 13, 404, 139, 403, 62, 141, 240, 530, 142, 430, 432, 433

Rappel au règlement

M. Patrick Ollier

Article 2 (suite)

Amendements nos 530, 142, 430, 432, 433, 27, 103, 104, 529, 105, 99, 508, 515 (sous-amendement), 522 (sous-amendement), 516 (sous-amendement), 525 (sous-amendement) rectifié, 521 (sous-amendement), 524 (sous-amendement) rectifié, 539 (sous-amendement)

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances

Amendements nos 101, 106, 102, 100, 107, 151, 109, 28, 447, 464, 108

Après l'article 2

Amendement no 59

Rappel au règlement

M. Hervé Mariton

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Catherine Vautrin,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

Projet de loi de finances rectificative pour 2012 (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2012 (nos 71, 79, 78, 77).

Première partie (suite)

Mme la présidente. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles, s’arrêtant à l’amendement n° 436 à l’article 2.

Article 2 (suite)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n° 436.

M. Philippe Vigier. Je vous remercie, madame la présidente.

Monsieur le ministre délégué chargé du budget, vous nous avez demandé tout à l’heure, avant la levée de la séance, si nous pouvions envisager une discussion globale sur les seuils des entreprises.

Si Mme la présidente l’autorise, je propose donc que nous examinions ensemble les amendements 436, 438, 439 et 441, afin que nous puissions aller au fond de cette discussion.

Mme la présidente. Dans ce cas, monsieur Vigier, je vous remercie de bien vouloir présenter les amendements 436, 438, 439 et 441.

M. Philippe Vigier. Ces amendements concernent 1,7 million d’entreprises, de ces petites entreprises dont nous parlons souvent sur ces bancs.

Nous sommes tous conscients des grandes lacunes dont souffre notre pays dans ce domaine par rapport à bon nombre de nos concurrents, en premier lieu l’Allemagne. Non seulement nous souffrons d’un déficit en termes de nombre, mais nos entreprises connaissent par ailleurs des problèmes de croissance et d’attractivité.

Je souhaiterais insister, à travers cette question des heures supplémentaires, sur le message que nous ne cessons de répéter concernant le pouvoir d’achat.

J’ai lu ce matin, dans la presse nationale, une interview particulièrement intéressante du président de Croissance Plus, sur les conditions de travail des salariés et leur statut dans les entreprises. Le président de cette association connaît très bien, je parle sous le contrôle de Pierre Lellouche, l’organisation et le fonctionnement de ces petites PME très innovantes, structurantes pour le territoire, attractives et capables de jouer un rôle à l’international. Il expliquait en l’occurrence que si la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires était décidée, il ne créerait pas un emploi de plus et ne rechercherait pas d’alternative moins onéreuse ; il se montrerait plus vigilant dans l’utilisation des heures supplémentaires et exigerait de ses salariés – du coup moins avantagés – un peu plus de productivité.

Voilà ce qui se passera, monsieur le ministre : un chef d’entreprise qui ne bénéficiera plus de la défiscalisation sera tenté d’en demander un peu plus à ses salariés. Nous sommes là pour leur donner un peu plus de pouvoir d’achat, on leur en enlève… Qui plus est, on va leur demander de travailler davantage !

La France avait déjà fait cet effort, après la mise en place des 35 heures ; C’est ainsi que ce pays formidable a énormément gagné en productivité. Là, nous allons en chercher un peu plus encore ; mais, quelque part, les conditions de travail de ces salariés en seront dégradées.

Par ailleurs, si nous ciblons nos amendements sur les petites entreprises, c’est précisément parce que c’est là que les politiques salariales sont les moins favorables.

Enfin, notre collègue Pierre-Alain Muet utilise souvent l’expression « arme de destruction massive » pour qualifier la défiscalisation des heures supplémentaires. Je ne lui ferai pas l’injure de lui retracer intégralement l’évolution du nombre d’heures supplémentaires entre 2008 et 2011 ; j’ai simplement fait un ratio entre le nombre d’heures travaillées dans le pays et le nombre d’heures supplémentaires. Si vraiment cela avait été arme de destruction massive, le ratio aurait bougé. Vérifiez par vous-mêmes : il n’en a rien été. Refaites les calculs, vous constaterez que ce je vous dis est la stricte vérité – du reste, c’est une source ACOSS, autrement dit reconnue sur tous ces bancs.

Pour conclure, je vous demande un sursaut. Je vous renvoie à la page 34 du programme du président François Hollande, qui déclarait : « Je reviendrai sur la défiscalisation et les exonérations de cotisations sociales sur les heures supplémentaires, sauf pour les très petites entreprises ». J’espère que vous allez enfin nous répondre sur ce point, et trouver une solution pour elles.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Notre collègue développe toujours les mêmes arguments, en variant simplement les seuils. Je répondrai donc de façon globale sur ses quatre amendements.

Une fois de plus, ils posent le problème de l’égalité devant l’impôt ; ce principe à lui seul – même si, je le sais, vous ne partagez pas cette analyse – justifie le rejet de vos amendements.

Pour le reste, nous en avons déjà longuement débattu. Vous nous rappelez, cher collègue, les promesses du candidat Hollande ; je voudrais à ce sujet vous lire la dépêche qui vient de nous parvenir de l’Union professionnelle artisanale, qui s’est déclarée satisfaite que le projet de loi visant à supprimer les exonérations sociales et fiscales des heures supplémentaires épargne les cotisations patronales des entreprises de moins de vingt salariés. L’UPA n’est certes qu’une organisation professionnelle parmi d’autres, mais c’est tout de même une émanation de ces très petites entreprises que vous évoquiez.

Nous n’allons par rouvrir le débat et échanger les mêmes arguments que tout à l’heure sur les cotisations salariales. Chacun aura compris que notre choix est parfaitement assumé. Notre avis est donc défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget, pour donner l’avis du Gouvernement sur ces amendements.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Madame la présidente, je tenais au préalable à vous remercier pour votre patience et vous prier de m’excuser pour ces quelques minutes de retard.

Monsieur le député, le Gouvernement émet un avis défavorable aux amendements que vous présentez. J’ai déjà répondu, sur un plan politique, à votre collègue Hervé Mariton.

Concernant les entreprises, l’engagement auquel vous faites référence est parfaitement tenu : la déduction forfaitaire de 1,50 euro par travail est bel et bien maintenue. Pour le reste, je ne pourrais que vous faire la même réponse qu’à Hervé Mariton.

Enfin, je vous avoue être très sensible aux modalités que vous avez choisies pour le déroulement des débats, qui me semblent en effet plus conformes à la tradition qui nous permettait d’examiner les lois de finances sans rien ignorer de nos divergences, tout en évitant les débats inutiles.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je souhaite soutenir particulièrement l’amendement 441, qui a pour objet de maintenir l’exonération de cotisations sociales des salariés dans les entreprises de moins de vingt salariés. C’était l’engagement du candidat François Hollande. (« Très juste ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Pourriez-vous nous expliquer pourquoi le Gouvernement a renoncé à cet engagement présidentiel ? Je ne parle pas, monsieur le ministre, de l’exonération d’impôt sur le revenu, pour lequel le principe d’égalité s’applique puisqu’il s’agit d’une matière fiscale. Quelles sont donc les raisons de ce renoncement ?

M. Guy Geoffroy. Nous aimerions avoir la réponse !

M. Marc Le Fur. Ils ne veulent pas répondre !

(Les amendements nos 436,438,439 et 441, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n° 434.

M. Charles de Courson. Cet amendement découle d’une position que le groupe centriste défend depuis des années, qui consiste à traiter de façon différenciée les petites et moyennes entreprises par rapport aux grandes. Il se cale tout simplement sur la notion de petite entreprise au sens communautaire : moins de cinquante employés, moins de 2 millions d’euros de chiffre d’affaires ou de total du bilan annuel. Tels sont les trois critères retenus dans le droit communautaire. L’amendement n° 434 vise donc à maintenir, pour ces petites entreprises, les dispositifs d’aide existants.

On s’aperçoit que le recours aux heures supplémentaires est plus important dans les petites entreprises. C’est tout à fait logique : une entreprise qui ne compte que trois ou quatre salariés et qui doit faire face à une commande importante ne recrutera pas un salarié supplémentaire pour ce surcroît de travail temporaire ; elle fera des heures supplémentaires. D’où cette forte concentration du recours aux heures supplémentaires dans les petites entreprises.

M. Philippe Vigier. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous pourrez fixer tous les seuils que vous voudrez, monsieur de Courson, y compris celui que vous reprenez et qui se base sur des dispositions européennes ; pour notre part nous avons repris celui qui avait été fixé dans la loi TEPA. L’origine de ce seuil a été longuement débattue tout à l’heure entre le président de la commission des finances qui a donné son point de vue – il est du reste décrit dans mon rapport – et le ministre. Pour ce qui me concerne, je n’ai pas d’argument supplémentaire à vous livrer. Mon analyse reste la même ; j’ajoute que les jurisprudences du Conseil constitutionnel concernent les impositions de toute nature.

M. Charles de Courson. Les cotisations sociales ne sont pas des impositions.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement. Les questions qui sont posées ont déjà appelé des réponses que les uns et les autres peuvent faire semblant de ne pas avoir entendues.

Je n’ai pas la même analyse que vous sur ce qui a pu être indiqué ou non par celui qui est devenu Président de la République. Il s’en expliquera, le cas échéant, devant le peuple puisque c’est le peuple qui l’a placé dans ses fonctions. Je comprends que ce résultat suscite une certaine forme d’agacement. Je ne m’en moque ni ne le juge illégitime ; mais passer une partie de la nuit à poser cette question de manière répétitive à l’occasion d’une succession d’amendements qui ne seraient que des prétextes ne fera pas vraiment avancer le débat.

Toutefois, je le répète, l’opposition a le privilège non négligeable et absolu d’exprimer son opposition comme elle l’entend.

M. Guy Geoffroy et M. Pierre Lellouche. Ce n’est pas bien de mentir !

(L’amendement n° 434 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 531.

lM. Marc Le Fur. Dans le souci de faire avancer le débat, je défendrai en même temps l’amendement n° 532. Chacun appréciera.

Plusieurs députés du groupe SRC. Ah !

Mme la présidente. Votre souci est bienvenu, monsieur Le Fur. Veuillez donc présenter les amendements nos 531 et 532.

M. Marc Le Fur. Cela dit autant je fais un effort, autant il me semble indispensable qu’il soit répondu à la question posée on ne peut plus clairement par M. de Courson.

L’impôt, ce n’est pas la cotisation sociale et la cotisation sociale, ce n’est pas l’impôt. Autant le principe d’universalité et d’égalité devant l’impôt s’impose et nous interdit toute discrimination en fonction de la nature de l’entreprise et de sa nature, autant en matière de cotisations sociales – et ce ne serait pas la première fois – des distinctions peuvent apparaître. Nous voulons donc une réponse claire.

Mes deux amendements visent à reconnaître qu’il y a un problème de pouvoir d’achat. Vous-même l’admettez. Par conséquent, maintenez, comme le propose l’amendement n° 531, les allégements de charges sociales sur les heures supplémentaires pour les quatre premières heures supplémentaires effectuées par semaine, ou à tout le moins pour les deux premières heures, comme le prévoit mon amendement n° 532. Maintenez l’avantage social pour les salariés ! Ce faisant, vous répondrez à une préoccupation que je peux comprendre de votre part : après tout, il a pu y avoir des d’excès, qui se seront traduits par une dépense sociale et fiscale conséquente rapportée à un individu ; d’où cette limitation à quatre ou deux heures par semaine. Le souci de partage apparaît souvent dans les propos du ministre et de M. Muet ; il nous semble assez logique de suivre ce raisonnement. D’où ma proposition de compromis, que je crois sereine et positive.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. On peut tout essayer. Après avoir joué sur les seuils des salariés dans une entreprise (Protestations sur les bancs du groupe UMP), vous jouez maintenant sur le nombre d’heures supplémentaires à intégrer.

M. Marc Le Fur. On n’est pas là pour jouer !

M. Jérôme Chartier. Il s’agit du pouvoir d’achat des Français !

M. Christian Eckert, rapporteur général. En disant « On peut tout essayer », je ne pense pas être méprisant, ni chercher à vous exciter, mes chers collègues. Je respecte parfaitement votre position. Mais je ne peux qu’émettre un avis défavorable sur ces amendements : il n’est pas question de recréer des niches ou des exceptions. Le dispositif s’appliquera comme prévu, à l’exception des très petites entreprises pour la partie cotisations salariales à la charge de l’employeur.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à ces deux amendements.

J’entends à nouveau la question que vous posez, mais je ne peux y apporter de réponse différente. Dans l’esprit, même si la forme diffère, votre amendement s’apparente à ceux auxquels le Gouvernement a déjà donné un avis défavorable ; je ne peux que le confirmer.

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. Monsieur le rapporteur général, il est des remarques que l’on ne peut laisser passer. Il ne s’agit pas de jouer : c’est du pouvoir d’achat des Français dont il est question, tout de même ! La situation est difficile, la croissance n’est pas au rendez-vous, on peut avoir un minimum de respect vis-à-vis du pouvoir d’achat des Français : c’est une affaire importante. Beaucoup d’argent va disparaître du fait de votre volonté politique.

M. Thomas Thévenoud. Par votre faute !

M. Jérôme Chartier. Pour notre part, nous essayons de faire un pas pour protéger ce pouvoir d’achat. Acceptez-le, même si, pour votre part, vous voulez le tuer. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous voulons le protéger, c’est une constante chez nous depuis 2007. C’est une position politique. Vous en avez une autre ; c’est votre droit. Les Français jugeront le moment venu.

M. Hervé Féron. Ils viennent de trancher !

M. Jérôme Chartier. En tout cas, nous, nous restons fidèles à nos principes. Du reste, si le discours qu’a tenu ce soir le rapporteur général l’avait été au cœur de la campagne présidentielle, il n’est pas certain que M. Hollande aurait été élu Président de la République. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC.) À l’époque, M. Hollande avait dit qu’il protégerait les heures supplémentaires, notamment dans les entreprises de moins de vingt salariés. À vous entendre, monsieur le rapporteur général, tout était très clair et transparent. Eh bien non, ce n’était ni clair ni transparent. M. Hollande a tenu un discours ; vous en avez un autre. Les Français jugeront.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Mes chers collègues, j’ai parlé de jouer sur les seuils : c’est une expression technique qui n’a rien de méprisant. Je veux bien que l’on fasse une explication de texte sur chaque mot et sur le sens que je souhaite donner à ma phrase, mais jouer sur un paramètre n’a rien à voir avec un jeu. En l’occurrence, comme me le souffle le président, c’est plutôt sur les mots que l’on joue ! (Sourires.)

(Les amendements nos 531 et 532, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement n° 5 rectifié.

M. Jacques Lamblin. Madame la présidente, je ferai mieux que mes prédécesseurs puisque, si vous le permettez, je présenterai cinq amendements d’un coup. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Je vous en prie mon cher collègue.

M. Jacques Lamblin. Moi aussi, je sais faire ce qu’il faut pour être populaire ! (Rires.) J’ai beaucoup appris des élections présidentielles !

M. Christian Assaf. Encore un effort !

M. Jacques Lamblin. Depuis trois jours, les Français s’intéressent beaucoup à ce qui se passe dans cet hémicycle, car ils pressentent que les décisions que vous êtes en train de prendre vont très vite peser lourdement dans leur quotidien.

M. Bertrand Pancher. C’est inévitable !

M. Jacques Lamblin. Hier, vous avez détruit avec entrain un outil extrêmement intéressant pour la compétitivité de nos entreprises que nous avions mis en place. Il était là, à votre disposition ; il n’y avait qu’à le prendre. Il aurait été immédiatement opérationnel pour aider PSA, par exemple.

M. Thomas Thévenoud. Quel rapport ?

M. Jacques Lamblin. Je présente cinq amendements. Laissez-moi développer mes idées !

M. Thomas Thévenoud. Ce n’est pas une raison pour dire des mensonges ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Allons, mes chers collègues, seul M. Lamblin a la parole !

M. Jacques Lamblin. Merci, madame la présidente, de ramener un peu d’ordre dans cette maison.

La masse salariale d’un établissement comme PSA s’élève à 4 milliards d’euros environ. Et 5 % de charges patronales, cela représente 200 millions d’euros par an. L’outil qui était en place vous permettait de régler une partie du problème. Vous l’avez détruit ; maintenant, il faut assumer.

Aujourd’hui, avec le même entrain, vous vous apprêtez à mettre à bas un autre outil particulièrement intéressant. Vous avez parlé du pouvoir d’achat des salariés, mais pas d’un autre aspect peut-être plus important encore : des exonérations salariales qui permettaient d’augmenter le revenu des travailleurs sans augmenter le coût du travail. On a augmenté le revenu du salarié sans accroître le coût du travail dans l’entreprise.

M. Pierre-Alain Muet. Mais c’est l’État qui paie ! Autrement dit, tous les citoyens !

M. Jacques Lamblin. Essayez donc de trouver un autre outil qui n’augmentera pas le coût du travail. Je vous souhaite bonne chance ! C’est pratiquement impossible.

Bien entendu, la mesure avait un coût pour les finances publiques. Mais comme nous vous l’avons dit tout à l’heure, les 35 heures elles aussi ont un coût.

M. Patrick Mennucci. Vous n’aviez qu’à les abroger !

M. Jacques Lamblin. Il y a quelques jours, pour augmenter le pouvoir d’achat, vous avez décidé de mettre en place l’allocation de rentrée scolaire, ce qui a un coût pour les finances publiques. Vaut-il mieux une aide passive ou une aide active ? Pour notre part, nous pensons que l’aide active a un certain intérêt.

Vous allez devoir trouver d’autres solutions et vous avez quelques années devant vous pour y réfléchir. Hier, vous avez mis des menottes à vos poignets ; aujourd’hui, vous mettez un boulet à vos chevilles. Et pourtant, il va falloir avancer. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.) Ce qui m’a frappé tout à l’heure, c’est de vous voir applaudir lorsqu’un orateur de la majorité a expliqué qu’il fallait absolument voter l’article 2. J’ai cherché une image. Il y en a une qui est très courue, mais elle n’est pas juste, celle de l’orchestre du Titanic.

M. Christian Assaf. Vous, c’est le radeau de la Méduse !

M. Jacques Lamblin. Quand il jouait, l’orchestre du Titanic savait qu’il allait couler. La bonne image, c’est celle d’août 1914 : vous vous allez au combat la fleur au fusil. Mais après 1914, il y eut 1915, 1916 et 1917.

Mme Anne-Yvonne Le Dain. N’insultez pas les morts !

M. Christian Paul. Ce n’est pas avec eux qu’on a gagné la bataille de la Marne !

Mme la présidente. Seul M. Lamblin a la parole pour conclure !

M. Jacques Lamblin. Les cinq amendements que je présente sont les amendements du désespoir. Comme je sais que vous n’allez pas reculer, après que mon collègue Le Fur a essayé heure par heure, je vous propose de procéder activité par activité.

L’amendement n° 5 rectifié vise les entreprises commerciales, touristiques et concerne 600 emplois dans ma circonscription, l’amendement n° 4 rectifié les entreprises du bâtiment et des travaux publics – 2 500 emplois – et l’amendement n° 6 rectifié les entreprises de transport. Et c’est très important dans ma région de Lorraine où nous sommes particulièrement confrontés à la concurrence internationale. Dans ma circonscription se sont installés des logisticiens, les plus grands transporteurs français. Ils sont accablés devant cette perspective : 2 500 emplois sont en jeu. L’amendement n° 7 rectifié enfin concerne l’agriculture – 500 emplois – et l’amendement n° 8, les industries du sel et les industries du luxe : 1 000 emplois.

Au total, 7 500 emplois dans ma circonscription – mais il en va de même dans les vôtres – sont concernés par vos propositions. Je veux vous faire toucher du doigt la réalité. Parce que la spéculation intellectuelle, c’est bien, mais la méthode expérimentale, ce n’est pas mal non plus. On la doit à un médecin du XIXsiècle, Claude Bernard – M. Cahuzac sait de qui je parle.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Mon cher compatriote – en tout cas élu du même département que moi, la Meurthe-et-Moselle…

M. Jacques Lamblin. Ici, nous sommes tous des compatriotes.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Cette fois encore, n’y voyez aucune agressivité, mais je trouve un peu curieux de vouloir légiférer uniquement par rapport à la situation de sa propre circonscription. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Je connais bien le Lunévillois…

M. Jacques Lamblin. Ce n’étaient que des exemples !

M. Marc Le Fur. Quel mépris !

M. Christian Eckert, rapporteur général. J’ai dit « curieux », cela n’a rien de méprisant, mes chers collègues. Que vous êtes susceptibles !

Mon cher collègue, vous êtes comme moi député de la nation, même si nous partageons le même amour de la Meurthe-et-Moselle et du Lunévillois – peut-être vous un peu plus que moi –, mais je pense que la référence à sa seule circonscription n’est pas forcément le meilleur réflexe que puisse avoir un député de la nation, qui doit prendre en compte, dans sa façon de légiférer, l’intérêt général du pays.

M. Hervé Mariton. Mais enfin, cela ne fait pas de mal de prendre des exemples !

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est en tout cas mon point de vue.

Ensuite, pourquoi choisissez-vous ces exemples ? Ils ne correspondent pas forcément aux secteurs les plus concernés. Les statistiques sont disponibles secteur par secteur. Pourquoi le bâtiment plus que les ambulances ou moins que la restauration ou l’agroalimentaire ? M. Le Fur aura certainement un plaidoyer sur l’agroalimentaire.

M. Marc Le Fur. Tout à fait.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Chacun de nous peut y aller de l’activité principale de sa circonscription.

Le Gouvernement a fait un choix. Il est assumé. Il a été très largement débattu, il a été en grande partie tranché par les Français, et il le sera au moins ici, dans cette assemblée, en première lecture.

Avis défavorable, donc, sur l’ensemble de ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur le député, vos amendements s’inscrivent dans le même esprit que les précédents, avec peut-être un handicap de plus, à mes yeux, de sorte que je ne pourrai naturellement leur donner un avis favorable : s’ils étaient adoptés, certaines entreprises, au motif qu’elles seraient dans tel secteur plutôt que dans tel autre, bénéficieraient d’avantages dont les autres ne disposeraient pas. Je ne crois pas que la chose soit possible : cela créerait une distorsion. Je comprends dans quel esprit vous déposez ces amendements, mais je ne peux m’en accommoder. C’est pourquoi je ne peux que vous confirmer mon avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à Mme Sandrine Mazetier.

