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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session extraordinaire de 2011-2012

Compte rendu
intégral

Troisième séance du jeudi 19 juillet 2012

SOMMAIRE ÉLECTRONIQUE

SOMMAIRE


Présidence de Mme Sandrine Mazetier

1. Projet de loi de finances rectificative pour 2012 (suite)

Première partie (suite)

Article 17

M. Nicolas Sansu

Mme Marion Maréchal-Le Pen

Amendements nos 163 rectifié, 332 rectifié

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget

Article 18

Article 19 et état A

Amendements nos 333, 429, 437, 164 rectifié, 490

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Seconde partie

Article 20 et état B

Amendements nos 546, 545

Article 21 et état C

Article 22 et état D

Amendement no 514 rectifié

Article 23

Amendements nos 334, 391, 424, 425

Rappel au règlement

M. Christian Jacob

Suspension et reprise de la séance

Rappels au règlement

Mme la présidente

M. Christian Jacob

Article 23 (suite)

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles

Rappels au règlement

M. Christian Jacob

Mme la présidente

M. Jean-Christophe Lagarde

Article 23 (suite)

Rappel au règlement

M. Christian Jacob

Suspension et reprise de la séance

Rappel au règlement

M. Jean-Christophe Lagarde

Article 24

M. Lionel Tardy

M. Nicolas Sansu

M. Pascal Cherki

M. Hervé Mariton

Amendement no 216

Avant l’article 25

Amendements nos 477 rectifié, 547 (sous-amendement), 517 (sous-amendement), 542 (sous-amendement), 548 (sous-amendement)

Mme Eva Sas

Article 25

Mme Claudine Schmid

Amendements nos 2, 190, 209, 166

Suspension et reprise de la séance

Article 26

M. Jean-Luc Laurent

Amendement no 167

Après l’article 26

Amendement no 478

Avant l’article 27

Amendements nos 20, 17

Article 27

M. Nicolas Sansu

M. Patrick Ollier

Mme Véronique Louwagie

Amendements nos 51, 74, 91, 336, 337, 338, 344, 345, 346, 347, 348, 349, 350, 351, 479

M. Denys Robiliard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales

Amendements nos 75, deuxième rectification, 92, 468, 77, 76, 197, 78, 79, 93, 147, 473, 470, 146, 148

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances

Amendements nos 168 rectifié, 198, 169

Après l’article 27

Amendements nos 43, 19, 171, 40, 42, 41, 48, 44, 47, 413 rectifié, 405, 407

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques

Article 28

Article 29

M. Guillaume Larrivé

M. Philippe Vigier

M. Claude Goasguen

M. Dominique Tian

M. Nicolas Sansu

Mme Christine Pires Beaune

M. Pouria Amirshahi

M. Pascal Cherki

M. Christian Paul

M. Razzy Hammadi

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales

M. Mathieu Hanotin

M. Xavier Bertrand

M. Christian Jacob

M. Thierry Mariani

M. Eduardo Rihan Cypel

M. Jean-Christophe Lagarde

M. Hervé Mariton

M. Gérard Sebaoun

Amendements nos 149, 355, 356, 357, 361, 363, 365, 366, 368, 369, 370, 371, 372, 480, 376, 378, 377

Après l'article 29

Amendements nos 55, 54, 53

Suspension et reprise de la séance

Article 30

Mme Claudine Schmid

M. Pouria Amirshahi

M. Philip Cordery

M. Arnaud Leroy

Mme Axelle Lemaire

Mme Corinne Narassiguin

M. Pierre-Yves Le Borgn

M. Thierry Mariani

Amendements nos 3, 178, 214, 373, 400, 392, 401, 215, 549 (sous-amendement)

Après l’article 30

Amendements nos 329, 540, 415

Explications de vote

M. Hervé Mariton, M. Charles de Courson, M. Nicolas Sansu, M. Pierre-Alain Muet, M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué

Vote sur l’ensemble

2. Ordre du jour de la prochaine séance

Présidence de Mme Sandrine Mazetier,
vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Projet de loi de finances rectificative
pour 2012 (suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2012 (nos 71, 79, 78, 77).

Première partie (suite)

Mme la présidente. Cet après-midi, l’Assemblée a poursuivi l’examen des articles de la première partie du projet de loi, s’arrêtant à l’article 17.

Article 17

Mme la présidente. Deux orateurs sont inscrits sur l’article.

La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. L’objet du présent article est de restituer à la Grèce les revenus tirés par la Banque de France des obligations souveraines grecques rachetées à compter du printemps 2010 sur le marché secondaire. La création d’un compte d’affectation spéciale qui sera abondé par une contribution spécifique de la Banque de France ne soulève pas en elle-même d’objection particulière. En revanche, une telle création nous invite à nous interroger une fois de plus sur la pertinence des instruments mis en œuvre en Europe au titre du programme de soutien au désendettement de la Grèce.

La Grèce s’est vu accorder deux plans d’aide d’un montant total de 380 milliards d’euros, accompagnés d’un programme draconien d’ajustement budgétaire. Pour quels résultats ? La purge imposée au peuple grec de façon de plus en plus extrême plonge le pays dans une récession si profonde qu’elle limite massivement la capacité de la Grèce à rembourser l’argent qu’on lui prête : le PIB a diminué de 15 % en quatre ans, la dette grecque a quasiment doublé depuis 2007, le chômage – 22.5 % – et la misère explosent.

Un chiffre mérite d’être évoqué ici, celui du patrimoine des millionnaires européens. Selon Le Figaro – qui n’est pas un journal communiste –, le patrimoine des millionnaires en euros s’élevait l’an dernier à 7 688 milliards d’euros. L’Europe met ainsi un peuple à genoux pour une dette qui représente moins de 5 % du patrimoine des millionnaires européens.

Un tel chiffre suffit à démontrer que notre continent marche sur la tête. L’urgence est aujourd’hui de promouvoir une autre Europe, de desserrer l’étau des marchés financiers et de permettre aux pays de la zone euro de retrouver leur capacité à pratiquer des politiques budgétaires autonomes. Cela passe aussi par l’engagement de la BCE à garantir les dettes européennes, par l’affirmation d’une solidarité plus étroite entre États membres, et surtout par la reconnaissance de la part que les traités européens et les solutions libérales ont prise dans le désastre actuel.

Vous le savez, mes chers collègues, il nous faut trouver des mécanismes de solidarité qui préservent des solutions de haine entre les peuples, qui préservent des anathèmes contre l’étranger. C’est tout l’engagement du Front de gauche pour une Europe des peuples, une Europe du partage et de la coopération, contre une Europe de la finance et contre les solutions de repli nationaliste malheureusement générées par les politiques libérales depuis tant d’années !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marion Maréchal-Le Pen.

Mme Marion Maréchal-Le Pen. Madame la présidente, monsieur le ministre délégué chargé du budget, chers collègues, au travers de ce compte d’affectation spéciale qui retracera seulement une partie des sommes que nous devons engager pour maintenir au forceps la Grèce dans l’euro, nous payons les conséquences des manœuvres comptables orchestrées par la tristement célèbre banque d’affaires Goldman Sachs. Celle-ci a en effet conseillé le gouvernement grec lors de son entrée dans la zone euro en 2001, l’invitant par des mécanismes sophistiqués dits de swap à masquer une partie de sa dette déjà préoccupante. Sans ces dissimulations, la Grèce n’aurait probablement pas rempli les critères de convergence et nous n’en serions pas là.

Cette même banque accumule parallèlement des profits indécents, des milliards de dollars, sans que sa responsabilité en soit plus recherchée. Guère étonnant lorsque l’on constate que de la BCE au département du trésor américain en passant par la présidence du conseil italien, les ex-dirigeants de cette firme tentaculaire sont partout aux avant-postes.

Le scénario est toujours le même : qu’il s’agisse des emprunts toxiques aux collectivités, de la crise des subprimes ou du brûlant scandale du Libor, les banquiers spéculent et les contribuables payent. Ne peut-on pas dès lors s’étonner de retrouver nombre de banques impliquées dans ces affaires aux avant-postes du palmarès des établissements conseil en fusion-acquisition en Europe, y compris en France ? Je serais du reste intéressée de savoir si des entreprises publiques ou recevant des aides publiques leur confient encore des mandats… Il est à craindre que oui.

Monsieur Cahuzac, vous appeliez à juste titre ce matin à ce que ces banquiers soient traduits en justice, voire mis en prison. Le président Hollande, lui, avait fustigé « l’ennemi sans visage » qu’est la finance internationale. Il est de votre devoir d’agir concrètement et non de subir, pour que les contribuables français ne soient pas toujours les éternels pigeons face à la cupidité sans fond des requins de la finance internationale.

M. Gilbert Collard. Très bien !

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 163 rectifié et 332 rectifié.

La parole est à M. le rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, pour défendre l’amendement n° 163 rectifié.

M. Christian Eckert, rapporteur général de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Cet amendement a essentiellement pour origine l’argumentation du président de la commission, Gilles Carrez. Il propose que le Gouvernement remette au Parlement, avant le dépôt du projet de loi de finances pour 2013, un rapport évaluant l’ensemble des engagements financiers de l’État dans le cadre du programme de soutien au désendettement de la Grèce. Ces informations sont assez largement connues, se trouvent dans différents documents budgétaires, mais il serait souhaitable que le Gouvernement en fasse la récapitulation puisque des versements ont été décalés d’une année sur l’autre. Cela ne doit pas représenter un effort extraordinaire. Il faut pouvoir connaître la situation de façon assez détaillée. La représentation nationale a légitimement droit à ce type d’informations sous forme récapitulative.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour défendre l’amendement n° 332 rectifié.

M. Hervé Mariton. Cet amendement a été adopté en commission. Je crois que c’est le seul parmi ceux de l’opposition. C’est donc un moment particulièrement important.

La démarche a été fort bien résumée par le rapporteur général. Elle est assez simple : il importe que le Parlement ait une connaissance régulière des engagements financiers de l’État dans le cadre du programme de soutien au désendettement de la Grèce. Nous demandons un rapport sur ce sujet en vue de la discussion du projet de loi de finances pour 2013. Il est important que ce soit l’occasion d’un rendez-vous régulier entre le Gouvernement et la représentation nationale, en l’occurrence la commission des finances.

L’amendement est simple dans sa demande et en même temps important sur le fond. Nos concitoyens savent que notre pays est engagé dans un soutien important à l’égard de la Grèce, avec des conséquences financières positives à travers l’article 17, même si le dividende payé par la Banque de France sera probablement diminué de ce qu’elle versera à l’État. Nos concitoyens se posent cependant des questions : que représente l’engagement de l’État ? Que peut-il leur coûter ? Quels sont les engagements à court terme et à long terme, quels sont les risques et les incertitudes ? L’objet du rapport est qu’au travers de la représentation nationale, les citoyens soient régulièrement informés, et que le Parlement joue normalement son rôle en obtenant du Gouvernement des informations régulières. Le soutien à la Grèce est légitime à condition qu’il s’accompagne d’exigences normales vis-à-vis d’un partenaire qui doit manifester rigueur et discipline, et que nous disions aux contribuables français à quoi cela les engage. C’est une information que nous devons avoir et que nous devons aux Français.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé du budget. ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué chargé du budget. Le Gouvernement comprend la demande légitime des parlementaires d’être informés aussi parfaitement que possible de la situation financière de la France au regard de ses engagements au sein de la zone euro. Il donne donc un avis favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Notre groupe appuie bien entendu ces deux amendements. Mais il eût été bon que M. le ministre dise un mot sur le niveau des engagements puisque, si j’en crois la presse, nous sommes engagés, directement ou indirectement, pour 61 milliards. Cette information a été publiée dans des journaux sérieux tel Les Echos. Pouvez-vous nous éclairer sur ce point, monsieur le ministre ?

(Les amendements identiques nos 163 rectifié et 332 rectifié sont adoptés à l’unanimité.)

(L’article 17, amendé, est adopté.)

Article 18

(L’article 18 est adopté.)

Article 19 et état A

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 333, 429 et 437, tendant à supprimer l’article d’équilibre.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir, l’amendement n° 333

M. Hervé Mariton. Nous abordons l’article d’équilibre et nous demandons sa suppression pour exprimer notre critique de ce collectif budgétaire, à laquelle nous reviendrons. Fondamentalement, l’effort d’économie est tragiquement insuffisant.

Peut-on faire des économies à ce moment de l’année ? Notre pays doit faire un effort supplémentaire en termes de rigueur et de discipline budgétaire. D’autres pays européens, dans des situations budgétaires difficiles, sont capables de dégager des économies, à ce moment même de l’année, avec autrement plus de courage que la nouvelle majorité.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour présenter l’amendement n° 429.

M. Philippe Vigier. À l’instar d’Hervé Mariton, je trouve que l’on voit plus de dépenses et de recettes nouvelles – un peu plus de 7 milliards d’euros – que des diminutions de crédits, lesquelles ne s’élèvent qu’à quelques dizaines de millions d’euros.

Monsieur le ministre, j’écoute toujours Pierre-Alain Muet avec beaucoup d’intérêt.

M. Christian Paul. Nous aussi !

M. Philippe Vigier. Pierre-Alain Muet nous répète depuis plusieurs années que le drame de la France est sa dette structurelle qu’il évalue à 3,9 % du PIB, si je ne trahis pas les propos qu’il tenait encore hier ou avant-hier.

J’aurai une seule question à poser au Gouvernement ; elle justifie qu’avec mon groupe nous proposions de supprimer cet article : que proposez-vous comme piste de travail, monsieur le ministre, pour qu’à très court terme nous puissions enfin réduire la dette structurelle de la France ?

M. Jean Launay. Que vous avez largement augmentée !

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour présenter l’amendement n° 437.

M. Charles de Courson. Nous sommes dans une situation un peu bizarre et nous l’avons souligné pendant la discussion générale de ce collectif. Vous augmentez massivement les recettes – 13 milliards d’euros dont 6 milliards d’euros pour boucher des sous-évaluations ou des sous-réalisations des recettes de l’État – mais, comme mon prédécesseur Philippe Vigier, je vous le demande : où sont les économies ? C’est dès maintenant qu’il faut engager les économies. Pourquoi attendez-vous la loi de finances pour 2013 ? Beaucoup de gouvernements ont pris des mesures dès leur arrivée, et pas uniquement sur les recettes mais aussi sur les dépenses. Pourquoi attendre, monsieur le ministre ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. C’est une tradition pour l’opposition de vouloir supprimer l’article d’équilibre, mais le cadrage budgétaire pour 2012 est déjà très contraint : une baisse de 2,7 milliards d’euros par rapport au projet de loi de finances pour 2012 présenté par le précédent Gouvernement et de 1,2 milliard d’euros par rapport à la loi de programmation.

Puisque vous parlez d’économies, rappelons que le Gouvernement va procéder à un gel supplémentaire de crédits de 1,5 milliard d’euros pour faire face aux dérapages, ce qui me paraît sage et préférable à une annulation sèche à mi-année qui pourrait ne pas être adaptée aux besoins réels constatés d’ici à la fin de l’année. On pourrait très bien proposer des diminutions de crédits pour vous demander d’en rouvrir dans quelques mois. L’idée du gel supplémentaire est une bonne méthode.

J’aurai peut-être l’occasion de revenir sur ce point à propos d’autres amendements, mais la commission est défavorable à celui-ci.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur de Courson, je ne peux pas vous répondre sur le bilan précis des engagements de la France à l’égard de la Grèce. Au demeurant, les articles que vous citez, parus dans le journal de votre choix, sont certainement intéressants mais ils ne doivent pas vous servir de base de raisonnement. Si tel était le cas, il n’y aurait pas besoin de demander un rapport pour informer le Parlement. Cela étant, à la première occasion où nous nous rencontrerons à nouveau, que ce soit en séance ou en commission, j’aurai les éléments et je vous les apporterai.

Vous le savez depuis longtemps – nous étions dans la même commission lors de la mandature précédente –, j’ai plaidé avec vous pour que le pouvoir exécutif fasse preuve de la plus grande transparence à l’égard des parlementaires…

M. Philippe Vigier. C’est vrai !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …en matière d’engagements financiers internationaux pris par la France dans le cadre de sa politique au sein de l’Europe en général et de la zone euro en particulier. Je n’ai évidemment pas changé d’avis en changeant de fonction. Vous aurez ces éléments dès le premier instant où nous nous retrouverons dans l’hémicycle ou en commission.

Naturellement, si vous le souhaitez, nous pouvons demander une suspension de séance de trois heures pour que j’aille chercher ces documents, mais cela ne me paraît pas raisonnable. Je prends l’engagement très clair devant vous de vous informer aussi complètement que possible dès le premier rendez-vous que nous aurons, collectivement ou individuellement.

J’espère que vous me donnez acte de ma volonté très sincère de transparence et j’ai d’ailleurs donné l’accord du Gouvernement pour qu’un rapport soit établi. Encore une fois, je trouve tout à fait légitime que les parlementaires soient parfaitement informés.

Ensuite, je voudrais répondre à Charles de Courson et Hervé Mariton qui soulèvent les mêmes arguments pour porter les deux mêmes accusations : nous augmentons massivement – l’adverbe ayant été employé par l’un des deux orateurs sinon les deux – les impôts ; nous ne faisons pas d’économies.

En matière d’économies, et je croyais avoir été clair lors de la discussion générale, le Gouvernement s’est engagé à respecter scrupuleusement ce que le Gouvernement précédent avait décidé, c’est-à-dire pour cette année, d’une part, la double norme « zéro volume, zéro valeur », et, d’autre part, la diminution de 1,2 milliard d’euros de la dépense publique qui fut décidée en loi de finances rectificative.

Nous ne faisons pas davantage mais nous ne faisons pas moins ; nous faisons ce que vous aviez prévu. Vous êtes en droit de juger que c’est insuffisant ; nous sommes en droit de penser que vous êtes mal placés pour porter un tel jugement. Vous êtes informés et vous porterez le jugement qui vous semblera le meilleur possible sur cette continuité qui a été décidée et qui n’allait évidemment pas de soi.

J’appelle d’ailleurs les parlementaires de la majorité qui soutiennent le Gouvernement à comprendre la nécessité dans laquelle se trouve notre pays de faire des économies dans sa dépense publique, non pas en valeur absolue – personne ne s’est jamais risqué à le prétendre – mais pour limiter son évolution à la hausse. À cet effet, nous maintenons les dispositions qui ont été prises par le gouvernement précédent avec l’appui de la majorité précédente.

Est-il possible de faire davantage au milieu de l’année ? C’est extrêmement délicat. Je sais Hervé Mariton et Charles de Courson trop avertis de la technique budgétaire et de l’état des finances du pays pour penser ne serait-ce qu’une seconde qu’ils imaginaient sérieusement que des économies à hauteur des besoins actuels du pays pouvaient être réalisées. Vous êtes en droit de l’affirmer et vous pouvez reprocher au Gouvernement de ne pas le faire mais, dans ce cas, je pourrais légitimement penser que vous seriez davantage dans la posture que dans l’argument de bonne foi.

M. Charles de Courson. Ce n’est pas ce que j’ai dit !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. À vous de choisir entre la posture et le raisonnement de bonne foi.

Toutefois, en sus de ce que vous aviez décidé, non seulement nous maintenons le gel de la dépense publique que nous avons trouvé en arrivant – 5,4 milliards d’euros – mais nous augmentons l’assiette de dépenses gelées de 1,5 milliard d’euros, ce qui est déjà considérable.

Puis-je vous rappeler que l’année dernière le gel préventif des dépenses publiques décidé par le gouvernement précédent – 6 milliards d’euros – s’était soldé en fin d’année par une annulation de crédits de 200 millions d’euros, c’est-à-dire par une économie réelle de ce montant ? La raison en est assez simple et récurrente : chaque année, des dépenses imprévues ou plus ou moins bien prévues se produisent et l’État se doit de les assumer.

En commission des finances nous savons les problèmes que posent les opérations militaires extérieures, des dépenses totalement imprévues, non budgétées, et qu’il faut pourtant financer dans l’année. Nous savons aussi que se pose la question de la prime de Noël, qui n’est jamais financée. Nous connaissons aussi le problème du financement de l’accession au logement, dont les intérêts doivent être acquittés par l’État, mais dont la trésorerie est assurée par des organismes bancaires.

En résumé, il existe toute une série de postes, sous-budgétés délibérément ou de bonne foi, et qui doivent pourtant être assumés, ce qui aboutit en fin d’année à constater que 5 ou 6 milliards d’euros de crédits ne peuvent être engagés là où ils étaient prévus – ils sont donc annulés pour ces dépenses-là – mais sont consacrés à d’autres dépenses.

C’est la justification de la réserve de précaution, et c’est en fin d’exécution budgétaire que l’on constate, une fois que l’État a dû payer tout ce qui lui incombe, ce qu’il reste et qui peut être annulé.

L’année dernière, une économie de 200 millions d’euros a été dégagée ; les autres années, il n’y eut jamais d’économies faites à partir de cette réserve de précaution. La réserve de précaution fut toujours utilisée pour financer des dépenses imprévues de bonne foi ou sous-budgétées délibérément, mais jamais pour faire des économies en fin d’année.

Quitte à ce que vous le fassiez plus vigoureusement les années suivantes, ne nous reprochez pas trop, en ce début d’année 2012, de tenter de faire, de bonne foi et de manière très transparente, au moins aussi bien que vous, et j’espère même mieux, en matière d’économies dans la dépense.

Pour frapper des esprits peu habitués à cette technique budgétaire et enclins à retenir un slogan plutôt qu’un raisonnement, selon un procédé assez classique et assez bien partagé dans le monde politique en France, vous pouvez comparer les recettes avec les économies : un peu moins de 100 millions d’euros en économies de gestion pour financer les créations de postes dans l’éducation nationale à la rentrée scolaire.

Ce projet de loi de finances rectificative démontre que non seulement nous maintenons votre norme de dépenses, non seulement nous intégrons l’économie supplémentaire dans la dépense que vous avez décidée en première loi de finances rectificative, mais nous y ajoutons une tentative de gel supplémentaire de 1,5 milliard d’euros. L’effort est réel, sincère et sans précédent.

La deuxième critique consiste à dire que le gouvernement actuel et la majorité qui le soutient opéreraient des prélèvements ou des hausses d’impôts massifs.

M. Claude Goasguen. C’est évident !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Libre à vous d’utiliser le terme que vous voulez pour qualifier les 7,2 milliards d’euros que le Gouvernement propose au Parlement de lever, en sus de ce qui était déjà prévu. La majorité actuelle a décidé d’assumer ce qui fut fait par la précédente à l’occasion des plans de rigueur Fillon 1 et Fillon 2, dont vous devez avoir le souvenir puisque vous les avez adoptés tous les deux, et qui ont prévu une augmentation de 15 milliards d’euros cette année.

Si, avec 7,2 milliards d’euros, nous procédons à une augmentation massive des impôts, je vous laisse le choix du qualificatif pour la hausse d’impôts que vous avez décidée, acceptée, adoptée, et que vous assumez peut-être mal : 15 milliards d’euros pour 2012, soit deux fois plus que la nôtre. Je vous propose un accord entre gens de bonne compagnie et de bonne foi : si j’accepte que vous qualifiiez de massive une augmentation d’impôts de 7,2 milliards d’euros, alors acceptez que je puisse qualifier la vôtre de doublement massive. J’ignore si les uns et les autres y trouveront leur compte mais la vérité, elle, y trouvera le sien.

Autrement dit, je trouve infondé, injuste et en partie déloyal le reproche sur l’absence d’économies. Je trouve aussi qu’il faut faire preuve d’une assez solide mauvaise foi pour continuer à affirmer, comme le fait notamment Charles de Courson, que l’augmentation des impôts serait uniquement le fait de cette majorité. Les prélèvements obligatoires vont augmenter cette année de 1,1 %, pour des raisons qui tiennent aux deux tiers à des décisions prises par l’ancienne majorité et pour le reste à des décisions que la nouvelle majorité prendra, je l’espère.

Que les uns et les autres assument leurs actes car tous ont pris ces décisions pour que notre pays se désendette et respecte sa parole, pour que l’objectif de réduction de la dépense publique et de prélèvements soit cohérent avec les engagements pris par la France, c’est-à-dire un déficit de 4,5 % cette année.

M. Claude Goasguen. C’est bien tenté, monsieur le ministre !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. D’une certaine manière, nous y avons tous contribué et nous y contribuons encore. Libre à certains de ceux qui ont agi en ce sens de ne pas assumer ce qu’ils ont fait pour tenter d’en reporter la totalité de la responsabilité sur d’autres. La majorité parlementaire et le Gouvernement assument ce qu’ils font, se contentant de demander aux autres d’assumer ce qu’ils ont fait. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Je n’ai jamais caché mon manque d’enthousiasme pour certaines augmentations d’impôts de ces dernières années.

M. Jean Launay. Il fallait le dire !

M. Hervé Mariton. Je l’ai toujours dit.

M. Christian Paul. Jamais au moment des votes !

M. Hervé Mariton. Je n’ai jamais caché mon opinion sur ce sujet. Et, considérant que l’impôt a déjà bien augmenté, une hausse supplémentaire paraît toujours une potion encore plus redoutable. Sans compter que l’opposition conçoit quelque inquiétude quant aux mesures complémentaires que vous voudriez proposer pour le budget 2013. Entendez que nos concitoyens sont très sensibles sur ce sujet et prennent mal les augmentations nouvelles que contient ce collectif. Nous serions rassurés si vous rejetiez a priori toute perspective d’aggravation de la charge fiscale pour le budget 2013.

S’agissant des économies, monsieur le ministre, admettons votre proposition d’un surgel. Mais avez-vous un objectif bien défini ? Pouvez-vous nous l’indiquer ? Vous avez rappelé l’effort, modeste mais réel, accompli l’an dernier. Le Gouvernement s’est-il fixé un objectif raisonnable pour les économies qu’il espère de l’exécution budgétaire d’ici à la fin de l’année ?

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. M. le ministre vient d’expliquer, avec sa rigueur intellectuelle habituelle, comment ce collectif budgétaire s’inscrit dans les objectifs de dépenses prévus dans la loi de finances initiale. Il a aussi expliqué la correction faite en matière de recettes, puisqu’il y avait une sous-estimation d’une part de la croissance, d’autre part de l’élasticité – en tout cas de l’évolution – d’un certain nombre d’impôts. C’est la bonne façon de rester dans les clous de l’objectif de déficit.

Ce que ce projet de loi de finances rectificative modifie en revanche, c’est la nature des dépenses. Les masses globales sont les mêmes, mais la politique économique est orientée de façon radicalement différente. Vous aviez mis sur pied une arme de destruction de l’emploi, nous la supprimons. Vous aviez transféré un prélèvement de dix milliards et demi des entreprises aux ménages, ce qui n’est évidemment pas adapté à la conjoncture, le Gouvernement le corrige.

Cette nouvelle orientation de politique économique est adaptée à la conjoncture, mais en même temps parfaitement cohérente avec nos engagements de réduction du déficit. Et c’est l’ancienne majorité qui tient des discours sur la réduction des déficits structurels ! Il n’y a tout de même pas si longtemps que nous discutions de la loi de règlement pour 2011, et qu’il apparaissait que le gouvernement précédent a été le seul à maintenir un déficit structurel supérieur à 3 % du PIB pendant cinq ans ! Pendant cinq ans, le déficit a été compris entre 3,3 et 4,8 % !

En outre, la Cour des comptes a fait apparaître que l’effort, d’abord, était plus modeste que ce qui était affiché – seulement 0,8 point de déficit structurel – et ensuite provenait pour l’essentiel des recettes. Ce sont de nouveaux impôts qui ont fait la réduction du déficit. Face, donc, à un projet de loi de finances rectificative cohérent, adapté à la situation économique et qui finance ses réorientations – en faveur de l’éducation par exemple – entièrement par redéploiement, je trouve que l’opposition d’aujourd’hui est vraiment bien mal placée pour donner des leçons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je voudrais indiquer à la représentation nationale en quoi l’article d’équilibre reste valide malgré les amendements qui ont été adoptés. Mais d’abord, en entendant Pierre-Alain Muet parler du déficit structurel, je me suis rendu compte que je n’avais pas répondu à la question de Charles de Courson sur les efforts structurels en cours.

Les efforts structurels de réduction du déficit public sont partagés cette année entre ce qu’a fait l’ancienne majorité et ce que fait l’actuelle. Augmenter les impôts, c’est un effort structurel pour réduire le déficit. La Cour des comptes donne d’ailleurs acte à l’ancienne majorité d’avoir en 2011 réduit structurellement le déficit de 0,8 point de PIB – exclusivement par des recettes, absolument pas par des économies. La Cour va même plus loin en indiquant que l’évolution de la dépense publique cette année-là a en fait aggravé le déficit structurel, de 0,2 point.

Je pense très raisonnablement – mais encore une fois le mérite sera partagé – que les choses iront mieux cette année, parce que vous avez décidé 15 milliards d’impôts supplémentaires et que nous nous apprêtons, je l’espère, à en décider 7 de plus. Le déficit structurel sera également amélioré parce que nous tenterons de faire encore davantage d’économies que ce que vous aviez prévu et que nous assumons. Si les choses se passent comme nous pourrions tous l’espérer, alors le déficit structurel en 2012 sera réduit d’un montant que je ne peux évidemment pas chiffrer précisément, mais qui pourrait être sensiblement supérieur à l’amélioration structurelle que vous avez connue en 2011.

Par ailleurs, monsieur Mariton, vous venez de dire tout le regret avec lequel vous aviez voté les hausses d’impôts proposées par le gouvernement que vous souteniez. Vous en avez été malheureux. On le regrette pour vous. Mais vous les avez votées ! Je n’ai pas le souvenir que votre voix ait manqué ne serait-ce qu’une fois ces cinq dernières années à une augmentation d’impôt ou à la création d’une nouvelle taxe. Vous avez tout voté.

M. Hervé Mariton. Non !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Dans ce cas, c’est un problème entre vous et le compte rendu. Si je me suis trompé, je vous en donnerai acte. Mais je ne me souviens pas de ne pas vous avoir vu voter les augmentations d’impôts des gouvernements Fillon qui se sont succédé.

Quelle est la différence, pour nos concitoyens, entre un parlementaire qui vote des impôts en regrettant et un qui les vote en assumant ? Aucune. À tout prendre, je préfère un parlementaire qui assume ce qu’il fait, même avec du recul.

M. Pascal Terrasse. Quelle leçon !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Enfin, sur l’article d’équilibre, je veux saisir l’occasion de ces amendements pour dresser le bilan des débats sur la première partie.

Il se résume en deux constats. D’abord, les premières mesures proposées par le Gouvernement pour mettre en œuvre les engagements du Président de la République ont reçu un soutien plein et entier de la majorité parlementaire. Permettez-moi de m’en féliciter et de remercier les parlementaires de la majorité qui siègent sans désemparer depuis lundi. Ils doivent savoir à quel point le Gouvernement apprécie leur présence et leur soutien.

M. Christian Jacob. L’opposition siège aussi !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Permettez que je salue les parlementaires de la majorité puisque, tout au long de ces débats, comme les amendements venaient de vos rangs, c’est à vous que nous nous sommes adressés ! Je les remercie pour la compréhension et la patience dont ils ont fait preuve, ainsi que pour leur présence continue. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Je tiens également à saluer l’excellent travail de la commission des finances et de son nouveau rapporteur général, ainsi que les propos et l’attitude de son nouveau président.

Votre assemblée a contribué à l’amélioration et à la sécurisation des recettes publiques sur plusieurs points. L’amendement n° 210 de Pierre-Alain Muet corrige une malfaçon de la quatrième loi de finances rectificative pour 2011 et assure le maintien du taux de 5,5 % de TVA pour l’ensemble des travaux réalisés dans des logements sociaux, priorité du Gouvernement, dès lors qu’ils ont été agréés ou engagés en 2011. Je salue à cette occasion Daniel Goldberg pour son action très efficace aux côtés de Pierre-Alain Muet.

L’amendement n° 153 du rapporteur général harmonise le traitement fiscal des cas de transmission de parts de groupement foncier agricole, quelles qu’en soient les modalités juridiques. Il tire les conséquences d’une décision du Conseil constitutionnel sur un cas similaire et permet d’éviter des contentieux à venir sur ce dispositif fiscal.

L’amendement n° 156 de la commission des finances, qui vise à doubler le taux de la taxe de risque systémique à compter du 1er janvier 2013, contribuera au redressement de nos comptes. Enfin, l’amendement n° 508 du rapporteur général complète l’abrogation des exonérations sociales sur les heures supplémentaires en supprimant également le volet fiscal à compter du 1er août. Cette mesure d’équité fiscale est sans impact sur l’équilibre 2012 mais améliore les comptes publics de l’ordre de 500 millions en 2013 et de 1,4 milliard à compter de 2014.

Au total, à l’issue de l’examen de la première partie de ce collectif, votre assemblée a confirmé l’amélioration du déficit budgétaire de 3,7 milliards. L’impact des amendements adoptés est neutre sur l’équilibre 2012, mais améliore significativement les comptes publics à compter de 2013.

En conséquence, le Gouvernement ne propose pas d’amendement à l’article d’équilibre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et RRDP.)

(Les amendements identiques nos 333, 429 et 437 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 164 rectifié.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Rédactionnel.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Favorable.

(L’amendement n° 164 rectifié est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 490.

M. Hervé Mariton. Il s’agit de faire un milliard d’euros d’économies supplémentaires.

Au reste, en adressant vos félicitations à la majorité, monsieur le ministre, vous avez passé avec une pudeur que je comprends sur des votes parfois hésitants, et ce à l’occasion d’articles stratégiques (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Paul. Vous n’y croyez pas vous-même !

M. Hervé Mariton. Le bilan brillant que vous avez fait de la discussion budgétaire aurait pu rappeler ces moments aimables de notre discussion, qui ont en tout cas témoigné de réelles hésitations au sein de la majorité.

M. Christian Paul. C’est vraiment le service minimum !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Un milliard d’économies ! Pourquoi pas deux ou trois ? Vous ne détaillez pas la moindre proposition. C’est peut-être de bonne guerre, mais c’est surtout d’une aussi mauvaise foi que vos derniers propos sur les votes de la majorité. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je recommande le rejet de cet amendement. Je vous suggère même, monsieur Mariton, de le retirer, puisque je viens d’indiquer que le Gouvernement avait décidé un surgel complémentaire d’un milliard et demi d’euros, soit plus que ce que vous proposez. Cela devrait vous satisfaire et la bonne foi voudrait donc que vous retiriez cet amendement.

Quant à l’attitude de la majorité, vous avez tout loisir de confondre la découverte du scrutin public avec ce que vous souhaiteriez être une hésitation dans le soutien politique des parlementaires de la majorité. C’est la manifestation d’un élément de votre personnalité que chacun connaît bien, cette subtilité qui est reconnue, et ne voyez aucune ironie dans mes propos, sur tous les bancs ici. Une subtilité qui atteint parfois un tel niveau que même vos amis peinent à vous comprendre. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Pour ma part, j’essaie laborieusement – j’ai toujours été un peu laborieux – de comprendre. Je comprends du moins que le ministre nous dit que l’amendement pourrait, au fond, être considéré comme pas assez ambitieux, alors que le rapporteur général tendait, lui, à le dénigrer. Nous maintenons donc l’amendement, en retenant plutôt le ton du ministre, qui nous invite à être plus ambitieux en termes d’économies, que la critique un peu sévère du rapporteur général.

(L’amendement n° 490 n’est pas adopté.)

(L’article 19 et l’état A annexé sont adoptés.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble de la première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2012.

(L’ensemble de la première partie du projet de loi est adopté.)

Seconde partie

Mme la présidente. Nous en venons aux articles de la seconde partie du projet de loi .

Article 20 et état B

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement n° 546 du Gouvernement.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Par cet amendement, le Gouvernement demande au Parlement d’autoriser un transfert, tout à fait minime au regard de l’ampleur du budget de l’État puisqu’il ne porte que sur 40 000 euros, de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » à la mission « Culture ». Il nous paraît préférable d’y procéder directement par un vote dans le cadre de l’examen de cette loi de finances rectificative, plutôt que par un décret d’avance qui serait ratifié ensuite par la prochaine loi de finances, rectificative ou initiale.

Mme la présidente. Le président de la commission des affaires culturelles souhaite-t-il exprimer un avis sur cet amendement ?

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles. Favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission des finances ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Globalement, portant sur un montant de 40 000 euros, l’opération est neutre. Il y a tout lieu, me semble-t-il, d’émettre un avis favorable, même si cet amendement n’a pas été examiné par la commission des finances.

(L’amendement n° 546 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement n° 545 du Gouvernement.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Cet amendement vise à corriger une erreur matérielle intervenue à l’occasion des reports sur le programme « Pensions civiles et militaires de retraite et allocations temporaires » de la mission « Pensions ».

Le Gouvernement vous remercie de bien vouloir adopter cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Faute avouée est à moitié pardonnée, et complètement lorsqu’elle est corrigée. La commission émet donc un avis favorable.

(L’amendement n° 545 est adopté.)

(L’article 20 et l’état B annexé, amendés, sont adoptés.)

Article 21 et état C

(L’article 21 et l’état C annexé sont adoptés.)

Article 22 et état D

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement n° 514 rectifié du Gouvernement.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Il s’agit à nouveau d’une réimputation, donc d’une nouvelle faute, elle aussi avouée. J’espère que vous la pardonnerez, et que M. le rapporteur général acceptera d’émettre un avis favorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Une nouvelle fois, avis favorable.

(L’amendement n° 514 rectifié est adopté.)

(L’article 22 et l’état D annexé, amendés, sont adoptés.)

Article 23

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements identiques tendant à supprimer l’article 23.

La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 334.

M. Hervé Mariton. Il s’agit de la création de postes à l’éducation nationale pour la rentrée du mois de septembre prochain. L’amendement a été présenté en commission.

Je rappelle rapidement notre raisonnement. Tous les postes proposés par l’article 23 ne sont pas forcément inutiles, et la démarche ne mérite pas notre mépris. Reste un problème de perspective. La majorité s’est engagée à créer massivement des emplois dans l’éducation, tout en faisant l’impasse sur le problème considérable de la revalorisation de la fonction enseignante et en proposant une stratégie particulièrement peu lisible pour l’évolution des rémunérations appréhendées globalement dans la fonction publique. Comment ferez-vous sans mesures indiciaires – c’est aussi la politique que nous avons suivie pendant de nombreuses années – et sans mesures catégorielles, si nous comprenons bien les objectifs budgétaires que vous vous donnez ?

Mettons aussi le doigt sur le problème de l’articulation entre la stratégie 2012 et la stratégie 2013. Comme vous voulez démontrer rapidement que vous recrutez, vous allez recruter principalement non pas là où l’on rencontre des besoins mais là où l’on trouve une offre. Vous recrutez où vous trouvez une offre disponible de personnes susceptibles d’être recrutées…

Plusieurs députés du groupe SRC. C’est faux !

M. Hervé Mariton. …et non pas là où il faudrait éventuellement recruter en priorité. On retombe sur le problème de la stratégie 2013. Il y a un certain nombre de besoins dans l’enseignement. Las, compte tenu, en particulier, de l’insuffisante attractivité des métiers et de l’impossibilité dans laquelle nous nous trouvons de recruter, cette année encore, certains jurys de concours de l’enseignement ont été dans l’impossibilité de pourvoir la totalité des postes disponibles. Il y a des besoins, mais il n’y a pas assez de candidats.

Vous voulez cependant procéder à des recrutements dès 2012, de manière, en réalité, assez cosmétique. Alors, vous allez recruter là où il n’y a pas de besoins. C’est une politique de gribouille en termes de stratégie de l’éducation nationale, et c’est une politique très injustifiée en termes de finances publiques. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Il y a des besoins pour lesquels vous ne pouvez pas recruter, et vous recrutez simplement, je le répète, pour procéder à une démonstration cosmétique. Sauf le respect dû à tel ou tel, c’est la politique de l’affichage qui prime.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n° 391.

M. Charles de Courson. Nous avons longuement discuté en commission des finances. Le Gouvernement annonce que les effectifs de la fonction publique d’État seront stables pendant les cinq prochaines années, avec 13 000 créations de postes par an pour police, justice, gendarmerie et éducation, et une réduction à due concurrence des effectifs des autres ministères. La réduction sera de 7 500 emplois par an pour le ministère de la défense, le reste, 5 500 suppressions de poste, incombant aux autres ministères. Cela veut dire que vous ne changez rien en matière de gestion des effectifs au ministère de la défense, et vous ne changez rien non plus aux autres ministères non prioritaires, puisque 5 500 emplois en moins, cela correspond, grosso modo, à la suppression d’un poste sur deux. Vous aurez quand même du mal, premier petit problème, à expliquer à la fonction publique que, hormis quatre ministères, il faut continuer la politique de vos prédécesseurs. Que n’a-t-on pas entendu dire, pourtant, pendant cinq ans, sur les bancs de l’actuelle majorité ! Mais, n’étant pas sectaire, je me dis que, au moins, vous maintenez notre politique sur 40 % des effectifs.

Reste la création de 13 000 emplois par an. Vous êtes pris dans une contradiction formidable, car vous ne pouvez pas maintenir, comme vous prétendez le vouloir, la masse salariale de la fonction publique d’État à son niveau actuel sans prendre les mesures suivantes, et je ne fais que reprendre les analyses développées par la Cour des comptes dans son rapport en vue du débat d’orientation budgétaire : gel du point d’indice, soit la poursuite de la politique que nous avons menée, et que vous avez condamnée ; division par dix des mesures catégorielles, dont je vous rappelle qu’elles ont, ces dernières années, coûté 500 millions d’euros par an, et nous étions quelques-uns à dire au Gouvernement que l’on ne pouvait pas continuer ainsi, que c’était impossible compte tenu de la situation du budget ; maîtrise des régimes indemnitaires, grâce auxquels on redonne la moitié des économies faites – en réalité, plus – aux fonctionnaires sous forme d’augmentations de leurs primes, qui ont permis une augmentation du pouvoir d’achat que vous ne pourrez, vous, prolonger.

Pour le dire clairement, la Cour des comptes estime que, si vous choisissez cette politique, l’enveloppe de la masse salariale ne pourra rester stable que si vous faites baisser continûment le pouvoir d’achat des fonctionnaires. Pensez-vous qu’une telle politique soit raisonnable pour les cinq ans qui viennent ? Pour notre part, nous ne le pensons pas. Comme nous voulons, nous, maintenir une augmentation raisonnable du pouvoir d’achat des fonctionnaires, la seule solution est de poursuivre la baisse des effectifs de la fonction publique. Voilà dans quelle contradiction vous vous êtes mis.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n° 424.

