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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2012-2013

Compte rendu
intégral

Première séance du mercredi 26 juin 2013

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de M. Claude Bartolone

1. Questions au Gouvernement

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes

Adhésion de la Turquie à l’Europe

M. Pierre Lequiller

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes

Politique européenne

M. Christophe Bouillon

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes

Politique européenne

M. Philippe Vigier

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes

Recommandations de la Commission européenne

M. François de Rugy

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Nouvelle Pac

M. Germinal Peiro

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

Politique européenne du Gouvernement

M. Pierre Lellouche

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Emploi des jeunes

Mme Lucette Lousteau

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Comptes publics

M. Jean-Pierre Gorges

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Mobilité des travailleurs

Mme Chantal Guittet

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes

Protection des données personnelles

M. Lionel Tardy

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Paradis fiscaux

M. Alain Bocquet

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget

Situation médicale en France

M. Lucien Degauchy

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Régulation des paris sportifs

M. Christian Hutin

Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative

Syrie

M. Stéphane Saint-André

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères

Retraites

M. Fernand Siré

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Suspension et reprise de la séance

Présidence de M. Christophe Sirugue

2. Projet de fermeture de l’usine Goodyear d’Amiens-Nord

Discussion d'une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête

Explications de vote

Mme Pascale Boistard, M. Alain Gest, M. le président, M. Franck Reynier, Mme Barbara Pompili, M. Jacques Krabal, M. Patrice Carvalho

Vote sur la proposition de résolution

Suspension et reprise de la séance

3. Consommation

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion des articles (suite)

Article 1er (suite)

Amendements nos 267, 432

M. Razzy Hammadi, rapporteur de la commission des affaires économiques

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation

M. Damien Abad

Suspension et reprise de la séance

Amendements nos 653, 1029 (sous-amendement), 1028 (sous-amendement), 1026 (sous-amendement)

Rappels au règlement

Mme Laure de La Raudière

M. le président

M. Damien Abad

Suspension et reprise de la séance

Rappels au règlement

M. Marc Le Fur

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques

M. le président

Article 1er (suite)

Amendements nos 1030 (sous-amendement), 417, 408, 574, 817, 397, 419, 816, 815, 749, 814, 650, 813, 390, 346, 840, 415, 652, 654, 812, 673, 453

M. Frédéric Lefebvre

M. Thierry Benoit

M. Damien Abad

M. André Chassaigne

Mme Brigitte Allain

Mme Jeanine Dubié

Article 2

Amendements nos 431, 269, 268, 455

Après l’article 2

Amendements nos 192, 191, 188, 187, 189, 190, 626, 627, 444, 567, 958

M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Avant l’article 3

Amendements nos 902, 569

Article 3

Amendement no 536

Après l’article 3

Amendements nos 55, 901, 934

4. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de M. Claude Bartolone

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

1

Questions au Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement sur des sujets européens.

La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes, pour un bref propos liminaire.

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, mesdames et messieurs les députés, à l’heure où le chômage en Europe atteint vingt-six millions de personnes, dont cinq millions de jeunes, les objectifs de la France en vue du sommet qui se réunira demain et après-demain à Bruxelles, sont clairs : donner la priorité absolue à l’emploi et à la croissance, et poursuivre ainsi la réorientation de la construction européenne engagée il y a un an par le Président de la République française. Ces objectifs se traduiront par des demandes dans trois directions.

Première direction : élaborer un plan pour l’emploi des jeunes. Parce que nous avons obtenu à Bruxelles la garantie jeunesse ou encore le fonds de 6 milliards d’euros pour l’emploi des jeunes, et parce que l’Allemagne s’est ralliée à notre cause en acceptant de faire figurer cette priorité dans l’accord franco-allemand du 30 mai dernier, nous avons demandé l’inscription d’un point spécifique à l’ordre du jour du Conseil européen concernant l’emploi des jeunes.

Nous voulons donner une impulsion significative à la mise en place urgente des 6 milliards d’euros supplémentaires prévus par le budget européen. Aussi plaiderons-nous pour une utilisation concentrée de ce budget sur les deux seules années 2014 et 2015. La France pourrait ainsi bénéficier de près de 600 millions d’euros, dont nous préparons dès aujourd’hui l’utilisation dans les territoires, en particulier les bassins d’emploi les plus touchés.

Nous voulons également promouvoir massivement la mobilité des apprentis, des jeunes travailleurs, en mobilisant les moyens du nouveau fonds Erasmus Plus, qui devraient passer de 8 à 13 milliards.

Deuxième demande : une action en faveur de la croissance. Pour développer l’emploi, nous avons besoin de dynamiser la croissance. Telle doit être la priorité de la politique économique de l’Union. C’est ce que nous avons soutenu tout au long du semestre européen. Un an après l’adoption du pacte européen pour la croissance et l’emploi, les rapports de la Commission et de la Banque européenne d’investissement en soulignent les réalisations. Au plan européen, ce sont par exemple 39 milliards d’euros de fonds qui ont été réorientés en France. L’augmentation du capital de la Banque européenne d’investissement va permettre dès cette année d’injecter 7 milliards d’euros par an pendant trois ans dans notre économie.

M. Marcel Rogemont. Très bien !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Ces prêts serviront à soutenir les projets innovants des entreprises, mais aussi les projets d’investissement et d’infrastructures des collectivités territoriales.

Pour aller plus loin, nous demandons un plan d’investissement pour l’Europe. Cela implique notamment la mise en place, d’ici à la fin de l’année, de nouveaux instruments au profit, cette fois-ci, des PME. Ce plan doit s’appuyer sur l’ensemble des ressources financières disponibles, notamment les instruments du prochain budget pour l’Europe tels que l’augmentation des fonds pour la recherche et l’innovation et celle de l’enveloppe des infrastructures d’interconnexion en matière d’énergie, de transport et de télécommunications.

Enfin, troisième demande : l’Union économique et monétaire. Pour la consolider, nous devons lutter contre l’évasion et la fraude fiscales, repousser la spéculation, protéger les petits épargnants et les contribuables et mettre le secteur bancaire au service de l’économie réelle. Tel est l’objet de l’union bancaire, sur laquelle nous progressons avec ténacité.

Pour que cet approfondissement de l’UEM se fasse au bénéfice de nos concitoyens, nous allons renforcer sa dimension sociale, qui a été totalement oubliée par le passé. C’est aussi une demande unanime des partenaires sociaux, qui se sont exprimés la semaine dernière à l’occasion de la table ronde sur l’Europe sociale présidée et animée par Michel Sapin.

Autant de priorités pour la France, autant de points en faveur d’une Europe de la croissance, pour l’emploi, d’une Europe qui répond aux aspirations de ses concitoyens : voilà les objectifs de la France pour que ce Conseil européen soit un pas de plus dans la réorientation de la construction européenne. Voilà l’Europe que nous voulons. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Adhésion de la Turquie à l’Europe

M. le président. La parole est à M. Pierre Lequiller, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Pierre Lequiller. Monsieur le ministre chargé des affaires européennes, l’Europe ne peut avancer sans une vision claire de ses frontières et le Président de la République, son gouvernement et sa majorité en manquent cruellement concernant la Turquie.

L’UMP, sous l’égide de Jean-François Copé, vient de réunir sa convention sur l’Europe. Nous y avons réitéré notre position : pour nous, comme pour la CDU, qu’avec Christian Jacob le groupe UMP a reçue il y a quinze jours, la Turquie n’a pas vocation à entrer dans l’Union. Elle doit se voir proposer un partenariat privilégié. Nous voulons une Europe politique et pour nous, l’intégration de la Turquie, pays de 80 millions d’habitants, annihilerait cette ambition.

Nicolas Sarkozy, en toute logique, s’était opposé, au nom de la France, aux cinq chapitres ouvrant la perspective d’entrée de la Turquie dans l’Union.

Outre cette position de principe pour le bien de l’Europe, l’évolution des positions inacceptables du gouvernement turc nous donne raison : Chypre, mise en prison de plus de soixante-dix journalistes, atteintes aux droits de la femme, port du voile à l’université, recul de la laïcité, progrès de l’islamisme radical… Sans compter la répression brutale menée ces dernières semaines par Erdogan, avec des morts et de très nombreux blessés, notamment des agressions policières contre des journalistes dénoncées par Reporters sans frontières.

Or c’est ce moment qu’a choisi François Hollande pour donner son feu vert à l’ouverture d’un des cinq chapitres que j’ai cités.

Comme le programme des socialistes, très divisés sur l’Europe, ne dit rien sur les frontières de l’Europe et la Turquie, nous avons besoin de réponses précises. La France a-t-elle changé de position ? Est-elle favorable à l’entrée de la Turquie ? Et pourquoi avoir fait cela au moment des exactions intolérables du gouvernement turc contre son peuple ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le député, c’est en février que la France a accepté la réouverture des négociations avec la Turquie dans la perspective d’une adhésion à terme de ce grand pays à l’Union européenne.

C’est une perspective qui prendra plusieurs années. Cela a été l’objet d’une discussion hier avec l’ensemble des vingt-sept pays de l’Union européenne, qui ont décidé à l’unanimité de ne pas refermer les discussions avec la Turquie, et de les approfondir sur un des chapitres : le chapitre XXII concernant les politiques régionales. En même temps, il a été demandé à la Turquie de réitérer son attachement aux valeurs démocratiques de l’Union. (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.)

Monsieur le député, même les pays proches de la Turquie, et en particulier Chypre, ont la même position : ne pas fermer la discussion avec la Turquie, maintenir le dialogue. (Mêmes mouvements.) Les Chypriotes, et plus encore les habitants de la Turquie qui ont manifesté, souhaitent que l’Union laisse la porte ouverte à la discussion, au risque sinon de renfermer la Turquie dans ses propres frontières, de favoriser le nationalisme. Ce n’est dans l’intérêt de personne. Le chemin de la Turquie vers l’Europe est encore long, mais nous ne devons pas le fermer aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Politique européenne

M. le président. La parole est à M. Christophe Bouillon, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christophe Bouillon. À l’heure où l’Europe cherche son unité, le Président de la République a choisi de placer l’an II du quinquennat sous le signe de l’offensive. Le 16 mai dernier, il a courageusement proposé la perspective d’une union politique. Cette proposition est d’autant plus audacieuse que le ressentiment des Français à l’égard de l’Europe va grandissant.

François Hollande marche sur les pas de François Mitterrand, qui suggérait déjà cette voie : à une période de ralentissement économique, il n’avait pas hésité à lancer un projet d’unification à l’échelle du continent européen. Durant ces dix dernières années, la droite a disposé de tous les leviers de pouvoir à la Commission européenne, au Parlement européen ainsi qu’au Conseil européen. Elle s’en est servie pour détourner l’Europe de ses principes fondateurs sans résoudre les déséquilibres originels des États. Aujourd’hui, l’Europe est en panne et sortie de ses rails.

La concurrence sans harmonisation fiscale ni sociale conduit en effet au rabaissement des normes sociales. Précisons également qu’une zone monétaire sans véritable coordination des politiques économiques ni solidarité financière creuse encore plus les écarts entre les États. Face à cette situation, le Président de la République se bat vigoureusement pour réorienter l’Europe vers plus de croissance, plus d’investissement, vers une union bancaire et la lutte contre la fraude fiscale, soit vers une Europe qui sourit enfin aux peuples.

Monsieur le ministre, à la veille du Conseil européen, pourriez-vous nous indiquer quels sont, sur tous ces points, les orientations et l’engagement de la France pour réorienter l’Europe vers la croissance et l’investissement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes. Vous avez raison de dire que la France souhaite la réorientation de l’Europe. Elle la souhaite, mais elle fait également adopter des dispositions en ce sens. La première d’entre elles, adoptée en juin 2012, est le pacte de relance pour la croissance et pour l’emploi. Un point d’étape sera fait les 27 et 28 juin, à la fin de cette semaine, qui montrera que grâce à ce pacte de relance, près de 7 milliards d’euros seront injectés dans l’économie française par la Banque européenne d’investissement.

La réorientation de l’Europe, c’est aussi – enfin ! – la priorité française donnée à la jeunesse, qui sera désormais partagée à l’échelle de l’Union européenne puisque l’Allemagne elle-même demande à en faire un sujet principal. Nous aurons donc pour la première fois dans l’histoire de l’Union une ligne dédiée spécifiquement aux politiques que vous mènerez sur vos territoires respectifs avec 6 milliards d’euros pour favoriser la formation et l’insertion par l’emploi des jeunes de moins de 25 ans, notamment dans les régions les plus sinistrées par le chômage.

La réorientation de l’Europe, c’est aussi un certain nombre de dispositions, que vous avez citées. Ainsi, la lutte contre la fraude fiscale sera à l’ordre du jour. En outre, le mécanisme européen de stabilité permettra la recapitalisation directe des banques, ce qui n’était pas possible il y a un an. Enfin, et nous tenons tout particulièrement à cette décision, nous allons sans doute sauver le Fonds d’aide alimentaire aux plus démunis. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.) En 2011, il avait été décidé de le fermer au 31 décembre 2013. La France, par la voix de François Hollande, l’aura sauvé dans quelques jours. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Politique européenne

M. le président. La parole est à M. Philippe Vigier, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Philippe Vigier. Monsieur le Premier ministre, quelle est la ligne de votre majorité en matière de politique européenne ?

Est-ce la ligne du candidat François Hollande, qui prétendait renégocier le traité budgétaire européen seul et contre tous ? Est-ce la ligne du président François Hollande, qui a sommé sa majorité d’adopter ce même traité sans qu’une virgule en fût changée ? Est-ce celle défendue par vos alliés écologistes, qui ont refusé de céder à cette injonction et qui n’ont pas voté le traité ? Est-ce la ligne d’Harlem Désir, qui dénonçait l’intransigeance égoïste d’Angela Merkel ? Est-ce enfin celle de votre ministre Arnaud Montebourg, pour qui Manuel Barroso est le carburant du Front national (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR) – reproche qui n’est pas des plus légitimes ? Monsieur le Premier ministre, en s’exprimant ainsi, Arnaud Montebourg, désormais soutenu par la porte-parole du Gouvernement, a-t-il vraiment parlé au nom du Gouvernement ?

M. Marcel Rogemont. Il a eu raison de le dire !

M. Philippe Vigier. Quels échecs voulez-vous donc dissimuler ? Celui du plan de croissance, qui n’a jamais vraiment existé ? Celui d’un budget européen, en baisse pour la première fois, que vous avez accepté ? Celui d’une France isolée, qui subit la crise de l’Europe sans réagir ?

Et pourtant, il y a des urgences, notamment une véritable urgence à faire évoluer la directive sur le détachement des travailleurs. Cette directive est devenue une machine à détruire les emplois. Elle permet à 300 000 salariés européens, dont la moitié n’est pas déclarée, de travailler en France en étant rémunérés deux à trois fois moins que le SMIC.

Au groupe UDI, nous voulons une Europe forte, qui protège, pas une Europe du dumping social qui fragilise la compétitivité de nos entreprises, en particulier dans l’agriculture, le bâtiment, les travaux publics et les transports.

Monsieur le Premier ministre, allez-vous demander à nos partenaires européens de suspendre l’application de cette directive au moment où le chômage n’a jamais été aussi élevé dans le pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes. Quelle est l’Europe que nous souhaitons ? Celle que vous n’avez pas su à l’époque mettre en place grâce à un choix budgétaire ambitieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Je voudrais vous rappeler, et Bernard Cazeneuve pourrait le faire aussi bien que moi, que nous sommes sur le point d’adopter à l’échelle de l’Union européenne un budget sans précédent (Exclamations sur les bancs du groupe UMP)

M. Bernard Deflesselles. Eh bien !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. …un budget de 960 milliards d’euros, soit 50 milliards de plus que sur la période 2008-2013, avec des dispositions visant à accompagner les politiques en faveur de la jeunesse, comme je l’ai déjà dit, et une augmentation de 40 % de la recherche et du développement pour accompagner les entreprises françaises. L’enveloppe relative aux mécanismes d’interconnexions européens va également augmenter, destinée aux grands travaux…

M. Bernard Deflesselles. Ah oui, parlons-en !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. …énergétiques ou de transport, les grands travaux qui fondent l’économie non-délocalisable.

Comme je l’ai déjà dit, nous allons également sauver le fonds d’aide aux plus démunis qui avait été sacrifié par la majorité précédente. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Enfin, je regrette comme vous que la directive concernant le détachement des travailleurs n’ait pas été étudiée plus tôt par le gouvernement précédent. Nous n’accepterons pas les dispositions qui viennent fausser la concurrence (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC) au sein de l’Union européenne. Nous travaillons sur ce sujet. Les travaux ne sont pas suffisamment avancés pour que cette directive soit adoptée dans les six mois qui viennent. Nous avons demandé à la présidence lituanienne d’en faire l’une de ses priorités dans les six prochains mois.

Plusieurs députés du groupe UMP. Mais concrètement ?

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Voilà pour vous répondre, monsieur le député, sur la directive dumping social. Et si vous m’aviez interrogé aussi sur la directive services publics, je vous aurais répondu aussi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Recommandations de la Commission européenne

M. le président. La parole est à M. François de Rugy, pour le groupe écologiste.

M. François de Rugy. Monsieur le ministre du budget, il y a quelques semaines, la Commission européenne a fixé un certain nombre d’objectifs budgétaires à la France, comme elle le fait pour chacun des pays membres de l’Union. Nous avons tous vu les crises qui ont frappé nos voisins du sud de l’Europe : le maintien d’une cohérence budgétaire entre les pays membres de la zone euro est une nécessité. Si la Commission est donc dans son rôle lorsqu’elle tente de dessiner cette cohérence, beaucoup plus contestable est sa volonté de délivrer, en plus d’un diagnostic, une ordonnance. Au vu des résultats de ses remèdes austéritaires, le docteur Barroso, j’allais dire le docteur Diafoirus, devrait faire preuve de plus de lucidité, sinon d’humilité ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Luc Laurent. Oui !

M. François de Rugy. C’est donc très justement que le Président de la République a rappelé que, sur les mesures à adopter, chaque pays demeurait libre de ses choix et de ses appréciations.

C’est donc très justement qu’un de vos collègues a mis en garde contre les effets du prêt-à-penser libéral, qui constitue effectivement le carburant des extrémismes. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur divers bancs du groupe SRC.) Cette impuissance, qu’incarne à la perfection M. Barroso, nourrit le repli nationaliste. Il est bon de rappeler que M. Barroso a été confirmé dans ses fonctions en 2009 par des chefs d’États et de gouvernements, à commencer par M. Sarkozy (« Oui ! » sur divers bancs du groupe SRC – Exclamations sur divers bancs du groupe UMP), satisfaits de sa faiblesse et de son conformisme libéral.

Au Parlement européen, le groupe écologiste, dont nul ne peut contester l’engagement en faveur de la construction européenne,…

Plusieurs députés du groupe UMP. Si !

M. François de Rugy. …s’était opposé à sa reconduction. L’équation qu’on veut nous vendre aujourd’hui, « être contre Barroso, c’est être contre l’Europe », est totalement fallacieuse.

Ce qui intéresse les Français, c’est de savoir, monsieur le ministre, quelles sont les réponses que le gouvernement français apportera aux recommandations inacceptables de la Commission européenne. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et RRDP, ainsi que sur quelques bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député, vous me posez la question de la réorientation de la politique de l’Union européenne et de la relation que nous devons entretenir avec les institutions de l’Union. Le gouvernement français n’a pas besoin, pour réorienter en profondeur cette politique, ni de s’en prendre aux institutions, ni de s’en prendre à ceux qui les dirigent. (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est raté !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Il s’agit de faire, au sein de l’Union européenne, notre devoir de grand pays, et nous serons d’autant plus légitimes à réorienter sa politique que nous aurons réussi à mener à bien notre propre travail et à convaincre nos partenaires.

Quel est l’agenda du Gouvernement ?

Tout d’abord, nous devons réussir à faire en sorte que l’Union économique et monétaire aille à son terme, ce qui veut dire réussir à conforter les compromis que nous avons déjà construits sur la supervision bancaire et sur l’Union bancaire – ce qui appelle la mise en place d’un véritable dispositif de résolution des crises bancaires et de garantie des dépôts – et à aller plus loin dans les initiatives de croissance. À cet égard, le plan de 120 milliards négocié par le Président de la République se traduira par 20 milliards d’investissement supplémentaires en France si l’on agrège les opportunités offertes par les prêts de la Banque européenne d’investissement, par la réaffectation des fonds structurels et par l’utilisation des obligations de projet. Nous devons aussi mobiliser les crédits du budget européen consacrés à la croissance, qui augmentent de façon très significative : c’est le cas du projet Connecting Europe, avec 80 % d’augmentation, et des budgets de la rubrique 1a, consacrés à la croissance et à la politique industrielle, qui augmentent également beaucoup.

Nous devons en outre accompagner les initiatives à destination des jeunes. C’est ce qu’a dit le Président de la République à la Chancelière.

Réorienter l’Europe, faire notre devoir, respecter nos partenaires : telles sont nos trois obligations. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Nouvelle Pac

M. le président. La parole est à M. Germinal Peiro, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Germinal Peiro. Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture.

Plusieurs députés du groupe UMP. Est-il là ?

M. Germinal Peiro. Monsieur le ministre, vous étiez hier à Luxembourg où s’est tenue une réunion du Conseil des ministres de l’agriculture des vingt-sept pays de l’Union européenne pour finaliser les discussions sur la politique agricole commune.

M. Bernard Accoyer. Et la montagne ?

M. Germinal Peiro. Que ce soit sur le plan économique, sur le plan social ou sur le plan environnemental, les enjeux de ces discussions sont de première importance pour tout le secteur agricole et agroalimentaire qui, en France comme en Europe, est largement créateur de richesses et d’emplois.

En effet, il convient de rappeler que la politique agricole commune, seule politique intégrée de l’Union, est absolument indispensable au maintien d’une agriculture française et européenne diversifiée, déployée sur l’ensemble des territoires et capable d’assurer aux Européens une alimentation sûre et de qualité.

Tous les responsables professionnels agricoles ont salué le rôle de la France et du Président de la République François Hollande dans le maintien d’un budget européen conséquent.

Au moment de la dernière phase des négociations de la nouvelle PAC, pouvez-vous nous indiquer les points d’accords obtenus pour rendre la politique agricole commune plus juste en matière de répartition des aides, plus efficace pour les zones sensibles et pour soutenir les filières en difficulté, en particulier celle de l’élevage, mais aussi plus respectueuse de l’environnement et plus attractive pour les jeunes agriculteurs ? (Applaudissements sur divers bancs du groupe SRC.)

M. André Chassaigne. Très bien !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le député, j’ai cru comprendre qu’un certain nombre de vos collègues se demandaient hier où j’étais. (« Oui ! » sur les bancs du groupe UMP.) Je me trouvais à Luxembourg (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP) pour traiter des dossiers sur la réforme de la politique agricole commune. J’annonce qu’un accord avec le Parlement européen a été trouvé ce matin. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. André Chassaigne. Très bien !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Dans ce domaine, il y a les diseux et les faiseux, comme on dit dans nos campagnes. Les faiseux sont ici, les diseux sont en face ! (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

De quel accord s’agit-il, pour quelle politique agricole commune ?

Pour une politique plus juste, en particulier s’agissant de l’élevage, avec le couplage des aides, la prime pour les cinquante premiers hectares et le relèvement du plafond de l’indemnité compensatrice de handicap de 300 euros à 450 euros.

Pour une PAC plus verte aussi, qui tienne compte de l’environnement et de l’écologie, avec les 30 % sur le premier pilier et la création des surfaces d’intérêt écologique.

Pour une PAC plus régulée également, afin d’éviter les conséquences des choix libéraux qui avaient été faits par l’ancienne majorité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Enfin, pour une PAC pour l’avenir, celle qui parle aux jeunes et permettra ainsi de trouver des moyens dans le premier et le second pilier pour leur installation.

Je devais aux agriculteurs, aux paysans, aux éleveurs de contribuer à ce que la France reste une grande nation agricole, aujourd’hui, demain et dans l’avenir ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

Politique européenne du Gouvernement

M. le président. La parole est à M. Pierre Lellouche, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Pierre Lellouche. Après un faiseux qui ne fait pas grand-chose (Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. – Applaudissements sur les bancs du groupe UMP), je voudrais savoir où est le Premier ministre. Où est-il ? À la veille du débat européen qui doit se tenir demain à Bruxelles, M. le Premier ministre n’a apparemment pas trouvé le temps de venir parler aux députés.

Et pourtant ! Je repose ma question d’il y a quinze jours : qui parle au nom de l’Allemagne, MM. Bartolone, Montebourg et Hamon qui veulent une confrontation ouverte avec un pays accusé d’égoïsme ou bien M. Hollande qui, à Leipzig, a donné l’Allemagne en exemple des réformes qu’il fallait faire en France ?

Deuxième question : pourquoi s’en prendre à M. Barroso et qui parle de la Commission au nom de la France ? M. Cazeneuve, qui vient de dire qu’il faut respecter les responsables des institutions européennes, ou l’imprécateur en chef de ce gouvernement, M. Montebourg, qui accuse le président de la Commission d’être le combustible du Front national ?

Plusieurs députés du groupe SRC. Il a raison !

M. Pierre Lellouche. Ou est-ce encore M. Bartolone, qui ce matin en rajoute encore dans la presse en le traitant d’homme dépassé ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP. Plusieurs membres du groupe SRC se lèvent pour applaudir. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Plusieurs députés du groupe UMP. Debout ! Debout !

M. Pierre Lellouche. Qui parle au nom de ce gouvernement et quelle est sa politique ? (Mêmes mouvements.)

M. le président. S’il vous plaît, mes chers collègues !

M. Pierre Lellouche. M. de Rugy peut-être ? Bravo, beau désordre ! De plus en plus, dans les capitales européennes – et là je suis extrêmement sérieux (Exclamations sur les bancs du groupe SRC) – les gens se demandent si la politique européenne de ce gouvernement ne se limite pas à rechercher des boucs émissaires pour les réformes qu’il n’a pas le courage de mener. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. Draghi, le patron de la BCE, a dit ce matin devant les députés que la zone euro ne survivrait pas avec des pays en permanence créanciers face à des pays en permanence surendettés. Vous nous conduisez tout droit à la crise. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC – Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député Lellouche…

M. Jean-Luc Laurent. Monsieur le diseux !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. …vous venez de vous livrer à une démonstration de grand talent dans le domaine du spectacle vivant. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Les costumes étaient de Roger Harth et les décors de Donald Cardwell ! (Mêmes mouvements.) Face à une telle performance, un tel numéro, nous aurons quelques difficultés à rivaliser.

Plus sérieusement, je voudrais essayer de répondre aux quelques interrogations que j’ai tout de même pu percevoir. D’abord, quel est le discours de la France au sein de l’Union européenne ? Il est très différent de celui que vous avez tenu au cours des cinq dernières années.

M. Pierre Lellouche. Quelle est votre politique européenne, monsieur Cazeneuve ?

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Tous les responsables européens se souviennent parfaitement de ce moment où, toutes affaires cessantes, ventre à terre, le précédent Président de la République est venu expliquer aux institutions européennes qu’il n’accepterait plus de tenir les engagements de la France en matière de déficit, demandant que l’on remette en question le taux de 3 % de déficit budgétaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

La perte de crédibilité de la France en Europe, c’est vous ! La dégradation de la compétitivité de la France en Europe, c’est vous, qui nous avez laissé près de 65 milliards d’euros de déficit du commerce extérieur alors que les Allemands affichaient 50 milliards d’euros d’excédent !

M. Yves Censi. On est en 2013 !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. C’est vous qui avez ajouté près de 70 milliards d’euros aux déficits structurels de la France entre 2007 et 2012 ! Et c’est vous qui avez laissé se creuser considérablement les statistiques du chômage en laissant notre pays se désindustrialiser ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Monsieur Lellouche, nous sommes dans une autre stratégie, celle du retour de la crédibilité de la France, de la diminution de nos déficits, du retour de notre compétitivité, de l’engagement de réformes structurelles. C’est parce que vous savez que nous faisons cela que vous avez décidé de consacrer toute votre énergie au développement du spectacle vivant. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Emploi des jeunes

M. le président. La parole est à Mme Lucette Lousteau, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Lucette Lousteau. Ma question s’adresse à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Plusieurs députés du groupe UMP. Et du chômage !

Mme Lucette Lousteau. La deuxième conférence sociale, qui s’est tenue la semaine dernière, a abordé la dimension européenne. C’est pour nous une dimension essentielle de notre action pour le redressement de notre pays et pour l’emploi.

Des sujets essentiels ont été abordés, comme la mobilisation du pacte pour la croissance en Europe et la transition énergétique, mais aussi la lutte contre le dumping fiscal et social, notamment par la création d’un salaire minimum européen. L’un d’entre eux est pour nous absolument essentiel : l’emploi des jeunes.

En France, nous avons mis en place une série de mesures utiles et concrètes comme les contrats de génération, les emplois d’avenir et les contrats aidés qui montent en puissance.

Mais si la situation des jeunes est difficile en France, elle est explosive dans d’autres pays de l’Union européenne où le taux de chômage des jeunes dépasse 50 ou 60 %, comme en Espagne ou au Portugal. Il est urgent que l’Europe agisse face à ce fléau qui est douloureux pour ces jeunes et pour leurs familles, et destructeur pour la confiance et pour la croissance sur notre continent.

