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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du jeudi 18 octobre 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Marc Le Fur

1. Annulation de l'élection de deux députés

2. Nomination de députés en mission temporaire

3. Projet de loi de finances pour 2013 Première partie (suite)

Article 4 (suite)

Mme Marie-Christine Dalloz

M. Thierry Benoit

M. Jacques Myard

M. Thierry Mandon

M. Pierre-Alain Muet

M. Damien Abad

M. Régis Juanico

M. Julien Aubert

Amendements nos 117, 148, 171, 253, 258, 263, 298, 338, 509

Rappels au règlement

M. Hervé Mariton

M. Pascal Terrasse

M. Pierre-Alain Muet

Article 4 (suite)

Amendements nos 542, 565, 663, 713, 715

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget

Amendements nos 172, 57, 145

Après l'article 4

Amendements nos 479, 227, 412, 413, 169, 252, 259, 262, 279, 282, 292, 299, 309 rectifié, 322, 332, 339, 717, 719, 66, 65, 787

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Marc Le Fur,
vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Annulation de l'élection de deux députés

M. le président. En application de l’article LO-185 du code électoral, le président a reçu du Conseil constitutionnel communication de deux décisions portant annulation de l’élection législative des 10 et 17 juin 2012 dans la treizième circonscription des Hauts-de-Seine et dans la première circonscription du Val-de-Marne, à la suite de laquelle MM. Patrick Devedjian et Henri Plagnol avaient respectivement été proclamés élus.

2

Nomination de députés en mission temporaire

M. le président. Le président a reçu du Premier Ministre une lettre l’informant de sa décision de charger :

Mme Karine Berger, députée des Hautes-Alpes, et M. Dominique Lefebvre, député du Val-d’Oise, d’une mission temporaire auprès du ministre de l’économie et des finances et du ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé du budget ;

Mme Martine Pinville, députée de la Charente, d’une mission temporaire auprès de la ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l’autonomie.

3

Projet de loi de finances pour 2013
Première partie (suite)

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la première partie du projet de loi de finances pour 2013 (nos 235, 251).

Article 4 (suite)

M. le président. Ce matin, l’Assemblée a entamé l’examen des articles, s’arrêtant après avoir commencé d’entendre les orateurs inscrits à l’article 4.

La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Marc le Fur – vous étiez parmi nous ce matin, monsieur le président – a très judicieusement rappelé que le quotient familial est un héritage du Conseil national de la Résistance. Nos collègues membres du Front de gauche et du Parti communiste ayant rappelé leur attachement à toutes les mesures issues du CNR, je serai attentive à leur façon de réagir à cet article 4.

M. Jacques Myard. Ils ne sont même pas là !

Mme Marie-Christine Dalloz. Le quotient familial, nul ne l’ignore, a été créé pour tenir compte de la progressivité de l’impôt. Cet abaissement du plafond du quotient familial va impacter un million de foyers ! Quel mauvais coup porté à la politique familiale ! Bien sûr, celle-ci ne se réduit pas au quotient familial, puisqu’elle comporte trois composantes. Mais le quotient familial en est une composante essentielle.

Je comprends encore moins, monsieur le ministre, la distinction entre famille monoparentale et famille comptant deux parents, notion pour laquelle je ne connais pas d’appellation. Que signifie cette attaque en règle de la famille avec deux parents ? Que vous ont donc fait les familles pour que vous mettiez un tel acharnement à détruire tout ce qui a été construit par le passé au profit de la politique familiale ?

M. Régis Juanico. Il ne faut pas exagérer !

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Cet article qui abaisse le plafond du quotient familial éclaire la situation dans laquelle se trouve le Gouvernement. En effet, ce qui justifie cette mesure, c’est la recherche d’une recette de 490 millions d’euros. Et je déplore que le Gouvernement se soit privé voilà quelques semaines d’une recette d’environ 13 milliards en supprimant la TVA sociale.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Quelle mauvaise foi !

M. Thierry Benoit. La disparition de la TVA sociale aboutit bien, en effet, à un manque à gagner de 12 à 13 milliards d’euros en année pleine, ce qui explique que le Gouvernement soit à la recherche de recettes nouvelles.

Ce débat sur le quotient familial nous place face à un véritable choix de société. La vision de la société que je défends vise à reconnaître, à travers le quotient familial, la notion de charge de famille au sein même de la cellule familiale composée d’un père et d’une mère. Il s’agit pour moi de redonner des repères à notre société !

Le quotient familial n’est pas un guichet financier pour les familles ! Je ne connais pas de familles qui font des enfants pour de l’argent ! Le quotient familial, qui a permis à la France d’avoir jusqu’à aujourd’hui le taux de fécondité le plus élevé d’Europe, supérieur à deux enfants par femme, a vocation à traduire dans les faits une politique d’État de soutien à la famille.

M. Jacques Myard. Très bien !

M. Thierry Benoit. C’est une solidarité de la nation qui est loin de se limiter à un simple calcul budgétaire et arithmétique. Je regrette que, par cette proposition, le Gouvernement porte un coup à la politique de la famille en France !

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Dominique Baert. N’importe quoi !

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Monsieur le ministre du budget, avez-vous fait vôtre l’anathème : « Familles, je vous hais » ? Vous vous inscrivez en effet dans cette ligne en nous proposant d’abaisser le plafond du quotient familial dont bénéficient les familles comptant un père et une mère. Il est clair que votre position révèle l’existence de deux conceptions de ce que doit être une politique familiale en France. Vous la concevez comme une source de revenus, nous comme une chance pour la nation et un investissement pour le futur. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Alfred Sauvy, qui était un homme de gauche, avait coutume de dire qu’une nation a sur les individus l’avantage de pouvoir se rajeunir. C’est ce qu’a fait la France après 1945 grâce à une politique familiale très active. C’est ce que nous devons continuer à faire, car cela donne un avantage fondamental à la France, notamment dans le concert européen des nations ! Voilà pourquoi je vous demande, au nom de l’avenir de la nation, de revenir sur une vision de comptable de Bercy qui est une bévue et qui met par terre la politique familiale française ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Thierry Mandon.

M. Thierry Mandon. J’ai à peine le temps de souligner la contradiction du raisonnement de M. Benoit. Alors que toute la matinée on nous a reproché d’être des créateurs d’impôts, voilà un des orateurs de l’opposition qui vient nous expliquer que c’est une vraie folie d’avoir supprimé la TVA sociale, impôt créé par eux et qui allait ponctionner les Français de 13 milliards ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Thierry Benoit. Vous y viendrez avant cinq ans !

M. Jacques Myard. La TVA sociale ou la CSG, tu y viendras, camarade !

M. Thierry Mandon. Mon propos est très simple, il consiste à ramener ce débat à ses justes proportions. À entendre les orateurs de l’opposition, on a l’impression qu’on met par terre la politique familiale. De quoi s’agit-il exactement ?

Il s’agit, premièrement, d’une recette potentielle de 490 millions d’euros, c’est-à-dire moins de 3 % de ce que représente la politique familiale aujourd’hui. Il s’agit, deuxièmement, de 880 000 ménages, parmi lesquels un peu plus de 750 000 sont déjà touchés par le plafonnement existant d’un dispositif qui constitue une aide moyenne par mois et par demi-part de 194 euros. Ainsi, ce sont seulement quelque 100 000 ménages supplémentaires qui seront concernés par l’abaissement du plafond.

Il s’agit donc d’une réforme de portée significative sur le plan budgétaire, mais qui touche peu de contribuables et ne suffit évidemment pas à remettre en cause la politique familiale à laquelle nous sommes plus que jamais attachés.

Mme Marie-Christine Dalloz. Vous ne le montrez guère !

Mme Laure de La Raudière. Ce n’est pas une politique familiale !

M. Thierry Mandon. J’en veux pour preuve les différentes mesures de pouvoir d’achat que nous avons prises ces derniers mois et que je ne vais pas énumérer pour ne pas allonger le débat. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Mes chers collègues, votre référence au programme de la Résistance m’étonne. Vous avez la mémoire courte !

M. Jacques Myard. C’est Pétain qui disait ça ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pierre-Alain Muet. La politique familiale, lors de sa mise en place en France, était un contrat entre les familles et les entreprises, reposant sur des cotisations sociales familiales payées à la fois par les entreprises et les ménages. Lorsque vous avez voulu faire ce transfert, que nous avons annulé, des cotisations familiales sur la TVA, nous vous avons bien dit que vous remettiez en cause ce contrat selon lequel la politique familiale est financée non par l’impôt mais par un contrat issu de la Résistance entre les familles et les entreprises.

M. Olivier Faure. Eh oui !

M. Pierre-Alain Muet. J’ai donc un peu de mal à comprendre votre argumentation.

Quant à la réforme dont il est question, c’est-à-dire l’abaissement du plafond du quotient familial, elle ne remet pas en cause la politique familiale et pas davantage la nature même du quotient familial.

M. Jacques Myard. L’un rejoint l’autre !

M. Pierre-Alain Muet. Elle part simplement d’un constat fait depuis longtemps par la Cour des comptes, selon lequel l’essentiel du quotient familial procure des avantages à peu près égaux aux neuf premiers déciles, alors que le dernier, celui des familles les plus riches, bénéficie de la moitié – 47 % – du total de l’avantage. Nous ne faisons donc que rétablir la justice fiscale sans remettre en cause la politique familiale.

M. Thierry Benoit. Si vous le dites !

M. Thierry Mandon. Excellente démonstration !

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Abaisser le plafond du quotient familial est une triple erreur.

C’est une erreur historique, n’en déplaise à M. Muet. S’il y a en France une politique qui fonctionne et à laquelle on ne devrait pas toucher, c’est bien la politique familiale issue du Conseil national de la Résistance !

C’est une erreur économique, puisque cette mesure va rapporter à peu près 500 millions d’euros au budget de l’État, tandis que les comptes de la branche famille continuent de se dégrader. Le principe de non-affectation des recettes aux dépenses ne doit pas empêcher de s’interroger sur ce que l’on enlève aux familles sans le redistribuer par le biais de la branche famille.

Enfin, c’est une erreur sociale, car on porte atteinte aux classes moyennes. Il faut bien comprendre que le quotient familial n’est pas un mécanisme de redistribution verticale, mais au contraire un outil de solidarité envers les familles qui ont des charges liées au nombre de leurs enfants.

Je pense donc que vous avez tort de vous en prendre à l’outil du quotient familial.

M. le président. La parole est à M. Régis Juanico.

M. Régis Juanico. Certaines des interventions de nos collègues de l’opposition sont proprement caricaturales (« Oh ! » sur les bancs des groupes UMP et UDI), car il est évident que la mise en œuvre de l’article 4 ne va pas détruire la politique familiale de notre pays.

En ce moment même, le Gouvernement fortifie la politique familiale. La France dépense chaque année entre 75 et 80 milliards d’euros à ce titre, soit 3,7 % de son PIB. En termes de dépenses en faveur des familles, nous sommes, et de loin, le premier pays de l’OCDE.

Mme Marie-Christine Dalloz. C’est l’héritage !

M. Régis Juanico. En moyenne, les autres pays membres de l’Union européenne dépensent 2,6 % de leur PIB pour cette politique.

Le quotient familial est l’une des modalités de la politique familiale. En dehors de cette aide fiscale, il existe de nombreuses prestations comme celle, universelle, que constituent les allocations familiales. Il y a aussi la politique en matière de modes de garde des enfants et en termes d’offres d’accueil des jeunes enfants.

Dans ce domaine, je veux dire à l’opposition que l’objectif qu’elle s’était fixé lors du dernier quinquennat d’ouvrir 200 000 places supplémentaires n’a pas été atteint puisque 50 000 places à peine ont été créées… (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Jacques Myard. Vous, vous n’avez même pas d’objectif ! Il n’y a rien à ce sujet dans le programme du candidat Hollande.

M. Régis Juanico. …entre les assistants maternels et les crèches.

M. Hervé Morin. Les crèches ne relèvent pas de l’État !

M. Régis Juanico. J’ajoute, comme je l’ai déjà dit ce matin lors de la réunion du comité d’évaluation et de contrôle de l’Assemblée, à laquelle vous assistiez, monsieur Myard, que durant la même période, en moins de trois ans, il y a eu une perte de 55 000 enfants scolarisés.

La politique familiale est une politique d’ensemble qu’il ne faut pas regarder par le petit bout de la lorgnette. Aujourd’hui, nous introduisons de la justice sociale et fiscale pour l’une des modalités de cette politique, tandis que le Gouvernement lance des négociations qui visent à conforter la possibilité de concilier vie professionnelle et responsabilités familiales, notamment dans l’entreprise.

L’égalité entre les hommes et les femmes fait actuellement l’objet d’une négociation entre les partenaires sociaux, de même que la qualité de vie au travail. Il s’agit notamment d’éviter que les femmes soient éloignées du travail après un congé parental ou après une période d’interruption.

Mme Marie-Christine Dalloz. Cette politique existe déjà ; vous n’allez pas l’inventer !

M. Thierry Benoit. La politique familiale est un joyau !

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. Je crains que cette atteinte au quotient familial ne porte, de fait, un coup de canif à la solidarité nationale et ne fasse qu’accroître la progressivité de l’impôt.

On ne peut pas expliquer aux personnes qui paient des impôts et qui sont aujourd’hui très fortement taxées au nom de l’effort national pour la réduction des déficits via l’impôt sur les sociétés et tous les autres mécanismes de prélèvement, qu’elles ne sont bonnes qu’à payer. On ne peut pas expliquer à la frange la plus aisée de la population, qui alimente très majoritairement l’impôt sur le revenu, que tout le mécanisme de l’État providence et de la solidarité nationale n’a pas été mis en place pour elle, qu’elle en est exclue et que son seul droit dans ce nouveau système est celui d’être payeur, contributeur muet et vache que l’on traie !

Si on veut de la solidarité, il faut qu’elle fonctionne dans les deux sens : c’est cela la justice. Vous parlez beaucoup de justice sociale. Il faut que chaque Français puisse se sentir actionnaire de cette solidarité. Si certains sont uniquement les payeurs, nous nous retrouvons dans un mécanisme de type ONU dans lequel dix paient et cent quatre-vingt décident avant que, finalement, les payeurs refusent de payer.

J’ai aussi entendu que le Gouvernement voulait renforcer la politique familiale. Je crois qu’on atteint là un summum !

Vous voulez créer le « mariage pour tous », même si l’expression ne veut rien dire – vous n’allez pas autoriser le mariage pour les mineurs, que je sache. Autrement dit, vous révolutionnez la filiation et le droit matrimonial tels qu’ils existent depuis deux cents ans. Si encore il s’agissait d’une question idéologique ; s’il s’agissait de renforcer le mariage en élargissant son accès… mais ce n’est pas le cas. En effet, dans le projet de loi de finances, vous voulez plafonner les niches fiscales à 10 000 euros par foyer. Il devient donc plus intéressant fiscalement d’être deux concubins bénéficiant de deux fois le plafond que d’être mariés, quel que soit le type de mariage. Il n’y a pas de cohérence dans cette politique.

Ne venez pas nous dire qu’il y a une politique familiale ; il n’y a pas de politique du tout !

M. Olivier Faure. Raisonnement absurde !

M. le président. Nous en venons à une série d’amendements identiques visant à supprimer l’article 4.

La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement n° 117.

Mme Marie-Christine Dalloz. Durant la campagne électorale, François Hollande avait évoqué la suppression du quotient familial et son remplacement par un crédit d’impôt. Les pays qui utilisent un tel dispositif, notamment l’Allemagne et l’Italie, voient leur démographie chuter. Le crédit d’impôt ne permet pas de mener une politique familiale soutenue.

Aujourd’hui la politique familiale de la France est reconnue de par le monde. Notre pays témoigne d’une dynamique démographique qui nous honore et le quotient familial en est l’une des composantes.

M. Thomas Thévenoud. On ne fait pas des enfants pour payer moins d’impôts !

Mme Marie-Christine Dalloz. Abaisser le plafond du quotient familial constitue un très mauvais signe pour cette politique. Il serait raisonnable de maintenir le statu quo.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l'amendement n° 148.

M. Damien Abad. La France a le plus fort taux de natalité de l’Union européenne,…

M. Hervé Morin. Après l’Irlande !

M. Damien Abad. …après l’Irlande effectivement. C’est la conséquence d’une politique familiale incitative dont le quotient familial est l’un des instruments.

Une étude, que cite le journal Le Monde, montre qu’un couple avec un enfant, composé de deux cadres, percevant chacun le salaire moyen des cadres selon les données de l’INSEE, verra son impôt sur le revenu augmenter de 107 %, dont 336 euros supplémentaires en raison du seul plafonnement du quotient familial à 2 000 euros. On voit bien que, contrairement à ce qui est dit, cette mesure a un impact sur les classes moyennes. Nous proposons sa suppression.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Lamour, pour soutenir l'amendement n° 171.

M. Jean-François Lamour. Monsieur le ministre, on a le sentiment que vous vous servez de la politique familiale comme d’une sorte de variable d’ajustement. Vous cherchez partout de l’argent après avoir dépensé sans compter en juin et en juillet dernier.

M. Jacques Myard. Sans oublier les trente-cinq heures !

M. Dominique Baert. Les dépenses fiscales ça vous connaît ! Et c’est nous qui payons vos factures !

M. Jean-François Lamour. Cessez donc de ressasser les mêmes antiennes ! Aujourd’hui, c’est vous qui êtes au pouvoir.

M. le président. Mes chers collègues, seul M. Lamour a la parole !

M. Jean-François Lamour. Comme Gilles Carrez l’a rappelé, vous avez engagé 20 milliards d’euros sur cinq ans en dépenses nouvelles depuis que vous êtes arrivés aux affaires. Vous cherchez donc des recettes à défaut de parvenir à baisser la dépense publique, et vous vous en prenez à la politique familiale. Je pense qu’il s’agit d’une grave erreur.

Nous voyons dans quelle situation se trouve l’Allemagne. Elle cherche des financements pour les quinze ou vingt ans qui viennent car, en l’état de sa démographie, elle ne pourra pas financer les retraites.

Depuis plusieurs dizaines d’années, la France a mis en place une politique familiale performante. Notre collègue Damien Abad vient de le dire : toucher au quotient familial aura pour conséquence d’augmenter d’un peu plus de 300 euros les impôts payés par un couple de cadres moyens ayant un enfant. Je ne pense pas que si chacun des parents perçoit 3 000 euros par mois, il faille les cataloguer dans la catégorie des « riches », à moins que vous ne me disiez le contraire ?

M. Thomas Thévenoud. Connaissez-vous le salaire médian dans notre pays ?

M. Jean-François Lamour. À ce montant, il faut éventuellement ajouter les conséquences de la refiscalisation des heures supplémentaires, du gel du barème… Vous voyez quelles conséquences vos choix peuvent avoir sur une politique familiale jusque-là dynamique.

Vous nous entraînez aujourd’hui dans une impasse. Il est temps que vous engagiez une réelle réduction de la dépense publique. Nous pourrons alors éventuellement revoir la politique familiale. À ce sujet, je me demande pourquoi, aujourd’hui, les familles monoparentales sont exclues des efforts demandés ? Sont-elles plus fragiles ?

M. Régis Juanico. Évidemment !

M. Jean-François Lamour. Représentent-elles une famille différente de celle que vous ponctionnez comme vous le faites aujourd’hui ?