M. Philippe Vigier. Je m’appuie sur ce que vient de dire Charles de Courson. Qu’allez-vous faire si vous voulez maintenir le pouvoir d’achat des fonctionnaires ? Lorsque nous avons supprimé 160 000 postes en cinq ans, c’était, entendait-on sur vos bancs, la casse de la fonction publique, mais on allait voir ce qu’on allait voir et vous alliez reconstruire tout cela ! Or on ne voit rien du tout, et c’est d’ailleurs un arbitrage qui a été remporté par M. le ministre délégué, qui jugeait absolument nécessaire un gel, tandis que M. Hamon voulait au contraire une augmentation des effectifs. J’ai lu tout cela avec beaucoup d’attention, monsieur le ministre délégué ; votre collègue Benoît Hamon avait expliqué qu’il fallait créer 65 000 postes et, surtout, ne pas toucher aux autres postes de la fonction publique.

Déjà, nous voulons de premières réponses. Lorsque nous n’avons remplacé qu’un départ sur deux dans l’enseignement, est-ce qu’une part des économies faites n’a pas été donnée en pouvoir d’achat à ces enseignants, à ces fonctionnaires ? Oui ou non ? Nous l’avons fait !

La question de Charles de Courson est donc très pertinente. Allez-vous, oui ou non, continuer à augmenter le salaire des fonctionnaires ?

Je voudrais aussi, monsieur le ministre délégué, que vous répondiez très précisément à une deuxième question. Sur les 700 000 fonctionnaires en dehors des quatre secteurs dans lesquels vous procédez à des augmentations d’effectifs, combien de postes supprimerez-vous ? Deux sur trois ? Un sur deux ? Dites-nous ce que vous allez faire. Dites-nous si, oui ou non, les économies faites seront injectées en pouvoir d’achat. Nous voyons bien qu’il se profile des choses avec les sous-préfectures. Dans mon propre département, le préfet m’a informé que l’on commençait à examiner leur carte.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Fromantin, pour soutenir l’amendement n° 425.

M. Jean-Christophe Fromantin. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen. J’ai entendu, pendant très longtemps, des discours sur l’éducation nationale. Quel dénominateur commun ? Vous ne parlez jamais de l’éducation nationale à l’Assemblée nationale, sauf pendant les débats budgétaires. Vous comprendrez bien, monsieur le ministre délégué, que le ministre de l’éducation nationale ne nous ait pas donné quelques éléments d’information – rien ! – sur une mesure dont vous conviendrez qu’elle est tout de même relativement importante.

On nous a gonflés de chiffres pendant toute la campagne électorale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) J’ai voulu dire que les chiffres étaient gonflés, mes chers collègues.

Mme la présidente. Poursuivez, monsieur Goasguen, avec le niveau de langage que vous aurez choisi. Ne vous laissez pas interrompre.

M. Claude Goasguen. J’ai trouvé que les chiffres étaient gonflés : 60 000 ! J’attends toujours, d’ailleurs, une explication sur ce chiffre. Vous pourrez le vérifier : il n’existe pas, en l’état actuel des choses, de document, au ministère de l’éducation nationale, qui permette d’expliquer pourquoi c’est le chiffre de 60 000 postes, non celui de 55 000 ou celui de 65 000,  qui a été choisi.

Las, je retrouve la même méthode dans l’exposé des motifs. Pourquoi 1 000 ? Pourquoi 1 500 auxiliaires ? Pourquoi tel nombre d’assistants d’éducation ? Tout cela vise en réalité à afficher des chiffres mirobolants. On voit bien, j’en conviens, que nous sortons d’une campagne électorale. Avons-nous pour autant un personnel dûment formé pour remplir ces fonctions ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. Thomas Thévenoud. C’est votre faute !

M. Claude Goasguen. Le ministre de l’éducation nationale a répondu ; il est venu dans cet hémicycle, pour une fois.

Mme la présidente. Préparez-vous à conclure votre intervention.

M. Claude Goasguen. J’en ai pour deux minutes, je termine.

Mme la présidente. Non, vous en avez pour trois secondes.

M. Claude Goasguen. Non, je n’en ai pas pour trois secondes, car je voudrais quand même que le ministre de l’éducation nationale…

Mme la présidente. Vous n’avez pas la parole pour plus de trois secondes, monsieur Goasguen.

M. Claude Goasguen. Pourquoi donc ? Si vous voulez, nous demanderons une suspension de séance pour faire venir le ministre de l’éducation nationale, mais ce sera long.

Mme la présidente. Vous n’avez pas vocation à le faire.

M. Claude Goasguen. Laissez-moi terminer ! Je vous dis très nettement…

Mme la présidente. Puisque vous employez ce ton, monsieur Goasguen, vous n’avez plus parole.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Comme le veut la fonction, je rapporte les travaux de la commission. Nombre d’entre vous ont signalé que la discussion a déjà été longue.

Je rappelle qu’il s’agit d’un point important : les 90 millions d’euros nécessaires à la mise en œuvre de ces emplois seront obtenus uniquement par redéploiement, c’est-à-dire par prélèvement sur d’autres crédits.

M. Hervé Mariton. En particulier ceux de la défense !

M. Christian Eckert, rapporteur général. La mesure n’est pas négligeable, puisqu’elle concerne 1 000 professeurs des écoles, 100 conseillers principaux d’éducation, 1 500 auxiliaires de vie scolaire, et 500 professeurs de l’enseignement technique et agricole. Ces emplois correspondent à des besoins réels. Tout cela est détaillé dans le rapport, qui, à la page n° 32, expose les critères sur lesquels ces chiffres ont été établis.

Vous pouvez nous expliquer, monsieur Mariton, qu’il convient de recruter des gens dans les secteurs où l’on trouve à recruter : nous préférons recruter en fonction des besoins. La politique que vous avez menée a entraîné des besoins très forts dans les territoires de la République.

M. Michel Vergnier. Pour recruter, vous avez recruté !

M. Christian Eckert, rapporteur général. L’objet de notre politique est de répondre à ces besoins.

En ce qui concerne la formation, le Gouvernement a prévu des décharges pour les jeunes enseignants du primaire et du secondaire, ainsi qu’un système de tutorat. Tout ceci est financé.

Vous savez comme moi qu’une partie des problèmes d’attractivité du métier d’enseignant provient des conditions de travail.

M. Hervé Mariton. Et de la rémunération !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Le nombre de postes d’enseignants, l’environnement de travail, la formation, font partie des éléments qui peuvent remédier à ces problèmes et améliorer l’attractivité de ces postes.

M. Hervé Mariton. Et la fin des heures supplémentaires ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous avez évoqué également la question du régime indemnitaire des enseignants, et la fameuse affaire du « retour catégoriel ». Je vous renvoie à cet égard à la négociation sociale – élément que vous semblez ignorer – que le gouvernement a entamée.

M. Claude Goasguen. Allons !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Cette négociation se poursuivra. Elle permettra le cas échéant d’arbitrer entre les conditions de travail, les conditions de formation, et les progressions individuelles de carrière et de rémunération.

Tout ceci est parfaitement équilibré et parfaitement financé. Il n’est pas besoin de vous dire que c’est conforme aux engagements du Président de la République, dont vous vous faites assez souvent les comptables.

La commission émet donc un avis de rejet sur vos amendements.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

Sur le fondement de quel article ?

M. Christian Jacob. …58, alinéa 1, relatif au déroulement de la séance, madame la présidente !

À ce propos, M. Le Guen a, tout à l’heure, très largement dépassé son temps de parole. Or, notre collègue Claude Goasguen était en train de développer une démonstration qui justifiait, à mon avis, qu’on lui accorde quelques secondes supplémentaires.

Dans un souci de clémence, et pour le bon déroulement de nos débats, je vous propose, madame la présidente, de redonner la parole à M. Goasguen. Si vous le refusiez, je serais obligé de demander une suspension de séance pour réunir mon groupe.

Mme la présidente. Cette suspension de séance est de droit, monsieur le président Jacob. Si vous la demandez, vous l’obtiendrez immédiatement.

M. Christian Jacob. Puisque vous voulez jouer sur ce terrain-là, je demande donc une suspension de séance pour réunir mon groupe.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue pour une minute.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures trente-trois, est reprise à vingt-trois heures trente-quatre.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Rappels au règlement

Mme la présidente. Je me permets de rappeler les dispositions du règlement à l’ensemble de nos collègues, dont certains sont arrivés tout récemment dans notre assemblée.

La discussion d’un amendement se déroule de la manière suivante : dans un premier temps, l’auteur de l’amendement le présente ; dans un deuxième temps, l’avis du rapporteur de la commission concernée – en l’occurrence le rapporteur général de la commission des finances – est sollicité ; dans un troisième temps, l’avis du Gouvernement est demandé. On passe ensuite au vote. Auparavant, le président de séance peut donner la parole à un orateur pour l’amendement et à un orateur contre. Il s’agit simplement d’une faculté, il n’est en rien obligé de le faire.

Il m’arrive souvent de donner la parole à plusieurs orateurs de groupes différents, dont je ne présuppose pas l’avis. Ce n’est qu’une faculté qui m’est donnée, en aucun cas une obligation. Quand je donne la parole à M. Goasguen, du groupe UMP, alors que vous-même, monsieur Jacob, président du groupe, étiez inscrit – et je comptais bien vous donner la parole –, j’entends que M. Goasguen respecte au moins les deux minutes de son temps de parole. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Claude Goasguen. C’est inadmissible ! M. Le Guen a parlé pendant plus de six minutes tout à l’heure. C’est deux poids, deux mesures !

Mme la présidente. Quand je signale à M. Goasguen qu’il arrive à la fin de son intervention, j’entends qu’il réponde correctement, ou qu’il subisse le règlement dans toute sa rigueur ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP. – Approbation sur les bancs du groupe SRC.)

M. Claude Goasguen. La présidence doit respecter les parlementaires !

Mme la présidente. Monsieur le président Jacob, je suis sûre que vous comprenez ce que je veux dire ! Après ce rappel au règlement que je viens moi-même de faire, et conformément à l’article 56, alinéa 2, dudit règlement, je vous donne la parole. C’est à vous de choisir si je vous la donne pour un nouveau rappel au règlement ou pour l’intervention que vous aviez demandée sur l’amendement n° 426. (Vives exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Christophe Lagarde. Il n’a pas à choisir !

M. Christian Jacob. Je m’exprimerai, madame la présidente, sur le fondement de l’article 58, alinéa 1, du règlement.

Je ne veux pas poursuivre sur ce terrain. Je souhaite que le débat se déroule tranquillement. Tout le monde a noté que, tout à l’heure, M. Le Guen a parlé pendant plus de cinq minutes.

Plusieurs députés du groupe UMP. Pendant six minutes trente !

M. Christian Jacob. Il entre dans vos attributions, madame la présidente, d’accorder à certains moments un dépassement du temps de parole de deux minutes. Je respecte totalement les décisions de la présidence sur ce point. Cela n’a d’ailleurs pas été remis en cause.

M. Jean-Christophe Lagarde. Très bien !

M. Christian Jacob. Ce que nous vous demandons, c’est simplement d’accepter, en fonction de la nature du débat, ces dépassements. C’est la raison pour laquelle je souhaite que M. Goasguen puisse terminer son intervention, de façon à ce que nous puissions continuer sereinement ce débat.

M. Philippe Vigier. Très bien !

Article 23 (suite)

Mme la présidente. Monsieur Jacob, vous avez maintenant la parole pour défendre l’amendement n° 426.

M. Christian Jacob. J’utiliserai ce temps de parole tout à l’heure, pour répondre au Gouvernement. Je souhaite que mon collègue Claude Goasguen puisse s’exprimer à ma place.

Mme la présidente. C’est très généreux de votre part. Vous avez le droit de gérer votre groupe comme vous le souhaitez.

Je vais donc donner la parole à M. le président de la commission des affaires culturelles.

M. Claude Goasguen. Ne puis-je intervenir à présent, madame la présidente ?

Mme la présidente. Non, vous aurez la parole tout à l’heure, pour répondre au Gouvernement. C’est ce que vient de m’indiquer le président de votre groupe. Je suis très attentive à ce que disent les présidents de groupe. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Claude Goasguen. Nous ne sommes pas à l’école ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Si vous voulez vraiment des incidents de séance, vous en aurez ! Nous savons y faire aussi bien que vous ! Où vous croyez-vous ? Respectez un minimum les parlementaires !

M. Jean-Marie Le Guen. Baissez d’un ton, monsieur Goasguen !

M. Claude Goasguen. Je parle comme je veux ! Personne ne me fera taire ici, ni vous ni personne !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles. Je vous remercie, madame la présidente, de me permettre de revenir au débat de fond. J’interviens à propos des amendements de suppression de l’article 23, car la commission des affaires culturelles et de l’éducation s’est saisie pour avis des articles 23, 24 et 30 du projet de loi de finances rectificative.

Je rappelle quelques éléments essentiels à propos de l’article 23. Tout d’abord, ce que nous allons accomplir ce soir, en adoptant cet article, est sans précédent : c’est la première fois qu’un collectif budgétaire corrige les conditions d’une rentrée scolaire à quelques semaines de celle-ci.

La vérité des chiffres s’impose. Entre 2008 et 2012, la majorité d’hier – l’opposition d’aujourd’hui – a supprimé 70 000 postes dans l’éducation nationale, sous des prétextes divers. La mastérisation a permis de supprimer 14 000 emplois en 2010. Les leviers d’efficience ont été l’argument de communication mis en avant depuis 2011.

Pour 2012, 14 000 suppressions d’emplois étaient prévues, ce qui signifiait la suppression de 715 classes dans le primaire, et de 5 000 postes d’enseignants dans le secondaire.

De ce fait, les mesures correctives d’urgence prévues par la loi de finances rectificative ne permettront pas, bien entendu, de changer en profondeur le budget de l’éducation nationale. Elles permettront néanmoins de le rectifier, et de montrer qu’une autre voie est possible : celle de la refondation de l’école publique. Ces 90 millions d’euros seront consacrés à la création de 1 000 emplois. Je m’inscris en faux contre les propos de M. Mariton, car, en l’occurrence, ces 1 000 emplois seront créés pour ouvrir des classes – ou éviter les fermetures de classes initialement prévues –, pour améliorer l’accueil des élèves dans les zones rurales et les écoles de l’éducation prioritaire. Ni les postes de remplaçants, ni les RASED ne seront oubliés. Je n’oublie pas non plus les 50 professeurs prévus pour l’enseignement technique agricole. Voilà ce que signifie l’article 23 du projet de loi de finances rectificative.

L’éducation nationale doit être refondée : c’est le sens de la concertation qui a été lancée il y a une dizaine de jours par le ministre de l’éducation nationale. J’invite la majorité à maintenir cet article et à rejeter, comme l’a fait la commission des affaires culturelles et de l’éducation, les amendements de suppression qui sont proposés. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements de suppression ?.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement donne un avis défavorable à ces amendements.

Monsieur Goasguen, je m’adresse tout particulièrement à vous. Vous serez, je crois, sensible à ceci : le financement des postes qui seront ouverts à la rentrée aurait pu provenir de la réserve de précaution. Ce ne sera pas le cas. Nous avons annulé des crédits hors réserve de précaution pour financer ces postes. Je vous sais particulièrement sensible à ce type de procédure budgétaire. Vous faites partie de ceux qui estiment que l’État aurait dû, depuis très longtemps, réduire la dépense publique. Je ne pense pas parvenir à vous convaincre que ce gouvernement réalisera ce que vous avez espéré d’autres gouvernements. Sachez au moins que cette mesure-là sera financée par des gels de crédits hors réserve de précaution.

Deuxième remarque : il est cette année très délicat de ne recruter que des enseignants, parce qu’il existe incontestablement un problème de vivier. M. Mariton l’a souligné de manière judicieuse et je parle sous le contrôle des membres de la commission des affaires sociales.

Ce problème de vivier est d’autant plus aigu qu’au cours des cinq dernières années les politiques menées ont puissamment contribué à décourager les vocations. Décourager les vocations a pris du temps, les susciter à nouveau en prendra également. En attendant, des postes sont créés, dont il ne fut jamais dit qu’ils seraient tous des postes d’enseignants.

M. Claude Goasguen. C’est vrai !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Il a toujours été précisé qu’il s’agirait de postes dans l’éducation nationale : des postes de professeurs, naturellement, et si possible des postes de professeurs des écoles – car l’effort du Gouvernement porte d’abord, si ce n’est exclusivement, sur l’école primaire – mais aussi des postes d’auxiliaires de vie scolaire.

Vous savez ce qu’a été la politique du handicap, notamment pour les plus jeunes de nos concitoyens. Nous savons tous, car nous avons eu – ou avons encore – des responsabilités locales, les très grandes difficultés que rencontrent ces enfants pour être scolarisés comme les enfants ne souffrant pas de handicap. Nous manquons d’auxiliaires de vie scolaire. Il y aura donc, pour la rentrée scolaire, des recrutements d’auxiliaires de vie scolaire. Vous souhaitiez cette précision, monsieur Goasguen : je vous la donne bien volontiers. L’exposé des motifs de la loi de finances rectificative est assez clair à cet égard.

Pour le reste, vous dire aujourd’hui ce que sera la politique en matière de recrutement dans l’éducation nationale pour l’année 2013 serait très présomptueux de ma part, puisque nous en sommes encore au débat sur la loi de finances rectificative pour 2012, et que l’élaboration de la loi de finances initiale pour 2013 ne fait que commencer.

Et si je souhaitais m’avancer, je ne pourrais le faire sans posséder d’éléments de certitude suffisamment précis à présenter au Parlement. Bref, je ne serais pas sincère et je manquerais aux devoirs du pouvoir exécutif vis-à-vis de la représentation nationale en énonçant des propos qui risqueraient d’être démentis dans des temps très proches. Donc je ne le ferai pas, par sincérité,…

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …non par volonté d’opacité, non parce que le Parlement, selon moi, n’aurait pas le droit d’être renseigné, bien au contraire, mais, précisément, parce que, respectant le Parlement comme beaucoup d’entre vous le savent, je ne veux pas énoncer des propos devant la représentation nationale qui s’avéreraient très vite infondés.

M. Claude Goasguen. Très bien !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Voilà pourquoi je me permets de vous dire cela, monsieur Goasguen. J’espère que vous en prendrez ce que vous pouvez, peut-être en regrettant comme une insuffisance d’information mais non comme une volonté de celer quoi que ce soit, ma volonté de transparence à l’égard de l’ensemble des parlementaires, que je respecte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Avant de vous donner la parole, madame Dufour-Tonini, je voudrais, puisque vous lui succédez, que nous ayons une pensée collective pour Patrick Roy…

Vous avez la parole.

Mme Anne-Lise Dufour-Tonini. En s’efforçant de parer au plus urgent, l’article 23 donne aussi la première traduction à l’engagement présidentiel de faire de l’école la priorité de l’action publique pour le quinquennat. Nous signons, avec ces mesures, la fin des suppressions massives de postes sans que n’ait été engagée, au préalable, une réflexion sur les moyens permettant de lutter plus efficacement contre l’échec scolaire. Elles ont considérablement affaibli le grand service public de l’éducation, pilier fondamental de notre République considéré alors comme une simple variable d’ajustement budgétaire.

La Cour des comptes avait d’ailleurs souligné, dès 2009, les dangers d’une approche principalement budgétaire de la gestion des ressources humaines de l’État. Dans ces conditions, et faute d’avoir fait une analyse qualitative, d’avoir défini, par ce biais, une politique éducative plus efficace, les coupes budgétaires ne pouvaient améliorer la qualité du service public de l’éducation, bien au contraire.

Alors que le ministre de l’éducation nationale de l’époque reconnaissait les difficultés de nos enfants, qui ne cessaient de croître, en proposant de nombreux dispositifs de prise en charge – aide personnalisée, accompagnement éducatif et accompagnement personnalisé –, il convient de relever la profonde contradiction avec le sort réservé aux enseignants des RASED, notamment. Je ne reviendrai pas sur la problématique de la scolarisation dès deux ans et sur la non-formation des enseignants primotitulaires. Nous ne dirons jamais assez qu’un euro économisé sur l’éducation de notre jeunesse n’est pas un bon euro. M. Mariton se demandait si les postes allaient être créés là où il y en avait besoin. Considérant les coupes opérées durant ces dernières années et, en particulier, dans le premier degré, l’OCDE montrant clairement que nous sommes bien en deçà, s’agissant de l’encadrement du premier degré, de la moyenne des différents pays, les 1 000 postes d’enseignants qui seront créés dans le premier degré seront bien nécessaires.

C’est une première étape fondamentale pour redonner confiance aux enseignants,…

Mme la présidente. Il faut conclure, madame Dufour-Tonini.

Mme Anne-Lise Dufour-Tonini. …un premier effort qui devra être amplifié par la future loi d’orientation. Ce qui nous est proposé, aujourd’hui, est sans précédent à quelques semaines d’une rentrée scolaire. C’est l’occasion pour nous de signaler à l’opinion publique que l’école redevient la priorité de l’action publique, l’école de la réussite pour tous ! C’est bien à quoi nous nous attelons depuis quelques jours ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Rappels au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Mon intervention se fonde sur l’article 58. Nous aimerions, madame la présidente, que vous puissiez nous éclairer sur la tenue des débats. Dans quel cadre notre collègue vient-elle d’intervenir ? Vous avez en effet pris soin, tout à l’heure, de rappeler la procédure de défense d’un amendement, à savoir qu’il est présenté par l’un des cosignataires, que le rapporteur général puis le ministre donnent leur avis et que les parlementaires ont, ensuite, la possibilité de répondre. Or vous venez de laisser intervenir notre collègue en tant qu’inscrite.

M. François Brottes. C’est une mise en cause !

M. Christian Jacob. Comment organisez-vous les débats ? Pouvez-vous nous éclairer ?

Mme la présidente. Le règlement donne la faculté à la présidence, après que l’auteur a exposé son amendement et après l’avis de la ou des commissions concernées, comme c’était le cas sur cet amendement, de donner ou non la parole à un orateur pour et à un orateur contre.

M. François Brottes. Ou pour répondre à la commission !

Mme la présidente. Une oratrice était contre les amendements de suppression de cet article, plusieurs orateurs étaient pour. Mais si vous voulez que l’on ignore les orateurs pour, il n’y a pas de problème, monsieur Jacob : je ne redonnerai pas la parole à M. Goasguen, comme vous me l’avez pourtant demandé tout à l’heure. C’est vous qui décidez, vous êtes le président du groupe.

M. Christian Jacob. Madame la présidente, accessoirement, c’est vous qui présidez l’Assemblée.

Mme la présidente. J’applique le règlement. Vous devez le connaître aussi bien que moi.

M. Christian Jacob. C’est la raison pour laquelle je vous demande, sur la base de l’article 58, une suspension de séance !

Mme la présidente. Vous avez la réponse à votre question. Nous allons donc passer au vote.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je demande moi aussi la parole pour un rappel au règlement, madame la présidente !

Mme la présidente. Sur le fondement de quel article ?

M. Jean-Christophe Lagarde. De l’article 58, alinéa 1.

Mme la présidente. Vous avez la parole.

M. Jean-Christophe Lagarde. Madame la présidente, je voudrais d’abord que vous puissiez me dire dans quel article de notre règlement il est précisé qu’après l’auteur de l’amendement, le rapporteur de la commission et le Gouvernement, un orateur pour et un orateur contre peuvent s’exprimer. À ma connaissance, en effet, un seul orateur peut intervenir et non pas deux. Nous avons évoqué, hier l’article 100. J’aimerais que vous puissiez me citer l’article en question.

Il m’a semblé, de plus, que vous aviez interrompu un intervenant, en l’occurrence un président de groupe, alors qu’il vous demandait une suspension de séance. Cela ne me paraît pas tout à fait digne des débats de notre assemblée. Je comprends parfaitement que vous deviez policer nos débats pour ne pas les rendre plus compliqués, mais vous ne pouvez interdire à un président de groupe de demander une suspension de séance : cela je crois, ne s’est jamais vu.

Enfin, madame la présidente, j’ai entendu avec intérêt vos propos concernant les deux minutes d’intervention : ils étaient tout à fait légitimes. Alors, je voudrais que vous disiez à l’Assemblée combien de minutes M. Jean-Marie Le Guen est intervenu sur l’amendement qu’il a défendu tout à l’heure.

M. Philippe Vigier. Six minutes trente !

M. Jean-Christophe Lagarde. Il a, ensuite, répondu. Quelle a été la durée de sa réponse ? Cela permettrait, je le pense, d’édifier l’Assemblée.

M. Philippe Vigier. Très bien !

Mme la présidente. En réponse à votre rappel au règlement, je vous donne immédiatement l’information que vous souhaitez : il s’agit de l’article 100, alinéa 7, de notre règlement.

M. Jean-Christophe Lagarde. Et pour la durée de l’intervention de M. Le Guen ?

Article 23 (suite)

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder aux votes sur les amendements de suppression puis sur l’article.

(Les amendements identiques nos 334 ; 391, 424 et 425 ne sont pas adoptés.)

(L’article 23 est adopté.)

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob, pour un rappel au règlement.

M. Christian Jacob. Fondé sur l’article 58, alinéa 1.

Je vous demande, madame la présidente, une suspension de séance pour réunir mon groupe. Et je n’entends pas qu’elle soit d’une minute, j’ai besoin d’au moins un quart d’heure pour étudier, avec mon groupe, de quelle manière nous allons poursuivre ce débat.

M. Claude Goasguen. Absolument !

Mme la présidente. La suspension est de droit .

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-deux heures cinquante, est reprise à vingt-trois heures.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Rappel au règlement

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Christophe Lagarde. Madame la présidente, vous m’avez indiqué que la disposition permettant l’inscription d’un orateur pour et d’un orateur contre est l’article 100, alinéa 7 de notre règlement. Je me permets de vous le lire : « Hormis le cas des amendements visés à l’article 95, alinéa 2 – il s’agit des articles additionnels du Gouvernement ou de la commission–, ne peuvent être entendus, sur chaque amendement, outre l’un des auteurs, que le Gouvernement, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond, le président ou le rapporteur de la commission saisie pour avis et un orateur d’opinion contraire. Sous réserve des dispositions de l’article 54, alinéa 5, les interventions sur les amendements, autres que celles du Gouvernement, ne peuvent excéder deux minutes. ». Cela signifie qu’à l’issue de la réforme de 2009, les orateurs pour ne peuvent plus s’exprimer.

M. Nicolas Sansu. Ça ira plus vite !

M. Jean-Christophe Lagarde. Pour la bonne clarté de nos débats, je me permets d’en informer nos collègues, dont certains sont nouvellement élus. Par ailleurs, il me serait très agréable, avant la fin de la séance, de connaître la durée de l’intervention de M. Le Guen.

Mme la présidente. Je vous remercie, monsieur Lagarde, pour ce moment de pédagogie collective.

Article 24

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, inscrit sur l’article.

M. Lionel Tardy. Je trouve cet article un peu étrange. Alors que tous les autres alourdissent les prélèvements, celui-ci recrée une niche en faveur d’un secteur, il est vrai très doué pour le lobbying puisque, sur les trente articles du PLFR, un article spécifique lui est consacré.

De grâce, que l’on arrête de justifier ces privilèges fiscaux par le caractère de « produit de première nécessité » des livres ! Les Français ne lisent pas, ou très peu, pour la majorité d’entre eux. Les études statistiques sont claires, et ce n’est pas le prix du livre qui y changera quelque chose. Quand on regarde la situation d’autres secteurs économiques, on se dit que le livre ne s’en sort pas si mal.

Je comprends parfaitement qu’une filière puisse souffrir d’une hausse de TVA mais, en même temps il s’agit juste de passer de 5,5 % à 7 %, et il n’y a pas que les livres qui ont subi cela ; tous les autres secteurs qui étaient à 5,5 %, comme les travaux dans le bâtiment, ont subi la même correction. Pourquoi seule la filière du livre devrait-elle bénéficier d’un retour en arrière ?

Si cette filière économique n’est pas capable, sans aide publique, d’intégrer une variation de fiscalité finalement assez faible, c’est qu’il y a un problème. Continuer à la subventionner sur fonds publics comme on le fait ici ne va certainement pas l’aider à changer.

Le vrai sujet, qui est éludé, c’est l’inégale répartition de la valeur ajoutée, avec des marges ridicules pour les libraires, qui sont à la limite de la ligne de flottaison financière. Tout cela au profit des éditeurs, qui ne veulent surtout pas que cela change.

Ce retour à une TVA à 5,5 % pour le livre n’est pas justifié, ou alors il faudrait l’appliquer à tous les autres secteurs économiques concernés qui, eux aussi, ont souffert.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Contrairement à notre collègue Lionel Tardy, avec lequel je peux m’accorder sur le fait que beaucoup de secteurs ont souffert de l’augmentation de la TVA de 5,5 à 7 %, qu’il a contribué, me semble-t-il, à instaurer, je soutiens l’article 24, qui propose de rétablir le taux réduit de TVA à 5,5 % dans le secteur du livre.

Je pense également, comme le proposera Pierre-Alain Muet, qu’il serait bon d’étendre cette baisse de TVA à d’autres secteurs culturels. Je salue cette avancée avant le débat que nous aurons lors de la loi de finances initiale pour 2013 sur tous les secteurs qui doivent être concernés par le taux réduit.

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. Avec un chiffre d’affaires de 2,7 milliards d’euros, l’édition occupe en France une place importante dans la vie économique. Plus de 50 % des Français ont acheté au moins un livre en 2010 ; un quart de leurs achats se fait dans des librairies.

Le réseau français et le maillage territorial des trois mille librairies indépendantes est probablement un modèle unique. La vente de livres génère en France plus de 20 000 emplois, dont 14 000 dans les seules librairies indépendantes, soit deux fois plus que dans les grandes surfaces culturelles et trois fois plus que dans le secteur de la vente en ligne. Le réseau des librairies indépendantes est essentiel pour la création, pour la vitalité culturelle de nos villes, et il l’est également pour les éditeurs.

Si la majorité des éditeurs de taille importante a répercuté la hausse de la TVA à 7 % sur ses prix de vente afin de ne pas pénaliser financièrement les libraires, d’autres n’ont pas accepté et cela représente nécessairement des pertes de marges pour les librairies.

D’autre part, les augmentations de prix pratiquées par la majorité des éditeurs importants sont d’un niveau moyen qui permet à peine de couvrir la hausse de la TVA. L’inflation va pourtant affecter les charges des libraires, ce qui signifie également pour eux une perte de marge.

C’est pourquoi le Président de la République avait pris, lors de la campagne présidentielle, un engagement ferme quant au retour de la TVA sur le livre à 5,5 %, l’associant, selon ses propres termes, à la lutte pour la survie des librairies indépendantes.

En décidant dès le PLFR de tenir cet engagement, le Gouvernement a adressé un signe fort, qui ne peut que réjouir toutes celles et ceux qui pensent que l’exception culturelle doit être confortée. L’exception culturelle passe par une édition dynamique, alliant qualité et variété de la production éditoriale. Le dynamisme de l’édition passe par le maintien et le développement d’un réseau important de librairies indépendantes.

Il s’agit d’un effort fait par la collectivité qui représente un impact budgétaire de 50 millions d’euros, ce qui, dans le contexte actuel, n’est pas négligeable. Cet effort devra en appeler d’autres, afin de conforter nos librairies indépendantes – je pense notamment au prix des loyers des librairies et à la facilitation de l’accès aux marchés publics.

Il conviendra également de défendre le prix unique du livre et de protéger les librairies indépendantes contre les tentatives de contournement des plateformes de vente à distance ou en ligne, notamment par le biais des frais d’envoi ou de port. Mais, d’ores et déjà, saluons le retour de la TVA à 5,5 %.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Ce qui est bien dans les exceptions, c’est qu’elles soient exceptionnelles ! Certains, dans nos rangs, ont pu soutenir cette initiative sur la TVA du livre. Mais, chemin faisant, l’exception s’enrichit, et on nous propose d’y ajouter le spectacle vivant. Il sera bien d’entendre le Gouvernement pour savoir quelle est réellement sa ligne en matière d’exceptions au taux normal de TVA.

Nous étions prêts à entendre une proposition se limitant au livre. Puisqu’il s’agit d’ajouter le spectacle vivant, est-ce le début d’une série qui va être complétée ? Pourquoi ne l’est-elle pas dès ce soir et jusqu’où irez-vous dans l’ajout aux mesures exceptionnelles de TVA ?

Pour ce qui est du spectacle vivant, nous voudrions être sûrs qu’il ne s’agit pas essentiellement d’une initiative de clientèle. Nous apprécions le spectacle vivant, mais je ne suis pas sûr qu’il soit à ce point sensible au taux de TVA, peut-être différemment du livre, d’ailleurs. Nous avons un régime public avec l’intermittence du spectacle, peut-être tout à l’heure un taux de TVA particulièrement bienveillant, mais le parti socialiste sait être fidèle aux siens.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour soutenir l’amendement n° 216.

M. Pierre-Alain Muet. Depuis longtemps, notre pays considère que, parmi les biens de première nécessité, il n’y a pas seulement les nourritures terrestres, il y a aussi les nourritures spirituelles. C’est la raison pour laquelle nous avons toujours, depuis très longtemps, retenu la TVA à 5,5% sur le livre, sur le spectacle vivant, sur des biens culturels fondamentaux.

Nous sommes nombreux sur les bancs de gauche, et même sur les bancs de droite – je m’en souviens – à avoir considéré, quand l’ancienne majorité a augmenté la TVA de 5,5 % à 7 %, qu’il fallait la maintenir à 5,5 % sur les biens dits de première nécessité au sens le plus étroit du terme, et que ce serait sinon une remise en cause importante d’un principe partagé.

D’où vient la volonté de faire bénéficier le spectacle vivant de cette mesure, au même titre que le livre ? D’un engagement fort du Président de la République, que nous avons tous beaucoup apprécié. Je me rappelle en effet qu’avec mes collègues Patrick Bloche et Yves Durand, nous avons beaucoup insisté, au moment de l’augmentation de la TVA, pour qu’elle ne touche pas le spectacle vivant et le secteur des livres.

On sait à quel point le secteur des livres souffre et vous êtes nombreux, dans vos circonscriptions, à voir disparaître les libraires indépendants. Le spectacle vivant a souffert à la fois de baisses considérables de crédits, de la TVA portée à 7 % et d’une réforme du régime des intermittents du spectacle qui a fait disparaître de petites troupes.

Nous proposons aujourd’hui un effort pour le spectacle vivant. Je considère, comme nombre d’entre nous sur ces bancs, que c’est le rôle de l’État de subventionner la création scientifique ; c’est aussi le rôle de l’État et des pouvoirs publics de subventionner la création culturelle et c’est là, modestement, un premier pas. Il y en a d’autres à faire, mais celui-là est important. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. La commission a débattu de cet amendement, qui correspond à un souhait. Il a été accepté au titre de l’article 88.

Je laisserai la commission des affaires culturelles compléter les arguments. Le rapporteur général est évidemment favorable à cet amendement dont il est d’ailleurs cosignataire.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Favorable.

Le Gouvernement souhaite éclairer M. Mariton.

Les dispositions prévues par l’article et par l’amendement sont rigoureusement conformes aux engagements pris ou aux déclarations faites depuis. Le Gouvernement n’envisage pas d’étendre le champ de l’exception car, comme vous l’avez judicieusement fait remarquer, le propre d’une exception est d’être exceptionnelle. Jusque-là, nous vous suivons et nous tâcherons de réserver à ce mot sa pleine signification.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. D’abord, j’imagine que le Gouvernement lève le gage.

Ensuite, j’appelle l’attention de M. le ministre sur le « I A 3 », qui pose problème à mes yeux. Il est tout à fait compréhensible et envisageable, notamment pour les livres physiques, que vous preniez une telle décision à la demande du groupe socialiste.

Je suis beaucoup plus dubitatif pour ce qui concerne les livres numériques. Je le dis d’autant plus que j’en suis friand. Mon collègue Tardy va d’ailleurs présenter un excellent amendement sur ce point.

Je suis beaucoup plus dubitatif, d’abord parce que favoriser le livre physique par rapport au livre numérique, c’est favoriser le réseau des libraires dont nous parlions à l’instant.

Ensuite, les coûts de production n’ont strictement rien à voir et il n’y a pas un déséquilibre économique qui nécessiterait une telle mesure.

Enfin, cela pose un problème de distorsion de concurrence au niveau européen. Avec cette disposition, nous prenons un risque. Je le dis très sérieusement, car tous les organismes ou toutes les sociétés qui vendent des livres en ligne auront intérêt à venir chez nous plutôt qu’ailleurs, car ils seront moins taxés. Ce n’est pas le problème avec le livre physique.

C’est pourquoi je demande au Gouvernement de se pencher sur cette question. Il n’est pas légitime que le livre numérique soit aussi peu taxé que le livre physique. Il y a un risque de distorsion de concurrence et cela n’aidera pas le réseau des libraires puisqu’ils subiront une concurrence directe. Nous pourrions rééquilibrer les choses.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles. Madame la présidente, pour ne pas faire perdre trop de temps à l’Assemblée, je souhaite faire une intervention globale sur l’article 24 et sur l’amendement n° 216, dont je suis cosignataire.

Nous donnons une traduction budgétaire à l’exception culturelle, si présente dans nos discours, pour le livre, avec un retour à un taux de TVA réduit à 5,5 %. Je ne reviens pas sur le débat que nous avions eu lors du passage à 7 % à la fin de l’année dernière. Certains collègues sont intervenus à juste titre pour mettre en avant la fragilisation du réseau des librairies indépendantes, que nous essayons de préserver, notamment dans les zones rurales.

Dans ce débat, nous devons bien voir qu’il s’agit d’un secteur économique particulier, car depuis trente ans, depuis la loi Lang de 1982, nous vivons sous le régime du prix unique du livre : ce n’est pas le libraire qui fixe le prix du livre, mais l’éditeur. C’est bien le problème qu’a posé le passage de 5,5 % à 7 %, car les libraires se sont trouvés dans l’obligation de répercuter sur leur marge bénéficiaire cette augmentation du taux de TVA.

Même si cette mesure a été repoussée au 1er avril de cette année, le fait de revenir à 5,5 % est une bonne mesure pour le réseau des libraires indépendants.

Je m’étonne qu’un amendement qui va être débattu et sur lequel M. Lagarde est déjà intervenu, veuille en exclure les livres numériques, alors que nous avons eu ici même, dans cet hémicycle, un débat à partir d’une proposition de loi dont Hervé Gaymard était le rapporteur, visant à créer le prix unique du livre numérique pour en assurer la diffusion. Nous avons voté, d’ailleurs contre l’avis du Gouvernement en première lecture, un texte qui revendiquait une clause d’extraterritorialité pour que les distributeurs installés à l’étranger soient soumis à la même règle que ceux installés sur notre territoire national. En ce qui concerne les ventes en ligne, 50 % de ce marché passe par Amazon.

Je trouverais bizarre, au moment où nous mettons en place le prix unique du livre numérique, et alors que nous demandons à la Commission européenne la clause d’extraterritorialité, que nous ayons deux taux de TVA réduits, 5,5 % pour le livre physique et 7 % pour le livre numérique.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il y a pourtant des raisons.

M. Patrick Bloche, président de la commission des affaires culturelles. S’agissant de l’amendement n° 216 défendu par Pierre-Alain Muet, c’est en effet un engagement du Président de la République visant à ce que la billetterie du spectacle vivant bénéficie de ce retour à 5,5 %. C’est en cohérence avec la reconstitution par le Gouvernement des crédits déconcentrés affectés au spectacle vivant à hauteur de 23,5 millions d’euros. L’augmentation de 1,5 point de la TVA à taux réduit sur la billetterie des spectacles a effectivement fragilisé nombre de compagnies et nombre de lieux, notamment des lieux privés, cette décision s’appliquant, elle, au 1er janvier, alors que les saisons culturelles commencent au mois de septembre et se terminent au mois de juin. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. J’indique à l’Assemblée que je lève le gage.

(L’amendement n° 216, modifié par la suppression du gage, est adopté, et les amendements nos 165 et 36 tombent.)

(L’article 24, amendé, est adopté.)

Avant l’article 25

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n° 477 rectifié, qui fait l’objet de plusieurs sous-amendements.

M. Charles de Courson. Mes chers collègues, nous sommes tous attachés au caractère exemplaire de la République et au nécessaire bon usage des fonds publics. Pour ce qui concerne notre IRFM – l’indemnité représentative de frais de mandat – il s’agit quand même de près de 45 millions d’euros par an.

L’indemnité représentative de frais de mandat est destinée, d’après les documents officiels de notre assemblée, à couvrir – je cite – « l’ensemble des frais afférents à l’exercice du mandat parlementaire qui ne sont pas directement pris en charge ou remboursés par l’Assemblée nationale et la partie de la rémunération des collaborateurs qui excède les crédits alloués spécifiquement à cet effet ».

Cependant, le second alinéa du 1° de l’article 81 du code général des impôts interdit, suite à un amendement du Sénat – je cite – « tout contrôle de la part de l’administration et considère que cette indemnité est toujours réputée utilisée conformément à son objet ».

L’amendement n° 477 rectifié vise à abroger cette disposition pour remettre les parlementaires, au regard de cette IRFM, dans le dispositif de droit commun. Vous savez que tout salarié qui bénéficie d’une indemnité représentative de frais professionnels doit être capable de justifier du bon usage de ces fonds, avec des pièces justificatives. Et la partie non utilisée à des fins professionnelles est réimputée en revenu.

Nous proposons que la part de cette indemnité représentative de frais de mandat non utilisée à des fins professionnelles soit considérée du point de vue fiscal comme un revenu imposable au titre de l’impôt sur le revenu, et uniquement cette partie.

Si des collègues utilisent totalement leur IRFM ou si leurs frais professionnels en dépassent le montant, il n’y a aucun problème : nous restons dans la situation existante.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Borloo, pour soutenir le sous-amendement n° 547.

M. Jean-Louis Borloo. Nous, parlementaires, avons à notre disposition trois sources de flux : d’abord, l’indemnité de parlementaire qui est fiscalisée selon le droit commun et qui ne pose pas de problème ; ensuite, un crédit de collaborateurs, qui est un droit de tirage sur l’Assemblée nationale pour financer des collaborateurs dont les parlementaires ont absolument besoin ; enfin, une troisième enveloppe, si j’ose dire, qui concerne l’ensemble des frais assez divers selon l’endroit où l’on est, le cumul éventuel des mandats, les distances, la façon dont on souhaite exercer cette fonction. Or ce flux d’un peu moins de 7 000 euros n’est ni tout à fait un revenu ni tout à fait contrôlé par l’Assemblée nationale ou par une autre institution au titre de la dépense pour ces frais.