Mme Sandrine Mazetier. Monsieur Lamblin, vous êtes maire de Lunéville. Vous venez de nous parler de salariés de votre secteur. Pensez aux chômeurs de votre secteur : le taux de chômage dans votre ville est de 11 % !

M. Pierre Lellouche. Et ce serait la faute des heures supplémentaires ? Lamentable !

M. Christian Paul. Holà, le huitième arrondissement, du calme !

Mme Sandrine Mazetier. Dans l’exposé sommaire des cinq amendements que vous venez de défendre, vous parlez d’un dispositif qui a fait ses preuves… Trouvez-vous qu’un taux de chômage de 11 % dans votre territoire soit la marque d’un dispositif qui a fait ses preuves ?

Pensez, monsieur Lamblin, au pouvoir d’achat des 20 000 habitants de votre ville, et notamment aux parents d’écoliers qui vont, grâce au vote de la majorité de cette assemblée, se voir épargner la ponction sur leur revenu que représente l’achat de stylos, de trousses, de cartables. Pensez aux bénéficiaires de l’allocation de rentrée scolaire, qui va être revalorisée de 25 %. Et pensez à la justice fiscale, monsieur Lamblin. Pensez à vos électeurs. Vous êtes le dernier député de l’UMP dans votre département. Espérez le rester, monsieur Lamblin ! Changez d’opinion, votez le PLFR ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pierre Lellouche. Quelle arrogance !

Mme la présidente. La parole est à M. Olivier Faure.

M. Olivier Faure. M. Lamblin nous invite à toucher du doigt la réalité. Je ne sais pas si tous les collègues qui sont présents ce soir l’étaient cet après-midi. Je ne résiste donc pas à la tentation de le renvoyer d’abord au tableau figurant à la page 89 du rapport de M. Eckert,…

M. Jacques Lamblin. Je l’ai lu !

M. Olivier Faure. …qui rappelle que celles et ceux qui ont bénéficié de ce dispositif et qui appartiennent au premier décile ont touché 13 euros de plus par mois.

M. Charles de Courson. Pourquoi s’en tenir au premier décile ?

M. Olivier Faure. Le gain de pouvoir d’achat auquel vous faites référence est donc bien maigre.

M. Jean-Louis Borloo. Pour vous !

M. Olivier Faure. Et à qui ce dispositif a-t-il pu bénéficier ? Puisque vous parlez tous de vos circonscriptions, je vais vous parler de la mienne. J’ai rencontré moi aussi beaucoup de salariés au cours de cette campagne. Et que m’ont dit ceux qui bénéficiaient de ce dispositif ? Qu’ils n’avaient pas fait une seule heure supplémentaire de plus depuis sa création. Pas une seule de plus !

Ils m’ont dit aussi que leur entreprise avait, depuis, déguisé sous forme de rémunération d’heures supplémentaires des primes qui leur étaient accordées auparavant, et ce afin de pouvoir bénéficier de ce dispositif.

M. Michel Vergnier. C’est vrai !

M. Olivier Faure. Que m’ont-ils dit encore ? Ils m’ont dit que depuis l’instauration de ce dispositif, les salaires n’avaient plus jamais été augmentés. Et c’est bien ce qui s’est passé : un blocage des salaires de fait, lié à ce qui était une évidence pour n’importe quel employeur : l’heure supplémentaire lui coûtait moins cher que l’heure normale !

Enfin, j’ai rencontré tous ces salariés à temps partiel, ces chômeurs, ces retraités qui m’ont dit, et cela devrait vous faire réfléchir, qu’ils étaient privés des avantages de ce dispositif alors qu’ils le payaient. Parce que son coût – 4,5 milliards d’euros – a été financé par la dette. Et vous le savez très bien. Par conséquent, ce que vous avez cru offrir d’une main, vous l’avez, en réalité, repris de l’autre.

Voilà ce que les salariés ont pu nous dire pendant cette campagne. Et nous vous voyons maintenant faire ce numéro de claquettes, parce que vous avez le sentiment que c’est le seul point, dans ce PLFR, sur lequel vous avez quelque chose à dire, en oubliant systématiquement, volontairement, le fait que l’équilibre trouvé dans cette loi de finances rectificative est, à l’évidence, à l’avantage des salariés.

Mme la présidente. Merci, monsieur Faure.

M. Olivier Faure. C’est là non seulement une omission de votre part, mais c’est surtout une façon de prendre les Français pour des imbéciles. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Ils ont très bien compris…

M. Pierre Lellouche. C’est un exercice dans lequel vous êtes très fort ! Vous avez un doctorat, dans cette matière !

M. Jean-Christophe Lagarde. La promesse à la page 34 du programme de François Hollande, ce n’est pas prendre les Français pour des imbéciles ?

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur Faure.

M. Olivier Faure. Si l’on me permet de conclure, je veux bien le faire.

Mme la présidente. Seul M. Faure a la parole. Mais je le prie de conclure, monsieur Faure, car il dépasse largement son temps de parole.

M. Olivier Faure. Je participe à l’obstruction, cela permettra à d’autres de…

Mme la présidente. Monsieur Faure, je vous remercie de conclure, faute de quoi je donne la parole à l’orateur suivant.

M. Olivier Faure. Je conclus simplement en appelant chacune et chacun d’entre vous à faire preuve de responsabilité. Nous débattons depuis de longues heures d’un dispositif dont on a déjà tout dit. J’imagine que vous pouvez encore faire traîner le débat pendant encore des heures et des heures. Mais je pense que si vous vouliez vraiment servir les classes populaires et les classes moyennes auxquelles vous pensez, nous passerions à l’essentiel ; nous verrions à ce moment-là quels sont ceux qui veulent vraiment défendre les salariés de ce pays.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Lamblin.

M. Jacques Lamblin. C’est vrai, madame Mazetier, il y a beaucoup de chômage dans mon secteur. C’est terrible. Mais il y a encore pire, juste à côté : c’est Saint-Dié, la ville dont M. Pierret, ancien ministre de l’industrie, est le maire. C’est d’ailleurs pour cela que Jack Lang a été battu il y a quelques semaines. C’est pour vous dire que les gens qui travaillent, qui essaient de s’occuper des hommes et des femmes qui sont sur leur territoire, ont peut-être aussi quelques chances.

Mais surtout, ce sur quoi j’ai insisté, c’est que le dispositif que vous vous apprêtez à détruire permettait d’améliorer le revenu des travailleurs, de tous les travailleurs de France qui en bénéficiaient, et ce sans augmenter le coût du travail dans les entreprises.

Mme Sandrine Mazetier. Et le coût social ?

M. Jacques Lamblin. Essayez maintenant de parvenir au même résultat, sachant que vous n’avez pas le droit d’augmenter le coût du travail, compte tenu du contexte international que nous connaissons ! J’insiste sur ce point.

Mme Sandrine Mazetier. Et le coût de la dette ? Qui paie la dette ?

M. Jacques Lamblin. Et si j’ai pris quelques exemples tirés de ma circonscription, ce n’est évidemment pas parce que je pensais que vous alliez accepter mes amendements – je n’y ai jamais cru, bien entendu. C’était simplement pour vous faire toucher du doigt la réalité des conséquences de la funeste décision que vous vous apprêtez à prendre.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

M. Hervé Mariton. Tout à l’heure, M. le ministre, soucieux du bon déroulement de nos travaux, en a appelé à la sérénité, aux usages, et au ton qui doit normalement prévaloir dans un débat de loi de finances. Pourquoi pas ? Chiche, monsieur le ministre. Chiche, mesdames et messieurs de la majorité !

Simplement, il y a tout de même quelque chose d’assez extraordinaire, dans ce débat. Vous venez de gagner les élections. Vous êtes nombreux. Vous devriez être forts. Or, fondamentalement, on vous sent nerveux. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.) Depuis le début de la semaine, ce débat démontre une fébrilité et une nervosité que nous sommes encore en train de constater en ce moment.

Franchement, si je prends au sérieux le propos du ministre, et je veux le faire, je ne crois pas que des expressions comme « numéro de claquettes », ou « prendre les Français pour des imbéciles », soient une bonne manière de garantir la sérénité.

M. Christian Paul. Dites-le à Lellouche !

M. Hervé Mariton. Nous avons, les uns et les autres, nourri le débat – comme l’a encore fait à l’instant notre collègue Lamblin – d’exemples concrets de ce que les Français nous disent. Mais je suis persuadé qu’ils vous le disent aussi. Et comme vous l’entendez peut-être aussi, et que cela vous gêne, alors vous n’avez pas d’autre réponse que la fébrilité et la nervosité.

M. Hervé Féron. Ce n’était pas un rappel au règlement !

Article 2 (suite)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Censi.

M. Yves Censi. En écoutant Christian Eckert et Pierre-Alain Muet, qui semblent être ceux qui fabriquent la doxa socialiste en ce qui concerne ce texte – mais aussi sur les 35 heures, puisque notre collègue Pierre-Alain Muet en était un peu à l’origine, en tout cas sur le plan intellectuel –, j’ai senti une dérive, de plus en plus fragrante, vers l’obsession de la macro-économie, l’obsession de la théorie. Le rapporteur général l’a montré tout à l’heure, en manifestant un agacement de plus en plus fébrile devant ce qu’il appelle avec mépris les « cas particuliers » – employant même tout à l’heure une expression beaucoup moins heureuse. Les cas particuliers vous gênent, et ils vous gênent de plus en plus, chaque fois que l’on essaie de faire la démonstration des conséquences que produisent, dans la réalité, vos décisions qui relèvent d’illusions utopiques.

M. Guy Geoffroy. Ces exemples sont les illustrations de leurs erreurs !

M. Yves Censi. Vous confondez l’égalité avec l’uniformité. Et à chaque fois que l’on essaie de vous donner des exemples, vous les refusez. Ils vous gênent, ils vous énervent.

Nous avons cité l’exemple des chauffeurs routiers. Ce ne sont pas des riches ni des privilégiés. Ce sont des gens qui travaillent du lundi au samedi, sans rentrer chez eux. Ils peuvent, avec les heures supplémentaires, gagner non pas 500 euros, mais jusqu’à 3 000, 4 000 euros supplémentaires. La défiscalisation, les exonérations de charges, elles répondent à un adage très simple : tout travail mérite salaire. Mais vous les avez classés dans une catégorie théorique qui ne vous convient pas.

Je vais vous donner un autre exemple, celui d’une personne qui travaille dans ma circonscription, et qui était cariste, avant les lois Aubry. À cette époque, ce n’était pas tout le monde sous la toise : il y avait eu les lois de Robien : c’était un outil très intéressant pour rendre flexible le temps de travail. La personne dont je vous parle n’avait pas de formation, et elle avait deux emplois. Vous allez trouver cela scandaleux : pour vous, avoir deux emplois, c’est honteux, parce que cela veut dire qu’on en a volé un à quelqu’un d’autre. Mais pas du tout ! Vous ne connaissez ni la diversité des individus, des personnes, des êtres humains, ni celle des territoires. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Sandrine Mazetier. La diversité ? Mais où sont les femmes, sur les bancs du groupe UMP ? Où est-elle, la diversité, à l’UMP ?

M. Yves Censi. Marc Le Fur a donné d’excellents exemples tout à l’heure. Et moi, je vais vous dire, j’ai des exemples dans ma circonscription, et notamment en zone de montagne. Oui, madame Mazetier, tout le monde ne circule pas à Paris, tout le monde n’a pas la possibilité de faire Vavin-Raspail à vélo ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Merci de conclure.

M. Yves Censi. Je conclus. Cette personne avait deux emplois. Elle avait pu, sans formation, s’acheter, tout simplement, une maison. Elle a failli être ruinée, avec les lois Aubry, parce qu’elle ne pouvait plus travailler. (Sourires sur les bancs du groupe SRC.) Et elle a retrouvé une bouffée d’oxygène avec les heures supplémentaires défiscalisées. Et ça vous fait rigoler ! Vous n’avez aucune notion de cette diversité, de la réalité : avec vous, c’est tout le monde sous la toise.

M. Dominique Baert. Arrêtons !

M. Yves Censi. Je vous ai comparés, lundi dernier, à des Shadocks et j’ai rappelé au ministre délégué quelle était leur devise. Vous faites bien de faire le geste, madame Mazetier, car, en effet, que faisaient les Shadocks pour résoudre n’importe quel problème ? Ils pompaient. Voilà ce que vous faites.

Mme Sandrine Mazetier. Vous, vous ramez !

M. Yves Censi. Et vous pompez l’argent des Français et des travailleurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Quand je vous écoute, chers collègues de l’opposition, je vois défiler des visages, des témoignages ; quand j’écoute vos propos et que je pense aux rencontres que nous pouvons faire avec le Secours catholique, le Secours populaire, les Restos du cœur ; quand on sait qu’en un an le nombre de personnes bénéficiant de l’aide de ces organisations a augmenté de 20, 30 voire 40 % (Applaudissements sur de très nombreux bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP) ; quand on sait quelle est la réalité des travailleurs pauvres, des femmes qui travaillent dans les supermarchés, soumises à une flexibilité que vous avez aggravée,…

M. Philippe Vigier. C’est pour eux que nous avons fait ces heures supplémentaires, justement !

M. André Chassaigne. …et quand je vois vous présenter aujourd’hui comme les défenseurs des travailleurs, j’ai honte pour vous ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. Yves Censi. Vous faites bien d’avoir honte !

M. André Chassaigne. Puisque vous voulez, chers collègues, que nous abordions le fond de la question, allons-y ! Prenons vos amendements les uns après les autres : ils ne servent qu’à masquer des réformes que vous n’avez pas voulu engager.

M. Hervé Mariton. M. Sansu était pourtant d’accord avec nous !

M. André Chassaigne. Quand vous faites allusion aux travailleurs de l’agriculture, aux productions agricoles dont le coût devrait baisser, vous oubliez de préciser que vous avez protégé, dans la loi de modernisation de l’économie, la grande distribution qui importe des produits agricoles des autres pays ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Vous n’avez jamais voulu, je le répète, mener les réformes structurelles qui s’imposaient.

Quand vous nous dites que nous allons tuer les petites et moyennes entreprises, jamais, là non plus, vous n’avez voulu prendre les mesures nécessaires, qu’il s’agisse de la sous-traitance ou des donneurs d’ordres qui écrasent ces PME. (Mêmes mouvements.)

Mme la présidente. Merci de bien vouloir conclure.

M. André Chassaigne. Vous n’avez lancé aucune des réformes structurelles qui auraient permis de sauver notre économie et vous vous défaussez de votre responsabilité en attaquant un projet de loi qui en fait va dans le bon sens. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gérald Darmanin.

M. Gérald Darmanin. Nous sommes tous d’accord avec le rapporteur général : nous sommes des élus de la nation et devons réfléchir comme tels. Nous ne pouvons toutefois rester indifférents à certains exemples concrets.

Quand j’entends M. Chassaigne parler avec son cœur, je me rappelle une phrase qu’adolescent j’entendais souvent lorsqu’on aimait la politique : « Vous n’avez pas le monopole du cœur. » (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Henri Emmanuelli. C’était en 1981 : vous n’étiez pas né !

M. Christophe Sirugue. Giscardisme et modernité, le retour !

M. Gérald Darmanin. J’écoute vos propos, monsieur Chassaigne, et je n’ai pas la chance d’être élu à Paris mais à Tourcoing et Halluin… (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC.) Le visage auquel je pense pour ma part, monsieur Chassaigne, c’est celui de ma mère qui est femme de ménage et qui a pu, grâce à ses heures supplémentaires, partir en vacances ou offrir des cours du soir à ses enfants. Il n’est donc pas ici question de droite ou de gauche et je vous invite à m’écouter avec une certaine attention.

Mme Mazetier, en faisant la leçon à M. Lamblin, nous demande de penser aux chômeurs. Mais c’est le cas de tout le monde ici. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Michel Vergnier. Ah bon ?

M. Gérald Darmanin. Je pense aussi, madame Mazetier, aux gens que je croise et pas seulement au cours des campagnes électorales, ces gens qui travaillent dur dans les usines textiles d’Halluin, ou dans les usines sidérurgiques de ma circonscription, ou encore dans celles qui fabriquent des briques – dans le Nord, on fait encore des briques. Eh bien, grâce aux heures supplémentaires qu’ils réalisent, ils sont fiers, fiers de ne pas avoir à attendre les allocations pour pouvoir offrir à leurs enfants un peu plus de vacances, un hébergement un peu meilleur,…

Mme Sandrine Mazetier. Ce n’est pas une honte d’être allocataire !

M. Gérald Darmanin. …très fiers de ne pas avoir à attendre les lois d’assistanat que le socialisme propose depuis des années.

Mme Sandrine Mazetier. Ce que nous proposons, c’est de renforcer la solidarité nationale !

M. Henri Emmanuelli. Quand vous étiez au pouvoir, c’est de l’ISF que vous vous êtes occupé, pas des travailleurs ; vous n’êtes pas du bon côté pour en parler !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Je comprends la préoccupation pour le pouvoir d’achat.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il comprend, mais il ne partage pas !

M. Pierre-Alain Muet. Je me souviens qu’en 2007, au moment de l’élection du « Président du pouvoir d’achat », nous avons constitué, à l’Assemblée, une mission d’information dont j’étais le président et notre collègue Hervé Mariton le rapporteur. Il s’agissait de définir l’outil à même de mesurer le pouvoir d’achat des Français. Nous avions conclu, M. Mariton s’en souvient, qu’il fallait se méfier des données trop globales ; mieux valait prendre les mesures par famille, par unité de consommation, par ménage afin d’apprécier l’évolution du pouvoir d’achat de manière plus juste.

Par curiosité, j’ai calculé l’évolution du pouvoir d’achat par ménage depuis vingt-cinq ans. Pendant le second septennat de François Mitterrand, de 1988 à 1995, il a augmenté de 1 %. Pendant les années Balladur-Juppé, la croissance était de 0,3 % par an. Avec Lionel Jospin, me pouvoir d’achat a augmenté de 2 % par an pendant cinq ans. Après la réélection de Jacques Chirac, on atteint 0,9 % par an. Mais moins 0,1 % – disons zéro – sous Nicolas Sarkozy !

Le résultat est là : le seul mandat présidentiel pendant lequel, au long de ces vingt-cinq dernières années, le pouvoir d’achat a diminué est celui de Nicolas Sarkozy. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Et les autres pays ? Quels sont les chiffres de l’Espagne par exemple ?

M. Pierre-Alain Muet. Je comprends votre inquiétude et votre mobilisation.

J’ai cherché à comprendre les raisons d’une évolution si différente selon les périodes. À observer les données dans le détail, on se rend compte que ce n’est pas le pouvoir d’achat moyen individuel qui l’explique mais l’emploi. On peut s’en persuader en examinant un graphique figurant dans le dernier rapport de la Cour des comptes, et qui montre que les années où la France a créé des emplois – quelque deux millions entre 1997 et 2002 ; ou en 2006 quand M. Borloo, alors ministre du travail, a mis en place des emplois aidés –, le pouvoir d’achat a augmenté. La question est donc fondamentalement celle de l’emploi.

M. Christian Jacob. Quelle découverte !

M. Pierre-Alain Muet. Nous pensons qu’il faut tout faire pour créer des emplois, car c’est la création d’emplois qui fait le pouvoir d’achat. La politique du Gouvernement consiste donc à augmenter le pouvoir d’achat de ceux qui en ont le plus besoin, de ceux qui sont au chômage, ce qui doit entraîner une hausse du pouvoir d’achat pour tout le monde. Les chiffres que je viens de vous donner sont éloquents. Vous avez mené la campagne de 2007 sur le thème du Président du pouvoir d’achat ; le résultat, c’est que la période qui a suivi aura été la seule où, en moyenne, il a baissé !

Et si l’on examine de plus près de la réalité, autrement dit, comme vous le préconisez, si on ne se cantonne pas aux moyennes macroéconomiques, on découvre que lorsque le pouvoir d’achat moyen n’évolue pas, cela signifie qu’il a baissé pour la moitié de nos concitoyens. Voilà la réalité de votre politique pendant cinq ans. Vous n’êtes donc pas très bien placés pour nous donner des leçons ! (Applaudissements sur de très nombreux bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il est dommage que M. Chassaigne n’ait pas été présent quand son collègue de groupe et de parti, M. Sansu, le camarade Sansu (Exclamations sur les bancs des groupes GDR et SRC), est intervenu. Il a tenu des propos pleins de bons sens : l’article qui va abroger les allégements de charges – la défiscalisation des heures supplémentaires – aboutira à une baisse du pouvoir d’achat pour 9 millions de salariés.

M. Guy Geoffroy. Eh oui, il l’a dit !

M. Charles de Courson. M. Muet, fort de son idéologie, trouve cela formidable. On peut certes discuter de l’impact économique de cette mesure – prise en juillet 2007, rappelons-le, c’est-à-dire avant la crise et non après.

M. Henri Emmanuelli. Il y avait moins de chômeurs à l’époque !

M. Charles de Courson. Vous ne pouvez en tout cas contester le fait qu’il y aura une chute du pouvoir d’achat si vous supprimez cette défiscalisation.

Pour ce qui concerne les salariés agricoles, monsieur Chassaigne, vous souvenez-vous de l’amendement de Courson-Reynès ?

M. Jean-Claude Buisine. Oui !

M. Bernard Roman. Çà, on s’en souvient ! Affligeant !

M. Henri Emmanuelli. L’UMP n’en a pas voulu !

M. Charles de Courson. Il s’agissait de lutter contre la précarisation.

M. Philippe Vigier. La gauche ne l’a pas voté !

M. Charles de Courson. Dernier point : n’oubliez jamais que ce sont les entreprises qui créent les emplois. Or, monsieur Muet, par ce texte, vous ne faites qu’aggraver les charges sur les entreprises. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.) Dites-moi donc quelle disposition permet de les alléger ! Vous ne faites, j’y insiste, que les aggraver. Pire, vous entendez supprimer la mesure qui réduisait de 13 milliards d’euros les charges patronales. Vous en verrez les conséquences. Donnons-nous rendez-vous dans un an, monsieur Muet, et nous constaterons l’explosion du chômage (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) – Et je ne le souhaite pas !

M. Bernard Roman. Des chômeurs, pendant le dernier quinquennat, vous en avez fait un million !

(Les amendements nos 5 rectifié, 4 rectifié, 6 rectifié, 7 rectifié et 8 rectifié, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 22.

M. Marc Le Fur. Ces questions d’heures supplémentaires doivent être abordées branche par branche.

M. Henri Emmanuelli. Ce n’est pas ce que vous avez fait en 2007 !

M. Marc Le Fur. Les situations et les pratiques sont en effet très différentes les unes des autres. J’en veux pour preuve un document que je suis prêt à communiquer à l’ensemble de mes collègues s’ils le souhaitent. Il s’agit de chiffres de l’ACOSS, l’organisme de prélèvement de la caisse de sécurité sociale, qui examine branche par branche le nombre d’heures supplémentaires par trimestre. Que constate-t-on ?