De nombreuses questions se posent, et l’article 4 ne répond en aucune manière aux problèmes auxquels nous sommes confrontés.

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l'amendement n° 253.

M. Hervé Mariton. Il est question à la fois de politique familiale, de justice et de justesse dans le calcul de l’impôt.

La politique familiale ne se réduit pas au quotient familial. M. Juanico a raison : il existe par ailleurs des prestations au titre de la politique de la famille dont certaines sont versées sous conditions de ressources. Il est donc juste et cohérent qu’un dispositif comme le quotient familial existe.

Mais la politique familiale n’est pas uniquement affaire de prestations ; il faut aussi prendre en compte la solidité du cadre juridique. Veut-on ou non encourager la famille durable ?

M. Thomas Thévenoud. C’est quoi, « la famille durable » ?

M. Hervé Mariton. Le privilège que vous accordez aux familles monoparentales est profondément injuste et malheureux pour notre société. J’ajoute que vos intentions législatives s’agissant du mariage homosexuel,… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Thomas Thévenoud. On comprend mieux !

M. Hervé Mariton. …de l’homoparentalité et de la disparition dans le code civil des termes « père » et « mère » ne sont pas des facteurs de solidité pour l’avenir de la politique familiale.

M. Jean Launay et M. Pascal Terrasse. Vous mélangez tout !

M. Hervé Mariton. Vous venez de répéter en séance ce que vous avez déjà dit en commission : en fait, vous ne vous contentez pas de soutenir la baisse du plafond du quotient familial ; vous en voulez au dispositif lui-même. Cette année, un million de foyers vont trinquer. Dans votre logique, y aura-t-il chaque année, un million de foyers supplémentaires qui souffriront d’un abaissement du plafond du quotient ? Au terme d’un mandat de cinq ans, cinq millions de foyers et plus de quinze millions de Français auront alors été touchés. Il est temps que vous arrêtiez cette politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Olivier Carré, pour soutenir l'amendement n° 258.

M. Olivier Carré. Il est défendu.

M. Patrick Ollier. De même que l’amendement n° 263.

M. le président. La parole est à M. Gilles Carrez, pour soutenir l'amendement n° 298.

M. Gilles Carrez. Cette mesure concerne 870 000 familles. Certes, elle ne représente budgétairement que 450 millions d’euros, mais elle est emblématique d’une atteinte à la politique familiale que l’on constate dans bien d’autres domaines et qui finit par avoir un caractère systématique.

Vous remettez cette politique en cause alors même que, s’il fallait souligner un succès en France, ce serait bien celui-là, d’autant que cette politique faisait jusqu’à présent l’unanimité. Le plafonnement du quotient familial a été introduit au début des années quatre-vingt et, depuis lors, la situation telle qu’elle était stabilisée faisait l’objet d’un accord. Il est vraiment regrettable qu’il soit remis en cause.

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l'amendement n° 338.

Mme Laure de La Raudière. Jusqu’à ce jour, la politique familiale était soutenue avec volonté et détermination par tous. Depuis plus de trente ans, le quotient familial constituait pour nous un repère. Chers collègues de la majorité, c’est un sujet sur lequel nous étions d’accord. Si vous vouliez vous attaquer à la politique familiale et répartir les richesses, vous disposiez d’autres moyens.

Nous parlons ici de familles dont le père et la mère gagnent 3 000 euros par mois. Or, je rappelle que M. Hollande estime que l’on est riche à partir d’un revenu mensuel de 4 000 euros. Ce sont donc bien des familles qui peuvent être considérées, y compris par le Président de la République et la majorité, comme des familles de cadres moyens – 3 000 euros par mois et par personne (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) – que vous allez priver de quotient familial.

M. Pascal Terrasse. Ah, 3 000 euros par personne, ça fait 6 000 euros !

M. Thomas Thévenoud. C’est ce que vous appelez les classes moyennes ?

Mme Laure de La Raudière. Par rapport aux foyers dont le revenu est de 8 000 euros mensuels et que M. Hollande considère comme riches, ce sont des familles de la classe moyenne.

M. le président. Écoutons Mme de La Raudière, mes chers collègues !

Mme Laure de La Raudière. J’ajoute, car cela n’a pas encore été souligné, que le quotient familial sert à d’autres calculs que celui de l’impôt sur le revenu. Je pense notamment aux tarifs des crèches ou des centres de loisirs. Votre mesure ne coûtera donc pas à ces familles 336 euros par enfant, mais beaucoup plus. Vous mentez aux Français, vous ne leur dites pas la vérité !

M. Jacques Myard. Exactement !

Mme Laure de La Raudière. Les conséquences de la remise en cause du quotient familial ne se limitent pas, loin de là, à l’impôt sur le revenu ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l'amendement n° 509.

M. Julien Aubert. Je veux, quant à moi, parler de l’instabilité fiscale, car c’est tout de même la bannière qui flotte sur ce projet de loi de finances.

M. Régis Juanico. C’est le changement, que voulez-vous !

M. Julien Aubert. Certes, on ne fait pas des enfants pour gagner de l’argent ou économiser des impôts. (« Ah ! » sur les bancs du groupe SRC.) Mais, dès lors que vous êtes engagé dans un projet familial et que vous comptez sur certaines ressources pour éduquer vos enfants, vous avez le droit d’exiger que l’État ne fasse pas n’importe quoi et ne vous rabote pas vos revenus d’une année sur l’autre. Cette mesure n’est pas une mesure fiscale comme les autres : elle va toucher des familles qui se sont fiées au long consensus national dont a fait l’objet le quotient familial et affecter directement leur choix de vie.

De manière générale, nous devons être conscients que l’instabilité fiscale nuit au contrat de confiance qui lie les contribuables à leurs représentants politiques. Si l’on fait n’importe quoi, si l’on multiplie les réorientations qui ont un impact direct sur le mode de vie de nos concitoyens, il ne faut pas s’attendre à ce qu’ils restent placides. Notre pays – et nous en apercevons déjà les premiers symptômes dans certains secteurs – va perdre ses créateurs, ses forces vives. (« C’est vrai ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. Dominique Baert. N’importe quoi !

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour un rappel au règlement.

M. Hervé Mariton. Fondé, monsieur le président, sur l’article 58, alinéa 1.

À la fin de l’intervention de Mme de La Raudière, notre collègue Pascal Terrasse l’a interrompue en l’appelant madame la comtesse.

Mme Laure de La Raudière. Je n’avais pas entendu !

M. Philippe Vigier. Des excuses !

M. Hervé Mariton. Ce n’est pas convenable ; il doit s’excuser. Ce n’est pas ainsi que doit se dérouler un débat sérieux dans notre assemblée.

Par ailleurs, nous sommes tous conscients que nombre de nos concitoyens gagnent moins de 3 000 euros par mois.

Plusieurs députés du groupe SRC. Ah !

M. Hervé Mariton. Mais vous ne ferez pas passer les foyers dont le revenu mensuel est de 3 000 euros, voire de 6 000 euros s’il y a deux revenus, pour des foyers riches.

M. le président. Vous vous éloignez du rappel au règlement, mon cher collègue.

M. Hervé Mariton. Si vous estimez que ce sont des foyers riches, c’est que vous avez une vision totalement déprimée de la France. Nous avons, quant à nous, un peu plus d’ambition pour notre pays.

Plusieurs députés du groupe SRC. Ce n’est pas un rappel au règlement.

M. Hervé Mariton. Monsieur Terrasse, excusez-vous !

M. le président. Si vous me demandez la parole, monsieur Terrasse, c’est pour vous excuser, je suppose.

M. Pascal Terrasse. Je vais évidemment m’excuser, monsieur le président : Mme de La Raudière n’est peut-être pas comtesse.

M. Hervé Mariton. N’aggravez pas votre cas !

M. Charles de Courson. Quand bien même le serait-elle. Vous êtes raciste ?

M. Pascal Terrasse. Monsieur le vicomte de Courson, je vous en prie.

M. le président. N’en rajoutez pas, monsieur Terrasse. Nous allons essayer de travailler correctement, en nous écoutant mutuellement. Or je crains que votre intervention ne mette de l’huile sur le feu.

M. Pascal Terrasse. Monsieur le président, dans son rappel au règlement, M. Mariton ne s’est pas contenté de me demander des excuses au nom de Mme de La Raudière, excuses que je lui adresse du reste avec beaucoup d’amitié…

Mme Laure de La Raudière. Je les accepte !

M. Pascal Terrasse. …elle n’est pas comtesse. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Laure de La Raudière. Ni châtelaine, ni baronne !

M. le président. Arrêtez, monsieur Terrasse ! Votre propos est ridicule.

M. Pascal Terrasse. Néanmoins, je m’étonne que, pour notre collègue, un foyer dont les revenus se composent de deux salaires de 3 000 euros par mois…

M. le président. Vous ne pouvez pas répondre sur le fond, je le rappelle.

M. Pascal Terrasse. …appartienne à la classe moyenne. Nous ne vivons pas dans le même monde, en effet.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, dont la sagesse coutumière va permettre de ramener le calme.

M. Pierre-Alain Muet. Ce sujet mérite que l’on en débatte, et de façon correcte.

Si vous le permettez, monsieur le président, je souhaiterais, pour ma part, évoquer l’influence du quotient familial sur la natalité. Parmi les facteurs qui expliquent le taux élevé de la natalité française figure incontestablement notre politique familiale globale, qui est plus forte que dans les autres pays européens.

M. Jacques Myard. Merci. C’est l’héritage !

M. le président. Monsieur Muet, je vous rappelle que vous prenez la parole dans le cadre d’un rappel au règlement ; vous aurez l’occasion d’intervenir ultérieurement sur ce sujet.

M. Pierre-Alain Muet. J’interviendrai donc plus tard, mais je crois que ce débat mérite d’être approfondi.

M. le président. Ayez la gentillesse de conclure.

M. Pierre-Alain Muet. Je conclus, monsieur le président. Le plafonnement du quotient familial concernant pour l’essentiel le dernier décile de revenus, personne ne peut croire que la modulation de cette aide financière influencera le choix de famille de ces contribuables. En revanche, la faiblesse de leurs revenus peut embarrasser certaines personnes dans leurs choix familiaux.

M. le président. Merci...

M. Pierre-Alain Muet. En conséquence, contrairement à ce qu’affirme Mme Dalloz, une redistribution moins inégalitaire, en allégeant la contrainte financière, est plutôt favorable au choix de constituer une famille et donc favorable à la natalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Thomas Thévenoud. La voix de la sagesse !

M. le président. Nous allons en revenir à la discussion de l’article 4.

Article 4 (suite)

M. le président. La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour soutenir l'amendement n° 542.

Mme Arlette Grosskost. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard, pour soutenir l'amendement n° 565.

M. Jacques Myard. J’ai bien entendu ce que vient de dire Pierre-Alain Muet, mais cette vision comptable de la politique familiale n’est pas un argument valable.

M. Arnaud Leroy. Et l’amour ?

M. Jacques Myard. Ce qui est en cause ici, c’est le signal qu’envoie le Gouvernement : vous portez un coup direct à la reconnaissance que la nation témoigne aux familles. Les familles, ça ne se divise pas, monsieur Muet. Les parents éduquent, élèvent leurs enfants, et, à ce titre, ils méritent la reconnaissance de la nation.

M. Gérald Darmanin. Tout à fait !

M. Jacques Myard. Établir un distinguo d’ordre comptable entre les familles va à l’encontre de ce qu’elles doivent être pour la nation. Ainsi, nos amendements de suppression traduisent notre volonté fondamentale de défendre la famille en tant que véhicule sociologique qui permet à la nation de perdurer. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Thomas Thévenoud. La famille n’est pas un véhicule !

M. le président. L'amendement n° 663 est défendu.

La parole est à M. Hervé Morin, pour soutenir l’amendement n° 713.

M. Hervé Morin. Défendu !

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l'amendement n° 715.

M. Philippe Vigier. J’aurais pu reprendre à mon compte les propos de Jacques Myard.

Monsieur Muet, tout à l’heure, certains de vos collègues ont indiqué que nous menions une politique familiale forte, qu’il convenait de renforcer. Mais accordez-moi qu’il y a derrière cette mesure une vision budgétaire, puisque vous en attendez 480 millions d’économies. À la limite, vous décideriez une diminution linéaire qui affecterait toutes les familles – Jacques Myard a raison : il n’y a pas différents types de familles –, nous pourrions le comprendre. Mais ce qui est injuste – et je pèse mes mots – c’est que la diminution de 16 % du quotient familial – on passe de 2 336 euros à 2000 euros –, ne concernera pas les familles monoparentales. Or les familles riches – je le dis à mes collègues de la majorité – ne sont pas toujours des familles où le papa et la maman sont présents ; dans certaines d’entre elles, les enfants sont élevés par un père seul ou une mère seule. Dès lors, je doute que les familles d’ouvriers dont le plafond du quotient familial passera de 2 336 euros à 2 000 euros apprécient votre mesure. Votre classification est fausse et injuste.

Monsieur le ministre, cette mesure devrait rapporter au budget de l’État 480 millions d’euros. Tout à l’heure, nous allons examiner votre surtaxe de 75 %, qui rapportera 210 millions d’euros,…

M. Jean-François Lamour. Même pas !

M. Philippe Vigier. …mais qui coûtera plus de 660 millions d’euros. Je vous fais donc une proposition : supprimez cette taxe idiote et vous pourrez maintenir le quotient familial, pour le bonheur de toutes les familles. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général pour donner l’avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur les amendements de suppression de l’article 4.

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Chers collègues de l’opposition, vous semblez dire qu’il ne faudrait toucher à aucun paramètre. Mais, avec une fiscalité, des recettes et une dette identiques, l’état de nos finances continuerait de suivre la même trajectoire.

Nous assumons : nous ne touchons pas au principe du quotient familial, nous réduisons son ampleur. Jusqu’à présent, pour une famille de trois enfants, il était plafonné à partir de 103 955 euros de revenus. Dorénavant, il le sera à partir de 95 171 euros, soit environ sept fois le SMIC.

M. Hervé Mariton. Trois fois et demie !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Monsieur Mariton, cela fait une heure que je suis là et je n’ai pas dit un mot. Laissez-moi terminer, je vous prie.

Comme il a été rappelé que le dernier décile de revenus bénéficie de 46 % du total de l’avantage en impôt lié au quotient familial, il nous a donc semblé que l’abaissement du plafond était une mesure de justice.

Enfin, vous insistez sur les familles monoparentales. Là encore, nous assumons. Monsieur Myard, vous disiez tout à l’heure : « Une famille, ça ne se divise pas ». Mais il arrive de plus en plus souvent qu’elles se séparent.

M. Jacques Myard. Nous les aidons aussi !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Et reconnaissez que les familles monoparentales rencontrent souvent des difficultés financières.

M. Jacques Myard. Il faut les aider !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Cet effort que nous demandons à environ 883 000 foyers fiscaux, nous l’épargnons aux familles monoparentales : elles bénéficient du même quotient familial qu’auparavant à partir des mêmes niveaux de revenus.

M. Philippe Vigier. Elles peuvent être riches !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Nous menons ainsi une politique de justice fiscale qui a également, pardonnez-nous, un caractère social.

Avis défavorable à l’ensemble des amendements de suppression de l’article 4.

M. Jacques Myard. Les familles monoparentales peuvent être riches, monsieur Eckert. Reconnaissez-le !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. L’opposition souhaite faire de l’examen de l’article 4 un débat sur la politique familiale, soit. Entamons ce débat, je suis sûr que nous le poursuivrons et le conclurons la semaine prochaine lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Pour le moment, je vais tenter de répondre à ce que je veux croire des inquiétudes légitimes et non une forme d’instrumentalisation de la politique familiale,…

M. Jacques Myard. C’est un expert qui parle !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …en utilisant, de manière posée, des arguments chiffrés.

Quel est le bilan de votre politique familiale, quelle situation avons-nous trouvée en arrivant aux affaires ? Une branche famille présentant un déficit de 2,5 milliards d’euros, alors qu’elle était excédentaire quand la droite est arrivée au pouvoir ! Si une politique a objectivement fragilisé la politique familiale, c’est donc bien la vôtre. Et je ne me rappelle pas avoir vu, au cours des dix dernières années, l’ex-majorité prendre quelque mesure que ce soit pour enrayer la dégradation d’une politique familiale désormais gravement compromise. Comment imaginer, mesdames et messieurs les députés de l’opposition, mener durablement une politique familiale selon les principes que vous prônez, alors même que la branche famille est déficitaire ? Pensez-vous que cette branche puisse continuer à s’endetter un peu plus chaque année ? Je ne sais si c’est la politique familiale que vous appelez de vos vœux mais je constate que c’est, en tout cas, celle que vous avez menée. Et si la branche famille se trouve déficitaire, c’est parce que vous avez pris des décisions parfaitement contestables.

M. Pierre-Alain Muet. Absolument !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Vous souvenez-vous de cette séance mémorable, lors de laquelle vous avez décidé de transférer 160 milliards d’euros de dettes aux générations futures, en allongeant la durée de vie de la CADES ? Vous avez, au cours de cette même séance, décidé de transférer des recettes sûres, pérennes, stables, de la branche famille à la CADES, remplaçant ainsi des sources de financement certaines par d’autres, très incertaines.

M. Charles de Courson. Pas les centristes ! Nous avons voté contre !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je souhaite rafraîchir la mémoire, non pas aux parlementaires de l’UMP qui ne siégeaient pas encore, mais à ceux qui se trouvaient déjà dans cet hémicycle et que l’on n’a pas vus, alors, s’opposer à cette disposition.

M. Charles de Courson. Les centristes s’y sont opposés !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Vous avez transféré à la branche famille la ressource constituée de la taxe exceptionnelle sur les réserves de capitalisation des assureurs, en sachant très bien que cette recette allait disparaître en 2013. Quelle curieuse conception de la politique familiale que celle consistant à transférer à la branche famille une recette appelée à s’éteindre moins de trois ans plus tard !

M. Pierre-Alain Muet. Eh oui !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Vous avez aussi instauré un prélèvement sur les contrats d’assurance, tout en sachant que cette recette n’était pas dynamique. Financer les prestations par des recettes qui soit s’éteignent, soit ne sont pas dynamiques, telle est votre conception de la politique familiale, tel est votre bilan en ce qui concerne la branche famille !

M. Olivier Dussopt. Ça fait mal !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Aujourd’hui, le résultat de la politique que vous avez menée, c’est la dégradation du solde de la branche famille d’un milliard d’euros. Comprenez, dès lors, qu’il puisse paraître étrange de vous entendre nous accuser, avec des accents d’indignation, de dégrader la politique familiale – voire, comme l’a fait M. Myard, de détester les familles.

Au demeurant, dès la semaine prochaine, dans le cadre de l’examen du PLFSS, le Gouvernement va proposer au Parlement d’apporter 600 millions d’euros de recettes pérennes à la branche famille. Nous verrons alors si les propos que vous avez tenus tout à l’heure – des propos qui ne manquaient pas de vigueur, pour ne pas dire d’outrance – peuvent se traduire par des votes. Nous verrons alors si l’amour que vous prétendez éprouver pour la politique familiale peut se traduire par des preuves d’amour. Convenez qu’en la matière, produire des preuves d’amour serait plus convaincant que faire des déclarations enflammées, surtout quand ces déclarations font suite à la mise en œuvre de la politique que je viens de décrire. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Une fois de plus, ceux qui viennent défendre la politique familiale avec des accents poignants risquent de se sentir un peu gênés après m’avoir entendu rappeler certaines dispositions auxquelles ils n’ont rien fait pour s’opposer.

