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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 16 octobre 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Christophe Sirugue

1. Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 - Projet de loi de finances pour 2013

Motion de renvoi en commission (projet de loi de programmation des finances publiques)

Mme Marie-Christine Dalloz

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget, M. Jean-Christophe Lagarde, Mme Sandrine Mazetier

Motion de renvoi en commission (Projet de loi de finances)

M. Étienne Blanc

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué, M. Hervé Mariton, M. Yves Jégo, M. Jean Launay

Discussion générale commune

M. Xavier Bertrand

M. Jean-Christophe Lagarde

M. Éric Alauzet

M. Paul Giacobbi

M. Gaby Charroux

M. Alain Claeys

Mme Catherine Vautrin

M. Yves Jégo

M. Gabriel Serville

Mme Karine Berger

Mme Marion Maréchal-Le Pen

M. Jean-François Lamour

M. Thomas Thévenoud

M. Éric Woerth

M. Pascal Cherki

M. Patrick Balkany

Mme Valérie Rabault

M. Luc Chatel

M. Laurent Grandguillaume

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Christophe Sirugue,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 - Projet de loi de finances pour 2013

Suite de la discussion commune

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion commune du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 (nos 234, 246), après engagement de la procédure accélérée, et du projet de loi de finances pour 2013 (nos 235, 251).

Motion de renvoi en commission
(projet de loi de programmation des finances publiques)

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement, sur le projet de loi de programmation des finances publiques.

La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé du budget, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, après l’examen la semaine dernière, en commission spéciale, du projet de loi organique relatif à la gouvernance des finances publiques, nous abordons aujourd’hui un texte qui est la fois la conséquence et le tuteur de cette gouvernance, à savoir la loi de programmation des finances publiques.

Je voudrais ici rappeler que ce principe a été inscrit dans la Constitution lors de la réforme de 2008 et qu’il a été voulu par le Président de la République d’alors, Nicolas Sarkozy.

Cette loi de programmation des finances publiques couvre la période 2012 à 2017 et vous comprendrez aisément que je souhaite, dans le cadre de cette motion de renvoi en commission, aborder la première partie, qui porte sur la programmation pluriannuelle.

Je ne résiste pas au plaisir de vous citer les propos du Premier ministre : « Ce projet vise à préciser la stratégie qui sera suivie par le Gouvernement dans les cinq années qui viennent, pour l’État et pour l’ensemble des administrations publiques. La trajectoire de redressement repose sur des hypothèses responsables et prudentes. »

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Voilà !

Mme Marie-Christine Dalloz. Ces éléments de langage nous ont déjà été servis durant les campagnes électorales. Aujourd’hui, nous attendons une adéquation entre les paroles et les actes. Monsieur le ministre, je vous le demande : quelle est la stratégie du Gouvernement ? Vous donnez aux Français un sentiment d’amateurisme, d’improvisation, qui se traduit, bien évidemment, par une chute dans tous les sondages d’opinion.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous vous y connaissez !

M. Jean-Philippe Mallé. Que c’est nuancé !

Mme Marie-Christine Dalloz. Le Président de la République a annoncé qu’il n’avait pas pris la mesure de l’ampleur de la crise que traverse notre pays. Il serait grand temps qu’il admette qu’entre l’idéologie socialiste ou les promesses électorales et la réalité économique, il y a un abîme ou, pour le moins, une réelle incompatibilité.

Il est nécessaire et urgent de revenir sur un programme qui mènera notre économie dans le mur.

Mme Clotilde Valter. Et la démocratie ? Je vous signale que les Français ont voté, tout de même !

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous répétez sans cesse que votre projet de loi de programmation revêt trois caractéristiques fondamentales, qui sont, bien sûr, la marque de votre affichage politique : l’équilibre, la sincérité, la justice.

M. Pascal Deguilhem. De très bons principes !

Mme Marie-Christine Dalloz. Nous allons examiner votre projet de loi au regard de chacun de ces critères.

L’équilibre, tout d’abord.

Pour les trente milliards nécessaires à l’effort de réduction du déficit – chiffre sur lequel nous nous accordons avec vous –, la répartition que vous proposez n’est pas équilibrée. Le vrai équilibre aurait consisté à proposer 15 milliards de baisses de dépenses et 15 milliards de fiscalité supplémentaire.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Très juste !

Mme Marie-Christine Dalloz. Or il n’en est rien, puisque vous avez fait le choix d’un tiers de baisses de dépenses et de deux tiers de fiscalité supplémentaire répartie entre les ménages et les entreprises.

Notre dépense publique représente 56 % du PIB. Il eut été plus judicieux et surtout plus courageux de s’attaquer au fond du problème : le niveau de nos dépenses publiques.

M. Pascal Deguilhem. C’est vous qui avez augmenté la dépense publique !

Mme Marie-Christine Dalloz. À cet égard, le rapport de la Cour des comptes de juillet 2012 sur les perspectives pour 2013 et au-delà précise avoir retenu une croissance tendancielle de l’ensemble des dépenses publiques en volume de 1, 7 % par an. Concrètement, hors intérêts de la dette et pensions, l’augmentation tendancielle des dépenses est donc de 6 milliards d’euros par an.

Vous annoncez 10 milliards d’économies. Regardons dans le détail les efforts réels que vous avez consentis : moins 1,2 milliards d’euros à travers des investissements annulés – les grands projets –, moins 2 milliards d’euros sur les interventions de l’État, moins 2,2 milliards d’euros sur le budget de la défense, moins 1,8 milliard d’euros de baisses des participations d’autres entités et enfin, et seulement, 2,8 milliards d’euros d’économies sur le fonctionnement.

À titre de comparaison, rappelons que le projet de loi de finances pour 2012 avait enregistré une baisse réelle de 250 millions d’euros de dépenses dans le budget de l’État. Votre projet de loi de finances pour 2013 intègre une moindre progression des dépenses, monsieur le rapporteur général. Il faut être précis, comme vous savez l’être.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Mais nous le sommes !

Mme Marie-Christine Dalloz. Il y a une différence entre réduction stricte des dépenses et moindre progression des dépenses. D’autant que la recherche de l’équilibre aurait imposé un effort plus soutenu pour ce qui est des réductions stricto sensu.

De plus, l’équilibre de nos finances publiques passera inévitablement par des mesures structurelles.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Parole d’expert !

Mme Marie-Christine Dalloz. Or dans ce projet de loi de programmation, rien ne permettra, à court ou à moyen terme, d’inverser les tendances. Bien au contraire.

Mme Laure de La Raudière. C’est vrai !

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous avez ainsi, par vos premières mesures de l’été, augmenté les dépenses. Je cite les propos du ministre de l’économie devant la commission des finances : « Les priorités du Gouvernement seront financées à hauteur d’un milliard d’euros ».

Les mesures structurelles adoptées par le précédent gouvernement qui auraient eu des effets de plus en plus forts sur la baisse des dépenses, telles que la RGPP ou la maîtrise de l’ONDAM,…

Mme Sandrine Mazetier. Et le bouclier fiscal, peut-être ?

Mme Marie-Christine Dalloz. …vous les avez balayées, par idéologie.

Mme Sandrine Mazetier. Vous voulez peut-être que l’on reparle de la CADES !

Mme Marie-Christine Dalloz. Du calme, mes chers collègues !

L’arrêt du non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant en retraite a déjà une répercussion budgétaire, puisque, à périmètre constant, la masse salariale de l’État progresse de 0,2 milliard d’euros. De même, la progression de 2,5 à 2,7 % de l’ONDAM atteste votre incapacité à infléchir la dépense publique.

C’est dommage, vous avez manqué ce rendez-vous de courage dans le cadre de la préparation de votre premier budget.

M. Christian Franqueville. C’est dit avec conviction !

Mme Marie-Christine Dalloz. Oui, j’en suis intimement convaincue !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ça se sent !

Mme Marie-Christine Dalloz. Toujours dans le registre de l’équilibre, vous portez la responsabilité d’un taux record de prélèvements obligatoires de 46,3 % du PIB. Ne redoutez-vous pas les effets contre-productifs d’un tel niveau de prélèvements obligatoires ?

En la matière, je voudrais rappeler l’article 3 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire, le TSCG, qui fixe deux critères : d’une part, le déficit structurel d’un État membre doit être inférieur à 0,5 % du PIB et, d’autre part, le niveau de la dette doit être inférieur à 60 % du même PIB. Or la dette de la France atteint aujourd’hui 90 % du PIB.

Mme Sandrine Mazetier. À qui la faute ?

Mme Annie Genevard. La faute à la crise ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Mme Marie-Christine Dalloz. Il y a eu la crise ; vous en connaissez aujourd’hui les effets !

M. Thomas Thévenoud. Si on taxait votre mauvaise foi, on comblerait tout de suite le déficit !

Mme Marie-Christine Dalloz. Les conditions d’emprunt particulièrement favorables vous permettent de revoir à la baisse la prévision de charge de la dette. Il ne faut toutefois pas occulter une possible inversion des taux et il faut aussi tenir compte du stock. Comment une loi de programmation des finances publiques intervenant juste après l’adoption du TSCG la semaine dernière peut-elle s’exonérer des dispositions prévues dans ce traité ?

Je vous propose à présent d’examiner votre loi de programmation à l’aune de la sincérité, puisqu’« elle est sincère ». Si le taux de croissance pour 2013 est prévu à 0,8 %, ce qui paraît déjà très optimiste dans la mesure où les économistes s’entendent plutôt sur un taux de 0,5 %, voire 0,4 %, que penser du taux de croissance de 2 % que vous avez retenu pour 2014 et 2015 ? C’est au mieux un optimisme comptable qui voudrait prendre ses rêves pour des réalités, au pire un mensonge qui prétendrait rassurer nos concitoyens.

Comment imaginer qu’en sortie de crise – et rien n’est sûr dans ce domaine –, la France connaîtrait un taux de croissance supérieur à celui d’avant la crise ? Le taux de croissance potentiel retenu par l’Union européenne est de 1,1 %. Alors, encore une fois, je citerai le Premier ministre ; je l’aurai fait deux fois ce soir.

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est que vous avez de bonnes références !

Mme Marie-Christine Dalloz. « Le pilotage structurel des finances publiques, c’est-à-dire corrigé des variations conjoncturelles, permet de fixer une trajectoire de redressement indépendante de la croissance, même si les hypothèses de la programmation sont prudentes : croissance de 2 % en volume à compter de 2014. » Je vous laisse juges de ces propos.

Soyons sérieux, quels éléments vous permettent d’annoncer de tels chiffres ? Le principe même d’une prévision de croissance, c’est d’abord le réalisme. En l’occurrence, vous semblez avoir écarté cette disposition. Par conséquent, les hypothèses de calcul que vous retenez ne me semblent pas sincères.

D’autant que le matraquage fiscal que vous mettez en œuvre sur les ménages risque fort de ne pas relancer la demande. Il est mensonger de dire que neuf Français sur dix ne supporteront pas de hausse d’impôt en 2013. Les 8 millions de salariés qui bénéficiaient de l’exonération des heures supplémentaires ne consommeront pas plus mais moins !

J’ai rencontré, hier matin, deux salariés du BTP. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.)

M. Dominique Baert. Ça a dû vous faire un choc !

M. Christian Franqueville. Ça vous arrive ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Oui, bien sûr !

M. Dominique Baert. Il y avait longtemps que vous n’en aviez pas rencontré ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous pouvez vous moquer d’eux et les humilier : ils retiendront ! (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.) Alors, écoutez ce que j’ai à vous dire !

Ils ont vu, dès septembre, leur salaire amputé de 90 euros chacun et, concrètement, comme ils me le confiaient, ce sera pour chacun 1 000 euros de dépenses de moins. Vous avez toujours imaginé qu’avec ce revenu supplémentaire, les salariés bénéficiaires des heures supplémentaires épargnaient ou étaient riches : non, l’erreur est là, ils consommaient. Ce sera donc forcément un frein à la consommation.

Mme Sandrine Mazetier. Et la TVA sociale, qu’aurait-ce été ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Cette suppression aura des effets directs sur la relance de la demande.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ils ne paieront pas la TVA sociale !

Mme Marie-Christine Dalloz. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé de vous convaincre. La suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires, si vous voulez être honnêtes, est une erreur dogmatique et un marqueur indélébile auprès d’un électorat qui était proche de vous et que vous avez trahi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Vous manquez également de sincérité lorsque vous abordez la stabilisation des effectifs de la masse salariale de l’État : en plus des 4 278 créations sur le budget de l’État lors du PLFR 2012, 10 011 créations de postes dans l’enseignement en 2013…

M. Pascal Deguilhem. Il y en avait besoin !

Mme Marie-Christine Dalloz. …et 1 000 postes pour la sécurité et la justice, avec en contrepartie des casses massives au ministère de la défense – 7 234 postes en moins –,…

Mme Clotilde Valter. C’est vous qui l’avez décidée !

Mme Marie-Christine Dalloz. …et 5 064 postes sur les autres ministères. L’annonce de la stabilité des effectifs est forcément incongrue.

La Cour des comptes – vous connaissez son président, M. Didier Migaud –, dans son rapport de juillet 2012 sur les effectifs de la fonction publique, indique : « Le principal enjeu budgétaire porte sur la masse salariale qui constitue 70 % des dépenses de fonctionnement des administrations publiques. En comptabilité nationale, les rémunérations versées par les administrations publiques représentaient 13,2 % du PIB en 2010, soit 6,6 % du PIB pour l’État et les ODAC. La croissance tendancielle de 1,6 % de la masse salariale à effectifs constants intègre bien sûr les hausses du point de la fonction publique, les mesures catégorielles, le glissement vieillesse technicité positif, le GVT +, et le GVT négatif qui mesure l’effet du remplacement des agents sortant de la fonction publique par des nouvelles recrues en moyenne moins rémunérées. » Si votre projet de loi de programmation intègre un GVT négatif, c’est bien grâce aux efforts de la précédente majorité sur le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux.

La Cour des comptes prend d’ailleurs le non-remplacement d’un départ en retraite sur deux comme élément pour apprécier la baisse des effectifs et l’estime à une économie brute annuelle d’environ 900 millions d’euros. Ce sont des chiffres concrets émanant de la Cour des comptes.

Le deuxième levier cité par la Cour, c’est la politique salariale et le déroulement de carrière. La contrepartie des recrutements que vous avez opérés, c’est bien sûr la non-évolution du point d’indice et la baisse du catégoriel de 40 %.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ah, vous vous y connaissez ! Vous ne manquez pas d’air !

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous n’incitez pas nos jeunes cadres formés à intégrer la fonction publique. Vous la paupérisez !

Enfin, quand vous prétendez que seules les grandes entreprises seront concernées par des hausses de prélèvements fiscaux, je vous rappelle que vous avez choisi d’abaisser à 250 millions le seuil du chiffre d’affaires à partir duquel les entreprises sont tenues de s’acquitter du dernier acompte d’impôt sur les sociétés, et ce n’est pas neutre, dans le cadre de l’effet rétroactif de votre PLF.

Vous semblez occulter que l’économie est organisée en filières ; dès lors que les grandes entreprises sont impactées par vos mesures, l’effet domino se répercutera sur leurs fournisseurs, leurs sous-traitants et l’ensemble des prestataires de services concernés par la filière. Quelles conséquences pouvons-nous attendre à court terme sur l’emploi ? Car il s’agit bien de préserver l’emploi en France.

M. Christian Franqueville. Vous avez détruit 750 000 emplois industriels !

Mme Marie-Christine Dalloz. M. le Premier ministre a rappelé cet après-midi, lors de la séance de questions au Gouvernement, sa volonté de travailler à la compétitivité de nos entreprises. Comment expliquez-vous cette prise de conscience tardive,…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Oh !

Mme Marie-Christine Dalloz. …après des mesures fiscales qui auront des répercussions directes sur l’emploi ?

Enfin, vous m’autoriserez à parler de justice. (« Non ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. Alain Chrétien. Laissez-la parler !

Mme Marie-Christine Dalloz. Combien de fois avons-nous entendu ce terme, qui revient dans tous vos discours, tous vos textes de loi, toutes vos interviews, en référence et en écho au leitmotiv de François Hollande à l’époque où il était candidat à l’élection présidentielle de 2012 ?

Vous parlez de justice, quand vous prévoyez un matraquage fiscal sans précédent pour la majorité des Français.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Comment ?

M. Mathieu Hanotin. Le matraquage, c’était la TVA sociale !

Mme Marie-Christine Dalloz. Que cela vous plaise ou non, c’est la vérité !

Où est la justice quand on impacte lourdement les familles, les classes moyennes et les entreprises, alors que, parallèlement, vous permettez des défiscalisations massives des investissements réalisés dans les départements et territoires d’outre-mer ?

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Très bien !

Mme Marie-Christine Dalloz. Il est vrai que ces investissements sont accessibles aux tout petits épargnants ! C’est cela, votre conception de l’investissement.

Dans le même temps, vous écrêtez les niches fiscales à 10 000 euros, au lieu de 18 000 euros précédemment.

M. Régis Juanico. Très bien !

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est, je vous le dis, mesdames, un véritable retour en arrière pour la condition de la femme (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP),…

M. Alain Chrétien. Écoutez-la ! Elle a raison !

Mme Marie-Christine Dalloz. …son accès au travail et son développement personnel. Que penser de ce gouvernement lorsque l’on avait fait le choix de confier ses enfants à une nourrice pour poursuivre son activité professionnelle ? Connaissez-vous le coût annuel d’une nourrice à temps complet ?

M. Pascal Deguilhem. Quand même !

Mme Marie-Christine Dalloz. J’en doute, car c’est au-delà de 10 000 euros !

M. Alain Chrétien. Bravo !

M. Pascal Deguilhem. Et alors ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Durant la campagne présidentielle, François Hollande avait évoqué la suppression du quotient familial et son remplacement par un système de crédit d’impôt nettement moins favorable.

Mme Clotilde Valter. Moins favorable à qui ?

Mme Marie-Christine Dalloz. De nombreuses voix s’étaient élevées contre cette partie du programme, qui n’avait dès lors plus été abordée. Nous avions pensé, comme nombre de nos concitoyens, que la mesure était abandonnée. Il n’en est rien : promesse ou désaveu de campagne ? Par le biais de l’article 4 du PLF, près d’un million de foyers fiscaux seront pénalisés, le plafond de l’avantage fiscal procuré par le quotient familial passant de 2 336 à 2 000 euros.

On peut légitimement s’interroger sur l’opportunité d’une telle mesure. Cet avantage contribue en effet à favoriser une démographie positive et participe donc à l’équilibre de la pyramide des âges, largement déséquilibrée dans les pays qui ont fait le choix du crédit d’impôt par enfant, comme l’Allemagne ou l’Italie. Dès lors, en plus de mettre à mal l’une des bases de notre système fiscal, ce choix est contre-productif et n’est pas le signe d’une justice immanente.

Le gel du barème de l’impôt sur le revenu n’impactera pas, aux dires du rapporteur général, les deux premières tranches. En réalité, il s’agit des tranches à zéro et 5,5 % !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Et un peu plus !

Mme Marie-Christine Dalloz. Ne pas imposer plus les personnes qui ne sont déjà pas imposées est une performance de ce projet de loi de finances pour 2013 !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Et vous, qu’avez-vous fait ? C’est incroyable ! Vous devriez avoir honte de dire des choses pareilles !

Mme Marie-Christine Dalloz. Monsieur le rapporteur général, ne pas imposer plus les personnes qui ne payent pas d’impôt, c’est une vraie performance !

En dehors de ces deux tranches, 12 millions de contribuables sont concernés, pour un effort de 1,4 milliard d’euros. Implicitement, cela se traduit par une fiscalité supplémentaire pour les contribuables qui se trouvent aujourd’hui dans la tranche à 14 %, et je ne considère pas que ces personnes soient aisées.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Qu’est-ce que vous avez fait, vous ? Assumez !

Mme Marie-Christine Dalloz. Il s’agit en réalité des classes moyennes, voire moyennes basses, que vous appelez à une contribution fiscale supplémentaire, alors que vous leur aviez annoncé qu’elles ne seraient pas concernées.

On peut aussi parler de votre justice quand vous alignez la fiscalité du capital sur celle du travail,…

M. Laurent Grandguillaume. C’est une excellente idée !

Mme Marie-Christine Dalloz. …alors que les prélèvements sociaux qui pèsent sur le capital – 15,5 % – sont plus élevés que ceux qui pèsent sur le travail – 8 %. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Laure de La Raudière. Mais si ! C’est vrai !

Mme Marie-Christine Dalloz. On vous expliquera, ne vous inquiétez pas, mes chers collègues, puisque vous n’avez pas l’air d’être au courant. Ce renoncement à une imposition duale, à savoir prélèvement forfaitaire ou imposition au barème, fait peser un risque majeur sur la délocalisation des capitaux à l’étranger, du fait de leur forte mobilité.

De plus, au travers de la taxation au barème de l’impôt sur le revenu des revenus du capital – intérêts, dividendes, plus-values –, votre projet de loi de finances décourage l’investissement, et plus généralement, l’esprit d’entreprise, gage d’un retour de compétitivité.

Puisque nous abordons la compétitivité, je vous signale que votre projet de loi de programmation n’intègre aucune mesure – aucune – qui permettrait aux entreprises une attractivité visant à les rendre plus concurrentielles.