Il existe certaines branches où, de fait, on ne pratique presque pas les heures supplémentaires : le raffinage, la distribution d’eau, les télécoms : on n’y compte guère qu’une à deux heures supplémentaires par trimestre en moyenne. Ceux qui travaillent dans ces secteurs ne sont pas les plus malheureux de nos compatriotes en termes de salaires, chacun en conviendra. En revanche, le recours aux heures supplémentaires est très important dans certaines branches comme la construction – objet de mon amendement n° 22 : vingt heures par trimestre en moyenne.

Si, du jour au lendemain, on fait disparaître tous les avantages liés aux heures supplémentaires accordés aux chefs d’entreprise ou aux salariés, on va renchérir le coût du logement, réduire les salaires de ces travailleurs,…

M. Jean-Louis Gagnaire. Vous oubliez que vous avez augmenté la TVA !

M. Marc Le Fur. …salaires qui ont augmenté il y a trois ou quatre ans parce que la période était bonne pour le secteur, contrairement à aujourd’hui.

Je suggère, à travers l’amendement n° 22, que nous sortions d’une vision théorique, abstraite et que nous raisonnions branche par branche. Et qu’en ce qui concerne la branche de la construction, aussi bien dans l’intérêt des salariés, des entreprises que dans celui des ménages désireux de construire leur propre maison, nous gardions ce dispositif d’allégements sociaux liés aux heures supplémentaires. Nous ferions ainsi preuve de réalisme : nous ne demandons pas tout, mais les heures supplémentaires sont essentielles dans certains secteurs. Je vous rappelle les données de l’ACOSS : dans la construction, on compte en moyenne vingt heures supplémentaires par trimestre, et ces chiffres méritent notre attention. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. L’argument d’égalité devant la charge publique vaut toujours, monsieur Le Fur : pourquoi un secteur serait-il exempté des dispositions prévues plutôt qu’un autre ? Vous avez fait un choix dans cet amendement et un autre choix dans les suivants. Tout choix peut être respectable, mais également contestable.

Vous me permettrez de répondre globalement à vos amendements (Protestations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Jean-Louis Borloo. Pour la construction, qu’est-ce qu’on fait ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Disons que mes réponses aux amendements suivants seront plus courtes. Vous avez choisi des secteurs où le taux d’heures supplémentaires est très important et d’autres où il est très faible, comme on le verra avec les amendements suivants. Or l’ensemble de vos amendements représente environ 44 % du total des heures supplémentaires.

La commission ne souhaite pas faire de distinction par secteur d’activité.

M. Bernard Roman. M. le rapporteur général a raison !

M. Christian Eckert, rapporteur général. L’importance en termes de volume ne peut être un critère. Tous les critères peuvent être examinés, certes, mais nous ne souhaitons pas faire d’exception, nous voulons prendre une mesure globale, gage de la cohérence du dispositif.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Défavorable. J’aurai trois remarques. D’abord, lorsque vous avez instauré ce dispositif, sur lequel nous souhaitons revenir, vous n’avez pas vous-mêmes privilégié tel ou tel secteur. Vous adoptez aujourd’hui une démarche relativement originale et je vous en donne acte ; reste que vous ne l’aviez pas jugée nécessaire au moment où vous pouviez faire prévaloir vos vues.

Ma deuxième remarque rejoint l’avis du rapporteur général : pourquoi privilégier un secteur plutôt qu’un autre, et selon quels critères ?

Au demeurant, chacun de ces amendements vise à mettre un secteur particulier à l’abri des dispositions que nous souhaitons voir adopter. En fait vous ne privilégiez donc aucun secteur, mais vous tentez de couvrir, amendement après amendement, tout le champ de l’activité économique !

M. Marc Le Fur. Nous faisons appel au réalisme du Gouvernement !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. J’ajoute un troisième argument qui, peut-être, sera davantage de nature à vous convaincre : si cet amendement venait à être adopté, nous risquerions de voir la Commission européenne attaquer la France pour une aide d’État.

Plusieurs députés du groupe UMP. Non !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Cela nous est déjà arrivé : nous nous souvenons tous d’un certain nombre de plans d’aide sectoriels qui ont dû faire l’objet d’un remboursement. Il n’est jamais agréable, pour un État, d’abord d’être confondu en irrégularité devant la Communauté européenne, ensuite de devoir rembourser les aides indûment accordées…

Si mes deux premiers arguments ne vous ont par convaincus, j’espère que le troisième vous amènera, non seulement à retirer cet amendement, mais également à renoncer à défendre les autres.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Je voudrais, pour répondre à M. le ministre, revenir sur le sens de la proposition de notre collègue Le Fur.

Sur le fond, nous sommes, bien évidemment, totalement opposés à votre mesure. Mais puisque nous sommes à présent dans une logique de repli, nous voulons au moins essayer d’appeler votre attention sur des secteurs qui, parce qu’ils présentent un certain nombre de spécificités, nous semblent mériter un traitement à part. C’est le cas de la construction : encadré par des délais contraignants, soumis aux intempéries, ce secteur a besoin par moments de pouvoir renforcer son niveau d’activité pour tenir les délais d’un chantier. Les heures supplémentaires permettent cette flexibilité.

À défaut de renoncer purement et simplement à faire passer cette mesure, prenez au moins en compte la spécificité de certains secteurs, et en premier lieu celui, très particulier, de la construction : non seulement la concurrence y est rude entre les entreprises, mais il est soumis à des contraintes de délais et de climat, et qui au surplus peuvent avoir des conséquences sur les autres corps d’état. Les maires et les présidents de collectivités locales, familiers des marchés publics, le savent bien, et il en va de même dans le privé : les délais non tenus ont des répercussions en cascade sur les autres secteurs. Il peut en résulter un renchérissement du coût de la construction et un affaiblissement de la compétitivité de nos entreprises. C’est la raison pour laquelle il faut absolument reconnaître la spécificité du secteur de la construction.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Gagnaire.

M. Jean-Louis Gagnaire. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis touché par le ton très compassionnel avec lequel a été évoqué le secteur du bâtiment ; reste, monsieur Le Fur, votre amendement est à mes yeux très déplacé, et en tout cas très incomplet.

J’imagine que votre intérêt pour le secteur du bâtiment est tout récent : vous sauriez, sinon, que ce qui préoccupe au premier chef les dirigeants des entreprises du bâtiment, ce ne sont pas les heures supplémentaires…

M. Henri Emmanuelli. C’est le crédit !

M. Jean-Louis Gagnaire. …mais la mesure que vous avez prise sur les auto-entrepreneurs dans le cadre de la loi de modernisation de l’économie. Ça, c’est un vrai sujet ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Et ce dont parlent les entrepreneurs, c’est de la concurrence déloyale que vous avez organisée entre eux ! Comme l’a dit André Chassaigne, votre seule obsession, pendant cinq ans, a été de déréguler l’ensemble du système économique en menant une politique low cost dans tous les domaines. Cette politique a effectivement conduit à une déstabilisation du secteur, mais pas du tout là où vous le prétendez aujourd’hui !

Si vous aviez, M. Le Fur, voulu être un peu sérieux… (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Gérald Darmanin et M. Guy Geoffroy. Quelle prétention !

M. Jean-Louis Gagnaire. Vous ne l’êtes pas toujours, mon cher collègue, je préfère vous le dire. (Mêmes mouvements.)

Mme la présidente. Et si vous en reveniez au fond de l’amendement ?

M. Jean-Louis Gagnaire. Vous auriez dû compléter votre amendement en préconisant une meilleure réglementation de l’accès aux professions du bâtiment, en amendant votre loi sur les auto-entrepreneurs, qui plombe ce secteur.

Enfin, vous prétendez que votre système est absolument vertueux et qu’il a donné de bons résultats. On a vu ce que cela a donné : pourquoi la France est-elle aujourd’hui au plus bas, que l’on prenne comme indicateur la compétitivité de ses entreprises ou la balance de son commerce extérieur ? Si la loi TEPA de 2007 avait été un remède aussi miraculeux que vous le dites, nous aurions d’autres résultats en termes de chômage et de commerce extérieur et nos entreprises ne seraient pas confrontées aux difficultés qu’elles connaissent aujourd’hui.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Une information nouvelle, surgie au cours de notre débat, commence à m’inquiéter. Après que le groupe socialiste a pris l’initiative de refiscaliser les heures supplémentaires – ce que le Gouvernement n’avait pas prévu –, voici à présent qu’un membre du même groupe exprime des réserves sur le statut d’auto-entrepreneur. Peut-être envisagez-vous de le supprimer dans les mois à venir ? Voici, en tout cas, une question qui méritera d’être approfondie lors d’un prochain débat.

Cela dit, l’amendement de notre collègue Le Fur présente un intérêt qui va bien au-delà de la qualité de son argumentation.

M. Bernard Roman. Très moyenne !

M. Jean-Christophe Lagarde. On nous a expliqué hier, dans la discussion sur l’article 1er, qu’il fallait absolument abroger la TVA sociale au motif que son maintien aurait entraîné une hausse des prix pour les Français

S’il est un domaine où les prix ont fortement augmenté ces dernières années, c’est bien le logement. Or le coût de la construction entre pour une part importante dans le prix du logement.

M. Marc Le Fur. C.Q.F.D. !

M. Jean-Christophe Lagarde. J’imagine, monsieur le rapporteur général, que personne n’osera nous expliquer ce soir qu’une augmentation des charges pesant sur le secteur de la construction serait sans conséquence sur le prix du logement ? Cela reviendrait à dire qu’une hausse de la TVA se répercute, mais qu’une augmentation des charges sur les entreprises ne se répercuterait pas !

Cela dit, la discussion n’est pas terminée, elle se poursuivra notamment au Sénat. Nous aurions intérêt à réfléchir un peu plus avant aux moyens de préserver le secteur du bâtiment, qui souffre actuellement d’une raréfaction du crédit, cependant que les particuliers sont confrontés à une hausse régulière des prix sur la quasi-totalité de notre territoire.

En renchérissant le coût de la construction, il ne faudra pas vous étonner d’alimenter l’inflation dans le bâtiment, celle-là même que vous prétendiez combattre quand vous supprimiez hier la TVA sociale.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Rodet.

M. Alain Rodet. Il est à la fois extravagant et un peu pitoyable d’entendre MM. Le Fur et Lagarde plaider pour les heures supplémentaires dans le secteur du bâtiment.

M. Christian Jacob. Pourquoi pitoyable ?

M. Alain Rodet. C’est ce secteur qui détient le triste record des accidents mortels du travail.

M. Alain Chrétien. Ça n’a rien à voir !

M. Alain Rodet. On déplore trois morts par jour dans le secteur du bâtiment, et il faudrait encore doper les heures supplémentaires. Bravo messieurs !

M. Bertrand Pancher. Interdisons le travail !

Mme la présidente. La parole est à M. Jérôme Chartier.

M. Jérôme Chartier. J’ai le sentiment que l’on commence à tout confondre dans ce débat. À notre collègue qui, tout à l’heure, remettait en cause le statut d’auto-entrepreneur, je voudrais rappeler combien celui-ci a permis de libérer le travail et l’initiative.

M. Jean Launay. Dites-le à la Fédération du bâtiment !

M. Jérôme Chartier. Il y a eu plus de 400 000 créations d’entreprises dès la première année.

Ce statut d’auto-entrepreneur a été vaillamment défendu par Hervé Novelli, à qui je veux rendre hommage dans cet hémicycle.

M. Bernard Roman. Il a été battu !

M. Jérôme Chartier. Hervé Novelli a voulu libérer le travail : c’est aussi ce que nous avons voulu faire, plus récemment, à travers la défiscalisation des heures supplémentaires, qui avait pour but de lutter contre l’horreur des 35 heures que vous avez mises en place au nom d’une vision dogmatique et malthusienne du travail. C’est, du reste, un peu la même logique qui pousse aujourd’hui certains des membres de la majorité à critiquer le statut d’auto-entrepreneur.

Les positions défendues sur les bancs de la majorité sont surréalistes, tout comme l’était celle de M. Chassaigne tout à l’heure.

Nous vous avons entendu, monsieur Chassaigne, faire un vibrant hommage de la majorité socialiste. Mais si cette majorité est tellement formidable, pourquoi n’avez-vous pas voté la confiance à M. Ayrault ? Pourquoi vous être abstenu ? Il fallait voter avec eux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Il faut assumer votre position : vous avez choisi de tuer le pouvoir d’achat des Français ! En votant avec les socialistes, vous décidez de retirer le pain de la bouche des travailleurs français que vous disiez défendre tout à l’heure ! Eh bien nous, nous voulons leur donner plus de pouvoir d’achat !

(L’amendement n° 22 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 23.

M. Marc Le Fur. Mon cher collègue Gagnaire, je suis un bon gars, mais je me trompais : j’avais une autre opinion de vous. Quoi qu’il en soit, les attaques personnelles n’apportent rien et je ne m’engagerai pas sur ce terrain avec vous.

Il est nécessaire de raisonner branche par branche, car les situations divergent de l’une à l’autre. Des branches à hauts salaires comme l’électricité, l’eau et les télécommunications, n’ont pas recours aux heures supplémentaires…

Mme Marie-Françoise Clergeau. Vous l’avez déjà dit !

M. Marc Le Fur. …alors que les branches aux salaires modestes y recourent massivement. Et s’il est un secteur où les salaires sont modestes et où l’on travaille, c’est bien celui des transports.

Monsieur le ministre, je ne vous demande pas d’adopter cet amendement : je vous en prie ! Je vous sollicite à genoux (Rires sur les bancs du groupe SRC)

M. Christophe Sirugue. On veut voir !

M. Marc Le Fur. …car ce secteur s’apprête à affronter trois traumatismes majeurs : la suppression des heures supplémentaires, la taxe sur les poids lourds – pour laquelle nous avons notre part de responsabilité, même si, pour ce qui me concerne, je n’étais pas tout à fait d’accord –, et la contrainte européenne, avec l’arrivée du cabotage. À présent, un Bulgare pourra faire un transport camion de Toulouse à Bordeaux – auparavant, il pouvait faire un Budapest-Toulouse, mais pas un Toulouse-Bordeaux.

Épargnez les transports : c’est un secteur où le recours aux heures supplémentaires est massif, où les entreprises sont modestes, où les marges sont étroites et où les coûts énergétiques peuvent exploser. Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, je vous en prie, je vous en conjure, épargnez le secteur du transport, vital pour notre économie !

Dans ma circonscription, le taux de chômage est particulièrement bas – Mme Mazetier connaît parfaitement ces chiffres : il est de 6 %, ce qui n’est certainement pas à mettre au crédit du député…

Plusieurs députés du groupe UMP. Si ! Si ! (Sourires)

M. Gérald Darmanin. Il est excellent !

M. Marc Le Fur. Pourquoi ? Parce qu’on y a réalisé l’utopie des années soixante : mettre les usines dans les campagnes ! Mais les chemins de fer, eux, ne vont pas à la campagne, et c’est pourquoi nous avons besoin de camions, afin d’acheminer nos matières premières.

Pour toutes ces raisons, mais aussi parce qu’au fond de vous-même, du fait de vos origines électorales, vous êtes sensible à ces questions, monsieur le ministre, épargnez le secteur du transport ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Le plaidoyer de notre collègue en faveur du transport va probablement être suivi d’autres plaidoyers en faveur de l’hébergement et de la restauration, de l’agroalimentaire, ou encore de la métallurgie.

Je ne nie pas qu’il existe un grand nombre de branches professionnelles extrêmement respectables – je dirais même plus respectables les unes que les autres. Mais je me référerai au principe de symétrie qui a été exposé tout à l’heure par le ministre : la mesure, telle qu’elle a été conçue, n’entend privilégier aucun secteur au détriment des autres.

Il n’y a pas, aujourd’hui, beaucoup de secteurs qui se trouvent à l’abri des difficultés, et ce n’est pas être méprisant d’estimer que le transport et l’entreposage ne sont finalement pas plus prioritaires que d’autres secteurs tels que celui des ambulances ou du commerce et de la réparation automobile – même si vous ne l’avez pas évoqué, et je n’y ai vu, je vous assure, aucun mépris de votre part… Il n’y a pas d’exceptions, vous ai-je dit tout à l’heure : je ferai la même réponse à toutes les propositions que vous pourriez être tentés de faire dans les minutes – je n’ose pas dire les heures – à venir…

M. Jean-Louis Borloo. Les heures ! Les nuits !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …si votre propos est d’introduire des distinctions entre différents secteurs économiques.

Je donne un avis défavorable sur cet amendement, ce qui n’enlève rien à mon affection pour le secteur routier.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Défavorable. (« Oh ! » sur les bancs du groupe UMP.)

Je ne reviens pas sur les différents arguments que j’ai développés tout à l’heure, vous les connaissez déjà, mais j’ai été sensible à votre plaidoyer. Il reste d’autres secteurs que vous souhaitez défendre ; vous avez fait appel à mes origines et vous m’avez demandé à genoux d’accepter cet amendement. C’est avec une certaine impatience, peut-être même un peu d’anxiété, que j’attends de voir comment vous allez défendre les autres. (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Le terme de pitoyable, monsieur Gagnaire, n’est pas forcément adapté au débat et ne le grandit en rien ; quant au raisonnement qui consiste à associer le nombre d’heures supplémentaires au nombre d’accidents du travail, ce qui n’est en rien démontré, il me paraît particulièrement indigent.

Reste que normalement, monsieur le ministre, lorsque l’on présente un projet de loi, on réalise une étude d’impact. Puisque les augmentations de charges vont peser sur les entreprises, monsieur le rapporteur général, j’aimerais que vous ayez la courtoisie de répondre à la question que je posais : de votre point de vue, la suppression des exonérations va-t-elle entraîner une inflation dans le secteur de la construction ? La question vaut d’ailleurs aussi pour le secteur des transports, qui subit de fortes tensions. Vous avez plus de moyens que nous de l’évaluer.

Si tel n’est pas le cas, je voudrais que vous nous expliquiez comment les entreprises, dans le domaine des transports par exemple, pourront absorber les charges supplémentaires sans les répercuter sur les prix. Vous avez expliqué tout à l’heure que vous alliez fiscaliser à nouveau les heures supplémentaires des salariés, mais qu’ils allaient malgré tout gagner du pouvoir d’achat. Si les charges supplémentaires sont répercutées sur le prix et que vous contribuez donc à l’inflation, j’aimerais savoir comment vous faites progresser le pouvoir d’achat…

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. J’ai écouté avec un grand intérêt le plaidoyer de Marc Le Fur sur le secteur du bâtiment et des travaux publics. Il a totalement raison. Les problèmes des saisonnalités, on les connaît et on sait, quand on est maître d’ouvrage, quelles conséquences cela peut avoir.

Dans les transports se développe une concurrence de plus en plus sauvage de la part des pays de l’Union européenne et les marges des entreprises se sont effondrées depuis dix-huit mois. Quand vous regardez ce qui se passe dans la logistique, et cela nous ramène à l’automobile, ceux dont on est en train de comprimer les marges, ce sont tous les sous-traitants, en particulier dans l’entreposage. Un grand nombre d’entreprises du transport ont des systèmes intégrés pour les pièces, c’est d’ailleurs le cas dans ma ville de Châteaudun. La copie pour l’année 2012 représente une baisse de 4 % sur les prestations de transport.

Comme le disait très bien Jean-Christophe Lagarde, la défiscalisation des heures supplémentaires, c’est un peu d’oxygène qu’on apporte à ces entreprises. Vous prenez le risque qu’elles mettent un genou par terre, et le taux de chômage s’envolera. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

(L’amendement n° 23 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 24.

M. Marc Le Fur. Dans un souci de bienveillance à l’égard du Gouvernement, de la majorité, de notre rapporteur général, je présenterai ensemble l’amendement n° 24 et l’amendement n° 25, madame la présidente.

Mme la présidente. Je vous en prie.

M. Marc Le Fur. L’amendement n° 24 concerne l’hébergement et la restauration et l’amendement n° 25 l’agroalimentaire. Ils répondent à la même logique.

Je me permets d’insister un peu plus sur l’agroalimentaire et, monsieur le ministre, je vous sais sensible à cette préoccupation.

Nous avions hier des concurrents espagnols, néerlandais. Il y a dix ou quinze ans, on craignait ce qu’on appelait les PECO, les nouveaux pays qui entraient à l’époque dans l’Europe. Puis l’on a vu débouler à toute allure un concurrent que l’on n’avait pas prévu, l’Allemagne, qui est en train de damer le pion à notre agroalimentaire. C’est un phénomène massif. Seuls quelques rares secteurs sont épargnés, en particulier les vins et spiritueux. Tout le reste, en particulier tout ce qui touche au traitement de la viande, à l’abattage, à la découpe, à la transformation, est en train d’être battu en brèche par la concurrence allemande.

Quand on regarde les choses d’un peu plus près, on voit que cette concurrence s’exerce essentiellement sur le coût de la main-d’œuvre.

M. Philippe Vigier. Tout à fait !

M. Marc Le Fur. Dans certaines branches, je veux bien l’admettre, le coût du travail est plus élevé en Allemagne, comme dans la métallurgie ou l’automobile, mais, dans l’agroalimentaire, c’est l’inverse en raison d’un appel massif à une main-d’œuvre étrangère venant de l’Europe de l’Est.

Face à cette difficulté, l’agroalimentaire s’en sort par deux moyens, les heures supplémentaires avec la prime que nous avons créée dans le cadre de la loi TEPA, et les dispositifs Fillon. Pourriez-vous nous rassurer sur ce point, monsieur le ministre, en nous disant très clairement qu’on ne touchera pas aux dispositifs Fillon permettant d’alléger les charges sur les salaires modestes jusqu’à 1,6 SMIC ? Je veux des réponses précises sur cette question. Sans ces deux avantages, c’est la fin pour l’agroalimentaire, et, en termes d’emploi, ce serait pathétique.

Celui qui vous parle est un élu breton, il y en a d’autres ici, un élu concerné par Doux et d’autres transformateurs. Les marges dans ce secteur sont très étroites, la concurrence extrêmement sévère. Tout se joue au centime. Chacune des décisions que nous prenons est donc essentielle pour l’emploi et pour l’activité. Faisons donc en sorte, je vous en prie, je vous en conjure, que l’agroalimentaire conserve ces avantages. C’est un secteur très isolé, il est même distinct en termes de responsabilités ministérielles et il peut donc parfaitement bénéficier d’une mesure spécifique, comme c’est le cas avec la MSA. Ce secteur a des exigences particulières pour les délais par exemple. Quand le camion de petits pois arrive dans la cour de l’usine, il faut le traiter immédiatement, même si c’est la fin de la journée. Les salariés doivent donc pouvoir faire des heures supplémentaires.