Tous les moyens doivent être mobilisés pour permettre aux jeunes Européens en difficulté de trouver une solution. C’est le cas du fonds de 6 milliards d’euros, qu’il faut mobiliser rapidement. C’est aussi le cas de la « garantie jeunes » qui doit être déployée. C’est enfin le cas des dispositifs européens pour la formation, qui doivent gagner en ampleur.

Agir pour l’emploi des jeunes en Europe est un sujet essentiel. Il en va de l’avenir de l’Union européenne et de ses peuples.

Monsieur le ministre, vous savez que les députés socialistes sont totalement engagés dans cette perspective. Pouvez-vous nous dire quelles initiatives, quelles mesures sont envisagées au niveau européen pour lutter contre le chômage des jeunes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social. Madame la députée, vous évoquez un objectif global et un objectif plus précis.

L’objectif global est de redonner un sens à l’Europe sociale. Nous voulons une Europe qui marche sur ses deux pieds. Nous voulons quelle ait une préoccupation d’équilibre économique, budgétaire et financier bien sûr, mais qu’elle marche aussi sur l’autre pied, celui auquel nous tenons particulièrement : l’action sociale et en particulier la lutte contre le chômage.

Et puis, il y a le chômage des jeunes. Vous le soulignez madame, il est trop élevé en France et l’est plus encore dans beaucoup d’autres pays : dans les pays de l’Union européenne, il est en moyenne supérieur à 26 % pour les jeunes de moins de vingt-cinq ans. C’est inacceptable, chez nous comme ailleurs. S’il y a bien un point sur lequel tous les pays et toutes les institutions de l’Union européenne doivent se réunir, c’est la lutte contre le chômage des jeunes, afin de redonner un espoir, une perspective, un avenir – comme nous le faisons en France avec les emplois d’avenir ou les contrats de génération – à cette génération pour qu’elle ne soit pas sacrifiée.

M. Philippe Le Ray. La réponse !

M. Michel Sapin, ministre. C’est encore la garantie jeunesse, qu’il faut mettre en œuvre concrètement. Ce sont aussi ces six milliards d’euros auxquels vous avez fait allusion et qu’a décrits Thierry Repentin, qui seront dans le budget 2014-2019.

Mais madame la députée, la lutte contre le chômage des jeunes ne doit pas attendre 2019. Elle doit s’engager tout de suite, immédiatement,…

M. Philippe Meunier. Arrête ton cinéma !

M. Michel Sapin, ministre. …se concentrer sur les années 2013, 2014 et 2015.

M. Philippe Meunier. La réponse ! Ça sent le Sapin !

M. Michel Sapin, ministre. C’est l’un des enjeux de ce sommet européen de la fin de la semaine. Le Président de la République tient particulièrement à ce que des décisions concrètes soient prises parce que rendre à la jeunesse d’Europe son avenir et son espoir, c’est aussi redonner à l’Europe le plus beau de ses visages. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Comptes publics

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Gorges, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Jean-Pierre Gorges. Ma question s’adresse au Premier ministre.

Plusieurs députés du groupe UMP. Il n’est pas là !

M. Jean-Pierre Gorges. « J’ai menti devant l’Assemblée nationale sur la possibilité de réaliser 3 % de déficit en 2013. » Cet aveu signé de votre précédent ministre du budget est édifiant.

Alors que la France s’était engagée devant ses partenaires européens sur une trajectoire vertueuse pour nos finances publiques, voilà que vous mettez à bas la parole de notre pays et les efforts accomplis ces dernières années pour réduire les déficits budgétaires creusés par la crise, une crise niée par vous pendant la campagne présidentielle mais qui vous rattrape.

Je rappelle qu’en matière budgétaire les budgets 2010 et 2011 ont été exécutés conformément aux engagements pris par la France. L’exécution fut même encore meilleure de 0,8 point.

Depuis votre arrivée, c’est l’inverse. En 2012, le résultat est moins bon que l’engagement pris par la France, avec un déficit de 4,8 % de PIB, au lieu de 4,5 %. Ce n’est pas étonnant puisque vous avez ouvert bien grand le robinet de la dépense publique avec des recrutements non financés et des augmentations permanentes de prestations sociales.

S’agissant de l’année 2013, oui, votre loi de finances est dépassée. Elle n’est plus sincère, monsieur le Premier ministre. Les recettes ne sont pas au rendez-vous, quand les dépenses, elles, flambent, augmentant de 5 %, alors qu’était prévue en loi de finances initiale une hausse de 1,2 %.

Alors, quand allez-vous enfin présenter une loi de finances rectificative ? Tout le monde l’attend.

Si vous ne le faites pas, c’est que vous vous échinez à cacher la vérité aux Français, et aussi aux instances européennes. Imaginez un instant ce qu’encourrait un chef d’entreprise, ou même une collectivité, qui tiendrait d’aussi mauvais comptes. La sanction serait immédiate.

Monsieur le Premier ministre, l’heure est grave et vous ne pouvez échapper à vos responsabilités.

M. le président. Merci, monsieur Gorges.

M. Jean-Pierre Gorges. Dites-nous si, oui ou non,…

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député Gorges, vous avez raison de poser la question du respect par la France de ses engagements pris à la fois devant la représentation nationale et devant les institutions de l’Union européenne. Je regrette d’ailleurs, de ce point de vue, que votre question comporte un certain nombre de contre-vérités, sur lesquelles je veux revenir, en donnant des chiffres précis.

Vous vous inquiétez, tout d’abord, de la capacité de notre pays à tenir la dépense publique. Lorsqu’on regarde ce qu’a été l’évolution de la dépense publique au cours des dernières années (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), on se rend compte qu’elle a augmenté, en moyenne, de 2,3 % par an entre 2002 et 2007 et de 1,7 % par an entre 2007 et 2012. En 2012, parce que nous avons pris des dispositions très fortes en loi de finances rectificative, la dépense aura augmenté de 0,9 %. Notre objectif est de faire en sorte que son augmentation soit, en 2013, d’environ 0,5 %. Le rythme d’augmentation de la dépense publique a donc été divisé par quatre.

En 2012, pour la première fois, les dépenses de l’État, dette et pensions comprises, diminuent de 300 millions d’euros.

Mme Laure de La Raudière. C’est grâce à nous ! Grâce au non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Selon les orientations retenues pour le budget 2014, qui vont être présentées, la dépense de l’État diminuera de 1,5 milliard d’euros, ce qui ne s’est jamais fait auparavant.

Je veux également vous signaler que le déficit structurel de la France a diminué en 2012 de 1,2 point de PIB. Il devrait continuer à diminuer en 2013 de plus d’un point. Nous allons poursuivre cette stratégie de réduction du déficit structurel, qui n’a pas été celle suivie jusqu’à présent. Quant aux vingt milliards de dérapage évoqués par M. Carrez hier, ce chiffre est faux. J’aurai l’occasion de donner des chiffres extrêmement précis en complément de ceux que j’ai donnés devant la commission des finances pour que nos débats soient dignes et qu’ils rencontrent la transparence et la vérité. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mobilité des travailleurs

M. le président. La parole est à Mme Chantal Guittet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Chantal Guittet. Ma question s’adresse à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes. J’y associe mon collègue Gilles Savary, avec qui j’ai beaucoup travaillé sur le sujet.

Monsieur le ministre, la commission des affaires européennes a adopté un rapport d’information et une résolution européenne sur la proposition de directive d’application relative au détachement des travailleurs au sein de l’Union européenne.

Au gré des auditions, nous avons constaté qu’un véritable négoce de travailleurs low cost se développait en Europe, grâce à des réseaux très organisés et difficilement contrôlables. Les failles de la directive ont permis de multiples abus dans le domaine du détachement des travailleurs. Celui-ci est devenu l’outil central de stratégies d’optimisation sociale à l’échelle européenne, dans lesquelles sont embarqués des ouvriers sous-payés, véritables esclaves des temps modernes. Ces pratiques de dumping social menacent des pans entiers de notre économie. Elles menacent nos emplois et le financement de nos comptes sociaux

Il y a urgence, monsieur le ministre. Les professionnels de l’agriculture, du bâtiment, du transport tirent la sonnette d’alarme.

Dernière victime en date, la filière porcine en Bretagne : 1 700 emplois sont en danger dans les abattoirs Gad, actuellement en redressement judiciaire. Il est aujourd’hui plus rentable de faire tuer les porcs dans les abattoirs allemands qui emploient des employés d’Europe de l’Est payés 30 % de moins que les ouvriers français.

Ce phénomène ne peut que nourrir le sentiment anti-européen chez nos compatriotes.

La résolution que nous avons présentée avec mes collègues Gilles Savary et Michel Piron préconise d’agir rapidement au niveau européen pour encadrer le détachement des travailleurs ou, à défaut, de prendre toutes les mesures nécessaires au niveau national.

Ce sujet divise, à Bruxelles, les tenants d’un marché du travail dérégulé, et ceux qui proposent qu’il soit encadré.

Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, où en sont les négociations et quelle est la position de la France ? Envisagez-vous de prendre des mesures au niveau national pour combattre ces abus ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste et sur quelques bancs du groupe GDR.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.

M. Thierry Repentin, ministre délégué chargé des affaires européennes. Madame la députée, c’est une belle question que vous avez posée. (Sourires sur les bancs du groupe UMP.) Et je salue aussi la qualité du rapport que vous avez rendu avec M. Savary sur cette question,…

M. Philippe Vigier. Et Piron, alors ?

M. Thierry Repentin, ministre délégué. …comme le soutien apporté il y a deux jours par le Parlement européen, qui va aider la France à porter les propositions que vous faites dans votre rapport. Cette question a d’ailleurs été la principale question portée par les partenaires sociaux, tant les représentants des salariés que ceux des employeurs, à l’occasion de la table ronde de la grande conférence sociale de la semaine dernière. Oui, il faut lutter contre le dumping social, et la France est sur votre analyse. Elle soutiendra, effectivement, vos propositions.

D’ailleurs, le Président de la République lui-même, à l’ouverture de la grande conférence sociale, a abordé cette question et il portera ce sujet demain 27 juin et vendredi 28 juin au sein du Conseil Européen car, hélas, tout le monde ne partage pas notre enthousiasme dans tous les pays européens. Certains pays souhaitent moins de contrôles que nous n’en souhaitons nous-mêmes pour l’avenir. Sans attendre, nous avons demandé à chacun des préfets de département de mettre en place un plan d’action visant des opérations complexes sur le terrain dans lequel, en quelque sorte, le dumping social s’infiltre. Nous avons aussi demandé à la future présidence lituanienne, qui sera à la tête de l’Europe pendant six mois, de faire de cette question la priorité.

Parallèlement à la directive que vous visez, nous souhaitons aussi poser la question du salaire minimum en Europe, dans tous les pays de l’Union européenne (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC), parce que la lutte contre dumping social passe aussi par le fait de tirer vers le haut les normes sociales et les salaires dans l’Union européenne.

Sachant que le sujet vous intéresse, je souhaite vous dire que nous avons aussi beaucoup avancé sur une autre directive, sur les marchés publics. La France a fait adopter des dispositions qui permettront à toutes les collectivités locales et à l’État d’éliminer, sur les marchés publics, des offres anormalement peu chères qui émanent d’entreprises ne respectant pas des normes sociales.

Voilà des réponses concrètes. Nous partageons vos préoccupations. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Protection des données personnelles

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Lionel Tardy. Ma question s’adresse à Mme la garde des sceaux. Elle porte sur le projet de règlement européen sur les données personnelles.

Le 6 juin 2013, les ministres de la justice des États membres de l’Union européenne ont retoqué le projet de règlement européen relatif à la protection des données personnelles. Ils l’ont renvoyé au groupe d’experts auprès du conseil de l’Union européenne, afin de le retravailler.

Madame la ministre, pourriez-vous nous donner des informations sur les raisons qui ont conduit au rejet de ce projet de règlement européen par les ministres de la justice ? Quels points posent problème ? Quelle est la position de la France sur les points qui causent ce blocage ?

Il ne vous a pas échappé que les élections européennes et le renouvellement de la Commission approchent. Ce projet de règlement européen, essentiel à mes yeux, risque donc de prendre du retard, voire de tomber aux oubliettes s’il n’est pas adopté avant la fin de la législature actuelle du Parlement européen.

Madame la ministre, pourriez-vous indiquer à la représentation nationale de quelles informations vous disposez concernant le calendrier d’examen et d’adoption de ce projet de règlement européen ? Au moment où ce texte était examiné, éclatait aux États-Unis un immense scandale concernant l’espionnage, par ce pays, des communications et des données personnelles contenues sur les serveurs des grandes sociétés américaines de l’Internet. Même si tous les faits ne sont pas établis avec clarté, il apparaît évident que le gouvernement des États-Unis a outrepassé toutes les règles, et que nous sommes face l’un des scandales majeurs de la décennie. Quel impact aura l’affaire Prism sur la législation européenne, et plus particulièrement sur ce projet de règlement européen relatif à la protection des données personnelles ?

Pouvons-nous profiter du report de ce projet de règlement européen, finalement assez opportun à la lumière de cette affaire, pour le modifier afin de mieux protéger la vie privée des citoyens et les intérêts économiques des entreprises européennes face aux pratiques intrusives de gouvernements étrangers ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le député, le texte que vous évoquez n’a pas, à vrai dire, été retoqué par le Conseil de l’Union européenne. Simplement il n’a pas, comme le souhaitait la présidence irlandaise, été adopté au début de ce mois de juin.

Il s’agit en réalité de deux projets de textes, présentés par la Commission européenne le 25 janvier 2012. Le premier est un projet de règlement, d’application immédiate, portant sur les données civiles et commerciales. Le second est un projet de directive qui concerne les fichiers à finalité pénale. Trois conseils des ministres européens ont déjà été consacrés à ces textes. Leur ambition est, d’une part, d’élever le niveau de protection, d’autre part, de simplifier la vie des entreprises. Mais nous sommes d’une extrême vigilance : la recherche d’un objectif ne doit pas se faire au détriment de l’autre.

Nous accordons une attention particulière à la protection des citoyens. Nous considérons que la loi du 6 janvier 1978 dite « informatique et libertés », qui a créé la CNIL, dans sa version consolidée, assure aux citoyens un bon niveau de protection. Nous avons formulé des exigences, notamment sur le consentement des personnes pour l’utilisation des données personnelles : nous voulons que ce consentement soit clair et explicite. Le projet de règlement prévoit actuellement que le consentement doit être non ambigu : nous estimons, pour notre part, que dire oui, ce n’est pas la même chose que ne pas dire non !

Nous avons également formulé des exigences à propos de l’évaluation du risque, en proposant de définir des catégories pour moduler l’intensité du contrôle sur les entreprises. La Commission européenne préférerait, elle, un système d’auto-évaluation par les entreprises.

Nous nous opposons également, pour l’instant, à l’adoption du guichet unique. Nous estimons en effet qu’il faut vérifier les capacités de contrôle des autorités nationales. Enfin, nous exigeons que la question des fichiers mixtes soit abordée par le projet de directive, et non par le projet de règlement.

Quant au calendrier des travaux, la présidence lituanienne poursuivra les travaux sur ce dossier. Nous gardons, bien évidemment, un œil sur le programme Prism. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

Paradis fiscaux

M. le président. La parole est à M. Alain Bocquet, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Alain Bocquet. Monsieur le ministre du budget, notre assemblée vient d’adopter en première lecture le projet de loi de lutte contre la fraude fiscale. Il serait certes nécessaire d’élargir encore le champ visé, mais nous mesurons cette avancée. Ce n’est pas le moment de faiblir face à cette escroquerie généralisée, car l’évasion fiscale coûte chaque année 30 000 milliards d’euros à l’échelle mondiale, 1 000 milliards à l’échelle de l’Union européenne, et 60 milliards à l’échelle de la France.

Le récent G8 a proclamé de bons principes en matière de lutte contre les paradis fiscaux. Mais aucune action concrète n’a été décidée, aucun calendrier n’a été fixé pour passer à l’échange automatique d’informations fiscales, et mettre fin au scandale des multinationales qui déplacent leurs profits pour échapper à l’impôt. Il faut faire la transparence sur les profits, pays par pays ; faire la lumière sur le business des sociétés écrans ; et en finir avec l’opacité des trusts. Il est urgent de passer à l’action, sauf à ressembler à ces chœurs d’opéra qui chantent « marchons, marchons » et demeurent sur place !

Les pays du G8 devraient déjà mettre de l’ordre chez eux, où l’on compte une quinzaine de paradis fiscaux : de l’État américain du Delaware aux territoires britanniques, avec comme tête de réseau la City de Londres, sans oublier l’Autriche et le Luxembourg, qui sont des États réfractaires, ainsi que Monaco, le Liechtenstein ou la Suisse.

Une prise de conscience commence : il faut pousser les feux. Quelles actions concrètes la France proposera-t-elle au prochain sommet européen pour passer enfin des paroles aux actes ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et plusieurs bancs des groupes écologiste et SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué chargé du budget. Monsieur le député, comme vous avez pu le constater à l’occasion des récents débats consacrés au projet de loi de lutte contre la fraude fiscale, nous sommes passés des paroles aux actes, avec une très grande détermination.

Plusieurs députés du groupe UMP. Avec Cahuzac !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. D’abord, nous sommes passés des paroles aux actes sur le plan européen. Nous avons œuvré à inclure au programme de travail de l’Union européenne des questions qu’elle n’avait jamais abordées. Permettez-moi de rappeler les principaux éléments de ce programme de travail.

Tout d’abord, nous sommes absolument déterminés à faire en sorte que des conventions soient passées entre les pays de l’Union européenne, pour que les échanges d’informations soient harmonisés et automatiques. Chaque pays doit pouvoir savoir quels sont les comptes détenus par ses propres ressortissants dans les autres pays de l’Union européenne. Nous profitons des négociations en cours sur la quatrième directive contre le blanchiment et la directive sur la fiscalité de l’épargne pour faire avancer ces conventions d’échange automatique d’informations. Vous avez par ailleurs pu constater que l’action du Président de la République au G8 a été déterminante pour que l’Europe avance collectivement dans cette direction.

Deuxièmement, nous souhaitons que, dès lors que ces conventions d’échange automatique d’informations auront été signées, un mandat soit confié à l’Union européenne pour élaborer elle-même une liste des États et territoires non coopératifs. Il s’agirait d’établir la liste des paradis fiscaux face auxquels l’Union européenne déciderait de s’armer. Nous publierons notre propre liste, dans l’attente de celle de l’Union européenne. Là aussi, nous sommes déterminés à agir.

Enfin, nous pensons qu’il est absolument indispensable que l’Union européenne elle-même reçoive un mandat pour négocier avec des pays tiers des conventions dites de type « FATCA » – du nom du règlement américain Foreign Account Tax Compliance Act – qui permettront l’échange automatique d’informations au niveau international.

Voilà notre agenda…

M. Patrice Carvalho. Ce n’est pas un agenda, seulement des déclarations d’intentions…

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué. Une grande partie de ces préoccupations sont traduites par des mesures du projet de loi qui durcit la lutte contre la fraude fiscale en France. Jamais nous n’avons été aussi déterminés à lutter contre la fraude fiscale, et mieux armés pour cela. C’est la justice, dans le redressement !

Situation médicale en France

M. le président. La parole est à M. Lucien Degauchy, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Lucien Degauchy. Monsieur le président, ma question s’adresse à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé. Elle concerne la situation médicale française dans les zones rurales et dans les zones urbaines qui se désertifient.

Ainsi, dans certains endroits situés en zone rurale, on a perdu depuis cinq ans plus d’un quart de nos médecins. La situation n’est pas plus favorable en zone urbaine. Dans le XVIIIe arrondissement de Paris, par exemple, le nombre de médecins a chuté de plus de 17 % durant la même période. Nous savons que la France fait depuis bien longtemps appel à des médecins formés hors de l’Union européenne. Nous constatons également, ce qui est déjà plus acceptable, que de nombreux Français vont étudier chez nos voisins européens. C’est d’autant plus facile que, sur vingt-sept pays, trois seulement, dont la France, ont un numerus clausus. Le nombre de ces étudiants est estimé entre 10 000 et 20 000, ce qui est énorme.

Madame la ministre, deux solutions s’offrent à nous. Soit on supprime notre numerus clausus, soit on harmonise la réglementation européenne, ce qui permettra à nos futurs médecins de pouvoir poursuivre leurs études en France. Je vous remercie de votre réponse. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Vous avez raison de souligner, monsieur le député, que, dans quelques-uns de nos territoires, le nombre de professionnels de santé, et pas simplement de médecins, a diminué au cours de ces dernières années. C’est un phénomène face auquel la précédente majorité est restée relativement inerte puisque aucune politique n’a été mise en place afin de répondre au défi ainsi posé. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Nous écoutons la réponse !

Mme Marisol Touraine, ministre. La question est de savoir si le problème est dû à un nombre insuffisant de médecins ou à leur mauvaise répartition sur le territoire. En effet, au 1er janvier de cette année, on comptait environ dans notre pays 218 300 médecins inscrits en activité, ce qui est un des nombres les plus élevés de notre histoire. Ainsi, en trente ans, nous avons, sans compter l’augmentation de la population française, constaté une hausse de 30 % de la démographie médicale, ce qui signifie tout simplement que les médecins se concentrent dans certaines zones au lieu de se répartir plus équitablement, en particulier dans les zones rurales.

M. Bernard Accoyer. Et les 35 heures !

Mme Marisol Touraine, ministre. Pour mieux répondre aux attentes des professionnels de santé et pour mettre fin à la politique systématique menée contre les établissements de santé de proximité, en particulier contre les hôpitaux présents dans nos territoires ruraux qui ont une vocation et qui permettent aux médecins libéraux d’avoir des contacts et de tisser des réseaux importants, j’ai lancé avec le Gouvernement le pacte territoire santé. La politique conduite par le Gouvernement a pour objectif d’encourager de nouvelles pratiques médicales telles que le travail en équipe et la formation au plus près de nos territoires ruraux. Nous pourrons ainsi ensemble faire en sorte que des professionnels de santé soient présents sur tout le territoire de notre République. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bernard Accoyer. Ce n’est pas une réponse sérieuse !

Régulation des paris sportifs

M. le président. La parole est à M. Christian Hutin, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Christian Hutin. Monsieur le président, permettez à un médecin du sport de poser une question sur ce domaine, pour détendre un petit peu l’atmosphère !

Il y a trois ans, un certain nombre de députés sur l’ensemble de ces bancs ont appelé l’attention du Gouvernement sur les risques inhérents à la libéralisation des paris en ligne en raison, en particulier, des diversités, voire de l’inexistence, des législations des différents pays d’Europe. Aujourd’hui, on parie sur tout : sur la première touche, sur le premier carton jaune. On pariera bientôt sur le premier maillot déchiré ou sur les chaussures de Beckham…

M. Jean-François Lamour. Ce n’est pas vrai !

M. Christian Hutin. Les mafias européennes, qui ont vite compris le problème, blanchissent, corrompent, voire violentent. Un journaliste grec en a subi les conséquences, il y a quelque temps, parce qu’il enquêtait sur le sujet. Des procès extrêmement importants et denses se sont déroulés en Allemagne. Je pense au procès de Bochum qui a fait état de 250 ou 270 matches truqués. Cela a donc été prouvé. Après une enquête menée par Interpol jusqu’au mois d’avril 2013, il est apparu que 380 matches avaient été truqués. La France échappe, pour le moment, à la pieuvre. On peut, en effet, rencontrer quelques petits problèmes de naïveté handballistique ou avoir éventuellement des difficultés à connaître le vainqueur du Tour de France dix ans avant, mais ce n’est pas encore grave !

Je ne peux pas parier sur l’opportunité de donner un carton jaune ou rouge à M. Barroso, mais je sais l’engagement de Mme la ministre des sports dans ce domaine et je voudrais savoir comment elle compte défendre notre pays et l’éthique européenne. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative.

Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative. Monsieur le député Christian Hutin, en 2010, vous l’avez rappelé, nous étions nombreux à mesurer les risques, au regard de l’éthique du sport, de la santé et de la sécurité, d’une explosion de l’offre des paris sportifs. L’affaire Bochum, l’enquête d’Interpol que vous venez de rappeler et les milliards de dollars blanchis par des mafias internationales laissent apparaître effectivement tous ces risques. À l’époque, la Cour européenne de justice avait considéré que, du fait de ces menaces, il pouvait rester une réalité pour chaque État et que les monopoles de chaque État pouvaient être consolidés. La majorité avait alors décidé d’ouvrir à la concurrence l’ensemble de ces jeux. Certes, l’offre illégale a été ainsi réduite dans notre pays.

M. Jean-François Lamour. Très bien !

Mme Valérie Fourneyron, ministre. Mais le problème international n’a pas changé, car 90 % des paris sur les compétitions sportives françaises sont faits de l’étranger. À cette dimension internationale doit répondre une lutte internationale. La France est moteur dans cette lutte, comme elle a pu l’être d’ailleurs s’agissant de la lutte contre le dopage avec la création de l’Agence mondiale antidopage. Depuis juillet dernier, la France est partie prenante au sein du Conseil de l’Europe pour aboutir, d’ici à l’été 2014, à une convention juridiquement contraignante pour les quarante-sept États.

En mai dernier, le Comité international olympique a souhaité que cette lutte prenne une dimension internationale. Voici quelques semaines, alors que je me trouvais à Berlin, j’ai permis que l’ensemble des pays se rejoigne, dans le cadre de l’Unesco, pour voter une déclaration unanime afin de lutter contre les paris truqués. Oui, la France est présente pour combattre ces réseaux, cette mafia et pour protéger le sport et sa sécurité publique ! (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste, GDR et RRDP.)

Syrie

M. le président. La parole est à M. Stéphane Saint-André, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Stéphane Saint-André. Ma question s’adresse à M. le ministre des affaires étrangères et concerne la position de l’Union européenne sur la situation en Syrie.

Selon l’observatoire syrien des Droits de l’homme, le conflit aurait déjà fait près de 100 000 morts, très probablement, pour certains d’entre eux, victimes de l’utilisation d’armes chimiques.

Au moment où les rebelles de l’armée syrienne libre, débordés par des combattants islamistes, démontrent leurs limites face à l’armée syrienne, alors que l’organe politique de l’insurrection, le CNS, peine à émerger en tant que structure politique crédible et que, sur le plan régional, les répercussions du conflit n’ont jamais été aussi dangereuses, les vingt-sept pays membres de l’Union européenne sont parvenus fin mai, non sans mal, à se mettre d’accord pour lever l’embargo sur les armes destinées aux rebelles syriens et maintenir l’ensemble des sanctions prises depuis deux ans contre le régime de Bachar al-Assad.

Une telle décision, qu’il faut saluer, constitue un moyen de pression sur le gouvernement syrien face à son refus de négocier une sortie de crise.

Cependant ces armes, dont l’envoi sera effectif à partir du 1er août, sur un terrain sans aucune force de contrôle véritable, ne risquent-elles pas de tomber entre de mauvaises mains ? Une course aux armements n’est-elle pas à craindre et un accroissement de l’intensité des combats à redouter ? Ne faut-il pas plutôt privilégier la solution politique ?

À ce titre, la conférence internationale sur la Syrie, organisée à l’initiative des États-Unis et de la Russie dans le but d’ouvrir des négociations entre des représentants de l’opposition et ceux du régime Assad, prévue en juin, a été reportée. Pourriez-vous nous préciser, monsieur le ministre, si elle doit se réunir prochainement ? Quelle est la position de la France ? Comment jugez-vous l’action de l’Europe qui, dans ce domaine comme dans celui de la défense, a beaucoup de progrès à faire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RRDP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires étrangères.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères. Vous avez bien résumé la tragédie syrienne, monsieur le député.

De façon générale, l’Europe se situe du bon côté, c’est-à-dire du côté des résistants opposés au dictateur Bachar al-Assad, mais il y a, vous l’avez souligné vous-même, un certain nombre de différences et de nuances.

En ce qui concerne l’action humanitaire, l’Europe est unie et, pour donner un ordre de grandeur, ce sont 600 millions d’euros sur deux ans que nous allons apporter à la population syrienne durement frappée. Sur les sanctions financières, elle est également unie.

En ce qui concerne la levée de l’embargo, nous avons pris il y a quelque temps une décision qui doit s’appliquer à partir du 1er août. La situation doit évidemment être examinée très précisément car, s’il y a livraison d’armes, elles doivent être traçables et ne pas se retourner contre nous.

L’élément essentiel, c’est la conférence de Genève. Il y a eu hier, vous le savez sans doute, une réunion entre les Russes, les Américains et M. Brahimi. Cette réunion n’a pas été conclusive, c’est-à-dire que la conférence de Genève souhaitée par nous, souhaitée par les Européens, ne se réunira vraisemblablement pas rapidement.

Pour qu’elle puisse déboucher, il faut un rééquilibrage sur le terrain car, si les résistants sont défaits à la fois par Bachar-el-Assad, les Iraniens et le Hezbollah, très présents, cela rend leur participation très difficile. Nous travaillons donc dans cette direction pour trouver une solution politique, qui, je le répète, demande un rééquilibrage sur le terrain.

En tout cas, quelles que soient les nuances entre les différents pays d’Europe, et je vous rejoins volontiers lorsque vous dites qu’il y a des progrès à faire, la France, vous l’avez constaté, est en permanence au premier rang pour l’engagement et la conviction. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Retraites

M. le président. La parole est à M. Fernand Siré, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Fernand Siré. Ma question s’adresse à M. le Premier ministre, qui a été absent tout au long de cette séance.