La politique familiale, c’est 14 milliards d’euros pour le quotient familial et 32 milliards d’euros pour l’ensemble des prestations familiales, ce qui fait un total de 46 milliards d’euros. À vous entendre, distraire 480 millions de ces 46 milliards suffirait à condamner la politique familiale, et à faire la preuve que nous détestons les familles ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Philippe Vigier. Si cela vous paraît peu, cela veut dire qu’il ne faut plus chercher à faire aucune économie ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Quelle curieuse façon de considérer le débat politique ! D’autant que, contrairement à ce que l’un d’entre vous me semble avoir dit, il ne s’agit pas du tout, en distrayant ces 480 millions d’euros, de renflouer les finances de l’État. Il s’agit de financer une politique que nous assumons, et à laquelle vous êtes manifestement opposés, consistant à majorer de 25 % l’allocation de rentrée scolaire.

M. Jean-Jacques Bridey. Très bien !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Oui, une baisse de 16 % va servir à financer une augmentation de 25 %, non pas du montant d’une prestation servie à telle ou telle catégorie, mais d’une allocation destinée à aider les familles les plus modestes : nous déplaçons une enveloppe d’un groupe de familles vers un autre groupe de familles.

Le vrai débat n’est donc pas de savoir si nous avons tort ou pas de distraire ces 480 millions d’euros du quotient familial. Le vrai débat, ouvert par M. Mariton avec la vigueur qu’on lui connaît dès qu’il s’agit de politique familiale, est de savoir s’il est légitime, dans la période que nous traversons, de consolider le pouvoir d’achat des familles les plus modestes au moyen d’une ponction de 480 millions d’euros sur une enveloppe de 13 à 14 milliards d’euros.

Lors du transfert auquel nous procédons, qui va permettre une augmentation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire, 900 000 familles vont effectivement se trouver perdantes, mais trois millions d’autres vont être gagnantes, et cinq millions d’enfants vont bénéficier d’une allocation de rentrée scolaire majorée de 25 %. Et vous allez voter contre cette mesure ? Y a-t-il vraiment de quoi être fier, au moment où certaines familles souffrent particulièrement, de s’opposer à une revalorisation de l’allocation de rentrée scolaire en faveur des trois millions de familles les plus modestes, quitte à demander un effort à 900 000 autres familles ? Pour ma part, je n’y vois rien de choquant, c’est ma conception de la politique familiale – à moins de considérer que consolider le pouvoir d’achat des familles les plus modestes ne relève pas de la politique familiale.

Je veux encore faire quelques remarques afin que chacun puisse apprécier à leur juste valeur la sincérité des propos enflammés tenus par certains. Ce montant de 480 millions d’euros est un peu inférieur à ce qu’a rapporté aux finances de l’État une autre mesure que vous avez votée, une mesure qui, en sous-indexant les prestations familiales, a permis à l’État de récupérer 600 millions d’euros. Je me souviens que M. Baroin a défendu cette mesure, que M. Le Maire, lui, n’a rien dit, que nombre de députés ici présents l’ont votée, notamment M. Mariton – même s’il ne m’a pas répondu sur ce point – M. Lamour, Mme Grosskost et Mme de la Raudière. Quant à M. de Courson, il s’était abstenu.

Je constate que vous vous faites bien discret, monsieur Myard…

M. Jacques Myard. Vous avez une vision uniquement comptable !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …autant que vous l’étiez quand le gouvernement que vous souteniez décidait de prélever 600 millions d’euros sur les familles pour restaurer ses finances. On ne vous a pas entendu, à cette époque, affirmer que le gouvernement détestait les familles. Où étiez-vous à ce moment, monsieur Myard ? Vous que l’on n’a pas entendu protester lors du vote de cette disposition, où étiez-vous, derrière qui vous cachiez-vous ? Ces accents outranciers qui sont les vôtres actuellement, comment les faisiez-vous taire, quand vous preniez 600 millions d’euros aux familles pour restaurer des finances que votre majorité avait mises en péril ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Comparons les deux mesures : dans un cas, 480 millions d’euros pris à des familles pour les donner à d’autres familles ; dans l’autre, 600 millions d’euros pris à des familles pour restaurer les finances de l’État.

Mais continuons à nous livrer à cet intéressant exercice de mémoire. Oui, c’est la gauche qui a plafonné le quotient familial, et si vous relisiez le compte rendu des débats lors desquels cette mesure a été adoptée, vous y constateriez que vos prédécesseurs de droite ont manifesté, à l’époque, la même outrance que celle dont vous venez de faire preuve. Pour autant, que je sache, depuis l’adoption de cette mesure, vous avez été au pouvoir en 1986, en 1993, en 2002 et en 2007 : pourquoi, messieurs les députés de droite, n’êtes-vous jamais revenus sur le plafonnement du quotient familial ? Les outrances auxquelles vous vous êtes livrés à ce moment ont été sans lendemain, comme le seront celles dont nous venons d’être témoins.

Enfin, je ne résiste pas au plaisir de faire un dernier rappel. Qui a proposé – je demande d’avance pardon à M. Le Maire – la fiscalisation des allocations familiales ?

M. Bruno Le Maire. Je l’assume !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Dans l’histoire politique contemporaine, qui a proposé officiellement la fiscalisation des allocations familiales ? Non pas trois ou quatre responsables politiques, mais seulement deux : d’abord M. Juppé, du haut de cette tribune quand il était Premier ministre, et qui a reçu, à la fin de son intervention, une ovation de la part des députés RPR et UDF présents dans l’hémicycle. Monsieur Myard, vous êtes-vous levé ce jour-là pour l’applaudir ? Et vous, monsieur de Courson ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) Vous n’étiez pas tous parlementaires à l’époque, mais j’ai l’intuition que M. Baroin, qui l’était déjà, ne s’est pas levé pour applaudir la politique familiale proposée par M. Juppé.

M. François Baroin. C’est vrai !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Beaucoup plus récemment, le deuxième à avoir proposé la fiscalisation des allocations familiales a été M. Le Maire, chargé de l’élaboration programmatique de l’UMP avant les élections.

M. Hervé Mariton. Et la politique familiale de M. Jospin, vous n’en parlez pas ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. J’ai la parole pour le moment, monsieur Mariton, et il ne sert à rien d’essayer de couvrir mes propos : vous pourrez toujours me répondre tout à l’heure si vous le souhaitez.

M. Le Maire, disais-je, responsable de l’élaboration programmatique de l’UMP, a proposé la fiscalisation des allocations familiales – sans être suivi. Une fois de plus ne m’en veuillez pas, monsieur Le Maire, mon but est uniquement de rappeler ce que furent les responsabilités des uns et des autres dans la conduite de la politique familiale.

Un peu moins d’outrance, un peu plus de mémoire, un peu plus de sens de la mesure,…

M. Jacques Myard. Voilà qui ressemble fort à de l’autocritique !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …et de grâce, arrêtons, les uns et les autres, de nous accuser de choses invraisemblables, qui ne font que dénaturer le débat parlementaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Sur cette série d’amendements de suppression de l’article 4, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Vous dites faux, monsieur le ministre. Pointant du doigt des membres de l’UMP, vous oubliez que c’est votre bord politique qui, en son temps, a mis sous conditions de ressources les allocations familiales.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Non, nous l’assumons !

M. Hervé Mariton. Vous dites faux, monsieur le ministre, lorsque vous sous-estimez, avec le rapporteur général, l’impact d’un dispositif qui, comme l’étude d’impact le démontre, touche même les foyers disposant de revenus fiscaux de référence inférieurs à 50 000 euros. Comme il l’a fait en commission, le rapporteur général nous parle de revenus représentant sept fois le SMIC. C’est oublier que nous parlons des revenus d’un foyer, donc potentiellement de deux personnes, soit trois fois et demie le SMIC dans votre exemple – et certainement pas sept fois le SMIC, pour des foyers percevant un revenu inférieur à 50 000 euros.

Pour profondément injuste qu’elle soit, votre mesure, telle qu’elle est calibrée, n’est peut-être pas l’abomination de la désolation. Le problème majeur, monsieur le ministre, c’est de constater que tous les membres de votre majorité que nous avons entendus n’ont pas défendu votre proposition, mais critiqué le quotient familial qui constitue pourtant, très au-delà de la démographie, une juste modalité de calcul de l’impôt…

M. Dominique Baert. Non !

M. Hervé Mariton. …car il est juste, en effet, que les foyers sans enfants soient solidaires de ceux qui en ont, et il est juste – à ce propos, je citais Alfred Sauvy – que pour calculer la faculté contributive d’un foyer, on tienne compte du quotient familial.

Quand j’entends ceux qui vous soutiennent, je suis très inquiet…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Allons, n’ayez pas peur !

M. Hervé Mariton. …car si votre mesure concerne aujourd’hui un million de foyers – ce qui fait déjà du monde, vous en conviendrez –, à entendre les membres du groupe socialiste, il semble bien que vous ayez l’intention de défaire, année après année, le quotient familial dans sa totalité. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Si chaque année, vous faites ce que vous avez fait cette année, il y a aura un jour cinq millions de foyers, plus de quinze millions de Français à souffrir de votre politique.

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je veux remercier M. le ministre d’avoir rappelé la position des centristes, qui ont toujours été constants sur ce point…

M. Jean-Jacques Bridey. Pour une fois !

M. Charles de Courson. Non, c’est le cas sur de nombreux sujets.

Je veux vous dire trois choses, monsieur le ministre. Premièrement, vous oubliez – vous n’étiez pas député à l’époque, il est vrai – qu’un certain gouvernement Jospin a fait voter par sa majorité la fiscalisation des allocations familiales…

M. Hervé Mariton. Eh oui !

M. Charles de Courson. …et qu’il a fallu une bataille menée par l’opposition, avec l’aide du groupe communiste, pour vous faire reculer, ce qui a conduit à l’annulation de cette mesure un an plus tard – en réalité, elle n’a donc jamais vu le jour. Ce point d’histoire méritait d’être rappelé.

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bien !

M. Charles de Courson. Deuxièmement, vous faites une présentation politique des choses lorsque vous dites que vous allez prélever 490 millions d’euros sur 900 000 familles aisées en abaissant le plafond du quotient familial, puis redistribuer les sommes ainsi récupérées sous forme d’augmentation de l’allocation de rentrée scolaire. Ce faisant, vous oubliez une chose : il n’y a aucune affectation formelle de cette recette…

M. Hervé Mariton. Exact ! Ce n’est écrit nulle part !

M. Charles de Courson. …conformément au principe d’universalité. Dès lors, votre présentation est en effet purement politique.

Vous avez arrêté cette mesure au mois de juillet et vous venez maintenant nous dire que vous allez la financer l’année prochaine par le quotient familial. C’est bien, j’y insiste, une présentation purement politique.

M. Hervé Morin. Bien sûr !

M. Charles de Courson. En plus, je vous ferai observer que, ce faisant, vous commencez à mettre le doigt sur chaque mesure – que cela concerne l’IR ou l’IS – en disant à quoi elle est affectée. Cela n’est pas sérieux !

M. Bruno Le Maire. Pas du tout !

M. Charles de Courson. C’est totalement contraire au principe d’universalité des recettes et des dépenses.

Par ailleurs, pourquoi s’arrêter à 2 000 euros ? Continuons à baisser !

M. Hervé Mariton. Eh oui !

M. Charles de Courson. Une fois que l’on sera à zéro, vous pourrez maintenir les parts et le quotient, vu qu’ils ne joueront plus ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Et puis, mes chers collègues, réfléchissez un peu ! Une nouvelle fois, vous rompez la solidarité horizontale entre les familles riches sans enfants et les familles riches ou aisées avec enfants.

Nous avions, avec M. le rapporteur général, une discussion intéressante sur la question de savoir pourquoi on abaisse le plafond du quotient pour tout le monde, sauf pour les célibataires.

M. Hervé Morin. Pourquoi ?

M. Charles de Courson. Vous dites que c’est parce que ce sont des familles modestes qui sont visées,…

M. Philippe Vigier. Ce qui est faux !

M. Charles de Courson. …mais cela n’a rien à voir.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur de Courson.

M. Charles de Courson. On parle de familles qui ont des revenus confortables. Vous m’aviez dit – je peux retrouver le compte rendu – que c’était un vrai problème.

M. le président. Merci, monsieur de Courson !

M. Charles de Courson. Je vous avertis donc : nous attaquerons cette mesure au Conseil constitutionnel pour rupture d’égalité, car il est inacceptable de faire de la discrimination entre les différentes formes de familles. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI et du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. J’ai entendu M. le ministre parler de mémoire, mais j’ai eu parfois le sentiment qu’il nous demandait plutôt de faire de la repentance. C’est là un merveilleux exercice d’archéologie qui, pour quelqu’un qui a été élu pour la première fois en juin dernier, semble tout à fait abscons. Il n’y a pas ici que des députés – d’ailleurs plus nombreux à gauche qu’à droite – ayant participé aux débats du passé.

M. Pascal Popelin. Cela n’empêche pas de connaître l’histoire !

M. Julien Aubert. Comme je ne me sens pas concerné par cet héritage, vous comprendrez, monsieur le ministre, que je m’en éloigne légèrement.

Vous avez dressé un tableau relativement effrayant de la politique familiale menée par la droite depuis dix ans en soulignant que les familles avaient été durement touchées par toute une série de mesures.

Je ne suis pas d’accord sur un point : il n’est pas choquant, selon moi, que la branche famille soit en déficit…

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Ah bon !

M. Julien Aubert. …car l’enfance est un investissement. Et s’endetter pour investir ne me semble pas totalement aberrant.

En l’occurrence, si la politique familiale a été aussi durement touchée, si elle est en aussi piteux état, pourquoi donc, alors que vous êtes désormais aux manettes, donnez-vous un nouveau coup de piolet à un édifice qui aurait été à ce point abîmé ? (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Thomas Thévenoud. Après le gourdin, voilà le piolet !

M. Julien Aubert. Enfin, j’ai cru comprendre, en vous écoutant, que le quotient familial était une subvention donnée aux riches. Rappelons quand même que ce mécanisme ne fait que réduire une part de contribution à l’impôt et que les ménages aisés qui sont concernés paient leur dû. Ils paient des impôts plus élevés que d’autres.

M. Nicolas Sansu. Heureusement !

M. Julien Aubert. La différence est que, dans le cas du quotient familial, cela leur profite – on leur rend un petit peu de ce qu’on leur a pris –, alors qu’ils ne sont pas forcément bénéficiaires de tous les autres aspects de la politique familiale.

M. Thomas Thévenoud. Décidément, vous ne comprenez rien !

M. Julien Aubert. Il est temps de penser à la solidarité nationale. Les preuves d’amour, c’est bien ; les enfants, c’est mieux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Maire.

M. Bruno Le Maire. Monsieur le ministre, je souhaite vous répondre, puisque vous avez mentionné les propositions que j’avais faites à ce sujet.

Je vous rappellerai simplement que le Président de la République, François Hollande, a été élu…

M. Franck Gilard. Avec une petite majorité !

M. Bruno Le Maire. …en ayant fait une grande promesse, celle de rendre la fiscalité française plus lisible, plus juste, plus efficace et plus simple. Or, avec toutes les mesures que vous présentez, c’est exactement l’inverse.

M. Hervé Morin. C’est vrai !

M. Bruno Le Maire. Vous rajoutez de la complexité et de l’illisibilité et vous prenez à toutes les catégories – à neuf Français sur dix –, petit bout par petit bout, un euro ici, un euro là.

L’exemple que vous avez donné de l’allocation de rentrée scolaire est typique : c’est le petit cadeau de rentrée,… (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Pierre-Alain Muet. Quelle honte !

M. Jean Launay. Nous le répéterons aux familles ; elles seront ravies de l’apprendre !

M. Bruno Le Maire. …dont on se demande s’il ira véritablement aux familles et aux enfants, ou s’il ne financera pas autre chose. Nous le savons tous, ce n’est pas là de la redistribution juste. (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Mes chers collègues, écoutons-nous, s’il vous plaît !

M. Bruno Le Maire. Le quotient familial, comme l’a très bien rappelé Hervé Mariton tout à l’heure, est l’élément le plus juste pour calculer à quelle hauteur une famille doit réellement contribuer aux efforts de la nation. En l’abaissant, vous ouvrez la porte à une diminution plus importante – il pourra descendre à 1 800, 1 500, voire 1 000 euros –, exactement de la même façon que vous avez introduit, avec la fiscalité supplémentaire sur les retraités, un taux de 0,15 %, qui deviendra 0,3 %, puis 0,5 % et finira par arriver à 1 %.

M. Hervé Mariton. Eh oui !

M. Bruno Le Maire. C’est toujours un petit peu plus d’argent qui est repris aux ménages, que ce soient les familles ou les retraités.

En revanche, si vous aviez voulu faire une réforme courageuse, juste et efficace, eh bien, oui, je continue à dire, même si je dois me retrouver isolé dans ma propre famille politique, qu’il aurait été plus efficace de fiscaliser les allocations familiales et de les soumettre à une véritable progressivité.

M. Franck Gilard. En effet, avec une telle proposition, vous êtes isolé !

M. Bruno Le Maire. Cela aurait été simple et courageux. Ce n’est pas la voie que vous avez suivie, monsieur le ministre.

M. Thomas Thévenoud. L’UMP non plus !

M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.

M. Jacques Myard. Monsieur le ministre, si j’ai bien compris, vous nous reprochez d’avoir changé d’avis en passant de la majorité à l’opposition. Venant de vous, je prends ça pour un compliment ! En effet, vous vous êtes renié à mille pour cent concernant le traité sur la gouvernance européenne. Alors, un peu de modestie, s’il vous plaît ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Sachez, par ailleurs, que vous vous attaquez là à un symbole. Ce n’est pas une simple affaire comptable, même si toute votre démonstration a consisté à mettre en avant des arguments comptables.

M. Dominique Baert. Ah bon ?

M. Jacques Myard. Il est vrai que les gouvernements précédents ont demandé à la branche famille de financer autre chose que la seule famille, et, pour ce qui me concerne, je le regrette.

J’ajoute, car vous nous avez mis en cause en citant Alain Juppé et Bruno Le Maire – qui est, par ailleurs, un cher collègue – que j’ai toujours refusé, en ce qui me concerne, la fiscalisation des allocations familiales, parce que c’est une atteinte directe à ce que doit être une politique familiale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Ce débat est intéressant : autant le conduire jusqu’à son terme. Je vous ai répondu et vous l’avez fait à votre tour ; nous nous serons ainsi exprimés deux fois. Il me semble donc que la discussion, qui va se conclure par un scrutin public, a été équitable.

Je ne crois pas, monsieur de Courson, que, dans l’épisode auquel vous faites référence, qui a eu lieu en 1997 ou 1998, il s’agissait d’une défiscalisation.

M. Hervé Morin. Bien sûr que si !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Dans mon souvenir – et il me semble que M. Mariton a le même –, il s’agissait d’une mise sous condition de ressources, ce qui est une chose un peu différente, même si les principes de l’une et l’autre de ces dispositions peuvent êtres considérés comme comparables, sinon identiques.

Merci à Bruno Le Maire du courage dont il fait preuve à nouveau.