Permettez-moi de vous dire que nous sommes dans un flou de nature à abîmer le travail indispensable des parlementaires, qui sont le dernier rempart de la démocratie.

Nous avons plusieurs solutions et je ne sais pas laquelle est la bonne. Soit fiscaliser la partie qui n’est pas justifiée comme frais d’indemnité de représentation, soit la restituer. Je vois bien le problème posé par le contrôle tatillon d’un tiers ; l’administration de l’Assemblée nationale comme les questeurs peuvent s’en charger, peu m’importe !

Une chose est sûre, cependant : l’incompréhension de ces flux, de leur nature, de leur contrôle et de leur non-fiscalisation peut conduire un certain nombre d’entre nous à des situations judiciairement difficiles.

Par ailleurs, ce qui a été dit sur les radios ce matin suffit à montrer l’incompréhension, par une partie de la population, du fait que nous sommes hors du droit commun. Je ne dis pas dans l’amoralité ni la non-justification, mais simplement hors des règles du droit commun. Cette incompréhension est de nature à nourrir une interrogation sur quelque chose qui est par ailleurs nécessaire à la fonction de parlementaire.

J’en ai assez, pour ma part, d’entendre une petite musique qui revient très souvent, y compris au sujet d’un parlementaire qui est à 23 h 30 dans cet hémicycle – peu importe la formation à laquelle il appartient – et qui est mis en cause par un certain nombre de gens sur les ondes à propos d’un dispositif que nous connaissons tous.

Je demande donc, pour le moins, que la présidence de l’Assemblée nationale réunisse les présidents de groupe pour clarifier cette situation. Il faut au minimum un amendement qui demande le contrôle annuel par l’Assemblée nationale ou ses questeurs et, à défaut, que la partie non effectivement utilisée pour la représentation soit fiscalisée.

Ce sera une façon de réconcilier notre travail nocturne et la réalité de nos engagements, que je sais extrêmement importants. Prenez cela comme un amendement de confiance et rien d’autre.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir le sous-amendement n° 517.

M. Philippe Vigier. Le président Borloo a très bien précisé les choses, on ne peut pas laisser planer le doute. Vu ce qui a pu circuler sur Internet ces derniers mois et ces dernières semaines, il faut tout simplement trouver une solution.

Trois pistes ont été avancées. En tout cas, on ne peut pas laisser les choses en l’état. Pensez une seconde à l’électricien qui fait sa déclaration d’impôt : tous ses frais sont inventoriés !

Mme Anne-Yvonne Le Dain. Arrêtez !

M. Philippe Vigier. Vous êtes indignée, madame, mais quand vous avez une femme qui travaille à trente kilomètres du domicile conjugal et qui, tous les jours, doit aller au travail, eh bien ! elle tient un registre extrêmement précis.

Qu’avons-nous à cacher ? Rien ! Et nous avons tout à dire. Notre message est donc un message de confiance à l’égard des parlementaires que nous sommes. Nous ne comptons ni notre temps, ni notre engagement, ni notre volonté, mais nous ne pouvons plus laisser les choses en l’état.

Ce sous-amendement vise à compléter l’amendement de Charles de Courson, car il avait omis de préciser dans la nouvelle rédaction de l’article que cela devait figurer dans le code général des impôts.

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir le sous-amendement n° 542.

M. Lionel Tardy. Comme l’ont dit mes collègues, c’est là un sujet très sensible, puisqu’il s’agit de nos indemnités. Je n’ai pas besoin d’insister longuement sur la sensibilité du public à ces questions, ni sur les fantasmes qu’elles provoquent.

La seule solution, mes chers collègues, c’est la transparence. Tout ce qui peut paraître caché ou dissimulé provoque inévitablement des questions et des extrapolations.

À propos de l’IRFM, il y a bien un problème. Nous avons tous des frais liés à notre mandat. Nous avons donc besoin d’une indemnité pour les couvrir, car il serait anormal de prendre sur notre indemnité parlementaire, gage de notre indépendance.

Je rappelle, tout particulièrement aux citoyens qui nous écoutent, que les parlementaires doivent être indépendants et que cela passe par une indépendance financière. Le problème de l’IRFM, c’est qu’elle est identique pour tous les députés, qu’ils en aient ou non besoin.

Je ne suis que député, je n’ai pas, comme un certain nombre de parlementaires, de mandat local, exécutif notamment.

M. François Brottes. Vous êtes donc contre le cumul !

M. Lionel Tardy. Quand on est maire, président de conseil général ou régional, c’est la collectivité qui prend en charge les frais, y compris ceux liés au mandat de député. L’IRFM est alors un bonus et devient un véritable revenu annexe. Il est donc logique que ce revenu soit fiscalisé comme tel.

C’est comme cela que je lis l’amendement de notre collègue de Courson. J’ai repris un sous-amendement initialement déposé par Philippe Vigier, qui complète utilement l’amendement et lui donne toute sa portée.

La conséquence de cet amendement est que nous allons devoir rendre des comptes sur l’usage que nous faisons de notre IRFM. Cela me parait tout à fait normal, sans qu’il faille pour autant tout mettre sur la place publique.

L’IRFM étant versée sur un compte séparé et dédié uniquement à cet usage, il suffit d’autoriser un droit de consultation par les services de l’Assemblée nationale…

M. Alain Marsaud. Par le fisc, surtout ! Par les inspecteurs des impôts !

M. Lionel Tardy. …assorti d’une obligation de présenter une facture au-delà d’un certain montant et d’une limitation du montant des retraits d’argent liquide.

En refusant de voter cet amendement, nous donnerions une fois de plus un signal très négatif à la population. Nous devons accepter d’être contrôlés quand il s’agit d’argent public. Je voterai donc cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Borloo, pour soutenir le sous-amendement n° 548.

M. Jean-Louis Borloo. Il est défendu, madame la présidente. Il s’agit de préciser que la part de l’IRFM non utilisée à des fins professionnelles est imposable au titre de l’impôt sur le revenu, si elle n’a pas été restituée à l’Assemblée nationale.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. La commission n’a pas retenu cet amendement et, en tant que rapporteur, j’émettrai un avis défavorable en m’appuyant sur quelques brèves remarques.

Premièrement, la création de cette IRFM a consisté à faire, à un moment donné, le calcul des frais de fonctionnement d’un parlementaire, qui loue sa permanence, la meuble et la fait fonctionner, paie les frais afférents,…

M. François Brottes. Qui se déplace !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …se déplace et vit d’une façon quelque peu particulière. Ce calcul a été fait en 2002 et c’est le seul exemple connu de votre rapporteur et de ses services d’un montant forfaitaire de frais, assimilables à des frais professionnels, calculé et fixé par la loi. Les montants sont connus, M. Borloo y a fait référence.

Deuxièmement, le problème de fond qui se pose est celui du contrôle, et de savoir qui contrôle,…

M. Philippe Vigier. L’Assemblée !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …dans quelles conditions et de façon à ce que le contrôle atteigne son objectif premier, mais qu’il n’aille pas au-delà et qu’il ne porte pas de jugement d’opportunité sur telle ou telle dépense engagée par un législateur qui, par nature, doit conserver une certaine indépendance.

M. Bernard Debré. Évidemment !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je peux donner un exemple tout simple qui date de ce matin. Le président de la commission et moi-même avons rencontré le PDG d’une grande banque nationale. Qui a payé ce petit-déjeuner ? Était-il opportun ? Pourquoi cette banque plutôt qu’une autre ? Quels soupçons pourrait-on porter sur cette rencontre, dans le cadre de nos travaux d’animateurs conjoints de la commission des finances ?

M. Claude Goasguen et M. Jean-Christophe Lagarde. Il faut créer une commission d’enquête ! (Sourires.)

M. Christian Eckert, rapporteur général. On pourrait trouver une foultitude d’exemples. Un certain nombre de collègues communiquent sur leur blog personnel l’utilisation de leur IRFM – je ne cite pas de noms, ils sont connus – de bonne foi, pour en assurer la transparence ; et on trouve toujours telle ou telle dépense à critiquer : le déplacement avait-il effectivement un objet dans le cadre de la fonction parlementaire ? Était-ce une convenance personnelle ? Si c’était un dimanche, n’était-ce pas un repas de famille ? Le contrôle, c’est extrêmement compliqué.

Pour conclure et pour ne pas être trop long sur ce sujet, je pense qu’un contrôle est nécessaire et qu’il doit être assuré sous l’égide des questeurs de l’Assemblée nationale. Ils constituent une autorité reconnue et pluraliste, puisque l’un des trois questeurs est issu de l’opposition.

Je sais que les questeurs travaillent sur cette question ; un certain nombre d’articles de presse ont également fait état de déclarations du président de l’Assemblée nationale, qui souhaite travailler sur ce sujet.

Enfin, à propos du cumul, il y a aussi un texte en préparation et une commission pluraliste a été désignée pour aborder cette question, y compris celle des indemnités et du cumul des facilités accordées à chaque élu.

M. Tardy a évoqué la question de l’indépendance de l’élu, qui pour être indépendant doit disposer des moyens de sa fonction. On ne peut pas parler d’indépendance et de moyens suffisants pour l’exercice de la fonction tout en installant un contrôle qui pourrait donner l’impression qu’un pouvoir, fût-il administratif et tout à fait respectable, puisse avoir une influence sur la fonction de l’élu.

M. Claude Goasguen. C’est sûr !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Tous ces éléments me conduisent à confirmer, comme cela a été évoqué assez longuement en commission, que le collège des questeurs et la présidence de l’Assemblée nationale peuvent très bien prendre des mesures en ce domaine.

M. Borloo a évoqué la possibilité d’un contrôle par le collège des questeurs, et je crois que c’est une voie en cours d’exploration. En revanche, considérer qu’une part non utilisée n’est pas fiscalisée et devrait l’être, c’est vraiment rentrer par la petite porte,…

M. Gilles Carrez. Exactement !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …alors que ce sujet doit faire l’objet d’un travail collégial et pluraliste de communication.

Je répète que la question de l’indépendance et de la séparation des pouvoirs administratif et législatif est fondamentale. Les parlementaires ne bénéficient pas là d’un traitement de faveur.

Il en va de même d’un certain nombre de textes assurant la liberté de parole dans cet hémicycle, protégée par une immunité qui ne vaut pas à l’extérieur.

Voilà une analyse de la problématique qui me conduit à confirmer l’avis défavorable de la commission pour toutes les raisons qui ont été développées. Ce n’est pas une position de blocage mais au contraire une demande d’ouverture et de décisions, qui sont d’ailleurs en train d’être prises par tous ceux que j’ai évoqués.

Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, cet avis vaut-il pour l’ensemble des sous-amendements ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Oui, madame la présidente.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. En vertu du principe de séparation des pouvoirs, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de l’Assemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.).

Mme la présidente. Sur le sous-amendement n° 547 ainsi que sur l’amendement n° 477, je suis saisie par le groupe Union des démocrates et indépendants d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Mme la présidente. La parole est à Mme Eva Sas.

Mme Eva Sas. Si nous remercions M. de Courson d’avoir mis en débat cette question de l’IRFM, en revanche il se trompe sur la façon de l’aborder.

Je voudrais rappeler que mon excellent collègue François de Rugy a déposé il y a moins d’un an une proposition de loi sur la vie publique que, sauf erreur, vous n’avez pas votée, monsieur de Courson.

Nous proposions alors de « rendre publique l’utilisation par les parlementaires des crédits qui leur sont alloués pour la prise en charge des frais afférents à l’exercice du mandat parlementaire. »

Notre objectif était et demeure la transparence de l’IRFM, le contrôle de son utilisation, mais aussi bien sûr la restitution à l’Assemblée des sommes non utilisées pour l’exercice du mandat.

Les écologistes ne participeront donc pas au vote sur l’amendement lui-même, car à notre sens l’IRFM non utilisée pour l’exercice du mandat ne doit pas venir arrondir les fins de mois des parlementaires, mais bien être restituée à l’Assemblée en vue d’une gestion rigoureuse de la dépense publique.

Néanmoins, nous voterons les sous-amendements de M. Borloo, qui rappellent à nouveau la nécessité du contrôle de l’IRFM et précisent que des sommes qui ne sont pas utilisées pour l’exercice du mandat doivent être restituées.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Le groupe socialiste est parfaitement conscient de la nécessité de rendre l’IRFM plus transparente. Nous avons demandé au président de l’Assemblée nationale de réunir les groupes politiques pour qu’ils décident comment agir pour assurer la transparence de cette indemnité. Je crois qu’il s’agit de la bonne méthode.

En tout état de cause, l’IRFM ne doit couvrir que des frais de mandat. En fiscaliser une partie, ce serait reconnaître qu’elle peut constituer une indemnité qui s’ajouterait en quelque sorte à l’indemnité parlementaire de base. Si une partie de l’IRFM a été utilisée à autre chose que ce pour quoi elle doit servir, cela est condamnable. Si une partie de l’IRFM n’est pas utilisée, elle doit être restituée.

M. Philippe Vigier. Mais aujourd’hui, ce n’est pas le cas !

M. Pierre-Alain Muet. Je le sais bien mais il appartient au nouveau président de l’Assemblée de conduire une réflexion avec les groupes politiques pour qu’il y ait enfin un peu plus de transparence en la matière.

Je rappelle aussi que nous travaillerons prochainement sur le non-cumul des mandats, que nous sommes quelques-uns à pratiquer depuis longtemps. Je pense qu’il faut globalement moraliser la vie politique et être transparents à l’égard de nos concitoyens. Dans ce cadre, l’IRFM doit faire partie des sujets de réflexion. Ce sujet mérite assurément mieux qu’un amendement au détour du collectif. Je me demande d’ailleurs pourquoi cette disposition apparaît maintenant : vous auriez pu défendre cet amendement auparavant. Après tout, vous étiez majoritaires !

Il reste que si vous posez une vraie question, nous pouvons la régler entre nous. Il appartient en effet à notre assemblée de dire ce qu’il convient de faire à ce sujet. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Borloo.

M. Jean-Louis Borloo. J’ai cru comprendre que M. le rapporteur général était d’accord pour que l’Assemblée nationale opère un contrôle de l’IRFM, ce qui permet de préserver la séparation des pouvoirs. Dois-je en conclure que, ès qualités, il est favorable au sous-amendement n° 547, qui soumet l’IRFM au contrôle de l’Assemblée ? Les modalités d’application de cette disposition reviendront sans doute au Bureau.

Je veux insister sur le fait qu’un amendement n’est pas une sous- décision. Dans cet hémicycle, tout député peut présenter un amendement qui devient la loi française s’il est voté par la majorité. Je souhaite que le Parlement se prononce. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Nous sommes tous d’accord pour instaurer la transparence en matière d’IRFM. Cela dit, il n’est pas question qu’une partie de son montant reste dans la poche de l’élu et soit fiscalisée : cela voudrait dire qu’il existe une deuxième indemnité versée au député.

Monsieur Borloo, il ne sert à rien d’adopter votre sous-amendement puisqu’il complète le dispositif de l’amendement n° 477 rectifié, que nous avons l’intention de rejeter. Toutefois, je suis d’accord avec Mme Eva Sas ainsi qu’avec votre proposition visant à permettre à l’Assemblée nationale de contrôler l’IRFM – cela devrait d’ailleurs être assez simple puisqu’elle est versée sur un compte séparé. La fiscalisation des montants non utilisés serait incongrue ; il faut qu’ils soient reversés à l’Assemblée d’une façon ou d’une autre. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Le groupe UMP votera contre cet amendement et ses sous-amendements. Le sujet dont nous parlons relève du Bureau de notre assemblée, voire de la Conférence des présidents. Tel a toujours été le mode de fonctionnement de l’Assemblée nationale.

Le problème doit se régler dans le cadre que je viens d’indiquer et non par des amendements ou des sous-amendements à un projet de loi de finances rectificative qui n’a rien à voir. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. Le sujet est important, même si nous sommes en train de tâtonner. La façon dont M. de Courson et M. Borloo exposent leur solution le prouve : ils sont à la recherche de la meilleure solution, qui n’est d’ailleurs peut-être pas celle qu’ils nous proposent.

M. de Courson propose ainsi de fiscaliser la partie de l’IRFM qui n’est pas utilisée à des fins professionnelles. A-t-il bien conscience que cela entraînerait une rupture d’égalité entre les députés et des différences entre les indemnités perçues par chacun d’entre eux ?

M. Jean-Louis Borloo et M. Charles de Courson. Pas du tout !

M. Bruno Le Roux. Il faut assumer le fait que l’indemnité de frais de mandat non utilisée doit être restituée. Qu’est-ce qui expliquerait qu’elle puisse être fiscalisée ? Demain, certains députés pourront-ils cumuler leur indemnité de base et l’IRFM alors que d’autres dépenseraient la totalité de cette dernière à des fins professionnelles ? La question posée est celle de l’utilisation de l’IRFM, pas celle de sa fiscalisation.

Nous sommes ce soir plusieurs présidents de groupe qui siègeons dans l’hémicycle. Je vois M. Jacob et M. Borloo.

Mme Barbara Pompili. Je suis également là !

M. Bruno Le Roux. Et Mme Pompili !

Pour notre part, nous avons saisi le président de l’Assemblée. Nous lui avons demandé de nous faire des propositions en matière de transparence dès la rentrée prochaine. Nous ne pensons pas seulement à l’IRFM mais plus largement à tout ce qui touche au fonctionnement de notre assemblée et qui fait l’objet d’une demande de transparence. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Bruno Le Roux. Nous devons tous nous associer dans cette démarche. Monsieur Borloo, je vous propose que les présidents de groupe présents ce soir décident ensemble de saisir le président de l’Assemblée nationale en lui précisant qu’ils veulent discuter de ce sujet avant la fin de l’année. Cela évitera de provoquer un vote sur un amendement impossible à mettre en œuvre et dont l’adoption entraînerait une profonde rupture d’égalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Monsieur Borloo, vous m’interrogez sur votre sous-amendement n° 547. Il me semble être inconstitutionnel car la loi ne doit pas contraindre le Parlement. Dans ces conditions, mon avis ne peut pas être favorable.

Pour le reste, les arguments de M. Le Roux sont pertinents. En cas de reliquat, il faut que ce dernier soit restitué. Il ne peut ni être conservé ni être fiscalisé. Un parlementaire ne doit pas pouvoir tirer un revenu supplémentaire, même après impôt, d’une indemnité faite pour tout autre chose.

M. Charles de Courson et M. Philippe Vigier. Et aujourd’hui, n’est-ce pas le cas ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Que ce soit au sein du Bureau, d’un groupe de travail ou sous l’égide des questeurs, trouvons la solution ad hoc. Si le président de l’Assemblée est saisi par tous les groupes au-delà du groupe SRC, je suis convaincu qu’il leur apportera une réponse – ce qu’il a quasiment déjà fait aujourd’hui par voie de presse.

Je répète en conséquence que je suis défavorable à l’ensemble des sous-amendements ainsi qu’à l’amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Borloo.

M. Jean-Louis Borloo. Je veux répondre à M. Le Roux qui m’a interpellé de façon très républicaine en tant que président de groupe.

J’ai déjà si souvent entendu la même chose : ce n’est pas le moment, ce n’est pas la bonne méthode, vous n’avez pas vu assez grand, votre proposition n’est pas assez travaillée… Autant d’arguments qui servent finalement à ne rien faire. Voilà la réalité ! Je suis évidemment d’accord pour que nous saisissions ensemble le Bureau de l’Assemblée nationale afin que les dispositions de l’amendement n° 477 rectifié et du sous-amendement n° 547 soient mises en œuvre.

Ce soir, pas un seul de nos collègues ne peut me dire qu’il a reversé une partie de son IRFM à l’Assemblée nationale. La question de la fiscalisation se pose donc effectivement. Il y a bien un flou. Pour ma part, je souhaite simplement protéger les parlementaires.

Alors renvoyons au Bureau les modalités d’application du dispositif mais, comme ce n’est pas cette instance qui fait la loi en France, votons ! Monsieur le rapporteur général, j’ai beaucoup de mal à vous comprendre quand vous dites que la loi ne doit pas contraindre le Parlement, puisque c’est bien le Parlement qui fait la loi.

M. Hervé Mariton. Précisément !

Mme la présidente. La parole est à M. Bruno Le Roux.

M. Bruno Le Roux. « Ce n’est pas le jour ; ce n’est pas le bon moment » : M. Borloo se plaint qu’on lui oppose ces arguments, mais je trouve cela particulier venant d’un parlementaire qui durant dix ans a été en situation de faire dans la majorité ce qu’il nous propose aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

En termes de moralisation de la vie politique, aucun gouvernement n’a agi comme celui qui est en place depuis le mois de mai dernier. Vous pourrez tous constater dans quelques semaines qu’aucune majorité passée n’a proposé ce qui sera proposé.

Nous voterons contre l’amendement et les sous-amendements parce qu’ils ne sont pas justes. Aujourd’hui, les députés qui n’ont que ce seul mandat utilisent souvent la totalité de leur IRFM à des fins professionnelles – ils doivent même parfois compléter son montant. Trouvez-vous normal qu’un parlementaire ne dépensant que 40 % de son IRFM conserve un surplus d’indemnité de 60 %, même si vous fiscalisez ce montant ? Ce serait inadmissible.

M. Jean-Louis Borloo et M. Philippe Vigier. Mais c’est justement ce qui se passe déjà et sans que les 60 % soient fiscalisés !

M. Bruno Le Roux. Demain, si votre solution était retenue, on nous pointerait du doigt. Il convient donc de travailler sans tarder pour régler ce problème. La solution que vous nous proposez ce soir n’est pas bonne ; nous voterons contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Barbara Pompili.

Mme Barbara Pompili. Rendre imposable une part de l’IRFM introduit clairement l’idée que cette indemnité constitue un complément de revenu, idée à laquelle le groupe écologiste est fermement opposé. Il n’en demeure pas moins que, maintenant, nous devons faire la transparence.

L’année dernière nous avions présenté une proposition de loi en ce sens qui avait été repoussée, notamment par M. Charles de Courson. Nous sommes heureux que sa position ait évolué.

Il faut que nous soyons transparents pour l’IRFM, mais aussi pour tous les revenus qui nous sont versés par l’Assemblée nationale. Au-delà, en matière de réserve parlementaire, nous devrons aussi parler de transparence. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

J’entends la proposition du président Le Roux : il faut la mettre en œuvre rapidement pour que nos citoyens puissent constater que, nous aussi, nous sommes transparents pour tous les revenus que nous verse l’Assemblée. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste et SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Monsieur Le Roux, tout le monde sait qu’un certain nombre de parlementaires n’utilisent pas la totalité de leur IRFM pour financer leurs frais professionnels. Vous le savez pertinemment : ne jouez pas les innocents !

La solution que nous proposons avec M. Borloo a au moins le mérite de réduire l’inégalité entre ceux, dont je suis, qui dépensent l’intégralité de leur IRFM et même au-delà – pour ma part, je finance certains de mes frais professionnels de député de la République française avec mon argent personnel – et ceux qui n’en dépensent qu’une partie. Elle constituerait donc une amélioration réelle. Si nous pouvons aller plus loin comme vous le suggérez, pourquoi pas ? Mais cela ne doit pas nous empêcher d’adopter ce que nous proposons. Nous montrerons ainsi du respect pour une République exemplaire.

Par ailleurs, je voudrais préciser à mes deux collègues du groupe écologiste que je n’ai pas voté la proposition de loi présenté par des députés verts parce qu’elle ne résolvait absolument pas le problème posé et qu’elle constituait une réponse inadaptée.

Pour ce qui me concerne personnellement, sachez, madame Pompili, que lorsque les journalistes ont voulu savoir à quoi j’affectais l’IRFM qui m’est versée, je leur ai ouvert mes comptes. Ils ont donc pu voir comment je l’utilisais.

Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix le sous-amendement n° 547.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 153

Nombre de suffrages exprimés 148

Majorité absolue 75

(Le sous-amendement n° 547 n’est pas adopté.)

(Les sous-amendements identiques nos 517 et 542 ne sont pas adoptés.)

(Le sous-amendement n° 548 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix l’amendement n° 477 rectifié.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 145

Nombre de suffrages exprimés 132

Majorité absolue 67

(L’amendement n° 477 rectifié n’est pas adopté.)

Article 25

Mme la présidente. La parole est à Mme Claudine Schmid, inscrite sur l’article 25.

Mme Claudine Schmid. Mes chers collègues, l’article 25, qui a pour objet d’étendre la CSG et la CRDS aux revenus immobiliers des non-résidents, risque d’entraîner des difficultés juridiques. Outre qu’il relève davantage du projet de loi de financement de la Sécurité sociale que du projet de loi de finances rectificative, il soulève le problème de la domiciliation des assujettis à la CSG.

Selon le code de la Sécurité sociale, l’assujettissement à la CSG est soumis à une condition de domiciliation fiscale en France. C’est sur ce point particulier que je tiens à attirer votre attention. En effet, pour bénéficier du régime d’assurance maladie, l’assuré doit s’acquitter de la CSG, qui concourt au financement de la protection sociale. Dès lors, comment peut-on assujettir les non-résidents à la CSG s’ils ne peuvent bénéficier en retour d’une protection sociale ? Le Gouvernement veut-il, en contrepartie, leur donner les avantages accordés aux usagers de la Sécurité sociale ? Je vous invite à réfléchir à cette question. En outre, le dispositif ne tient pas compte du refus de la Cour de justice de l’Union européenne d’étendre ces prélèvements sociaux aux revenus de source française, dès lors que les non-résidents sont assujettis à une imposition sociale dans un autre État membre.

J’en viens à l’assujettissement à la CRDS, pour laquelle il existe également une condition de domiciliation fiscale en France. La CRDS a été créée sur le modèle de la CSG afin de gérer et d’apurer la dette sociale. Je crains qu’en assujettissant les non-résidents à la CRDS, nous ne nous séparions d’une partie de notre communauté, qui se coupera de ses origines en abandonnant la maison familiale et en rompant définitivement avec la France ; je ne le crois pas, j’en suis convaincue. J’ai déjà reçu des messages en ce sens de certains de nos compatriotes. Est-ce bien ce que notre pays désire pour ces ressortissants, qui sont les acteurs du rayonnement de la France à l’étranger ?

En conclusion, j’insiste sur le fait que les revenus immobiliers de source française perçus par les non-résidents doivent demeurer exclus du champ des contributions sociales, bien qu’ils soient soumis à l’impôt sur le revenu en France. Je rappelle que le centre des impôts des non-résidents encaisse chaque année plus de 500 millions d’euros.

Mme la présidente. Nous en venons maintenant aux amendements à l’article 25.

Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 2, 190 et 209, tendant à supprimer l’article 25.

La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement n° 2.

M. Thierry Mariani. Mon intervention sera brève, madame la présidente. Comme l’a dit Claudine Schmid, quelle étrange attitude que de faire supporter désormais aux non-résidents – c’est-à-dire non seulement les étrangers qui ont des biens en France, mais aussi les 2,5 millions de Français qui vivent à l’étranger – une partie du coût de la CSG et de la CRDS, alors qu’ils n’en tirent aucun bénéfice !

Le taux de prélèvement des plus-values immobilières réalisées par des contribuables domiciliés hors de France est en principe fixé à 33,3 % ; il peut être réduit dans certaines situations. L’assujettissement de ces plus-values aux prélèvements sociaux de 15,5 % conduirait donc à une imposition totale sensiblement plus lourde que celle supportée par les résidents fiscaux français.

En outre, compte tenu de la nature et de l’objet de la CSG et de la CRDS, l’assujettissement des résidents des pays de l’Union européenne à de tels prélèvements est fortement susceptible d’être remis en cause par les instances européennes. J’ajoute qu’au moment où l’on cherche à développer la politique du logement et l’offre de logements, il ne me paraît pas judicieux d’annoncer à des étrangers qui envisageraient d’investir en France qu’ils seront encore plus taxés.

Cette mesure, non seulement étonnante mais injuste, s’inscrit néanmoins dans votre logique, qui consiste à prendre les Français résidant à l’étranger comme cible particulière de votre projet de loi de finances rectificative.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marsaud, pour soutenir l’amendement n° 190.

M. Alain Marsaud. Cet amendement a pour objet de supprimer l’article 25 du projet de loi, qui envisage d’étendre la CSG et la CRDS aux revenus tirés des biens immobiliers pour les non-résidents, notion que mon collègue Mariani a eu l’occasion de préciser. Bien évidemment, nous, élus des Français de l’étranger, nous défendons les intérêts de ces derniers ; nous ne nous sentons pas du tout concernés par les autres non-résidents.

Cet article ne tient pas compte des conventions bilatérales – et cela me paraît important – qui existent entre la France et certains pays de l’Union européenne, mais aussi d’autres pays dans le monde. Outre qu’il est en contradiction avec certains règlements communautaires, il ne prend pas en compte le fait que certains Français établis hors de France sont déjà assujettis à une imposition sociale dans leur pays de résidence. Cette double imposition va donc à l’encontre des accords que la France a passés avec de nombreux pays dans le monde et risque de placer nos compatriotes dans une situation financière difficile.

Enfin, dans un arrêt du 8 mars 2005, la Cour de cassation a confirmé la nature de cotisation sociale de la CSG et de la CRDS. Les Français établis hors de France, n’ayant pas les mêmes droits, n’ont pas à contribuer au financement du système de sécurité sociale de la même manière que les Français établis en France. Par conséquent, les revenus du patrimoine perçus par les non-résidents doivent être exclus du champ des contributions sociales.

Mme la présidente. La parole est à Mme Claudine Schmid, pour soutenir l’amendement n° 209.

Mme Claudine Schmid. Cet amendement vise à supprimer l’article 25, qui étend la CSG et la CRDS aux revenus immobiliers de source française perçus par les non-résidents.

En effet, ce dispositif ne tient pas compte du refus de la Cour de justice de l’Union européenne d’étendre la CSG et la CRDS aux revenus de source française dès lors que ces non-résidents sont assujettis à une imposition sociale dans un autre État membre. En outre, l’article 42 CE du traité instituant la communauté européenne pose le principe de la coordination des régimes de sécurité sociale des différents États membres. Ainsi, en vertu des accords européens, les non-résidents qui sont affiliés à la sécurité sociale d’un autre État membre ne peuvent pas être dans le même temps affiliés à la sécurité sociale française. Est-ce la volonté du Gouvernement de bafouer le traité en violant les accords européens négociés par le passé ? Je vous invite à réfléchir à cette question.

La nature de la CSG a fait l’objet d’un débat. Par ailleurs, la Cour de cassation, dans un arrêt du 8 mars 2005, a confirmé la nature de cotisation sociale de la CSG et de la CRDS. La preuve est donc faite que ce ne sont pas des impôts. Aussi, je demande au Gouvernement de maintenir l’exclusion des revenus immobiliers de source française perçus par les non-résidents du champ des contributions sociales, même s’ils sont soumis à l’impôt sur le revenu en France.

En acceptant cet amendement, chers collègues, vous éviterez qu’un recours légitime soit formé auprès du Conseil constitutionnel et de la Cour de justice de l’Union européenne. Sachez que, le cas échéant, je m’emploierai à ce qu’il soit déposé par le groupe UMP.

Enfin, je regrette l’absence de Mme la ministre déléguée aux Français de l’étranger, mais je pense qu’elle sera présente lors de l’examen de l’article 30.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 2, 190 et 209 ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. La commission a émis un avis défavorable à ces amendements, pour de multiples raisons.

Tout d’abord, madame la députée, selon une jurisprudence constante de la Cour de justice européenne – je peux vous donner les références des différents arrêts –, l’imposition au titre des cotisations sociales se fait dans le pays où le revenu est produit. Vous semblez avoir voulu citer un contre-exemple en évoquant l’exonération de CSG et de CRDS des non-résidents en France, mais il n’y a pas de contradiction : les non-résidents en France perçoivent des revenus dans le pays où ils résident et ils contribuent donc au régime de sécurité sociale de ce pays. Il n’y a pas lieu, comme l’a effectivement décidé la Cour de justice européenne, de les assujettir à la CSG et à la CRDS, puisque ce revenu est perçu à l’étranger. En revanche, ma chère collègue, jugez-vous normal qu’un résident français paie la CSG et la CRDS sur les revenus immobiliers d’un bien situé en France et qu’un résident à l’étranger possédant des immeubles en France n’en paie pas ? Il s’agit d’une rupture d’égalité flagrante ! Je ne crains donc rien de votre saisine du Conseil constitutionnel.

Je suis député de la Lorraine – la frontière luxembourgeoise est à 15 kilomètres de mon domicile –, où 75 000 travailleurs frontaliers, un actif sur deux, franchissent la frontière quotidiennement. J’ai donc quelques raisons de connaître ces questions relatives à l’imposition des revenus, qu’ils soient salariaux ou immobiliers. Je suis d’ailleurs également voisin de la Belgique, et vous seriez très étonnée si nous parlions – mais ce n’est pas le moment ce soir – de la différence d’impôt sur le revenu pour les frontaliers français qui vont travailler en Belgique.

Pour en revenir aux faits, la Cour européenne de justice, dans ses décisions du 28 décembre 1990 – arrêt n° 90-285 –, du 7 janvier 2004 et du 15 juin 2005, a justement considéré que l’obligation d’acquitter les contributions sociales est dépourvue de tout lien avec l’ouverture d’un droit à prestation d’un avantage servi par ce même régime de sécurité sociale, ce qui permet la mise en œuvre de l’article 25.

Par ailleurs, il n’y a pas de risque de double imposition puisque, comme vous l’avez rappelé vous-même, madame Schmid, les contributions sociales sont perçues dans le pays où le revenu – salarial ou immobilier – est produit.

Pour ces raisons, l’article 25 nous semble complet, équitable et juste dans sa rédaction actuelle, ce qui fait que la commission est défavorable aux amendements identiques nos 2, 190 et 209.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Les amendements identiques nos 2, 190 et 209 posent des questions de différentes natures.

Les questions de nature juridique me paraissent mal posées par les auteurs des amendements. La décision de la Cour de justice européenne et celle de la Cour de cassation ne concernent toutes deux que les contributions sociales – CSG, CRDS – portant sur les revenus du travail, et non sur les revenus immobiliers. De plus, les deux décisions précisent bien que la CSG et la CRDS ont le statut de cotisations sociales au sens communautaire. Ces décisions ne peuvent cependant être opposées à la décision du Conseil constitutionnel, qui définit la CSG comme une contribution de toute nature, c’est-à-dire comme un impôt. Le dépôt d’un recours devant le Conseil constitutionnel n’est pas de nature à inquiéter le Gouvernement, bien au contraire : au moins les choses seront-elles rappelées et clarifiées, et le débat juridique évacué. Là n’est pas, d’ailleurs, l’essentiel de la question posée par l’article 25 et les amendements visant à sa suppression.

Au-delà du débat juridique, il y a un débat de bon sens. Selon M. Mariani, les citoyens n’acquitteraient l’impôt qu’à raison de l’utilité qu’ils seraient en droit d’attendre de leur geste. En fait, la question qu’il pose est la suivante : pourquoi payer la CSG quand on ne bénéficie pas soi-même du système de protection sociale ? Par extension, ce raisonnement peut mener loin. Ainsi, les parlementaires ici présents, quand ils ont des enfants ne fréquentant plus ni l’école ni l’université, seraient-ils en droit de considérer qu’ils doivent être exonérés de la part de leur impôt affectée à l’éducation nationale, au motif que le service public de l’éducation nationale n’est plus d’aucune utilité à leur famille ? Ce serait là une conception consumériste et utilitariste, opposée à la conception universelle de l’impôt – la seule à laquelle le Gouvernement se réfère. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Enfin, il y a un débat fiscal, qui a déjà eu lieu dans cet hémicycle. On oppose traditionnellement deux conceptions du droit fiscal : d’une part, celle faisant prévaloir la nationalité, d’autre part, celle faisant valoir la territorialité. Les États-Unis se réfèrent à la conception faisant prévaloir la nationalité : où qu’il réside, où que se trouvent les biens qu’il possède, un citoyen américain doit acquitter l’impôt aux États-Unis. Partout ailleurs dans le monde, notamment en Europe, on se réfère à la conception territoriale, selon laquelle les impôts sont acquittés là où les revenus – du capital ou du travail – sont produits.

Je trouve étrange de voir un député des Français de l’étranger défendre la conception faisant prévaloir la nationalité, au détriment de la conception faisant prévaloir la territorialité. La mise en œuvre de la conception que vous défendez, monsieur Mariani, aurait en effet pour conséquence d’amener les Français de l’étranger à acquitter en France la totalité de leurs impôts.

M. Denys Robiliard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Eh oui !

M. Arnaud Leroy. Tout fait !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Il me semblait pourtant que vous faisiez partie des élus radicalement hostiles à ce que la France demande à ses compatriotes expatriés qu’ils contribuent, si peu que ce soit, au redressement du pays. Vous vous trouvez donc dans une situation paradoxale : si notre pays se dotait un jour d’une disposition, d’initiative parlementaire ou gouvernementale, visant à demander aux Français de l’étranger de contribuer au redressement du pays, vous devriez l’accepter au nom de la conception que vous venez de défendre.

Pour sa part, le Gouvernement est résolument opposé à l’adoption de ces amendements de suppression, du fait de son attachement à la notion de territorialité et à la conception universelle de l’impôt. Je demande à votre assemblée de nous suivre sur cette voie. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je vous trouve quelque peu imprudent, monsieur le ministre, car le problème qui se pose à nous n’est pas un problème de droit interne. Il ne relève d’ailleurs ni du droit de la nationalité, ni du droit de la territorialité, mais du droit social.

M. Thierry Mariani. Absolument !

M. Charles de Courson. Si je peux me permettre, monsieur le ministre, je crois que vous prenez un risque avec la rédaction actuelle de l’article 25. Il eût été plus prudent de parler simplement d’un impôt tombant dans les recettes générales du budget, quitte à ce que l’État procède ensuite à un reversement au profit de la Sécurité sociale.

Je rappelle que nous avons recouvré le versement de la CSG auprès des travailleurs frontaliers jusqu’à ce que la Cour européenne de justice sanctionne cette façon de procéder.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Cela concernait les revenus salariés !

M. Charles de Courson. Effectivement, la CSG étant affectée à des caisses de protection sociale, nous ne sommes ni dans le droit de la territorialité, ni dans le droit de la nationalité, mais dans le droit social. On peut être pour ou contre, toujours est-il que ce n’est pas nous qui allons définir la position de la Cour de justice européenne.

Si vous n’aviez pas précisé, à l’article 25, qu’il s’agissait d’un assujettissement aux prélèvements sociaux, mais d’un impôt affecté au budget de l’État, le problème ne se poserait pas – quitte, je le répète, à ce que vous reversiez aux caisses de sécurité sociale les montants correspondants, figurant dans les recettes générales du budget. Sur le fond, votre position est tout à fait défendable. Cela étant, je ne voterai pas l’article 25 dans sa rédaction actuelle, car j’estime que vous avez pris un risque inutile – non pas vis-à-vis du Conseil constitutionnel, mais vis-à-vis de la Cour européenne de justice.

(Les amendements identiques nos 2, 190 et 209 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Je suis tout à fait d’accord avec ce qu’a dit M. de Courson : nous ne sommes ni dans le droit de la territorialité, ni dans le droit de la nationalité, mais dans le droit régissant les cotisations sociales. Il est paradoxal qu’à l’issue de l’adoption probable de ce texte, les Français de l’étranger soient amenés à participer au financement des prestations sociales, dont ils ne bénéficient pas, alors que les étrangers en situation irrégulière (Exclamations sur les bancs du groupe SRC)

M. Christian Eckert, rapporteur général. Nous y voilà !

M. Thierry Mariani. Vous pouvez bien être choqués, c’est la réalité !

Les étrangers en situation irrégulière, disais-je, ne seront même plus obligés de payer le forfait de 30 euros pour bénéficier de l’aide médicale d’État. (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Alain Marsaud. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 166.

M. Christian Eckert, rapporteur général. L’article 25 prévoit l’assujettissement des contribuables non-résidents au titre de leurs revenus immobiliers à la seule contribution sociale généralisée.

L’amendement n° 166 est un amendement rédactionnel visant à compléter la rédaction proposée par le Gouvernement afin d’étendre l’assujettissement de ces revenus aux autres prélèvements sociaux portant sur les revenus immobiliers.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Favorable.

(L’amendement n° 166 est adopté.)

(L’article 25, amendé, est adopté.)

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le vendredi 20 juillet 2012 à zéro heure vingt-cinq, est reprise à zéro heure trente-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article 26

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Luc Laurent, inscrit sur l’article 26.

M. Jean-Luc Laurent. Depuis le début de cette semaine au cours de laquelle nous discutons du projet de loi de finances rectificative, nous avons longuement débattu du sens du redressement.

Après les débats sur les heures supplémentaires, sur la fiscalité des successions et, voilà quelques instants, sur celle de l’immobilier, la taxation des stock-options est à mes yeux une mesure symbolique forte de ce collectif budgétaire. Étant donné la faible utilité sociale et économique de ces rémunérations, l’action de la majorité est clairement au service du redressement dans la justice.

Notre histoire, ces dernières années, est marquée par le décrochage des revenus du travail par rapport à ceux du capital, qui occupent une place croissante dans la richesse nationale. Nous venons de vivre une décennie qui peut être dénommée « les années fric ».

D’abord, les stock-options sont emblématiques de la perte de repères qui fait que les produits financiers se substituent au salaire, tandis que la logique financière de court terme a fait vaciller nombre d’entreprises productives.

Ensuite, la gauche, reconnaissons-le, n’a pas été exempte d’erreurs d’appréciation sur cette question dans le passé. Le présent article, qui propose une hausse du prélèvement social sur les stock-options et les attributions gratuites d’actions, intervient en début de législature et montre que nous tournons une page. Ces dix dernières années, la collectivité s’est amputée de bien trop de ressources. Le Gouvernement propose aujourd’hui de réarmer la puissance publique par une politique de recettes fiscales au bénéfice de la Sécurité sociale et du pacte social de la nation. Nous soutenons évidemment cette proposition du Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 167.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Cet amendement vise à fixer la date d’entrée en vigueur du dispositif au 11 juillet, de préférence à celle du 1er septembre, qui avait été retenue par le Gouvernement, de façon à éviter les effets d’optimisation pour ceux qui anticiperaient afin d’échapper à la majoration de la taxe.