Telles sont toutes les raisons qui justifient que l’on garde ce dispositif pour les heures supplémentaires. Ce n’est peut-être pas important pour vous mais, pour moi, cela compte, et je suis convaincu que, pour un certain nombre de nos collègues, y compris sur vos bancs, c’est essentiel en termes d’emploi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.

M. Denys Robiliard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Vos propos, monsieur Le Fur, sont très intéressants, mais l’amendement proposé ne concerne absolument pas le coût du travail. Vous demandez le maintien des allégements pour les salariés : cela ne modifiera en rien le coût du travail.

M. Marc Le Fur. Si !

M. Denys Robiliard, rapporteur pour avis. Soyons clairs, l’ensemble des amendements que vous avez défendus sont de même nature et n’ont aucun lien avec l’argumentation que vous développez. La seule chose qui change pour les entreprises avec ce projet de loi, c’est l’abattement de 0,50 euro par heure supplémentaire pour les entreprises de plus de vingt salariés.

Toutes les études ont montré que les allégements sur les heures supplémentaires n’avaient pas eu d’incidence ni la moindre efficacité économique. Leur suppression n’aura pas davantage de conséquences.

M. Jérôme Chartier. Ce n’est pas vrai !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur. Je l’avais annoncé, je ne reprendrai pas à chaque fois les mêmes arguments, mais je confirme, monsieur Le Fur, que votre amendement porte bien uniquement sur la part de cotisations salariales et est donc contraire, je l’ai dit à plusieurs reprises, au principe d’égalité devant les charges publiques. J’y suis donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Défavorable, vous le saviez, monsieur Le Fur.

Je dois dire qu’après votre défense du précédent amendement, je m’attendais à quelque chose d’un peu plus personnel et sympathique (Sourires), mais ce sera peut-être pour une autre fois.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier. Je voudrais tellement, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, vous aider à limiter les dégâts de ce dispositif funeste pour l’économie et l’emploi.

Monsieur le rapporteur général, je vous ai interpellé à deux reprises en commission des finances. S’il y a un secteur particulièrement concerné par l’amendement n° 24 de M. Le Fur, c’est celui de l’hébergement et de la restauration liés à l’industrie touristique. C’est un secteur sensible parce qu’il est contraint territorialement et que c’est une industrie saisonnière. J’espère qu’il y a ici des députés de la montagne, des députés du littoral, des députés du monde rural, où il y a le tourisme vert, des députés des villes, avec le tourisme historique et culturel, bref des personnes qui savent ce qu’est l’activité touristique. Dans un travail saisonnier contraint – je pense aux remontées mécaniques dans les stations de sports d’hiver –, seules les heures supplémentaires permettent d’être efficace par rapport à la demande. Elles ne peuvent malheureusement pas être remplacées par des emplois pérennes, tout simplement parce que caractère saisonnier de l’activité l’interdit.

S’il est un secteur qui pourrait être sorti du dispositif général, c’est bien celui-là, et je souhaiterais que vous soyez plus attentif à ce que représente la pluriactivité dans ces territoires gravement touchés par le déclin économique, afin qu’ils puissent tout de même espérer avoir une activité pérenne. Merci de bien vouloir y penser !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. J’ai entendu votre réponse, monsieur le rapporteur général ; malheureusement, vous n’avez toujours pas répondu à la question que je vous pose. Sans doute ne mérite-t-elle pas intérêt. Je souhaiterais savoir si vous avez fait une étude d’impact pour savoir si cela allait générer de l’inflation, si vous avez une opinion sur le sujet. C’est tout de même gênant que vous ne vouliez pas répondre aux questions que nous vous posons.

Cela dit, votre réponse à l’instant me paraît intéressante, tout comme celle du rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Très franchement, je n’arrive pas à comprendre l’argument selon lequel cela ne concernerait pas le coût du travail. Si, bien sûr, en théorie, les charges salariales sont payées par le salarié, jusqu’à présent, en réalité, c’est l’employeur qui en était exonéré. Ce n’est pas le salarié qu’on remboursait : c’est l’employeur qui ne les versait pas. Si vous les rétablissez, ce sont bien les entreprises qui devront faire face à des difficultés. Elles ne payaient pas de charges salariales, elles vont désormais en payer. Par définition, c’est de la poche de l’employeur que cela sort, pas de celle du salarié. Quand vous ne payez pas les charges salariales, ce n’est pas sur son salaire direct que la somme est reversée. C’est donc une forme de salaire indirect mais, en tout cas, cela sort toujours de la poche de l’entreprise. Dès lors, pensez-vous qu’il y ait un risque d’inflation ou le considérez-vous inexistant ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

Mme Isabelle Le Callennec. Je suis moi aussi élue d’une circonscription dans laquelle l’industrie agroalimentaire est extrêmement présente. Compte tenu des difficultés qu’il peut y avoir à recruter des salariés dans l’industrie agroalimentaire, les heures supplémentaires sont réellement indispensables. Elles donnent de la souplesse aux entreprises et leur permettent de tester des salariés à qui l’on pourra ensuite proposer un CDI.

M. Michel Pouzol. Parce que vous « testez » les salariés, vous ?

Mme Isabelle Le Callennec. Depuis que vous mettez en cause les heures supplémentaires défiscalisées et déchargées, nous recevons tous énormément d’appels de nombre d’entreprises de nos circonscriptions. Toutes nous disent : stop !

Je vous citerai l’exemple d’une entreprise de Vitré qui travaille dans la viande. Ce sont des métiers difficiles, vous le savez, et nous devons penser aux salariés car ce sont eux qui font les heures supplémentaires. Selon le DRH de cette entreprise, les heures supplémentaires en 2011 ont représenté en moyenne quarante heures par salarié.

M. Pascal Popelin. C’est toujours la même !

Mme Isabelle Le Callennec. Non, ce n’est pas la même. La mesure que vous proposez entraînera une perte de 110 euros par personne. Peut-être que pour vous, ce n’est rien ! On ne parle pas de Mme Michu. Ils ont un visage, ces salariés. On peut donc au moins penser à eux. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Ils réclament ces heures supplémentaires pour améliorer leur situation. Les charges qu’ils ne payaient pas jusqu’à présent, ils vont devoir les payer.

Ils ont entendu comme tout un chacun dans les soixante engagements de votre candidat, M. Hollande, qu’ils ne seraient pas touchés par cette mesure. Or ils vont l’être. Ils ont cru et jusqu’au bout qu’ils allaient bénéficier de l’exonération et de la défiscalisation des heures supplémentaires. C’est un mensonge, ils vont aussi devoir rendre ce pouvoir d’achat. Il aurait fallu oser leur dire pendant la campagne électorale, ce que vous n’avez pas fait. Dans l’industrie agroalimentaire, on a besoin d’heures supplémentaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

(Les amendements nos 24 et 25, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 26.

M. Marc Le Fur. Je suis vraiment effondré… Vous n’entendez pas les situations. La France est diversité, disait Vidal de La Blache. Or vous avez une vision abstraite, une vision générale des choses. Comprenez que, derrière les heures supplémentaires, il y a des spécificités par branche, des situations individuelles ! Mettez-vous à la place de ces gens pour lesquels les heures supplémentaires, c’était le petit plus qui permettait de sortir d’un quotidien un peu quelconque ! C’était ça, les heures supplémentaires,…

M. Jérôme Chartier. Eh oui !

M. Razzy Hammadi. Et vous, mettez-vous à la place des chômeurs !

M. Marc Le Fur. …et vous êtes en train, sinon de les supprimer, du moins d’en limiter les avantages ! C’est cela qui est redoutable. Que vont-ils penser, ces gens-là ? Pourquoi se lever à cinq heures du matin ? Pourquoi prendre sa voiture ? Pourquoi aller travailler et non faire comme le voisin, qui attend neuf ou dix heures et bénéficiera de la solidarité ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI. – Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Voilà ce qu’ils nous ont clairement dit pendant la campagne ! Entre les deux, je serai toujours du côté de ceux qui travaillent, même pour des tâches très modestes, car ils ont le mérite d’apporter quelque chose à la société ! (Mêmes mouvements sur les mêmes bancs.)

L’amendement n° 25 porte sur un autre secteur, que je connais moins mais qui est tout aussi essentiel. Je profite de cet amendement, monsieur le ministre délégué, pour vous reposer une question à laquelle je n’ai pas eu de réponse. Nous traitons aujourd’hui des heures supplémentaires, mais, sur les salaires modestes, il existe aussi le dispositif Fillon : la réduction des charges jusqu’à 1,6 SMIC. Rassurez-nous et dites-nous clairement que ce dispositif est maintenu.

Les entreprises essaient de prévoir l’avenir…

M. Jérôme Chartier. Elles sont inquiètes !

M. Marc Le Fur. Elles voient s’effondrer un certain nombre des règles qui faisaient leur quotidien. Qu’elles sachent au moins lesquelles doivent rester pérennes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je m’y perds un peu, mon cher collègue. Je ne vous ai pas entendu dire quel était le secteur concerné.

M. Marc Le Fur. La métallurgie !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Bien. Je n’ai pas entendu le plaidoyer sur la métallurgie. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marc Le Fur. Je peux le faire maintenant !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Rassurez-vous, votre amendement aurait se défendre de la même manière que les autres, car quel que soit le secteur, vous n’avez avancé que des choses très générales. (Mêmes mouvements.) Je ne peux donc que vous répéter les mêmes arguments : il n’y a pas lieu de prévoir d’exception.

Cela dit, je répondrai à notre collègue Jean-Christophe Lagarde au sujet des études d’impact. Tous les chiffres sont disponibles, et nous voyons d’ailleurs que le nombre d’heures supplémentaires est en baisse sur les derniers trimestres ; je vous renvoie aux données de l’ACOSS. La mesure qui peut paraître inflationniste, et qui le paraît aux yeux de certains députés de l’opposition, sur la part de cotisation payée par l’employeur, représente 800 millions d’euros dans le dispositif. Ce n’est pas négligeable mais, par rapport à la masse salariale concernée, le risque inflationniste ne me paraît pas, même si l’étude n’a pas été réalisée, significatif. M. Lagarde me demandait un sentiment personnel, je le donne.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Il est défavorable, et cela ne vous surprendra pas, monsieur le député.

Vous m’interpellez sur les allégements Fillon. Comme vous le savez, leur coût est d’une vingtaine de milliards d’euros. Certains l’appellent le coût des allégements Fillon, d’autres le coût des trente-cinq heures ; tout le monde pourrait convenir qu’il s’agit du coût de l’allégement des charges pesant sur le travail entre 1 et 1,6 SMIC. Nous pourrions nous épargner ce débat inutile sur la nécessité d’alléger le coût du travail sur les bas salaires, de laquelle chacun a convenu.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Très bien !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Dénoncer le coût des trente-cinq heures tout en défendant les amendements Fillon a quelque chose de paradoxal.

En ce qui concerne votre question, il n’est pas prévu dans cette loi, vous l’aurez remarqué, de modifier quoi que ce soit en la matière.

Plusieurs députés du groupe UMP. Dans cette loi, mais après ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je n’ai pas connaissance que, dans la loi de finances initiale qui se prépare, la chose soit davantage d’actualité.

Quelle est la majorité qui a porté un coup à ces allégements ? C’est celle à laquelle vous apparteniez, monsieur le député, et je crois même que vous aviez voté la mesure. Il s’agissait de tenir compte de l’annualisation de la rémunération du travail, et le déplacement des allégements Fillon a abouti à un renchérissement du coût du travail, donc à une économie pour l’État, de 2 milliards d’euros.

M. Régis Juanico. Ce n’est pas rien !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. C’est un ordre de grandeur nettement supérieur à celui dont nous discutons à présent et dont vous semblez penser qu’il doit conduire l’économie française à sa ruine. Nous parlons d’une mesure dont le coût est bien inférieur à ce que vous avez voté afin d’alléger la charge pour l’État de la compensation des allégements sur le travail. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Hugues Fourage.

M. Hugues Fourage. Après son chemin de croix, notre collègue Marc Le Fur vient de nous jouer un scénario à la Jean Valjean, dans les Misérables, que j’ai trouvé extraordinaire.

S’agissant de l’agroalimentaire, dans ma circonscription se trouve une entreprise qui s’appelle Fleury-Michon, où les salariés travaillent trente-deux heures. La situation de l’agroalimentaire n’est donc pas si évidente que celle qui a été évoquée.

À propos de la métallurgie, je compte également dans ma circonscription des implantations importantes, notamment le constructeur de remorques Samro. La question, aujourd’hui, ne porte pas sur les heures supplémentaires mais sur le maintien de l’emploi et de l’activité. Tout n’est pas si dramatique, mais certaines entreprises connaissent de graves difficultés à cause de la politique du précédent gouvernement. Aussi, mes chers collègues, un peu moins d’idéologie (Rires et exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI) et surtout moins de dogmatisme ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Je soutiens cet amendement. Tous les amendements présentés par Marc Le Fur sont de bon sens, et celui-là encore plus que les autres. Nous nous opposons à la refiscalisation des heures supplémentaires ; nous affirmons, et c’est démontrable, qu’elle va pénaliser le pouvoir d’achat des salariés. Vous nous répondez, non sans une certaine logique, qu’elle contribuera à créer de l’emploi, puisqu’il y aura moins d’heures supplémentaires.

Or la transformation mécanique est un secteur où les entreprises sont en permanence à la recherche de salariés. Je vous invite, monsieur le ministre délégué, dans mon département de la Meuse : je vous ferai visiter des PME qui, depuis des années, sont à la recherche de collaborateurs dans ce domaine. Elles ne trouvent pas assez de personnes ayant des baccalauréats professionnels ; quand il y en a, on se les arrache. J’ai en tête des exemples d’entreprises de trente, quarante, cinquante salariés à la recherche permanente d’une dizaine de collaborateurs. Même si vous ouvrez des sections de baccalauréat professionnel supplémentaires, cela prendra du temps et ne changera rien. C’est un secteur qui doit produire sous tension. Cette mesure conduira donc à augmenter le coût du travail, fera hésiter ces entreprises à produire davantage, et les carnets de commande augmenteront. Nous allons donc pénaliser ces entreprises face à la concurrence internationale. Par pitié, monsieur le ministre délégué, soutenez cette mesure de bon sens, ne serait-ce que pour la construction mécanique.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Je m’associe aux excellentes interventions de notre collègue Marc Le Fur et je dirai juste un mot au sujet des allégements de charge. Nous avons modifié le dispositif afin de lutter contre la fraude et les abus, mais lutter contre les abus, monsieur le ministre délégué, ce n’est pas supprimer un dispositif, loin de là.

J’en profite pour évoquer un secteur d’activité un peu différent des autres,…

Un député du groupe SRC. Les champs de course !

M. Éric Woerth. …celui de la fonction publique.

Plusieurs députés du groupe SRC. RGPP ! RGPP !

M. Éric Woerth. Vous n’avez pas répondu sur la fonction publique, alors que la question a été posée à de multiples reprises. Les fonctionnaires seront-ils touchés ? Cela me paraît évident, mais à quelle date et dans quelles conditions ?

M. Razzy Hammadi. Migeon ! Migeon !

M. Régis Juanico. C’est le fossoyeur de la fonction publique qui parle !

Mme la présidente. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. J’ai demandé la parole tout à l’heure pour répondre à M. Chartier : son intervention ne l’a pas grandi. Nous n’avons sans doute pas la même conception de notre travail parlementaire. En ce qui me concerne, et je l’ai montré sous la précédente législature, je vote un texte, non en fonction de positions idéologiques, mais quand j’estime qu’il va dans le bon sens. J’ai toujours dit et je le redis : je soutiendrai toutes les mesures qui vont dans le bon sens. C’est ma ligne de conduite et je crois que c’est aussi un moyen de redonner ses lettres de noblesse à la politique. Votre intervention, monsieur Chartier, n’allait pas du tout dans ce sens.

Sur le fond, si les industries métallurgiques ne trouvent pas de collaborateurs, autrement dit d’ouvriers – utilisons les termes justes –, il y a des raisons. Je discute avec les chefs d’entreprise de mon bassin : aujourd’hui, ils ne trouvent plus localement les salariés ayant les compétences requises, car les sections techniques qui existaient au lycée professionnel ont été supprimées ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Ils nous signalent également que leur premier problème, c’est, non pas les heures supplémentaires, mais les conditions qui leur sont faites par les banques, les lignes de crédit qu’ils ne peuvent plus ouvrir, le factoring qu’ils doivent payer, les taux à 7 %, 8 %, 9 %... Le pouvoir financier écrase la production et les PME. Il ne faut pas masquer cette réalité et tout ramener à la question du coût du travail : c’est absolument inacceptable ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Rappels au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

M. Hervé Mariton. C’est un rappel au règlement sur le fondement de l’article 58-1.

Notre collègue Éric Woerth reposant la question des fonctionnaires, certains, dans la majorité, se sont exclamés : « RGPP ! » Cela reste admissible, mais quand un de nos collègues, M. Hammadi, met en cause un fonctionnaire de la République, M. Migeon, ce n’est pas acceptable. Nous avons le droit de débattre des vertus de la RGPP, on peut poser et reposer la question, comme le fait M. Woerth, mais la mise en cause d’un fonctionnaire qui a participé, sous l’autorité du précédent gouvernement, à la mise en œuvre de la politique conduite n’est pas acceptable. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Razzy Hammadi, pour s’excuser, j’imagine…

M. Razzy Hammadi. En aucun cas, et pour une raison simple. C’est l’interpellation sur la misère du travailleur français, qui serait accrue par la refiscalisation d’heures supplémentaires, et les leçons données par celui qui a fait payer à une grande majorité de Français la baisse des ressources de l’État, par la révision générale des politiques publiques, avec une administration complice nommée par lui-même, ne sont pas acceptables et doivent être justement dénoncées ! (Vives exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. Monsieur Hammadi, dans cet hémicycle, où nous menons des travaux au fond, on ne jette pas en pâture l’administration de la République française. Vous venez d’arriver dans cette maison. Ce que je viens de dire est une règle de base, et chacun doit en être conscient. (Exclamations sur divers bancs.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Madame la présidente, certains propos sont inacceptables. Jamais, dans cet hémicycle, il n’a été accepté qu’un fonctionnaire soit ainsi cité et mis en cause. Et parler à cet égard d’« administration complice » est intolérable. Cela vous fait sourire, monsieur le député, mais ce n’est pas acceptable !

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est scandaleux !

M. Jean-François Lamour. Des excuses !

M. Christian Jacob. Il est indigne d’employer de tels mots. Ou bien alors allez au bout des choses et dénoncez les complices en donnant des noms. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marc Le Fur, M. Charles de Courson et M. Philippe Vigier. Allez-y !

M. Christian Jacob. Ayez donc un peu de courage !

Madame la présidente, suite à cet incident, je vous demande une suspension de séance (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC) pour réunir mon groupe.

Mme la présidente. La suspension est de droit.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures quinze, est reprise à vingt-trois heures vingt-cinq, sous la présidence de M. Claude Bartolone.)

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est reprise.

Je remercie Mme Vautrin pour le travail qu’elle a accompli (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP),…

M. Jean-Christophe Lagarde. Très bien !

M. le président. …mais aussi pour m’avoir ainsi laissé profiter d’une partie de la nuit. (Sourires.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Guy Geoffroy, pour un rappel au règlement.

M. Guy Geoffroy. Monsieur le président, je suis confus de vous imposer, dès le début de votre présidence, un rappel au règlement sur un incident qui s’est déroulé juste avant la suspension de séance.

L’un de nos collègues, à deux reprises, nominativement tout d’abord, collectivement ensuite, ce qui est peut-être encore plus grave, a mis en cause les fonctionnaires en utilisant la formule qui en laissera certains perplexes et d’autres irrités pour le moins, d’« administration complice ».

Je suis, comme un certain nombre de députés dans cet hémicycle, issu de la fonction publique, et j’en suis fier. J’ai servi pendant trente-cinq ans l’éducation nationale comme peut-être d’autres présents ici, et nous sommes fiers de ce que nous avons fait. J’ai servi à tous les niveaux de cette belle administration qu’est l’école de la République, cela sous plusieurs ministres, de Christian Fouchet à Joseph Fontanet, Alain Savary, Lionel Jospin,…

M. Alain Fauré. Très bien !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Cela fait tout de même beaucoup ! (Sourires.)

M. Guy Geoffroy. …Claude Allègre et Jack Lang. À aucun moment en servant l’État et donc chacun de ces ministres, je n’ai eu le sentiment d’être complice de quoi que ce soit.

J’ai été, comme tous les fonctionnaires – mon collègue André Chassaigne qui fut comme moi chef d’établissement partagera mon sentiment – fier de servir l’État et soucieux, quel que soit le gouvernement, de le faire uniquement dans l’intérêt général de la République que je servais.

M. Jean-Christophe Lagarde. Et que vous servez encore !

M. Guy Geoffroy. Dès lors, entendre qu’un fonctionnaire, à partir du moment où il applique la politique décidée par nos concitoyens par leur vote et appliquée par des pouvoirs publics légitimes, pourrait être complice, est totalement inacceptable.

Monsieur le président, j’espère qu’enfin, après cette interruption de séance, notre collègue, qui s’en est allé à deux reprises à dire des choses inacceptables, consente à les retirer. Notre assemblée s’en portera beaucoup mieux et nos débats pourront se poursuivre de manière beaucoup plus paisible. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Merci monsieur le député Geoffroy de votre intervention. Vous avez cité votre expérience personnelle pour renforcer la portée de vos propos et je comprends que vous l’ayez fait.

Je veux vous dire ce qui déjà a été dit à cette place par tous les membres de tous les gouvernements de ce pays : la fonction publique dans notre République est composée d’hommes et de femmes qui tous ont été, sont et seront des serviteurs loyaux de l’État (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI),…

M. Pierre-Alain Muet. Très bien !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. de l’État d’abord, de l’État surtout, de l’État toujours. Il n’y a pas d’ambiguïté en la matière.

Je comprends votre émotion, que peut-être nombre d’entre vous partagent. Je la partage en tout cas et c’est la raison pour laquelle j’ai souhaité prendre la parole pour vous dire ces quelques mots.

Cela étant précisé, je vous demanderai d’éviter que ce qui fut peut-être un incident pour vous – je respecte votre jugement – ne prenne des proportions qui seraient u sans mesure avec ce que fut la volonté réelle de l’un de vos collègues que vous estimez être à l’origine de cet incident.