M. Yves Censi. Ce n’est pas non plus Cyrano de Bergerac !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. J’ai constaté que ce qu’il aurait pu souhaiter – je parle au conditionnel pour ne pas donner l’impression de m’exprimer à sa place –, c’est-à-dire la fiscalisation des allocations familiales, a été applaudi par quelques-uns sur vos bancs, ce qui prouve qu’à l’occasion de ce débat, les arguments des uns et des autres sont entendus. Pour ma part, je m’en réjouis.

Il m’a semblé, monsieur Aubert, que le lien que vous avez établi entre le financement du quotient familial et la branche famille était abusif.

M. Hervé Morin. C’est vous qui l’avez établi !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. En effet, il n’y a rigoureusement aucun lien financier ou budgétaire – je ne vous apprends rien, puisque vous êtes magistrat à la Cour des comptes – entre le quotient familial et la branche famille. Je n’ai donc pas compris le rapprochement que vous faisiez.

Je m’étais, pour ma part, contenté de rappeler que ceux qui se posent aujourd’hui en défenseurs de la politique familiale étaient les mêmes qui, au cours de la législature précédente, avaient mis la branche famille en situation de déficit grave par l’amputation de ressources pérennes, remplacées par des ressources soit non pérennes, soit non dynamiques.

M. Mariton a répété l’argument selon lequel cette disposition allait pénaliser, sur l’ensemble de la législature, 15 millions de foyers. Ai-je bien compris ?

M. Hervé Mariton. J’ai parlé de 15 millions de personnes – au moins !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Soit. La majoration de l’allocation de rentrée scolaire touche 3 millions de familles. Si je comprends bien, vous considérez qu’il y a trois personnes par famille en moyenne. Cela fait donc 9 millions de personnes, c’est-à-dire, pour les prochaines années, 27 millions. Vous estimez que nous pénalisons 15 millions de personnes ; j’estime quant à moi que nous en favorisons 27 millions.

M. Hervé Mariton. C’est à ce genre de balance que vous faites la politique de la France !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Il y a donc beaucoup plus de gagnants que de perdants, ce qui, après tout, est le rôle d’une politique publique.

M. Hervé Mariton. Quel curieux raisonnement !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. J’ai fait le même que le vôtre, me semble-t-il, mais il est vrai qu’en vous écoutant, je l’avais déjà trouvé curieux ! (Sourires.) Je me suis contenté d’en reprendre les termes. C’est une façon de s’adapter à la manière dont les parlementaires décident de conduire le débat.

Je voudrais enfin réagir aux propos de Bruno Le Maire, qui a considéré la majoration de l’allocation de rentrée scolaire comme un « petit cadeau ». Je crois que l’expression est malheureuse, monsieur le député. D’abord, une augmentation de 25 %, en proportion, ce n’est pas petit. Ensuite, il s’agit, non pas d’un cadeau, mais d’une nécessité pour les foyers les plus modestes. Par conséquent, parler de « petit cadeau » à propos de ce qui nous a paru être une nécessité pour le maintien du pouvoir d’achat des foyers les plus modestes, cela ne me paraît pas très adapté. Enfin, c’est votre avis. Je m’en serais voulu de laisser cette expression sans réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques tendant à la suppression de l’article 4.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 146

Nombre de suffrages exprimés 146

Majorité absolue 74

(Les amendements de suppression ne sont pas adoptés.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Lamour, pour soutenir l’amendement n° 172.

M. Jean-François Lamour. Il s’agit d’un amendement de repli. Monsieur le ministre, vous nous avez donc annoncé le financement de la revalorisation de l’allocation de rentrée scolaire par cette modification du quotient familial. Première nouvelle ! Ni dans votre document de présentation du budget, ni dans l’excellent rapport du rapporteur général – c’est un pavé, mais je vous conseille de le lire – n’apparaît la destination de cette modification du quotient familial.

Encore une fois, j’aimerais essayer de vous faire comprendre le principe d’équité horizontale du quotient familial.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Rassurez-vous, je ne l’ignore pas !

M. Jean-François Lamour. Peut-être est-il quand même bon de vous le rappeler à nouveau, puisque vous semblez l’écarter, même si vous vous en défendez.

Vous dites qu’il ne s’agit pas d’une recette supplémentaire pour l’État, mais c’en est une, que vous le vouliez ou non ! Or le principe du quotient familial est l’équité horizontale. Le fait que vous préserviez un certain nombre de familles, en particulier les familles monoparentales – dont certaines, d’ailleurs, sont riches –, remet en question ce dispositif, qui a pourtant démontré qu’il était extrêmement performant.

Je vous en fais le pari, monsieur le ministre : dans quelques mois, à l’occasion d’un collectif – certainement au printemps –, nous nous reverrons et vous modifierez à nouveau le plafond du quotient familial, au motif que vous l’estimerez encore trop élevé. De 2 000 euros, vous passerez à 1 800 ou 1 700 – tout est possible.

M. Hervé Mariton. Le pire n’est jamais sûr ! (Sourires.)

M. Jean-François Lamour. J’ai remarqué que vous aimiez les comptes ronds puisque vous voulez faire passer le plafond de 2 336 à 2 000 euros. Eh bien, je vous propose de l’établir à 2 300 euros. Vous voyez que je cherche le consensus ! (Sourires.) Cela vous fait un compte rond et les familles s’en porteront bien.

M. Hervé Mariton. Bonne idée !

M. le président. Sur l’article 4, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 172 ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Le débat a été long, rigoureux, et je crois que nous sommes allés au bout des choses. Votre amendement, monsieur Lamour, équivaut à la suppression de la mesure, puisque vous proposez d’établir à 2 300 euros ce qui est à un peu plus de 2 300 !

M. Jean-François Lamour. Faites un effort !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous dites que c’est un amendement de repli, mais il est quasiment identique aux amendements de suppression et a presque le même effet. Le débat a eu lieu ; mon avis reste bien entendu défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Défavorable.

J’en profite pour donner une précision à M. Lamour et à M. Mariton, en m’excusant de ne pas l’avoir fait tout à l’heure. Lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative l’été dernier, quand la décision a été prise de majorer l’allocation de rentrée scolaire de 25 %, le coût de la mesure a été indiqué et j’ai annoncé, au nom du Gouvernement, que son financement interviendrait à l’occasion de la loi de finances initiale, par cette mesure.

Les comptes rendus des débats en font foi : il a toujours été indiqué qu’il en serait ainsi. Ce n’est donc pas une recette pour l’État, ou alors, si c’en est une, elle est immédiatement dépensée au profit d’une mesure nouvelle, ce qui correspond à la politique du Gouvernement : toute mesure nouvelle doit être financée par des recettes identifiées ou par des économies. C’est bien ce que nous faisons en l’occurrence.

M. Yves Censi. La recette n’est pas affectée !

(L’amendement n° 172 n’est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 57 de M. Eckert est rédactionnel.

(L’amendement n° 57, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l'amendement n° 145.

M. Damien Abad. En écho à notre discussion précédente, cet amendement de repli propose d’affecter à la branche famille de la sécurité sociale le surcroît de recettes résultant du plafonnement du quotient familial.

Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas, d’un côté, évoquer le principe d’universalité pour ne pas affecter les recettes à certaines dépenses et, de l’autre, affirmer que cet argent permettra de financer l’allocation de rentrée scolaire. Cela, d’ailleurs, ne figure dans aucun document.

Vous dites aussi que le surcroît de recettes résultant de cette mesure ne représente pas grand-chose par rapport au déficit de la branche famille, tout en affirmant qu’il s’agit d’une mesure d’ampleur. Il faut choisir votre braquet !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. La branche famille est, certes, encore trop déficitaire mais, avec 2,5 milliards d’euros en 2012, elle n’est pas la plus déficitaire de nos régimes sociaux. Le déficit de la branche maladie est de 5,5 milliards, celui de la branche vieillesse de 5,2 milliards et celui du FSV de 4,1 milliards.

Selon le principe de l’universalité de la recette, le Gouvernement décidera lui-même de l’affectation des recettes nouvelles. Par ailleurs, le PLFSS apportera 600 millions de recettes supplémentaires afin de consolider la branche famille, ramenant le déficit pour 2013 à 2,7 milliards, au lieu des 3,3 milliards prévus. Le Haut conseil de la famille devrait être saisi au printemps pour examiner l’ensemble des prestations familiales et leur adéquation aux besoins des familles. Laissons les choses prospérer.

Avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Nous avons déjà eu ce débat. Avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. C’est une confirmation de l’attaque portée par le Gouvernement à la politique familiale. Il est symbolique que vous refusiez cet amendement neutre, qui vise à affecter à la branche famille, à titre exceptionnel, les recettes liées à la réduction du quotient familial.

Par ailleurs, je souhaiterais que le Gouvernement analyse l’usage que font les Français de l’allocation de rentrée scolaire. J’aimerais savoir si leurs dépenses correspondent vraiment à des dépenses de rentrée scolaire, destinées aux enfants. Si c’est le cas, j’applaudirai à deux mains l’augmentation de cette allocation. Sinon, je m’y opposerai.

(L'amendement n° 145 n'est pas adopté.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l'article 4, modifié par l’amendement n° 57.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 136

Nombre de suffrages exprimés 136

Majorité absolue 69

(L'article n° 4, amendé, est adopté.)

Après l'article 4

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l'amendement n° 479.

M. Nicolas Sansu. Cet amendement vise à enrichir en amont le débat que nous aurons sur l’imposition au barème des revenus du capital. Vous conviendrez qu’il est normal que ce privilège revienne au groupe auquel appartiennent les députés du Front de gauche ! L’imposition au barème des dividendes, des produits de placement en revenus fixes ou des gains de cession de valeurs mobilières, et par voie de conséquence la suppression du prélèvement forfaitaire libératoire, est une mesure de justice fiscale que nous réclamons depuis des années.

Elle laisse cependant entier le problème de la répartition des richesses et de l’aggravation des inégalités de revenus. Entre 2003 et 2010, la rémunération, nette de l’inflation, des PDG des entreprises du CAC 40 a augmenté de 20 %, quand celle des salariés de ces mêmes entreprises augmentait seulement de 1 %. La France a rompu depuis des années avec la grande stabilité de la hiérarchie des salaires qui avait prévalu après-guerre, pour glisser vers un modèle anglo-saxon. L’explosion de la rémunération des dirigeants d’entreprise est contemporaine du glissement d’un capitalisme industriel vers un capitalisme financiarisé, dont les profits sont déconnectés d’une activité sociale utile. On ne le voit jamais avec autant d’acuité que lorsque des indemnités somptuaires sont versées à ces mêmes dirigeants quand ils mettent fin à leur période d’activité.

L’amendement a pour objet de préciser, si besoin est, que les indemnités de départ attribuées sous forme de primes ou d’attribution gratuite d’actions seront dûment fiscalisées. En outre, il propose, de manière aussi décisive, de dissuader ces pratiques en taxant les entreprises qui s’y livrent. Il s’agit, pour les députés du Front de gauche, d’une question importante et je sais, monsieur le ministre, que vous comprendrez le message.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous proposez de résoudre une question qui ne se pose pas, puisque les indemnités de départ perçues par les mandataires sociaux et les dirigeants sont déjà imposables, sauf en cas de révocation, où elles sont imposables au-dessus d’un certain seuil. Votre amendement, dans sa première partie, est donc satisfait.

Dans la seconde partie, vous proposez de taxer les entreprises qui « envisagent » d’augmenter le salaire de leurs dirigeants, terme dont je ne sais pas ce qu’il signifie en matière de législation fiscale. D’autre part, les augmentations de salaire survenant avant une cessation du contrat de travail ne sont pas toujours motivées par la triche.

M. Nicolas Sansu. Cela peut arriver !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je vous invite donc, cher collègue, à retirer cet amendement, dont la première partie est satisfaite et la seconde, mal rédigée.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Votre amendement, monsieur Sansu, peut être considéré comme satisfait puisque les indemnités sont imposées au premier euro lorsque le départ est volontaire. La deuxième raison pour laquelle il me semble que cet amendement n’est pas tout à fait indispensable est que nous proposons, vous le savez, une taxation exceptionnelle à 75 % – ce qui donnera lieu, d’ailleurs, à des débats animés. La troisième raison est de forme : il manque à cet amendement la définition de règles d’assiette et de recouvrement, qui doivent être déterminées par la loi. Il est absolument impossible de l’adopter en l’état. Je vous invite à le retirer.

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Monsieur le ministre, votre réponse est juste et convaincante. Je vous propose donc de présenter cet amendement au Sénat, dans une nouvelle rédaction que vous fourniront les forces dont vous disposez à Bercy. Nous pourrons ensuite l’adopter tous ensemble, au sein de la majorité de gauche.

(L'amendement n°479 est retiré.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 227 et 412.

La parole est à M. Julien Aubert, pour soutenir l’amendement n° 227.

M. Julien Aubert. Le projet de loi de finances pour 2013 soumet les Français à une hausse d’impôts sans précédent. Tous doivent contribuer à cet effort. C’est ainsi que les députés verront le montant de leur indemnité pour frais de mandat réduit de 10 %. Il serait normal de supprimer les avantages fiscaux dont bénéficient d’autres catégories, comme les journalistes, ou, tout au moins, de leur appliquer également une réduction de 10 %.

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour défendre d’amendement n° 412.

Mme Laure de La Raudière. Je défendrai également, si vous le voulez bien, monsieur le président, l’amendement n° 413, qui est de repli.

M. le président. Volontiers.

Mme Laure de La Raudière. La loi de finances pour 2013 soumet les Français à une hausse d’impôts sans précédent. Création de nouveaux taux, comme celui à 75 %, modification des assiettes, comme la réduction de l’impact du quotient familial, plafonnement des niches fiscales à 10 000 euros : toutes les possibilités ou presque ont été utilisées. Il faut le dire, vous avez fait preuve d’un grand talent en matière de créativité fiscale !

Mais il existe une niche que vous avez complètement épargnée, c’est celle des journalistes. Les amendements nos 227 et 412 proposent de la supprimer, l’amendement no 413 prévoit une réduction de 10 % de l’avantage fiscal.

Charles de Courson, à moins que ce ne soit Gilles Carrez, a l’habitude de dire que, dans chaque niche, il y a un chien. Celui-ci peut aboyer. Alors, bien sûr, je ne traite pas les journalistes de chiens…

M. Pascal Terrasse. Vous venez de le faire !

Mme Laure de La Raudière. Je ne voudrais pas revenir sur les dires antérieurs de M. Terrasse, totalement déplacés. Je précise mon propos afin qu’il ne soit pas manipulé : je ne traite pas les journalistes de chiens, je dis simplement qu’ils peuvent être, par leur plume, extrêmement mordants !

M. Michel Vergnier. Ils s’en souviendront !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Les deux premiers amendements, en supprimant le 1° de l’article 81 du code général des impôts relatif aux frais d’emploi, toucheraient des catégories autres que celle des journalistes. Je ne pense pas que c’était l’intention de leurs auteurs. Avis défavorable.

Le montant des frais d’emploi des journalistes, visés par l’amendement no 413, abaissés à une certaine époque, n’a pas été revalorisé depuis son introduction en 1999. Cette stagnation, conjuguée à l’inflation, correspond à une résorption progressive de ce montant déductible. Avis également défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements.

Je remarque, après avoir écouté Mme de la Raudière, que ce projet de loi de finances est placé sous le signe d’un bestiaire qui se complète : après les pigeons, les chiens ! (Sourires.)

M. Julien Aubert. Bientôt les dindons de la farce !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ne jouez pas les oies blanches, madame de La Raudière !

Mme Laure de La Raudière. Il faut dire que nous devons avaler des couleuvres…

M. Lionel Tardy. …même en l’absence des éléphants ! (Sourires)

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. La raison de cet avantage est connue et assumée depuis très longtemps par à peu près tous les gouvernements. Il s’agit moins d’une aide à une catégorie professionnelle qu’à un secteur économique, celui de la presse écrite. On voit bien que si cet avantage était supprimé, les salariés qui en bénéficient seraient fondés à en demander la compensation aux entreprises qui les emploient, lesquelles se trouvent dans une situation très délicate à l’heure actuelle. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’État consent, sous forme d’aides publiques, des financements de plus en plus importants.

Nous le constatons dans nos circonscriptions et au niveau national, la presse joue un rôle essentiel dans la circulation des idées et dans le débat politique.

Nous sommes intimement liés à la presse écrite, oserai-je dire, tant nous avons besoin d’elle pour véhiculer nos opinions. La presse contribue au débat d’idées, et la démocratie française n’est pas la pire qui soit ; la presse y joue son rôle, et c’est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Voilà vingt ans que je dépose cet amendement, qu’une fois, une seule, j’ai réussi à faire adopter. Hélas, quelques mois plus tard, le gouvernement de l’époque a fait machine arrière. Cela n’honore pas les majorités successives.

Pour en revenir à vos arguments, monsieur le ministre, prétendre que cet avantage propre à une catégorie n’est pas fait pour bénéficier à cette catégorie mais à ses employeurs est véritablement explosif ! En effet, de nombreux secteurs en difficulté pourraient vous retourner l’argument : pourquoi pas nous ? Donnez-nous un avantage fiscal et nous pourrons réduire les salaires !

Cet argument m’étonne de vous, monsieur le ministre, et ce sont probablement vos conseillers qui vous l’ont soufflé, mais il est totalement scandaleux. C’est selon la même logique que les intermittents du spectacle, avec la complicité de la plupart des dirigeants du secteur, contournent complètement le dispositif d’indemnisation du chômage.

Un second argument, que vous n’avez pas utilisé, mais que je rappelle ici par honnêteté, est celui de l’indépendance des journalistes. S’ils devaient en effet justifier de leurs frais professionnels auprès de l’administration fiscale, cela pourrait menacer le secret de leurs sources.

M. Jérôme Guedj. C’est mieux que les fadettes !

M. Charles de Courson. Cet argument ne tient pas à mes yeux, car l’administration fiscale est tenue au secret. De plus, là encore, d’autres professions, les avocats par exemple, pourraient le reprendre à leur compte.

Je rêve donc qu’un jour une QPC soit déposée sur le 1° de l’article 81 du CGI, afin de vérifier s’il respecte le principe d’égalité entre les citoyens.

M. le président. La parole est à M. Olivier Carré.

M. Olivier Carré. J’ai apprécié la démonstration de M. le ministre, mais j’aurais aimé qu’à l’occasion du débat que nous avons eu sur les heures supplémentaires il ait le même type de réflexion prospective sur ce qui se passe aujourd’hui dans des milliers d’entreprises, où se produit le phénomène qu’il a décrit entre les employeurs et les employés qui ont perdu quelques euros sur leur feuille de paye.

M. Lionel Tardy. Quelques dizaines d’euros !

M. le président. La parole est à M. Julien Aubert.

M. Julien Aubert. En effet, lorsqu’on leur sucre des heures supplémentaires, les salariés peuvent se retourner vers leur patron pour obtenir une compensation salariale. Ce n’est donc pas un bon argument, et ce n’est pas forcément ce qu’entendait le ministre mais, en l’occurrence, le rapporteur m’a convaincu que mon amendement était mal rédigé, notamment parce qu’il touchait d’autres catégories que les journalistes. En conséquence, je retire l’amendement n° 227.

(L'amendement n° 227 est retiré.)