Le trompe-l’œil, tel est l’art dans lequel votre gouvernement est devenu un expert. J’en veux pour preuve votre traitement des sujets sociaux, à mille lieues des mesures courageuses prises par un grand nombre de pays de l’Union européenne, qu’elles soient d’inspiration socialiste ou de droite.

S’agissant des retraites, la précédente majorité avait eu le courage de reculer de deux ans l’âge légal de départ en retraite, à l’unisson d’ailleurs de ce qu’ont pu faire les autres pays européens. Travailler jusqu’à soixante-deux ans en France, est-ce plus dur que de travailler jusqu’à soixante-cinq ans en Belgique, soixante-sept ans en Allemagne, en Espagne ou aux Pays-Bas ?

Grâce à cette mesure de bon sens, les déficits des régimes de retraites ont été divisés par deux. En arrivant aux manettes, qu’avez-vous fait ? Vous avez tout simplement abrogé une partie de cette réforme, générant ainsi de nouveaux dérapages des comptes sociaux.

Le groupe UMP travaille énormément sur ces questions. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Hier encore, le président de la Caisse nationale d’assurance vieillesse nous expliquait que la réforme des retraites engagée en 2010 par le précédent gouvernement avait permis de réduire très fortement le déficit. Ce représentant syndical a d’ailleurs rappelé que le recul de l’âge légal était la mesure la moins injuste. Pourtant, elle a déjà été écartée par François Hollande.

Alors, monsieur le Premier ministre, quand cesserez-vous de considérer que la France est un pays qui vit à l’écart du monde ? Quand arrêterez-vous votre politique démagogique consistant à proposer des mesures sans prévoir les moyens de les financer ? Quand cesserez-vous de prendre des mesures cosmétiques qui n’ont aucun effet…

M. le président. Merci, monsieur Siré.

La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé. Si le Premier ministre est absent, monsieur le député, c’est parce qu’il est en voyage outre-mer. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Il est allé en Martinique rendre hommage à Aimé Césaire (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes SRC et écologiste) et il fera ensuite un déplacement en Guadeloupe.

Vous affirmez que les régimes de retraite sont plus contraignants à l’étranger qu’en France, ce qui devrait nous obliger à adopter la seule recette que semble connaître la droite : le relèvement de l’âge légal.

Puis-je me permettre de vous rappeler, puisque vous avez l’air de l’ignorer (Protestations sur les bancs du groupe UMP), que l’âge légal à l’étranger correspond à l’âge de départ en retraite à taux plein dans notre pays, que vous avez porté de soixante-cinq à soixante-sept ans.

M. Guy Geoffroy. Revenez dessus !

Mme Marisol Touraine, ministre. Lorsque vous faites des comparaisons avec les pays étrangers, comparez ce qui est comparable, c’est-à-dire soixante-sept ans en Allemagne en 2029 et soixante-sept ans en France en 2016, puisque cela a été le sens de votre réforme.

M. Christian Jacob. Pourquoi pas soixante ans pour tout le monde ?

Mme Marisol Touraine, ministre. Vous le voyez, les différences ne sont pas si grandes que cela et les résultats sont assez comparables.

M. Guy Geoffroy. Elle est docteur ès langue de bois !

Mme Marisol Touraine, ministre. Dans notre pays, les salariés partent d’ailleurs en retraite à peine plus tôt que dans d’autres contrées.

Vous avez critiqué le Gouvernement pour la mesure qu’il a prise en arrivant aux responsabilités. Cette mesure, nous la revendiquons et nous l’assumons, parce que la justice doit être au cœur des politiques de retraite. C’est pour nous une fierté d’avoir permis à des hommes et à des femmes ayant commencé à travailler jeunes, avant vingt ans,…

M. Christian Jacob. Vous n’avez rien permis du tout, c’était prévu !

Mme Marisol Touraine, ministre. …et ayant cotisé plus de quarante annuités de partir en retraite dès soixante ans sans attendre soixante-deux ans comme vous le souhaitiez. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC et quelques bancs du groupe écologiste.)

M. le président. La séance des questions au Gouvernement sur des sujets européens est terminée.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt, sous la présidence de M. Christophe Sirugue.)

Présidence de M. Christophe Sirugue
vice-président

M. le président. La séance est reprise.

2

Projet de fermeture
de l’usine Goodyear d’Amiens-Nord

Discussion d’une proposition de résolution
tendant à la création d’une commission d’enquête

M. le président. L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote sur la proposition de résolution de Mme Pascale Boistard et plusieurs de ses collègues tendant à la création d’une commission d’enquête sur le projet de fermeture de l’usine Goodyear d’Amiens-Nord, tant dans ses causes économiques et financières que dans ses conséquences économiques, sociales et environnementales (nos 1018, 1168).

Explications de vote

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que chaque orateur dispose de cinq minutes pour s’exprimer.

Dans les explications de vote, la parole est à Mme Pascale Boistard, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Mme Pascale Boistard. Monsieur le président, monsieur le ministre du redressement productif, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, le 26 avril 2013, Richard Kramer, PDG du groupe Goodyear, faisait part publiquement de sa satisfaction : « Malgré un environnement économique difficile, nous continuons à enregistrer une amélioration solide de nos bénéfices. »

L’entreprise venait en effet de confirmer ses prévisions d’un bénéfice d’exploitation compris entre 1,4 et 1,5 milliard de dollars. Pourtant, trois mois plus tôt, Goodyear annonçait un projet de fermeture de l’usine d’Amiens-Nord, arguant d’un manque de compétitivité et de pertes financières. Mes chers collègues, quelle duplicité !

Vous en conviendrez, la bonne santé financière revendiquée par Goodyear est assez incompatible avec l’argument économique invoqué à l’appui des suppressions d’emplois. C’est d’ailleurs ce qu’ont toujours soutenu les salariés de l’entreprise, qui luttent depuis six ans pour maintenir un savoir-faire et des emplois dans une région déjà très durement touchée par la perte de ses activités industrielles. Et rien ne leur aura été épargné.

Pourtant, à plusieurs reprises, la justice sanctionnera Goodyear. Le ministre du redressement productif l’a rappelé ici même le 5 février 2013 : « Le Gouvernement a en effet constaté que Goodyear, jusqu’à présent, a échoué à démontrer la justification de son plan social puisque celui-ci a été annulé à deux reprises, en 2009 et en 2011. »

Il semble que, depuis quelques années déjà, l’industriel désire en réalité délocaliser ses activités de production. Les salariés français sont pourtant caractérisés par leurs compétences et leur savoir-faire, des atouts essentiels dans une industrie pneumatique aujourd’hui en difficulté.

Mme Barbara Pompili. Tout à fait !

Mme Pascale Boistard. Mais pour Goodyear, qu’importent le niveau du savoir-faire et la qualité du produit fini puisque seuls les profits comptent.

Cette logique de profit court-termiste ne pose d’ailleurs pas que des problèmes économiques, sociaux et environnementaux. Dans le domaine des pneumatiques, la recherche de coûts de production toujours plus bas pose également des problèmes en matière de sécurité.

Ces risques sont au demeurant parfaitement assumés par M. Maurice Taylor, le président du groupe américain Titan, un autre protagoniste du dossier Goodyear, comme le montrent les courriers qu’il a adressés au ministre du redressement productif. Entre deux insultes adressées au Gouvernement ou aux ouvriers français, le PDG de Titan annonçait avec cynisme : « Titan va acheter un fabricant de pneus chinois ou indien, payer moins de 1 euro l’heure de salaire et exporter tous les pneus dont la France a besoin. » Voilà la réalité du dossier Goodyear.

Notre assemblée doit se donner les moyens de rechercher si les tractations engagées entre Titan et Goodyear étaient fictives, comme tendrait à le laisser penser l’enchaînement des événements. Notre assemblée doit se donner les moyens de rechercher si Goodyear a en réalité tenté de dissimuler une délocalisation. Notre assemblée doit se donner les moyens de rechercher si tout a été sincèrement entrepris pour sauvegarder l’activité industrielle et donc les emplois.

En effet, il y a deux mois, à l’issue d’un examen sommaire, la direction de Goodyear s’empressait de rejeter la proposition de création d’une SCOP, une société coopérative et participative, par les salariés de l’usine Goodyear d’Amiens-Nord.

Malgré ces six longues années d’incertitude et de stress, les hommes et les femmes travaillant à Amiens-Nord continuent de faire preuve d’une dignité et d’un courage remarquables.

Mme Chantal Guittet. Bravo !

Mme Pascale Boistard. Mes chers collègues, j’emprunterai ici les mots que Zola adressa au Président Faure : « Puisqu’ils ont osé, j’oserai aussi, moi. […] Mon devoir est de parler, je ne veux pas être complice. »

La création d’une commission d’enquête permettra de déterminer les réelles intentions de l’industriel et de le mettre face à ses responsabilités. En outre, la commission d’enquête aura pour objet de veiller à l’anticipation et à la minoration des conséquences sociales et environnementales en cas de fermeture du site. Chacun ici a pleinement conscience que le tissu industriel dynamise nos territoires et qu’il nous revient de tout faire pour le protéger.

Je suis donc étonnée de la frilosité dont le groupe UMP a fait preuve en commission : sur un sujet de cette importance, l’abstention est un refuge confortable en apparence mais incompréhensible pour celles et ceux qui nous ont élus.

Mes chers collègues, aujourd’hui, il ne s’agit plus ni de majorité ni d’opposition. Il s’agit de restaurer la confiance. Car cette commission d’enquête aura également pour objectif de travailler sur les enseignements que l’on peut tirer du dossier Goodyear du fait de son caractère représentatif.

Au vu du contexte économique et social français, il s’agit en effet pour nous de décourager les pratiques anormales, contraires à l’éthique. Elles nuisent à la santé de notre économie et endommagent fortement le climat social du pays. Cela doit cesser, et je pense que nous nous retrouvons tous dans ce souhait.

Pour conclure, permettez-moi de citer à nouveau ces mots d’Émile Zola, qui expriment mon état d’esprit aujourd’hui : « Quant aux gens que j’accuse, je ne les connais pas, je ne les ai jamais vus, je n’ai contre eux ni rancune ni haine. Ils ne sont pour moi que des entités, des esprits de malfaisance sociale. Et l’acte que j’accomplis ici n’est qu’un moyen révolutionnaire pour hâter l’explosion de la vérité et de la justice. »

Je vous invite toutes et tous à voter la proposition de résolution tendant à la création de cette commission d’enquête. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Alain Gest, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Alain Gest. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, l’annonce faite le 31 janvier 2013 lors du comité central d’entreprise par la direction de Goodyear Dunlop Tires France de procéder à la fermeture de son usine d’Amiens-Nord a plongé le département de la Somme et la ville d’Amiens dans un véritable désarroi.

En effet, les usines de pneumatiques implantées à Amiens depuis le début des années soixante sont, pour la ville, emblématiques de son potentiel industriel. Aujourd’hui, ce projet de fermeture constitue un véritable drame économique et social. Ce ne sont pas moins de 1 173 salariés qui vont perdre leur emploi et ainsi se retrouver, avec leurs familles, plongés dans une situation de profonde détresse.

Il faut ajouter à cela les conséquences économiques de cette fermeture. Le réseau de sous-traitants sera durement impacté et la pérennité de son activité est sans doute menacée. Avec cette fermeture, c’est donc l’économie de tout un territoire qui est fragilisée. Enfin, cela causera un grave préjudice pour les recettes fiscales de la ville, dans un contexte budgétaire déjà difficile.

Les difficultés ne datent pas d’aujourd’hui : la décision de fermer l’usine n’est que le douloureux épilogue d’un conflit entre la direction et le syndicat majoritaire de l’entreprise, qui dure depuis plus de cinq ans. À l’origine de ces difficultés se trouve le refus d’une nouvelle organisation du travail en quatre-huit, qui était jugée plus compétitive par les dirigeants et dont la mise en œuvre était demandée en contrepartie d’investissements sur le site et de garanties pour le maintien de l’emploi à Amiens.

Après l’annulation de plusieurs plans sociaux, les motivations économiques de la fermeture du site sont aujourd’hui une fois de plus contestées. On évoque, cela vient d’être rappelé, une délocalisation inavouée.

C’est pourquoi notre collègue Pascale Boistard a pris l’initiative d’une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête.

L’exposé des motifs de cette résolution ne nous a pas paru répondre à l’impératif de neutralité avec lequel il est souhaitable d’aborder ces travaux parlementaires.

Mme Barbara Pompili. Impératif de neutralité ?

M. Pascal Cherki. Eh oui ! L’UMP reste neutre face aux licenciements !

M. Alain Gest. Le rapport rédigé par la suite conforte pleinement cette analyse, tant il s’apparente à une reprise intégrale du seul point de vue du syndicat majoritaire de l’entreprise. Il suffit pour s’en convaincre de reprendre les titres du rapport : « L’entreprise n’est pas en difficulté », « Une certaine duplicité dans le discours » – cela vient d’être dit –, « Une volonté inavouée de pratiquer des délocalisations », « Les tractations avec le groupe Titan étaient faussées dès le départ », et j’en passe.

Avec de telles affirmations péremptoires, il pourrait même paraître inutile de mener des travaux d’enquête. Or, s’il existe un réel intérêt à tenter d’établir de manière totalement transparente les causes de la fermeture de l’usine d’Amiens-Nord, alors il convient d’aborder cette question sans aucun a priori. Car, en effet, un certain nombre de questions se posent, auxquelles une commission d’enquête pourrait apporter des réponses.

Mme Barbara Pompili. Tiens donc !

M. Alain Gest. Je voudrais en citer quelques-unes. Pourquoi le projet de création d’un complexe industriel unique regroupant les usines Goodyear et Dunlop, qui devait maintenir 2 000 emplois à Amiens, a-t-il échoué ? Quelle a été la réalité du plan accepté chez Dunlop en 2008 en matière d’investissement et d’emplois ? Pourquoi l’organisation du travail en quatre-huit a-t-elle été refusée, alors qu’elle existait dans toutes les usines du groupe ?

La diminution de l’activité de l’usine Goodyear a-t-elle été sciemment organisée ? Et comment peut-on laisser, pendant plusieurs mois, des salariés n’avoir effectivement une charge de travail que de deux ou trois heures par jour ? Y a-t-il eu, ou non, des actes d’intimidation et des menaces pour influencer les résultats des consultations menées, à l’époque, sur le plan proposé ? Quelle a été l’action des collectivités locales en faveur d’une résolution du conflit et dans la recherche d’un repreneur ? Quelle a été l’action du Gouvernement, et particulièrement la vôtre, monsieur le ministre ? Quelle a été l’action du Président de la République ? François Hollande et vous-même, monsieur le ministre, êtes allés assurer de votre soutien les salariés de Goodyear durant la campagne électorale en 2012.

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Et nous y retournerons !

M. Alain Gest. Sur quelles bases repose l’appréciation du cabinet d’expertise Secafi, qui s’est prononcé sur la viabilité de l’activité de pneumatiques de tourisme et sur les investissements nécessaires ?

Nous comprenons la volonté des salariés d’obtenir des réponses claires, donc l’intérêt d’enquêter.

Mme Chantal Guittet. Tout de même !

M. Alain Gest. Il n’en reste pas moins, qu’au nom de mon groupe, il me faut évoquer la fragilité juridique qui entoure la création de cette commission d’enquête. L’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires interdit qu’une commission d’enquête soit créée « sur des faits ayant donné lieu à des poursuites judiciaires et aussi longtemps que ces poursuites sont en cours ». Dans le cas contraire, ce serait une violation du principe constitutionnel de séparation des pouvoirs entre le législatif et le judiciaire.

Madame la garde des sceaux a fait savoir « qu’à sa connaissance, aucune poursuite judiciaire n’a été engagée sur les faits ayant motivé le dépôt de cette proposition. » Or le tribunal de grande instance de Nanterre vient de rejeter, en référé, le 20 juin dernier, la demande de suspension du plan de sauvegarde de l’emploi de la direction, et le délai d’appel de cette décision n’est pas expiré.

D’autres difficultés juridiques existent. Ainsi, l’article 51-2 de la Constitution dit expressément que les commissions d’enquête sont un moyen au service de la mission de contrôle du Parlement. Elles peuvent être créées « pour l’exercice des missions de contrôle et d’évaluation définies au premier alinéa de l’article 24 ». Celui-ci dispose que le Parlement « contrôle l’action du Gouvernement » et « évalue les politiques publiques ».

Enquêter sur le projet de fermeture d’une entreprise privée participe-t-il du contrôle du Gouvernement et de l’évaluation des politiques publiques ? La réponse ne nous est pas apparue d’une totale évidence. J’ajoute enfin, mes chers collègues, que le rôle du Parlement, comme cela a été rappelé en commission, ne peut être d’enquêter sur chaque fermeture de site industriel, aussi douloureuse soit-elle pour les familles concernées.

Mme Barbara Pompili. Donc, on ne peut rien faire ?

M. Alain Gest. Pour ces raisons essentiellement juridiques, vous comprendrez que le groupe UMP ne puisse voter en faveur de la création de cette commission d’enquête et choisisse de s’abstenir, comme il l’a fait en commission.

M. Pascal Cherki. Courage, fuyons !

M. Alain Gest. Il n’en demeure pas moins que si une majorité se dégageait en faveur de cette proposition de résolution, le groupe UMP, comme moi-même, y participerait pleinement.

M. le président. Monsieur Gest, vous faites valoir, à l’encontre de la création de cette commission d’enquête, qu’elle se heurterait à deux obstacles : il existerait des poursuites judiciaires portant sur le champ des investigations demandées, ce qui contreviendrait à l’ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires ; son objet ne serait pas relatif « au contrôle de l’action du Gouvernement ou à l’évaluation des politiques publiques », contrairement à ce que prévoit l’article 51-2 de la Constitution.

Sur le premier point, je vous informe que la garde des sceaux a été interrogée par le président de l’Assemblée et qu’elle lui a indiqué, par lettre en date du 3 juin 2013, qu’« aucune poursuite judiciaire n’a été engagée sur les faits ayant motivé le dépôt de cette proposition ».

Mme Pascale Boistard. Voilà !

M. le président. Les éléments dont vous faites état ayant été portés à la connaissance du président de l’Assemblée, celui-ci a néanmoins réinterrogé, hier, la garde des sceaux. La Chancellerie a confirmé, aujourd’hui même, que les poursuites en question n’ont pas de lien direct avec le site de production amiénois de Goodyear et ne font donc pas obstacle à la création de la commission d’enquête.

En toute hypothèse, l’existence de poursuites judiciaires n’a jamais fait obstacle à la création d’une commission d’enquête ; il appartiendrait à celle-ci, le cas échéant, d’orienter ses investigations de façon à ne pas interférer avec ces poursuites, dans le respect de la séparation des pouvoirs.

Sur le second point, il serait extrêmement paradoxal de considérer que la révision constitutionnelle de 2008 aurait limité l’objet des commissions d’enquête, alors que l’objectif poursuivi par le constituant était au contraire de consacrer leur existence.

Il existe de nombreux exemples de commissions d’enquête ayant un objet comparable avant 2008 – la gestion d’Air Lib en 2002, par exemple – comme après 2008 : l’industrie ferroviaire en 2010, les comités d’entreprise en 2011, la sidérurgie en 2012.

Tels sont les éléments que je me devais de porter connaissance à l’ensemble de l’Assemblée nationale.

Mme Pascale Boistard. Très bien !

M. le président. Nous poursuivons les explications de vote.

La parole est à M. Franck Reynier, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

M. Franck Reynier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis cet après-midi pour l’examen de la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sur le projet de fermeture de l’usine Goodyear d’Amiens-Nord.

Sur tous les bancs de cet hémicycle, nous sommes fermement attachés à la sauvegarde des emplois industriels. Mais cette initiative, inscrite précipitamment à l’ordre du jour, pose plusieurs questions. Nous avons des inquiétudes, non seulement sur la recevabilité juridique de cette proposition de résolution – mais, monsieur le président, vous venez à l’instant de nous fournir des informations –, mais également sur le champ d’action proposé, qui nous semble particulièrement restreint puisqu’il ne porte que sur une unité de production, dans un seul département.

La fermeture d’une usine constitue à bien des égards un drame social et humain, auquel une très grande majorité d’entre nous ont déjà été confrontés dans leur circonscription.

Plus globalement, ce dossier met en évidence les difficultés que rencontre notre pays : le déficit de compétitivité de notre industrie, l’inadaptation de la boîte à outils présidentielle et la pression fiscale sans précédent que le Gouvernement inflige à nos entreprises conduisent inévitablement, hélas, dans tous nos territoires, à des fermetures d’usines qui émaillent quotidiennement nos journaux télévisés.

Allons-nous créer une commission d’enquête à chaque fermeture ? Et pourquoi une telle différence de traitement entre les usines du pneumatique et les autres usines qui composent notre outil industriel ? Les salariés de PSA Aulnay ou ceux du groupe Doux ne méritent-ils pas la même attention de la part de notre assemblée ? Et dans le secteur pneumatique, les salariés de l’usine Michelin de Joué-lès-Tours ne méritent-ils pas une attention semblable ?

Nous comprenons parfaitement l’intérêt politique des auteurs de cette proposition, qui sont issus du département concerné. Mais nous déplorons que la procédure parlementaire soit ainsi dévoyée et que notre assemblée soit sollicitée de la sorte. Le groupe UDI met en garde contre tout risque d’instrumentalisation de la commission d’enquête, laquelle ne saurait être un faire-valoir pour qui que ce soit.

M. Maurice Leroy. Très bien !

M. Franck Reynier. La précipitation qui a présidé à l’inscription de ce texte à l’ordre du jour de la commission et de la séance publique ne nous a malheureusement pas permis de préparer sérieusement son examen. Sinon, nous n’aurions pas manqué de proposer, par exemple, d’élargir son champ d’action à l’ensemble de l’industrie du pneumatique.

L’amendement du président de la commission des affaires économiques, François Brottes, visant à tirer des enseignements de ce cas est évidemment bienvenu, mais il ne répond que partiellement à nos préoccupations.

Enfin, le rapport servant de base à nos discussions constitue un véritable réquisitoire contre la direction de l’entreprise concernée ; les syndicats y sont quasiment représentés comme des victimes héroïques du grand capital. Pourtant, en février dernier, le secrétaire général de la CFDT ne reprochait-il pas à la CGT – ultra-majoritaire dans l’usine – « une position dogmatique », l’accusant de « porter une responsabilité dans ce qui se passe à Goodyear, à part égale avec la direction ».

Les députés du groupe UDI n’ont nullement l’intention de clouer au pilori des boucs émissaires tout désignés, avant même l’ouverture des travaux de la commission d’enquête, laquelle devra faire la lumière sur la responsabilité de chacun. Mais à lire le rapport, les auteurs semblent avoir déjà rédigé les conclusions de cette commission que vous appelez justement à créer.

Mme Barbara Pompili. Vous désignez vous aussi des boucs émissaires !

M. Franck Reynier. Une vision aussi manichéenne des rapports économiques nous renvoie à un autre temps ; elle s’inscrit malheureusement dans la logique de stigmatisation permanente du monde de l’entreprise…

Mme Barbara Pompili. Mais non !

M. Franck Reynier. …qui est pratiquée par l’État depuis maintenant plus d’un an.

Nous souhaitons que cette commission, si elle est créée, mesure les éventuelles défaillances du dialogue social, qui, à l’évidence, a échoué. Elle devra en tirer les conclusions et formuler des propositions à portée générale, dans le but de favoriser l’émergence d’une démocratie sociale véritablement représentative, à l’image de ce qui se pratique en Allemagne. En conclusion, le groupe UDI ne s’opposera pas à la constitution de cette commission d’enquête.

M. Maurice Leroy. Bravo !

M. Thierry Benoit. Excellent !

M. le président. La parole est à Mme Barbara Pompili, pour le groupe écologiste.

Mme Barbara Pompili. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, chers collègues, la situation du site de production Goodyear situé à Amiens a été suffisamment médiatisée pour que chacun d’entre nous ait connaissance de l’impératif, pour les pouvoirs publics, de s’emparer pleinement de cette question.

Depuis plus de cinq ans, les salariés de cette usine amiénoise luttent pour conserver leur emploi. À deux reprises déjà, la justice leur a donné raison. Au début de l’année, l’entreprise a officialisé son projet de fermeture lors d’un comité central d’entreprise, arguant de coûts de production, et notamment de main-d’œuvre, trop élevés.

Nous connaissons le feuilleton qui s’en est suivi pour trouver un repreneur : aucun n’a été en mesure de finaliser son offre. Entre-temps, le PDG du repreneur longtemps pressenti, le groupe Titan, s’est permis d’insulter la France, ses salariés et ses représentants.

Aujourd’hui, la menace de fermeture plane toujours sur 1 200 salariés, leurs familles et tout le bassin d’emploi amiénois.

Bien sûr, il n’est pas concevable d’ouvrir une commission d’enquête à chaque fois qu’une usine se retrouve en difficulté. Mais il n’est pas davantage concevable de regarder une usine fermer sans faire le maximum pour préserver 1’emploi, surtout dans une période aussi critique que celle que traverse notre pays.

Certes, il s’agit d’une entreprise privée, mais, on le sait, le coût social et environnemental d’une fermeture industrielle pèsera sur la collectivité.

À l’heure où ces fermetures deviennent malheureusement communes, il est nécessaire de se pencher concrètement sur les mécanismes qui mènent à cette solution extrême, en termes économiques et sociaux, et sur les stratégies mises en œuvre par certains grands groupes pour justifier des plans sociaux, incompréhensibles aux yeux de nos concitoyens.

Car si le cas de l’usine Goodyear d’Amiens-Nord est singulier, il est aussi représentatif d’un système qui se répète inlassablement, multipliant les coups portés à l’outil industriel de notre pays. Et n’oublions pas que Goodyear dispose d’autres sites en France, qui ont également besoin d’être préservés.

En outre, comme l’a dit Pascale Boistard, certains éléments laissent à penser que cette fermeture d’usine cacherait une volonté de délocalisation des activités de l’entreprise. Si cela était avéré, nous nous retrouverions face à un détournement du droit français.

Nous faisons face à un groupe qui s’est montré particulièrement arrogant dans ses relations tant avec ses propres salariés qu’avec les pouvoirs publics ; un groupe qui importerait déjà des produits fabriqués par Titan, en dehors de tout accord commercial, comme en témoigne un récent constat d’huissier réalisé sur le site d’Amiens-Nord ; un groupe qui a volontairement laissé dépérir une usine en ne réalisant pas les investissements nécessaires et qui dénonce aujourd’hui un outil de travail obsolète ; un groupe qui sait parfaitement à quel point son activité de production de pneus agricoles est rentable.

L’entreprise Goodyear a récemment annoncé des prévisions de résultats qui ne laissent aucun doute quant à la bonne santé financière du groupe. Elle a également rejeté, sans plus d’explications, le projet de reprise en SCOP des salariés.

Vous l’aurez compris, il est temps, aujourd’hui, de faire la lumière sur les intentions de cet industriel et sur la réalité de la situation du site d’Amiens-Nord.

Notre rôle de parlementaires est de contrôler l’application de la loi. S’il s’avère que nos lois sont détournées pour des délocalisations dissimulées, nous devons comprendre comment, et pourquoi.

Si cette commission d’enquête peut aussi permettre aux pouvoirs publics de réaffirmer leur rôle face aux intérêts financiers, nous pouvons nous en réjouir. Il ne s’agit en aucun cas de décourager les investissements internationaux sur notre territoire, mais bien d’envoyer un signal fort sur les exigences de la France quant au respect du droit du travail.

Et il y a matière à s’interroger sur le respect de ce droit quand on connaît les conditions de travail des salariés de ce site. Ainsi, les risques psychosociaux atteignent des sommets tant la situation devient intolérable pour nombre de ces travailleurs. Cette direction n’investit plus et laisse mourir à petit feu l’activité, ce qui conduit à des situations invraisemblables.

On demande aux salariés une présence sur place, sans leur donner de travail. Les salariés passent ainsi des journées entières dans l’attente et le désœuvrement, entretenus dans l’idée qu’ils sont inutiles et que l’issue inéluctable est le licenciement.

Je vous laisse imaginer quel peut être l’impact sur ces salariés qui, pour beaucoup, ont fait toute leur carrière dans cette entreprise et savent que les perspectives de retrouver un emploi à 50 ans sont quasi nulles.

Mais c’est aussi la question de leur santé qui se pose, quand on voit le nombre de cancers développés par des hommes à peine retraités du site. La justice a déjà commencé à se pencher sur l’utilisation de produits cancérigènes dans la production de ces pneumatiques et s’interroge notamment sur le respect de l’information des salariés.

Pour toutes ces raisons, le groupe écologiste est évidemment favorable à la mise en place de cette commission d’enquête. Elle aura le double intérêt d’éclairer un cas particulier, mais aussi des modes opératoires qui persistent depuis trop longtemps dans notre pays : une analyse riche d’enseignements, au regard de l’agenda parlementaire des prochains mois. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Krabal, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

M. Jacques Krabal. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui appelés à nous prononcer au sujet de la création d’une commission d’enquête parlementaire sur la fermeture éventuelle de l’usine Goodyear d’Amiens-Nord.

Au nom des députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, je vous annonce immédiatement que nous accueillons avec bienveillance cette initiative et que nous voterons pour cette proposition de résolution.