Plusieurs députés du groupe UMP. Qu’il s’excuse !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je prends donc la parole en espérant qu’à la fin de mon intervention cet incident sera clos. Je le fais au nom du Gouvernement et je vous demande, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, l’élégance d’accepter d’en rester là. Il me semble que les mots que je viens de prononcer doivent suffire.

Dans l’histoire de notre Parlement, il est rare qu’aucun député à aucun moment n’ait jamais eu des propos qui aient pu blesser l’un ou l’autre de ses collègues. Qui, parmi ceux qui siègent depuis au moins une ou deux mandatures dans cet hémicycle, peut se prévaloir de n’avoir jamais, à aucun moment, pris le risque de blesser l’un de ses collègues ? Personne en vérité.

C’est la raison pour laquelle je vous demande, à la fin de cette intervention, de considérer cet incident comme clos, pour que nous puissions reprendre nos travaux de façon parfaitement calme et sereine. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour un rappel au règlement.

M. Patrick Ollier. J’apprécie les propos pondérés et mesurés de M. le ministre et qui correspondent au ressenti qui était le nôtre, de ce côté-ci de l’hémicycle.

Il n’en demeure pas moins qu’il est ici un principe, que l’on peut qualifier de républicain, qui veut que nous assumions notre responsabilité en tant que politiques. Jamais dans cet hémicycle n’a ainsi été mis en cause un fonctionnaire de la République comme cela a été fait par M. Hammadi tout à l’heure.

Cette gravité, que je mets sur le compte de son inexpérience de parlementaire – on peut le comprendre – mérite au moins, par respect de la fonction publique, que M. Hammadi s’excuse et fasse retirer ses propos du compte rendu, de telle sorte que cet incident soit clos et que nous puissions continuer nos travaux normalement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Mes chers collègues, nous sommes tous conscients qu’en ce début de législature, et alors que nous examinons un texte important pour la majorité comme pour l’opposition, il puisse y avoir des esprits qui s’échauffent pour la première fois que nous sommes réunis en séance de nuit…

Plusieurs députés du groupe UMP. La deuxième fois !

M. le président. …depuis le début de la semaine.

Article 2 (suite)

M. le président. Je propose que l’on en revienne maintenant à la discussion du texte sur un ton plus normal. (Protestations sur les bancs du groupe UMP).

(L’amendement n° 26 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l’amendement n° 33.

M. Marc Le Fur. Monsieur le président, pour être également issu de la fonction publique, j’ai été choqué par certains propos tenus et j’approuve à 1 000 % ceux de M. le ministre qui, en l’espèce, a été remarquable. Pourquoi ne doit-on pas attaquer un fonctionnaire ? Parce qu’il ne peut répondre sur le même ton. On peut attaquer un élu, mais pas un fonctionnaire.

J’en viens à l’amendement n° 33, lequel se situe dans la même veine que les amendements que j’ai déjà défendus. Je ne me fais pas d’illusions compte tenu des réponses que j’ai déjà obtenues, mais je voudrais tout de même insister sur les entreprises d’ambulances, secteur d’activité sur lequel nous sommes les uns et les autres alertés.

Visiblement, nombre d’ambulanciers recourent à des heures supplémentaires. Je souhaiterais donc, faute de disposer de tous les éléments du débat, être éclairé sur les conséquences de la suppression des allégements. J’imagine que votre réponse, monsieur le rapporteur général, sera toujours la même. Je ne me fais pas d’illusion, mais au moins que l’on nous donne des éléments objectifs sur cette affaire.

M. Henri Emmanuelli. Des éléments de quelle sorte ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur cet amendement ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Henri Emmanuelli devance mes propos, monsieur Le Fur : je n’ai pas d’éléments statistiques relatifs à la profession des ambulanciers, et je vous prie de m’en excuser.

J’aurais pu, concernant vos amendements précédents, vous donner des chiffres extrêmement détaillés sur la construction et le bâtiment, sur le transport et l’entreposage, sur l’hébergement et la restauration. Mais dans la liste complète des secteurs de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale dont je dispose, je n’ai pas trouvé de statistiques précises sur le secteur des ambulanciers. Les services, qui ont travaillé toute la nuit,…

M. Jean-Christophe Lagarde. Ils ont fait des heures supplémentaires !

M. Christian Eckert, rapporteur général. … n’ont pas trouvé de réponse à cette question précise.

Pour le reste, monsieur Le Fur, vous m’avez, vous aussi, devancé puisque mon avis est défavorable pour les raisons que j’ai évoquées à de multiples reprises.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Avis défavorable. Pardonnez-moi, monsieur le député Le Fur, d’en rester là, mais vous en avez compris les raisons qui sont les mêmes que celles qui ont été longuement développées lors de l’examen des amendements précédents.

(L’amendement n° 33 n’est pas adopté.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Mon rappel au règlement est fondé sur l’article 58, alinéa 1, de notre règlement qui tient à la conduite et au déroulement de nos travaux.

Comme chacun de nos collègues, j’ai entendu vos propos apaisants, monsieur le ministre, et je vous en remercie. Cependant, ne serait-ce qu’au titre de la séparation des pouvoirs, vous n’êtes pas habilité à parler au nom des parlementaires. Vous l’avez fait à titre personnel, avec beaucoup de sincérité, en défendant l’administration, et nous y sommes sensibles. Cela étant, au nom de quoi notre collègue ne peut-il pas prendre dix secondes pour retirer ses propos qui sont indignes, inacceptables ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Henri Emmanuelli. Ça suffit !

M. Christian Jacob. Je ne vois pas pourquoi le ministre se ferait le porte-parole d’un député. Si M. Hammadi, par excès d’orgueil, n’a pas le courage de retirer ses propos, que le président de son groupe, M. Bruno Le Roux, vienne et le fasse pour lui. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Monsieur le président Jacob, nous aurons l’occasion d’évoquer cet incident lors de la prochaine Conférence des présidents et nous verrons la position qui sera retenue.

Article 2 (suite)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n° 428.

M. Jean-Christophe Lagarde. L’amendement n° 428 relève de la même logique que celle dont nous avons débattu lors de la précédente séance.

En l’occurrence, il s’agit d’éviter que la suppression des allègements sociaux attachés aux heures supplémentaires ne s’applique qu’aux entreprises de moins de vingt salariés et d’élargir la mesure aux petites entreprises communautaires au sens des lignes directrices fixées par l’Union européenne. Il nous paraît en effet logique de s’aligner sur la définition des petites entreprises retenues dans les directives de l’Union européenne plutôt que de s’arrêter au seuil de vingt salariés.

Il nous a été expliqué que tout cela était lié à la loi 2007. Or il a été démontré que si nous étions liés aux décisions d’alors, c’est parce qu’à l’origine les 35 heures avaient généré des écarts entre les salariés. Sortons de cette logique. Puisque nous disons tous que nous avons besoin de développer un tissu de petites et moyennes entreprises, alignons-nous sur la définition que donne l’Union européenne de la petite entreprise.

Tel est l’objet de l’amendement : il permettrait d’éviter que ce dispositif qui bénéficie depuis cinq ans à plus de 9 millions de salariés ne soit supprimé dans les entreprises de moins de cinquante personnes. D’ailleurs, cela corrigerait ce que même le droit du travail estime être un seuil entre la petite entreprise et l’entreprise plus grosse.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. En cette matière de fin de l’exonération de la part patronale des contributions sociales, je ne peux vous opposer l’argument de l’égalité du citoyen devant la charge publique. En revanche, comme le ministre l’a indiqué, la réglementation européenne pose problème par rapport à votre amendement en ce qui concerne les règles dites de minimis.

Pour cette raison et pour les multiples autres données précédemment, la commission émet un avis défavorable à votre amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable.

J’ai eu l’occasion de préciser tout à l’heure que le seuil de vingt salariés était lié à la définition des très petites entreprises. Si, pour ces dernières, il semble tout à fait légitime de concéder un avantage particulier, le seuil que vous proposez ne paraît pas raisonnable. D’abord parce que sa définition est incertaine – au nom de quoi prendre ce niveau-là et pas un autre ? Ensuite parce que cela emporterait un coût, sauf à accepter de lever le gage, c’est-à-dire à entraîner un déport de ce financement vers d’autres, dont on verrait mal la légitimité.

(L’amendement n° 428 n’est pas adopté.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Borloo, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Louis Borloo. Monsieur le président, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les députés, nous sommes nombreux à avoir quelques années d’expérience dans cet hémicycle. Il est arrivé à tout le monde – à des parlementaires et même à des ministres – d’avoir un moment d’égarement. J’ai ainsi appartenu à des gouvernements qui ont retiré des propos devant des parlementaires.

De façon que l’on puisse continuer dans la sérénité ce débat très intéressant – qui d’ailleurs, mes chers collègues, va vous coller comme le sparadrap du capitaine Haddock pendant cinq ans (Sourires) –, je demande très respectueusement à notre collègue de bien vouloir retirer ses propos.

M. Henri Emmanuelli. Non ! Cela suffit !

M. Jean-Louis Borloo. À défaut, je demanderai une suspension de séance pour pouvoir réunir mon groupe.

M. le président. Monsieur Borloo, j’ai entendu la demande qui a été faite par le président Jacob d’entendre les explications du président du groupe socialiste. C’est pour cette raison que j’ai proposé qu’à la prochaine Conférence des présidents,…

Plusieurs députés du groupe UMP. Non, nous voulons des excuses maintenant !

M. le président. …où le président du groupe socialiste sera présent, nous examinions ce point. (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Cela étant, la suspension est de droit.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures quarante-cinq, est reprise à vingt-trois heures cinquante.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Philippe Martin, pour un rappel au règlement.

M. Philippe Martin. En tant que représentant du président du groupe socialiste, M. Bruno Le Roux, je voudrais répondre à l’appel lancé par M. Borloo. Nous avons tous à cœur d’avoir un débat aussi intéressant que la question l’exige et d’échanger des arguments au fond.

Il semble que des propos, tenus d’ailleurs hors micro (« Non ! » sur les bancs du groupe UMP), aient pu donner le sentiment d’une attaque en direction de fonctionnaires – j’ai entendu sur ce point M. Le Fur. Nous appartenons tous deux au corps préfectoral, et je suis même mieux placé que lui pour savoir quelles attaques peuvent subir les préfets, puisque j’ai été moi-même débarqué par ses amis à une certaine époque. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)

Quoi qu’il en soit, s’il y a eu des mots qui ont donné le sentiment d’une attaque à l’encontre d’un fonctionnaire, je les retire au nom du groupe socialiste, je les regrette et j’appelle au retour au calme (Applaudissements sur divers bancs.)

Article 2 (suite)

M. le président. La parole est à M. Jacques Lamblin, pour soutenir l’amendement n9.

M. Jacques Lamblin. Juste un mot d’abord pour dire à M. Hammadi que l’ingestion de colubridés est un exercice difficile, mais nécessaire en politique. Et que, comme disait ma grand-mère, entêtement n’est pas science…

Pour en venir à mon amendement, je vous propose, monsieur le président, de défendre en même temps mes quatre amendements suivants.

M. le président. Je suis en effet saisi de cinq amendements, nos 9, 10, 11, 12 et 13, qui peuvent faire l'objet d'une présentation commune. Vous avez la parole pour les soutenir, monsieur Lamblin.

M. Jacques Lamblin. L’absence de toute étude d’impact sur les conséquences de cet article 2 nous a conduits à développer un certain nombre d’arguments, sans grand succès. Depuis quelques heures, nous reculons ainsi pied à pied en essayant de sauver les meubles, insistant thème par thème sur l’importance qu’il y a à préserver au moins une partie du dispositif.

Ces cinq amendements concernent différentes activités, saisonnières, agricoles et agroalimentaires et de transport. Comme Marc Le Fur, je veux insister sur les problèmes de ces trois secteurs, qui sont confrontés à une concurrence féroce. Les transports, avec l’arrivée du cabotage, sont dans une situation extrêmement difficile et qui va encore empirer. Voilà pourquoi il faut alléger les cotisations patronales, de façon à maintenir le prix de revient de ces entreprises par rapport à la concurrence internationale – bref, de leur donner les moyens de tenir.

J’en viens à l’agroalimentaire. Hier, nous avons entendu M. de Montebourg (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. Pascal Terrasse. Des excuses ! (Sourires)

M. Jacques Lamblin. Pardon, M. Montebourg ! Nous savons tous, maintenant, que c’est un roturier.

M. François Brottes. Ça aussi, c’est limite…

M. Jacques Lamblin. Alors je retire aussi !

Quoi qu’il en soit, M. Montebourg donc nous a expliqué que l’avenir, pour l’industrie automobile, n’était pas tant dans la baisse des coûts que dans le progrès technique et l’innovation. Or, s’il est un domaine dans lequel la France est en tête pour ce qui est de l’innovation et de la qualité, c’est bien celui de l’agroalimentaire.

Pourtant, nous avons perdu beaucoup de parts de marché dans ce secteur, en faveur notamment des Allemands. Pas parce que leurs produits ou leur stratégie commerciale sont meilleurs, non, mais parce qu’ils ont instauré des dispositifs visant à diminuer le coût du travail pour cette activité, ce qui leur permet d’être bien placés dans la concurrence en matière de prix.

Toute mesure visant à donner à nos entreprises agroalimentaires, mais aussi agricoles, qui peuvent elles aussi être défavorisées par rapport à l’Allemagne, des moyens pour tenir face à la concurrence est donc une bonne mesure.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces cinq amendements ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Avis défavorable. Mais puisque vous venez, monsieur Lamblin, de parler d’étude d’impact, j’ai commis tout à l’heure une erreur en répondant à M. Lagarde sur le même thème et je voudrais préciser les choses.

Vous évoquez un risque inflationniste, qui serait dû au renchérissement des charges pour les entreprises. J’ai estimé que ce risque était faible puisque cela se montait à 800 millions. Or, ce chiffre recouvre l’ensemble des entreprises : celles de moins de vingt salariés représentent plus de 500 millions dans le total. Les exonérations patronales qui vont disparaître s’élèvent donc à environ 300 millions. L’impact en termes d’inflation n’est sans doute pas nul, mais très faible compte tenu des montants en jeu.

Par ailleurs, parmi les 177 millions d’heures supplémentaires, 76 millions concernent les entreprises de moins de vingt salariés et conservent donc l’exonération de part patronale. Cette dernière se monte d’ailleurs dans ce cas à 1,50 euro, contre 0,5 pour les entreprises de plus de vingt salariés. Tous ces éléments doivent nourrir notre réflexion collective.

Enfin, et puisque vous vous livrez à une analyse sectorielle, l’agroalimentaire ne représente qu’environ 3 % du total des heures supplémentaires concernées. Je ne dis pas que ce secteur ne connaît pas un problème spécifique, mais c’est le cas de tous les secteurs. C’est pourquoi la commission ne souhaite pas se fonder sur une vision branche par branche, qui rend difficile de faire des choix.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Avis défavorable. J’espère, monsieur le député, que vous ne m’en voudrez pas de ne pas m’étendre davantage, mais je pense que je me suis déjà suffisamment expliqué sur le sujet.

(Les amendements nos 9, 10, 11, 12 et 13, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 404, 139, 403, 62 et 141 identiques, 240, 530, 142, 430, 432 et 433, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l'amendement n° 404.

M. Gérald Darmanin. Cet amendement concerne les entreprises de moins de 750 salariés, et j’en ai déposé un autre pour celles de moins de 500 salariés. Ces deux seuils n’ont pas été choisis au hasard, mais correspondent à deux entreprises que j’ai rencontrées dans ma circonscription, à Halluin, une commune frontalière dans laquelle, comme à Tourcoing, les rues côté pair sont en France et côté impair en Belgique.

Les deux chefs d’entreprise, l’une de 480 salariés et l’autre de 720, se posent très sérieusement la question de quitter le pays, non du seul fait de la fin des heures supplémentaires, mais plutôt à cause de l’ensemble des contraintes qu’ils vivent sur le territoire français : impôts locaux, appliqués notamment par la communauté urbaine de Lille, fin de la TVA sociale, sur laquelle ils fondaient beaucoup d’espoirs, services un peu tatillons, comme nos amis de la DRIRE… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Je n’attaque pas ces services : ils ne font qu’appliquer les instructions du gouvernement et les trop nombreux textes dont nous les abreuvons !

Ces chefs d’entreprises sont dans une situation difficile et le dispositif des heures supplémentaires leur donnait un surplus dans un secteur déjà très sinistré. Ils pensent donc très sérieusement déménager, non pas à quelques centaines de kilomètres mais à quelques mètres de là – M. Baert connaît bien le sujet à Wattrelos. En vous proposant ces deux amendements, je voudrais vous faire comprendre que l’ensemble des difficultés que vous créez pour les entreprises sous prétexte d’un collectif budgétaire général peut les pousser à déménager et donc nous faire perdre des emplois.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous comprendrez que nous émettions un avis défavorable. Nous nous sommes déjà longuement exprimés sur la possibilité de faire varier le seuil retenu dans le cadre de ce dispositif.

La question des zones frontalières a été évoquée à plusieurs reprises. Elle mérite une réflexion, et a déjà été l’objet d’un rapport, évoqué, entre autres, par Étienne Blanc. Un certain nombre de ses préconisations me paraissent d’ailleurs intéressantes.

Cela dit, je me permets de vous le faire remarquer, votre rapporteur général est lui-même frontalier de la Belgique et du Luxembourg, et pas très éloigné de l’Allemagne. Chaque jour, 75 000 travailleurs de Lorraine franchissent la frontière pour aller travailler au Luxembourg. Ce problème ne nous a donc pas complètement échappé.

Il serait probablement réducteur de considérer que seule la question du coût du travail est en jeu dans ces flux de travailleurs frontaliers. De nombreux autres paramètres mériteront d’être discutés ; le sujet est assez complexe, et se pose d’ailleurs dans des termes très différents selon les pays. En Belgique et au Luxembourg, les flux sont complètement différents. Il faudra donc probablement conduire un travail en profondeur au cours des prochains mois et des prochaines années, pour étudier les moyens de résoudre certains problèmes, dans notre pays et, probablement, au niveau européen. C’est effectivement l’échelon européen qui est pertinent pour aborder ce type de sujet.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur cet amendement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Avis défavorable.

Le Gouvernement a décidé de maintenir l’avantage pour les très petites entreprises. C’est incontestablement nécessaire ; je crois que ce point, au moins, fera ici consensus.

En revanche, maintenir l’avantage accordé au-delà du seuil de vingt salariés ne me paraîtrait pas raisonnable.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n° 139.

M. Philippe Vigier. Je défendrai en même temps si vous le permettez, monsieur le président, les amendements nos 141 et 142 de manière à nous permettre d’aller au fond de ce dossier.

Vous continuez, monsieur le ministre délégué, de protéger les entreprises de moins de vingt salariés en maintenant l’exonération de la part patronale. Nous souhaitons, pour notre part, aller plus loin, pour une raison simple, exposée tout à l’heure avec beaucoup de brio par Marc Le Fur lorsqu’il a évoqué tous ces secteurs économiques extrêmement fragilisés. Je reviendrai, pour ma part, sur le secteur de la métallurgie et des constructions métalliques.

Rappelez-vous, chers collègues, qui nous avez tant critiqués lorsque nous avons réformé la taxe professionnelle. Heureusement pour la métallurgie que cette réforme est passée par là ! N’oublions pas d’ailleurs que, pendant la campagne présidentielle que nous venons de vivre, des promesses très fortes ont été faites à propos de la métallurgie. Nous verrons si les résultats sont à la hauteur.

Les activités comme la métallurgie et les constructions métalliques sont soumises à une concurrence extrêmement violente, notamment de la part d’un certain nombre de pays émergents. Faire, grâce à l’exonération des charges patronales, que le recours à ces heures supplémentaires n’entraîne pas de coûts supplémentaires pour ces entreprises, c’est leur rendre un peu de compétitivité.

Tout à l’heure, M. Chassaigne se demandait ce que nous avions fait comme réformes structurelles. Dans l’agroalimentaire – j’ai bien entendu à ce propos le plaidoyer de notre collègue –, le coût salarial d’une heure de travail est de 15 euros. À combien s’élève-t-il en Allemagne ? À 7,50 euros. Quel combat n’avons-nous pas dû mener, d’ailleurs, contre le gouvernement de l’époque, pour obtenir une exonération d’un euro par heure, financée par la fameuse taxe sur les sodas de 240 millions d’euros que vous, chers collègues de la majorité, n’aviez pas votée !

Cette question de la compétitivité, nous l’avons donc chevillée au corps, parce que les entreprises vont mal, parce qu’elles sont déstabilisées, parce qu’elles perdent leurs parts de marché et parce que vous avez balayé d’un revers de main la TVA antisociale (Exclamations et sourires sur les bancs du groupe SRC) – pardon, la TVA sociale – ou la TVA anti-emploi (Mêmes mouvements), – pardon, la TVA emploi –, car vous préférez la contribution sociale généralisée. En tout cas, nous continuerons, nous, de mener la bataille de la compétitivité.

(Les amendements nos 404, 139 et 403, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 62.

M. Dominique Tian. Ce texte a manifestement été préparé dans la précipitation et, surtout, sans étude d’impact ; on le voit depuis deux jours. Reconnaissons, comme M. le ministre délégué l’a fait tout à l’heure, que les effets de seuil créent peut-être quelques problèmes.

Je me suis, pour ma part, rapproché d’un syndicat, le Synhorcart, que je ne connaissais pas et dont les membres ne sont pas issus des rangs de l’UMP – ne les attaquez donc surtout pas, monsieur Hammadi ! Ce syndicat national des hôteliers, restaurateurs, cafetiers et traiteurs nous a indiqué que la suppression du dispositif aurait des conséquences très lourdes pour les professions qu’il représente. Il nous a ainsi fait parvenir – comme à de nombreux autres parlementaires d’ailleurs – certains calculs, en soulignant le fait qu’il était lié par la convention collective du secteur et par un accord conclu avec les partenaires sociaux sur une durée hebdomadaire de travail de trente-neuf heures. Il a ainsi calculé que chaque salarié perdra 40 euros par mois, sachant que certains salariés, notamment les salariés saisonniers qui travaillent quarante-deux heures et demie par semaine, pourraient perdre jusqu’à 150 euros par mois.