M. le président. Madame de La Raudière, maintenez-vous l’amendement n° 412 ?

Mme Laure de La Raudière. Je le retire pour les mêmes raisons, mais maintiens l’amendement n° 413. J’ajoute que, puisque vous avez reconnu que cet avantage était un soutien indirect à la presse, je m’étonne que vous ne pensiez pas à aider d’autres secteurs d’activité, notamment quand vous touchez aux heures supplémentaires effectuées dans des PME industrielles, les mettant ainsi en danger.

(L'amendement n° 412 est retiré.)

(L'amendement n° 413 n'est pas adopté.)

M. le président. Nous en venons à une série d’amendements identiques, tendant à rétablir la défiscalisation des heures supplémentaires.

La parole est à M. Jean-François Lamour, pour soutenir l'amendement n° 169.

M. Jean-François Lamour. Monsieur le ministre, tel le sparadrap du capitaine Haddock, la refiscalisation des heures supplémentaires va vous coller aux doigts pendant tout le quinquennat, tant vous êtes dans l’erreur.

M. Jean Launay. Comme le bouclier fiscal pour vous !

M. Jean-François Lamour. Dans votre frénésie de vouloir détricoter tout ce que nous avions voté lors du précédent quinquennat, vous avez mis en grande difficulté un certain nombre de ménages. C’est d’ailleurs en totale contradiction avec ce que vous nous avez encore dit ce matin sur les 10 % de contribuables qui supporteront 90 % des mesures nouvelles que vous annoncez à l’occasion de ce budget. En effet, avec cette refiscalisation, ce sont neuf millions de salariés qui vont perdre en moyenne 400 euros par an.

En cette période de crise, les salariés comme les entreprises trouvaient dans ce dispositif une réelle souplesse, leur permettant de maintenir ou d’améliorer le pouvoir d’achat, et vous avez commis une grave erreur en le supprimant. Cela symbolise parfaitement ce qu’est votre politique puisque, dans le même temps, vous avez mis en place les emplois d’avenir, qui seront bientôt suivis par les contrats de génération. On a l’impression de se retrouver en 1997 avec non seulement les trente-cinq heures – là-dessus, vous en conviendrez, vous ne pouvez pas nous refaire le coup –, mais surtout les emplois jeunes, c'est-à-dire des emplois qui, par nature, ne sont pas pérennes. Vous sacrifiez donc l’amélioration du pouvoir d’achat et la compétitivité de nos entreprises au profit de dispositifs pour l’emploi dont on sait qu’ils ne sont ni efficaces ni durables pour emmener les jeunes sans qualification vers l’emploi. Ouvrez les yeux, monsieur le ministre, sans quoi, je le répète, cette refiscalisation vous collera aux doigts pendant tout le quinquennat.

M. Lionel Tardy. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l'amendement n° 252.

M. Hervé Mariton. Monsieur le ministre, reconnaissez votre erreur et amendez votre texte. La défiscalisation, l’exonération de charges sociales sur les heures supplémentaires était un bon dispositif, et son abrogation est profondément injuste. Peut-être le Gouvernement a-t-il d’ailleurs depuis cet été avancé dans l’évaluation de l’impact de cette mesure, et il serait intéressant que vous nous rendiez compte régulièrement des dégâts que vous avez provoqués. Il y a de votre part tant d’esquives, tant de faux-fuyants ! Ce n’est pas que vous mentiez, mais, comme le dit élégamment le président de la commission, vous ne dites pas toujours la vérité sur certains de vos dispositifs.

Les salariés des entreprises de moins de vingt salariés n’ont pas été protégés, contrairement à ce qu’ils avaient compris de vos promesses électorales. Vous avez voulu faire croire, et le Premier ministre s’est encore exprimé en ce sens récemment, que les entreprises de moins de vingt salariés bénéficieraient des exonérations de charges. C’est faux, monsieur le ministre !

Il y a donc deux solutions. La première, c’est que vous reconnaissiez que ce que vous avez dit était faux ; la seconde, qui est quand même la meilleure, c’est que vous corrigiez cette erreur, qu’au minimum les entreprises de moins de vingt salariés puissent profiter de cette exonération ou que, mieux encore, l’ensemble du dispositif d’exonération fiscale et sociale sur les heures supplémentaires soit rétabli. Il serait original, inédit, mais grand pour votre majorité et votre gouvernement de reconnaître l’erreur et de corriger votre texte.

M. le président. La parole est à M. Olivier Carré, pour soutenir l'amendement n° 259.

M. Olivier Carré. Je ne pense pas avoir entendu la réponse à la question que j’avais posée ce matin sur la part du 1,4 milliard de recettes escomptées de la refiscalisation des heures supplémentaires censée contribuer à la hausse d’un peu plus de 7 milliards de la recette attendue de l’impôt sur le revenu. Cela représente pourtant un montant tout à fait colossal. On a beaucoup discuté de la tranche supplémentaire de 45 %, qui touche ceux qui déclarent plus de 150 000 euros par part, mais son rendement est estimé, lui, à quatre fois moins. C’est un élément qui me paraît important dans notre débat.

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l'amendement n° 262.

M. Patrick Ollier. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l'amendement n° 279.

M. Lionel Tardy. C’est le chef d’entreprise qui vous parle. Après les payes du mois de septembre, et dans le contexte social que nous connaissons, nous avons passé le début du mois d’octobre à discuter avec nos salariés, et beaucoup s’interrogent. Les situations sont certes différentes selon les régions mais, en Haute-Savoie, département frontalier de la Suisse où le marché du travail est tendu, nous avons des salariés qui viennent demander une compensation au chef d’entreprise, sans quoi ils iront voir ailleurs et travailler en Suisse, allant grossir les rangs des 75 000 frontaliers qui, tous les jours, vont travailler à Genève. C’est la réalité de certains départements où le taux de chômage est relativement faible – 7 % en Haute-Savoie. On a rouvert la boîte de Pandore, et cela pose des problèmes à tous les chefs d’entreprise, notamment dans notre département.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l'amendement n° 282.

M. Damien Abad. Je vais poursuivre les métaphores animalières. Nous avons parlé des pigeons mais, sur les heures supplémentaires, nous sommes tous les dindons d’une farce qui n’a que trop duré, comme je l’ai déjà dit mardi lors des questions au Gouvernement.

Votre mesure est à la fois socialement injuste et économiquement totalement inefficace, et vous le savez. En remettant en cause la défiscalisation des heures supplémentaires, vous avez cassé le seul moyen de transmission de pouvoir d’achat aux salariés en période de crise.

À vous qui faites en permanence référence au passé, qui êtes devenus monomaniaques du passé, je garantis que, celui-là, on vous le rappellera, pendant cinq ans et au-delà, parce qu’il va vous coûter extrêmement cher !

Je prendrai l’exemple de ma circonscription, dans la Plastics Vallée, où bon nombre d’entreprises sont des PME et où les salariés nous écrivent chaque jour pour dénoncer les pertes sur leur feuille de paye.

Selon une enquête qui vient d’être réalisée, cette mesure votée en juillet et qui concerne les salariés des PME va entraîner une perte de 3 % de la rémunération nette pour plus de 1,8 million de salariés. Un salarié rémunéré au SMIC et travaillant 39 heures par semaine subira une perte nette de 43,78 euros par mois, soit 525 euros en année pleine, ce qui, sur une année, représente pratiquement la perte d’un demi-salaire. De même, un salarié rémunéré 2 000 euros bruts par mois perdra 737 euros nets par an.

Par idéologie, parce que, selon une conception malthusienne du travail, vous considérez qu’il doit être partagé, vous avez voulu remettre en cause la défiscalisation des heures supplémentaires, ce qui est une erreur historique dont vous paierez les conséquences pendant de longues années.

M. Jean-François Lamour. On ne sent pas le Gouvernement très à l’aise sur ce sujet !

M. le président. La parole est à M. Étienne Blanc, pour soutenir l'amendement n° 292.

M. Étienne Blanc. Je voudrais ajouter deux choses à ce qui vient d’être dit. Tout d’abord, si l’opposition était perfide, elle vous laisserez persévérer dans l’erreur sans vous le dire. Car l’UMP n’a pas à expliquer les erreurs du Gouvernement. Désormais, tous les mois sur les feuilles de paye, puis dans quelque temps sur les feuilles d’impôt, vos turpitudes apparaîtront de manière explicite sans que nous ayons rien à ajouter. Si nous étions perfides, nous n’attirerions pas l’attention des socialistes sur le fait qu’il n’est pas une permanence, une entreprise que nous visitons où l’on ne nous parle uniquement de cela.

Ensuite, nous qui sommes des parlementaires frontaliers proches de l’Allemagne, de l’Italie, de la Suisse ou de l’Espagne, nous subissons de plein fouet le choc de la compétitivité. Et nous regardons parfois ce qui se passe dans le pays voisin.

Je n’ai pas d’éléments de comparaison, mais nous sommes sans doute le dernier pays d’Europe dans lequel travailler plus n’est pas possible, quand ce n’est pas interdit. Nous regardons fonctionner ces autres pays frontaliers et nous nous apercevons qu’ils obtiennent de meilleurs résultats économiques.

M. Pierre-Alain Muet. Les Allemands travaillent 35 heures !

Mme Arlette Grosskost. C’est faux !

M. Étienne Blanc. Ils ont aussi, monsieur Muet, de meilleurs résultats financiers. Quand on travaille, on produit. Aujourd’hui, c’est la production qui finance, car elle a des résultats économiques.

Nous sommes le dernier pays d’Europe où il est interdit de travailler plus. C’est tout de même extraordinaire ! Revenez donc sur cette erreur !

M. le président. La parole est à M. Alain Chrétien, pour soutenir l'amendement n° 299.

M. Alain Chrétien. Il est encore temps, mes chers collègues, de revenir sur cette erreur fondamentale du début de votre quinquennat. Vous avez voulu que ce soit le marqueur de l’antisarkozysme primaire, mais ce sera finalement le marqueur de vos positions antisociales et anti-pouvoir d’achat.

Vous nous expliquez souvent que ce dispositif d’exonération empêchait l’embauche et qu’il fallait partager le travail. Vous ne comprenez donc pas qu’un petit bout de chef mécanicien, plus un petit bout de comptable, plus un petit bout d’une autre fonction dans l’entreprise ne fait pas un poste ? Vous ne trouverez jamais un poste pour remplacer les heures supplémentaires qui sont faites par chacun de ces salariés.

En outre, les salariés ont envie de faire ces heures supplémentaires, ils souhaitaient continuer à les faire…

Mme Arlette Grosskost. Ils avaient besoin de les faire !

M. Alain Chrétien. …parce qu’ils en avaient effectivement besoin.

Comme nous, vous les écoutez, ces salariés qui sont aussi des électeurs. Ils ne comprennent pas que la gauche, qui soi-disant défend les classes populaires, ait été la première à casser cet outil du pouvoir d’achat.

Notre amendement est à votre disposition. Il est encore temps pour vous d’effacer une erreur fondamentale. Je vous le dis, cette erreur sera votre Fouquet’s à vous, et il vous collera aux doigts jusqu’à la fin de votre mandat ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz, pour soutenir l'amendement n° 309 rectifié.

Mme Marie-Christine Dalloz. Aujourd’hui, nous nous efforçons loyalement, en conscience, de faire notre travail de députés de l’opposition. Monsieur le ministre, mes chers collègues de la majorité, s’il y a un sujet sur lequel il faut vraiment que vous ayez une écoute et une attention particulières, c’est bien celui-ci. Vous devez rencontrer dans vos permanences les mêmes salariés que nous.

M. Dominique Baert. Non !

Mme Marie-Christine Dalloz. S’il y a un sujet qui revient, dans nos permanences ou dans les manifestations auxquelles nous sommes conviés dans nos circonscriptions, c’est bien celui de la défiscalisation des heures supplémentaires.

M. Dominique Baert. Pas du tout ! Ils cherchent du boulot !

Mme Marie-Christine Dalloz. On vous a parlé tout à l’heure d’une erreur incontournable qui vous sera reprochée durablement. Je vous le dis, c’est un marqueur indélébile pour les cinq ans de cette législature. Les 53 % de bénéficiaires des heures supplémentaires – c’est important de ne pas l’occulter – étaient des ouvriers.

M. Michel Vergnier. Les 53 % de quoi ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Les 53 % des 8 à 9 millions de personnes qui bénéficiaient des heures supplémentaires étaient des ouvriers.

Je suis élue d’une circonscription où 25 % de la population active est ouvrière et travaille dans l’industrie. Depuis le mois de septembre, ces gens-là sont profondément affectés dans leur pouvoir d’achat. Ils ont vu les conséquences de votre politique parce que les heures supplémentaires aujourd’hui fiscalisées et socialisées ont fait chuter leurs fiches de paie.

Vous portez une vraie responsabilité, qui est d’autant plus dramatique que vous aviez imaginé que cette mesure serait compensée par des créations d’emplois. Or il n’en est rien. C’est une perte sèche de pouvoir d’achat pour l’ensemble de ces salariés. C’est vraiment dommage !

M. le président. La parole est à Mme Arlette Grosskost, pour soutenir l'amendement n° 322.

Mme Arlette Grosskost. Je ne veux pas être redondante mais, sur le fond, je le serai tout de même, puisque nous défendons la même cause.

Etienne Blanc disait tout à l’heure qu’il était l’élu d’une zone frontalière. Moi aussi, je suis une élue de Mulhouse, à côté de l’Allemagne et de la Suisse. La même entreprise, à cinq kilomètres d’écart, travaille 42 heures en Suisse, généralement 40 heures en Allemagne, et, de l’autre côté, en France, à cinq minutes de là, 35 heures.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Que proposez-vous ?

Mme Arlette Grosskost. Naturellement, pour être un peu compétitive, l’entreprise où l’on applique les 35 heures a proposé à ses salariés de travailler 39 heures. Ceux-ci ont évidemment tous accepté puisque cela leur permettait de gagner davantage.

Or que s’est-il passé lorsque vous avez décidé de supprimer la défiscalisation des heures supplémentaires ? Tous ces salariés, à juste titre – je les comprends –, sont allés voir leur employeur pour lui demander de compenser la différence. L’employeur, bien sûr, n’a pas pu donner suite, car la masse salariale est conséquente.

Que va-t-il se passer ? On parle de compétitivité, et vous en parlez plus que les autres, mais comment va-t-on faire ?

Mesdames et messieurs de la majorité, vous êtes tous des élus locaux. Certains d’entre vous sont maires ou présidents de conseil général. Je suis persuadée qu’il y a des salariés dans vos communes qui font des heures supplémentaires. Rassurez-moi : avez-vous calculé la différence ? J’ose espérer que vous n’avez pas fait l’ajustement sur vos budgets communaux !

M. le président. L’amendement n° 332 est défendu.

La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l'amendement n° 339.

Mme Laure de La Raudière. Moi aussi, je dis que vous faites une erreur en ne rétablissant pas les heures supplémentaires, parce que cela touche directement au pouvoir d’achat de 9 millions de Français. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bruno Le Roux et M. Dominique Baert. Elles existent toujours, les heures supplémentaires !

Mme Laure de La Raudière. S’agissant de l’aspect financier, nous avons tous dans nos permanences des gens qui, fin septembre, ont découvert sur leur feuille de paie le symbole de votre politique.

Mais derrière tout cela, savez-vous ce qui se passe aujourd’hui dans les entreprises ? Dans celles où l’on travaille 39 heures, les salariés disent qu’ils n’ont plus envie de faire des heures supplémentaires. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Oui, j’ai ce témoignage !

M. Pierre-Alain Muet. Elles sont majorées de 25 % !

Mme Laure de La Raudière. On casse la valeur travail, une fois de plus, comme après les 35 heures !

Les 35 heures ont finalement été digérées dans la plupart des entreprises, même si elles ont coûté et continuent à coûter très cher en compétitivité ; en revanche, on a cassé la valeur travail. Et vous vous obstinez à continuer à la casser !

C’est aussi pour cela, en termes de symbole, que vous avez intérêt à revenir sur votre décision concernant les heures supplémentaires, afin de les rendre attractives et de permettre un dialogue et une forme de souplesse gagnant-gagnant entre les chefs d’entreprise et les ouvriers. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Morin, pour soutenir l'amendement n° 717.

M. Hervé Morin. Il est défendu.

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l'amendement n° 719.

M. Philippe Vigier. Je ne reviendrai pas sur l’argumentaire qui a été développé. Je vous donne acte du fait qu’on peut toujours continuer à faire des heures supplémentaires. Vous avez essayé de faire croire – et si le président Le Roux est revenu, c’est que le moment doit être important – qu’on ne pouvait plus en faire. Pas du tout, on peut continuer à en faire. Et puisque vous êtes particulièrement sensibles aux enseignants, vous n’ignorez pas que ce sont un peu plus de 511 000 heures supplémentaires qui ont été proposées l’an dernier aux enseignants. Cela a été dit par tous mes collègues, qu’il s’agisse des infirmières, des enseignants ou d’autres agents de la fonction publique, ils sont en train de découvrir votre dispositif, comme dans les entreprises.

Ce que nous vous reprochons, c’est que la proposition 34 de François Hollande, selon laquelle les entreprises de moins de vingt salariés seraient épargnées, n’ait pas été respectée.

Mon propos s’adresse maintenant à Pierre-Alain Muet, mais il a malheureusement disparu…Il nous a expliqué que les heures supplémentaires étaient une arme de destruction massive pour les emplois. Je suis donc allé observer ce qui se passait dans les entreprises de moins de dix salariés. Si c’était une arme de destruction massive, que se serait-il passé ? Il y aurait eu une explosion des heures supplémentaires ! Eh bien, non, dans les entreprises de moins de dix salariés, elles ont augmenté de 2 % en trois ans. Dans celles comptant dix à vingt salariés, elles ont augmenté de 1 %. Enfin, dans les entreprises de vingt à quarante-neuf salariés, elles ont baissé de 3 %.

M. Michel Vergnier. Quelle démonstration !

M. Philippe Vigier. Non seulement les heures supplémentaires ne sont pas une arme de destruction massive, mais elles introduisent de la souplesse dans l’organisation du travail.

Enfin, dans les entreprises de moins de vingt salariés, ceux qui étaient à 39 heures ont tout à coup vu leur feuille de paie s’améliorer. Aujourd’hui, avec le même temps de travail, 39 heures, parce que l’entreprise ne leur laisse pas le choix, ils gagneront moins d’argent ou seront fiscalisés davantage.

Pour conclure, les vrais défenseurs des classes moyennes, vous les avez trouvés, c’est nous ! (Rires sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

M. le président. Sur cette série d’amendements identiques, je suis saisi par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d'une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Les auteurs de ces amendements recommencent le débat que nous avons eu au mois de juillet et qui a été long et approfondi.

Nous assumons ce que nous avons décidé, autrement dit de mettre fin à l’exonération de charges sociales et à la réduction d’impôt liées aux heures supplémentaires.

Les arguments sont multiples et variés.

Le premier, c’est qu’il y a eu pour beaucoup un effet d’aubaine, nul ne peut le contester. Dans nombre de professions, des heures supplémentaires étaient déjà effectuées. Elles ont tout à coup bénéficié d’un effet d’aubaine. Nous pensons, nous, qu’il aurait été bien plus intelligent de laisser à la négociation sociale, par exemple, la responsabilité de répartir différemment le pouvoir d’achat, qui aurait alors été distribué ainsi que vous le dites.