Vous venez de découvrir, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, qu’il existe un problème de compétitivité puisque M. Gallois est chargé d’un rapport sur cette thématique – encore un rapport ! –, mais le ministre de l’économie et des finances réfute l’expression « choc de compétitivité » et préfère parler, il nous l’a dit en commission, de « trajectoire de compétitivité », notion qui corrobore votre impréparation.

Les entreprises françaises attendaient en octobre la mise en place de la TVA anti-délocalisation,…

M. Christian Eckert, rapporteur général. La TVA Sarkozy !

Mme Marie-Christine Dalloz. …que j’aimais appeler « TVA emploi » parce qu’elle avait pour but de sauver les emplois. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Sandrine Mazetier. Avec un bilan de 3 millions de chômeurs, il n’y a pas de quoi se vanter !

Mme Marie-Christine Dalloz. En réalité, ces mêmes entreprises qui étaient dans l’attente sont confrontées à un tsunami fiscal sans précédent, et laissées sans aucune mesure structurelle pour répondre à leurs problèmes de coût du travail. Par pur dogmatisme, vous avez balayé d’un revers de main cette disposition empreinte de bon sens, car c’étaient bien les consommateurs les plus aisés qui auraient financé le plus cette réduction de charges par leurs achats – un consommateur aisé consomme plus qu’un autre.

M. Thierry Mandon. Non, il épargne plus !

Mme Marie-Christine Dalloz. De plus, la TVA emploi s’appliquait également aux produits importés, ce qui était une façon de lutter contre les importations. En remplacement de cette mesure, vous vous apprêtez, dans un avenir plus ou moins proche, à mettre en œuvre la CSG,…

M. Dominique Baert. Qu’en savez-vous ?

Mme Marie-Christine Dalloz. …qui impactera tous les Français, actif ou retraités. Monsieur Baert, on a entendu sur le sujet des oui, des non, des peut-être.

M. Dominique Baert. Donc vous n’en savez rien !

M. Thierry Mariani. Vous non plus !

M. Christian Franqueville. Mais nous, on sait au moins ce que vous avez fait !

Mme Marie-Christine Dalloz. Aux retraités, vous réservez la création d’une contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, dont le taux sera fixé à 0,15 % du montant de la pension, puis à 0,30 %, soit 700 millions d’euros de rentrée fiscale. Au total, sur un effort de 15,8 milliards d’euros demandé aux ménages, 10,25 milliards auront été prélevés sur les classes moyennes, soit plus des deux tiers. Voilà la réalité des chiffres. Ce n’est pas ma conception de la justice et je regrette profondément que ce soit la vôtre.

Il serait urgent que vous preniez conscience que l’économie est basée sur la confiance…

Mme Laure de La Raudière. Oui !

Mme Marie-Christine Dalloz. …et que changer les règles du jeu au plan fiscal aussi souvent…

M. Thomas Thévenoud. Vous n’avez pas arrêté de les changer ! Combien y a-t-il eu de collectifs budgétaires ?

Mme Marie-Christine Dalloz. …et avec une telle amplitude – je vous rappelle qu’on a eu deux projets de lois de finances en trois mois, le collectif en juillet 2012 et, en octobre 2012, le projet de loi de finances pour 2013 – ne permet pas de créer le climat de confiance nécessaire à l’avenir économique de notre pays. De plus, votre PLF intègre des mesures fiscales rétroactives,…

M. Thierry Mariani. Rétrogrades !

Mme Marie-Christine Dalloz. …ce qui nuit à la sécurité juridique.

S’agissant de votre improvisation, que vous avez du mal à admettre, je rappelle que les amendements à l’article 6 du projet de loi de finances pour 2013 devaient être examinés cet après-midi, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 88 du règlement. Or, ils ne sont toujours pas disponibles. On peut donc parler d’amateurisme.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Quoi ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Je répète, monsieur le rapporteur général, que ces amendements n’étaient toujours pas disponibles cet après-midi à la commission.

Mme Laure de La Raudière. C’est vraiment un scandale !

Mme Marie-Christine Dalloz. Je voudrais, pour conclure, vous citer le cas d’un couple que vous connaissez certainement : monsieur est simplement ETAM – employé, technicien, agent de maîtrise –, il réalisait, jusqu’en septembre 2012, des heures supplémentaires ; madame est enseignante ;…

M. Régis Juanico. Agrégée ?

Mme Marie-Christine Dalloz. …ils ont trois enfants. Ils emploient une nourrice à domicile dont le coût annuel est supérieur à 10 000 euros ; j’ajoute que monsieur est consommateur de bière le week-end et que madame fume, mais seulement la cigarette. (Exclamations et rires sur les bancs du groupe SRC.) Cela va vous intéresser dans le contexte que nous connaissons aujourd’hui !

M. Thomas Thévenoud. Quelle visions macro-économique ! Quelle hauteur de vue !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Et boit-elle en cachette ? (Sourires.)

Mme Marie-Christine Dalloz. La facture que vous allez leur présenter est lourde. La lecture de votre projet de loi de finances pour 2013 montre qu’ils sont concernés et impactés lourdement par toutes vos mesures ! Quelles solutions préconisez-vous pour eux ? Comment pouvez-vous imaginer qu’ils croient encore à votre « justice », à votre « souci d’équilibre » ? Ils se sentent tyrannisés. Pascal, dans ses Pensées sur la religion, écrivait : « La justice sans la force est impuissante, la force sans la justice est tyrannique. ». C’est ce qu’il ressort de votre vision politique à court terme pour la France. Aucune réforme de structure n’en dessine l’architecture, que ce soit en matière de réduction de la dépense publique ou de compétitivité pour notre tissu économique. Les Français subiront votre manque de courage. Décidément, à la loterie du socialisme, il y a finalement plus de perdants que de gagnants !

Pour toutes ces raisons le groupe UMP demande le renvoi en commission du projet de loi de programmation des finances publiques. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Madame la députée, c’est évidemment sans surprise que vous entendrez le Gouvernement demander le rejet de cette demande de renvoi en commission.

M. Alain Chrétien. Quelle déception !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je ne comprends pas bien, d’ailleurs, pour quelle raison vous ne souhaitez pas que l’Assemblée nationale se saisisse du projet de loi de programmation.

Mme Laure de La Raudière. Par exemple, parce que nous n’avons pas eu tous les amendements du Gouvernement !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. En revanche, la raison de refuser votre demande de renvoi est limpide puisque nous nous plions à ce que vous demandez : la maîtrise de la dépense publique sera, dans le cadre de ce projet de loi de finances pluriannuelle, plus efficace que ce que votre majorité a fait dans la dernière année de la mandature précédente. Je l’avais indiqué à M. Censi en réponse à sa motion de rejet préalable : vos demandes sont satisfaites. Débattre des modalités pour y parvenir sera intéressant en séance, certainement pas en commission, Loin de moi l’idée de négliger le travail de la commission, mais l’heure est maintenant venue que dans l’hémicycle, c’est-à-dire sous le contrôle de l’opinion, chacun dise ce qu’il serait prêt à consentir ou à faire pour respecter cette trajectoire des finances publiques.

À cet égard, vous demandez, madame la députée, 15 milliards d’euros d’économies dans la dépense, vous indignant que le Gouvernement se contente d’augmenter la fiscalité. Mais puisque vous faites masse de l’ensemble des textes pour condamner les projets gouvernementaux, faites masse alors des mêmes textes pour mesurer les économies proposées. Entre le projet de loi de finances initiale – 10 milliards d’euros de baisse de la dépense – et le projet de loi de financement de la sécurité sociale avec un ONDAM à 2,7 %, soit une économie de 2,4 milliards d’euros, c’est en fait 12,5 milliards d’euros d’économies que nous proposons. Si je comprends bien, pour un objectif de 15 milliards d’euros de baisse que vous préconisez, dès lors que nous n’en réalisons que 12,5, vous jugez que les 2,5 milliards qui seraient supposés manquer – et que, au demeurant, vous peinez à nous préciser – expliqueraient que rien ne se ferait et que seule la fiscalité y pourvoirait. Je ne crois pas qu’un tel jugement soit objectif. Je crains qu’il ne soit empreint de certains a priori et je ne vois pas comment le travail en commission pourrait les lever.

Il est donc temps, sous le contrôle de l’opinion, que chacun débatte et se prononce publiquement. Le Gouvernement demande le rejet de cette motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Nous en venons aux explications de vote sur la motion de renvoi en commission.

La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe UDI.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le président, le groupe UDI votera naturellement cette motion de renvoi en commission. Les raisons en sont simples : ces dernières semaines, depuis début septembre, s’agissant précisément du projet de budget, les hésitations, les revirements et les déclarations contradictoires ont été suffisamment nombreux pour que nous ayons besoin de savoir si, à la tête du Gouvernement, un cap a été fixé.

Monsieur le ministre, je ne vais pas multiplier les exemples mais vous-même, avant-hier, vous déclariez favorable à une augmentation des impôts via la redevance de la télévision sur les résidences secondaires, et ce matin, le Premier ministre dit le contraire ! Comprenez que les parlementaires aient besoin de savoir si vous êtes stable et fiable, notamment s’agissant des recettes que vous envisagez à travers l’alourdissement des impôts des Français. Je prends un second exemple : on nous a annoncé l’été dernier la suppression de la TVA sociale, puis la création d’une TVA environnement – la belle affaire pour les Français ! Puis le Premier ministre – je ne parle que du chef du Gouvernement, du moins de celui qui est censé l’être –…

M. Michel Vergnier. Élevez le débat, mon cher collègue !

M. Jean-Christophe Lagarde. …a dit qu’il s’agirait peut-être de la CSG, ensuite, que ce serait un mixte entre CSG et TVA, et puis finalement qu’il n’y avait rien là-dessus dans le budget 2013 et qu’on verrait au cours de l’année à venir.

M. Michel Vergnier. Élevez un peu le débat, je vous en prie !

M. Jean-Christophe Lagarde. Comprenez, monsieur le ministre, vous qui avez été président de la commission des finances, que des députés, ceux de l’opposition en tout état de cause mais peut-être aussi ceux de la majorité, s’ils choisissent de ne pas être seulement des suiveurs, souhaitent y voir clair.

Deuxième élément, monsieur le ministre : l’affaire des pigeons. Elle est intéressante parce que le Gouvernement pensait avoir une ligne claire, puis, à peine quelques tweets et quelques bruits agités sur la toile, il a décidé de changer sa mesure. Cela pourrait être honorable mais c’est seulement perturbant, parce que nous aurions besoin de connaître aujourd’hui l’amendement du Gouvernement pour savoir ce que vous comptez réellement faire s’agissant de cette taxe sur les plus-values.

M. le président. Il faut conclure, mon cher collègue.

M. Jean-Christophe Lagarde. Enfin, je tiens à vous faire réfléchir au fait que lorsqu’un pays est en phase de récession,…

M. Pascal Cherki. À cause de vous !

M. Jean-Christophe Lagarde. …il serait préférable de ne pas alourdir les impôts de 27 milliards et de faire des économies sur le train de vie de l’État, ce que vous avez renoncé à faire. Le renvoi en commission vous permettrait peut-être de mieux réfléchir, et il nous permettrait de mieux argumenter. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Sandrine Mazetier, pour le groupe SRC.

Mme Sandrine Mazetier. Ma chère collègue Dalloz, à vous entendre, nous oscillons entre stupéfaction et consternation. Nous parlons du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 – je le rappelle au passage à notre collègue Lagarde.

M. Michel Vergnier. Il ne l’a pas lu !

Mme Sandrine Mazetier. Il y a une forme d’incohérence dans vos propos, madame Dalloz, parce que votre groupe a voté la ratification du TSCG il y a une semaine. Or projet de loi intègre des règles de gestion prévues par ledit traité. Votre groupe a aussi voté le projet de loi organique, lequel a instauré un certain nombre de normes de gestion que le présente projet de loi anticipe.

Il me semblait aussi que le président de la commission des finances, Gilles Carrez, était d’accord sur la trajectoire de réduction des déficits…

M. Yves Censi. Non, sur l’objectif !

Mme Sandrine Mazetier. …et d’assainissement des finances publiques prévue pendant le quinquennat à venir.

En toute cohérence avec les votes exprimés par la majorité – sinon l’intégralité – du groupe que vous représentez, vous devriez être au moins d’accord avec ce projet de loi de programmation des finances publiques, ne serait-ce que pour permettre à la France de tenir sa parole. À cet égard, nous avons eu hier un débat fructueux avec Mme Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne et des représentants du Parlement européen. Mais manifestement, la parole de la France ne vous concerne plus.

Notre consternation tient au fait que, non seulement vous êtes incohérents, mais vous n’avez manifestement pas non plus les mêmes priorités que nous : le redressement dans la justice, le désendettement compétitif.

Pour les cinq ans à venir, nous ne sommes manifestement pas d’accord sur la répartition des efforts : vous privilégiez les ménages aisés tandis que nous faisons tout pour les classes moyennes et les catégories populaires ; vous privilégiez les grandes entreprises tandis que nous travaillons pour les PME ; vous privilégiez le capital tandis que nous valorisons le travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Motion de renvoi en commission
(Projet de loi de finances)

M. le président. J’ai reçu de M. Christian Jacob et des membres du groupe de l’Union pour un mouvement populaire une motion de renvoi en commission déposée en application de l’article 91, alinéa 6, du règlement, sur le projet de loi de finances pour 2013.

La parole est à M. Étienne Blanc.

M. Étienne Blanc. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, chers collègues, je vais m’attacher pendant ces quelques instants à vous convaincre d’adopter une motion de renvoi en commission du premier projet de loi de finances de cette mandature. Il présente un grand nombre de caractéristiques qui, à notre avis, doivent être rediscutées en commission.

Première de ces caractéristiques : ce budget, à l’évidence, est celui de tous les reniements et il faut vous en expliquer, monsieur le ministre. Hier, nous étions réunis, dans la salle Lamartine autour de Mme Viviane Reding, vice-présidente de la Commission européenne, de M. Alain Lamassoure, président de la commission des budgets du Parlement européen et d’un certain nombre de nos collègues.

Mme Sandrine Mazetier. Et de Mme Pervenche Berès, présidente de la commission des affaires sociales et de l’emploi du Parlement européen !

M. Étienne Blanc. Vous y étiez aussi, madame Mazetier, pardon de vous avoir oubliée.

À cette occasion, Mme Reding a fait litière de toute votre argumentation selon laquelle il y aurait désormais en Europe un pacte de relance. C’est le premier de vos reniements : il n’y aura pas de budget de relance au niveau européen.

M. Régis Juanico. Ah bon ? Vous êtes bien informé !

M. Étienne Blanc. Plus encore, dans le budget que vous nous présentez aujourd’hui, il y a tous les éléments de la décroissance. Pour une relance, il aurait fallu engager des investissements porteurs de croissance économique.

M. Dominique Baert. C’est vrai que vous l’avez fait avec succès, vous !

M. Alain Fauré. Oui, vos résultats ont été magnifiques !

M. Étienne Blanc. Il aurait même fallu, monsieur le ministre, que vous donniez satisfaction à l’électorat qui vous a donné cette large majorité.

Parlons des promesses faites aux milieux culturels, par exemple. Alors que vous vous étiez engagés à relancer les investissements, nous constatons que vous renoncez au centre des réserves du Louvre qui était ouvert au public à Cergy-Pontoise, que vous allez renoncer au projet de centre international de l’art pariétal de Lascaux, en Dordogne, que vous allez renoncer à la Maison de l’histoire de France, que vous allez renoncer au musée de la photo à l’Hôtel de Nevers (Exclamations sur les bancs du groupe SRC),…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Projets virtuels non financés !

M. Étienne Blanc. …que vous allez renoncer à la salle supplémentaire de la Comédie française, que vous allez renoncer au projet de la Villa Médicis en Seine-Saint-Denis, pour le redimensionner. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Comme le domaine culturel ne suffit pas, voici que vous allez renoncer à un deuxième outil de relance : les transports, qui sont pourtant un facteur essentiel de la compétitivité française et un moyen extraordinaire de développement de notre économie.

M. Yves Censi. Eh oui !

M. Étienne Blanc. Nous constatons que, dans ce budget, vous allez abandonner les différentes branches de la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône (« Projet non financé ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC), que vous allez abandonner le Paris-Normandie (Mêmes mouvements), que vous allez abandonner la ligne d’Amiens (Mêmes mouvements), que vous allez abandonner le doublement du Paris-Lille (Mêmes mouvements), que vous allez abandonner la ligne à grande vitesse de Provence-Côte d’Azur (Mêmes mouvements). Vous abandonnez aussi le principal investissement fluvial, le canal Seine-Nord. (Mêmes mouvements.)

M. Alain Fauré. Il était à l’eau !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Projet virtuel !

M. Étienne Blanc. Vous reniez les engagements que vous avez pris vis-à-vis des régions et des départements.

M. Yves Censi. Ils préfèrent recruter des fonctionnaires et augmenter la masse salariale de l’État !

M. Étienne Blanc. Comme si cela ne suffisait pas, voici que nous regardons avec attention le budget de la justice. Depuis des décennies, vous reprochez à la droite de n’avoir jamais fait ce qu’il fallait pour que ce budget soit à la hauteur de ceux des autres pays européens.

Mme Clotilde Valter. Vous n’avez rien fait pendant dix ans !

M. Étienne Blanc. Alors que dans ce budget de la justice nous avions prévu la construction de places de prison (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) pour en porter le nombre à 80 000, vous y renoncez et vous descendez à 63 000 places. Alors que les avocats et les magistrats de la première juridiction de France – le tribunal de Paris et sa cour d’appel – attendaient le nouveau palais de justice que vous leur aviez promis quand vous étiez dans l’opposition, voici que le palais de justice du quartier des Batignolles s’éclipse tout doucement et que le Gouvernement est silencieux sur le sujet.

Comme si cela ne suffisait pas, vous avez renié vos engagements vis-à-vis des classes moyennes.

M. Christian Franqueville. Voilà qui devrait vous plaire !

M. Étienne Blanc. Vous avez expliqué, monsieur le ministre, que ce budget n’était finalement pas si calamiteux pour les Françaises et les Français parce que seulement un contribuable sur dix serait impacté. Vous oubliez deux choses. Premièrement, avec la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires, vous allez mécaniquement rendre imposables un certain nombre de ménages qui ne l’étaient pas l’année dernière, parce qu’ils étaient exonérés de charges sur les heures supplémentaires.

M. Michel Vergnier. Payées à crédit !

M. Étienne Blanc. Deuxièmement, l’année dernière, quand vous étiez dans l’opposition, nous vous avons entendu, ici, à cette tribune, vilipender le gouvernement, qui n’avait pas appliqué de décote et qui n’avait pas indexé les différentes tranches d’imposition, faisant ainsi entrer un grand nombre de Français dans les tranches imposables. À l’époque, vous aviez promis de revenir là-dessus.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Eh bien nous ne l’avons pas fait, mais nous appliquons une décote !

M. Étienne Blanc. Je dois reconnaître que le Président de la République qui a sans doute beaucoup plus réfléchi que certains d’entre vous (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. Pascal Popelin. Quelle suffisance !

M. Michel Vergnier. Vous n’étiez pas très bon jusqu’ici, mais là, vous dérapez !

M. Étienne Blanc. …ne l’a pas promis pendant sa campagne électorale. Mais ici, monsieur le ministre du budget, vous qui étiez président de la commission des finances, vous aviez dit que l’une des premières choses que la gauche ferait, ce serait de revenir sur cette mesure. Monsieur le ministre, non seulement vous n’y revenez pas, mais en plus vous la maintenez et vous en rajoutez même pour cette année ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Certes, pour tenter de vous sortir de ce mauvais pas – parce que les associations de contribuables et les associations familiales s’en plaignent à juste raison –, vous promettez d’appliquer une décote aux deux premières tranches. Vous avez réussi une véritable prouesse, monsieur le ministre : diminuer l’impôt des Français qui ne paient pas d’impôt ! Pour moi, c’est un véritable tour de force, et je voulais vous féliciter de cet autre reniement.

Vous avez aussi décidé d’un reniement assez exceptionnel, à propos de l’ISF. J’attends avec impatience que soit abordé le chapitre sur l’ISF.

M. Michel Vergnier. Nous aussi !

M. Étienne Blanc. Vous nous aviez promis la destruction du bouclier fiscal honni par l’extrême gauche, mais aussi par la gauche.

M. Michel Vergnier. Et nous en sommes fiers !

M. Étienne Blanc. Et voici, monsieur le ministre, que 6 000 contribuables vont recevoir 650 millions d’euros. Comme vous êtes habile, vous allez faire en sorte que ces contribuables ne soient pas remboursés par chèque après avoir payé. D’ailleurs, je vous le conseille, monsieur le ministre, parce qu’en général, la photocopie du chèque se retrouve dans Le Canard Enchaîné et c’est un peu gênant.

M. Michel Vergnier. Monsieur Blanc, ne vous cachez pas derrière un Buisson !

M. Étienne Blanc. Vous avez été habile : on ne paiera pas l’ISF mais on procédera par voie de compensation. Vous aurez donné aux nécessiteux un tout petit avantage : ils ne feront pas la trésorerie de l’État pendant quelques semaines ou quelques mois.