Cet amendement me semble de bon sens. Pour les dispositifs de ce type – par exemple dans certains des précédents articles –, c’est d’ailleurs la date d’entrée en vigueur que nous avons généralement choisie.

(L’amendement n° 167, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 26, amendé, est adopté.)

Après l’article 26

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement, n° 478, portant article additionnel après l’article 26.

M. Charles de Courson. Il n’est pas normal, mes chers collègues, qu’une partie du crédit destiné à la rémunération des collaborateurs des parlementaires puisse être utilisée pour majorer l’indemnité représentative de frais de mandat. Il convient de revenir au principe de l’étanchéité entre l’indemnité représentative de frais de mandat et le crédit destiné à la rémunération des collaborateurs.

Je rappelle en effet, pour nos jeunes collègues qui ne connaissent pas cette histoire, que ce fut le cas pendant un certain nombre d’années. Or on est revenu en arrière.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. La commission n’a pas retenu l’amendement de notre collègue M. de Courson. D’ailleurs, sa rédaction le rend inopérant car les sommes versées au titre de l’IRFM sont assujetties à la CSG. Il me semble par ailleurs, qu’il va à l’encontre de l’objectif qu’il vise.

Quant à l’opportunité de garantir une étanchéité entre les deux ou de conserver le report, cela entre dans le champ de ce que nous disions tout à l’heure : à mon sens, cela relève d’une décision des questeurs.

Mme la présidente.Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je confirme la position qui était déjà celle du Gouvernement tout à l’heure : il n’a pas à se mêler de ces questions qui regardent exclusivement le Parlement, selon un principe auquel il est hors de question de déroger.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Cet amendement me paraît tout à fait pertinent. Mais peut-être le rapporteur général est-il dépendant des questeurs.

Très franchement, autant l’on peut comprendre que l’IRFM serve à rémunérer des collaborateurs lorsque l’enveloppe destinée à cette fin n’est pas suffisante, autant l’inverse n’a pas de sens. Je suis d’ailleurs personnellement favorable à ce que l’on module l’IRFM en fonction de la situation des uns et des autres, ce qui me paraîtrait plus juste.

Je voudrais en profiter pour adresser une remarque à la présidence. Je lisais tout à l’heure une dépêche de l’AFP et j’avoue en avoir assez que des chiffres erronés soient communiqués par l’Assemblée nationale.

Il est en effet indiqué dans cette dépêche que l’indemnité représentative de frais de mandat s’élève à 6 412 euros par mois. Je ne sais pas, chers collègues, quel est le montant de ce que vous touchez à ce titre, mais il me semble qu’il est, en ce qui me concerne, de l’ordre de 5 900 euros ; je me fiche de la CSG, car je ne la touche pas. Je tiens à préciser les choses au cas où j’aurais des comptes à rendre à mes électeurs.

De la même façon, on indique, sur le site de l’Assemblée nationale, que l’indemnité parlementaire est d’un montant brut mensuel de 7 100 euros par mois au 1er juillet 2010. Or nous ne touchons pas cette somme, car il faut parler en net.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Il a raison !

M. Jean-Christophe Lagarde. Si l’on veut de la transparence, il faut dire vraiment les choses.

Pour le crédit destiné à la rémunération des collaborateurs, on parle de 9 138 euros. Encore faudrait-il que l’Assemblée indique clairement aux journalistes qu’il s’agit d’un droit de tirage.

Certains de nos concitoyens finissent par penser que l’on cumule tous ces montants. Or nous savons tous que ce n’est pas le cas. Il me semble que l’indemnité d’un député se situe aux alentours de 5 300 euros net par mois. Cela mérite d’être dit ; cela mérite d’être connu, pour que l’on arrête de nous prendre pour des voleurs.

Un cadre moyen touche à peu près la même chose. Or, à cette heure-ci, il est couché chez lui et il est tranquille le week-end. Et on n’a pas l’impression qu’il vole son salaire !

M. Alain Chrétien. Et on ne nous paie pas d’heures supplémentaires !

M. Jean-Christophe Lagarde. Exactement, mon cher collègue.

Bref, j’en ai ras-le-bol et je souhaite que la présidence de l’Assemblée communique à l’extérieur des chiffres justes. Je sais bien que vous n’y êtes pour rien, madame la présidente, mais transmettez le message !

M. Christian Paul. On va faire pleurer Margot !

M. Jean-Christophe Lagarde. Il ne s’agit pas de cela, monsieur Paul. Il s’agit simplement de dire les choses telles qu’elles sont. Cela me paraît normal.

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. J’approuve pleinement l’objectif de cet amendement, qui vise à mettre fin à une tentation qui nous guette tous et qui est humaine. En fin d’année – je le précise à l’intention de nos plus jeunes collègues –, quand il reste de l’argent dans l’enveloppe destinée à la rémunération de nos collaborateurs, nous avons deux possibilités : soit le leur verser sous forme de prime, soit le transférer sur l’IRFM, c’est-à-dire, d’une certaine façon, nous le mettre dans la poche. (Murmures sur divers bancs.)

Les différentes associations représentatives de collaborateurs parlementaires protestent contre ce dispositif et elles ont bien raison. J’approuve donc le principe de cet amendement et je le voterai, même si ce n’est pas la meilleure solution pour mettre fin au problème.

S’il permet d’ouvrir le débat, cet amendement est juridiquement inutile, puisqu’il suffit d’une décision des trois questeurs interdisant toute fongibilité entre le crédit collaborateurs et l’IRFM. Je les invite donc à se saisir du dossier et à prendre la mesure qui s’impose.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérald Darmanin.

M. Gérald Darmanin. Je suis étonné que ce sujet puisse figurer dans le PLFR. Comme certains d’entre vous, j’ai été collaborateur parlementaire. La question posée ici est celle des moyens dont disposent les députés pour rémunérer correctement leurs assistants.

Le cumul des mandats, que les socialistes veulent interdire, mais qu’ils pratiquent encore, tout comme moi d’ailleurs – même si, siégeant dans l’opposition au conseil municipal de Tourcoing, je ne cumule pas grand-chose –, permet aussi de disposer d’un cabinet supplémentaire, d’être assisté par des fonctionnaires et aidé par des collaborateurs dans le contrôle de l’action gouvernementale.

Nous recevons environ 6 500 euros net pour rémunérer des collaborateurs qui nous assistent dans notre travail législatif et dans notre circonscription. C’est une honte que les parlementaires français disposent d’aussi peu de moyens pour mener à bien leur travail. Pour ma part, j’utiliserai l’IRFM afin de payer correctement mes collaborateurs.

La situation actuelle explique la rotation importante des assistants parlementaires et, peut-être, la médiocrité du contrôle de l’action gouvernementale.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je m’étonne des réflexions de notre rapporteur général. L’IRFM étant assujettie à la CSG, il fallait gager cet amendement, ainsi que me l’ont rappelé les administrateurs de la commission des finances. D’où le deuxième alinéa, purement formel.

Mme la présidente. Je veux assurer à M. Lagarde que sa saine colère sera transmise aux services de la présidence.

(L’amendement n° 478 n’est pas adopté.)

Avant l’article 27

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement n° 20.

M. Thierry Mariani. Il est défendu.

(L’amendement n° 20, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement n° 17.

M. Thierry Mariani. Il est défendu.

(L’amendement n° 17, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Article 27

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, inscrit sur l’article.

M. Nicolas Sansu. Comme pour bon nombre des articles de ce PLFR, nous ne cachons pas notre satisfaction de voir enfin aboutir des propositions formulées et défendues de longue date de ce côté de l’hémicycle.

En l’espèce, il s’agit de relever de manière significative la contributivité au budget de la Sécurité sociale d’éléments de rémunération qui y échappaient sans justification. Largement exonérés d’impôts et de cotisations sociales, ils constituent de véritables niches sociales particulièrement appréciées des entreprises, dans la mesure où ils permettent, par transfert, d’abaisser sensiblement le coût du travail.

En 2009, le rapport Cotis évaluait déjà à près d’un point de PIB – 20 milliards – l’effet de substitution entre ces dispositifs et la masse salariale. Le manque à gagner pour les finances de l’État et de la Sécurité sociale est donc considérable.

Rappelons par ailleurs que ces dispositifs ne bénéficient pas à l’ensemble des salariés, loin s’en faut : le recours à l’intéressement et à la participation est beaucoup plus répandu dans les grandes entreprises que dans les PME, et profite bien davantage aux salariés les mieux payés qu’à ceux du bas de l’échelle salariale.

Cependant, notre satisfaction n’est pas pleine et entière : nous approuvons aujourd’hui ce que nous considérons être un premier pas vers un alignement strict de tous les éléments de rémunération sur les régimes social et fiscal de droit commun appliqués aux salaires.

L’enjeu n’est pas de décourager le recours à ces formes alternatives de rémunération mais de rapprocher leur fonctionnement de l’esprit qui a prévalu à leur création.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Ollier.

M. Patrick Ollier. Le général de Gaulle voulait réconcilier les salariés et les porteurs du capital, faire en sorte que les personnes dans l’entreprise deviennent des partenaires et non des adversaires. Quelle belle ambition !

Elle a présidé à la naissance de la participation, de l’intéressement, de l’actionnariat salarié. J’estime que l’on aurait pu aller beaucoup plus loin. La participation est devenue une ligne budgétaire ; ce n’est pas satisfaisant mais cela a le mérite d’exister. 5 millions de Français sont concernés par ce dispositif.

Même si j’assume, je regrette que la majorité précédente ait créé ce forfait social. Son taux avait atteint 8 %, ce qui me semblait plus que suffisant. Je ne comprends pas que le Gouvernement ait décidé de le porter à 20 %. Cela dissuadera immanquablement les entreprises de s’engager dans ce dispositif et privera les salariés de ce bénéfice.

J’aurais compris, dans le contexte de crise actuel, que le taux augmente de deux points pour atteindre 10 %. Mais le multiplier par 2,5 est incompréhensible. Pourrions-nous nous accorder sur une hausse raisonnable du forfait social ? De grâce, acceptez nos amendements de suppression afin que nous puissions reprendre le dialogue sur cette base.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie.

Mme Véronique Louwagie. Je voudrais évoquer ici l’avenir des contrats d’intéressement. Facultatifs, à l’initiative du chef d’entreprise ou de la gouvernance, ceux-ci prévoient des obligations pour l’entreprise, sans contrepartie de la part des salariés. Les règles, notamment de répartition de l’enveloppe, sont déterminées.

Pour que ces contrats puissent représenter un intérêt pour les entreprises, le taux de prélèvement des charges sociales doit être largement inférieur à celui qui s’applique aux rémunérations traditionnelles. Avec la hausse du taux, le dispositif perdra l’un de ses atouts et deviendra moins incitatif.

Les salariés seront les premiers perdants de cette mesure. Il semble par ailleurs déloyal de modifier les règles d’un contrat en cours, surtout lorsqu’il est de nature volontaire. Cette instabilité dissuadera les entreprises de développer ce dispositif louable. L’avenir des contrats d’intéressement sera ainsi mis à mal. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’une série d’amendements identiques tendant à supprimer l’article 27.

La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 51.

M. Lionel Tardy. En augmentant le forfait social pour l’épargne salariale, la participation et l’intéressement, cet article contribue à alourdir les impôts payés par les Français.

Ces dispositifs sont importants pour nombre de salariés. En plus des revenus – souvent différés – qu’ils procurent, ils sont une marque de reconnaissance symbolique de l’investissement dans l’entreprise, une sorte de dividende du travail.

Comme pour tout revenu, il était normal qu’il y ait contribution : nous avons donc créé le forfait social. Mais porter son taux de 8 % à 20 % dénature complètement l’équilibre qui avait été trouvé et porte un coup de plus à la stabilité juridique et fiscale dans ce pays.

Avec cette augmentation brutale, vous risquez de détourner bien des entreprises de ce dispositif, les salariés n’étant plus demandeurs du fait d’une fiscalité dissuasive. Cette décision est regrettable : loin de taxer les riches, elle risque de casser un dispositif qui donnait satisfaction aux salariés et aux chefs d’entreprise.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour défendre l’amendement n° 74.

M. Dominique Tian. Désormais, il n’est plus aussi intéressant d’effectuer des heures supplémentaires. Le pouvoir d’achat des salariés va diminuer. Un article du Monde expliquait d’ailleurs que les professeurs seraient les premiers touchés par ces mesures. On voit donc bien la cible qui est la vôtre : les personnes qui travaillent un petit peu plus.

Tout à l’heure, nous avons supprimé les aides fiscales – sauf pour les Scop, qui sont un peu différentes aux yeux des socialistes. Il était normal qu’à cette heure tardive on s’occupe des entreprises qui ont signé des accords de participation.

Dans la logique socialiste, il ne suffit pas que les salariés participent à la bonne santé de leur entreprise, qu’ils contribuent par leur travail à ce que l’on paie plus d’impôts sur les sociétés et que l’on crée des emplois : il faut qu’ils paient des impôts. Le taux de 8 % n’est pas suffisant ? On le portera à 20 %, et tant pis si cela représente une baisse du pouvoir d’achat ! Je demande la suppression de cet article.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Goasguen, pour défendre l’amendement n° 91.

M. Claude Goasguen. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Bertrand, pour soutenir l’amendement n° 336.

M. Xavier Bertrand. « La gauche avait dit qu’elle augmenterait le pouvoir d’achat ; finalement, elle fait l’inverse ». Ce sont les mots de deux personnes représentant les salariés actionnaires et les porteurs de parts du magasin Auchan, situé à Fayet, à côté de Saint-Quentin.

La presse en parle. Les représentants des salariés nous expliquent que le relèvement du taux du forfait social, en définitive, va pénaliser non pas les employeurs mais directement les salariés. À Saint-Quentin, ce sont 360 salariés qui sont concernés, et cela entraînera une baisse directe de leur pouvoir d’achat de 4 %, comme pour les 55 000 salariés concernés de l’ensemble des magasins Auchan.

L’épargne salariale n’est pas réservée aux plus fortunés. L’épargne salariale, l’intéressement, la participation, profite avant tout aux classes populaires et aux classes moyennes. J’ai cité l’exemple d’Auchan mais j’aurais pu vous parler des plus de 5 millions de salariés dans notre pays qui bénéficient de cette épargne salariale, de l’intéressement et de la participation.

C’est un mauvais coup supplémentaire porté non seulement au pouvoir d’achat mais aussi à la valeur travail.

Hier soir encore, un salarié qui bénéficiait à la fois des heures supplémentaires et de l’intéressement – quel nanti à vos yeux ! – me demandait comment eux qui travaillaient pouvaient être la cible prioritaire de ce nouveau gouvernement.

Voilà pourquoi il ne faut pas adopter cet article, qui est un mauvais coup supplémentaire porté au pouvoir d’achat des salariés des classes populaires, des classes moyennes. (« Très bien ! » sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Chrétien, pour défendre l’amendement n° 337.

M. Alain Chrétien. C’est effectivement une triste journée pour l’intéressement et la participation puisque c’est la deuxième fois que vous portez un coup à ce dispositif. Ce matin, en effet, vous avez supprimé l’avantage fiscal de la provision pour investissement, avantage fiscal dédié aux entreprises qui avaient décidé d’avoir un régime plus favorable pour la participation.

Dire que cela ne concerne que les grandes entreprises et pas forcément les plus bas salaires, ce n’est pas un bon argument, monsieur Sansu. Vous devriez au contraire défendre ce dispositif et demander qu’il soit amplifié, qu’il y ait des incitations et que chacun puisse en profiter.

M. Nicolas Sansu. Il faut augmenter les salaires de base !

M. Alain Chrétien. Vous allez à l’inverse du mouvement de l’histoire, et nous en sommes vraiment désolés. C’est la raison pour laquelle nous souhaitons la suppression de l’article 27.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour défendre l’amendement n° 338.

M. Gérald Darmanin. Parmi les choses qui m’étonnent chez les socialistes,…

M. Jean-Michel Clément. Ce n’est pas fini !

M. Gérald Darmanin. Je suis jeune, j’espère que Dieu me prêtera vie et que je vous écouterai longtemps !

…il y a leurs déclarations d’amour depuis quelques années. Vous vous réclamez souvent, en le citant, du général de Gaulle, mais, comme en amour, il faut aussi parfois des preuves d’amour. Parmi les choses admirables de l’héritage politique qu’il nous a laissé, il y a la participation et l’intéressement, et c’est une idée gaulliste que vous êtes en train d’assassiner. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Je peux vous donner moi aussi des exemples, à Tourcoing, d’autres magasins, d’autres grandes entreprises, et je vous propose, monsieur Sansu, de venir avec moi rencontrer les trois salariés que j’ai vus ce matin. (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.) Ce n’est pas dans l’invective que l’on peut construire le débat. Je sais que les choses vous gênent et vous pouvez crier davantage.

Mme la présidente. Seul M. Darmanin a la parole.

M. Gérald Darmanin. Vous disiez tout à l’heure qu’il fallait augmenter les bas salaires. Sans doute mais, là, il s’agit de ceux qui ont des petits salaires un tout petit peu plus élevés, qui ont fait des heures supplémentaire pour pouvoir payer à leurs enfants des cours du soir leur permettant de réussir leurs études parce qu’ils n’ont pas la chance d’avoir des parents professeurs, de ceux qui ont la chance, grâce à l’intéressement, d’améliorer un peu la vie de leurs enfants.

Aujourd’hui, vous assassinez une idée gaulliste. Dès demain, les salariés vont se rendre compte qu’après la suppression de la TVA sociale, qui entraînera la délocalisation d’un plus grand nombre encore d’industries, la fiscalisation des heures supplémentaires, qui va décourager les gens de travailler dans les entreprises et, aujourd’hui, la fin de l’intéressement,…

M. Yann Galut. Caricature !

M. Gérald Darmanin. Non, c’est la vérité.

Avec le vote de cet article, vous allez décourager encore davantage les gens de travailler. Votre politique, c’est l’assistanat. Nous, c’est le travail. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est une belle réussite, 3 millions de chômeurs !

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob, pour défendre l’amendement n° 344.

M. Christian Jacob. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour défendre l’amendement n° 345.

M. Guillaume Larrivé. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour défendre l’amendement n° 346.

Mme Véronique Louwagie. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour défendre l’amendement n° 347.

M. Hervé Mariton. La hausse du forfait social prend sa place dans une politique d’augmentation des impôts dont l’effet sera la baisse du pouvoir d’achat de nos concitoyens. Il est tard et nous avons passé un grand nombre d’heures à débattre depuis le début de la semaine, mais ce n’est pas une raison pour ne pas vous le répéter. Cette politique d’augmentation des impôts et des prélèvements, cette politique qui impacte à la baisse le pouvoir d’achat de nos concitoyens doit être dénoncée, il est important de le souligner.

Je fais partie de ceux qui sont attachés à la participation et, en même temps, assez conscients du fait que les outils développés au fil des années ne sont pas parfaits. Il faut encore travailler pour que les salariés mesurent ce que cela peut leur rapporter, pour trouver le bon compromis entre l’engagement dans la durée et la possibilité de débloquer certaines sommes en cas de besoin matériel à certains moments de la vie ou pour des raisons conjoncturelles. Tout cela justifie que l’on améliore le dispositif de participation et d’intéressement, tout cela ne justifie pas l’explosion du forfait social. Vous rendez-vous compte ? Passer de 8 à 20 %, il faut oser !

C’est sans doute un dispositif qui n’est pas si grand public que cela, même si les salariés d’Auchan ont réagi. C’est une augmentation de charges qui fait rarement les grands titres de la presse. Et pourtant, on multiplie par 2,5 le forfait social. Je ne suis pas sûr que cela figure dans les engagements du candidat à l’élection présidentielle mais, puisque nous sommes de moins bons notaires que vous, pouvez-vous nous dire où il figurait parmi les soixante engagements ?

M. Jean-Christophe Lagarde. C’est le n° 61 ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marsaud, pour défendre l’amendement n° 348.

M. Alain Marsaud. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Ollier, pour défendre l’amendement n° 349.

M. Patrick Ollier. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour défendre l’amendement n° 350.

M. Frédéric Reiss. Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette hausse brutale de 8 à 20 % du taux du forfait social aura inévitablement des conséquences dans les entreprises, qui, on l’a déjà dit, vont sans doute renoncer à leurs projets d’intéressement et de participation.

Évidemment, cela part d’un bon sentiment puisque la nouvelle majorité veut abonder la Caisse nationale d’assurance vieillesse et le Fonds de solidarité vieillesse mais, malheureusement, les effets collatéraux seront désastreux et, là encore, les classes moyennes, que le Gouvernement se flatte de préserver, seront inévitablement impactées.

Pour de nombreux travailleurs qui perdent déjà le bénéfice de leurs heures supplémentaires défiscalisées, la pilule sera amère à avaler. C’est la raison pour laquelle je propose de supprimer cet article et de maintenir le taux de 8 %.

Mme la présidente. La parole est à Mme Claudine Schmid, pour défendre l’amendement n° 351.

Mme Claudine Schmid. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour défendre l’amendement n° 479.

M. Philippe Vigier. Ce n’est pas dans les soixante propositions du candidat François Hollande, ce n’est pas non plus la soixante et unième comme le suggérait Jean-Christophe Lagarde, mais, cette semaine, c’est la semaine des coups de bambou : coups de bambou sur le pouvoir d’achat avec la fiscalisation des heures supplémentaires, relèvement des prélèvements sociaux de 2 %, et troisième coup, sur l’intéressement et la participation.

M. Jean-Christophe Lagarde. Le gourdin fiscal !

M. Philippe Vigier. Les centristes avaient proposé un léger relèvement du forfait social mais si vous le multipliez par 2,5 du jour au lendemain, la valeur travail va en prendre un coup. Et, surtout, l’intéressement et la participation entraînent aussi une plus grande adhésion des salariés au projet d’entreprise. Il n’y a pas que la rémunération directe, cette rémunération issue de l’intéressement ou de la participation leur permet d’avoir une autre vision sur l’évolution de leur entreprise.

Je vous demande d’y réfléchir une dernière fois. Augmenter légèrement le forfait social, on aurait pu le comprendre, mais là, vous êtes uniquement dans la recette fiscale, vous n’êtes pas du tout dans le projet économique.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur cette série d’amendements de suppression ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. La commission les a repoussés, pour plusieurs raisons.

Premièrement, je ne sais pas si cela porte un numéro, mais le Président de la République s’est engagé à remettre en état et en équilibre les comptes publics. Mes chers collègues, je n’aurai pas la cruauté de vous rappeler les déficits que nous a laissés l’ancienne majorité, à savoir 20 milliards d’euros en 2012 pour le régime général et le FSV, dont plus de 10 milliards d’euros pour la branche vieillesse en dépit de votre réforme de 2010, qui était censée équilibrer les comptes. Il n’y a peut-être pas de numéro mais cela procède d’un principe et d’un engagement du Président de la République.

Deuxièmement, ce forfait social a été instauré par la précédente majorité, qui soutenait à l’époque la nécessité de réduire les niches sociales. La Cour des comptes avait d’ailleurs suggéré en 2010 de porter ce taux à 19 %. Nous sommes à 20 %.

Enfin, nul n’ignore l’effet substitutif en termes de salaires et de rémunérations que peut provoquer une utilisation un peu trop large de ce dispositif. Je vous rappelle que le salaire, lui, est assujetti à une contribution sociale de l’ordre de 45 %. À 20 %, le dispositif est beaucoup plus avantageux.

M. Hervé Mariton. Et 45 %, c’est pour quand ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je vous rappelle enfin pour finir que cette contribution est à la charge de l’employeur. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Denys Robiliard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.

M. Denys Robiliard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Selon l’étude d’impact qui figure dans le projet de loi, entre 1999 et 2007, les sommes versées au titre de l’épargne salariale ont été multipliées par plus de deux, alors que la masse salariale augmentait de moins de 40 %.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Pourquoi, à votre avis ?

M. Denys Robiliard, rapporteur pour avis. Croyez-vous que ce sont les résultats des entreprises qui expliquent un tel résultat ? Je ne le crois pas.

M. Christian Paul. Cela fait réfléchir !

M. Denys Robiliard, rapporteur pour avis. Cela traduit très clairement un souci de payer des salaires en les faisant échapper aux cotisations sociales. C’est donc la mise en danger de notre système de financement de la protection sociale. Il y a un moment où il faut dire les choses telles qu’elles sont et en tirer les conséquences.

Cela dit, l’attractivité de l’intéressement et de la participation est encore très grande parce que, comme l’a souligné le rapporteur général, il reste un écart considérable entre ces cotisations et celles d’un salaire normal. Je veux bien qu’on prenne l’exemple d’Auchan : allons regarder les salaires qui s’y pratiquent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Cette mesure contribue à l’augmentation des impôts que le Gouvernement et, je l’espère, le Parlement proposeront aux Français.

M. Jean-Christophe Lagarde. Imposeront !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Nous imposons en 2012 pour 7 milliards d’euros de plus alors qu’à la suite de vos votes de l’année dernière, l’augmentation des impôts en 2012 sera de 15 milliards d’euros. Les prélèvements obligatoires augmentent de 1,1 point de PIB cette année. C’est la conséquence de décisions de la majorité précédente pour les deux tiers, de notre majorité pour un tiers. Nous assumons ce tiers, assumez les deux tiers qui vous reviennent.

Le forfait social n’a pas été créé par cette majorité, pas davantage par la volonté de celles et ceux qui siègent sur nos bancs, mais par la vôtre. Il n’y avait pas de forfait social avant 2009, c’est vous qui l’avez créé.

M. Hervé Mariton. Là, il explose !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Il était à 2 % en 2009, à 4 % en 2010, à 6 % en 2011, il est à 8 % en 2012.

Puisque l’on a fait référence aux mânes du général de Gaulle, d’une certaine manière, vous répondiez à la demande insistante du Premier président de la Cour des comptes, qui s’appelait à l’époque Philippe Séguin, auquel on peut difficilement intenter un procès en antigaullisme. C’est Philippe Séguin qui, le premier, devant la commission des finances, a fait la même remarque que le rapporteur pour avis à l’instant. Il indiquait que les entreprises, plutôt que d’augmenter les salaires, préféraient utiliser l’intéressement et la participation, avec à la clé une perte de recettes pour la protection sociale. C’est au nom de ce constat qu’il avait demandé qu’un forfait social fût créé à hauteur de 18 %.

À la suite de cette demande exprimée en commission des finances, un rapport du Conseil des prélèvements obligatoires puis un de la Cour des comptes, présidé par un autre que Philippe Séguin, avaient clairement jugé très souhaitable une augmentation du forfait social à 19 %. Nous le portons à 20 %. Nous sommes plus proches de Philippe Séguin que vous, au moins sur ce sujet. Le procès en injure à la mémoire du général de Gaulle me paraît donc tout à fait excessif, à moins de l’intenter à Philippe Séguin lui-même.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Je voudrais savoir, monsieur Bertrand, ce que vous pensez d’un principe très simple qui devrait guider nos décisions, en particulier ce soir, et que j’énoncerai ainsi : « À revenu égal, prélèvement égal ».

M. Xavier Bertrand. Ça commence bien !

M. Christian Paul. C’est un principe dont on doit se rapprocher le plus possible, et c’est à cela que sert l’augmentation du forfait social.

Je vais vous dire la vérité, monsieur Bertrand. Vous excellez dans un domaine : celui de diviser les Français. Hier, c’était entre les Français qui ont du travail et ceux qui n’en ont pas. Aujourd’hui, c’est entre les Français qui ont un salaire direct complet et ceux pour lesquels leurs entreprises font appel à l’intéressement.

M. Xavier Bertrand. Vous êtes amer !

M. Christian Paul. Aidez-nous, monsieur Bertrand, à nous rapprocher du principe « à revenu égal, prélèvement égal » et à faire progresser les salaires des Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Lefebvre.

M. Dominique Lefebvre. Je souhaite éclairer nos collègues, à la suite des propos de Xavier Bertrand. Auchan, grand groupe de distribution, n’a probablement pas un magasin dans chacune des quelque 500 conscriptions de France. Les termes employés par notre collègue sont exactement ceux de la lettre que m’a adressée il y a deux jours le directeur du magasin Auchan de Cergy (« Ah ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC), m’expliquant combien cette mesure allait faire perdre de pouvoir d’achat aux salariés de son magasin.

C’est l’illustration d’un groupe qui cherche à optimiser sa masse salariale. Xavier Bertrand pense que c’est pour augmenter le pouvoir d’achat des salariés, je pense quant à moi que c’est pour augmenter les profits du groupe. Il faudrait examiner les niveaux de salaires d’Auchan et se rendre compte qu’il s’agit de dépecer progressivement la masse salariale sur laquelle sont assises les cotisations sociales. Vous devriez dire aux salariés d’Auchan, monsieur Bertrand, qu’un jour on ne pourra plus financer la protection sociale ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Bertrand.

M. Xavier Bertrand. Puisque vous avez reçu l’argumentaire, cher collègue, vous auriez pu évoquer deux points supplémentaires. Avec deux ans d’ancienneté, une hôtesse de caisse a une rémunération de 4 % supérieure au niveau de la branche. De même, la mesure, parce qu’elle va représenter un coût supplémentaire pour l’employeur, empêchera la création, par exemple, de sept drives et de 300 emplois supplémentaires. C’était dans l’argumentaire : vous ne l’avez pas dit, je le dis pour vous. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Or je parle d’une coupure de presse, que je tiens à votre disposition. (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Qui s’exprime par ce biais ? Vous pouvez vous moquer autant que vous voulez, je vous demande juste du respect pour les représentants des salariés actionnaires et des porteurs de parts. Ça n’est pas le patron d’Auchan qui parle. J’ai oublié de vous lire le début de la phrase, que voici : « Les promesses de campagne n’ont pas été tenues. La gauche avait dit qu’elle augmenterait le pouvoir d’achat et c’est l’inverse qui se produit. » (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Je terminerai sur un dernier point. L’argumentation du rapporteur général à l’instant montre que le mauvais coup de ce soir annonce de mauvais coups à venir sur l’intéressement et la participation. Vous souhaitez clairement une fusion de la fiscalité sur tout ce qui est extra-salarial, intéressement, participation, et de celle sur les salaires. Je ne sais quelle était la proposition du programme de François Hollande,…

Un député du groupe SRC. Il fallait le lire !

M. Xavier Bertrand. …mais, à plus d’une reprise, j’ai entendu des spécialistes de la fiscalité, dans la campagne socialiste, dire qu’il faudrait à terme que la fiscalité sur l’intéressement et la participation soit la même que celle sur les salaires. Le mauvais coup de ce soir annonce de mauvais coups à venir ! Vous l’avez dit, vous n’aimez pas, par idéologie, l’intéressement et la participation. Or ils dépendent des résultats de l’entreprise et sont le fruit du dialogue social dans l’entreprise. Voilà pourquoi il faut, selon nous, les préserver, et ne pas prélever dans la poche des classes moyennes ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

(Les amendements de suppression de l’article 27 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 75, deuxième rectification, 92 et 468.

La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 75, deuxième rectification.

M. Dominique Tian. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Goasguen, pour soutenir l’amendement n° 92.

M. Claude Goasguen. Il est également défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n° 468.

M. Charles de Courson. L’historique du taux a été rappelé tout à l’heure. M. le ministre délégué m’a reproché d’avoir changé d’avis. Ce n’est pas le cas : je critique le texte du Gouvernement en raison de la brutalité de la hausse, et c’est pourquoi nous proposons cet amendement de lissage, de deux points en deux points, jusqu’à la fin de la législature. C’est plus raisonnable que de passer brutalement de 8 à 20 %, car en agissant brutalement on suscite des effets indésirables.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Défavorable, car cela revient à dévoyer l’article.

M. Yves Jégo. Cela ne dévoie rien !

(Les amendements identiques nos 75, deuxième rectification, 92 et 468, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Sur l’article 27, je suis saisie par le groupe de l’Union pour un mouvement populaire d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 77.

M. Dominique Tian. Mes chers collègues, 15 %, c’est mieux que 20 %. L’amendement est défendu. (Sourires.)

M. Jean-Christophe Lagarde. Voilà une explication simple !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. L’argumentation est simple, la réponse est claire : défavorable.

(L’amendement n° 77, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian., pour soutenir l’amendement n° 76.

M. Dominique Tian. Je vais le défendre rapidement : 10, c’est mieux que 20. (Rires.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Eh bien 20 reste 20. Défavorable.

(L’amendement n° 76, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 197.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement de précision.

(L’amendement n° 197, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de huit amendements, nos 78, 79, 93, 147, 473, 470, 146 et 148, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 93, 147 et 473 sont identiques.

La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 78.

M. Dominique Tian. Les amendements nos 78 et 79 sont défendus.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Goasguen, pour soutenir l’amendement n° 93.

M. Claude Goasguen. Défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances, pour soutenir l’amendement n° 147.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Je présenterai ensemble les amendements nos 147, 146 et 148, madame la présidente.

La commission des finances va auditionner mercredi matin la Cour des comptes au sujet d’un rapport très intéressant qu’elle vient de remettre concernant le financement de l’économie.

M. François Brottes président de la coàmmission des affaires économiques. Avec la commission des affaires économiques !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Ce sera conjointement avec la commission des affaires économiques, en accord avec son président, M. François Brottes.

Plusieurs députés du groupe SRC. Excellent président !

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Le fil directeur de ce rapport, c’est l’encouragement à l’épargne longue. Par ces trois amendements, je souhaite appeler votre attention, monsieur le ministre délégué, sur la nécessité de favoriser cette épargne.

Dans l’utilisation des sommes bloquées au titre de la participation ou de l’intéressement, il y a des formes d’épargne longue, et le Gouvernement le reconnaît lui-même puisque cet article prévoit une exonération de l’augmentation du forfait social, qui demeure donc à 8 %, pour les versements au titre des organismes de prévoyance, assurance décès ou incapacité de travail.

Je vous propose, monsieur le ministre délégué, dans ces amendements, les nos 146 et 148 étant des amendements de repli, d’étendre l’exonération que vous avez prévue pour les organismes de prévoyance aux versements au titre de l’épargne salariale de retraite.

L’amendement n° 146 concerne les versements aux plans d’épargne entreprise et PERCO qui bénéficient d’ores et déjà d’un régime fiscal particulier. Il ne s’agit donc pas, pour conserver le taux du forfait social à 8 %, de créer une dérogation particulière, mais de s’appuyer sur la dérogation existante.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour soutenir l’amendement n° 473.

M. Charles de Courson. C’est exactement la même idée. Il nous faut une épargne longue et donc, pour ne pas la décourager, éviter de porter de 8 à 20 % la taxation de ces produits. Du côté des entreprises, on a besoin des salariés pour lisser dans le temps la réforme des retraites.

M. Claude Goasguen. Évidemment !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Défavorable. Tout d’abord, ce sont des amendements coûteux. Ainsi, l’amendement n° 146 coûte à lui seul 200 millions d’euros.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. L’amendement n° 148 coûte 36 millions d’euros !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Les trois ensemble représentent 400 millions d’euros. Ensuite, les PERCO et PEE bénéficient toujours d’avantages fiscaux, donc d’incitations, même si ce sont des incitations fiscales et si elles ne portent pas sur les cotisations sociales. Enfin, il serait paradoxal de créer des niches sociales au sein d’un impôt créé lui-même pour remédier à une niche sociale ! Pour toutes ces raisons, et d’autres encore qui prolongeraient trop nos débats, l’avis de la commission est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement se range à l’avis du rapporteur général en avançant un argument de plus : le régime auquel l’entreprise serait soumise dépendrait non pas d’elle-même mais de la décision du salarié quant à la destination des sommes ainsi dégagées. Au-delà même de son coût, variable selon les amendements du président de la commission des finances, mais néanmoins réel, je ne suis pas certain qu’un tel système soit bien raisonnable. Avis défavorable.

Mme la présidente. Nous en venons à l’amendement n° 470.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je ne vais pas prolonger le débat (Exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR) puisqu’il s’agit d’un amendement assez proche de ceux qu’avait déposés le président Carrez en commission. C’est toujours la même idée : encourager l’épargne longue.

Plusieurs députés du groupe UDI. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Défavorable.

Mme la présidente. M. le président de la commission des finances a déjà défendu les deux amendements suivants, nos 146 et 148.

Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Même avis.

(Les amendements nos 78, 79, 470, 146 et 148, successivement mis aux voix, ainsi que les amendements identiques nos 93, 147 et 473, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 168 rectifié.

M. Christian Eckert, rapporteur général. L’amendement vise à consolider les recettes en prévoyant que l’augmentation du forfait social est bien destinée aux régimes de retraite de base, à parité entre la CNAV et le FSV.

(L’amendement n° 168 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement de précision, n198, présenté à titre personnel par M. le rapporteur général.

(L’amendement n° 198, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 169.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il est proposé d’anticiper d’un mois l’entrée en vigueur de l’augmentation du forfait social en la déplaçant au 1er août, ce qui l’harmonisera avec les autres dates d’effet que nous avons votées.

M. Jean-Christophe Lagarde. Hélas !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué, rapporteur. Favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Cette augmentation de prélèvement est aggravée avec l’anticipation proposée. Il n’y a pas de limites : le Gouvernement voulait déjà, dans son projet, augmenter les impôts, le ministre l’assume avec beaucoup d’intrépidité, et la majorité de la commission s’est échinée à alourdir encore les choses. Nous approchons du terme de nos débats…

M. Jean-Christophe Lagarde. On essaye ! (Sourires.)

M. Hervé Mariton. …et les Français ont désormais une vision globale de l’augmentation que vous leur avez réservée dans ce collectif ; viendra le budget pour 2013, et on peut d’ores déjà craindre le pire. « Après Agésilas, hélas ! Après Attila, holà ! » (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe UDI.)

(L’amendement n° 169 est adopté.)

Mme la présidente. Sur l’article 27, je suis saisie par le Gouvernement d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

.............................................................................................

Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix l’article 27, tel qu’il a été amendé.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 158

Nombre de suffrages exprimés 158

Majorité absolue 80

(L’article n° 27, amendé, est adopté.)

Après l’article 27

Mme la présidente. je suis saisie de plusieurs amendements portant articles additionnels après l’article 27.

La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 43.

M. Lionel Tardy. Dans l’actuel article 65 du code des douanes, tous les agents ayant au moins le rang de contrôleur disposent d’un droit de consultation de documents très large, sans avoir à justifier de la nécessité de la communication. Ce large pouvoir de consultation, nécessaire à la mission des douanes, répond à l’objectif constitutionnel de lutte contre la fraude. Mais il appartient au législateur d’assurer un équilibre entre les différents objectifs et droits constitutionnellement protégés. Parmi ces derniers figure le respect de la vie privée. Il apparaît important de mieux assurer cet équilibre en s’assurant que les demandes de communication des autorités douanières sont proportionnées aux besoins de leur enquête. Il est donc proposé par cet amendement d’instaurer une motivation obligatoire pour les demandes de communication d’information.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Avis défavorable. Ce type d’amendement a déjà été largement déposé et discuté. Le code des douanes permet aux agents ayant au moins le grade de contrôleur d’exiger la communication de documents de toute nature relatifs aux opérations douanières. Remplacer le mot : « relatif » par le mot : « nécessaire » enverrait un signal négatif s’agissant de la volonté de lutter contre la fraude. De plus, je rappelle que le code des douanes exige que ces agents prêtent serment et les soumet au secret professionnel, dont le non-respect est d’ailleurs sanctionné pénalement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué, rapporteur. Avis défavorable car l’adoption de l’amendement supposerait que les douanes indiquent pour quelles raisons des documents devraient leur être communiqués. Je suggère à la représentation nationale de faire confiance aux agents des douanes, de les laisser travailler. La direction et les agents travaillent remarquablement, et je ne voudrais pas qu’en adoptant l’amendement de M. Tardy, l’Assemblée nationale paraisse manifester une suspicion à leur égard. Je rappelle que récemment encore, certains d’entre eux, dans le cadre d’une opération relativement dangereuse, ont subi des atteintes.

Je vous remercie par avance, monsieur Tardy, de retirer votre amendement, manifestant ainsi toute la confiance qu’il faut avoir envers les agents des douanes, et je vous en saurai gré de l’avoir compris.

Mme la présidente. Maintenez-vous votre amendement, monsieur Tardy ?

M. Lionel Tardy. Je le retire.

(L’amendement n° 43 est retiré.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 19.

M. Dominique Tian. Il est défendu.

(L’amendement n° 19, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général, pour soutenir l’amendement n° 171.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Se développent un certain nombre de contentieux quant au recouvrement de la taxe destinée à financer les chambres de commerce et d’industrie régionales car son assise est quelque peu complexe – elle repose pour partie sur la cotisation foncière des entreprises et pour partie sur la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. Afin de sécuriser cette question, la commission vous propose, mes chers collègues, d’adopter cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué, rapporteur. Avis favorable car l’amendement précise les modalités de recouvrement de recettes pour les sécuriser.

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Je confirme ce qui est précisé dans l’exposé sommaire puisque j’étais le rapporteur pour avis de la réforme du financement des chambres consulaires : c’était bien l’intention du législateur de clarifier les règles de recouvrement. Donc avis tout à fait favorable.

(L’amendement n° 171 est adopté.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Avec un avis favorable de M. de Courson ! (Sourires.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement no 40.

La parole est à M. Lionel Tardy.

M. Lionel Tardy. Puis-je défendre en même temps les amendements n°s 42 et 41 puisqu’ils sont eux aussi relatifs à la redevance, madame la présidente ?

Mme la présidente. Volontiers.

M. Lionel Tardy. Cette taxe existe depuis longtemps mais a été créée à une époque où les choses étaient simples : il y avait un service public de l’audiovisuel monopolistique, l’ORTF, qui ne pouvait être reçu que par le biais de téléviseurs, et il a alors été décidé d’imposer un abonnement obligatoire à leurs détenteurs puisqu’un téléviseur ne pouvait servir qu’à recevoir les programmes de l’ORTF.

Les choses ont bien changé depuis : aujourd’hui, l’offre privée est pléthorique et l’audiovisuel public n’est plus qu’un bouquet de chaînes parmi d’autres, sans réelle spécificité. On en vient même à se demander ce qui justifie encore son existence. Il faudra bien un jour avoir ce débat, et Bruxelles nous y amènera peut-être par le biais du droit de la concurrence. On peut désormais recevoir les programmes audiovisuels autrement que par le biais d’un téléviseur, et, très prochainement, celui-ci servira à bien d’autres usages même si la réception de ces programmes restera pour un certain temps encore son usage principal.