La France traverse une période de désindustrialisation massive, qui a des conséquences économiques et sociales graves pour nombre de nos concitoyens. Face à cette situation, nous considérons que notre devoir de responsables politiques est de chercher sans cesse des réponses afin d’améliorer à la fois nos capacités productives et les conditions de travail des salariés, au niveau local et au niveau national.

La situation de l’usine Goodyear d’Amiens-Nord est particulière, mais elle illustre bien la nécessité de l’action de la puissance publique. Certes, l’État n’a pas de baguette magique ; certes l’État ne peut pas tout : soyons réalistes et ne demandons pas l’impossible ! Mais je tiens à le rappeler avec force, avec l’État et avec les collectivités territoriales – que nous ne pouvons pas oublier –, nous ne sommes pas désarmés.

Les collectivités territoriales jouent déjà leur rôle et continueront de le faire. Je pense notamment à la région Picardie, qui suit ce dossier de près. Elle soutient le comité d’entreprise et les salariés. Mais l’objectif, c’est avant tout de trouver des possibilités de réindustrialisation de ce site.

Si, dans ce cas précis, le problème de la reprise du site dépasse largement le cadre local, nous devons agir tous ensemble, en associant bien évidemment les collectivités territoriales, au premier rang desquelles la région Picardie.

Les délocalisations spéculatives sont hélas nombreuses, trop nombreuses. Je pense en particulier avec émotion à tous ces salariés licenciés dans une ville industrielle comme Soissons, elle aussi en Picardie. Des milliers de salariés ont été jetés sur le carreau au cours de ces dernières années : Wolber, Saint Gobain Emballage, Baxi, Focast ou encore la chaudronnerie BSL : à chaque fois, ce sont des drames humains insupportables.

La situation de Goodyear est particulière, marquée par des annonces de reprises, des polémiques violentes, inacceptables, et surtout deux plans sociaux annulés par les tribunaux, Goodyear n’ayant pas réussi à démontrer qu’ils étaient justifiés.

C’est le fondement de notre vote en faveur de la commission d’enquête. Vouloir comprendre et démêler le vrai du faux – ce qui n’est pas facile dans ce dossier – est toujours utile, mais gardons à l’esprit que notre objectif prioritaire et essentiel doit rester la préservation du site industriel et des emplois.

Et puis, je rappelle au passage, comme d’autres collègues l’ont fait, que Goodyear a réalisé un bénéfice d’environ 1,4 milliard d’euros en 2012. Cette proposition de résolution met donc aussi en lumière une tendance lourde de notre système économique, contre laquelle nous devons lutter, à savoir la financiarisation progressive de l’industrie, au détriment de l’emploi et des hommes, financiarisation qui montre bien les limites d’un système qui ne repose que sur le profit à court terme, et ce sur le dos des salariés.

N’oublions pas que si le site d’Amiens-Nord venait à fermer, ce seraient non seulement des emplois qui évidemment disparaîtraient, mais également des savoir-faire, des techniques, une activité locale, des emplois induits, autant de choses qui ne se reconstruisent que très lentement.

Dans ces conditions, une commission d’enquête parlementaire sur ce sujet nous paraît une bonne initiative. Mais les députés du groupe RRDP pensent que nous devons faire plus. Au-delà même de la proposition de loi sur la reprise des sites rentables, nous voulons engager un véritable débat sur ces sujets, et je profite de cette occasion pour vous rappeler la proposition de loi de Jean-Noël Carpentier, cosignée par l’ensemble du groupe RRDP, sur les licenciements collectifs pour motif économique.

Mes chers collègues, même si ces sujets sont complexes dans une économie mondialisée en mutation, marquée par les délocalisations, nous ne devons céder ni au fatalisme ni à la démagogie, et moins encore renoncer à nos ambitions politiques. Nous nourrissons l’espoir que cette commission d’enquête puisse faire la lumière sur ce dossier, mais surtout qu’elle puisse être véritablement utile au maintien de l’emploi sur ce site.

Dans cette perspective, il faudra travailler vite, car le risque est grand que le rapport de cette commission d’enquête arrive trop tard. L’audience sur le recours du comité central d’entreprise pour obtenir l’annulation du plan de sauvegarde de l’emploi est en effet prévue le 6 septembre au TGI de Nanterre. Il y a donc urgence. Les députés du groupe RRDP sont disponibles pour travailler dès que possible à cette commission. Voilà notre état d’esprit au moment de voter cette proposition. (Applaudissements sur les bancs des groupes RRDP, SRC et écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Patrice Carvalho, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Patrice Carvalho. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteure, il nous est proposé, par quatre de nos collègues du groupe socialiste, de mettre en place une commission d’enquête sur le projet de fermeture de l’usine Goodyear d’Amiens-Nord. Je souscris tout à fait à cette initiative.

Goodyear n’est, hélas, qu’un exemple de plus dans le saccage de notre potentiel industriel et des emplois, directs ou indirects, qui lui sont liés. Néanmoins ce dossier-là est emblématique à plus d’un titre. Il l’est par le mode opératoire qu’a choisi la direction, le même que choisissent quasi systématiquement les groupes multinationaux pour aboutir à la liquidation d’un site.

En avril 2013, nous apprenons par la voix du PDG de Goodyear que le groupe, « malgré un environnement économique difficile », selon ses propres termes, continue « à enregistrer une amélioration solide de [ses] bénéfices ». De fait, Goodyear a dégagé un bénéfice net de 26 millions de dollars au premier trimestre, et le bénéfice d’exploitation devrait atteindre, sur l’ensemble de l’année, entre 1,4 et 1,5 milliard de dollars.

Pourtant, depuis cinq ans, Goodyear multiplie les tentatives de fermeture du site d’Amiens-Nord. Motif : la production de pneus tourisme n’est pas compétitive, car les salariés picards sont trop chers et mettent en péril la compétitivité de l’ensemble du groupe. Puis, c’est le secteur agricole qui, lui non plus, ne serait plus rentable.

Ce que nous allons découvrir, c’est que la prétendue « non-rentabilité » est en réalité organisée par Goodyear. Chacun connaît le proverbe : qui veut noyer son chien l’accuse de la rage. En l’espèce, il suffit de diminuer le volume de travail pour ensuite stigmatiser le manque de compétitivité d’un site. Ce que la direction du groupe a en tête, c’est la délocalisation de la production vers des contrées où la main-d’œuvre est bon marché.

Déjà, le 29 mai dernier, un huissier de justice relève sur le site d’Amiens la présence de pneus agricoles « made by Titan », ce qui veut dire qu’une partie de la production et de la vente ont déjà été délocalisées vers les unités d’Amérique du Nord et du Sud, notamment à São Paulo.

Je disais, au début de mon propos, que le dossier Goodyear était emblématique. Il l’est aussi par la lutte des salariés d’Amiens-Nord qui, à plusieurs reprises, ont mis en échec les plans sociaux et montré qu’ils n’avaient aucune justification économique. Ainsi, au début de l’année 2009, le groupe a dû retirer son plan de 402 licenciements. En décembre 2010, un second plan de 820 licenciements connaissait un sort identique.

La commission d’enquête aura à éclairer le scénario de reprise par Titan, qui, comme je viens de le dire, avait déjà pris le relais de la production d’Amiens et se retirera en accusant les salariés picards d’en être responsables. Tout cela relève du cynisme le plus absolu et d’une partie de poker menteur !

Le refus d’examiner la reprise de l’activité par une SCOP est une autre illustration des intentions réelles de Goodyear.

Je tiens à faire observer que la méthode Goodyear est celle que pratiquent tous les groupes pour liquider des emplois et fermer des usines en France. Dans un premier temps, on diminue le volume de production du site dont on organise la mort. On se débrouille, autant que faire se peut, pour que la production, diminuée mais encore maintenue, soit de faible valeur ajoutée, à partir de quoi on se fonde sur le ratio du coût de production par salarié pour expliquer à ces derniers qu’ils ne sont pas compétitifs.

Ainsi installe-t-on dans l’entreprise un climat de crainte et de doute sur l’avenir, afin d’obtenir, non seulement que toute velléité de revendication disparaisse, mais que lorsque la nouvelle du plan social tombe, les salariés, ainsi conditionnés, se résignent en se disant : « Cela devait finir comme ça ».

Le plus souvent, il existe une phase intermédiaire : celle au cours de laquelle il est demandé des sacrifices aux salariés pour sauver le site. Ils doivent alors accepter le gel ou le recul des salaires, l’allongement du temps de travail, et renoncer aux RTT ; les intérimaires et précaires sont remerciés, de même que les plus âgés. Dans le même temps, les produits qui ne sont plus fabriqués sur place le sont sur d’autres sites, le plus souvent à l’étranger, là où la main-d’œuvre est bon marché. Enfin, souvent, le jour où la liquidation est annoncée, la direction se débrouille pour que la nouvelle tombe comme une évidence.

J’ai vécu ce scénario dans ma circonscription, chez Continental à Clairoix. Aujourd’hui, sur les 1 113 salariés jetés à la rue, 482 sont toujours inscrits à Pôle emploi et arrivent en fin de droits.

Et la liste serait longue. En 1999, l’affaire Michelin a ouvert la voie. Cette année-là, la direction annonçait simultanément des bénéfices semestriels en hausse de 20 %, une augmentation des dividendes et la suppression de 75 000 emplois. Dès le lendemain, le cours en bourse de l’entreprise grimpait de 12 %.

En 2009, Total annonçait un bénéfice annuel de 14 milliards d’euros. Près de la moitié de ce gain était destinée à être versée sous forme de dividendes aux actionnaires. Les salariés ne bénéficient que d’une part insignifiante de ce pactole et 555 d’entre eux seront remerciés.

En 2010, les bénéfices d’Alstom s’élevaient à 1,22 milliard d’euros…

M. le président. Veuillez conclure, cher collègue.

M. Patrice Carvalho. En conséquence, monsieur le président, nous voterons, bien sûr, pour la mise en place de cette commission d’enquête, avec le souhait qu’elle comporte des préconisations suivies d’effets, afin de mettre un terme à la braderie de notre industrie et de l’emploi. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et SRC.)

Mme Barbara Pompili. Très bien !

Vote sur la proposition de résolution

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix l’article unique de la proposition de résolution.

(La proposition de résolution est adoptée.)

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

3

Consommation

Suite de la discussion d’un projet de loi

M. le président. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi relatif à la consommation (nos 1015, 1156, 1116, 1110, 1123)

Le temps de parole restant pour la discussion de ce texte est de sept heures quarante minutes pour le groupe SRC, dont 134 amendements restent en discussion, huit heures et quarante-huit minutes pour le groupe UMP dont 486 amendements restent en discussion, deux heures et quarante-neuf minutes pour le groupe UDI dont 94 amendements restent en discussion, une heure et vingt-huit minutes pour le groupe écologiste dont 39 amendements restent en discussion, une heure et trente-cinq minutes pour le groupe RRDP dont 37 amendements restent en discussion, une heure et dix minutes pour le groupe GDR dont 45 amendements restent en discussion, et trente minutes pour les députés non inscrits.

Discussion des articles (suite)

M. le président. Hier soir, l’Assemblée a commencé l’examen des articles, s’arrêtant aux amendements identiques nos 104, 267 et 432, à l’article 1er.

Article 1er (suite)

M. le président. L’amendement n° 104 n’est pas défendu.

Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 267 et 432.

La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 267.

M. Lionel Tardy. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation, mes chers collègues, cette séance s’annonce assez longue et nos travaux devraient se poursuivre jusque tard dans la nuit…

Avec cet article, voici un bel exemple de la façon dont un amendement du rapporteur, soutenu par le Gouvernement, peut venir saper l’équilibre général d’une disposition qui paraissait satisfaisante pour beaucoup d’acteurs, y compris les professionnels.

La procédure normale aura certes l’inconvénient de n’aboutir qu’au bout de plusieurs années, mais ce n’est pas une raison pour en instaurer à la va-vite une nouvelle, dont on cherche encore les avantages. La disposition prévue aux alinéas 24 et 25 de l’article 1er n’a fait l’objet d’aucune étude d’impact, contrairement au reste de la procédure. La décision n’est pas susceptible de recours ce qui est, pour le moins, juridiquement douteux. Mais surtout, vous introduisez ici le système de l’opt-out, c’est-à-dire l’option de retrait.

Oui, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, il s’agit bien d’une procédure d’opt-out. Pour le montrer, je reprendrai, comme l’a fait Laure de La Raudière hier soir, la définition donnée par notre collègue Sébastien Denaja dans son rapport pour avis. L’opt-out est « une présomption d’appartenance au groupe tant que l’intéressé n’a pas manifesté une volonté contraire ».

Or, c’est exactement ce que vous nous proposez avec cette procédure simplifiée. Ces quelques alinéas sont donc en contradiction totale avec le reste de l’article. Ils sont également en contradiction avec les avis et rapports qui ont été produits sur la création d’une action de groupe à la française, et qui conseillaient de privilégier l’opt-in.

Plus largement, sur le plan européen, la Commission et le Parlement sont arrivés aux mêmes conclusions. Pis, ces alinéas sont en contradiction avec l’étude d’impact et la position officielle, selon lesquelles il faut à tout prix éviter de se diriger vers une class action à l’américaine où l’opt-out est la règle, avec les dérives que l’on connaît. La procédure d’opt-out revient à indemniser les préjudices non subis.

Il est donc essentiel de supprimer cette section 2 bis, qui pose beaucoup plus de problèmes qu’elle n’en résout.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad pour soutenir l’amendement n° 432.

M. Damien Abad. Nous sommes ici au cœur du sujet. Comme l’a dit mon collègue Tardy, nous avons le sentiment que l’action de groupe dite « Hamon » a subi un enterrement de première classe au profit de l’action de groupe simplifiée dite « Hammadi ». C’est plus qu’un sentiment, c’est une réalité.

Je suis un peu surpris, monsieur le ministre. J’entends dire que votre procédure est la procédure « principale », tandis que celle de M. Hammadi est la procédure « simplifiée ». Sauf qu’elles n’ont strictement rien à voir. Là où vous faites du opt-in, M. le rapporteur fait du opt-out.

M. Razzy Hammadi, rapporteur de la commission des affaires économiques. D’autres font du hip-hop. (Sourires.)

M. Damien Abad. Et vous le savez bien vous-mêmes. Alors, accordez vos violons. Parce que, franchement, c’est illisible pour les consommateurs. C’est complètement illisible ! Quelle procédure s’appliquera à la place de l’autre ? Lisons le texte : l’alinéa 24 nous parle des consommateurs qui sont « identifiables » ? Que veut dire « identifiables » si nous ne sommes pas dans une procédure d’opt-out ?

L’insécurité juridique est donc extrêmement forte. Mais surtout, cette procédure que la commission a introduite dans le texte à l’initiative du rapporteur, cette procédure dite simplifiée, elle est inconstitutionnelle. Ce n’est pas moi qui vous le dis, mais une décision du Conseil constitutionnel, en date du 25 juillet 1989, qui dit clairement que l’action en justice d’un syndicat pour le compte d’un salarié n’est conforme à la Constitution qu’à la condition que l’intéressé ait été mis à même de donner son assentiment en pleine connaissance de cause.

Vous le voyez, monsieur le ministre, cette procédure d’action de groupe « simplifiée » est inconstitutionnelle. Et en plus, elle est en concurrence directe avec votre propre procédure. Nous avons besoin de lisibilité. Je le répète, vous et votre rapporteur devez accorder vos violons !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur de la commission des affaires économiques, pour donner l’avis de la commission sur ces deux amendements identiques.

M. Razzy Hammadi, rapporteur de la commission des affaires économiques. Je répondrai dans un instant en défendant mon amendement n° 653. Cela étant, faire allusion à l’« enterrement » d’une procédure Hamon par une procédure Hammadi, ce n’est pas très à propos.

M. Lionel Tardy. Si, si, c’est tout à fait ça !

M. Damien Abad. Oui, c’est la vérité !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. D’autant que c’est aujourd’hui l’anniversaire du ministre ! J’en profite d’ailleurs pour vous souhaiter, monsieur le ministre, un joyeux anniversaire, et tout ce que l’on peut souhaiter de meilleur…

M. Thierry Benoit. Que du bonheur !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. …loin des enterrements, qu’il s’agisse d’amendements ou d’autre chose !

Donc, avis défavorable à ces deux amendements. Je m’expliquerai plus longuement à l’occasion de l’amendement que j’ai moi-même déposé.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation, pour donner l’avis du Gouvernement.

M. Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation. Défavorable.

Cet avis est cohérent avec l’avis favorable que nous allons donner à l’amendement de M. Hammadi, qui propose de revenir à la notion de groupe de consommateurs « identifiés » et non plus « identifiables ». Ne se pose donc plus la question de l’opt-out que vous redoutiez et qui pouvait légitimement faire l’objet de remarques de la part des constitutionnalistes. Dès lors, cette procédure accélérée, simplifiée, se justifie parfaitement, parce qu’elle permettra, s’agissant par exemple des clients d’une entreprise de télécom, d’une banque ou d’une assurance, de constituer le groupe de clients directement concernés par l’action de groupe. Et lorsque le juge aura jugé recevable la procédure et aura décidé d’indemniser les clients victimes d’un préjudice, un courrier sera tout simplement envoyé à ce fichier. Ce courrier fera l’objet d’une information auprès de ces clients et comportera un coupon-réponse leur offrant la possibilité d’être indemnisés.

Nous levons ainsi tous les doutes sur la possibilité d’opt-out. Ce sera un opt-in avec publicité. C’est la procédure qu’a retenue le Gouvernement. Voilà pourquoi je suis défavorable à ces deux amendements, et donnerai ensuite un avis favorable à l’amendement n° 653 du rapporteur.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. Le ministre vient d’anticiper puisqu’en donnant son avis sur les amendements tendant à la suppression de la section 2 bis, il a finalement présenté l’amendement de M. Hammadi. Mais si celui-ci change le vocabulaire, en remplaçant « identifiables » par « identifiés », il ne change pas la nature du dispositif. Nous sommes toujours dans une logique d’opt-out ou de quasi opt-out, et pas dans une logique d’opt-in.

Monsieur le ministre, vous avez dit vous-même, hier, dans cet hémicycle, que le Gouvernement reviendrait plus tard sur ce qui concerne les questions de santé ou d’environnement. Il a même été décidé qu’un rapport déterminerait les conditions d’un éventuel élargissement du champ d’application. Dans quels secteurs l’action de groupe va-t-elle s’appliquer ? On le sait bien, il s’agit du secteur bancaire, de la téléphonie mobile, des assurances, c’est-à-diredes secteurs où il existe, par avance, des fichiers clients dans lesquels les consommateurs sont parfaitement déterminés. C’est pourquoi, dans les faits, la procédure qui sera appliquée, ce n’est pas celle que vous avez proposée, monsieur le ministre. Ce sera bien plutôt celle qui a été introduite dans cette section 2 bis par la commission des affaires économiques, et qui porte d’ailleurs bien son nom : « procédure d’action de groupe simplifiée ». J’ai vu que le rapporteur voulait changer de nom, en passant de « simplifiée » à « accélérée », mais elle porte bien son nom, car elle est effectivement plus simple ! C’est donc vers cette procédure-là que tout le monde ira, d’autant que c’est en réalité un opt-out, même si, à la fin de la procédure, c’est vrai, monsieur Hamon, c’est un opt-in. Mais au début de la procédure, c’est un opt-out. Et je veux le dire avec beaucoup de solennité.

J’ai moi-même présenté un amendement qui n’a pas été retenu, mais qui avait pour objectif de trouver un équilibre. J’ai d’ailleurs salué le fait que vous-même, monsieur le ministre, ayez cherché à parvenir à cet équilibre. De la même façon, j’ai rappelé que, dans la loi que j’avais défendue sous la précédente législature, et dont nous avons longuement débattu ici, avait été introduit par le Sénat un dispositif opt-in très proche de celui que vous-même avez retenu au nom du Gouvernement. Mais dans le cas présent, nous sommes face à une difficulté : l’action de groupe Hamon et l’action de groupe Hammadi sont deux dispositifs de nature différente et qui, en réalité, sont en concurrence.

C’est la raison pour laquelle nous avons besoin que vous nous expliquiez dans le détail ce vers quoi vous voulez aller. Et nous devrons profiter de nos débats à venir pour essayer d’affiner l’équilibre. Car aujourd’hui, on voit bien que nous sommes en train d’aller là où le Gouvernement dit qu’il ne veut pas aller. Il est clair que nous sommes ici en passe de franchir une étape qui n’avait pas été anticipée, qui n’avait pas été présentée dans l’accord, ou dans la négociation, ou dans la consultation, ou dans la concertation – je laisse au ministre la paternité des termes qu’il voudra utiliser – avec le monde économique et avec le monde associatif de défense des consommateurs.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. L’option de retrait a un tas de défauts, mais je n’entrerai pas dans le détail. Elle revient notamment à indemniser les préjudices non subis.

Un simple exemple. Suite à une interruption de réseau, de nombreux consommateurs peuvent ne pas avoir été impactés par cette interruption – consommateurs à l’étranger, consommateurs n’ayant pas utilisé le réseau ce jour-là. Avec la procédure d’opt-out, ces consommateurs qui n’ont pas subi de préjudice seront pourtant indemnisés, sauf à instruire chaque cas du groupe, ce qui rend l’action encore plus complexe qu’une procédure d’opt-in.

Mes chers collègues, c’est la mort, notamment, de la relation clients, car ceux qui ont été indemnisés amiablement devront s’exclure de la class action. Vous le savez bien, ils ne le feront certainement pas et seront donc indemnisés deux fois. Par conséquent, l’opérateur aura tout intérêt à ne plus procéder à des indemnisations amiables, pour éviter d’avoir à payer deux fois. Voilà, entre autres, un des défauts de cette procédure d’option de retrait.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Je le répète, si cette procédure simplifiée existe, c’est que l’on reconnaît implicitement que le dispositif initial était trop complexe.

En outre, elle est tellement simplifiée qu’elle est inconstitutionnelle. (Murmures sur les bancs du groupe SRC.) Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le Conseil constitutionnel lui-même !

Mme Anne Grommerch. Oui, il y a au moins un risque d’inconstitutionnalité, reconnaissez-le !

M. Damien Abad. Votre dispositif est illisible. Vous créez deux actions de groupe qui ne sont pas complémentaires, mais concurrentes, et même contradictoires, l’une faisant l’opt-in, l’autre l’opt-out.

Il faut accorder vos violons sur les actions de groupe afin de clarifier la situation. J’ai bien entendu que le rapporteur allait soutenir un amendement n° 653. Mais qu’est-ce que cet amendement ? Après l’enterrement de première classe de l’action de groupe Hamon, cet amendement, c’est déjà l’enterrement de seconde classe de l’action de groupe simplifiée que nous avons adopté en commission. Jusqu’où irons-nous dans ces changements en cascade ? Cela manque de lisibilité et de cohérence.

(Les amendements identiques nos 267 et 432 ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Monsieur le président, je vous demande une suspension de séance de deux minutes.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures vingt-sept.)

M. le président. La séance est reprise.

Je suis saisi d’un amendement n° 653 de M. Razzy Hammadi, qui fait l’objet de plusieurs sous-amendements.

La parole est M. le rapporteur, pour le soutenir.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Cet amendement porte sur la procédure dite « accélérée »…

M. Damien Abad. Simplifiée ! C’est ce qui est écrit dans le rapport !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. …qualifiée d’opt-out par M. Abad. Celui-ci a utilisé l’argument maître déjà avancé hier par l’opposition à l’appui de deux amendements – d’ailleurs contradictoires entre eux – qu’avaient défendus, respectivement, M. Abad et M. Lefebvre. Cet argument, c’est la décision du Conseil constitutionnel de 1989, selon laquelle une action en justice d’un syndicat pour le compte d’un salarié n’est conforme à la Constitution qu’à la condition que l’intéressé ait manifesté la volonté expresse d’être indemnisé.

Cet amendement, donc, écarte tout risque d’inconstitutionnalité. Il vise, en outre, à ne pas laisser croire qu’un opt-out aurait été introduit dans cette loi. Je dis cela tout en défendant fermement le principe de cette procédure accélérée,…

M. Damien Abad. Simplifiée !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. …en accord avec le Gouvernement, et ce pour une raison simple : lorsque le dommage est connu, identique, et que les consommateurs sont identifiés, pourquoi les faire attendre ? Pourquoi les faire attendre, alors qu’ils peuvent être indemnisés très rapidement ?

Nous proposons, dans cet amendement, de remplacer le terme « identifiables » par le terme « identifiés ».

M. Damien Abad. Comment les identifiez-vous ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Soyez attentif, monsieur Abad, car je réponds à l’une de vos préoccupations !

Notre amendement prévoit que chaque consommateur doit être informé, directement et individuellement.

Il rappelle également ce qui est présent tout au long de la procédure, au-delà même de cet amendement, c’est-à-dire la possibilité de recours. D’ailleurs, l’indemnisation des consommateurs n’est mise en œuvre qu’après que la décision de justice est devenue définitive.

Ainsi, nous préservons la simplicité de cette procédure, ainsi que son caractère accéléré, dans le cas particulier où les consommateurs sont identifiés. Nous répondons également, chers collègues de l’opposition, à votre exigence que le texte soit complètement bordé du point de vue de sa constitutionnalité.

M. Damien Abad. Tout cela est bien confus !

M. Lionel Tardy. D’ailleurs, on n’y comprend rien !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. J’appelle donc mes collègues à voter cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir les sous-amendements nos 1029, 1028 et 1026.

M. Damien Abad. Monsieur le président, je voudrais, si vous me le permettez, aborder un point de procédure. Peut-être le règlement a-t-il changé, je ne le sais pas car je viens d’arriver, mais j’avais déposé trois sous-amendements en version papier, ici, en séance. C’est d’ailleurs pourquoi j’ai demandé une suspension de séance de deux minutes. On m’a dit qu’il fallait absolument les mettre sous Eloi pour qu’ils soient reçus par le service de la séance. Je voudrais savoir si c’est maintenant la réalité des choses. J’en ai parlé avec certains de mes collègues, qui étaient aussi surpris.

Je suis forcé de constater que parmi les trois sous-amendements qui sont arrivés, il en est un qui ne correspond pas à ce que j’avais déposé en version papier. Il y a un problème. Je croyais qu’un parlementaire pouvait sous-amender à tout moment, même en cours de débat. Si cette faculté n’est plus possible, cela pose un problème.

M. le président. Il s’agit, cher collègue, d’un sous-amendement qui a été déposé par votre collaborateur, visiblement, via le système informatique. La traçabilité est donc tout à fait aisée. Les choses sont faciles à vérifier.

Cela étant, vous pouvez tout à fait retirer l’un de vos trois sous-amendements s’il ne correspond plus au texte que vous souhaitiez proposer. C’est tout à fait conforme aux habitudes de fonctionnement de notre assemblée.

M. Damien Abad. Je ne voudrais pas demander à nouveau une suspension de séance, monsieur le président. Je vous dis simplement que l’un des trois sous-amendements que j’ai déposés en séance ne correspond pas à ce qui a été déposé sur Eloi, parce que cela a été fait dans l’urgence. J’ai déposé trois sous-amendements en version papier, et je voudrais que ce soient ces trois sous-amendements qui soient discutés. Car il y va de la faculté du parlementaire de sous-amender en séance.

M. Thierry Benoit. Très bien !

M. Damien Abad. Je demande simplement que nous discutions de mes trois sous-amendements en version papier.

M. le président. Dans le mode de fonctionnement de l’Assemblée nationale qui s’applique dorénavant, les sous-amendements doivent passer par le système informatique Eloi,…

Mme Anne Grommerch. Le règlement n’a pas été changé pour autant !

M. le président. …et c’est pour cela que vous avez ici les sous-amendements que vous avez vous-même déposés, même si vous en avez ensuite modifié les éléments à partir de ceux que vous avez déposés auprès du bureau de l’Assemblée nationale.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour un rappel au règlement.

Mme Laure de La Raudière. Ce rappel au règlement porte sur le bon déroulement de nos travaux. Ce n’est pas possible, ça ! Nous n’avons pas Eloi dans l’hémicycle ! Le Gouvernement peut déposer des amendements à tout moment, même en dernière minute. Si nous n’avons pas, nous, la possibilité de sous-amender les amendements qui peuvent être déposés en dernière minute, cela change considérablement nos travaux ! Ce que vous venez de dire n’est absolument pas possible, monsieur le président ! Je vous demande vraiment de changer votre position pour la clarté de nos débats. Quand nous pouvons déposer les sous-amendements par Eloi, bien sûr que nous le faisons, car nous ne sommes pas là pour embêter le service de la séance ! Mais il faut que notre liberté de sous-amendement dans l’hémicycle soit maintenue. Je pense que tous les députés, de droite et de gauche, soutiennent cette position.

M. Thierry Benoit. Oui ! Bien sûr !

M. le président. Tous les sous-amendements, comme les amendements, doivent passer par le système informatique, y compris ceux du Gouvernement. C’est le mode de fonctionnement qui est le nôtre.

Mme Anne Grommerch. Oui, mais ce n’est pas possible en séance !

M. le président. Cela ne vous empêche pas de sous amender, chers collègues, puisque j’ai sous les yeux trois sous-amendements qui ont bien été déposés par M. Abad, sauf erreur de ma part. Que vous ayez ensuite choisi de modifier vos sous-amendements, cher collègue, c’est un élément…

M. Damien Abad. Non !

M. le président. Mais si ! En l’occurrence, ce sont bien les vôtres qui ont été déposés par le système informatique !

La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. On ne peut pas changer les règles du jeu ainsi en cours de route !