Monsieur Eckert, ce serait bien que vous attendiez deux minutes avant de nous quitter parce que je voudrais m’adresser à vous. Vous êtes un homme tellement loyal que vous écrivez vos pensées sur votre blog. Quand vous êtes en commission des finances, on a le sentiment que vous ne dites pas tout à fait la vérité (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Je me demandais ce que vous pensiez réellement de l’article 6, alors que le Gouvernement va revenir sur la fameuse question des plus-values. Et voilà ce que vous dites sur votre blog : « Le poids des lobbies, la multiplicité des lieux de décision, le rôle de la presse, les jeux complexes des ministres et de leurs cabinets, les relations entre le Parlement, les ministères, Matignon et l’Elysée, tout cela a brouillé le système des plus-values qui avait été voulu par le Gouvernement. »

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est une citation tronquée : la fin de la phrase est de vous !

M. Étienne Blanc. C’était sur votre blog et je trouve assez extraordinaire que vous écriviez dans le secret ce que vous n’avez pas voulu nous dire en commission des finances.

Oui, ce budget est celui de tous les reniements. Si on arrivait à taxer le reniement, on pourrait lutter contre le déficit budgétaire.

Deuxième caractéristique : ce budget est inadapté aux réalités de la France, de l’Europe et d’une économie mondialisée. Vous nous dites : on aimerait bien s’adapter mieux, diminuer les impôts et les charges, mais ce n’est pas possible parce que nous supportons l’héritage.

M. Christian Franqueville. Oui, il faut payer votre dette !

M. Étienne Blanc. Monsieur le ministre, l’héritage n’est pas que dettes et déficits, mais il comporte aussi des réformes de fond qui ont permis de contenir le déficit public à 5,2 % du PIB en 2011 alors qu’il devait dépasser les 6 % et à 4,5 % du PIB en 2012 alors qu’il devait atteindre 5,5 %. Voilà la réalité.

M. Christian Franqueville. En 2002, il était de combien ?

M. Étienne Blanc. Dans le présent projet de budget, que proposez-vous comme réforme structurelle afin de poursuivre cet indispensable travail de fond ? Votre première réforme consiste à revenir sur une politique de réduction du nombre d’emplois publics. Oh, vous n’êtes pas le premier à le faire : M. Jospin, entre 1997 et 2002, alors que les marges budgétaires lui donnaient les moyens de faire des réformes, a recruté 310 000 fonctionnaires d’État.

En comparaison, je rappelle que M. Fillon a supprimé 160 000 postes de fonctionnaires publics. Comment s’y est-il pris ? Il a eu le courage, lui, de faire une réforme de la carte militaire que personne n’acceptait de réaliser. Il a eu le courage, lui, de faire une réforme de la carte hospitalière…

M. Michel Vergnier. Avec quel succès !

M. Étienne Blanc.…que personne avant lui n’acceptait de mettre en œuvre. Il a eu le courage, lui, de faire une réforme de la carte judiciaire que personne n’acceptait d’entreprendre.

M. Régis Juanico. Avec quels effets sur l’aménagement du territoire ?

M. Étienne Blanc. Vous ne faites pas ces réformes et vous nous proposez le recrutement d’une dizaine de milliers de fonctionnaires supplémentaires, ce qui représente une dépense de 385 millions d’euros, soit une augmentation de 0,25 % en valeur. Vous revenez sur une bonne politique qui avait été menée par votre prédécesseur, sous l’autorité de François Fillon.

Alors, pour envoyer un leurre, pour démontrer à l’opinion publique que le Gouvernement fait bien des réformes de fond, vous avez ressorti l’ancien dossier des sous-préfectures. Sur ces bancs, à droite, nous étions pleins d’espoir, et nous nous disions que le Gouvernement, pris d’un soudain accès de lucidité, allait lancer une réforme importante pour la France ! Mais depuis, il n’est plus question que d’être à l’écoute des territoires, de faire un rapport, de lancer des études, de faire de la concertation – parce que le gouvernement précédent n’en faisait pas –,…

M. Thomas Thévenoud. Absolument ! Et c’est d’ailleurs pour cela que vous avez perdu la majorité au Sénat. Vous n’écoutiez pas les collectivités locales.

M. Étienne Blanc. …de faire de la démocratie participative. Bref, avant qu’il ait été ouvert, vous avez refermé le dossier des sous-préfectures.

Vous allez, monsieur le ministre – ce fut une annonce brillante du Président de la République – rétablir 2 500 conseillers généraux et régionaux en supprimant le conseiller territorial. Dans un pays qui compte 600 000 élus locaux, c’est-à-dire presque autant que les cinq autres pays fondateurs de la CEE réunis ! C’est un record du monde !

M. Régis Juanico. Démagogie ! Allez le dire aux conseillers généraux !

Plusieurs députés du groupe UMP. On le leur dit !

M. Étienne Blanc. Moi aussi, je le leur dis ! C’est sans doute une des choses qui distinguent l’actuel gouvernement de l’ancien : oui, il faut en France restructurer la carte hospitalière.

M. Michel Pouzol. Pour moins de service rendu aux Français ! Dites-le !

Plusieurs députés du groupe SRC. Oui, dites-le !

M. Étienne Blanc. Oui, il faut en France restructurer la carte judiciaire, restructurer la carte des préfectures, des sous-préfectures et des grands services de l’État.

M. Michel Pouzol. Le service public, c’est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas !

M. Étienne Blanc. Oui, il faut en France rapprocher les départements et les régions, les communes et les communautés de communes.

Plusieurs députés du groupe UMP. Oui !

M. Étienne Blanc. Il y a deux sortes d’hommes politiques : ceux qui le disent et qui le font, et ceux qui se taisent et ne feront jamais rien. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Voilà ce qu’il en est de vos renoncements, de l’absence de réformes, de votre léthargie, de votre passivité. Mais je dois vous reconnaître une chose : c’est que votre budget est furieusement socialiste.

Plusieurs députés du groupe SRC. Merci !

M. Étienne Blanc. Pas seulement parce qu’on y augmente l’impôt – c’est une spécialité que personne ne déniera jamais au parti socialiste. Ni parce que le Gouvernement s’est opposé à un amendement visant à aligner les déductions de frais des journalistes sur celles de tous les autres Français. On dit que 92 % des journalistes ont voté pour François Hollande. Je ne sais pas si c’est vrai. Je constate simplement que vous avez refusé cet amendement. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Non, là où le Gouvernement se montre furieusement socialiste, c’est dans sa politique vis-à-vis de l’outre-mer. Cet après-midi, j’ai écouté sur ces bancs M. le ministre Lurel se glorifier de ce que 70 % des Français d’outre-mer avaient voté pour François Hollande et que vingt-six de leurs vingt-sept députés appartenaient à la majorité. Bien leur en a pris, puisque leurs régions sont les seules qui vont continuer à bénéficier d’avantages fiscaux – et qui ne concernent pas les revenus modestes, puisqu’il s’agit de l’acquisition d’immeubles, d’hôtels ou d’équipements touristiques ! Vous leur avez rendu la monnaie de leur pièce.

Oh, monsieur le ministre, je pense que vous l’avez fait aussi un petit peu avec les SOFICA. Je ne sais pas quelle est la couleur politique des cinéastes, des producteurs et des artistes…

M. Régis Juanico. Ils votent blanc !

M. Étienne Blanc. …mais vos choix pourraient montrer une certaine envie de leur rendre leur soutien quasiment unanime dans la dernière campagne présidentielle.

M. Alain Fauré. Bouvard ne vote pas socialiste !

M. Étienne Blanc. Pire encore, monsieur le ministre, vous servez votre clientèle politique par le biais des recrutements que vous avez annoncés.

M. Michel Pouzol. Quelle belle vision du monde !

M. Étienne Blanc. À qui ferez-vous croire que les recrutements prévus dans l’éducation nationale seront utiles aux jeunes Français dont vous nous parlez ?

M. Michel Vergnier. Arrêtez, vous dérapez !

M. Étienne Blanc. Évidemment, il s’agit de satisfaire les syndicats, qui sont vos affidés. Et c’est parce que vos affidés s’y retrouvent que votre budget est forcément socialiste et furieusement injuste.

M. Michel Pouzol. C’est sûr que Mme Bettencourt était plus sympathique !

M. Étienne Blanc. Voilà pourquoi il faut absolument renvoyer ce budget en commission. Nous devons parler enfin du vrai sujet, celui de la compétitivité de nos entreprises. Aucun pays d’Europe n’a eu l’idée de travailler moins pour sortir son économie de l’ornière. Vous, vous avez supprimé la défiscalisation des heures supplémentaires…

M. Michel Vergnier. Payées à crédit !

M. Étienne Blanc. …ce qui est absolument contraire à ce qui se passe partout en Europe.

Ailleurs en Europe, on fait des réformes de fond. Dans les systèmes sociaux par exemple, on conserve évidemment une solidarité bienvenue entre les citoyens, mais on accomplit des réformes structurelles, des réformes de fond, on cible des objectifs et on s’y tient dans la durée.

Vous, vous êtes d’un immobilisme incroyable.

M. Alain Fauré. On va immobiliser la dette, ce sera déjà ça !

M. Étienne Blanc. Alors que la France dépense 15 % de plus que l’Allemagne pour faire fonctionner sa puissance publique, votre budget ne contient ni réforme, ni perspective, ni stratégie. Voilà pourquoi vous serez contraint, monsieur le ministre, de nous répondre précisément sur la date à laquelle vous devrez nous proposer, faute d’avoir effectué ces réformes, une augmentation de la TVA ou de la CSG.

M. Thierry Mariani. Ou des deux !

M. Étienne Blanc. Peut-être des deux, en effet.

Monsieur le ministre, aujourd’hui, les chiffres sont publiés jour après jour. On sait que les défaillances de sociétés de plus de 250 salariés ont bondi de 34 % en 2012, et que les faillites sont en hausse de 5 %. Il faut réduire les charges, les coûts, les dépenses. Mais face à cette situation, vous restez furieusement silencieux.

Certes, vous utilisez cette bonne vieille méthode du parti socialiste que l’on connaît depuis si longtemps, lorsqu’il est aux affaires ici mais aussi dans les collectivités territoriales : le matraquage fiscal. Et en l’occurrence, vous n’avez oublié personne : les entreprises ont leur lot, les familles aussi et vous avez même osé toucher au quotient familial, cette pierre angulaire de notre politique familiale.

Monsieur le ministre, nous sommes tous très attentifs aux sondages et aux études d’opinion. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Nous sommes tous très attentifs aux chiffres.

M. Michel Vergnier. Parlons-en ! Ne vous cachez pas derrière M. Buisson !

M. Étienne Blanc. Or, des sondages circulent. Selon l’un d’entre eux, 68 % des Français jugent désormais que le taux des prélèvements obligatoires est excessif. Votre budget le fera encore passer cette année de 44,7 % à 46 %. Vous avez désormais le record d’Europe. Permettez-moi de corréler cette information à l’enquête d’opinion sur la popularité du Président de la République et de son gouvernement, à qui aujourd’hui moins de 40 % des Français font confiance.

Ce n’est pas votre budget, qui est insincère, injuste, inefficace…

Plusieurs députés du groupe SRC. Oh là là !

M. Étienne Blanc. … et calamiteux pour la France, pour son économie, pour ses finances, mais surtout pour les Français qui inversera le cours des choses. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. C’est sans surprise que le Gouvernement demande à la majorité parlementaire de refuser ce renvoi en commission. Je voudrais revenir sur certains des arguments utilisés, ceux qui m’ont paru les plus intéressants.

Ainsi, il faudrait que la commission se réunisse à nouveau parce qu’il n’y aurait pas de relance en Europe. J’admire la confiance que vous placez dans les travaux de la commission – qui, pour la seule raison qu’ils se répéteraient, permettraient une telle relance. Mais je vous informe que c’est une relance de 240 milliards qui a été décidée. Vous avez le droit de trouver cela insuffisant et j’ai le droit d’estimer que réunir la commission à nouveau ne changerait pas grand-chose, avec tout le respect que je dois à ses membres.

Il faudrait également retourner en commission parce que la France n’aurait pas de politique de relance. Vous êtes le premier à utiliser cet argument. Ce qui est cruel pour vous, c’est que le faites quelques minutes après que Mme Dalloz nous a reproché de ne pas faire d’économies. Mme Dalloz estimant qu’il manque 2,5 milliards d’économies dans notre budget, je doute qu’elle approuve vos propositions, qui reviendraient ni plus ni moins qu’à engager 245 milliards de dépenses supplémentaires.

M. Étienne Blanc. Des dépenses d’investissements !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je ne sais comment se passent les réunions au sein du groupe UMP, mais je décèle là une légère divergence d’appréciation. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Dans les 245 milliards de dépenses supplémentaires que vous exigez, il y a 3 à 5 milliards pour les investissements culturels, dont la Maison de l’histoire de France, projet scientifiquement très contesté. Dont aussi le projet de la tour Utrillo, à Montfermeil – une tour achetée avec l’accord de la majorité précédente et à la demande de François Fillon lui-même, paraît-il. Une tour amiantée de la cave au plafond, désormais propriété de l’État et dont on peut craindre qu’elle ne l’astreigne à des dépenses qui n’ont que fort peu à voir avec la relance que vous semblez appeler de vos vœux.

Mais surtout, il s’agit de 240 milliards d’investissements en matière d’infrastructures terrestres. J’ai deviné chez l’ancien ministre des transports et chez le rapporteur spécial du budget des transports une pointe d’amusement lorsque vous avez expliqué qu’il fallait faire tout cela. Vous semblez ignorer, monsieur le député, que ces investissements sont financés grâce à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, qui, sous la majorité précédente, était dotée de un à deux milliards par an. Vous venez donc d’envisager benoîtement, mais vous avez manifestement l’éternité devant vous, entre un et deux siècles et demi de politique publique (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC). C’est une longue vie que vous nous prédisez à la direction des affaires de ce pays et je vous remercie de ces encouragements implicites, certes, mais que j’ai néanmoins pris comme tels.

Il faudrait retourner en commission encore parce que les journalistes, les artistes et nos compatriotes d’outre-mer – j’ignore si la liste est exhaustive dans votre bouche – voteraient pour nous. Cela me paraît inutile. Faire ce que nous avons dit pendant la campagne suffira peut-être. Je regrette simplement que, du haut de cette tribune, vous ayez jugé bon de stigmatiser les uns parce qu’ils habitent outre-mer et les autres parce qu’ils exercent telle profession. Vous vous arrangerez avec eux. Mais vous comprendrez que ni le Gouvernement, ni la majorité, ni probablement non plus les très nombreux de vos amis qui en dépit de cela vous ont applaudi n’approuvent de tels propos. Je serais fort surpris s’il en était autrement.

Vous avez dénoncé la politique familiale, et je vous fais la même réponse qu’à M. Mariton : vous avez voté la sous-indexation des prestations familiales, ce qui représente une perte de pouvoir d’achat de 500 millions pour toutes les familles. Nous proposons de déplacer 450 millions – de certaines familles vers d’autres certes, mais qui restent au service des familles. Je vous laisse à vos contradictions, sans bien comprendre comment vous pourrez les résoudre.

Vous nous accusez de créer des emplois par milliers. Lisez le projet de budget, monsieur le député, surtout étant chargé d’une motion de renvoi en commission : vous et surtout votre groupe y gagnerez en crédibilité. C’est en toutes lettres dans les documents officiels que vous avez sûrement consultés puisque vous êtes désormais membre de la commission des finances : il y aura l’année prochaine une suppression nette de 2 317 emplois. Et puisque vous avez évoqué les sous-préfectures, pour ce qui est du ministère de l’intérieur et en dehors de ses missions protégées, c’est-à-dire les missions de sécurité, il y aura une suppression de 614 emplois.

J’ai déjà entendu un certain nombre de motions de procédure et il m’est même arrivé d’en défendre quelques unes. Mais en vous écoutant me revenait en mémoire la maxime de Talleyrand selon laquelle tout ce qui est excessif est de peu d’importance. Même prononcés sur un ton patelin, les propos excessifs demeurent de peu d’importance.

Et je place dans cette catégorie votre jugement selon lequel le Président de la République réfléchirait davantage que les députés. Peut-être avez-vous raison, mais si tel est le cas, vous constaterez que le changement, c’est effectivement maintenant car sous la précédente mandature, ce n’était sûrement pas le cas. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

M. le président. Nous en venons aux explications de vote sur la motion de renvoi en commission.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe UMP.

M. Hervé Mariton. Nous devons voter cette motion parce que notre commission a besoin d’être informée sur la manière dont le Gouvernement entend que la France ne sombre pas dans le syndrome de Peter Pan.

Peter Pan, monsieur le ministre, ne voulait pas grandir. Le dispositif fiscal que vous nous proposez va encourager beaucoup de chefs d’entreprise et de créateurs d’entreprise à ne pas grandir. Vous nous avez annoncé un amendement, le rapporteur général aussi ; nous ne l’avons toujours pas. Je crois qu’il n’est pas raisonnable d’engager nos travaux sans savoir où le Gouvernement va.

On annonce en outre, pour les prochaines semaines, des initiatives du Gouvernement dans le domaine de la compétitivité. On pensait au départ qu’il s’agirait véritablement d’un plan de compétitivité ; on nous indique aujourd’hui qu’il s’agit plutôt, simplement, d’essayer d’influencer – sans doute est-ce affaire de méthode Coué – la psychologie des Français.

Franchement, est-ce qu’on peut réellement engager la discussion d’un projet de loi de finances dans ces conditions ? Non. Il faut revenir en commission. Il faut voter la motion. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Yves Jégo, pour le groupe UDI.

M. Yves Jégo. Vous avez toujours autant de talent, monsieur le ministre, pour essayer de tourner en ridicule ceux qui ne sont pas d’accord avec vous, pour mettre les rieurs de votre côté. Vous l’avez montré ce soir, et il faut vous reconnaître cette capacité. Mais les réalités sont là, et le groupe que je représente votera cette motion de renvoi en commission. Nous voudrions en effet vous convaincre, monsieur le ministre, nous voudrions vous convaincre, en commission, qu’il faut faire moins de dépenses publiques, plus d’efforts du côté des dépenses de l’État, moins d’impôts sous peine de tuer complètement la croissance, qu’il faut écouter au-delà de cet hémicycle ceux qui vous parlent. C’est vrai, écouter ceux du parti d’en face, ce n’est pas forcément quelque chose de facile, mais, au-delà de cet hémicycle, ceux qui twittent, ceux qui écrivent, tous ces chefs d’entreprise qu’on n’a jamais entendus prendre parti, dont beaucoup ont voté pour vous aux élections (Exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP), ces fameux pigeons que vous voulez plumer. Ils furent nombreux à voter pour vous aux élections. Ne crachez pas sur vos électeurs parce qu’ils sont chefs d’entreprise.

Eh oui, mesdames et messieurs de la gauche, il y a même des chefs d’entreprise de gauche, qui, aujourd’hui, vous disent : « Attention, on va dans le mur ! Attention, ce budget n’est pas un bon budget ! Attention, la récession nous guette ! Attention, ne soyez pas aveuglés par votre désir de vengeance politique et par votre volonté de détricoter tout ce qui a été fait avant vous ! Attention, attention, on ne joue pas, même pour un bon mot, monsieur le ministre, avec l’avenir de notre pays ! » (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean Launay, pour le groupe SRC.

M. Jean Launay. Faut-il rappeler à M. Étienne Blanc qu’en arrivant aux responsabilités, notre majorité a trouvé les finances publiques dans une situation catastrophique ? Un déficit de plus de 5 % du PIB, 1 700 milliards d’euros de dette, soit une augmentation de 600 milliards d’euros sous la présidence de M. Sarkozy. Alors, oui, si nous renions quelque chose, c’est la politique que vous avez soutenue !

Lors de la campagne présidentielle, l’engagement a été pris de réduire le déficit. Dès 2013, nous le ferons, en visant cet objectif de 3 % du PIB prévu par le Pacte de stabilité et de croissance. Jamais, sous la Ve République, un gouvernement n’avait fait un tel effort de désendettement. Cet effort est nécessaire pour renouer, Pierre Moscovici l’a rappelé, avec une croissance durable qui ne soit pas tirée vers le bas par l’accroissement de la dette. Cet effort est même indispensable, parce que nous ne pouvons plus dépendre des marchés pour financer les dépenses de l’État – c’est la souveraineté de notre pays qui est en cause –, parce que les projets que nous pourrons soutenir demain, après le redressement, ne seront pas des engagements à crédit, comme ceux que vous aviez pris pour votre part, parce que nous faisons le choix d’arrêter de faire peser sur nos enfants, sur nos petits-enfants, la charge de la dépense que nous engageons, parce que la France veut respecter ses engagements et être écoutée pour réorienter l’Europe, par l’exemple qu’elle donne, vers plus de solidarité. Voilà le constat objectif de l’ampleur du redressement nécessaire.

Mes chers collègues, le budget que nous allons examiner est un budget de combat, qui remet de l’équité là où il y avait surtout de l’injustice, et qui rétablit une vraie progressivité de l’impôt. Voilà un budget qui financera notre engagement pour une politique active de l’emploi. Voilà un budget qui soutient la croissance en concentrant l’effort sur la rente et non le risque, au profit du travail, de l’investissement, de l’appareil productif.

M. Marc Le Fur. Il n’y croit même pas ! Ça s’entend !

M. Jean Launay. Voilà un budget qui favorise les PME, parce qu’elles sont au cœur de la création d’emplois. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Meunier. C’est la meilleure, celle-là !