Ces professionnels, qui sont liés, je le répète, par un accord national de branche étendu dont ils ne peuvent se défaire, appellent donc notre attention sur le fait qu’ils ne pourraient pas supporter les conséquences très lourdes de la suppression du dispositif.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. J’essayais, monsieur Tian, de comprendre la défense de votre amendement, lequel ne fait absolument pas écho aux éléments que vous venez de fournir à propos de la profession que vous évoquez. J’analyse donc votre amendement comme ne portant que sur la question du seuil, que vous voulez d’ailleurs porter tantôt à 50, tantôt à 500 et tantôt à 700 salariés. Nous nous sommes déjà longuement exprimés sur le sujet, et l’avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Nous avançons dans la discussion ! Tout à l’heure, le ministre a reconnu qu’il y avait des problèmes de seuil – le fait n’est pas nouveau – et le rapporteur général a pour sa part estimé que des difficultés sectorielles pouvaient se présenter. Comme les règles communautaires ne permettent pas d’adapter la législation en fonction des secteurs ; on peut le comprendre.

Au fond, ce qu’on voit bien au fil du débat – surtout une fois la paix revenue –, c’est qu’au-delà de votre projet – la suppression de la défiscalisation et de l’exonération de cotisations sociales patronales –, vous n’êtes pas totalement inconscients des difficultés que nous faisons valoir à la suite de retours du terrain.

Nous avions évoqué une autre difficulté en commission, monsieur le rapporteur général, qui concerne les salariés. Vous nous aviez dit réfléchir, compte tenu de l’ampleur du problème que la suppression de la défiscalisation et de l’exonération de charges sociales patronales poserait à des salariés, à des modulations possibles.

On sent bien que vous êtes de plus en plus conscient des difficultés qui s’accumulent – ce qui est plutôt positif –, mais si vous nous répondez assez clairement lorsqu’il s’agit de préciser ce que vous ne pouvez pas faire, à propos des effets de seuil ou des problèmes sectoriels, votre réflexion a-t-elle mûri s’agissant des problèmes de pouvoir d’achat que vont rencontrer les salariés ?

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je voudrais intervenir à propos de l’aspect agro-industriel. Après bien des débats, auxquels certains collègues de l’actuelle majorité avaient d’ailleurs été associés, nous avions, avec l’amendement dit « Courson-Reynès », mis au point un système qui abaissait les cotisations sociales patronales dans toutes les entreprises relevant de la MSA, dans la limite de vingt salariés, ce qui n’est pas très différent d’un seuil bien que cela soit présenté différemment. Le Gouvernement pourrait-il nous dire s’il a l’intention de se battre pour obtenir l’accord définitif de Bruxelles ?

Comme ne le savent peut-être pas nos jeunes collègues socialistes récemment élus, leur porte-parole, Germinal Peiro, était favorable avec d’autres à cette mesure, même s’il a été mis par deux fois en minorité à la suite de grands débats au sein de leur famille politique.

Nous avons à cet égard rappelé les écarts de prix de revient, charges comprises. En Allemagne, le coût horaire de la main-d’œuvre est de 7 euros. En France, il atteint 13 ou 13,50 euros, soit pour un kilo de viande abattue, une différence de coût d’un euro. Et dans le secteur des fruits et légumes, l’écart par rapport à l’Espagne est encore un peu plus grand. Il ne faut donc pas s’étonner si on importe de plus en plus de fruits et légumes d’Allemagne ou d’Espagne.

Pourriez-vous faire le point sur ce sujet, monsieur le ministre délégué, sachant que votre collègue de l’agriculture m’a dit qu’il y avait des discussions ?

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l’amendement n° 141.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il a été défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Même avis, mais j’en profite pour répondre autant que je le peux.

Le Gouvernement est formé depuis quelques semaines. Vous aimeriez, comme tout le monde probablement monsieur Mariton, qu’une politique du coût du travail soit présentée devant l’Assemblée nationale et le Sénat. Tel n’est pas l’objet de ce projet de loi de finances rectificative.

Nous aurons nécessairement ce débat à un moment ou un autre de cette législature. Comme vous, je pense que le plus tôt serait certainement le mieux, encore qu’il ne faudrait pas que cela compromît la qualité et le sérieux des propositions qui seraient faites.

Je ne crois donc pas que nous puissions, ni le rapporteur général ni moi-même, donner des réponses de nature à vous satisfaire sur le fond ou à étancher votre curiosité. Je comprends l’agacement que cela peut provoquer. J’espère cependant qu’il n’est que temporaire, et je vous donne rendez-vous dans cette enceinte, quand le Gouvernement aura des propositions à faire. Naturellement, la représentation nationale en sera saisie en priorité.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Moudenc, pour soutenir l’amendement n° 240.

M. Jean-Luc Moudenc. S’agissant des heures supplémentaires, je tiens à appeler l’attention de l’Assemblée sur la situation du secteur aéronautique. Ne croyez pas que je sois atteint d’une sorte de syndrome de circonscription : le secteur de l’aéronautique est en effet de ceux qui contribuent positivement à la balance commerciale de notre pays, et cela depuis longtemps. Or vous savez combien le solde notre balance commerciale a besoin d’être ainsi soutenu.

Le secteur aéronautique présente deux caractéristiques. D’une part, sa santé dépend d’un environnement économique très internationalisé, donc d’un paramètre qui n’est pas maîtrisable. D’autre part, la rentabilité des avions que nous vendons est tributaire des fluctuations monétaires, puisque les avions sont vendus en dollars.

Pour ces deux raisons d’ordre structurel qui lui sont propres, ce secteur est à la fois performant et fragile. C’est pourquoi son activité subit des variations extrêmement importantes. Le recours aux heures supplémentaires y est donc une pratique courante, d’ailleurs avec l’accord de tous les acteurs.

Si le projet de loi voit le jour, il fragilisera le secteur aéronautique, à savoir Airbus, bien évidemment, mais également, pour les trois quarts des emplois concernés, des PME qui sont très dépendantes du donneur d’ordres pour leur rentabilité. Les heures supplémentaires constituent donc un outil stratégique : réfléchissez avant d’y toucher ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Défavorable

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Défavorable.

(Les amendements identiques nos 62, 141 et 240 ne sont pas adoptés.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour un rappel au règlement.

M. Patrick Ollier. Je voudrais simplement, afin d’éclairer le débat, monsieur le président, faire remarquer qu’alors que des amendements sont en discussion commune vous venez d’en mettre certains aux voix.

M. Marc Le Fur. Cela permet d’aller plus vite !

M. Patrick Ollier. En principe, lorsqu’il y a discussion commune, on attend qu’elle soit achevée pour procéder au vote sur les amendements.

M. le président. J’entends bien votre remarque, monsieur Ollier, mais j’ai estimé, puisqu’une certaine fluidité dans le débat s’était installée, qu’il valait mieux s’arrêter à chaque amendement pour permettre à chacun de bien entendre les explications.

M. Patrick Ollier. Le problème est qu’ils ont tous le même objet.

M. le président. Mais vous aurez remarqué que plusieurs orateurs sont intervenus sur l’un d’entre eux.

Cette façon de procéder a donc permis, je crois, d’améliorer encore la fluidité du débat.

Article 2 (suite)

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l'amendement n° 530.

M. Marc Le Fur. L’amendement n° 530 a trait à la question des seuils. Le Gouvernement propose le maintien de l’exonération des cotisations patronales pour les entreprises de moins de 20 salariés. Je propose de remonter ce chiffre à 249.

La notion de PME a en effet un sens en droit. Elle est ainsi définie en droit national et en droit européen, dans les deux cas d’ailleurs de la même façon. En droit national, cette définition repose sur le décret d’application n° 2008-1354 de l’article n° 51 de la loi de modernisation de l’économie, qui expose très clairement qu’une entreprise est une PME à partir de 250 salariés. En droit européen, c’est la même disposition qui se retrouve. Or cette définition a des conséquences objectives : au-delà de 250 salariés un certain nombre de subventions ne sont pas autorisées, alors qu’elles le sont en deçà.

Pour toutes ces raisons, afin de stabiliser les choses et d’avoir un dispositif correct, il faut que le seuil d’exonération de cotisations patronales soit fixé à 250 salariés.

Par ailleurs, monsieur le ministre, j’ai noté, avec une certaine satisfaction, la présence au Gouvernement d’une ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, Mme Fleur Pellerin,…

Plusieurs députés du groupe UMP. Elle n’est pas là !

M. Marc Le Fur. …qui me donne l’impression d’être tout à fait capable de se défendre et d’argumenter. Ma curiosité m’a poussé à consulter le décret définissant ses compétences. Je vous le lis parce que c’est pour ainsi dire la cerise sur le gâteau : « Elle est associée aux actions et promeut les mesures, notamment financières, juridiques et scientifiques, propres à créer sur le territoire national un environnement favorable à la création et au développement de ces entreprises. » Elle devrait donc être présente, puisque nous sommes en train de parler des PME ! Plus encore : « Elle est associée à l’élaboration des mesures fiscales et sociales dans son domaine ».

Avec ce décret, qui est tout récent, puisqu’il date du 9 juin – l’encre n’est pas encore sèche ! –, les choses sont donc claires : si Mme Fleur Pellerin n’est pas au Gouvernement pour de simples raisons d’apparence et pour servir de pot de fleurs (Exclamations sur les bancs du groupe SRC), elle doit être présente à nos débats !

(L'amendement n° 530, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour soutenir l'amendement n° 142.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le président, je conçois votre souci de la fluidité, mais je tiens à ce que notre collègue M. Ollier puisse bien suivre l’intégralité de nos débats (Sourires) et donc que nous ne versions pas dans la précipitation.

Pour autant, les amendements nos 430, 432 et 433 ayant exactement le même objet, il pourrait être utile que je puisse les évoquer en même temps.

M. le président. Bien volontiers.

Vous avez donc la parole pour défendre les amendements nos 142, 430, 432 et 433.

M. Jean-Christophe Lagarde. Vous l’avez compris, nous estimons, ainsi que notre collègue Marc Le Fur vient de le rappeler, que les seuils ne sont pas justes et équilibrés, d’autant que s’y ajoute le problème des secteurs.

Monsieur le ministre, je me souviens de la déclaration du Premier ministre lors de son discours de politique générale. Il a affirmé que le Gouvernement serait ouvert à tout ce qui pourrait être utile à notre pays, donc, lorsque des discussions constructives ont lieu – ce qui est le cas maintenant depuis que le calme est revenu – aux amendements de la majorité comme de l’opposition. Or, depuis le début de notre discussion, à aucun moment le Gouvernement ne s’est montré ouvert à quelque proposition que ce soit de l’opposition.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces quatre amendements ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Avis défavorable, toujours pour les mêmes motifs.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Avis défavorable. Je comprends, monsieur Lagarde, votre remarque : il a pu m’arriver moi aussi de regretter de ne pas être entendu quand, parlementaire de l’opposition, j’avais le sentiment de ne pas être compris.

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est pour cela que je pensais que vous changeriez !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Nous avons deux projets politiques différents : il est assez difficile de les concilier, surtout sur un sujet tel que celui dont nous débattons. Ce sujet procède pour vous, aussi bien que pour le Gouvernement et la majorité qui le soutient, d’une analyse rigoureusement adverse, laquelle a été présentée de manière loyale, je crois, aux Français pendant la campagne électorale – quoi qu’en aient dit certains –, au terme de laquelle les Français ont décidé de trancher. Je ne crois pas que remettre en cause en quoi que ce soit ce qui s’est fait pendant cette campagne, et encore moins son résultat, permette de faire avancer le débat.

Mais vous connaissez comme moi la devise de la maison d’Orange : « il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer » !

(Les amendements nos 142, 430, 432 et 433, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l'amendement n° 27.

M. Marc Le Fur. Je dirais que cet amendement est un amendement « hollandiste ». (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est vrai !

M. Marc Le Fur. Il s’agit d’appliquer à la lettre le programme de celui qui fut votre candidat et qui est désormais notre Président de la République. Ce programme était de faire en sorte que dans les petites entreprises de moins de vingt salariés, le dispositif actuel soit maintenu, non seulement pour ce qui est des cotisations patronales – ce qui est le cas –, mais aussi des cotisations salariales. On pourrait citer à cet égard de multiples propos du candidat à la Présidence de la République, qui l’a dit très explicitement. Or l’on est en train de découvrir autre chose.

Revenons donc à l’idée initiale du candidat à la Présidence de la République et appliquons les anciens dispositifs d’exonération de charges aussi bien à la fraction salariale qu’à la fraction patronale. Cela paraît simple et lisible.

On me dira que cela n’est pas constitutionnel, mais les candidats à la Présidence de la République sont entourés d’experts en droit, me semble-t-il ! Cet aspect des choses n’a donc pas été découvert depuis l’élection présidentielle ; il était certainement en débat auparavant.

En tout cas, appliquons clairement les engagements tels qu’ils ont été énoncés !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?

M. Christian Eckert, rapporteur général, rapporteur. Mon cher collègue, je me réjouis que notre collègue mette autant d’ardeur à faire appliquer les engagements du Président de la République nouvellement élu ! Je suis sûr qu’il votera la plupart des textes qui nous seront proposés dans les prochaines semaines et dans les prochains mois. En tout cas je l’y invite !

M. Guy Geoffroy. Faut pas rêver !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Puisqu’il tient à mettre en œuvre les engagements du Président de la République, il aura de nombreuses occasions de traduire cette bonne volonté affichée par des actes clairs. Je m’en réjouis d’avance.

Cela dit, j’ai déjà répondu à de nombreuses reprises à propos de l’égalité de tous les salariés devant les charges publiques. Il subsiste, je le répète, un avantage pour les très petites entreprises : c’est l’exonération de charges sociales patronales. Il n’est en revanche pas possible de faire le même sort à la contribution salariale. L’avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Avis défavorable. Je souhaite reprendre la même argumentation que le rapporteur général, encore que M. le député Le Fur, sans même attendre les prochaines semaines ou les prochains mois, aura l’occasion à l’article 3 du projet de loi de finances rectificatives, qui réforme l’ISF, d’être extrêmement vigilant quant à l’application des engagements du candidat devenu Président de la République ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(L'amendement n° 27 n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement n° 103 du Gouvernement.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

(L'amendement n° 103, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement n° 104.

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est un amendement rédactionnel, par coordination avec l’article L. 3121-42 du Code du travail, auquel il est fait référence à l’alinéa 8.

(L'amendement n° 104, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l'amendement n° 529.

M. Marc Le Fur. Il est retiré.

(L'amendement n° 129 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement n° 105 du Gouvernement.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Amendement de précision.

(L'amendement n° 105, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement n° 99.

M. Christian Eckert, rapporteur général. I s’agit d’un amendement rédactionnel.

(L'amendement n° 99, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Nous en venons à l’amendement n° 508, qui fait l’objet de plusieurs sous-amendements.

La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement n° 508.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je souhaite insister sur cet amendement – devenu un amendement de la commission des finances puisqu’elle l’a adopté –, car il n’est pas anodin.

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est le moins que l’on puisse dire !

M. Jean-François Lamour. Il constitue un tour de passe-passe !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il y avait deux manières de procéder. Une première manière aurait été de différer la question de l’impôt sur le revenu à l’examen de la loi de finances initiale, à l’automne prochain. Nous avons choisi finalement, par souci de cohérence et de transparence, de traiter la question des heures supplémentaires d’un seul tenant, dès l’examen de cette loi de finances rectificative. C’est cette seconde démarche, qui ne figurait pas au programme du Gouvernement, – cela n’aura échappé à personne – qui a prévalu, la commission m’ayant suivi sur ce point.

La question de l’entrée en vigueur de la disposition s’est posée assez largement lors du débat, et je me suis déjà longuement exprimé sur la question de la petite rétroactivité – notion que les membres de la commission des finances connaissent bien.

Nous avons évoqué, comme date d’entrée en application de la mesure, le milieu de l’année – je l’ai moi-même évoqué à cette tribune dans mon discours liminaire –, à savoir le 1er juillet. Nous aurons l’occasion d’en rediscuter lors de l’examen des sous-amendements, mais nous sommes dans l’épaisseur du trait.

M. Jean-François Lamour. Tous ceux qui sont concernés seront contents de l’apprendre !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Nous avons en effet souhaité, en commission des finances, traiter la question d’ensemble de la suppression des exonérations sociales et fiscales, car il nous a semblé qu’il existait une grande ambiguïté, y compris dans le débat public. Si beaucoup avaient compris que les exonérations seraient maintenues dans les entreprises de moins de vingt salariés, ils n’avaient pas perçu qu’il existait, en fait, deux types d’exonérations sociales – les exonérations patronales, d’un côté, salariales, de l’autre – et que, seules, les exonérations patronales des entreprises de moins de vingt salariés étaient maintenues. Beaucoup n’avaient pas compris non plus qu’à côté de la question des exonérations salariales ou patronales, se posait celle des exonérations fiscales pour les contribuables assujettis à l’impôt sur le revenu.

Dans un souci de clarté sur ce sujet compliqué, j’ai proposé au rapporteur général d’intégrer, si possible, la question fiscale dans ce collectif. S’il est vrai que l’on pouvait parfaitement traiter l’exonération fiscale dans le cadre de la loi de finances pour 2013, je pensais toutefois qu’il était à tous égards préférable de l’aborder dans ce collectif. Je me réjouis, par conséquent, que notre proposition ait été acceptée.

Quant au débat, ensuite, sur la date d’effet, nous avons soulevé un point essentiel. En matière de droit fiscal, on peut juridiquement admettre la rétroactivité au titre de l’impôt sur le revenu, lequel est, en effet, payé avec un an de décalage. Mais pour des raisons de loyauté fiscale, c’est une chose que l’on ne fait pas s’agissant des mesures d’assiette. En revanche, on peut procéder ainsi pour des mesures de changement de barème. Peut-être serez-vous ainsi conduits, lors de l’examen de la loi de finances pour 2013, à créer une tranche supplémentaire, qui sait à 45 % : que cette tranche s’applique sur les revenus de 2012, cela sera tout à fait admis. Par contre, modifier l’assiette, en particulier une exonération, ce qui est le cas pour les heures supplémentaires, n’était pas possible.

Le rapporteur général nous propose la date du 1er juillet 2012. J’exposerai, pour ma part, tout à l’heure, dans le cadre d’un sous-amendement, les raisons pour lesquelles il me paraît préférable d’articuler la date avec celle des cotisations sociales, donc de la fixer au 1er septembre.

Toujours est-il que je me réjouis que, suivant en cela le débat que nous avons eu en commission des finances, l’amendement qui nous est présenté n’ait pas de caractère rétroactif. Je tenais à le souligner.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je tiens à remercier la commission des finances pour le travail effectué. Il est vrai que l’on peut trouver parfaitement légitime que la totalité de la question soit traitée au cours d’un seul et même débat et non lors de deux débats. L’opposition comme la majorité y trouvent d’ailleurs leur compte, puisque l’une et l’autre font valoir des cohérences, certes adverses, mais que l’on ne peut nier. Je remercie donc la commission des finances d’avoir suggéré, très fortement, qu’il en soit ainsi dans le cadre de ce collectif. À cet égard, et si j’ai bien compris, le travail complémentaire du rapporteur général et du président de la commission des finances est de bon augure pour l’activité de cette commission dans la mandature qui s’annonce. Là encore, il me semble que cela s’inscrit dans une tradition qui a commencé à voir le jour lors de la mandature précédente, ce dont, au fond, l’Assemblée n’a, en vérité, pas eu à se plaindre.

Pour ce qui est de la question de la rétroactivité que le président de la commission des finances vient d’aborder, je souscris à son analyse. En matière d’impôt sur le revenu, et quelle que soit l’année au cours de laquelle est modifié l’impôt sur le revenu qui sera acquitté l’année suivante, les mesures adoptées tendant à réviser le régime existant préalablement ne sont pas rétroactives.

Les exemples, sous toutes les majorités, sont très nombreux de dispositions adoptées en cours d’année qui modifient l’impôt sur les revenus de cette année. Cela s’est avéré lors de la précédente mandature à au moins deux reprises concernant des taux.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Tout à fait.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Mais cela a également été vrai, monsieur le président de la commission des finances, lors de la précédente mandature pour des mesures d’assiette. Souvenez-vous de la surtaxe à l’impôt sur le revenu, adoptée par la majorité précédente, de 3 % pour les revenus supérieurs à 250 000 euros par part et de 4 % pour ceux supérieurs à 500 000 euros par part. Cette surtaxe disposait d’une assiette différente de celle de l’impôt sur le revenu. Il s’agissait donc bien d’une mesure d’assiette prise dans l’année où les revenus étaient constatés pour acquitter un impôt – impôt sur le revenu et surtaxe à l’impôt sur le revenu – l’année suivante. Il y a donc eu, au moins dans la mandature précédente, un exemple de mesure que l’on ne peut pas davantage qualifier de rétroactive et qui ne touchait pas les taux, mais l’assiette.

Qu’il s’agisse d’une modification de taux – ce n’est pas le cas – ou d’une mesure d’assiette – c’est le cas –, toute mesure prise au cours de l’année N pour l’acquittement de l’impôt sur le revenu au titre de cette année et de l’année suivante n’est pas rétroactive.

Je comprends que, pour la commodité du débat politique, certains aient cru bon de dénoncer la rétroactivité – oserai-je dire que c’est de bonne guerre ? Mais, en vérité, il n’y a pas de rétroactivité. Je remercie le président de la commission des finances pour les propos catégoriques qu’il a pu tenir à cet égard.

Reste maintenant la question de la date d’effet de la mesure. On comprend bien qu’entre le 1er janvier et le 31 décembre, il n’y aurait pas de rétroactivité. En revanche – et je reprends à mon compte le mot du président de la commission des finances – il pourrait y avoir une forme de déloyauté à l’égard des salariés dont on peut imaginer que, sinon tous, en tout cas certains, ont effectué ces heures supplémentaires parce qu’ils en espéraient, d’abord et prioritairement, un avantage non seulement social, mais également fiscal.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Exactement !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Il est extrêmement douteux que tous les salariés aient effectué des heures supplémentaires dans ces conditions en espérant cet avantage fiscal, mais, après tout, l’on ne peut exclure qu’au moins un parmi ceux-ci l’ait fait. Ne serait-ce qu’à son égard, il serait probablement déloyal de fixer cette mesure à la date du 1er janvier. La commission des finances, à l’initiative de son rapporteur général, a donc décidé de fixer la date d’effet au 1er juillet. Mais si l’on admet que cette question, non de rétroactivité, mais de déloyauté fiscale prévaut, ce n’est pas, me semble-t-il au 1er juillet qu’il faut faire prendre effet à cette mesure, mais au 1er août, date à laquelle – on peut en tout cas l’espérer – la loi sera votée et sinon promulguée, en tout cas en voie de l’être à vingt-quatre ou quarante-huit près, puisque l’on connaît les délais que se donne le Conseil constitutionnel pour valider ou non les lois de finances.