Le deuxième argument, très basique, que j’ai beaucoup entendu, consiste à dire que nous sommes le seul pays au monde à pratiquer telle ou telle chose, que ce soit en termes d’imposition, de politique familiale etc. Mes chers collègues, je me permets de vous rappeler qu’en période de crise, nous avons été, c’est vrai, le seul pays au monde à encourager les salariés à faire des heures supplémentaires. Au moment même où la crise sévissait, la plupart des pays du monde, en Europe, et notamment en Allemagne, ont pratiqué le recours au chômage partiel.

Mme Arlette Grosskost et M. Jean-François Mancel. Nous aussi !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Nous avons fait le contraire. Nous avons encouragé, par des systèmes d’exonérations fiscales et sociales, le recours à des heures supplémentaires. Mes chers collègues, cela me paraît pour le moins curieux ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Laure de La Raudière. Vous mélangez tout ! C’est lamentable !

M. le président. Chers collègues, nous écoutons M. le rapporteur général !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Comme on l’a vu ce matin lors de l’examen de nombre d’amendements, on peut multiplier les débats, les allonger à souhait.

M. Jean-François Lamour. Vous n’êtes pas très à l’aise ! Vous n’avez aucune explication sérieuse à fournir !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ce gouvernement et cette majorité avaient pris l’engagement de revenir sur cette mesure que nous avions été les seuls au monde à instaurer, alors qu’elle est, à l’évidence, contre-productive en matière d’emploi. Or c’est l’emploi qui est le souci principal. Il l’a été au cœur de la crise. Vous avez eu une réponse en termes de pouvoir d’achat au moment où c’est la question de l’emploi qui se posait. Je crois que vous avez fait une erreur. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Chers collègues, écoutons le rapporteur général !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Les Français le savaient. Cela avait été annoncé, et nous l’avons fait.

Nonobstant vos cris d’orfraie, mes chers collègues, la commission est défavorable à ces amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Ce débat est sans surprise. Il a commencé lors de la campagne présidentielle…

M. Olivier Carré. Et il va continuer !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. … et le moins qu’on puisse dire est qu’il n’y a pas de quoi être choqué puisque cette disposition, qui a été adoptée en loi de finances rectificative, avait été annoncée lors de la campagne présidentielle.

M. Hervé Mariton. Pas pour les entreprises de moins de vingt salariés !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Vous pouvez contester cette mesure, mais pas le fait qu’elle a été annoncée par le candidat à la Présidence de la République et reprise par l’ensemble des candidats aux élections législatives qui sont aujourd’hui majoritaires dans cette assemblée.

M. Hervé Mariton. Pas pour les entreprises de moins de vingt salariés !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Cette disposition fut-elle facile à prendre ? Bien sûr que non ! Ce fut évidemment très difficile et c’est à l’honneur de la majorité, qui a été courageuse. Car il n’est jamais facile de supprimer une dépense fiscale de 4,5 à 5 milliards d’euros l’an dont il faut reconnaître qu’à due concurrence elle permettait d’améliorer le pouvoir d’achat des salariés qui pouvaient en bénéficier.

Vous connaissez les critiques adressées à cette politique, je les reprends à mon compte. Vous n’y adhérez pas, acceptez que la majorité de l’Assemblée nationale et le Gouvernement les jugent suffisamment fondées pour maintenir la décision qu’ils ont prise en dépit de vos tentatives pour rétablir une disposition adoptée lors de la législature précédente.

Ces critiques sont des deux ordres principaux.

En premier lieu, cette politique fut financée à crédit. Il n’y avait pas de quoi financer cette mesure lorsqu’elle fut adoptée, il n’y en a pas eu davantage tout au long des années suivantes. Quatre à cinq milliards d’euros pendant cinq ans correspondent à 20 ou 25 milliards d’euros de financement à crédit.

M. Pierre Lellouche. Et vos emplois d’avenir, sont-ils financés ?

M. Hervé Morin. Tout est financé à crédit !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur Lellouche, j’admets évidemment que vous ne receviez pas cet argument ; il se trouve néanmoins que c’est celui auquel je crois et que je me permets de vous présenter en conscience. Vous avez le droit de le contester, j’ai le droit de l’exposer.

M. Pierre Lellouche. Vous avez tous les droits, puisque vous êtes ministre !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Cela représente donc 20 à 25 milliards d’euros de dette en plus. Qui paiera cette dette ? Il est assez facile de distribuer du pouvoir d’achat à crédit, sans se préoccuper de savoir qui va rembourser cet emprunt. Mais le Gouvernement récuse ces politiques à crédit, car nous refusons l’idée que les générations futures aient à financer les politiques actuelles. Cette idée, ce fut la vôtre pendant dix ans, et particulièrement ces cinq dernières années.

M. Charles de Courson. Et la gauche ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Il y a clairement une rupture dans la politique budgétaire et financière des autorités de ce pays. Vous défendez votre bilan, nous le contestons et nous mettons en œuvre une autre politique. Je comprends que nous nous opposions mais, de mon point de vue, il n’y a pas matière à s’indigner.

En second lieu, nous estimons que cette politique a échoué. Elle a effectivement permis de distribuer du pouvoir d’achat à ceux qui bénéficiaient de ces heures supplémentaires, mais si vous vous souvenez des débats de l’été 2007, l’ambition de cette politique publique allait bien au-delà de la distribution de pouvoir d’achat : il s’agissait de relancer l’emploi. Selon une formule que certains d’entre vous viennent de reprendre, il s’agissait de permettre l’emploi par l’emploi, et de créer du travail grâce au travail.

Cette ambition a échoué, et je vous donne deux éléments qui l’attestent : le premier est qu’il n’y a pas eu davantage d’heures supplémentaires effectuées après l’adoption de cette mesure qu’avant, un rapport parlementaire bipartisan rédigé par Jean-Pierre Gorges et Jean Mallot l’a très clairement montré. Ce rapport n’a pas été contesté par la majorité de l’époque, à laquelle vous apparteniez, ni par l’opposition, dont je faisais partie. Il concluait qu’il n’y avait pas eu d’heures supplémentaires en plus de celles effectuées auparavant. Ce résultat était décevant au regard de ce que vous espériez.

Surtout, il n’y a pas eu de créations d’emplois grâce à ces mesures.

M. Lionel Tardy. La crise s’est déclenchée entre-temps !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur Tardy, j’ai toujours reconnu cet argument lorsque j’étais dans l’opposition, vous me l’avez souvent entendu dire, que ce soit au banc de la commission ou à la tribune.

Messieurs Tardy et Lellouche, je vous sais honnêtes intellectuellement, et je vous remercie de porter un peu de crédit à mes paroles. Reconnaissez que la crise n’a pas été nécessaire pour constater l’échec de cette mesure sur l’emploi. Avant même l’éclatement de la crise, il est avéré que le chômage avait augmenté.

Mme Marie-Françoise Bechtel. C’est vrai !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. C’est au printemps 2008, avant la faillite de Lehmann Brothers, que le chômage a commencé à s’aggraver de façon préoccupante. Le premier indicateur avancé de ce chômage a été l’effondrement de l’intérim, et c’est au mois de mars que le travail par intérim s’est effondré.

Donc cette politique a échoué. Parce qu’elle a échoué, parce qu’elle est coûteuse, parce qu’elle n’était pas financée, parce qu’elle reportait sur les générations futures le soin de payer ces 20 à 25 milliards, nous avons décidé d’y mettre un terme.

Vous défendez votre bilan, nous contestons votre politique, débattons sans nous indigner et sans nous accuser de mauvaise foi, le Parlement se prononcera. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et RRDP.)

M. le président. Avant de donner la parole aux différents orateurs, je vais vous communiquer une information concernant l’organisation de nos travaux, après avoir échangé avec le rapporteur général, qui s’est lui-même entretenu avec le président de la commission et le ministre.

Nous allons disposer dans quelques minutes des amendements du Gouvernement sur les articles 6 et 7. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) En conséquence, je vous propose de lever la séance à dix-huit heures, afin de permettre aux différents groupes de se réunir. À dix-neuf heures se tiendra une réunion de la commission des finances pour examiner ces amendements, ce qui signifie en effet que nous ne pourrons reprendre nos travaux qu’après le dîner.

Nous allons faire en sorte de terminer l’examen des dispositions touchant aux heures supplémentaires pour 18 heures.

La parole est à M. Pierre Lellouche.

M. Pierre Lellouche. Monsieur le ministre, nous avons en effet déjà eu ce débat au mois de juillet. Je ne mets pas en cause votre honnêteté intellectuelle ni vos capacités, mais je crois malheureusement que cette mesure était inspirée par le climat de la campagne électorale.

Votre candidat n’a voulu voir ni la crise, ni le traité européen qu’il vient de faire ratifier, et il semble n’avoir découvert la crise qu’après l’élection.

M. Gérald Darmanin. Exactement !

M. Pierre Lellouche. Tout ce qui se passait en France et en Europe était de la faute de Nicolas Sarkozy et, au mois de juillet, vous avez passé l’essentiel de votre temps à démonter le travail de la majorité précédente.

Ce n’est pas à moi de vous contester ce droit : le peuple français vous en a donné les moyens. En revanche, vous me permettrez de contester ce que vous faites. Vous dites qu’il n’y a pas matière à s’indigner mais, étant fils d’ouvrier, je constate que les ouvriers sont les premiers pénalisés par votre politique. Permettez-moi de m’indigner de voir un gouvernement de gauche, qui passe son temps à répéter des slogans tels que : « l’impôt à 75 % pour les millionnaires », frapper dans le même temps le revenu des plus pauvres. Je l’ai dit au mois de juillet, je vous le répète. C’est quotidiennement que nous avons connaissance de tels exemples, et vous ne pouvez pas l’ignorer.

Deuxièmement, ce que vous faites est un crime contre la raison économique. Vous dites que cette mesure n’était pas financée, mais les mesures que vous venez de prendre, les emplois-jeunes que vous inventez, les fonctionnaires en plus, la retraite à 60 ans, toutes ces mesures sont-elles financées ?

M. Michel Vergnier. Oui, elles sont financées !

M. Pierre Lellouche. Elles sont financées par la dette. Vous la laissez à nos enfants. Donc l’argument ne tient pas. Le seul argument qui mérite d’être discuté ici, c’est l’impact de cette mesure sur l’emploi.

Au mois de juillet, vous avez ramené la France aux 35 heures pures et dures de Mme Aubry. Nous avions introduit une certaine flexibilité avec Nicolas Sarkozy, vous l’avez supprimée. Les 35 heures ont-elles créé le moindre emploi en France ?

Plusieurs députés du groupe SRC. Oui !

M. Pierre Lellouche. Les emplois ont été détruits en France ! L’écart de compétitivité s’est accru avec nos voisins européens, et singulièrement avec nos voisins allemands.

M. le président. Je vous remercie de conclure.

M. Pierre Lellouche. Monsieur Cahuzac, depuis que vous avez supprimé les heures supplémentaires et que les gens ne les font plus, avez-vous réduit le chômage ? Nous en sommes à 30 000 chômeurs par mois. Avez-vous le sentiment d’avoir rendu service à ceux qui cherchent du travail ?

M. le président. Merci, mon cher collègue, nous avons bien compris.

M. Pierre Lellouche. Votre argument était malthusien : en donnant des heures supplémentaires, on enlève du travail à ceux qui en cherchent. Avez-vous créé des emplois ? Non.

Enfin – et je termine monsieur le président –, François Hollande participe aujourd’hui à un sommet européen au cours duquel il discute de l’application des décisions prises au sommet du mois de juin et du traité budgétaire. Jamais la politique de la France n’a été aussi divergente de celle de l’Allemagne. Vous avez fait exploser les charges sur les entreprises et les ménages. Vous avez rigidifié l’emploi, vous avez diminué le temps de travail. Vous êtes en train de creuser l’écart de compétitivité. C’est le plus mauvais service que vous puissiez rendre au redressement de la France. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Michel Vergnier.

M. Michel Vergnier. Dans l’art de dire tout et son contraire, je crois que M. Lellouche vient de nous faire une belle démonstration. Je ne reviens pas aux mesures qu’il a évoquées, mesures que nous avons financées, et pas par la dette. Je voudrais simplement lui signaler que celle qu’il a défendue, nous la combattions quand elle a été prise. Il n’a pas dû lui échapper qu’au cours de la campagne électorale nous avions indiqué très clairement quelle était notre position. Et il n’a pas dû non plus lui échapper que les Français se sont prononcés lors des élections.

M. Franck Gilard. Par erreur ! En 1940 aussi, les Français se sont trompés !

M. Michel Vergnier. Quoi de plus naturel que de mettre en application ce à quoi nous nous étions engagés à l’égard de mesures qui, il faut le rappeler, n’étaient pas financées ?

Madame Dalloz, c’est vous qui m’avez incité à prendre la parole. Vous avez parlé des gens que vous rencontrez. Nous ne rencontrons pas les mêmes ! Moi je rencontre une personne sur vingt qui me parle de ce sujet.

M. Franck Gilard. Elles ne risquent pas de venir vous voir !

M. Michel Vergnier. Les dix-neuf autres me demandent du travail ! Elles sont dans une situation où elles n’arrivent pas à finir le mois. Et elles me demandent de mettre en œuvre tout ce qui peut être fait.

Les gens qui font des heures supplémentaires ont déjà du travail. À qui profitait la défiscalisation des heures supplémentaires ? Aux professeurs agrégés dans les universités, qui étaient chargés de chaire. C’est ceux-là qui bénéficiaient des heures supplémentaires les mieux payées, alors qu’ils avaient déjà des salaires.

Mme Arlette Grosskost. On parle des ouvriers ! Des employés modestes !

M. Michel Vergnier. Il vaut mieux créer des emplois à l’éducation nationale, comme nous le faisons, plutôt que d’agir comme vous l’avez fait. Vous avez sacrifié les emplois à l’éducation nationale comme vous avez sacrifié la formation des professeurs.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Je ne crois pas que nous arrivions à aborder ce sujet comme il devrait l’être, comme cela se passe dans la plupart des pays. Ce n’est pas un hasard si aucun pays n’a pris cette mesure…

Mme Arlette Grosskost. Aucun pays n’est aux 35 heures !

M. Pierre-Alain Muet. Ce n’est pas la peine de crier, cela ne change pas les données. On peut s’écouter tout de même, cela mérite un débat. Je sais que nous l’avons déjà eu, et longuement, mais nous pouvons le poursuivre encore un peu puisque vous le relancez.

Ce n’est pas un hasard si aucun pays n’a pris cette mesure : c’est parce qu’elle est totalement inappropriée à la situation que connaissent la plupart des pays, c'est-à-dire le chômage.

Lorsque nous débattions de ces sujets, j’ai toujours dit que subventionner les heures supplémentaires ou la réduction du temps de travail n’était pas une question de politique. C’est une question de situation économique. En situation de plein-emploi, comme c’était le cas dans les années cinquante, la question pouvait se poser. Les Français travaillaient 44 à 45 heures par semaine en moyenne, il n’était donc pas nécessaire de se poser ces questions : le marché faisait tout seul ce qui était nécessaire.

S’agissant des heures supplémentaires, ce qui est pertinent est qu’elles soient mieux payées par les entreprises. C’est le cas : elles sont rémunérées 25 % de plus, car elles sont moins coûteuses pour les entreprises qu’une heure d’embauche. Elles doivent également être mieux payées aux salariés, car elles sont plus fatigantes. Le fait que les entreprises paient mieux les heures supplémentaires aux salariés est à la fois juste et pertinent d’un point de vue économique.

Dès lors, faut-il subventionner les heures supplémentaires ou la réduction du temps de travail ? Interrogez des économistes, ils vous diront que, dans une situation de plein-emploi, il est possible de s’interroger sur l’opportunité de subventionner les heures supplémentaires, quoique cela ne se soit jamais fait. Dans une situation de chômage, c’est évidemment le contraire qu’il faut faire.

Monsieur Lellouche, vous nous parlez toujours de l’Allemagne, mais rappelons quelques faits : la durée moyenne hebdomadaire de travail était exactement la même en Allemagne et en France jusqu’en 2002. Aujourd’hui, elle est de 35 heures et demie en Allemagne, et de 38 heures en France.

Mme Arlette Grosskost. Cela dépend des branches !

M. Pierre-Alain Muet. Le débat sur les 35 heures me fait donc toujours sourire, parce que c’est en Allemagne ou aux Pays-Bas, où la durée moyenne hebdomadaire du travail est de 30 heures, que ce débat devrait avoir lieu. Commençons par tenir compte de la réalité.

Ce qui pose question, c’est ce qui s’est réellement passé pendant la crise. L’Allemagne, qui n’aborde pas ce problème de façon idéologique mais de façon pragmatique, a dépensé 5 milliards en 2009 pour subventionner temporairement la réduction du temps de travail et pour encourager massivement le Kurzarbeit, c'est-à-dire le travail à temps partiel. L’Allemagne avait le même taux de chômage que nous avant la crise, 7,5 %. Aujourd’hui il est de 6 % en Allemagne, et chez nous il est de 10 %, parce que nous avons appliqué cette politique absurde de subventions aux heures supplémentaires.

Vous prétendez que cela a augmenté les revenus, mais cela ne concerne que ceux qui ont un emploi. Tous ceux qui ont étudié cette mesure ont conclu que, dans une situation de chômage, ce que l’on gagne sur les heures supplémentaires faites par ceux qui ont un emploi est perdu du côté de ceux qui perdent un emploi. Entre l’OFCE et l’INSEE, les évaluations varient entre 50 000 et 100 000 pertes d’emplois.

Or une perte d’emploi est une perte de pouvoir d’achat : quand vous faites le bilan, cela n’a donc aucun effet sur le pouvoir d’achat. Alors oui, il était temps de supprimer cette mesure absurde ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Au-delà de ce qui a été supprimé par le collectif de juillet, et que nous n’allons pas rétablir aujourd’hui – car, comme nos collègues de gauche, nous voterons évidemment contre ces amendements –, un problème d’équité se pose. Je ne comprends pas que l’on défiscalise et que l’on exonère de cotisations sociales la trente-sixième heure, alors que les trente-cinq autres seraient fiscalisées et soumises aux cotisations sociales.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. C’est de la surenchère !

M. Nicolas Sansu. Il s’agit d’un problème d’équité. D’ailleurs, cela contredit ce que vous affirmez par ailleurs, messieurs de l’opposition : vous nous avez expliqué qu’il fallait arrêter le mitage de l’impôt sur le revenu et des cotisations sociales, que les niches fiscales et sociales étaient trop nombreuses,…

M. Lionel Tardy. Nous en reparlerons !

M. Nicolas Sansu. …et là, vous proposez d’en remettre une couche ! Je ne comprends pas ce double discours.

D’autre part, tout le monde sait que les salariés, notamment ceux qui touchent les plus bas salaires, connaissent un problème de pouvoir d’achat. Je le dis et je l’avais déjà dit lors de la discussion du collectif de juillet : je sais bien que certains salariés se trouvent aujourd’hui pénalisés. S’il s’agissait de donner du pouvoir d’achat, ce qui peut se concevoir, il y avait un moyen, chers collègues de l’opposition : il fallait revaloriser le sursalaire prévu à partir de la trente-sixième heure – vous auriez dû le faire passer de 25 % à 50 % –, ou augmenter le SMIC, ou bien augmenter le point d’indice des fonctionnaires.