Votre collègue Aurélie Filippetti, monsieur le ministre, a émis l’idée d’étendre l’assiette de la redevance aux écrans d’ordinateur. Vous avez clairement démenti que ce soit à l’ordre du jour, avant que le Premier ministre ne vienne brouiller les pistes en expliquant qu’il faudrait peut-être y réfléchir. Cela fait qu’aujourd’hui, comme dans le jeu de bonneteau, on ne sait plus sous quel gobelet se trouve la bille. Pouvez-vous donc indiquer clairement à la représentation nationale quelle est la position du Gouvernement en répondant à cette question simple : est-il sérieusement envisagé d’étendre d’une manière quelconque l’assiette de la redevance à d’autres supports que les postes de télévision et les supports qui y sont actuellement assimilés ?

Un autre débat se profile également : celui sur le refus de la télévision et de ses programmes par une partie de la population. Alors qu’autrefois il était évident que si un foyer était dépourvu de téléviseur, c’était par manque de moyens, nous avons aujourd’hui de plus en plus de personnes qui ne l’ont pas par choix militant et par refus. Or, sur sa feuille d’impôt on est présumé avoir une télévision, et c’est seulement si l’on n’en a pas qu’il faut cocher la case idoine.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances et M. Gérald Darmanin. Très juste !

M. Lionel Tardy. Cela ne correspond plus totalement à la réalité et, surtout, les oublis sont au bénéfice du Trésor public. Ce n’est pas normal. Il faudrait inverser la présomption.

Monsieur le ministre, la redevance dans sa forme actuelle ne tiendra plus très longtemps. Il faut dès maintenant songer à la suite.

M. Gérald Darmanin. Exactement !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Avis défavorable aux amendements nos°40 et 42.

Quant à l’amendement n° 41, à cette heure tardive, il me semble en effet extrêmement utile de se pencher sur la nature de la question posée au contribuable : faut-il la poser positivement ou négativement ? Cela apporte énormément au débat ! En tout cas, mon avis est défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Défavorable aux trois amendements. Monsieur Tardy, il n’est pas bien raisonnable de vouloir supprimer la redevance. Quant à la suggestion que vous avez émise, je vous confirme ce qui a déjà été dit : elle n’est absolument pas à l’ordre du jour.

(Les amendements nos 40, 42 et 41, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 48.

M. Lionel Tardy. Cet amendement tend à exonérer les litiges consuméristes de la contribution pour l’aide juridique d’un montant de 35 euros créée par la première loi de finances rectificative pour 2011.

En effet, cette contribution est pour les consommateurs un obstacle supplémentaire à l’accès au juge. En raison de la modicité du montant d’un grand nombre de litiges de consommation – par exemple un DVD non livré et ayant coûté 20 euros –, la contribution de 35 euros dissuade encore davantage le consommateur d’ester en justice et pourrait encourager le développement de pratiques abusives chez certains professionnels.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Avis défavorable. Il faudra revisiter cette taxe adoptée sous l’ancienne majorité – à laquelle vous apparteniez, monsieur Tardy – et qui peut avoir un effet dissuasif. Cependant, il faut mener un travail global car vous visez un seul cas alors qu’il y en a bien d’autres.

(L’amendement n° 48, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 44.

M. Lionel Tardy. Défendu !

(L’amendement n° 44, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l’amendement n° 47.

M. Lionel Tardy. Cet amendement vise à interdire une inscription du privilège du Trésor public contre un contribuable qui est créancier de l’État.

Cela permettra d’éviter la situation, malheureusement trop fréquente, où un professionnel se retrouve avec une inscription d’un privilège du Trésor pour des dettes fiscales qu’il n’a pas pu régler à cause de problèmes de trésorerie générés par des retards de paiement de services de l’État.

À défaut d’instaurer un principe de compensation entre créances sur l’État et dettes fiscales, ce dispositif permettra d’éviter les situations les plus problématiques, une inscription de privilège accélérant souvent les problèmes financiers d’une entreprise.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Avis défavorable à cet amendement bien connu.

(L’amendement n° 47, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Dumont, pour soutenir l’amendement n° 413 rectifié.

M. Jean-Louis Dumont. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des finances, ancien rapporteur général du budget qui avez à ce titre rapporté et défendu la loi de finances pour 1999, chers collègues, l’objet du présent amendement est de prolonger, à compter du 1er janvier 2013, la redevance payée par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs aux départements de la Meuse et de la Haute-Marne, au montant fixé par la loi de finances pour 2010.

J’attire votre attention sur le fait que, lors de l’examen de cette loi de finances – et je pense qu’il n’y avait pas malice de la part de la majorité de l’époque –, la durée de cette redevance était de trois années puisque l’ANDRA montait alors un dossier pour prolonger l’exploitation du laboratoire en couches géologiques profondes de Bure-en-Meuse, permettant d’étudier la mécanique des sols, les résistances dudit sol en vue de la création d’un éventuel Centre industriel de stockage géologique pour les déchets de haute et moyenne activité à vie longue.

L’adoption de mon amendement serait un signal fort donné par les membres présents de l’ancienne majorité, qui ont voté pour la loi de finances pour 2010, et par la nouvelle majorité, qui entend que la recherche et la mise en œuvre des conditions dans lesquelles le sous-sol –de l’argile tout particulièrement – peut-être utilisé.

Si mon amendement est accepté ce soir, cela permettrait de lancer le grand débat public dès le premier semestre 2013 et d’exiger enfin de l’ANDRA une présentation cohérente de son dossier, en y intégrant les exigences des élus de Meuse et Haute-Marne.

Les amendements nos 405 et 407 que je présenterai par la suite, s’inscrivent dans la continuité de celui-ci. Mais j’insiste, mes chers collègues, pour que vous puissiez, en adoptant cet amendement n° 413 rectifié, indiquer combien la recherche est indispensable et combien ce dossier doit suivre le calendrier qui est issu de deux lois : l’une, la loi Bataille, adoptée à l’unanimité à l’Assemblée nationale comme au Sénat, et l’autre, la loi Loos, adoptée certes à main levée mais pratiquement à l’unanimité.

Le seul département qui se soit montré solidaire et responsable, c’est la Meuse. Ce serait une forme de reconnaissance de cette assemblée de voter cet amendement. Je ne doute pas que vous répondrez favorablement à ma proposition.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Les trois amendements de notre collègue Jean-Louis Dumont, nos 413 rectifié, 405 et 407, nous sont parvenus tardivement et ils n’ont donc pas été examinés par la commission. À titre personnel, connaissant ce dossier…

M. Jean-Louis Dumont. Particulièrement bien !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …je pourrais imaginer leur réserver un accueil plutôt sympathique, mais étant donné sa nature, cette question nécessite probablement la consultation des différents ministères concernés.

M. Jean-Louis Dumont. C’est l’ANDRA, pas l’État !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Cela concerne notamment l’ANDRA. En outre, la répartition de la redevance entre les départements nécessite peut-être un complément d’information de nos collègues. Je crois savoir que le Gouvernement est prêt à faire un geste, mais en loi de finances initiale et non pas dans cette loi de finances rectificative.

M. Jean-Louis Dumont. On sent le piège !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur Dumont, deux de vos trois amendements proposent de prolonger une taxe et le troisième de répartir différemment le produit de cette taxe entre les deux départements concernés.

M. Jean-Louis Dumont. Je n’ai pas encore défendu les deux derniers !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Commençons par le dernier, l’amendement n° 407. La redevance est actuellement répartie à égalité entre la Meuse et la Haute-Marne. Député de la Meuse, vous souhaitez une répartition 60-40. Les choses doivent être regardées d’un peu plus près, permettez-moi de vous le dire.

Les deux autres amendements ont pour finalité de prolonger la taxe jusqu’en 2013 pour l’un, au-delà de 2014 pour l’autre. Ce n’est pas l’objet de cette loi de finances rectificative.

Je veux vous donner l’assurance que la chose sera regardée lors de l’examen de la loi de finances initiale, après qu’un travail sérieux aura été fait, notamment en réunion interministérielle.

Comme le rapporteur général, j’aurais envie de réserver un accueil favorable aux amendements déposés par un parlementaire aussi expérimenté…

M. Dominique Tian. Un peu trop !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …que Jean-Louis Dumont, mais je préférerais qu’il retire ses trois amendements contre la garantie que le Gouvernement examinera ces trois sujets à l’occasion de l’examen de la loi de finances initiale, une fois qu’un travail sérieux aura été fait avec toutes les parties prenantes.

Monsieur le député, retirez ces amendements sinon je serai obligé de demander à l’Assemblée nationale d’en voter le rejet. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Je savais les difficultés qu’allaient rencontrer ces trois amendements. Vous me permettrez de dire que je n’ai défendu pour l’instant qu’un amendement portant sur la prolongation…

M. Jean-Christophe Lagarde. Des débats !

M. Jean-Louis Dumont. …de la redevance puisque le laboratoire a obtenu sa prolongation d’exploitation. Nous pouvons donc voter cet amendement qui prévoit de prolonger la redevance actuelle au-delà du 1er janvier 2013. Cela ne gêne personne, surtout pas le Gouvernement qui, de toute façon ne met pas un rond, pas un sou !

M. Alain Chrétien. Ne vous énervez pas !

M. Jean-Louis Dumont. Je ne m’énerve pas ! C’est l’ANDRA qui prélève la ressource et qui verse la redevance.

M. le ministre et M. le rapporteur général ont parlé des deux autres amendements. S’agissant du premier, nous sommes décidés, nous parlementaires de Meuse et de Haute-Marne, à nous battre pour une augmentation significative de la ressource.

Quand au second, c’est un signe que j’ai voulu donner suite au comité de haut niveau qui s’est tenu au dernier trimestre 2011,…

M. Gérald Darmanin et M. Dominique Tian. Prenez un rendez-vous avec le ministre et finissons-en !

M. Jean-Louis Dumont. …où il a été acté par le gouvernement de l’époque que la zone interdépartementale d’activité et de développement économique répartirait la ressource entre Meuse et Haute-Marne dans les conditions que j’ai indiquées dans cet amendement : 60-40.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur le député.

M. Jean-Louis Dumont. Je termine, madame la présidente.

Je vous propose, monsieur le ministre, après avoir donné les explications sur les amendements nos 405 et 407, de les retirer. Je retire donc l’amendement sur la répartition et l’amendement sur l’augmentation de la ressource.

M. Hervé Mariton. Très bien !

M. Jean-Louis Dumont. Mais le calendrier est serré et il ne doit pas y avoir d’hésitation : notre assemblée s’honorerait à faire un geste politique fort en votant la prolongation de la redevance dès le 1er janvier 2013.

(Les amendements nos 405 et 407 sont retirés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Je soutiens la position de M. Dumont et la distinction qui doit être faite entre son premier amendement et les deux suivants.

Il s’agit d’un sujet industriel et énergétique grave sur lequel les positions qui ont été prises et les choix qui ont été assumés autour du site de Bure sont courageux et importants. Cela justifie une stratégie dans la durée qui n’autorise pas la discontinuité. Il importe que la redevance soit prolongée avant d’arriver au terme de cette année, sinon il y aurait un risque de discontinuité. Ce dossier majeur pour notre pays ne doit pas être pris à la rigolade quelle que soit l’heure de nos débats. Il serait cohérent que l’amendement n° 413 rectifié soit adopté.

Je n’ai pas la même opinion sur les deux autres amendements.

M. Gilles Carrez, président de la commission des finances. Ils sont retirés !

M. Hervé Mariton. L’amendement n° 405 propose une augmentation dont la justification ne me paraît pas évidente. Quant à la répartition entre les départements que prévoit l’amendement n° 407, je ne suis pas sûr que nous soyons suffisamment éclairés. Il était sage de retirer ces deux amendements, mais le premier me paraît tout à fait justifié. Il ne serait pas sage d’attendre le terme ultime de l’année pour apporter une réponse à notre collègue.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Je soutiens moi aussi Jean-Louis Dumont. Ce laboratoire de la Meuse a failli se trouver dans le Gard, à la limite du Vaucluse, et je sais ce qui avait été promis à l’époque. On a fait miroiter aux élus que l’affaire allait durer un certain temps.

Aujourd’hui, le permis est prolongé. Certes, il y a des questions de répartition qui devront être réglées plus tard, mais je trouverais tout à fait normal, monsieur le ministre, puisque les recherches sont poursuivies et que le site de Bure travaille pour l’ensemble du territoire, que la contribution soit prolongée dès maintenant.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Jégo.

M. Yves Jégo. J’apporte moi aussi mon soutien à cet amendement. Notre collègue s’est montré plein de bon sens en retirant les deux amendements qui pouvaient poser problème. Il convient de lui garantir la continuité de la parole de l’État et de rassurer ainsi les populations, qui attendent beaucoup.

Mme la présidente. Les amendements n° 405 et 407 sont donc retirés.

M. Jean-Louis Dumont. Mais je maintiens le 413 rectifié. C’est un geste politique fort. Nous voulons soutenir le secteur de la recherche, nous voulons même bâtir un pôle d’excellence.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. François Brottes, président de la commission des affaires économiques. Ce sujet a déjà occupé notre assemblée pendant de longues heures, à de nombreuses reprises. La filière nucléaire, avec l’importance qu’elle a dans notre pays, exige un dispositif de traitement des déchets ultimes – et cela d’ailleurs quelles que soient les convictions de chacun : que l’on réduise le parc ou qu’on l’arrête totalement, la question des déchets ultimes demeure. Le seul territoire en France qui ait accepté, après un débat interne qui n’a pas été facile, d’accueillir un laboratoire de ce type mérite la plus grande considération de notre part à tous, puisque nous sommes tous alimentés par cette électricité-là.

Toutefois, le ministre a indiqué clairement que la question serait traitée dans la prochaine loi de finances.

M. Jean-Christophe Lagarde. Il n’a pas dit qu’elle serait réglée !

M. François Brottes. Une loi de finances rectificative n’est effectivement pas le bon endroit pour traiter du sujet.

M. Hervé Mariton. Et pourquoi pas ?

M. François Brottes. Il me paraît très important, et c’est pour cela qu’en tant que président de la commission des affaires économiques je prends la parole à ce point du débat, que nous ayons toute la considération qui s’impose pour le seul endroit du territoire national qui s’occupe du traitement des déchets ultimes. Compte tenu des décisions qui ont été prises, la demande de M. Dumont est tout à fait pertinente. Mais en tout état de cause, dès l’instant que le ministre a pris l’engagement extrêmement clair que le débat serait ouvert en loi de finances, il serait juste que M. Dumont retire son amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je remercie M. Dumont d’avoir déjà fait le geste de retirer deux de ses amendements. J’ai dit et je maintiens, ainsi que je l’ai indiqué au président de la commission des affaires économiques, qu’un financement de ce type ne pouvait être traité de la sorte et que nous en parlerions en loi de finances initiale. Un travail sérieux doit être fait auparavant, au niveau interministériel notamment.

Monsieur Dumont, nous vous connaissons depuis longtemps dans cet hémicycle. Nous savons votre obstination et votre pratique parfaitement aboutie du dépôt d’amendements, ainsi parfois que des alliances avec ceux qui sont susceptibles de les faire adopter. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) C’est de l’admiration qu’il faut voir dans mes yeux et mes propos, certainement pas le moindre des reproches ! (Sourires.)

Je vous demande donc de faire preuve de sens des responsabilités. J’ai pris l’engagement que l’affaire serait traitée en loi de finances initiale à la fin de cette année. Elle le sera, car elle doit l’être. En attendant, je vous demande de retirer cet amendement, faute de quoi je serai obligé de demander à la représentation nationale de voter contre, même si l’opposition viendra probablement vous soutenir.

Mme la présidente. Monsieur Dumont, maintenez-vous l’amendement n° 413 rectifié ?

M. Jean-Louis Dumont. J’entends bien les arguments du ministre, et je comprends que la loi de finances pour 2013 permettrait un bon débat. Mais l’exploitation du laboratoire est autorisée. Nous avons seulement besoin d’un geste fort pour nous permettre ensuite d’agir, nous les élus des départements de Meuse et de Haute-Marne, c’est-à-dire les sénateurs et députés et les présidents des conseils généraux – qui par ailleurs sont aussi sénateurs.

M. Jean-Christophe Lagarde. Ils cumulent ? C’est un scandale !

M. Jean-Louis Dumont. Nous avons une partie commune à défendre.

Maintenant va s’ouvrir une période d’intense activité dans les ministères, mais de vacances pour le Parlement. Nous ne nous retrouverons que pour la loi de finances. Je préfère donc que nous nous décidions souverainement aujourd’hui, sur une question qui intéresse la sécurité de notre pays et qui n’empêche absolument aucune hypothèse de travail par la suite.

Il est important de dire que nous respectons le calendrier. Je ne demande pas d’argent – j’ai retiré l’amendement concernant l’augmentation de la redevance. Mais nous savons que le développement économique demande du temps. Aujourd’hui, c’est la bataille de l’opinion publique qu’il faut gagner, y compris dans nos assemblées. C’est pour cela que je maintiens cet amendement. Des engagements ont tout de même été pris. Par ailleurs, seule la recherche est concernée car l’amendement n’intéresse que le laboratoire, pas le projet industriel Cigéo.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur Dumont.

M. Jean-Louis Dumont. Il serait simple de voter une fois pour toutes afin de donner le signe d’une politique forte en matière de recherche et de sécurité.

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet.

M. Pierre-Alain Muet. Je m’adresse à Jean-Louis Dumont. Bien sûr qu’il faut une prolongation au 1er janvier 2013, mais c’est un sujet qui doit être traité au niveau interministériel. Cela ne concerne pas que Bercy, mais au moins trois ministères. Il faut un minimum de concertation interministérielle à propos des modalités d’application.

M. Patrick Ollier. Suspension de séance ! Il faut aller réveiller M. Montebourg !

M. Pierre-Alain Muet. Le lieu normal pour traiter de la question est tout de même le projet de loi de finances initiale, qui est tout à fait adapté pour une échéance au 1er janvier. Nous avons tous conscience que le sujet est important et même fondamental pour le département concerné. Mais la meilleure façon de s’assurer qu’il aboutisse concrètement est d’en traiter dans le bon texte, après un minimum de travail. C’est la raison pour laquelle, au nom du groupe socialiste, je vous demande, mon cher collègue, de tenir compte de l’ouverture du ministre et de retirer cet amendement, sans quoi le groupe votera contre. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je comprends l’importance du sujet – M. Dumont en a convaincu nombre d’entre nous. Mais l’Assemblée est sans doute éclairée maintenant. Les deux dernières interventions relevaient de la réunion de groupe et n’auraient pas dû avoir lieu devant l’Assemblée nationale. Je comprends que le groupe socialiste veuille convaincre M. Dumont de retirer son amendement, mais peut-être peut-on passer au vote ? Puisque nous savons que nous y reviendrons en loi de finances !

Mme la présidente. Il est normal de passer du temps sur trois amendements, dont deux ont été retirés. L’Assemblée débat, les groupes doivent pouvoir s’exprimer. Maintenant, nous pouvons passer au vote.

(L’amendement n° 413 rectifié n’est pas adopté.)

Article 28

(L’article 28 est adopté.)

Article 29

Mme la présidente. Sur l’article 29, de nombreux orateurs sont inscrits.

La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. Nous achevons la discussion d’un projet de loi de finances rectificative qui constitue une sorte de bombardement fiscal puisque, dès cette année, les ménages et les entreprises vont payer plus de 7 milliards d’impôts et de charges supplémentaires. Il y a pourtant une ligne de dépenses que le Gouvernement a choisi d’augmenter en urgence, comme une priorité : l’aide médicale d’État, c’est-à-dire les crédits consacrés par la nation à la prise en charge des soins des personnes étrangères qui séjournent illégalement en France.

Je ne conteste naturellement pas que ces personnes puissent être soignées lorsqu’elles en ont besoin, et cela indépendamment de leur situation administrative.

Plusieurs députés du groupe SRC. Quel humanisme !

M. Guillaume Larrivé. Mais il y a deux fautes majeures dans la réforme proposée par le Gouvernement. D’abord, c’est une véritable atteinte à la solidarité nationale. On ne peut pas le même jour demander des efforts massifs à nos compatriotes et offrir aux clandestins la gratuité totale des soins. (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SRC.) Ensuite, elle revient à envoyer un message d’encouragement à l’immigration illégale. (Exclamations plus vives sur les bancs du groupe SRC.)

C’est là une différence fondamentale entre la majorité socialiste et celle qui a œuvré sous l’autorité du président Sarkozy : nous pensons que la France a le droit de choisir qui elle souhaite accueillir sur son territoire. Nous assumons le fait que, de manière tout à fait républicaine et sereine, de 2002 à 2011, plus de 225 000 étrangers aient été raccompagnés dans leurs pays d’origine, de manière contrainte ou volontaire, et nous pensons que les restrictions à l’aide médicale d’État votées par la majorité précédente sont absolument nécessaires.

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. D’ici au projet de loi de finances pour 2013, c’est-à-dire dans quelques semaines, il faudra sans doute travailler à une réforme d’ampleur de l’aide médicale d’État, en nous inspirant des excellentes recommandations faites en juin 2011 par Claude Goasguen.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et par Christophe Sirugue, s’il vous plaît.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. Nous n’avons jamais été opposés à l’aide médicale d’État. Si nous avons déposé l’amendement de suppression dont nous parlerons tout à l’heure, c’est simplement pour éviter de créer un appel d’air.

En revanche, pour une majorité qui n’a qu’un mot à la bouche depuis le début des débats, la « cohérence », j’ai du mal à comprendre. Comment expliquer que quelqu’un qui se trouve en situation irrégulière sur le territoire soit affranchi des 30 euros de la demande d’agrément – le problème n’est pas celui du coût pour l’État : il s’agit de 3 ou 4 millions – alors que l’assuré social lambda, lui, s’acquitte des 50 euros de franchise médicale ? Si vous étiez cohérents, puisque nous sommes au début de la législature et puisque vous considérez la franchise médicale comme une injustice, il fallait la supprimer pour tout le monde. Pas seulement pour les gens en situation irrégulière !

Alors ne nous faites pas le coup de prétendre qu’on laisserait des gens dans la rue sans vouloir les soigner. Pas ça, pas à nous ! Combien de personnes en situation irrégulière, en effet, ont dû payer des centaines d’euros pour arriver en France ? Que pèsent, au regard de ces sommes, ces 30 euros ? Franchement, vous prenez là une mesure politique et même politicienne, qui n’apporte rien en matière de sécurité sanitaire, qui crée un appel d’air, qui est un facteur de déresponsabilisation et qui aboutit à des situations absolument incompréhensibles, puisque nos concitoyens et les étrangers en situation régulière paient 50 euros, tandis que ceux qui sont en situation irrégulière ne paient plus rien.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen. L’AME est un thème extrêmement difficile, parce qu’il prête à confusion et en raison des passions qu’il suscite. C’est en outre une question qui, la plupart du temps, est assez mal posée, d’un côté comme de l’autre du spectre politique.

Lorsque l’AME a été créée, il s’agissait de l’aligner sur la CMU, et donc de faire un panier universel de soins. D’ailleurs, la droite et la gauche avaient voté ensemble cette mesure, qui était d’ordre sanitaire.

Progressivement, le coût de l’AME a dérapé. Bien entendu, on en a cherché les responsables. Quelquefois, on ne les a pas trouvés. Certains, en proie à je ne sais quels fantasmes, ont accusé tels ou tels, du côté des immigrés, de commettre des abus, mais en examinant de près la situation de l’AME, nous nous sommes aperçus que ce ne sont pas tant les fraudes qui sont en cause que la mauvaise gestion. C’est une réalité qui n’est ni de gauche ni de droite : l’AME est mal gérée. C’est la raison pour laquelle les deux rapporteurs que nous étions, mon collègue socialiste et moi-même, avions reconnu, même si nos conclusions n’étaient pas les mêmes, qu’un effort de clarification s’imposait. Je pense qu’il faudra fournir cet effort tôt ou tard, car cette question de l’AME va empoisonner le débat sur l’immigration.

Le courage consiste donc à analyser au fond les problèmes qui se sont posés, notamment du côté des hôpitaux, où – pour des raisons d’indices extrêmement compliqués, qui mettent en cause la gestion hospitalière et une certaine absence de contrôle de la Sécurité sociale – près de 140 millions d’euros se sont évaporés, sans que l’on puisse pour autant considérer que ce soit le fait de fraudes, car cet argent est évidemment retourné aux hôpitaux. Simplement, il n’avait pas à être là, sur ces lignes budgétaires.

De même, la Sécurité sociale n’a pas fait son travail de contrôle, c’est évident. D’ailleurs, est-ce que les caisses de sécurité sociale sont vraiment en mesure de contrôler ? Elles ne disposent pas des moyens nécessaires.

Il faut donc, dans ce débat, rester très serein. C’est la raison pour laquelle – le président de notre groupe en parlera – nous ferons des propositions lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2013 et présenterons un projet de réforme de l’AME de nature à permettre une bonne gestion et à nous sortir de cette polémique souvent pesante et malsaine.

M. Patrick Ollier. Bravo !

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian.

M. Dominique Tian. Il s’agirait, selon le texte même du projet qui nous est soumis, de « faciliter l’accès aux soins des bénéficiaires de l’aide médicale d’État ». Je rappelle tout de même que nous sommes le seul pays au monde à être doté d’une AME.

M. François Brottes. C’est un motif de fierté !

M. Dominique Tian. En Europe, pour prendre des exemples proches de nous, seule l’Espagne continue à pratiquer un système qui ressemble un peu à l’AME, mais elle abandonnera le 1er septembre ce type d’organisation. En Allemagne, seuls les soins d’urgence sont ainsi pris en charge, de même qu’en Angleterre et en Italie. Le système français est le seul dans son genre, et je ne vois pas comment les quelques mesures que nous avons prises en 2011 auraient, en quoi que ce soit, restreint l’accès à l’AME. Le gouvernement de l’époque avait simplement voulu y mettre un peu d’ordre, puisque le coût de l’AME, qui s’élevait à 75 millions d’euros en 2000, est passé à 588 millions d’euros. Rien qu’en 2009, l’AME a progressé de 13 %. Manifestement, cette dépense était devenue complètement folle.

Il faudrait aujourd’hui aller tellement vite que l’article 29 dispose que les mesures entreront en vigueur le jour de la présentation de ce projet de loi de finances rectificative en conseil des ministres, c’est-à-dire le 4 juillet dernier. Je me demande bien ce que nous faisons ce soir à en discuter !

S’agissant du droit de timbre de 30 euros, l’argument invoqué pour sa suppression est complètement farfelu. Pour un citoyen français, Claude Goasguen l’a dit tout à l’heure, c’est 50 euros ! Nous avons fixé le montant à 30 euros parce que nous étions une majorité très modérée. Qu’est-ce donc que 30 euros quand on a, le plus souvent, payé des milliers d’euros pour entrer illégalement sur le territoire national, 4 000 ou 5 000 euros pour venir d’Afghanistan, 3 000 ou 4 000 euros pour venir du Maroc ?

Quant à la restriction du panier de soins aux urgences et aux soins médicalement justifiés, en quoi est-elle choquante ? En quoi est-il choquant de ne pas prendre en charge, comme l’indique un article du Figaro d’aujourd’hui, les cures thermales ou la procréation médicalement assistée ? En quoi est-il choquant de demander que les personnes entrées illégalement sur le territoire soient soumises aux mêmes règles de facturation que les citoyens français ?

Mme la présidente. Il faut conclure, monsieur Tian.

M. Dominique Tian. En fait, il y a un problème de désinformation. Lorsque nous avions débattu de ces mesures, Mme Lemorton avait prédit le retour des grandes épidémies du Moyen Âge. Nous ne les avons pas vues, ces grandes épidémies ! Elles relèvent de fantasmes idiots !

Nous demandons simplement, pour notre part, une meilleure gestion d’une ligne budgétaire qui est en train d’exploser et qui, si on ne fait rien, atteindra bientôt le milliard d’euros.

Mme la présidente. Je rappelle à tous les orateurs que leur temps de parole est normalement de deux minutes.

La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Je le dis au nom de notre groupe : nous accueillons avec soulagement cet article du projet de loi de finances rectificative qui vise à assouplir l’accès aux soins des bénéficiaires de l’AME.

Lorsque, en 2011, le Gouvernement avait institué un droit de timbre de 30 euros et une procédure d’agrément préalable par le directeur de la caisse primaire d’assurance maladie, mesure qu’il est impossible d’appliquer, assortie d’une condition de résidence de plus de trois mois, la gauche avait été unanime, à l’unisson de nombre d’associations de terrain, pour dénoncer une aberration en termes de santé et de finances publiques, car c’est bien de cela qu’il s’agit. Ajoutons que cette mesure n’était pas frappée au sceau de l’humanité.

Vous me permettrez de rappeler à ce propos les conclusions du rapport d’information du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l’AME, qui a été cité par M. Goasguen, lequel en était l’auteur, avec M. Sirugue. J’ai l’impression qu’il donnait raison à la gauche puisqu’il considérait que « ne pas assurer un accès aux soins primaires à des personnes, particulièrement celles en situation de précarité cumulant les handicaps sanitaires et sociaux, peut conduire in fine la société à devoir assumer des dépenses plus importantes, notamment des dépenses hospitalières ».

M. Claude Goasguen. Je n’ai pas dit le contraire tout à l’heure !

M. Nicolas Sansu. Le gain financier d’une telle mesure – environ 5 millions d’euros – ne saurait justifier les risques de conséquences sanitaires graves que les populations bénéficiaires encourraient ou pourraient faire encourir à l’ensemble de la population.

M. Claude Goasguen. C’est vrai !

M. Nicolas Sansu. Alors, oui, c’est une mesure pleine d’humanité que nous prenons ce soir. C’est aussi une mesure de bon sens pour la santé publique et les finances de l’État.

Bien sûr, notre groupe est également très favorable à la suppression, pour tous, des franchises médicales. Nous aurons l’occasion d’en reparler lors de l’examen du PLFSS.

Mme la présidente. La parole est à Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune. Je reviens un instant, avant d’aborder l’article, à la remarque espiègle de M. Mariton. Je ne suis pas rompue aux pratiques de cette assemblée mais, si j’avais pu, j’aurais voté en faveur de la suppression de la TVA sociale.

J’en viens à l’article 29. Au cours de la discussion du PLFR, nous avons beaucoup parlé de chiffres : milliards de déficits, taux de TVA, montants de dette. Nous ne devons pas oublier que, derrière ces chiffres, il y a une réalité, celle de citoyens qui souffrent. C’est pourquoi, si ce projet de loi de finances témoigne, et c’est heureux, de notre volonté de gérer de façon sérieuse et responsable les dépenses et recettes de l’État, je pense qu’il va aussi bien au-delà. Empreint d’humanisme, il permettra aux valeurs de solidarité, consubstantielles de notre République, d’y prendre toute leur place.

L’aide médicale d’État, qui – faut-il le rappeler ? – avait été créée en 1999 à l’initiative de Martine Aubry dans le cadre de la CMU, est une bonne chose. En 2011, le Gouvernement avait cru bon d’instaurer un droit d’entrée de 30 euros dans ce régime destiné aux plus démunis. Cette mesure inique, indigne du pays de Victor Hugo (Exclamations sur les bancs du groupe UMP),…

M. Jean-Christophe Lagarde. N’importe quoi !

Mme Christine Pires Beaune. …a eu pour conséquence un renoncement aux soins des personnes les plus fragiles. Un rapport parlementaire de 2010 avait pourtant considéré que l’AME ne se traduisait ni par des dépenses inconsidérées ni par des fraudes caractérisées.

M. Claude Goasguen. C’est exactement ce que j’ai dit tout !

Mme Christine Pires Beaune. Dans la même ligne, les bénéficiaires de l’AME devaient obtenir une autorisation préalable pour recevoir des soins hospitaliers. Le PLFR supprime cette autorisation ; il faut s’en féliciter car une nation forte, mes chers collègues, est une nation qui refuse la misère et qui ne l’engendre pas. Un sans-papiers est, certes, une personne en situation irrégulière au regard de la loi ; il n’en est pas moins un homme. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pouria Amirshahi.

M. Pouria Amirshahi. Je veux saluer le ton, républicain, courtois et presque raisonné, qui était celui de M. Goasguen. Que n’a-t-il été entendu lorsque ses amis étaient au pouvoir, à l’époque où il a été décidé, comme méthode générale de gouvernement, de s’en prendre principalement à ceux qui étaient le moins en mesure de se défendre ! Je regrette cette méthode, car elle a abouti à des situations dramatiques, dénoncées par la totalité des associations, qui ont constaté qu’on ne faisait en vérité rien d’autre que d’enfoncer toujours un peu plus sous l’eau la tête de celles et ceux qui avaient pour seul horizon un quotidien consacré à tenter, parfois difficilement, de survivre.

Cette restriction de l’accès aux soins, dont l’IGAS a démontré l’inutilité budgétaire autant que le risque sanitaire – vous l’avez-vous-même évoqué, – avait donc rassemblé contre elle l’unanimité des associations réunies au sein de l’Observatoire de la santé des étrangers. À la vérité, vous êtes prisonniers, je le regrette, de deux obsessions qui nous ont fait perdre beaucoup de temps : l’obsession dogmatique non pas d’une gestion sérieuse des comptes publics mais de la réduction continue et permanente du périmètre de l’État et des outils de solidarité qui l’accompagnent ; la recherche du bouc émissaire, et la stratégie ô combien détestable qui consiste à toujours jeter les mêmes en pâture. Hélas, je constate que vous faites des émules, si j’en crois les déclarations de certains d’entre vous qui estiment même que le montant de ce droit de timbre est insuffisant, allant jusqu’à proposer de le porter – c’est l’objet d’amendements que notre groupe ne votera évidemment pas – à 100 euros.

Il est clair que ces appels et arguments de l’IGAS ne vous ont pas convaincus, que les arguments des associations ne vous ont pas convaincus davantage. Ma foi, peut-être un peu de charité chrétienne pourra-t-il vous convaincre : rappelez-vous que les sans-papiers les plus fameux de l’histoire s’appelaient Jésus, Marie et Joseph, qui fuyaient en Égypte. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR. – Exclamations sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pascal Cherki.

M. Pascal Cherki. Nous nous apprêtons à refermer un dossier qui avait été mal ouvert au temps de la précédente majorité. Celle-ci avait commis une faute et je sais qu’au fond d’eux-mêmes beaucoup de collègues de l’opposition actuelle regrettent les dispositions qui avaient été prises…

M. Dominique Tian. Non !

M. Pascal Cherki. …et qui se sont soldées par un échec. Pourquoi donc ? Nous traitons de la possibilité pour des personnes d’avoir accès à une couverture de soins lorsqu’ils sont en situation irrégulière, qu’ils résident en France depuis plus de trois mois et qu’ils remplissent les conditions de ressources exigées pour pouvoir bénéficier de la CMU. Telles étaient les dispositions de la loi de 1999.

De quoi parlons-nous ? De 200 000 bénéficiaires, soit 0,3 % de la population française, 80 % de ces bénéficiaires étant des hommes seuls, dans un état de santé très dégradé. Leur nombre n’a pratiquement pas augmenté : 194 000 en 2007 ; 220 000 en 2011. L’argument avancé, l’argument massue en vertu duquel la droite avait décidé d’instaurer ce droit d’entrée était que, sans cela, les coûts allaient exploser. Or l’augmentation des coûts, comme le relève le rapport de l’IGAS, ne procède pas de la hausse du nombre de bénéficiaires, elle résulte d’un effort d’amélioration du contrôle des droits par les hôpitaux, qui permet une meilleure facturation, elle est liée aussi à l’évolution de la tarification, des montants dus au titre des soins prodigués aux bénéficiaires de l’AME.

Veut-on maintenir des positions idéologiques qui ont pour effet un phénomène d’éviction des soins pour des êtres humains qui vivent sur notre territoire ? Un pays comme le nôtre, cinquième puissance mondiale, membre du Conseil de sécurité des Nations unies, qui a vocation à rayonner internationalement, ne serait pas capable de procurer une couverture médicale à 200 000 personnes ?

J’invite donc mes collègues de droite à retrouver leurs racines humanistes et à voter l’abrogation de ce droit de timbre. Nous aurons d’autres occasions de nous affronter mais, de grâce, sur ce sujet-là, cessez de mener de mauvaises batailles ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Paul.

M. Christian Paul. Mes chers collègues, dans notre pays, des millions de personnes ont d’énormes difficultés à accéder aux soins. Certaines sont françaises, d’autres sont des étrangers. Parmi ces étrangers, certains sont en situation irrégulière.

L’aide médicale d’État a été un progrès considérable. Vous avez placé de nombreux obstacles pour en restreindre l’accès.

M. Claude Goasguen. Non !

M. Christian Paul. Nous sommes partis de cette réalité.

Les difficultés d’accès aux soins ne se résument pas à cette question. Chaque année, des enquêtes montrent que 7 à 10 millions de personnes sur notre territoire diffèrent leur recours aux soins.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. C’est vrai !

M. Christian Paul. M. Bertrand le sait bien, qui a été en charge pendant de longues années des politiques de santé.

L’AME repose sur deux objectifs principaux : un objectif d’humanité élémentaire, la plupart des bénéficiaires de l’AME appartenant à des populations fragilisées ; un objectif d’efficacité préventive : plus tôt l’accès à des soins de qualité est assuré, et mieux les risques – y compris épidémiologiques – sont contrôlés.

M. Dominique Tian. N’importe quoi !

M. Christian Paul. Je vous le dis sincèrement, monsieur Tian : s’opposer à l’accès aux soins de la manière dont vous le faites témoigne d’une attitude dans laquelle le cynisme le dispute à l’imprévoyance. On a même entendu parler en commission d’un risque de tourisme sanitaire !

Je ne sais pas comment vous avez pu, comme nous, applaudir debout le Président de la République tunisienne mercredi dernier, alors qu’il rendait hommage à la France et aux valeurs républicaines qu’elle défend, et continuer aujourd’hui de mettre en cause l’AME, qui est une traduction concrète de ces valeurs républicaines.

M. Claude Goasguen. Personne ne la remet en cause !

M. Christian Paul. Je trouve cette attitude profondément choquante. Les motifs que vous avez invoqués sont dérisoires par rapport aux enjeux.

M. Patrick Ollier. Arrêtez vos leçons de morale !

M. Christian Paul. Le mécanisme du ticket modérateur peut être utile dans certaines situations, mais il est totalement inopérant dans le cadre de l’AME. L’augmentation des coûts ne fait que traduire une efficacité préventive par rapport aux risques sanitaires. Je vous invite donc à retirer les amendements de suppression. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Razzy Hammadi.

M. Razzy Hammadi. Dans la ligne des arguments qu’ont développés mes collègues Pouria Amirshahi et Christian Paul, il faut souligner que toute posture est une recherche de caricature.

Nous recherchons trois choses.

D’abord, la réconciliation avec la visée humaniste qui date de la première grande loi d’assistance publique de 1893 et du décret de 1983. Cette visée a pour caractéristique de reconnaître la dignité humaine, et de placer avant toute chose, non pas un droit illégitime à l’assistance qu’on agiterait dans le cadre du débat public, mais un devoir moral d’assistance qui ne peut être enfreint par aucun obstacle et aucune entrave.

Nous n’en sommes pas à la première mesure visant à réduire cette assistance. Il y a eu 1993, puis un décret de 2005, remis en cause par un arrêt du Conseil d’État de 2007. À l’époque, la droite – la majorité d’hier – avait voulu imposer, y compris aux mineurs, une condition de durée de présence en France pour accéder au statut d’ayant droit. Le Conseil d’État avait alors dû invoquer la convention internationale des droits de l’enfant pour rappeler à la France sa visée humaniste et sa morale républicaine. Ce soir, c’est le Parlement de la République qui peut à nouveau le faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la présidente de la commission des affaires sociales.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, je souhaite d’abord m’adresser à M. Goasguen.

Tout se passe comme s’il y avait, en réalité, deux M. Goasguen. L’un qui vote pour la mise en place du droit de timbre de 30 euros, l’autre qui, au cours des travaux de la mission d’information sur l’AME, prétend ne pas avoir vraiment fait partie de ceux qui souhaitaient la mise en place de ce droit de timbre. Je ne sais pas à qui j’ai affaire aujourd’hui.

M. Claude Goasguen. Lisez le rapport : je m’y déclare favorable !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Il est temps de mettre un terme à toutes les inepties, à toutes les contre-vérités, à tous les mensonges que l’on a entendus ce soir. Non, l’AME ne provoque pas d’appel d’air pour l’immigration ! (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Dominique Tian. Ineptie !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Quand on quitte son pays, monsieur Tian, ce n’est pas pour venir en France faire des cures thermales, ou recourir à la procréation médicalement assistée ou à la chirurgie esthétique ! On quitte son pays à cause de la misère, à cause des persécutions, à cause de la guerre !

Et vous êtes très loin de la réalité quand vous prétendez que l’accès à l’AME est facile. Les conditions d’ouverture des droits sont drastiques. C’est bien souvent au bout de douze à dix-huit mois que les immigrés arrivent à en bénéficier. De plus, comme vous avez supprimé la possibilité pour les associations d’aider les immigrés à obtenir l’AME, cela devient pour eux un vrai parcours du combattant !

M. Claude Goasguen. Trente euros, c’est cher ?

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Je remercie les associations, et notamment les centres d’accueil, de soins et d’orientation animés par Médecins du monde, qui prennent en charge les immigrés puisque l’État fait défaut.

Soigner ces gens est pour nous une obligation.

Pour ce qui est du prétendu appel d’air à l’immigration, il faut rappeler que moins de 5% des immigrés arrivant dans notre pays savent qu’ils sont malades. Ce n’est pas M. Goasguen qui dira le contraire, puisque ce constat a été établi par le rapport de la mission d’information à laquelle nous avons tous les deux participé. Les 95% restants ne viennent certainement pas en France pour se faire soigner puisqu’ils ne savent pas qu’ils souffrent d’hépatite, du sida ou de la tuberculose.

M. Dominique Tian. Mais si !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Vous le savez très bien, monsieur Tian ! Vous n’utilisez que des arguments mensongers !

Nous avons constaté un retour de la rougeole. Au mois d’août 2010, le petit journal de Sacramento, aux États-Unis, titrait sur la France – je ne crois pas que d’ordinaire il en parle beaucoup – car vous aviez mis fin aux campagnes de vaccination contre la rougeole menées par Médecins du monde dans des camps de Roms. Le jour où vous avez eu recours aux CRS pour arrêter ces campagnes de vaccination, j’ai eu honte d’être française ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe UMP. C’est caricatural !