Je vous propose, donc, monsieur le rapporteur général, en vous remerciant de votre travail, de sous-amender l’amendement adopté par la commission, afin de reporter d’un mois, donc du 1er juillet au 1er août, la date d’effet de cette mesure. Il n’y aura alors ni rétroactivité ni déloyauté. Ce sera, pour la majorité, la mise en œuvre d’une mesure que chacun de ses membres comprend comme devant être prise par le Parlement sur proposition du Gouvernement.

Il y aura naturellement un rejet de la part de l’opposition. Cette politique que nous mettons en œuvre ne rencontre pas son accord. La chose est peu choquante, elle est adverse à ce qui s’est fait ces cinq dernières années. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mais telle est la solution que le Gouvernement vous propose, à savoir en accepter le principe, faire en sorte que, dans ce débat, la totalité de la politique souhaitée soit exposée et, je l’espère, votée par le Parlement et, concernant la fiscalisation des heures supplémentaires, faire prendre l’effet à la date du 1er août comme le propose un sous-amendement du Gouvernement et non au 1er juillet ainsi que le souhaitaient, pour des raisons que je peux comprendre, la commission des finances et son rapporteur général.

M. le président. Pour la bonne organisation de nos débats, je vais d’abord donner la parole à tous ceux qui ont déposé un sous-amendement, avant de laisser intervenir tous ceux qui se seront inscrits dans le débat.

La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour présenter le sous-amendement n° 515.

M. Jean-Christophe Lagarde. Tous nos débats ont montré jusqu’à présent qu’en dépit de nos appels à ce qui nous semble être la raison économique, la majorité et le Gouvernement ont refusé d’admettre qu’ils allaient altérer la compétitivité de nos entreprises et de secteurs particulièrement fragiles. Mais, cette fois-ci, c’est du pouvoir d’achat qu’il s’agit.

Comme vous l’avez rappelé, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, la suppression du dispositif en question n’était pas prévue dans le texte initial du Gouvernement. On se demande d’ailleurs bien pourquoi, puisque le ministre vient de reconnaître que c’était parce qu’il était dans l’intention du Gouvernement d’introduire dans le projet suivant cette augmentation d’impôt pour les salariés qui effectuent des heures supplémentaires.

À cet égard, un argument opposé à plusieurs reprises par l’un des intervenants de la majorité m’a surpris. Celui-ci nous a, en effet, expliqué que les heures supplémentaires étaient une arme de destruction massive de l’emploi, ce qui n’a jamais été prouvé ou démontré, loin de là ! Nous disposons de chiffres, mais je n’allongerai pas le débat. De même, on nous a également dit que 1 000 foyers touchaient des sommes vraiment excessives. Dans ce cas, il existait une façon très simple de procéder : plafonner la défiscalisation autorisée, ce qui aurait évité de frapper 9,6 millions de nos concitoyens. Une telle disproportion me fait penser à cette phrase de Staline qui disait souvent qu’il préférait 100 innocents en prison plutôt qu’un coupable en liberté !

L’amendement en question, dont la constitutionnalité, monsieur le ministre, pourrait être discutable, est là pour rappeler que vous prônez cette politique. Vous dites qu’elle est diamétralement opposée à la précédente, car elle permettrait de créer des emplois – moins d’heures supplémentaires égalant, dans votre esprit, davantage d’emplois. Ce n’est pas vrai, je le dis et le répète, dans la fonction publique, puisque l’on va taxer « gratuitement » si j’ose dire deux millions de fonctionnaires.

M. le président. Je vous prie de bien vouloir conclure.

M. Jean-Christophe Lagarde. Puisque tout le monde a pris un exemple, j’aimerais conclure mon propos, monsieur le président, en en citant un. Dans ma commune, il y a, le dimanche, un marché piéton. Les employés municipaux sont chargés de fermer les rues. Croyez-vous franchement que ces fonctionnaires doivent être taxés ? Devrai-je sinon créer des emplois pour quatre heures par semaine uniquement ?

M. Dominique Baert. Oui !

M. Jean-Christophe Lagarde. Ces fonctionnaires, vous les pénalisez inutilement, car à cette perte de pouvoir d’achat s’ajoute le gel du point de la fonction publique que vous perpétuez. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Ils sauront en tout cas maintenant qu’ils devront participer à l’effort prétendument juste que vous voulez leur imposer.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances, pour présenter le sous-amendement n° 522.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Par ce sous-amendement, qui tend à prévoir à la même date, le 1er septembre, une entrée en vigueur de la suppression tant des exonérations salariales et patronales que de l’exonération fiscale, je souhaite en fait appeler votre attention, monsieur le ministre, sur l’alinéa 29 de l’article 2 qui traite de l’annualisation. Nous devons, sur ce point, approfondir les choses parce que selon moi la rédaction pose problème.

M. Jean-François Lamour. Tout à fait !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. En effet, s’agissant des cotisations salariales, deux cas de figure sont prévus. Premier cas : le salarié étant en régime normal, son temps de travail n’est pas annualisé. Dans ce cas, les heures supplémentaires ne font plus l’objet d’une exonération de cotisations salariales à compter du 1er septembre. Mais si le temps de travail de ce salarié est annualisé, il va bénéficier de l’exonération jusqu’à la fin de l’année.

Afin de bien faire comprendre cette question, permettez-moi de développer deux exemples. Imaginons le cas de M. Dupond, qui a été embauché dans son entreprise un 1er décembre. Son temps de travail est annualisé du début du mois de décembre jusqu’au 30 novembre. Supposons qu’il fasse une heure supplémentaire chaque semaine. Ces heures supplémentaires, tel qu’est rédigé l’alinéa 29, seront exonérées jusqu’au 30 novembre 2012 puisqu’il est annualisé dans le cadre d’un contrat de travail qui a commencé le 1er décembre.

Imaginons maintenant le cas de son voisin, M. Dupont, dont l’entreprise n’annualise pas le temps de travail, et qui réalise exactement le même nombre d’heures supplémentaires, soit une heure supplémentaire par semaine. Celui-ci va voir ses heures supplémentaires cesser de bénéficier de l’exonération dès le 1er septembre.

Je me demande s’il n’y a pas une rupture d’égalité entre ces deux régimes.

Mais puisque l’amendement de la commission des finances traite également de la défiscalisation, et je m’adresse particulièrement au rapporteur général, il me semble que l’on doive également envisager un dispositif au titre de l’annualisation. Car c’est le phénomène inverse qui va se produire : le salarié qui est annualisé, et dont le contrat de travail a commencé au 1er décembre, verra ses heures supplémentaires décomptées dans le courant du mois de novembre, c’est-à-dire postérieurement à la date du 1er août que vous proposez. Ainsi, la totalité de ses heures supplémentaires effectuées depuis le 1er janvier 2012 risque d’être fiscalisée. Il est avantagé au titre de la cotisation salariale dans le régime de l’annualisation, mais il est désavantagé au titre fiscal.

M. Marc Le Fur. Exactement !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. J’en termine par un dernier point, qui est peut-être tout aussi important. Lors de votre audition devant la commission des finances, monsieur le ministre, nous avions été surpris du traitement particulier réservé aux agents publics. Le texte évoque les salariés et les agents publics, et il faut le lire comme concernant les salariés du privé et les agents publics qui sont annualisés.

Nous nous sommes particulièrement penchés sur le cas des enseignants. L’alinéa n° 29 s’applique : « lorsque la période de décompte du temps de travail ne correspond pas au mois calendaire et est en cours au 1er septembre 2012 ». Or un enseignant commence en général son cycle de travail à compter du 1er septembre, ils sont d’ailleurs souvent embauchés à cette date. Une lecture stricte interdirait donc aux enseignants le bénéfice de l’alinéa 29 car leur annualisation ne sera pas en cours au 1er septembre, mais commencera à cette date. Je crains donc une interprétation juridique difficile de cette disposition.

Je ne vous demande pas une réponse dès ce soir, mais le texte devra être adapté d’ici son examen au Sénat. Il me semble sinon, monsieur le ministre, qu’il existerait un risque de rupture d’égalité.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour défendre le sous-amendement n° 516.

M. Philippe Vigier. J’ai écouté le président de la commission des finances avec beaucoup d’intérêt. Si Charles de Courson aura également l’occasion d’apporter quelques compléments, Gilles Carrez a bien fait de nous alerter sur les risques encourus.

Chacun sait d’où nous venons : après avoir prévu une rétroactivité à la date du 1er janvier, nous sommes passés au 1er juillet et, maintenant, le ministre nous propose la date du 1er août. Par ce sous-amendement, nous proposons de fixer la date d’entrée en vigueur de la disposition au 1er septembre, avec un élément complémentaire que Charles de Courson évoquera : il ne serait pas acceptable en effet que les salariés du public bénéficient d’un traitement particulier par rapport à ceux du privé.

Mes chers collègues de la majorité, je suis un peu surpris que vous preniez tant de liberté avec les engagements du Président de la République énoncés dans un document écrit que vous avez brandi partout lors de la campagne législative et sur lequel le Président de la République s’est répandu pendant de longs mois. Or voilà que tout à coup, vous décidez d’en retenir certains éléments et d’en rejeter d’autres. Et il en va de même du doublement du plafond du livret A : nous ne savons pas encore ce qui va se passer.

Tout à l’heure, notre collègue Gagnaire s’est lancé sur une autre piste, critiquant les auto-entrepreneurs. Peut-être en saurons-nous plus ce soir ?

Chers collègues de la majorité, quand on prend des engagements, il faut les tenir. Accordez-nous, même si vous ne les partagiez pas, d’avoir tenu les engagements que nous avions pris. À parole donnée, parole tenue.

Hier, vous avez donné un grand coup de canif dans la compétitivité, ce soir vous tuez le pouvoir d’achat.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour défendre l’amendement n° 525 rectifié.

M. Marc Le Fur. Je ne reviendrai pas, monsieur le ministre, sur le rétropédalage de la majorité, afin d’essayer d’être le plus positif possible.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Tous aux abris ! (Sourires)

M. Marc Le Fur. Monsieur le ministre, j’adhère à votre idée de ne pas imposer les heures supplémentaires effectuées avant le 1er août. Mais, dans les hypothèses d’annualisation, ces heures sont dans bien des cas souvent payées bien plus tard.

Prenons l’exemple du principal employeur de ma circonscription, la Cooperl, principal producteur de viande porcine de France et l’un des principaux en Europe. Les heures supplémentaires sont annualisées et payées en janvier de l’année suivante, donc en janvier 2013 pour l’année en cours.

Si nous nous plaçons dans la situation d’un collaborateur de cette entreprise qui a fait l’essentiel de ses heures supplémentaires avant le 1er août, il ne doit pas être imposé, quelle que soit la date du paiement de ses heures supplémentaires. Or, il risque de l’être.

Mon idée est donc très simple, et elle vous semblera d’autant plus facile que vous êtes entouré de gens très intelligents – vous l’êtes d’ailleurs tellement vous-même, monsieur le ministre, que vous n’avez pas besoin de conseillers ! (Sourires). Il faut appliquer l’idée sous-tendue à l’alinéa n° 29 de l’article 2, qui porte sur les cotisations sociales, c'est-à-dire distinguer le moment où les heures supplémentaires sont effectuées du moment où elles sont payées.

Dès lors que les heures supplémentaires ont été effectuées avant la promulgation de la loi – nous pouvons admettre la date du 1er août afin de simplifier les calculs –, elles ne doivent pas donner lieu à fiscalisation quelle que soit la date à laquelle elles seront payées, cette date résultant d’accords d’entreprises et d’accords d’annualisation. C’est la condition pour que ce texte ne soit pas trop injuste.

À défaut, nous risquons de créer une situation d’inégalité devant l’impôt, et je rappelle que le juge constitutionnel est extrêmement attentif sur cette question.

M. Guy Geoffroy. Voilà qui devrait convaincre le ministre !

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson pour défendre le sous-amendement n° 521.

M. Charles de Courson. Nous sommes dans une situation dont nous ne pourrons sortir qu’en fixant toutes les dates au 1er janvier 2013 si nous voulons respecter le principe d’égalité.

En amont, le texte distingue deux régimes pour les cotisations sociales : le régime au 1er septembre lorsque l’on n’est pas annualisé, et le régime au 1er janvier 2013 si l’on est annualisé. Mais en matière fiscale, le principe d’égalité s’applique. Pourquoi certaines heures supplémentaires seraient traitées différemment selon que l’on est annualisé ou pas ? C’est impossible, et vous vous dirigez tout droit vers une annulation par le Conseil constitutionnel. Certains s’en réjouiront d’ailleurs, et peut-être nous ne devrions-nous pas vous aider comme nous le faisons avec le président de la commission !

Il me semble que la seule solution pour respecter le principe d’égalité est de fixer la date au 1er janvier 2013. Je ne vois pas comment s’en sortir autrement.

M. Guy Geoffroy. La solution, c’est le maintien de la défiscalisation des heures supplémentaires !

M. Charles de Courson. Cette question en soulève une autre, qui est de savoir si l’on peut traiter différemment les exonérations de cotisations sociales. Mais il me semble que le principe d’égalité ne s’applique pas dans ce cas.

Quoi qu’il en soit, il me semble qu’en matière fiscale, la seule solution est de reculer la date au 1er janvier 2013, sinon il y aura un motif d’annulation.

M. Guy Geoffroy. Une annulation de l’article 2 !

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour présenter le sous-amendement n° 524 rectifié.

M. Marc Le Fur. Il s’agit d’un amendement de repli, mais l’idée reste identique : dans les nombreuses entreprises au sein desquelles le temps de travail est annualisé, les calculs sont faits pour l’année 2012 en janvier 2013.

Sur le fond, je suis opposé à la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires, mais quitte à le faire, ne faites pas une sottise, ne créez pas des phénomènes d’inégalité.

Tout cela est révélateur d’une impréparation qui n’est pas commune, monsieur le ministre !

M. François Brottes. C’est un expert qui parle !

M. Marc Le Fur. Évitons au moins de créer des inégalités criantes qui ne seront pas comprises de nos compatriotes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces sous-amendements, étant entendu que le Gouvernement s’est déjà exprimé sur son sous-amendement n° 539 ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je suis prêt à accepter toutes les critiques, mais pas celle de l’impréparation : les sujets que M. Le Fur vient d’évoquer ne nous avaient pas complètement échappés. Le ministre confirmera les choses, mais les services du rapporteur général et les services ministériels ont travaillé sur le sujet et sont parvenus à un accord.

L’idée est de transposer ce qui a été fait en 2007 lorsque vous avez fait voter la loi TEPA, pour la mise en œuvre de la fin de l’exonération.

Pour les heures supplémentaires qui sont comptabilisées en cycles, la doctrine qui avait été adoptée, et que je proposerai de reprendre – l’instruction fiscale fixera les choses –, dispose que si le cycle se termine avant le 31 décembre, l’ensemble des heures supplémentaires de l’année allant jusqu’au 31 décembre seraient exonérées au titre de l’impôt sur le revenu. Si le cycle finissait après le 31 décembre, seules les heures supplémentaires réalisées après cette date seraient imposées. Il reste, certes, encore un peu de chemin à parcourir, et la navette permettra de préciser les choses.

M. Marc Le Fur. Vous ne retenez donc plus la date du 1er août, c’est le 31 décembre ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il n’est ici question que des heures supplémentaires comptabilisées en cycle – vous avez, vous, parlé d’annualisation. Comme l’a décrit le président de la commission, certains cycles commencent le 1er janvier, mais d’autres peuvent commencer en cours d’année.

S’agissant des sous-amendements de nos collègues, ils n’ont pas été examinés par la commission et l’on me permettra, donc de ne donner que l’avis du rapporteur général.

M. Guy Geoffroy. On reverra la copie en commission !

M. Christian Eckert, rapporteur général. S’agissant du sous-amendement n° 515 de notre collègue Lagarde qui propose de distinguer le cas des fonctionnaires, des travailleurs à temps partiel etc., lui-même n’y croit pas.

M. Jean-Christophe Lagarde. Si !

M. Christian Eckert, rapporteur général. L’inconstitutionnalité de cette mesure saute aux yeux de tout parlementaire, a fortiori d’un député expérimenté comme Jean-Christophe Lagarde ! De toute évidence, ce sous-amendement serait immédiatement frappé par une censure constitutionnelle, et personne ne s’en étonnerait.

M. Jean-Christophe Lagarde. J’ai eu un moment d’inadvertance…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Les autres sous-amendements proposent des changements de date. Votre rapporteur général n’exprimera un avis favorable que sur le sous-amendement n° 539 du Gouvernement, ce qui ne surprendra guère,…

M. Guy Geoffroy. Il mange son chapeau !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …qui propose la date du 1er août. Si le 1er juillet peut être considéré comme le milieu de l’année, peu d’heures supplémentaires sont effectuées entre le 1er juillet et le 1er août. Ce n’est pas la saison des heures supplémentaires, hormis dans certaines professions très particulières.

M. Jean-François Lamour. Faites encore un petit effort.

M. Christian Eckert, rapporteur général. J’émets donc un avis favorable sur le sous-amendement du Gouvernement et un avis défavorable sur l’ensemble des autres sous-amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Sur le sous-amendement, n° 515, de M. Lagarde, qui conduirait à introduire une rupture d’égalité devant l’impôt entre agents publics et ceux qui ne le sont pas, le Gouvernement émet un avis défavorable pour des raisons que chacun peut comprendre.

À Gilles Carrez, qui s’y attend probablement, je dirai que son sous-amendement, n° 522, proposant la date du 1er septembre rencontre un avis défavorable du Gouvernement. Le problème qu’il a soulevé étant réel, je voudrais répondre à sa remarque concernant les salariés qui font des heures supplémentaires dans un cycle ou sous une forme annualisée. Il y a cinq ans, à l’occasion, si j’ose dire, d’un phénomène inverse, le même problème s’était posé.

M. Guy Geoffroy. Mais cela allait dans le bon sens !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. La majorité de l’époque l’ayant traité par voie d’instruction fiscale, nous nous sommes inspirés, au moins pour la méthode, de ce qui fut fait il y a cinq ans. L’instruction fiscale avait été publiée au Bulletin officiel des impôts – sous la référence 5F13 08 pour ceux que cela pourrait intéresser. Je m’adresse à cet égard tout particulièrement au député Marc Le Fur que je sais friand de ce type de lecture !

Au-delà de cette référence, je voudrais éclairer la représentation nationale avant qu’elle ne s’exprime. Le rapporteur général a clairement indiqué que passé le 31 décembre, la chose ne serait pas possible. Autre critère : il faut que le cycle d’heures supplémentaires annualisées ait démarré avant le 1er août et non après.

Dès lors que ce cycle aurait démarré avant le 1er août et serait limité par le 31 décembre, les heures supplémentaires effectuées dans ce cycle bénéficieraient du système prévalant avant que l’Assemblée, je l’espère, puis le Sénat votent ce que le Gouvernement propose au Parlement.

S’agit-il d’une rupture d’égalité ? Je ne le crois pas dans la mesure où, en sens inverse, il n’y avait pas rupture d’égalité. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Marc Le Fur, M. Éric Woerth et M. Christian Jacob. Mais là, ce n’est pas la même chose.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Vous pouvez penser qu’il y a rupture d’égalité. J’essaie quant à moi de vous indiquer pourquoi ces craintes pourraient se révéler vaines. Mais si vous avez raison, le Conseil constitutionnel pourra vous donner satisfaction. Dès lors, ne vous indignez pas trop et par avance des erreurs que, selon vous, je suis en train de commettre.

M. Jean-Christophe Lagarde. Oui !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je maintiens qu’à partir du moment où le Conseil constitutionnel a estimé qu’il n’y avait pas rupture d’égalité dès lors que les salariés bénéficiaient de la défiscalisation des heures supplémentaires par la méthode du cycle annualisé avec les mêmes références de date, je ne vois pas pourquoi, à rebours, le même Conseil jugerait cette disposition inconstitutionnelle au motif d’une rupture d’égalité devant l’impôt.

Je ne suis pas sûr que nous soyons tous aussi qualifiés que Charles de Courson pour discourir de la Constitution – je suis même persuadé du contraire. En toute hypothèse, ce n’est pas forcément dans cette enceinte qu’un débat juridique de nature constitutionnelle a sa place.

M. Guy Geoffroy. Tout de même !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Nos débats sont davantage de nature politique, même si, naturellement, nous devons veiller à ce que tout se déroule correctement du point de vue juridique.

Au cas où cela aurait échappé à certains, le projet de loi a tout de même été soumis au Conseil d’État. Certains peuvent en avoir une piètre opinion, mais tel n’est pas mon cas ni celui de l’ensemble des membres de cette assemblée. (Murmures sur les bancs du groupe UMP.)

L’hypothèse en question a évidemment été discutée avec les uns et les autres, et c'est avec de très raisonnables espoirs de voir le Conseil valider ce que je vous propose que je suggère à l’Assemblée nationale de voter l’amendement de la commission, sous-amendé par le Gouvernement et de rejeter les autres sous-amendements qu’il s’agisse de catégories de salariés, de dates ou de toute autre modification qui fragiliseraient sur le plan juridique ou politique ce que le Gouvernement propose à l’Assemblée nationale. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Les enjeux sont importants, les questions sont difficiles et le Gouvernement a décidé de précipiter une décision qui n’était pas envisagée au départ. À cela, il y a une explication politique assez simple, à savoir que le Gouvernement et la majorité se sont rendu compte que cette affaire d’heures supplémentaires causeraient bien plus de dégâts politiques qu’ils ne le pensaient.

M. Marc Le Fur et M. Jean-François Mancel. Tout à fait.

M. Hervé Mariton. Le choix initial, assez raisonnable, consistant à se donner du temps pour trouver la bonne réponse et d’en discuter lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2013, a été remis en cause. La majorité se retrouve ainsi dans la situation de devoir chercher une solution dès maintenant pour en finir au plus vite, mettant de côté les raisons de recettes.

M. Guy Geoffroy. Absolument.

M. Hervé Mariton. On aurait pu également penser que tout à la recherche de recettes, le Gouvernement propose que la fiscalisation puisse intervenir plus rapidement. Mais faute, apparemment, d’être très déterminé sur la date à retenir – 1er juillet ou 1er août –, les commentaires que nous venons d’entendre sont plutôt la démonstration que la question ne porte pas sur la recherche de recettes, mais sur les moyens de se débarrasser le plus rapidement possible du débat politique qui tourne autour de cette funeste affaire de la fiscalisation des heures supplémentaires.

À cet égard, l’opposition a pu observer certaines variations quant au calendrier. Dans sa version initiale, le collectif budgétaire ne contenait aucune disposition concernant la défiscalisation des heures supplémentaires. Puis, première modification, le rapporteur général a proposé la date du 1er juillet.