M. Lionel Tardy. À moins qu’on n’invoque la technique pour éviter les amendements et sous-amendements de dernière minute !

M. Damien Abad. Je crois honnêtement que nous devons tous nous retrouver sur ce point, car il s’agit ici de l’intérêt du Parlement et de la fonction du député. Je vous explique très concrètement. J’ai déposé trois sous-amendements en version papier quand je suis arrivé ici en séance. Le service de la séance m’a dit : « Nous ne pouvons pas les prendre si vous ne les déposez pas par Eloi ». C’est pour cela que, en urgence, j’ai fait déposer mes sous-amendements par Eloi après le dépôt en papier. Une erreur matérielle a donc été commise. Je ne demande qu’une chose, c’est que l’on maintienne le droit du parlementaire de déposer des sous-amendements en séance quand bon lui semble, sans ajouter un formalisme procédural qui nuit à la qualité de nos débats. Dans ces conditions, je demande une suspension de séance.

M. le président. Je vous propose une nouvelle suspension, afin que vous puissiez, monsieur Abad, apporter les précisions nécessaires concernant vos sous-amendements.

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Rappels au règlement

M. le président. La parole est à M. Marc Le Fur, pour un rappel au règlement.

M. Marc Le Fur. Il ne viendrait à l’idée de personne de mettre en doute la qualité de votre présidence, monsieur le président. Mais la question n’est pas là. Je veux insister sur le fait que le droit d’amender est un droit du parlementaire. Le droit de sous-amender également. Il faut préserver la spontanéité du sous-amendement, parce que celui-ci peut résulter du débat que nous avons sur l’amendement.

Je pense que l’obligation de passer par l’application Eloi nous retarderait inutilement. Il peut être utile de recourir à cette procédure pour certains textes un peu longs ou lorsqu’on se trouve dans une phase délicate du débat, mais il faut que nous puissions sous-amender de façon spontanée, et que la présidence le tolère.

Par ailleurs, je rappelle que nous sommes en temps programmé. Il y a eu des suspensions de séance. Je voudrais, afin d’apaiser parfaitement notre débat, que vous me confirmiez, monsieur le président, que ces suspensions de séance ne seront pas décomptées du temps de parole du groupe UMP, ce qui me semble aller de soi, dans la mesure où il s’agit d’interruptions liées à l’organisation des travaux. Nous n’avons pas demandé ces suspensions dans un esprit dilatoire, mais au contraire dans le but de préserver la spontanéité.

Je suis convaincu que vous accueillerez ces deux demandes avec bienveillance, monsieur le président, et je vous en sais gré par avance.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Il me semble inévitable, dès lors que l’on recourt à un nouveau système informatique, que l’on essuie quelques plâtres, ce qui ne doit cependant pas avoir pour conséquence de réduire notre capacité à accomplir notre travail de parlementaires. (« Très bien ! » sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Il appartiendra à notre président de séance d’en décider, mais je considère pour ma part que le rappel au règlement que vient de faire M. Le Fur était un vrai rappel au règlement, ce qui n’est pas le cas de tous les rappels au règlement de M. Le Fur – j’ai été, dans le passé, un spécialiste de cette question. (Sourires.)

M. Marc Le Fur. Vous faites sans doute allusion à nos débats de septembre 2006 !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. D’autre part, la suspension de séance qui vient de se terminer ayant été faite à l’initiative de la présidence, elle ne saurait être décomptée du temps de parole du groupe UMP, à la différence de la suspension précédente.

Dans la mesure où tout le monde est de bonne foi – ce qui, finalement, arrive assez souvent –, et où l’opposition dépose des amendements, en commission et en séance, sans abuser du sous-amendement spontané, il me paraît souhaitable de conserver une certaine fraîcheur à nos débats. Effectivement, une réponse du rapporteur ou du ministre peut faire surgir une idée nouvelle, à laquelle on n’avait pas forcément pensé avant que ne débute le travail en séance.

M. Thierry Benoit. Tout à fait !

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Pour avoir moi-même recouru à cette procédure à de nombreuses reprises, sans m’être heurté au moindre blocage que ce soit de la part de la séance ou de la présidence, j’estime normal que l’on continue à pouvoir agir ainsi. Je sais que la présidence fait tous les efforts qu’il faut pour que cette fraîcheur puisse être maintenue. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe UMP.)

M. le président. Je remercie le président de la commission d’avoir répondu à ma place, mais je vais tout de même me réapproprier mes prérogatives de président de séance.

Je vous confirme, monsieur Le Fur, que la dernière suspension de séance ayant été à l’initiative de la présidence, elle ne sera pas décomptée du temps de parole du groupe UMP. En revanche, celle qui a précédé, et qui a duré deux minutes, avait été demandée par M. Abad et, à ce titre, elle doit être décomptée, ce qui est normal.

M. Thierry Benoit. La première suspension est donc décomptée ?

M. le président. Oui, et cela me semble normal. C’est conforme au fonctionnement de notre assemblée.

Pour ce qui est du droit d’amendement, je me permets de vous rappeler l’article 44, alinéa 2, de la Constitution, qui prévoit que « le Gouvernement peut s’opposer à l’examen de tout amendement qui n’a pas été antérieurement soumis à la commission. » Certes, les parlementaires disposent d’un droit d’amendement, mais encadré par la Constitution.

M. Frédéric Lefebvre. Mais le Gouvernement ne s’est pas opposé à l’examen des amendements !

M. le président. Je veux simplement répondre à ceux qui me disent que le droit d’amendement s’impose. Non, il ne s’impose pas : il est encadré par certaines règles.

Cela étant, s’il est proposé, dans le cadre du fonctionnement de notre assemblée, d’enregistrer préalablement les amendements et les sous-amendements, c’est tout simplement pour en vérifier la validité juridique, afin que nous ne puissions pas engager l’Assemblée sans avoir eu le temps de le faire – nous ne devons pas perdre de vue que nous faisons la loi. Bien évidemment, une certaine souplesse est nécessaire, mais je rappelle que l’amendement n° 653 de M. Hammadi a été déposé le 20 juin. Que l’on ne vienne donc pas me dire qu’il n’a pas été possible de préparer des sous-amendements.

M. Marc Le Fur. Nous avons eu beaucoup de travail, monsieur le président !

M. le président. Sans aucun doute, monsieur Le Fur, et j’en suis le premier témoin, mais entre le 20 juin et aujourd’hui, il me semble que chacun avait le temps de préparer des sous-amendements.

M. Frédéric Lefebvre. Le débat a eu lieu hier !

M. le président. Même entre hier et aujourd’hui, nous avions largement le temps d’en rédiger. Et je redis que les sous-amendements qui ont été déposés l’ont bien été à l’initiative de M. Abad.

Ces précisions ayant été apportées, il me semble que nous pouvons maintenant reprendre le cours de nos débats.

Article 1er (suite)

M. le président. Le sous-amendement n° 1029 ayant été retiré, si j’ai bien compris, pendant la suspension, je vous propose d’examiner successivement les sous-amendements nos 1028 et 1026, ainsi que le nouveau sous-amendement n° 1030.

La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir le sous-amendement n° 1028.

M. Damien Abad. Avec votre permission, monsieur le président, je défendrai les trois sous-amendements nos 1028, 1026 et 1030, ce qui nous permettra de rattraper un peu du temps que nous avons perdu.

M. le président. Je vous en prie, cher collègue.

M. Damien Abad. Le sous-amendement n° 1028 a pour objet de compléter l’alinéa 2 de l’amendement n° 653 par la phrase suivante : « Le professionnel peut saisir le juge de toute contestation portant sur l’indemnisation des consommateurs ». Il s’agit de permettre au professionnel de faire valoir ses droits à la défense s’il considère que certaines demandes des consommateurs déclarés dans le groupe sont illégitimes.

Le sous-amendement n° 1026 a, lui, pour objet de substituer, à l’alinéa 3 de l’amendement n° 653, au mot « ou » le mot « et ». Il s’agit de préciser le fait que les mesures d’information individuelle des consommateurs ne peuvent intervenir qu’une fois le jugement devenu définitif, c’est-à-dire quand il n’est plus susceptible d’aucune voie de recours ordinaire ni de pourvoi en cassation. Vous m’avez vous-même dit hier, monsieur le rapporteur, qu’il était important que les mesures de publicité n’interviennent qu’une fois le jugement devenu définitif, afin d’éviter ce que l’on appelle le chantage à la réputation, ou une présomption de culpabilité. Ma proposition est donc en cohérence avec la position que vous avez exprimée ici même.

Le sous-amendement n° 1030 – celui qui a mis tant de temps à nous parvenir – est le plus important. Il complète l’amendement n° 653 en indiquant que « seule la réparation des préjudices matériels d’un montant égal ou inférieur à un seuil fixé par décret en Conseil d’État est concernée par le présent article ». En effet, le problème, c’est que vos deux procédures d’action de groupe sont des procédures concurrentes, parfois même un peu contradictoires, et qu’on ne sait plus laquelle est principale et laquelle est secondaire.

M. Frédéric Lefebvre. Moi, je le sais !

M. Damien Abad. L’idée du sous-amendement n° 1030 est de considérer que la procédure prévue par l’amendement n° 653 est une procédure dérogatoire, ne concernant que les petits litiges, jusqu’à un certain seuil fixé par décret en Conseil d’État – cela afin de clarifier les choses et de donner plus de lisibilité au consommateur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les trois sous-amendements nos 1028, 1026 et 1030 ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Je veux d’abord commencer par redire, monsieur Abad, que la possibilité de recours qui fait l’objet de votre sous-amendement n° 1028 est déjà présente tout au long de l’article 1er, en amont comme en aval. Ainsi, cette possibilité de recours est prévue par les nouveaux articles L. 423-5 et L. 423.6 du code de la consommation. Le premier alinéa de l’article L. 423-6 est ainsi rédigé : « Le juge ayant statué sur la responsabilité tranche les difficultés qui s’élèvent à l’occasion de la phase de liquidation des préjudices. »

Deuxièmement, je rappelle que la procédure dite accélérée ne change rien ni à l’amont, ni à l’aval.

Troisièmement, vous avez fait une erreur, monsieur Lefebvre, en affirmant tout à l’heure que les consommateurs allaient se diriger vers telle ou telle procédure. En réalité, ils n’auront en aucun cas le choix d’aller vers une procédure ou l’autre : c’est le juge qui décide.

M. Frédéric Lefebvre. Ça me rassure !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Si cela vous rassure, j’en suis heureux – c’est, en tout cas, l’esprit du texte.

Quatrièmement, pour ce qui est de la problématique évoquée par M. Tardy sur l’aspect cumulatif des recours, je rappelle que ne sont indemnisés que ceux qui sont lésés. Ce que permet la procédure simplifiée, c’est notamment d’éviter ce que nous redoutons tous, à savoir un choc de complexification.

M. Damien Abad. C’est un aveu !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Il s’agit de faire en sorte que l’entreprise indemnise directement les consommateurs lorsque ceux-ci sont identifiés – comme M. le ministre l’a rappelé, une telle procédure d’indemnisation directe a déjà été mise en œuvre par les entreprises de téléphonie lorsque certains problèmes sont survenus. Cette action de groupe accélérée est celle qui se trouve le plus en phase avec la pratique actuelle, lorsqu’une entreprise disposant d’un fichier de clients souhaite résoudre à l’amiable une situation leur ayant causé un préjudice.

M. Lionel Tardy. Mais ça ne marche pas !

M. Frédéric Lefebvre. N’enterrez pas trop vite le dispositif du ministre !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. La commission est donc défavorable à ces trois sous-amendements, monsieur le président

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les trois sous-amendements nos 1028, 1026 et 1030 et sur l’amendement n° 653 ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Comme je l’ai dit tout à l’heure, je suis favorable à l’amendement n° 653 du rapporteur. S’agissant des trois sous-amendements, je partage son avis défavorable, pour les mêmes raisons que celles qu’il a exposées, notamment parce que certaines des préoccupations de M. Abad sont d’ores et déjà satisfaites.

Je veux redire ce qui va se passer avec la procédure dite simplifiée. Le juge aura tout simplement la possibilité, quand un fichier de clients sera d’ores et déjà constitué et qu’une décision d’indemnisation sera prononcée, de décider que soit notifiée aux clients la possibilité d’être indemnisés, afin que ceux-ci puissent manifester leur volonté expresse d’être indemnisés. C’est donc une procédure d’opt-in, qui respecte un principe général du droit et un principe constitutionnel.

J’espère, monsieur Abad, que les précisions que je viens de vous donner vous permettront de vous rallier à une proposition donnant la possibilité au consommateur d’être indemnisé beaucoup plus rapidement, tout en respectant sa volonté expresse de s’agréger ou pas à la possibilité d’être indemnisé.

Je remercie M. le rapporteur pour son amendement n° 653, auquel je donne un avis favorable, et je suis, par contre, défavorable aux trois sous-amendements de M. Abad.

M. le président. La parole est à M. Germinal Peiro.

M. Germinal Peiro. Sans préjuger du fond, j’attire l’attention de notre assemblée sur le fait que l’amendement n° 1030 comporte une erreur de rédaction, le verbe n’étant pas accordé avec le sujet.

M. le président. Nous en prenons note, monsieur Peiro, et le sous-amendement sera rectifié en conséquence avant d’être mis aux voix.

La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. J’aimerais que vous m’éclairiez, monsieur le rapporteur, sur une question à laquelle je n’ai toujours pas obtenu de réponse. Les clients qui auront été indemnisés amiablement devront-ils s’exclure d’eux-mêmes de la class action ? S’ils ne le font pas, cela voudrait dire qu’ils pourraient être indemnisés une deuxième fois.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Je suis quelqu’un d’ouvert, qui écoute les arguments.

Pour ce qui est du sous-amendement n° 1028, je veux bien vous entendre, monsieur le rapporteur et monsieur le ministre, sur le fait qu’il soit satisfait, et j’accepte donc de le retirer. Mais vous ne m’avez pas répondu sur les deux autres sous-amendements, notamment sur la notion de seuil.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Comment ça ?

M. Damien Abad. Ne faites pas semblant d’être surpris, monsieur le rapporteur : vous n’avez pas répondu à la question du seuil, qui est pourtant une question centrale.

Vous nous dites que nous allons passer d’un groupe identifiable à un groupe identifié, autrement dit de l’opt-out à l’opt-in. En toute sincérité et en toute honnêteté, ce sera un mélange des deux. Vous-même le savez. Il ne faut pas nous chercher à nous tromper là-dessus.

Pour mieux encadrer vos deux actions de groupe, qui vont tout de même devoir coexister, je vous propose une clarification par le sous-amendement n° 1030 – j’en profite pour remercier M. Germinal Peiro d’avoir suggéré cette rectification –, qui rappelle précisément le caractère dérogatoire de cette procédure.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Elle n’est pas dérogatoire.

M. Damien Abad. Si vous refusez ce sous-amendement, cela signifiera clairement que vous placez les deux procédures au même niveau.

Rappelons enfin, monsieur le rapporteur, qu’il s’agit d’une procédure simplifiée, comme il est écrit dans votre rapport, et non d’une procédure accélérée : le ministre lui-même le reconnaît. Il faut dire ce qui est, et non chercher à masquer la réalité.

Nous faisons un pas vers vous en retirant le sous-amendement n° 1028 ; faites-en de même et répondez-nous sur les sous-amendements n° 1026 et 1030, que nous maintenons.

Quant à vous, monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer si, oui ou non, la procédure dite simplifiée sera, en tant que telle, dérogatoire, moins utilisée que l’autre, ou pas, autrement dit s’il existe ou non une procédure principale ? Et comment ferez-vous pour déterminer que tel groupe de consommateurs est identifié ? D’après ce que j’ai compris, en gros, « identifiable », c’est lorsque vous avez un fichier, « identifié », c’est lorsque vous faites une recherche dans ce fichier en question… Mais concrètement, comment cela se passe-t-il ? Dans une multitude de cas, ce sera impossible, cela va créer des litiges, de la complexité et de l’illisibilité pour le consommateur. Ce n’est pas une, mais deux usines à gaz que vous êtes en train de créer avec ces deux actions de groupe qui vont coexister, se faire concurrence et qui, au final, mettront le consommateur en difficulté.

M. Lionel Tardy. Que de questions !

(Le sous-amendement n° 1028 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Tout tourne autour de la question de savoir si, du point de vue juridique, l’amendement proposé par M. Hammadi correspond à une procédure simplifiée de class action opt-in. Pour l’heure, sur le plan juridique, nous n’en sommes pas convaincus. Le passage de l’identifiable à l’identifié laisse à penser que nous sommes plus dans de l’opt-in, mais la rédaction ne nous paraît pas encore aboutie.

Je souhaiterais obtenir une autre précision sur cet amendement, s’agissant des « consommateurs concernés » mentionnés au troisième alinéa. J’avais préparé un sous-amendement, mais, compte tenu de notre débat précédent, j’ai renoncé à le déposer. Il visait simplement à ajouter, après « consommateurs concernés » Les mots : « et identifiés », sans rien changer au sens. En effet, parlons-nous bien mêmes consommateurs ? Je n’ai finalement pas déposé de sous-amendement – on a vu aujourd’hui à quel point c’est compliqué –, mais la réponse cette question n’en est pas moins importante : au besoin, la rédaction pourrait être revue au Sénat.

M. Lionel Tardy. Les droits du Parlement sont bafoués !

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. Cette question est en effet essentielle. J’ai eu l’occasion de saluer la volonté du Gouvernement et la démarche qu’il a entreprise pour trouver un point d’équilibre sur cette question si sensible – je veux parler de l’action de groupe – sur laquelle, les uns et les autres, nous travaillons depuis des années.

M. le président de la commission des affaires économiques nous a appeler tout à l’heure à préserver la fraîcheur dans nos débats, et je partage entièrement son avis. Reste que nous travaillons dans des conditions qui, on le voit bien, ne permettent pas d’avoir la certitude, juridiquement parlant, que le dispositif proposé par M. Hammadi – très clairement concurrent du premier, tout en ayant l’avantage d’être simplifié – ne rompt pas l’équilibre d’ensemble.

Je vais expliquer pourquoi, à mon sens, l’équilibre risquerait d’être rompu, ce qui répondra d’ailleurs à la question de à Mme de La Raudière. Le fait de se retrouver effectivement dans un dispositif opt-out à l’entrée et opt-in à la sortie pose un problème, par le fait que l’équilibre n’existe plus. Pourquoi ? Plusieurs types de préjudices, chacun le sait, peuvent donner lieu à une action de groupe. Quel est le cas de figure le plus général, celui qu’ont visé tous parlementaires ayant travaillé sur l’action de groupe ? Celui des clients qui ont subi un petit préjudice, et ils sont très nombreux, du fait de la violation de la loi par une entreprise. Sont particulièrement visés en l’occurrence, chacun le sait ici, les services du type de la téléphonie mobile…

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Pas seulement.

M. Frédéric Lefebvre. …je n’ai pas dit : « seulement », monsieur Hammadi, laissez-moi finir ma phrase !

…les services bancaires, les assurances, autrement dit des acteurs économiques qui, par définition, ont des fichiers préexistants de consommateurs.

Dans la quasi-totalité de ces cas, c’est bien la solution de l’action de groupe dite « Hammadi » qui sera choisie…

M. Damien Abad. C’est clair !

M. Frédéric Lefebvre. …par le fait qu’on se trouvera en présence de consommateurs identifiés – puisque figurant sur un fichier –, l’action de groupe dite « Hamon » devenant l’exception : ce sera le cas, par exemple, du consommateur non identifié victime d’un faux rabais, par exemple, ou d’un dispositif de nature à tromper, mais situé en bout de chaîne et totalement inconnu.

Nous allons ainsi nous retrouver avec deux actions de groupe concurrentes : celle qui nous a été présentée par le Gouvernement, à juste titre, comme une action de groupe d’équilibre, dont j’ai moi-même dit que je n’excluais pas de la voter, et celle que propose cet amendement qui vient soudainement rompre l’équilibre et qui va créer une réelle insécurité juridique.

Je ne dis pas qu’il ne faille pas réfléchir à des dispositifs simplifiés ; mais dans la mesure où cette discussion est appelée à durer, ne serait-il pas raisonnable que le « dispositif Hammadi », préparé par la commission, soit retiré, le temps d’y travailler sereinement, en consultant l’ensemble des acteurs, en examinant la question de l’opt-in et de l’opt-out, ainsi que les difficultés juridiques engendrées par cet amendement ? Cela nous permettrait de nous retrouver – il serait dommage de ne pas le faire – sur l’action de groupe présentée initialement par le Gouvernement. Cela n’exclut pas pour autant, monsieur Hammadi, je veux vous rassurer, de parvenir à un accord par la suite. Mais prenons le temps de travailler dans de bonnes conditions et essayons, les uns et les autres, d’améliorer le dispositif du Gouvernement et d’adresser un signal d’équilibre, tout en continuant à travailler sur cette affaire. Mais pour l’heure, les questions que chacun pose de bonne foi mettent en effet en évidence le risque d’insécurité juridique et la rupture d’équilibre.

Tel est, monsieur le ministre, l’objet de ma demande, qui n’est pas dirigée contre le rapporteur. Nous avons le temps de retravailler, puisque, si je ne me trompe, monsieur le président, la procédure accélérée n’a pas été déclarée sur ce texte ?

M. le président. Nous débattons dans le cadre du temps programmé.

M. Frédéric Lefebvre. Nous avons donc largement le temps de travailler : faisons-le donc sérieusement et n’abîmons pas l’occasion qui nous est donnée de nous retrouver sur une action de groupe qui soit équilibrée au lieu de partir dans un dispositif déséquilibré.

M. le président. Nous débattons dans le cadre de la procédure du temps programmé, les interventions des uns et des autres étant décomptées du temps accordé à chacun des groupes.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Tout ce travail, monsieur Lefebvre, a déjà été fait durant nos auditions et des débats en commission. D’ailleurs, ce n’est pas un amendement « Hammadi », mais l’amendement de la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale. Cela change tout ! Mais cela me donne l’occasion, afin de permettre à nos débats de se poursuivre dans la sérénité et la bonne foi, de redire ce qu’est l’opt-in et l’opt-out : je crois que cela prête à quelques hésitations.

L’opt-out, c’est le système américain : lorsqu’il y a un dommage matériel au préjudice des consommateurs, on considère que tous les consommateurs sans exception doivent être indemnisés, qu’ils en aient manifesté ou non leur volonté. Dans l’opt-in au contraire, chaque consommateur doit justifier expressément de sa volonté d’être indemnisé.

Pour répondre clairement à vos questions, en particulier à celle de Mme de La Raudière, la distinction entre opt-in et opt-out ne repose pas tant sur la distinction entre identifiés et identifiables, qui caractérise le support de l’identification, que sur le dernier alinéa de l’amendement, qui suppose très clairement une démarche positive du consommateur – contrairement à mon premier amendement qui ne prévoyait qu’un refus exprès – ce qui montre, monsieur Lefebvre, que nous sommes capables de travailler ensemble…

M. Frédéric Lefebvre. La correction n’est pas suffisante !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Les consommateurs doivent dire expressément : « Oui, nous souhaitons être indemnisés ». C’est cela, l’opt-in, tel qu’il est défini dans le dictionnaire et en droit.

Enfin, pour vous répondre, monsieur Tardy, si je peux toutefois bénéficier de votre attention…

M. Lionel Tardy. Les journées sont longues !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Les journées sont longues, mais mon explication sera courte : je vous renvoie à l’article L. 423-15, selon lequel un consommateur, à titre individuel, en présence d’un même préjudice et à l’égard d’un même professionnel, ne peut en aucun cas être indemnisé deux fois.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je veux à mon tour, une fois pour toutes et pour la clarté de nos débats, redire la différence existant entre les diverses procédures. Il y a l’opt-out et l’opt-in, et dans l’opt-in, il y a deux versions.

Imaginons qu’une entreprise soit condamnée à devoir réparer un préjudice subi par 10 000 de ses clients, que l’on sait identifier dans la mesure où cette entreprise a passé un contrat avec chacun d’eux.

Première hypothèse : l’opt-in fermé. Ne seront indemnisés que les clients qui appartenaient au groupe ayant déclenché initialement l’action en justice. L’indemnisation pourrait par exemple concerner, dans ce cas de figure, deux cents à trois cents personnes, qui recevraient chacune 20 euros, si le juge en décide ainsi.

Deuxième hypothèse : l’opt-in avec publicité. C’est celle que nous avons retenue. Une fois que le juge a reconnu que les consommateurs ont été victimes d’un préjudice chiffré à 20 euros, un courrier est adressé aux 10 000 personnes concernées : seules sont indemnisées celles d’entre elles qui en manifestent la volonté expresse, par l’envoi d’un coupon-réponse.

Troisième hypothèse : l’opt-out. Les 10 000 personnes reçoivent vingt euros sans manifester la volonté expresse d’être indemnisées.

Nous avons fait le choix, pour notre part, de l’opt-in avec publicité.

M. Frédéric Lefebvre. Nous avons tous fait ce choix !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Dans le cadre de ce dispositif, il est signifié à tous les consommateurs figurant sur un fichier déterminé qu’ils sont victimes d’un préjudice et peuvent obtenir réparation en se signalant aux fins d’indemnisation. Ce dispositif respecte les principes généraux du droit.

Dans le cas de la fourniture d’un bien, quelle est la différence ? On repense à l’affaire de la tromperie sur la viande de cheval. On ne connaît pas l’identité de toutes celles et tous ceux qui ont acheté une ou plusieurs barquettes de lasagnes à l’origine de la tromperie. Si le juge décide d’indemniser le préjudice économique, la différence avec le cas précédent, dans lequel le groupe des consommateurs était identifié, tient au fait que les personnes concernées ne recevront pas de courrier, puisqu’on ne les connaît pas. Mais un délai de publicité sera ouvert, et grâce aux moyens appropriés dont on a parlé, on pourra faire savoir à toutes celles et tous ceux qui ont acheté une barquette qu’ils peuvent être indemnisés en se signalant, soit à l’association de consommateurs, soit directement à l’entreprise. Voilà le dispositif que nous souhaitons instituer.

Pourquoi ne retenons-nous pas de seuils ? Parce que cela compliquerait considérablement les choses. Je préfère l’universalité du principe de l’action de groupe, sans entrer dans des seuils, qui, là encore, accroissent la complexité de la procédure.

M. Damien Abad. Ces procédures vont se chevaucher !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Nous avons fait le choix d’une procédure simple : là où un fichier est identifiable, il est beaucoup plus facile d’accélérer la procédure, le juge décidant d’adresser un courrier aux personnes concernées, qui expriment ou non leur volonté d’être remboursées. Là où il n’y a pas de fichier identifié, on utilisera des mesures de publicité.

C’est une mesure très importante. Cette possibilité d’opt-in dite avec publicité garantira le meilleur taux d’indemnisation possible des consommateurs lésés, et surtout l’efficacité et la simplicité de la procédure.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. La procédure simplifiée ne concerne plus seulement les petits litiges de consommation. Le rapporteur nous l’a pourtant présentée en commission – les comptes rendus figurent dans le rapport – en indiquant qu’elle était faite pour ces petits litiges. Il existera un fichier : si tout le monde est identifiable et identifié dans ce fichier, la procédure d’action de groupe simplifiée deviendra extraordinairement importante ! Nous ne sommes plus dans de petits litiges de consommation. Avec le seuil que nous proposons, notre but n’est pas de complexifier mais de clarifier les choses. Dans votre dispositif, les deux actions de groupe se chevaucheront : vous créez ainsi de l’insécurité juridique et par là même de la complexité.

M. le président. Tous les arguments ont été échangés.

Le sous-amendement n° 1028 ayant été retiré, je vais mettre aux voix les sous-amendements nos 1026 et 1030, tel qu’il vient d’être rectifié, ainsi que l’amendement n° 653.

(Le sous-amendement n° 1026 n’est pas adopté.)

(Le sous-amendement n° 1030 rectifié n’est pas adopté.)

(L’amendement n° 653 est adopté et les amendements nos 458 et 679 tombent.)

M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n° 417.

M. Damien Abad. Il est défendu.

(L’amendement n° 417, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n° 408.

M. Damien Abad. Il s’agit de préciser que la médiation n’est pas un préalable mais doit être une volonté des associations, une possibilité et non une obligation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Je veux saluer le travail très intéressant que nous avons conduit avec l’ensemble des organisations de médiation dans le secteur. La loi du 8 février 1995 rappelle que la médiation intervient sur une base volontaire. L’amendement est ainsi satisfait : avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je suis d’accord avec le rapporteur : l’amendement est satisfait. Son auteur pourrait le retirer.

M. le président. Monsieur Abad, maintenez-vous votre amendement ?

M. Damien Abad. Oui.

(L’amendement n° 408 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 574, 817 et 397, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 574 et 817 sont identiques.

Sur le vote de ces deux amendements identiques, je suis saisi par le groupe UDI d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement n° 574.

M. Thierry Benoit. Nous avons demandé un scrutin public sur ces amendements car, comme cela a été indiqué en commission et comme je l’ai dit à nouveau lors de la discussion générale, nous entendons, au groupe UDI, que, dans le cadre de l’instauration de l’action de groupe, la médiation soit privilégiée.

Nous souhaitons que ce processus de médiation facultatif soit une possibilité ouverte tout au long de la procédure, lorsque celle-ci existe, et que cette médiation ait lieu entre le consommateur, l’association et le professionnel.