M. Yann Galut. C’est vous qui êtes caricaturaux !

Mme la présidente. La parole est à M. Mathieu Hanotin.

M. Mathieu Hanotin. Mes chers collègues, mes propos s’inscrivent dans la ligne de ceux qu’a tenus Pascal Cherki.

L’augmentation des coûts de l’AME est une réalité, mais elle n’est que le reflet dramatique de la précarisation grandissante de notre société. Je suis élu de Saint-Denis, et je suis confronté quotidiennement à cette précarisation. Le retour de la tuberculose, c’est la réalité que nous vivons dans les collèges, dans les immeubles !

Quel était l’objectif initial de ce droit de timbre ? S’agissait-il de faire rentrer de l’argent dans les caisses de l’État ? Les chiffres ont été répétés : ce dispositif rapporte, selon les années, de 3 à 6 millions d’euros. Ce n’est manifestement pas cela qui modifiera en profondeur l’équilibre financier du budget.

S’agissait-il d’empêcher les dépenses ? Même de ce point de vue-là, cette mesure aboutit à un non-sens économique : les malades, qui auraient pu être traités en amont, sont reportés vers l’hospitalisation d’urgence.

S’agissait-il de mener une véritable politique de prévention sanitaire ? Manifestement, cette politique a été l’inverse d’une politique de prévention.

À mon avis, ce droit de timbre n’avait qu’un seul but : la stigmatisation des étrangers. Il a d’ailleurs été créé en 2011, moins d’un an avant les élections présidentielles.

Cette mesure prend toute sa cohérence quand on la replace dans le contexte de la création d’un ministère de l’identité nationale, de la circulaire Guéant sur les étudiants étrangers, du délit de solidarité. C’était devenu une sorte de marronnier : chaque année une nouvelle loi portait sur les questions d’immigration, comme s’il importait de faire revenir constamment ce sujet sur la table. La stigmatisation des étrangers a été le véritable fil rouge du dernier quinquennat. Je suis fier que nous revenions aujourd’hui sur un des symboles de cette politique. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Bertrand.

M. Xavier Bertrand. Chacun, ici, est d’accord pour dire que le principe d’accès aux soins est un principe universel qui doit être respecté dans notre pays.

Le décret de 2005 porte ma signature, tout comme la mise en place du droit de timbre. Je rappelle aux parlementaires, et tout particulièrement à ceux qui font la confusion,…

M. Christian Paul. Lesquels ?

M. Xavier Bertrand. …que ce droit de timbre n’est pas demandé pour les mineurs.

M. Razzy Hammadi. Si !

M. Xavier Bertrand. En aucun cas et à aucun moment la moindre restriction à l’accès, pour les mineurs, à quelque prise en charge que ce soit, n’a été prévue.

M. Claude Goasguen. Absolument !

M. Xavier Bertrand. Les dispositifs mis en place depuis 2005, et que vous appelez des obstacles, sont des garanties du respect des principes d’égalité, d’équité et de justice. Où est la justice quand des Français ou des étrangers en situation régulière, qui relèvent du régime d’assurance maladie, ont à payer un forfait ou une franchise, alors que les étrangers en situation irrégulière n’en paient pas ? C’est une injustice intolérable aux yeux de nos concitoyens.

La tradition française de prise en charge est maintenue et toujours garantie. Vous utilisez de grands mots, comme l’expression « nation forte ». Mais une nation forte respecte le principe de justice et ne le bafoue pas sous couvert d’idéologie, comme vous le faites !

Il faut vous garder des excès politiques car, derrière ce changement, s’en cachent d’autres. Après être revenus sur le droit de timbre, il vous faudra sortir du jeu de rôle gouvernemental.

Certains, dans cet hémicycle, jouent les durs et cherchent à nous donner des leçons d’humanisme.

M. Christian Paul. On n’a même pas envie de vous en donner !

M. Xavier Bertrand. Je n’ai de leçons d’humanisme à recevoir de personne ! Vous devriez considérer que vous n’êtes plus les mieux qualifiés pour parler de justice ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et vous encore moins !

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Comme l’a dit Xavier Bertrand, il ne s’agit pas de remettre en cause notre tradition humaniste, tout le monde le sait bien !

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Et si !

M. Christian Jacob. Il s’agit simplement de lutter contre la fraude et les abus. C’est à cette fin que le droit de timbre a été mis en place.

Les chiffres le montrent : de 2002 à 2010 le nombre de bénéficiaires est passé de 150 000 à 230 000, soit une augmentation de 50%. Sur la même période, les coûts sont passés de 75 millions d’euros à 588 millions d’euros, soit une augmentation de 800% !

Donc, il y a bien un problème de mauvaise gestion ou de fraude. C’est la raison pour laquelle nous avons mis en place ce dispositif, qui a pour objectif de stabiliser, voire de réduire les dépenses, tout en luttant contre la fraude. Les trois mesures essentielles mises en place : le forfait de 30 euros, le panier de soins que Dominique Tian vient d’évoquer et l’entente préalable, permettaient de ne pas ouvrir la porte aux soins de confort, mais de s’en tenir aux soins de nécessité. Qui peut être contre l’entente préalable ? C’est tout simplement de la bonne gestion. Mais vous refusez d’aller sur ce terrain en vous cachant derrière un prétexte humaniste ! Nous voulons, pour notre part, assurer tout simplement une gestion rigoureuse.

Vous vous orientez également vers une rupture d’égalité en matière de droits. Prenez l’exemple d’un étranger en situation régulière. Il paiera le ticket modérateur – les 30 % –, il paiera le forfait hospitalier de 18 euros et la franchise médicale. Un étranger en situation irrégulière, lui, ne paierait rien ? N’avez-vous pas le sentiment que se pose là un vrai problème d’équité ? Je pourrais faire la même comparaison avec un Français retraité qui n’a pas de mutuelle. Il se trouverait dans la même situation de distorsion, donc d’écart de traitement et de reconnaissance. C’est vraiment dans cette logique d’égalité et de justice que nous nous sommes inscrits et que nous voulons travailler cette année comme nous l’avons fait l’année dernière. À l’occasion de l’examen du PLF et du PLFSS, nous continuerons à proposer des solutions pour lutter contre la fraude.

L’année dernière, nous avons pris une bonne mesure pour l’allocation de parent isolé. De la même façon, nous avons imposé aux étrangers désirant bénéficier du minimum vieillesse de justifier d’au moins dix ans de résidence sur notre territoire. Ce sont des mesures de bon sens. Il faut continuer à lutter contre les abus et contre la fraude. Nous devrions être tous unis dans ce combat.

Votre article 29 est dangereux. Il crée en effet un appel d’air pour l’immigration clandestine. Il déstabilise les étrangers qui, eux, sont en situation régulière. Il est catastrophique pour les finances publiques.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. C’est faux !

M. Christian Jacob. Vous nous trouverez donc toujours présents pour lutter contre les abus et contre la fraude. J’aimerais qu’à défaut d’unanimité, ce point puisse faire l’objet d’une très large majorité dans notre assemblée. Personne, en effet, ne peut se satisfaire d’un système qui encouragerait la fraude ou les abus. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Personne à l’UMP ne veut remettre en cause l’AME. Peut-on simplement continuer avec un système qui coûtait 75 millions en l’an 2000, qui s’élève quasiment à 600 millions aujourd’hui et qui, tout le monde le sait, n’est presque l’objet d’aucun contrôle ? J’ai été amené à m’intéresser à l’AME, voici cinq ans, quand j’ai lu un article de Libération – oui, de Libération – que je tiens à la disposition de ceux qui mettraient ma parole en doute. Cet article expliquait – je parle de mémoire – qu’un Camerounais polygame et sans papiers venait, enfin, de gagner : sa deuxième épouse pouvait bénéficier de la procréation médicalement assistée.

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Ah ! Le cas !

M. Thierry Mariani. Si cette personne était en danger, il fallait bien sûr la soigner ! Mais est-ce le rôle de l’AME de prodiguer ce type de soins, alors qu’elle a été créée, à l’origine, pour répondre à des situations d’urgence ? Qu’avons-nous fait ? Comme l’ont rappelé Christian Jacob et Xavier Bertrand, nous avons créé, l’année dernière, ce qui était, à mon avis, un début, le guichet unique. J’ai cru lire sur un fil de l’AFP, que ce guichet unique risquait d’être remis en cause et qu’une commission venait de voter le rétablissement d’un dépôt possible du dossier dans les associations, notamment. Si je me suis trompé, tant mieux, mais si tel était le cas, ce serait, à nouveau, la porte ouverte à de multiples fraudes.

Deuxièmement, ce forfait de 30 euros est juste un signe. Il vient un moment où il faut un tout petit peu participer, tel est le message. On ne peut pas expliquer, comme vous le faites dans l’hémicycle, que la plupart des étrangers travaillent et ont un salaire, puis considérer brutalement que, quand ils sont sans papiers et qu’ils travaillent, ils ne peuvent pas payer 30 euros. Soyons sérieux : qui ne peut pas payer 30 euros ? Je sais très bien que certaines associations, pour qui la protection des sans-papiers est une raison permanente, ont besoin de combats, mais la suppression de ces 30 euros est simplement, pour vous, un marqueur idéologique. Pour nous, ce forfait de 30 euros était le signe que la France était toujours solidaire, qu’elle était toujours généreuse, sans toutefois tomber dans l’assistanat aveugle et imbécile. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Eduardo Rihan Cypel.

M. Eduardo Rihan Cypel. Nous n’avons, en effet, à donner de leçons d’humanisme à personne. D’ailleurs, ces principes figurent tout simplement dans la Constitution. C’est la raison pour laquelle nous pouvons nous rassembler sur ce point.

Mais en adoptant une attitude d’abord idéologique, en mélangeant les questions de la fraude, du contrôle de cette éventuelle fraude et de l’AME, vous prenez en réalité le risque d’accroître les dangers en matière de santé publique en écartant des personnes qui peuvent, à un moment donné, se trouver trop démunies pour pouvoir se soigner.

Notre collègue Pascal Cherki a donné quelques chiffres qui montrent qu’il n’y a pas d’évolution significative du nombre des bénéficiaires et, donc, pas d’appel d’air. Environ 200 000 personnes sont concernées. Leur prise en charge relève de la responsabilité de la puissance publique, laquelle doit répondre non pas à un principe d’humanisme, mais à des problèmes concrets, notamment en matière de santé publique. C’est la seule question qui se pose à nous. Nous ne devons pas laisser les risques s’accroître. Soyons plus vigilants.

À partir de ces quelques éléments, vous pourriez, je crois, mes chers collègues, revoir vos positions et retirer vos amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. J’ai apprécié l’intervention de M. Goasguen parce qu’elle revenait au moins à des réalités.

Un de nos collègues a dit que, quand on est dans la posture, on tombe dans la caricature, voire dans l’imposture. Je comprends bien l’objet politicien du débat. Je trouve même que, tel qu’il s’est engagé, il s’agit d’un mauvais débat politicien, alors qu’il y avait, à mon avis, des choses plus sérieuses à traiter, à savoir la mauvaise gestion de l’AME. Je vais vous donner franchement mon sentiment : le forfait de 30 euros n’est pas un drame, il n’est pas inaccessible, et vous le savez d’ailleurs fort bien, parce que, s’il y avait vraiment eu un effet économique, on aurait vu décroître le nombre de personnes se faisant soigner via l’AME. Or tel n’est pas le cas.

De même, la suppression de ce forfait n’est pas dramatique. Mais elle a bien pour objet un affichage politicien, car elle est examinée dans ce projet de loi de finances rectificative alors qu’on nous a expliqué dix fois que telle ou telle mesure était trop compliquée à mettre en oeuvre, pas suffisamment urgente ou devait être replacée dans son contexte global.

M. Guillaume Larrivé. Bien sûr !

M. Jean-Christophe Lagarde. Je souhaiterais, après les déclarations de campagne, que l’on puisse engager le débat sur la politique migratoire de la France dans son ensemble : sur l’entrée et le séjour, sur l’accès à la nationalité, sur les conditions de logement, sur l’apprentissage de la langue, et que ce ne soit pas par le petit bout politicien, juste pour montrer un symbole. J’ai été surpris d’entendre le Président de la République affirmer, pendant la campagne électorale, qu’il conduirait une politique migratoire humaine et juste, au cas par cas, puis ait fini par reconnaître que rien ne changerait vraiment. J’ai même cru entendre le ministre de l’intérieur évoquer quelque chose comme cela.

Je pense que nous pourrions avoir un débat serein, un débat global qui ne verse pas dans la posture ou la caricature, car il y a de vrais sujets : le logement, l’accès à l’éducation. Ainsi, un enfant qui entre à l’école et qui ne parle pas le français ne doit pas rester pendant trois ans sans bénéficier d’aucun apprentissage de notre langue. Il y a bien des choses à dire sur l’immigration, bien des sujets que l’on devrait aborder, mais pas par le petit bout de la lorgnette, parce que le petit bout de la lorgnette, il se termine de l’autre côté de l’hémicycle !

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. L’aide médicale d’État a besoin d’être légitime, et pour être légitime, elle doit être régulée. Il n’est sûrement pas facile de trouver des éléments de régulation. Il se trouve simplement qu’il en existait. Les 30 euros, l’agrément étaient ainsi deux éléments de régulation, peut-être imparfaits, mais qui avaient le mérite d’exister.

Vous faites le choix de défaire ce qui a été réalisé en termes de régulation. Vous souhaitiez même aller au-delà. Heureusement, grâce à l’application de l’article 40 par le président de la commission des finances, l’amendement qui proposait d’ouvrir l’AME aux CCAS et aux associations a été déclaré irrecevable. Vous vouliez défaire cet autre instrument de régulation : l’entrée unique par l’assurance maladie, en élargissant l’AME au champ considérable et mal contrôlé des CCAS et des associations. Vous rendez-vous compte de ce que vous faites, au regard même de l’objectif que vous poursuivez ?

Oui, il est important, Thierry Mariani l’a dit, qu’il y ait une aide médicale d’État. Nous n’en mettons pas en cause le principe, mais la dérive financière ne peut pas être infinie, la dérive en nombre non plus. Michel Rocard disait, avec raison, que « la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde ». (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Plusieurs députés du groupe SRC. Mais qu’ « elle doit en prendre sa part » !

M. Hervé Mariton. Nous le disons : il est indiscutable et incontestable que l’AME crée un appel d’air et qu’elle a besoin d’outils de régulation. Nous avons compris que vous vouliez supprimer les outils de régulation que sont les 30 euros et l’agrément et que vous auriez voulu ouvrir davantage les portes du dispositif. Quels nouveaux éléments de régulation nous proposez-vous ?

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Sebaoun.

M. Gérard Sebaoun. Je vais, quant à moi, parler en praticien de l’AME, puisque j’ai eu, par mon métier, à soigner des gens qui en bénéficient. Peut-être y a-t-il des fraudeurs. Mais, dans la plupart des cas que j’ai eu à traiter, il s’agissait simplement de malades ou de soins à donner dans le cadre de la prévention. Et cela n’avait rien à voir avec les soins coûteux, extraordinaires sinon imaginaires, dont nous parlait M. Tian quand il citait le tourisme sanitaire et les cures thermales ! C’est le contraire de ce qui est écrit dans le texte. Tous les orateurs, où qu’ils siègent, ont dit que les 30 euros n’étaient pas un problème en termes de ressources, et que nous étions bien face à un parcours de soins. La réalité, c’est que vous avez complexifié le parcours de soins de gens déjà en situation très précaire.

Second élément – et nous avons eu ce débat en commission, monsieur Tian – le nombre de guichets de CPAM, point d’entrée unique, ne cesse de se réduire dans nos territoires. Je suis issu d’un département – le Val-d’Oise – où l’on ferme des antennes. Ne me dites pas qu’il est facile, aujourd’hui, d’accéder à la CPAM ! C’est de moins en moins vrai, y compris pour des Français parfaitement en règle. La difficulté de l’homme, de la femme ou de l’enfant précaires aujourd’hui, c’est d’accéder aux soins. Pourquoi voulez-vous complexifier le parcours des étrangers les plus précaires ? La France s’honore de les soigner, acceptez de le faire ! (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. J’en viens à une série d’amendements tendant à supprimer l’article 29.

La parole est à M. Guillaume Larrivé, pour soutenir l’amendement n° 149.

M. Guillaume Larrivé. J’ai entendu avec beaucoup d’intérêt les prêches de certains orateurs socialistes. (« Oh ! » sur les bancs du groupe SRC.) Mais je retiens surtout qu’il n’y a pas, d’un côté, les humanistes et, de l’autre, ceux qui ne le seraient pas. Il y a les élus de bon sens qui écoutent ce que disent les Français. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) J’ai, pour ma part, beaucoup de mal à considérer que ce serait ne pas faire preuve d’humanisme que de demander de payer une somme modique de 30 euros. Je suis donc naturellement favorable à la suppression de la réforme que propose le Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. Xavier Bertrand, pour soutenir l’amendement n° 355.

M. Xavier Bertrand. Je voudrais, à l’occasion de cet amendement de suppression, poser une question. Au-delà de la remise en cause du droit de timbre, allez-vous revenir ou non sur le panier de soins tel qu’il a été défini l’an dernier ? Est-il vrai que vous envisagez de revenir également sur le principe de l’autorisation préalable pour les soins et les interventions hospitalières de plus de 15 000 euros ? C’est ce que nous avons entendu. J’aimerais une confirmation.

D’autre part, s’agit-il de la première étape d’une nouvelle politique en matière de lutte contre l’immigration ? C’est ce que nous pensons et que nous craignons. Nous aimerions avoir des engagements en la matière.

Comme l’a dit Christian Jacob, nous proposerons, dans le droit fil de ce que nous avons toujours fait, de nouvelles mesures de lutte contre les abus et les fraudes, y compris pour ce qui concerne l’AME, car cette nouvelle politique nous inquiète au plus haut point, et nous ne sommes pas les seuls.

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Chrétien, pour soutenir l’amendement n° 356.

M. Alain Chrétien. Nous arrivons au terme de l’examen de ce projet de loi. Pendant plusieurs jours, nous avons examiné des mesures instaurant des restrictions, des dérogations ou des dispositifs défavorables aux PME ou aux salariés et assortis de mécanismes de contrôle et de surveillance.

Or, bizarrement, dans cet avant-dernier article, vous mettez en place un système dénué de tout contrôle. On supprime tout ce qui permettait de réguler l’aide médicale d’État. Les gens que l’on rencontre, même ceux qui ont voté pour vous, ne comprennent pas que, d’un seul coup, tout ce qui régule le système soit supprimé.

Que vous supprimiez les 30 euros et la déclaration préalable, pourquoi pas, mais par quoi les remplacez-vous ? Tout système régulé est un bon système ; lorsqu’il ne l’est plus, on court droit à la catastrophe.

M. François Brottes. Ce n’est pas un système, c’est la santé !

M. Alain Chrétien. Que vous contestiez les dispositions que nous avions adoptées il y a quelques mois, soit ; mais par quoi les remplacez-vous ? Car, je le répète, un système sans régulation va directement à la catastrophe.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n° 357.

M. Gérald Darmanin. Avant de défendre mon amendement, je veux dire à notre collègue qui a cru bon de rappeler que Jésus, Marie et Joseph étaient des sans-papiers, d’abord qu’ils étaient dans un pays occupé, ce qui n’est pas le cas de la France, ensuite qu’ils se rendaient au recensement lorsque Jésus est né ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

Sur le fond puis-je demander à M. le rapporteur général, sans provocation, qu’il réponde à la question de M. Bertrand et de M. Jacob sur la manière dont il conçoit la justice entre les étrangers en situation irrégulière, qui ne paieront rien pour accéder aux soins, et les étrangers en situation régulière ou les Français en situation de précarité qui, eux, devront payer un accès aux soins ?

M. Gérard Sebaoun. Tout le monde veut être en bonne santé !

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Goasguen, pour soutenir l’amendement n° 361.

M. Claude Goasguen. Je rassure Mme Lemorton : le point 4 de mon rapport précise bien que je suis favorable au droit de timbre.

Il n’y a pas lieu de fustiger l’immigration. Essayons d’aller plus loin, de voir si les caisses de sécurité sociale sont en mesure actuellement d’effectuer un vrai contrôle sur l’ouverture de l’AME, qui concerne à la fois les hôpitaux et le corps médical.

Nous avons remis un rapport, qui n’est sans doute pas le rapport de l’IGAS mais qui s’interroge sur la pratique médicale qu’ont générée les entrées trop faciles dans l’AME. J’aurais attendu de la part du Conseil de l’ordre des médecins qu’il soutienne un peu plus activement les propositions que nous faisions. Mais, à l’époque, le Conseil de l’ordre a préféré fermer les yeux. Or, de toute évidence, il faudrait réaliser une enquête en profondeur, car la mauvaise gestion est souvent très proche de la fraude. Personne n’est fraudeur, mais tout le monde participe à un système qui se caractérise par une mauvaise gestion. Les uns et les autres s’accusent, mais je ne considère pas pour ma part que les immigrés clandestins soient les plus gros responsables de la fraude. Je vois bien d’autres responsables que, tôt ou tard, il faudra désigner clairement, ce qui exige un contrôle accru de la part des caisses de sécurité sociale, si l’on veut que le système soit géré convenablement. Il faut changer la chaîne : cela ne vient pas d’en bas mais probablement d’en haut.

Mme la présidente. Sur l’article 29, je suis saisie par les groupes UDI et UMP d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Christian Jacob, pour soutenir l’amendement n° 363.

M. Christian Jacob. J’aimerais que le ministre puisse nous répondre sur le point suivant : le nombre des bénéficiaires de l’AME a progressé ces dix dernières années de 50 %, tandis que son coût augmentait de 800 %. Partant, nous pouvons tous nous accorder sur le fait qu’il y a un problème, sinon de fraude du moins de mauvaise gestion. Quelles mesures le Gouvernement nous propose-t-il pour lutter contre la fraude ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n° 365.

Mme Véronique Louwagie. L’humanisme, ce n’est pas la suppression du droit de timbre mais bien la mise en place de l’aide médicale d’État. C’est à travers ce dispositif que s’établit la solidarité. Supprimer le droit de timbre, c’est remettre en cause l’égalité entre les citoyens. Comment allons-nous expliquer aux Français et aux personnes qui vivent en situation régulière dans notre pays qu’elles doivent contribuer au financement de notre système de santé, tandis que les personnes en situation irrégulière n’y participeraient pas ? Le droit de timbre a valeur de symbole ; y renoncer, c’est cautionner les personnes en situation irrégulière, ce qui n’est pas admissible.

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton, pour soutenir l’amendement n° 366.

M. Hervé Mariton. Le Gouvernement pourra-t-il nous dire s’il entend accroître le nombre de points d’entrée en ouvrant le dispositif aux CCAS et aux associations ?

M. Christian Paul. Ce serait souhaitable !

M. Hervé Mariton. L’idée a-t-elle été abandonnée du fait de l’article 40, ou le Gouvernement a-t-il l’intention de réintroduire cette proposition dans la loi ?

Deuxièmement, quels sont les éléments de régulation que le Gouvernement mettra en place ?

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Ollier, pour soutenir l’amendement n° 368.

M. Patrick Ollier. La régulation ne s’oppose pas à l’humanisme. J’ai entendu des leçons de morale qui nous choquent car, quand on ne veut pas comprendre, on cherche ailleurs des justifications à son attitude. À l’évidence, les raisons de la vôtre sont purement idéologiques ; j’irai même plus loin : elles sont aussi démagogiques.

Ce débat ne mérite pas autant de violence verbale ni autant de caricature. Ce pourrait être un débat apaisé car, lorsqu’on parle de régulation et de contrôle, on ne dit rien de choquant. Quand le président Jacob rappelle que nous sommes passés de 75 millions d’euros à 580 millions en dix ans, c’est une vérité que vous ne pouvez pas contester. Cela représente une hausse de 800 %. La hausse de 50 % du nombre de bénéficiaires est aussi une réalité. À tout cela, il y a des causes, et nous sommes en droit ici, au Parlement, d’analyser ces causes pour essayer de trouver des solutions dans l’équité.

Un droit d’entrée ne signifie jamais une interdiction. Nous sommes favorables à l’AME, mais nous voulons simplement mettre en place des moyens de contrôle afin d’éviter les abus.

Nous pourrions en discuter sereinement, sans sombrer dans la caricature et sans se servir de la presse pour faire de la démagogie, en désignant les méchants de l’UMP qui s’opposent aux bons samaritains du parti socialiste. C’est désobligeant, car nous nous sentons, à l’UMP, aussi généreux que vous. Nous voulons, nous aussi, ouvrir les bras à ceux qui souffrent, mais nous voulons le faire avec des moyens de contrôle qui permettent d’éviter les abus et maintiennent l’équité grâce à la régulation.

Mme la présidente. La parole est à M. Frédéric Reiss, pour soutenir l’amendement n° 369.

M. Frédéric Reiss. Comment garantir un système de santé de qualité pour tous et dont le financement serait pérenne ? Le système français est l’un des meilleurs au monde, et l’un des plus coûteux aussi, les dépenses de santé représentant près de 12 % du PIB.

Il faut noter les efforts accomplis par le gouvernement de François Fillon pour s’attaquer au déficit de l’assurance maladie, avec un certain succès d’ailleurs. L’ensemble des Français ont été mis à contribution, et l’instauration d’un droit annuel forfaitaire de 30 euros allait dans le sens de la justice. Cette mesure, qui conditionne le bénéfice de l’AME pour les majeurs, est une mesure juste. Il ne faut pas que les personnes en situation irrégulière soient les seules dispensées de tout effort de participation aux soins qui leur sont dispensés.

Beaucoup de nos compatriotes ne comprennent pas cet article, dont je propose donc la suppression, d’autant qu’il revient sur la procédure d’agrément préalable pour les soins hospitaliers les plus coûteux et programmés.

Mme la présidente. La parole est à Mme Claudine Schmid, pour soutenir l'amendement n° 370.

Mme Claudine Schmid. Je reste dubitative devant cet article quand je pense aux familles modestes qui doivent acquitter 50 euros pour bénéficier de la CMU. Pourquoi ne supprimez-vous pas également cette franchise, par mesure d’équité envers les Français les plus modestes qui ont des difficultés à se faire soigner ?

Mme la présidente. La parole est à M. Lionel Tardy, pour soutenir l'amendement n° 371.

M. Lionel Tardy. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l'amendement n° 372.

M. Dominique Tian. Il est bon de rappeler quelques vérités.

En ce qui concerne la fraude, les éléments sont malheureusement connus – je ne les évoque pas, car l’on va penser que je suis obsessionnel… Selon un rapport officiel, une enquête a été menée par 106 caisses primaires d’assurance maladie sur 5 % des bénéficiaires de l’AME en 2009. Il en ressort que 50 % des bénéficiaires de l’AME avaient sous-déclaré les ressources dont ils disposaient. Si ce n’est pas de la fraude, ça y ressemble…

Sur les soins, monsieur le rapporteur général, monsieur le ministre, nous vous avons posé des questions graves, auxquelles nous n’avons eu aucune réponse. En commission des affaires sociales, M. le rapporteur nous a tenu des propos effrayants. Comme je lui demandais si les cures thermales et la procréation médicalement assistée seraient de nouveau remboursées, il nous a répondu : « Sûrement. »

M. Denys Robiliard, rapporteur pour avis. C’est faux ! Je vous ai dit non !

M. Dominique Tian. Si ce n’est pas le cas, dites-le clairement !

À propos des portes d’entrée, vous nous avez indiqué qu’elles seraient plus largement ouvertes et que, comme la Sécurité sociale était surchargée de travail – vous devriez, à ce propos, lire le rapport de la Cour des comptes sur la gestion de la Sécurité sociale, vous évalueriez mieux la surcharge de travail des agents de la sécu, mais c’est un autre problème… –, les associations et les CCAS seraient autorisés à construire des dossiers d’AME. Est-ce vrai ou non ?

M. Christian Paul. C’est vrai !

M. Dominique Tian. Troisièmement, Claude Goasguen a évoqué tout à l’heure la surfacturation par les services hospitaliers, qui coûte 140 millions d’euros aux contribuables français. La non-application de la T2A pour l’AME dans les services hospitaliers crée à l’évidence un appel d’air, comme si un bénéficiaire de l’AME leur rapportait deux ou trois fois plus qu’un citoyen français. Cette absurdité à laquelle nous avons en partie mis fin va-t-elle ressurgir ?

Ce sont des questions simples, qui mériteraient des réponses, nos travaux en commission des affaires sociales ayant laissé subsister beaucoup d’incertitudes.

Mme la présidente. La parole est à Philippe Vigier, pour soutenir l'amendement n° 480.

M. Philippe Vigier. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements de suppression ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je vais essayer, mes chers collègues, d’apporter quelques réponses sur un sujet complexe qui, à l’évidence, a donné lieu à des amalgames.

D’abord, monsieur Bertrand, je suis un peu surpris de votre question insistante pour savoir si l’autorisation préalable est supprimée.

M. Xavier Bertrand. Si elle allait l’être.

M. Christian Eckert, rapporteur général. Si vous aviez lu le texte, monsieur le ministre, ne serait-ce que l’exposé des motifs, vous auriez vu qu’effectivement, l’autorisation préalable est supprimée. C’est l’un des points du dispositif prévu par le Gouvernement. Pour les soins supérieurs à 15 000 euros, elle est supprimée, c’est clairement indiqué.

M. Xavier Bertrand. Ce n’est pas la même chose !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Ensuite, j’entends vos invitations à la régulation. Je ne sais pas ce que l’on entend par ce mot. Est-ce que l’on peut réguler le nombre de malades ? Je ne vois pas comment on le pourrait !

Si votre réponse est de dire « pour réguler le nombre de malades, on va leur demander de payer un droit de timbre », c’est encore plus ridicule ! Je ne sais pas réguler le nombre de malades. C’est un vœu que devraient partager nombre d’entre nous si seulement c’était possible.

J’entends parler de lutte contre la fraude. Le rapport de nos collègues Sirugue et Goasguen est clair sur ce point. Ils constatent qu’il y a quelques fraudes, mais pas plus que dans l’ensemble des systèmes de remboursement de soins, qu’il s’agisse de la CMU ou du régime général. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Laissez-moi finir mon raisonnement ! J’ai été silencieux pendant une heure, ce qu’on m’a reproché, alors permettez-moi de donner quelques arguments.

Si la réponse à la lutte contre la fraude consiste à faire payer 30 euros, cela voudrait dire que, moyennant la modique somme de 30 euros, on peut s’autoriser à frauder et à revendre du Subutex ou je ne sais quoi, que l’on aurait obtenu de façon abusive. Par conséquent, il me semble que la réponse concernant la fraude n’est pas le droit de timbre.

Sur le contrôle, tout le monde doit s’accorder. Il n’y a pas un seul parlementaire qui puisse nier la nécessité d’exercer un contrôle pour les ressortissants de l’AME…

M. Xavier Bertrand. Vous allez faire quoi ?

M. Christian Jacob. On vous demande des réponses concrètes !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …comme pour les ressortissants des autres systèmes de remboursement. Dans ce cas, mes chers collègues, ce ne sont pas les 30 euros qui résoudront le problème, ce sont tout simplement les capacités des organismes de type CPAM qui sont chargés du contrôle. S’ils n’ont pas les moyens de contrôler, je ne vois pas comment nous nous en sortirions mieux avec le droit de timbre.

Le droit de timbre ne résout aucun des problèmes : ni la régulation qui, à mon avis, est impossible à assurer, ni la fraude qui n’existe pas plus qu’ailleurs, ni le contrôle qui a comme seule réponse le renforcement des moyens.

Vous allez me rétorquer que le droit de timbre peut fournir des moyens supplémentaires pour organiser le contrôle. Il rapporte 5 millions d’euros par an. Peut-on, avec 5 millions d’euros, organiser le contrôle de 230 000 ressortissants ? Je ne le crois pas, mais je ne suis pas un spécialiste de la question. En tout cas, mes chers collègues, ce n’est pas le droit de timbre qui résoudra ce problème.

Par ailleurs, un ressortissant de l’AME coûte-t-il plus cher ou moins cher que les autres ? J’ai ici quelques chiffres qui sont tirés des rapports, soit de l’IGAS, soit de nos collègues : un ressortissant de l’AME coûte en moyenne, si j’ose dire, 1 741 euros. Un ressortissant de la CMUC, à laquelle on a accès sans franchise, coûte 2 605 euros.

M. Xavier Bertrand. Et l’âge moyen ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Un ressortissant du régime général coûte 1 580 euros, soit un chiffre tout à fait comparable à ce que coûte un ressortissant de l’AME.

J’ai conscience d’être un peu long, mais après une heure de silence – dont on m’a fait reproche – je vais terminer par cette question : quelle est l’origine des surcoûts ? Tout le monde s’accorde à dire que les surcoûts ne proviennent pas de l’augmentation des dépenses de soins de ville, qui sont d’ailleurs en baisse pour 2011. En revanche, les obstacles qui ont été mis à l’accès au dispositif font que la prise en charge est plutôt tardive chez les ressortissants de l’AME. On constate ainsi des traitements médicaux plus lourds ou des soins hospitaliers plus lourds, nécessaires après une prise en charge trop tardive.

Et puis, mes chers collègues, ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : nous le savons, le droit de timbre n’est pas payé par les ressortissants, mais par les associations,…

M. Claude Goasguen. C’est très bien !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …qui ont souvent demandé le renforcement de leurs moyens puisqu’elles étaient contraintes de le prendre en charge. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

Le droit de timbre ne résout donc rien. Quant à l’agrément, sa gestion était extrêmement lourde.

M. Xavier Bertrand. Combien de cas ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Vous avez apporté une mauvaise réponse à une question qui peut paraître légitime, mais à propos de laquelle vous avez fait des amalgames, notamment au sujet de l’immigration.

Pour conclure, la commission est défavorable à l’ensemble des amendements de suppression.

M. Christian Jacob. C’est extrêmement précis, monsieur le rapporteur général ! Vous avez été parfait !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Denys Robiliard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Je vais essayer de répondre aux questions qui m’ont été posées, d’abord sur la logique du texte, ensuite sur différents éléments qui ont été abordés.

La logique de la réforme du Gouvernement se fonde sur l’alinéa 11 du Préambule de la Constitution de 1946, dont vous savez qu’il fait partie du bloc de constitutionnalité. Il s’agit du droit à la santé pour tous que garantit la nation.

Nous considérons – mais vous avez le droit de ne pas être d’accord – que les mesures prises à la fin de l’année 2010 et au milieu de l’année 2011 n’allaient pas dans ce sens : je pense au droit de timbre, à la loi du 16 juin 2011, à la suppression du droit pour les associations d’aider ou d’assister les demandeurs de l’aide médicale d’État, ou encore de recevoir les dossiers, étant précisé que les dossiers de l’aide médicale d’État sont évidemment instruits par les CPAM, non par les associations. C’était une aide à la constitution de dossier, pas une délégation d’un quelconque service public. Voilà pour le premier élément.

Deuxième élément : une certaine orientation du dispositif a été relevée. Une étude avait été menée, avant celle de MM. Sirugue et Goasguen, par l’inspection générale des finances et l’inspection générale des affaires sociales. Le rapport a été déposé au mois de novembre 2010 et – je ne crois pas me tromper – il n’avait pas été porté à la connaissance de la représentation nationale avant qu’elle délibère sur le droit de timbre…

M. Claude Goasguen. C’est vrai !

M. Denys Robiliard, rapporteur pour avis. …alors que ce rapport concluait défavorablement à l’instauration d’un tel droit.

Je vous donne quelques éléments de sa conclusion : « L’évolution forte des dépenses […] ne s’explique pas par une croissance massive du nombre de bénéficiaires…».

M. Patrick Ollier. Pourtant passé de…

M. Denys Robiliard, rapporteur pour avis. Je lis, je n’ajoute rien !

Mme la présidente. Ne vous laissez pas interrompre, monsieur le rapporteur pour avis, votre temps de parole est dépassé et je vous demande de conclure.

M. Denys Robiliard, rapporteur pour avis. Le rapport des inspections conclut : « Il n’est pas possible d’établir statistiquement un lien entre l’évolution des dépenses et l’évolution des abus et fraudes. »

M. Dominique Tian. Il n’est pas possible…

M. Denys Robiliard, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Je lis la conclusion telle qu’elle est. J’ai le rapport intégral et je le cite complètement. Mais j’arrête là, madame la présidente.

Pour le reste, il y aura d’autres amendements, qui me donneront l’occasion de compléter mon propos.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement n’est pas favorable aux amendements de suppression. Mais à l’occasion de ce débat, des avancées ont pu être constatées par les uns comme par les autres.

Si j’ai bien compris, sur les bancs de droite, personne ne veut remettre en cause l’AME.

M. Christian Jacob. Nous avons été très clairs à ce sujet !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. En tout cas, cela a été dit par un député de l’UMP sans que personne ne proteste. Il semble que ce premier point soit acquis. Si des malentendus devaient exister, ils sont dissipés.

M. Xavier Bertrand et M. Christian Jacob. Ce n’est pas une nouveauté !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Si ce n’est pas une nouveauté, vous l’expliquerez à votre collègue Thierry Mariani, que vous semblez accuser d’avoir parlé pour rien. Pour ma part, je n’ai pas osé aller jusque-là et j’ai écouté avec intérêt la déclaration qu’il a faite.

Ce que je comprends, c’est que les uns n’acceptent pas de leçons de morale, mais convenez que d’autres peuvent ne pas accepter de leçons de justice. Il est peut-être légitime que vous n’acceptiez pas de leçons de morale, après tout, c’est votre dignité qui le commande et je la respecte.

M. Patrick Ollier. Merci !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Mais souffrez que d’autres n’acceptent pas vos leçons de justice. Leur dignité n’est pas moins respectable. Cessons donc de nous donner des leçons les uns aux autres et peut-être que les choses progresseront. Elles progresseront jusqu’à constater ce qu’est l’objet de ce texte.

Vous estimez que le droit de timbre est une modalité de régulation satisfaisante. Nous estimons qu’il ne l’est pas, et même qu’il va à rebours de l’objectif que cette politique est censée poursuivre. Les chiffres ont été cités : le nombre de bénéficiaires est stable, les choses n’ont pas bougé. Et si ce droit de timbre a provoqué un phénomène, c’est un déport vers l’hôpital dont témoignent et l’augmentation des dépenses, et le nombre très faible de bénéficiaires en moins. Au total, la dépense est la même. Il n’y a donc pas de régulation si l’objet est de limiter la dépense.

De plus, comme on pouvait le supposer, cette régulation est inefficace. En effet, les rapporteurs l’ont indiqué, les droits de timbre sont payés par les associations alors qu’ils sont censés responsabiliser ou éviter je ne sais quelle fraude. Les associations acquittant ce droit, les intéressés n’ayant pas à le faire, l’objet même de la régulation n’est pas atteint. Il est donc assez légitime de revenir sur le droit de timbre, d’autant que – plusieurs intervenants l’ont signalé – ceux dont le droit de timbre ne serait pas acquitté par une association pourraient ainsi être empêchés d’accéder à l’AME ; ils finiraient bien par être soignés, mais trop tardivement, dans une situation sanitaire ou médicale plus préoccupante, donc avec des soins plus coûteux.

Vous condamnez un affichage politique d’un côté, mais l’affichage politique existe aussi de l’autre et vous ne vous en êtes pas privés d’ailleurs ! Vous l’avez assumé.

Enfin, au-delà des rapports, des affichages, des postures, des décrets, des questions, des interruptions, des passions, un seul parmi vous a témoigné de son expérience de terrain, ce qui, à mon avis, a une certaine signification. La mienne est plus ancienne que celle rapportée par votre collègue. C’était il y a de nombreuses années, j’en ai néanmoins un souvenir très vif. Et ce souvenir m’amène à une certitude, c’est qu’en situation régulière ou irrégulière, ceux qui se présenteront dans des hôpitaux pour être soignés le seront. Vous aurez beau protester, dénoncer, appeler à la condamnation des fraudes, mettre en œuvre des cartes sécurisées – elles le sont, et personne ne les remet en cause – vous aurez beau faire des comparaisons dont je ne suis pas sûr qu’elles soient forcément très productrices de conclusions en termes de politiques publiques : « un tel paie, l’autre ne paie pas », les médecins les soigneront toujours. Nous les avons toujours soignés, je les ai toujours soignés. Le débat pourra continuer toute la nuit, vous n’empêcherez jamais les médecins de soigner des personnes qui en ont besoin ! (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. Je comprends parfaitement, monsieur le ministre, l’intérêt que vous pouvez avoir à répondre à un seul groupe et non à deux quand ils vous interpellent.

Tout à l’heure, M. Dumont vous demandait l’avis d’autres ministères, mais il se trouve qu’il y a un seul gouvernement et que vous le représentez ici, devant l’Assemblée nationale.

Puisque, en outre, vous êtes le ministre chargé de nos finances, je voudrais que vous nous expliquiez pourquoi ce sujet, lié à l’ensemble de la politique migratoire et à l’ensemble de la politique sanitaire, a été isolé par le Gouvernement et inscrit dans le projet de loi de finances rectificative. Il y a bien d’autres choses à faire que l’AME pour l’accès aux soins comme en matière migratoire.

J’ai dit pour ma part que la suppression du droit de timbre ne me dérangeait pas puisqu’elle ne changera pas grand-chose, c’est pourquoi il est inutile que certains collègues se livrent à des envolées de pseudo-indignation. Pourquoi, alors que le PLFR traite vraiment de tout autre chose, a-t-on mis ce sujet-là à cet endroit-là ? Je plaide depuis 2002 pour qu’on parle de ces question dans leur globalité, sinon on passe à côté.

Il y a d’ailleurs, dans les arguments échangés, des choses assez surprenantes. Ainsi, M. le rapporteur pour avis a lu une seule partie du rapport de l’IGAS et pas la partie qui le gênait.

La question existe quand même : pourquoi a-t-on une augmentation aussi forte du niveau de soins pour une augmentation aussi faible du nombre de bénéficiaires,…

M. Claude Goasguen. C’est le vrai sujet !

M. Jean-Christophe Lagarde. …compte tenu d’ailleurs du flux, car certains finissent par être régularisés et sortent de l’AME alors que d’autres y entrent ?Au lieu de laisser courir des fantasmes, qui peuvent peut-être exciter les uns et arranger les autres, pourquoi ne pas regarder ce qui se passe dans les hôpitaux ?

J’ai dans ma circonscription l’hôpital Avicenne, qu’on appelait jadis l’hôpital franco-musulman. L’essentiel de l’AME est dépensé en Seine-Saint-Denis, où se trouvent les deux hôpitaux principalement concernés, avec la maternité Jean Verdier.