M. Jean Launay. Voilà un budget, mes chers collègues, qu’il nous tarde d’examiner, dans toutes ses modalités. C’est la raison pour laquelle j’appelle mes collègues à rejeter cette motion de renvoi en commission défendue par M. Blanc. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(La motion de renvoi en commission, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

Discussion générale commune

M. le président. Nous allons maintenant entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale commune.

Je vous rappelle que les porte-parole des groupes interviendront demain après-midi, après le débat préalable au Conseil européen.

Dans la discussion générale commune, la parole est à M. Xavier Bertrand.

M. Xavier Bertrand. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, si l’on regarde la situation économique internationale, il y a peu de raisons d’être sincèrement optimiste. Tous les moteurs de l’économie mondiale sont en train de ralentir, et ce ne sont pas les prévisions américaines d’une reprise très fragile qui doivent nous endormir, des prévisions auxquelles le contexte électoral américain n’est sans doute pas étranger.

Pourtant, nous voyons bien, en France, que vous avez décidé de faire un pari. Le rôle des gouvernants n’est pourtant pas de parier sur l’avenir ; le rôle des gouvernants, c’est de préparer l’avenir. Vous faites un pari en espérant que la croissance européenne vous tirera d’affaire, qu’elle vous empêchera soit de revenir sur vos engagements soit d’avoir à aller, l’an prochain, plus loin et plus fort en matière de prélèvements ou de coupes sombres non préparées et mal assumées, comme celles de cette année.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Claires, les coupes, pas sombres !

M. Xavier Bertrand. Regardons bien les choses. En définitive, toute la stratégie du Gouvernement consiste à espérer que des contingences extérieures à la France le tireront d’affaire.

Or, ce qu’il faut faire quand on est aux responsabilités, ce n’est pas de se tourner vers le passé, comme c’est votre habitude – bien commode ! Quand on voit le contexte international, on sait pertinemment qu’il faut mettre le cap droit sur la compétitivité, et réduire la dépense publique. Celle-ci est effectivement supérieure de dix points à celle de notre voisin et premier partenaire, l’Allemagne.

C’est cela que vous auriez dû faire. C’est cela que vous n’avez pas voulu faire. De quelque manière que l’on examine les choses, vous avez fait un choix intrinsèquement lié à la nature du parti socialiste : vous avez privilégié l’impôt. Des recettes en plus plutôt que des dépenses en moins. Deux tiers, un tiers : voilà ce que vous avez proposé.

M. Guy Geoffroy. Il fallait faire le contraire !

M. Xavier Bertrand. Deux tiers, un tiers, alors même qu’il était possible de faire moitié-moitié dès cette année, et d’aller plus loin sur la réduction des dépenses dès l’an prochain. Nous aurons l’occasion, dans ce débat, de montrer la différence qu’il y a entre vous et nous, de montrer la différence qu’il y a entre ceux qui déposent des amendements pour réduire la dépense publique et vous, qui vous y refusez. Vous avez même essayé de nous faire croire que vous aviez réduit de dix milliards d’euros les dépenses publiques,…

M. Guy Geoffroy. Ce qui est faux !

M. Xavier Bertrand. …alors que vous nous dites en fait, si l’on examine cela avec un peu d’attention : « Les dépenses auraient dû progresser de dix milliards d’euros et, comme elles n’ont pas progressé, il y a une baisse de dix milliards d’euros ».

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Exactement !

M. Xavier Bertrand. Je pensais que vous saviez compter, monsieur le ministre, ou, du moins, que vous ne preniez pas les parlementaires pour ce qu’ils ne sont pas en leur faisant prendre des vessies pour des lanternes. La réalité, c’est que, si vous aviez réellement baissé de dix milliards d’euros la dépense publique cette année, oui, vous auriez été au rendez-vous de la responsabilité.

Je ne sais pas s’il ne vous a pas fallu, avant tout, chercher à convaincre d’autres membres du Gouvernement. Voilà pourquoi votre vision n’est en rien économique, votre vision est purement budgétaire, et vous ne pouviez pas réussir.

Je l’ai dit, il fallait réduire la dépense publique. Nous ferons des propositions. S’agissant notamment de la contribution au budget de l’Union européenne, je ne suis pas certain qu’on ait besoin de faire un pas en avant et de l’augmenter comme prévu dès l’an prochain.

S’agissant des dotations aux collectivités locales, il ne s’agit pas de pénaliser les petites communes. Si l’État et les grandes collectivités géraient leur budget comme les maires des communes rurales, la situation ne serait pas celle que l’on connaît. En revanche, vous savez pertinemment que, dans de très grandes collectivités locales, il est temps de recentrer les investissements publics, comme le préconise la Cour des comptes, et qu’il est temps aussi de réduire les dépenses de fonctionnement, notamment les dépenses de personnel. C’est ce que nous faisons dans de très nombreuses municipalités gérées par l’UMP et par nos amis.

De même, j’aurai l’occasion de défendre, en deuxième partie du projet de loi de finances, des amendements qui s’inscrivent dans une logique à la fois d’efficacité de la dépense publique – ou de la recette, comme vous voulez – et d’équité. Je proposerai qu’il y ait, dès l’an prochain, un deuxième jour de carence en cas d’arrêt de travail des fonctionnaires, quelle que soit la fonction publique de rattachement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Mariani. Très bien !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. C’est courageux !

M. Xavier Bertrand. Je proposerai qu’il y ait un troisième jour de carence en 2014, ce qui ne fera que mettre le public au même niveau que le privé. J’aimerais vous retrouver à ce rendez-vous de l’équité et de la justice, puisque vous n’avez que ce mot à la bouche.

La réduction de la dépense publique, c’est la première des choses.

La deuxième, c’est la compétitivité. Oh, j’ai bien entendu le Président de la République nous dire qu’il fallait un choc de compétitivité. Il nous l’a dit avec la foi du converti ; il est vrai qu’il n’en avait pas parlé pendant sa campagne. J’ai vu qu’il avait été démenti aujourd’hui par le Premier ministre, lequel a déclaré qu’il fallait non pas un choc de compétitivité mais un choc de confiance, et plutôt une « trajectoire de compétitivité ».

M. Guy Geoffroy. Comme c’est clair !

M. Xavier Bertrand. Monsieur le ministre, ce ne sont pas les hommes et les femmes politiques qui créent des emplois, ce sont les entrepreneurs. Or votre budget n’est pas seulement anti-économique, il est aussi anti-entreprises et anti-entrepreneurs. Les démêlés que vous avez eus avec le mouvement des « pigeons » s’expliquent par le fait que vous n’avez pas de relais économiques, vous n’avez pas de relais dans les entreprises, vous n’avez pas su leur parler avant la présentation de ce budget. Autrement, vous vous seriez rendu compte que vous n’êtes pas seulement en train de casser ces entreprises : vous êtes en train de casser l’esprit d’entreprise.

M. le président. Mon cher collègue, il faut conclure.

M. Xavier Bertrand. Voilà ce qui vous a manqué !

Dans ce débat, nous aurons l’occasion de montrer que les « neuf Français sur dix qui ne paieront pas plus d’impôts », c’est une fable. Ne savez-vous plus compter, monsieur Cahuzac ? Il est pourtant facile de faire les additions, comme Gilles Carrez l’a fait.

En tout cas, la France a besoin de reprendre en main son destin économique. Cela ne se fera pas sans une action déterminée sur les dépenses et sans des réformes de structure en profondeur. Vous ne prenez pas ce chemin et, hélas, à cause de vous, la France prend un bien mauvais chemin. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Remarquable !

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le ministre, votre projet de budget est construit sur une base profondément déséquilibrée : très peu, trop peu de réductions de dépenses, ou plutôt des réductions apparentes, alors qu’elles sont nécessaires et mêmes essentielles, et, en revanche, une liste sans précédent de hausses de prélèvements obligatoires, pour un montant de 27 milliards d’euros.

Ce projet de budget ne règle malheureusement pas les deux problèmes principaux de notre pays que sont, d’une part, la compétitivité et l’emploi et, d’autre part, le pouvoir d’achat des familles.

Au contraire, le gourdin fiscal qui va s’abattre sur les ménages et les entreprises en raison des choix faits par le Gouvernement ne pourra que conduire notre pays à une explosion du chômage et à la récession, comme la plupart des experts le prédisent. Ce gourdin fiscal, vous l’avez choisi, en réalité, par facilité et par manque de courage. Ce courage, il vous l’aurait fallu – vous l’aviez, paraît-il, lorsque vous étiez dans l’opposition, mais vous ne l’avez plus dans la majorité –, pour engager des réformes ambitieuses, seules capables de permettre des économies et donc de préserver le portefeuille des Français. Monsieur le ministre, vous avez parlé, ainsi que le Premier ministre, d’un budget de courage ; c’est en réalité un budget d’austérité, un budget de récession. Vous avez refusé de faire des efforts sur l’État – Xavier Bertrand vient de le rappeler, la dépense n’est pas réduite, mais simplement stabilisée – et vous demandez aux Français de faire les efforts auxquels vous vous refusez.

Ce ne sont ainsi pas moins de 13 milliards d’euros d’impôts supplémentaires qui pèseront sur les ménages pour la seule année 2013, et ce sont 14 milliards d’euros de prélèvements qui mineront la compétitivité de nos entreprises.

Le Gouvernement, il est vrai, n’en est pas à son coup d’essai. Les mesures prises cet été contre les ménages, dans la loi de finances rectificative, avaient amorcé l’attaque contre le pouvoir d’achat des Français, et particulièrement celui des classes populaires et des classes moyennes.

Vous parlez régulièrement de 20 milliards d’impôts nouveaux. Ce n’est qu’une stratégie de communication, monsieur le ministre ! Votre gouvernement a en réalité décidé de créer 27 milliards d’impôts nouveaux. Vous voulez faire oublier les 7 milliards d’impôts que vous avez créés cet été !

La suppression des allégements de charges sur les heures supplémentaires et la fin de leur défiscalisation ont par exemple sonné le début du grand coup de sabre anti-salarial voulu par le Gouvernement. Pour vous, peu importent les conséquences. Peu importent les neuf millions de salariés modestes qui font des heures supplémentaires. Vous nous donniez des leçons, tout à l’heure, pour distinguer qui est riche et qui ne l’est pas. Je n’ai jamais vu un riche se faire payer des heures supplémentaires ! Mais neuf millions de salariés, notamment des fonctionnaires, ont payé dès le mois de septembre, sur leur feuille de salaire, le prix de votre politique. Il vous fallait absolument défaire ce qui avait été voté par la précédente majorité, quelles qu’en soient les conséquences pour nos concitoyens et les secteurs économiques en grande difficulté. Par ces mesures, monsieur le ministre, vous décidez d’écraser ces secteurs qui ont pourtant besoin de compétitivité et qui devraient être aujourd’hui soutenus par le gouvernement de la France.

Ces 9,5 millions de ménages représentent près de 40 % des salariés. Ils perdront au moins 450 euros de salaire par an. Quatre salariés sur dix qui faisaient régulièrement des heures supplémentaires étaient des ouvriers. Les fonctionnaires, comme je l’ai dit, sont aussi largement concernés.

Dans vos discours de campagne, vous prétendiez faire payer aux riches la facture des déficits. Le Premier ministre affirmait il y a encore quelques jours à la télévision, sans sourciller, que neuf salariés sur dix ne seraient pas touchés par les hausses d’impôt. Plus personne ne vous croit ! Il est aujourd’hui démontré que ce ne sont que mensonges. Il vous faut maintenant, mesdames et messieurs les députés de la majorité, cesser de vous cacher derrière un bilan fantasmé, et assumer vos actes auprès des Français qui vous ont fait confiance pour gouverner et non pour commenter le bilan de vos prédécesseurs. Vous les avez déjà, en quelques semaines, déçus et trompés. Toutes les enquêtes d’opinion illustrent d’ailleurs que nos concitoyens ne sont pas dupes de vos fables. Le désenchantement est immense, profond, et même désespérant pour nos concitoyens, et encore plus pour les entrepreneurs de notre pays.

Vous avez également prétendu que seules les grandes entreprises seraient mises à contribution. C’est totalement faux : le mouvement des « pigeons » l’a parfaitement illustré. C’est une erreur, monsieur le ministre, de surtaxer le capital-risque, surtout au moment où les banques ne prêtent plus aux PME. En décidant de prendre le risque d’assécher les capitaux qui acceptent d’investir dans ces PME, vous les condamnez à mort, et leurs employés au chômage.

Pire encore, le Gouvernement revient chaque jour sur ses promesses. On nous promettait un grand choc de compétitivité de 40 milliards d’euros. Tout comme le changement, qui n’est plus pour maintenant mais pour demain ou après-demain, voilà que le choc de compétitivité, c’est fini ! Le rapport de M. Gallois, rappelé de sa retraite, est mis à la corbeille avant d’avoir existé. Le Premier ministre ne parle plus, depuis ce matin, que d’une simple « trajectoire de compétitivité ». Une fois de plus vous ne prenez pas la mesure de l’absolue nécessité de relancer la croissance en France.

Force est de constater que chaque mesure prise est un nouveau coup de canif porté au pouvoir d’achat des classes moyennes. Vous préservez celui des plus aisés, par exemple en refusant de toucher aux niches fiscales qui sont, dans le budget que vous nous présentez, exactement du même montant que dans le budget de l’an dernier, ou en décidant que les SOFICA et la niche Malraux seront préservées. Et ce alors que vous imposez plus encore les familles qui ont un bébé en crèche, qui ont besoin de soutien scolaire ou simplement d’une aide à domicile !

Vos impôts, monsieur le ministre, pleuvent de toutes parts ! En frappant aussi durement les classes moyennes et les classes populaires, le Gouvernement et les députés du groupe socialiste montrent une drôle de conception de l’effort juste que promettait le Président de la République. En vérité c’est juste un effort sans précédent, aussi injuste qu’inefficace, que vous imposez aux Français. Les députés du groupe UDI dressent ce constat, qui les attriste. En choisissant d’agir contre la compétitivité, le Gouvernement a condamné notre pays à la récession. Nous ne pouvons donc que nous opposer à ce budget, car ses conséquences seront, hélas, désastreuses pour la croissance, pour nos entreprises et pour l’emploi. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je souhaite placer mes propos dans la continuité de mon intervention concernant le projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques. Élaborer la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 ainsi que la loi de finances initiale pour 2013 est un exercice périlleux, qui consiste à concilier les contraires.

Nous devons trouver le moyen de concilier des exigences apparemment contradictoires : réduire la dette d’une part, et d’autre part maintenir l’activité économique, et donc assurer un emploi et un revenu au plus grand nombre des Français. Il nous faut éviter tout à la fois le gouffre de la dette et celui de l’effondrement de l’action publique, qui mènent tous deux à la même conséquence : l’austérité.

Je veux le dire ici avec force, une fois encore : la gauche que nous incarnons, parce qu’elle est écologiste, considère la dette financière comme un véritable fléau, tout simplement parce que c’est la dette qui conduit à la diète budgétaire et à l’austérité. Elle maintient les taux d’intérêt à des niveaux élevés qui paralysent l’économie et condamnent les plus modestes à le rester, pendant que les détenteurs de la dette voient grossir leurs plus-values. La dette est l’ennemie des plus modestes et des innovateurs, parce qu’elle génère de l’austérité. Nous devons aussi expliquer cela à nos concitoyens. C’est pour eux que nous devons nous engager dans le redressement des comptes publics.

Mais le risque de l’endettement ne doit pas nous conduire précipitamment à l’assèchement de la dépense publique et à l’amenuisement de l’action publique. Le remède peut être pire que le mal. Pourtant, la gauche a pris ses responsabilités en réduisant la dépense de l’État de 10 milliards d’euros dans le projet de loi de finances pour 2013, ce qui représente 3 % du budget. Jamais aucun gouvernement n’a fait un tel effort. Nous n’en tirons pas de fierté particulière, car nous considérons qu’il s’agit simplement d’une nécessité.

À la droite de cet hémicycle, on proposait encore il y a quelque mois le double de réductions de dépenses. Ce chiffre a diminué de moitié, d’après ce que j’ai compris : vous ne préconisez plus deux tiers de baisses de dépenses pour un tiers de hausse des recettes, mais moitié de baisses de dépenses et moitié de hausse des recettes. Tant mieux : vous faites un pas dans la bonne direction. Vous vous rapprochez de nous. Il n’y a plus beaucoup d’espace entre nous, semble-t-il ! Attention, vous filez un mauvais coton ! Même si les dix dernières années ne plaident pas en votre faveur.

Il est facile de réduire les dépenses quand il s’agit de réduire les gaspillages. Dans son principe, ce discours suscite une réelle adhésion dans l’opinion. Le problème, c’est que lorsque nous parlons de gaspillage, nous ne parlons pas obligatoirement tous de la même chose : chacun ses gaspillages ! J’apprécierais que quelqu’un nous en dresse un jour une liste qui fasse consensus. Ce jour n’est pas venu. On assiste le plus souvent à une levée de boucliers à chaque fois qu’une nouvelle baisse des dépenses est proposée. Notre collègue Blanc, « M. 245 Milliards », nous en a donné une bonne illustration il y a quelques minutes.

Il y a sans doute quelques dépenses pour lesquelles nous pouvons trouver un large consensus, je dirais même une quasi-unanimité, dans la société. Il n’y a que dans cette assemblée que des oppositions pourraient peut-être s’exprimer. Je pense qu’il n’est pas besoin de détailler la nature de ces gaspillages.

Ne nous laissons pas abuser par les sirènes de l’anti-gaspi. Ne nous laissons pas piéger par les discours démagogiques, comme celui d’un candidat à la présidence d’un grand parti de droite qui déclare que sur les 95 milliards d’euros de dépenses des collectivités locales, 20 appartiennent à un périmètre commun. Et alors, me direz-vous, n’est-ce pas exact ? Ce qui est vrai, c’est que 20 milliards d’euros portent sur des compétences communes. En réalité, comme vous le savez, mes chers collègues, une grande partie de ces dépenses s’additionnent pour financer des projets sportifs, culturels ou économiques. Ces 20 milliards d’euros ne sont donc pas en compétition, comme les propos que j’ai mentionnés semblaient le suggérer.

Le débat qui aura lieu à l’occasion de l’examen de la seconde partie de la loi de finances en fera sans doute l’éclatante démonstration. On verra ceux-là mêmes qui aujourd’hui se réjouissent de la baisse de la dépense publique, et en redemandent, s’insurger contre telle ou telle économie. Les exemples vont se multiplier dans les prochains jours, je n’en doute pas un instant, car celles et ceux qui sont touchés ne manqueront pas de se manifester. L’exemple des interventions de nombreux collègues pour maintenir le dispositif de remplacement des agriculteurs ou celui favorisant l’installation des jeunes agriculteurs l’illustre parfaitement. Ces dispositifs sont, bien sûr, utiles, voire nécessaires. J’ai moi-même déposé un amendement dans ce sens avec ma collègue députée de Dordogne et viticultrice, Brigitte Allain. Si l’on analyse dans le détail l’usage de ces dépenses, le débat prend tout de suite une autre tournure. L’aide au remplacement permet notamment à des personnes qui ne ménagent pas leur peine de prendre un peu de repos, et garantit l’activité agricole et la vitalité de nos campagnes. Le remplacement crée de l’emploi. « De l’emploi subventionné » ? Oui, et alors ? « De l’emploi assisté » ? Aïe, aie, aïe !

Les aides à l’installation des jeunes créent également de l’emploi, qui sont elles aussi financées avec de l’argent public. Combien de dispositifs, combien d’euros sont ainsi consacrés dans notre pays à l’emploi, à la solidarité, à la culture, à l’éducation, avec de l’argent public ? Bref, ces moyens sont consacrés à tout ce qui fait notre bien commun.

Cela a été souligné en 2008. Souvenez-vous : quand la crise a débuté, c’est grâce au service public que la France a mieux résisté que ses voisins.

M. Pascal Cherki. Très juste !

M. Éric Alauzet. Pourtant, certains n’ont qu’une obsession : réduire leur contribution au pot commun et réduire encore l’action publique. Pour eux, ce n’est jamais assez. Ils veulent dégraisser le mammouth, même quand il est à l’os !

Pourtant, les certitudes des libéraux et des conservateurs vacillent. La réalité s’impose à eux : le malade ne risque-t-il pas de mourir guéri, comme en Grèce où la dette publique est plus élevée aujourd’hui qu’avant la restructuration ? La directrice générale du FMI revient à la raison et défend maintenant un délai supplémentaire pour le retour à l’équilibre budgétaire au Portugal, en Espagne, en Grèce. Et pendant ce temps, que dit la droite française ? Qu’il faut réduire les dépenses de 15 milliards d’euros ! La saignée, encore plus de saignée ! Ne caricaturons pas si nous ne voulons pas désespérer nos concitoyens. À moins que l’on cherche sciemment à les confiner dans des perceptions simplistes.

De quels moyens disposons-nous, dans ces projets de loi de programmation des finances publiques et de loi de finances pour 2013, pour réaliser notre objectif de réduction de la dette ?