Mme Arlette Grosskost. Et augmenter les prix de revient ? Pour être plus compétitifs ?

M. Nicolas Sansu. Il n’y a pas cinquante solutions. Cela vaut pour nos collègues de l’opposition, mais aussi pour ceux de la majorité : la question du pouvoir d’achat est évidemment fondamentale. La seule question que l’on peut se poser est : comment le salaire va-t-il retrouver une place plus importante dans le partage de la valeur ajoutée ? Cela ne se fera que par une politique économique fondamentalement différente. En tout état de cause, ce que vous proposez n’est pas la valorisation du travail : au contraire, c’est sa dévalorisation. C’est pourquoi je voterai contre vos amendements.

M. le président. La parole est à M. Yves Jégo.

M. Yves Jégo. J’ai l’impression que nous ne participons pas au même débat. Nos collègues de la majorité nous expliquent à l’infini pourquoi il ne fallait pas créer ces avantages donnés aux heures supplémentaires.

M. Nicolas Sansu. C’est une question de justice !

M. Yves Jégo. Nous avons entendu vos arguments lors du débat au cours duquel nous les avons créés, puis pendant la campagne électorale, et en juillet dernier. La question qui se pose aujourd’hui est : faut-il supprimer cette mesure en faveur du pouvoir d’achat pour 8 millions de Français ? Voilà le cœur de la question !

Revenir avec une certaine mauvaise foi – pardonnez-moi de le dire, monsieur le ministre – pour expliquer que cette disposition n’était pas financée, et affirmer que le gouvernement précédent ne votait que des dispositions non financées, c’est oublier que cela fait quarante ans que nous votons des budgets où les dispositions ne sont pas financées.

Mme Laure de La Raudière. Absolument !

M. Yves Jégo. Ce genre de leçon ne devrait donc pas vous échapper ! (Exclamations sur tous les bancs.)

Mes chers collègues, le cœur du sujet concerne les 8 millions de Français que nous rencontrons, les uns comme les autres, et qui viennent nous demander comment ils peuvent compenser les 90, 100 ou 120 euros qui leur manquent, comment ils peuvent boucler leurs fins de mois alors qu’ils travaillent. Il concerne aussi les entreprises qui nous demandent comment faire alors qu’elles connaissent déjà des difficultés. Voilà le débat !

Si vous dites que ce dispositif a été créé sur un mauvais fondement, ou qu’il n’a pas eu les résultats escomptés, nous pouvons en débattre. Mais le supprimer sans le remplacer… Quelles sont les conséquences de cette suppression ? La perte est sèche, et ce n’est pas anecdotique. Ce ne sont pas 100 000 Français qui sont concernés, mais 8 millions ! Ce ne sont pas des Français riches, mais des Français modestes ! Voilà le cœur du sujet : c’est là-dessus que nous voulons attirer votre attention !

Remplacez cette mesure par autre chose, si vous avez une alternative, mais où se trouve votre dispositif de remplacement depuis six mois ? On l’attend, on le cherche, on ne le voit pas venir ! Avant d’enlever de l’argent aux Français en fin de mois, faites en sorte que nous n’ayons pas des débats de macroéconomie à l’infini, mais que nous nous mettions à la place de nos concitoyens. Ils perdent de l’argent à la fin du mois : comment pouvons-nous compenser ?

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je suis parfois un peu étonné par les arguments échangés.

M. Nicolas Sansu. Nous n’allons tout de même pas refaire le débat de juillet !

M. Charles de Courson. Tout d’abord, monsieur le ministre, je n’oserais pas utiliser votre argument selon lequel cette mesure a été financée à crédit. C’est exact, mais la gauche n’a-t-elle rien financé à crédit depuis 1981 ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Cela légitime-t-il vos propres mesures ?

M. Charles de Courson. Monsieur le ministre, jusqu’en 2017 la loi de programmation des finances publiques fait toujours apparaître un déficit. Toutes les mesures que vous prenez sont donc financées à crédit !

M. Étienne Blanc. Exactement !

Plusieurs députés du groupe UMP. Et les emplois d’avenir ?

M. Charles de Courson. Attention, donc, à vos arguments !

Deuxième observation : monsieur Muet, vous dites – et c’est exact – que nous sommes le seul pays qui a tenté cette défiscalisation et cet encouragement des heures supplémentaires. Mais nous sommes aussi le seul pays qui, sous une majorité de gauche, a financé à hauteur de 22 milliards d’euros la réduction du temps de travail ! (Exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP.) Monsieur Muet, je vous mets au défi de citer un seul pays ayant dépensé 22 milliards d’euros pour réduire le temps de travail ! (Exclamations sur les bancs des groupes UDI et UMP. – Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Lionel Tardy. Ça, ça a créé des emplois !

M. Charles de Courson. Là encore, monsieur Muet, faites attention à vos arguments !

Troisième élément : monsieur le ministre, vous affirmez, comme M. Muet – et cet argument est irrecevable économiquement –, que cette mesure n’a pas créé d’emplois supplémentaires.

M. Pierre-Alain Muet. Au contraire, elle en a détruit !

M. Charles de Courson. Qu’il n’y ait pas eu de créations d’emplois, c’est exact, mais vous oubliez de dire que nous avons voté cette mesure en juillet 2007, et que la crise s’est déclenchée un an plus tard.

M. Lionel Tardy. Eh oui !

M. Charles de Courson. La vraie question est donc : faut-il ou non supprimer cette mesure ? Mes chers collègues, nous ne l’avons pas supprimée, parce qu’il y avait un problème social. Une fois que cette mesure a été adoptée, nous avons distribué du pouvoir d’achat à des salariés modestes : le jour où vous la supprimez, vous leur en retirez. Vous avez fait ce choix.

M. Paul Giacobbi. C’est un choix courageux !

Plusieurs députés du groupe UMP. Non ! C’est une erreur !

M. Charles de Courson. C’est un choix socialement erroné et injuste. Ne vous étonnez donc pas que nous nous battions pour maintenir cette mesure.

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Monsieur Cahuzac, il n’y a aucune rupture dans les intentions de la politique relative aux finances publiques. Nous avions bien l’intention de revenir à un déficit de 3 % : vous êtes sur le même chemin, sur la même trajectoire.

M. Pascal Popelin. Nous avons le même objectif, mais nous ne sommes pas sur le même chemin !

M. Éric Woerth. Il n’y a pas d’un côté une politique laxiste qui aurait fait exploser les déficits, et de l’autre un gouvernement rigoureux, sérieux et sage qui fera enfin revenir la France sur un chemin d’équilibre. En réalité, les finances publiques se sont substituées pendant la crise aux finances privées. Ce fut le cas dans tous les pays du monde : nous avons déjà eu ce débat pendant des dizaines d’heures dans cet hémicycle, et il ne faut tout de même pas l’oublier !

En outre, la crise ne date pas de Lehmann Brothers. Lehmann Brothers est une conséquence de la crise. L’économie a évidemment commencé à s’effondrer avant : sinon, Lehmann Brothers n’aurait pas fait faillite. On a bien vu qu’à partir de l’été 2007 la crise des subprimes commençait à irriguer l’ensemble du monde ; partout dans le monde les dirigeants se sont demandé comment et pourquoi ces événements se passaient, quelles étaient ces circonstances très étonnantes, si elles étaient systémiques et si elles étaient américaines. Ce sont ces questions que nous nous sommes posées. Les recettes fiscales de la France ont commencé à baisser à partir de début 2008, et la crise a commencé à s’installer.

Enfin, les heures supplémentaires nous ont permis de nous extraire des funestes 35 heures. Vous avez bien tort de vouloir les supprimer car, ce faisant, vous ne prenez pas parti pour la compétitivité française. Les heures supplémentaires permettent la baisse du coût du travail. Entre 1 et 1,6 SMIC, on baisse le coût du travail en réduisant les charges. Lorsqu’on fait des heures supplémentaires, on va encore plus loin pour s’extraire du carcan des 35 heures : il s’agit donc d’un avantage de compétitivité-prix pour le travail français. Il s’agit aussi d’un avantage de pouvoir d’achat très important pour les Français : quand vous déclarez qu’il faut défendre une politique de la demande par rapport à une politique de l’offre, vous êtes un peu paradoxaux en voulant supprimer les heures supplémentaires.

Dernier point : supprimer les heures supplémentaires, c’est augmenter le chômage. Les entreprises vont en effet, les unes après les autres, diminuer au fil du temps le nombre de CDD, parce qu’elles devront augmenter les salaires des personnes qui faisaient des heures supplémentaires pour compenser le pouvoir d’achat perdu.

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Monsieur Lellouche, vous avez raison : il s’agit d’un débat de la campagne électorale, mais de 2007, et non de 2012 !

En tout cas, nous avons ce débat ici depuis l’été 2007, lorsque vous avez voté cette mesure. Déjà à l’époque, alors que nous n’étions pas dans la même situation de crise, nous vous disions que les avantages que vous accordiez aux heures supplémentaires n’étaient ni bons ni justes à un moment où le chômage était encore beaucoup trop fort dans notre pays. Les moyens d’action publique auraient dû être orientés – c’était toute notre argumentation – non pas simplement vers le pouvoir s’achat, mais vers la lutte contre le chômage. Voilà toute la différence entre votre raisonnement et le nôtre ! La crise arrivant, et alors que des rapports parlementaires avaient montré l’effet néfaste que cette mesure pouvait avoir sur l’emploi, on aurait pu penser que vous seriez revenus sur cette disposition : or vous n’y êtes pas revenus. (Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Hervé Morin. Mais non ! Les hommes ne sont pas substituables les uns aux autres !

M. Bruno Le Roux. Qui plus est, le rapport Gorges et Mallot évalue très bien les destructions d’emplois et les non-créations d’emplois que cette mesure a entraînées. Si nous l’avons supprimée, c’est parce qu’elle avait créé une injustice.

M. Charles de Courson. Entre qui et qui ?

M. Bruno Le Roux. En cette période de crise, je le dis aux salariés qui peuvent nous regarder, ils peuvent faire des heures supplémentaires, lesquelles sont toujours majorées.

Vous avez d’ailleurs fait quelques tentatives, lors de la dernière législature, pour essayer de revenir sur la majoration des heures supplémentaires. Nous y avons toujours résisté, et vous n’avez pas osé aller plus loin.

Les salariés peuvent faire des heures supplémentaires mais, dans une période de crise, nous assumons le fait qu’ils doivent payer des cotisations sociales et des impôts sur ces ressources supplémentaires.

Pour le reste, tout cela a conduit à l’inaction. Monsieur Jégo, si, à côté des 8 millions de salariés dont vous parlez, vous vous étiez aussi occupé des 3 millions de chômeurs, alors votre raisonnement aurait pu sembler tenir !

M. Yves Jégo. On verra ce que vous ferez !

M. Bruno Le Roux. Aujourd’hui, après l’inaction du précédent gouvernement confronté à la montée du chômage et à la prise en charge des personnes les plus en difficulté, nous réorientons les moyens vers des dispositifs que vous aviez totalement oubliés : les contrats d’avenir, les contrats de génération…

M. Pierre Lellouche et M. Étienne Blanc. Tout cela ne sert à rien du tout !

M. Bruno Le Roux. …et le financement des négociations sociales qui ont lieu aujourd’hui.

Face à l’injustice et à l’inaction suscitées par votre mesure sur les heures supplémentaires, nous sommes dans la justice et dans l’action publique renouvelées aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Étienne Blanc. Vous allez dans le mur !

M. le président. La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier. Monsieur Le Roux, on ne peut pas écouter ce que vous dites sans réagir. J’ai présidé la mission d’information sur les 35 heures, dont Hervé Novelli était le rapporteur, et je me souviens d’un débat, ici-même, où j’entendis expliquer dans vos rangs que le travail se partageait de la même façon que le pain. Il s’agit d’une théorie, d’une équation, d’un modèle que l’on applique à la vie réelle ; or la vie réelle ne fonctionne pas comme cela.

Un député du groupe SRC. Les 35 heures, c’est 450 000 emplois créés !

M. Patrick Ollier. Monsieur Muet, je vous remercie : vous avez dit fort justement que la défiscalisation des heures supplémentaires était une mesure positive sur le plan économique. Mais vous avez ajouté que, lorsqu’il y a du chômage, cela ne marche pas.

M. Pierre-Alain Muet. C’est absurde !

M. Patrick Ollier. J’affirme le contraire.

Monsieur le ministre, monsieur Le Roux, vous avez tous les jours à la bouche le mot de justice. Je souscris à ce mot de justice,…

Plusieurs députés du groupe SRC. On l’a vu !

M. Patrick Ollier. …mais aujourd’hui votre décision est d’une profonde injustice. Ces 8 millions de Français qui bénéficiaient des heures supplémentaires défiscalisées perçoivent, eux, cette mesure comme une injustice, car ils sont privés de pouvoir d’achat. Or, dans votre budget, vous ne prévoyez rien pour compenser cette perte.

M. Pierre-Alain Muet. Si ! Nous agissons en faveur des chômeurs !

M. Patrick Ollier. Non, ce ne sont pas les mêmes personnes ! Ces salariés lésés ressentent une profonde injustice.

Deuxièmement : vous invoquez la lutte contre le chômage. Mais pensez-vous, pour revenir à la théorie du partage du travail et du pain, que les chefs d’entreprise hésiteront beaucoup pour mettre en œuvre les heures supplémentaires, si elles existent encore mais ne sont plus défiscalisées ? Pensez-vous que cela va créer des emplois ? Certainement pas, monsieur Muet ! M. Woerth le disait tout à l’heure : cela va encore accroître le chômage.

M. Éric Woerth. Bien sûr !

M. Patrick Ollier. Ce sont les résultats mécaniques des mesures que vous prenez.

M. Pierre-Alain Muet. Parlez-en à M. de Robien !

M. Charles de Courson. La mise en œuvre des dispositifs prévus par la loi Robien était négociée !

M. Patrick Ollier. Monsieur Muet, je voudrais que vos principes théoriques soient révisés à l’aune de la vie réelle. Vous êtes systématiquement dans la théorie : j’appelle cela de l’idéologie. Vous appliquez aujourd’hui les mêmes recettes qu’en 1981 et en 1997 (Protestations sur les bancs du groupe SRC)

M. le président. Merci, monsieur Ollier.

M. Patrick Ollier. Cependant, les problèmes ont évolué. Le monde a changé et vous avez refusé de vous y adapter. Ne vous inquiétez pas : le moment viendra où les Français vous le feront regretter.

M. le président. La parole est à M. Bruno Le Maire.

M. Bruno Le Maire. Je souhaite prolonger ce que vient de dire excellemment Patrick Ollier, et poser simplement cette question : dans un moment de crise, comme le dit très bien Pierre-Alain Muet, quelle est la solution la plus efficace et la plus juste pour redonner du pouvoir d’achat aux Français ? La solution la plus efficace et la plus juste, c’est de mieux rémunérer le travail.

M. Pascal Terrasse. Mais non ! C’est absurde !

M. Nicolas Sansu. Il faut augmenter les salaires !

M. Bruno Le Maire. C’est de récompenser le travail supplémentaire, et c’est exactement ce que nous avions fait avec la défiscalisation des heures supplémentaires.

Vous faites un choix très différent : assumez-le ! Vous redistribuez de l’argent sous forme d’allocations, vous créez des emplois publics supplémentaires, vous revenez à la retraite à 60 ans.

Tout cela n’est pas plus financé que ne l’étaient les heures supplémentaires défiscalisées, sauf que cela revient, une fois encore, à commettre la même erreur que pendant des décennies : le traitement social du chômage plutôt que l’amélioration de la compétitivité de notre économie. Cela ne marche pas et vous le savez très bien.

Deuxième remarque. Comment pouvez-vous nier, monsieur Muet, vous qui êtes un économiste réputé, que nous avons été les seuls en Europe à imposer par la loi les 35 heures à nos entreprises ?

Comment pouvez-vous nier que les Allemands ont, eux, un système beaucoup plus souple de négociation par branche ou par entreprise qui permet d’adapter le volume horaire aux besoins des entreprises, de la demande et des clients ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Si l’on vous écoute, on arrive à la conclusion que tout va très bien en France et que tout va très mal en Allemagne. Malheureusement, sans être moi-même un économiste très réputé, je constate que les choses vont mieux en Allemagne qu’en France…

M. Guy-Michel Chauveau. Il y a malheureusement d’autres raisons.

M. Bruno Le Maire. …et que ceux qui, en Europe, ont fait le choix de l’amélioration de leur compétitivité se portent mieux que ceux qui ont fait le choix du traitement social du chômage.

Mme Valérie Rabault. Où étiez-vous pendant dix ans ?

M. Bruno Le Maire. Et j’ai peur, monsieur Muet, que votre majorité persiste dans son erreur. Car lorsque je vois ce qui se prépare avec le fameux choc de compétitivité, je crains que cela ne finisse en pschitt de compétitivité. Il y a un problème de coût du travail. Vous avez supprimé la TVA sociale, qui est la seule solution pour faire baisser le coût du travail dans ce pays. Vous avez vu qu’il était impossible, car injuste et inefficace, d’augmenter la CSG ; donc vous en arrivez à la conclusion qu’il n’y a pas de problème avec le coût du travail en France et que vous ne ferez rien pour réduire les charges et le coût du travail.

À force de nier les problèmes, monsieur le ministre, vous risquez fort de les aggraver et de ne pas redresser l’économie de notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président La parole est à M. Arnaud Leroy.

M. Arnaud Leroy. Quel grand regret que la jeunesse ne soit pas devant son téléviseur le mardi, le mercredi et, en ce moment, pour suivre les débats budgétaires.

Je suis effaré de ce que j’entends depuis quelques semaines.

M. Jean-François Lamour. Vous vous en remettrez.

M. Arnaud Leroy. Alors que le chômage est massif chez les jeunes, on s’oppose aux contrats de génération, aux emplois d’avenir.

M. Charles de Courson. Nous n’avons pas encore adopté les contrats de génération !

M. Arnaud Leroy. On refuse de s’attaquer à la dette pour des raisons de court terme. Qu’offrons-nous à notre jeunesse ? La double peine, un chômage massif et un impôt à la naissance qui ne cesse d’augmenter – la dette publique représente 91 % du PIB.

Jusqu’où irons-nous ?

M. Lionel Tardy. Ce ne sont pas les emplois d’avenir qui vont régler le problème !

M. Arnaud Leroy. Jusqu’à quel niveau lesterons-nous nos enfants et notre jeunesse, qui doit – j’en suis un exemple – s’expatrier pour trouver un emploi. Et cela depuis dix ans.

Quand cesserons-nous ce cinéma ?

J’entends M. Jégo parler du cœur du sujet : la production, le chômage. Je suis d’accord qu’il faut également prendre en considération des éléments pour redresser notre économie. Nous en sommes conscients et nous n’avons pas de leçons à recevoir, notamment sur les 35 heures et après dix ans de gouvernement de droite ! Soyons sérieux, messieurs les députés.

M. Patrick Ollier. Nous subissons toujours les conséquences des 35 heures !

M. Arnaud Leroy. Quelle image donnez-vous de la capacité politique à agir (Exclamations sur les bancs du groupe UMP) en revenant dix ans après pour vous lamenter sur les 35 heures ?

Nous avons la majorité au Sénat, la majorité à l’Assemblée.