Cela vaudrait le coup de savoir pourquoi l’administration des hôpitaux s’oriente parfois vers l’AME pour financer des soins qui n’en relèvent pas nécessairement.

Au lieu de laisser penser que ce système est à la dérive, on devrait le traiter dans sa globalité et non l’isoler. Ça me paraît franchement plus utile au débat et à l’éclaircissement de l’opinion de nos concitoyens.

M. Claude Goasguen. Évidemment !

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Monsieur le ministre, vous n’avez répondu à aucune de nos questions. Nous avons tous posé celle de l’explosion du coût de la dépense par rapport au nombre de bénéficiaires, explosion qui impose de mettre en œuvre une gestion plus rigoureuse ainsi que d’éviter les abus et les fraudes.

Au-delà, nous avons posé trois questions très précises : maintenez-vous, oui ou non, l’entente préalable ?

M. Denys Robiliard, rapporteur pour avis. On vous a répondu à ce sujet !

M. Christian Eckert, rapporteur général. Lisez le texte !

M. Christian Jacob. J’attends une réponse du Gouvernement. J’ai interrogé le ministre, il n’est pas inintéressant qu’il réponde. Or, sur ce point précis, il ne nous a pas répondu, pas plus qu’à notre deuxième question, relative au panier de soins.

Enfin, troisième question : quelles sont les mesures précises de gestion plus rigoureuse qu’il nous propose ? Vous vous engagez dans la remise en cause du dispositif que nous avons mis en place l’année dernière et qui visait à éviter les abus et les fraudes. J’imagine donc que vous avez des propositions concrètes et précises sur ce point ; nous les attendons.

(Les amendements de suppression de l’article 29 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Gilbert Collard, pour soutenir les amendements n°s 376, 378 et 377.

M. Gilbert Collard. J’espère que j’aurai le temps de m’expliquer dans cette enceinte démocratique. Je suis pour la suppression de l’AME et je vais vous dire pourquoi.

Si nous avions financièrement les moyens, si la situation économique n’était pas dramatique et si on ne disait pas tous les jours qu’il faut aggraver un peu plus les charges, en un mot, si nous étions riches, je serais favorable à ce que nous soyons d’une bonté universelle et je n’y verrais aucun inconvénient.

Plusieurs députés du groupe SRC. Il ne s’agit pas de bonté !

M. Gilbert Collard. Nous avons parlé tout à l’heure de Jésus, de Marie et de Joseph. Vous irez tous au paradis, soyez rassurés, mais quelquefois l’enfer est pavé de bonnes intentions.

Plusieurs députés du groupe SRC. « L’enfer, c’est les autres ! »

M. Gilbert Collard. C’est cela que je veux vous expliquer démocratiquement, en vous rappelant que faire du bruit n’a jamais produit la moindre idée dans un débat.

Le coût de l’AME est passé de 75 millions d’euros en 2000 à 588 millions aujourd’hui.

Plusieurs députés du groupe SRC. Parce que ça marche !

M. Lionel Tardy. Ça, c’est sûr, ça marche ! (Rires sur les bancs du groupe UMP.)

M. Gilbert Collard. À une époque pas si ancienne, l’AME n’existait pas et jamais personne n’a osé dire que le régime était inhumain et incompréhensible !

La situation économique nous amène à faire un peu comme l’Espagne, qui supprime un système comparable à l’AME. Tel est le poids de la situation économique.

Je suis d’accord avec M. le ministre et je ne mettrai jamais en cause une quelconque population. Tout homme malade en situation d’urgence sera toujours soigné, en raison du code de déontologie des médecins et de la non-assistance à personne en danger. Mais pour que ces deux notions s’appliquent, il faut l’urgence. On en est loin dans la conception actuelle de l’AME.

J’ai entendu avec respect Mme la ministre de la santé déclarer : « Nous assumons l’exigence de justice face à des personnes qui sont seules, vulnérables et isolées. »

M. Jean-Marc Germain. Et malades !

M. Gilbert Collard. Non ! Même si on doit respecter et aimer les personnes seules, vulnérables et isolées, l’AME n’est pas faite pour elles, elle est faite pour les malades en situation d’urgence. Ce n’est hélas plus le cas, par dévoiement de la loi.

Si je suis hors délai, madame la présidente, dites-le moi et je m’interromprai tout de suite, car j’aime l’ordre et vous aussi, je le crains.

Mme la présidente. Je vous propose de vous acheminer vers votre conclusion.

M. Gilbert Collard. Voilà ! Les hommes et les femmes d’ordre sont très utiles dans ce pays !

Je conclus donc en disant qu’il faut mettre un terme à cette exception française qui permet tous les abus. Pompe aspirante pour l’immigration qui valide l’illégalité comme forme d’accession au droit, l’exception française est devenue l’exclusion française ! Des gens se disent qu’ici, il vaut mieux être sans papiers qu’avec ! (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.).

M. Jean-Marc Germain. Il vaut mieux avoir des papiers et être en bonne santé, c’est sûr !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je vais essentiellement répondre à celui qui propose la suppression de l’AME.

Je ne suis pas médecin mais j’ai cru comprendre, cher collègue, que vous souhaitiez réserver le droit d’être soigné uniquement à ceux qui sont en situation d’urgence. Il me semble qu’on parle ici de droit à la santé plutôt que de droit au secours d’urgence. Le droit à la santé va au-delà des situations d’urgence.

Sur un plan plus factuel, le droit à la santé pour tous est reconnu par toute une batterie de traités internationaux dont la France est signataire : le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels en 1966, la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes en 1979, la convention relative aux droits de l’enfant en 1989, la charte sociale européenne en 1961.

En droit français, un dispositif d’aide médicale gratuite a donc été instauré dès 1953 pour financer les dépenses des personnes non affiliées automatiquement à l’assurance maladie, qu’elles soient ou non en situation régulière.

Supprimer ce dispositif serait évidemment contraire aux valeurs humanitaires de la France. Ce serait aussi de nature à créer un véritable problème de santé publique. J’ajoute, si besoin était, que la suppression de l’AME serait contraire aux dispositions du Préambule de la Constitution de 1946 sur le droit à la santé.

Vous pouvez toujours en faire une question d’argent et lier cela à des problèmes d’immigration. En tout cas, ce qui anime le texte proposé par le Gouvernement est véritablement d’assurer le droit à la santé pour tous, femmes et enfants compris.

Enfin, monsieur Collard, selon l’OMS, « la possession du meilleur état de santé qu’il est capable d’atteindre constitue l’un des droits fondamentaux de tout être humain, quelles que soient sa race, sa religion, ses opinions politiques, sa condition économique ou sociale ».

Nous ne partageons évidemment pas votre analyse. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes SRC. et écologistes).

M. Jean-Marc Germain. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Denys Robiliard, rapporteur pour avis. Il va de soi que j’adhère complètement aux principes exposés par le rapporteur général et qu’il était urgent de les faire respecter.

Mais il y a aussi des considérations de santé publique. De façon très pragmatique, nous avons intérêt à ce que les étrangers vivant en France, en situation régulière ou non, soient bien soignés. Certaines maladies sont contagieuses.

Quand on veut soigner des personnes qui n’ont pas de ressources, il faut se donner les moyens de le faire. On ne peut pas dire qu’il faut que ces personnes soient soignées sans mettre en place les dispositifs nécessaires, sinon c’est affirmer un principe sans en tirer les conséquences. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.).

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Le Gouvernement donne un avis défavorable, monsieur Collard, à vos trois amendements.

Il est vrai que l’AME n’existait pas à l’époque à laquelle vous faites référence.

M. Claude Goasguen et M. Xavier Bertrand. Si ! C’était l’AMG départementale !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Est-ce que pour autant les publics dont nous sommes en train de parler ne se présentaient pas à l’hôpital pour y être soignés ? Bien sûr que si !

Il se trouve que ces dépenses étaient diffuses et pas toujours identifiées, en tant que telles, comme AME. Certes, elles existaient, mais pour avoir connu cette période et pour y avoir pratiqué, contrairement à beaucoup d’entre vous, je peux vous assurer qu’en raison d’erreurs de codage, d’orientation, de définition ou autres, un certain nombre de patients étaient soignés dans les hôpitaux sans être identifiés comme relevant de l’AME.

C’était ainsi, c’est mon expérience personnelle. Vous pouvez en faire ce que vous voulez, mais les souvenirs que j’en ai sont suffisamment précis pour que je me permette de vous les livrer.

Monsieur Lagarde, vous me demandez pourquoi cette disposition figure dans une loi de finances. Le droit de timbre a été créé en loi de finances. Il me semble qu’au nom du parallélisme des formes, il est acceptable qu’il soit supprimé en loi de finances.

Je vous retourne à ce propos une de vos principales critiques, qu’au demeurant je peux comprendre, à savoir que la suppression du droit de timbre en loi de finances ne permet pas de proposer une politique globale ni une vision d’ensemble. L’argument est peut-être recevable, mais il se trouve que sa création, en loi de finances, ne s’inscrivait pas davantage dans une politique d’ensemble ni dans une vision globale.

Quoi qu’il en soit, il existe dans notre République des pratiques relatives à l’exercice du pouvoir et à la prise des décisions. Le Gouvernement est maître des projets de loi qu’il présente à l’Assemblée nationale. Ce projet de loi de finances a été soumis au Conseil d’État ; il est aujourd’hui présenté au Parlement. Vous pouvez contester au Gouvernement le droit…

M. Jean-Christophe Lagarde. L’opportunité !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …de présenter telle ou telle mesure, ce droit existe néanmoins, et il est à mon avis d’autant moins contestable qu’il est l’exacte réplique du droit dont avait usé un gouvernement précédent pour créer le droit de timbre en loi de finances.

M. Claude Goasguen. Pas dans la précipitation !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur Jacob, je comprends votre insistance. Vous souhaitiez que je vous répète ce que le rapporteur général vous avait déjà dit. Le sort réservé à l’entente préalable est clairement indiqué dans ce collectif. Je ne peux donc que vous confirmer que ce que vous avez lu dans le texte que je présente au nom du Gouvernement est bien ce qu’il y a dans le texte… (Sourires.)

Une question a été posée sur la possibilité pour les CCAS de créer ces dossiers. Cette disposition n’est pas en loi de finances pour des raisons de forme : elle aurait en effet constitué un cavalier. En conséquence, il ne m’étonnerait pas que le statu quo ante soit rétabli à l’occasion d’un autre projet de loi – il s’agit de retourner à la période précédant les réformes proposées par M. Bertrand. Assumons nos oppositions et nos différences ! Vous avez mené une politique que nous n’avons pas approuvée ; nous allons mener une politique que vous condamnerez, nous n’allons pas nous arracher les yeux pour cela, en tout cas, je vous le demande, pas au début de cette législature.

M. Jean-Christophe Lagarde. Ni à la fin !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur Lagarde, vous avez bien raison.

J’ai été interrogé sur les moyens de régulation et de sécurisation que nous utiliserons. Ce seront les mêmes que ceux que vous aviez imaginés,…

M. Xavier Bertrand. Il faut aller plus loin !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. … hormis le droit de timbre dont nous jugeons qu’il n’est pas un élément de régulation et qu’il présente un risque en termes de santé publique. Vous avez créé la carte sécurisée avec une photographie de son titulaire : il n’est pas prévu de la supprimer. Vous avez créé des bases de données : je n’ai pas vu dans le texte qu’il soit prévu de les supprimer.

Si l’on excepte le droit de timbre, le collectif ne remet pas en cause les moyens de régulation que vous avez mis en place. Il n’en propose pas de nouveau.

J’espère que mes explications permettront à l’Assemblée de voter en étant éclairée. La majorité et le vote nous étant acquis, je ne doute pas que le débat se poursuivra ; c’est la règle de l’échange démocratique entre l’opposition et la majorité. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et écologiste.)

(L'amendement n° 376 n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

M. Jean-Christophe Lagarde. J’ai demandé la parole pour remercier le ministre de sa réponse. Cela dit, fallait-il tant critiquer les turpitudes du gouvernement précédent et les reproduire ? Le changement c’était hier ; c’est désormais fini. Il ne faudrait pas nous resservir ce même argument à chaque occasion. Je comprends qu’il y ait eu des erreurs par le passé ; vous entendiez les corriger : faites-le !

Je veux dire à l’auteur des amendements que, contrairement à l’argument qu’il a employé – et ce n’est pas le genre d’argument qu’il faut laisser sans réponse –, il existait bien, avant l’aide médicale d’État, un système qui fonctionnait au sein des conseils généraux, l’AMG. Cela explique qu’il n’y ait eu ni drame sanitaire, ni addition de ces dépenses qui se faisaient en des lieux éclatés.

Il faut ajouter qu’il n’est pas question d’humanité ou de bonté, en tout cas pas seulement. Je veux en donner deux exemples.

A Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, il y a quelques mois des épidémies graves de tuberculose ont réapparu. En la matière, il ne faut pas attendre l’urgence. La tuberculose, ce n’est pas urgent, mais cela se dissémine rapidement. Nous en sommes arrivés à demander une campagne de vaccination.

L’hôpital Jean Verdier, à Bondy, est après l’hôpital Mamoudzou, à Mayotte, celui qui pratique le plus grand nombre d’accouchements en France. Un bébé a été retrouvé dans une poubelle près de la piscine de Drancy par les employés municipaux. Nous nous sommes rendu compte que la mère mineure, en situation irrégulière, abusée par un membre de sa famille, ne souhaitait pas abandonner son enfant mais ne savait pas qu’elle avait accès à l’hôpital alors que l’AME venait d’être créée.

M. Christian Eckert, rapporteur général. L’auteur de l’amendement n’est plus là !

M. Jean-Christophe Lagarde. Je ne parle pas tellement pour lui, car je ne pense pas parvenir à le convaincre. Je m’exprime pour le procès-verbal.

J’ajoute que le raisonnement fondé sur les moyens est insupportable. Je me souviens d’avoir découvert avec stupéfaction qu’en Grande-Bretagne, on mourait quatre fois plus qu’en France des maladies rénales pour la simple et bonne raison que la dialyse est moins bien remboursée. Si l’on entre dans ce genre de raisonnement, on peut aller très loin – pourquoi ne pas faire un choix entre les maladies ou entre tel ou tel ?

Ce n’est pas parce que l’auteur des amendements est parti qu’il ne fallait pas répondre à ses arguments irrecevables. Contrairement à ce qu’il annonçait, nous avons pu débattre sans polémique et sans bruit. Cela prouve que lorsqu’on a des arguments, on peut débattre. Quand on n’en a pas, on peut s’en aller.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Larrivé.

M. Guillaume Larrivé. M. le ministre a été très éloquent au sujet des questions de contrôle et d’efficacité mais il n’a pas répondu sur une question de principe. J’aimerais comprendre ce qui justifie aux yeux du Gouvernement qu’un chômeur français bénéficiant de la CMU paie 50 euros de franchise alors que ce n’est pas le cas pour la personne étrangère en situation illégale. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Vous n’échapperez pas à cette question de principe.

(Les amendements nos 376, 378 et 377, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix l’article 29.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 139

Nombre de suffrages exprimés 139

Majorité absolue 70

(L’article 29 est adopté.)

(Applaudissement sur les bancs des groupes écologistes et SRC.)

Après l'article 29

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l'amendement n° 55.

M. Dominique Tian. L’AME permet un accès illimité aux soins de ville. Or la médecine libérale n’est pas gratuite. En ville, le professionnel de santé est rétribué, et le médecin qui reçoit à l’hôpital est payé.

C’est bien d’être généreux avec l’argent des autres mais l’accueil de bénéficiaires de l’AME rapporte beaucoup d’argent à certains professionnels de santé et à certains services hospitaliers. C’est une fraude énorme, dont le ministre refuse toujours de parler.

Dans le cadre de l’AME, nous sommes le seul pays au monde qui rembourse les soins de ville à 100 %. Ce n’est plus possible ; nous n’avons plus les moyens. Le déficit de la Sécurité sociale s’élève à 135 milliards d’euros cumulés. À mon sens, l’AME doit dire non à la médecine de ville et en rester aux soins d’urgence à l’hôpital.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Avis défavorable. Si une population n’a plus accès aux soins de ville, elle se déporte vers les soins hospitaliers qui sont plus coûteux, ce qui entraîne immanquablement un surcoût budgétaire. Il s’agit d’ailleurs d’une des causes de l’augmentation des dépenses de l’AME pointée par tous les rapports.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Toutes les politiques menées avec plus ou moins de succès depuis de nombreuses années tentent de bâtir des parcours de soins qui ne font pas de l’accès à l’hôpital la démarche prioritaire. L’amendement de M. Tian n’est pas cohérent avec ces démarches. Avis défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen. Le vrai problème posé par l’AME, c’est le mauvais contrôle que les caisses primaires de Sécurité sociale exercent sur la médecine de ville. Il suffit de s’intéresser aux caisses primaires de départements particulièrement prolifiques en matière d’AME ou de consulter certaines ordonnances très significatives pour comprendre qu’une réforme très profonde doit être menée.

La médecine de ville coûte 23 euros par consultation. Peut-on faire quarante consultations par jour à 23 euros ? Est-ce possible ? Ne faut-il pas contrôler les médecins qui surfacturent ou regarder de près certaines ordonnances ? (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mme Catherine Lemorton, présidente de la commission des affaires sociales. Avec l’AME tout est contrôlé !

M. Claude Goasguen. L’aide médicale d’État paie mieux que la Sécurité sociale parce qu’elle relève d’un budget de l’État : voilà la vraie question. L’immigration n’est pas en cause, mais plutôt la mauvaise gestion d’un système.

(L'amendement n° 55 n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l'amendement n° 54.

M. Dominique Tian. Le contrôle de la condition de ressources prévue par la loi pour bénéficier de l’AME est aujourd’hui inefficace. Les chiffres des rapports annuels de performance indiquent que, lorsqu’un contrôle était réalisé, les taux de fausses déclarations de ressources étaient de 49,81 % en 2009 et de 44,42 % en 2010. Je souhaite seulement que l’administration fiscale opère des contrôles et enquête puisque le régime n’est que déclaratif.

Il y a eu les RMIstes anglais, ceux qui abusaient du système et qui font parfois la même chose avec le RSA. Tout cela est connu. Au final, personne n’a intérêt à avouer gagner de l’argent puisque tout est remboursé à la personne entrée illégalement sur le territoire national qui ne gagne rien. Pourquoi les gens seraient-ils assez bêtes pour avouer avoir un revenu ?

Je demande que l’administration fiscale fasse son travail et délivre un certificat de non-imposition aux personnes concernées.

Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Défavorable. Les avis d’imposition sont envoyés à la fin de l’été et concernent des revenus perçus l’année précédente ; on voit mal comment des personnes arrivées sur le territoire en fin d’année pourraient justifier de leur niveau de ressource.

Cet amendement soulève aussi de nombreux autres problèmes qu’il serait un peu nauséabond d’aborder.

M. Thierry Mariani. Nauséabond ?

M. Dominique Tian. Qu’est-ce que cela veut dire ?

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Comme l’a montré le rapporteur général, je ne crois pas que ce mode de régulation puisse être envisagé.

Au demeurant, monsieur Tian, vous vous occupez de ce sujet depuis deux ou trois années, période durant laquelle vous étiez dans la majorité ; si ni vos amis ni le gouvernement que vous souteniez n’ont accepté cette mesure, c’est probablement parce qu’ils avaient de bonnes raisons. Si j’invoque les mêmes raisons, je pense que vous le comprendrez.

(L’amendement n° 54 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Tian, pour soutenir l’amendement n° 53.

M. Dominique Tian. Cet amendement est encore plus intéressant, me semble-t-il, que les deux précédents.

La MECCS, alors présidée par M. Mallot – que nous regrettons chaque jour, même si nous le croisons encore souvent dans les couloirs –, avait conclu, suite à l’audition du directeur de la CNAM, que 25 % du budget de l’AME provenait de la surfacturation sans justification pratiquée par les hôpitaux publics. Ce constat a conduit Xavier Bertrand à prendre des mesures. En effet, il n’y a pas de raison qu’un étranger entré sur le territoire de manière irrégulière coûte, pour les mêmes soins, deux fois à deux fois et demie plus cher qu’un citoyen français. C’est pourquoi l’Assemblée avait voté des amendements pour y remédier.

Monsieur le ministre, pourquoi la TAA – dont vous êtes un spécialiste – et la PMSI qui sont pratiqués dans les hôpitaux publics pour les citoyens français ne le sont-ils pas également pour les personnes entrées illégalement sur le territoire national ? C’est une fraude gigantesque qui coûte 140 millions d’euros, comme l’a indiqué Claude Goasguen.

M. Claude Goasguen. 148 millions !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. La commission est défavorable à l’amendement.

M. Dominique Tian. Ça ne suffit pas, monsieur le rapporteur !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Monsieur le député, le Gouvernement est défavorable à l’adoption de votre amendement. Comment pourrais-je vous dire les choses sans que vous vous en formalisiez ? (Sourires.) La question n’est pas de savoir si le coût objectif est le coût retracé. Les hôpitaux – et l’ancien ministre de la santé est là, qui pourrait nous donner des explications – sont en déficit. Ils ne le sont pas parce que tel ou tel public se présente ; au vrai, si le public en question ne se présentait pas, ils le seraient davantage puisque celui-là leur rapporte quelque chose.

M. Claude Goasguen. C’est vrai !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je n’irai pas jusqu’à dire que le précédent ministre de la santé a trouvé par ce biais un moyen de subventionner de manière détournée les hôpitaux, mais on pourrait presque l’imaginer. (Sourires.) Quoi qu’il en soit, ce n’est pas de la fraude ; c’est une façon de doter les hôpitaux de crédits dont il faudrait de toute façon les doter.

M. Claude Goasguen. C’est ce que je dis depuis le début !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Si vous voulez que les soins délivrés soient davantage objectivés, d’accord. Mais n’appelez pas cela de la fraude.

M. Claude Goasguen. C’est de la mauvaise gestion.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Et si anomalie de gestion il y a, ce n’est pas la faute d’un public qui se rend à l’hôpital, c’est peut-être la faute de ceux qui ont géré le système hospitalier ces dernières années. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

(L’amendement n° 53 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Mes chers collègues, avant d’entamer la discussion de l’article 30, je vais suspendre la séance.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue le vendredi 20 juillet 2012 à quatre heures cinq, est reprise à quatre heures vingt.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Article 30

Mme la présidente. Plusieurs orateurs sont inscrits sur l’article 30.

La parole est à Mme Claudine Schmid.

Mme Claudine Schmid. Avant que nous ne nous exprimions sur les amendements, j’essaierai de cerner la problématique des Français de l’étranger en matière de scolarisation. Ces Français – des Français comme vous et moi, si j’ose dire – se trouvent hors de France pour des raisons familiales ou professionnelles, et je combattrai toujours l’idée reçue selon laquelle ce sont des privilégiés.

Lorsqu’ils se trouvent à l’étranger, nos compatriotes, en fonction de leur projet de vie et du niveau d’enseignement dans le pays d’accueil, scolarisent leurs enfants soit dans le système éducatif local, soit dans nos écoles. Mais certains n’ont pas le choix : ils doivent faire suivre à leurs enfants l’enseignement français, pour un motif de continuité. Encore faut-il en avoir les moyens financiers ! En effet, contrairement à ce que l’on pourrait croire, nos écoles françaises à l’étranger ne sont pas gratuites, alors qu’elles le sont en France sans conditions de ressources. Payer des frais de scolarité est pourtant contraire à l’égalité républicaine !

La mesure de prise en charge par l’État des frais de scolarité pour les classes de lycée, selon un principe que vous décriez aujourd’hui, mes chers collègues, était pourtant une promesse de campagne de François Mitterrand. Il vous est donc difficile d’affirmer qu’il s’agit d’un mauvais principe. Et ce n’est certainement pas vous, qui me contredirez si je vous dis que nos enfants sont une richesse pour la France, une richesse qu’elle ne peut pas se permettre de perdre.

Nous avions depuis longtemps constaté à l’étranger que des parents, à coût de scolarité égal, privilégiaient une scolarité anglo-saxonne pour leurs enfants, quitte à les détourner du système français.

M. Gérald Darmanin. Exactement !

Mme Claudine Schmid. Ainsi, ces enfants basculaient définitivement vers l’enseignement supérieur américain ou anglais. Je reste fondamentalement persuadée que cette situation est à déplorer car la France perd ainsi ses enfants, eux qui étaient préparés à travailler à l’étranger, pour notre export, pour nos marchés.

Mme la présidente. Il faut conclure, madame Schmid.

Mme Claudine Schmid. Pour terminer, je m’exprimerai sur la prise en charge par l’État. Il y a un mot que je n’entends ni ne lis nulle part, c’est l’adjectif « partiel ». En effet, la prise en charge des frais de scolarité par l’État est partielle, puisque plafonnée au coût de la scolarité qui était en vigueur en 2007. Il est donc faux d’affirmer que l’État prend en charge l’intégralité du coût de la scolarité – c’est même loin d’être le cas.

Je veux également souligner que je regrette l’absence parmi nous de Mme la ministre déléguée auprès du ministre des affaires étrangères, chargée des Français de l’étranger.

M. Gérald Darmanin. Tout à fait !

Mme Claudine Schmid. En plus de défendre la position du Gouvernement, elle aurait également pu nous dire pourquoi, le 3 juillet dernier, avant la déclaration de politique générale du Premier ministre, un télégramme diplomatique a été envoyé aux postes, afin d’annoncer que la mesure était prise…

Mme la présidente. C’est terminé, madame Schmid. Vous avez largement dépassé votre temps de parole.

La parole est à M. Pouria Amirshahi.

M. Pouria Amirshahi. Il me paraît nécessaire de mettre les choses au point au sujet de la gratuité – ou prétendue gratuité – des frais de scolarité pour les enfants des Français de l’étranger. En réalité, on assiste depuis des années, en particulier depuis 2007, à une injustice profonde : seuls 2 % des enfants potentiellement concernés bénéficient d’une prise en charge – qui plus est partielle, contrairement à ce qu’affirment certains de façon mensongère. De plus, l’intervention de l’État à partir de 2007 a eu pour effet d’exonérer les entreprises qui, jusqu’alors, assumaient pour leurs cadres expatriés la prise en charge des frais de scolarité des enfants, au même titre que les frais de déménagement, installation et logement.

M. Gérald Darmanin. Pas seulement pour les cadres !

M. Pouria Amirshahi. C’est donc sur les contribuables qu’a été transféré l’essentiel de la charge correspondant aux frais de scolarité, tandis que pour 98 % des familles concernées, en particulier celles dont les enfants fréquentent les écoles primaires et les collèges, on assistait à une hausse des frais d’inscription de l’ordre de 50 % – des frais qui, en Algérie, peuvent ainsi atteindre 550 euros par mois et par enfant.

Il n’y a pas une école privée en France qui agisse de la sorte. Pour notre part, nous condamnons fermement de telles pratiques, qui reviennent à une sélection par l’argent, et tenons à y mettre un terme. L’enjeu d’un changement de politique dans ce domaine est celui de la justice à l’école. L’ensemble des familles françaises à l’étranger, qui sont une chance pour la France, doivent avoir la possibilité d’accéder à l’école. Pour cela, les 37 millions d’euros jusqu’alors affectés à la mesure injuste que nous dénonçons doivent pouvoir bénéficier aux familles qui en ont besoin, qu’il s’agisse des familles des classes populaires ou de celles des classes moyennes, qui se trouvent étranglées financièrement.

La première chose à faire était de mettre fin à cette injustice. La deuxième doit consister à redéployer les sommes récupérées vers les bourses. Enfin, la troisième étape, que nous mettrons en œuvre durant la législature qui commence, consistera à créer un nouveau pacte éducatif, une nouvelle ambition éducative pour la France à l’étranger et les familles de Français à l’étranger qui, je le répète, sont une chance pour notre pays. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philip Cordery.

M. Philip Cordery. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’article 30 vise à supprimer la prise en charge des frais de scolarité des Français de l’étranger, dite PEC. Cette mesure, introduite par le gouvernement précédent, était une vaste mascarade : sous couvert d’une prétendue gratuité, la PEC ne concernait en réalité que 2 % des élèves français scolarisés à l’étranger, et elle a longtemps masqué une confiscation du budget de l’enseignement au profit de quelques-uns.

La prétendue gratuité n’étant appliquée qu’au lycée, il fallait déjà avoir les moyens de régler les frais de scolarité élevés de la maternelle à la troisième avant de pouvoir bénéficier de trois années de gratuité : on voit donc bien à qui cette mesure profitait.

Quelles ont été les vraies conséquences de la PEC ? L’augmentation drastique des frais de scolarité, le durcissement des critères d’attribution des bourses, donc un accès plus difficile à l’enseignement pour les classes moyennes. Il a bien fallu trouver des ressources ailleurs et, à l’image de l’ensemble de la politique du précédent gouvernement, on a pris à l’ensemble des familles pour en privilégier quelques-unes. D’un côté, une fausse gratuité pour 7 600 élèves, de l’autre, une augmentation des coûts pour les 290 000 autres : tel est le triste bilan de la PEC !

La suppression de ce dispositif est donc une question de justice. Comme l’a indiqué le Président de la République – et comme vous nous le confirmerez certainement, monsieur le ministre –, les familles concernées qui se trouveront en difficulté auront, bien évidemment, accès aux bourses sous conditions de ressources.

La grande majorité des Français que je rencontre, madame Schmid, soutiennent cette mesure de suppression visant à davantage de justice. Au cas où vous ne l’auriez pas remarqué, et certainement à l’encontre de vos attentes, les Français de l’étranger ont massivement élu des députés de l’actuelle majorité – huit sur onze – soutenant ainsi la mesure clairement annoncée durant la campagne électorale.

La suppression de la PEC permettra de garantir la pérennité du système et de mener une vaste réflexion sur la scolarité à l’étranger. Nous reverrons le système de bourses et développerons les partenariats avec les pays tiers, afin de créer des filières binationales et bilingues. Nous développerons le programme FLAM pour l’enseignement du français langue maternelle et l’accessibilité à tous de l’éducation française à l’étranger. Tel est le sens de l’article 30 et de l’amendement que nous présenterons dans quelques instants. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Leroy.

M. Arnaud Leroy. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur ce qui a déjà été dit – fort bien, au demeurant – par les deux collègues qui m’ont précédé. Pour ma part, je souhaite insister sur deux points, à commencer par l’état du réseau AEFE, qui nécessitera plus de 300 millions d’euros de travaux. Force est de constater, madame Schmid, que si l’on a beaucoup communiqué au cours des dix dernières années sur les projets à venir, très peu de travaux ont effectivement été réalisés.

Dans ma circonscription, les frais de scolarité ont explosé – 40 % d’augmentation pour le lycée de Lisbonne. Comment pouvez-vous justifier de telles situations ? J’en conviens, certaines familles ont réellement besoin d’être aidées, et les réunions auxquelles nous avons participé avec les équipes gouvernementales nous permettent de penser que le reliquat de la PEC sera effectivement basculé vers les bourses.

Le deuxième point sur lequel je veux insister est celui de la méthode. C’est la première fois que les élus des Français à l’étranger ont la possibilité de s’exprimer dans cet hémicycle en tant que députés, et j’en suis ravi.

Plusieurs députés du groupe UMP. Grâce à qui ?

M. Arnaud Leroy. Grâce à une idée de Ségolène Royal, reprise par Nicolas Sarkozy. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.)

M. Yves Jégo. Ne tombez pas dans le ridicule à plus de quatre heures du matin !

M. Arnaud Leroy. Il n’y a pas de ridicule dans cet hémicycle, il n’y a que la vérité.

Mme la présidente. Monsieur Leroy, ne vous laissez pas interrompre ! Il vous reste encore trente secondes.

M. Arnaud Leroy. Je dis simplement quelques vérités historiques. M. Mitterrand l’avait promis ; cela n’avait pas été mis en œuvre car on s’était rendu compte que c’était impossible à financer.

M. Carrez était parmi nous tout à l’heure. Or j’ai souvenir, car je lisais déjà les débats de l’Assemblée, qu’il s’était élevé plusieurs fois contre cette mesure.

L’UMP a instauré un plafonnement, c’est-à-dire qu’elle a limité la mesure ; elle a osé se présenter devant les Français lors des dernières élections en faisant campagne sur l’extension de la mesure, ce qui nous aurait coûté 700 millions.

M. Thierry Mariani. Mais non !

M. Arnaud Leroy. Je vous renvoie au très bon rapport de Christian Eckert, pages 357 à 367. Je vous invite aussi à présenter ce document à vos électeurs pour qu’ils se rendent compte de la situation.

Pour conclure, nous serons aux côtés des Français de l’étranger et nous nous assurerons que nos enfants continueront à aller dans les lycées français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Axelle Lemaire.

Mme Axelle Lemaire. Mes chers collègues, last but not least, je suis heureuse que ce débat important se termine par une question qui concerne nos concitoyens à l’étranger et qui nous donne aussi l’occasion de rappeler certains des principes qui guident notre action.

La suppression de la prise en charge des frais d’écolage dans les établissements éducatifs français à l’étranger est une mesure nécessaire. C’est aussi une bonne mesure, qui permet de concilier l’impératif de responsabilité budgétaire avec celui de justice sociale dans l’accès à l’éducation, car l’aspect égalitaire de cet accès ne doit pas s’arrêter à nos frontières.

Le dispositif annoncé en 2007 dans l’enthousiasme d’une campagne présidentielle pouvait apparaître comme généreux. Rendez-vous compte : la gratuité dans 238 établissements à l’étranger pour tous les lycéens et bientôt dans tous les cycles scolaires, et ce sans conditions de ressources !

Mais la réalité est tout autre. Elle nous démontre qu’en l’espèce le mieux est l’ennemi du bien. Dans un contexte budgétaire extrêmement contraint, la prise en charge a eu des effets contre-productifs et néfastes : elle a encouragé une inflation non contrôlable des coûts pour l’État, alors même que la demande de places dans les écoles explose dans certaines régions – j’en suis témoin à Londres, par exemple.

Elle a abouti également à une inflation tout aussi indécente des frais de scolarité dans toutes les autres classes : en terminale, en primaire et au collège, la scolarité est de plus en plus chère, avec une augmentation moyenne de 10 % par an. La conséquence directe en est une double exclusion : exclusion sociale pour certaines familles, avec un recul de la mixité, et exclusion des étrangers qui continuent, eux, de payer, alors qu’ils sont un élément clé de notre diplomatie douce, puisqu’ils participent d’une vision positive de la France à l’étranger et des liens qu’entretient la France avec d’autres pays.

Dans ces conditions, la suppression de la prise en charge est une mesure de bon sens, mais elle ne saurait se faire sans un pendant social. Je prends acte de l’engagement du Président de la République, qu’il a réitéré à Londres il y a quelques jours, selon lequel l’argent de la PEC sera réinvesti dans sa totalité dans le budget des bourses scolaires.

M. Gérald Darmanin. Ce n’est pas écrit dans le projet de loi !

Mme la présidente. Merci, ma chère collègue ! Vous avez largement excédé votre temps de parole.

Mme Axelle Lemaire. Je termine rapidement, madame la présidente.

La fin de la prise en charge, c’est aussi la fin d’un symbole et la fin d’un réflexe – celui qui consistait à promettre plus à quelques-uns seulement, au détriment de tous. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Je rappelle à tous les orateurs qu’ils disposent de deux minutes pour s’exprimer et pas davantage.

La parole est à Mme Corinne Narassiguin.

Mme Corinne Narassiguin. Le redressement dans la justice et la priorité à l’éducation valent aussi pour les Français établis hors de France.

La nécessaire réforme de l’enseignement français à l’étranger connaît donc sa première étape, avec la fin de la prise en charge sans conditions de ressources des frais de scolarité dans les classes de lycée des établissements privés d’enseignement français à l’étranger. Cette prise en charge n’était soutenue, au final, par aucun de ces établissements, ni même par les associations de parents d’élèves, tant la mesure était injuste : elle a entraîné de nombreux effets pervers, déjà très bien décrits par mes collègues.

Bien entendu, conformément aux engagements du président Hollande, le corollaire de cette suppression de la prise en charge est la revalorisation du système d’aide financière, cette fois-ci sous conditions de ressources, de façon à soutenir les familles qui en ont véritablement besoin dès la rentrée de 2012.

Nous aurons, dans les mois qui viennent, l’occasion de mettre en place une grande réforme de l’enseignement français à l’étranger. J’aurais souhaité pour ma part que l’on mette en œuvre cette réforme de façon globale à la rentrée 2013, notamment pour rendre les choses plus faciles aux familles qui se trouvent dans l’attente du résultat de nos débats.

Cependant, étant donné l’état budgétaire désastreux de la France, je comprends bien que le Gouvernement ait jugé prioritaire de pratiquer dès maintenant la chasse au gaspillage et d’appliquer le principe de dépenses publiques justes et efficaces. Il est donc normal que ce principe s’applique aussi au budget consacré aux Français de l’étranger. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Yves Le Borgn.

M. Pierre-Yves Le Borgn. Il y a 24 000 élèves boursiers dans les établissements scolaires français à l’étranger. Pour eux et pour leurs familles, les dernières années ont été particulièrement difficiles.

Les critères d’allocation ont été durcis pour les bourses sous le gouvernement Sarkozy-Fillon : pas de revalorisation du revenu maximum depuis deux ans et un durcissement important du coefficient K, qui permet de déterminer le montant de la bourse.

M. Thierry Mariani. Les bourses ont été doublées !

M. Pierre-Yves Le Borgn. Dans le même temps, en effet, une prétendue gratuité a été instaurée, sans conditions de ressources, dans les classes de terminale, de première et de seconde, touchant uniquement 7 200 élèves, comme l’a rappelé Philippe Cordery.

Pour financer cette gratuité, la participation de l’État au fonctionnement des établissements, à leurs investissements immobiliers et à la rémunération des enseignants a été considérablement limitée. Au même moment, une taxation de 6 % sur les frais de scolarité perçus par les établissements a été pratiquée.

À l’arrivée, qu’est-ce que cela signifie ? Une augmentation de 44 % en cinq ans des charges pesant sur les établissements, entièrement répercutée sur les frais de scolarité, c’est-à-dire sur les familles.

Mes chers collègues – en particulier de l’UMP –, voilà ce qu’est la prise en charge : c’est l’envolée incontrôlée et inconsidérée des frais de scolarité dans les petites classes et jusqu’à la troisième ; ce sont des bourses qui ne suivent plus l’augmentation des frais de scolarité ; c’est un élitisme social détestable dans les établissements scolaires de la République, à l’inverse même de la promesse républicaine.

Enfin, n’oublions pas, comme l’a rappelé Axelle Lemaire, que c’est aussi l’éviction de toutes les familles d’élèves étrangers des classes moyennes de nos établissements, lesquels pratiquent également la diplomatie d’influence, au cœur de la politique étrangère de notre pays.

Voilà pourquoi il faut supprimer la prise en charge. Voilà pourquoi nous nous reconnaissons dans la promesse du Président de la République, réitérée depuis son élection, tant à Rome à la fin du mois de juin que la semaine dernière à Londres. Oui, il faut des bourses à caractère social. Oui, il faut faire basculer le budget de la prise en charge vers les bourses à caractère social. C’est l’engagement du président Hollande ; c’est cet engagement que, dans la majorité présidentielle, nous soutenons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Je me réjouis à mon tour qu’ait lieu aujourd’hui le premier débat dans lequel les onze députés des Français établis hors de France peuvent s’exprimer.

Certains l’avaient promis ; Nicolas Sarkozy l’a réalisé. Je me souviens – et je tiens le document à la disposition de ceux qui auraient peu de mémoire – des propos d’un certain député de Corrèze, qui a fait depuis le chemin que l’on connaît, expliquant qu’il était totalement inutile que les Français de l’étranger soient représentés à l’Assemblée nationale. Je suis heureux que nous nous retrouvions sur ces bancs, mesdames et messieurs du Parti socialiste : c’est grâce à la droite que vous êtes là ! (Vives exclamations sur les bancs du groupe SRC et RRDP.)

M. Denys Robiliard, rapporteur pour avis. C’est grâce aux électeurs !

Mme la présidente. Mes chers collègues, seul M. Mariani a la parole.

M. Thierry Mariani. Si l’on avait suivi le vote de vos amis, il n’y aurait aucun siège pour les Français de l’étranger et vous ne seriez donc pas ici.

Quel est le bilan de Nicolas Sarkozy et de son gouvernement pendant cinq ans ? Oui, 7 200 élèves bénéficient d’une prise en charge dans les lycées. Trouvez-vous que ce soit inégalitaire ? Quelle bizarre conception ! Ce serait inégalitaire au motif que l’on ne tiendrait pas compte des ressources. Mais en France, est-ce que l’on en tient compte ? Est-ce qu’en France, quand on s’inscrit dans un lycée, on demande combien gagnent les parents ?

M. Pascal Popelin. En France, on ne paye pas pour s’inscrire au lycée !

M. Thierry Mariani. Grâce à nous, 7 200 élèves ont bénéficié de la gratuité. Dans sept semaines, ce sera la rentrée scolaire ; 7 200 familles découvrent que, d’un coup, elles vont devoir payer en septembre des sommes qui peuvent aller jusqu’à 12 000 euros. Je serais curieux, à cet égard, de connaître le coût de la scolarité au lycée français de New York.

Mme Corinne Narassiguin. C’est 25 000 dollars !

M. Thierry Mariani. Je ne sais pas comment vous expliquerez aux familles qu’elles devront payer en septembre.

Les bourses, de leur côté, ont-elles baissé ? Vous savez très bien que non. Elles ont augmenté de 80 %. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.) Oui, les bourses ont augmenté de 80 % sous Nicolas Sarkozy.

En conclusion, je souhaite adresser deux remarques au Gouvernement.

D’abord, bravo, car vous avez tenu parole. Pendant la campagne, vous aviez dit que vous supprimeriez la PEC. À ceux qui, à l’étranger, s’étonnent, j’ai envie de répondre qu’ils n’avaient qu’à participer au scrutin ou bien à ne pas voter pour vous. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

Mais tiendrez-vous parole jusqu’au bout ? Vous vous étiez engagés à ce que cette somme soit réaffectée aux bourses. Or, monsieur le ministre, je ne vois rien de tel. À la limite, je pourrais voter cette mesure si les 30 millions qui disparaissent d’un côté réapparaissaient de l’autre pour les bourses.