Nous pouvons réduire la dépense publique. Bien entendu. C’est ce que nous faisons, mais en prenant soin de n’aller ni trop loin ni trop fort. Nous pouvons également revoir la fiscalité. Bien entendu. À condition de le faire en respectant la justice sociale et, là aussi, en n’allant pas trop loin afin de ne pas décourager les uns et les autres. C’est bien entendu d’une combinaison de ces deux possibilités dont nous avons besoin. Nous proposons une répartition d’un tiers de baisse des dépenses pour deux tiers de hausse des recettes, alors que vous proposez une répartition 50-50. Tel est le débat dans cet hémicycle.

Dans le même temps, chacun a bien conscience que les demi-mesures ne suffiront pas. Tôt ou tard, quand chacun prendra la mesure de l’impasse dans laquelle nous nous trouvons et que les détenteurs de la dette eux-mêmes commenceront à douter, il faudra adopter d’autres dispositions. Certains économistes ont déjà étudié la possibilité de neutraliser, au moins en partie, les intérêts de la dette grâce à un programme de rachat de cette dette par les banques centrales. Cela ne serait pas la première fois dans l’histoire de nos sociétés.

Pour l’heure, le Gouvernement et la majorité parlementaire ont cherché un équilibre difficile entre le maintien de l’action publique, la protection des plus modestes et des classes moyennes basses, et le soutien aux entreprises innovantes. Le retrait fiscal loué par nos prédécesseurs et l’idéologie libérale ont montré leur inefficacité. L’impôt sur le revenu épargnera celles et ceux qui se situent dans les tranches inférieures. Notre majorité a effectivement souhaité revenir sur le gel des tranches décidé par le précédent gouvernement. L’effort le plus important sera bien porté par les plus favorisés, notamment avec le plafonnement des niches fiscales.

Nous, écologistes, continuons à penser qu’une réforme fiscale plus ambitieuse devra voir le jour, à laquelle il faudra réfléchir dans le cadre de la conférence sociale, mais aussi de la conférence environnementale. On ne peut plus parier à l’infini sur une croissance qui ne reviendra plus ! La conversion écologique peut devenir notre nouvelle boussole, notamment pour trouver un financement plus moderne de la protection sociale, qui soit moins assis sur l’énergie humaine, et plus sur l’énergie fossile.

Nous disposons cependant dès cette année d’un potentiel de recettes qui pourrait préfigurer cette évolution, en amorçant la résorption des niches fiscales anti-écologiques qui donnent aujourd’hui un avantage anachronique au kérosène, au diesel et aux agro-carburants de première génération, ou qui encouragent insuffisamment les économies d’énergie.

Mme Barbara Pompili. Tout à fait !

M. Éric Alauzet. Parmi nos propositions, je citerai le plafonnement du barème kilométrique, ou encore l’abaissement du seuil d’émission de C02 automobile ouvrant droit au bonus-malus.

Côté dépenses, les écologistes partagent l’analyse de la Cour des comptes, qui recommande de revisiter les grands projets d’infrastructures de transports ou énergétiques au vu de leur rentabilité socio-économique, qui est parfois médiocre. Cela suppose également de les replacer dans une hiérarchie de développement durable. Les textes d’orientation européens en matière de transports préconisent ainsi depuis quinze ans de privilégier les transports de marchandises et les transports quotidiens de personnes sur de courtes distances par rapport au transport de personnes sur de longues distances.

De la même manière, la priorité doit être donnée aux économies d’énergie plus qu’à la production d’énergie. Il convient par exemple d’utiliser les fonds publics pour résorber les pointes de consommation d’énergie, plutôt que pour renforcer les réseaux. Nous déposerons également un amendement en ce sens.

Voilà un certain nombre de pistes, parmi d’autres, concernant tant les recettes que les dépenses, qui feront l’objet d’amendements du groupe écologiste. Vous savez, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, que nous les défendrons dans un esprit constructif. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. Pascal Cherki. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Paul Giacobbi.

M. Paul Giacobbi. Monsieur le président, mes chers collègues, au terme d’une journée éprouvante pour votre serviteur, au cours de laquelle il a tout entendu, je voudrais saisir cette occasion pour appeler votre attention sur la Corse, non pas, comme je le fais devant vous depuis dix ans, et encore il y a deux semaines, sur la nécessité de lutter contre la criminalité dans notre île – et j’espère, à cette occasion, qu’à quelque chose malheur étant bon, on finira par entendre ce que je dis – mais sur la question complexe, symbolique et exaspérante de la reconstitution des titres de propriété, du règlement de l’indivision immobilière et de la fiscalité des successions dans notre île.

Vous le savez peut-être, en tout cas les plus informés d’entre vous, l’affaire remonte à 1797, donc à la fin du XVIIIsiècle, date à laquelle l’État, constatant les difficultés inextricables de la propriété foncière en Corse, avait décidé de ne pas y taxer les biens immobiliers et, surtout, de ne pas rendre obligatoire en pratique la déclaration de succession pour ces biens. Le fait de ne pas être obligé d’organiser une succession devant un notaire, donc de ne pas payer les droits afférents, qui pourrait être considéré comme un avantage, n’a fait que rendre la situation foncière en Corse plus difficile, génération après génération.

Pour sortir de cette situation, la loi du 22 janvier 2002 a prévu que les successions ouvertes seraient totalement exonérées jusqu’au 31 décembre de cette année, puis que les droits seraient, d’abord, dus sur la moitié de la valeur des biens jusqu’au 31 décembre 2017 et en totalité au-delà. Il avait été annoncé qu’entre-temps, on accomplirait les efforts nécessaires pour titrer les propriétés et nous ramener, de ce point de vue également, à la normalité, mot à la mode ! Nous l’attendons pour cette raison et pour d’autres encore, depuis deux siècles ! Or il a fallu attendre la loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et des libéralités pour que soit autorisée la création d’un groupement d’intérêt public associant l’État, la collectivité territoriale de Corse, les associations départementales des maires ainsi que le conseil régional des notaires, afin de rassembler tous les éléments propres à reconstituer les titres de propriété des biens immobiliers lorsqu’ils en sont dépourvus. Créé en 2008, ce groupement, dit GIRTEC, n’a en réalité commencé à travailler qu’à compter du printemps 2009 et n’a pu que progresser lentement, même s’il le fait efficacement, tant il est vrai que près de la moitié du territoire de la Corse se trouve en indivision ou sans titre de propriété, ce qui est une cause de troubles considérables.

Dès lors, la logique de la loi de 2002 qui consistait fort justement à faire aller de pair le retour aux droits successoraux normaux pour la Corse, la sortie des situations d’indivision et le titrage des propriétés, se trouve contredite parce qu’il est évident que l’on va imposer des règles civiles et fiscales à une situation qui n’est pas résolue, entraînant de très grandes injustices, par exemple des taxations qui se feront sur la base de la valeur présente pour des successions vieilles parfois d’un siècle, ce qui est d’ailleurs parfaitement anormal. L’Assemblée de Corse, agissant dans le cadre de la loi, en particulier de l’article L. 4422-16 du code général des collectivités territoriales, lequel lui permet de faire des propositions de nature législative, a suggéré, par délibération du 30 juin 2011, d’adapter le dispositif pour permettre de regrouper le retour à la taxation normale et le titrage des propriétés, ainsi que la sortie des indivisions. L’Assemblée de Corse avait proposé d’attribuer à la collectivité territoriale la compétence pour fixer les règles de taxation à compter du 1er janvier 2013. Le précédent gouvernement avait soumis ces propositions au Conseil d’État qui aurait fait des objections sur la constitutionnalité du dispositif. Je dis « aurait fait » puisque, à ce jour, le Premier ministre n’a daigné ni répondre ni même communiquer la teneur des objections du Conseil d’État que nous connaissons d’ailleurs parfaitement, mais officieusement… Dans sa séance du 5 juillet 2012, l’Assemblée de Corse a réitéré ses propositions et formulé le vœu qu’on lui réponde, enfin, dans les formes prescrites par la loi, ce qui n’est tout de même pas excessif, mais qui n’a pas été fait à ce jour en dépit des relances répétées. Il ne s’agit nullement, dans cette affaire, de vouloir maintenir un avantage fiscal pour la Corse, mais de constater qu’il n’est ni juste ni équitable de ramener notre île au droit commun de la taxation des successions immobilières, alors même que nous sommes très loin de la remise en ordre à laquelle la loi s’était engagée. Cette affaire paraît anecdotique comme le serait une survivance de l’histoire, mais, si l’on n’y prend pas garde, elle créera inutilement, et sans véritable intérêt budgétaire pour la nation, un cortège d’injustices, de contentieux et d’incompréhensions.

Sur le plan plus politique, la Corse ne comprend pas la raison pour laquelle le transfert d’une fiscalité sur les successions immobilières, qui ne rapporte aujourd’hui pratiquement pas un sou à l’État, poserait un problème d’équilibre du budget. Elle ne comprend pas d’ailleurs non plus pourquoi il serait légitime de faire payer aux Corses des successions remontant à des décennies sur la base des valeurs foncières actuelles, mettant ainsi à leur charge deux siècles d’une incurie administrative de l’État dans ce domaine en Corse. J’ajoute qu’au moment où la Corse se voit demander d’émettre un avis et de faire des propositions dans le cadre de la nouvelle phase de la décentralisation, il serait particulièrement malvenu de la traiter de manière aussi injuste en même temps que l’on ne tiendrait aucun compte des règles de procédures en vigueur depuis une décennie, qui lui permettent de faire des propositions législatives.

Enfin, il conviendrait plutôt d’agir, ici, comme lors de l’examen du projet de loi relatif au plan d’aménagement et de développement durable de la Corse, examen au cours duquel l’Assemblée nationale et le Sénat unanimes ont suivi pratiquement à la lettre les propositions extrêmement novatrices de l’Assemblée de Corse, elle aussi unanime, nous donnant ainsi un outil de planification de l’urbanisme rigoureux et opérationnel dont nous menons l’élaboration dans un climat de consensus en dépit d’une orientation générale qui va très clairement dans le sens du renforcement des dispositions nationales visant à la protection du littoral et, plus généralement, de la nature et de l’environnement, mettant fin à une longue période de dissensions et de polémiques, permettant aussi une meilleure sécurité juridique tout en préservant les objectifs de développement durable de notre île. C’est la raison pour laquelle je demande solennellement au Gouvernement et au ministre, lorsqu’il voudra bien m’écouter, ce qu’il ne fait pas encore, mais qu’il fera certainement incessamment…

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Mais j’ai entendu, monsieur le député ! J’ai entendu un plaidoyer pour cette noble cause !

M. Paul Giacobbi. Je n’en doute pas un instant, monsieur le ministre ! Je demande donc solennellement au Gouvernement d’appliquer rigoureusement la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse et, en particulier, les dispositions qui lui enjoignent de répondre en temps utiles, même par la négative, aux propositions d’adaptation législative formulées par l’Assemblée de Corse et, au moins, d’entamer sur ce point un dialogue aussi fructueux et efficace que celui qui a permis précédemment l’adoption de la loi sur le PADDUC. Dans cette attente, et pour éviter que le couperet tombe au 31 décembre de cette année, je lui demande d’accueillir favorablement l’amendement que je présente, quitte à le modifier et à le faire sien ; personne n’ayant de vanité d’auteur l’amenant à souffrir d’une modification même substantielle. En tout état de cause, je défendrai cet amendement qui, à ma grande surprise d’ailleurs, a été déclaré recevable par la commission des finances ! Mais, à l’évidence, il vaudrait infiniment mieux que le Gouvernement prenne une position raisonnable et déterminée sur ce point, réponde aux attentes et formule devant cette assemblée ses propositions de solution. (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à M. Gaby Charroux.

M. Gaby Charroux. Monsieur le président, mesdames, messieurs, nous entamons la discussion de ce projet de loi de finances dans un contexte économique et social particulièrement sombre. Le chômage a atteint un niveau record. Près de cinq millions de nos concitoyens sont aujourd’hui inscrits à Pôle emploi et, parmi eux, près de 40 % sont au chômage depuis plus d’un an. La part des chômeurs non indemnisés a également augmenté. Ainsi, 58 % des demandeurs d’emploi ne sont plus indemnisés. Au total, ce sont 3,3 millions de nos concitoyens qui vivent en France avec des minima sociaux et plus de 8,5 millions qui vivent avec moins de 964 euros par mois. Cette dégradation est d’ailleurs très palpable. Il ne se passe pas une semaine sans l’annonce de nouveaux plans sociaux. De fait, l’industrie a perdu 21 000 emplois en un an, le bâtiment 12 000 et le tertiaire, lui-même, 6 000. Notre industrie est dans un état critique : 921 sites industriels ont fermé depuis 2009. Le nombre de fermetures de sites a connu, cette année encore, une hausse de 46 %. La situation du marché du travail devrait se dégrader encore davantage puisque, selon la Banque de France, l’économie française, qui stagnait jusque-là, est cette fois entrée elle aussi en récession.

Cette situation est la traduction du marasme économique qui affecte l’ensemble de l’Europe. Nous sommes entrés dans une spirale récessive qui ne touche plus seulement certains pays tels que la Grèce ou l’Irlande, mais également l’Italie et l’Espagne. Dans ces pays, comme dans le nôtre, tous les moteurs de la croissance sont au point mort ; une situation aggravée par les politiques d’austérité qui achèvent de déprimer la demande intérieure au lieu de la soutenir.

C’est à la lumière de ce contexte économique qu’il convient d’examiner le présent projet de loi de programmation et le projet de loi de finances. Nous ne pouvons, en effet, nous en tenir aux critères comptables qui forment, aujourd’hui, le cadre quasi exclusif de discussion de la politique budgétaire.

Votre priorité, monsieur le ministre, est de réduire le poids de la dette dans la richesse nationale. Nous ne contestons pas l’objectif en lui-même, même si nous considérons que les Français ne sont pas comptables de la part de la dette imputable en France à la finance.

M. Marc Dolez. Très bien !

M. Gaby Charroux. Nous ne contestons pas davantage votre volonté de mettre fin à la stratégie d’assèchement des finances publiques poursuivie délibérément, depuis dix ans, au bénéfice des plus aisés et des grandes entreprises. Nous regrettons, toutefois, la restriction des dépenses budgétaires et l’augmentation des charges que subiront nombre de nos concitoyens aux revenus modestes et moyens.

Vous faites de la réduction des déficits l’instrument privilégié de la réduction de la dette au détriment de tout le reste. Or c’est la croissance, nous semble-t-il, qui nous permettra de réduire nos déficits et non la réduction des déficits qui fera advenir, comme par miracle, la croissance.

En vous fixant pour objectif de faire revenir les déficits publics sous la barre des 3 % l’an prochain, vous empruntez une voie risquée. Cet objectif nous paraît difficile à atteindre et, s’il doit l’être, ce sera au risque de plonger, nous le craignons, l’économie française dans la dépression et, au bout du compte, d’accroître encore l’endettement public comme le montrent les exemples de l’Italie, de l’Espagne ou encore de la Grèce, et ce si la croissance n’est pas au rendez-vous attendu – autour de 0,8 % – ce qui obligerait notre pays et notre gouvernement à trouver encore deux ou trois dizaines de milliards d’euros.

Votre projet de loi de programmation prévoit de nouvelles réductions d’effectifs dans la fonction publique – 2 % en moyenne d’ici à 2015 –, de nouvelles coupes dans les dépenses de fonctionnement des ministères – 5 % d’ici à 2015 –, un quasi-gel des investissements, la réduction des concours de l’État aux collectivités locales de 750 millions d’euros par an à compter de l’an prochain… Ces décisions se traduiront, je le crains, par une dégradation des conditions de vie de nos concitoyens et aussi une dégradation des services publics que les efforts consentis en matière d’éducation, de justice ou de sécurité ne suffiront sans doute pas à compenser.

Par ailleurs, les collectivités locales réalisent, aujourd’hui, plus des deux tiers des investissements publics. Elles seront, demain, privées de la possibilité de le faire, avec des conséquences, là encore, très concrètes sur la vie quotidienne de nos concitoyens : baisse de la qualité ou renchérissement du coût des services de santé ou de transport, difficultés accrues sur le terrain des aides sociales... Vous avez décidé d’opter pour la rigueur afin de mieux « préparer l’avenir », soit ! Mais préparer l’avenir, c’est, selon nous, également autre chose. C’est faire de la croissance et de l’emploi les priorités d’action de la gauche. C’est réhabiliter l’impôt en permettant à nos concitoyens d’en voir les fruits dans les dépenses publiques utiles. C’est chercher à réduire évasion et niches fiscales. C’est développer l’investissement public et privé avec l’appui d’un pôle financier public à même de desserrer l’étau des contraintes extérieures. C’est, enfin, donner à l’État, aux collectivités et aux établissements de santé, les moyens de faire face à leurs missions dans l’intérêt de tous.

Vous le comprendrez, nous exprimons, en conséquence, des réserves inquiètes sur le projet de loi de programmation et le projet de loi de finances qui nous sont présentés aujourd’hui.

M. Marc Dolez. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Alain Claeys.

M. Alain Claeys. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je centrerai mon intervention sur le crédit impôt recherche. Il ne s’agit pas, ici, d’évoquer l’élargissement du crédit impôt recherche que nous examinerons en fin de seconde partie du présent projet de loi de finances, mais le crédit impôt recherche dans ses dispositions actuelles.

Le crédit impôt recherche existe depuis 2003. Il figure au programme 172 de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Il est inscrit au présent projet de budget pour une dépense fiscale de 3,350 milliards d’euros, soit plus du quart des crédits ouverts pour la part de cette mission consacrée à la recherche.

Un tel poids me semble justifier que l’on consacre au crédit d’impôt recherche une réflexion spécifique.

Autant le crédit d’impôt recherche est un soutien précieux à la recherche en entreprise, donc à la compétitivité de l’industrie de notre pays, autant le montant de la dépense fiscale justifie que l’on s’intéresse à la maîtrise du dispositif et aux risques que pourrait faire courir une croissance sans contrôle.

En 2008, lors de la réforme qui a simplifié le dispositif, avec l’instauration d’un crédit d’impôt de 30 % des dépenses de recherche et développement jusqu’à 100 millions d’euros et de 5 % au-delà, les prévisions portaient sur une dépense annuelle en régime de croisière de 2,7 milliards d’euros. En 2011, elle aura été de plus de 3 milliards. La dépense pour 2013 est encore en progression, évaluée à 3,35 milliards.

Pourtant, ces chiffres sous-estiment encore le poids du crédit d’impôt recherche. La créance fiscale qu’il fait naître est en fait bien supérieure à la dépense inscrite. Selon le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche lui-même, elle a atteint 4,15 milliards d’euros au titre de l’année 2008, 4,7 au titre de 2009 enfin, dernière estimation, 5,05 milliards d’euros au titre de l’année 2010.

Certes, cette évolution est d’abord due au succès du crédit d’impôt recherche. Au cours de la même période, le nombre d’entreprises qui y ont eu recours est passé de 13 400 à près de 18 000. Il reste que l’intégralité de la créance fiscale annuelle devra bien finir par apparaître au sein du projet de loi de finances. La présentation du budget pour 2014 devrait être ce moment de vérité.

Se pose donc à nous la question de l’espace à donner au crédit d’impôt recherche. La dépense fiscale ainsi créée peut-elle encore continuer à croître ? Sinon, à quel montant optimal devrait-elle être plafonnée ?

Les études sur l’efficacité du crédit d’impôt recherche sont difficiles à interpréter. Les plus abouties portent sur sa configuration d’avant 2008. Pour autant, elles indiquent un effet favorable de ce crédit d’impôt, que corroborent les indicateurs figurant au projet annuel de performances. En même temps, il apparaîtrait que son rendement serait de plus en plus faible au fur et à mesure de l’augmentation de son plafond. Des phénomènes d’optimisation fiscale ont aussi pu être repérés.

Le crédit d’impôt recherche a aussi pu être considéré comme un instrument de lutte contre les délocalisations. Les avis sont cependant partagés sur ce point. Si tel était le cas, serait-ce bien son rôle de venir atténuer une fiscalité des entreprises jugée trop élevée ?

L’enjeu est ailleurs, en effet. Au fur et à mesure de sa progression, le crédit d’impôt recherche finira par peser sur la recherche publique. Une fois l’intégralité de la créance fiscale budgétée, il sera possible de dire que l’effort de l’État en faveur de la recherche est non pas de 14 milliards d’euros mais de 19 milliards. Un tel montant pourra alors susciter des velléités d’économies. Faute de pouvoir maîtriser l’évolution des montants du crédit d’impôt recherche, c’est sur les dotations budgétaires à la recherche publique que ces économies risquent d’être recherchées. Il existe bel et bien un effet latent d’éviction de la recherche financée par la dotation budgétaire au profit de celle financée par la dépense fiscale.

Je souhaite donc que, indépendamment de l’extension du crédit d’impôt recherche à l’innovation, notre Assemblée engage une réflexion sur la fonction de ce crédit d’impôt, les conditions de son efficacité et les éventuelles limitations à apporter à la dépense qu’il génère.

Sans attendre, la commission des finances de notre Assemblée pourrait, elle aussi, en application du 2° de l’article 58 de la loi organique relative aux lois de finances, demander à la Cour des comptes de réaliser une étude sur le crédit d’impôt recherche. À partir des conclusions de celle-ci, pourra s’engager un débat approfondi sur les diverses facettes de l’apport de ce crédit d’impôt et sur la place que celui-ci doit tenir au sein du financement de la recherche.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Vautrin.