M. Philippe Vigier et M. Charles de Courson. Non, le 1er janvier.

M. Hervé Mariton. Le 1er janvier, en effet – autant pour moi. Mais si cette option pouvait avoir peut-être une cohérence en termes de recettes, elle a été abandonnée en faveur – deuxième modification – de la date du 1er juillet. J’ai alors fait respectueusement observer au rapporteur général, qui m’a rabroué, que cette date ne correspondait à rien. Pourtant, le Gouvernement l’a immédiatement contrecarré en proposant le 1er août.

M. le président. Merci de conclure, monsieur Mariton.

M. Hervé Mariton. Rien ne nous assure que la loi de finances rectificative aura été promulguée le 1er août. De surcroît, il y aurait une cohérence à s’aligner soit sur le dispositif charges sociales, le 1er septembre, soit, même si c’est un peu compliqué en termes de calcul, sur la date de la promulgation de la loi.

Je l’ai dit au rapporteur général et au Gouvernement : s’agissant de la fiscalité sur les successions, ils ont eu l’élégance de ne pas prévoir de petite rétroactivité, mais ils s’inscriraient dans une logique intelligente en décidant que le dispositif prend effet au moment de la promulgation de la loi. Ce serait le plus cohérent, réserve faite des observations techniques qui ont été avancées par ailleurs.

Je crains malheureusement que la technique soit en l’occurrence de peu de poids. Tout ce que veut la majorité, c’est se débarrasser de cette discussion. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson – pour deux minutes, remarque qui s’adresse à tous les orateurs inscrits dans cette discussion.

M. Charles de Courson. Retenir le 1er août plutôt que le 1er juillet comme date d’entrée en vigueur de la suppression de l’exonération fiscale n’est pas une meilleure idée, monsieur le ministre.

M. Marc Le Fur. Tout à fait.

M. Charles de Courson. La commission mixte paritaire se réunira le 30 juillet. Le Conseil constitutionnel disposant alors de huit jours pour statuer en urgence, sa décision sera publiée autour du 9 ou 10 août et non du 1er août.

Au-delà de cette petite observation technique, vous ne vous sortirez pas sur le fond, monsieur le ministre, du problème que j’ai soulevé tout à l’heure, à savoir le choix de deux dates différentes pour fixer la fin des exonérations des cotisations sociales. Autant vous pouvez plaider qu’en matière de cotisations sociales, le principe d’égalité n’existe pas forcément, autant vous ne pouvez soutenir la même position en matière fiscale.

Quelle que soit la date que vous choisissiez, hormis celle du 31 décembre, vous vous heurterez toujours au même problème, à savoir l’annualité de l’impôt sur le revenu. La seule solution serait donc, comme nous vous le proposons, de retenir la date du 1er janvier 2013.

M. Régis Juanico. Le 1er janvier 2012 !

M. Charles de Courson. Une autre solution connue – qui vient d’être rappelée par l’un de nos collègues – serait de revenir à la solution Eckert première version, à savoir le 1er janvier 2012. Certes, cela n’est pas anticonstitutionnel, mais il n’en restera pas moins que pendant sept mois des heures supplémentaires auront été faites dans un cadre juridique que vous modifiez rétroactivement. Si cette rétroactivité n’est pas un problème s’agissant de l’impôt, il n’en va pas de même du point de vue des acteurs économiques, que vous aurez trompés.

La seule solution, monsieur le ministre, c’est le 1er janvier 2013.

M. Guy Geoffroy. Ou de renoncer à l’article 2.

M. Christian Jacob. Ce serait même mieux.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Que les choses soient bien claires : nous, nous sommes contre la fiscalisation des heures supplémentaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Guy Geoffroy. Il faut être sage !

M. Marc Le Fur. Mais quitte à ce que cela s’applique, faisons en sorte – ainsi que les moralistes de tout temps nous le dictent – de choisir le moindre mal.

Selon notre collègue Mariton, si vous n’avez pas prévu la fiscalisation dans le texte initial c’est parce que vous n’aviez pas pris la mesure de l’impopularité de la mesure. Vous vous en rendez compte maintenant. Quitte à absorber un mauvais médicament, autant que cela se fasse alors en une fois.

M. Charles de Courson. Oui.

M. Marc Le Fur. Mais il est une autre hypothèse qui, elle, révélerait alors un certain cynisme : vous ne vouliez pas que cette disposition fiscale soit soumise à l’avis du Conseil d’État, lequel aurait en effet pu peut-être révéler les inégalités sous-jacentes à cette mesure. Puisque cela ne figurait pas dans le projet, cela n’avait donc pas à être soumis, de la même façon que pour un amendement, à l’avis du Conseil d’État. On se prive, certes, d’une compétence, mais on contourne une difficulté.

L’idée étant d’éviter les inégalités, soit vous choisissez août et vous pénalisez ceux qui sont annualisés et qui seront payés après, soit vous prenez en compte l’annualisation, mais à ce moment-là, vous les avantagez par rapport à ceux qui ne sont pas annualisés.

Une autre difficulté existe. Ma circonscription, par exemple, accueille de nombreuses entreprises laitières pour lesquelles l’année laitière commence le 1er avril. (Sourires.) Cela signifie que toutes les heures supplémentaires seront calculées du 1er avril 2012 au 1er avril 2013.

M. Christian Jacob. Il boit du petit-lait !

M. Marc Le Fur. Comment faire pour que les heures supplémentaires effectuées entre le 1er avril 2012 et le 1er août 2012 ne soient pas fiscalisées ?

M. Guy Geoffroy. C’est une régression sociale.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

M. Jean-Frédéric Poisson. Exactement !

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous m’autoriserez à cet égard à avoir une autre explication de la précipitation du Gouvernement,…

M. Guy Geoffroy. Précipitation et égarement !

Mme Marie-Christine Dalloz. …qui a d’abord proposé de porter la date de l’entrée en vigueur de la suppression de l’exonération au 1er janvier 2012.

Mon explication, que l’on pourra trouver un peu tortueuse, je vous l’accorde, serait que vous avez rêvé que cette disposition pourrait alors s’appliquer sous le mandat de l’ancien Président. Je crois vraiment que certains ont pu imaginer faire ce mauvais coup concernant les heures supplémentaires.

M. Guy Geoffroy. On peut tout imaginer avec eux !

Mme Marie-Christine Dalloz. En appliquant de manière rétroactive le dispositif au 1er janvier 2012, c’est sous le mandat de Nicolas Sarkozy qu’il serait entré en vigueur !

Permettez-moi en tout cas d’avoir aussi une pensée pour les comptables et les experts-comptables. Eux qui n’ont pas de licences ès socialisme, comment vont-ils faire pour calculer, dans les conditions envisagées, les charges sociales et fiscales ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

Plus sérieusement, je rappelle que la fiscalité des salariés est calquée sur l’année civile. Faisons donc simple : retenons la date du 1er janvier 2013.

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. À ce stade du débat, nous voyons bien qu’il existe deux solutions.

Ou bien l’on en reste au droit actuel, et les heures supplémentaires continuent de bénéficier d’une défiscalisation et d’une exonération de charges salariales et patronales. C’est la solution que nous défendons depuis maintenant plusieurs heures.

Ou bien le Gouvernement ne le veut pas – et j’ai l’impression que la majorité veut le suivre dans cette mauvaise voie – et, à ce moment-là, la question de l’annualisation apparaît dans toute sa complexité : alors que certains salariés sont annualisés et d’autres pas, certains salariés annualisés seraient défiscalisés avant le 1er août quand d’autres connaîtraient des traitements différents. Or ce que tous retiennent, c’est que ces heures ont effectivement été travaillées et toute date d’effectivité choisie avant la promulgation de la loi peut apparaître comme un changement des règles du jeu, même si, d’un point de vue juridique, je comprends vos arguments, monsieur le ministre. Cette rétroactivité, nous l’avons combattue et nous nous réjouissons que vous ayez rectifié votre position.

La meilleure solution, en tout état de cause, si vous souhaitez mettre fin au dispositif d’exonération des heures supplémentaires, est de fixer la date au 1er janvier 2013. Ce serait la sagesse.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Sur le plan de la constitutionnalité, monsieur le ministre, vous avez de sérieux motifs d’inquiétude que vous n’auriez pas si vous choisissiez le 1er janvier 2013.

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est ridicule !

M. Jean-Christophe Lagarde. Permettez-moi d’énumérer ces motifs, monsieur le rapporteur général : vous savez bien que le Conseil constitutionnel, lorsqu’il est saisi d’un texte, lit nos débats pour connaître les intentions du législateur, mais aussi les objections qui ont pu être formulées.

Premièrement, vous prétendez que le Conseil d’État est favorable à cette disposition. Or, par définition, il n’a pu se prononcer à son sujet, car c’est par un amendement du groupe socialiste qu’elle a été ajoutée au texte initial. C’est d’ailleurs peut-être pour cette raison que le groupe socialiste a été chargé de cette sale besogne.

Je ferai à cet égard observer que le Conseil d’État et le Conseil constitutionnel ont régulièrement des interprétations divergentes en matière de constitutionnalité.

Deuxièmement, vous avez affirmé qu’il n’y aurait pas de raison que le texte soit invalidé puisque vous opérez une transposition du dispositif de 2007. Le problème est qu’en 2007, le Conseil constitutionnel n’a pas été saisi de la loi en question. Puisqu’il n’a pas eu à se prononcer, il n’a pu valider le dispositif alors adopté.

Troisièmement, il faut prendre en compte le renouvellement du Conseil constitutionnel. Je pense en particulier à l’entrée de nouveaux membres comme Michel Charrasse, ancien ministre du budget qui connaît bien ces sujets. Il pourrait s’interroger légitimement sur ce dispositif fiscal avec peut-être plus de lumières que certains de ses collègues.

Quatrièmement, il faut établir une différence entre deux dispositifs : les dispositifs d’exonération ne sont pas exposés au risque de censure faute de dolosité pour le contribuable. En revanche, les dispositifs de fiscalisation, qui impliquent une dolosité, sont quant à eux susceptibles de faire l’objet d’une intervention destinée à éviter les inégalités entre les citoyens.

Cinquièmement, ce procédé – c’est important de le souligner pour les juges constitutionnels – a permis au Gouvernement d’éviter de présenter à l’Assemblée nationale une étude d’impact, désormais obligatoire pour tout projet de loi. Charger le groupe socialiste d’introduire cette mesure par voie d’amendement, c’est un moyen de priver de cette étude d’impact l’opposition qui n’aura pu ainsi disposer de tous les éléments d’appréciation nécessaires à son vote. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ce débat mérite certains éclaircissements, ne serait-ce qu’au regard des interprétations qui pourraient en être faites, voire d’éventuels contentieux qu’examinerait le Conseil constitutionnel.

Mon cher collègue Lagarde, je tiens à votre disposition la décision du 16 août 2007 du Conseil constitutionnel. Vous venez d’affirmer de façon péremptoire qu’il n’avait pas été saisi. Or, il a bien été saisi, je crois même par l’un de vos collègues.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il reste le Conseil d’État !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Encore une fois, je veux bien vous entendre exprimer tous les désaccords politiques de fond possibles, mais ne racontons pas n’importe quoi.

Quant à la question de la date et de la difficulté technique…

M. Jean-Christophe Lagarde. Juridique !

M. Christian Eckert, rapporteur général. … liée au choix de la mise en œuvre voire, oserais-je dire, du raccordement des dispositifs, c’est parce que vous avez eu la même difficulté en 2007 que vous avez mis au point une doctrine que nous ne faisons que reprendre.

Monsieur Woerth, je suis vraiment surpris que vous puissiez affirmer que la meilleure solution consisterait à fixer la date de fin du dispositif d’exonération au 1er janvier 2013. Vous êtes pourtant un spécialiste de ces questions : si un cycle se termine au 1er février 2013, comment la solution de la date du 1er janvier 2013 résoudrait la difficulté consistant à évaluer le nombre d’heures assujetties par cycle, qu’ils soient annuels, semestriels ou mensuels – il existe des cycles totalement atypiques dans certaines professions.

La réponse est très simple, même si la question est compliquée : nous transposerons, par symétrie, la même doctrine que celle qui avait prévalu au commencement du dispositif. Nous avons toutes les raisons de procéder ainsi.

Je veux bien encore une fois être accusé de toutes les perversités du monde,...

M. Jean-Christophe Lagarde. Seulement quelques-unes !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …mais il ne vous aura pas échappé que certains arguments d’ordre politique ont pu guider notre choix d’introduire cette disposition par voie d’amendement.

Pour finir, j’aimerais revenir aux propos de l’un d’entre vous qui affirmait qu’il ne s’agissait pas d’un problème de rendement. Rappelons tout de même que, même avec la modification qui est en cours d’adoption, la mesure pèsera pour plus de 500 millions d’euros dans notre budget.

Vous considérez peut-être que c’est un effet totalement négligeable. Nous considérons que c’est aussi une façon d’atteindre notre objectif de ramener le déficit à 4,5 % à la fin de l’année.

M. Charles de Courson. Ce sera l’année prochaine pour l’impôt sur le revenu !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Non, monsieur de Courson : des recettes seront assurées dès cette année par les mesures que nous nous apprêtons à voter.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. De nombreuses remarques intéressantes ayant été présentées, le Gouvernement souhaite, après le rapporteur général, apporter quelques éléments de réponse et, je l’espère, d’apaisement.

Je commencerai par le Conseil constitutionnel qui, je le confirme, a été saisi du texte. Comme vous le savez, son pouvoir d’évocation concerne la totalité du texte qui lui est soumis et je doute qu’il en ait été autrement pour le texte dont nous avons parlé. C’est d’ailleurs à cette occasion que le Conseil avait donné raison au ministre du budget de l’époque qui avait indiqué à partir de quelle date devait prendre effet la mesure relative à la déductibilité des intérêts de l’emprunt dans l’acquisition de la résidence principale. Le Président de la République avait eu tort, et c’est d’ailleurs parce que le ministre avait eu raison que sa carrière a connu une interruption prématurée. Comme quoi il est dangereux lorsque l’on est ministre d’avoir raison contre le Président de la République. C’est une vérité éternelle.

M. Éric Woerth. Oui, c’est très dangereux. !

M. Charles de Courson. Le roi a toujours raison. Méditez cela !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Mieux vaut l’avoir à l’esprit, vous avez raison.

J’en viens au Conseil d’État, monsieur Lagarde. Sachez qu’il a été saisi du dispositif gouvernemental qui comprend notamment la CSG, laquelle est une contribution de toute nature. Prétendre que le Conseil d’État n’a pas donné d’avis ou n’a pas discuté avec le Gouvernement de la question de l’imposition – et non pas seulement des cotisations sociales – à l’occasion de l’examen de ce texte est donc une erreur.

S’agissant de l’annualisation du temps de travail, je ne crois pas que la date du 1er janvier réglerait quoi que ce soit, à moins d’imaginer que toutes les annualisations correspondent à l’année civile. Or nous savons tous que ce n’est pas le cas.

Tels sont les éléments complémentaires que je souhaitais apporter. J’espère que la représentation nationale est désormais suffisamment informée et qu’elle pourra se prononcer en toute connaissance de cause.

(Le sous-amendement n° 515 n'est pas adopté.)

(Le sous-amendement n° 522 n'est pas adopté.)

(Le sous-amendement n° 516 n'est pas adopté.)

(Le sous-amendement n° 525 rectifié n'est pas adopté.)

(Les sous-amendements identiques nos 521 et 524 ne sont pas adoptés.)

(Le sous-amendement n° 539 est adopté.)

(L'amendement n° 508, sous-amendé, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement n° 101.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement de coordination.

(L'amendement n° 101, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Sur l'article 2, je suis saisi par le groupe UMP d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement n° 106.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il vise à corriger une erreur de référence, monsieur le président.

(L'amendement n° 106, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. L’amendement n° 102 est un amendement de coordination.

M. Christian Eckert, rapporteur général. En effet, monsieur le président.

(L'amendement n° 102, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Et qu’en est-il de l’amendement n° 100, monsieur le rapporteur général ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

(L'amendement n° 100, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Et l'amendement n° 107 ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il corrige une erreur de référence.

(L'amendement n° 107, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. J’en viens à un amendement de la commission, n° 151.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement de coordination, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur.

M. Marc Le Fur. Alors que nous allons procéder au vote sur l’article 2, que les choses soient bien claires : en année pleine, le dispositif qu’il instaure rapportera 5 milliards de recettes, deux fois plus que ce que rapportera l’article 3 sur l’ISF. Cette loi que vous voterez, chers collègues, n’est pas une loi fiscale qui pénalisera les contribuables aisés, c’est une loi fiscale et sociale qui pèsera sur les travailleurs français. C’est bien là toute la difficulté.

M. le président. Quel est le rapport avec l’amendement n° 151 ?

M. Marc Le Fur. Je saisissais juste l’occasion pour m’exprimer sur l’ensemble de l’article, monsieur le président. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

(L'amendement n° 151 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. rapporteur général, pour soutenir l'amendement n° 109.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Amendement rédactionnel.

(L'amendement n° 109, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 28 et 447.

La parole est à M. Marc Le Fur, pour soutenir l'amendement n° 28.

M. Marc Le Fur. L’amendement a déjà été défendu.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l'amendement n° 447.

M. Charles de Courson. Les cotisations sociales posent le même problème que celui dont nous venons de discuter longuement concernant l’impôt sur le revenu. Peut-on arrêter le dispositif au 1er septembre pour ceux qui ne sont pas annualisés, et au 1er décembre pour ceux qui le sont au risque manifestement d’une rupture d’égalité entre les deux ? Pour la même raison que celle exposée lors de la discussion sur l’impôt sur le revenu, nous proposons par symétrie, de caler au 1er janvier 2013 cotisations et impôt sur le revenu.

De cette façon, la situation sera claire. Sinon, comment expliquer que les heures effectuées au dernier trimestre par des personnes travaillant dans des entreprises ayant annualisé bénéficient toujours de l’exonération, alors que celles qui travaillent dans des entreprises n’ayant pas annualisé n’en bénéficient plus ? Cela me paraît ingérable.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Nous nous sommes déjà longuement exprimés sur cette question. Je confirme qu’il n’existe pas de différence entre les agents du public et les agents du privé, qui seront traités de la même façon.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Défavorable

(Les amendements identiques nos 28 et 447 ne sont pas adoptés.)

M. le président. Monsieur de Courson, il me semble que vous avez déjà défendu l'amendement n° 464.

M. Charles de Courson. Non, monsieur le président, même s’il est le symétrique du précédent.

Puisque la majorité n’a pas eu la sagesse de décider de tout caler au 1er janvier 2013, je propose une autre solution, qui consiste à fixer cette date au 1er septembre. Il faut choisir : c’est l’une ou l’autre.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Défavorable, pour les raisons déjà indiquées longuement concernant la date d’application.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Défavorable : au risque de décevoir monsieur de Courson, ce n’est pas l’une ou l’autre, c’est aucune des deux.

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Sauf erreur de ma part, monsieur le ministre, le projet de loi, qui fait le choix politique de fiscaliser les heures supplémentaires pour 9,6 millions de personnes, s’appliquera aux fonctionnaires à compter du 1er janvier 2013. Pour les autres, il entrera en application en fonction, dirai-je, des données corrigées des variations saisonnières, ou plus exactement des cycles que vous avez tenté de nous expliquer. Il y aurait là rupture d’égalité, me semble-t-il, et si tel était le cas, l’amendement permettrait de régler la difficulté.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je tenais à rappeler au ministre qu’il faut parfois penser aux entreprises et à leurs services de comptabilité qui seront en charge de tout cela.

Vous rendez-vous compte que, dans une même entreprise, une partie des salariés est annualisée et l’autre non, et qu’il faut gérer les différences entre les cotisations et les déclarations d’impôt sur le revenu puisque c’est à l’entreprise d’envoyer à chacun de ses salariés le décompte de ce qu’il doit déclarer ? Vous rendez-vous compte de ce que cela signifie en termes informatique ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Il faudrait modifier entièrement les chaînes informatiques, certaines entreprises pouvant avoir jusqu’à quatre situations différentes à gérer !

(L'amendement n° 464 n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l'amendement n° 108.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

(L'amendement n° 108, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Sur l'article 2, je suis saisi par le Gouvernement d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

.............................................................................................................

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l'article 2, tel qu'il a été amendé.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Le scrutin est clos. (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 153

Nombre de suffrages exprimés 153

Majorité absolue 77

(L'article n° 2, amendé, est adopté)

Plusieurs députés du groupe SRC. Nous n’avons pas eu le temps de voter !

M. le président. Faudrait-il le recommencer ? (Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Après l'article 2

 m le président. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l'amendement n° 59.

M. Dominique Tian. Dans son rapport de janvier 2007, l’Inspection générale des finances relevait que la prime pour l’emploi était la seule prestation « sociale » qui n’est pas soumise à une condition de régularité du séjour, contrairement au RSA, aux allocations familiales ou encore à celles facilitant le logement.

Le présent amendement vise à corriger cette anomalie en harmonisant le régime des prestations servies : aucun versement de la prime pour l’emploi ne pourrait être effectué au bénéfice d’un foyer fiscal, avant que l’administration fiscale n’ait vérifié auprès de l’autorité administrative compétente la régularité du séjour des personnes de nationalité étrangère composant ce foyer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement bien connu, monsieur Tian, et le nouveau rapporteur général, comme le précédent, y oppose un avis défavorable. On ne va pas demander aux gens de payer leurs impôts sans pouvoir bénéficier de la prime pour l’emploi. L’égalité et l’équité commandent de repousser cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Défavorable : ce n’est pas au droit fiscal de régler ces questions.

(L'amendement n° 59 n'est pas adopté.)

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un dernier rappel au règlement.

M. Hervé Mariton. Monsieur le président, nous avons connu hier un incident dû à nos collègues socialistes qui, peu ardents à voter l’article premier, sont arrivés tardivement et ont obtenu un résultat beaucoup plus juste qu’ils ne l’espéraient. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

On constate ce soir que le même phénomène s’est reproduit concernant l’article 2. Il y a manifestement, du côté de la majorité, bien peu d’ardeur à voter ce collectif injuste. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

J’ajoute, monsieur le président, que l’intention que vous avez un instant manifestée de rouvrir les opérations de vote n’était pas très élégante.

M. le président. Cela était dû, monsieur Mariton, à l’ardeur qui était la mienne à faire voter cet article 2 ! Mais comme la majorité l’a finalement adopté, cela n’a posé aucun problème.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, jeudi 19 juillet 2012 à neuf heures trente :

Suite de la discussion sur le projet de loi de finances rectificative pour 2012.

La séance est levée.

(La séance est levée le jeudi 19 juillet 2012 à une heure quarante.)