En commission, monsieur le ministre, vous m’avez répondu que la loi du 8 février 1995 le prévoit déjà. Mais en créant ce nouvel outil juridique, l’action de groupe, nous envoyons un signal par lequel nous laissons croire que la justice serait la solution de nombreux problèmes ; nous pensons quant à nous que la loi doit également comporter le pendant de la judiciarisation, à savoir la médiation, une médiation qui permette à tout moment de la procédure d’apporter des réponses aux questions et de réparer les préjudices économiques subis par les consommateurs.

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 817.

Mme Annie Genevard. Je défendrai également l’amendement n° 397, qui porte sur le même sujet.

Je souscris aux propos de mon collègue Thierry Benoit. Dans le cadre de cette nouvelle procédure, la médiation doit continuer d’exister en tant que mode alternatif de règlement des différends. C’est une technique qui privilégie la volonté de s’entendre entre parties, en leur offrant le cadre d’un véritable dialogue, souvent plus efficace que l’engagement d’une procédure devant le tribunal. Le juge peut également homologuer l’accord et lui donner une force exécutoire. L’homologation permet de protéger efficacement le consommateur.

Le consommateur pourrait être tenté de penser que la démarche judiciaire garantira le plus efficacement le respect de ses droits. Or il est bon de rappeler que la médiation est un mode alternatif tout aussi efficace dès lors qu’elle est encadrée et qu’elle satisfait aux demandes légitimes du consommateur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. L’article 21 de la loi de février 1995 précise que la médiation peut être invoquée en tout état de la procédure. Vous aviez souhaité en commission, monsieur Benoit, que le ministre s’exprime sur le sujet. Comme un scrutin public a été demandé, je vais retourner à ma place pour voter contre ces amendements, pleinement satisfaits, si leurs auteurs ne les retirent pas.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Vous avez, madame et monsieur les députés, parfaitement saisi l’un des objectifs du Gouvernement avec la création de l’action de groupe : nous souhaitons qu’elle soit une arme de dissuasion. Si elle doit encourager la médiation, je m’en réjouis, et ce d’autant plus que, dans le règlement européen sur les règlements alternatifs aux litiges, nous sommes parvenus à convaincre la Commission, en dépit de l’avis du Parlement européen, qui n’y était guère favorable, que la médiation d’entreprise à la française devait être reconnue, que cette forme originale de relation entre les consommateurs et les entreprises devait être valorisée comme un moyen d’éviter du contentieux – du contentieux trop lourd.

La menace même de l’action de groupe, outre qu’elle conduira à un renforcement des services clientèle et après-vente de nombreuses entreprises, ce qui est en soi positif, incitera ces groupes, sous la menace d’un déclenchement des procédures, à recourir à la médiation.

Cela dit, nous considérons que toutes dispositions sont déjà prises dans le présent texte de loi pour favoriser à tout moment une médiation, notamment une médiation judiciaire, et que les amendements ne sont donc pas justifiés. J’en demande le retrait ; à défaut de quoi j’émets un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Tout le monde dénonce la judiciarisation de la société. Je milite, surtout par les temps qui courent, pour une société apaisée, pour une société de la confiance – confiance dans les constructeurs, les fabricants, les commerçants, les distributeurs – et pour la responsabilisation de chacun des acteurs, y compris des consommateurs.

L’amendement que propose le groupe UDI pour compléter l’alinéa 35 ne déstabilise pas l’esprit du texte. Au contraire, nous confortons la volonté de médiation tout au long de la procédure. Il me paraît bon de l’inscrire à cet endroit. C’est pourquoi nous avons demandé un scrutin public et que nous maintenons notre amendement.

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard.

Mme Annie Genevard. Ce que nous demandons, monsieur le ministre, par ces amendements, c’est d’attacher à la médiation la même importance qu’à l’action de groupe, c’est-à-dire à la démarche judiciaire. En ce sens, le fait de rappeler que le recours à la médiation peut être exercé indépendamment de toute procédure et à tout stade de la procédure fortifie la médiation, à tout le moins la met à égalité avec l’action de groupe. Vous avez parlé d’arme de la dissuasion : l’objectif de l’arme de dissuasion, c’est la paix. C’est précisément ce que nous voulons exprimer.

M. Jean-Pierre Dufau. La médiation n’est pas éternelle !

M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour quelques mots.

M. Damien Abad. Nos collègues proposent de créer, à côté de la class action, une class mediation. Celle-ci n’exclura pas celle-là. La médiation n’est pas mauvaise en tant que telle et permet de résoudre un certain nombre de problèmes. On le voit au niveau des entreprises.

M. le président. Je vais maintenant mettre aux voix les amendements nos 574 et 817.

(Il est procédé au scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 67

Nombre de suffrages exprimés 67

Majorité absolue 34

(Les amendements nos 574 et 817 ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n° 397 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques, nos 419 et 816.

La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n° 419.

M. Damien Abad. Il est défendu.

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 816.

Mme Annie Genevard. Défendu.

(Les amendements identiques nos 419 et 816, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 815.

Mme Annie Genevard. Cet amendement vise à rappeler que c’est l’association mandatée par les consommateurs membres du groupe qui négocie et, le cas échéant, conclut un accord avec le professionnel dans le cadre du processus de médiation, au nom et pour le compte de chaque consommateur membre du groupe.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. La nouvelle rédaction de l’article L. 423-8 précise « l’association requérante ». L’amendement est ainsi satisfait et je demande donc son retrait.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Même avis. L’amendement est satisfait par l’alinéa 35.

(L’amendement n° 815 est retiré.)

M. le président. La parole est à Mme Pascale Got, pour soutenir l’amendement n° 749.

Mme Pascale Got. Il s’agit de compléter la procédure de médiation en précisant les délais et modalités selon lesquels les consommateurs y adhèrent.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Je remercie Pascale Got pour cet amendement de précision, qui cadre plus efficacement encore la procédure de l’action de groupe. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je me joins aux remerciements du rapporteur. La majorité et l’opposition partagent la même volonté que l’action de groupe ne tue pas la médiation, mais au contraire l’encourage. Cet amendement, qui précise les conditions de mise en œuvre de la médiation, va dans le bon sens. Le Gouvernement y est très favorable.

(L’amendement n° 749 est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 814.

Mme Annie Genevard. C’est un point que nous avons déjà évoqué. Cet amendement vise à rappeler que le juge doit privilégier au cas par cas les mesures de publicité les moins dommageables et les moins coûteuses pour le professionnel.

(L’amendement n° 814, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n° 650.

M. Razzy Hammadi. Rédactionnel.

(L’amendement n° 650, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 813.

Mme Annie Genevard. Il est défendu.

(L’amendement n° 813, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n° 390.

M. Damien Abad. Nous avons eu longuement hier le débat sur l’insécurité juridique que vous risquez de créer en introduisant le principe de rétroactivité. L’amendement est défendu, même si nous ne sommes vraiment pas convaincus par vos arguments sur ce point-là.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Nous avons usé d’arguments convaincants hier. Avis défavorable.

M. Lionel Tardy. Convaincants pour vous, mais pas pour nous !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. À défaut d’avoir convaincu – mais comme ce seront les mêmes arguments, je ne les répéterai pas –, avis défavorable.

(L’amendement n° 390 n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements, nos 346, 840 et 415, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à Mme Laure de La Raudière, pour soutenir l’amendement n° 346.

Mme Laure de La Raudière. L’amendement n° 346 vise à réduire de cinq ans à un an le délai pour mettre en œuvre une action de groupe à l’encontre d’une entreprise sanctionnée par l’Autorité de la concurrence au titre d’une pratique anticoncurrentielle.

En effet, les manquements des professionnels ayant été établis, puisqu’une décision constatant ces manquements a préalablement été prononcée par les autorités ou juridictions nationales ou de l’Union européenne, il apparaît injustifié de laisser un délai de cinq ans aux associations de consommateurs pour engager une action de groupe dans le domaine de la concurrence.

Cet amendement serait bon pour les consommateurs, parce qu’il inciterait les associations de consommateurs, s’il y a matière à réparation, à agir vite – c’est-à-dire dans l’année qui suit la décision de l’Autorité de la concurrence. Mais il serait bon également pour les entreprises : maintenir le risque d’une telle action durant cinq années leur impose de provisionner à hauteur du préjudice potentiel durant toute cette période au risque de bloquer leur stratégie de développement. Puisque cette mesure est bonne à la fois pour les consommateurs et pour les entreprises, je vous invite, mes chers collègues de la majorité et de l’opposition, à soutenir cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n° 840.

M. Damien Abad. Mon amendement, similaire, repose sur les mêmes arguments. Il est important que pour une entreprise, qui a déjà été sanctionnée par l’Autorité de la concurrence, le délai puisse passer de cinq ans à deux ans.

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement n° 415.

M. Thierry Benoit. Il est défendu.

M. le président. Quel est l’avis du rapporteur sur l’ensemble de ces amendements ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Une fois encore – et comme mes collègues de la majorité, je crois –, j’ai du mal à comprendre votre ligne conductrice : tantôt l’action de groupe n’est pas assez large, tantôt elle n’est pas assez effective, tantôt elle l’est trop : voilà maintenant que votre but est de la restreindre…

M. Damien Abad. Ne caricaturez pas !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. …après avoir voulu l’ouvrir avec votre premier amendement !

Le délai de cinq ans correspond à un alignement avec celui de l’article 2224 du code civil. Il s’agit d’une simplification du droit relatif au délai de prescription reconnu pour tous les faits dans ce domaine. Beaucoup d’actions de groupe ne pourraient pas voir le jour si le délai n’était que d’un an. Cinq ans pour un délai de prescription, cela me semble cohérent, correct, raisonné, équilibré, proportionné et à la hauteur de notre ambition pour cette action de groupe. L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Même avis.

(Les amendements nos 346, 840 et 415, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Razzy Hammadi, pour soutenir l’amendement n° 652.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Rectification d’une erreur matérielle : il ne s’agit pas de la section 8 mais de la section 6.

(L’amendement n° 652, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Razzy Hammadi, pour soutenir l’amendement n° 654.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Il est défendu.

(L’amendement n° 654, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Annie Genevard, pour soutenir l’amendement n° 812.

Mme Annie Genevard. L’amendement n° 812 propose d’ajouter les termes « qui en ont demandé le bénéfice » après le mot « groupe ». Il vise à garantir que la procédure d’opt-in est respectée tout au long de la procédure d’action de groupe, y compris dans le cadre d’un processus de médiation ayant abouti à un accord négocié par l’association avec l’entreprise et homologué par le juge.

M. le président. Quel est l’avis du rapporteur de la commission des affaires économiques ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Je me suis largement exprimé sur la philosophie de l’opt-in. D’ailleurs, il serait bon que nous puissions traduire d’ici à ce soir « opt-in » et « opt-out » et les utiliser en français jusqu’à la fin de nos débats, même si cela n’est pas évident. Profitons de la pause du dîner pour nous mettre d’accord là-dessus, dans un esprit constructif… Je vous propose de retirer votre amendement.

(L’amendement n° 812, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n° 673.

M. Damien Abad. Cet amendement important concerne la question de la connexité des procédures. Votre action de groupe présente une faiblesse supplémentaire : en cas de pluralité des procédures, il existe un risque de conflit entre différentes décisions judiciaires si des TGI spécialisés sont saisis par différentes associations sur un même sujet, avant qu’un des juges ait eu le temps de statuer.

La procédure, telle qu’elle apparaît aujourd’hui, ne prend pas en compte le cas où plusieurs associations seraient saisies dans différentes villes – Marseille, Lyon, Paris ou ailleurs – et pourraient dans un délai assez rapproché saisir différents tribunaux sur un même litige. Dans la mesure où ce projet de loi consacre l’arrêt de règlement – tous les consommateurs se trouvent dans une situation équivalente à celle qui a été jugée –, il convient de donner une cohérence à l’action judiciaire dans l’intérêt des consommateurs et d’éviter des solutions divergentes qui seraient rendues par les différents tribunaux spécialisés.

C’est pourquoi le dessaisissement du tribunal au profit du premier tribunal saisi est une mesure parfaitement légitime. Pourriez-vous nous préciser clairement les risques qui existent, d’autant que le modèle que vous présentez fait courir le risque, dont nous avons parlé hier, des consommateurs dormants ? Prenons des consommateurs A et B qui attaquent dans un TGI et des consommateurs C et D dans un autre. C et D gagnent tandis qu’A et B perdent. A et B pourront-ils bénéficier d’une réparation du préjudice dans la procédure telle que vous l’avez organisée ?

M. le président. Quel est l’avis du rapporteur de la commission des affaires économiques ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Aux termes de l’article 2, vous avez vu que nous précisons dans le texte que seules quelques juridictions seront concernées. S’agissant des règles, des procédures et de l’esprit de la connexité, tout cela est évoqué dans l’article 101 du code de procédure civile. Et d’ailleurs, nous connaissons déjà cette situation. Comment avons-nous fait jusqu’à présent dans le cas des représentations conjointes, alors que plusieurs dizaines de juridictions pouvaient se charger du dossier ? Désormais, moins d’une dizaine de juridictions seront concernées. Je ne vois pas pourquoi ce que nous avons réussi à faire avec plusieurs dizaines de juridictions depuis 1992 nécessiterait maintenant que, sur votre amendement, l’on précise que c’est à la première juridiction saisie que reviendra l’affaire. La connexité est organisée et prévue. Je sais bien qu’il y a eu un certain nombre d’amendements et qu’il y en aura encore qui visent à douter de la capacité du juge…

M. Damien Abad. Cela n’a rien à voir !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. …et qu’il existe dans le débat politique à l’extérieur de cet hémicycle, sinon quelquefois à l’intérieur, une certaine aversion vis-à-vis des compétences et des capacités de discernement du juge. Nous lui faisons confiance pour la connexité, surtout quand il est compétent dans le domaine économique, ce qui sera le cas ici pour l’action de groupe. Avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Même avis, au motif que les articles 100 et suivants du code de procédure civile répondent à la préoccupation de M. Abad.

Mme Laure de La Raudière. Pas du tout !

(L’amendement n° 673 n’est pas adopté.)

M. Damien Abad. Cela n’est quand même pas très satisfaisant.

M. le président. La parole est à Mme Pascale Got, pour soutenir l’amendement n° 453.

Mme Pascale Got. L’amendement n° 453 vise à permettre aux consommateurs qui ont intenté une action individuelle de pouvoir rejoindre une action de groupe. Cela permettrait un juste équilibre entre professionnels et consommateurs – ce même équilibre que nous avons cherché à instaurer dans toutes les étapes procédurales de l’action de groupe.

M. le président. Quel est l’avis du rapporteur de la commission des affaires économiques ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Nous avons eu l’occasion de le préciser plus tôt : l’action de groupe n’annihile en aucun cas les initiatives individuelles et elle n’empêche pas ceux qui ont mené une action individuelle de rejoindre une action de groupe. Vous avez souhaité en commission que cela puisse être précisé, y compris par le ministre ; pour ce qui me concerne, je souhaiterais que vous retiriez votre amendement. Je laisse à M. le ministre le soin de préciser ce que vous vouliez voir préciser.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je vais faire une réponse précise à Mme Got, qui me l’avait déjà demandée en commission. Une action individuelle et une action de groupe menées contre le même professionnel et pour les mêmes manquements ne seront pas nécessairement portées devant des juridictions de même degré, ne reposeront pas sur le même fondement et n’auront pas toujours le même objet. L’exception de litispendance ne pourra donc pas être invoquée.

Par ailleurs, rien n’interdit à un consommateur de renoncer à son action individuelle pour rejoindre le groupe, dès lors qu’il se déclare dans les délais et selon les modalités fixés par le juge. Il n’est pas nécessaire de prévoir une obligation d’information de la part du professionnel, sur l’existence d’une action de groupe menée à son encontre, à l’égard du consommateur agissant contre lui à titre individuel, puisque les mesures de publicité de la décision rendue sur le fondement de l’article L. 423-1 suffiront à informer l’ensemble des consommateurs concernés. Au regard de tous ces motifs, je vous saurai gré de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. La parole est à Mme Pascale Got.

Mme Pascale Got. Je retire mon amendement.

(L’amendement n° 453 est retiré.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. Je veux expliquer mon vote et revenir sur ce que vous avez dit tout à l’heure. Quand je vous demandais s’il y avait une urgence sur ce texte, vous m’avez répondu que nous étions dans le cadre d’une discussion programmée alors que je voulais simplement savoir s’il y aurait une deuxième lecture. Il n’y a pas d’urgence, aussi allons-nous avoir le temps de continuer à travailler. Compte tenu des débats que nous avons eus et de la rupture d’équilibre, alors que je m’apprêtais à voter le dispositif présenté par le Gouvernement, je vais finalement m’abstenir, en ne désespérant pas de pouvoir voter un dispositif dans le prolongement de nos débats.

M. Sébastien Denaja, rapporteur pour avis. Sophismes !

M. Frédéric Lefebvre. J’avais moi-même remarqué – et cela a parfaitement été dit par M. Benoit pour le groupe UDI – qu’il fallait clarifier le sujet de la médiation et l’importance de cette étape. Il y a par ailleurs une nécessité absolue de préciser les choses sur le plan juridique et sur la concurrence entre les deux actions de groupe dont nous venons de discuter, sachant que celle présentée initialement par le Gouvernement ne sera finalement utilisée que de manière accessoire. C’est pourquoi je m’abstiendrai en espérant que la suite des débats me permettra de voter pour le dispositif équilibré que nous avait annoncé le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Nous voici au terme d’une étape importante : le vote de l’article 1er. Comme mon collègue Frédéric Lefebvre, je vais m’abstenir pour trois raisons qu’il nous importait de retrouver dans le dispositif de l’action de groupe, car si nous soutenons cette démarche, nous ne sommes pas satisfaits à cette étape du texte.

Nous avons déposé un amendement sur la définition du groupe et vous l’avez refusé. Nous avons déposé un amendement sur les questions relatives au fait que l’action de groupe doive s’appliquer à des faits postérieurs au vote de la loi, alors que vous allez instaurer la rétroactivité. Enfin, comme nous l’avons rappelé, nous avons échoué à renforcer cette notion très importante pour nous de la médiation tout au long de la procédure de l’action de groupe. C’est pourquoi, à ce stade du débat, le groupe UDI s’abstiendra sur l’article 1er.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. Le groupe UMP s’abstiendra sur cet article 1er. Nous ne sommes pas contre le principe de l’action de groupe, bien au contraire : Frédéric Lefebvre l’a rappelé fort justement et tous nos intervenants l’ont dit. Nous pensons simplement que l’action de groupe, telle que vous l’avez construite, sera inefficace et quasiment inapplicable. Qui plus est, après l’expérience de la procédure dite simplifiée en commission et retravaillée ici en séance, nous avons l’impression de faire face à une concurrence entre deux actions de groupe qui vont se chevaucher. L’action de groupe Hamon a été victime d’un enterrement de première classe par l’action de groupe Hammadi en commission ; et cette même action de groupe simplifiée Hammadi vient d’être victime d’un enterrement de seconde classe en séance : nous le regrettons.

Au bout de ces enterrements en cascade, peut-être finirons-nous par aboutir à un bon dispositif… En attendant, pour vous démontrer que nous sommes une opposition constructive et ouverte, nous nous abstiendrons sur l’article 1er. Nous demeurons en effet favorables au principe de l’action de groupe, mais nous sommes contre les modalités proposées parce que nous considérons que ce dispositif sera inefficace.

Je rejoins les propos de mon collègue Benoit sur la médiation : il est dommage qu’à côté de la class action, vous n’ayez pas voulu mettre en place une class mediation qui aurait permis de résoudre un certain nombre de conflits auxquels les consommateurs doivent faire face.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Durant les débats sur l’article 1er, les députés de la Gauche démocrate et républicaine ont souligné certaines insuffisances et ont défendu des amendements à ce propos. Ainsi, nous avions proposé de modifier la disposition qui prévoit que seules les associations de défense des consommateurs représentatives au niveau national puissent agir pour faire valoir les actions de groupe – nous en avons débattu hier, notamment à propos de l’outre-mer – ; nous avons aussi regretté que l’action de groupe se limite à la seule réparation des préjudices matériels et ne prenne pas en compte dès ce texte de loi l’environnement et la santé.

Cela étant dit, notre groupe a aussi pris acte des engagements du Gouvernement sur l’extension de l’action de groupe aux questions environnementales et aux questions de santé. Nous considérons que cet article est une première avancée. Après dix ans, voire plus, de tergiversations pour la faire entrer notre législation, c’est un premier pas. Je voterai donc, au nom des députés de la Gauche démocrate et républicaine, l’article 1er.

M. Razzy Hammadi, rapporteur et M. Laurent Grandguillaume, rapporteur pour avis. Bravo !

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Allain.

Mme Brigitte Allain. Les écologistes considèrent que l’action de groupe est un grand pas. Nous voterons donc bien évidemment l’article 1er. Prenant acte de l’engagement du Gouvernement de proposer par la suite un texte l’étendant à la santé mais aussi à l’environnement, les deux ministères concernés y travaillant, je retire par avance mon amendement n° 926 portant article additionnel après l’article 1er.

M. le président. La parole est à Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Le groupe RRDP étant favorable l’action de groupe, il votera cet article. Nous regrettons seulement de ne pas avoir été entendus sur la dimension locale de la question et sur la place qui pourrait être dévolue au mandataire judiciaire à la demande de l’association de consommateurs concernée.

(L’article 1er, amendé, est adopté.)

M. Frédéric Lefebvre. Sans vote contre !

M. le président. Je rappelle que Mme Allain a annoncé qu’elle ne défendrait pas l’amendement portant article additionnel après l’article 1er.

M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis. Je le reprends, monsieur le président !

M. le président. Dès lors qu’un amendement n’est pas présenté en séance, il ne peut être repris, mon cher collègue.

Article 2

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit, pour soutenir l’amendement n° 431.

M. Thierry Benoit. En matière de consommation, il est nécessaire d’encadrer l’application des actions de groupe dans le temps afin qu’elles ne s’appliquent qu’aux contrats conclus à l’avenir et aux manquements à des obligations légales survenus postérieurement à l’entrée en vigueur de la présente loi. L’absence de dispositions limitant la mise en jeu des actions de groupe à des faits générateurs postérieurs à l’entrée en vigueur du texte va en effet accroître l’impact financier du dispositif et occasionner des déséquilibres économiques, tant pour les entreprises que pour les assureurs.

(L’amendement n° 431, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 269.

M. Lionel Tardy. Cet amendement de précision concerne le périmètre retenu pour interrompre la prescription de l’action civile. Si on remet en cause la prescription d’une action menée en France au motif que la Commission européenne ou l’équivalent de l’Autorité de la concurrence dans un autre pays membre a été saisie, il convient de s’assurer que c’est bien le même manquement qui est concerné dans les deux pays. On éviterait ainsi de laisser une marge d’interprétation trop importante qui risquerait de poser problème.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Laure de La Raudière.

Mme Laure de La Raudière. Monsieur le rapporteur, monsieur le ministre, je trouve votre réponse un peu rapide… Je ne dis pas que je suis forcément d’accord avec l’amendement de M. Tardy, mais il aborde un point important. Pourquoi êtes-vous défavorables ?

M. Michel Vergnier. La réponse a été claire !

Mme Laure de La Raudière. Claire, d’accord, mais pas précise, mon cher collègue !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. M. Tardy soulève la question du caractère suspensif de l’ouverture d’une procédure, quelles que soient sa forme et l’autorité de la concurrence compétente au sein de l’Union européenne. La commission pense que ce qu’il propose ne va pas dans le bon sens. Je rappelle que la commission a examiné le projet de loi à travers trois prismes de motivation : l’effectivité, le droit du consommateur et l’efficacité. À chaque fois que ces critères ne seront pas respectés, j’émettrai un avis défavorable.

(L’amendement n° 269 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 268.

M. Lionel Tardy. L’amendement n° 268concerne la prescription des actions lorsque l’Autorité de la concurrence ou un de ses équivalents européens est saisie. Il s’agit d’éviter qu’une telle saisine mette fin à la prescription de l’action civile. On risque sinon de se retrouver avec des actions qui vont s’étendre indéfiniment dans le temps : si un consommateur doit attendre quinze ans pour obtenir un dédommagement, l’action de groupe ne présente plus grand intérêt.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Nous sommes contre la réduction des délais pour engager une action de groupe et donc pour le maintien de l’interruption de la prescription.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Même avis.

(L’amendement n° 268 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement n° 455.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Il est défendu ! (Sourires.)

M. Frédéric Lefebvre. Cela montre que vous ne l’aviez pas lu, monsieur le président Brottes. Comme il traite de l’Institut national de la consommation, il me semble important qu’il soit défendu mais aussi écouté.

L’INC, établissement public placé auprès du ministre de la consommation, est chargé notamment d’informer les consommateurs et de suivre l’évolution de la législation et de la jurisprudence. Cet organisme me paraît parfaitement adapté, dans le cadre de sa mission de conseil et d’assistance, pour recueillir les avis des associations représentatives visées à l’article 1er ainsi que pour synthétiser les enjeux juridiques de la mise en œuvre de l’action de groupe. Le rapporteur ayant réécrit son dispositif, je n’ai pas eu l’occasion de défendre un amendement proposant que les publications de l’Institut national de la consommation soient associées à la publicité des opérations prévues à l’article 1er.

Tous les consommateurs savent combien cet établissement public mène une action importante. J’ai rencontré les syndicats de l’INC ; ils m’ont dit qu’ils attendaient que le Gouvernement puisse utiliser ses services. Il serait utile que dans les semaines et les mois qui viennent, vous agissiez avec eux pour les associer à la mise en œuvre de ce texte important qui va nous permettre, on le sait tous ici, de modifier en grande partie l’équilibre existant dans le droit de la consommation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. L’Institut national de la consommation est évoqué dans le rapport, nous avons contacté ses représentants syndicaux, mais ce n’est évidemment pas l’objet du texte actuel. Ils nous ont beaucoup parlé des dix années précédentes d’ailleurs, de la situation dans laquelle ils s’étaient retrouvés, de la manière dont avait été géré notamment le rapport organique à leur journal, de la façon dont leur statut était pris en compte dans les discussions parlementaires sur votre projet de loi… L’ensemble des députés présents sont attachés à l’INC et plus en encore à ses missions ; il serait normal, monsieur le ministre, que son rôle fasse l’objet de travaux précis. Mais je sais que vous y apportez une attention toute particulière, cela a été souligné lors de nos rencontres.

Mais la mission de l’INC, monsieur Lefebvre, c’est le soutien, l’assistance technique aux consommateurs ; ce n’est pas forcément une aide technique aux rapports du Gouvernement. J’ajoute que la précision que vous voulez introduire ne me paraît pas relever de la loi. Le décret déterminant les conditions d’élaboration du rapport prévu à l’alinéa 8 précisera notamment qui sera chargé d’aider les rapporteurs. Je pense que ce serait une bonne idée qu’ils puissent l’être, de manière volontaire, par l’INC, mais un tel amendement n’a pas sa place dans la loi.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. L’INC joue effectivement un rôle important dans l’information des consommateurs et, comme l’a dit le rapporteur, en termes d’assistance technique. Il a surtout un magazine très apprécié des Français, une vraie marque : 60 millions de consommateurs, qui apporte des informations extrêmement utiles. L’INC accomplit également un travail audiovisuel à travers Consomag, lui aussi très apprécié. Je suis évidemment attaché aux missions de l’INC, mais je partage le point de vue du rapporteur : il n’est pas besoin d’inscrire expressément dans la loi ce que sera le concours de l’Institut national de la consommation à la réalisation d’un rapport. Son avis sera bien sûr utile, mais il n’est pas nécessaire de l’écrire dans la loi pour le savoir. C’est en tout cas un lieu auquel je suis attaché ; j’aurai l’occasion de le leur dire directement bientôt et de rassurer les personnels sur les missions que j’attends d’eux.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. J’ai dit « défendu » à la place de M. Lefebvre parce que j’étais touché par l’attention qu’il porte à l’Institut national de la consommation. À l’époque où il était en responsabilité, mes collègues et moi nous étions émus, après avoir échangé longuement avec les syndicats, de la menace qui pesait sur le journal 60 millions de consommateurs. Il était à deux doigts d’être privatisé. Le gouvernement que vous souteniez, monsieur Lefebvre, avait l’intention de sacrifier cette parution très utile pour la pédagogie, l’éducation des consommateurs, pour l’information et pour la transparence. Je suis heureux de voir qu’aujourd’hui dans l’opposition, vous portez à l’INC une attention qui vous honore, mais qui n’honorait pas votre majorité hier puisqu’elle avait l’intention de le sacrifier.

M. le président. La parole est à M. Gilles Lurton.

M. Gilles Lurton. Avant de passer aux votes sur article 2, je voudrais revenir sur une question qui reste pour moi assez inexpliquée. Cet article prévoit dans son alinéa 2 que « des tribunaux de grande instance spécialement désignés connaissent des actions de groupe ». Pourquoi fixer une compétence spéciale à certains tribunaux de grande instance ? Les actions en suppression de clause abusive ne sont, elles, pas réservées à des TGI spécialisés, et il n’y a pas pour autant de problèmes de compréhension de la part des magistrats. En réservant ce type d’actions en justice à quelques TGI – et sur la base de quels critères ? –, le risque est que le contentieux se concentre sur quelques grandes villes. De plus, quels seront les moyens supplémentaires accordés à ces tribunaux ?