Mme Catherine Vautrin. Monsieur le ministre, votre budget porte une triple inquiétude : une inquiétude pour les ménages, une inquiétude pour les entreprises et leurs salariés, une inquiétude pour la compétitivité de notre pays.

L’ampleur des prélèvements nouveaux ainsi que leur répartition auront des effets contre-productifs en matière de financement de nos entreprises, de délocalisation des capitaux et des cerveaux mais aussi de pouvoir d’achat pour les classes moyennes.

Votre budget, c’est le matraquage fiscal des classes moyennes !

Contrairement à ce que vous affirmez, ce n’est pas un Français sur dix qui sera touché, c’est la majorité d’entre eux et particulièrement les classes moyennes.

Avec le gel du barème de l’impôt sur le revenu, ce sont de nombreux concitoyens qui vont devoir payer des impôts.

Avec la fin de la défiscalisation des heures supplémentaires, vous avez retiré à plus de 9 millions de Français une source de revenus supplémentaires : 50 à 60 euros par mois pour les salariés d’un hôtel dans ma circonscription, 80 euros par mois pour les salariés d’une entreprise de transport, entreprise dont l’activité diminue car certains de ses clients lui préfèrent des transporteurs étrangers, plus compétitifs mais beaucoup moins rigoureux sur les horaires, donc sur la sécurité. C’est donc une double peine pour le chef d’entreprise, qui doit expliquer pourquoi il n’est pas en mesure de compenser le manque à gagner. Mais à qui la faute ? À vos choix politiques !

Depuis cinq mois vous instaurez un véritable climat de défiance à l’égard des entreprises. Hier, c’était une famille d’industriels jetée en pâture dans l’hémicycle. Aujourd’hui, avec ce budget, ce sont les créateurs d’entreprise qui sont pénalisés. Comment décourager quelqu’un qui a consacré sa vie au développement de son entreprise, donc à l’emploi ? Votre budget, c’est une invitation à partir s’installer ailleurs, à Londres, à Bruxelles.

Vous imposez 10 milliards d’efforts aux entreprises au moment où la crise frappe, où le nombre de faillites est en hausse et où la seule réponse qui vaille est la baisse des charges. Vous, vous choisissez de les enfoncer un peu plus. Est-ce votre vision du choc de compétitivité ?

Votre budget, c’est également le matraquage des emplois familiaux. Vous décidez de rendre plus difficile le maintien à domicile des personnes âgées, véritable enjeu pour la société, d’autant que, dans quelques jours, avec le PLFSS, nous assisterons à la fin de l’exonération des charges pour les personnes âgées imposables. Vous frappez également la garde d’enfant, clé de l’accès des femmes à l’emploi. Vous imposez la suppression du forfait applicable au versement des cotisations sociales pour les salariés intervenant à domicile.

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est vous qui avez tué les emplois à domicile !

Mme Catherine Vautrin. Cette mesure entraînera une augmentation immédiate du montant des cotisations sociales, qui se traduira par une hausse de 25 % du coût du service. C’est à court terme la destruction de 85 000 emplois, sans parler du retour au travail au noir.

Vous imposez également une limitation de 10 000 euros pour les niches fiscales. Avec cette mesure, les choses sont claires, vous condamnez les Français à choisir entre le foncier, la nounou et la solidarité. Les salariés de ces secteurs vous en sauront gré. Merci pour les emplois de proximité, merci pour l’aide apportée à des personnes peu qualifiées, que vous allez à nouveau précariser (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.).

M. Christian Jacob. Très bien !

Mme Catherine Vautrin. Votre budget est établi sur une prévision de croissance de 0,8 % alors que tous les économistes estiment que l’on arrivera à 0,3 %.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Combien aviez-vous prévu pour 2013 ?

Mme Catherine Vautrin. Vous devrez alors faire un effort de réduction de la dépense publique. Notre taux de prélèvement obligatoire battant déjà le record européen, vous n’aurez pas d’autre choix que d’en venir enfin aux économies.

Votre budget est dangereux : avec le matraquage fiscal des classes moyennes, vous tuez la consommation ; avec le matraquage fiscal des entreprises, vous tuez la compétitivité et l’emploi ; avec l’augmentation des dépenses de l’État, vous rompez avec une discipline de réduction des dépenses, vous tuez la croissance.

C’est un budget d’austérité, de récession, de régression pour notre pays et, on le voit bien avec les choix que vous avez opérés, notamment en matière de niches fiscales, c’est une politique de clientélisme, injuste, conduite sans concertation, dans laquelle, les sondages le montrent tous, une majorité des Français ne se reconnaît pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Yves Jégo.

M. Yves Jégo. Nous ne voterons pas le budget que vous nous proposez, monsieur le ministre. Nous ne le voterons pas, et nous le regrettons, parce qu’il est fondé sur une triple erreur, qui aura sans doute, malheureusement, des conséquences funestes pour l’avenir de notre pays : une erreur politique, une erreur sociale et une erreur économique.

L’erreur politique, c’est d’avoir fait semblant de sous-estimer la crise depuis 2008, c’est d’avoir laissé croire aux Français que l’on pouvait augmenter le SMIC et les minima sociaux, recruter 60 000 fonctionnaires de plus dans l’éducation nationale, maintenir les services publics en tous lieux, augmenter tous les budgets et ramener la retraite à soixante ans sans aucune conséquence pour leur avenir et que seuls les riches allaient payer l’addition.

L’erreur politique, c’est d’avoir laissé croire à une partie de vos électeurs que vous alliez renégocier le traité européen et refuser tout net ce que nos collègues du Front de gauche appellent l’austérité européenne, qui nous oblige à tant d’efforts pour revenir aux 3 % de déficit et organiser la convergence avec le reste de l’Europe.

L’erreur politique, c’est d’avoir bercé nos compatriotes d’illusions en laissant croire qu’il suffisait de détricoter les mesures de la précédente majorité pour régler comme par miracle tous les problèmes du pays en oubliant que, depuis presque quarante ans, le fléau de la dette vient envahir l’avenir de bien sombres perspectives.

L’erreur politique, enfin, c’est d’avoir trompé tant et tant de Français, qui voient aujourd’hui leurs usines liquidées simplement parce que personne n’est capable d’expliquer clairement la stratégie de redressement productif qui devait éviter ou limiter les plans sociaux.

Vous payez d’ailleurs cash dans l’opinion publique la désillusion de ceux qui vous ont fait confiance et qui, aujourd’hui, sont, pour les plus optimistes, déçus et, pour les plus réalistes, atterrés par l’absence de perspectives ouvertes par les premiers mois de votre gestion alors que la France, il faut le rappeler, vous a donné en quelques années tous les pouvoirs.

Cette faute politique pourrait être pardonnable si elle ne s’accompagnait d’une faute sociale. L’erreur sociale a consisté, dès votre élection, dans un élan de déconstruction de tout ce qui avait été fait avant vous, à pratiquer une saignée sans précédent dans le pouvoir d’achat des classes moyennes de notre pays.

La suppression des avantages liés aux heures supplémentaires, dont les effets se font sentir dans près de 9 millions de familles ce mois-ci, aura été un marqueur sombre et violent du commencement de cette mandature.

Qui peut dire sérieusement ce soir dans notre hémicycle qu’il n’a pas été interpellé ces derniers jours par un ouvrier, un employé, un salarié furieux et dépité de constater la baisse significative et brutale de son salaire ?

Je veux parler ici, parce que je le lui ai promis, de ce chauffeur routier de quarante-huit ans que j’ai reçu il y a quelques heures dans ma permanence, cet employé que je connais depuis longtemps, qui travaille dur toute la semaine sur les routes d’Europe et revient le week-end s’occuper de sa famille, cet homme dont la vie professionnelle est difficile, qui accepte son sort avec courage pour offrir à ses enfants un meilleur avenir. Je veux que vous entendiez cet homme simple, qui m’a dit avoir voté pour l’actuel Président de la République, venu m’implorer de lui trouver un logement social, en larmes dans mon bureau parce que la baisse de 90 euros de son salaire ne lui permettait plus d’assumer les échéances de son pavillon et qu’il allait être obligé de le vendre (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.). Il faut comprendre pourquoi nous parlons de saignée sociale. Vous ne pouvez pas ignorer ces réalités, mes chers collègues, à moins que vous n’ayez fermé définitivement vos permanences à tous ceux qui veulent vous rencontrer.

Comment puis-je lui expliquer, monsieur le ministre, qu’ici, au Parlement, dans la situation de notre pays, il existe une majorité assez cynique pour supprimer les avantages des heures supplémentaires des plus modestes tout en maintenant, sur ordre du Premier ministre, les œuvres d’art hors du champ de l’ISF ? Vous avouerez que c’est totalement incompréhensible et inexplicable.

Votre budget est aussi fondé sur une erreur économique, et je ne répéterai pas tout ce qui a été déjà dénoncé. Nous souhaitions moins d’impôts et plus d’économies sur les dépenses de l’État. Vous faites exactement le contraire. Nous allons, hélas, vers une récession qui va entraîner bien des difficultés.

Vous avez tout à l’heure appelé à votre rescousse des citations. Permettez-moi de citer Chateaubriand : « ce n’est pas parce que je n’aime pas le monde qui vient que je ne le vois pas venir ». Il serait temps que vous écoutiez ceux qui vous disent de faire autrement. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gabriel Serville.

M. Gabriel Serville. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le projet qui nous est présenté est non seulement la conséquence logique d’un contexte économique international troublé, mais aussi de l’héritage déplorable de la précédente majorité.

À ce sujet, je rappellerai d’emblée à la droite que la dette a augmenté de 26 points de PIB, soit 520 milliards d’euros, ces cinq dernières armées : il conviendrait de ne pas l’oublier avant de claironner à tous vents que la gauche procède à un matraquage fiscal.

Ce projet de loi de finances pour 2013 illustre le sérieux affiché par le Président de la République. Les efforts équilibrés contenus dans ce budget consacrent un changement dont nos concitoyens ont besoin. Ces efforts seront acceptés s’ils ne constituent pas une fin en soi, mais un moyen ponctuel de rétablir la croissance.

Ils devront en outre comporter les éléments de justice annoncés, notamment les priorités données à l’éducation, la jeunesse, la sécurité, la justice et tout particulièrement l’outre-mer, trop longtemps sacrifié par l’ancienne majorité et qui bénéficie, je veux le souligner, d’un effort tout particulier.

En Guyane, la jeunesse est au cœur de nos préoccupations. Elle a besoin de s’insérer dans une région riche de potentialités qui demandent à être mieux valorisées. Dans cet esprit, la décision d’augmenter de 40 % les moyens du service militaire adapté dès 2013, afin d’atteindre le seuil de 5 000 jeunes ultramarins formés par an, mérite d’être soulignée.

De même, les compétences et les moyens financiers de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM) sont renforcés. Le développement du service civique au profit de pans entiers de l’économie solidaire est quant à lui un engagement fort, vecteur de vocations pour des activités sociales ou associatives en faveur de la jeunesse.

Ces efforts devront être accentués durablement.

De même, le tissu d’entreprises guyanaises, constitué à plus de 90 % de TPE, rend nécessaire une rapide déclinaison locale de la banque publique d’investissements, afin de mieux répondre à la pauvreté de l’offre bancaire et financière qui, hélas, s’inscrit dans une logique mercantile d’opportunités et non de développement à long terme.

Concernant la sécurité, qui demeure un grand sujet d’inquiétude pour nos populations, le changement s’est traduit concrètement. La sécurité n’est pas un bien marchand, elle est due à tous les citoyens sans aucune distinction. Lorsque la sécurité s’achète, elle se met à la seule disposition des puissants ; la protection des personnes et des biens devient alors l’apanage exclusif des nantis, tandis que sévit la loi de la jungle pour le plus grand nombre – j’emploie cette expression à dessein, car elle prend un sens particulier pour le territoire de la Guyane.

À ce titre, j’ai déjà eu l’occasion de dénoncer avec force l’orpaillage clandestin et ses conséquences négatives, qui contrastent singulièrement avec l’énergie de notre jeunesse qui ne demande qu’à vivre, se former et travailler.

Cette situation exige une mobilisation sans précédent des pouvoirs publics. Je ne crains pas d’affirmer que la gauche, en s’éloignant des préoccupations populaires, s’est par moments montrée trop libérale sur l’insécurité.

Heureusement, le projet qui nous est présenté par le Gouvernement sous l’autorité du Président de la République prend aujourd’hui en compte cette réalité. À l’inverse de ce que pratiquait la droite, les crédits alloués à la sécurité s’accompagnent d’une augmentation de ceux alloués à la justice. La politique répressive ne peut s’envisager que si elle est strictement encadrée, si le respect des procédures est assuré et si les libertés individuelles sont garanties. Ce sont là autant de moyens matériels et humains qui viendront utilement renforcer notre politique de sécurité.

Au sein de la majorité, nous sommes tout à fait conscients que les efforts exceptionnels consentis ne constituent pas une fin en soi. Pour l’outre-mer notamment, ils doivent répondre à des objectifs précis et clairement identifiés. Nous en serons les garants.

M. le président. La parole est à Mme Karine Berger.

Mme Karine Berger. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, nous entamons ce soir la discussion non seulement sur le projet de loi de finances pour 2013, mais également sur la programmation des finances publiques pour les années 2012-2017. Je me permettrai donc d’évoquer, au-delà de 2013, les quelques années à venir pour notre pays.

Notre débat concerne bien plus qu’une politique fiscale à un an, et porte sur la politique macroéconomique de notre pays pour les cinq prochaines années. Il serait en effet erroné de croire qu’une politique économique limitée à quelques mois puisse être efficace ; or ce fut plus ou moins la méthode de l’opposition au cours des cinq dernières années.

Pour être efficace, une politique budgétaire, de progrès et de redressement économique doit s’inscrire dans la durée et l’ambition, même si elle part du véritable champ de ruines que vous nous avez laissé – la situation décrite par M. le ministre témoigne cruellement du bilan de l’opposition après cinq années de gouvernement.

Je voudrais ce soir, en dépit de l’heure tardive, rappeler la triple stratégie du Gouvernement pour les prochaines années.

M. Jean-François Lamour. En effet, il vaut mieux nous la rappeler !

Mme Karine Berger. Premier élément : la stratégie de la demande. C’est la politique du pouvoir d’achat, portée non seulement par les actions économiques du Gouvernement depuis juin, mais également par le projet de loi de finances pour 2013.

Cette politique du pouvoir d’achat est surtout guidée par l’exigence de justice sociale et par une logique d’efficacité économique, car être efficace économiquement ne signifie pas puiser dans le porte-monnaie des salariés, comme le suggérait encore cette semaine Mme Parisot.

M. Alain Chrétien. C’est pourtant ce que vous faites ! Vous faites les poches des salariés !

Mme Karine Berger. Cela signifie tenir compte de la consommation des classes moyennes, préserver le pouvoir d’achat des classes populaires et, bien évidemment, organiser le pouvoir d’achat et la consommation du pays au service des débouchés économiques des PME, des commerces, des boulangers, des restaurateurs…

M. Jean-François Lamour. Parlons-en, des restaurateurs !

Mme Karine Berger. …et des coiffeurs de ce pays.

Deuxième élément : la stratégie de l’offre, venant en renfort de la politique de la demande, je le précise pour M. Lamour.

Le paquet compétitivité, annoncé pour le début de l’année prochaine, se résume en un concept, que mes collègues de l’opposition devraient écouter attentivement : être de nouveau les meilleurs.

M. Alain Chrétien. Nous sommes bien d’accord ! Mais comment ferez-vous ?

Mme Karine Berger. Nous devons en effet redevenir les meilleurs dans l’industrie aéronautique, dans l’industrie chimique, dans les services aux entreprises, dans l’agriculture, dans les services, dans la culture, parce que tout est possible à l’esprit humain, à ceux qui veulent innover, qui ont l’audace d’entreprendre, de créer et d’inventer.

M. Jean-François Lamour. Expliquez-nous comment vous faites !

Mme Karine Berger. Ces frontières n’ont rien à voir avec la mise à mal du système de protection sociale français que vous réclamez. Quel manque d’imagination ! Vous vous contentez de réfléchir aux coûts sans jamais vous intéresser à la façon d’accroître la valeur de notre pays ; nous ferons exactement l’inverse !

Enfin, le troisième pan de notre stratégie économique repose sur le financement de ce système. Cela passe naturellement par la réduction de la dette publique…

M. Alain Chrétien. Nous sommes d’accord !

Mme Karine Berger. …qui est au cœur de nos débats ce soir, mais aussi par la régulation financière et par une reprise en main des comportements nocifs à l’économie française, dignes d’une économie de casino, qui, au cours des dernières années, ont cruellement nui au financement des entreprises.

Ces trois stratégies sont donc complémentaires. Le vote récent du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance, qui a recueilli du reste l’assentiment de nos collègues de l’opposition, témoigne de cette complémentarité.

Permettez-moi de vous dire que, depuis la semaine dernière, nous sommes tous devenus…

M. Alain Chrétien. Sarkozystes !

Mme Karine Berger. …keynésiens (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) – eh oui, même M. Mariton, même M. Jacob et même M. Jégo... Nous avons en effet tous voté le principe d’un déficit structurel, reconnaissant ainsi l’existence d’un déficit conjoncturel et d’un écart entre la croissance économique liée à la demande et celle liée à l’offre.

Dès lors que l’on reconnaît l’existence d’un déficit structurel, on admet que Keynes avait raison, que la demande est largement aussi importante que l’offre dans notre pays, et qu’une partie du chômage n’est pas liée à la structure de production mais bien à la question de la demande, en particulier la demande nominale.

Je souhaite évoquer également les hypothèses de croissance de long terme et de croissance économique contenues dans le budget et dans les projections à cinq ans.

M. Jean-François Lamour. Vous ne disposez plus de beaucoup de temps !

Mme Karine Berger. Monsieur le ministre, nous sommes certes tous keynésiens, y compris nos collègues de l’opposition,…

Plusieurs députés du groupe UMP. Non !

Mme Karine Berger. …mais je souhaite tout de même vous interroger sur les hypothèses retenues.

M. le président. Chère collègue, il faut conclure.

M. Christian Jacob. Dommage, c’est passionnant !

Mme Karine Berger. Je conclus, monsieur le président.

Nous constatons dans le projet de loi de finances un écart de croissance qui est finalement assez faible en 2011 ; ne trouvez-vous pas cet écart trop faible ? La croissance potentielle de notre pays n’est-elle que de 1,1 ou 1,2 % ? J’ai l’intuition qu’elle est en réalité plus forte et que nous devons relever cette hypothèse.

M. le président. Il faut vraiment conclure.

Plusieurs députés du groupe UMP. Laissez-la parler, c’est trop beau !

Mme Karine Berger. En conclusion, le projet de loi de finances et la programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 visent un même but : relever la croissance potentielle à terme. C’est pourquoi, bien évidemment, nous soutiendrons ce projet de loi de finances. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Monsieur le ministre, j’ai bien entendu votre volonté de sortir de la dette et d’assurer l’indépendance de notre pays.

Mais ce budget ne me semble pas à la mesure de la volonté affichée. Il me donne plutôt le sentiment de la facilité en recherchant ici et là des économies de bouts de chandelles pour limiter la casse. Quelle déception !

L’arrivée d’une nouvelle majorité au pouvoir était l’occasion de rompre avec la politique économique menée depuis trente ans et d’opérer une refonte globale de notre modèle économique pour tenter de renouer enfin avec la prospérité.

Au lieu de ça, vous continuez l’œuvre de l’UMP en amputant le pouvoir d’achat des Français, au risque d’enrayer un peu plus la machine économique intérieure et d’accélérer de ce fait l’ampleur de la récession.

Vous vous contentez de choix à court terme, qui font reposer l’équilibre sur le contribuable.

Avec un taux de prélèvements obligatoires record de 46,3 % du PIB, la fiscalité ne peut plus jouer le rôle de variable d’ajustement.

Vous traquez ce que vous définissez comme des niches, c’est-à-dire tout ce qui ne relève pas d’une taxation maximale.

Il n’est ainsi de paradis fiscaux qu’en comparaison de notre enfer fiscal : enfer de l’instabilité chronique des lois ; enfer de la complexité du code général des impôts ; enfer de la pression fiscale sans cesse croissante, parmi les plus élevées de l’OCDE.

Sur trente milliards d’économies pour l’année 2013, les impôts nouveaux représentent les deux tiers.

Au lieu de lutter contre les dépenses superflues et la fraude, vous taxez davantage les familles nombreuses par l’abaissement du seuil d’exonération du quotient familial.

Vous oubliez vos engagements de campagne lorsqu’ils profitent aux ménages, comme en matière de plus-values de cessions immobilières.

Vous découragez les entrepreneurs en pénalisant la réussite, la créativité et la prise de risque. Aujourd’hui, ce sont les Bernard Arnault qui s’en vont, mais bientôt ce seront les petits et moyens entrepreneurs, comme les jeunes diplômés. Combien de fois ai-je entendu dans mon entourage le désir des jeunes de mon âge de quitter leur pays dont ils n’attendent plus rien !

M. Michel Pouzol. Changez d’entourage, ça vous fera du bien ! (Rires sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Mais à quoi donc servent tous ces sacrifices ? À soutenir l’emploi ? À investir ? À développer les secteurs d’avenir ? Essentiellement, non. 11 milliards sur 370, c’est tout ce que l’État consacrera cette année à l’investissement au sens strict, tout le reste étant consacré aux dépenses courantes de fonctionnement.