Enfin, peut-être allez-vous diminuer les frais de scolarité. J’ai entendu les députés socialistes dire qu’ils avaient augmenté et que la suppression de la PEC allait permettre de les faire baisser. Eh bien, j’attends quelques réponses de ce point de vue. Vous avez tenu parole, mais le ferez-vous jusqu’au bout ?

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements identiques, nos 3, 178, 214 et 373, tendant à la suppression de l’article 30.

La parole est à M. Thierry Mariani, pour soutenir l’amendement n° 3.

M. Thierry Mariani. La tradition veut que, après les prises de parole sur l’article, on ait un mot de réponse du rapporteur ou du Gouvernement. Comme cela n’a pas été le cas, je réitère mes questions.

En effet – mes collègues Alain Marsaud et Claudine Schmid pourraient en témoigner – les Français de l’étranger se sont sentis stigmatisés dans cette campagne.

Mme Corinne Narassiguin. Vous dites cela parce que vous n’êtes que trois !

M. Thierry Mariani. Or ce ne sont pas des privilégiés. Certes, quand on est le délégué d’une grande entreprise, il peut arriver que les frais de scolarité soient pris en charge. Mais quand on est simplement restaurateur ou quand on a choisi, pour des raisons personnelles, de passer une partie de sa vie à l’étranger, on n’a personne pour payer les 8 000 à 12 000 euros que cela représente.

Je voudrais donc rappeler la situation réelle de 90 % des expatriés, qui ne sont ni des exilés fiscaux, ni des privilégiés. C’est pour cela que nous avions mis en place la prise en charge que vous supprimez aujourd’hui.

Je réitère donc mon propos : monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, je vous fais grief d’avoir tenu parole. Certaines personnes m’ont envoyé des mails dans lesquels elles disent leur surprise que vous supprimiez la prise en charge dès la rentrée prochaine.

J’avoue que, si j’avais une seule suggestion à faire, je rejoindrais celle de ma collègue élue aux États-Unis : pourquoi n’attendez-vous pas un an ? Rendez-vous compte que certaines familles, actuellement en vacances, vont découvrir à la rentrée qu’elles vont devoir sortir 20 000 euros si elles ont deux enfants. On aurait vraiment pu attendre un an !

Mme Corinne Narassiguin. Nous allons les accompagner, ne vous inquiétez pas !

M. Thierry Mariani. Par ailleurs, ces sommes seront-elles, oui ou non, compensées par une augmentation des bourses ou par une baisse des frais d’inscription ?

Mme la présidente. La parole est à M. Alain Marsaud, pour soutenir l’amendement n° 178.

M. Alain Marsaud. Je crois pour ma part à un grand principe : celui du traitement égalitaire de tous les enfants scolarisés. C’est un grand principe républicain auquel, je le répète, je croyais jusqu’ici. Or vous êtes en train de faire la démonstration que je me suis trompé car vous le mettez à bas.

M. Christian Paul. Au contraire, nous rétablissons la justice !

M. Alain Marsaud. Nos compatriotes à l’étranger peuvent être des binationaux ou des enfants d’expatriés. Ce sont bien souvent les hasards de la vie qui les ont amenés à suivre un enseignement scolaire dans des établissements conventionnés à l’étranger – car c’est de cela qu’il s’agit.

Le précédent gouvernement a estimé, justement pour appliquer le grand principe républicain que j’évoquais, que les élèves, quels qu’ils soient, qu’ils vivent en métropole ou à l’étranger, ne devaient pas payer les frais de scolarité.

On a d’abord appliqué cette réforme au niveau du lycée, puis on a estimé que l’on aurait les moyens de le faire aussi dans les collèges. C’était l’un des engagements du candidat à la présidence de la République Nicolas Sarkozy.

Pour des raisons idéologiques, mais aussi parce que vous comprenez mal la situation, vous avez décidé de mettre fin à cette prise en charge et de la remplacer – cela reste pourtant flou – par un système de bourses.

Les services consulaires viennent d’annoncer aux familles la fin de la prise en charge. Je les remercie d’ailleurs d’avoir pris notre attache. Peut-être étaient-ils mieux informés que nous ? En tout cas, ils nous ont mis devant le fait accompli et les familles découvrent sur leur lieu de vacances qu’elles devront faire face à des dépenses imprévues.

Le système des bourses peut très bien fonctionner dans les pays où les revenus sont connus, aux États-Unis ou au Royaume-Uni, par exemple. Ce n’est pas le cas dans les 49 pays qui constituent ma circonscription. Le système des bourses donnera lieu à des arrangements et à des injustices.

Monsieur le ministre, vous avez parlé ce matin de la rémunération scandaleuse d’un joueur de football,…

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Indécente !

M. Alain Marsaud. …pourquoi ne pas consacrer les sommes qui reviendront à l’État au maintien de la PEC, au moins pour cette année ?

Mme la présidente. La parole est à Mme Claudine Schmid, pour soutenir l’amendement n° 214.

Mme Claudine Schmid. Supprimer la PEC aura des conséquences pour les familles. Il leur sera très difficile d’anticiper la fin de la prise en charge, moins de deux mois avant la rentrée dans l’hémisphère nord. Par ailleurs, les établissements ont déjà encaissé les frais d’inscription pour l’année scolaire 2012-2013, passant ainsi un contrat moral avec les familles. Cet article est déloyal.

Quelles sont les mesures d’accompagnement que vous évoquez ? Les avez-vous déjà arrêtées ? Pourquoi ne pas nous en communiquer le contenu ?

Vous n’ignorez pas que les budgets des établissements ont été votés sur la base du nombre d’élèves ayant payé les droits d’inscription. Aujourd’hui, les établissements n’ont plus aucune visibilité sur le nombre de ceux qui seront scolarisés à la rentrée.

Des familles françaises avaient choisi le système français au vu de cette prise en charge. Il est inconcevable de changer ainsi la donne. Depuis que l’information est connue, des parents ont pris la décision de retirer leurs enfants de notre enseignement. Les conséquences sont dramatiques pour les lycéens, puisqu’ils doivent changer de système ou partir en pension en France, à la veille de passer leur bac.

Chers collègues de la majorité, vous qui êtes toujours prompts au regroupement familial des étrangers, ne soyez pas à l’origine du dégroupement familial des Français de l’étranger ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP. – Vives exclamations sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

M. Jean-Michel Clément. Lamentable !

Mme Claudine Schmid. Une pétition, lancée sur internet, a déjà récolté plus d’un millier de signatures.

M. Pouria Amirshahi. Seulement 53 !

Mme Claudine Schmid. En adoptant cet amendement de suppression, vous mettrez en application le programme de François Hollande, qui voulait faire de l’éducation une priorité, et non pas réaliser des économies sur la scolarisation des jeunes Français.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérald Darmanin, pour soutenir l’amendement n° 373.

M. Gérald Darmanin. Benoît Hamon, ministre du Gouvernement, déclarait : « Le secrétariat d’État des Français à l’étranger est une opération de détournement des fonds publics à des fins électorales », ajoutant : « Les députés des Français de l’étranger seront des gadgets. » Vous pourrez apprécier ces propos et expliquer aux Français de l’étranger que c’est grâce à Nicolas Sarkozy que vous êtes sur ces bancs pour défendre leurs intérêts ! (Protestations sur les bancs du groupe SRC.)

Puisque les propos de mes collègues ont été plus que percutants, je me bornerai à dire qu’il y a dans votre rapport, monsieur le ministre, et la présentation qui en a été faite aux députés, un peu de mépris. La suppression de la PEC a été annoncée à l’occasion du bureau des Français de l’étranger, lors du bureau des bourses. Les familles ont été informées. Un télégramme diplomatique annonce déjà dans les postes, et donc dans les lycées, la suppression que nous n’avons pas encore votée. Monsieur le ministre – puisque le sujet ne semble pas suffisamment important pour justifier la présence de la ministre des Français de l’étranger ce soir –, pourriez-vous demander au Quai d’Orsay qu’il envoie ses instructions aux postes après que les parlementaires auront voté le projet de loi ?

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur les amendements de suppression ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Avis défavorable. Je tiens à vous rassurer : si la mesure est supprimée, les crédits seront conservés. Ils apparaissent dans l’action n° 2 du programme 151 « Français à l’étranger et étrangers en France ».

M. Gérald Darmanin. Pas pour les bourses !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

 M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. La PEC a été mise en œuvre en 2007. Il fut alors décidé que chaque année qui passerait verrait une année de scolarité supplémentaire prise en charge. Après trois ans, ceux-là mêmes qui avaient fait cette promesse ont mis fin au dispositif, s’arrêtant à la classe de seconde.

Je me rappelle que M. Mancel, rapporteur spécial, conjointement avec M. Féron, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, avait indiqué qu’un bilan serait fait et que la progression promise par le Président de la République serait, pour un an au moins, arrêtée. En réalité, elle a été stoppée définitivement. Vous avez rappelé les engagements tenus par le précédent Président de la République, et c’est à son honneur. Permettez-moi de vous indiquer ceux qui ne l’ont pas été.

Par ailleurs, cette prise en charge n’a pas été bloquée par un mouvement d’humeur ou par le fait du prince, mais en raison du coût et de son importance par rapport aux autres dépenses. Ainsi, la PEC, qui concerne moins de 10 % des élèves, consomme près de 25 % de la ligne. Cette inégalité dans l’aide apportée aux enfants de nos compatriotes de l’étranger est apparue à ce point difficile à assumer que les auteurs mêmes du système ont décidé d’y mettre fin. Il est temps désormais de tirer un trait sur ce dispositif. M. Mariani a indiqué avec amertume que cela n’était pas surprenant.

En revanche, une autre promesse sera tenue dans les jours qui viennent : les crédits resteront sur la ligne et pourront être utilisés grâce au mécanisme de fongibilité. Il n’y aura donc pas d’annulation de crédits. Je pense que ce sont ces propos que vous vouliez entendre, mesdames et messieurs les députés de l’étranger.

Avis défavorable aux amendements de suppression. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Permettez-moi, monsieur le ministre, de rectifier vos propos. Nicolas Sarkozy, lors de sa campagne de 2007, campagne dont j’étais le mandataire pour les Français de l’étranger, avait promis la gratuité pour les seuls lycées. Nous n’avons jamais dit que nous irions plus loin. Si vous possédez un document prouvant le contraire, je vous présenterai des excuses.

J’ai bien noté, avec une demi-satisfaction, que les crédits resteraient dans la mission. Mais la mission est large, comme le montre son intitulé. La somme sera-t-elle bien intégralement reportée sur les bourses ? Je serais alors le premier rassuré.

(Les amendements identiques nos 3, 178, 214 et 373 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Sur l’article 30, je suis saisie par le groupe UMP d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Je suis saisie de trois amendements, nos 400, 392 et 401, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les deux derniers sont identiques.

La parole est à M. Gérald Darmanin, pour présenter les amendements nos 400 et 392.

M. Gérald Darmanin. Il s’agit d’amendements de repli, qui visent à reporter la date d’application de cette décision.

Thierry Mariani a soulevé une question légitime, même sur les bancs du groupe SRC. Il faudrait que l’engagement du Gouvernement à conserver la totalité des crédits destinés à la PEC figure bien au compte rendu.

Il convient par ailleurs de repousser la date de mise en vigueur de la réforme, afin de ne pas l’imposer dès le 1er septembre aux Français de l’étranger, sans concertation et sans étude d’impact.

Mme la présidente. La parole est à Mme Claudine Schmid, pour soutenir l’amendement n° 401.

Mme Claudine Schmid. Il s’agit d’aider les familles en repoussant la mesure à la rentrée 2013.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Défavorable. La mesure proposée par le Gouvernement s’appliquera donc à la prochaine rentrée.

Monsieur Mariani, si la PEC est supprimée, les crédits sont maintenus au sein de la même mission et du même programme.

M. Thierry Mariani. Il n’est pas précisé qu’ils seront affectés aux bourses !

(L’amendement n° 400 n’est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 392 et 401 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Arnaud Leroy, pour soutenir l’amendement n° 215, qui fait l’objet d’un sous-amendement n° 549.

M. Arnaud Leroy. Pour vous rassurer, monsieur Darmanin, qui avez, comme moi, semble-t-il, bénéficié de bourses, et c’est un point sur lequel nous pourrions nous entendre, je vous invite simplement à regarder la deuxième partie de la phrase concernant le rapport demandé au Gouvernement : « et sur les ajustements à apporter aux bourses sur critères sociaux ».

C’est notre chantier, nous en avons parlé tout à l’heure. Nous devons revoir les critères, et j’espère pouvoir compter sur la collaboration de M. Mariani, de M. Marsaud et de Mme Schmid pour que nous puissions au mieux servir les intérêts des familles de Français qui en ont besoin.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir le sous-amendement n° 549.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Un rapport présenté au Parlement avant le dépôt du projet de loi de finances pour 2014 permettra d’adapter au mieux les crédits dont je viens d’indiquer qu’ils étaient maintenus. Je suis donc favorable à l’amendement, sous réserve de l’adoption du sous-amendement.

Monsieur Mariani, j’ai bien compris l’agacement que provoquent chez vous la suppression de la PEC et, le cas échéant, le nombre de députés de Français de l’étranger qui ne partagent pas toutes vos idées. Peut-être pourrais-je vous suggérer à ce moment du débat d’éviter les échauffements inutiles.

Je vous ai indiqué que la mesure était supprimée mais que les crédits étaient maintenus au sein de la mission et au sein du programme. Quant à ce qui se fera au sein du programme, vous avez vous-même demandé la concertation, et je suis persuadé que vous saurez les uns et les autres oublier vos divergences pour en discuter avec le ministre qui gère cette mission et ce programme, de façon que les crédits soient réutilisés au mieux sans qu’il y ait à aucun moment la moindre perte. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement et l’amendement ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Favorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Thierry Mariani.

M. Thierry Mariani. Je suis bien sûr favorable à ce qu’il y ait un rapport et à ce que les critères soient revus.

Je ne suis pas du tout énervé, monsieur le ministre, et je ne suis pas non plus déçu par les résultats : Vox populi, vox dei.

Cela dit, je ne suis pas comme vous un expert en finances publiques, ayant siégé à la commission des lois, mais je crois savoir de mes maigres connaissances, et je le dis à l’attention de mes nouveaux collègues, que ce n’est pas parce que des crédits sont maintenus dans une mission qu’ils sont maintenus dans la même affectation. J’aurais préféré que vous soyez très clair en annonçant que cette somme sera affectée aux bourses. Cela aurait rassuré tout le monde.

(Le sous-amendement n° 549 est adopté.)

(L’amendement n° 215, sous-amendé, est adopté.)

Mme la présidente. Je vais maintenant mettre aux voix l’article 30, tel qu’il a été amendé.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 114

Nombre de suffrages exprimés 114

Majorité absolue 58

(L’article 30, amendé, est adopté.)

(Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Après l’article 30

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement n° 329, portant article additionnel après l’article 30.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Il s’agit du report au 1er janvier 2013 de l’échéance de passage des universités au régime des responsabilités et compétences élargies. Il est proposé de reporter de quelques mois la date effective de la transition afin de faire coïncider cette opération avec l’année budgétaire et civile. C’est une mesure technique qui permettra d’effectuer la transition dans les meilleures conditions possibles.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Si c’est une mesure technique permettant de réaliser la transition dans les meilleures conditions possibles, le rapporteur général y est favorable. (Sourires.)

(L’amendement n° 329 est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué, pour soutenir l’amendement n° 540.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Cet amendement consiste à rétablir le taux plafond de la cotisation du CNFPT à 1 % dès le 1er janvier 2013.

La loi de finances rectificative de 2011 avait prévu l’abaissement du taux de la cotisation versée par les collectivités territoriales et leurs établissements publics de 1 à 0,9 % pour les exercices 2012 et 2013.

Lors de la table ronde de la grande conférence sociale consacrée à la fonction publique, les associations d’élus ont donné leur accord pour que le taux plafond soit ramené à 1 %. Dans le cadre du nouveau dialogue social que les pouvoirs publics ont instauré avec les partenaires sociaux, il est donc proposé au Parlement de remonter ce taux de 0,9 à 1 %.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Je me réjouis que le Gouvernement ait présenté cet amendement. J’aurais souhaité en présenter moi-même un de ce type, mais j’étais victime de l’article 40 puisque la mesure alourdit globalement une charge publique,…

M. Charles de Courson. De 100 millions !

M. Christian Eckert, rapporteur général. …et je ne pouvais pas trouver un gage puisqu’il ne s’agit pas du budget de l’État.

J’y suis évidemment très favorable, comme l’étaient toutes les associations d’élus et les organisations syndicales.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérald Darmanin.

M. Gérald Darmanin. Vous me permettrez de terminer par une note d’humour, monsieur le ministre. Comme M. Le Guen n’est pas là, j’aimerais bien entendre les explications que vous lui aviez demandé d’attendre avec patience.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. J’avais dit que je lui répondrais à six heures ! (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Hervé Mariton.

M. Hervé Mariton. Le rapporteur général a tout dit sur cet amendement. Les associations d’élus ont sans doute donné leur accord, mais c’est une charge significative.

M. Charles de Courson. Cent millions !

M. Hervé Mariton. C’est une charge pour les collectivités locales et donc, d’une manière ou d’une autre, pour les contribuables. De quelque manière que l’on prenne les choses, nous achevons ce débat sur une dépense supplémentaire, avec un risque d’impôt supplémentaire. Jusqu’au bout, le Gouvernement aura mis sa marque sur ce collectif.

(L’amendement n° 540 est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement n° 415.

Je vous annonce d’ores et déjà que je suis saisie par le groupe UDI d’une demande de scrutin public sur cet amendement.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

Vous avez la parole, monsieur de Courson, pour défendre l’amendement.

M. Charles de Courson. Les députés du groupe UDI appellent tous leurs collègues à ratifier au plus vite le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire signé le 2 mars dernier. En effet, l’appartenance à une union économique suppose des règles communes sans lesquelles elle ne peut fonctionner durablement. Ce traité est une avancée vers un fédéralisme européen indispensable pour sortir de la crise.

Cependant, il est regrettable que le Gouvernement ne soit pas disposé à aller vite dans cette ratification. Refusant tout d’abord de soutenir le vote de cette mesure avant l’élection présidentielle, le candidat François Hollande avait déclaré : « Il vaut mieux faire ça devant les Français après l’élection présidentielle. »

Il a ensuite conditionné la ratification par une renégociation du traité, qui n’a pas eu lieu puisque le traité soumis à ratification est exactement identique. Il y a eu d’autres négociations, notamment sur le volet dit de croissance.

Après l’avoir maintes fois annoncé, le Président de la République a enfin saisi le Conseil constitutionnel le 13 juillet dernier d’une demande d’avis. Le groupe UDI prend acte de cette saisine, tout en déplorant que cette étape intervienne aussi tard. Nous nous réjouissons cependant que le Gouvernement ait pris conscience de l’urgence à agir pour éviter d’apparaître comme l’un des pays qui ratifient le plus tardivement.

Toutefois, il est important de souligner que l’objet principal du traité, c’est le renforcement de la discipline budgétaire dans la zone euro, avec notamment l’adoption dans tous les pays de règles d’or sur l’équilibre des comptes publics. La ratification du traité doit donc se traduire par l’inscription de la règle d’or dans un texte de nature constitutionnelle. À ce titre, les déclarations du président François Hollande lors de son allocution du 14 juillet affirmant que, « quoi que dise le Conseil constitutionnel, la règle d’or ne figurera pas dans la Constitution » sont regrettables.

L’inscription d’une règle d’équilibre budgétaire dans la Constitution est fondamentale et répond à trois impératifs que notre gouvernement devrait s’engager à respecter : un impératif éthique, un impératif économique et un impératif politique.

Les députés du groupe UDI appellent donc tous leurs collègues à ratifier immédiatement le traité européen en adoptant l’amendement n° 415 et, plus largement, à inscrire la règle d’or dans notre Constitution.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Christian Eckert, rapporteur général. Il y en a qui veulent un référendum, d’autres qui veulent faire adopter un amendement à cinq heures douze du matin dans une loi de finances rectificative. Je pense que la voie choisie et largement publiée par le Président de la République sur ce thème est celle de la sagesse. En conséquence, je recommande le rejet de l’amendement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Défavorable, pour des raisons qui, j’en suis sûr, ne vous échapperont pas, et j’appelle la majorité à voter contre cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Si je comprends bien, les auteurs de cet amendement nous invitent à jouer à saute-mouton par-dessus la Constitution. Tout le monde sait que le Président de la République a saisi le Conseil constitutionnel le 13 juillet, en application de l’article 54 de la Constitution, et que le Conseil constitutionnel, en application de cet article, doit dire si des stipulations de ce traité sont ou non contraires à la Constitution et si donc la ratification doit être précédée d’une révision constitutionnelle.

Il est bien sûr déjà arrivé que des traités, notamment européens, ne soient pas soumis au Conseil constitutionnel et soient directement ratifiés par le Parlement. Cela n’a pas été le cas de Maastricht mais cela a été le cas de l’Acte unique, on peut d’ailleurs le regretter. Quoi qu’il en soit, dès lors que le Conseil constitutionnel est saisi, il n’est pas question que le Parlement se prononce sans attendre de savoir s’il n’y a pas des dispositions non constitutionnelles dans le traité.

L’amendement est étonnant car ce même Parlement doit être le dernier à méconnaître l’article 54 de la Constitution puisque l’objet de cet article est de préserver la souveraineté nationale et ses conditions d’exercice. Nous ne nous expliquons pas l’impatience extraordinaire que cela reflète puisque nous serons bientôt édifiés sur la nature constitutionnelle ou pas du traité.

On s’interroge donc sur la portée réelle de l’amendement. S’agit-il d’une sorte de manifestation d’euro-béatitude (Sourires.) qui saisit certains esprits si heureux de voir apparaître un nouveau traité européen qu’ils veulent s’en saisir immédiatement, avec gourmandise, en le parant du doux nom – doux à leurs oreilles – de fédéralisme ? Ou bien s’agit-il au contraire d’une manifestation d’euro-inquiétude, née du souvenir des aléas de la ratification du traité de Lisbonne ? Autrement dit, veut-on faire adopter ce nouveau traité à la sauvette pour que soient évités les aléas auxquels je viens de faire allusion ?

La chose, pour des raisons constitutionnelles, est heureusement impossible, mais si tel est le but recherché, je dirai ceci aux auteurs de l’amendement : la question de l’intégration du TSCG dans notre ordre interne est une question trop grave pour être traitée avec une pareille légèreté. Avec ou sans révision constitutionnelle, cette question demandera un débat sérieux, approfondi, qui révèle les véritables enjeux sans chercher à les masquer. Ainsi, même si le Parlement n’était pas tenu par les règles constitutionnelles, il se devrait de débattre de ce projet de traité. Lorsque le moment sera venu, j’espère qu’il s’honorera en prenant le temps de mener jusqu’au bout un débat qu’il doit au peuple français.

Mme la présidente. La parole est à M. Christian Jacob.

M. Christian Jacob. Nous sommes favorables à l’inscription de la règle d’or dans la Constitution, parce que c’est le seul moyen d’en vérifier l’application, à l’occasion d’un recours. C’est là un premier élément de bon sens. Vouloir que la règle d’or soit inscrite dans une loi organique ou une simple loi, cela signifie que l’on ne souhaite pas son application !

Plusieurs députés du groupe SRC. Pas du tout !

M. Christian Jacob. C’est pourquoi je ne comprends pas la position de nos collègues de l’UDI à ce sujet.

Je partage pleinement l’avis de Charles de Courson sur l’imprudence du Président de la République. Ce dernier annonce que la règle d’or ne figurera pas dans la Constitution alors qu’il a lui-même sollicité l’avis du Conseil constitutionnel. Il n’attend donc pas l’avis qu’il sollicite pour déclarer que, de toute façon, la règle d’or ne sera pas dans la Constitution ! Il sera à mon avis nécessaire, pour appliquer ce traité, de modifier la Constitution. Pour toutes ces raisons, nous nous opposons à cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu.

M. Nicolas Sansu. Je ne développerai pas d’arguments sur le fond ; cela a été fait par Alain Bocquet lors de notre récent débat sur la politique européenne. Vous savez que nous nous opposerons à un traité de l’austérité perpétuelle.

Vous rendez possible, monsieur de Courson, quelque chose de formidable : les socialistes vont pouvoir voter contre le traité aujourd’hui ! J’espère qu’ils réitéreront ce vote bientôt. (Sourires.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Vous avouerez que la vie politique est quand même extraordinaire ! Nous avons entendu notre excellente collègue socialiste critiquer avec des arguments très justes les propos du Président de la République.

M. Jean-Luc Laurent. Elle est membre du MRC !

M. Charles de Courson. Ce sont des cousins germains ! Elle a été élue sous le drapeau de l’actuel président.

Je vous répète, madame, si vous ne lisez pas la presse, que lors de son allocution du 14 juillet, le président a déclaré : « Quoi que dise le Conseil constitutionnel, la règle d’or ne figurera pas dans la Constitution. » (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe SRC.) N’applaudissez pas trop fort car, si l’avis du Conseil constitutionnel est qu’il faut l’inscrire dans la Constitution comme préalable, vous aurez bonne mine ! Notre amendement, si vous ne l’avez pas compris, a précisément pour objet de vous mettre devant vos contradictions.

Je trouve très légers les propos du rapporteur général et du ministre délégué, sur une affaire grave, sérieuse. Et ce n’est pas parce qu’il est cinq heures et quart du matin qu’on ne peut pas être sérieux et profond, d’autant plus que cet amendement est là depuis plusieurs heures : nous avions tout le temps d’en discuter.

Puisque le rapporteur général n’a fourni aucun élément d’information avant que nous votions, pourriez-vous, monsieur le ministre délégué, préciser le calendrier envisagé par le Gouvernement en vue d’une ratification rapide du traité ? Au rythme actuel, nous risquons d’être parmi les derniers. L’Allemagne a une excuse puisque la Cour constitutionnelle de Karlsruhe doit se prononcer le 12 septembre. Il conviendrait de montrer que nous croyons à ce traité !

Mme la présidente. Il faut conclure, cher collègue !

M. Charles de Courson. Quel est le calendrier de ratification du traité, monsieur le ministre ?

Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au scrutin public.

M. Charles de Courson. Pas de réponse !

Mme la présidente. Je mets aux voix l’amendement n° 415.

(Il est procédé au scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants 113

Nombre de suffrages exprimés 112

Majorité absolue 57

(L’amendement n° 415 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des articles du projet de loi de finances rectificative pour 2012. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR.)

Je mets aux voix l’ensemble de la seconde partie du projet de loi.

(L’ensemble de la seconde partie du projet de loi est adopté.)

Explications de vote

Mme la présidente. Dans les explications de vote, la parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe de l’Union pour un mouvement populaire.

M. Hervé Mariton. Au terme de ces heures et de ces journées de débat, je ferai quelques constats, certains avec lesquels nous étions entrés dans le débat, d’autres apparus au cours du débat.

Le premier constat, c’est celui de la très grande rigidité du Gouvernement et de la majorité. D’expérience, il y a eu peu de débats budgétaires où si peu d’amendements de l’opposition aient été votés.

M. Yann Galut. C’est normal !

M. Hervé Mariton. Un seul l’a été, un amendement que j’avais déposé, ambitieux, demandant au Gouvernement de nous rendre compte de l’évaluation des engagements de la France en soutien à la Grèce. Amendement d’autant plus utile que M. le ministre, avec honnêteté et modestie, a confessé, quand nous lui avons posé la question, qu’il ne pouvait nous répondre. Ce rapport viendra. Tel est le bilan en termes d’amendements.

M. Yves Jégo. Du jamais vu !

M. Hervé Mariton. Honnêtement, monsieur le ministre et chers collègues de la majorité, nous apprécierions un peu moins de rigidité de votre part, un autre ton, car celui dont nous avons été témoins a beaucoup de marge pour s’assouplir au fil de la législature.

Ensuite, deuxième constat, nos échanges ont confirmé l’injustice de votre collectif budgétaire, que j’avais dénoncée dès le début. Toute la logorrhée de la majorité consiste à accoler l’adjectif « juste » à chaque substantif.

M. Arnaud Leroy. C’est juste ! (Sourires.)

M. Hervé Mariton. Je vous remercie de confirmer mon propos !

Que ce soit la suppression des exonérations sur les heures supplémentaires…

Plusieurs députés du groupe SRC. C’est juste !

M. Hervé Mariton. …ou le caractère pittoresque, que le ministre a fini par reconnaître, du calcul de la contribution supplémentaire, le surcroît d’ISF, calcul qui fait que de plus petits patrimoines contribueront davantage que de plus gros – c’est dans le rapport général –, ces mesures sont injustes.

Le troisième constat, c’est celui de l’imprévoyance. Le débat l’a confirmé, car il n’y a aucune ambition structurelle dans ce collectif budgétaire.

Ce collectif est également inquiétant par ce qu’il laisse apercevoir de l’augmentation des contributions et impôts à venir. Je vous renvoie à notre débat sur l’augmentation de la CSG, fil directeur de toute une partie de nos échanges, à celui de ce matin sur l’évolution de l’ISF, à celui de cet après-midi sur le forfait social. Une bonne part des propos de la majorité a consisté à dire que le forfait social passait de 8 à 20 % mais qu’au fond, comparé à la fiscalité d’autres revenus, il y avait encore de la marge !

Plusieurs députés du groupe SRC. C’est juste !

M. Hervé Mariton. Rigidité, injustice, imprévoyance, et j’ajoute l’inquiétude que vous semez – auprès des députés de l’opposition, ce n’est pas très grave, mais auprès des Français, ça l’est beaucoup plus ! – : vous comprendrez que le groupe UMP votera contre ce collectif budgétaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes UMP et UDI.)

M. Jean-Luc Laurent. Ça, c’est juste !

Mme la présidente. La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe Union des démocrates et indépendants.

M. Charles de Courson. Je voudrais dire au Gouvernement, et à la partie de l’actuelle majorité qui le soutient encore (Rires et exclamations sur les bancs des groupes SRC, écologiste et GDR) que leur stratégie budgétaire est fondamentalement erronée. Comme les chiffres du Gouvernement l’ont montré, vous voulez, dans les deux ans qui viennent, sans réduire les dépenses, augmenter de 2,3 points les prélèvements obligatoires, c’est-à-dire de 46 milliards, dont nous n’avons vu dans la loi de finances rectificative que la première phase, à hauteur de 13 milliards.

L’exemple de la gestion des effectifs de la fonction publique de l’État est une parfaite illustration. Vous êtes en corner : vous serez contraints de choisir entre la reprise de la baisse des effectifs de la fonction publique de l’État et le pouvoir d’achat des fonctionnaires. Si vous ne modifiez pas votre position, qui consiste à maintenir les effectifs de la fonction publique, vous serez condamnés à baisser le pouvoir d’achat de ses agents.

M. Yves Jégo. Exact !

M. Charles de Courson. Par ailleurs, où sont les réductions de dépenses ? Vos projections montrent qu’il n’y en a aucune ; le poids de la dépense publique en France va même légèrement augmenter dans les deux ans à venir.

Ma deuxième remarque porte sur une injustice fondamentale, qui semble échapper à la fougue de jeunes parlementaires manquant parfois un peu de recul,…

M. Christian Eckert, rapporteur général. Un peu de respect !

M. Charles de Courson. …ce qui est normal. Il s’agit de l’annulation de la mesure de soutien au pouvoir d’achat de tous ceux qui font des heures supplémentaires, soit 9 millions de salariés, pour 5 milliards d’euros. C’est énorme !-

Ma troisième remarque porte sur votre archaïsme. Nous avons pu le constater dès l’article 1er sur la réforme du financement de la protection sociale. Il est normal que nous ayons des divergences, cela fait partie de la démocratie, mais quand un gouvernement et une majorité entendent supprimer la TVA pro-emploi (Rires et exclamations sur les bancs du groupe SRC) et augmenter constamment les charges des entreprises, on ne peut qu’aller vers une explosion du chômage.

M. Pascal Popelin. L’explosion, c’est déjà fait !

M. Charles de Courson. Vous serez dans un premier temps dans une attitude très politique, expliquant que les dirigeants d’entreprises n’aiment pas la gauche et que c’est pour cela qu’ils procèdent à des plans sociaux. C’est complètement faux : ce n’est pas leur problème, aux dirigeants d’entreprises ! Et vous serez acculés, dans les années qui viennent, à une hausse continue des charges.

Souvenez-vous de ce qui est arrivé à la gauche en 1981-1982, suite à une politique économique fondamentalement erronée. Souvenez-vous des mots du Premier ministre de l’époque, Pierre Mauroy : « On va tenir sur la crête du million », puis « des deux millions » ! Telles sont les dures réalités, mes chers collègues, et c’est pourquoi vous échouerez, hélas pour notre pays. Le groupe UDI votera contre ce collectif budgétaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI et UMP.)

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Sansu, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

M. Nicolas Sansu. Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, je tiens d’abord à vous dire le plaisir que j’ai eu à participer pour la première fois, à vos côtés, à l’examen d’un projet de loi de finances rectificative. J’ai beaucoup appris. Je suis un néophyte comme beaucoup d’entre nous, et je trouve que ce collectif budgétaire nous a permis, mes chers collègues, d’avoir tous les types de débat : le mardi soir était particulièrement vif, puis nous avons eu des discussions plus techniques. J’ai en tout cas beaucoup apprécié que nous ayons pu exprimer nos opinions en essayant de nous respecter les uns les autres.

Le groupe GDR votera bien entendu ce projet de loi de finances rectificative puisqu’il en a adopté tous les articles. Il faut être cohérent. Certaines dispositions nous semblent aller dans le bon sens.

Monsieur de Courson, je vais vous répondre et, puisque vous ne pourrez pas répliquer, c’est moi qui aurai le dernier mot, au moins pour cette fois. (Sourires.) L’archaïsme, ç’aurait été de continuer dans la même direction…

M. Lionel Tardy. C’est le communisme !

M. Nicolas Sansu. …malgré l’échec patent, depuis dix ans, de la majorité de droite. Il arrive un moment où il est urgent d’emprunter d’autres chemins, et je le souhaite. Je soutiens évidemment la suppression de la TVA antisociale, la remise à plat de régimes dérogatoires, la fiscalisation accrue de la rente ou les dispositifs anti-abus dans le domaine de la fraude et de l’évasion fiscale. Mais ce qui nous différencie de nos amis de la majorité de gauche, c’est que ce soutien ne purge pas tous les débats que nous devrons avoir sur le niveau de la dépense publique parce que, je le redis, la gauche ne doit pas être la championne de la diminution de la dépense publique,…

M. Hervé Mariton. Il y a de la marge !

M. Nicolas Sansu. …que nous devrons avoir aussi sur l’architecture fiscale et sur la politique de relance du pouvoir d’achat. Nous engagerons tous ces débats à l’automne, lors de l’examen du projet de loi de finances initiale mais aussi du TSCG, parce qu’il n’y aura pas deux types de débats différents : nous savons bien que le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance aura forcément des implications extrêmement fortes dans la loi de finances initiale. Mais le groupe GDR abordera ces discussions avec le même esprit de responsabilité et la même volonté de faire réussir le changement qu’aujourd’hui, soyez-en sûr, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Jacob. 7 milliards d’impôts en plus !

Mme la présidente. La parole est à M. Pierre-Alain Muet, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

M. Pierre-Alain Muet. Mes chers collègues, à quoi ressemblerait la rentrée si nous en restions aux orientations inscrites dans le projet de loi de finances voté par l’ancienne majorité ? Un prélèvement fiscal sans précédent de 10,6 milliards sur les ménages, soit 400 euros de moins pour les 28 millions de ménages français ; une école privée des moyens de faire réussir tous les élèves du fait de la politique absurde de la RGPP consistant à ne remplacer qu’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ; le maintien de cette arme de destruction massive de l’emploi qu’est la subvention des heures supplémentaires (Exclamations sur les bancs du groupe UMP), la France ayant été pendant cinq ans le seul pays à dépenser 5 milliards d’euros pour détruire des emplois quand tous les autres pays européens, eux aussi dans la crise, faisaient l’inverse en réduisant le temps de travail et en développant le chômage partiel ; le maintien de ce cadeau fiscal indécent que vous, la droite, avez voté il y a an, soit 2 milliards avec la division par deux de l’ISF.

Ce projet de loi de finances rectificative change absolument tout.

M. Christian Jacob. 7 milliards d’impôts en plus !

M. Pierre-Alain Muet. Il modifie complètement les priorités de la politique économique en donnant priorité à l’emploi, à l’école, à la justice fiscale.

M. Yves Jégo. Alice au pays des merveilles !

M. Pierre-Alain Muet. Ce texte est la première marche du redressement dans la justice qui fonde la politique de ce gouvernement et que le groupe SRC soutient en le votant. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

M. Christian Jacob. Où sont passés les Verts ?

M. Charles de Courson. Ils sont allés se coucher !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Je tiens d’abord à remercier l’ensemble des députés qui ont bien voulu contribuer au débat sur la première loi de finances de la nouvelle législature. Je renouvelle mes remerciements à celles et ceux de la majorité qui, depuis lundi, ont siégé sans désemparer,…

M. Christian Jacob. Nous aussi !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. …ont soutenu le Gouvernement, suivi ses recommandations de vote et exprimé les nouvelles ambitions et les nouvelles volontés de la nouvelle majorité que les Français ont décidé d’envoyer à l’Assemblée nationale.

Je tiens également à remercier les députés de la majorité passée pour leur contribution au débat. Je vais toutefois faire une remarque que certains parmi eux vont peut-être comprendre : il n’est pas de tradition qu’en loi de finances, on procède à de la flibuste parlementaire, à de l’obstruction. Ces cinq dernières années, soit comme responsable du groupe socialiste pour toutes les lois de finances, soit comme président de la commission des finances, j’ai pu constater que jamais l’opposition ne procédait à la moindre flibuste, à la moindre obstruction. Je peux en témoigner. Si certains en doutaient, j’en appelle au témoignage de ceux aux côtés de qui j’ai exercé ces responsabilités sans toujours partager, loin s’en faut, leurs idées. C’est tellement vrai que lorsqu’un nouveau règlement fut établi, on a explicitement exclu du temps programmé la discussion des lois de finances, car il n’est pas de tradition de soumettre le Parlement à cette pratique quand il s’agit de discuter du budget du pays. Mesdames, messieurs les députés de l’opposition, vous êtes manifestement satisfaits de ce que vous avez fait, vous avez le privilège de vous comporter comme vous le souhaitez, mais vous avez rompu avec une tradition que, pendant cinq ans, j’ai veillé à respecter scrupuleusement. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC. – Protestations sur les bancs du groupe UMP.)

Je devine dans vos protestations ce que j’espère être le début du commencement d’une gêne.

M. Christian Jacob. C’est indécent de se faire des compliments à soi-même ! Quel numéro d’autosatisfaction !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. En dépit de la flibuste, le débat a eu lieu et a permis de mettre en œuvre les éléments que le nouveau Président de la République a décidé d’impulser.

D’abord, il s’agit de respecter la parole de l’État, la parole que la France a donnée, en veillant à ce que le déficit public soit bien de 4,5 % à la fin de l’année en dépit d’une facture en partie dissimulée, d’une ardoise cachée, de recettes volontairement surestimées et de dépenses volontairement sous-estimées. Nous faisons suite à l’engagement pris en demandant aux Français un effort que nous voulons le plus juste possible car, même s’il est vrai que tous devront contribuer au redressement du pays, nous ne prétendrons pas, contrairement à ceux qui nous ont précédés, que nous n’augmenterons pas les impôts. Eux l’ont affirmé avec constance pendant pratiquement cinq ans alors même qu’ils ont au total, entre 2007 et 2012, augmenté les impôts de 30 milliards d’euros.

M. Christian Jacob. Vous, vous allez le faire en deux ans !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Cette politique nouvelle, au-delà du redressement dans la justice la plus aboutie, est apparue également à l’occasion de l’examen de ce projet de loi de finances rectificative, notamment à travers la priorité donnée à l’éducation nationale, et je remercie les députés qui l’ont à l’envi souligné.

Nous aurons d’autres échanges, mesdames et messieurs les députés. J’espère qu’ils se dérouleront dans un climat plus propice à ce qu’il est convenu d’appeler la sérénité des débats, laquelle cohabite assez mal avec l’obstruction systématique, la succession de plusieurs dizaines de parlementaires qui répètent la même chose, la répétition d’amendements rigoureusement identiques, la multiplication des incidents de séance. Je tiens à redire, que pendant cinq ans, de telles choses ne se sont jamais produites lors de l’examen d’une loi de finances. (Exclamations sur les bancs du groupe UMP.) Absolument jamais, monsieur Jacob, et je vous mets au défi de prouver le contraire.

Un député de l’opposition a estimé que les amendements étaient passés au forceps.

M. Christian Jacob. Plutôt au cirage !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. J’imagine que ce projet de loi aura peut-être ce qualificatif, mais il a fini par être voté, et au forceps ou pas, l’essentiel est qu’il le soit. C’est ce que les députés de la majorité doivent bien se rappeler : l’opposition a le privilège d’obstruer les débats, mais la majorité à le droit de faire prévaloir ce que les Français ont eux-mêmes fait prévaloir dans leur choix. Vous êtes majoritaires et vous voterez, si vous le voulez bien, les projets que le Président de la République et le Gouvernement vous proposeront. Nous travaillerons dans la plus parfaite des concertations avec vous et avec les commissions où vous siégez.

Je remercie le service de la séance. Les nuits ont été longues, celle-ci particulièrement. Je pense que tous les députés qui ont participé à nos débats s’associeront à moi pour remercier les fonctionnaires pour leur patience, leur disponibilité et leur compréhension afin que le travail parlementaire se fasse le mieux possible.

Je n’oublie pas bien sûr de remercier la commission des finances pour la qualité du travail accompli, son rapporteur général et son président. Ces remerciements traditionnels n’en sont pas moins sincères.

Un dernier remerciement à ceux d’entre vous qui vont voter ce projet de loi de finances rectificative et, conformément à la tradition et s’il vous reste des forces, je vous convie à la buvette pour boire le verre de l’amitié. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

Mme la présidente. Je remercie à mon tour les services et tous nos collègues. Mais avant d’aller à la buvette, il faut d’abord voter. (Sourires.)

Vote sur l’ensemble

Mme la présidente. Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi de finances rectificative pour 2012.

(Le projet de loi est adopté.)

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, mardi 24 juillet, à quinze heures :

Questions au Gouvernement ;

Élection des juges à la Cour de justice de la République ;

Projet de loi relatif au harcèlement sexuel.

La séance est levée.

(La séance est levée, le vendredi 20 juillet, à cinq heures quarante.)