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. Je vais rafraîchir la mémoire du président de la commission des affaires économique, car elle semble avoir quelques soubresauts. S’il s’en souvient – mais visiblement, ce n’est pas le cas –, nous avions déjà eu cette discussion, et j’ai été le ministre qui a sauvé le titre 60 millions de consommateurs.

Ce qui est important aujourd’hui – interrogez les syndicats, monsieur le président – c’est que chacun ici soit conscient que l’Institut national de la consommation est l’un des outils majeurs dont disposent le Gouvernement et le ministre.

Pour ma part, je suis tout à fait prêt à retirer mon amendement : à vous entendre, monsieur le ministre, ce n’est pas la peine d’inscrire dans la loi que l’INC sera associé à la rédaction de ce rapport car vous attachez tellement d’importance à cet institut qu’il sera consulté et associé. Si c’est le cas, si j’ai bien compris ce que vous venez de dire, monsieur le ministre, je retire immédiatement mon amendement n° 455.

Je ne veux pas entrer dans la polémique dans laquelle essayait de m’entraîner le rapporteur tout à l’heure. Je connais l’inquiétude de certains salariés de l’INC et je sais aussi à quel point ils ont la volonté d’utiliser leur savoir-faire, leur expérience et leur capacité d’informer notamment avec le magazine 60 millions de consommateurs, pour participer à l’élan qui est donné depuis plusieurs années sur ce sujet essentiel de la consommation.

Monsieur le ministre, si vous me confirmez que vous entendez les associer, notamment à la rédaction de ce rapport, je retire l’amendement dans l’instant.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Que les choses soient parfaitement claires sur l’INC et 60 millions de consommateurs : moi en tout cas, en tant que ministre de la consommation, je ne privatiserai pas 60 millions de consommateurs.

M. Razzy Hammadi, rapporteur et M. Sébastien Denaja, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Cela a pu être l’intention d’autres précédemment, mais moi je ne privatiserai pas 60 millions de consommateurs et je suis attaché à l’INC.

M. Frédéric Lefebvre. Ce n’est pas la question que j’ai posée !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. C’est important !

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. La moindre des choses serait de me confirmer que vous entendez bien associer l’Institut national de la consommation dans le cadre de ce rapport précis sur ce sujet précis. C’est cela, la question que j’ai posée. Votre déclaration était très attendue depuis de nombreux mois alors tant mieux que vous profitiez de l’occasion que je vous donne pour la faire. Je souhaiterais simplement – ce qui n’est pas très compliqué – que vous m’apportiez la confirmation demandée, ce qui permettrait d’envoyer ce signal positif à l’Institut national de la consommation dans un climat de consensus.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. C’est extrêmement simple. Je vous redis ce que j’ai dit et je rajoute même le CNC : l’INC comme le CNC seront associés à la réalisation de ce rapport, de façon à satisfaire M. Lefebvre mais surtout à rassurer, s’il en était besoin, les personnels de l’INC sur les intentions de ce gouvernement.

M. Frédéric Lefebvre. Très bien. Je retire l’amendement.

(L’amendement n° 455 est retiré.)

(L’article 2 est adopté.)

Après l’article 2

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne, pour soutenir l’amendement n° 192, portant article additionnel après l’article 2.

M. André Chassaigne. Je vais vous présenter une série de six amendements élaborés par mon collègue Gabriel Serville et que j’ai cosignés pour pouvoir les défendre en séance et suppléer à son absence.

Ces six amendements ont une caractéristique commune : ils concernent l’amélioration de la protection des consommateurs dans les collectivités d’outre-mer.

L’amendement n° 192 s’appuie sur le constat des difficultés d’approvisionnement et des entraves à la concurrence dans les collectivités d’outre-mer. Il propose d’établir un lien direct avec l’intérêt des consommateurs et le commerce de proximité.

L’amendement n° 191 veut inscrire dans la loi un rôle particulier qui serrait dévolu aux élus locaux. L’ajout d’une mention vise à s’assurer que les élus locaux seront impliqués tout au long de la négociation en vue d’obtenir un accord de modération du prix des produits de consommation courante. Les parlementaires et les présidents d’exécutifs locaux sont en effet les représentants de la population et il semble juste en même temps qu’équitable et efficace qu’ils soient associés aux différentes négociations qui portent sur la modération du prix des produits de consommations.

Nous avons tous en tête les difficultés qu’ont connues plusieurs collectivités territoriales d’outre-mer, il y a quelques années. De façon régulière, ces difficultés ressurgissent et se traduisent par des réactions qui peuvent être très importantes voire assez brutales.

L’amendement n° 188 vise à obliger l’Autorité de la concurrence, dans le cas où elle détiendrait des éléments concernant des pratiques anticoncurrentielles, elle soit tenue de transmettre ces éléments à la juridiction qui en ferait la demande. Il est important qu’en cas de pratique anticoncurrentielle affectant les marchés de nos territoires, l’Autorité de la concurrence ne soit pas juge de l’opportunité des suites à donner à la constatation de pratiques anticoncurrentielles ou d’éléments de ces pratiques.

L’amendement n° 187 concerne les pratiques anticoncurrentielles de certains opérateurs, notamment les plus importants qui sont susceptibles de toucher plusieurs territoires à la fois. Il prévoit la possibilité d’une saisine conjointe qui lui donnerait plus de force et de résonance et inviterait les collectivités d’outre-mer à lutter collectivement contre les abus et les atteintes à la concurrence susceptibles de pénaliser les consommateurs dans les outre-mer.

L’amendement n° 189 prévoit la publication du rapport d’engagement qui constituerait aussi un pouvoir de dissuasion.

Vous comprendrez que mes explications manquent peut-être un peu de précision puisque je remplace Gabriel Serville. Cela étant, je voudrais insister sur l’importance d’envoyer des signaux forts en direction de l’outre-mer. Notre débat d’hier a été assez vif et j’appelle votre attention sur ces différents amendements en vous demandant une réponse suffisamment précise et argumentée au regard des difficultés que posent les questions de consommation, de coût et d’entrave au libre jeu de la concurrence dans les collectivités d’outre-mer.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces six amendements ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. J’ai eu plusieurs échanges avec M. Serville sur ces amendements. Permettez-moi de saluer au préalable Ericka Bareigts, rapporteure de la loi de novembre 2012 qui a donné aux régions d’outre-mer la capacité de saisir l’Autorité de la concurrence. Ce fut une avancée historique.

La lutte contre la vie chère outre-mer – c’était d’ailleurs l’intitulé de cette loi – mobilise tous les élus de ces territoires ; j’ai pu le constater lors de mes échanges avec M. Serville.

Mme Marie-Christine Dalloz. On passe nos journées sur l’outre-mer, il faudrait que l’on aille voir sur place ! (Sourires.)

M. Lionel Tardy. Je suis volontaire !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Comment pourrait-on rendre plus efficaces les pratiques d’instruction de l’Autorité de la concurrence, afin de dissiper les doutes qui peuvent subsister ? Il existe d’ores et déjà, notamment à l’article L. 462-3 du code du commerce, une possibilité de la collaboration. Nous avons auditionné l’Autorité de la concurrence pendant près de deux heures. Ayant pu constater son engagement total à aller jusqu’au bout de chaque affaire – je n’ose dire son zèle, je ne vois pas pourquoi elle ne transmettrait pas des pièces.

J’ajoute que le président de notre commission est très attaché aux compétences, à l’activité et à l’utilité de l’Autorité de la concurrence.

M. Damien Abad. Le rapporteur parle au nom du président, c’est bizarre !

M. Razzy Hammadi. Après les échanges que nous avons eus avec M. Serville, nous pourrons discuter avec les élus d’outre-mer, dans les semaines et les mois à venir, des capacités d’action de l’Autorité de la concurrence, de son utilité, de la manière dont les choses se passent actuellement en outre-mer. On constate que les moyens légaux existants ne sont pas forcément connus et utilisés – je parle une nouvelle fois sous le contrôle d’Ericka Bareigts.

En l’état actuel du droit, je pense que ces amendements sont satisfaits, mais la proposition que je viens de faire leur répond aussi en écho. Monsieur le président de la commission, j’espère que je ne vous prends pas par surprise, sachant que nous avons eu beaucoup de débats à ce sujet par le passé.

M. Lionel Tardy. Très bien !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Ces amendements ont été abondamment discutés lors de l’examen de la loi dite Lurel sur la régulation économique outre-mer dont vous étiez rapporteure, madame Bareigts.

La plupart des questions que vous avez évoquées, monsieur Chassaigne, ont été abondamment débattues, ont fait l’objet de remarques du Gouvernement. Je partage l’avis du rapporteur sur le fait que les préoccupations de M. Serville sont, à bien des égards, satisfaites par la loi.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. J’avais l’intention d’inviter M. Lasserre, le président de l’Autorité de la concurrence, à venir entre les deux lectures de ce texte, pour qu’il puisse nous dire notamment comment l’action de groupe, qui n’a pas forcément à voir avec les pratiques anticoncurrentielles, peut intervenir ou non dans son champ.

Monsieur Chassaigne, je propose que les collègues des départements d’outre-mer, qui ne peuvent évidemment pas être toujours présents avec nous, me fassent connaître leurs disponibilités afin que nous puissions organiser une audition de M. Lasserre en leur présence. Même si vous êtes un excellent porte-parole, cher collègue, il est bon que ceux qui sont sur le terrain puissent poser des questions précises concernant l’application des textes dans les territoires en question.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Ericka Bareigts.

Mme Ericka Bareigts. Monsieur le président Brottes, je vous remercie de cette proposition que nous accueillons de façon très positive. Cette rencontre nous permettra de faire un point car il se pose peut-être un problème de moyens de l’Autorité de la concurrence. Nous aurons l’occasion d’en parler.

Je voulais aussi préciser qu’avec le bouclier qualité-prix créé dans cette loi, nous avons pu travailler sur la concurrence, la transparence et la qualité des produits, donc la protection du consommateur. Nous avons pu aussi associer les associations de consommateurs et les élus dans des échanges sur toute la partie consumérisme et consommation, et sur la problématique de la vie chère dans nos territoires.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je vous remercie pour cet échange et la qualité des différentes réponses qui ont été apportées. Bien évidemment, je prends sur moi de retirer ces amendements, au regard des propos tenus et en particulier de la proposition du président Brottes. Je ne pense pas que cela remettra en cause l’équilibre du groupe que je préside. (Sourires.)

(Les amendements nos 192, 191, 188, 187, 189 et 190 sont retirés.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement n° 626.

M. Frédéric Lefebvre. Défendu.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Il est satisfait par la législation actuelle. Avis défavorable.

(L’amendement n° 626, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre, pour soutenir l’amendement n° 627.

M. Frédéric Lefebvre. Défendu.

(L’amendement n° 627, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n° 444.

M. Damien Abad. Défendu.

(L’amendement n° 444, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 567 et 958, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 567.

M. Lionel Tardy. Cet amendement a pour objet d’introduire une clause de rendez-vous en proposant que, avant le 31 juillet 2015, le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur la mise en œuvre de la présente loi, comprenant notamment un tableau détaillé du nombre d’actions ou médiations collectives introduites, de leurs enjeux et de leurs résultats, ainsi que des propositions permettant, le cas échéant, de remédier aux difficultés constatées.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad, pour soutenir l’amendement n° 958.

M. Damien Abad. Cet amendement s’inscrit dans la lignée de celui que vient de défendre M. Tardy. Il s’agit effectivement de prévoir une clause de rendez-vous par la remise d’un rapport. Nous avons un doute réel sur l’efficacité de la procédure. J’en profite pour demander aussi au rapporteur qui nous a dit hier, notamment lorsqu’il était question de la non-rétroactivité, qu’un certain nombre d’actions de groupe étaient en préparation, ou, du moins, que les associations de consommateurs voulaient se saisir de certains dossiers s’il peut éclairer l’Assemblée à ce propos. Peut-on avoir une idée de ces actions de groupe en préparation ? Sur quoi portent-elles ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Devenu député, je ne suis, vous vous en doutez, monsieur Abad, membre de la direction d’aucune des associations de consommateurs. Si elles ont pu nous annoncer – et ces déclarations sont publiques – qu’elles envisageaient un certain nombre d’actions de groupe, je ne saurai vous dire lesquelles précisément.

Par ailleurs, l’alinéa 8 répond déjà précisément aux demandes de rapport que vous avez défendues, grâce à un amendement présenté par Pascale Got et moi-même. Je vous prie donc, messieurs Tardy et Abad, de bien vouloir retirer vos amendements.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. À la suite, notamment, d’un amendement en commission, du rapporteur, il a été décidé qu’un rapport serait rendu dans un délai de quatre ans. Vous proposez, messieurs les députés, qu’il soit rendu avant le 31 juillet 2015. M. Roumegas proposait pour sa part que ce soit au bout d’un an.

Le Gouvernement pense qu’un délai substantiel doit être laissé pour procéder à l’évaluation de l’action de groupe et de sa mise en œuvre. Je serais prêt à envisager que l’on ramène le délai prévu à l’article 2 de quatre à trois ans. Nous parviendrions ainsi à un juste milieu entre, d’une part, les diverses propositions des uns et des autres qui siégez sur les bancs de cette assemblée et, d’autre part, le texte de la commission des affaires économiques. M. Bricout aussi tenait à ce qu’un rapport soit rendu dans un délai plus court.

Le Gouvernement serait favorable à réduire le délai de quatre à trois ans. Ainsi le rapport serait-il rendu en 2015 plutôt qu’en 2016.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Avec Pascale Got, nous avons proposé cet amendement qui a abouti à l’actuel alinéa 8 de l’article 2 du texte de la commission. Ledit alinéa dispose que le délai prévu est de « quatre ans au plus tard après l’entrée en vigueur de la présente loi ». Voici qu’on nous propose par amendement la remise d’un rapport en 2015, souhait qui fut également exprimé par M. le rapporteur pour avis Jean-Louis Bricout.

Je suggère donc que le Gouvernement nous propose une rectification de cet alinéa 8. Nous la voterons, car cela va dans le bon sens : il faut trouver un juste milieu entre le texte voté par la commission et le souhait exprimé par M. le rapporteur pour avis Jean-Louis Bricout et dans ces amendements. Une convergence est possible et je propose que le Gouvernement, une fois n’est pas coutume – du moins dans le cadre de l’examen de ce projet de loi –, nous montre le bon chemin.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Effectivement, nous avons obtenu des engagements clairs et nets sur l’extension du préjudice santé après les déclarations de Mme Touraine. Nous avons aussi entendu des déclarations, depuis les débats en commission des affaires économiques, sur les préjudices environnementaux. Les choses ont donc un peu évolué et je suis rassuré : vous avez bien pris en compte nos débats et il me paraît pertinent de réduire le délai prévu à trois, voire deux ans. Je remercie donc le Gouvernement et M. le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Il faut donc, je le précise pour la bonne compréhension de nos travaux, que le Gouvernement accepte de modifier l’alinéa 8 de l’article 2, et de remplacer le mot « quatre » par le mot « trois ». Cela permettrait aux auteurs des amendements de retirer ceux-ci, qui seraient alors satisfaits. Le Gouvernement en a le pouvoir et la faculté, l’audace, le talent, la capacité, et je ne doute pas qu’il peut le faire. (Sourires.)

M. le président. Je suis désolé, monsieur le président Brottes, mais l’article 2 a déjà été voté.

Mme Marie-Christine Dalloz. Le président Brottes ne suit pas !

M. François Brottes. Peut-être, alors, le Gouvernement pourrait-il défendre un amendement à l’article 2 à l’occasion d’une prochaine lecture.

M. le président. Je préférerais effectivement que nous procédions ainsi !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je vous remercie, monsieur le président, de nous rappeler le règlement…

Le Gouvernement est prêt à ce que l’alinéa 8 de l’article 2 soit modifié en deuxième lecture, de façon à ramener le délai de quatre à trois ans. Au bénéfice de cet engagement, je vous propose, monsieur Tardy, monsieur Abad, de retirer vos amendements. Et nous suivrions ainsi la recommandation de M. Bricout.

M. le président. La parole est à M. Damien Abad.

M. Damien Abad. S’il s’agissait juste de passer de quatre à trois ans, peut-être pourrais-je rectifier le texte de mon amendement. Simplement, je note une légère divergence : si nous voulons, pour notre part, qu’un bilan soit fait sans préjuger du résultat. Il n’est pas question d’envisager également « les évolutions possibles du champ d’application de l’action de groupe ». Nous voulons seulement savoir si ça marche ou pas. Le but d’une évaluation n’est pas d’anticiper a priori des résultats, c’est de tout mettre sur la table, de regarder et ensuite de juger. Si l’on commence déjà à préjuger du résultat de l’évaluation, ce n’est pas très satisfaisant. Je veux bien que l’on réécrive quelque chose tous ensemble ; encore faut-il que nous soyons bien clairs sur la réécriture.

(Les amendements nos 567 et 958, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Avant l’article 3

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour soutenir l’amendement n° 902

Mme Michèle Bonneton. Cet amendement a pour objet de compléter le titre du chapitre II par les mots « et soutenir la durabilité et la réparabilité des produits ».

L’intitulé actuel ne mentionne pas l’enjeu essentiel de l’impact de la consommation sur les ressources naturelles, enjeu qui est celui de la durée de vie des produits. Or ce chapitre comporte plusieurs mesures relatives à la soutenabilité des produits et visant à favoriser leur réparation. Nous proposons donc de compléter le titre en conséquence.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. L’ajout que vous proposez, madame la députée, est un bon signal dans un texte qui, comme l’a rappelé la discussion générale et M. le ministre, voulait envoyer des signaux, notamment, dans le champ de la réparabilité.

M. Thierry Benoit. C’est important, les signaux !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. C’est certes un néologisme, mais nous le soutenons. Avis favorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Même avis.

(L’amendement n° 902 est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 569 portant article additionnel avant l’article 3.

M. Lionel Tardy. Il s’agit d’insérer un article qui permette à tous les opérateurs de proposer une offre sociale spécifique pour permettre aux foyers les plus modestes d’accéder à l’internet haut débit dans des conditions attractives. Cette offre sera proposée dans le cadre d’une convention conclue entre l’État et les fournisseurs de services de communication électronique, après avis de l’ARCEP.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Nous avons déjà eu cette discussion en commission. Sur le principe, nous en sommes bien d’accord : il est souhaitable que tout un chacun puisse avoir accès au haut débit. Cela dit, il existe déjà des offres spécifiques, et vous vous souvenez comme nous qu’il est arrivé d’instaurer par loi des offres qui, finalement, se révélaient moins avantageuses que ce que proposait le marché.

Une loi sur le numérique est en préparation. Travaillons ensemble et concentrons nos efforts dans la perspective de ce texte pour parvenir à quelque chose d’adapté, d’effectif et d’efficace, qui se traduise dans la réalité. Cela ne me paraît pas pouvoir être le cas avec ce que vous proposez.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Il n’était pas inutile que M. Hammadi rappelle certains exemples. On peut très bien, sans passer par la loi et par conventionnement, envisager de mettre en place des offres sociales. À trop vouloir rigidifier ce type de dispositif, on finit, dans les faits, par être en retard sur l’évolution du marché lui-même. Je rappelle ce qui s’est passé avec les offres sans engagement ou l’offre de Free, à 2 euros les deux heures, quand nous voulions instaurer une offre à 10 euros de l’heure. D’ores et déjà s’organise une offre sociale qui profite au citoyen ; nous sommes donc défavorables à l’amendement.

M. le président. La parole est à Mme Anne Grommerch.

Mme Anne Grommerch. Cette disposition avait déjà été proposée en 2011 dans le cadre de l’examen de la loi Lefebvre et avait alors été adoptée à l’unanimité. Les objections que vous soulevez aujourd’hui ne semblaient alors pas poser problème aux parlementaires qui siégeaient sur les bancs de l’actuelle majorité. J’aimerais savoir quelles sont ces contraintes techniques que vous évoquez aujourd’hui.

Vous avez également déclaré défendre avec ce texte le pouvoir d’achat. Voici l’occasion pour vous de le prouver, de donner un peu de pouvoir d’achat aux plus modestes en leur offrant ce tarif social pour l’accès à internet. Il n’est plus temps d’attendre cette prochaine loi que vous évoquez, qui n’est toujours pas inscrite à l’ordre du jour. Le sera-t-elle donc dans six mois, dans un an, dans deux ans ? On ne sait pas et il y a urgence à agir. Je ne vois pas ce que cela vous coûterait d’accepter cet amendement. Cette disposition profiterait à tout le monde.

M. le président. La parole est à M. Frédéric Lefebvre.

M. Frédéric Lefebvre. Bien sûr, la technologie va souvent beaucoup plus vite que la loi, mais n’oublions pas une chose : à chaque fois que nous avons, tous ensemble, légiféré sur ces questions, on a soudainement vu fleurir une série d’offres. Il ne faut donc pas sous-estimer la force de la volonté politique en pareil cas.

Les positions du ministre et du rapporteur auront le temps d’évoluer et nous n’allons pas allonger la durée de nos débats, mais il serait utile d’envoyer, comme nous l’avions fait il y a quelques mois, le signal de cette volonté politique. C’est en tout cas clairement la volonté de l’UMP et de l’opposition : qu’un chemin soit tracé, avec un signal politique, pour qu’il y ait un tarif social dans ce pays.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Concrètement, sans attendre d’envoyer des signaux, le Gouvernement a mis en œuvre une politique d’inclusion numérique qui repose, à partir des propositions de Fleur Pellerin, sur la création de 5 000 espaces publics numériques, ce qui répondra au double problème de celui qui veut avoir accès à internet : le coût du forfait, sans doute, mais aussi le coût du matériel informatique. Cela se traduira en outre par la création de 2 000 emplois d’avenir. C’est là une réponse très concrète du Gouvernement, favorable à l’emploi et à l’inclusion numérique.

(L’amendement n° 569 n’est pas adopté.)

Article 3

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Massat, pour soutenir l’amendement n° 536.

Mme Frédérique Massat. L’article 3 prévoit d’inclure dans le code de la consommation une définition de la notion de consommateur. L’amendement n° 536 vise à étendre cette définition aux personnes morales.

Cet amendement se fonde sur la jurisprudence et la doctrine, qui considèrent qu’un consommateur est une personne qui n’est pas un professionnel : un consommateur est donc celui qui contracte pour des raisons privées. Il prend acte de l’arrêt du 15 mars 2005 de la Cour de cassation, qui considère qu’une personne morale peut être un non-professionnel, et que la « notion distincte de non professionnel, utilisée par le législateur français, n’exclut pas les personnes morales de la protection des clauses abusives ».

Je propose donc d’ajouter à l’article 3, après le mot « physique », les mots « ou morale ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Ce débat a déjà eu lieu en commission, madame la députée, et vous aviez souhaité que le Gouvernement s’exprime à nouveau, en séance, sur ce que nous avons dit en commission. Lors de nos auditions, nous avons eu l’occasion de rencontrer des représentants d’associations de consommateurs, qui nous ont soumis des cas particuliers, notamment le cas des associations ou des syndicats de copropriétaires. Ces organisations peuvent être en litige en matière de consommation ; elles craignent de ne pouvoir recourir à l’action de groupe dans ce cas, puisqu’elles ne sont pas des personnes physiques, mais des personnes morales. Force est de constater, après le travail réalisé par Annick Le Loch et l’ensemble des parlementaires qui ont participé à la construction de ce projet de loi et à la rédaction de notre rapport, que cela est déjà possible aujourd’hui par la voie de l’action en représentation conjointe : rien n’empêche par exemple une association agissant dans un cadre non professionnel, qui serait liée par un contrat de consommation ou une prestation de service, d’agir en justice.

En revanche, il me semble assez dangereux d’étendre la définition de l’article 3 aux personnes morales, même dans le cas où ces personnes n’agiraient qu’à titre non professionnel. Les conséquences juridiques d’une telle modification sur l’action de groupe sont trop importantes pour que l’on puisse l’envisager.

La procédure de l’action de groupe se réfère en effet à la définition de la notion de consommateur prévue par l’article 3 de ce projet de loi. Je tiens à rappeler à ceux qui n’étaient pas présents dans l’hémicycle hier soir que c’est la première fois qu’une loi définit explicitement cette notion. Cette définition a été, par le passé, sujette à de nombreux débats, notamment dans la jurisprudence. Elle est stabilisée depuis bien longtemps. Dorénavant, elle sera inscrite dans le code de la consommation.

Je vous propose donc de retirer cet amendement, après que M. le ministre vous aura donné les précisions que vous attendez.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. En effet, madame Massat, la définition de la notion de consommateur que le projet de loi a retenue codifie la jurisprudence de la Cour de cassation et de la Cour de justice de l’union européenne, qui ont adopté la définition restrictive de ce terme donnée par le droit européen : la notion de consommateur s’entend exclusivement des personnes physiques n’agissant pas à des fins professionnelles.

À nos yeux, cette définition ne fait pas obstacle à l’extension du dispositif de protection des intérêts des consommateurs à la défense d’autres intérêts, notamment ceux des personnes morales n’agissant pas dans le cadre d’une activité professionnelle, ou agissant sans but lucratif – ainsi les associations de loi de 1901 ou les syndicats de copropriétaires. La notion de non-professionnel permet cette extension. Ce choix a été largement motivé par une extension en ce sens du champ d’application d’un certain nombre de dispositions du code de la consommation, non seulement en matière de clauses abusives, mais également en matière de commerce électronique ou de reconduction des contrats de service.

Dans ces conditions, l’ajout d’une référence aux personnes morales apparaît inutile : c’est la raison pour laquelle je vous recommande de retirer votre amendement.

M. le président. La parole est à Mme Frédérique Massat.

Mme Frédérique Massat. Je prends note des explications données par M. le rapporteur et M. le ministre. L’essentiel est que les personnes morales aient accès à l’action de groupe : je retire donc cet amendement.

(L’amendement n° 536 est retiré.)

(L’article 3 est adopté.)

Après l’article 3

M. le président. Je suis saisi de deux amendements, nos 55 et 901, tendant à insérer un article additionnel après l’article 3 et pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Damien Abad, pour défendre l’amendement n° 55.

M. Damien Abad. Défendu.

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton, pour défendre l’amendement n° 901.

Mme Michèle Bonneton. Cet amendement vise à préciser ce qu’est l’obsolescence programmée, et à sanctionner les producteurs ou distributeurs qui y ont délibérément recours. Le raccourcissement délibéré de la durée de vie des produits est une préoccupation grandissante de nos concitoyens. Le préjudice pour le consommateur peut être important. Or la loi ne définit pas ce phénomène et ne prévoit pas de sanction spécifique pour le condamner.

L’enjeu écologique est important : il s’agit de réduire les déchets, qui posent un problème majeur partout sur notre territoire. Il s’agit également de moins solliciter les réserves naturelles, et de faire des économies d’énergie.

L’enjeu est également économique. Tout d’abord, lutter contre l’obsolescence programmée permettra d’améliorer notre balance commerciale en limitant l’importation de biens de piètre qualité. Ensuite, les consommateurs ne seront plus obligés de remplacer certains biens. Ils seront en effet utilisés beaucoup plus longtemps, même si, à l’achat, ils auront été un tout petit peu plus chers.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements, nos 55 et 901 ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Ce sujet a été très présent dans les médias alors que nous travaillions sur ce projet de loi.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Il y en a qui cherchent à se placer ! (Sourires.)

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Il a aussi été évoqué au cours des auditions que nous avons menées. Un certain nombre d’organisations qui travaillent sur la question de la durabilité des biens nous en ont parlé, de même que plusieurs fédérations professionnelles.

J’ai appris que M. le ministre a mis en place, ou a prévu de mettre en place, un groupe de réflexion et de travail sur la question de l’obsolescence programmée. Ma contribution à ce stade se limitera à donner avis défavorable à votre amendement mais, pour faire avancer ce débat auquel je suis sensible, tout comme l’ensemble de la représentation nationale, je vous ferai part de deux réflexions.

Premièrement, même si le terme peut susciter des débats nouveaux, l’obsolescence programmée, en l’état actuel de notre législation, n’est dans nombre de cas ni plus ni moins que de la tromperie. Quand on vous vend un produit programmé pour s’autodétruire – sans référence à l’Inspecteur Gadget –, il y a tromperie.

M. Lionel Tardy. Eh oui !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Il est en revanche un domaine dans lequel la question de l’obsolescence programmée m’a beaucoup interpellé en tant que rapporteur, et qui n’est pas sans lien avec les problématiques de développement durable et de recyclage, mais peut-être davantage avec les questions relatives à la conformité : je veux parler de l’obsolescence programmée par l’environnement numérique d’un produit.

M. Lionel Tardy. C’est le cas des téléphones portables.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Aujourd’hui, tout fonctionne avec des logiciels, ce que l’on appelle en anglais des softwares : parfois, le prix de production du produit physique est dérisoire, mais le prix du logiciel d’exploitation de ce produit est cent, deux cents, trois cents ou quatre cents fois supérieur ! Dans ce cas, l’obsolescence n’est pas programmée, mais organisée autour de l’environnement numérique nécessaire au bon fonctionnement et à la mise à jour du produit.