Vous héritez certes d’une situation désastreuse,…

M. Pascal Cherki. Catastrophique !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. …laissée par MM. Chirac et Sarkozy. Mais souvenons-nous de M. Jospin, qui continua à faire du déficit alors que la croissance était là, pour créer les 35 heures et embaucher plus de fonctionnaires.

M. Sébastien Denaja. C’est faux !

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Ne pas profiter des périodes fastes pour inverser la tendance : vous portez cette responsabilité.

Face à cette spirale de la dette, dénoncée depuis des années par la Cour des comptes, et sans l’aide de l’inflation faute d’une monnaie adaptée, nous en sommes presque à organiser notre insolvabilité.

Alors que la France a perdu son triple A, certaines collectivités ou établissements publics hospitaliers ont cette année fait défaut.

Insidieusement, c’est ce à quoi vous nous préparez avec l’article 43, en apparence anodin, qui permet à l’État de rééchelonner ses échéances.

Il faut encore fermer les yeux sur tous les faramineux engagements hors budget : les 28 milliards de garanties au Crédit immobilier de France ou les 31,4 milliards cautionnés auprès du FMI pour aider les États de la zone Euro.

Voilà trente-cinq ans que nous ne cessons d’augmenter la dépense publique. Aujourd’hui, elle représente 56,3 % du PIB, c’est-à-dire un niveau record.

Le respect de la norme zéro valeur ou le gel de la dotation aux collectivités est un pas, je vous le concède, même si je note que cela ne vous empêcha pas, pendant des années, de conspuer le Gouvernement précédent sur l’insuffisance des dotations aux collectivités. Aujourd’hui il est de votre devoir d’assainir durablement la dépense publique. L’Europe, l’immigration, sont autant de dépenses qui méritent d’être sereinement analysées et réduites.

En parallèle, si, comme vous le laissez croire, vous n’êtes pas des ultralibéraux, affranchissez-vous de la politique de libre concurrence européenne en misant sur un protectionnisme ciblé et mesuré qui permettra non seulement de relancer la compétitivité mais générera de nouvelles recettes. Revenez sur les principes hérités de loi de 1973 qui obligent l’État à emprunter sur les marchés plutôt qu’auprès de sa banque centrale.

Ne vous contentez pas de taxes dérisoires sur les transactions financières, qui excluent au demeurant les produits les plus lucratifs que sont les produits dérivés.

Il le faut, car les intérêts de la dette sont en phase de devenir le premier poste de dépenses du budget de l’État, et que nous devrons emprunter 170 milliards en 2013, soit deux fois et demi le produit de l’impôt sur le revenu.

Il le faut, sinon la pression de nos créanciers nous conduira demain, quand ce n’est pas déjà le cas, à céder nos entreprises stratégiques, notre patrimoine, nos services publics à des investisseurs étrangers.

Quelques pansements sur une hémorragie ne suffiront pas. Vous avez vendu aux Français le changement ; vous serez, comme vos prédécesseurs, le quinquennat de la désillusion et je le regrette sincèrement.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Lamour.

M. Jean-François Lamour. Monsieur le ministre, nous sommes ici parce que, en vertu de l’article 14 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, tous les citoyens ont le droit d’être informés de l’emploi qui est fait de leurs impôts. Avec vous, ce suivi s’avère finalement assez simple : ils verront sans mal que les 20 milliards de recettes supplémentaires que vous voulez nous faire voter serviront à financer les 20 milliards de dépenses nouvelles que vous avez déjà engagées.

Ce que vous nous proposez là, c’est une partie de bonneteau budgétaire : plafonnement du quotient familial, taxe scandaleuse sur les retraités, hausse des droits sur le tabac et sur la bière, augmentation prochaine de la CSG, sans parler de la refiscalisation des heures supplémentaires. Cette dernière mesure est plus qu’une simple erreur, c’est une faute politique majeure.

Mes chers collègues, je ne peux pas croire que vous n’ayez pas croisé, dans vos circonscriptions, l’un des 9 millions de salariés pour qui cette disposition se chiffrera par une perte nette annuelle de 450 euros.

M. Sébastien Denaja. Mensonge !

M. Jean-François Lamour. Et je peux vous dire qu’il ne s’agit pas de gens aisés.

Par cette mesure, vous commettez la même bévue qu’avec les 35 heures…

M. Pascal Cherki. Oh !

M. Jean-François Lamour. …au nom de cette satanée lubie que vous avez de considérer le travail comme un gâteau dont on se partagerait les parts. Mais le travail, vous êtes justement en train de le faire fuir. Vous tapez tellement sur les entreprises qu’il n’y aura bientôt plus personne en France pour embaucher.

Faire croire aux Français que vous taxez les groupes du CAC 40, c’est de l’affichage idéologique. Ceux que vous allez ponctionner avec ce budget, ce sont les entrepreneurs, ceux qui prennent des risques, ceux qui innovent, ceux qui créent de la richesse et de l’emploi.

M. Thomas Thévenoud. Quelle mauvaise foi !

M. Jean-François Lamour. Vous déstabilisez la fiscalité des ETI, qui sont les entreprises les plus dynamiques à l’export, dans les secteurs les plus exposés à la concurrence. Vous surtaxez les plus-values de cession avec une méthode assez digne des Pieds nickelés, et qui est en train de vous revenir en boomerang à la figure. Vous vous apprêtez à relever les prélèvements sociaux sur les auto-entrepreneurs, alors qu’il s’agit de l’un de nos dispositifs les plus incitatifs à la création d’activité.

Le résultat, c’est une augmentation nette et massive de la fiscalité pour six Français sur dix, comme l’a fort bien démontré, il y a quelques heures, le président de la commission des finances, Gilles Carrez. La révision générale des politiques publiques, c’était 15 milliards d’euros économisés en cinq ans, sans remettre en cause l’efficacité de l’action publique. Il fallait continuer à réaliser des économies structurelles. Nous avions engrangé 15 milliards d’économies dans ce domaine. Encore une réforme que vous balayez d’un revers de main. Et que proposez-vous à la place ? Rien, si ce n’est d’abandonner tous les projets structurants, tous les investissements d’avenir.

Je prendrai un exemple, un seul exemple, celui du Grand Paris Express, soit 200 kilomètres de ligne pour relier soixante-douze nouvelles gares entre elles et au reste du réseau francilien. Le projet a été lancé en 2009, les décisions ont été actées depuis entre l’État et la région Île-de-France. Vous avez finalement « clefs en main » un chantier déterminant pour l’avenir de la région capitale. Or vous décidez de le mettre au placard.

Mais où est donc passé ce milliard d’euros indispensable au démarrage du projet ? Est-il allé aux emplois d’avenir ou à la création de ces fameux 60 000 postes dans l’éducation nationale ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il n’est pas dans mes poches !

M. Jean-François Lamour. Monsieur le rapporteur général, je sais bien qu’il n’est pas dans vos poches, à moins que vous ne soyez Gérard Majax, auquel cas vous l’avez fait disparaître !

C’est l’exemple typique des dépenses que vous engagez depuis que vous êtes au pouvoir.

Donner un emploi à 150 000 jeunes, ou recruter 60 000 enseignants supplémentaires : sur le principe, tout le monde est d’accord. Mais subventionner sur fonds publics de l’emploi sous-qualifié, ça n’a jamais créé d’activité durable. De même, recruter un seul fonctionnaire supplémentaire par établissement scolaire ne résoudra pas les problèmes de l’école. Le point commun entre ces deux mesures, outre leur inefficacité, c’est qu’elles coûtent excessivement cher au budget de l’État.

Quant à votre budget, monsieur le ministre, c’est une sorte de grande tombola dans laquelle les ministères les plus chanceux partent avec la cagnotte, les cinq ou six suivants avec un lot de consolation, la majorité d’entre eux étant plumée. Le seul problème, c’est que votre cagnotte, c’est l’argent des Français et c’est surtout la dette publique.

Je vous le dis, mesdames et messieurs les députés de la majorité, ce n’est pas une gestion responsable des deniers publics. En renonçant aux économies structurelles, en abandonnant les investissements de long terme, en privilégiant des dépenses de circonstance, en étouffant les entreprises sous les charges et les consommateurs sous les impôts, vous êtes en train de tuer la compétitivité française et de compromettre le retour à l’équilibre.

Nous allions vers la sortie de crise. Or en à peine trois mois, vous réussissez l’exploit de nous y replonger. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Thomas Thévenoud.

M. Thomas Thévenoud. L’examen du budget de la nation pour 2013 intervient dans un contexte de crise économique sans précédent qui nécessite de notre part mobilisation, courage et vérité. Il suppose également de rompre de manière claire et radicale avec la politique budgétaire menée depuis dix ans qui a créé dans notre pays toujours plus d’inégalité, toujours plus de chômage, toujours plus de déficit. Il s’agit donc d’un budget de combat contre la crise.

C’est aussi un budget de rupture, de changement et de réorientation. Il porte également en lui l’exigence d’exemplarité de l’État : dans une période difficile, c’est en effet à l’État de montrer l’exemple. Un État exemplaire, c’est un État qui dit la vérité aux Français. Oui, il faut désendetter la France. La dette accumulée en dix ans, dans une fuite en avant budgétaire sans précédent, a gravement nui à la souveraineté nationale.

Je passe sur les dispositions fiscales votées en dehors des lois de finances qui ont porté atteinte à la souveraineté parlementaire. C’est une pratique dont la précédente majorité a abusé ; nous y reviendrons sans doute.

En multipliant les cadeaux fiscaux en début de mandat, alors que la crise n’était pas encore là, puis en assommant les Français de taxes nouvelles en fin de mandat pour répondre aux injonctions des agences de notation, l’État UMP a mené une politique budgétaire incohérente, injuste et inefficace.

Monsieur le ministre, à travers le budget pour 2013 et la programmation des finances publiques pour 2012-2017, vous présentez, au contraire, une trajectoire budgétaire cohérente avec nos engagements européens, juste compte tenu de la situation sociale des Français, et efficace pour restaurer la confiance.

Un État exemplaire, c’est un État qui fait des efforts sur lui-même avant de demander des efforts au pays. Ce budget comporte un volet consacré à la réduction des dépenses publiques de 10 milliards d’euros. C’est un effort sans précédent qu’il faut comparer avec la politique menée en 2007. Le Premier ministre de l’époque, M. Fillon, disait alors qu’il était à la tête d’un État en faillite. Pourtant, il n’avait pas hésité à présenter au Parlement un budget qui prévoyait une augmentation de dépenses publiques de 3,3 %. Aujourd’hui, monsieur le ministre, vous avez le courage de faire cet effort de réduction des dépenses car il est indispensable au redressement des comptes publics.

Un État exemplaire, c’est un État qui tient sa parole, qui tient ses engagements. Grâce à ce projet de loi de finances pour 2013, vingt-cinq des soixante engagements pris par François Hollande devant les Français seront effectifs à partir du 1er janvier prochain.

Je veux rappeler le sens de ces engagements : priorité à la jeunesse et lutte contre le chômage avec la création de 100 000 emplois d’avenir dans ce budget ; engagement en faveur de l’éducation avec 16 000 créations de postes dans l’éducation nationale, soutien au logement et à la croissance verte avec des dispositifs favorables à la construction de logements sociaux et à la réhabilitation énergétique.

Un État exemplaire, c’est un État juste. Seule la justice guidera notre action. C’est la ligne de conduite de François Hollande. Le budget de 2013 ouvre la porte à la grande réforme fiscale dont notre pays a besoin. La taxation des revenus du capital au même titre que les revenus du travail est une exigence de justice fiscale, n’en déplaise aux « pigeons » de tout poil et de toute plume (Sourires.). On ne crée pas son entreprise dans la seule perspective de la revendre. L’objectif d’un créateur d’entreprise c’est d’explorer de nouveaux marchés, de répondre à la demande de nouveaux consommateurs, d’ouvrir de nouvelles frontières.

M. Christian Jacob. Et vous, vous avez créé combien d’entreprises ?

M. Thomas Thévenoud. Pour les créateurs d’entreprise, ceux qui prennent des risques au quotidien, nous élargissons le crédit d’impôt recherche afin de les encourager dans la voie de l’innovation. Ce que nous voulons taxer, c’est la rente pas le risque.

Un État exemplaire enfin, c’est un État stratège. La compétitivité d’un pays se juge notamment par sa balance commerciale. De ce point de vue également, le constat est accablant pour la précédente majorité. La stratégie de redressement productif engagée par le Gouvernement porte en priorité sur le soutien aux PME. Elle repose sur la création qui sera présentée demain de la Banque publique d’investissement. Les chefs d’entreprise qui viennent nous voir dans nos permanences nous disent tous qu’il y a un vrai problème de financement de l’économie réelle. Ce ne sont pas des « pigeons », ils ne passent par leurs journées sur Tweeter ou sur Facebook, ils se battent chaque jour pour leur entreprise et ils se heurtent souvent aux difficultés d’accès au crédit. Ils attendent donc avec impatience ce nouvel instrument de développement économique que sera la BPI.

Un État stratège, un État juste, un État qui tient sa parole, un État qui dit la vérité : c’est parce que nous croyons en l’État, aux services de l’État, aux services publics, que nous voulons un État exemplaire. C’est ce que vous nous proposez, monsieur le ministre, et nous y souscrivons. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.

Plusieurs députés du groupe SRC. Les critiques vont de nouveau pleuvoir !

M. Éric Woerth. Mes chers collègues. Dans les cinq minutes qui me sont imparties, j’aborderai brièvement cinq points : un point de consensus et quatre points majeurs de désaccord.

Le point de consensus concerne l’objectif de 3 % de déficit. Comme l’a indiqué Gilles Carrez, il faut tenir cet objectif, ne pas hésiter, même si votre majorité est probablement fragile. Je soutiens donc le Gouvernement quand il appelle à tenir cet objectif.

Vous dites aussi que cet objectif de 3 % est une marche considérable que vous franchissez, le plus grand effort consenti depuis la Libération. Ce n’est pas tout à fait vrai, même si je ne sous-estime pas l’effort : je vous rappelle qu’entre 2010 et 2011 nous avons franchi nous-mêmes une marche de 1,9 point puisque le déficit est passé de 7,1 % à 5,2 % grâce aux dépenses de relance. Il fallait bien sortir du caractère aigu de la crise et repartir sur une trajectoire d’équilibre de nos comptes publics.

J’aborderai maintenant les quatre points majeurs de désaccord.

Avec ce budget, vous appauvrissez les Français en leur confisquant du pouvoir d’achat. Pour vous en convaincre, il suffit de regarder l’ensemble des comptes publics : le collectif du mois de juillet et le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

S’agissant de la disposition que vous avez prise concernant les heures supplémentaires, vous retirez beaucoup de pouvoir d’achat aux Français.

Le gel du barème de l’impôt sur le revenu frappera, de la même manière une dizaine de millions de contribuables, c’est-à-dire les classes moyennes.

Enfin, le forfait social que nous avons créé avec un faible taux augmente très fortement. Or ce petit taux est devenu extrêmement grand puisqu’il est de 20 % cette année. Ce forfait social touchera des revenus de catégorie moyenne.

Et je ne parle pas de la taxe sur la bière puisque nombre d’entre vous sont sensibles à la défense de l’industrie française de la bière et des boissons.

Notre deuxième point de désaccord concerne votre effort pour la réduction des dépenses publiques, qui est déjà très en deçà de ce qu’il faut faire. Ce point a également été relevé par nombre de mes collègues.

Lorsque vous mentionnez dix milliards d’économies, il ne s’agit que d’une moindre accélération de la dépense et je ne suis pas sûr que les Français considèrent qu’il s’agit d’une économie : la dépense publique augmente, comme augmente le nombre de fonctionnaires.

Je ne crois pas en la promesse selon laquelle on augmente cette année très fortement les impôts, puis on baissera plus tard les dépenses. Cela ne marche pas comme ça !

D’ailleurs, vos dépenses sont sous-évaluées : vous fixez des plafonds sans expliquer comment vous les tiendrez, vous ne lancez aucune réforme structurelle, Gilles Carrez l’a dit. Vous hypothéquez l’avenir des Français, car vous revenez sur nombre des dépenses d’investissement.

Votre politique fiscale brutalise nos entreprises et mine les ménages. Vous annonciez un « choc fiscal », c’est réussi ! Vous augmentez les impôts dans un pays qui est déjà surimposé. Vous avez il est vrai une curieuse conception de l’impôt : l’impôt sanction, l’impôt punition. Vous agissez à contre-courant de nos voisins européens, comme l’Allemagne ou l’Italie.

Vous nous aviez annoncé un « budget de combat », mais ce combat est mené contre les entreprises, contre les entrepreneurs et ce n’est pas un bon combat car il est livré contre l’emploi. Vos députés doivent aimer leurs entreprises quand ils sont dans leur circonscription, mais à Paris ils ne se gênent pas pour les matraquer. Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà…

Quant aux ménages, vous n’y allez pas de main morte, je n’y reviens pas.

C’est une drôle d’idée, en matière de fiscalité, de vouloir absolument imposer le capital comme le travail.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Absolument.

M. Éric Woerth. Il faut bien sûr imposer le capital, mais il a déjà été soumis à l’impôt.

Vous rétablissez, ce qui ne manque pas de sel, le bouclier fiscal, qui coûte à peu près la même chose que son prédécesseur, que vous avez tant critiqué.

Je regrette aussi que ce budget soit un rendez-vous manqué avec la compétitivité. :

L’effort des 3 % ne sera pas respecté. Si la dette a augmenté ces cinq dernières années, c’est aussi l’effet de la crise. Vous niez la crise, vous la niez avec constance, au lieu d’en tirer les conséquences. Le Premier ministre a tendance à dire qu’il est difficile de gouverner, c’est vrai : alors que j’étais au Gouvernement, je trouvais que c’était encore plus difficile, les circonstances étaient pires encore.

Au lieu de créer de l’emploi, vous en détruisez. Au lieu de renforcer l’égalité et la justice fiscale, vous accroissez les inégalités. Au lieu d’offrir à la France les conditions favorables à la croissance, vous créez celles de la récession en privilégiant la fiscalité sur la dépense. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. Monsieur le Président, mes chers collègues, le budget que propose le Gouvernement est un budget de combat dont l’objectif premier est de réduire rapidement le déficit en application des engagements européens contractés par la France. Ainsi il est prévu de le ramener à 3 % dès 2013. Cet objectif sera-t-il atteint ? Nous sommes nombreux à en douter. J’avais été le premier à m’interroger publiquement dès juin, au regard de prévisions de croissance que j’estimais – et que j’estime toujours, nonobstant leurs révisions récentes – exagérément optimistes. Quoi qu’il en soit et même si cet objectif n’est pas atteint, il ne pourra être reproché au Gouvernement de ne pas avoir engagé une trajectoire de réduction des déficits sérieuse et volontaire. Il ne pourra pas être reproché au gouvernement ne pas avoir essayé de réduire l’énorme facture de la dette que nous a léguée l’UMP, qui a géré de manière extrêmement cavalière et désinvolte les finances publiques de notre pays pendant les dix dernières années.

Dans cette mère de toutes les batailles que constitue la mise en œuvre d’une trajectoire de réduction rapide des déficits, quelle est la stratégie adoptée par le Gouvernement ? Est-elle aveugle ou juste ? En d’autres termes, sur qui fait-on porter principalement l’effort de redressement ? Y a-t-il rupture en la matière avec la politique suivie jusqu’alors par la droite ? Plus généralement, y a-t-il rupture au regard de la politique jusqu’alors suivie par les gouvernements de gauche ou de droite en Europe, quand ils ont décidé de s’attaquer à la réduction des déficits, par choix idéologique ou sous la contrainte plus ou moins assumée de la Commission européenne, du FMI et de la Banque centrale européenne qui forment à eux trois la fameuse Troïka, ou de la pression des marchés financiers ?

Pour le dire autrement, y a-t-il, une fois assumé le débat sur la réduction des déficits, une orientation de gauche dans ce budget ? À cette question, je réponds « oui » sans hésitation.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Heureusement !

M. Pascal Cherki. Je suis heureux et fier de constater que le Gouvernement assume clairement une orientation de justice sociale dans la répartition de l’effort qui est demandé aux Françaises et aux Français. D’ailleurs, si certains en doutaient encore, le concert des jérémiades de la droite, du MEDEF et de ses satellites tels que les « pigeons » suffit à nous rappeler que ces nouvelles pleureuses ont bien compris quels étaient les objectifs du Gouvernement.

Le Gouvernement fait porter l’effort sur les plus hauts revenus et patrimoines. Pour cela, il crée tout d’abord une tranche supplémentaire au taux de 45 % pour la fraction des revenus supérieure à 150 000 euros par part de quotient familial. Cela concernera les 50 000 contribuables les plus fortunés, soit 0,1 % des foyers fiscaux de notre pays.

Il crée ensuite une contribution exceptionnelle de solidarité sur les très hauts revenus d’activité qui taxera à 75 % la fraction de l’ensemble des revenus d’activité professionnelle des personnes physiques supérieure à un million d’euros par bénéficiaire. Elle touchera les 1 500 contribuables les plus fortunés, soit 0,01 % des contribuables de notre pays.

Il revient également sur l’allégement de l’ISF décidé par l’UMP en 2011, qui avait profité aux contribuables disposant des patrimoines les plus élevés.