Je suis heureux que M. Cahuzac ait enfin osé ouvrir le débat sur la solidarité intergénérationnelle, dans l’autre sens. Nous sommes conscients des difficultés de certains retraités et notre ambition n’est pas de les pénaliser.

M. Franck Gilard. La foi sauve !

M. Arnaud Leroy. J’ai trente-six ans aujourd’hui et je suis conscient d’être un privilégié en ayant un emploi, un logement et un projet. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Mais ce n’est pas normal que ce soit un privilège. Le poison de notre République est là aujourd’hui. Nous pourrions, ensemble, essayer de trouver des solutions. Vous avez eu dix ans pour en trouver. Nous venons d’accéder au pouvoir : laissez-nous faire, messieurs, soyez constructifs ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Censi. Vous n’avez que des généralités de ce genre à avancer ?

M. le président. La parole est à M. Olivier Faure.

M. Olivier Faure. Comme il est question des heures supplémentaires, je voudrais, comme d’autres l’ont fait avant moi, me référer au rapport Gorges-Mallot, qui a établi de manière très claire que l’avantage dont on parle aujourd’hui s’élevait à 42 euros en moyenne par salarié.

M. Jean-François Lamour. Par mois.

M. Olivier Faure. Et par mois.

Il ne s’agit pas de le mythifier. Vous étiez tellement généreux avec ces salariés que vous étiez prêts à leur retirer 400 euros par an du fait de l’augmentation de la TVA. Je ne suis pas sûr qu’ils vous auraient remerciés.

Selon le rapport Gorges-Mallot, ne profitaient de votre mesure que ceux qui effectuaient des heures supplémentaires. N’en bénéficiaient pas ceux qui n’avaient pas de temps complet, mais des temps partiels, ceux qui ne faisaient pas d’heures supplémentaires, les chômeurs, les retraités. Ce sont justement ceux-là qui devaient financer une mesure à laquelle ils n’avaient pas droit.

M. Yves Censi. Quel sophiste !

M. Olivier Faure. J’entends dire que, depuis toujours, les majorités qui se succèdent présentent des projets financés par la dette. À tout prendre, à montant équivalent, que préférons-nous ? Une mesure qui donne 42 euros par mois et par salarié ou des mesures qui vont permettre de retrouver un emploi pour 150 000 contrats d’avenir et 450 000 contrats de génération ?

M. Jean-François Lamour. Nous y voilà !

M. Olivier Faure. Pour moi, la réponse est simple. Je préfère financer de l’emploi par la dette plutôt que quelques heures supplémentaires qui ne servent que de cache-sexe à une politique salariale qui n’existe plus dans ce pays !

M. Arnaud Leroy. Très bien !

M. le président La parole est à M. Xavier Bertrand.

M. Xavier Bertrand. Selon vous, monsieur le ministre, il n’y aurait pas matière à s’indigner. Je ne partage absolument pas ce point de vue, pas plus que ceux qui, depuis le 1er septembre, ont perdu de l’argent sur leur fiche de paie.

Vous avez votre vérité dans la majorité. Nous avons notre vérité dans l’opposition. La seule qui compte, c’est celle de cette jeune vendeuse, Marine-Julie, qui travaille dans le cadre d’un contrat de professionnalisation.

M. Bruno Le Roux. Où travaille-t-elle ?

M. Xavier Bertrand. Dans un commerce du 15e arrondissement.

Entre le mois d’août et le mois de septembre, cette jeune personne a perdu 25 euros. Ce n’est pas peut-être pas beaucoup pour vous. Mais pour elle, 25 euros chaque mois, cela compte dans le cadre d’un contrat de professionnalisation.

Je peux vous donner un autre exemple : celui d’un ouvrier agricole non qualifié qui, entre le salaire du mois d’août et celui qu’il a touché à la fin du mois de septembre, a perdu 95 euros.

M. Philippe Baumel. Caricature !

M. Xavier Bertrand. Et ce n’est que le premier effet de votre mesure. Le deuxième effet interviendra l’an prochain, au moment de payer les impôts, car vous y avez ajouté la refiscalisation. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Vous avez commis une faute sociale. Et lorsque l’on entend votre ton, on s’aperçoit que vous y ajoutez le mépris pour la réalité de ce que vivent ces salariés directement concernés. C’est vous qui leur avez enlevé du pouvoir d’achat. Ces sommes en moins sur leur fiche de paie, ce sont des sommes en moins sur leur compte bancaire ; ce sont des sommes en moins pour le pouvoir d’achat. Vous êtes les seuls responsables de cette faute sociale. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques tendant à rétablir la défiscalisation des heures supplémentaires.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 131

Nombre de suffrages exprimés 131

Majorité absolue 66

(Ces amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Christian Eckert, pour soutenir l'amendement n° 66.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Cet amendement vise à abaisser le plafond des frais professionnels. Il s’élève aujourd’hui à 14 157 euros par salarié dans une famille. Nous avons estimé plus raisonnable de le ramener à 12 000 euros. Cette mesure permet de rétablir un peu d’équité fiscale tout en laissant aux contribuables la possibilité de recourir à la déclaration au réel.

Un contribuable qui estimerait que ses frais réels sont supérieurs à 12 000 euros, ce qui n’est pas tout de même pas négligeable, pourra recourir à la déclaration de ses frais réels, dispositif assez bien connu. Le rendement de cette mesure serait de 75 millions d’euros pour 112 000 contribuables concernés.

La commission a adopté cet amendement.

(L'amendement n° 66, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 65 et 787, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 65.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Si vous le permettez, monsieur le président, je laisserai à Jean Launay le soin de le présenter, puisqu’il est à l’origine de l’amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean Launay.

M. Jean Launay. Bon nombre de salariés utilisent ce que l’on appelle le régime des frais réels, avec les évaluations forfaitaires du prix de revient kilométrique et des frais de carburant. Tel qu’il est conçu, le barème a un coût évalué à un milliard d’euros environ par an. Nous constatons que ce barème n’est pas vertueux, dans la mesure où il permet des déductions plus fortes s’il y a plus de chevaux fiscaux.

Nous souhaitons une moralisation du système. L’amendement présente également une dimension écologique car nous appelons à une modération dans le recours à l’automobile. Cela sera utile en termes de prévention routière et de limitation de la vitesse. Avec un véhicule de sept chevaux fiscaux, la déduction restera moyenne et représentera, pour le budget de l’État, moins d’indemnités kilométriques à rembourser.

M. le président. La parole est à M. le ministre pour présenter l’amendement n° 787.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le principe recueille le consentement du Gouvernement, qui préférerait toutefois que son propre amendement, n° 787, soit retenu par l’Assemblée.

Je soutiens l’initiative des parlementaires de la majorité qui se proposent de « verdir », si j’ose dire, le barème kilométrique, lequel permet d’évaluer forfaitairement les frais de déplacement, comme le carburant ou la dépréciation du véhicule, ce qui semble aller de soi.

Je souhaite deux ajustements. Le premier consisterait à appliquer la mesure à partir de six chevaux fiscaux, et non pas sept.

Mme Arlette Grosskost et Mme Marie-Christine Dalloz. Ben voyons !

M. Lionel Tardy. Bientôt, on ira à vélo.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Pour les contribuables optant pour le régime des frais réels, la commission propose un abattement d’un tiers lorsque le véhicule est d’une puissance supérieure à la limite du barème. Le Gouvernement – second ajustement – propose un plafonnement des frais réels au niveau maximal autorisé par le barème forfaitaire.

M. Hervé Morin. Et pourquoi sept chevaux ? 

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Si M. le rapporteur général et M. Launay en sont d’accord, je souhaiterais que l’amendement du Gouvernement soit préféré au leur.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Sur les amendements n°s 65 et 579, deux sous-amendements gouvernementaux, n°s 786 et 785, ont été déposés en début d’après-midi. Ils ont été déclarés irrecevables car à portée trop large. Quel professionnalisme !

Et maintenant, on découvre l’amendement n° 787 du Gouvernement, que nous n’avons pas eu le temps d’expertiser.

Je tiens à dénoncer une nouvelle fois l’amateurisme du Gouvernement dans ce projet de loi de finances.

M. Yves Jégo. Ce n’est pas sérieux en effet !

M. le président. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Nous avons été plusieurs à être reçus par l’un des dirigeants de l’industrie automobile. Que nous a-t-il dit ? Qu’il était encore en léger excédent grâce aux toutes petites voitures et aux ventes à crédit, mais que tout le monde savait que les marges les plus élevées se font sur le haut de gamme.

Alors que les deux grands groupes français tentent de remonter en gamme pour prendre une partie des créneaux grâce auxquels les Allemands gagnent beaucoup d’argent, pensez-vous vraiment, monsieur le ministre, que ce soit le moment de prendre une telle disposition ?

Mme Marie-Christine Dalloz. Très bonne question !

M. Charles de Courson. Ensuite, mes chers collègues, en matière de frais professionnels, il y a deux solutions : soit vous utilisez votre voiture et vous bénéficiez de déductions, soit vous négociez avec votre entreprise, qui vous achète un véhicule. Il n’est donc pas possible de prendre une mesure en ce domaine sans coordonner impôt sur le revenu et impôt sur les sociétés – simple réflexion technique. Or votre disposition, si je l’ai bien comprise – je découvre juste l’amendement – concerne seulement l’impôt sur le revenu.

Enfin, avez-vous pensé aux personnes qui ont une famille nombreuse ? (« Eh oui ! » sur les bancs des groupes UMP et UDI.) Comprenez-vous qu’à moins d’être très riche, on ne peut pas avoir une voiture professionnelle et une voiture familiale : c’est la même voiture que l’on utilise, et l’on déclare une partie de son kilométrage au titre des frais professionnels. On voit que vous n’avez probablement jamais eu cinq ou six enfants ! (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC et du groupe écologiste.) Sinon vous sauriez bien qu’on ne peut pas avoir une petite voiture, à moins de mettre les enfants dans le coffre et d’être arrêté pour violences sur enfants. Soyez un peu sérieux !

Quelle réponse faites-vous aux personnes qui ont une famille nombreuse et qui doivent utiliser pour partie leur voiture personnelle à des fins professionnelles ? On a l’impression qu’il n’y a que des célibataires ici : c’est moi, vieux célibataire, qui suis obligé de rappeler l’importance de s’adapter à certaines réalités sociales ! (Rires.)

Tout cela n’est que bricolage et encore bricolage !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Si Charles de Courson n’existait pas, il faudrait l’inventer !

M. le président. La parole est à M. Denis Baupin.

M. Denis Baupin. Mon groupe et moi-même nous félicitons de cet amendement qui rejoint ceux que nous avions déposés en commission et que nous avons retirés à son profit. Nous estimons en effet que le barème actuel est socialement et écologiquement absurde : il incite à avoir de gros véhicules qui produisent davantage de particules fines, qui consomment davantage de carburant et émettent davantage de gaz à effet de serre. Cette évolution va donc dans le bon sens.

Il faut adresser les bons signaux à l’industrie automobile, car elle a suivi une évolution à contre-courant qui conduit aujourd’hui à des licenciements massifs et à la destruction de dizaines de milliers d’emplois. Elle n’a pas su prendre les bons virages, produisant des véhicules de plus en plus chers à l’achat et de plus en plus chers en consommation de carburant, compte tenu de l’augmentation des prix du pétrole.

M. Lionel Tardy. On voit bien que M. Baupin est parisien.

M. Denis Baupin. Hier, avec Mme Keller, j’ai été chargé par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques de rédiger un rapport sur les voitures écologiques. Nous allons travailler sur ce que pourra être demain un véhicule sobre.

En attendant, nous devons profiter de l’occasion que nous offre ce projet de loi de finances pour adresser les signaux les plus pertinents possible à la fois aux consommateurs et aux industriels afin qu’ils aillent dans le bon sens et que, demain, on conserve des emplois dans l’industrie automobile au lieu d’en détruire.

M. le président. La parole est à Mme Arlette Grosskost.

Mme Arlette Grosskost. Je ne reprendrai pas ce qu’a dit excellemment M. de Courson à propos de la voiture familiale.

Il ne vous aura pas échappé, monsieur le ministre, que la France est le pays où les marges des entreprises sont les plus faibles de toute l’Europe. Et qui dit marge faible dit problème pour le chiffre d’affaires. Or les moyennes cylindrées créent des marges plus importantes que les toutes petites. Vous voulez tuer une nouvelle fois l’industrie automobile, je suis désolée de vous le dire. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. Jean Launay. Ce n’est pas le sujet !

Mme Arlette Grosskost. M. Baupin parle de reconvertir l’industrie automobile, mais encore faut-il que nous ayons les moyens pour le faire. S’il n’y a plus de marges, il n’y a plus d’investissements possibles, un point c’est tout.

Par ailleurs, j’aimerais appeler l’attention sur une réalité très concrète. Dans une zone frontalière comme l’Alsace, nous avons – heureusement pour nous – des salariés qui ont la chance de pouvoir travailler 42 heures en Suisse ou 40 heures en Allemagne : ils doivent utiliser leur voiture à des fins professionnelles et sont obligés d’opter pour les frais réels. Voilà que vous allez restreindre leurs possibilités et les contraindre à acheter des voitures toujours plus petites.

M. le président. La parole est à M. Éric Woerth.

M. Éric Woerth. Il s’agit avant tout d’un problème de principe, et je trouve dommage que nous ayons un débat aussi long sur un sujet aussi limité.

La question est simple : ou l’on choisit le forfait, ou l’on choisit les frais réels. Les frais réels sont les frais réels.

M. Xavier Bertrand. Eh oui !

M. Éric Woerth. Il s’agit simplement de lutter contre les abus. Or on ne peut pas dire que rouler dans une voiture de plus de six chevaux constitue un abus, puisqu’il s’agit d’une voiture de moyenne gamme. Si vous parliez de douze chevaux, je comprendrais. Cela paraît vraiment une drôle de façon de faire, surtout pour les gens habitant en province qui, en l’absence de transports en commun, sont obligés de parcourir des kilomètres.

Dans le régime des frais réels, autant conserver le principe de la réalité des frais, car sinon cela ne veut plus rien dire et l’on aboutit à un forfait déguisé à la française, avec de multiples plafonds qui font qu’on n’y comprend strictement plus rien.

J’ai bien entendu le Premier ministre : il a affirmé que les problèmes de compétitivité n’étaient pas liés au coût, mais au marketing, aux gammes et à l’offre de produits industriels. Dans ce cas-là, il faut essayer de favoriser l’industrie automobile française, qui traverse d’importantes difficultés, en la tirant vers le haut et en lui permettant de développer sa gamme. Je ne vois pas très bien comment elle pourrait le faire avec des signaux de cette nature.

M. Olivier Carré. Très juste !

M. le président. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le président, je trouve bien dommage que les Français ne suivent pas plus attentivement nos débats, ils seraient édifiés en voyant comment le budget de la France est en train d’être voté.

Voilà que nous apprenons que le Gouvernement voudrait pénaliser les propriétaires de véhicules de plus de six chevaux, quand le rapporteur proposait sept chevaux. Aucune explication ne nous a été fournie pour motiver cette modification. Cela donne vraiment l’impression que le Gouvernement tape au hasard, d’autant que le rapport entre pollution et nombre de chevaux est parfaitement aléatoire. Nous avons bien vu, au moment de nos débats sur le bonus-malus, qu’il existait des véhicules de six chevaux plus polluants que certains véhicules plus puissants.

Ensuite, si l’on veut bien prendre en compte certaines réalités au lieu de se contenter d’énoncer des principes, il faut avoir à l’esprit qu’un employé ou un travailleur indépendant choisira la plupart du temps le véhicule qu’il utilisera à des fins professionnelles en fonction aussi de ses besoins personnels. Vous ne choisissez pas un monospace pour votre confort de travail mais pour vous adapter aux besoins de votre famille. Personne n’achète une Twingo, d’un côté, pour les frais réels kilométriques, et un véhicule plus grand, de l’autre, pour transporter sa famille. Pénaliser quelqu’un au seul prétexte qu’il aurait un monospace parce qu’il a trois enfants me paraît assez surréaliste.

Enfin, apprenez tout de même – j’en discutais avec Hervé Morin qui est député d’une zone plus rurale – que certaines personnes dans le monde rural n’ont pas d’autre possibilité que d’utiliser un véhicule.

M. Christophe Caresche. Des tracteurs, vous voulez dire !

M. Jean-Christophe Lagarde. Tout le monde n’est pas parisien, monsieur Baupin. Ces personnes qui achètent des véhicules d’occasion peu chers, de 4 000 ou 5 000 euros, et de plus de six chevaux, allez-vous les pénaliser ? Où est le « verdissement » du parc automobile ? Vous allez simplement taper sur ces gens-là, qui de toute façon n’ont pas d’autre choix.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Dalloz.

Mme Marie-Christine Dalloz. Décidément, ce projet de loi de finances pour 2013 nous réserve beaucoup de surprises, et même des concepts nouveaux. Maintenant, voici les frais réels qui ne sont plus des frais réels : vous déclarez vos frais réels mais vous avez droit à un forfait plafonné socialiste et écologiste.

Plus sérieusement, il faut rappeler que la filière automobile est en souffrance, c’est un fait reconnu. Comme l’a montré le Mondial de l’automobile, elle est en train de se restructurer en consacrant des investissements importants aux modèles haut de gamme. Ces dispositions seraient un très mauvais signal à lui adresser en cette période. Ce serait même la meilleure manière de la dissuader.

J’aimerais inviter les élus écologistes, qui sont essentiellement concentrés dans les grandes villes, notamment dans la région parisienne,…

Mme Brigitte Allain. Pas du tout !

Mme Marie-Christine Dalloz. …à venir faire un stage de quinze jours dans le Haut-Jura : ils verront ce que c’est qu’une voiture de six chevaux transportant une famille nombreuse dans la neige ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. Xavier Bertrand, très brièvement.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Monsieur le président, je n’ai pas pour habitude de contester la façon dont vous présidez, mais je dois dire que vous avez donné la parole à beaucoup d’orateurs !

M. Xavier Bertrand. Monsieur le ministre, je suppose que vous avez fait des études sur ce dispositif. Pouvez-vous nous dire combien de contribuables seront directement concernés par l’amendement en question ? Vous devez le savoir car vous n’êtes certainement pas passé de sept à six chevaux par hasard. Vous savez que nous avons pour seule référence la phrase du Premier ministre selon laquelle neuf Français sur dix ne seraient pas concernés par les changements fiscaux.

M. le président. L’amendement de la commission est-il retiré, monsieur le rapporteur général ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. L’amendement du Gouvernement reprend à une modification près celui de la commission. À cet égard, M. Tardy doit vraiment être à court d’arguments pour avoir eu recours comme il l’a fait à un pur argument de forme, qui n’a aucun rapport avec le cœur du sujet. Et j’aurais simplement souhaité demander à M. le ministre de nous confirmer que son amendement prend bien en compte l’amortissement du véhicule. C’est le seul élément qui nous manque pour que nous puissions nous prononcer en sa faveur.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. En la matière, il n’y a pas de modification : la législation actuelle prend en compte la dépréciation et continuera de le faire.

M. le président. Compte tenu de cette réponse, retirez-vous l’amendement de la commission, monsieur le rapporteur général ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Oui, monsieur le président.

(L'amendement n° 65 est retiré.)

(L'amendement n° 787 est adopté.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

4

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2013.

La séance est levée.

(La séance est levée à dix-huit heures.)