Je suis donc sensible à ce sujet. En l’état actuel de la législation, le phénomène que vous dénoncez peut être combattu au titre de la tromperie ou de la non-conformité. Je serais heureux, madame Bonneton, de participer à la réflexion sur cette question, selon ce qu’annoncera M. le ministre. Je serai encore plus intéressé par les réflexions sur le problème spécifique – et, je le crois, majeur – de l’environnement numérique des produits.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. J’ai eu l’occasion de m’exprimer en commission sur l’obsolescence programmée. Cet amendement vise en réalité les stratagèmes auxquels recourt une entreprise afin de programmer la fin de vie d’un objet sans en informer le consommateur. D’ores et déjà, l’article L. 213-1 du code de la consommation prévoit un délit de tromperie sur les qualités substantielles du bien. Cela répond à votre exigence, car cela permet déjà de combattre l’obsolescence programmée.

Un débat a été entamé au Sénat sur ce sujet, à l’initiative du groupe écologiste. Il se poursuit, à votre initiative, à l’occasion de l’examen de ce texte à l’Assemblée nationale. En lien avec le Parlement, nous allons en effet mettre en place un groupe de travail sur les questions relatives à l’obsolescence programmée. Les pouvoirs publics réfléchiront ainsi, avec les industriels et les organisations de défense de l’environnement, à une stratégie de lutte contre l’obsolescence programmée, quelle qu’en soit la forme. Il existe en effet différentes formes, depuis les plus claires – les stratagèmes que j’ai évoqués – jusqu’aux plus subtiles, plus subjectives, liées aux politiques marketing et à la publicité. Ces dernières formes n’ont pas grand-chose à voir avec les stratagèmes employés par les industriels, comme le célèbre cas d’entente entre concurrents réunis dans le cartel Phœbus, qui avaient prévu de diminuer la durée de vie des ampoules à incandescence vendues aux États-Unis. Le but était de réduire artificiellement la durée d’utilisation des ampoules, afin que les consommateurs en achètent davantage.

On voit bien que ce sujet ne pourra pas se régler d’un trait de plume ou d’un claquement de doigts : nous avons besoin de travailler là-dessus. En attendant, il ne me paraît pas utile de créer un délit d’obsolescence programmée dans la mesure où il existe déjà un délit de tromperie sur les caractéristiques substantielles des biens.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Cet amendement porte sur un sujet à la mode, sur lequel nous reviendrons : l’obsolescence programmée. Il passe très bien dans les médias, donc tout aussi bien dans les textes de loi, ne le nions pas !

Je ne nie pas qu’il ait pu exister des ententes afin de diminuer la qualité de certains produits, et d’augmenter la fréquence de leur remplacement. Cependant, d’une manière générale, le concept d’obsolescence programmée baigne dans le fantasme et l’idéologie.

M. François-Michel Lambert. Non !

M. Lionel Tardy. Aucune définition concrète de ce phénomène n’existe. Le premier souci d’un industriel qui lance un produit, c’est de trouver une clientèle : pour cela, il faut qu’il fournisse un réel service, qui donne satisfaction à ceux qui l’achètent.

On compare souvent les produits actuels à ceux d’autrefois. Examinons donc les cas les plus fréquemment cités : la fameuse machine à café incassable, et le réfrigérateur qui fonctionne encore quarante ans après son achat. Mais offrent-ils la même qualité de service que les produits actuels ? C’est une question qu’il faut se poser.

Comme le disait M. le rapporteur, ce phénomène est surtout vrai pour les appareils numériques. J’ose à peine vous proposer une comparaison entre les différentes générations de téléphones : certes, les vieux téléphones à cadran fonctionnent plus longtemps que les smartphones, mais la qualité de service n’a rien à voir.

M. François-Michel Lambert. C’est caricatural !

M. Lionel Tardy. Je crois, mes chers collègues, qu’en érigeant la durée de vie d’un produit en premier critère de choix, on arrive à des aberrations. Prenons l’exemple des ampoules qu’on nous impose à présent : certes, elles consomment moins et durent très longtemps. Elles sont donc à l’opposé de l’obsolescence programmée. À ceci près qu’elles sont très chères et qu’elles éclairent généralement très mal – alors qu’on les achète précisément pour assurer un éclairage suffisant !

On pourrait multiplier les exemples montrant que la conception de tout produit est le résultat de choix entre plusieurs paramètres. Un produit ne se réduit pas à sa durabilité : son esthétique, sa facilité de fabrication, et bien entendu sa qualité de service, comptent aussi !

M. le président. La parole est à Mme Michèle Bonneton.

Mme Michèle Bonneton. Certains objets sont vraiment faits pour ne durer qu’un temps déterminé : il s’agit donc bien d’obsolescence programmée. Cela dit, il n’est évidemment pas question que la lutte contre l’obsolescence programmée nuise à l’innovation. Il faut raison garder, dans un sens comme dans l’autre, et éviter toute caricature, monsieur Tardy.

Par ailleurs, je ne suis pas sûre que l’obsolescence programmée relève vraiment du délit de tromperie. Lorsqu’un fabricant vend un objet prévu pour durer un certain nombre d’années, il n’y a pas tromperie : simplement, il ne dit rien sur la durée de vie de cet objet. Les choses sont faites de telle sorte que l’acheteur ignore ces éléments. Je ne suis donc pas convaincue que cela entre dans le champ du délit de tromperie. Cependant, monsieur le rapporteur et monsieur le ministre, je note que vous vous préoccupez de ce problème. Je prends acte de votre engagement à faire progresser la réflexion et – j’ose espérer – les actions contre ces pratiques. Je prends acte également de votre volonté de mettre en place un groupe de travail sur le sujet. Je retire donc mon amendement.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je déplore pour ma part que cet excellent amendement soit retiré et je regrette même de ne pas l’avoir déposé, car c’était un excellent amendement.

Pour être franc, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, j’ai trouvé vos propos timides, craintifs, timorés – je cherche des mots ! – et en même temps réducteurs. Par une approche assez conservatrice, vous avez vous-mêmes utilisé un stratagème en assimilant l’obsolescence programmée à de la tromperie. Or l’obsolescence programmée n’en est pas de la tromperie : pour cela, il faudrait qu’il y ait un affichage.

Autre argument, tout cela aurait un côté fantasme. Si cela ne correspond pas à une réalité concrète, il ne faut pas avoir peur d’inscrire dans la loi la possibilité de poursuivre ceux qui pratiqueraient l’obsolescence programmée. Cette question est extrêmement importante. Je crois que, pour répondre à des intérêts particuliers d’entreprises, je suis persuadé que, même si ces cas sont extrêmement rares, ils peuvent se produire. Notre législation doit donc permettre de les poursuivre.

On ne peut pas se limiter à considérer qu’il s’agit d’une tromperie. Inscrivons cette notion dans un texte de loi. La jurisprudence qui en découlera nous permettra de dresser un bilan dans quelques années.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis. Monsieur M. Tardy, il existe tout de même des cas où l’on peut parler d’obsolescence programmée.

M. Lionel Tardy. On les connaît !

M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis. Introduire, par exemple, une pièce de plastique introduite dans un système mécanique n’est tout de même pas très vertueux et très digne en termes de qualité de production. Et dès lors que l’on parle de délit, il est urgent et nécessaire de définir avec précision les contours de l’obsolescence programmée

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Cottel.

M. Jean-Jacques Cottel. J’ai beaucoup étudié les articles 4, 5, 6 et 7 de ce texte et j’ai à ce titre reçu cet après-midi des membres du CNRS qui travaillent très sérieusement sur ce sujet qu’est la lutte contre l’obsolescence programmée. Ils ont trouvé plusieurs pistes d’actions : l’éducation, l’affichage, les informations de durabilité, la rénovation, la réparabilité et la garantie. Je pense que nous devrons nous pencher assez rapidement sur ce thème. Je suis tout à fait en phase avec ce qu’ont dit Mme Bonneton, M. Chassaigne et notre rapporteur pour avis.

Il est vrai que M. le ministre et M. le rapporteur m’ont rassuré lorsqu’ils ont précisé qu’ils allaient se pencher sur le thème de l’environnement au regard de la consommation ; j’avoue cependant avoir été quelque peu déçu de constater que cette nécessaire problématique d’une consommation plus durable et respectueuse de notre environnement ait été insuffisamment prise en compte dans l’étude de ce texte, alors qu’elle avait obtenu un écho favorable en commission du développement durable. Cela dit, il semble, à entendre les propos des uns et des autres et de M. le ministre, notamment, que la situation est appelée à évoluer, ce qui me rassure.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Monsieur Chassaigne, il m’arrivera certainement dans la vie et à l’occasion de futurs débats de me tromper ou d’imaginer un stratagème, mais ce n’est pas le cas aujourd’hui. Dans l’exemple de la photocopieuse que j’avais cité, il y a eu condamnation pour vice caché et non pour obsolescence programmée. Lorsque je parle de tromperie, il ne s’agit pas d’un stratagème. L’obsolescence programmée, lorsqu’une photocopieuse prévue pour faire 2 000 photocopies s’arrête au bout de 2000 photocopies alors qu’elle est encore toute brillante et qu’elle pourrait continuer à fonctionner parfaitement. C’est à ces cas-là que la loi répond aujourd’hui. Cela dit, pour moi, l’urgence vaut surtout pour l’environnement numérique.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je rebondirai sur la remarque de M. Chassaigne. Le sujet n’est pas simple. Je vous invite à vous souvenir d’un film britannique : L’Homme au complet blanc qui raconte l’histoire d’un personnage avait inventé un costume blanc absolument insalissable et inusable. On pouvait donc l’utiliser tout le temps ; mais les industriels du textile, les fabricants de machines à laver et les syndicats d’ouvriers ont expliqué à l’homme au complet blanc que sa merveilleuse invention allait faire perdre leur emploi à ceux qui conçoivent des costumes qui ne se portent pas indéfiniment et à ceux qui fabriquent des machines à laver. La morale de cette histoire, cela veut dire qu’avec l’obsolescence programmée, on touche à la fois à la question du stratagème, mais aussi à celle des cycles d’innovation industrielle, qui créent de l’emploi. Il faut faire la différence entre l’un et l’autre. Si une télévision a une certaine espérance de vie et qu’une pièce indispensable à son fonctionnement placée intentionnellement près d’une source de chaleur provoque sa mort au bout de six mois, il y a stratagème et donc tromperie évidente sur les caractéristiques essentielles du bien, qui, en l’état actuel des choses, sera poursuivie et punie en application du code de la consommation.

Mais nous abordons de deux autres manières cette question de la durabilité. Le Gouvernement propose tout d’abord, et c’est une disposition essentielle, que la présomption d’antériorité de défaut de conformité puisse être opposée pendant une période d’un an et non plus de six mois. Mais surtout, et cette mesure fait débat, nous allons obliger le professionnel qui prétend ou affirme mettre à disposition des pièces détachées à s’assurer que le distributeur en aval de la filière sera en mesure de fournir les pièces détachées lorsque le fer ou la machine à laver, par exemple, devront être réparés. Ce choix de la réparabilité des produits, ce choix de structurer une filière de la réparation est bon pour l’emploi peu ou pas qualifié, pour le secteur de l’économie sociale et solidaire – qui fait partie de mon portefeuille –, pour l’économie circulaire et surtout en ce qu’il change les modes de consommation. Cela permet ainsi de tourner le dos au « tout jetable » qui voulait qu’au moindre dysfonctionnement, l’appareil était jeté ou remplacé sans que son devenir n’ait d’importance.

Ces mesures sur la présomption d’antériorité de défaut de conformité et sur la réparabilité prouvent la volonté du Gouvernement de privilégier un modèle plus durable. Ce sujet est mobilisateur et nous devons progresser sur ce point. Je rappelle donc que je suis prêt à me mettre au travail avec toutes les parties prenantes – pouvoirs publics, parlementaires, industriels – pour répondre à cette préoccupation de l’obsolescence programmée exprimée, sous des formulations diverses, sur les bancs des écologistes comme sur ceux de l’UMP – M. Lazaro, Mme Pécresse et M. Le Fur entre autres.

L’Homme au complet blanc est une belle métaphore sur le progrès et ses conséquences sur l’organisation sociale et économique. Regardez ce film !

M. le président. La parole est à M. Thierry Benoit.

M. Thierry Benoit. Je suis heureux, monsieur le ministre, que vous ayez tenu un tel propos, dans la ligne des travaux menés en commission.

Je tiens à dire à notre collègue Mme Bonneton et au groupe Écologiste et à notre collègue André Chassaigne que je suis convaincu que ce n’est pas par la sanction que l’on réglera la question de l’obsolescence programmée, mais, comme vient de l’indiquer le ministre, par la structuration de filières de réparations en France, qui doit encourager, au niveau du volontariat comme au niveau de l’innovation, les fabricants et constructeurs, si possible français, à se doter d’un arsenal permettant d’amplifier ces filières de réparation.

Je partage donc vos propos sur la structuration de filières de réparations en France, monsieur le ministre, même si, lorsque nous aborderons l’article 4 et les obligations réglementaires faites aux fabricants et aux constructeurs, j’exprimerai des nuances à propos l’affichage de la mise à disposition des stocks de pièces.

Pour moi, la mise en place de filières de réparations en France est la meilleure réponse à l’obsolescence.

M. le président. La parole est à M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. J’ai écouté les arguments avancés par M. le ministre et M. le rapporteur. Mais il nous revient de faire évoluer la législation et la réglementation. Je suis persuadé que si l’on faisait une recherche en la matière sur ce qui se passait il y a vingt ou trente ans, on s’apercevrait que le mot « tromperie » pouvait recouvrir des domaines extrêmement divers. Mais au fur et à mesure de l’évolution de la législation et de la réglementation, cela s’est affiné. Prenez l’exemple de la contrefaçon : par définition, c’est une tromperie.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Vous avez raison !

M. André Chassaigne. Notre législation a évolué pour que soit spécifiquement prise en compte la contrefaçon et que les trafiquants encourent des peines. C’est parce qu’on les aura ciblés que l’on pourra davantage s’attaquer à des détournements tels que l’obsolescence programmée. C’est là une évolution que nous portons nous-mêmes dans cet hémicycle.

Vous dites qu’une réflexion sera menée. Mais vraiment, je regrette que cet amendement ait été retiré et que nous ne soyons pas en mesure, comme il fut un temps, de le reprendre. Cet amendement aurait permis de préciser la réglementation, donc de franchir une étape. Ce signal fort aurait donné encore plus de muscle à ce projet de loi.

(L’amendement n° 901 est retiré.)

(L’amendement n° 55 n’est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert, pour soutenir l’amendement n° 934.

M. François-Michel Lambert. Cet amendement qui traite de l’économie de la fonctionnalité, s’inscrit dans la continuité de ce que nous venons d’aborder.

Il propose d’insérer l’article suivant : « À titre expérimental, du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, les vendeurs de produits doivent pratiquer l’affichage d’un double prix pour un même bien : un prix de vente et un prix d’usage. Ce double prix porte sur un nombre de produits déterminés par décret. À l’issue de la phase d’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport qui en établit le bilan et qui dresse les perspectives de développement fondées sur la propriété des biens comme sur leur seul usage. »

Lorsque nous avons débattu de l’obsolescence programmée, nous n’avons pas abordé le cœur du problème : nous devons changer notre modèle de la consommation, adossé à la seule propriété, à la seule détention du bien alors que nous devrions être en mesure de proposer la consommation d’usage.

Nous proposons donc de ne plus être dans la logique de propriété d’un bien, mais dans celle de ce que nous apporte ce bien en termes de consommation et d’usage. Dès lors, l’obsolescence programmée tombera d’elle-même. Celui qui vous vendra un usage veillera en effet à ce que le bien ne tombe pas en panne. Pour assurer ce service, il devra garantir l’opérationnalité à long terme du produit.

Je n’ai pas eu encore la chance de voir le film L’Homme au complet blanc dont vous venez de parler, monsieur le ministre, mais je ne manquerai pas de le visionner ce soir, lorsque nous aurons suspendu nos travaux. Je saurais ainsi demain de quoi je parle. Dans votre film, l’opposition vient des ouvriers du textile ou des machines à laver, qui voyaient leurs emplois s’en aller. Mais où sont nos emplois du textile et des machines à laver ? Ils sont partis il y a bien longtemps ! Ce que nous proposons, c’est de créer à nouveau des emplois locaux, non délocalisables, de services, de renforcer l’apport de l’usage, avec l’acquisition de la fonctionnalité et non plus du bien.

Rentrons dans un système dans lequel nombre de pays se sont déjà engagés, c’est-à-dire l’économie de la fonctionnalité. Ce n’est pas grand-chose, ce n’est pas pour tout de suite, mais c’est envoyer un signal au monde économique et à nos concitoyens pour leur montrer qu’il y a d’autres modes de consommation plus durables et créateurs d’emploi.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Monsieur le député, vous êtes le directeur général de l’Institut de l’économie circulaire.

M. François-Michel Lambert. Le président !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Nous vous avons auditionné, et quelle fut notre surprise en découvrant que le président de l’institut de l’économie circulaire était un parlementaire. Ce sont des choses qui arrivent.

M. Lionel Tardy. Après, ce ne sera plus possible !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Nous avons eu de longs échanges et une approche rigoureuse de la question. Vous souhaitiez un débat sur le sujet. Je laisserai M. Bricout revenir sur nos discussions en commission, mais le sujet est bien trop important pour être réglé par un simple amendement proposant un double étiquetage sur les produits.

M. Thierry Benoit. Tout à fait !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Si j’étais favorable à votre amendement, ce qui ne sera pas le cas, et s’il était adopté, une fois les décrets publiés, il y aurait dans tous les magasins de France deux prix : le prix de vente et le prix d’usage. Ce qui ne manquera pas de provoquer de nombreux débats : quel est le prix d’usage d’une bombe de mousse à raser, puisque, une fois qu’elle est utilisée, nous n’avons pas encore de procédé industriel pour la recycler ? Quel sera le prix d’usage d’un paquet de pâtes alimentaires ?

M. André Chassaigne. Les produits seront déterminés par décret !

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Nous devons évoluer sur notre manière de réfléchir à la consommation, mais le changement de société serait trop important, monsieur Chassaigne, pour renvoyer à un décret. C’est d’ailleurs la seconde raison pour laquelle je suis défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis. Je ne comprends pas trop l’argumentation de notre rapporteur : nous demandons une expérimentation, avec des entreprises volontaires et des produits définis par décret. On choisira évidemment des produits dont on pourra mesurer l’usage. Pour une machine à laver, par exemple, on vendrait des cycles de lavage plutôt que le produit.

Aujourd’hui, comme l’a expliqué M. Lambert, on achète pour être propriétaire. On aurait un autre comportement, achetant pour l’usage, ce qui peut changer la donne. Cela peut même réconcilier la logique économique et la logique écologique.

M. François-Michel Lambert. Très bien !

M. Jean-Louis Bricout, rapporteur pour avis. C’est en effet la conception du produit elle-même qui va changer. Les produits seront davantage recyclables, et ils seront recyclés d’ailleurs parce que l’entreprise, qui va récupérer le produit, y a tout intérêt. Ils seront également de meilleure qualité. Et quand on parle d’usage, on parle de services et les services ne sont pas délocalisables.

L’amendement n° 901 était plutôt modeste : il s’agissait simplement de lancer une expérimentation. Nous avons eu des réponses, et on nous a même dit que l’on n’avait pas besoin de la loi pour le faire. Certaines entreprises pourraient déjà pratiquer le double affichage de leur propre chef. L’objectif est donc plutôt d’envoyer un signe à nos entreprises en expliquant qu’il y a peut-être un marché à aller chercher. Il y a peut-être un service à rendre et nous aurions tort de nous en priver. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Vous n’avez pas totalement tort sur L’homme au complet blanc. C’est un film des années cinquante, mais la métaphore n’est pas forcément mauvaise non plus. Les cycles d’innovation demeurent et ils font appel à des process industriels dans lesquels, heureusement, il y a encore des salariés derrière les machines, ce dont il faut se réjouir. C’est sans doute vrai du textile, et, de toute façon, même si le problème s’est déplacé, il y a toujours, hélas, comme au Bangladesh, des ouvriers qui fabriquent des t-shirts dans des conditions lamentables. Il est souhaitable de tout moraliser et d’avoir des processus plus respectueux du droit du travail et de l’environnement.

Sur ce point, nous ne sommes pas en désaccord : je dis seulement que ce n’est pas aussi simple que cela de vouloir des biens d’équipement éternels parce que cela pose la question des cycles industriels et des cycles d’innovation.

Sur l’économie de la fonctionnalité, l’économie d’usage, on voit bien les secteurs dans lesquels cela marche bien, les machines à laver collectives, les bouilloires, qui peuvent servir à plusieurs personnes, l’Autolib’, le Velib’, etc. mais il y a d’autres domaines dans lesquels cela paraît autrement plus compliqué. Mais surtout, et c’est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable à cet amendement, le double affichage des prix serait une source de grande confusion pour les consommateurs, et je ne suis pas sûr que tout le monde s’y retrouverait.

Mme Anne Grommerch. On ne comprendra plus rien !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je suis prêt à ce que l’on y réfléchisse encore parce qu’il faut imaginer de quelle manière concrétiser dans certains secteurs et pas dans d’autres cette volonté de favoriser l’économie d’usage mais, à ce stade, cet amendement créerait plus de confusion que de clarté. C’est la raison pour laquelle je vous invite, monsieur Lambert, à le retirer.

M. le président. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Je suis ravi d’apprendre, monsieur Lambert, que vous regarderez ce soir L’homme au complet blanc. Nous, nous étions présents lundi soir dans l’hémicycle jusqu’à une heure et demie, hier soir aussi ; nous y serons encore ce soir et sûrement demain, et peut-être vendredi soir. Venez donc nous rejoindre ce soir, vous verrez que nous aurons des débats très intéressants sur le fichier positif et bien d’autres questions.

Le vrai problème, c’est la notion de prix d’usage. Sur un prix de vente, sur un nombre de produits déterminés par décret, je suis d’accord, mais la loi doit être précise. Quel sera le prix d’usage d’une imprimante, par exemple ? C’est aujourd’hui un produit standard : elle pourrait parfaitement figurer dans la liste des produits déterminés par décret.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Cela, c’est le plus simple !

M. Lionel Tardy. Non. Tout dépend du taux de remplissage de la feuille, du pourcentage de couleurs, du type de papier. Nous aurons du mal à le définir. Cela créera des distorsions de concurrence entre différents fabricants et, quelque part, induira le consommateur en erreur.

C’est donc un sujet que l’on ne peut pas traiter ainsi à la va-vite, à la faveur d’un amendement.

M. le président. La parole est à Mme Geneviève Gaillard.

Mme Geneviève Gaillard. Sans revenir sur tous les arguments du rapporteur pour avis de la commission du développement durable, je pense que cet amendement est important.

L’économie de la fonctionnalité, on en parle depuis une vingtaine d’années. Au départ, ce n’était pas connu, on ne savait pas trop ce que cela représentait. Depuis vingt ans, on a très peu avancé sur le sujet et, à force de trouver des arguments pour expliquer que c’est trop compliqué, pour se demander comment faire, on n’avancera jamais.

Or le monde de l’économie sociale et solidaire est prêt à entrer dans ce type d’économie, et il y rentre déjà par certains côtés. Nous avons donc aujourd’hui une opportunité de faire avancer à titre expérimental cette économie de la fonctionnalité et le monde de l’économie sociale. C’est la raison pour laquelle notre commission a adopté cet amendement.

M. André Chassaigne. Excellent !

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Je soutiens cet amendement.

On a parlé tout à l’heure de l’économie circulaire. Aujourd’hui, sur cent pulls vendus en France, quatre-vingt-dix-neuf sont importés de l’étranger, fabriqués parfois dans des conditions économiques, sociales et environnementales choquantes et scandaleuses.

Dans ma circonscription, il y a deux entreprises textiles, une filature et une bonneterie. Elles se sont mises ensemble pour essayer de développer un projet innovant sur le plan environnemental, avec également des conséquences sur un plan social, avec la sauvegarde d’un certain nombre de savoir-faire. La dernière filature de laine cardée de France pourrait être sauvée par ce biais.

Il est donc intéressant de pouvoir faire des expérimentations. Si j’ai bien compris, monsieur Lambert, c’est ce que vous proposez dans votre amendement, avec une expérience limitée dans le temps, pour des secteurs d’activité définis. Il ne s’agit pas de la généraliser : on commencerait par deux, trois ou quatre secteurs, avant d’essayer ensuite d’aller plus loin en fonction des résultats.

Pour le secteur des pull-overs, par exemple, il pourrait être intéressant de mettre en avant, face au prix d’un produit importé, les conditions sociales et le cadre environnemental du produit fabriqué en France. Ainsi, si l’impact environnemental est de 100 pour un pull classique, de 95 pour un pull fabriqué avec du matériel bio, il est de 5 s’il est fabriqué par des procédés liés au recyclage.

Je ne vais pas entrer dans la problématique des marchés publics mais si, dans les critères, l’on mettait un peu en avant la RSE et la qualité et un peu moins le seul prix, on pourrait totalement changer la donne.

M. le président. La parole est à M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. J’ai aperçu tout à l’heure un homme au complet blanc, je ne sais pas si c’était une coïncidence !

L’obsolescence programmée, monsieur le rapporteur, cela ne concerne pas les pâtes. Tout à l’heure, nous avons parlé de téléviseurs, de lave-linge, de matériels qui tombaient en panne. Les pâtes, cela tombe rarement en panne !

Pour le lave-linge, par exemple, cela fait quarante ans qu’en Suisse, on est dans un modèle d’économie de la fonctionnalité. Certes, la frontière est assez étanche et il faut encore un peu de temps pour que cela arrive en France. Les Alpes, c’est difficile à franchir ! En Allemagne, cela fait vingt ans qu’ils connaissent ce modèle. Ce que nous proposons, ce n’est même pas un rattrapage. C’est juste une expérimentation, de 2015 à 2017, pour quelques produits déterminés par décret, comme cela a été très bien expliqué par différents collègues, que je remercie. Ce n’est pas la révolution Cela commencerait le 1er janvier 2015 et nous avons le temps de voir quelles filières cela concernerait.

Vous parlez d’innovation, monsieur le ministre. Il y en aura énormément. L’économie de la fonctionnalité pour le pneu poids lourds chez Michelin a été une révolution et ils ont dû embaucher du monde. Avant, dès qu’un poids lourd prenait un trottoir, le pneu explosait et il était changé.

M. André Chassaigne. Il faut tout de même nuancer ! (Sourires.)

M. François-Michel Lambert. Depuis, Michelin est passé à des pneus qui tiennent un million de kilomètres. Il a fallu embaucher des gens pour concevoir ces fameux pneus, embaucher des gens dans les usines pour les fabriquer, embaucher des gens pour rendre le service, pour vérifier que les pneus n’étaient pas abîmés, pour aller dans les entreprises s’assurer qu’aucun pneu ne présentait un début de fissure qui risquerait de le faire exploser au premier trottoir, et donc, par anticipation, changer les pneus.

On a créé de l’emploi chez Michelin avec l’économie de la fonctionnalité et, même s’il y a aujourd’hui des difficultés sur le poids lourd, mais elles sont tout autres, c’est une réalité économique. Le prix en double affichage avait été déterminé par Michelin : achetez mon pneu, qui tient 300 000 kilomètres ou payez le kilomètre de pneu.

Le double affichage existe aux Pays-Bas. Les Hollandais sont-ils plus intelligents que les Français ?

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Razzy Hammadi, rapporteur. Monsieur Lambert, autant le sujet que vous défendez me convainc – opportunités de création d’emplois, meilleure façon de consommer, etc. –, autant le ton que vous employez pour le défendre ne me semble pas coïncider avec l’esprit de coproduction qui devrait présider à nos travaux, si vous voyez ce que je veux dire…

Un article 7 bis a été introduit dans le projet de loi – c’est d’ailleurs à M. Bricout que nous le devons –, mais peut-être n’étiez-vous pas avec nous en commission lorsqu’il a été ajouté. C’est la première fois que nous nous apprêtons à inscrire les termes « économie circulaire » dans la législation française. Et ce n’était pas seulement pour vous faire plaisir ; c’est tout simplement que, lorsqu’on est vraiment ambitieux et que l’on croit en quelque chose, on doit aussi avoir un petit peu de méthode pour réussir.

Les Hollandais, comme les Allemands et les Suisses, ont su, j’en suis persuadé, faire preuve de beaucoup de méthode ; ils ne se sont pas présentés à l’ouverture d’un débat sur la consommation avec un amendement dans lequel ils demandaient l’instauration de l’affichage d’un double prix à titre expérimental pour quelques produits en précisant que ce n’était pas la révolution.

Nous mettons en place une vraie méthode de travail par le biais d’un rapport dans lequel nous fixons un certain nombre d’objectifs. Il ne s’agit pas simplement de dire qu’on va faire un rapport sur l’économie de la fonctionnalité ou l’économie circulaire. Le rapport est précis : il devra étudier les gains potentiels en termes d’emplois, de consommation et de modèle industriel. Pour la première fois dans l’histoire, nous, députés de la majorité, nous saisissons de cette question-là au moyen de ce rapport, qui marquera une première étape. C’est important.

Je pense qu’on ne peut pas déposer n’importe quel amendement, en particulier lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre une mesure à titre expérimental, car il n’est pas nécessaire pour cela de passer par une loi. Si toutes les expérimentations devaient être inscrites dans la législation, on serait vraiment dans le choc non pas de complexification mais de massification, à la fois en poids, en papier, et en pages. L’avis de la consommation est décidément défavorable.

(L’amendement n° 934 n’est pas adopté.)

4

Ordre du jour de la prochaine séance

M. le président. Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq :

Suite de la discussion du projet de loi relatif à la consommation.

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt heures seize.)