Il abaisse le plafond du quotient familial à 2 000 euros pour chaque demi-part accordée pour charge de famille, ce qui ne touchera que les 2,5 % de foyers fiscaux disposant de revenus élevés.

Il donne enfin un sérieux et nécessaire premier coup de rabot aux différentes niches fiscales qui aboutissaient jusque-là à faire échapper à la juste contribution à l’effort celles et ceux qui en bénéficiaient indûment.

Il s’agit d’un premier train de mesures qui devra en appeler d’autres pour déboucher enfin sur la grande réforme fiscale que nous appelons depuis des années de nos vœux, qui permettra enfin de rétablir dans les faits la progressivité de l’impôt, sans laquelle l’égalité devant les charges publiques restera un mot creux.

Il en va de même de la fiscalité relative au capital et aux entreprises. Ici aussi un seul mot d’ordre : la justice. La volonté du Gouvernement est claire et nous la soutenons, il s’agit d’aligner progressivement la fiscalité du capital sur celle du travail ; il s’agit aussi de privilégier les PME et de faire porter l’effort sur les grandes entreprises. Le MEDEF s’en indigne, mais on ne l’entend pas s’indigner de ce que, en 2011, ainsi que l’a rappelé justement Philippe Askenazy, 9 % de la valeur ajoutée des entreprises, soit 30 milliards d’euros, se soient évaporés sous forme de distribution de dividendes aux actionnaires, alors que cette part n’avait jamais dépassé 6 % entre 1945 et 2000.

Là aussi, il s’agit d’un tournant majeur dans la lutte contre la financiarisation de l’économie, dans la volonté de privilégier l’économie productive et réelle sur la rente capitalistique et financière.

Ce budget est un budget juste : juste au regard de la répartition des efforts, juste au regard des contraintes déraisonnables que font peser sur l’économie réelle et les salariés la sainte famille des marchés financiers, la Commission européenne accrochée aux dogmes de l’équilibre budgétaire, de la concurrence libre et non faussée, du libre-échange généralisé, sans oublier l’égoïsme de la droite allemande qui renoue avec un phantasme d’Empire.

C’est pourquoi j’invite l’Assemblée à le voter massivement, tout en sachant que l’arrivée de la récession en Europe nous obligera bientôt à des inflexions substantielles pour demeurer en accord avec nos valeurs et nos objectifs fondamentaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et Écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Patrick Balkany.

M. Patrick Balkany. Monsieur le Président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous sommes tous d’accord sur le diagnostic : notre économie va mal. Elle est même dans une situation critique.

Mais il est des remèdes qui sont parfois pires que le mal. Avec ce budget, les quelques ballons d’oxygène qui la soutenaient vont être réduits à néant.

Pour relancer au plus vite la croissance, il faut évidemment poursuivre la réduction des déficits publics. Nous assumons notre bilan et partageons ce constat. Mais nous sommes profondément en désaccord, monsieur le ministre, quant aux moyens que vous entendez mettre en œuvre pour atteindre cet objectif.

Que prévoit ce budget ? Vingt milliards d’euros d’impôts supplémentaires : 10 milliards pour les ménages, 10 milliards pour les entreprises. C’est oublier que nous vivons dans une économie et un marché mondialisés et que nos entreprises, à force d’être taxées toujours davantage, partiront dans des pays voisins où le coût du travail est bien moins cher et la fiscalité moins lourde. Les autres seront contraintes de geler les embauches, de bloquer les salaires, voire de licencier, quand elles ne déposeront pas le bilan.

Augmenter ainsi les impôts ne fera pas repartir la croissance. Cela portera préjudice à la compétitivité de nos entreprises et au pouvoir d’achat des Français.

Mieux que quiconque, nos concitoyens ont parfaitement conscience de la gravité de la situation. Ils sont prêts à faire des efforts, mais il faut avoir le courage de leur dire la vérité. Vous ne l’avez pas. Vous prétendez que ce budget ne touchera pas au pouvoir d’achat des classes moyennes. C’est faux ! Le gel du barème de l’impôt sur le revenu, que vous avez tant décrié pour mieux le reconduire aujourd’hui, touchera désormais onze millions de contribuables sur les 18 millions qui s’acquittent de cet impôt.

L’abaissement du plafond du quotient familial touchera près d’un million de familles. Elles seront plus nombreuses à payer l’impôt et elles paieront davantage.

La suppression du paiement au forfait des employés à domicile va pénaliser les trois millions et demi d’employeurs à domicile : des familles, des personnes âgées ou dépendantes, mais surtout plus d’un million et demi de salariés du secteur.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous vous y connaissez, en matière d’emploi à domicile !

M. Patrick Balkany. On est bien loin de l’équité et de la justice promises par le Gouvernement.

Ces mesures viennent s’ajouter à la sanction déjà prise à l’encontre des neuf millions de salariés issus des classes moyennes et modestes, auxquels la défiscalisation des heures supplémentaires permettait, en travaillant plus, de gagner jusqu’à 200 euros de plus par mois.

Les réponses que votre budget prétend apporter à la crise sont donc inadaptées et dangereuses. Il existe pourtant des alternatives. Les chiffres en la matière sont éloquents : l’impôt sur les ménages ne rapporte aujourd’hui que 47 milliards d’euros à l’État, contre 90 milliards pour la CSG et 135 milliards pour la TVA. En prenant le parti d’agir sur l’impôt sur le revenu, vous avez fait le choix de pressurer les ménages, de rendre leur quotidien encore plus difficile, de dévaloriser leur travail, le tout pour des gains minimes.

Au contraire, il fallait plutôt leur rendre du pouvoir d’achat en baissant de manière conséquente l’impôt sur le revenu et en jouant sur le levier que représente la TVA. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Même chose pour les entreprises : pourquoi ne pas alléger la fiscalité qui pèse sur le coût du travail, afin de gagner en compétitivité ?

Pour sauver notre économie, pour assainir nos finances, il ne faut plus se contenter de mots, monsieur le ministre, mais agir en conséquence.

Le Gouvernement précédent s’était engagé dans cette voie avec la « TVA compétitivité » qui permettait de réduire le coût du travail en supprimant 5,4 % de cotisations patronales au titre de la politique familiale. Cette mesure présentait également l’intérêt de taxer davantage les produits importés sans nuire à l’exportation des produits fabriqués en France.

Il fallait persévérer dans cette voie. Il n’est pas trop tard pour le faire. Alors, j’espère que vous aurez le courage, monsieur le ministre, de privilégier l’intérêt général à des partis pris idéologiques depuis longtemps dépassés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Eckert, rapporteur général. L’emploi à domicile et l’intérêt général défendus par Balkany : Le Canard enchaîné va apprécier !

M. le président. La parole est à Mme Valérie Rabault.

Mme Valérie Rabault. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, ce budget, c’est la première marche pour faire repartir notre pays. C’est d’abord retrouver un souffle et dégager de la marge de manœuvre. C’est arrêter l’hypocrisie qui consiste à financer des baisses d’impôt par de la dette, hypocrisie qui a consisté à faire payer à la nation entière les baisses d’impôt qui ont bénéficié aux plus privilégiés

C’est aussi redonner de la crédibilité à notre politique budgétaire. Sincèrement, mes chers collègues, qui peut croire qu’avec 51 milliards d’euros d’intérêts payés par an, on peut durablement avoir une politique budgétaire crédible ? Cinquante et un milliards d’euros, c’est comme si chaque Français déboursait chaque année 850 euros uniquement pour payer des intérêts à ceux qui prêtent de l’argent à la France. J’ai bien dit 850 euros – on avoisine ainsi trois-quarts d’un SMIC net mensuel.

Ce budget, c’est redonner de la crédibilité à notre pays. Un pays qui maîtrise sa dette est un pays qui peut maîtriser son destin. Un pays qui renonce à la contrôler entre dans une logique de cavalerie. Or, tôt ou tard, nous sommes rattrapés par la réalité et il faut payer.

Ce budget permet pour la première fois de franchir un grand pas : faire converger la taxation des revenus du capital et ceux du travail. Cela traduit aussi une nouvelle vision de ce que doit être la fiscalité juste. Peut-on continuer à envisager qu’un cadre moyen qui gagne 2 500 euros par mois voie ses revenus taxés, pour la partie supérieure, à 30 %, alors même que ceux qui dégagent une plus-value de la vente d’un portefeuille d’actions doivent payer une taxe de 19 % ? Peut-on continuer à avoir des TPE qui paient 30 % d’impôts sur les sociétés quand les plus grandes entreprises n’en acquittent que 8 % ?

Il ne s’agit pas là de « taper » sur qui que ce soit. Il s’agit de rendre à l’impôt sa justice, celle qui aurait dû être la sienne depuis toujours. Car, au fil des ans, la France semble tout de même cultiver un certain goût pour l’exception. Même aux États-Unis, les plus grandes sociétés acquittent en moyenne un impôt de 18,5 % quand le taux marginal est de 35 %. Vous le voyez, nous sommes largement au-dessus des 8 % payés par les plus grandes entreprises françaises. Il nous reste donc une certaine marge de manœuvre pour faire converger les fiscalités et pour travailler à une fiscalité plus juste.

Sur les plus-values, nous avons aussi entendu beaucoup de choses ces derniers temps. Je remercie notre collègue Pierre-Alain Muet d’avoir rétabli la vérité des chiffres en ce qui concerne la cession d’actions d’entreprises : 57 000 gagnants contre potentiellement 75 000 perdants. Je tiens à rappeler quelques vérités sur la taxation des plus-values. Un dirigeant actionnaire qui vend ses parts, au moment de partir à la retraite, ne paie rien, il est exonéré de la taxation des plus-values. Un créateur d’entreprise innovante, quand il cède ses parts, ne paie lui non plus rien sur la plus-value. Les créateurs qui vendent leurs parts et qui en réinvestissent 80 % se voient eux aussi exonérés d’imposition sur les plus-values. Enfin, si nous nous comparons à nos voisins allemands – je sais que nos collègues de l’opposition aiment beaucoup cette comparaison –, la part du capital-investissement et la part du capital-risque dans le PIB sont deux fois supérieures en France. Ce qui semble bien montrer que la fiscalité des plus-values, même avec les mesures que nous proposons et avec le maintien de nombreuses exceptions, bénéficie bien plus aux Français qu’aux Allemands.

Je sais le Gouvernement attentif et ouvert à la discussion sur des cas qui pourraient être plus délicats ou plus litigieux au regard d’une fiscalité qui aurait pénalisé la prise de risque. Mais ceci ne saurait remettre en cause l’inspiration de cette justice fiscale.

Pour finir, ce budget s’attache à réparer des injustices. Vous avez évoqué, chers collègues de l’opposition, le gel des barèmes concernant les premières tranches de l’imposition sur le revenu. Une décote permettra de corriger cette situation.

Chers collègues de l’opposition, ne vous trompez pas de combat. Un pays qui s’enfonce du fait de ses finances publiques, finit par tuer ses propres entreprises, donc ses emplois. On peut bien sûr toujours vouloir être meilleur que d’autres, s’arranger pour maximiser son avantage fiscal, mais au bout du compte, on ne peut être bon tout seul.

Pour paraphraser l’un de nos anciens brillants collègues, pour qui : « le propre de la démocratie est d’être volontaire. », je vous dirai, monsieur le ministre, que le propre de la fiscalité est d’être volontaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Luc Chatel.

M. Luc Chatel. Monsieur le président, mes chers collègues, monsieur le ministre délégué vous êtes incorrigible, pas uniquement parce que vous lisez le journal au banc du Gouvernement, ce qui ne témoigne pas d’un grand respect pour la représentation nationale (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.), mais vous êtes incorrigible parce que vous aimez les fables. Les socialistes aiment les fables : la cigale ayant chanté tout le temps de la campagne se trouva fort dépourvue quand le temps du PLF fut venu. (Murmures.)

Vous aimez les fables, monsieur le ministre, et cela vous rendrait sympathiques, vous socialistes, tels des écoliers pris de façon répétée le doigt dans le pot de confiture, si ce n’était tragique pour nos finances publiques.

M. Olivier Faure. Quelle prétention !

M. Luc Chatel. Avec les socialistes, c’est donc toujours la même chose : après les promesses du printemps viennent les factures de l’automne.

M. Olivier Faure. Facile et pas très bon en plus !

M. Luc Chatel. Monsieur le ministre délégué, votre budget repose sur un leurre, sur un dogme et sur un mensonge.

Un leurre tout d’abord : non, vous ne baissez pas la dépense publique. Vous essayez depuis plusieurs semaines de nous expliquer que vous allez alléger les dépenses publiques de 10 milliards d’euros. Mais, comme notre collègue Éric Woerth l’a très bien souligné, ces 10 milliards d’euros ne sont pas des baisses de dépenses mais des économies d’augmentation de dépenses, ce qui est très différent.

M. Olivier Faure. Et vous, qu’avez-vous fait pendant cinq ans ?

M. Luc Chatel. Vous faites même l’inverse puisque vous prenez la décision de recruter des fonctionnaires qui vont grever le budget de l’État pendant soixante-dix ans, c’est-à-dire hypothéquer les marges de manœuvre de nos finances publiques.

M. Olivier Faure. Et là, c’est la cigale qui parle ?

M. Luc Chatel. Vous faites donc l’inverse de ce que vous affirmez à l’opinion publique.

Ce budget, ensuite, repose sur un dogme. Vous nous avez expliqué pendant des mois, François Hollande en tête, que c’étaient les riches qui devaient payer vos promesses de campagne inconsidérées.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Nous payons vos dettes !

M. Luc Chatel. Mais le Président de la République a fini par reconnaître devant les Français que l’impôt sur les riches ne rapportait rien. Il est vrai, monsieur Eckert, que vous aimez bien les impôts qui ne rapportent rien puisque vous nous avez expliqué que votre amendement ne rapportait rien.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Donc il ne devrait pas vous gêner beaucoup !

M. Luc Chatel. Vous avez ainsi inventé un nouveau concept : l’impôt qui ne rapporte rien.

Forts de ce dogme, vous avez décidé de détourner votre cible : désormais, ce sont les forces créatrices. Votre projet de loi de finances s’attaque aux forces créatrices de notre pays ! Lorsque, par exemple, vous décidez de limiter la déductibilité des intérêts d’emprunt ou d’aménager le mécanisme de report en avant des déficits des sociétés, vous allez tuer l’investissement. Lorsque vous décidez d’aligner la fiscalité du capital sur le travail – on peut certes, madame Berger, discuter de toutes les théories économiques –, c’est une absurdité économique. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Le capital a en effet déjà été, par définition, imposé à plusieurs reprises. Si l’on veut faire de la France une terre d’accueil pour les investissements internationaux, il faut au contraire faire en sorte que les investissements soient productifs.

Enfin, votre budget repose sur un mensonge. Le Premier ministre a eu le culot, si je puis me permettre, de soutenir que neuf Français sur dix ne subiraient pas d’augmentation d’impôt. Nous savons tous que c’est un mensonge. On l’a très bien rappelé il y a quelques minutes : 11 millions de Français sont concernés par le gel du barème sur l’impôt sur le revenu ; 9 millions de nos concitoyens sont concernés par la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires.

Il s’agit bien d’une opération de matraquage fiscal à destination des classes moyennes.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Pas très bien charpentée, cette intervention !

M. Luc Chatel. Vous ne pourrez pas tromper les Français éternellement sur ce sujet.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il s’agit en fait d’une accumulation d’éléments de langage.

M. Luc Chatel. Vous avez découvert la crise récemment, monsieur le ministre délégué, puisque, pendant sa campagne électorale, M. Hollande était dans le déni de crise, expliquant que les problèmes venaient du Gouvernement précédent et de Nicolas Sarkozy, mais que la crise n’existait pas.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous devriez avoir honte de tenir de tels propos !

M. Luc Chatel. Vous avez découvert la crise. Eh bien, malheureusement, je crains que votre budget ne soit un accélérateur de crise. Vous allez ajouter de la crise à la crise ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il faut être gonflé pour dire ça !

M. le président. La parole est à M. Laurent Grandguillaume, dernier orateur pour ce soir.

M. Laurent Grandguillaume. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, il me revient d’intervenir le dernier devant une majorité mobilisée et des rangs clairsemés à ma droite.

C’est bien dommage car le projet de loi de finances pour 2013 s’inscrit dans le contexte de la plus grave crise que nous ayons connue depuis 1929. Cette crise n’est pas seulement le résultat de la dérégulation financière, des excès de la finance et de l’égoïsme sans fin des spéculateurs et des rentiers qui renforcent jour après jour le mur de l’argent, véritable rupture entre ceux qui s’enrichissent en dormant et ceux qui s’appauvrissent en travaillant.

Ce que je vais vous dire ne va pas vous plaire, chers collègues de l’opposition, la crise c’est aussi le résultat des « dix calamiteuses » : une décennie de régressions, de résignations et de démissions devant les difficultés ; une décennie de confusions, de reniements et de renoncements ; une décennie de divisions et de tensions dans notre pays. Heureusement pour nous, ces dix calamiteuses ont pris fin le 6 mai 2012 : les Françaises et les Français ont tranché.

Mes chers collègues de l’opposition, vient maintenant le moment de sans doute vous plaire : imaginez un seul instant que Nicolas Sarkozy ait été réélu. Quel aurait été le projet de loi de finances pour 2013 ?

D’abord, le matraquage fiscal des classes populaires et des classes moyennes avec la TVA dite sociale – vous avez d’ailleurs créé de nombreuses taxes en dix ans, vous avez assommé les travailleurs, accablé les Français, cassé la croissance et achevé la confiance.

Vous avez ensuite accru les déficits publics et la charge de la dette. Les intérêts payés aux banques chaque année représentent aujourd’hui quatre fois plus que ce que l’État investit pour l’avenir. Cet écart aurait encore augmenté, se serait aggravé.

Vous avez financé à crédit la baisse des impôts des plus aisés. Avec le bouclier fiscal, vous avez réussi à financer l’accumulation de la rente privée des plus aisés par la dette publique de tous. Après l’effet d’éviction, vous avez inventé l’effet d’accumulation. Vous avez vidé les poches des classes moyennes. Vous auriez continué sans nul doute dans cette impasse tant vous êtes empreints de dogmes et d’idéologie.

La RGPP aurait continué avec son lot de suppressions de postes dans l’éducation, la police, la justice, la gendarmerie, renforçant ainsi les inégalités scolaires, l’insécurité physique et sociale.

Vous avez supprimé la durée légale du travail, c’est l’amendement Copé – d’ailleurs absent ce soir –, c’est-à-dire, tout simplement, la suppression des heures supplémentaires, entraînant la baisse de 8 % des salaires.

Mme Martine Pinville. Il n’y a plus grand monde sur les bancs de l’opposition !

M. Laurent Grandguillaume. Voilà en effet l’intérêt que porte l’opposition au budget de la France, il n’y a plus personne sur ses bancs !

J’en viens à l’injustice fiscale dans le domaine économique : ils ont réintroduit la part salaire de la taxe professionnelle en créant la cotisation sur la valeur ajoutée. J’ajoute l’injustice financière pour nos entreprises ; c’est pourquoi nous allons créer la banque publique d’investissement.

Dans une période aussi grave, nous aurions aimé que les membres de l’opposition soient à la hauteur des responsabilités : le rôle de l’opposition c’est de s’opposer mais c’est aussi de proposer. Puisqu’ils veulent incarner le parti des droits et des devoirs, je les invite à appliquer le droit à la modestie et le devoir d’inventaire. Droit à la modestie car ils nous donnent beaucoup de leçons mais quel bilan ont-ils laissé si ce n’est l’abysse dans tous les domaines ? Devoir d’inventaire car ils semblent frappés d’amnésie. Certains disent qu’il n’existe pas de bonheur sans amnésie partielle, le problème, chez eux, c’est qu’elle est totale.

Le budget présenté par la majorité est un budget de combat. Il est réaliste quant aux enjeux budgétaires et ambitieux, qu’il s’agisse de la refondation de l’école, du redressement des services publics, de la lutte contre les déserts médicaux, de l’accès à la santé pour tous, d’une politique de l’emploi courageuse avec les emplois d’avenir et les contrats de génération, qu’il s’agisse également de la transition écologique et énergétique, du rétablissement de la justice et de l’ordre républicain, enfin de la protection du pouvoir d’achat.

Le cap fixé par le Président de la République, c’est l’emploi, la compétitivité et le redressement des finances publiques. La France a connu dans son histoire des périodes bien plus difficiles. Elle a su se relever, elle a su dépasser les obstacles par le rassemblement, par l’unité dans la diversité.

Nous en sommes bien loin, vu la teneur des débats qui ont parfois lieu dans cet hémicycle, mais je ne peux pas croire que, dans une période aussi difficile, les hommes et les femmes qui ont pour ambition de redresser notre pays, ne soient pas capables de se retrouver sur l’essentiel, même si cela exige, des uns et des autres, des efforts qui peuvent paraître difficiles à faire.

Nous devons redonner à notre pays son rang et sa prospérité. Nous devons poursuivre l’intérêt général et l’intérêt de la nation : c’est notre devoir, tout notre devoir. C’est pourquoi nous devons voter ce budget de combat, pour rouvrir le chemin de l’espérance ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Débat préalable au Conseil européen des 18 et 19 octobre 2012 ;

Suite du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017 ;

Suite du projet de loi de finances pour 2013.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 17 octobre 2012, à zéro heure quarante-cinq.)